{"title":"| OHADA, Cour commune de justice et d'arbitrage, 11 décembre 2008, 054/2008","content":"La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A.) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A.), Deuxième Chambre, a rendu l’arrêt suivant en son audience publique du 11 décembre 2008, où étaient présents :Messieurs Antoine Joachim OLIVEIRA, Président Doumssinrinmbaye BAHDJE, Juge Boubacar DICKO, Juge, rapporteurEt Maître MONBLE Jean Bosco, Greffier ;Sur le renvoi, en application de l’article 15 du Traité relatif à l’Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique, devant la Cour de céans de l’affaire ROCHE Jean Germain, ayant pour Conseil Maître Agnès OUANGUI, Avocat près la Cour d’Appel d’Abidjan, y demeurant 24, boulevard Clozel, immeuble SIPIM, 5ème étage, 01 BP 1306 Abidjan 01, contre Maître TIDOU SANOGO Ladji, Avocat, et Docteur DJOMAN EZAN Angèle, ayant tous deux pour Conseil Maître AYEPO Vincent, Avocat près la Cour d’Appel d’Abidjan, y demeurant boulevard Angoulvant, Résidence Neuilly, 20 BP 1300 Abidjan 20, par arrêt n° 513/02 du 13 juin 2002 de la Cour Suprême de Côte d’Ivoire saisie à la requête de Monsieur ROCHE Jean Germain, d’un exploit de « pourvoi en cassation comportant assignation à comparaîtredevant la Cour Suprême » en date du 07 novembre 2001,en cassation de l’arrêt n° 1118 rendu le 27 juillet 200 l par la Cour d’Appel d’Abidjan (3ème Chambre civile), et dont le dispositif est le suivant :« Statuant publiquement, contradictoirement en matière civile et en dernier ressort ;En la forme : Déclare Docteur DJOMAN Angèle et TIDOU SANOGO recevables en leur appel ;Au fond : Réforme l’ordonnance n° 3340 rendue le 14 juillet 1998 par la juridiction présidentielle du Tribunal de Première Instance d’Abidjan ; Condamne Maître TIDOU SANOGO et Docteur DJOMAN EZAN Angèle à payer respectivement à ROCHE Jean Germain, outre les charges, à titre de loyer mensuel, la somme de 191.986 francs et celle de 150.892 francs, et ce, à compter de la signification du présent arrêt ; Condamne les appelants aux dépens. » ;Le requérant invoque à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation en deux branches tel qu’il figure dans l’exploit de « pourvoi en cassation comportant assignation à comparaître devant la Cour Suprême » annexé au présent arrêt ;Sur le rapport de Monsieur le Juge Boubacar DICKO :Vu les dispositions des articles 13, 14 et 15 du Traité relatif à l’Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique ;Vu les dispositions du Règlement de Procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;Attendu qu’il ressort de l’examen des pièces du dossier de la procédure, que par lettre en date du 1er août 1994, Monsieur ROCHE Jean Germain, propriétaire de l’immeuble « ROCHE » sis à Treicheville - gare de Bassam, informait les locataires, occupant des locaux à usage commercial dans ledit immeuble, du réajustement du montant des charges locatives à concurrence de 10 % à compter du 1er octobre 1999 ; qu’il expliquait que cette réévaluation était rendue nécessaire du fait de l’augmentation des charges y afférentes, suite à la dévaluation du franc CFA ; que Maître TIDOU SANOGO Ladji, Avocat à la Cour, et Docteur DJOMAN EZAN Angèle, deux de ses locataires, manifestaient leur désaccord et disaient s’en tenir à « l’ancien loyer », alors que la mesure prise par le bailleur concernait au départ, les charges et non les loyers ; que suite à leur désapprobation, les susnommés assignaient le bailleur en référé, pour s’entendre ordonner qu’il soit sursis à la mesure d’augmentation de charge ou de loyer jusqu’à ce que la juridiction du fond compétente statue sur le bien-fondé de l’augmentation envisagée par le bailleur ; que le 04 avril 1995, le Juge des loyers, à qui la procédure avait été transmise d’accord parties, désignait, avant-dire droit, l’Expert KODJANE Théodore aux fins d’évaluation de la valeur locative des lieux loués et des charges réellement dues, lequel communiquait son rapport au greffe en janvier 1996 ; que Maître TIDOU SANOGO Ladji et Docteur DJOMAN EZAN Angèle ayant élevé des griefs à l’encontre de ce rapport, en ce qu’il n’aurait pas été fait dans les délais, qu’il n’aurait pas été régulièrement déposé au greffe et porté à la connaissance des parties et qu’il n’aurait été tenu compte de leurs pièces, le Juge des loyers rendait l’ordonnance de référé n° 294/96 en date du 20 juin 1996 écartant le rapport d’expertise de l’Expert KODJANE Théodore et ordonnait une contre-expertise aux mêmes fins ; que sur appel de Monsieur ROCHE Germain, la Courd’Appel d’Abidjan, par arrêt n° 334 du 11 mars 1997, infirmait l’ordonnance précitée et, statuant à nouveau, déclarait mal fondée la demande de contre-expertise présentée par Maître TIDOU SANOGO Ladji et Docteur DJOMAN EZAN Angèle ; que sur cette base, Monsieur ROCHE Jean Germain les assignait par exploit du 23 février 1998 par-devant le Juge des loyers, étant précisé que par conclusion après expertise du 20 mai 1996, ce dernier avait également sollicité l’augmentation des loyers ; que le Juge des loyers rendait l’ordonnance de référé n° 3340 du 14 juillet 1998, par laquelle il homologuait le rapport d’expertise initiale et condamnait Maître TIDOU SANOGO Ladji et Docteur DJOMAN EZAN Angèle à payer à Monsieur ROCHE Jean Germain, outre les charges, à titre de loyers respectifs, les sommes de 191.986 et 150.892 francs CFA, le tout (charges et loyers) à compter du 1er octobre 1994 ; que Maître TIDOU SANOGO Ladji et Docteur DJOMAN EZAN Angèle ayant entre-temps formé pourvoi à l’encontre de l’arrêt d’appel n° 334 en date du 11 mars 1997 qui avait rejeté leur demande de contre-expertise, la Cour Suprême de Côte d’Ivoire rejetait ledit pourvoi par arrêt du 05 novembre 1998 ; que par exploit en date du 25 avril 2001, Monsieur ROCHE Jean Germain leur faisait signification-commandement de l’ordonnance de référé n° 3340 du 14 juillet 1998, contre laquelle ils interjetaient appel en faisant valoir la nullité du rapport d’expertise du Cabinet KODJANE et la violation du principe du double degré de juridiction car, selon eux, les arriérés de loyers réclamés n’avaient fait l’objet d’aucune décision de première instance ; que Monsieur ROCHE Jean Germain leur opposait, d’une part, l’autorité de la chose jugée de l’arrêt de la Cour Suprême du 05 novembre 1998 confirmant l’arrêt d’appel n° 334 du 11 mars 1997 ayant écarté les motifs de nullité invoqués par Maître TIDOU SANOGO Ladji et Docteur DJOMAN EZAN Angèle, d’autre part, il précisait que l’ordonnance de référé n° 3340 du 14 juillet 1998 avait condamné les appelants au paiement des charges et des loyers à compter du 1er octobre 1994, et que cette ordonnance exécutoire par provision était revêtue de la formule exécutoire ; que par arrêt n° 1118 en date du 27 juillet 2001, la Cour d’Appel d’Abidjan rejetait le moyen des appelants tiré de la nullité du rapport d’expertise pour autorité de la chose jugée, homologuait ledit rapport et confirmait partiellement l’ordonnance de référé n° 3340 du 14 juillet 1998, en condamnant Maître TIDOU SANOGO Ladji et Docteur DJOMAN EZAN Angèle à payer respectivement à Monsieur ROCHE Jean Germain, outre les charges, à titre de loyer mensuel, la somme de 191.986 francs CFA et celle de 150.892 francs CFA, et ce, à compter de la signification dudit arrêt ; que c’est contre cet arrêt qu’est dirigé le présent pourvoi, en ce que la Cour d’Appel a jugé que les loyers courent à compter de la signification de sa décision ;Sur la deuxième branche du moyenAttendu que le requérant reproche à l’arrêt attaqué, d’avoir violé l’article 8 de la loi ivoirienne n° 77-995 du 18 décembre 1977 réglementant les rapports des bailleurs et des locataires des locaux d’habitation et à usage professionnel, en ce que sous l’empire de ladite loi, Maître TIDOU SANOGO Ladji et Docteur DJOMAN EZAN Angèle ont pris à bail, respectivement le 1er mai 1998 et le 1er janvier 1990, des locaux appartenant à Monsieur ROCHE Jean Germain, où ils exercent leur profession d’avocat et de chirurgien-dentiste ; que l’article 8 in fine de cette loi dispose, en ce qui concerne la révision du loyer par le juge et en cas de désaccord entre les parties, que « le prix judiciairement fixé est dû à compter du jour de l’assignation » ; que depuis le 1er janvier 1998, le bail de locaux à usage professionnel est régi par l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général, dont l’article 85 dispose en particulier qu’« à défaut d’accord entre les parties sur le nouveau montant du loyer, la juridiction compétente est saisie par la partie la plus diligente ... » ; que si ledit article prévoit la possibilité de la révision judiciaire du loyer, il demeure toutefois silencieux sur la date à partir de laquelle court le loyer fixé par le juge ; que cette lacune doit être suppléée parl’article 8 de la loi du 18 décembre 1977 précitée, ce, en application de l’article 10 du Traité institutif de l’OHADA, aux termes duquel « les Actes uniformes sont directement applicables et obligatoires dans les Etats parties, nonobstant toute disposition contraire de droit interne, antérieure ou postérieure » ; qu’en effet, l’article 8 de la loi du 18 décembre 1977 ne contrevenant à aucune disposition de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général, il est donc logique d’en conclure qu’il lui survit ; que dès lors, les loyers révisés, fixés par la Cour d’Appel, courent à compter de l’assignation ; qu’en les faisant courir à partir de la signification de son arrêt, la Cour d’Appel a violé l’article 8 de la loi du 18 décembre 1977 ; que sa décision doit par conséquent, être cassée de ce chef ;Attendu en effet, que depuis le 1er janvier 1998, date de son entrée en vigueur dans les Etats parties au Traité institutif de l’OHADA, l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général réglemente les rapports des bailleurs et des locataires des locaux à usage professionnel ; que si ledit Acte uniforme prévoit en son article 85 la possibilité de la révision judiciaire du loyer en prescrivant en particulier qu’« à défaut d’accord entre les parties sur le nouveau montant du loyer, la juridiction compétente est saisie par la partie la plus diligente … », il ne précise pas toutefois la date à partir de laquelle court le nouveau loyer fixé par le juge ; que pour la fixation de cette date, nécessaire à la solution du présent litige, il convient en l’occurrence, de se référer à la loi ivoirienne n° 77995 du 18 décembre 1977 réglementant les rapports des bailleurs et des locataires des locaux d’habitation et à usage professionnel, dont l’article 8 in fine dispose en ce qui concerne la date de départ du nouveau loyer fixé par le juge, qu’en cas de désaccord entre les parties sur ce point, « le prix judiciairement fixé est dû à compter de l’assignation » ; que ledit article de droit interne ne contrevenant à aucune disposition de l’Acte uniforme précité, en ce que celui-ci n’a pas prévu une telle spécification, il échet de conclure qu’il est applicable en l’espèce ; que dès lors, les loyers révisés, fixés par la Cour d’Appel, courent à compter de l’assignation et non à partir de la date de la signification de l’arrêt d’appel, ladite signification visant essentiellement, dans le cadre ultérieur de l’exécution forcée, à informer le débiteur de l’existence d’un titre exécutoire détenu contre lui par le créancier poursuivant ; qu’il suit qu’en statuant comme elle l’a fait, la Cour d’Appel a violé l’article 8, sus énoncé, de la loi ivoirienne n° 77995 du 18 décembre 1977 applicable en la cause ; qu’il échet par conséquent, de casser l’arrêt attaqué et d’évoquer, sans qu’il soit besoin de statuer sur la première branche du moyen ;Sur l’évocationAttendu que dans son exploit de « pourvoi en cassation comportant assignation à comparaître devant la Cour Suprême » en date du 07 novembre 2001, le requérant fait observer que par voie de conclusions après expertise en date du 20 mai 1996, il a sollicité du Juge des loyers, une augmentation des loyers de 170.000 à 191.986 francs CFA pour Maître TIDOU SANOGO Ladji, et de 135.000 à 150.892 francs CFA pour Docteur DJOMAN EZAN Angèle ; que c’est en statuant sur cette demande que le Juge des loyers a rendu l’ordonnance de référé n° 3340 en date du 14 juillet 1998, dont appel, faisant courir les loyers à compter du 1er octobre 1994, ordonnance partiellement réformée par la Cour d’Appel dans l’arrêt attaqué ; qu’il demande à la Cour de céans, de faire application de l’article 8 in fine, sus énoncé, de la loi ivoirienne n° 77995 du 18 décembre 1977, de dire et juger en conséquence, que les nouveaux loyers courent à compter de la demande, soit le 20 mai 1996, et de condamner les défendeurs aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Agnès OUANGUI, Avocat à la Cour, aux offres de droit ;Attendu que pour les mêmes motifs que ceux développés lors de l’examen du moyen de cassation retenu, il convient de confirmer l’ordonnance de référé n° 3340 en date du 14 juillet1998 rendue par le Président du Tribunal de Première Instance d’Abidjan, en ce qu’elle a condamné Maître TIDOU SANOGO Ladji et Docteur DJOMAN EZAN Angèle à payer au requérant, à titre de loyers, outre les charges, les sommes respectives de 191.986 et 150.892 francs CFA, de dire et juger en ce qui concerne la date de départ de ces nouveaux loyers, que ceux-ci courent à compter du 20 mai 1996, et de constater que les susnommés, sur les points précités, n’ont transmis à la Cour de céans, dans les délais impartis, aucune écriture nonobstant les courriers n° 101 et 102/2003/G5 en date du 19 mars 2003 de Monsieur le Greffier en chef de ladite Cour, à eux adressés à cet effet, qu’ils reçurent respectivement les 11 juin et 21 mars 2003 ;Attendu que Maître TIDOU SANOGO Ladji et Docteur DJOMAN EZAN Angèle ayant succombé, doivent être condamnés aux dépens ;PAR CES MOTIFSStatuant publiquement, après en avoir délibéré ;- Casse l’arrêt n° 1118 rendu le 27 juillet 2001 par la Cour d’Appel d’Abidjan ;- Confirme l’ordonnance de référé n° 3340 en date du 14 juillet 1998 rendue par le Président du Tribunal de Première Instance d’Abidjan, en ce qu’elle a condamné Maître TIDOU SANOGO Ladji et Docteur DJOMAN EZAN Angèle à payer au requérant, à titre de loyers, outre les charges, les sommes respectives de 191.986 et 150.892 francs CFA ; l’infirme en ce qui concerne la date de départ de ces nouveaux loyers ;- Constate que les susnommés, sur les points précités, n’ont produit et transmis à la Cour de céans, dans les délais impartis, aucune écriture nonobstant les courriers n° 10l/2003/G5 et 102/2003/G5 en date du 19 mars 2003 de Monsieur le Greffier en chef de ladite Cour, à eux adressés à cet effet, qu’ils ont respectivement reçus les 11 juin et 21 mars 2003 ;- Dit et juge, en ce qui concerne la date de départ des nouveaux loyers susmentionnés, que ceux-ci courent, conformément à la demande du requérant, à compter du 20 mai 1996 ;- Les condamne aux dépens.Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus, et ont signé :Le Président Le Greffier__________","details":"Analyses\nVIOLATION DE L'ARTICLE 8 DE LA LOI IVOIRIENNE N° 77-995 DU 18 DÉCEMBRE 1977 RÉGLEMENTANT LES RAPPORTS DES BAILLEURS ET DES LOCATAIRES DES LOCAUX D'HABITATION ET À USAGE PROFESSIONNEL : CASSATION\nRéférences :\nOhada.com/Unida\nOrigine de la décision\nPays :\nOHADA\nJuridiction :\nJuridiction :\nCour commune de justice et d'arbitrage\nDate de la décision :\n11/12/2008\nDate de l'import :\n26/04/2017\nNumérotation\nNuméro d'arrêt : 054/2008\nIdentifiant URN:LEX : urn:lex;ohada;cour.commune.justice.arbitrage;arret;2008-12-11;054.2008"} |