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SOC. CH9 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 8 février 2023 Cassation partielle M. SOMMER, président Arrêt n° 131 FS-B Pourvoi n° T 21-17.971 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 FÉVRIER 2023 La société TV5 Monde, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° T 21-17.971 contre l'arrêt rendu le 31 mars 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 3), dans le litige l'opposant à M. [J] [F], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Flores, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société TV5 Monde, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [F], et l'avis de M. Halem, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 14 décembre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, M. Flores, conseiller rapporteur, Mme Monge, conseiller doyen, Mme Cavrois, MM. Sornay, Rouchayrole, Mmes Lecaplain-Morel, Deltort, conseillers, Mmes Ala, Thomas-Davost, Techer, conseillers référendaires, M. Halem, avocat général référendaire, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 31 mars 2021), M. [F] a été engagé par la société TV5 Monde en qualité de réalisateur, suivant plusieurs contrats de travail à durée déterminée, à compter du 28 mai 2006. 2. Le 14 mars 2016, le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en requalification des contrats de travail en contrat à durée indéterminée et en paiement de diverse sommes. 3. Par lettre du 20 février 2020, l'employeur a informé le salarié de la fin de la relation de travail, à la suite d'incidents d'antenne survenus les 25 et 27 janvier 2019. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 4. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner au paiement d'une certaine somme au titre des primes dues du fait de la requalification, alors « que la requalification en contrat à durée indéterminée de contrats à durée déterminée d'un travailleur intermittent, qui lui confère rétroactivement le statut de travailleur permanent de l'entreprise, doit le replacer dans la situation qui aurait été la sienne s'il avait été recruté depuis l'origine dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée ; qu'il en résulte que le salarié ne peut prétendre qu'à la rémunération qu'il aurait perçue s'il avait été recruté depuis l'origine dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt qu'en tenant compte de l'ancienneté, des revalorisations et des compléments de salaires compris dans les accords et conventions d'entreprise applicables aux salariés permanents, le salarié aurait perçu un salaire annuel moyen de 30 898,34 euros bruts s'il avait été recruté depuis l'origine dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée et qu'il avait perçu en sa qualité d'intermittent un salaire moyen annuel brut de 55 733 euros ; qu'en condamnant la société TV5 Monde à lui verser la somme de 47 452,37 euros au titre des primes de sujétion, de fin d'année et d'ancienneté, lorsqu'il résultait de ses propres constatations que la rémunération qu'aurait perçue le salarié, primes de sujétion, de fin d'année et d'ancienneté comprises, en qualité de salarié permanent, était inférieure à celle qu'il avait effectivement perçue en qualité d'intermittent de sorte qu'il avait été rempli de ses droits, la cour d'appel a violé l'article L. 1245-1du code du travail dans sa rédaction applicable à l'espèce. » Réponse de la Cour 5. La requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée qui confère au salarié le statut de travailleur permanent de l'entreprise a pour effet de replacer ce dernier dans la situation qui aurait été la sienne s'il avait été recruté depuis l'origine dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée. Il en résulte que les sommes qui ont pu lui être versées en sa qualité « d'intermittent », destinées à compenser la situation dans laquelle il était placé du fait de son contrat à durée déterminée, lui restent acquises nonobstant une requalification ultérieure en contrat à durée indéterminée. 6. Après avoir prononcé la requalification de la relation contractuelle et exactement énoncé que le salarié devait être replacé dans la situation qui aurait été la sienne s'il avait été recruté dès l'origine dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée, la cour d'appel a décidé à bon droit qu'il pouvait prétendre à des rappels de primes d'ancienneté, de fin d'année et de sujétion, sans qu'il y ait lieu de tenir compte des sommes versées par l'employeur en exécution des divers contrats à durée déterminée au titre du salaire de base. 7. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur les troisième et quatrième moyens réunis Enoncé du moyen 8. Par son troisième moyen, l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner au paiement d'une certaine somme à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, alors « que l'article I/8.3 de l'accord d'entreprise TV 5 Monde du 28 décembre 2012 dispose que la rémunération prise en compte pour le calcul de l'indemnité de licenciement est, selon le calcul le plus avantageux, la moyenne des rémunérations brutes perçues au cours des 12 derniers mois ou celle des 3 derniers mois ; que la requalification en contrat à durée indéterminée de contrats à durée déterminée d'un travailleur intermittent, qui lui confère rétroactivement le statut de travailleur permanent de l'entreprise, doit le replacer dans la situation qui aurait été la sienne s'il avait été recruté depuis l'origine dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée ; qu'il en résulte que la rémunération de référence servant de base au calcul de l'indemnité de licenciement est celle que le salarié aurait perçue s'il avait été engagé dès l'origine en contrat à durée indéterminée ; que la cour d'appel, qui a calculé l'indemnité de licenciement sur la base du salaire moyen perçu par le salarié au titre de son statut d'intermittent, a violé les articles L. 1245-1, et I/8.3 de l'accord d'entreprise TV5 monde du 28 décembre 2012. » 9. Par son quatrième moyen, l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner au paiement d'une certaine somme à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « que le licenciement du salarié qui survient sans cause réelle et sérieuse ouvre droit à ce dernier qui compte 13 ans d'ancienneté dans l'entreprise à une indemnité comprise entre 3 et 11 mois et demi de salaires bruts ; que la requalification en contrat à durée indéterminée de contrats à durée déterminée d'un travailleur intermittent, qui lui confère rétroactivement le statut de travailleur permanent de l'entreprise, doit le replacer dans la situation qui aurait été la sienne s'il avait été recruté depuis l'origine dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée ; qu'il en résulte que le salaire de référence servant de base au calcul de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est celui que le salarié aurait perçu s'il avait été engagé dès l'origine en contrat à durée indéterminée ; que la cour d'appel, qui a calculé l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur la base du salaire moyen perçu par le salarié au titre de son statut d'intermittent, a violé les articles L. 1245-1, et L 1235-3 du code du travail dans leur rédaction applicable à l'espèce. » Réponse de la Cour 10. La requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée qui confère au salarié le statut de travailleur permanent de l'entreprise a pour effet de replacer ce dernier dans la situation qui aurait été la sienne s'il avait été recruté depuis l'origine dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée. Il en résulte que les sommes qui ont pu lui être versées en sa qualité « d'intermittent » destinées à compenser la situation dans laquelle il était placé du fait de son contrat à durée déterminée, lui restent acquises nonobstant une requalification ultérieure en contrat à durée indéterminée. 11. Selon l'article I/8.3 de l'accord d'entreprise TV5 Monde du 28 décembre 2012 la rémunération prise en compte pour le calcul de l'indemnité de licenciement est, selon le calcul le plus avantageux, la moyenne des rémunérations brutes perçues au cours des douze derniers mois ou celle des trois derniers mois. 12. Selon l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1397 du 22 septembre 2017, en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, et si l'une des parties refuse la réintégration du salarié, le juge octroie une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux exprimés en mois de salaire brut dans les tableaux prévus par ce texte. 13. La cour d'appel, qui, pour déterminer le montant des indemnités conventionnelle de licenciement et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, a pris en compte les sommes perçues par le salarié au titre du salaire de base brut « d'intermittent » qui lui étaient définitivement acquises, a fait l'exacte application des deux textes susvisés. 14. Le moyen n'est donc pas fondé. Mais sur le deuxième moyen Enoncé du moyen 15. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner au paiement d'une certaine somme à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents, alors « que l'indemnité compensatrice de préavis due au salarié est égale au montant des salaires qu'il aurait perçus s'il avait travaillé pendant la durée du préavis ; que la requalification en contrat à durée indéterminée de contrats à durée déterminée d'un travailleur intermittent, qui lui confère rétroactivement le statut de travailleur permanent de l'entreprise, doit le replacer dans la situation qui aurait été la sienne s'il avait été recruté depuis l'origine dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée ; qu'il en résulte que le salaire de référence servant de base au calcul de l'indemnité compensatrice de préavis est celui que le salarié aurait perçu s'il avait été engagé dès l'origine en contrat à durée indéterminée ; que la cour d'appel, qui a calculé l'indemnité compensatrice de préavis sur la base du salaire moyen perçu par le salarié au titre de son statut d'intermittent, a violé les articles L. 1245-1, L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 et I/8.6 de l'accord d'entreprise TV5 monde du 28 décembre 2012. » Réponse de la Cour Recevabilité du moyen 16. Le salarié conteste la recevabilité du moyen. Il soutient que celui-ci est contraire à la position défendue devant les juges du fond par l'employeur qui soutenait que les indemnités de rupture devaient être calculées sur la base des sommes perçues par le salarié et non sur la base du salaire résultant de la requalification en contrat de travail à durée indéterminée. 17. Cependant, la position défendue par l'employeur en cause d'appel selon laquelle l'indemnité de préavis ne pouvait pas être supérieure à 15 302,28 euros n'est ni contraire ni incompatible avec le moyen de cassation. 18. Le moyen est donc recevable. Bien-fondé du moyen Vu les articles L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail : 19. Selon ces textes, l'indemnité compensatrice de préavis due au salarié est égale au montant des salaires qu'il aurait perçus s'il avait travaillé pendant la durée du préavis. 20. La requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée qui confère au salarié le statut de travailleur permanent de l'entreprise a pour effet de replacer ce dernier dans la situation qui aurait été la sienne s'il avait été recruté depuis l'origine dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée. 21. Pour condamner l'employeur au paiement d'une certaine somme à titre d'indemnité compensatrice de préavis, l'arrêt retient que le salaire moyen perçu dans le cadre des contrats à durée déterminée est de 5 637 euros et qu'au vu des pièces versées aux débats et en application de l'accord d'entreprise TV5 Monde cette indemnité doit être fixée à 16 911 euros à laquelle s'ajoute 1 691 euros de congés payés. 22. En statuant ainsi, au regard des salaires perçus pendant l'exécution des contrats à durée déterminée, alors que, par l'effet de la requalification en contrat à durée indéterminée, l'indemnité de préavis devait être calculée au regard des sommes que le salarié aurait perçues en application du statut de travailleur permanent qui lui avait été reconnu, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 23. La cassation du chef de dispositif condamnant l'employeur au paiement de certaines sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents n'emporte pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celle-ci et non remises en cause. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société TV5 Monde à payer à M. [F] les sommes de 16 911 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et de 1 691 euros au titre des congés payés afférents, l'arrêt rendu le 31 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ; Condamne M. [F] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit février deux mille vingt-trois. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société TV5 Monde PREMIER MOYEN DE CASSATION La société TV5 Monde FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué de l'AVOIR condamnée à verser à M. [F] la somme de 48 124,78 euros au titre des primes dues du fait de la requalification ; ALORS QUE la requalification en contrat à durée indéterminée de contrats à durée déterminée d'un travailleur intermittent, qui lui confère rétroactivement le statut de travailleur permanent de l'entreprise, doit le replacer dans la situation qui aurait été la sienne s'il avait été recruté depuis l'origine dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée ; qu'il en résulte que le salarié ne peut prétendre qu'à la rémunération qu'il aurait perçue s'il avait été recruté depuis l'origine dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt qu'en tenant compte de l'ancienneté, des revalorisations et des compléments de salaires compris dans les accords et conventions d'entreprise applicables aux salariés permanents, M. [F] aurait perçu un salaire annuel moyen de 30 898,34 euros bruts s'il avait été recruté depuis l'origine dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée et qu'il avait perçu en sa qualité d'intermittent un salaire moyen annuel brut de 55 733 euros ; qu'en condamnant la société TV5 Monde à lui verser la somme de 47 452,37 euros au titre des primes de sujétion, de fin d'année et d'ancienneté, lorsqu'il résultait de ses propres constatations que la rémunération qu'aurait perçue M. [F], primes de sujétion, de fin d'année et d'ancienneté comprises, en qualité de salarié permanent, était inférieure à celle qu'il avait effectivement perçue en qualité d'intermittent de sorte qu'il avait été rempli de ses droits, la cour d'appel a violé l'article L. 1245-1du code du travail dans sa rédaction applicable à l'espèce. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION La société TV5 Monde FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué de l'AVOIR condamnée à verser à M. [F] les sommes de 16 911 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 1 691 euros au titre des congés payés y afférents ALORS QUE l'indemnité compensatrice de préavis due au salarié est égale au montant des salaires qu'il aurait perçus s'il avait travaillé pendant la durée du préavis ; que la requalification en contrat à durée indéterminée de contrats à durée déterminée d'un travailleur intermittent, qui lui confère rétroactivement le statut de travailleur permanent de l'entreprise, doit le replacer dans la situation qui aurait été la sienne s'il avait été recruté depuis l'origine dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée ; qu'il en résulte que le salaire de référence servant de base au calcul de l'indemnité compensatrice de préavis est celui que le salarié aurait perçu s'il avait été engagé dès l'origine en contrat à durée indéterminée ; que la cour d'appel, qui a calculé l'indemnité compensatrice de préavis sur la base du salaire moyen perçu par le salarié au titre de son statut d'intermittent, a violé les articles L. 1245-1, L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 et I/8.6 de l'accord d'entreprise TV5 monde du 28 décembre 2012. TROISIEME MOYEN DE CASSATION La société TV5 Monde FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué de l'AVOIR condamnée à verser à M. [F] la somme de 57 670 euros à titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement ALORS QUE l'article I/8.3 de l'accord d'entreprise TV5 Monde du 28 décembre 2012 dispose que la rémunération prise en compte pour le calcul de l'indemnité de licenciement est, selon le calcul le plus avantageux, la moyenne des rémunérations brutes perçues au cours des 12 derniers mois ou celle des 3 derniers mois ; que la requalification en contrat à durée indéterminée de contrats à durée déterminée d'un travailleur intermittent, qui lui confère rétroactivement le statut de travailleur permanent de l'entreprise, doit le replacer dans la situation qui aurait été la sienne s'il avait été recruté depuis l'origine dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée ; qu'il en résulte que la rémunération de référence servant de base au calcul de l'indemnité de licenciement est celle que le salarié aurait perçue s'il avait été engagé dès l'origine en contrat à durée indéterminée ; que la cour d'appel, qui a calculé l'indemnité de licenciement sur la base du salaire moyen perçu par le salarié au titre de son statut d'intermittent, a violé les articles L. 1245-1, et I/8.3 de l'accord d'entreprise TV5 monde du 28 décembre 2012. QUATRIEME MOYEN DE CASSATION La société TV5 Monde FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué de l'AVOIR condamnée à verser à M. [F] la somme de 39 549 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ALORS QUE le licenciement du salarié qui survient sans cause réelle et sérieuse ouvre droit à ce dernier qui compte 13 ans d'ancienneté dans l'entreprise à une indemnité comprise entre 3 et 11 mois et demi de salaires bruts ; que la requalification en contrat à durée indéterminée de contrats à durée déterminée d'un travailleur intermittent, qui lui confère rétroactivement le statut de travailleur permanent de l'entreprise, doit le replacer dans la situation qui aurait été la sienne s'il avait été recruté depuis l'origine dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée ; qu'il en résulte que le salaire de référence servant de base au calcul de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est celui que le salarié aurait perçu s'il avait été engagé dès l'origine en contrat à durée indéterminée ; que la cour d'appel, qui a calculé l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur la base du salaire moyen perçu par le salarié au titre de son statut d'intermittent, a violé les articles L. 1245-1, et L 1235-3 du code du travail dans leur rédaction applicable à l'espèce.
La requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée, qui confère au salarié le statut de travailleur permanent de l'entreprise a pour effet de replacer ce dernier dans la situation qui aurait été la sienne s'il avait été recruté depuis l'origine dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée. Il en résulte que les sommes qui ont pu lui être versées en sa qualité "d'intermittent", destinées à compenser la situation dans laquelle il était placé du fait de son contrat à durée déterminée, lui restent acquises, nonobstant une requalification ultérieure en contrat à durée indéterminée. Fait l'exacte application de la loi la cour d'appel qui , après avoir prononcé la requalification de la relation contractuelle en contrat de travail à durée indéterminée, décide que le salarié pouvait prétendre au paiement des rappels de primes d'ancienneté, de fin d'année et de sujétion, sans qu'il y ait lieu de tenir compte des sommes versées par l'employeur en exécution des divers contrats à durée déterminée au titre du salaire de base
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SOC. AF1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 8 février 2023 Cassation partielle M. SOMMER, président Arrêt n° 132 FS-B Pourvoi n° T 20-10.515 Aide juridictionnelle totale en défense au profit de M. [Z]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 2 juillet 2020. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 FÉVRIER 2023 1°/ La société France distrib, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], 2°/ la société Ekip', société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], prise en la personne de M. [U] [F], agissant en qualité de liquidateur de la société France distrib, ont formé le pourvoi n° T 20-10.515 contre l'arrêt rendu le 13 septembre 2019 par la cour d'appel de Toulouse (4e chambre, section 1), dans le litige les opposant à M. [B] [Z], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation. Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire, les observations de la SCP Krivine et Viaud, avocat de la société France distrib et de la société Ekip', ès qualités, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [Z], et l'avis de M. Halem, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 14 décembre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire rapporteur, Mme Monge, conseiller doyen, Mme Cavrois, MM. Sornay, Rouchayrole, Flores, Mmes Lecaplain-Morel, Deltort, conseillers, Mmes Ala, Techer, conseillers référendaires, M. Halem, avocat général référendaire, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 13 septembre 2019), M. [Z] a été engagé par la société France distrib (la société) en qualité de voyageur représentant placier (VRP) non exclusif à compter du 28 octobre 2014. 2. Le 9 juillet 2015, les parties ont signé une convention de rupture du contrat de travail. 3. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale, le 6 avril 2016, afin de solliciter la requalification de son contrat en un contrat de VRP exclusif à temps complet ainsi que le paiement de diverses sommes. 4. Par jugement du 2 février 2022, une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte à l'égard de la société et la société Ekip', désignée en qualité de liquidatrice, a régulièrement repris l'instance. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche Enoncé du moyen 5. L'employeur fait grief à l'arrêt de requalifier le contrat de travail de VRP non exclusif du salarié en contrat de travail de VRP exclusif et de le condamner à payer au salarié des sommes à titre de rappel de salaire sur la base du minimum garanti, de congés payés afférents et de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral, alors « que le voyageur représentant placier qui n'est pas lié à l'employeur par une clause d'exclusivité ne peut prétendre au statut de voyageur représentant placier exclusif et, en conséquence, au bénéfice de la ressource minimale forfaitaire prévue par l'article 5-1 de l'accord national interprofessionnel des voyageurs, représentants, placiers du 3 octobre 1975 ; qu'en énonçant que M. [Z] était '' soumis de fait'' par la société France Distrib à une clause d'exclusivité, et, en conséquence, qu'il pouvait prétendre à la requalification de son contrat de travail en contrat de voyageur représentant placier exclusif et au bénéfice de la ressource minimale forfaitaire prévue par l'article 5-1 de l'accord national interprofessionnel des voyageurs, représentants, placiers du 3 octobre 1975, après avoir pourtant relevé les stipulations de l'article 3 du contrat de travail, ''le VRP non exclusif est autorisé pendant toute la durée du contrat à commercialiser d'autres cartes que celles fournies par la Société France Distrib et/ou à exercer en complément, une activité entrant dans le champ d'application du statut professionnel'', exclusives de toute clause d'exclusivité, la cour d'appel a violé l'article L. 7313-6 du code du travail, ensemble l'article 5-1 de l'accord national interprofessionnel des voyageurs, représentants, placiers du 3 octobre 1975. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 7313-6 du code du travail et 5-1 de l'accord national interprofessionnel des voyageurs, représentants, placiers du 3 octobre 1975 : 6. Selon le premier de ces textes, le contrat de travail peut, pour sa durée, prévoir l'interdiction pour le voyageur, représentant ou placier, de représenter des entreprises ou des produits déterminés. 7. Selon le second, la fixation de la rémunération relève du libre accord des représentants de commerce et de leurs employeurs. Néanmoins, lorsqu'un représentant de commerce réalisant des ventes, au sens de la loi du 22 décembre 1972, est engagé à titre exclusif par un seul employeur, il aura droit, au titre de chaque trimestre d'emploi à plein temps, à une ressource minimale forfaitaire. 8. Il en résulte que seul le représentant engagé à titre exclusif par un seul employeur a droit à une ressource minimale forfaitaire. Le caractère exclusif de l'engagement du représentant s'apprécie au regard des dispositions contractuelles. 9. Pour requalifier le contrat de travail de VRP non exclusif du salarié en contrat de travail de VRP exclusif et condamner l'employeur à payer au salarié des sommes à titre de rappel de salaire sur la base du minimum garanti, l'arrêt retient qu'il se déduit des pièces produites par le salarié et de l'économie générale du contrat que le représentant devait consacrer tout son temps de travail à son activité pour le compte de son employeur et qu'il était dans l'impossibilité de travailler pour un autre employeur, et ce d'autant plus qu'il était chargé de véhiculer les autres VRP sur leur lieu de travail et de les ramener en fin de journée. Il était donc soumis de fait par son unique employeur à une clause d'exclusivité. 10. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le contrat de travail du salarié ne comportait pas de clause d'exclusivité et qu'en son article 3, il autorisait l'intéressé à travailler pour un autre employeur dès lors qu'il ne s'agissait pas d'une entreprise concurrente, ce dont il résultait que le salarié n'était pas soumis à une clause d'exclusivité et ne pouvait prétendre au bénéfice de la rémunération minimale forfaitaire, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il requalifie le contrat de travail de VRP non exclusif de M. [Z] en contrat de travail de VRP exclusif et condamne la société France distrib à lui payer les sommes de 2 505,46 euros à titre de rappel de salaire sur la base du minimum garanti, 918,91 euros pour les congés payés afférents et 1 000 euros de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral, et en ce qu'il condamne la société France distrib aux dépens ainsi qu'à payer à M. [Z] la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles, l'arrêt rendu le 13 septembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ; Condamne M. [Z] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit février deux mille vingt-trois. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Krivine et Viaud, avocats aux Conseils, pour les sociétés France distrib et Ekip', ès qualités PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, D'AVOIR requalifié le contrat de travail de voyageur représentant placier non exclusif de M. [Z] en contrat de travail de voyageur représentant placier exclusif et D'AVOIR condamné la société France Distrib à payer à M. [Z] les sommes de 2.505,46 € à titre de rappel de salaire sur la base du minimum garanti, 918,91 € pour les congés payés afférents et 1.000 € de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ; AUX MOTIFS QUE, sur la demande de requalification du contrat de travail de VRP non exclusif en contrat de travail de VRP exclusif et sur la demande de rappel de salaire minimum : l'article L. 7313-6 du Code du travail dispose : « le contrat de travail peut, pour sa durée, prévoir l'interdiction pour le voyageur, représentant ou placier, de représenter des entreprises ou des produits déterminés. Lorsque le contrat de travail ne prévoit pas cette interdiction, il comporte, à moins que les parties n'y renoncent par une stipulation expresse, la déclaration des entreprises ou des produits que le voyageur, le représentant ou placier représente déjà et l'engagement de ne pas prendre en cours de contrat de nouvelles représentations sans autorisation préalable de l'employeur » ; que l'article 5-1 de l'accord national interprofessionnel des voyageurs, représentants, placiers du 3 octobre 1975 dispose, dans sa rédaction applicable au litige : « 1° La fixation de la rémunération relève du libre accord des représentants de commerce et de leurs employeurs. 2° Néanmoins, lorsqu'un représentant de commerce réalisant des ventes, au sens de la loi du 22 décembre 1972, est engagé à titre exclusif par un seul employeur, il aura droit, au titre de chaque trimestre d'emploi à plein temps, à une ressource minimale forfaitaire. 3° Pour les 3 premiers mois d'emploi à plein temps, la ressource minimale forfaitaire ne pourra, déduction faite des frais professionnels, être inférieure à 390 fois le taux horaire du salaire minimum de croissance, le taux applicable étant celui en vigueur à la fin du dernier mois échu pris en compte à l'échéance. En cas de rupture au cours de ce premier trimestre, cette ressource minimale forfaitaire sera due selon les modalités suivantes : - 80 fois le taux horaire du salaire minimum de croissance aux représentants présents dans l'entreprise à l'issue du premier mois à plein temps ; - 220 fois le taux horaire du salaire minimum de croissance aux représentants présents dans l'entreprise à l'issue du deuxième mois d'emploi à plein temps ; - 390 fois le taux horaire du salaire minimum de croissance aux représentants présents dans l'entreprise à l'issue du troisième mois d'emploi à plein temps (...). 4° A partir du deuxième trimestre d'emploi à plein temps, la ressource minimale trimestrielle ne pourra être inférieure, déduction faite des frais professionnels, à 520 fois le taux horaire du salaire minimum de croissance, le taux applicable étant celui en vigueur à la fin du dernier mois échu pris en compte à chaque paiement. (...) » ; que M. [Z] a été embauché en qualité de VRP non exclusif. Il a été stipulé à l'article 3 du contrat : « le VRP non exclusif est autorisé pendant toute la durée du contrat à commercialiser d'autres cartes que celles fournies par la Société France Distrib et/ou à exercer en complément, une activité entrant dans le champ d'application du statut professionnel. En contrepartie, le VRP non exclusif s'engage à ne faire aucune prospection pour des entreprises susceptibles de concurrencer la Société France Distrib et la marque qu'elle commercialise. Tout manquement à cette obligation pourrait conduire la société à envisager la rupture du présent contrat » ; que M. [Z] soutient qu'il était en réalité à la disposition permanente de son employeur, que la charge de travail nécessitée par ses missions l'empêchait de pouvoir travailler au service d'un autre employeur et qu'il a donc en réalité été engagé en qualité de VRP exclusif, d'où la demande de requalification de son contrat en ce sens ; que la SARL France Distrib soutient au contraire que M. [Z] avait bien le statut de VRP non exclusif, n'était soumis à aucun horaire et organisait son temps de travail comme il le souhaitait, qu'il était expressément autorisé à exercer pour le compte d'autres employeurs, peu important qu'il ait fait le choix de ne pas prospecter pour d'autres structures ; que M. [Z] produit à l'appui de ses allégations les attestations établies par cinq autres salariés de la société : - M.[S] [T] indique : « durant ma période de travail pour l'entreprise France Distrib, du 05 février 2015 au 8 avril 2015, M. [Z] [B], Melle [R] [G], M. [Z] [M], Mme [K] [D] et moi-même, affirmons avoir eu comme horaires 9h00 - 20h00 du lundi au vendredi. Il était donc impossible de cumuler deux emplois et d'être VRP non exclusif multi cartes (...). J'atteste avoir été véhiculé durant toute la période de travail par M. [Z] » ; - Melle [G] [R] indique : « durant ma période de travail pour l'entreprise France Distrib, du 07 octobre 2014 au 19 août 2015, M. [T] [S], M. [C] [O], Melle [D] [K], Melle [V] [H], M. [Z] [M], M. [Z] [B] et moi-même, affirmons avoir eu comme horaires de 9h00 - 20h00 du lundi au vendredi. Il était donc impossible de cumuler un deuxième emploi. (...) J'ai été véhiculé par M. [Z] [B] du 1er décembre 2014 au 15 mai 2015 » ; - M. [O] [C] et Mme [K] [D] attestent de faits similaires, qu'il s'agisse des horaires de travail, de l'impossibilité pour eux de cumuler un deuxième emploi ou encore du fait qu'ils étaient véhiculés sur leur lieu de travail par M. [Z] ; Mme [D] précise que les salariés avaient une petite heure de pose vers 15 h 30 / 16 h 00 « histoire de manger », que les rendez-vous de travail étaient fixés dans un café le matin et que le chef [B] [Z] les véhiculait toute la journée ; M. [C] indique quant à lui que les salariés étaient amenés sur le lieu de travail en voiture par M. [X] [A] et également ramenés ; que la SARL France Distrib met en doute l'objectivité de ces attestations émanant d'autres VRP de la société qui eux aussi n'ont travaillé qu'un mois et demi ou deux mois pour le compte de la structure et ont saisi en même temps la juridiction prud'homale des mêmes chefs de demandes que M. [J] [lire « M. [Z]] ; que la cour constate sur ce point qu'il n'est pas justifié de saisines prud'homales autres que celles de M. [C], M. [J] et Mme [D] et que les faits relatés par M. [T] et Melle [R] dans leurs attestations ne sont pas réellement contestés par la SARL France Distrib, en particulier sur les points fondamentaux relatifs aux horaires de travail de 11 heures par jour cinq jours par semaine, à l'impossibilité de cumuler un deuxième emploi, et au fait que les salariés étaient véhiculés sur leurs lieux de travail par leur chef d'équipe, M. [Z] ; que la cour relève que la SARL France Distrib n'explique pas en quoi un chef d'équipe était nécessaire pour véhiculer des VRP non exclusifs sur leur lieu de prospection ; que ces éléments sont corroborés par l'article 6 du contrat de travail « volume d'affaires minimum » dont les exigences étaient d'une importance telle qu'elles nécessitaient à l'évidence un travail à temps complet pour le compte de l'employeur : « dans le cadre de ses fonctions, le VRP non exclusif s'engage à réaliser un volume d'affaires mensuel minimum de 80 contrats d'abonnement GDF SUEZ. Si au cours de trois mois consécutifs, le volume d'affaires mensuel cité ci-dessus n'est pas réalisé, la société France Distrib pourra valablement rompre le contrat du salarié » ; que, par ailleurs, si le fait que le contrat ne comporte pas la déclaration des entreprises ou des produits que le voyageur, le représentant ou placier représente déjà et l'engagement de ne pas prendre en cours de contrat de nouvelles représentations sans autorisation préalable de l'employeur, exigée par le second alinéa de l'article L. 7313-6 du Code du travail, n'emporte pas automatiquement requalification du contrat de VRP non exclusif en contrat de VRP exclusif, le non-respect de ces dispositions milite en faveur d'une telle requalification et ce d'autant plus qu'il n'est pas établi ni même allégué que M. [Z] aurait eu d'autres représentations avant ou pendant la relation contractuelle ; qu'il se déduit de l'ensemble de ces éléments et de l'économie générale du contrat telle qu'analysée ci-dessus, que M. [Z] devait consacrer tout son temps de travail à son activité pour le compte de la SARL France Distrib et qu'il était dans l'impossibilité de travailler pour un autre employeur, et ce d'autant plus qu'il était chargé de véhiculer les autres VRP sur leur lieu de travail et de les ramener en fin de journée ; qu'il était donc soumis de fait par la SARL France Distrib, son unique employeur, à une clause d'exclusivité ; que dans ces conditions, il convient d'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a rejeté la demande de requalification du contrat aux seuls motifs que le contrat de travail avait perduré dix mois sans que M. [Z] ne s'émeuve et qu'il n'avait pas contesté sa position de VRP non exclusif dans sa lettre de demande de rupture conventionnelle ; que le contrat de travail de Voyageur Représentant Placier non exclusif de M. [Z] doit être requalifié en contrat de travail de Voyageur Représentant Placier exclusif ; que M. [Z] peut donc prétendre au bénéfice de la rémunération minimale garantie nonobstant l'intitulé de son contrat et l'absence de clause d'exclusivité ; que cela étant, M. [Z] réclame le paiement de cette rémunération minimale sur une durée de 11 mois alors que la SARL France Distrib affirme qu'il a cessé de travailler à compter du 6 mai 2015 ; qu'au vu du listing des contrats conclus par le salarié et des bulletins de paie établis par l'employeur, il apparaît que M. [Z] a cessé toute activité pour le compte de la société au plus tard le 6 mai 2015 ; que la rupture de la relation contractuelle n'est intervenue que le 9 juillet 2015, mais il ne justifie pas avoir travaillé ni même être resté à la disposition de l'entreprise. Le salaire étant la contrepartie du travail, il ne peut prétendre à l'octroi de la rémunération minimale que pour la période effectivement travaillée, soit du 28 octobre 2014 au 6 mai 2015 ; qu'en application de l'article 5-1 susvisé, compte tenu de la durée de sa présence dans l'entreprise et du taux horaire du SMIC applicable, M. [Z] avait droit à une rémunération minimale de 9189,10 € dont doivent être déduites les commissions perçues pendant cette période pour un montant de 6683,64 €, la SARL France Distrib ne justifiant pas lui avoir réglé des commissions pour un montant total de 9231,44 € , soit une rémunération restant due de 2505,46 €, outre 918,91 € au titre des congés payés y afférents ; que sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral : M. [Z] expose que le comportement de la SARL France Distrib lui a causé un réel préjudice et que la rupture conventionnelle est uniquement motivée par les manquements de l'employeur, et que les documents de fin de contrat définitifs ne lui ont été envoyés que plus d'un mois après la rupture ; que la cour constate que le comportement de l'employeur qui a fait contracter au salarié un contrat de VRP non exclusif alors que les conditions d'exercice effectives de cette activité exigeaient la signature d'un contrat de VRP exclusif, a rapidement conduit M. [Z] à mettre fin aux relations contractuelles ; que sans qu'il soit utile de statuer sur les autres manquements reprochés à l'employeur, il convient de juger que M. [Z] a ainsi subi un préjudice moral justifiant l'allocation de la somme de 1000 € à titre de dommages et intérêts ; 1. ALORS QUE le voyageur représentant placier qui n'est pas lié à l'employeur par une clause d'exclusivité ne peut prétendre au statut de voyageur représentant placier exclusif et, en conséquence, au bénéfice de la ressource minimale forfaitaire prévue par l'article 5-1 de l'accord national interprofessionnel des voyageurs, représentants, placiers du 3 octobre 1975 ; que, pour dire que M. [Z] était « soumis » de fait par la société France Distrib à une clause d'exclusivité (arrêt, p. 6, dernier §) et, en conséquence, qu'il pouvait prétendre à la requalification de son contrat de travail en contrat de voyageur représentant placier exclusif et au bénéfice de la ressource minimale forfaitaire prévue par l'article 5-1 de l'accord national interprofessionnel des voyageurs, représentants, placiers du 3 octobre 1975, la cour d'appel a déduit des attestations de MM. [T], [C] et de celles de Mmes [R] et [D], ainsi que de l'article 6 du contrat de travail intitulé « volume d'affaires minimum », de l'absence de mention dans le contrat de travail de la mention exigée au second alinéa de l'article L. 7313-6 du code du travail et de l'absence de preuve que M. [Z] aurait eu d'autres représentations avant ou pendant la relation contractuelle, le fait que celui-ci « devait consacrer tout son temps de travail à son activité pour le compte de la SARL France Distrib et qu'il était dans l'impossibilité de travailler pour un autre employeur, d'autant plus qu'il était chargé de véhiculer les autres VRP sur leur lieu de travail et de les ramener en fin de journée » ; qu'en statuant par de tels motifs inopérants, pour être tirés des conditions effectives d'exécution de la prestation de travail du salarié, la cour d'appel a violé l'article L. 7313-6 du code du travail, ensemble l'article 5-1 de l'accord national interprofessionnel des voyageurs, représentants, placiers du 3 octobre 1975 ; 2. ALORS QUE le voyageur représentant placier qui n'est pas lié à l'employeur par une clause d'exclusivité ne peut prétendre au statut de voyageur représentant placier exclusif et, en conséquence, au bénéfice de la ressource minimale forfaitaire prévue par l'article 5-1 de l'accord national interprofessionnel des voyageurs, représentants, placiers du 3 octobre 1975 ; qu'en énonçant que M. [Z] était « soumis de fait » par la société France Distrib à une clause d'exclusivité (arrêt, p. 7, § 3), et, en conséquence, qu'il pouvait prétendre à la requalification de son contrat de travail en contrat de voyageur représentant placier exclusif et au bénéfice de la ressource minimale forfaitaire prévue par l'article 5-1 de l'accord national interprofessionnel des voyageurs, représentants, placiers du 3 octobre 1975, après avoir pourtant relevé les stipulations de l'article 3 du contrat de travail, « le VRP non exclusif est autorisé pendant toute la durée du contrat à commercialiser d'autres cartes que celles fournies par la Société France Distrib et/ou à exercer en complément, une activité entrant dans le champ d'application du statut professionnel », exclusives de toute clause d'exclusivité, la cour d'appel a violé l'article L. 7313-6 du code du travail, ensemble l'article 5-1 de l'accord national interprofessionnel des voyageurs, représentants, placiers du 3 octobre 1975 ; 3. ET ALORS QUE la clause d'exclusivité s'entend de la stipulation par laquelle un salarié s'engage à consacrer l'exclusivité de son activité à un employeur et porte atteinte à la liberté du travail ; qu'il en résulte que la clause par laquelle le salarié s'engage sur un volume d'affaires minimum, qui n'implique pas en soi un engagement exclusif portant atteinte à la liberté du travail de l'intéressé, ne constitue pas, nonobstant son importance nécessitant un travail à temps complet, une clause d'exclusivité ; qu'à supposer que la cour d'appel ait estimé que « l'article 6 du contrat de travail « volume d'affaires minimum » dont les exigences étaient d'une importance telle qu'elles nécessitaient à l'évidence un travail à temps complet pour le compte de l'employeur » (arrêt, p. 7, § 1) caractérisait une clause d'exclusivité, en statuant de la sorte, elle a violé L. 7313-6 du code du travail, ensemble l'article 5-1 de l'accord national interprofessionnel des voyageurs, représentants, placiers du 3 octobre 1975. SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire) Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, D'AVOIR condamné la société France Distrib à payer à M. [Z] les sommes de 2.505,46 € à titre de rappel de salaire sur la base du minimum garanti, 918,91 € pour les congés payés afférents et 1.000 € de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ; AUX MOTIFS QUE M. [Z] peut donc prétendre au bénéfice de la rémunération minimale garantie nonobstant l'intitulé de son contrat et l'absence de clause d'exclusivité ; que cela étant, M. [Z] réclame le paiement de cette rémunération minimale sur une durée de 11 mois alors que la SARL France Distrib affirme qu'il a cessé de travailler à compter du 6 mai 2015 ; qu'au vu du listing des contrats conclus par le salarié et des bulletins de paie établis par l'employeur, il apparaît que M. [Z] a cessé toute activité pour le compte de la société au plus tard le 6 mai 2015 ; que la rupture de la relation contractuelle n'est intervenue que le 9 juillet 2015, mais il ne justifie pas avoir travaillé ni même être resté à la disposition de l'entreprise. Le salaire étant la contrepartie du travail, il ne peut prétendre à l'octroi de la rémunération minimale que pour la période effectivement travaillée, soit du 28 octobre 2014 au 6 mai 2015 ; qu'en application de l'article 5-1 susvisé, compte tenu de la durée de sa présence dans l'entreprise et du taux horaire du SMIC applicable, M. [Z] avait droit à une rémunération minimale de 9189,10 € dont doivent être déduites les commissions perçues pendant cette période pour un montant de 6683,64 €, la SARL France Distrib ne justifiant pas lui avoir réglé des commissions pour un montant total de 9231,44 € , soit une rémunération restant due de 2505,46 €, outre 918,91 € au titre des congés payés y afférents ; que sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral : M. [Z] expose que le comportement de la SARL France Distrib lui a causé un réel préjudice et que la rupture conventionnelle est uniquement motivée par les manquements de l'employeur, et que les documents de fin de contrat définitifs ne lui ont été envoyés que plus d'un mois après la rupture ; que la cour constate que le comportement de l'employeur qui a fait contracter au salarié un contrat de VRP non exclusif alors que les conditions d'exercice effectives de cette activité exigeaient la signature d'un contrat de VRP exclusif, a rapidement conduit M. [Z] à mettre fin aux relations contractuelles ; que sans qu'il soit utile de statuer sur les autres manquements reprochés à l'employeur, il convient de juger que M. [Z] a ainsi subi un préjudice moral justifiant l'allocation de la somme de 1000 € à titre de dommages et intérêts ; ALORS QUE, pour condamner la société France Distrib à payer à M. [Z] les sommes de 2.505,46 € à titre de rappel de salaire sur la base du minimum garanti, 918,91 € pour les congés payés afférents et 1.000 € de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral, la cour d'appel a retenu que « compte tenu de la durée de sa présence dans l'entreprise et du taux horaire du SMIC applicable, M. [Z] avait droit à une rémunération minimale de 9189,10 € » ; qu'en se déterminant de la sorte, sans préciser les modalités de calcul de la ressource minimale forfaitaire versée au salarié, cependant que les calculs appliqués par l'employeur, d'une part, par le salarié, d'autre part, aboutissaient à des résultats qui différaient tous deux de ce montant, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a violé l'article 455 du code de procédure civile.
Selon l'article L. 7313-6 du code du travail, le contrat de travail peut, pour sa durée, prévoir l'interdiction pour le voyageur, représentant ou placier, de représenter des entreprises ou des produits déterminés. Selon l'article 5-1 de l'accord national interprofessionnel des voyageurs, représentants, placiers du 3 octobre 1975, la fixation de la rémunération relève du libre accord des représentants de commerce et de leurs employeurs. Néanmoins, lorsqu'un représentant de commerce réalisant des ventes, au sens de la loi du 22 décembre 1972, est engagé à titre exclusif par un seul employeur, il aura droit, au titre de chaque trimestre d'emploi à plein temps, à une ressource minimale forfaitaire. Il en résulte que seul le représentant engagé à titre exclusif par un seul employeur a droit à une ressource minimale forfaitaire. Le caractère exclusif de l'engagement du représentant s'apprécie au regard des dispositions contractuelles. Doit être censurée la cour d'appel qui requalifie le contrat de travail de VRP non exclusif en contrat de VRP exclusif, alors qu'elle avait constaté que le contrat de travail du salarié ne comportait pas de clause d'exclusivité et qu'en son article 3, il autorisait l'intéressé à travailler pour un autre employeur dès lors qu'il ne s'agissait pas d'une entreprise concurrente, ce dont il résultait que le salarié n'était pas soumis à une clause d'exclusivité.
8,602
SOC. AF1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 8 février 2023 Rejet M. SOMMER, président Arrêt n° 133 FS-B Pourvoi n° H 20-23.661 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 FÉVRIER 2023 1°/ La société Groupe Média plus communication, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4], 2°/ la société Groupe des éditions municipales de France, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 3], 3°/ la société Infocom-édition, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], ont formé le pourvoi n° H 20-23.661 contre l'arrêt rendu le 22 octobre 2020 par la cour d'appel d'Amiens (5e chambre prud'homale), dans le litige les opposant à Mme [I] [T], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation. Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire, les observations de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la société Groupe Média plus communication, de la société Groupe des éditions municipales de France, de la société Infocom-édition, de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de Mme [T], et l'avis de M. Halem, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 14 décembre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire rapporteur, Mme Monge, conseiller doyen, Mme Cavrois, MM. Sornay, Rouchayrole, Flores, Mmes Lecaplain-Morel, Deltort, conseillers, Mmes Ala, Techer, conseillers référendaires, M. Halem, avocat général référendaire, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 22 octobre 2020), Mme [T] a été engagée, en qualité de voyageur représentant placier (VRP) multicartes, le 1er juin 2017, par la société Infocom-édition, le 17 juillet 2017 par la société Groupe des éditions municipales de France, le 30 octobre 2017 par la société Groupe Média plus communication. 2. La salariée a saisi la juridiction prud'homale, le 19 juin 2018, d'une demande de résiliation judiciaire de ses contrats de travail et de condamnation solidaire de ses employeurs à lui verser un rappel de ressource minimale forfaitaire ainsi que diverses sommes au titre de la rupture du contrat de travail. 3. Elle a pris acte de la rupture de son contrat de travail à l'égard de chacun de ses employeurs le 19 octobre 2018. Examen des moyens Sur le second moyen, ci-après annexé 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 5. Les employeurs font grief à l'arrêt de dire que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par la salariée produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de les condamner solidairement à verser à la salariée certaines sommes à titre de ressource minimale forfaitaire outre les congés payés afférents, d'indemnité de licenciement, d'indemnité compensatrice de préavis, d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et des frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d'appel, alors : « 1°/ que la garantie de ressource minimale forfaitaire prévue par l'article 5-1 de l'ANI du 3 octobre 1975 suppose que le salarié, embauché comme VRP, soit tenu à l'égard de son unique employeur ou de ses coemployeurs à une obligation d'exclusivité ; que l'obligation d'exclusivité à la charge des VRP à l'égard de leur employeur s'apprécie exclusivement au regard des stipulations contractuelles ; qu'en retenant néanmoins que Mme [T] était bien fondée à se prévaloir de la garantie de ressource minimale forfaitaire, motif pris de ce que l'activité de cette dernière était exclusivement dédiée aux sociétés GMPC, GEMF et IFE, peu important l'absence de clause contractuelle d'exclusivité, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 5-1 de l'ANI du 3 octobre 1975 ; 2°/ qu'à supposer que l'obligation d'exclusivité ne s'apprécie pas exclusivement au regard des stipulations contractuelles, elle ne peut alors se déduire que de contraintes imposées au VRP par l'employeur ou les coemployeurs faisant obstacle à l'exercice par l'intéressé de son activité au profit d'autres employeurs ; qu'en se bornant à relever, pour considérer que l'activité de Mme [T] l'occupait à temps plein et à titre exclusif, le niveau d'objectif assigné à la salariée en terme de chiffre d'affaires mensuel, les comptes rendus hebdomadaires sur son activité sollicités par les sociétés employeurs et le fait que les revenus de la salariée provenait de son activité pour ces dernières sociétés, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à caractériser les contraintes auxquelles aurait été soumise Mme [T] et l'empêchant de solliciter d'autres employeurs, a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article 5-1 de l'ANI du 3 octobre 1975 ; 3°/ qu'en se bornant à relever, pour considérer que l'activité de Mme [T] l'occupait à temps plein et à titre exclusif, le niveau d'objectif assigné à la salariée en terme de chiffre d'affaires mensuel, les comptes rendus hebdomadaires sur son activité sollicités par les sociétés employeurs et le fait que les revenus de la salariée provenait de son activité pour ces dernières sociétés, sans répondre au moyen de nature à écarter toute obligation d'exclusivité, par lequel les sociétés GMPC, GEMF et IFE faisaient valoir qu'elles n'exerçaient aucune contrainte sur leur salariée, en n'exigeant aucune justification de l'organisation de ses journées de travail, de sorte que Mme [T] disposait d'une complète liberté d'action, dans les moyens et le temps pour gérer son activité professionnelle, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 6. Selon l'article 5-1 de l'accord national interprofessionnel des voyageurs, représentants, placiers du 3 octobre 1975, la fixation de la rémunération relève du libre accord des représentants de commerce et de leurs employeurs. Néanmoins, lorsqu'un représentant de commerce réalisant des ventes, au sens de la loi du 22 décembre 1972, est engagé à titre exclusif par un seul employeur, il aura droit, au titre de chaque trimestre d'emploi à plein temps, à une ressource minimale forfaitaire. 7. Il en résulte que seul le représentant engagé à titre exclusif par un seul employeur a droit à une ressource minimale forfaitaire. Le caractère exclusif de l'engagement du représentant s'apprécie au regard des dispositions contractuelles. 8. Appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve produits par les parties, la cour d'appel, qui a constaté que les trois sociétés constituaient en réalité le seul et même employeur de la salariée et qui a fait ressortir que l'activité de l'intéressée, qui l'occupait à temps plein, excluait toute activité pour un autre employeur, a pu décider, sans être tenue de procéder à des recherches inopérantes, ni de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, que la salariée pouvait solliciter le bénéfice de la ressource minimale forfaitaire prévue à l'article 5-1 de l'accord du 3 octobre 1975. 9. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne les sociétés Groupe Média plus communication, Groupe des éditions municipales de France et Infocom-édition aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés Groupe Média plus communication, Groupe des éditions municipales de France et Infocom-édition et les condamne à payer à Mme [T] la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit février deux mille vingt-trois. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocats aux Conseils, pour les sociétés Groupe Média plus communication, Groupe des éditions municipales de France et Infocom-édition PREMIER MOYEN DE CASSATION (garantie de ressource minimale forfaitaire du VRP) Les sociétés GMPC, GEMF et IFE font grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par la salariée produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de les avoir condamnées solidairement à verser à madame [T] les sommes de 7 456 euros à titre de ressource minimal forfaitaire, 746 euros au titre des congés payés afférents, 813 euros à titre d'indemnité de licenciement, 4 892 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 489,20 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d'appel ; 1°) Alors que la garantie de ressource minimale forfaitaire prévue par l'article 5-1 de l'ANI du 3 octobre 1975 suppose que le salarié, embauché comme VRP, soit tenu à l'égard de son unique employeur ou de ses coemployeurs à une obligation d'exclusivité ; que l'obligation d'exclusivité à la charge des VRP à l'égard de leur employeur s'apprécie exclusivement au regard des stipulations contractuelles ; qu'en retenant néanmoins que madame [T] était bien fondée à se prévaloir de la garantie de ressource minimale forfaitaire, motif pris de ce que l'activité de cette dernière était exclusivement dédiée aux sociétés GMPC, GEMF et IFE, peu important l'absence de clause contractuelle d'exclusivité (arrêt, p. 7, dernier §), la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 5-1 de l'ANI du 3 octobre 1975 ; 2°) Alors qu'à supposer que l'obligation d'exclusivité ne s'apprécie pas exclusivement au regard des stipulations contractuelles, elle ne peut alors se déduire que de contraintes imposées au VRP par l'employeur ou les coemployeurs faisant obstacle à l'exercice par l'intéressé de son activité au profit d'autres employeurs ; qu'en se bornant à relever, pour considérer que l'activité de madame [T] l'occupait à temps plein et à titre exclusif, le niveau d'objectif assigné à la salariée en terme de chiffre d'affaires mensuel, les comptes rendus hebdomadaires sur son activité sollicités par les sociétés employeurs et le fait que les revenus de la salariée provenait de son activité pour ces dernières sociétés, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à caractériser les contraintes auxquelles aurait été soumise madame [T] et l'empêchant de solliciter d'autres employeurs, a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article 5-1 de l'ANI du 3 octobre 1975 ; 3°) Alors, en tout état de cause, qu'en se bornant à relever, pour considérer que l'activité de madame [T] l'occupait à temps plein et à titre exclusif, le niveau d'objectif assigné à la salariée en terme de chiffre d'affaires mensuel, les comptes rendus hebdomadaires sur son activité sollicités par les sociétés employeurs et le fait que les revenus de la salariée provenait de son activité pour ces dernières sociétés, sans répondre au moyen de nature à écarter toute obligation d'exclusivité, par lequel les sociétés GMPC, GEMF et IFE faisaient valoir qu'elles n'exerçaient aucune contrainte sur leur salariée, en n'exigeant aucune justification de l'organisation de ses journées de travail, de sorte que madame [T] disposait d'une complète liberté d'action, dans les moyens et le temps pour gérer son activité professionnelle (conclusions, p. 21, § 2), la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile. SECOND MOYEN DE CASSATION (prise d'acte de la rupture du contrat de travail) Les sociétés GMPC, GEMF et IFE font grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par la salariée produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de les avoir condamnées solidairement à verser à madame [T] les sommes de 7 456 euros à titre de ressource minimal forfaitaire, 746 euros au titre des congés payés afférents, 813 euros à titre d'indemnité de licenciement, 4 892 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 489,20 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d'appel ; Alors que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par le salarié ne produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse qu'en présence de manquements suffisamment graves de l'employeur faisant obstacle à la poursuite du contrat de travail ; qu'en se bornant à énoncer, par une pure et simple affirmation, que le supposé manquement imputé aux sociétés employeurs avait empêché la poursuite du contrat de travail (arrêt, p. 9, al. 6), sans préciser en quoi ce manquement, à le supposer établi, avait été de nature à empêcher la poursuite de la relation de travail, comme elle y était pourtant invitée par les sociétés employeurs (conclusions, p. 27) et cependant qu'il ressortait au demeurant de ses constatations que le manquement aurait été établi dès la conclusion des contrats de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1231-1, L. 1232-1 et L. 1235-3 du code du travail.
Selon l'article 5-1 de l'accord national interprofessionnel des voyageurs, représentants, placiers du 3 octobre 1975, la fixation de la rémunération relève du libre accord des représentants de commerce et de leurs employeurs. Néanmoins, lorsqu'un représentant de commerce réalisant des ventes, au sens de la loi du 22 décembre 1972, est engagé à titre exclusif par un seul employeur, il aura droit, au titre de chaque trimestre d'emploi à plein temps, à une ressource minimale forfaitaire. Il en résulte que seul le représentant engagé à titre exclusif par un seul employeur a droit à une ressource minimale forfaitaire. Le caractère exclusif de l'engagement du représentant s'apprécie au regard des dispositions contractuelles. Doit, en conséquence, être approuvée une cour d'appel, qui, ayant constaté que trois sociétés constituaient en réalité le seul et même employeur d'une salariée et fait ressortir que l'activité de l'intéressée, qui l'occupait à temps plein, excluait toute activité pour un autre employeur, a décidé que la salariée pouvait solliciter le bénéfice de la ressource minimale forfaitaire prévue à l'article 5-1 de l'accord du 3 octobre 1975.
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SOC. BD4 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 8 février 2023 Cassation partielle M. SOMMER, président Arrêt n° 134 FS-B Pourvoi n° X 21-10.270 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 FÉVRIER 2023 Mme [R] [D], épouse [T], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° X 21-10.270 contre l'arrêt rendu le 10 décembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 7), dans le litige l'opposant à la société France télévisions, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Monge, conseiller doyen, les observations de la SARL Ortscheidt, avocat de Mme [D], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société France télévisions, et l'avis de M. Halem, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 14 décembre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Monge, conseiller doyen rapporteur, Mme Cavrois, MM. Sornay, Rouchayrole, Flores, Mmes Lecaplain-Morel, Deltort, conseillers, Mmes Ala, Thomas-Davost, Techer, conseillers référendaires, M. Halem, avocat général référendaire, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 décembre 2020), Mme [D], épouse [T], a été engagée en qualité de journaliste pigiste, à compter du mois de septembre 1997, par la société France 2 puis par la société France télévisions (la société) suivant plusieurs contrats à durée déterminée d'usage. 2. Le 20 février 2015, elle a saisi la juridiction prud'homale à l'effet d'obtenir la requalification de ses contrats en contrat à durée indéterminée à temps plein avec reprise d'ancienneté depuis septembre 1997. Examen des moyens Sur les premier et troisième moyens, ci-après annexés 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le deuxième moyen, pris en ses deux premières branches Enoncé du moyen 4. La salariée fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement d'une certaine somme à titre de rappel de salaire en raison du dépassement du nombre annuel de jours travaillés, outre les congés payés afférents, alors : « 1°/ qu'aux termes de l'article 3.1.1 du titre 2 du livre 3 de l'accord collectif France télévisions du 28 mai 2013 fixant la durée de travail des journalistes à 197 jours annuels : "Les journalistes dont la durée annuelle du travail est exprimée dans le cadre d'un décompte annuel en jours peuvent, à leur demande et, en accord avec leur hiérarchie, dépasser le volume de temps de travail fixé dans leur décompte annuel en jours travaillés dans la limite de 15 jours par an. Les jours de travail effectués au-delà du décompte annuel en jours travaillés sont indemnisés à 125 % du salaire journalier du collaborateur concerné" ; qu'en l'espèce, il n'était pas contesté que la salariée avait travaillé en plus des 197 jours conventionnellement prévus, 145 jours en 2014, 82 jours en 2015, et 89 jours en 2016 ; qu'en retenant qu'il était établi que "La salariée a travaillé certaines années pour un volume supérieur à 197 jours par an" et en la déboutant néanmoins de sa demande en rappel de salaire pour dépassement du nombre annuel de jours travaillés et de congés payés y afférents, aux motifs inopérants que sa rémunération perçue au titre des contrats de travail à durée déterminée était bien supérieure à celle versée aux journalistes permanents et que sur la période réclamée de 2014 à 2016, elle avait perçu au titre de ses piges une rémunération supérieure à celle à laquelle elle aurait pu prétendre si elle avait travaillé en qualité de journaliste permanent, même avec un dépassement du forfait de 197 jours, de sorte qu'elle était déjà remplie de ses droits, la cour d'appel a violé l'article 3.1.1 du titre 2 du livre 3 de l'accord collectif France télévisions du 28 mai 2013 ; 2°/ que les sommes versées au salarié en contrepartie de son travail à durée déterminée, destinées à compenser la situation dans laquelle il était placé du fait de son contrat à durée déterminée, lui restent acquises nonobstant une requalification ultérieure en contrat à durée indéterminée ; qu'en retenant qu'il était établi que "La salariée a travaillé certaines années pour un volume supérieur à 197 jours par an " et en déboutant néanmoins l'intéressée de sa demande en rappel de salaire pour dépassement du nombre annuel de jours travaillés et de congés payés y afférents, aux motifs tirés de ce que sa rémunération perçue au titre des contrats de travail à durée déterminée était bien supérieure à celle versée aux journalistes permanents et que sur la période réclamée de 2014 à 2016, elle avait perçu au titre de ses piges une rémunération supérieure à celle à laquelle elle aurait pu prétendre si elle avait travaillé en qualité de journaliste permanent, même avec un dépassement du forfait de jours, de sorte qu'elle était déjà remplie de ses droits, la cour d'appel a violé l'article 3.1.1 du titre 2 du livre 3 de l'accord collectif France télévisions du 28 mai 2013. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 1245-1, L. 1221-1 du code du travail et l'article 3.1.1 du titre 3 du livre 3 de l'accord collectif France télévisions du 28 mai 2013 : 5. Il résulte des deux premiers textes que la requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée qui confère au salarié le statut de travailleur permanent de l'entreprise a pour effet de replacer ce dernier dans la situation qui aurait été la sienne s'il avait été recruté depuis l'origine dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée. Il s'ensuit que les sommes qui ont pu lui être versées et étaient destinées à compenser la situation dans laquelle il était placé du fait de son contrat à durée déterminée, lui restent acquises nonobstant une requalification ultérieure en contrat à durée indéterminée. 6. Selon le troisième de ces textes, le nombre annuel de jours travaillés des journalistes permanents, qu'ils soient en contrat à durée déterminée ou contrat à durée indéterminée, à l'exception des cadres dirigeants, est fixé à 197, les jours de travail effectués au-delà du décompte annuel en jours travaillés étant indemnisés à 125 % du salaire journalier du collaborateur concerné. 7. Pour rejeter la demande de la salariée en paiement d'un rappel de salaire au titre des dépassements du nombre annuel de jours travaillés, outre congés payés afférents, l'arrêt retient que s'il est établi que la salariée a travaillé certaines années pour un volume supérieur à 197 jours par an, il ressort également des fiches de paie versées aux débats et du tableau relatif au salaire moyen de référence des permanents de l'entreprise au 31 décembre 2014 que la rémunération perçue au titre des contrats de travail à durée déterminée était bien supérieure à celle versée aux journalistes permanents. Il constate que sur la période réclamée de 2014 à 2016, la salariée a perçu au titre de ses piges une rémunération supérieure à celle à laquelle elle aurait pu prétendre si elle avait travaillé en qualité de journaliste permanent, même avec un dépassement du forfait de 197 jours. Il en déduit que la salariée est d'ores et déjà remplie de ses droits. 8. En statuant ainsi, alors que la requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée qui conférait à la salariée le statut de travailleur permanent de la société avait pour effet de replacer cette dernière dans la situation qui aurait été la sienne si elle avait été recrutée depuis l'origine dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée et que les sommes qui avaient pu lui être versées, en sa qualité de pigiste, destinées à compenser la situation dans laquelle elle était placée du fait de ses contrats à durée déterminée, lui restaient acquises nonobstant une requalification ultérieure en contrat à durée indéterminée, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes afférentes au dépassement du nombre annuel de jours travaillés, l'arrêt rendu le 10 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ; Condamne la société France télévisions aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société France télévisions et la condamne à payer à Mme [D], épouse [T], la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit février deux mille vingt-trois. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SARL Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour Mme [D], épouse [T] PREMIER MOYEN DE CASSATION M. [D]-[T] fait grief à l'arrêt partiellement confirmatif attaqué, après avoir requalifié en contrat à durée indéterminée à temps plein les contrats à durée déterminée successifs concluent avec la société France Télévision, d'avoir uniquement fixé à la somme de 46.448,35 €, hors prime et 13ème mois, le salaire annuel de base pour 197 jours de travail du contrat à durée indéterminé à temps plein ; 1°) ALORS QUE la requalification d'un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ne porte que sur le terme du contrat et laisse inchangées les autres stipulations contractuelles ; qu'en cas de requalification de contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, la rémunération du contrat à durée indéterminé doit être fixée en fonction de la dernière rémunération annuelle perçue par le salarié ; qu'en l'espèce, la salariée avait perçu en 2016, pour 286 jours travaillés, un salaire annuel de 91.506 euros, 13ème mois inclus, de sorte que son salaire annuel devait être fixé à cette même somme ; qu'en jugeant que le salaire applicable à la relation de travail à durée indéterminée devait être fixé sur la base d'un salaire annuel de 46.448,35 euros, hors prime et 13ème mois, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, l'article L. 1245-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 et l'article L. 1221-1 du code du travail ; 2°) ALORS, SUBSIDAIREMENT, QUE la requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée qui confère au salarié le statut de travailleur permanent de l'entreprise a pour effet de replacer ce dernier dans la situation qui aurait été la sienne s'il avait été recruté depuis l'origine dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée ; que dans ses conclusions d'appel délaissées (cf. p. 16 et 17), Mme [D]-[T] faisait valoir que la reconstitution de carrière opérée par France Télévisions, faisant apparaitre un salaire de 46.448,41 euros bruts, ne prenait pas en considération son ancienneté, sa qualité de journaliste spécialisée du premier groupe audiovisuel en France en termes d'audiences et ne reposait sur aucune grille de salaire, alors même que sa rémunération avait toujours été supérieure au minima prévu par les accords d'entreprise et qu'aujourd'hui, elle avait perdu la moitié de son salaire pour la même activité ; qu'en jugeant qu'il y avait lieu de déterminer le salaire applicable au contrat à durée indéterminée au vu de la reconstitution de carrière de la salariée opérée par l'employeur pour confirmer la rémunération retenue par les premiers juges, soit un salaire annuel de base de 46.448,35 euros, hors prime et 13ème mois, sans avoir répondu à ces chefs pertinents des conclusions de l'exposante, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 3°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE nul ne peut se constituer de preuve à soi-même et que le juge ne saurait retenir au profit de l'employeur un élément de preuve établi par lui ; qu'en jugeant que du fait de la requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée, il convenait, pour déterminer le salaire applicable, de se référer à la reconstitution de carrière de la salariée opérée par l'employeur du 28 août 1997 au 31 août 2015, dont il ressortait une rémunération annuelle brute de 46.448,41 euros, la cour d'appel, qui s'est fondée sur un élément de preuve n'émanant que du seul employeur, a violé l'article 1315 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, devenu 1353 du code civil ; 3°) ALORS, A TITRE INFINIEMENT PLUS SUBSIDIAIRE, QUE dans ses conclusions d'appel délaissées (cf. p. 18 et 19 Prod.), Mme [D]-[T] faisait valoir que pour déterminer le montant du salaire annuel dû, le conseil de prud'hommes avait pris en compte le salaire versé pour l'année 2016, soit 91. 506,15 euros, 13e mois inclus pour 286 jours travaillés, et avait proratisé sur la base de 197 jours travaillés, par application du nombre de jours de travail retenu par l'accord d'entreprise de France Télévisions du 28 mai 2013, tout en appliquant en plus une décote de 30 % correspondant à une prétendue précarité du contrat à durée déterminée, de sorte que ce montant était erroné et sans fondement ; qu'en confirmant purement et simplement la rémunération retenue par les premier juges, soit un salaire annuel de base de 46.448,35 euros, hors prime et 13ème mois, sans avoir répondu à ce chef pertinent des conclusions de l'exposante, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION M. [D]-[T] fait grief à l'arrêt partiellement confirmatif attaqué d'avoir confirmé le jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 1er juin 2017 en ce qu'il avait rejeté sa demande tendant à la condamnation de la société France Télévisions à lui payer les sommes de 25.276,17 euros bruts à titre de rappel de salaire en raison du dépassement du nombre annuel de jours travaillés et de 2.527,61 euros bruts au titre des congés payés y afférents ; 1°) ALORS QU'AUX termes de l'article 3.1.1 du Titre 2 du Livre 3 de l'accord collectif France Télévisions du 28 mai 2013 fixant la durée de travail des journalistes à 197 jours annuels : « Les journalistes dont la durée annuelle du travail est exprimée dans le cadre d'un décompte annuel en jours peuvent, à leur demande et, en accord avec leur hiérarchie, dépasser le volume de temps de travail fixé dans leur décompte annuel en jours travaillés dans la limite de 15 jours par an. Les jours de travail effectués au-delà du décompte annuel en jours travaillés sont indemnisés à 125 % du salaire journalier du collaborateur concerné » ; qu'en l'espèce, il n'était pas contesté que Mme [D]-[T] avait travaillé en plus des 197 jours conventionnellement prévus, 145 jours en 2014, 82 jours en 2015, et 89 jours en 2016 ; qu'en retenant qu'il était établi que « La salariée a travaillé certaines années pour un volume supérieur à 197 jours par an » et en déboutant néanmoins Mme [D]-[T] de sa demande en rappel de salaire pour dépassement du nombre annuels de jours travaillés et de congés payés y afférents, aux motifs inopérants que sa rémunération perçue au titre des contrats de travail à durée déterminée était bien supérieure à celle versée aux journalistes permanents et que sur la période réclamée de 2014 à 2016, elle avait perçu au titre de ses piges une rémunération supérieure à celle à laquelle elle aurait pu prétendre si elle avait travaillé en qualité de journaliste permanent, même avec un dépassement du forfait de 197 jours, de sorte qu'elle était déjà remplie de ses droits, la cour d'appel a violé l'article 3.1.1 du Titre 2 du Livre 3 de l'accord collectif France Télévisions du 28 mai 2013 ; 2°) ALORS QUE les sommes versées au salarié en contrepartie de son travail à durée déterminée, destinées à compenser la situation dans laquelle il était placé du fait de son contrat à durée déterminée, lui restent acquises nonobstant une requalification ultérieure en contrat à durée indéterminée ; qu'en retenant qu'il était établi que « La salariée a travaillé certaines années pour un volume supérieur à 197 jours par an » et en déboutant néanmoins Mme [D]-[T] de sa demande en rappel de salaire pour dépassement du nombre annuels de jours travaillés et de congés payés y afférents, aux motifs tirés de ce que sa rémunération perçue au titre des contrats de travail à durée déterminée était bien supérieure à celle versée aux journalistes permanents et que sur la période réclamée de 2014 à 2016, elle avait perçu au titre de ses piges une rémunération supérieure à celle à laquelle elle aurait pu prétendre si elle avait travaillé en qualité de journaliste permanent, même avec un dépassement du forfait de 197 jours, de sorte qu'elle était déjà remplie de ses droits, la cour d'appel a violé l'article 3.1.1 du Titre 2 du Livre 3 de l'accord collectif France Télévisions du 28 mai 2013 ; 3°) ALORS QUE la contradiction de motifs équivaut au défaut de motifs ; qu'en retenant, d'une part, sur la fixation du salaire de Mme [D]-[T], qu'il y avait lieu de confirmer la rémunération retenue par les premiers juges, soit un salaire annuel de base de 46.448,35 euros, hors prime et 13ème mois (soit 3.870,66 euros par mois sur douze mois) (cf. arrêt, p. 8) et, d'autre part, que « du fait de la requalification, son salaire mensuel brut a été fixé à la somme de 4.857,26 euros sur treize mois » (soit un salaire annuel de base de 63.141 euros) (cf. arrêt, p. 9), la cour d'appel s'est contredite, en violation de l'article 455 du code de procédure civile. TROISIEME MOYEN DE CASSATION M. [D]-[T] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 1er juin 2017 en ce qu'il a rejeté sa demande d'attribution du statut cadre à compter du 1er septembre 1997 ; 1°) ALORS QUE la classification d'un salarié, notamment sa qualité de cadre, s'apprécie au regard des fonctions réellement exercées par lui et non en considération des mentions figurant sur le contrat de travail ; qu'en se fondant, sur les contrats de pigiste de Mme [D]-[T] ne mentionnant pas la qualité de cadre, pour en déduire qu'elle ne pouvait revendiquer cette qualité, sans avoir apprécié les fonctions réellement exercées par la salariée et qui démontraient son autonomie et son indépendance, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 et de l'accord d'entreprise France Télévisions du 28 mai 2013 ; 2°) ALORS QUE dans ses conclusions d'appel délaissées (cf. p. 23, Prod.), Mme [D]-[T] faisait valoir que selon les déclaration de l'employeur, elle « assure la rubrique mode de l'émission télématin depuis 2009 dans une grande autonomie », qu'elle assurait le tournage, le montage et le mixage des chroniques qu'elle présentait ensuite sur le plateau de Télematin, qu'elle prenait ainsi ses décisions de manière autonome, que sa rémunération avait été fixée en fonction de son niveau de responsabilité et que jusqu'en 2002, elle avait bénéficié du statut cadre qui lui avait ensuite été unilatéralement retiré ; qu'en rejetant les demandes de la salariée afférentes au statut cadre sans avoir répondu à ces chefs pertinents des conclusions de l'exposante, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
La requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée qui confère au salarié le statut de travailleur permanent de l'entreprise a pour effet de replacer ce dernier dans la situation qui aurait été la sienne s'il avait été recruté depuis l'origine dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée. Il s'ensuit que les sommes qui ont pu lui être versées et étaient destinées à compenser la situation dans laquelle il était placé du fait de son contrat à durée déterminée, lui restent acquises nonobstant une requalification ultérieure en contrat à durée indéterminée. Dès lors, doit être censuré l'arrêt qui, après avoir prononcé la requalification de ses contrats à durée déterminée d'usage en contrat à durée indéterminée, rejette la demande d'une journaliste pigiste en paiement d'un rappel de salaire au titre de la majoration du salaire journalier prévue par l'accord d'entreprise en cas d'un dépassement d'un certain nombre de jours de travail dans l'année, retient que la salariée ayant perçu au titre de ses piges une rémunération supérieure à celle à laquelle elle aurait pu prétendre si elle avait travaillé en qualité de journaliste permanent, même avec un dépassement du forfait annuel, elle était remplie de ses droits
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SOC. BD4 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 8 février 2023 Rejet M. SOMMER, président Arrêt n° 135 FP-B+R Pourvoi n° C 20-23.312 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 FÉVRIER 2023 La société SNCF voyageurs, venant aux droits de l'EPIC SNCF mobilités, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° C 20-23.312 contre l'arrêt rendu le 8 octobre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 7), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [D] [P], domicilié [Adresse 2], 2°/ au syndicat Sud Rail [Localité 4], dont le siège est [Adresse 1], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Valéry, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la société SNCF voyageurs, de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de M. [P], et du syndicat Sud Rail [Localité 4], et l'avis de Mme Molina, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 15 décembre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Valéry, conseiller référendaire rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, Mmes Capitaine, Monge, Mariette, MM. Rinuy, Pion, Mme Van Ruymbeke, M. Pietton, Mmes Cavrois, Ott, MM. Sornay, Barincou, conseillers, Mme Ala, M. Le Corre, Mme Lanoue, conseillers référendaires, Mme Molina, avocat général référendaire, et Mme Piquot, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application des articles R. 421-4-1 et R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 8 octobre 2020), M. [P] a travaillé à compter du 27 mars 1978 en qualité de manutentionnaire pour le compte de plusieurs employeurs, en dernier lieu la société ISS Logistique et production depuis le 1er mai 2003, dans le cadre d'un marché conclu avec la Société nationale des chemins de fer français (SNCF), pour effectuer des travaux au sein des différents établissements de cette dernière. 2. La SNCF a mis fin à cette prestation de service le 30 novembre 2011. 3. Le salarié a été licencié par l'employeur pour motif économique le 12 avril 2012. 4. Il a saisi la juridiction prud'homale de demandes au titre de la réparation du préjudice d'anxiété, dirigées tant contre la société ISS Logistique et production, que contre l'établissement public à caractère industriel et commercial SNCF mobilités venant aux droits de la SNCF, entreprise utilisatrice. 5. Le syndicat Sud Rail [Localité 4] est intervenu volontairement à l'instance. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 6. La SNCF voyageurs, venant aux droits de l'EPIC SNCF mobilités, fait grief à l'arrêt, après avoir débouté le salarié de sa demande dirigée contre l'employeur, de la déclarer responsable du préjudice du salarié, et de la condamner à lui verser une somme à titre de dommages-intérêts, alors : « 1°/ que le salarié qui justifie d'une exposition à l'amiante, générant un risque élevé de développer une pathologie grave, peut agir contre son employeur, pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité, quand bien même il n'aurait pas travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 modifiée ; que l'action en réparation du préjudice d'anxiété ainsi subi par le salarié se rattachant à l'exécution du contrat de travail, ne peut être dirigée que contre son employeur, en cas de manquement de ce dernier à son obligation de sécurité ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que M. [P] avait travaillé depuis 1978 en qualité de salarié de plusieurs sous-traitants de la SNCF, qu'il avait effectué dans ce cadre des travaux de manutention et de nettoyage au sein de différents établissements de cette dernière et que son contrat de travail avait été transféré à compter du 1er mai 2003 à la société ISS Logistique et production, à laquelle le marché avait été confié en vertu d'un contrat de prestation de services conclu avec la SNCF ; que le salarié a saisi le conseil de prud'hommes d'une action tendant à la condamnation solidaire de son employeur, et de la SNCF, à l'indemniser du préjudice d'anxiété qu'il prétendait subir à raison de son exposition sans protection, pendant plusieurs années, à des poussières d'amiante ; qu'après avoir rejeté la demande du salarié dirigée contre son employeur au titre de la période postérieure au transfert du contrat de travail, au motif que celle-ci n'avait pas manqué à son obligation de sécurité, la cour d'appel a retenu que le salarié était en revanche fondé à rechercher la responsabilité délictuelle de droit commun de la SNCF, au titre de la période antérieure à ce transfert, dès lors qu'étaient en l'espèce établies des fautes et négligences de cette dernière dans l'exécution des obligations mises à sa charge en qualité d'entreprise utilisatrice ; qu'en statuant de la sorte, quand l'action en réparation du préjudice d'anxiété invoqué par le salarié soutenant avoir été exposé à l'inhalation de poussières d'amiante se rattache à l'exécution du contrat de travail et ne peut dès lors être dirigée que contre l'employeur ayant manqué à l'obligation de sécurité à laquelle il est tenu en vertu des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code de travail, la cour d'appel a violé ces dispositions, ensemble l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause (nouvel article 1240 du code civil) ; 2°/ que les obligations mises à la charge de l'entreprise utilisatrice par le décret n° 77-1321 du 29 novembre 1977, puis par le décret n° 92-158 du 20 février 1992, lequel a créé les articles R. 237-1 à R. 237-28 du code du travail, visent à assurer la coordination générale des mesures de préventions entre l'entreprise utilisatrice et l'entreprise intervenante, chacune d'entre elles demeurant toutefois responsable de la mise en oeuvre des mesures destinées à assurer la sécurité de ses salariés ; qu'en particulier, lorsque les travaux s'exécutent dans les locaux d'une entreprise tierce, l'employeur a le devoir de se renseigner sur les dangers encourus par le salarié (Civ. 2ème, 8 novembre 2007, Bull. n° 248) ; que pour dire que la responsabilité délictuelle de la SNCF était engagée envers le salarié d'une entreprise sous-traitante, la cour d'appel a retenu que cette dernière, en sa qualité d'entreprise utilisatrice, devait informer la société intervenante sur les risques d'affections professionnelles auxquelles pouvaient être exposés les salariés de l'autre entreprise afin que des mesures protectrices soient prises, et que devait également être réalisée une inspection commune des lieux avec désignation des zones de danger et qu'en présence d'un risque d'interaction entre les activités des deux sociétés, comme en l'espèce, devait être établi un plan de prévention définissant les moyens de protection des salariés de l'entreprise extérieure dont l'entreprise utilisatrice devait vérifier l'application ; que la cour d'appel a considéré que si, à compter de 2000, avait été construit un local spécifique pour le désamiantage et si le marché conclu avec la société ISS Logistique et production en janvier 2003 exigeait ce plan de prévention décrivant les mesures de protection et équipements effectivement fournis aux salariés, l'EPIC SNCF mobilités ne justifiait pas, pour la période antérieure, de l'établissement d'un plan de prévention avec les employeurs antérieurs de M. [P], ni même de l'exigence d'un tel plan dans les marchés conclus avec ses prestataires, pas plus qu'elle ne démontrait avoir vérifié la fourniture effective d'une information sur la nocivité de l'amiante, et d'équipements individuels de protection adaptés aux salariés des entreprises intervenant sur son site, alors que le décret du 20 février 1992 lui imposait de dénoncer à l'entreprise intervenante un danger grave concernant un salarié de cette dernière, même si elle estimait que la cause du danger ne lui était pas imputable, danger caractérisé par une exposition durable aux poussières d'amiante sans protection ; qu'en statuant de la sorte, quand les règles édictées par les décrets du 29 novembre 1977 et du 20 février 1992 ultérieurement codifié aux articles R. 237-1 du code du travail, portent uniquement sur la prévention des risques liés à l'interaction entre les salariés d'entreprises différentes, chacune des entreprises demeurant responsable de la sécurité de ses propres salariés, et qu'il incombait à l'employeur de M. [P], non à la SNCF, de se renseigner sur les dangers encourus par son salarié, la cour d'appel a violé les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail et l'article 1382 (devenu 1240) du code civil, ensemble les articles 4 à 9 du décret du 29 novembre 1977, et les articles R. 237-1, R. 237-4 et R. 237-6 du code du travail, créés par l'article 1er du décret du 20 février 1992 ; 3°/ que seul est indemnisable le préjudice en lien de causalité avec une faute ou un manquement contractuel dont l'existence est établie par la victime ; qu'en se bornant à retenir, pour dire que la SNCF avait engagé sa responsabilité civile à l'égard du salarié, que les fautes et négligences imputables à la SNCF dans l'exécution de ses obligations en qualité d'utilisatrice avaient contribué à l'exposition pendant plusieurs années de M. [P] à l'inhalation des poussières d'amiante, sans que ne soit rapportée la preuve d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité envers M. [P] au titre de la période en cause, ayant exposé ce salarié à l'inhalation de poussière d'amiante et par conséquent au risque de développer une pathologie grave associée à ce produit, laquelle ne pouvait se déduire des seuls témoignages d'autres salariés, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à établir le lien de causalité entre la faute retenue à l'encontre de la SNCF et le préjudice d'anxiété allégué par le salarié, a encore violé l'article 1382 (devenu 1240) du code civil ; 4°/ que le salarié qui n'est pas éligible à l'allocation de cessation anticipée d'activité ne peut agir en réparation d'un préjudice d'anxiété qu'à la condition de justifier d'une exposition à l'amiante, générant un risque élevé de développer une pathologie grave ; que pour dire que M. [P] justifiait avoir été exposé à l'amiante au titre de la période de 1978 à 2003, la cour d'appel a retenu que ce salarié produisait aux débats une attestation d'exposition établie le 21 février 2014 par le Docteur [L], médecin du travail de la société ISS Logistique et production qui mentionne une exposition à ce produit de 1978 à 2003 dans le cadre de l'exécution de travaux de démontage de panneaux amiantés et de voitures, de grattage et meulage de bogies et de réparation de moteurs, sans équipements de protection individuelle ou collective jusqu'en 1986 et a relevé que ces postes de travail étaient repris dans une attestation du Docteur [H], intervenant au sein de la SNCF, sans renseignements sur les modalités de protection du salarié ; qu'en statuant de la sorte, quand l'attestation du Docteur [L] mentionnait à la rubrique ''Evaluations et mesures des niveaux d'exposition'' : ''Non connus'' et sans s'assurer que les médecins ayant établi ces attestations de nombreuses années après les faits avaient disposé d'éléments concrets permettant d'établir la réalité et la gravité de l'exposition du salarié aux fibres d'amiante, la cour d'appel s'est prononcée sur la base d'éléments impropres à prouver que M. [P] avait effectivement été exposé à l'amiante au titre de la période de 1978 à 2003, violant ainsi l'article 1382 (devenu 1240) du code civil ; 5°/ que le salarié qui n'est pas éligible à l'allocation de cessation anticipée d'activité ne peut agir en réparation d'un préjudice d'anxiété qu'à la condition de justifier d'une exposition personnelle à l'amiante ; qu'en retenant qu'il résultait des attestations de plusieurs anciens salariés embauchés à la même époque que M. [P], pour travailler dans l'établissement du Mans, que les travaux de manutention qui leur étaient confiés étaient assurés dans les ateliers à la suite ou pendant des opérations effectuées par des agents SNCF sur des pièces et matériaux amiantés notamment d'autorails, libérant des fibres de ce produit, sans protection individuelle des salariés, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à établir que M. [P] avait personnellement été exposé à l'amiante au titre de la période de 1978 à 2003, a méconnu l'article 1382 (devenu 1240) du code civil. » Réponse de la Cour 7. Les dispositions de l'article R. 237-2 du code du travail, devenues les articles R. 4511-4, R. 4511-5 et R. 4511-6 du code du travail, qui mettent à la charge de l'entreprise utilisatrice une obligation générale de coordination des mesures de prévention qu'elle prend et de celles que prennent l'ensemble des chefs des entreprises intervenant dans son établissement, et précisent que chaque chef d'entreprise est responsable de l'application des mesures de prévention nécessaires à la protection de son personnel, n'interdisent pas au salarié de l'entreprise extérieure de rechercher la responsabilité de l'entreprise utilisatrice, s'il démontre que celle-ci a manqué aux obligations mises à sa charge par le code du travail et que ce manquement lui a causé un dommage. 8. Il s'ensuit que la cour d'appel a décidé à bon droit que si l'EPIC SNCF mobilités n'étant pas lié au demandeur par un contrat de travail, sa responsabilité ne pouvait être recherchée sur le fondement de l'obligation de sécurité à la charge de l'employeur définie par les articles L 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, sa responsabilité pouvait néanmoins être engagée au titre de la responsabilité extracontractuelle, dès lors qu'étaient établies des fautes ou négligences de sa part dans l'exécution des obligations légales et réglementaires mises à sa charge en sa qualité d'entreprise utilisatrice, qui ont été la cause du dommage allégué. 9. L'arrêt constate d'abord que les opérations de manutention ou de nettoyage (balayage, ramassage des déchets, tri de pièces) étaient assurées dans les ateliers à la suite ou pendant des travaux effectués par des agents SNCF sur des pièces et matériaux amiantés notamment d'autorails, libérant des fibres de ce produit, sans protection individuelle des salariés, qu'ils disposaient en outre d'un équipement pour balayer favorisant la dispersion des poussières, et selon les indications de la SNCF elle-même dans un courrier du 5 janvier 1998, que le mode de chauffage par catopulseur favorisait également la propagation des fibres. Il relève également que le demandeur produit une attestation d'exposition à l'amiante qui mentionne une exposition à ce produit de 1978 à 2003 dans le cadre de l'exécution de travaux de démontage de panneaux amiantés et de voitures, de grattage et meulage de bogies et de réparation de moteurs, sans équipements de protection individuelle ou collective jusqu'en 1986. 10. L'arrêt retient ensuite que selon les dispositions réglementaires applicables aux travaux effectués dans un établissement par une entreprise extérieure, résultant du décret n° 77-1321 du 29 novembre 1977 puis du décret n° 92-158 du 20 février 1992 ultérieurement codifié, l'entreprise utilisatrice devait notamment informer la société extérieure sur les risques d'affections professionnelles auxquels pouvaient être exposés ses salariés afin que des mesures protectrices soient prises, que devait également être réalisée une inspection commune des lieux avec désignation des zones de danger et que devait être établi, en présence d'un risque d'interaction entre les activités des deux sociétés, ce qui était le cas en l'espèce, un plan de prévention définissant les moyens de protection des salariés de l'entreprise extérieure dont l'entreprise utilisatrice devait vérifier l'application. 11. L'arrêt relève enfin que l'EPIC SNCF mobilités ne justifie pas, pour la période antérieure à 2003, de l'établissement d'un plan de prévention avec les employeurs antérieurs de M. [P], ni même de l'exigence d'un tel plan dans les marchés conclus avec ses prestataires, pas plus qu'il ne démontre avoir vérifié la fourniture effective d'une information sur la nocivité de l'amiante et sur les équipements individuels de protection adaptés aux salariés des entreprises intervenant sur son site, alors que le décret de 1992 lui imposait de dénoncer à l'entreprise intervenante un danger grave concernant un salarié de cette dernière, même s'il estimait que la cause du danger ne lui était pas imputable, danger caractérisé par une exposition durable aux poussières d'amiante sans protection. 12. L'arrêt en déduit que les fautes et négligences imputables à la SNCF dans l'exécution de ses obligations d'entreprise utilisatrice ont contribué à l'exposition pendant plusieurs années de M. [P] à l'inhalation des poussières d'amiante, dont le danger n'est pas discuté, en ce qu'elle induit un risque de développer, même de nombreuses années après la fin de l'exposition, des pathologies très graves, et qu'elles ont par suite directement contribué au préjudice que constitue la situation d'anxiété personnellement subie par l'intéressé, préjudice décrit par son épouse, laquelle témoigne de l'inquiétude de son mari sur son état de santé, même en présence de pathologies bénignes, d'une perte de confiance lors de ses recherches d'emploi et d'une difficulté à se projeter dans l'avenir en raison de la possible survenance d'une pathologie grave. 13. En l'état de ces constatations, la cour d'appel a pu retenir l'existence d'un lien de causalité entre les fautes de l'entreprise utilisatrice qu'elle a constatées et le préjudice d'anxiété personnellement subi par le salarié résultant de son exposition à l'amiante générant un risque élevé de développer une pathologie grave, sans qu'il soit nécessaire que la responsabilité des employeurs sous-traitants au titre de l'obligation de sécurité ait été retenue. 14. Il en résulte que le moyen n'est pas fondé. Sur le second moyen Enoncé du moyen 15. La SNCF voyageurs fait grief à l'arrêt de la condamner à verser au syndicat Sud Rail [Localité 4] des dommages-intérêts, alors : « 1°/ qu'en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif d'une décision de justice s'étend aux chefs de dispositif entretenant un lien de dépendance nécessaire ou d'indivisibilité avec le chef cassé ; que, pour condamner l'EPIC SNCF mobilités à verser au syndicat Sud Rail [Localité 4] une somme à titre de dommages et intérêts, la cour d'appel a retenu que la nature du manquement relevé à l'encontre de la SNCF permettait de caractériser une atteinte à l'intérêt collectif des salariés intervenant dans le secteur ferroviaire en sous-traitance ; que la cassation à intervenir sur l'une des critiques du premier moyen, qui reproche à l'arrêt attaqué d'avoir retenu la responsabilité de l'EPIC SNCF mobilités à l'égard du salarié, entraînera par voie de conséquence la cassation de l'arrêt en ce qu'il a condamné la SNCF à verser des dommages et intérêts réparant le préjudice collectif dont le syndicat demandait l'indemnisation ; 2°/ que les syndicats professionnels ne sont recevables qu'à solliciter l'indemnisation du préjudice direct ou indirect causé à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent ; que pour condamner l'EPIC SNCF mobilités à verser au syndicat Sud Rail [Localité 4] une somme à titre de dommages et intérêts, la cour d'appel, après avoir jugé que les fautes et négligences imputables à la SNCF avaient directement contribué au préjudice que constitue la situation d'anxiété personnellement subie par [le salarié], a retenu que la nature du manquement relevé à l'encontre de la SNCF permettait de caractériser une atteinte à l'intérêt collectif des salariés intervenant dans le secteur ferroviaire en sous-traitance ; qu'en statuant de la sorte, quand le préjudice d'anxiété invoqué par le salarié, dont la SNCF n'était au surplus pas l'employeur, était un préjudice strictement personnel à ce dernier et qu'il avait donc seul qualité à en solliciter l'indemnisation, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé le préjudice qui aurait été porté à l'intérêt collectif de la profession représentée par le syndicat, a violé l'article L. 2132-3 du code du travail. » Réponse de la Cour 16. Le rejet du premier moyen prive de portée la première branche du second moyen qui invoque une cassation par voie de conséquence. 17. La cour d'appel, qui a constaté que la SNCF avait manqué, en sa qualité d'entreprise utilisatrice, à ses obligations en matière d'hygiène et de sécurité applicables aux travaux effectués dans un établissement par une entreprise extérieure, a exactement retenu que ces manquements constituaient une atteinte à l'intérêt collectif des salariés intervenant dans le secteur ferroviaire en sous-traitance. 18. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la SNCF voyageurs aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la SNCF voyageurs et la condamne à payer à M. [P] la somme de 3 000 euros. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit février deux mille vingt-trois. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour la société SNCF voyageurs PREMIER MOYEN DE CASSATION La société SNCF Voyageurs fait grief à l'arrêt attaqué, après avoir débouté le salarié de sa demande dirigée contre la société ISS Logistique et Production, de l'avoir déclarée responsable du préjudice du salarié, et de l'avoir condamnée à lui verser une somme de 8.000 €, Alors 1°) que le salarié qui justifie d'une exposition à l'amiante, générant un risque élevé de développer une pathologie grave, peut agir contre son employeur, pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité, quand bien même il n'aurait pas travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 modifiée ; que l'action en réparation du préjudice d'anxiété ainsi subi par le salarié se rattachant à l'exécution du contrat de travail, ne peut être dirigée que contre son employeur, en cas de manquement de ce dernier à son obligation de sécurité ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que M. [P] avait travaillé depuis 1978 en qualité de salarié de plusieurs sous-traitants de la SNCF, qu'il avait effectué dans ce cadre des travaux de manutention et de nettoyage au sein de différents établissements de cette dernière et que son contrat de travail avait été transféré à compter du 1er mai 2003 à la société ISS Logistique et Production, à laquelle le marché avait été confié en vertu d'un contrat de prestation de services conclu avec la SNCF ; que le salarié a saisi le conseil de prud'hommes d'une action tendant à la condamnation solidaire de son employeur, la société ISS Logistique et Production, et de la SNCF, à l'indemniser du préjudice d'anxiété qu'il prétendait subir à raison de son exposition sans protection, pendant plusieurs années, à des poussières d'amiante ; qu'après avoir rejeté la demande du salarié dirigée contre la société ISS Logistique et Production au titre de la période postérieure au transfert du contrat de travail, au motif que celle-ci n'avait pas manqué à son obligation de sécurité (arrêt, p. 6-7), la cour d'appel a retenu que le salarié était en revanche fondé à rechercher la responsabilité délictuelle de droit commun de la SNCF, au titre de la période antérieure à ce transfert, dès lors qu'étaient en l'espèce établies des fautes et négligences de cette dernière dans l'exécution des obligations mises à sa charge en qualité d'entreprise utilisatrice (arrêt, p. 8-9) ; qu'en statuant de la sorte, quand l'action en réparation du préjudice d'anxiété invoqué par le salarié soutenant avoir été exposé à l'inhalation de poussières d'amiante se rattache à l'exécution du contrat de travail et ne peut dès lors être dirigée que contre l'employeur ayant manqué à l'obligation de sécurité à laquelle il est tenu en vertu des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code de travail, la cour d'appel a violé ces dispositions, ensemble l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause (nouvel article 1240 du code civil) ; Alors 2°) et en tout état de cause que les obligations mises à la charge de l'entreprise utilisatrice par le décret n° 77-1321 du 29 novembre 1977, puis par le décret n° 92-158 du 20 février 1992, lequel a créé les articles R. 237-1 à R. 237-28 du code du travail, visent à assurer « la coordination générale des mesures de préventions » entre l'entreprise utilisatrice et l'entreprise intervenante, chacune d'entre elles demeurant toutefois responsable de la mise en oeuvre des mesures destinées à assurer la sécurité de ses salariés ; qu'en particulier, lorsque les travaux s'exécutent dans les locaux d'une entreprise tierce, l'employeur a le devoir de se renseigner sur les dangers encourus par le salarié (Civ. 2ème, 8 novembre 2007, Bull. n° 248) ; que pour dire que la responsabilité délictuelle de la SNCF était engagée envers le salarié d'une entreprise sous-traitante, la cour d'appel a retenu que cette dernière, en sa qualité d'entreprise utilisatrice, devait informer la société intervenante sur les risques d'affections professionnelles auxquelles pouvaient être exposés les salariés de l'autre entreprise afin que des mesures protectrices soient prises, et que devait également être réalisée une inspection commune des lieux avec désignation des zones de danger et qu'en présence d'un risque d'interaction entre les activités des deux sociétés, comme en l'espèce, devait être établi un plan de prévention définissant les moyens de protection des salariés de l'entreprise extérieure dont l'entreprise utilisatrice devait vérifier l'application ; que la cour d'appel a considéré que si, à compter de 2000, avait été construit un local spécifique pour le désamiantage et si le marché conclu avec la société ISS Logistique et Production en janvier 2003 exigeait ce plan de prévention décrivant les mesures de protection et équipements effectivement fournis aux salariés, SNCF Mobilités ne justifiait pas, pour la période antérieure, de l'établissement d'un plan de prévention avec les employeurs antérieurs de M. [P], ni même de l'exigence d'un tel plan dans les marchés conclus avec ses prestataires, pas plus qu'elle ne démontrait avoir vérifié la fourniture effective d'une information sur la nocivité de l'amiante, et d'équipements individuels de protection adaptés aux salariés des entreprises intervenant sur son site, alors que le décret du 20 février 1992 lui imposait de dénoncer à l'entreprise intervenante un danger grave concernant un salarié de cette dernière, même si elle estimait que la cause du danger ne lui était pas imputable, danger caractérisé par une exposition durable aux poussières d'amiante sans protection ; qu'en statuant de la sorte, quand les règles édictées par les décrets du 29 novembre 1977 et du 20 février 1992 ultérieurement codifié aux articles R. 237-1 du code du travail, portent uniquement sur la prévention des risques liés à l'interaction entre les salariés d'entreprises différentes, chacune des entreprises demeurant responsable de la sécurité de ses propres salariés, et qu'il incombait à l'employeur de M. [P], non à la SNCF, de se renseigner sur les dangers encourus par son salarié, la cour d'appel a violé les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail et l'article 1382 (devenu 1240) du code civil, ensemble les articles 4 à 9 du décret du 29 novembre 1977, et les articles R. 237-1, R. 237-4 et R. 237-6 du code du travail, créés par l'article 1er du décret du 20 février 1992 ; Alors 3°) et en outre que seul est indemnisable le préjudice en lien de causalité avec une faute ou un manquement contractuel dont l'existence est établie par la victime ; qu'en se bornant à retenir, pour dire que la SNCF avait engagé sa responsabilité civile à l'égard du salarié, que les fautes et négligences imputables à la SNCF dans l'exécution de ses obligations en qualité d'utilisatrice avaient « contribué à l'exposition pendant plusieurs années de M. [P] à l'inhalation des poussières d'amiante », sans que ne soit rapportée la preuve d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité envers M. [P] au titre de la période en cause, ayant exposé ce salarié à l'inhalation de poussière d'amiante et par conséquent au risque de développer une pathologie grave associée à ce produit, laquelle ne pouvait se déduire des seuls témoignages d'autres salariés, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à établir le lien de causalité entre la faute retenue à l'encontre de la SNCF et le préjudice d'anxiété allégué par le salarié, a encore violé l'article 1382 (devenu 1240) du code civil ; Alors 4°) en tout état de cause que le salarié qui n'est pas éligible à l'allocation de cessation anticipée d'activité ne peut agir en réparation d'un préjudice d'anxiété qu'à la condition de justifier d'une exposition à l'amiante, générant un risque élevé de développer une pathologie grave ; que pour dire que M. [P] justifiait avoir été exposé à l'amiante au titre de la période de 1978 à 2003, la cour d'appel a retenu que ce salarié produisait aux débats une attestation d'exposition établie le 21 février 2014 par le Docteur [L], médecin du travail de la société ISS Logistique et Production « qui mentionne une exposition à ce produit de 1978 à 2003 dans le cadre de l'exécution de travaux de démontage de panneaux amiantés et de voitures, de grattage et meulage de bogies et de réparation de moteurs, sans équipements de protection individuelle ou collective jusqu'en 1986 » et a relevé que ces postes de travail étaient repris dans une attestation du Docteur [H], intervenant au sein de la SNCF, sans renseignements sur les modalités de protection du salarié ; qu'en statuant de la sorte, quand l'attestation du Docteur [L] mentionnait à la rubrique « Evaluations et mesures des niveaux d'exposition » : « Non connus » et sans s'assurer que les médecins ayant établi ces attestations de nombreuses années après les faits avaient disposé d'éléments concrets permettant d'établir la réalité et la gravité de l'exposition du salarié aux fibres d'amiante, la cour d'appel s'est prononcée sur la base d'éléments impropres à prouver que M. [P] avait effectivement été exposé à l'amiante au titre de la période de 1978 à 2003, violant ainsi l'article 1382 (devenu 1240) du code civil ; Alors 5°) que le salarié qui n'est pas éligible à l'allocation de cessation anticipée d'activité ne peut agir en réparation d'un préjudice d'anxiété qu'à la condition de justifier d'une exposition personnelle à l'amiante ; qu'en retenant qu'il résultait des attestations de plusieurs anciens salariés embauchés à la même époque que M. [P], pour travailler dans l'établissement du Mans, que les travaux de manutention qui leur étaient confiés étaient assurés dans les ateliers à la suite ou pendant des opérations effectuées « par des agents SNCF sur des pièces et matériaux amiantés notamment d'autorails, libérant des fibres de ce produit, sans protection individuelle des salariés », la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à établir que M. [P] avait personnellement été exposé à l'amiante au titre de la période de 1978 à 2003, a méconnu l'article 1382 (devenu 1240) du code civil. SECOND MOYEN DE CASSATION La société SNCF Voyageurs, venant aux droits de l'EPIC SNCF Mobilités, fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamnée à verser au syndicat Sud Rail [Localité 4] une indemnité de 200 € de dommages et intérêts ; Alors 1°) qu'en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif d'une décision de justice s'étend aux chefs de dispositif entretenant un lien de dépendance nécessaire ou d'indivisibilité avec le chef cassé ; que, pour condamner l'EPIC SNCF Mobilités à verser au syndicat Sud Rail [Localité 4] la somme de 200 € à titre de dommages et intérêts, la cour d'appel a retenu que « la nature du manquement relevé à l'encontre de la SNCF permet[tait] de caractériser une atteinte à l'intérêt collectif des salariés intervenant dans le secteur ferroviaire en sous-traitance » ; que la cassation à intervenir sur l'une des critiques du premier moyen, qui reproche à l'arrêt attaqué d'avoir retenu la responsabilité de l'EPIC SNCF Mobilités à l'égard du salarié, entraînera par voie de conséquence la cassation de l'arrêt en ce qu'il a condamné la SNCF à verser des dommages et intérêts réparant le préjudice collectif dont le syndicat demandait l'indemnisation ; Alors 2°) en tout état de cause que les syndicats professionnels ne sont recevables qu'à solliciter l'indemnisation du préjudice direct ou indirect causé à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent ; que pour condamner l'EPIC SNCF Mobilités à verser au syndicat Sud Rail [Localité 4] la somme de 200 € à titre de dommages et intérêts, la cour d'appel, après avoir jugé que les fautes et négligences imputables à la SNCF avaient « directement contribué au préjudice que constitue la situation d'anxiété personnellement subie par [le salarié] », a retenu que « la nature du manquement relevé à l'encontre de la SNCF permet[tait] de caractériser une atteinte à l'intérêt collectif des salariés intervenant dans le secteur ferroviaire en sous-traitance » ; qu'en statuant de la sorte, quand le préjudice d'anxiété invoqué par le salarié, dont la SNCF n'était au surplus pas l'employeur, était un préjudice strictement personnel à ce dernier et qu'il avait donc seul qualité à en solliciter l'indemnisation, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé le préjudice qui aurait été porté à l'intérêt collectif de la profession représentée par le syndicat, a violé l'article L. 2132-3 du code du travail.
Les dispositions de l'article R. 237-2, devenues les articles R. 4511-4, R. 4511-5 et R.4511-6 du code du travail, qui mettent à la charge de l'entreprise utilisatrice une obligation générale de coordination des mesures de prévention qu'elle prend et de celles que prennent l'ensemble des chefs des entreprises intervenant dans son établissement, et précisent que chaque chef d'entreprise est responsable de l'application des mesures de prévention nécessaires à la protection de son personnel, n'interdisent pas au salarié de l'entreprise extérieure de rechercher la responsabilité de l'entreprise utilisatrice, s'il démontre que celle-ci a manqué aux obligations mises à sa charge par le code du travail et que ce manquement lui a causé un dommage, sans qu'il soit nécessaire que la responsabilité de l'entreprise extérieure au titre de l'obligation de sécurité ait été retenue
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SOC. BD4 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 8 février 2023 Rejet M. SOMMER, président Arrêt n° 142 FP-B+R Pourvoi n° S 21-14.451 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 FÉVRIER 2023 La société Rhodia opérations, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° S 21-14.451 contre l'arrêt rendu le 10 décembre 2020 par la cour d'appel de Lyon (chambre sociale C), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [Y] [U], domicilié [Adresse 1], 2°/ à M. [B] [P], domicilié [Adresse 2], 3°/ au syndicat CGT des personnels du site chimique de [Localité 5], dont le siège est [Adresse 4], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Valéry, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Rhodia opérations, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de MM. [U], [P], et du syndicat CGT des personnels du site chimique de [Localité 5], et l'avis de Mme Wurtz, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 décembre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Valéry, conseiller référendaire rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, Mmes Capitaine, Monge, Mariette, MM. Rinuy, Pion, Pietton, Mmes Cavrois, Ott, MM. Sornay, Barincou, Mme Lacquemant, conseillers, M. Le Corre, Mmes Lanoue, Thomas-Davost, conseillers référendaires, Mme Wurtz, avocat général, et Mme Piquot, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application des articles R. 421-4-1 et R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 10 décembre 2020), rendu sur renvoi après cassation (Soc., 15 janvier 2020, pourvoi n° 18-16.771), MM. [P] et [U] ont été engagés, respectivement en 1983 et 1990, par la société Rhône Poulenc chimie, aux droits de laquelle vient la société Rhodia opérations (la société). 2. Par un arrêté ministériel du 30 septembre 2005, l'établissement de [Localité 5], au sein duquel ils ont travaillé, a été inscrit sur la liste des établissements susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (ACAATA) pour la période 1916-2001. 3. Par un arrêté ministériel du 23 août 2013, cette période a été étendue jusqu'en 2005. 4. Les salariés ont saisi la juridiction prud'homale pour obtenir réparation notamment d'un préjudice au titre d'un manquement à l'obligation de loyauté. 5. Le syndicat CGT des personnels du site chimique de [Localité 5] est intervenu à l'instance. Examen du moyen Enoncé du moyen 6. L'employeur fait grief à l'arrêt de déclarer recevable l'action des salariés au titre du manquement à l'obligation de loyauté, de le condamner à leur payer une somme à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de la violation de l'obligation de loyauté, de le condamner à verser au syndicat CGT des personnels du site chimique de [Localité 5] une somme au titre du préjudice subi par la collectivité de travail et de le condamner à payer à chacun des salariés et au syndicat une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, alors : « 1°/ que l'indemnisation accordée au titre du préjudice d'anxiété répare l'ensemble des troubles psychologiques, y compris ceux liés au bouleversement dans les conditions d'existence, résultant du risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante ; qu'il en résulte que le salarié dont le droit à réparation au titre du préjudice d'anxiété, en application de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998, est éteint n'est pas recevable à solliciter le versement de dommages-intérêts au titre d'une utilisation d'amiante par l'employeur sur un autre fondement juridique ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que l'action des salariés en réparation de leur préjudice d'anxiété en application de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 était irrecevable comme prescrite ; qu'en leur allouant néanmoins des dommages-intérêts en réparation du préjudice au titre d'un manquement de l'employeur à son obligation de loyauté résultant de l'utilisation d'amiante entre 2002 et 2005, la cour d'appel a violé l'article L. 4121-1 du code du travail, ensemble l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 ; 2°/ qu'à supposer que le salarié, dont le droit à réparation au titre du préjudice d'anxiété en application de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 est éteint, puisse invoquer un manquement de l'employeur à son obligation de loyauté résultant de l'utilisation d'amiante, il ne peut solliciter une réparation qu'à condition d'établir l'impact d'une telle utilisation sur ses conditions de travail et l'existence d'un préjudice personnellement subi ; qu'en se bornant à relever, pour allouer à chacun des salariés une somme de dommages-intérêts au titre d'une méconnaissance de son obligation de loyauté, que la société Rhodia Opérations avait continué à utiliser de l'amiante illégalement et sans transparence vis-à-vis des représentants du personnel de 2002 à 2005, sans caractériser la moindre exposition personnelle des salariés au cours de cette période, le moindre manquement commis par l'employeur, ni le moindre préjudice personnellement subi résultant du manquement de l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, et l'article L. 1222-1 du code du travail. » Réponse de la Cour 7. En premier lieu, il résulte de l'article L. 1222-1 du code du travail que l'atteinte à la dignité de son salarié constitue pour l'employeur un manquement grave à son obligation d'exécuter de bonne foi le contrat de travail (Soc., 7 février 2012, pourvoi n° 10-18.686, Bull. 2012, V, n° 58). 8. Dès lors, la cour d'appel a retenu à bon droit que l'employeur, qui avait bénéficié d'une dérogation jusqu'au 31 décembre 2001 l'autorisant à poursuivre l'utilisation de l'amiante malgré l'entrée en vigueur du décret n° 96-1133 du 24 décembre 1996 relatif à l'interdiction de l'amiante, et continué, en toute illégalité, à utiliser ce matériau de 2002 à 2005 alors qu'il n'était plus titulaire d'aucune autorisation dérogatoire, a ainsi manqué à son obligation d'exécuter de bonne foi les contrats de travail. 9. En second lieu, l'employeur qui soutenait devant la cour d'appel que tous les salariés de l'établissement de [Localité 5] avaient reçu leur attestation d'exposition à l'amiante à leur départ de l'entreprise, est irrecevable à présenter devant la Cour de cassation un moyen contraire selon lequel les salariés ne caractérisaient pas la moindre exposition personnelle à l'amiante au cours de la période concernée. 10. Enfin, les salariés, au soutien de leur demande au titre de l'obligation de loyauté, n'invoquaient pas l'existence d'un préjudice d'anxiété. 11. Il en résulte que le moyen, partiellement irrecevable et inopérant en sa seconde branche, n'est pas fondé pour le surplus. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Rhodia opérations aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Rhodia opérations et la condamne à payer à MM. [U] et [P] et au syndicat CGT des personnels du site chimique de [Localité 5] la somme globale de 3 000 euros. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit février deux mille vingt-trois. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Rhodia opérations La société Rhodia Chimie reproche à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré recevable l'action de MM. [P] et [U] au titre du manquement à l'obligation de loyauté, de l'avoir condamnée à payer à MM. [P] et [U] la somme de 2 000 € chacun à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de la violation de l'obligation de loyauté, de l'avoir condamnée à verser au syndicat CGT des personnels du site chimique du [Localité 5] la somme de 2 000 € au titre du préjudice subi par la collectivité de travail et d'avoir confirmé le jugement déféré en que qu'il l'a condamnée à payer à chacun des salariés et au syndicat une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; ALORS QUE l'indemnisation accordée au titre du préjudice d'anxiété répare l'ensemble des troubles psychologiques, y compris ceux liés au bouleversement dans les conditions d'existence, résultant du risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante ; qu'il en résulte que le salarié dont le droit à réparation au titre du préjudice d'anxiété, en application de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998, est éteint n'est pas recevable à solliciter le versement de dommages-intérêts au titre d'une utilisation d'amiante par l'employeur sur un autre fondement juridique ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que l'action des salariés en réparation de leur préjudice d'anxiété en application de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 était irrecevable comme prescrite ; qu'en leur allouant néanmoins des dommages-intérêts en réparation du préjudice au titre d'un manquement de l'employeur à son obligation de loyauté résultant de l'utilisation d'amiante entre 2002 et 2005, la cour d'appel a violé l'article L. 4121-1 du code du travail, ensemble l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 ; ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QU'à supposer que le salarié, dont le droit à réparation au titre du préjudice d'anxiété en application de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 est éteint, puisse invoquer un manquement de l'employeur à son obligation de loyauté résultant de l'utilisation d'amiante, il ne peut solliciter une réparation qu'à condition d'établir l'impact d'une telle utilisation sur ses conditions de travail et l'existence d'un préjudice personnellement subi ; qu'en se bornant à relever, pour allouer à chacun des salariés une somme de dommages-intérêts au titre d'une méconnaissance de son obligation de loyauté, que la société Rhodia Opérations avait continué à utiliser de l'amiante illégalement et sans transparence vis-à-vis des représentants du personnel de 2002 à 2005, sans caractériser la moindre exposition personnelle des salariés au cours de cette période, le moindre manquement commis par l'employeur, ni le moindre préjudice personnellement subi résultant du manquement de l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, et l'article L. 1222-1 du code du travail.
L'atteinte à la dignité du salarié constitue pour l'employeur un manquement grave à son obligation d'exécuter de bonne foi le contrat de travail. La cour d'appel qui constate que l'employeur, qui avait bénéficié d'une dérogation jusqu'au 31 décembre 2001 l'autorisant à poursuivre l'utilisation de l'amiante malgré l'entrée en vigueur du décret n° 96-1133 du 24 décembre 1996 relatif à l'interdiction de l'amiante, et continué, en toute illégalité, à utiliser ce matériau de 2002 à 2005 alors qu'il n'était plus titulaire d'aucune autorisation dérogatoire, retient à bon droit que celui-ci a manqué à son obligation d'exécuter de bonne foi le contrat de travail
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N° Y 22-80.885 F- B N° 00159 GM 8 FÉVRIER 2023 REJET M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 8 FÉVRIER 2023 M. [B] [U] [P] [T] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, 7e chambre, en date du 24 janvier 2022, qui, pour agressions sexuelles et violences, aggravées, l'a condamné à cinq ans d'emprisonnement dont trois ans avec sursis probatoire et a prononcé sur les intérêts civils. Des mémoires ont été produits, en demande et en défense. Sur le rapport de M. Turbeaux, conseiller, les observations de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de M. [P] [T], les observations de la SCP Spinosi, avocat de Mme [T], et les conclusions de M. Petitprez, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 janvier 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Turbeaux, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Suite à la plainte déposée le 7 décembre 2016 par Mme [X] [J] à l'encontre de son mari M. [B] [U] [P] [T], à l'égard de faits commis sur leur fille [K] [T], une information a été ouverte et M. [P] [T] a été mis en examen des chefs de viol et agressions sexuelles incestueuses sur mineur de quinze ans par ascendant, agressions sexuelles incestueuses sur mineur de plus de quinze ans par ascendant et violences volontaires sur mineur de quinze ans par ascendant. 3. Par ordonnance du 14 mars 2019, après avoir obtenu l'accord de la partie civile sur ce point, le juge d'instruction a procédé à la requalification des faits de viol en agression sexuelle et il a ordonné le renvoi de M. [P] [T] devant le tribunal correctionnel des chefs d'agression sexuelle incestueuse sur mineur de quinze ans par ascendant, agression sexuelle incestueuse sur mineur de plus de quinze ans par ascendant et violences volontaires sur mineur de quinze ans par ascendant. 4. Par jugement du 21 septembre 2020, le tribunal correctionnel a prononcé la relaxe de M. [P] [T], a déclaré recevable la constitution de partie civile de [K] [T] et l'a déboutée de ses demandes. 5. Le ministère public a relevé appel des dispositions pénales du jugement et la partie civile a formé appel à l'égard des dispositions civiles. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé des moyens 6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [P] [T] coupable d'agression sexuelle incestueuse sur un mineur de quinze ans et d'agression sexuelle incestueuse sur un mineur de plus de quinze ans et, en répression, l'a condamné à cinq ans d'emprisonnement dont trois ans assortis d'un sursis probatoire pendant trois ans, alors « que les juridictions correctionnelles ne peuvent ajouter aux faits de la prévention, lesquels doivent rester tels qu'ils ont été retenus dans l'acte de saisine, à moins que le prévenu ait accepté d'être jugé sur des faits nouveaux ; Qu'en l'espèce, il résulte des énonciations de l'ordonnance de renvoi en date du 14 mars 2019, qui fixe les limites de la prévention, qu'il est reproché à M. [P] [T] d'avoir, du 16 avril 2010 au 30 juillet 2016, commis ou tenté de commettre une atteinte sexuelle avec violence, contrainte, menace ou surprise sur la personne de [K] [T] « en l'espèce en procédant sur elle à des attouchements de nature sexuelle » ; Que de tels attouchements sont exclusifs de tout acte de pénétration sexuelle ; Que, dès lors, en relevant notamment, pour déclarer l'exposant coupable des faits visés à la prévention, qu'outre des attouchements de son père sur les seins et les fesses, [K] [T] a fait état d'un « acte de pénétration ayant eu lieu quand elle avait quatorze ans, soit en 2013 » et que « l'examen gynécologique confirme une défloration, le médecin expert expliquant que les jeunes filles n'ayant pas de connaissance en matière de sexualité pouvaient confondre une pénétration anale et vaginale », la cour d'appel, qui a ainsi retenu à la charge du prévenu un acte de pénétration sexuelle qui n'était pas visé à la prévention, tandis que rien n'indique que l'intéressé ait accepté d'en répondre, a violé l'article 388 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 7. Pour déclarer le prévenu coupable d'agressions sexuelles aggravées, l'arrêt attaqué retient qu'il a imposé à sa fille des attouchements sexuels et une pénétration sexuelle vaginale. 8. En réprimant ainsi, sous la qualification d'agression sexuelle aggravée, un acte de pénétration sexuelle, la cour d'appel n'a pas méconnu les termes de sa saisine, pour les raisons suivantes. 9. D'une part, les faits de pénétration sexuelle ont donné lieu à la mise en examen du demandeur pour viol aggravé. Le juge d'instruction a substitué une qualification correctionnelle à ce fait, en clôturant l'information par une ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel, qui vise à la fois des faits d'attouchements et de pénétration, sous la qualification d'agressions sexuelles aggravées. 10. D'autre part, le demandeur n'a pas relevé appel de cette ordonnance de renvoi, en invoquant que les faits étaient de nature criminelle, alors que cette voie de recours lui était ouverte, par l'article 186-3 du code de procédure pénale. 11. Par ailleurs, lors de ce renvoi, la victime était constituée partie civile et assistée d'un avocat. L'article 469 du code de procédure pénale empêchait donc la juridiction de jugement de se déclarer incompétente si elle constatait que l'un des faits dont elle était saisie était de nature à entraîner une peine criminelle. 12. En conséquence, il revenait à la juridiction de jugement, si elle estimait que le prévenu avait contraint sa fille à un acte de pénétration sexuelle, de réprimer cet acte sous la qualification correctionnelle dont elle était saisie. 13. Le moyen ne peut donc être accueilli. Sur le deuxième moyen Enoncé du moyen 14. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [P] [T] à cinq ans d'emprisonnement dont trois ans assortis du sursis probatoire pendant trois ans, alors « que le juge qui prononce une peine d'emprisonnement sans sursis doit en justifier la nécessité au regard de la gravité de l'infraction, de la personnalité de son auteur, de sa situation matérielle, familiale et sociale ainsi que du caractère inadéquat de toute autre sanction ; Qu'en l'espèce, pour condamner l'exposant à la peine de cinq ans d'emprisonnement dont trois ans assortis du sursis probatoire, la cour d'appel s'est bornée à énoncer d'une part que les faits sont particulièrement graves s'agissant de faits de violence et de faits de nature sexuelle commis par un père sur sa fille pendant plusieurs années, d'autre part que si le prévenu est inséré socialement, il n'a cependant pas conscience de la gravité des faits qu'il nie ou minimise s'agissant des violences, et dénie avoir des problèmes avec l'alcool, enfin que les faits remontant à plus de cinq ans et que l'intéressé n'a pas d'antécédent judiciaire pour des faits de cette nature ; Qu'en l'état de ces seules énonciations, sans mieux s'expliquer sur le caractère inadéquat de toute autre sanction que l'emprisonnement ferme, ni mieux préciser la situation matérielle, familiale et sociale du prévenu, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 132-19 du code pénal. » Réponse de la Cour 15. Pour condamner le prévenu à cinq ans d'emprisonnement dont trois ans avec sursis probatoire, l'arrêt attaqué énonce que les faits sont graves s'agissant de violences et d'atteintes sexuelles commises par un père sur sa fille durant plusieurs années, que lesdits faits remontent à plus de cinq ans et que l'intéressé n'a pas d'antécédent judiciaire à cet égard. 16. Les juges ajoutent que si le prévenu est inséré socialement, il n'a cependant pas conscience de la gravité des faits qu'il nie ou minimise s'agissant des violences, que, de même, il dénie en réalité avoir des problèmes avec l'alcool. 17. En se déterminant ainsi, par des motifs qui prennent en compte les circonstances des infractions, dont il résulte que la gravité de celles-ci et la personnalité de son auteur rendent la peine d'emprisonnement indispensable et que toute autre sanction est manifestement inadéquate, la cour d'appel n'a méconnu aucun des textes visés au moyen. 18. Dès lors, le moyen doit être écarté. Sur le troisième moyen Enoncé du moyen 19. Le troisième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné, M. [P] [T] sur les intérêts civils, à payer à [K] [T], partie civile, la somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice sexuel, alors « que le fait générateur du préjudice qu'il appartient au juge pénal de réparer ne peut résider que dans les faits visés à la prévention et dont le prévenu a été déclaré coupable ; Qu'en l'espèce, pour condamner l'exposant à payer à la partie civile la somme de 3 000 € en réparation de son préjudice sexuel, la cour d'appel s'est déterminée par la circonstance que la jeune [K] [T] a été particulièrement bouleversée par l'annonce de la perte de sa virginité et a ressenti cette annonce avec une particulière violence pour son intimité alors qu'elle se croyait encore jeune fille ; Qu'en statuant ainsi, quand la prévention ne visait aucun acte de pénétration sexuelle, et ne faisait état que d'attouchements, excluant ainsi l'existence d'un acte de pénétration sexuelle, la cour d'appel a violé l'article 388 du code de procédure pénale, ensemble les articles 2 et 464 du même code. » Réponse de la Cour 20. Compte tenu de la réponse apportée au premier moyen, c'est sans méconnaître les termes de sa saisine, qui portait sur des faits de pénétration sexuelle, que la cour d'appel a indemnisé le préjudice en résultant pour la victime. 21. Le moyen doit donc être écarté. 22. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du huit février deux mille vingt-trois.
Ne méconnaît pas les articles 388 et 469 du code de procédure pénale, le tribunal correctionnel, saisi par le renvoi ordonné par le juge d'instruction, qui réprime sous une qualification correctionnelle des faits de nature criminelle, si la victime était constituée partie civile et était assistée d'un avocat lorsque ce renvoi a été ordonné. Il en est ainsi du tribunal correctionnel qui, saisi dans ces conditions, réprime sous la qualification d'agression sexuelle des faits de pénétration sexuelle
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N° P 22-84.280 F- B N° 00164 GM IRRECEVABILITE 8 FÉVRIER 2023 REJET M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 8 FÉVRIER 2023 M. [I] [W] a formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'assises de Vaucluse, en date du 14 octobre 2021, qui, pour vols avec arme, vols, destructions aggravées, en bande organisée, et association de malfaiteurs, en récidive, l'a condamné à vingt-cinq ans de réclusion criminelle, a ordonné une mesure de confiscation, ainsi que contre l'arrêt du même jour par lequel la cour a prononcé sur les intérêts civils. Les pourvois sont joints en raison de la connexité. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de Mme Leprieur, conseiller, les observations de la SCP Spinosi, avocat de M. [I] [W], et les conclusions de M. Petitprez, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 janvier 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Leprieur, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée, en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Par ordonnance du 18 août 2014, le juge d'instruction a ordonné la mise en accusation de M. [I] [W] devant la cour d'assises du Gard, des chefs précités. 3. Par arrêt du 3 juillet 2015, ladite cour d'assises a condamné M. [W] à vingt-deux ans de réclusion criminelle et a ordonné une mesure de confiscation. 4. M. [W] a interjeté appel principal. Le ministère public a interjeté appel incident. 5. L'accusé, en fuite, qui avait fait l'objet d'un mandat d'arrêt, n'a pas comparu devant la cour d'assises statuant en appel. Examen de la recevabilité du pourvoi formé par l'avocat de l'accusé 6. Le demandeur ayant épuisé, par l'exercice qu'il en avait fait lui-même, le 28 mars 2022, le droit de se pourvoir contre les arrêts attaqués, était irrecevable à se pourvoir à nouveau contre les mêmes décisions, le 30 mars 2022, par l'intermédiaire de son avocat. 7. Seul est recevable le pourvoi formé le 28 mars 2022. Examen des moyens Sur les deuxième à sixième moyens 8. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [W] des chefs de vol aggravé et destruction volontaire par incendie à la peine de vingt-cinq ans de réclusion criminelle, alors : « 1°/ qu'a excédé son office et n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard des articles 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 270, 274, 379-3 alinéa 2, 379-7, 591 ou 593 du code de procédure pénale, la cour d'assises d'appel qui a statué à l'encontre de M. [W], accusé en fuite, par arrêt contradictoire à signifier, tout en constatant qu'un avocat avait été commis d'office par le président pour assurer la défense de l'accusé à son insu sans qu'aucun mandat de représentation ne lui ait été confié ; 2°/ que les dispositions combinées des articles 270, 274 et 379-3 alinéa 2, 379-7 du code de procédure pénale, à supposer qu'elles permettent au président de la cour d'assises de commettre d'office un avocat pour représenter l'accusé en fuite, à son insu, en le privant en conséquence des dispositions relatives au défaut criminel, seraient nécessairement contraires au droit de toute personne à un procès équitable, au droit à un recours effectif ainsi qu'au principe d'égalité devant la loi tels qu'ils sont garantis par les articles 1er, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et à la compétence confiée au législateur par l'article 34 de la Constitution ; qu'à la suite de la déclaration d'inconstitutionnalité qui interviendra, l'arrêt attaqué sera privé de base légale ; 3°/ que porte une atteinte disproportionnée aux droits de la défense et le droit de toute personne à un procès équitable et viole les articles 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 270, 274, 379-3 alinéa 2, 379-7, 591 ou 593 du code de procédure pénale, la cour d'assises d'appel qui condamne l'accusé en fuite, par arrêt contradictoire à signifier, en se fondant sur la commission d'office d'un avocat par le seul président, à l'insu et sans le moindre accord de l'accusé, qui, partant a conduit à exclure ce dernier du bénéfice des dispositions relatives au défaut criminel. » Réponse de la Cour 10. La cour d'assises a condamné M. [W] en son absence, après qu'il avait été représenté, lors des débats, par un avocat commis d'office par le président. L'arrêt pénal attaqué a été qualifié de réputé contradictoire à l'égard de l'accusé. 11. En statuant ainsi, la cour d'assises n'a méconnu aucun des textes visés au moyen. 12. En effet, en premier lieu, selon l'article 379-7 du code de procédure pénale, la procédure de défaut en matière criminelle n'est pas applicable lorsque l'absence de l'accusé, sans excuse valable, est constatée à l'ouverture de l'audience ou, à tout moment, au cours des débats, devant la cour d'assises désignée à la suite de l'appel formé par l'accusé. Dans ce cas, le procès se déroule ou se poursuit jusqu'à son terme, conformément aux articles 306 à 379-1 du même code, relatifs aux débats et au jugement, à l'exception des dispositions relatives à l'interrogatoire et à la présence de l'accusé, en présence de l'avocat qui assure la défense de ses intérêts. Le délai de pourvoi en cassation court à partir de la date à laquelle l'arrêt est porté à la connaissance de l'accusé. 13. Il résulte de ces dispositions que la procédure de défaut en matière criminelle n'est pas applicable devant la cour d'assises statuant en appel, lorsque l'accusé, absent sans excuse valable, est appelant. 14. L'arrêt rendu par la cour d'assises, dans une telle hypothèse, doit donc être qualifié de contradictoire à signifier et ne peut faire l'objet que d'un pourvoi en cassation. 15. En second lieu, il se déduit des dispositions précitées, combinées à celles des articles 274 et 317 du code de procédure pénale, que le président de la cour d'assises doit désigner d'office un avocat à l'accusé appelant en fuite, qui n'a ni fait le choix ni sollicité la désignation d'un défenseur. 16. Dès lors que cette désignation d'office, sans effet sur la qualification de l'arrêt, ne prive pas l'accusé du bénéfice d'une voie de recours, elle a, loin de porter une atteinte aux droits de la défense et au droit à un procès équitable, au contraire pour objet d'en garantir l'effectivité, dans toute la mesure rendue possible par la fuite de l'accusé. 17. Enfin, la Cour de cassation ayant, par arrêt du 11 janvier 2023, dit n'y avoir lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité, le grief de la deuxième branche est devenu sans objet. 18. Ainsi, le moyen n'est pas fondé. 19. Par ailleurs la procédure est régulière et la peine a été légalement appliquée aux faits déclarés constants par la cour et le jury. PAR CES MOTIFS, la Cour : Sur le pourvoi formé le 30 mars 2022 : Le DÉCLARE IRRECEVABLE ; Sur le pourvoi formé le 28 mars 2022 : Le REJETTE ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du huit février deux mille vingt-trois.
L'arrêt rendu par la cour d'assises, statuant en appel, lorsque l'accusé, absent sans excuse valable, est appelant, doit être qualifié de contradictoire à signifier et ne peut faire l'objet que d'un pourvoi en cassation
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 février 2023 Rejet M. PIREYRE, président Arrêt n° 145 FS-B Pourvoi n° C 21-19.498 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 FÉVRIER 2023 La société Zerda, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° C 21-19.498 contre l'arrêt rendu le 18 mai 2021 par la cour d'appel de Montpellier (chambre commerciale), dans le litige l'opposant à la société Axa France Iard, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Brouzes, conseiller référendaire, les observations de la SCP de Nervo et Poupet, avocat de la société Zerda, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Axa France Iard, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 janvier 2023 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Brouzes, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, M. Martin, Mmes Chauve, Isola, conseillers, MM. Ittah, Pradel, Mme Philippart, conseillers référendaires, Mme Nicolétis, avocat général, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 18 mai 2021), la société Zerda (l'assurée), exploitante d'un fonds de commerce, a souscrit un contrat d'assurance multirisques professionnelle auprès de la société Axa France Iard (l'assureur). 2. Victime de deux vols les 20 mars 2014 et 13 juin 2015, elle a sollicité vainement la garantie de son assureur puis a saisi un juge des référés afin qu'une mesure d'expertise soit ordonnée et une provision fixée. Par ordonnance du 18 janvier 2016, le juge des référés s'est déclaré incompétent et a invité les parties à mieux se pourvoir. 3. L'assurée a ensuite assigné, par acte du 24 novembre 2017, l'assureur devant un tribunal de commerce. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche, ci-après annexé 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 5. L'assurée fait grief à l'arrêt de juger irrecevable, car prescrite, son action à l'encontre de l'assureur, alors « que l'article R. 112-1 du code des assurances dispose que la police d'assurance doit rappeler les dispositions législatives concernant la prescription ; que, a fortiori, la police ne doit pas contenir des indications de nature à induire l'assuré en erreur ; que dans le cas d'espèce, l'article 7.4 du contrat d'assurance, dont les stipulations ont été citées in extenso par l'arrêt attaqué, énonçait que la prescription était interrompue par « toute demande, même en référé », sans rappeler les dispositions de l'article 2243 du code civil, c'est-à-dire sans rappeler que l'interruption était considérée comme non avenue dans le cas où la demande, même en référé, était définitivement rejetée ; qu'en décidant que ces stipulations étaient claires et complètes quant aux règles concernant la prescription, la cour d'appel a violé l'article R. 112-1 du code des assurances. » Réponse de la Cour 6. Il résulte de l'article R. 112-1 du code des assurances que l'assureur doit rappeler dans le contrat d'assurance, sous peine d'inopposabilité à l'assuré du délai de prescription biennale édicté par l'article L. 114-1, les différentes causes d'interruption de prescription mentionnées à l'article L. 114-2 et le point de départ de la prescription. 7. Il n'est pas tenu de préciser qu'en application de l'article 2243 du code civil, l'interruption de prescription est non avenue si le demandeur se désiste de sa demande, laisse périmer l'instance ou si sa demande est définitivement rejetée. 8. C'est donc à bon droit que la cour d'appel, après avoir rappelé les termes de la clause du contrat d'assurance relative à la prescription de l'action dérivant du contrat et relevé que ces dispositions étaient claires et complètes quant aux règles de prescription applicables entre l'assureur et l'assurée, notamment quant aux points de départ et aux causes d'interruption, a jugé que la prescription biennale était opposable à l'assurée. 9. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Zerda aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Zerda à payer à la société Axa France Iard la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf février deux mille vingt-trois. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP de Nervo et Poupet, avocat aux Conseils, pour la société Zerda Le moyen reproche à l'arrêt attaqué D'AVOIR dit et jugé irrecevable, car prescrite, l'action de la société Zerda à l'encontre de la société Axa Assurances IARD 1) ALORS QUE la chose jugée est contenue dans le seul dispositif des décisions judiciaires ; que le dispositif de l'ordonnance de référé en date du 18 janvier 2016 énonçait : « nous déclarons incompétent ; invitons les parties à mieux se pourvoir » ; que la Cour d'appel ne pouvait « interpréter » cette décision, au détriment du justiciable se fiant à ses énonciations, en disant qu'il s'agissait en réalité d'un jugement ayant statué définitivement sur le fond (arrêt, page 6, alinéa 3) ; que la Cour d'appel a donc violé l'article 1355 (anciennement 1351) du code civil ; 2) ALORS QUE, en tout état de cause, l'article R 112-1 du code des assurances dispose que la police d'assurance doit rappeler les dispositions législatives concernant la prescription ; que, a fortiori, la police ne doit pas contenir des indications de nature à induire l'assuré en erreur ; que dans le cas d'espèce, l'article 7.4 du contrat d'assurance, dont les stipulations ont été citées in extenso par l'arrêt attaqué (page 6, dernier alinéa), énonçait que la prescription était interrompue par « toute demande, même en référé », sans rappeler les dispositions de l'article 2243 du code civil, c'est-à-dire sans rappeler que l'interruption était considérée comme non avenue dans le cas où la demande, même en référé, était définitivement rejetée ; qu'en décidant que ces stipulations étaient claires et complètes quant aux règles concernant la prescription, la Cour d'appel a violé l'article R 112-1 du code des assurances.
Il résulte de l'article R. 112-1 du code des assurances que l'assureur doit rappeler dans le contrat d'assurance, sous peine d'inopposabilité à l'assuré du délai de prescription biennale édicté par l'article L. 114-1, les différentes causes d'interruption de prescription mentionnées à l'article L. 114-2 et le point de départ de la prescription. Il n'est pas tenu de préciser qu'en application de l'article 2243 du code civil, l'interruption de la prescription est non avenue si le demandeur se désiste de sa demande, laisse périmer l'instance ou si sa demande est définitivement rejetée
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 février 2023 Cassation M. PIREYRE, président Arrêt n° 146 FS-B Pourvoi n° C 21-17.681 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 FÉVRIER 2023 La société Swisslife assurances de biens, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° C 21-17.681 contre l'arrêt rendu le 6 avril 2021 par la cour d'appel de Grenoble (2e chambre civile), dans le litige l'opposant : 1°/ à Mme [Z] [P], 2°/ à M. [W] [P], 3°/ à M. [O] [P], tous trois domiciliés [Adresse 2], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Brouzes, conseiller référendaire, les observations de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société Swisslife assurances de biens, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 janvier 2023 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Brouzes, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, M. Martin, Mmes Chauve, Isola, conseillers, MM. Ittah, Pradel, Mme Philippart, conseillers référendaires, Mme Nicolétis, avocat général, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 6 avril 2021), [U] [P] a souscrit, le 19 novembre 2003, un contrat dénommé « garantie accidents de la vie » auprès de la société Swisslife assurances de biens (l'assureur). 2. Il est décédé le 17 août 2013, laissant pour lui succéder sa veuve et leurs deux fils, MM. [O] et [W] [P], lesquels ont assigné l'assureur devant un tribunal afin d'obtenir la mise en oeuvre des garanties prévues par le contrat. 3. L'assureur a refusé sa garantie en se prévalant devant la cour d'appel d'une clause excluant le suicide. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 4. L'assureur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à Mme [P] la somme de 30 000 euros au titre de son préjudice moral et la somme de 108 478,018 euros [lire 108 478,02 euros] au titre de son préjudice économique, à M. [O] [P] la somme de 20 000 euros au titre de son préjudice moral et la somme de 4 378,15 euros au titre de son préjudice économique et à M. [W] [P] la somme de 20 000 euros au titre de son préjudice moral et la somme de 9 300,09 euros au titre de son préjudice économique, alors « que les dispositions de l'article L. 132-7 du code des assurances ne sont pas applicables aux assurances « accidents corporels » ; qu'en l'espèce, en faisant application de ce texte, dans sa version en vigueur le 19 novembre 2003, à la mise en jeu de la garantie décès prévue par le contrat « accidents de la vie » souscrit à cette date par [U] [P], pour retenir que dès lors qu'il s'était écoulé un délai de plus de deux ans entre cette souscription et son décès accidentel ou son suicide, la question de ce suicide ne se posait pas quant aux exclusions de garantie, que la garantie de la société Swisslife était due et que la clause d'exclusion liée au suicide devait être réputée non-écrite, la cour d'appel a violé l'article L. 132-7 du code des assurances dans sa version issue de la loi n° 2001-1135 du 3 décembre 2001. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 132-7, alinéas 1 et 2, du code des assurances : 5. Il résulte de ce texte que, si l'assurance en cas de décès est de nul effet si l'assuré se donne volontairement la mort au cours de la première année du contrat, elle doit couvrir le risque de suicide à compter de la deuxième année du contrat. 6. Le caractère accidentel du décès constitue une circonstance qui, s'agissant de l'application d'un contrat d'assurance couvrant les accidents corporels, est une condition de la garantie. 7. Dès lors, le suicide n'est pas, sauf stipulation contraire, couvert par les contrats garantissant les accidents corporels, auxquels ce texte n'est pas applicable. 8. Pour dire que l'assureur doit sa garantie, l'arrêt retient que la clause d'exclusion tenant au suicide doit être réputée non écrite, dès lors que l'article L. 132-7 du code des assurances, d'ordre public, impose à l'assureur de couvrir le risque de suicide à compter de la deuxième année du contrat et que [U] [P] est décédé dix ans après la souscription de celui-ci. 9. En se déterminant ainsi, sans constater que le contrat d'assurance étendait sa garantie à des événements autres que les accidents corporels, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 avril 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ; Condamne Mme [P] et MM. [O] et [W] [P] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf février deux mille vingt-trois. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SARL Le Prado - Gilbert, avocat aux Conseils, pour la société Swisslife assurances de biens PREMIER MOYEN DE CASSATION La société Swisslife reproche à l'arrêt attaqué, De l'AVOIR condamnée à payer à Mme [Z] [P] la somme de 30 000 euros au titre de son préjudice moral et la somme de 108 478,018 euros au titre de son préjudice économique, à M. [O] [P] la somme de 20 000 euros au titre de son préjudice moral et la somme de 4 378,15 euros au titre de son préjudice économique et à M. [W] [P] la somme de 20 000 euros au titre de son préjudice moral et la somme de 9 300,09 euros au titre de son préjudice économique ; 1°) ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en l'espèce, dans leurs conclusions d'appel respectives, ni la société Swisslife ni les consorts [P] n'invoquait l'article L. 132-7 du code des assurances au titre de la garantie décès prévue par le contrat « Accidents de la vie » souscrit par [U] [P] le 19 novembre 2003 ; qu'en relevant d'office le moyen tiré de l'application de ce texte dans sa version alors en vigueur, prévoyant que l'assureur doit couvrir le risque de suicide à compter de la deuxième année du contrat, pour retenir que, dès lors qu'il s'était écoulé un délai de plus de deux ans entre la souscription du contrat par [U] [P] le 19 novembre 2003 et son décès accidentel ou par suicide le 17 août 2013, la question de ce suicide ne se posait pas quant aux exclusions de garantie, que la garantie de la société Swisslife était due et que la clause d'exclusion liée au suicide devait être réputée non-écrite, sans inviter au préalable les parties à présenter leurs observations sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ; 2°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE les dispositions de l'article L. 132-7 du code des assurances ne sont pas applicables aux assurances « accidents corporels » ; qu'en l'espèce, en faisant application de ce texte, dans sa version en vigueur le 19 novembre 2003, à la mise en jeu de la garantie décès prévue par le contrat « Accidents de la vie » souscrit à cette date par [U] [P], pour retenir que dès lors qu'il s'était écoulé un délai de plus de deux ans entre cette souscription et son décès accidentel ou son suicide, la question de ce suicide ne se posait pas quant aux exclusions de garantie, que la garantie de la société Swisslife était due et que la clause d'exclusion liée au suicide devait être réputée non-écrite, la cour d'appel a violé l'article L. 132-7 du code des assurances dans sa version issue de la loi n° 2001-1135 du 3 décembre 2001. SECOND MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE) La société Swisslife reproche à l'arrêt attaqué, De l'AVOIR condamnée à payer à Mme [Z] [P] la somme de 30 000 euros au titre de son préjudice moral et la somme de 108 478,018 euros au titre de son préjudice économique, à M. [O] [P] la somme de 20 000 euros au titre de son préjudice moral et la somme de 4 378,15 euros au titre de son préjudice économique et à M. [W] [P] la somme de 20 000 euros au titre de son préjudice moral et la somme de 9 300,09 euros au titre de son préjudice économique ; ALORS QUE tout jugement doit être motivé ; que le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, la société Swisslife faisait valoir dans ses conclusions d'appel que le tribunal n'avait retenu, pour déterminer l'indemnisation due aux consorts [P], qu'une somme de 4 084,92 euros s'agissant des revenus de Mme [Z] [P], quand, à l'examen de la pièce adverse n° 13 correspondant à l'avis d'impôt sur les revenus 2014, il apparaissait que Mme [Z] [P] avait perçu, outre la somme de 4 085 euros au titre d'« autres revenus salariaux », une somme de 1 166 euros au titre de « salaires » ; qu'en adoptant sur ce point la motivation du jugement sans répondre à ce moyen péremptoire, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
Il résulte de l'article L. 132-7 du code des assurances que si l'assurance en cas de décès est de nul effet si l'assuré se donne volontairement la mort au cours de la première année du contrat, elle doit couvrir le risque de suicide à compter de la deuxième année du contrat. Le caractère accidentel du décès constitue une circonstance qui, s'agissant de l'application d'un contrat d'assurance couvrant les accidents corporels, est une condition de la garantie. Dès lors, sauf stipulation contraire, le suicide n'est pas couvert par les contrats garantissant les accidents corporels, auxquels ce texte n'est pas applicable
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 février 2023 Cassation partielle M. PIREYRE, président Arrêt n° 162 F-B Pourvoi n° W 21-21.217 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 FÉVRIER 2023 La société Pacifica, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° W 21-21.217 contre l'arrêt rendu le 28 juin 2021 par la cour d'appel de Nancy (1re chambre civile), dans le litige l'opposant : 1°/ à Mme [P] [R], domiciliée [Adresse 1], 2°/ à la mutualité sociale agricole de Lorraine, dont le siège est [Adresse 2], défenderesses à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Philippart, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la société Pacifica, de la SCP Didier et Pinet, avocat de Mme [R], et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 janvier 2023 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Philippart, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 28 juin 2021), Mme [R] a été victime d'un accident de la vie privée. 2. Au titre d'une garantie « accidents de la vie », elle a assigné son assureur, la société Pacifica (l'assureur), aux fins d'indemnisation de ses préjudices. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses première, troisième, quatrième et cinquième branches, ci-après annexé 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le moyen, pris en sa deuxième branche Enoncé du moyen 4. L'assureur fait grief à l'arrêt de fixer le préjudice de la victime à 112 146,75 euros au titre des pertes de gains futurs et 737 874,60 euros au titre du retentissement économique, et de le condamner à payer à cette dernière la somme de 991 783,85 euros à titre d'indemnisation de ses préjudices, alors « que la victime ne peut obtenir une double indemnisation pour un même préjudice ; le contrat d'assurance garantissait « le retentissement économique définitif après consolidation sur l'activité professionnelle future de la victime, entraînant une perte de revenus ou son changement d'emploi » ; que la prise en charge du salaire d'un palefrenier pour remplacer la victime revient à solliciter la compensation d'une perte de revenus professionnels, lesquels connaissent une diminution par la hausse des charges de l'exploitation ; qu'en allouant la somme de 737 874,60 euros au titre du retentissement économique définitif résultant de « l'obligation d'être remplacée pour l'exécution des tâches devenues totalement et partiellement impossibles », en plus d'une indemnité pour la perte de gains professionnels futurs, la cour d'appel a indemnisé deux fois le même préjudice, en violation du principe de la réparation intégrale, sans perte ni profit pour la victime. » Réponse de la Cour Vu le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime : 5. Pour allouer à Mme [R] une somme au titre du « retentissement économique définitif après consolidation », l'arrêt, après avoir relevé que celle-ci avait choisi de conserver son emploi mais était devenue incapable d'effectuer toutes les tâches physiques qu'elle exécutait avant l'accident, retient que cette diminution de ses aptitudes physiques, qui implique l'aide d'un tiers, justifie l'octroi d'une somme calculée sur la base du coût horaire d'embauche d'un salarié, capitalisée pour l'avenir. 6. En statuant ainsi, alors que pour allouer à la victime une somme distincte au titre de sa perte future de revenus personnels, elle avait pris en considération la diminution du bénéfice annuel de l'exploitation de la victime, qui inclut nécessairement le surcoût de charges lié à l'embauche d'un salarié, la cour d'appel, qui a indemnisé deux fois le même préjudice, a violé le principe susvisé. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il fixe les préjudices de Mme [R] à la suite de l'accident du 15 décembre 2012 à la somme de 112 146,75 euros au titre de la perte de gains futurs et à la somme de 737 874,60 euros au titre du retentissement économique, et condamne la société Pacifica à payer à Mme [R] la somme de 991 783,85 euros à titre d'indemnisation, déduction faite des provisions de 14 100 euros, l'arrêt rendu le 28 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Dijon ; Condamne Mme [R] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf février deux mille vingt-trois. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour la société Pacifica La société Pacifica reproche à l'arrêt attaqué d'avoir fixé à 70 000 euros le préjudice au titre du préjudice d'agrément spécifique, 112 146,75 euros au titre des pertes de gains futurs et 737 874,60 euros au titre du retentissement économique, et de l'avoir condamnée à payer à Mme [R] la somme de 991 783,85 euros à titre d'indemnisation de ses préjudices ; Alors 1°) que l'indemnisation de la perte de gains professionnels futurs suppose l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre l'accident subi et la perte des revenus invoquée ; qu'en retenant une somme de 112 146,75 euros au titre de la perte de gains professionnels futurs, après avoir constaté que l'activité déployée par Mme [R] avant l'accident survenu le 15 décembre 2012 était déficitaire en 2009, que le bénéfice réalisé pour l'année 2012 avant l'accident était déjà en baisse par rapport à celui réalisé en 2011 et sans avoir caractérisé l'imputabilité à l'accident de la perte annuelle de revenus postérieurement au 15 décembre 2012, s'agissant d'une activité déficitaire au départ, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1103 du code civil ; Alors 2°) que la victime ne peut obtenir une double indemnisation pour un même préjudice ; le contrat d'assurance garantissait « le retentissement économique définitif après consolidation sur l'activité professionnelle future de la victime, entraînant une perte de revenus ou son changement d'emploi » ; que la prise en charge du salaire d'un palefrenier pour remplacer Mme [R] revient à solliciter la compensation d'une perte de revenus professionnels, lesquels connaissent une diminution par la hausse des charges de l'exploitation ; qu'en allouant la somme de 737 874,60 euros au titre du retentissement économique définitif résultant de « l'obligation d'être remplacée pour l'exécution des tâches devenues totalement et partiellement impossibles », en plus d'une indemnité pour la perte de gains professionnels futurs, la cour d'appel a indemnisé deux fois le même préjudice, en violation du principe de la réparation intégrale, sans perte ni profit pour la victime ; Alors 3°) que l'indemnisation d'une « perte de revenus » ne peut être supérieure aux revenus perçus avant l'accident, sauf à procurer à la victime un profit ; qu'en indemnisant au titre du retentissement professionnel « l'obligation d'être remplacée pour l'exécution des tâches devenues totalement et partiellement impossibles », par capitalisation du coût salarial d'un palefrenier, évaluée à 38 246 euros par an, après avoir retenu que l'activité générait avant l'accident un bénéfice moyen de 5 153 euros par an, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il résultait que la somme demandée par la victime au titre de l'obligation d'être remplacée pour l'exécution de certaines tâches dépassait largement le revenu moyen perçu avant l'accident, violant ainsi le principe de réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime ; Alors 4°) que l'indemnisation d'un dommage suppose un lien de causalité avec l'accident ; qu'à défaut d'avoir recherché, comme elle y était invitée, si l'obligation d'embaucher un palefrenier n'était pas exclusivement due à la structure de l'exploitation elle-même, une personne seule ne pouvant s'occuper de plusieurs dizaines de chevaux, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard de l'article 1231-3 du code civil ; Alors 5°) que la réparation du préjudice d'agrément suppose la preuve par la victime de l'impossibilité pour elle de pratiquer régulièrement une activité sportive spécifique en raison de l'accident qu'elle a subi ; qu'en allouant une somme de 70 000 euros à Mme [R] à ce titre, après avoir constaté qu'elle ne possédait plus de licence pour la pratique de l'équitation depuis 1994 et qu'elle n'avait justifié de sa participation à des concours hippiques que jusqu'en 2001, soit bien avant son accident et sans préciser de quel élément de preuve il résultait que Mme [R] exerçait de manière effective et intense l'équitation de loisirs avant son accident, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe de la réparation intégrale du préjudice, sans perte ni profit.
En application du principe de la réparation intégrale sans perte ni profit, une victime ne peut être indemnisée deux fois en réparation d'un même préjudice. Dès lors, encourt la cassation une cour d'appel qui alloue à une victime une somme au titre du « retentissement économique définitif après consolidation », calculée sur la base du coût horaire d'embauche d'un salarié, capitalisé pour l'avenir, alors que pour lui allouer une somme distincte au titre de sa perte future de revenus personnels, elle avait pris en considération la diminution du bénéfice annuel de son exploitation, qui inclut nécessairement le surcoût de charges lié à l'embauche d'un salarié
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 février 2023 Cassation M. PIREYRE, président Arrêt n° 144 FS-B Pourvoi n° E 21-10.622 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 FÉVRIER 2023 Mme [T] [O], épouse [R], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° E 21-10.622 contre l'ordonnance n° RG : 18/00155 rendue le 18 novembre 2020 par le premier président de la cour d'appel de Paris (pôle 2, chambre 6), dans le litige l'opposant à M. [D] [C], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Pradel, conseiller référendaire, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de Mme [O], épouse [R], et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 janvier 2023 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Pradel, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, M. Martin, Mmes Chauve, Isola, conseillers, M. Ittah, Mmes Brouzes, Philippart, conseillers référendaires, Mme Nicolétis, avocat général, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 18 novembre 2020), M. [C], avocat, a apporté son concours à Mme [O] aux fins d'assurer la défense de ses intérêts dans un litige successoral. 2. Contestant le montant des honoraires qui lui étaient réclamés, Mme [O] a saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Paris. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa deuxième branche Enoncé du moyen 3. Mme [O] fait grief à l'ordonnance de rejeter sa demande tendant à voir prononcer la nullité de la convention d'honoraires du 30 novembre 2016, en conséquence de fixer les honoraires dûs à l'avocat à la somme de 12 147 euros HT, et de la condamner à lui payer la somme de 5 934,50 euros HT, outre intérêts et TVA, alors « que le seul fait d'avoir réglé une partie des honoraires ne saurait caractériser le consentement du client à la convention d'honoraires, en l'absence de toute autre circonstance établissant la réalité de son consentement ; qu'en appliquant la convention d'honoraires signée par l'avocat aux motifs que même si elle n'avait pas été signée, Mme [O] avait réglé une partie des honoraires, la cour d'appel a derechef violé l'article 10, alinéas 3 et 4, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971. » Réponse de la Cour Vu les articles 1361 et 1362 du code civil et l'article 10, alinéa 3, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 : 4. Selon le dernier de ces textes, l'avocat conclut par écrit avec son client une convention d'honoraires, qui précise, notamment, le montant ou le mode de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles, ainsi que les divers frais et débours envisagés. 5. À défaut d'écrit signé par les parties, la preuve de cette convention peut être rapportée conformément aux règles fixées aux deux premiers de ces textes. 6. Pour fixer à la somme de 12 147 euros, en application des stipulations de la convention, le montant total des honoraires dus à M. [C], l'ordonnance retient qu'il n'est pas contesté que Mme [O], qui n'avait jamais formellement signé la convention, a acquitté une large partie des honoraires facturés sur cette base et a donc exécuté la convention dont elle sollicite l'annulation. 7. En statuant ainsi, alors que la convention invoquée n'avait pas été signée par Mme [O] et que le seul règlement partiel des honoraires était insuffisant à suppléer à cet écrit, le premier président a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 18 novembre 2020, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Paris ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cette ordonnance et les renvoie devant la juridiction du premier président de la cour d'appel de Paris autrement composée ; Condamne M. [C] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. [C] à payer à Mme [O] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf février deux mille vingt-trois. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour Mme [O], épouse [R] Mme [O] fait grief à l'ordonnance attaquée d'AVOIR rejeté sa demande tendant à voir prononcer la nullité de la convention d'honoraires du 30 novembre 2016, d'AVOIR en conséquence fixé les honoraires dus à l'avocat à la somme de 12 147,00 € HT et d'AVOIR condamnée celle-ci à lui payer la somme de 5 934,50 € HT, outre intérêts et tva ; 1°/ ALORS QU'en l'absence de signature, par le client, de la convention d'honoraires, les émoluments de l'avocat doivent être fixés par référence aux diligences accomplies par celui-ci dans les conditions fixées par l'article 10 alinéas 3 et 4 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 : qu'en appliquant la convention d'honoraires à Mme [O] quand elle a elle-même relevé que celle-ci ne l'avait pas signée, le premier président de la cour d'appel a violé le texte susvisé ; 2°/ ALORS, en tout état de cause, QUE le seul fait d'avoir réglé une partie des honoraires ne saurait caractériser le consentement du client à la convention d'honoraires, en l'absence de toute autre circonstance établissant la réalité de son consentement ; qu'en appliquant la convention d'honoraires signée par l'avocat aux motifs que même si elle n'avait pas été signée, Mme [O] avait réglé une des honoraires, la cour d'appel a derechef violé l'article 10 alinéas 3 et 4 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ; 3°/ ALORS, encore plus subsidiairement, QU'une société en participation n'a pas la personnalité juridique et ne peut donc pas être créancière d'une obligation de paiement ; que la convention d'honoraires établie par l'avocat le 30 novembre 2016 énonçait de façon claire et précise que les honoraires étaient facturés par la Sep Lachaud Mandeville Coutadeur et associés, laquelle était donc la créancière de l'obligation de paiement ; qu'en refusant d'annuler la convention d'honoraires aux motifs que celle-ci aurait été établie entre M. [C] et Mme [O], le premier président de la cour d'appel a violé le principe suivant lequel le juge ne peut dénaturer les documents qui lui sont soumis ; 4°/ ALORS, toujours subsidiairement, QUE si le commencement d'exécution d'une convention s'oppose à ce que soit invoquée sa nullité paf voie d'exception, tel n'est pas le cas lorsque la nullité est sollicitée par voie d'action ; qu'en refusant à Mme [O] le droit de solliciter la nullité de la convention d'honoraires aux motifs qu'elle avait commencé de l'exécuter quand celle-ci avait invoqué cette nullité par voie d'action, le premier président de la cour d'appel a violé les articles 1178 et 1185 du code civil.
Il résulte de l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, que l'avocat conclut par écrit avec son client une convention d'honoraires qui précise, notamment, le montant ou le mode de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles, ainsi que les divers frais et débours envisagés. A défaut d'écrit signé par les parties, la preuve de cette convention peut être rapportée conformément aux règles fixées aux articles 1361 et 1362 du code civil. Dès lors viole ces dispositions le premier président qui fait application des dispositions de la convention d'honoraire invoquée par l'avocat, alors que cette convention n'avait pas été signée par la cliente et que le seul règlement partiel des honoraires était insuffisant à suppléer à cet écrit
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 février 2023 Cassation partielle M. PIREYRE, président Arrêt n° 160 F-B Pourvoi n° N 21-20.036 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 FÉVRIER 2023 Mme [K] [Y], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° N 21-20.036 contre l'ordonnance n° RG : 20/01437 rendue le 25 mai 2021 par la première présidente de la cour d'appel de Colmar, dans le litige l'opposant à M. [C] [E], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Pradel, conseiller référendaire, les observations de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de Mme [Y], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [E], et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 janvier 2023 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Pradel, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par la première présidente d'une cour d'appel (Colmar, 25 mai 2021), M. [E] a confié à M. [F], avocat, la défense de ses intérêts dans une procédure de divorce suivie d'un partage judiciaire. Une convention d'honoraires a été établie entre les parties, laquelle prévoyait notamment des « honoraires de réussite » représentant un pourcentage sur la valeur globale des attributions faites à M. [E] à l'issue des opérations de partage. 2. Le 28 mars 2018, M. [F] a établi une facture d'honoraires d'un montant de 17 769,40 euros. Un acte notarié transactionnel a été dressé le 30 octobre 2018. Le 29 août 2019, Mme [Y] (l'avocate), venue à la succession du cabinet de M. [F], parti à la retraite, a saisi le bâtonnier de son ordre d'une demande de fixation de ses honoraires. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 3. L'avocate fait grief à l'ordonnance de limiter le montant des honoraires lui étant dus par M. [E] à la somme de 1 014,90 euros, alors « qu'en tout état de cause, l'honoraire de résultat prévu par une convention préalable est dû par le client à son avocat à la date à laquelle il a été mis fin à l'instance par un acte ou une décision juridictionnelle irrévocable, peu important que la facture ait été émise avant sa date d'exigibilité ; qu'en se fondant sur la circonstance inopérante que la facture relative à l'honoraire de réussite avait été émise le 28 mars 2018, soit avant sa date d'exigibilité, pour fixer le montant des honoraires dus par M. [E] à l'avocate à la somme de 1 014,90 euros, laquelle excluait le paiement de tout honoraire de résultat, après avoir pourtant constaté qu'aux termes de la convention préalable signée entre eux, il était prévu le versement d'une somme représentant le pourcentage de la valeur globale des attributions faite à l'issue des opérations de partage, pour la première instance s'entendant tant de la phase de procédure devant le notaire que de l'éventuelle procédure à soumettre au tribunal de grande instance suite à la rédaction d'un procès-verbal de difficultés et que, précisément, le 30 octobre 2018, il avait été mis fin à la procédure de partage par un acte notarié irrévocable, la première présidente de la cour d'appel a violé l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 ensemble l'article 1103 du code civil. » Réponse de la Cour Vu l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 : 4. Selon ce texte, les honoraires de postulation, de consultation, d'assistance, de conseil, de rédaction d'actes juridiques sous seing privé et de plaidoirie sont fixés en accord avec le client. Sauf en cas d'urgence ou de force majeure ou lorsqu'il intervient au titre de l'aide juridictionnelle totale ou de la troisième partie de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, l'avocat conclut par écrit avec son client une convention d'honoraires, qui précise, notamment, le montant ou le mode de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles, ainsi que les divers frais et débours envisagés. Est licite la convention qui, outre la rémunération des prestations effectuées, prévoit la fixation d'un honoraire complémentaire en fonction du résultat obtenu ou du service rendu. 5. Pour rejeter la demande de paiement d'un « honoraire de réussite », l'ordonnance retient que les termes de la convention d'honoraires sont clairs et précis et que l'honoraire de résultat prévu par une convention préalable n'est dû par le client que lorsqu'il est mis fin à l'instance par un acte ou une décision de justice irrévocable. 6. L'ordonnance constate que la demande de règlement d'un « honoraire de réussite » a été présentée à M. [E] par M. [F] le 28 mars 2018 et que l'acte notarié transactionnel a été dressé le 30 octobre 2018. 7. L'ordonnance en déduit que cet honoraire ne pouvait être réclamé par M. [F] à M. [E] avant le 30 octobre 2018, date à laquelle il a été mis fin à la procédure par un acte notarié irrévocable. 8. En statuant ainsi, alors qu'au jour où elle statuait, une transaction irrévocable avait été signée par les parties, à l'issue des opérations de partage, la première présidente, qui s'est référée à tort aux modalités de facturation de l'honoraire de résultat, a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'elle déclare recevable l'appel formé par M. [E], en ce qu'elle dit n'y avoir lieu d'accueillir la fin de non-recevoir soulevée par M. [E] et en ce qu'elle rejette la demande de M. [E] aux fins de voir dire que la convention d'honoraires est entachée de nullité pour vice de consentement, l'ordonnance rendue le 25 mai 2021, entre les parties, par la première présidente de la cour d'appel de Colmar ; Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cette ordonnance et les renvoie devant la juridiction du premier président de la cour d'appel de Nancy ; Condamne M. [E] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance partiellement cassée ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf février deux mille vingt-trois. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SAS Buk Lament-Robillot, avocat aux Conseils, pour Mme [Y] Me [Y] fait grief à l'ordonnance infirmative attaquée d'avoir limité le montant des honoraires lui étant dus par M [E] à la somme de 1.014,90 euros ; 1°) ALORS QUE le juge doit respecter et faire respecter le principe du contradictoire ; qu'en se fondant d'office, pour fixer le montant des honoraires dus par M [E] à la somme de 1.014, 90 euros, excluant ainsi le paiement de l'honoraire de réussite contractuellement prévu, sur le moyen tiré de ce que la demande de règlement de cet honoraire avait été présentée par Me [F] le 28 mars 2018, à une date où le paiement de l'honoraire ne pouvait encore être sollicité, l'acte de partage notarié transactionnel irrévocable ayant été dressé le 30 octobre 2018, sans inviter au préalable les parties à s'expliquer sur ce moyen tiré de ce que la facture avait été émise avant que la date d'exigibilité de l'honoraire de réussite contractuellement prévu, la Première Présidente de la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ; 2°) ALORS QU'en tout état de cause, l'honoraire de résultat prévu par une convention préalable est dû par le client à son avocat à la date à laquelle il a été mis fin à l'instance par un acte ou une décision juridictionnelle irrévocable, peu important que la facture ait été émise avant sa date d'exigibilité ; qu'en se fondant sur la circonstance inopérante que la facture relative à l'honoraire de réussite avait été émise le 28 mars 2018, soit avant sa date d'exigibilité, pour fixer le montant des honoraires dus par M [E] à Me [Y] à la somme de 1.014,90 euros, laquelle excluait le paiement de tout honoraire de résultat, après avoir pourtant constaté qu'aux termes de la convention préalable signée entre eux, il était prévu le versement d'une somme représentant le pourcentage de la valeur globale des attributions faite à l'issue des opérations de partage, pour la première instance s'entendant tant de la phase de procédure devant le notaire que de l'éventuelle procédure à soumettre au tribunal de grande instance suite à la rédaction d'un procès-verbal de difficultés et que, précisément, le 30 octobre 2018, il avait été mis fin à la procédure de partage par un acte notarié irrévocable, la Première Présidente de la cour d'appel a violé l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 ensemble l'article 1103 du code civil.
Il résulte de l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 que l'honoraire de résultat prévu par une convention préalable n'est dû par le client que lorsqu'il est mis fin à l'instance par un acte ou une décision de justice irrévocable. Viole ce texte la première présidente qui, pour rejeter la demande en paiement de l'honoraire de résultat, retient qu'une telle demande avait été présentée avant la date de réalisation de l'acte notarié transactionnel irrévocable, alors qu'au jour où elle statuait une transaction irrévocable avait été signée par les parties, à l'issue des opérations de partage
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N° C 22-86.524 F-B N° 00309 ECF 8 FÉVRIER 2023 REJET M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 8 FÉVRIER 2023 M. [E] [X] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 7e section, en date du 27 octobre 2022, qui l'a renvoyé devant la cour d'assises de la Seine-Saint-Denis sous l'accusation de viols et de violences, aggravés. Un mémoire personnel a été produit. Sur le rapport de M. Gouton, conseiller, et les conclusions de M. Courtial, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 8 février 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Gouton, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. M. [E] [X] a été mis en examen des chefs de viols et violences, aggravés, et placé sous contrôle judiciaire. 3. Par ordonnance du 9 mai 2022, le juge d'instruction a dit n'y avoir lieu à suivre du chef de viols aggravés et a ordonné le renvoi du demandeur devant le tribunal correctionnel du chef de violences aggravées. 4. Mme [T] [F], partie civile, a relevé appel de cette ordonnance. Examen du moyen Enoncé du moyen 5. Le moyen est pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et 199 du code de procédure pénale, et des principes généraux de procédure pénale. 6. Il critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a prononcé la mise en accusation de M. [X] et son renvoi devant la cour d'assises des chefs de viols et de violences, aggravés, alors que l'intéressé, qui comparaissait sans avocat à l'audience de la chambre de l'instruction, n'a pas eu la parole en dernier. Réponse de la Cour 7. L'en-tête de l'arrêt attaqué mentionne que M. [X] était comparant à l'audience de la chambre de l'instruction, sans être assisté d'un avocat. L'arrêt précise qu'à l'audience, ont été entendus successivement, le conseiller rapporteur, l'avocat de la partie civile, puis l'avocat général. 8. Cependant, il ne résulte pas des énonciations de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que la chambre de l'instruction ait ordonné, d'office ou à la demande de l'intéressé, la comparution du demandeur, alors qu'elle n'était pas de droit. 9. Il s'en déduit que M. [X] n'était pas comparant à l'audience de la chambre de l'instruction au sens de l'article 199 du code de procédure pénale, et qu'en conséquence, les juges n'avaient pas l'obligation de l'entendre. 10. D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli. 11. Par ailleurs, la procédure est régulière, et les faits, objet de l'accusation, sont qualifiés crime par la loi. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du huit février deux mille vingt-trois.
La personne, dont il est indiqué en en-tête de l'arrêt qu'elle est comparante à l'audience de la chambre de l'instruction, mais dont la comparution, qui n'est pas de droit, n'a pas été ordonnée, d'office ou à sa demande, ne comparaît pas à l'audience au sens de l'article 199 du code de procédure pénale. Il s'en suit que les juges n'ont pas l'obligation de l'entendre et de lui donner la parole en dernier
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N° Z 21-85.689 F-B N° 00174 ECF 14 FÉVRIER 2023 CASSATION PARTIELLE M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 14 FÉVRIER 2023 M. [Y] [I] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion, chambre correctionnelle, en date du 19 août 2021, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 3 mars 2020, n° 19-84.709), notamment pour exécution d'un travail dissimulé et pratique commerciale trompeuse, l'a condamné à trois mois d'emprisonnement avec sursis, trois ans d'interdiction de gérer et a ordonné une mesure de confiscation. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. Sottet, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de M. [Y] [I], et les conclusions de M. Aubert, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 17 janvier 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Sottet, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. M. [Y] [I] a été poursuivi pour exécution d'un travail dissimulé, obtention d'un paiement ou d'une contrepartie avant la fin d'un délai de sept jours à compter de la conclusion du contrat hors établissement, pratique commerciale trompeuse et abus de la faiblesse ou de l'ignorance d'une personne démarchée. 3. Les juges du premier degré l'ont déclaré coupable de ces quatre chefs de prévention et l'ont condamné à deux cents jours-amende d'un montant unitaire de 50 euros, à une interdiction de gérer pour une durée de trois ans, et à la confiscation des biens ou instruments ayant servi à commettre l'infraction. 4. M. [I], seul, a relevé appel de ce jugement. 5. Par arrêt du 21 février 2019, la cour d'appel l'a relaxé du chef de travail dissimulé, l'a déclaré coupable pour le surplus de la prévention, l'a condamné à deux cents jours-amende d'un montant unitaire de 19 euros et a confirmé les peines complémentaires d'interdiction de gérer et de confiscation. 6. Sur pourvoi de M. [I], cette décision a été cassée, avec renvoi devant la même cour d'appel. Examen des moyens Sur les premier et deuxième moyens, et sur le cinquième moyen, pris en sa première branche 7. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Mais sur le troisième moyen Enoncé du moyen 8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [I] coupable d'exécution d'un travail dissimulé, alors « que si le pourvoi a pour effet de déférer à la Cour de cassation la décision attaquée dans son intégralité, cet effet est limité par la qualité du demandeur, par sa volonté ou par son intérêt à agir ; qu'après cassation, l'affaire est dévolue à la cour d'appel de renvoi dans les limites fixées par l'acte de pourvoi ; qu'il résulte en l'espèce de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que M. [I], cité devant le tribunal correctionnel notamment du chef de travail dissimulé, en a été relaxé par la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion dans son arrêt du 21 février 2019, à l'encontre duquel il a formé un pourvoi ; qu'il résulte toutefois de la déclaration de pourvoi que son pourvoi était limité « aux seules condamnations pénales » ; que par un arrêt du 3 mars 2020, la chambre criminelle a cassé et annulé l'arrêt du 21 février 2019 en toutes ses dispositions ; que statuant sur renvoi après cassation, la cour d'appel de Saint-Denis a néanmoins cru pouvoir confirmer le jugement du tribunal correctionnel ayant déclaré M. [I] coupable du chef de travail dissimulé ; qu'en statuant ainsi quand elle n'était plus saisie de l'action publique de ce chef, la relaxe du chef de travail dissimulé ayant acquis l'autorité de la chose jugée en l'absence de pourvoi du ministère public, la cour d'appel a méconnu le principe susvisé et les articles 567, 593 et 609 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour Vu les articles 567 et 609 du code de procédure pénale : 9. Il se déduit de ces textes que, d'une part, si le pourvoi a pour effet de déférer à la Cour de cassation la décision attaquée dans son intégralité, cet effet est limité par la qualité du demandeur, par sa volonté ou par son intérêt à agir, d'autre part, après cassation, l'affaire est dévolue à la cour d'appel de renvoi dans les limites fixées par l'acte de pourvoi. 10. L'arrêt attaqué déclare M. [I] coupable de travail dissimulé. 11. En statuant ainsi, alors que la cour d'appel de renvoi n'était plus saisie de l'action publique de ce chef, la relaxe prononcée ayant acquis l'autorité de chose jugée, les juges ont méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés. 12. La cassation est par conséquent encourue de ce chef. Et sur le quatrième moyen Enoncé du moyen 13. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [I] à une peine de trois mois d'emprisonnement assortie de sursis, alors « qu'il résulte des dispositions de l'article 515, alinéa 2, du code de procédure pénale que la cour d'appel ne peut, sur le seul appel du prévenu, aggraver le sort de l'appelant ; que de même, la juridiction de renvoi, saisie après cassation sur le seul pourvoi du prévenu, ne saurait aggraver son sort ; que par jugement du tribunal correctionnel de Saint-Pierre du 26 avril 2018, M. [I] a été condamné à deux cents jours-amende d'un montant unitaire de 50 euros des chefs d'exécution d'un travail dissimulé, d'obtention d'un paiement ou d'une contrepartie avant la fin d'un délai de sept jours, d'abus de la faiblesse ou de l'ignorance d'une personne démarchée et de pratique commerciale trompeuse ; que statuant sur renvoi après cassation sur le seul pourvoi du prévenu, la cour d'appel, saisie du seul appel du prévenu, dès lors que le ministère public n'avait pas interjeté appel du jugement entrepris, après avoir annulé la prévention d'abus de faiblesse d'une personne démarchée, et confirmé le jugement sur le surplus de la culpabilité, a infirmé le jugement quant à la peine principale, en condamnant M. [I] à une peine de trois mois d'emprisonnement avec sursis ; qu'en substituant ainsi à une peine de jours-amende une peine d'emprisonnement, indépendamment de ses modalités d'exécution, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé et du principe sus-énoncé, ensemble les articles 131-3 du code pénal rappelant la hiérarchie des peines correctionnelles, et les articles 591 et 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour Vu les articles 515, alinéa 2, du code de procédure pénale et 131-3 du code pénal : 14. Il résulte du premier de ces textes que la cour d'appel ne peut, sur le seul appel du prévenu, aggraver le sort de l'appelant. 15. Selon le second, l'emprisonnement précède le jour-amende dans la hiérarchie des peines correctionnelles. 16. Les premiers juges ont condamné M. [I], à titre de peine principale, à deux cents jours-amende d'un montant unitaire de 50 euros. 17. La cour d'appel, saisie du seul appel du prévenu, a infirmé le jugement sur cette peine principale en prononçant un emprisonnement d'une durée de trois mois avec sursis. 18. En statuant ainsi, alors que le ministère public n'avait pas interjeté appel de la décision entreprise, les juges du second degré ont méconnu le sens et la portée des textes susvisés. 19. La cassation est par conséquent également encourue de ce chef. Et sur le cinquième moyen, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 20. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé la confiscation des biens ou instruments ayant servi à commettre l'infraction, alors : « 2°/ que les juges qui prononcent une peine de confiscation doivent énumérer les objets dont ils ordonnent la confiscation ; qu'en se bornant à confirmer « la confiscation des biens ou instruments ayant servi à commettre l'infraction » sans indiquer la nature et l'origine des biens dont elle a ordonné la confiscation, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure de contrôler la légalité de sa décision et n'a pas justifié sa décision au regard des articles 131-21 du code pénal, 485, 485-1, et 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour Vu les articles 1er du Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, 131-21, 132-1 du code pénal et 593 du code de procédure pénale : 21. Il résulte de ces textes qu'hormis le cas où la confiscation, qu'elle soit en nature ou en valeur, porte sur un bien qui, dans sa totalité, constitue le produit ou l'objet de l'infraction, le juge, en ordonnant une telle mesure, doit apprécier le caractère proportionné de l'atteinte portée au droit de propriété de l'intéressé lorsqu'une telle garantie est invoquée ou procéder à cet examen lorsqu'il s'agit d'une confiscation de tout ou partie du patrimoine. 22. Il incombe, en conséquence, au juge qui décide de confisquer un bien, après s'être assuré de son caractère confiscable au regard des dispositions légales, de préciser la nature et l'origine de ce bien ainsi que le fondement de la mesure, et, le cas échéant, de s'expliquer sur la nécessité et la proportionnalité de l'atteinte portée au droit de propriété du prévenu. 23. L'arrêt attaqué confirme, sans aucun motif, la confiscation des scellés ordonnée par le jugement, lui même dépourvu de motivation sur ce point. 24. Il en résulte que la Cour de cassation n'est pas en mesure d'exercer son contrôle sur la légalité de la décision. 25. La cassation est, dès lors, également encourue de ce chef. Portée et conséquences de la cassation 26. La cassation sera limitée à la déclaration de culpabilité de M. [I] pour le délit de travail dissimulé et aux peines, incluant la confiscation, dès lors que la déclaration de culpabilité des autres chefs de prévention n'encourt pas la censure. Les autres dispositions seront donc maintenues. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion, en date du 19 août 2021, mais en ses seules dispositions relatives à la culpabilité pour le délit de travail dissimulé et aux peines, incluant la confiscation, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée, RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Bordeaux, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze février deux mille vingt-trois.
Viole les dispositions des articles 131-3 du code pénal et 515 du code de procédure pénale la cour d'appel qui, saisie du seul appel du prévenu, infirme le jugement prononçant une peine de jours-amende et condamne le prévenu à une peine d'emprisonnement avec sursis
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CIV. 3 SG COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 15 février 2023 Rejet Mme TEILLER, président Arrêt n° 121 FS-B Pourvoi n° S 21-16.475 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 15 FÉVRIER 2023 M. [I] [L], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° S 21-16.475 contre l'arrêt rendu le 3 mars 2021 par la cour d'appel de Nîmes (4e chambre commerciale), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [Y] [P], domicilié [Adresse 3], pris en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SCI Evasion, 2°/ à la société Evasion, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 6], 3°/ à la communauté de communes du Pays des Sorgues Monts de Vaucluse, dont le siège est [Adresse 2], 4°/ au procureur général près la cour d'appel de Nîmes, domicilié en son parquet général [Adresse 4], défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation et le moyen additionnel annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Andrich, conseiller, les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat de M. [L], de la SARL Cabinet Briard, avocat de M. [P], ès qualités, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la communauté de communes du Pays des Sorgues Monts de Vaucluse, et l'avis de Mme Morel-Coujard, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 janvier 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Andrich, conseiller rapporteur, MM. David, Jobert, Mmes Grandjean, Grall, M. Bosse-Platière, conseillers, M. Jariel, Mmes Schmitt, Aldigé, M. Baraké, Mmes Gallet, Davoine, M. Pons, Mme Rat, conseillers référendaires, Mme Morel-Coujard, avocat général, Mme Besse, greffier de chambre ; la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 3 mars 2021), un jugement du 13 mai 2005 a placé en liquidation judiciaire la société civile immobilière Evasion (la SCI). 2. Le 16 décembre 2016, une ordonnance du juge-commissaire a autorisé M. [P], en qualité de liquidateur de la SCI (le liquidateur), à vendre un ensemble immobilier à la communauté de communes du Pays des Sorgues Monts de Vaucluse (l'acquéreur). 3. L'acte notarié de vente a été dressé le 11 avril 2018. 4. Se prévalant d'un bail commercial consenti en 2007 par le gérant de la SCI et d'une offre d'achat adressée au liquidateur en 2009 pour un prix supérieur à celui de la vente, M. [L] a assigné le liquidateur et l'acquéreur pour obtenir, en réparation de la méconnaissance de son droit de préférence, d'être substitué à ce dernier. Examen des moyens Sur le moyen, pris en sa seconde branche, du mémoire ampliatif et le moyen du mémoire additionnel, ci-après annexés 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen pris en sa première branche, du mémoire ampliatif Enoncé du moyen 6. M. [L] fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors « qu'un contrat de bail conclu par un débiteur sur un de ses biens postérieurement à l'ouverture de la liquidation judiciaire n'est pas nul, il est inopposable aux organes de la liquidation judiciaire ; qu'au cas présent, pour rejeter la demande tendant à obtenir le bénéfice d'un droit de préemption sur le bien cédé à la Communauté de communes du Pays des Sorgues Monts de Vaucluse, la cour d'appel a retenu que le preneur ne pouvait se prévaloir d'un droit de préemption en l'absence d'occupation légitime ; qu'en statuant ainsi lorsque M.[L], preneur au bail non annulé, était titulaire d'un droit de préemption qui, s'il n'était pas opposable à la liquidation, était opposable aux tiers, la cour d'appel a confondu inopposabilité et nullité violant ainsi l'article L. 641-9-I du code de commerce ensemble l'article L. 145-46-1 du même code. » Réponse de la Cour 7. Il résulte de l'article L. 642-18 du code de commerce que la vente de gré à gré d'un actif immobilier dépendant d'une liquidation judiciaire est une vente faite d'autorité de justice. 8. Dès lors, les dispositions de l'article L. 145-46-1 du même code, qui concernent le cas où le propriétaire d'un local commercial ou artisanal envisage de le vendre, ne sont pas applicables, de sorte qu'une telle vente ne peut donner lieu à l'exercice du droit de préférence par un locataire commercial. 9. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, la décision se trouve légalement justifiée. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. [L] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze février deux mille vingt-trois. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyen produit par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat aux Conseils, pour M. [L] Monsieur [L] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté sa demande de consécration de son droit de préemption de l'immeuble situé [Adresse 1] à [Localité 5] au prix proposé à la Communauté de communes - Pays des Sorgues Monts de Vaucluse, soit la somme de 275 000,00 € ; 1°) ALORS QUE un contrat de bail conclu par un débiteur sur un de ses biens postérieurement à l'ouverture de la liquidation judiciaire n'est pas nul, il est inopposable aux organes de la liquidation judiciaire ; qu'au cas présent, pour rejeter la demande de Monsieur [L] tendant à obtenir le bénéfice d'un droit de préemption sur le bien cédé à la Communauté de communes - Pays des Sorgues Monts de Vaucluse, la cour d'appel a retenu que le preneur ne pouvait se prévaloir d'un droit de préemption en l'absence d'occupation légitime ; qu'en statuant ainsi lorsque Monsieur [L], preneur au bail non annulé, était titulaire d'un droit de préemption qui, s'il n'était pas opposable à la liquidation, était opposable aux tiers, la cour d'appel a confondu inopposabilité et nullité violant ainsi l'article L. 641-9-I du code de commerce ensemble l'article L. 145-46-1 du même code ; 2°) ALORS QUE le droit pour un locataire bénéficiaire d'un droit de préemption d'être substitué dans les droits du tiers acquéreur ne requiert que la double preuve de la connaissance par le tiers acquéreur de l'existence du droit de préemption et de l'intention du bénéficiaire de s'en prévaloir ; qu'au cas présent, la cour d'appel a, d'une part, expressément constaté que le tiers acquéreur, la Communauté de communes - Pays des Sorgues Monts de Vaucluse, ne contestait pas la qualité de locataire de Monsieur [L] et qu'à son égard le contrat était valable, la sanction de la règle du dessaisissement étant l'inopposabilité à la procédure et non la nullité du contrat conclu ; qu'en outre, il n'était pas contesté que la Communauté de communes, attraite à la procédure de substitution antérieurement à la vente du bien à son profit, connaissait l'intention de Monsieur [L] de se prévaloir dudit droit de préemption ; qu'en déboutant Monsieur [L] du bénéfice de son droit de préemption sur les biens loués, lorsqu'elle constatait que le tiers acquéreur connaissait tant l'existence du droit de préemption que l'intention de Monsieur [L] de s'en prévaloir, la cour d'appel a violé les articles L. 145-46-1 et L. 641-9-I du code de commerce ensemble les articles 1123 et 1240 du code civil. Moyen additionnel produit par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat aux Conseils, pour M. [L] Monsieur [L] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté sa demande de consécration de son droit de préemption de l'immeuble situé [Adresse 1] à [Localité 5] au prix proposé à la Communauté de communes - Pays des Sorgues Monts de Vaucluse, soit la somme de 275 000,00 € et de l'avoir condamné à verser à la liquidation une somme de 500 € mensuelle à compter du 1er février 2013 jusqu'au 11 avril 2018 au titre de l'indemnité d'occupation ; 1°) ALORS QUE le juge est tenu de ne pas dénaturer les pièces versées par les parties au soutien de leur prétentions; qu'au cas présent, la cour d'appel, par motifs propres et adoptés, a estimé que Maître [P] n'avait pas ratifié le bail conclu par Monsieur [T] en violation du dessaisissement de ses pouvoirs en retenant que Monsieur [L] ne démontrait pas que le liquidateur n'avait pas eu connaissance de la date de conclusion du bail avant le 15 octobre 2016; qu'en statuant ainsi lorsque par lettre du 20 avril 2009, Monsieur [L] avait indiqué à Maître [P] : « Comme vous le savez, j'occupe le local « Multiservices » depuis plus de deux ans (…) », ce qui l'informait de l'existence de la conclusion du bail en 2007, postérieurement à l'ouverture de la liquidation judiciaire, la cour d'appel a dénaturé la lettre susmentionnée (pièce n° 7 versée par l'exposant, dernière page § 2) et violé le principe susvisé ; 2°) ALORS QUE le liquidateur peut ratifier un bail conclu par le débiteur seul postérieurement à la l'ouverture de la liquidation judiciaire; que cette ratification peut être tacite; qu'au cas présent Monsieur [L] démontrait que, par un courrier en date du 20 avril 2009, il avait informé le liquidateur que le bail avait été conclu en 2007; qu'en outre il versait au débat plusieurs écrits émanant du liquidateur par lequel il faisait référence à sa qualité de locataire postérieurement à la réception de cette information ; qu'en refusant de consacrer la ratification du bail par le liquidateur, la cour d'appel a violé l'article L. 641-9 du code de commerce, ensemble l'article 1134 ancien devenu 1103 du code civil.
Il résulte de l'article L. 642-18 du code de commerce que la vente de gré à gré d'un actif immobilier dépendant d'une liquidation judiciaire est une vente faite d'autorité de justice. Dès lors, les dispositions de l'article L. 145-46-1 du même code, qui concernent le cas où le propriétaire d'un local commercial ou artisanal envisage de le vendre, ne sont pas applicables, de sorte qu'une telle vente ne peut donner lieu à l'exercice du droit de préférence par un locataire commercial
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CIV. 3 JL COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 15 février 2023 Rejet Mme TEILLER, président Arrêt n° 122 FS-B Pourvoi n° C 22-10.187 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 15 FÉVRIER 2023 La société Habitat parisien, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° C 22-10.187 contre l'arrêt rendu le 30 septembre 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 2), dans le litige l'opposant : 1°/ à la Ville de [Localité 5], représentée par son maire en exercice, domicilié en cette qualité [Adresse 4], 2°/ à la société JLP Fidji, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], défenderesses à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Gallet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de la société Habitat parisien, de la SCP Foussard et Froger, avocat de la Ville de [Localité 5], de la SARL Le Prado-Gilbert, avocat de la société JLP Fidji, et l'avis de Mme Morel-Coujard, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 janvier 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Gallet, conseiller référendaire rapporteur, Mme Andrich, faisant fonction de conseiller doyen, MM. David, Jobert, Mmes Grandjean, Grall, M. Bosse-Platière, conseillers, M. Jariel, Mmes Schmitt, Aldigé, M. Baraké, Mmes Davoine, Rat, M. Pons, conseillers référendaires, Mme Morel-Coujard, avocat général, et Mme Besse, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 30 septembre 2021), la Ville de [Localité 5] a assigné devant le président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés, sur le fondement des articles L. 631-7 et L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation, les sociétés JLP Fidji et Habitat parisien, respectivement propriétaire et locataire d'un local à usage d'habitation situé à [Localité 5], afin de les voir condamner au paiement d'une amende civile, pour en avoir changé l'usage en le louant de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage n'y élisant pas domicile. Examen des moyens Sur le premier moyen, ci-après annexé 2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le deuxième moyen Enoncé du moyen 3. La société Habitat parisien fait grief à l'arrêt de la condamner au paiement d'une amende civile de 50 000 euros, alors : « 1°/ qu'est passible de l'amende prévue à l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation toute personne qui enfreint les dispositions de l'article L. 631-7 ou qui ne se conforme pas aux conditions ou obligations imposées en application dudit article ; que lorsqu'un contrat de bail autorise le locataire à sous-louer le local de manière temporaire à une clientèle de passage n'y élisant pas domicile, c'est au bailleur qu'il appartient d'obtenir l'autorisation prévue par l'article L. 631-7 de ce code, tout particulièrement lorsque celle-ci est subordonnée à une compensation ; que le locataire, auquel le bailleur a garanti la possibilité de procéder à de telles sous-locations et la licéité de celles-ci, ne peut être tenu responsable d'un éventuel changement d'usage des locaux effectué sans autorisation préalable ; qu'en relevant, au contraire, pour juger que, malgré sa qualité de locataire, la société Habitat parisien serait passible de l'amende prévue à l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation, que cette société ne pouvait ignorer la réglementation applicable au regard des dispositions régissant le changement d'usage, notamment au sens du dernier alinéa de l'article L. 631-7, qu'il appartenait tant au propriétaire qu'au locataire chargé de louer le bien pour de courtes durées de s'assurer de l'obtention des autorisations personnelles de changement d'usage, nonobstant l'attestation sur l'honneur du bailleur inopérante et que la société Habitat parisien aurait ainsi enfreint les règles régissant la location touristique de courte durée, la cour d'appel a violé les articles L. 631-7 et L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation ; 2°/ en toute hypothèse, que le contrat de bail conclu entre la société JLP Fidji et la société Habitat parisien prévoyait l'autorisation expresse que le locataire puisse sous-louer, prêter, de manière temporaire ce logement ; qu'en affirmant que le modèle de bail imposé par la société Habitat parisien ne ferait pas même référence à des locations touristiques de courte durée mais seulement à des locations meublées pour des périodes déterminées, de sorte que la SARL Habitat parisien avait toute latitude pour mettre en place une location conforme ou non aux textes, cependant que la clause précitée autorisait précisément le locataire à louer le local de manière temporaire à une clientèle de passage n'y élisant pas domicile, la cour d'appel a statué par un motif inopérant, en violation des articles L. 631-7 et L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation ; 3°/ que la cassation qui sera prononcée sur ce moyen entraînera également la cassation, par voie de conséquence, du chef de l'arrêt ayant rejeté la demande de condamnation de la société JLP Fidji à garantir la société Habitat parisien de toute éventuelle condamnation prononcée à son encontre, et ce par application de l'article 624 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 4. En premier lieu, selon l'article L. 631-7, alinéa1er, du code de la construction et de l'habitation, dans certaines communes, le changement d'usage des locaux destinés à l'habitation est soumis à autorisation préalable. 5. Aux termes de l'alinéa 6 du même article, le fait de louer un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile constitue un changement d'usage au sens de cet article. 6. Selon l'article L. 651-2 du même code, toute personne, qui enfreint les dispositions de l'article L. 631-7 ou qui ne se conforme pas aux conditions ou obligations imposées en application de cet article, est condamnée à une amende civile. 7. Dès lors, est passible d'une condamnation au paiement d'une telle amende civile, le locataire qui sous-loue un local meublé destiné à l'habitation en méconnaissance des dispositions de l'article L. 631-7 précité. 8. Ayant relevé, à bon droit, qu'il appartenait à la société Habitat parisien de s'assurer de l'autorisation du changement d'usage, la cour d'appel en a exactement déduit que l'avenant au contrat de location, selon lequel la société JLP Fidji lui aurait garanti la licéité de « la location meublée de courtes durées », ne pouvait l'exonérer de sa responsabilité. 9. Ayant constaté que la locataire avait, sans autorisation de changement d'usage, sous-loué le local meublé destiné à l'habitation, de manière répétée pour de courtes durées, à une clientèle de passage qui n'y élisait pas domicile, la cour d'appel a pu la condamner au paiement d'une amende civile. 10. En second lieu, la cassation n'étant pas prononcée sur les première et deuxième branches, le grief, tiré d'une annulation par voie de conséquence, est devenu sans portée. 11. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le troisième moyen Enoncé du moyen 12. La société Habitat parisien fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de condamnation de la société JLP Fidji à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre, alors : « 1°/ que le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière, de délivrer au preneur la chose louée ; qu'il incombe au bailleur de délivrer un local conforme à sa destination contractuelle tout au long du contrat ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de l'arrêt, d'une part, que le contrat de bail conclu entre la société JLP Fidji et la société Habitat parisien prévoyait que cette dernière était autorisée à sous-louer et à prêter de manière temporaire le logement et, d'autre part, que par avenant du 2 octobre 2017, le bailleur, à la suite de la loi ALUR du 24 mars 2014, a indiqué garantir sur l'honneur l'absence d'obstacles et la licéité de la location meublée de courtes durées ; qu'en rejetant l'appel en garantie formé par la société Habitat parisien à l'encontre de la société JLP Fidji, cependant que cette société était tenue, au titre de son obligation de délivrance, de garantir à son locataire, la société Habitat parisien, la possibilité d'exercer, dans le local loué, une activité de location saisonnière conformément à la destination convenue dans le bail, la cour d'appel a violé les articles L. 631-7 et L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation ensemble l'article 1719 du code civil ; 2°/ qu'en toute hypothèse, qu'en affirmant que la tromperie alléguée ne serait pas démontrée, quand elle relevait elle-même que la société JLP Fidji avait autorisé la société Habitat parisien à sous-louer de manière temporaire le logement et qu'elle avait ensuite garanti sur l'honneur l'absence d'obstacles et la licéité de la location meublée de courtes durées, ce dont il résultait que la société JLP Fidji avait ainsi laissé croire à sa locataire qu'aucun obstacle légal ne s'opposait à ce qu'elle exerce une activité de location saisonnière dans le local litigieux, la cour d'appel a violé les articles L. 631-7 et L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation. » Réponse de la Cour 13. Ayant relevé, au terme d'une interprétation souveraine du contrat du 5 novembre 2012, que la société Habitat parisien avait toute latitude pour mettre en place une location conforme aux textes, la cour d'appel a pu déduire de ce seul motif que la garantie de délivrance de la bailleresse ne pouvait l'exonérer de sa responsabilité de ce chef. 14. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Habitat parisien aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par les sociétés Habitat parisien et JLP Fidji et condamne la société Habitat parisien à payer à la Ville de [Localité 5] la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze février deux mille vingt-trois. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat aux Conseils, pour la société Habitat parisien PREMIER MOYEN DE CASSATION La société Habitat Parisien fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir constaté qu'elle a enfreint les dispositions de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation au titre de l'appartement situé dans l'immeuble du [Adresse 2] et de l'avoir, en conséquence, condamnée à verser à la Ville de [Localité 5] une amende civile de 50 000 euros et d'avoir rejeté la demande de condamnation de la société JLP Fidji à la garantir de toute éventuelle condamnation prononcée à son encontre ; ALORS QUE le juge ne peut statuer qu'au regard des conclusions régulièrement notifiées aux parties ; qu'en statuant au visa de conclusions de la Ville de [Localité 5] remises le 12 février 2021, lesquelles n'ont pas été notifiées à la société Habitat Parisien, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION La société Habitat Parisien fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir constaté qu'elle a enfreint les dispositions de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation au titre de l'appartement situé dans l'immeuble du [Adresse 2] et de l'avoir, en conséquence, condamnée à verser à la Ville de [Localité 5] une amende civile de 50 000 euros et d'avoir rejeté la demande de condamnation de la société JLP Fidji à la garantir de toute éventuelle condamnation prononcée à son encontre ; 1°) ALORS QU'est passible de l'amende prévue à l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation « toute personne qui enfreint les dispositions de l'article L. 631-7 ou qui ne se conforme pas aux conditions ou obligations imposées en application dudit article » ; que lorsqu'un contrat de bail autorise le locataire à sous-louer le local de manière temporaire à une clientèle de passage n'y élisant pas domicile, c'est au bailleur qu'il appartient d'obtenir l'autorisation prévue par l'article L. 631-7 de ce code, tout particulièrement lorsque celle-ci est subordonnée à une compensation ; que le locataire, auquel le bailleur a garanti la possibilité de procéder à de telles sous-locations et la licéité de celles-ci, ne peut être tenu responsable d'un éventuel changement d'usage des locaux effectué sans autorisation préalable ; qu'en relevant, au contraire, pour juger que, malgré sa qualité de locataire, la société Habitat Parisien serait passible de l'amende prévue à l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation, que cette société « ne pouvait ignorer la réglementation applicable au regard des dispositions régissant le changement d'usage, notamment au sens du dernier alinéa de l'article L. 631-7 », qu'il appartenait « tant au propriétaire qu'au locataire chargé de louer le bien pour de courtes durées de s'assurer de l'obtention des autorisations personnelles de changement d'usage, nonobstant l'attestation sur l'honneur du bailleur inopérante » et que la société Habitat Parisien aurait ainsi « enfreint les règles régissant la location touristique de courte durée », la cour d'appel a violé les articles L. 631-7 et L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation ; 2°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE le contrat de bail conclu entre la société JLP Fidji et la société Habitat Parisien prévoyait « l'autorisation expresse que le locataire puisse sous-louer, prêter, de manière temporaire ce logement » ; qu'en affirmant que le modèle de bail imposé par la société Habitat Parisien ne ferait « pas même référence à des locations touristiques de courte durée mais seulement à des locations meublées pour des périodes déterminées, de sorte que la SARL Habitat Parisien avait toute latitude pour mettre en place une location conforme ou non aux textes », cependant que la clause précitée autorisait précisément le locataire à louer le local de manière temporaire à une clientèle de passage n'y élisant pas domicile, la cour d'appel a statué par un motif inopérant, en violation des articles L. 631-7 et L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation ; 3°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE la cassation qui sera prononcée sur ce moyen entraînera également la cassation, par voie de conséquence, du chef de l'arrêt ayant rejeté la demande de condamnation de la société JLP Fidji à garantir la société Habitat Parisien de toute éventuelle condamnation prononcée à son encontre, et ce par application de l'article 624 du code de procédure civile. TROISIEME MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE) La société Habitat Parisien fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande de condamnation de la société JLP Fidji à la garantir de toute éventuelle condamnation prononcée à son encontre ; 1°) ALORS QUE le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière, de délivrer au preneur la chose louée ; qu'il incombe au bailleur de délivrer un local conforme à sa destination contractuelle tout au long du contrat ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de l'arrêt, d'une part, que le contrat de bail conclu entre la société JLP Fidji et la société Habitat Parisien prévoyait que cette dernière était autorisée à sous-louer et à prêter de manière temporaire le logement et, d'autre part, que par avenant du 2 octobre 2017, le bailleur, à la suite de la loi ALUR du 24 mars 2014, a indiqué « garantir sur l'honneur l'absence d'obstacles et la licéité de la location meublée de courtes durées » ; qu'en rejetant l'appel en garantie formé par la société Habitat Parisien à l'encontre de la société JLP Fidji, cependant que cette société était tenue, au titre de son obligation de délivrance, de garantir à son locataire, la société Habitat Parisien, la possibilité d'exercer, dans le local loué, une activité de location saisonnière conformément à la destination convenue dans le bail, la cour d'appel a violé les articles L. 631-7 et L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation ensemble l'article 1719 du code civil ; 2°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QU'en affirmant que la tromperie alléguée ne serait pas démontrée, quand elle relevait elle-même que la société JLP Fidji avait autorisé la société Habitat Parisien à sous-louer de manière temporaire le logement et qu'elle avait ensuite garanti sur l'honneur l'absence d'obstacles et la licéité de la location meublée de courtes durées, ce dont il résultait que la société JLP Fidji avait ainsi laissé croire à sa locataire qu'aucun obstacle légal ne s'opposait à ce qu'elle exerce une activité de location saisonnière dans le local litigieux, la cour d'appel a violé les articles L. 631-7 et L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation.
Le locataire qui sous-loue un local meublé destiné à l'habitation en méconnaissance des dispositions de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation est passible d'une condamnation au paiement de l'amende civile prévue à l'article L. 651-2 du même code
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CIV. 3 MF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 15 février 2023 Rejet Mme TEILLER, président Arrêt n° 123 FS-B Pourvoi n° F 21-25.849 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 15 FÉVRIER 2023 La société Leopol, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 5], anciennement joaillerie Caprice de Luxe [Localité 11], a formé le pourvoi n° F 21-25.849 contre l'arrêt rendu le 27 octobre 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 3), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [O] [I], domicilié [Adresse 3], 2°/ à M. [X] [S], domicilié [Adresse 9], 3°/ à M. [M] [S], domicilié [Adresse 8], 4°/ à Mme [N] [A], domiciliée [Adresse 6], 5°/ à M. [T] [A], domicilié [Adresse 10], 6°/ à M. [J] [I], domicilié [Adresse 7], 7°/ à M. [Y] [A], domicilié [Adresse 2], 8°/ à M. [B] [I], domicilié [Adresse 12], 9°/ à Mme [K] [C], domiciliée [Adresse 4], 10°/ à Mme [L] [S], domiciliée [Adresse 1], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Grandjean, conseiller, les observations de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Leopol, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [O] [I], MM. [X] et [M] [S], Mme [N] [A], M. [T] [A], M. [J] [I], M. [Y] [A], M. [B] [I], Mme [K] [C] et de Mme [L] [S], et l'avis de Mme Morel-Coujard, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 janvier 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Grandjean, conseiller rapporteur, Mme Andrich, faisant fonction de conseiller doyen, MM. David, Jobert, Mme Grall, M. Bosse-Platière, conseillers, M. Jariel, Mmes Schmitt, Aldigé, M. Baraké, Mmes Gallet, Davoine, M. Pons, Mme Rat, conseillers référendaires, Mme Morel-Coujard, avocat général, et Mme Besse, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 octobre 2021), le 30 juillet 2008, Mmes [N] [A], [K] [C], [L] [S] et MM. [O] [I], [M] [S], [T] [A], [J] [I], [Y] [A], [B] [I] et [X] [S] (les bailleurs) ont donné un local à bail à usage de commerce de gravures, reliures, encadrements, maroquinerie, décoration ou similaire à Mme [F]. 2. Le 18 novembre 2010, la société Joaillerie caprice de luxe [Localité 11], devenue la société Leopol (la locataire), a signifié aux bailleurs la cession du droit au bail consentie par Mme [F] avec déspécialisation du bail en application des dispositions de l'article L. 145-51 du code de commerce. 3. Les bailleurs ont délivré un congé avec offre de renouvellement du bail à compter du 1er juillet 2017 moyennant le paiement d'un loyer fixé selon la valeur locative, puis ont saisi le juge des loyers commerciaux d'une demande en fixation du nouveau loyer. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa quatrième branche, ci-après annexé 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, pris en ses première à troisième branches Enoncé du moyen 5. La locataire fait grief à l'arrêt de dire que le loyer renouvelé sera fixé à la valeur locative et de désigner, avant-dire droit, un expert afin de déterminer la valeur locative des locaux, alors : « 1°/ que, lorsque le locataire ayant demandé à bénéficier de ses droits à la retraite ou ayant été admis au bénéfice d'une pension d'invalidité, a signifié à son propriétaire son intention de céder son bail en précisant la nature des activités dont l'exercice est envisagé ainsi que le prix proposé, le bailleur a, dans un délai de deux mois, une priorité de rachat aux conditions fixées dans la signification ; qu'à défaut d'usage de ce droit par le bailleur, son accord est réputé acquis si, dans le même délai de deux mois, il n'a pas saisi le tribunal judiciaire ; qu'en retenant qu'aucune disposition ne fait interdiction au bailleur d'invoquer le changement d'activité autorisé à l'occasion du renouvellement pour solliciter le déplafonnement du prix du bail pour autant que les conditions d'un déplafonnement fondé sur un changement de destination soient réunies, les dispositions de l'article L. 145-51 n'étant pas exclusives de l'application des articles L. 145-33, quand le bailleur ne peut pas invoquer la déspécialisation pour obtenir la modification du loyer lors du renouvellement du bail, la cour d'appel a violé les articles L. 145-51, L. 145-33 et L. 145-34 du code de commerce ; 2°/ que, lorsque le locataire ayant demandé à bénéficier de ses droits à la retraite ou ayant été admis au bénéfice d'une pension d'invalidité, a signifié à son propriétaire son intention de céder son bail en précisant la nature des activités dont l'exercice est envisagé ainsi que le prix proposé, le bailleur a, dans un délai de deux mois, une priorité de rachat aux conditions fixées dans la signification ; qu'à défaut d'usage de ce droit par le bailleur, son accord est réputé acquis si, dans le même délai de deux mois, il n'a pas saisi le tribunal judiciaire ; qu'en retenant qu'il ne peut être déduit du non-exercice par les bailleurs de leur droit de rachat prioritaire du bail dans les deux mois de la signification par le preneur initial de son intention de céder le bail en application de l'article L. 145-51 du code de commerce ou de l'absence d'opposition en justice à cette déspécialisation, un quelconque renoncement à se prévaloir des dispositions de l'article L. 145-34 susvisé, quand le non-exercice de la faculté de rachat et l'absence d'opposition à la déspécialisation valent renoncement à se prévaloir de la déspécialisation lors du renouvellement du bail, la cour d'appel a violé l'article L. 145-51 du code de commerce ; 3°/ que la propriété commerciale du preneur d'un bail commercial protégée par l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales s'entend du droit au renouvellement du bail commercial consacré par les articles L. 145-8 à L. 145-30 du code de commerce ; qu'en retenant que la propriété commerciale protégée par ledit article s'entend du droit au renouvellement du bail commercial consacré par les articles L. 145-8 à L. 145-30 du code de commerce garantissant le preneur de la seule volonté du bailleur de ne pas renouveler le bail et imposant à celui-ci de verser une indemnité d'éviction et que l'atteinte alléguée par la société locataire qui porte sur le prix du bail renouvelé n'entre pas dans le champ de cette protection, quand, le déplafonnement du prix du bail entrave le droit du locataire au renouvellement du bail, la cour d'appel a violé l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. » Réponse de la Cour 6. La cour d'appel a énoncé, à bon droit, que la cession du droit au bail, dans les conditions de l'article L. 145-51 du code de commerce, emportant malgré une déspécialisation, le maintien du loyer jusqu'au terme du bail, ne privait pas les bailleurs du droit d'invoquer, au soutien de leur demande en fixation du loyer du bail renouvelé, le changement de destination intervenu au cours du bail expiré. 7. Elle a relevé à juste titre qu'il ne pouvait être déduit du non-exercice par les bailleurs de leur droit de rachat prioritaire ou de l'absence d'opposition en justice à la déspécialisation, leur renonciation à solliciter, lors du renouvellement du bail, le déplafonnement du loyer. 8. Rappelant que la « propriété commerciale » du preneur d'un bail commercial, protégée par l'article 1er du premier Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, s'entend du droit au renouvellement du bail commercial consacré par les articles L. 145-8 à L. 145-30 du code de commerce, elle a exactement retenu que l'atteinte alléguée, qui ne concerne que le prix du loyer du bail renouvelé, n'entre pas dans le champ de cette protection. 9. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Leopol aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Leopol et la condamne à payer à Mmes [N] [A], [K] [C], [L] [S] et MM. [O] [I], [M] [S], [T] [A], [J] [I], [Y] [A], [B] [I] et [X] [S] la somme globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze février deux mille vingt-trois. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat aux Conseils, pour la société Leopol La société Leopol fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le montant du loyer renouvelé sera fixé à la valeur locative et d'AVOIR, avant dire droit, désigné un expert afin de déterminer la valeur locative des lieux loués ; ALORS, DE PREMIERE PART, QUE lorsque le locataire ayant demandé à bénéficier de ses droits à la retraite ou ayant été admis au bénéfice d'une pension d'invalidité, a signifié à son propriétaire son intention de céder son bail en précisant la nature des activités dont l'exercice est envisagé ainsi que le prix proposé, le bailleur a, dans un délai de deux mois, une priorité de rachat aux conditions fixées dans la signification ; qu'à défaut d'usage de ce droit par le bailleur, son accord est réputé acquis si, dans le même délai de deux mois, il n'a pas saisi le tribunal judiciaire ; qu'en retenant qu'aucune disposition ne fait interdiction au bailleur d'invoquer le changement d'activité autorisé à l'occasion du renouvellement pour solliciter le déplafonnement du prix du bail pour autant que les conditions d'un déplafonnement fondé sur un changement de destination soient réunies, les dispositions de l'article L.145-51 n'étant pas exclusives de l'application des articles L. 145-33, quand le bailleur ne peut pas invoquer la déspécialisation pour obtenir la modification du loyer lors du renouvellement du bail, la cour d'appel a violé les articles L. 145-51, L. 145-33 et L. 145-34 du code de commerce ; ALORS, DE DEUXIEME PART, QUE lorsque le locataire ayant demandé à bénéficier de ses droits à la retraite ou ayant été admis au bénéfice d'une pension d'invalidité, a signifié à son propriétaire son intention de céder son bail en précisant la nature des activités dont l'exercice est envisagé ainsi que le prix proposé, le bailleur a, dans un délai de deux mois, une priorité de rachat aux conditions fixées dans la signification ; qu'à défaut d'usage de ce droit par le bailleur, son accord est réputé acquis si, dans le même délai de deux mois, il n'a pas saisi le tribunal judiciaire ; qu'en retenant qu'il ne peut être déduit du non-exercice par les bailleurs de leur droit de rachat prioritaire du bail dans les deux mois de la signification par le preneur initial de son intention de céder le bail en application de l'article L. 145-51 du code de commerce ou de l'absence d'opposition en justice à cette déspécialisation, un quelconque renoncement à se prévaloir des dispositions de l'article L. 145-34 susvisé, quand le non-exercice de la faculté de rachat et l'absence d'opposition à la déspécialisation valent renoncement à se prévaloir de la déspécialisation lors du renouvellement du bail, la cour d'appel a violé l'article L. 145-51 du code de commerce ; ALORS, DE TROISIEME PART, QUE la propriété commerciale du preneur d'un bail commercial protégée par l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales s'entend du droit au renouvellement du bail commercial consacré par les articles L. 145-8 à L. 145-30 du code de commerce ; qu'en retenant que la propriété commerciale protégée par ledit article s'entend du droit au renouvellement du bail commercial consacré par les articles L. 145-8 à L. 145-30 du code de commerce garantissant le preneur de la seule volonté du bailleur de ne pas renouveler le bail et imposant à celui-ci de verser une indemnité d'éviction et que l'atteinte alléguée par la société locataire qui porte sur le prix du bail renouvelé n'entre pas dans le champ de cette protection, quand, le déplafonnement du prix du bail entrave le droit du locataire au renouvellement du bail, la cour d'appel a violé l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. ALORS, DE QUATRIEME PART, QU'à moins d'une modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L. 145-33, le taux de variation du loyer applicable lors de la prise d'effet du bail à renouveler, si sa durée n'est pas supérieure à neuf ans, ne peut excéder la variation, intervenue depuis la fixation initiale du loyer du bail expiré, de l'indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l'indice trimestriel des loyers des activités tertiaires , qu'en retenant que la modification de la destination des lieux présente un caractère notable justifiant que la règle du déplafonnement soit écartée, quand aucun changement d'activité n'est advenu entre la signature du bail et son renouvellement, son objet ayant toujours été l'activité de « joaillerie » de sorte qu'aucun déplafonnement ne pouvait être demandé lors du renouvellement, la cour d'appel a violé les articles L. 145-33 et L. 145-34 du code de commerce.
La cession du droit au bail dans les conditions de l'article L. 145-51 du code de commerce emporte, malgré une déspécialisation, le maintien du loyer jusqu'au terme du bail. En revanche, elle ne prive pas le bailleur du droit d'invoquer le changement de destination intervenu au cours du bail expiré au soutien d'une demande en fixation du loyer du bail renouvelé. Dès lors, il ne peut être déduit une renonciation de sa part à solliciter le déplafonnement du loyer lors du renouvellement du bail du non-exercice du droit de rachat prioritaire ou de son absence d'opposition en justice à la déspécialisation
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COMM. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 15 février 2023 Rejet M. VIGNEAU, président Arrêt n° 130 FS-B Pourvoi n° H 21-24.401 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 15 FÉVRIER 2023 La société Diana Holding, dont le siège est [Adresse 2] (Maroc), a formé le pourvoi n° H 21-24.401 contre l'ordonnance rendue le 3 novembre 2021 par le premier président de la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 15), dans le litige l'opposant à l'Autorité des marchés financiers, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Ducloz, conseiller, les observations de la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat de la société Diana Holding, de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de l'Autorité des marchés financiers, et l'avis de M. Crocq, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 janvier 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Ducloz, conseiller rapporteur, Mmes Graff-Daudret, Daubigney, M. Ponsot, Mme Fèvre, M. Alt, conseillers, MM. Guerlot, Blanc, Mmes Lion, Lefeuvre, Tostain, M. Maigret, conseillers référendaires, M. Crocq, avocat général, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 3 novembre 2021), le 28 avril 2021, la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers (l'AMF) a prononcé une sanction pécuniaire à l'encontre de la société Diana Holding. 2. Cette société a formé un recours devant la cour d'appel de Paris contre cette décision, tout en saisissant le premier président de cette cour d'une demande de sursis à son exécution. Examen du moyen Enoncé du moyen 3. La société Diana Holding fait grief à l'ordonnance de rejeter la demande de sursis à exécution de la décision de la commission des sanctions de l'AMF n° 6 du 28 avril 2021 la concernant, alors « qu'il peut être sursis à l'exécution de la décision de la commission des sanctions de l'AMF si celle-ci est susceptible d'entraîner des conséquences manifestement excessives ; que s'il n'appartient pas au magistrat saisi d'une telle demande de contrôler la légalité de la décision concernée, il lui revient en revanche de rechercher, lorsqu'une irrégularité de procédure grave et manifeste est invoquée à l'égard d'une décision prononçant une lourde sanction pécuniaire, si cette décision n'est pas sérieusement menacée d'annulation, de sorte que son exécution dans ces conditions serait de nature à engendrer les conséquences manifestement excessives ; que, pour refuser d'examiner les irrégularités procédurales invoquées par la société Diana Holding à l'appui de sa demande de sursis à exécution de la décision du 28 avril 2021, qui avait prononcé à son encontre une sanction de 10 millions d'euros, le premier président a retenu que la demande de sursis à exécution devait "être examinée et appréciée au regard des répercutions financières sur la situation des requérants" et que "les arguments développés par les requérants concernant la violation des règles de procédure (…), quelle que soit leur pertinence, relèvent du débat au fond et ne sauraient donc être invoqués dans la présente instance" ; qu'en statuant de la sorte, le premier président a violé l'article L. 621-30, alinéa 1er, du code monétaire et financier. » Réponse de la Cour 4. Selon l'article L. 621-30 du code monétaire et financier, lorsqu'un recours est formé devant le juge judiciaire contre une décision de la commission des sanctions de l'AMF relevant de sa compétence, il peut être sursis à l'exécution de cette décision si celle-ci est susceptible d'entraîner des conséquences manifestement excessives. 5. Le caractère manifestement excessif des conséquences de l'exécution provisoire d'une telle décision doit être apprécié par rapport à la situation de la personne sanctionnée, sans qu'il y ait lieu d'analyser les chances de succès du recours en annulation ou réformation de cette décision. 6. Le moyen, qui postule le contraire, n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Diana Holding aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Diana Holding et la condamne à payer à l'Autorité des marchés financiers la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quinze février deux mille vingt-trois. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat aux Conseils, pour la société Diana Holding. La société Diana Holding fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir rejeté la demande de sursis à exécution de la décision de la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers n°6 du 28 avril 2021 la concernant ; ALORS QU' il peut être sursis à l'exécution de la décision de la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers si celle-ci est susceptible d'entraîner des conséquences manifestement excessives ; que s'il n'appartient pas au magistrat saisi d'une telle demande de contrôler la légalité de la décision concernée, il lui revient en revanche de rechercher, lorsqu'une irrégularité de procédure grave et manifeste est invoquée à l'égard d'une décision prononçant une lourde sanction pécuniaire, si cette décision n'est pas sérieusement menacée d'annulation, de sorte que son exécution dans ces conditions serait de nature à engendrer les conséquences manifestement excessives ; que pour refuser d'examiner les irrégularités procédurales invoquées par la société Diana Holding à l'appui de sa demande de sursis à exécution de la décision du 28 avril 2021, qui avait prononcé à son encontre une sanction de 10 millions d'euros, le premier président a retenu que la demande de sursis à exécution devait « être examinée et appréciée au regard des répercutions financières sur la situation des requérants » et que « les arguments développés par les requérants concernant la violation des règles de procédure (…), quelle que soit leur pertinence, relèvent du débat au fond et ne sauraient donc être invoqués dans la présente instance » ; qu'en statuant de la sorte, le premier président a violé l'article L. 621-30, alinéa 1er, du code monétaire et financier.
Selon l'article L. 621-30 du code monétaire et financier, lorsqu'un recours est formé devant le juge judiciaire contre une décision de la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers (AMF) relevant de sa compétence, il peut être sursis à l'exécution de cette décision si celle-ci est susceptible d'entraîner des conséquences manifestement excessives. Le caractère manifestement excessif des conséquences de l'exécution provisoire d'une telle décision doit être apprécié par rapport à la situation de la personne sanctionnée, sans qu'il y ait lieu d'analyser les chances de succès du recours en annulation ou réformation de cette décision
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COMM. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 15 février 2023 Rejet M. VIGNEAU, président Arrêt n° 134 FS-B Pourvoi n° C 21-13.288 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 15 FÉVRIER 2023 La société Orefa, société à responsabilité limitée de droit luxembourgeois, dont le siège est [Adresse 3] (Luxembourg), élisant domicile au cabinet GRV associés, [Adresse 2], a formé le pourvoi n° C 21-13.288 contre l'ordonnance rendue le 3 mars 2021 par le premier président de la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 15), dans le litige l'opposant au directeur général des finances publiques, représenté par l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction nationale d'enquêtes fiscales, domicilié [Adresse 5], défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Lion, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Orefa, de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur général des finances publiques, représenté par l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction nationale d'enquêtes fiscales, et l'avis de Mme Gueguen, premier avocat général, à la suite duquel le président a demandé aux avocats s'ils souhaitaient présenter des observations complémentaires, après débats en l'audience publique du 3 janvier 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Lion, conseiller référendaire rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, Mmes Graff-Daudret, Daubigney, M. Ponsot, Mmes Fèvre, Ducloz, M. Alt, conseillers, MM. Guerlot, Blanc, Mmes Lefeuvre, Tostain, M. Maigret, conseillers référendaires, Mme Gueguen, premier avocat général, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 3 mars 2021), un juge des libertés et de la détention (JLD) a, sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, autorisé des agents de l'administration fiscale à effectuer des visites et saisies dans des locaux situés [Adresse 4] et/ou à [Localité 6], susceptibles d'être occupés, notamment, par la société Orefi orientale et financière et/ou la société Vente-privée.com et/ou la société de droit luxembourgeois Orefa et/ou toute entité du groupe informel dirigé directement ou indirectement par M. [J], et [Adresse 1], susceptibles d'être occupés par M. et Mme [J] et/ou Mme [E] [R] et/ou la société Orefa, en vue de rechercher la preuve de la commission, par la société Orefa, d'une fraude fiscale. Les opérations se sont déroulées le 27 juin 2019. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche, ci-après annexé 2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches Enoncé du moyen 3. La société Orefa fait grief à l'ordonnance de confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance d'autorisation de visite et saisies du 26 juin 2019 et de déclarer régulières les opérations de visites et saisies subséquentes, alors : « 2°/ qu'une visite domiciliaire ne satisfait aux exigences de l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qu'à la condition que la loi qui l'autorise précise en termes clairs et de manière suffisante en quelles circonstances et sous quelles conditions elle habilite la puissance publique à recourir à des mesures affectant l'inviolabilité du domicile ; que l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales n'autorise une visite domiciliaire qu'en cas d'omission volontaire de passer des écritures comptables ; qu'en considérant au contraire que des présomptions relevant des articles 1741 et 1743 du code général des impôts pouvaient fonder une autorisation de visite et saisies ou encore que le juge pouvait retenir le défaut de souscription des déclarations fiscales comme constituant un indice de l'omission de passation des écritures comptables et des présomptions d'agissements visés par la loi, justifiant la mesure autorisée sans exiger un élément intentionnel, la conseillère déléguée, qui a étendu le champ d'application de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales au-delà des prévisions expresses de la loi, a violé l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 3°/ que l'obligation pour une société domiciliée dans un autre Etat membre de l'Union européenne de tenir également une comptabilité en France, pays d'un établissement stable supposé, constitue une contrainte discriminatoire contraire aux principes de non-discrimination et de liberté d'établissement ; que si la lutte contre la fraude fiscale peut, par dérogation, justifier que, dans certaines conditions, des règles soient spécialement imposées aux seules sociétés ayant leur siège social dans un autre Etat membre, une présomption générale d'évasion ou de fraude fiscale ne peut jamais suffire à justifier une mesure qui porte atteinte aux objectifs du traité ; qu'en affirmant au contraire qu'une simple présomption d'absence de déclaration en France suffisait à justifier une visite domiciliaire à l'encontre d'une société domiciliée dans un autre Etat membre et qu'il importait peu que la société tienne une comptabilité régulière dans le pays de son siège social, la conseillère déléguée a violé les articles 18 et 49 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; 4°/ que l'obligation pour une société domiciliée dans un autre Etat membre de l'Union européenne de tenir également une comptabilité en France, pays d'un établissement stable supposé, constitue une contrainte discriminatoire contraire aux principes de non-discrimination et de liberté d'établissement ; que si la lutte contre la fraude fiscale peut, par dérogation, justifier que dans certaines conditions, des règles soient spécialement imposées aux seules sociétés ayant leur siège social dans un autre Etat membre, une présomption générale d'évasion ou de fraude fiscale ne peut jamais suffire à justifier une mesure qui porte atteinte aux objectifs du traité ; qu'en considérant qu'une simple présomption de fraude fiscale suffisait à justifier une visite domiciliaire à l'encontre d'une société régulièrement domiciliée dans un autre Etat membre ou encore que le juge autorisant la saisie n'était pas compétent pour apprécier si la société domiciliée dans un autre Etat membre disposait ou non d'un établissement stable en France, la conseillère déléguée a établi une présomption générale de fraude fiscale, en violation des articles 18 et 49 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. » Réponse de la Cour 4. Une société de droit étranger est tenue, lorsqu'elle exerce une activité en France par l'intermédiaire d'un établissement stable, aux obligations résultant des articles 54, 209 et 286, I, 3°, du code général des impôts, qui exigent la passation d'écritures comptables permettant de justifier des opérations imposables en France, de sorte que lorsqu'elle a méconnu ses obligations déclaratives, elle peut être présumée avoir omis sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou avoir passé ou fait passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le code général des impôts. 5. En premier lieu, l'ordonnance relève, par motifs propres et adoptés, que la société Orefa, qui a pour objet social l'acquisition, l'aliénation, la gestion et la valorisation de participations, d'œuvres d'art et d'avions, ne disposerait pas, au Luxembourg, de moyens matériels et humains suffisants pour mettre en œuvre cet objet social, qu'elle disposerait, en France, de sa détention capitalistique mais également de sa direction effective, et qu'elle y exercerait une activité professionnelle consistant notamment en la location d'œuvres d'art et d'aéronefs et qu'elle n'est pas répertoriée dans la base nationale des données déclaratives et de paiement des entreprises de la direction générale des finances publiques, intitulée « compte fiscal des professionnels ». Elle retient, par motifs propres et adoptés, qu'il peut être présumé que cette société exerce, sur le territoire français, une activité professionnelle sans avoir comptabilisé les recettes provenant de cette activité au titre des années 2009 à 2014 et sans souscrire les déclarations fiscales correspondantes et, ainsi, qu'elle omet de passer, en France, les écritures comptables y afférentes. 6. De ces constatations et appréciations, et abstraction faite des motifs surabondants, critiqués par la deuxième branche, le premier président, qui n'avait pas à caractériser l'élément intentionnel de l'omission de passation des écritures comptables, a pu déduire l'existence de présomptions d'agissements entrant dans le champ d'application de l'article L. 16 B à l'encontre de la société Orefa. 7. En second lieu, après avoir relevé que l'administration fiscale ne reprochait pas à la société Orefa de tenir sa comptabilité au Luxembourg, mais d'exercer une activité sur le territoire national sans respecter ses obligations comptables en France, le premier président a retenu, à bon droit, que la mise en œuvre de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales n'entraînait pas la violation des principes de liberté d'établissement et de non-discrimination des sociétés au sein de l'Union, dès lors que ce texte ne constitue pas une mesure fiscale interdisant, gênant ou rendant moins attrayant l'exercice de la liberté d'établissement, en ce qu'il n'impose aucune obligation particulière aux contribuables, et qu'aucune disposition nationale n'exige des sociétés domiciliées dans un autre Etat membre de l'Union qui exercent une activité taxable en France par l'intermédiaire d'un établissement stable qu'elles tiennent une comptabilité complète en France, établie selon la réglementation nationale et conservée sur le territoire national, le code général des impôts prévoyant seulement qu'elles passent certaines écritures comptables permettant de justifier des opérations imposables qu'elles réalisent en France. 8. Par conséquent, le moyen, pour partie inopérant, n'est pas fondé pour le surplus. 9. Et en l'absence de doute raisonnable quant à l'interprétation du droit de l'Union sur les questions soulevées par le moyen, il n'y a pas lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Orefa aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Orefa et la condamne à payer au directeur général des finances publiques, représenté par l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction nationale d'enquêtes fiscales, la somme de 2 500 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quinze février deux mille vingt-trois. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Orefa. La société luxembourgeoise OREFA fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir confirmé en toutes ses dispositions l'ordonnance d'autorisation de visite et saisie du 26 juin 2019 et déclaré régulières les opérations de visites et saisies subséquentes ; 1°) ALORS QUE les dispositions de l'article L 16B du livre des procédures fiscales, telles qu'interprétées par la Cour de cassation, sont contraires aux articles 34 et 66 de la Constitution, ainsi qu'aux articles 3, 5, 6, 8 et 16 et de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 en tant qu'elles aboutissent à considérer qu'une ordonnance d'autorisation de visite et saisie est légalement justifiée non seulement lorsque le juge judiciaire constate l'existence de l'un des agissements mentionnés par l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, « mais aussi lorsque sont constatées des présomptions d'agissements ou manquements relevant des articles 1741 ou 1743 du code général des impôts », ou encore que le juge qui autorise une visite n'a pas à rechercher le caractère intentionnel des agissements frauduleux, procédant ainsi à une extension manifeste du champ d'application d'une telle mesure au-delà des prévisions expresses du législateur ; que l'annulation par le Conseil constitutionnel saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité, en application de l'article 61-1 de la Constitution, de l'article L 16 B du livre des procédures fiscales, tel qu'interprété par la Cour de cassation, privera de base légale l'ordonnance attaquée ; 2°) ALORS QU'une visite domiciliaire ne satisfait aux exigences de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme qu'à la condition que la loi qui l'autorise précise en termes clairs et de manière suffisante en quelles circonstances et sous quelles conditions elle habilite la puissance publique à recourir à des mesures affectant l'inviolabilité du domicile ; que l'article L 16 B du livre des procédures fiscales n'autorise une visite domiciliaire qu'en cas d'omission volontaire de passer des écritures comptables ; qu'en considérant au contraire que des présomptions relevant des articles 1741 et 1743 du code général des impôts pouvaient fonder une autorisation de visite et saisie ou encore que le juge pouvait retenir le défaut de souscription des déclarations fiscales comme constituant un indice de l'omission de passation des écritures comptables et des présomptions d'agissements visés par la loi justifiant la mesure autorisée sans exiger un élément intentionnel, la conseillère déléguée qui a étendu le champ d'application de l'article L 16 B du livre des procédures fiscales au-delà des prévisions expresses de la loi, a violé l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ; 3°) ALORS QUE l'obligation pour une société domiciliée dans un autre Etat membre de l'Union européenne de tenir également une comptabilité en France, pays d'un établissement stable supposé, constitue une contrainte discriminatoire contraire aux principes de non-discrimination et de liberté d'établissement ; que si la lutte contre la fraude fiscale peut, par dérogation, justifier que, dans certaines conditions, des règles soient spécialement imposées aux seules sociétés ayant leur siège social dans un autre Etat membre, une présomption générale d'évasion ou de fraude fiscale ne peut jamais suffire à justifier une mesure qui porte atteinte aux objectifs du traité ; qu'en affirmant au contraire qu'une simple présomption d'absence de déclaration en France suffisait à justifier une visite domiciliaire à l'encontre d'une société domiciliée dans un autre Etat membre et qu'il importait peu que la société tienne une comptabilité régulière dans le pays de son siège social, la conseillère déléguée a violé les articles 18 et 49 du TFUE ; 4°) ALORS QUE l'obligation pour une société domiciliée dans un autre Etat membre de l'Union européenne de tenir également une comptabilité en France, pays d'un établissement stable supposé, constitue une contrainte discriminatoire contraire aux principes de non-discrimination et de liberté d'établissement ; que si la lutte contre la fraude fiscale peut, par dérogation, justifier que dans certaines conditions, des règles soient spécialement imposées aux seules sociétés ayant leur siège social dans un autre Etat membre, une présomption générale d'évasion ou de fraude fiscale ne peut jamais suffire à justifier une mesure qui porte atteinte aux objectifs du traité ; qu'en considérant qu'une simple présomption de fraude fiscale suffisait à justifier une visite domiciliaire à l'encontre d'une société régulièrement domiciliée dans un autre Etat membre ou encore que le juge autorisant la saisie n'était pas compétent pour apprécier si la société domiciliée dans un autre Etat membre disposait ou non d'un établissement stable en France, la conseillère déléguée a établi une présomption générale de fraude fiscale, en violation des articles 18 et 49 du TFUE.
Une société de droit étranger est tenue, lorsqu'elle exerce une activité en France par l'intermédiaire d'un établissement stable, aux obligations résultant des articles 54, 209 et 286, I, 3°, du code général des impôts, qui exigent la passation d'écritures comptables permettant de justifier des opérations imposables en France, de sorte que lorsqu'elle a méconnu ses obligations déclaratives, elle peut être présumée avoir omis sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou avoir passé ou fait passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le code général des impôts. En conséquence, doit être approuvé le premier président d'une cour d'appel qui, s'agissant d'une société domiciliée dans un autre Etat membre de l'Union européenne exerçant une activité taxable en France par l'intermédiaire d'un établissement stable, déduit de l'existence de présomptions qu'elle a omis de comptabiliser les recettes provenant de cette activité et de souscrire les déclarations fiscales correspondantes, l'existence de présomptions d'omissions comptables entrant dans le champ d'application de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, et qui retient que la mise en oeuvre de ce texte n'entraîne pas la violation des principes de liberté d'établissement et de non-discrimination des sociétés au sein de l'Union européenne, dès lors qu'il ne constitue pas une mesure fiscale interdisant, gênant ou rendant moins attrayant l'exercice de la liberté d'établissement, en ce qu'il n'impose aucune obligation particulière aux contribuables, et qu'aucune disposition nationale n'exige d'une telle société qu'elle tienne une comptabilité complète en France, établie selon la réglementation nationale et conservée sur le territoire national
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COMM. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 15 février 2023 Cassation M. VIGNEAU, président Arrêt n° 144 F-B Pourvoi n° M 21-10.950 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 15 FÉVRIER 2023 La société MG investissements, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° M 21-10.950 contre l'arrêt rendu le 23 novembre 2020 par la cour d'appel de Colmar (1re chambre civile, section A), dans le litige l'opposant à la société Banque européenne du crédit mutuel (BECM), société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Blanc, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société MG investissements, de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société Banque européenne du crédit mutuel, après débats en l'audience publique du 3 janvier 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Blanc, conseiller référendaire rapporteur, Mme Graff-Daudret, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 23 novembre 2020), le 15 avril 2012, la société Caisse régionale de crédit mutuel de Normandie, aux droits de laquelle est venue la société Banque européenne du crédit mutuel (la banque), a consenti à la société MG investissements (l'emprunteuse) un prêt d'un montant de 200 000 euros, le taux effectif global mentionné dans l'acte de prêt étant de 4,56336 % par an. 2. Le 11 décembre 2012, la banque a consenti à l'emprunteuse un second prêt, d'un montant de 100 000 euros, le taux effectif global mentionné dans l'acte de prêt étant de 3,35 % par an. 3. L'emprunteuse ayant remboursé ces prêts par anticipation, la banque a inscrit au débit de son compte bancaire une certaine somme au titre des indemnités de remboursement anticipé stipulées aux actes de prêt. 4. Faisant valoir que les taux effectifs globaux mentionnés dans ces actes étaient erronés et que la banque avait manqué à son obligation d'information concernant les modalités de calcul des indemnités de remboursement anticipé, l'emprunteuse l'a assignée en annulation des stipulations d'intérêts des prêts et en indemnisation. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 5. L'emprunteuse fait grief à l'arrêt de rejeter toutes ses demandes, alors : « 1°/ que doit être sanctionnée toute erreur affectant le taux effectif global qui fait apparaître, au détriment de l'emprunteur, un surcoût d'un montant supérieur à la décimale ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que "concernant le prêt de 200 000 euros du 15 avril 2012 (…), le TEG mentionné dans cet acte est de 4,583 % alors que la société MG investissements se prévaut d'une expertise (...) qui aboutit à un TEG de 4,920 %" ; qu'en déboutant l'emprunteuse de ses demandes, quand l'erreur commise par la banque dans le calcul du TEG du prêt de 200 000 euros, supérieur à 0,2 %, venait nécessairement au détriment de l'emprunteuse, la cour d'appel a violé l'article L. 313-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016- 301 du 14 mars 2016 ; 2°/ que doit être sanctionnée toute erreur affectant le taux effectif global qui fait apparaître, au détriment de l'emprunteur, un surcoût d'un montant supérieur à la décimale ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que "concernant le prêt de 100 000 euros du 11 décembre 2012, le TEG mentionné dans cet acte est de 3,350 %, alors que la société MG investissements se prévaut d'une expertise (...) qui aboutit à un TEG de 3,685 %" ; qu'en déboutant l'emprunteuse de ses demandes, quand l'erreur commise par la banque dans le calcul du TEG du prêt de 100 000 euros, supérieur à 0,3 %, venait nécessairement au détriment de la société, la cour d'appel a violé l'article L. 313- 1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, ensemble l'article R. 313-1 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2016-607 du 13 mai 2016. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 313-4 du code monétaire et financier, dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, et l'article L. 313-2 du code de la consommation, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2006-346 du 23 mars 2006 : 6. En application de ces textes, l'erreur affectant la mention du taux effectif global dans l'écrit constatant un contrat de crédit n'est sanctionnée que lorsqu'elle vient au détriment de l'emprunteur, ce qui suppose que le taux effectif global mentionné dans cet écrit soit inférieur au taux effectif global correctement calculé. 7. Pour rejeter les demandes de l'emprunteuse d'annulation des stipulations d'intérêts des deux contrats de prêts, l'arrêt retient, concernant le prêt d'un montant de 200 000 euros, que le taux effectif global mentionné dans l'acte de prêt est de 4,583 % par an, cependant que l'emprunteuse se prévaut d'un taux effectif global réel de 4,92 % par an, soit un taux effectif global « par excès ». Il ajoute, concernant le prêt d'un montant de 100 000 euros, que le taux effectif global mentionné dans l'acte de prêt est de 3,35 % par an, cependant que l'emprunteuse se prévaut d'un taux effectif global réel de 3,685 % par an, soit encore un taux effectif global « par excès ». Il en déduit que la société MG investissements ne peut pas se prévaloir d'une erreur qui lui est favorable. 8. En statuant ainsi, alors que, pour chacun des deux prêts, l'emprunteuse soutenait que le taux effectif global mentionné dans l'acte de prêt était inférieur au taux effectif global correctement calculé, de sorte que l'erreur qu'elle invoquait venait à son détriment, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Et sur le second moyen, pris en sa troisième branche Enoncé du moyen 9. L'emprunteuse fait le même grief à l'arrêt, alors « que la banque dispensatrice de crédit est tenue d'une obligation d'information sur les caractéristiques du prêt qu'elle propose aux emprunteurs de souscrire, afin de leur permettre de s'engager en toute connaissance de cause ; que, dans ses écritures d'appel, l'emprunteuse faisait expressément valoir que la banque avait manqué à son obligation d'information lors de la conclusion des prêts des 15 avril et 11 décembre 2012, les termes de la clause de remboursement anticipé ne permettant pas de déterminer le montant de cette indemnité ; "qu'en effet, les formules mathématiques (…) étaient difficiles à mettre en œuvre et (…) seul le banquier disposait des outils informatiques et mathématiques permettant des simulations" ; qu'en outre, "la complexité des modalités de calcul, inaccessibles pour une entreprise n'ayant pas les outils informatiques équivalents à ceux d'une banque, a(vait) aussi pour objectif de dissimuler lors de la souscription du contrat les conséquences de la mise en jeu de telles clauses, eu égard à leur caractère particulièrement excessif en ce qu'elles atteignent environ 15 % du montant du capital restant dû à la date du remboursement des crédits, ceci n'étant découvert qu'a posteriori par le souscripteur" ; que la cour d'appel a elle-même relevé qu'il était "indéniable (...) que les formules mathématiques qui sont détaillées à la suite sont difficiles à mettre en œuvre par l'emprunteur, seul le banquier disposant des outils informatiques et mathématiques permettant des simulations", et que le calcul de cette indemnité pouvait "apparaître comme complexe" ; qu'en déboutant l'emprunteuse de ses demandes, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il ressortait que la banque avait manqué à son obligation d'information vis-à-vis de l'emprunteuse, sur les implications financières concrètes de la clause de remboursement anticipé, information qui aurait permis à cette dernière de s'engager en connaissance de cause, violant ainsi l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. » Réponse de la Cour Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 : 10. Il résulte de ce texte qu'un établissement prêteur est tenu d'informer l'emprunteur sur les caractéristiques du prêt qu'il offre de lui consentir et en particulier, le cas échéant, sur les modalités du remboursement du prêt par anticipation, afin de lui permettre de s'engager en toute connaissance de cause. 11. Pour rejeter les demandes de la société, l'arrêt, après avoir relevé que les modalités de remboursement des prêts par anticipation sont très précisément déterminées, notamment par les termes de l'article 3.2, figurant au paragraphe « Remboursement par anticipation », des deux actes de prêt, retient que la société ne précise pas en quoi cette stipulation est incompréhensible et ne justifie pas qu'à la lecture des actes authentiques, avant leur signature, elle n'ait pas disposé de toutes les informations utiles de la banque sur les modalités du remboursement par anticipation. Il retient encore que la lecture de l'article 3.2 des prêts fait apparaître que le calcul de l'indemnité de remboursement anticipé, laquelle est égale à la différence entre, d'une part, le cumul des échéances restant à courir selon le tableau d'amortissement initial (capital et intérêts), mais actualisées au taux de réemploi du capital remboursé, c'est-à-dire du taux en vigueur lors du remboursement anticipé, et d'autre part, le capital remboursé par anticipation, est aisé. Il ajoute que si ce calcul peut apparaître comme complexe, il n'est pas pour autant incompréhensible. 12. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à établir que la banque, sur qui pesait la charge de la preuve, avait, lors de la conclusion des prêts des 15 avril et 11 décembre 2012, rempli son obligation d'information de la société sur les conséquences d'un remboursement par anticipation, dès lors que le fait que le calcul de l'indemnité de remboursement anticipé ne fût pas incompréhensible ne pouvait suffire à la satisfaire, n'a pas donné de base légale à sa décision. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Metz ; Condamne la société Banque européenne du crédit mutuel aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Banque européenne du crédit mutuel et la condamne à payer à la société MG investissements la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quinze février deux mille vingt-trois. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat aux Conseils, pour la société MG investissements. PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la société MG Investissements de toutes ses demandes ; AUX MOTIFS PROPRES QUE, sur le TEG, concernant le prêt de 200.000 € du 15 avril 2012, il convient de relever que le TEG mentionné dans cet acte est de 4,583 % alors que la Sarl MG Investissements se prévaut d'une expertise Dudognon qui aboutit à un TEG de 4,920 %, soit un TEG « par excès » ; que concernant le prêt de 100.000 € du 11 décembre 2012, le TEG mentionné dans cet acte est de 3,350 %, alors que la Sarl MG Investissements se prévaut d'une expertise Dudognon qui aboutit à un TEG de 3,685 %, soit un TEG aussi « par excès » pour ce deuxième prêt ; que la Cour de cassation a jugé que l'emprunteur ne peut pas se prévaloir d'une erreur qui lui est favorable et que ce n'est que l'erreur qui viendrait au détriment de l'emprunteur qui pourrait être sanctionnée ; que dans ces conditions, la cour ne peut retenir l'argumentation de la partie appelante concernant le TEG erroné mentionné dans les deux contrats de prêts ; 1) ALORS QUE doit être sanctionnée toute erreur affectant le TEG qui fait apparaît, au détriment de l'emprunteur, un surcoût d'un montant supérieur à la décimale ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que « concernant le prêt de 200.000 € du 15 avril 2012 (…), le TEG mentionné dans cet acte est de 4,583 % alors que la Sarl MG Investissements se prévaut d'une expertise Dudognon qui aboutit à un TEG de 4,920 % » (cf. arrêt, p. 5) ; qu'en déboutant la société MG Investissements de ses demandes, quand l'erreur commise par la BECM dans le calcul du TEG du prêt de 200.000 euros, supérieur à 0,2 %, venait nécessairement au détriment de la société MG Investissements, la cour d'appel a violé l'article L. 313-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance 2016-301 du 14 mars 2016 ; 2) ALORS QUE doit être sanctionnée toute erreur affectant le TEG qui fait apparaît, au détriment de l'emprunteur, un surcoût d'un montant supérieur à la décimale ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a relevé que « concernant le prêt de 100.000 € du 11 décembre 2012, le TEG mentionné dans cet acte est de 3,350 %, alors que la Sarl MG Investissements se prévaut d'une expertise Dudognon qui aboutit à un TEG de 3,685 % » (cf. arrêt, p. 5) ; qu'en déboutant la société MG Investissements de ses demandes, quand l'erreur commise par la BECM dans le calcul du TEG du prêt de 100.000 euros, supérieur à 0,3 %, venait nécessairement au détriment de la société MG Investissements, la cour d'appel a violé l'article L. 313-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance 2016-301 du 14 mars 2016, ensemble l'article R. 313-1 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2016-607 du 13 mai 2016. SECOND MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la société MG Investissements de toutes ses demandes ; AUX MOTIFS QUE, sur les indemnités de remboursement anticipé, il résulte de la lecture des deux actes de prêt que les modalités de remboursement des prêts par anticipation sont très précisément déterminées notamment par les termes de l'article 3.2 figurant au paragraphe « Remboursement par anticipation », dans les deux actes ; que la Sarl MG Investissements ne précise pas en quoi cette clause est incompréhensible et ne justifie pas qu'à la lecture des actes authentiques, avant leur signature, elle n'ait pas disposé de toutes les informations utiles de la banque sur les modalités du remboursement par anticipation ; que la lecture de cette clause fait apparaître que le calcul de l'indemnité de remboursement anticipé est aisé dès lors que cette indemnité est égale à la différence entre : - le cumul des échéances restant à courir selon le tableau d'amortissement initial (capital + intérêts), mais actualisées au « taux de réemploi » du capital remboursé, - et le capital remboursé par anticipation ; qu'ainsi, l'IRA est fonction du « taux de réemploi », c'est-à-dire du taux en vigueur lors du remboursement anticipé ; que si ce taux est inférieur au taux contractuel, donc si les capitaux remboursés par anticipation ne peuvent être « réemployés » qu'à un taux inférieur, la clause s'applique et indemnise le prêteur de cet écart ; que si, au contraire, les taux ont monté, la clause ne s'applique pas : l'indemnité de remboursement anticipée correspond alors à 6 mois d'intérêts contractuels ; que la Banque Européenne a versé aux débats les deux tableaux d'amortissement actualisés ayant conduit à la détermination des IRA de respectivement 21.663,08 € et 9.068,22 €, et donnant le détail du calcul de ces indemnités prétendument indéterminables ; que ces tableaux comportent, sur la durée restant à courir selon le tableau d'amortissement initial, les colonnes suivantes : - dates des échéances restant à courir ; - capital restant dû avant chaque échéance (selon le tableau d'amortissement initial) ; - taux contractuel ; - intérêts au taux contractuel inclus dans chaque échéance ; - amortissement du capital inclus dans chaque échéance ; - montant de l'échéance selon le tableau d'amortissement initial ; - durée restant à courir (exprimée en fractions décimales d'année à compter de la date de remboursement anticipé : pour des échéances situées à 12 mois, la durée est de 1 ; à 24 mois : de 2…) ; - les « nombres » cumulés (c'est-à-dire la colonne capital restant dû x la durée à courir) ; - d'où les échéances actualisées ; qu'in fine, le tableau indique le cumul des échéances actualisées, dont à déduire le capital remboursé par anticipation pour déterminer l'indemnité de remboursement anticipé ; qu'il n'est pas contesté que ces tableaux avaient été transmis à la société appelante ; que si le calcul de cette indemnité peut apparaître comme complexe, il n'est pas pour autant incompréhensible ; que dans ces conditions, la cour ne retiendra pas l'argumentation développée par la Sarl MG Investissements de ce chef et déboutera la Sarl MG Investissements de sa demande en indemnisation des préjudices qu'elle invoque ; 1) ALORS QUE le juge ne doit pas dénaturer les conclusions des parties ; que dans ses conclusions d'appel, la société MG Investissements faisait expressément valoir que les termes de la clause de remboursement anticipé ne permettaient pas de déterminer le montant de cette indemnité, dès lors que « les formules mathématiques (…) étaient difficiles à mettre en oeuvre et que seul le banquier disposait des outils informatiques et mathématiques permettant des simulations », mais également que « la complexité des modalités de calcul, inaccessibles pour une entreprise n'ayant pas les outils informatiques équivalents à ceux d'une banque, a aussi pour objectif de dissimuler lors de la souscription du contrat les conséquences de la mise en jeu de telles clauses, eu égard à leur caractère particulièrement excessif en ce qu'elles atteignent environ 15 % du montant du capital restant dû à la date du remboursement des crédits, ceci n'étant découvert qu'a posteriori par le souscripteur », alors qu'il était « d'usage que les contrats de prêt prévoient que les indemnités de remboursement anticipées soient calculées par application d'un pourcentage sur le capital restant dû au moment du remboursement, ce qui permet aux emprunteurs d'avoir une idée assez précise des conséquences d'une revente vis-à-vis des banques » (cf. p. 7-8) ; qu'elle soutenait que la BECM avait manqué à son obligation d'information et de conseil et demandait, à titre principal, qu'elle soit condamnée à lui verser les sommes de 15.966,92 et 6.764,26 euros correspondant à la différence entre les sommes prélevées par la banque et une indemnité calculée à hauteur de 4 % du capital restant dû sur les deux prêts et, à titre subsidiaire, « prononcer la nullité de la clause d'indemnité de remboursement anticipé, faute pour l'emprunteur d'avoir pu y consentir de façon volontaire et éclairé » (cf. p. 11) ; qu'en retenant, pour statuer comme elle l'a fait, que « la Sarl MG Investissements ne précise pas en quoi cette clause est incompréhensible et ne justifie pas qu'à la lecture des actes authentiques, avant leur signature, elle n'ait pas disposé de toutes les informations utiles de la banque sur les modalités du remboursement par anticipation » (cf. arrêt, p. 6), la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis des conclusions de la société MG Investissement et violé l'article 4 du code de procédure civile ; 2) ALORS QUE c'est à l'établissement de crédit qu'il incombe de prouver qu'il a satisfait à son obligation d'information et de conseil ; qu'en retenant, pour statuer comme elle l'a fait, que « s'il est indéniable de considérer que les formules mathématiques qui sont détaillées à la suite sont difficiles à mettre en oeuvre par l'emprunteur, seul le banquier disposant des outils informatiques et mathématiques permettant des simulations, il n'en reste pas moins que la société MG Investissements n'a pas sollicité ces simulations à la signature du contrat, ni de la part du prêteur, ni de la part du notaire » de sorte que « la BECM (…) n'étaient pas tenue à une obligation particulière d'information et de renseignement pour la calcul des IRA qui ne lui étaient pas demandé » (cf. jugement, p. 6), et que la société MG Investissements « ne justifie pas qu'à la lecture des actes authentiques, avant leur signature, elle n'ait pas disposé de toutes les informations utiles de la banque sur les modalités du remboursement par anticipation » (cf. arrêt, p. 6), quand il appartenait au contraire à la BECM de rapporter la preuve qu'elle avait satisfait à son obligation d'information lors de la conclusion des prêts des 15 avril et 11 décembre 2012 , la cour d'appel a violé l'article 1315 ancien devenu 1353 du code civil ; 3) ALORS QUE la banque dispensatrice de crédit est tenue d'une obligation d'information sur les caractéristiques du prêt qu'elle propose aux emprunteurs de souscrire, afin de leur permettre de s'engager en toute connaissance de cause ; que dans ses écritures d'appel, la société MG Investissements faisait expressément valoir que la BECM avait manqué à son obligation d'information lors de la conclusion des prêts des 15 avril et 11 décembre 2012, les termes de la clause de remboursement anticipé ne permettant pas de déterminer le montant de cette indemnité ; qu'en effet, « les formules mathématiques (…) étaient difficiles à mettre en oeuvre et … seul le banquier disposait des outils informatiques et mathématiques permettant des simulations » ; qu'en outre, « la complexité des modalités de calcul, inaccessibles pour une entreprise n'ayant pas les outils informatiques équivalents à ceux d'une banque, a(vait) aussi pour objectif de dissimuler lors de la souscription du contrat les conséquences de la mise en jeu de telles clauses, eu égard à leur caractère particulièrement excessif en ce qu'elles atteignent environ 15 % du montant du capital restant dû à la date du remboursement des crédits, ceci n'étant découvert qu'a posteriori par le souscripteur » (cf. p. 7-8) ; que la cour d'appel a elle-même relevé qu'il était « indéniable de considérer que les formules mathématiques qui sont détaillées à la suite sont difficiles à mettre en oeuvre par l'emprunteur, seul le banquier disposant des outils informatiques et mathématiques permettant des simulations » (cf. jugement, p. 6), et que le calcul de cette indemnité pouvait « apparaître comme complexe » (cf. arrêt, p. 7) ; qu'en déboutant la société MG de ses demandes, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il ressortait que la BECM avait manqué à son obligation d'information vis-à-vis de la société MG Investissements, sur les implications financières concrètes de la clause de remboursement anticipé, information qui aurait permis à cette dernière de s'engager en connaissance de cause violant ainsi l'article 1147 ancien devenu 1231-1 du code civil.
En application de l'article L. 313-4 du code monétaire et financier, dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, et de l'article L. 313-2 du code de la consommation, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2006-346 du 23 mars 2006, l'erreur affectant la mention du taux effectif global dans l'écrit constatant un contrat de crédit n'est sanctionnée que lorsqu'elle vient au détriment de l'emprunteur, ce qui suppose que le taux effectif global mentionné dans cet écrit soit inférieur au taux effectif global correctement calculé
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COMM. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 15 février 2023 Rejet M. VIGNEAU, président Arrêt n° 150 F-B Pourvoi n° D 21-18.395 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 15 FÉVRIER 2023 M. [X] [K], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° D 21-18.395 contre l'arrêt rendu le 25 mars 2021 par la cour d'appel de Lyon (1re chambre civile A), dans le litige l'opposant au comptable du pôle de recouvrement spécialisé de l'Ain, domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Tostain, conseiller référendaire, les observations de la SCP Delamarre et Jehannin, avocat de M. [K], de la SCP Foussard et Froger, avocat du comptable du pôle de recouvrement spécialisé de l'Ain, et l'avis de M. Crocq, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 janvier 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Tostain, conseiller référendaire rapporteur, Mme Graff-Daudret, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 25 mars 2021), la société Techni service (la société), dont M. [K] était le dirigeant, a été mise en redressement judiciaire le 7 septembre 2016, puis en liquidation judiciaire le 16 novembre 2016. 2. Le 23 mars 2018, le comptable du pôle de recouvrement spécialisé de l'Ain (le comptable public) a assigné M. [K] sur le fondement de l'article L. 267 du livre des procédures fiscales, afin qu'il soit déclaré solidairement responsable, avec la société, de la dette fiscale de cette dernière au titre de la TVA due pour la période de décembre 2014 à juillet 2016. 3. M. [K] a soulevé l'irrecevabilité de l'action engagée contre lui par le comptable public, comme n'ayant pas été précédée d'une procédure contradictoire préalable conformément aux dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. M. [K] fait grief à l'arrêt de rejeter la fin de non-recevoir qu'il a présentée, de le déclarer solidairement tenu au paiement des impositions de taxe sur la valeur ajoutée dues par la société pour la période de décembre 2014 à juillet 2016 à hauteur de 643 880,76 euros et de le condamner en conséquence à payer cette somme au comptable public, alors : « 1°/ qu'exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ; qu'en application de l'instruction du 12 septembre 2012 (BOI-REC-SOLID-10-10-30-20120912), applicable en la cause, le comptable public est seul investi du mandat de représentation de l'État pour exercer l'action en justice, alors même qu'il agit sous l'autorité hiérarchique de ses supérieurs ; que M. [K] faisait valoir, dans ses écritures d'appel, que la décision de le poursuivre prise par le comptable public sur le fondement de l'article L. 267 du livre des procédures fiscales aurait dû être précédée d'un débat contradictoire ; qu'en se bornant à retenir que l'autorisation donnée par le responsable départemental des finances publiques ne créerait pas une décision à la charge du contribuable et n'entrerait donc pas dans le champ d'application de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la décision du comptable public d'exercer l'action en justice, prise en amont, ne devait pas être précédée d'un débat contradictoire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ; 2°/ qu'exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ; qu'en application de l'instruction du 12 septembre 2012 (BOI-REC-SOLID-10-10-30-20120912), applicable en la cause, l'engagement de la procédure est subordonné à l'autorisation préalable signée du responsable départemental de la direction générale des Finances publiques ; qu'en retenant que cette autorisation n'entrerait pas dans le champ d'application de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration, car elle ne crée pas, par elle-même, d'obligation à la charge du contribuable, mais se borne à permettre un débat devant le juge judiciaire, cependant qu'elle a elle-même constaté que cette autorisation doit être prise en connaissance de la situation particulière du contribuable et constitue une garantie pour celui-ci, qui se trouvera privé de l'invocation de certains moyens de défense lors de la procédure judiciaire ultérieure, la cour d'appel a violé l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration par refus d'application. » Réponse de la Cour 5. Selon l'article L. 267 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2010-420 du 27 avril 2010, lorsqu'un dirigeant d'une société, d'une personne morale ou de tout autre groupement, est responsable des manœuvres frauduleuses ou de l'inobservation grave et répétée des obligations fiscales qui ont rendu impossible le recouvrement des impositions et des pénalités dues par la société, la personne morale ou le groupement, ce dirigeant peut, s'il n'est pas déjà tenu au paiement des dettes sociales en application d'une autre disposition, être déclaré solidairement responsable du paiement de ces impositions et pénalités par le président du tribunal de grande instance. A cette fin, le comptable public compétent assigne le dirigeant devant le président du tribunal de grande instance du lieu du siège social. Cette disposition est applicable à toute personne exerçant en droit ou en fait, directement ou indirectement, la direction effective de la société, de la personne morale ou du groupement. 6. Aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration, exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2 du même code, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable. 7. L'arrêt énonce qu'en application de la doctrine administrative (BOI-REC-SOLID-10-10-30), le comptable public territorialement compétent, qui est seul investi du mandat d'exercer en justice l'action prévue à l'article L. 267 du livre des procédures fiscales, doit agir sur autorisation du responsable départemental des finances publiques, cette autorisation devant être produite avec l'assignation. Après avoir relevé que ladite autorisation n'a pas à être motivée, doit être prise en connaissance de la situation particulière du contribuable et constitue une garantie pour celui-ci, l'arrêt retient exactement qu'elle ne crée en elle-même aucune obligation à la charge du contribuable et se borne à permettre un débat devant le juge judiciaire, peu important que certains moyens de défense soient inopérants dans ce cadre. 8. En l'état de ces énonciations, constatations et appréciations, dont il résulte que la décision d'engager l'action prévue à l'article L. 267 du livre des procédures fiscales, qui est prise par le responsable départemental des finances publiques, quand bien même seul le comptable public peut exercer l'action, ne constitue pas une décision soumise au respect d'une procédure contradictoire préalable au sens de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à la recherche inopérante invoquée à la première branche, a jugé à bon droit que l'action du comptable public était recevable. 9. Le moyen n'est donc pas fondé PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. [K] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [K] ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quinze février deux mille vingt-trois. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Delamarre et Jehannin, avocat aux Conseils, pour M. [K]. M. [K] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la fin de non-recevoir qu'il a présentée, de l'avoir déclaré solidairement tenu au paiement des impositions de TVA dues par la société Techni Service pour la période de décembre 2014 à juillet 2016 à hauteur de 643 880,76 euros et de l'avoir en conséquence condamné à payer cette somme au comptable du pôle de recouvrement spécialisé de l'Ain ; 1°/ ALORS QU'exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ; qu'en application de l'instruction du 12 septembre 2012 (BOI-REC-SOLID-10-10-30-20120912), applicable en la cause, le comptable public est seul investi du mandat de représentation de l'État pour exercer l'action en justice, alors même qu'il agit sous l'autorité hiérarchique de ses supérieurs ; que M. [K] faisait valoir, dans ses écritures d'appel, que la décision de le poursuivre prise par le comptable public sur le fondement de l'article L. 267 du livre des procédures fiscales aurait dû être précédée d'un débat contradictoire ; qu'en se bornant à retenir que l'autorisation donnée par le responsable départemental des finances publiques ne créerait pas une décision à la charge du contribuable et n'entrerait donc pas dans le champ d'application de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la décision du comptable d'exercer l'action en justice, prise en amont, ne devait pas être précédée d'un débat contradictoire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ; 2°/ ALORS QU'exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ; qu'en application de l'instruction du 12 septembre 2012 (BOI-REC-SOLID-10-10-30-20120912), applicable en la cause, l'engagement de la procédure est subordonné à l'autorisation préalable signée du responsable départemental de la DGFiP ; qu'en retenant que cette autorisation n'entrerait pas dans le champ d'application de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration car elle ne crée pas, par elle-même, d'obligation à la charge du contribuable mais se borne à permettre un débat devant le juge judiciaire, cependant qu'elle a elle-même constaté que cette autorisation doit être prise en connaissance de la situation particulière du contribuable et constitue une garantie pour celui-ci, qui se trouvera privé de l'invocation de certains moyens de défense lors de la procédure judiciaire ultérieure, la cour d'appel a violé l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration par refus d'application.
La décision d'engager l'action prévue à l'article L. 267 du livre des procédures fiscales, qui est prise par le responsable départemental des finances publiques, quand bien même seul le comptable public peut exercer l'action, ne constitue pas une décision soumise au respect d'une procédure contradictoire préalable au sens de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration
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COMM. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 15 février 2023 Cassation partielle M. VIGNEAU, président Arrêt n° 155 F-B Pourvoi n° F 21-20.283 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 15 FÉVRIER 2023 La société Albatros, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° F 21-20.283 contre l'arrêt rendu le 2 juin 2021 par la cour d'appel de Riom (3e chambre civile et commerciale), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Houdec instrument, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4], représentée par la société MJ de l'Allier, prise en qualité de liquidateur judiciaire, 2°/ à la société MJ de l'Allier, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], prise en qualité de liquidateur judiciaire de la société Houdec instrument, 3°/ à la société Brooks Instrument BV, dont le siège est [Adresse 2] (Pays-Bas), venant aux droits de la société Brooks Instrument Europe Operations BV, défenderesses à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Alt, conseiller, les observations de Me Soltner, avocat de la société Albatros, et l'avis de M. Crocq, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 janvier 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Alt, conseiller rapporteur, Mme Graff-Daudret, conseiller, M. Crocq, avocat général, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Riom, 2 juin 2021), par contrat du 1er août 2013, la société Albatros a acquis de la société Brooks Instrument Europe Operations BV, aux droits de laquelle est venue la société Brooks Instrument BV (la société Brooks BV), la totalité des actions de la société Brooks Instrument SAS, renommée Houdec instrument. Le contrat précisait que les parties s'engageaient à signer des contrats de distribution et d'agent. 2. Reprochant à la société Brooks BV d'avoir refusé de signer les contrats de distribution et d'agent et d'être à l'origine de la chute du chiffre d'affaires de la société Houdec instrument en réduisant ses relations avec cette dernière dans des proportions importantes, la société Albatros a, sur le fondement de l'article 1147 du code civil, demandé la réparation de ses préjudices. En cause d'appel, elle a également demandé, à titre subsidiaire, l'annulation du contrat de cession d'actions pour dol ou absence de cause. Examen des moyens Sur le second moyen 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais, sur le premier moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 4. La société Albatros fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables au regard de l'article 564 du code de procédure civile ses demandes tendant à l'annulation du contrat de cession d'actions pour dol ou pour absence de cause et à l'indemnisation des conséquences de cette annulation, au motif que cette annulation n'était pas poursuivie en première instance, alors « que sont recevables, même lorsqu'elles sont présentées pour la première fois en cause d'appel, les demandes qui tendent à faire écarter les prétentions adverses ; qu'est ainsi recevable en appel la demande tendant à l'annulation d'un contrat sur lequel l'adversaire fonde l'une de ses demandes ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que, devant les premiers juges, la société Albatros avait recherché la responsabilité contractuelle de la société Brooks BV, pour ne pas avoir conclu les contrats d'agent et de distribution prévus par le contrat de cession des actions de la société Brooks Instrument du 1er août 2013, et la condamnation de la société Brooks BV à l'indemniser de ses préjudices ; que, pour déclarer irrecevables comme nouvelles les demandes subsidiaires en appel de la société Albatros, tendant à l'annulation pour dol ou défaut de cause du contrat de cession et à l'indemnisation des conséquences de cette annulation, la cour d'appel a retenu que ces prétentions ne tendaient pas aux mêmes fins que les demandes présentées en première instance, dans la mesure où l'annulation du contrat n'était pas sollicitée en première instance, la société Albatros agissant au contraire sur le fondement de ce contrat ; qu'en statuant de la sorte, quand la société Brooks BV avait formulé une demande reconventionnelle tendant au paiement d'une somme de 190 400 euros, correspondant au solde d'une commission prévue par le contrat de cession, de sorte que les demandes en nullité de ce contrat et en indemnisation des conséquences de cette nullité, tendant à voir écarter les prétentions de la société Brooks BV, étaient recevables, la cour d'appel a violé l'article 564 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 564 du code de procédure civile : 5. Aux termes de cet article, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait. 6. Pour déclarer irrecevables les demandes de la société Albatros tendant à l'annulation du contrat de cession d'actions pour dol ou pour absence de cause et à l'indemnisation des conséquences de cette annulation, l'arrêt retient que, dès lors qu'une telle annulation n'était pas poursuivie en première instance, la société Albatros agissant au contraire sur le fondement du contrat, ces demandes ne peuvent être considérées comme tendant aux mêmes fins que les demandes présentées en première instance. 7. En se déterminant ainsi, sans rechercher, même d'office, comme il lui incombait, si les demandes d'annulation du contrat de cession et d'indemnisation des conséquences de cette annulation ne lui étaient pas soumises pour faire écarter la demande de la société Brooks BV tendant à voir condamner la société Albatros au paiement d'une certaine somme en exécution de ce contrat, la cour d'appel a privé sa décision de base légale. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevables les demandes subsidiaires de la société Albatros tendant à l'annulation du contrat de cession d'actions pour dol ou pour absence de cause et à l'indemnisation des conséquences de cette annulation, l'arrêt rendu le 2 juin 2021 par la cour d'appel de Riom ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Brooks Instrument BV à payer à la société Albatros la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quinze février deux mille vingt-trois. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par Me Soltner, avocat aux Conseils, pour la société Albatros. PREMIER MOYEN DE CASSATION La société ALBATROS fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR déclaré irrecevables au regard de l'article 564 du code de procédure civile ses demandes subsidiaires tendant à l'annulation du contrat de cession d'actions pour dol ou pour absence de cause et à l'indemnisation des conséquences de cette annulation, alors que cette annulation n'était pas poursuivie en première instance, 1°) ALORS QUE sont recevables même lorsqu'elles sont présentées pour la première fois en cause d'appel, les demandes qui tendent à faire écarter les prétentions adverses ; qu'est ainsi recevable en appel la demande tendant à l'annulation d'un contrat sur lequel l'adversaire fonde l'une de ses demandes ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté (arrêt, p. 10) que devant les premiers juges, la société ALBATROS avait recherché la responsabilité contractuelle de la société BROOKS INSTRUMENT BV, pour ne pas avoir conclu les contrats d'agent et de distribution prévus par le contrat de cession des actions de la société BROOKS INSTRUMENT du 1er août 2013, et la condamnation de la société BROOKS INSTRUMENT BV à l'indemniser de ses préjudices ; que, pour déclarer irrecevables comme nouvelles les demandes subsidiaires en appel de la société ALBATROS, tendant à l'annulation pour dol ou défaut de cause du contrat de cession, et à l'indemnisation des conséquences de cette annulation, la cour d'appel a retenu que ces prétentions ne tendaient pas aux mêmes fins que les demandes présentées en première instance, dans la mesure où l'annulation du contrat n'était pas sollicitée en première instance, la société ALBATROS agissant au contraire sur le fondement de ce contrat ; qu'en statuant de la sorte, quand la société BROOKS BV avait formulé une demande reconventionnelle tendant au paiement d'une somme de 190.400 €, correspondant au solde d'une commission prévue par le contrat de cession, de sorte que les demandes en nullité de ce contrat et en indemnisation des conséquences de cette nullité, tendant à voir écarter les prétentions de la société BROOKS BV, étaient recevables, la cour d'appel a violé l'article 564 du code de procédure civile ; 2°) ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE sont recevables même lorsqu'elles sont présentées pour la première fois en cause d'appel, les demandes qui tendent aux mêmes fins que celles présentées en première instance ; qu'en outre, les parties peuvent expliciter les prétentions qui étaient virtuellement comprises dans les demandes et défenses soumises au premier juge et ajouter à celles-ci toutes les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme elle y était invitée (conclusions d'appel de la société ALBATROS, p. 19 à 21), si les demandes subsidiaires en annulation du contrat et en indemnisation des conséquences de cette annulation, qui portaient sur les mêmes postes de préjudice, ne tendaient pas à l'indemnisation des mêmes agissements fautifs reprochés à la société BROOKS BV, pour avoir laissé croire à la société ALBATROS au développement d'un partenariat, afin de la convaincre de racheter les titres de la société BROOKS INSTRUMENT, pour finalement rompre les pourparlers en vue de la conclusion de contrats d'agent et de distribution avec cette société, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 564 et 565 du code de procédure civile. SECOND MOYEN DE CASSATION La société ALBATROS fait grief à l'arrêt attaqué de L'AVOIR déboutée de toutes ses demandes, et de L'AVOIR condamnée à payer à la société BROOKS INSTRUMENT EUROPE OPERATIONS BV, aux droits de laquelle est venue la société BROOKS INSTRUMENT BV, laquelle devrait émettre une quittance écrite dans les quinze jours de l'encaissement total du montant de la condamnation, la somme de 190.400 €, avec intérêts au taux légal sans capitalisation à compter du 15 décembre 2014, 1°) ALORS QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions et moyens respectifs invoqués par les parties ; qu'au soutien de ses demandes indemnitaires, la société ALBATROS n'invoquait pas seulement la rupture brutale par la société BROOKS BV des pourparlers engagés en vue de la conclusion des contrats d'agent et de distribution, mais plus généralement une faute délictuelle « à raison des agissements fautifs dont elle a fait montre à l'égard des sociétés appelantes, faisant croire à la société ALBATROS que la pérennité de la société cédée serait assurée par le développement d'un partenariat via des contrats d'agent et de distribution, prolongeant artificiellement les négociations sur une période de près de deux années, et refusant finalement de signer les contrats à l'issue des pourparlers, en rompant abusivement ces derniers » ; qu'en jugeant que la clause du contrat de cession du 1er août 2013, selon laquelle les parties s'étaient engagées « à signer » refermait un engagement contractuel sur le principe de la négociation des contrats, pour en déduire que les demandes de la société ALBATROS devaient être examinées sous le seul angle de la responsabilité contractuelle de la société BROOKS BV, quand la société ALBATROS invoquait une faute délictuelle commise par cette société pour lui avoir laissé croire à la mise en place d'un partenariat technique, puis dans la conduite des négociations, la cour d'appel a méconnu les termes du litige qui lui était soumis, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ; 2°) ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QU' engage sa responsabilité la partie à une négociation précontractuelle qui laisse croire à son partenaire qu'elle a l'intention de conclure un contrat avec lui, pour ensuite rompre les pourparlers ; que pour dire que la preuve d'une faute de la société BROOKS BV dans la rupture des pourparlers en vue de la conclusion d'un contrat d'agent et d'un contrat de distribution n'était pas établie, la cour d'appel a retenu que des points de désaccord étaient nés entre les parties, ayant progressivement entraîné une perte de confiance de la société BROOKS BV à laquelle ne pouvait être imputé l'échec des négociations (arrêt, p. 12-13) ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée (conclusions de la société ALBATROS, spéc. p. 26 à 32) si la société BROOKS BV n'avait pas commis une faute en laissant croire à la société ALBATROS que les contrats d'agent et de distribution allaient être conclus, en n'invoquant que plusieurs mois après le début des négociations les difficultés qui seraient nées de la suppression de la marque BROOKS sur les appareils commercialisés et de certains retours clients négatifs, et en ne réclamant qu'en octobre 2014, soit plus d'un an après la conclusion du contrat de cession, le versement de commissions non prévues contractuellement, pour rompre alors les pourparlers, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1134 et 1147 (dans leur rédaction applicable en la cause, devenus les articles 1104 et 1231-1 du code civil) ; 3°) ALORS QU' engage sa responsabilité la partie à une négociation précontractuelle qui rompt celle-ci de manière abusive ou déloyale ; qu'en retenant que le refus de la société HOUDEC INSTRUMENT de payer des commissions au titre de marchés en CHINE avait fait perdre à la société BROOKS BV sa confiance à l'égard de cette dernière, et constituait un motif légitime de rupture des pourparlers, sans rechercher, ce que contestait l'exposante (ses conclusions d'appel, not. p. 8 ; p. 28), si l'exigence tardivement imposée par la société BROOKS BV de subordonner la conclusion des contrats d'agent et de distribution au paiement par la société ALBATROS de ces commissions ne caractérisait pas la méconnaissance par la société BROOKS BV de son obligation de négocier de bonne foi ces contrats,, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1147 (dans leur rédaction applicable en la cause, devenus les articles 1104 et 1231-1 du code civil) ; 4°) ALORS QU' engage sa responsabilité la partie à une négociation précontractuelle qui rompt celle-ci de manière abusive ou déloyale ; qu'en retenant, pour dire que la société BROOKS avait sans commettre de faute pu rompre les pourparlers entre les parties, que la société BROOKS BV avait signalé dès le début de l'année 2014 les difficultés nés auprès de ses clients en raison de la suppression de la marque BROOKS sur les appareils commercialisés, sans rechercher, comme elle y était invitée si la société BROOKS BV n'avait pas invoqué ce motif de rupture de mauvaise foi, dès lors que rien ne l'empêchait d'apposer le nom BROOKS sur les produits fabriqués par la société HOUDEC INSTRUMENT (p. 28), qu'aucune exclusivité n'avait été prévue (conclusions de la société ALBATROS, p. 34), et qu'en tout état de cause, il incombait à la société BROOKS BV, en qualité de cédant des titres de la société BROOKS INSTRUMENT devenue HOUDEC INSTRUMENT d'informer sa clientèle de ce changement (p. 33), la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1134 et 1147 (dans leur rédaction applicable en la cause, devenus les articles 1104 et 1231-1 du code civil) ; 5°) ALORS QUE les conventions doivent être exécutées de bonne foi ; que pour écarter toute responsabilité de la société BROOKS BV dans la déconfiture de la société HOUDEC INSTRUMENT, la cour d'appel a retenu, par motifs propres et adoptés, que si l'acte de cession prévoyait la poursuite du partenariat de la société BROOKS INSTRUMENT, renommée HOUDEC INSTRUMENT, avec la société BROOKS BV, cette dernière ne s'était pas engagée sur un volume d'affaires, que le business plan annexé au contrat de cession mentionnait que le cessionnaire disposait de sa propre force de vente, et qu'il n'était pas démontré que la baisse du volume des transactions résultait d'une volonté délibérée de la société BROOKS BV, les domaines d'activité des sociétés en cause étant soumis à fluctuations, et ayant été profondément perturbés pendant ; qu'en statuant de la sorte, sans rechercher, comme elle y était invitée (conclusions de la société ALBATROS, p. 8-9 ; p. 49-50) si la baisse drastique du nombre de commandes faites par la société BROOKS BV, dont le groupe était pourtant le leader mondial dans son secteur d'activité, les commandes de cette société étant passées de 1.035.000 € en 2013 à 421.000 € en 2014, et le nombre de devis de 3.400.000 € en 2012 à 1.500.000 € en 2014, ne caractérisait pas l'exécution de mauvaise foi de ses engagements par la société BROOKS, et n'avait pas à tout le moins contribué à la faillite de la société HOUDEC INSTRUMENT, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1147 (dans leur rédaction applicable en la cause, devenus les articles 1104 et 1231-1 du code civil).
Une cour d'appel ne peut déclarer irrecevable une demande présentée pour la première fois en appel sans rechercher, même d'office, si cette demande ne tendait pas à faire écarter des prétentions adverses
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SOC. CZ COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 15 février 2023 Rejet Mme MARIETTE, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 155 F-B Pourvoi n° V 21-20.342 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 15 FÉVRIER 2023 L'association Fouque, anciennement dénommée association Jean-Baptiste Fouque pour l'aide à l'enfance, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° V 21-20.342 contre l'arrêt rendu le 4 juin 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-2), dans le litige l'opposant à Mme [D] [I], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Barincou, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de l'association Fouque, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme [I], après débats en l'audience publique du 4 janvier 2023 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Barincou, conseiller rapporteur, Mme Grandemange, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 4 juin 2021), Mme [I] a été engagée, le 1er décembre 2010, par l'association Fouque (l'association) en qualité de surveillante de nuit au sein d'une maison d'enfants à caractère social. 2. En juin 2018, à la suite du signalement de la salariée et d'un délégué syndical, l'inspection du travail a effectué un contrôle au sein de l'établissement au cours duquel la salariée a remis la copie d'un courriel adressé par l'équipe éducative aux responsables de l'association pour dénoncer des incidents se déroulant la nuit, notamment de possibles agressions sexuelles commises par certains enfants accueillis sur d'autres. 3. L'inspection du travail a ensuite adressé un courrier à l'employeur au sujet des postes de veilleurs de nuit et informé le procureur de la République de faits ne relevant pas de ses compétences mais lui paraissant mettre en danger les salariés et les enfants confiés à cette institution. 4. Le procureur de la République a ouvert une première enquête, pour agression sexuelle sur mineurs, classée sans suite le 4 décembre 2018 pour absence d'infraction, puis une seconde enquête visant la salariée et un délégué syndical pour dénonciation mensongère, elle aussi classée sans suite à la même date, au motif que l'infraction était insuffisamment caractérisée. 5. Licenciée par lettre du 31 janvier 2019 et estimant que ce licenciement était en lien avec la dénonciation des manquements constatés au sein de l'établissement, elle a saisi la formation de référé de la juridiction prud'homale pour obtenir sa réintégration. Examen des moyens Sur le premier moyen, ci-après annexé 6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le second moyen Enoncé du moyen 7. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement est nul et qu'un licenciement nul constitue un trouble manifestement illicite, d'ordonner la réintégration immédiate de la salariée à son poste au sein de l'association et de le condamner à lui payer une somme à titre d'indemnité d'éviction au 6 janvier 2021, alors : « 1°/ que le salarié qui entend dénoncer des actes illicites dont il a eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions, et notamment des faits constitutifs d'un crime ou d'un délit, doit respecter une procédure graduée, qui subordonne la saisine directe d'une autorité judiciaire ou administrative, soit à l'absence de réaction de l'employeur à un signalement interne, soit à la preuve d'un danger grave et imminent ou d'un risque de dommages irréversibles ; qu'en l'espèce, l'association Fouque reprochait à la salariée d'avoir communiqué à l'inspectrice du travail un courrier d'alerte interne couvert par le secret professionnel évoquant des incidents de nature sexuelle au sein d'un groupe d'enfants, alors qu'elle était informée que cette alerte avait été traitée par la direction, laquelle avait procédé à une enquête qui avait révélé la pratique de jeux à connotation sexuelle (''cap ou pas cap'') par les enfants, sans abus ni agression sexuels, puis avait décidé avec l'équipe éducative des mesures à prendre pour renforcer la surveillance des enfants, mettre un terme à ces jeux et prévenir toute dérive ; que la salariée, qui avait reconnu au cours de l'enquête de police avoir été informée du traitement interne de cette alerte, avait cependant dissimulé cette information à l'inspectrice du travail, lui laissant accroire que le courrier d'alerte de l'équipe éducative était resté sans réponse ; qu'en refusant de rechercher si la salariée avait respecté la procédure d'alerte graduée avant de dénoncer des faits d'agression sexuelle, au motif erroné que la procédure d'alerte graduée n'est pas applicable en cas de dénonciation de faits constitutifs d'un crime ou d'un délit, la cour d'appel a violé l'article L. 1132-3-3 du code du travail interprété à la lumière de l'article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 2°/ que l'exercice de la liberté d'expression comporte des devoirs et des responsabilités, parmi lesquels celui de ne pas divulguer des informations mettant en cause la réputation d'autrui sans avoir vérifié qu'elles sont exactes et dignes de confiance ; qu'un salarié ne peut en conséquence invoquer la protection de la liberté d'expression s'il a dénoncé des faits qu'il n'a pas lui-même constatés, en rapportant des déclarations dont il n'a pas cherché à vérifier l'exactitude ; que si le salarié peut invoquer son ignorance de la fausseté des faits dénoncés, c'est à la condition qu'elle soit légitime ; qu'en l'espèce, il est constant que la salariée a dénoncé auprès de l'inspection du travail des faits d'agression sexuelle sur mineurs qu'elle n'avait pas constatés, en appuyant ses accusations sur des documents internes à l'entreprise, sans préciser la suite qui y était donnée, et que cette dénonciation a conduit à l'ouverture d'une enquête de police clôturée par un classement sans suite, en raison de l'absence de toute infraction ; qu'en retenant qu'il ne pouvait être reproché à la salariée d'avoir dénoncé des faits d'agression sexuelle qu'elle n'avait pas constatés personnellement, ni de s'être emparée de documents internes à l'entreprise pour ''asseoir ses dires'', dès lors que ''rien ne permet de retenir qu'elle sût alors que les faits dénoncés étaient faux, ni qu'elle ait travesti le sens des documents dont elle s'est emparée'', cependant qu'il appartenait à la salariée d'effectuer des vérifications minimales avant de dénoncer auprès d'une autorité extérieure des faits d'agression sexuelle contre des mineurs mettant en cause la réputation de l'établissement qui les accueille, sans pouvoir opposer son ignorance pour justifier la dénonciation de faits inexistants, la cour d'appel a violé l'article L. 1132-3-3 du code du travail interprété à la lumière de l'article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 3°/ que l'exercice de la liberté d'expression comporte des devoirs et des responsabilités, parmi lesquels celui de ne pas divulguer des informations mettant en cause la réputation d'autrui sans avoir vérifié qu'elles sont exactes et dignes de confiance ; qu'un salarié ne peut en conséquence dénoncer des faits constitutifs d'un crime ou d'un délit qu'il n'a pas lui-même constatés, sur la base d'informations dont il n'a pas vérifié l'exactitude, sauf à justifier de l'impossibilité de vérifier ces informations ; qu'en l'espèce, il est constant qu'à la réception du courrier d'alerte de l'équipe éducative du 7 juin 2018, l'association Fouque avait effectué une enquête auprès de tous les enfants du groupe concerné, cette enquête ayant fait ressortir que les enfants se livraient à des jeux à connotation sexuelle, sans agression sexuelle et que la direction avait décidé, avec l'équipe éducative, des mesures à prendre pour mettre un terme à ces jeux et éviter toute dérive ; qu'au cours de l'enquête pénale, la salariée avait reconnu avoir été informée par l'équipe pédagogique du traitement des faits dénoncés dans le courrier du 7 juin 2018 ; qu'en reprochant cependant à l'association Fouque d'avoir ''manqué à la protection qu'elle devait à sa salariée laquelle n'avait aucun moyen de savoir si les faits qu'elle-même et ses collèges redoutaient été avérés ou non'', sans expliquer ce qui interdisait à la salariée, avant de dénoncer à l'inspection du travail des faits inexistants d'agression sexuelle sur mineurs, de saisir la direction pour avoir l'assurance que les incidents évoqués dans le courrier électronique du 7 juin 2018 ne couvraient aucune agression sexuelle, la cour d'appel a violé l'article L. 1132-3-3 du code du travail interprété à la lumière de l'article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 4°/ que ne peut invoquer la protection des lanceurs d'alerte le salarié qui a dénoncé, de mauvaise foi, des faits constitutifs d'un crime ou d'un délit dont il prétend avoir eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions ; que la mauvaise foi résulte de la connaissance, par le salarié, de la fausseté des faits dénoncés ; qu'en l'espèce, il résulte du procès-verbal d'audition de la salariée par les services de police qu'elle reconnaissait, d'une part, n'avoir jamais constaté elle-même de faits d'agression sexuelle, ni les faits dénoncés sur le courrier d'alerte interne du 7 juin 2018 et, d'autre part, que l'équipe pédagogique lui avait indiqué que les faits dénoncés dans ce courrier avaient été traités et qu'ils avaient repris les enfants, ce qui impliquait que ces faits ne couvraient aucune agression sexuelle ; qu'en affirmant néanmoins que rien ne permettait de retenir que la salariée, qui n'avait pas elle-même constaté ces faits et qui avait cependant cru devoir faire état de documents internes pour ''asseoir ses dires'', ''sût que les faits dénoncés étaient faux'', la cour d'appel a méconnu les conséquences légales de ses propres constatations dont il s'évinçait que la salariée avait connaissance de la fausseté des faits qu'elle avait dénoncés, en violation de l'article L. 1132-3-3 du code du travail interprété à la lumière de l'article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. » Réponse de la Cour 8. Aux termes de l'article L. 1132-3-3, alinéa 1er, du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits constitutifs d'un délit ou d'un crime dont il aurait eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions. 9. Selon le deuxième alinéa de ce texte, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation professionnelle, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir signalé une alerte dans le respect des articles 6 à 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique. 10. Il en résulte, d'une part, que le salarié qui relate ou témoigne de faits constitutifs d'un délit ou d'un crime dont il aurait eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions n'est pas tenu de signaler l'alerte dans les conditions prévues par l'article 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 organisant une procédure d'alerte graduée et, d'autre part, qu'il ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter que de la connaissance de la fausseté des faits qu'il dénonce et non de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis. 11. La cour d'appel, qui a constaté que la lettre de licenciement faisait grief à la salariée d'avoir interpellé l'inspectrice du travail le 18 juin 2018 pour faire état de conditions de travail dangereuses pour elle-même et les enfants, d'avoir effectué sans autorisation une copie du cahier de liaison et transmis une copie de mails à l'inspectrice du travail, ces déclarations et ce comportement ayant eu pour conséquence l'ouverture d'une enquête pénale et l'audition des différents éducateurs de l'unité, ainsi que des enfants, en a exactement déduit que la protection de la salariée licenciée pour avoir dénoncé des faits susceptibles de constituer des agressions sexuelles, n'était conditionnée qu'à sa bonne foi, les conditions supplémentaires posées par les articles 6 à 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 et imposées par l'alinéa 2 de l'article L. 1132-3-3 du code du travail n'étant pas exigées par l'alinéa 1erde ce texte. 12. Elle a ensuite relevé que si la salariée avait dénoncé des faits d'agression sexuelle sans les avoir constatés elle-même, elle s'était appuyée pour cela sur des documents internes à l'entreprise et n'avait aucun moyen de savoir si les faits qu'elle-même et ses collègues redoutaient étaient ou non avérés alors que les services de police avaient dû procéder pour cela à une enquête approfondie, laquelle, loin de porter atteinte à la réputation de l'établissement, constituait, dans un souci de protection d'enfants déjà grandement fragilisés par les causes de leur placement et leur placement lui-même, une mesure parfaitement proportionnée aux éléments dont avait eu connaissance la salariée, dans l'exercice de ses fonctions, en sorte qu'il n'était pas démontré qu'elle savait que les faits qu'elle dénonçait étaient faux. 13. La cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, en a exactement déduit que le licenciement constituait un trouble manifestement illicite. 14. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne l'association Fouque aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'association Fouque et la condamne à payer à Mme [I] la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze février deux mille vingt-trois. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour l'association Fouque PREMIER MOYEN DE CASSATION L'association Fouque fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que l'arrêt était rendu « fond », d'AVOIR dit que le licenciement était nul et qu'un licenciement nul constituait un trouble manifestement illicite, d'AVOIR ordonné la réintégration immédiate de Mme [I] à son poste de travail au sein de l'association Fouque et d'AVOIR condamné l'association Fouque à payer à Mme [I] la somme de 42.853,44 euros à titre d'indemnité d'éviction ; ALORS QU' il résulte de l'article 484 du code de procédure civile que le juge des référés, qui n'est pas « saisi du principal », ne peut prendre que des mesures provisoires et ne peut donc statuer sur le fond ; que le juge des référés ne peut en conséquence prononcer la nullité d'un acte juridique, ni des condamnations à des dommages-intérêts ; qu'en l'espèce, bien qu'elle ait été saisie de l'appel d'une ordonnance de référé, la cour d'appel a statué par un arrêt qualifié par elle d' « au fond », a dit que le licenciement était nul et déduit l'existence d'un trouble manifestement illicite de la nullité du licenciement, avant de condamner l'association Fouque à payer à Mme [I] une indemnité d'éviction correspondant aux salaires dus depuis son licenciement ; qu'en se prononçant ainsi, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs en violation du texte susvisé et des articles R. 1455-5, R. 1455-6 et R. 1455-10 du code du travail. SECOND MOYEN DE CASSATION L'association Fouque fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement était nul et qu'un licenciement nul constituait un trouble manifestement illicite, d'AVOIR ordonné la réintégration immédiate de Mme [I] à son poste au sein de l'association Fouque et d'AVOIR condamné l'association Fouque à payer à Mme [I] la somme de 42.853,44 euros à titre d'indemnité d'éviction au 6 janvier 2021 ; 1. ALORS QUE le salarié qui entend dénoncer des actes illicites dont il a eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions, et notamment faits constitutifs d'un crime ou d'un délit, doit respecter une procédure graduée, qui subordonne la saisine directe d'une autorité judiciaire ou administrative, soit à l'absence de réaction de l'employeur à un signalement interne, soit à la preuve d'un danger grave et imminent ou d'un risque de dommages irréversibles ; qu'en l'espèce, l'association Fouque reprochait à Mme [I] d'avoir communiqué à l'inspectrice du travail un courrier d'alerte interne couvert par le secret professionnel évoquant des incidents de nature sexuelle au sein d'un groupe d'enfants, alors qu'elle était informée que cette alerte avait été traitée par la direction, laquelle avait procédé à une enquête qui avait révélé la pratique de jeux à connotation sexuelle (« cap ou pas cap ») par les enfants, sans abus ni agression sexuels, puis avait décidé avec l'équipe éducative des mesures à prendre pour renforcer la surveillance des enfants, mettre un terme à ces jeux et prévenir toute dérive ; que Mme [I], qui avait reconnu au cours de l'enquête de police avoir été informée du traitement interne de cette alerte, avait cependant dissimulé cette information à l'inspectrice du travail, lui laissant accroire que le courrier d'alerte de l'équipe éducative était resté sans réponse ; qu'en refusant de rechercher si la salariée avait respecté la procédure d'alerte graduée avant de dénoncer des faits d'agression sexuelle, au motif erroné que la procédure d'alerte graduée n'est pas applicable en cas de dénonciation de faits constitutifs d'un crime ou d'un délit, la cour d'appel a violé l'article L. 1132-3-3 du code du travail interprété à la lumière de l'article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 2. ALORS QUE l'exercice de la liberté d'expression comporte des devoirs et des responsabilités, parmi lesquels celui de ne pas divulguer des informations mettant en cause la réputation d'autrui sans avoir vérifié qu'elles sont exactes et dignes de confiance ; qu'un salarié ne peut en conséquence invoquer la protection de la liberté d'expression s'il a dénoncé des faits qu'il n'a pas lui-même constatés, en rapportant des déclarations dont il n'a pas cherché à vérifier l'exactitude ; que si le salarié peut invoquer son ignorance de la fausseté des faits dénoncés, c'est à la condition qu'elle soit légitime ; qu'en l'espèce, il est constant que Mme [I] a dénoncé auprès de l'inspection du travail des faits d'agression sexuelle sur mineurs qu'elle n'avait pas constatés, en appuyant ses accusations sur des documents internes à l'entreprise, sans préciser la suite qui y était donnée, et que cette dénonciation a conduit à l'ouverture d'une enquête de police clôturée par un classement sans suite, en raison de l'absence de toute infraction ; qu'en retenant qu'il ne pouvait être reproché à Mme [I] d'avoir dénoncé des faits d'agression sexuelle qu'elle n'avait pas constatés personnellement, ni de s'être emparée de documents internes à l'entreprise pour « asseoir ses dires »,, dès lors que « rien ne permet de retenir qu'elle sût alors que les faits dénoncés étaient faux, ni qu'elle ait travesti le sens des documents dont elle s'est emparée », cependant qu'il appartenait à la salariée d'effectuer des vérifications minimales avant de dénoncer auprès d'une autorité extérieure des faits d'agression sexuelle contre des mineurs mettant en cause la réputation de l'établissement qui les accueille, sans pouvoir opposer son ignorance pour justifier la dénonciation de faits inexistants, la cour d'appel a violé l'article L. 1132-3-3 du code du travail interprété à la lumière de l'article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 3. ALORS QUE l'exercice de la liberté d'expression comporte des devoirs et des responsabilités, parmi lesquels celui de ne pas divulguer des informations mettant en cause la réputation d'autrui sans avoir vérifié qu'elles sont exactes et dignes de confiance ; qu'un salarié ne peut en conséquence dénoncer des faits constitutifs d'un crime ou d'un délit qu'il n'a pas lui-même constatés, sur la base d'informations dont il n'a pas vérifié l'exactitude, sauf à justifier de l'impossibilité de vérifier ces informations ; qu'en l'espèce, il est constant qu'à la réception du courrier d'alerte de l'équipe éducative du 7 juin 2018, l'association Fouque avait effectué une enquête auprès de tous les enfants du groupe concerné, cette enquête ayant fait ressortir que les enfants se livraient à des jeux à connotation sexuelle, sans agression sexuelle et que la direction avait décidé, avec l'équipe éducative, des mesures à prendre pour mettre un terme à ces jeux et éviter toute dérive ; qu'au cours de l'enquête pénale, Mme [I] avait reconnu avoir été informée par l'équipe pédagogique du traitement des faits dénoncés dans le courrier du 7 juin 2018 ; qu'en reprochant cependant à l'association Fouque d'avoir « manqué à la protection qu'elle devait à sa salariée laquelle n'avait aucun moyen de savoir si les faits qu'elle-même et ses collèges redoutaient été avérés ou non », sans expliquer ce qui interdisait à Mme [I], avant de dénoncer à l'inspection du travail des faits inexistants d'agression sexuelle sur mineurs, de saisir la direction pour avoir l'assurance que les incidents évoqués dans le courrier électronique du 7 juin 2018 ne couvraient aucune agression sexuelle, la cour d'appel a violé l'article L. 1132-3-3 du code du travail interprété à la lumière de l'article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 4. ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE ne peut invoquer la protection des lanceurs d'alerte le salarié qui a dénoncé, de mauvaise foi, des faits constitutifs d'un crime ou d'un délit dont il prétend avoir eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions ; que la mauvaise foi résulte de la connaissance, par le salarié, de la fausseté des faits dénoncés ; qu'en l'espèce, il résulte du procès-verbal d'audition de Mme [I] par les services de police qu'elle reconnaissait, d'une part, n'avoir jamais constaté elle-même de faits d'agression sexuelle, ni les faits dénoncés sur le courrier d'alerte interne du 7 juin 2018 et, d'autre part, que l'équipe pédagogique lui avait indiqué que les faits dénoncés dans ce courrier avaient été traités et qu'ils avaient repris les enfants, ce qui impliquait que ces faits ne couvraient aucune agression sexuelle ; qu'en affirmant néanmoins que rien ne permettait de retenir que Mme [I], qui n'avait pas elle-même constaté ces faits et qui avait cependant cru devoir faire état de documents internes pour « asseoir ses dires », « sût que les faits dénoncés étaient faux », la cour d'appel a méconnu les conséquences légales de ses propres constatations dont il s'évinçait que Mme [I] avait connaissance de la fausseté des faits qu'elle avait dénoncés, en violation de l'article L. 1132-3-3 du code du travail interprété à la lumière de l'article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Il résulte de l'article L. 1132-3-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016, que le salarié qui relate ou témoigne de faits constitutifs d'un délit ou d'un crime dont il aurait eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions, ainsi que le prévoit l'alinéa premier de ce texte, n'est pas tenu de signaler l'alerte dans les conditions prévues par l'article 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 organisant une procédure d'alerte graduée, exigée par le deuxième alinéa du même texte
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SOC. BD4 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 15 février 2023 Cassation partielle sans renvoi M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 183 F-B Pourvoi n° P 21-19.094 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 15 FÉVRIER 2023 La société Vencorex France, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° P 21-19.094 contre l'arrêt rendu le 7 avril 2021 par la cour d'appel de Lyon (chambre sociale A), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [W] [O] [X], domicilié [Adresse 2], 2°/ au syndicat CGT du personnel du site chimique du [Localité 3], dont le siège est [Adresse 4], défendeurs à la cassation. M. [X] et le syndicat CGT du personnel du site chimique du [Localité 3] ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt. La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Les demandeurs au pourvoi incident invoquent, à l'appui de leur recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Ollivier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Vencorex France, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [X] et du syndicat CGT du personnel du site chimique du [Localité 3], après débats en l'audience publique du 5 janvier 2023 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ollivier, conseiller référendaire rapporteur, Mme Sommé, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 7 avril 2021), M. [X] a été engagé par un contrat à durée indéterminée du 6 septembre 1982 par la société Rhône Poulenc, en qualité d'agent de production journalier. Après plusieurs transferts de son contrat de travail, il est devenu salarié de la société Vencorex le 1er juin 2012. 2. Le salarié a fait valoir ses droits à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante par lettre du 12 juin 2013 adressée à l'employeur. Son contrat de travail a pris fin le 31 décembre 2013. 3. Par requête du 26 décembre 2016, le salarié et le syndicat CGT des personnels du site chimique de [Localité 3] ont saisi la juridiction prud'homale afin, notamment, que le salarié soit indemnisé du préjudice résultant de la remise tardive et incomplète des documents nécessaires au suivi médical post-professionnel instauré pour les salariés exposés à des produits dangereux pour la santé. Examen des moyens Sur le premier et le troisième moyens du pourvoi principal et sur le moyen unique du pourvoi incident, ci-après annexés 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le deuxième moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche Enoncé du moyen 5. La société Vencorex France fait grief à l'arrêt de la condamner à verser au salarié une certaine somme pour remise tardive de l'attestation d'exposition et de la condamner à remettre au salarié une attestation complémentaire mentionnant son exposition à de forts champs magnétiques au sein de l'atelier électrolyse et au danger des sources radioactives, dans le délai de deux mois à compter de la signification de l'arrêt et, passé ce délai, sous astreinte de 50 euros par jour de retard constaté courant pendant le délai de deux mois, alors « qu'aux termes de l'article L. 1471-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit ; qu'en application de l'article R. 4412-58 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, une attestation d'exposition aux agents chimiques dangereux mentionnés à l'article R. 4412-40, remplie par l'employeur et le médecin du travail, est remise au travailleur ''à son départ de l'établissement'', quel qu'en soit le motif ; que la cour d'appel en énonçant, pour dire recevables les demandes de M. [X] fondées sur la tardiveté et la pertinence de l'attestation d'exposition, que la remise par l'employeur de cette attestation s'inscrivait dans le dispositif spécifique de prévention des conséquences de l'exposition à l'amiante et aux produits dangereux et ne saurait relever de la courte prescription édictée par l'article L. 1471-1 du code du travail en matière de rupture du contrat de travail, n'étant pas en lien nécessaire avec celle-ci, a violé ce texte par refus d'application. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 1471-1, alinéa 1er, du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 : 6. Aux termes de ce texte, toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit. 7. L'action par laquelle un salarié sollicite la réparation du préjudice résultant de la remise tardive ou incomplète de l'attestation d'exposition aux agents chimiques dangereux prévue par l'article R. 4412-58 du code du travail, alors applicable, se rattache à l'exécution du contrat de travail. 8. Pour condamner l'employeur à payer au salarié une certaine somme à titre d'indemnité pour remise tardive de l'attestation d'exposition et à lui remettre une attestation complémentaire, l'arrêt retient que la remise par l'employeur de l'attestation d'exposition s'inscrit dans le dispositif spécifique de prévention des conséquences de l'exposition à l'amiante et aux produits dangereux et ne saurait relever de la courte prescription édictée par l'article L. 1471-1 du code du travail. L'arrêt en déduit que les demandes du salarié fondées sur la tardiveté et le caractère incomplet de l'attestation remise sont recevables. 9. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Portée et conséquences de la cassation 10. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 11. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond sur la demande du salarié de paiement d'une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour remise tardive et incomplète des documents nécessaires à un suivi médical post-professionnel et sur la demande de remise d'une attestation d'exposition rectifiée. 12. Le contrat de travail du salarié a pris fin le 31 décembre 2013 et l'attestation d'exposition litigieuse lui a été remise le 31 juillet 2014. Le délai de prescription de l'action du salarié expirait au plus tard le 31 juillet 2016, en sorte que les demandes du salarié, introduites le 26 décembre 2016, sont prescrites. 13. La cassation des chefs de dispositif condamnant l'employeur à verser au salarié la somme de 1 000 euros pour remise tardive de l'attestation d'exposition et à lui remettre une attestation complémentaire n'emporte pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Vencorex France à payer à M. [X] la somme de 1 000 euros pour remise tardive de l'attestation d'exposition et à lui remettre une attestation complémentaire mentionnant son exposition à de forts champs magnétiques au sein de l'atelier électrolyse et au danger des sources radioactives, dans le délai de deux mois à compter de la signification de la décision et, passé ce délai, sous astreinte de 50 euros par jour de retard constaté courant pendant le délai de deux mois, l'arrêt rendu le 7 avril 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; DECLARE irrecevables comme prescrites la demande de M. [X] de paiement de la somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour remise tardive et incomplète des documents nécessaires à un suivi médical post professionnel et la demande de remise d'une attestation d'exposition rectifiée, sous astreinte ; Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze février deux mille vingt-trois. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société Vencorex France, demanderesse au pourvoi principal PREMIER MOYEN DE CASSATION La société Vencorex France fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué de l'AVOIR condamnée à payer à M. [X] en réparation du préjudice subi du fait de la discrimination la somme de 14.287,72 euros au titre de la perte de salaires et de droit à retraite, et de l'AVOIR, en conséquence, condamnée à payer à M. [X] la somme de 2.976,61 euros au titre de la perte sur l'indemnité amiante et celle de 7.864,62 euros au titre de la perte sur l'allocation amiante ; 1°) ALORS QUE les juges doivent préciser l'origine et la nature des renseignements qui ont servi à motiver leur décision ; qu'en se bornant, pour dire que M. [X] avait été victime de discrimination syndicale, à affirmer que ce dernier établissait que le DEST électrochimie, dont il était titulaire, était valorisé au sein de l'entreprise, sans à aucun moment préciser sur quels éléments de preuve elle fondait cette affirmation qui était pourtant sérieusement contestée par l'exposante, ni procéder à une analyse même sommaire de ces éléments, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 2°) ALORS QUE la société Vencorex France, dans ses écritures d'appel (p. 15, 16 et 19), pour expliquer la différence de salaire entre M. [X] et M. [L], précisait que la situation de ces deux salariés n'était nullement comparable dans la mesure où, outre le fait que ce dernier était titulaire d'un DUT Chimie, obtenu en 1982, 7 ans avant M. [X], leur parcours professionnel était très différent, M. [X] ayant été embauché en tant qu'opérateur de fabrication et ayant quasiment exclusivement travaillé au sein du laboratoire cependant que M. [L], embauché immédiatement en tant que technicien, avait quant aÌ lui passé 11 années en fabrication, développant une polyvalence supérieure ; qu'en énonçant, pour dire que M. [X] avait été victime de discrimination syndicale, que l'employeur ne fournissait sur M. [L] aucun élément objectivant la disparité constatée, le seul fait qu'il ait été titulaire du DUT chimie lors de son embauche en 1985, soit 4 ans avant M. [X], ne pouvant expliquer qu'il ait un salaire supérieur avec un coefficient inférieur et alors qu'il était moins diplômé, la cour d'appel n'a ainsi pas répondu au moyen précité des conclusions de l'exposante qui était pourtant de nature à justifier la différence de salaire entre les deux salariés et a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ; 3°) ALORS QUE la société Vencorex France, pour démontrer que M. [P] avait bénéficié d'une évolution de carrière particulièrement remarquable du fait de ses qualités professionnelles, versait aux débats, en pièce n° 7 de son bordereau de communication de pièces annexé à ses écritures d'appel (p. 42), le dossier de M. [P] comprenant, outre son évaluation très élogieuse du 30 avril 2013, le courrier que la société Rhône Poulenc avait adressé à ce salarié le 3 juillet 1997 pour lui notifier son passage au « coefficient hiérarchique [...] 250 dans la catégorie 4 de l'avenant 2 à compter du 1er juillet 1997 », lui indiquer que cette « promotion [serait] accompagnée d'une augmentation de [ses] appointements bruts de base de 450 F/mois » et le « [félicitant] pour le travail [...] [accompli] et qui a valeur d'exemple », et le courrier de la société Rhône Poulenc du 15 décembre 1997 notifiant l'affectation de M. [P], à compter du 1er janvier suivant, « à la nouvelle entité regroupée CA-CI dans laquelle il continuera d'exercer son précédent métier CI, plus particulièrement en appui à la chaîne et aux projets TDI avec G. [F] » et précisant : « à cette occasion, il exprime très fermement la volonté de rejoindre le métier et le milieu de l'assistance exploitation ou d'une équipe projet, évolution personnelle à laquelle nous l'avons incité et que nous nous efforcerons d'initier dans le contexte convenu suivant : sa prestation surtout liée à Rhapsodie est nécessaire et budgétée à plein tems jusqu'à l'été 98 [...] », tous éléments dont il faisait spécialement état dans ses écritures d'appel (p. 22) et qui étaient de nature à justifier la différence de rémunération entre M. [P] et M. [X] ; qu'en affirmant, pour dire que M. [X] avait été victime de discrimination syndicale, que l'employeur se contentait de verser aux débats le seul entretien annuel d'évaluation effectué le 30 avril 2013 insuffisant à démontrer que les qualités professionnelles de M. [P] lui auraient permis une évolution de carrière particulièrement remarquable, la cour d'appel, qui a dénaturé le bordereau de pièces annexé aux conclusions de la société exposante, a violé le principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; 4°) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent procéder par voie de simples affirmations ou de considérations générales et abstraites et doivent apprécier concrètement les faits nécessaires à la solution du litige ; qu'en se bornant, pour dire que M. [X] avait été victime de discrimination syndicale, à affirmer péremptoirement que s'agissant de M. [H], les quelques entretiens anciens versés aux débats n'étaient pas meilleurs que ceux de M. [X], desquels il ressortait que ses compétences et son professionnalisme étaient reconnus, sans déduire aucun motif à l'appui de cette allégation et préciser en quoi elle considérait que les entretiens de M. [H] n'étaient pas meilleurs que ceux de M. [X], cependant que la société exposante soulignait, dans ses écritures d'appel (p. 22 et 23), que la différence de situation entre les deux salariés était objectivement justifiée par les compétences particulières de M. [H], la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ; 5°) ALORS QUE la preuve des faits juridiques est libre et peut être rapportée par tous moyens ; qu'en l'espèce où l'exposante pouvait apporter librement la preuve des justification objectives permettant d'expliquer la différence de rémunération entre le salarié demandeur et les salariés auxquels il se comparait, la cour d'appel en énonçant, pour dire que M. [X] avait été victime de discrimination syndicale, que l'employeur produisait pour justifier l'absence de discrimination un rapport sur la situation comparée hommes/femmes au sein de l'entreprise en 2013 faisant valoir qu'il en ressortirait que le salarié bénéficiait d'un salaire supérieur à la moyenne compte tenu de son âge et de son ancienneté mais que ce rapport n'était pas pertinent en raison de son caractère général comme concernant l'ensemble de la population de la société et ne permettant pas de distinguer selon la qualification, les diplômes et l'ancienneté, a ainsi imposé à l'employeur de rapporter des éléments de preuve particuliers et a violé les articles 1315 et 1341 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable en la cause ; 6°) ALORS QUE la société Vencorex France, dans ses écritures d'appel (p. 26 et 27), soutenait que si l'entretien de 2011 faisait effectivement référence aux mandats de M. [X], c'eìtait dans l'unique but de lui donner des objectifs proportionnés au temps dédié au service, précisément afin de ne pas le discriminer et qu'ainsi, en 2011, cette recherche de l'objectif conciliable avec son mandat prud'homal avait permis au salarié d'être considéré comme ayant rempli ses objectifs ; qu'en énonçant, pour dire que M. [X] avait été victime de discrimination syndicale, qu'il justifiait que sa dernière évaluation du 28 décembre 2011 faisait état de son activité prud'homale, la cour d'appel n'a ainsi pas répondu au moyen précité des conclusions de l'exposante qui était pourtant de nature à justifier le comportement de l'employeur à l'endroit du salarié et a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ; 7°) ALORS QUE l'accord du 13 mars 2012, par lequel la société Perstorp, aux droits de laquelle vient la société Vencorex, s'est engagée à attribuer au salarié une augmentation de salaire au 1er juin 2012 puis une nouvelle augmentation au 1er janvier 2013, est signé des deux parties et stipule expressément que « par cet accord, les parties s'engagent à renoncer à intenter ou poursuivre toute instance ou action de quelque nature que ce soit sur le contenu de ce présent courrier et met un terme définitif à tout litige » ; qu'en énonçant néanmoins, pour allouer au salarié une somme à titre de perte de salaires et de droit à retraite, que l'accord du 13 mars 2012 était constitué d'un simple courrier de l'employeur contenant une proposition d'augmentation acceptée par le salarié et qu'il ne saurait constituer un accord transactionnel, la cour d'appel, qui n'a pas pris en considération ce paragraphe, a dénaturé par omission cet accord, violant ainsi le principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; 8°) ALORS QUE le protocole d'accord valant transaction signé entre M. [X] et la société Rhodia Opérations, aux droits de laquelle vient la société Vencorex France, le 3 juillet 2008, par lequel les parties renonçaient à tout recours l'une envers l'autre pour quelque raison que ce soit, stipule expressément que « M. [X] consent à considérer que les mentions contesteìes sur ses bulletins de salaires depuis janvier 2006 ne sont pas manifestes d'une volonté discriminatoire » ; qu'en énonçant néanmoins, pour allouer au salarié une somme à titre de perte de salaires et de droit à retraite, que le protocole d'accord transactionnel du 3 juillet 2008 était exclusivement relatif aux réclamations du salarié quant à la mention sur ses fiches de paie de sa qualité de conseiller prud'homal de sorte qu'il ne saurait être opposé à M. [X] dans le cadre de la présente instance en discrimination, sans tenir compte du paragraphe aux termes duquel le salarié consentait aÌ considérer que les mentions contestées sur ses bulletins de salaire depuis janvier 2006 ne manifestaient pas de volonté discriminatoire de la société Rhodia Opérations, aux droits de laquelle se trouve désormais l'exposante, la cour d'appel a dénaturé par omission le protocole d'accord du 3 juillet 2008, violant ainsi le principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION La société Vencorex France fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué de l'AVOIR condamnée à verser à M. [X] la somme de 1.000 euros pour remise tardive de l'attestation d'exposition et, en conséquence, de l'AVOIR condamnée à remettre à M. [X] une attestation complémentaire mentionnant son exposition à de forts champs magnétiques au sein de l'atelier électrolyse et au danger des sources radioactives, dans le délai de deux mois à compter de la signification de l'arrêt et, passé ce délai, sous astreinte de 50 euros par jour de retard constaté courant pendant le délai de deux mois ; 1°) ALORS QU' aux termes de l'article L. 1471-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit ; qu'en application de l'article R. 4412-58 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, une attestation d'exposition aux agents chimiques dangereux mentionnés à l'article R. 4412-40, remplie par l'employeur et le médecin du travail, est remise au travailleur « à son départ de l'établissement », quel qu'en soit le motif ; que la cour d'appel en énonçant, pour dire recevables les demandes de M. [X] fondées sur la tardiveté et la pertinence de l'attestation d'exposition, que la remise par l'employeur de cette attestation s'inscrivait dans le dispositif spécifique de prévention des conséquences de l'exposition à l'amiante et aux produits dangereux et ne saurait relever de la courte prescription édictée par l'article L. 1471-1 du code du travail en matière de rupture du contrat de travail, n'étant pas en lien nécessaire avec celle-ci, a violé ce texte par refus d'application ; 2°) ALORS QU' en tout état de cause, le manquement de l'employeur à l'une de ses obligations légales n'ouvre droit à réparation pour le salarié que si ce dernier démontre qu'il a subi un préjudice en lien avec ce manquement ; qu'en se bornant, pour allouer au salarié des dommages-intérêts pour remise tardive de l'attestation d'exposition, à affirmer que le retard dans la délivrance de l'attestation permettant au salarié de bénéficier de la surveillance médicale renforcée à laquelle il avait droit compte tenu du risque spécifique pesant sur sa santé et le caractère incomplet de ladite attestation seraient justement indemnisés par l'allocation d'une somme de 1.000 euros à titre de dommages-intérêts, sans autrement caracteìriser le preìjudice lieì à une telle délivrance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles R. 4412-58 du code du travail et D. 461-25 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige. TROISIEME MOYEN DE CASSATION La société Vencorex France fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué de l'AVOIR condamnée à verser au syndicat CGT des personnels du site chimique de [Localité 3] la somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts ; 1°) ALORS QUE la cassation, à intervenir sur le premier moyen, de l'arrêt en ce qu'il a condamné la société Vencorex France à payer à M. [X] en réparation du préjudice subi du fait de la discrimination la somme de 14.287,72 euros au titre de la perte de salaires et de droit à retraite, celle de 2.976,61 euros au titre de la perte sur l'indemnité amiante et celle de 7.864,62 euros au titre de la perte sur l'allocation amiante, entraînera également par voie de conséquence l'annulation du chef de la décision condamnant la société exposante à verser au syndicat CGT des personnels du site chimique de [Localité 3] la somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts, en application de l'article 625 du code de procédure civile ; 2°) ALORS QU' en tout état de cause, la société Vencorex France soutenait, dans ses écritures d'appel (p. 39), que le syndicat CGT du personnel du site chimique de [Localité 3] s'était joint aÌ l'action engageìe par M. [X] sur le fondement de l'article L. 2132-3 du code du travail aux motifs de l'existence d'un préjudice direct ou indirect porté à l'intérêt collectif de la profession qu'il représentait cependant que le protocole transactionnel du 3 juillet 2008, en son article 5, stipulait : « Dans l'hypothèse où une organisation syndicale, ou association, intenterait une action en faveur de M. [X], notamment en application des dispositions des articles L. 1134-2, L. 1154-2, L. 144-2 et L. 2162-9 du code du travail, et sans que cette liste soit exhaustive, M. [X] s'engage par les présentes à s'y opposer, par lettre recommandée avec accusé de réception dans les dix jours de la saisine ou de la connaissance de celle-ci. (...) Le respect de cette obligation est essentiel et conditionne la validité même du présent protocole d'accord. A défaut d'un tel engagement, la société n'aurait pas conclu le présent accord » ; qu'en se bornant, pour condamner l'exposante à verser des dommages-intérêts au syndicat CGT des personnels du site chimique de [Localité 3], à énoncer que la violation invoquée des dispositions relatives à l'interdiction de toute discrimination syndicale était de nature à porter un préjudice à l'intérêt collectif de la profession, de sorte que le syndicat CGT était fondé à demander la réparation du préjudice subi du fait de la violation de cette interdiction à l'égard de M. [X], la cour d'appel n'a ainsi pas répondu au moyen précité des conclusions de l'exposante tiré de l'existence du protocole transactionnel du 3 juillet 2008, et a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile. Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. [X] et le syndicat CGT du personnel du site chimique du [Localité 3], demandeurs au pourvoi incident M. [X] et le syndicat CGT du personnel du site chimique du [Localité 3] font grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR limité à 14 287,72 euros la somme allouée au salarié au titre de la perte de salaires et des droits à la retraite, d'AVOIR limité à 2 976,61 euros et 7 864,62 euros les sommes alloués au salarié au titre de la perte sur l'indemnité amiante et de la perte sur l'allocation amiante, et d'AVOIR limité à 500 euros la somme allouée au syndicat à titre de dommages et intérêts. 1° ALORS QUE pour limiter l'appréciation du préjudice de carrière subi par M. [X] et dire que la discrimination à prendre en compte ne s'étend que sur huit années, l'arrêt se fonde sur l'accord de médiation signé à l'issue d'une précédente procédure ; qu'en statuant ainsi, quand elle avait constaté que cet accord, intervenu le 22 novembre 2005, ne réglait que les « litiges » ayant opposés les parties « à ce jour », la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, devenu les articles 1103 et 1104 du même code. 2° ALORS QUE les dommages et intérêts réparent l'entier préjudice résultant de la discrimination, pendant toute sa durée ; d'où il suit qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a également violé l'article 1134-5 du code du travail.
L'action par laquelle un salarié sollicite la réparation du préjudice résultant de la remise tardive ou incomplète de l'attestation d'exposition aux agents chimiques dangereux prévue par l'article R. 4412-58 du code du travail, alors applicable, se rattache à l'exécution du contrat de travail. Il en résulte que cette action est soumise à la prescription de deux ans prévue à l'article L. 1471-1, alinéa 1, du code du travail
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SOC. BD4 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 15 février 2023 Cassation partielle partiellement sans renvoi M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 184 F-B Pourvoi n° V 21-20.572 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 15 FÉVRIER 2023 M. [E] [I] [B], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° V 21-20.572 contre l'arrêt rendu le 26 novembre 2020 par la cour d'appel de Versailles (11e chambre), dans le litige l'opposant à la société Serviclean, services industriels & commerciaux en hygiène et propreté, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les six moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Ollivier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [I] [B], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Serviclean, après débats en l'audience publique du 5 janvier 2023 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ollivier, conseiller référendaire rapporteur, Mme Sommé, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 26 novembre 2020), M. [I] [B] a été engagé par la société Serviclean en qualité d'agent qualifié propreté. Le contrat prévoyait un salaire mensuel auquel s'ajoutait une prime mensuelle de forfait vitrerie. Le salarié était titulaire d'un mandat de délégué du personnel. 2. Le 10 mars 2009, le médecin du travail a déclaré que le salarié était apte à ses fonctions de laveur de vitres mais seulement pour une hauteur maximale de trois mètres. L'employeur a reclassé le salarié sur un poste d'ouvrier nettoyeur et, par lettre du 21 décembre 2010, l'a informé que la prime de forfait vitrerie serait intégrée dans sa rémunération brute mensuelle. 3. Le 20 décembre 2011, l'employeur a notifié au salarié une mutation disciplinaire. 4. Le 10 juin 2014, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes en paiement de rappels de salaire et de primes. 5. Le 14 novembre 2014, l'employeur l'a convoqué à un entretien préalable en vue de son licenciement et lui a notifié une mise à pied à titre conservatoire. 6. Le 20 novembre 2014, puis le 2 décembre 2014, l'employeur a convoqué le comité d'entreprise en réunion extraordinaire afin de délibérer sur le licenciement envisagé du salarié. Le 10 décembre 2014, l'employeur a demandé à l'inspecteur du travail l'autorisation de le licencier. Le 19 janvier 2015, l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser ce licenciement. Par lettre du 26 janvier 2015, l'employeur a demandé au salarié de reprendre son poste et a précisé qu'il lui notifiait un avertissement pour les faits qui l'avaient conduit à envisager un licenciement à son encontre. 7. Par ordonnance du 29 janvier 2015, le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes a condamné l'employeur à verser au salarié une provision à valoir sur les primes de forfait vitrerie. Cette ordonnance a été annulée par arrêt de la cour d'appel de Versailles du 21 juin 2018. Recevabilité du mémoire en défense examinée d'office 8. Le mémoire en défense, qui n'a pas été déposé ni notifié dans le délai prévu par l'article 982 du code de procédure civile, est irrecevable. Examen des moyens Sur les deuxième, quatrième et cinquième moyens, ci-après annexés 9. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 10. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de dommages-intérêts au titre d'un harcèlement moral, alors « que le juge ne peut débouter le salarié de ses demandes au titre du harcèlement moral au seul motif qu'il ne donne aucun élément sur le préjudice qui en aurait résulté sans s'être prononcé au préalable sur l'existence d'un harcèlement moral ; que pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail ; que dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en estimant ne pas avoir à statuer sur la demande formée par M. [I] [B] au titre du harcèlement moral et en conséquence la rejeter au motif qu'à supposer que le salarié ait été victime de faits de harcèlement moral, il ne donnait aucun élément sur le préjudice qui en aurait résulté, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L 1152-1 et L 1154-1 du code du travail. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, du code du travail : 11. Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail, et, dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. 12. Pour débouter le salarié de sa demande de dommages-intérêts au titre d'un harcèlement moral, l'arrêt retient que celui-ci ne donne aucun élément sur le préjudice qui en serait résulté, alors qu'aucun préjudice n'est automatique. 13. En statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait préalablement de rechercher si les faits présentés par le salarié ne laissaient pas présumer l'existence d'un harcèlement moral et si, dans l'affirmative, l'employeur prouvait que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Sur le troisième moyen Enoncé du moyen 14. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande d'annulation de la mutation disciplinaire du 21 novembre 2011 et de sa demande de dommages-intérêts pour mutation disciplinaire imposée et injustifiée et au titre d'un harcèlement moral, alors « qu'aucune modification de son contrat de travail ou changement de ses conditions de travail ne peut être imposé à un salarié protégé et que l'acceptation par un salarié protégé d'une modification de son contrat de travail ou d'un changement des conditions de travail ne peut résulter ni de l'absence de protestation de celui-ci, ni de la poursuite par l'intéressé de son travail ; qu'il en résulte qu'un salarié protégé ne peut se voir imposer, sans son accord, une mutation disciplinaire sur un autre site ; qu'en refusant d'annuler la mutation disciplinaire imposée le 21 novembre 2011 à M. [I] [B] sans rechercher, ainsi qu'elle était invitée à le faire, si cette mutation n'était pas constitutive d'une violation du statut protecteur attaché à son mandat de membre élu de la délégation unique du personnel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, L 1221-1, L 1331-1, L 2411-1 et L 2411-5 du code du travail. » Réponse de la Cour Vu l'article 1134, alinéa 1er, devenu 1103 du code civil et l'article L. 2411-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 : 15. Aucune modification de son contrat de travail ou changement de ses conditions de travail ne peut être imposé à un salarié protégé et il appartient à l'employeur d'engager la procédure de licenciement en cas de refus du salarié de cette modification en demandant l'autorisation de l'inspecteur du travail. 16. L'acceptation par un salarié protégé d'une modification du contrat de travail ou d'un changement des conditions de travail ne peut résulter ni de l'absence de protestation de celui-ci, ni de la poursuite par l'intéressé de son travail. 17. Pour débouter le salarié de sa demande d'annulation de la mutation disciplinaire, l'arrêt retient que cette mutation a été mise en oeuvre le 4 janvier 2012 suivant la lettre de l'employeur du 20 décembre 2011, après entretien préalable au cours duquel le salarié a été entendu assisté d'un salarié de l'entreprise, que le salarié a rejoint son nouveau lieu de travail à la date indiquée et ne justifie nullement les éléments de nullité qui entacheraient cette décision ainsi que l'existence d'un préjudice en résultant, n'explicitant pas la communauté de travail à laquelle il aurait été éloigné de ce fait alors qu'il travaillait auprès de clients et pas dans le cadre d'un emploi sédentaire avec d'autres salariés de l'entreprise. 18. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Et sur le sixième moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 19. Le salarié fait grief à l'arrêt de le condamner à rembourser à la société Serviclean la somme de 15 194,64 euros avec intérêts au taux légal à compter des conclusions demandant le remboursement, alors « que l'ordonnance rendue le 29 janvier 2015 par le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes de Versailles ayant ordonné à la société Serviclean de verser à M. [I] [B] la somme de 16 000 euros à titre de provision à valoir sur la prime ''forfait vitrerie'' a été annulée, sur appel nullité de la société Serviclean, par la cour d'appel de Versailles aux termes d'un arrêt daté du 21 juin 2018 ; que cet arrêt emporte de plein droit obligation de restitution des sommes versées dans le cadre de l'exécution provisoire attachée à l'ordonnance déférée et constitue le titre exécutoire ouvrant droit à cette restitution ; qu'en faisant néanmoins droit à la demande de remboursement présentée par la société Serviclean et en condamnant le salarié à lui payer la somme de 15 194,64 euros avec intérêts aux taux légal à compter des conclusions demandant le remboursement quand l'employeur disposait déjà d'un titre exécutoire pour obtenir la restitution de cette somme, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et a violé les articles L 111-2 et L. 111-3 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble les principes régissant l'excès de pouvoir. » Réponse de la Cour Vu l'article 561 du code de procédure civile : 20. Aux termes de ce texte, l'appel remet la chose jugée en question devant la juridiction d'appel. Il est statué à nouveau en fait et en droit dans les conditions et limites déterminées aux livres premier et deuxième du code de procédure civile. 21. Pour condamner le salarié à restituer la provision versée par l'employeur, l'arrêt constate que l'ordonnance du bureau de conciliation du conseil de prud'hommes du 29 janvier 2015, qui a condamné l'employeur à verser au salarié la somme de 16 000 euros, a été annulée par un arrêt de la cour d'appel du 21 juin 2018, de sorte que les sommes versées au salarié de ce chef ne sont pas dues et doivent être remboursées par lui. 22.En statuant ainsi, alors que l'obligation de restitution résulte de plein droit de l'annulation de l'ordonnance assortie de l'exécution provisoire, la cour d'appel, qui n'avait pas à statuer sur cette demande, a violé le texte susvisé. Portée et conséquences de la cassation 23. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 24. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond du chef de la demande de remboursement de l'employeur de la somme versée au salarié à titre de provision sur la prime de forfait vitrerie. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [I] [B] de sa demande de dommages-intérêts au titre d'un harcèlement moral, de sa demande d'annulation de la mutation disciplinaire du 20 décembre 2011 et de sa demande de dommages-intérêts pour mutation disciplinaire imposée, en ce qu'il condamne M. [I] [B] aux dépens et à payer à la société Serviclean la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et, par voie de retranchement, en ce qu'il condamne M. [I] [B] à rembourser à la société Serviclean la somme de 15 194,64 euros avec intérêts au taux légal à compter des conclusions demandant le remboursement, l'arrêt rendu le 26 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; Dit n'y avoir lieu à renvoi du chef de la demande de remboursement par M. [I] [B] à la société Serviclean de la somme de 15 194,64 euros ; Constate que l'arrêt prononcé par la cour d'appel de Versailles le 21 juin 2018, annulant l'ordonnance du bureau de conciliation du conseil de prud'hommes de Versailles du 29 janvier 2015, emporte obligation de procéder au remboursement susvisé ; Remet, sur les points restant en litige, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ; Condamne la société Serviclean aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Serviclean et la condamne à payer à M. [I] [B] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze février deux mille vingt-trois. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. [I] [B] PREMIER MOYEN DE CASSATION M. [I] [B] fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir débouté de sa demande de dommages et intérêts au titre du harcèlement moral ; 1°) ALORS QUE le juge ne peut débouter le salarié de ses demandes au titre du harcèlement moral au seul motif qu'il ne donne aucun élément sur le préjudice qui en aurait résulté sans s'être prononcé au préalable sur l'existence d'un harcèlement moral ; que pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail ; que dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en estimant ne pas avoir à statuer sur la demande formée par M. [I] [B] au titre du harcèlement moral et en conséquence la rejeter au motif qu'à supposer que le salarié ait été victime de faits de harcèlement moral, il ne donnait aucun élément sur le préjudice qui en aurait résulté, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L 1152-1 et L 1154-1 du code du travail ; 2°) ALORS QUE la cour d'appel doit statuer sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions ; qu'en l'espèce, M. [I] [B] a sollicité, dans le dispositif de ses conclusions, une somme de 20 000 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral après avoir soutenu que les faits exposés et détaillés dans ses conclusions laissaient supposer une situation de harcèlement moral qu'il appartenait à l'employeur de justifier ; qu'en retenant, pour débouter M. [I] [B] de ce chef de demande, qu'en application de l'article 954 du code de procédure civile, elle n'avait pas à statuer sur cette demande motif pris que le salarié ne donnait aucun élément dans sa discussion sur le préjudice qui aurait résulté du harcèlement moral, la cour d'appel a violé l'article précité ; 3°) ALORS Qu'à supposer que l'arrêt ait adopté la motivation du jugement confirmé ayant débouté M. [I] [B] au motif qu'il n'apportait pas d'éléments ou ne rapportait pas la preuve de faits pouvant constituer du harcèlement moral quand il n'appartenait pas au salarié de caractériser un harcèlement mais seulement d'établir la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, la cour d'appel a violé les article 1152-1 et 1154-1 du code du travail, ensemble l'article 1315 devenu 1353 du code civil ; 4°) ALORS, en tout état de cause, QUE le salarié, victime d'agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, subi un préjudice consécutif à l'atteinte porté aux droits à la santé et à la dignité de la personne constitutionnellement et conventionnellement garantis ; qu'en déboutant M. [I] [B] de sa demande au titre du harcèlement moral au seul motif qu'à supposer que le salarié ait été victime de faits de harcèlement moral, il ne donnait aucun élément sur le préjudice qui en aurait résulté, la cour d'appel a violé les articles L 1152-1, L. 1154-1, 1er de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, 26-2 de la Charte social européenne ainsi que l‘alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION M. [I] [B] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir limité à la somme de 496,80 €, outre la somme de 49,68 € au titre des congés payés afférents, le rappel de salaire au titre de la prime forfait vitrerie de janvier à décembre 2019, de l'avoir débouté de sa demande de dommages et intérêts pour défaut de paiement de la prime « forfait vitrerie » et au titre du harcèlement moral et d'avoir confirmé le jugement ayant dit qu'il devait rembourser à la société Serviclean la somme de 15 194,64 € et de l'avoir condamné à payer à la société Serviclean la somme de 15 194,64 € avec intérêts au taux légal à compter es conclusions demandant le remboursement ; ALORS QUE la rémunération contractuelle d'un salarié constitue un élément du contrat de travail qui ne peut être modifié ni dans son montant ni dans sa structure sans son accord, peu important que l'employeur prétende que le nouveau mode de rémunération est sans effet sur le montant global de la rémunération du salarié ; que selon les constatations de l'arrêt attaqué, à compter de janvier 2011, l'employeur a supprimé, sans l'accord du salarié, la prime « forfait vitrerie » prévue à son contrat de travail pour un montant de 2000 francs – soit 304,90 € - à la faveur d'une augmentation de sa rémunération de base d'un montant de 300 €, ce dont la cour d'appel aurait dû déduire que cette prime était toujours due et que M. [I] [B] était fondé à réclamer le paiement d'un rappel de salaire correspondant à l'intégralité du montant des primes non versées ; qu'en déboutant M. [I] [B] de cette demande, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble l'article L 1221-1 du code du travail. TROISIEME MOYEN DE CASSATION M. [I] [B] fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir débouté de sa demande d'annulation de la mutation disciplinaire du 21 novembre 2011 et de sa demande de dommages et intérêts pour mutation disciplinaire imposée et injustifiée et au titre du harcèlement moral ; ALORS QU'aucune modification de son contrat de travail ou changement de ses conditions de travail ne peut être imposé à un salarié protégé et que l'acceptation par un salarié protégé d'une modification de son contrat de travail ou d'un changement des conditions de travail ne peut résulter ni de l'absence de protestation de celui-ci, ni de la poursuite par l'intéressé de son travail ; qu'il en résulte qu'un salarié protégé ne peut se voir imposer, sans son accord, une mutation disciplinaire sur un autre site ; qu'en refusant d'annuler la mutation disciplinaire imposée le 21 novembre 2011 à M. [I] [B] sans rechercher, ainsi qu'elle était invitée à le faire, si cette mutation n'était pas constitutive d'une violation du statut protecteur attaché à son mandat de membre élu de la délégation unique du personnel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, L 1221-1, L 1331-1, L 2411-1 et L 2411-5 du code du travail. QUATRIEME MOYEN DE CASSATION M. [I] [B] fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir débouté de sa demande d'annulation de l'avertissement du 26 janvier 2015 et de sa demande de dommages et intérêts pour avertissements injustifiées et au titre du harcèlement moral, 1°) ALORS QU' aux termes de la décision du 19 janvier 2015, l'inspecteur du travail a refusé la demande d'autorisation de licenciement pour faute grave présentée par l'employeur - qui reprochait à M. [I] [B] d'avoir insulté, le 8 novembre 2014, son supérieur hiérarchique, M. [P] [S] - car les témoignages recueillis lors de l'enquête ne permettaient pas d'établir avec certitude la matérialité des faits reprochés ; qu'en retenant, pour rejeter la demande d'annulation de l'avertissement notifiée au salarié le 26 janvier 2015 pour les mêmes faits, que la réalité de ces faits était apparue à l'administration du travail, la cour d'appel a dénaturé la décision précitée en violation de l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; 2°) ALORS QUE l'inspecteur du travail a refusé la demande d'autorisation de licenciement pour faute grave présentée par l'employeur dès lors que les témoignages recueillis lors de l'enquête ne permettaient pas d'établir avec certitude la matérialité des faits reprochés à M. [I] [B] ; que ces motifs, soutien nécessaire de la décision de refus, s'imposent au juge judiciaire ; qu'en retenant, pour rejeter la demande d'annulation de l'avertissement notifiée au salarié le 26 janvier 2015, que l'employeur avait pu prendre une sanction de bien moindre gravité pour les mêmes faits que ceux ayant motivé la demande d'autorisation de licenciement, la cour d'appel a violé la loi des 16-24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III, ensemble le principe de séparation des pouvoirs et de l'autorité de la chose jugée en matière administrative. CINQUIEME MOYEN DE CASSATION M. [I] [B] fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir débouté de sa demande en paiement d'un rappel de salaire et de prime d'expérience du 28 janvier au 15 février 2015 et de dommages et intérêt pour défaut de paiement des salaires et au titre du harcèlement moral, 1°) ALORS QUE celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver et réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation ; que nonobstant la délivrance d'une fiche de paie, c'est à l'employeur, débiteur de cette obligation, qu'il incombe de prouver le paiement du salaire ; qu'en déboutant M. [I] [B] de sa demande de rappel de salaires sur la période de la mise à pied conservatoire injustifiée au motif qu'il ne justifiait pas que ses salaires n'ont pas été payés, ses bulletins de salaire démontrant le contraire, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé l'article 1315 devenu 1353 du code civil ; 2°) ALORS QU'en s'abstenant de répondre aux conclusions d'appel de M. [I] [B] qui faisait valoir que son refus de reprendre le travail immédiatement après l'injonction faite par l'employeur le 26 janvier 2015 était justifié par le fait qu'il n'avait pas été payé de l'intégralité des salaires dont il avait été privé pendant la période de mise à pied conservatoire privée d'effet à la suite du refus de l'inspection du travail d'autoriser son licenciement, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile. SIXIEME MOYEN DE CASSATION M. [I] [B] fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamné à rembourser à la société Serviclean la somme de 15 194,64 € avec intérêts au taux légal à compter des conclusions demandant le remboursement ; 1°) ALORS QUE l'ordonnance rendue le 29 janvier 2015 par le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes de Versailles ayant ordonné à la société Serviclean de verser à M. [I] [B] la somme de 16 000 € à titre de provision à valoir sur la prime « forfait vitrerie » a été annulée, sur appel nullité de la société Serviclean, par la cour d'appel de Versailles aux termes d'un arrêt daté du 21 juin 2018 ; que cet arrêt emporte de plein droit obligation de restitution des sommes versées dans le cadre de l'exécution provisoire attachée à l'ordonnance déférée et constitue le titre exécutoire ouvrant droit à cette restitution ; qu'en faisant néanmoins droit à la demande de remboursement présentée par la société Serviclean et en condamnant le salarié à lui payer la somme de 15 194,64 € avec intérêts aux taux légal à compter des conclusions demandant le remboursement quand l'employeur disposait déjà d'un titre exécutoire pour obtenir la restitution de cette somme, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et a violé les articles L 111-2 et L 111-3 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble les principes régissant l'excès de pouvoir : 2°) ALORS QU'en confirmant le jugement ayant dit que M. [I] [B] devait rembourser à la société Serviclean la somme de 15 194,64 € et en condamnant, une seconde fois, M. [I] [B] à rembourser la somme de 15 194,64 € à la société Serviclean, la cour d'appel a violé l'article 1371 du code civil et les principes régissant l'enrichissement sans cause.
Il résulte des articles L. 1152-1 et L. 1154-1, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, du code du travail, que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail, et, dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Doit être censuré l'arrêt, qui, pour débouter un salarié de sa demande de dommages-intérêts au titre d'un harcèlement moral, retient que celui-ci ne donne aucun élément sur le préjudice qui en serait résulté, alors qu'il lui appartenait préalablement de rechercher si les faits présentés par le salarié ne laissaient pas présumer l'existence d'un harcèlement moral et si, dans l'affirmative, l'employeur prouvait que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement
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N° G 21-87.146 F-B N° 00193 ODVS 15 FÉVRIER 2023 CASSATION SANS RENVOI M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 15 FÉVRIER 2023 M. [H] [G] et les sociétés [11], [8], [10], [9], [13] et [12] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-13, en date du 1er décembre 2021, qui a autorisé l'aliénation d'objets saisis par les autorités judiciaires des Etats-Unis d'Amérique sur demande des autorités judiciaires françaises. Les pourvois sont joints en raison de la connexité. Des mémoires et des observations complémentaires ont été produits. Sur le rapport de M. Ascensi, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan et de la SCP Spinosi, avocats de M. [H] [G] et les sociétés [11], [8], [10], [9], [13] et [12] , et les conclusions de M. Bougy, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 janvier 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Ascensi, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Une requête a été présentée, le 7 juillet 2021, par le Département de la justice des Etats-Unis d'Amérique, saisissant le procureur général près la cour d'appel de Paris en vue d'obtenir l'autorisation de vendre des biens meubles et immeubles appartenant à M. [H] [G] et aux sociétés [11], [8], [10], [9], [13] et [12], et dont la saisie avait été ordonnée au cours de l'information judiciaire diligentée notamment contre M. [G], puis exécutée à la demande des autorités judiciaires françaises par les autorités judiciaires des Etats-Unis d'Amérique, avant que ces biens ne fassent l'objet d'une décision non définitive de confiscation ordonnée par arrêt de la cour d'appel de Paris du 18 septembre 2020. 3. Le 14 octobre 2021, le procureur général près la cour d'appel a saisi cette juridiction d'une requête aux fins de mainlevée des saisies pénales immobilières et mobilières, de vente des biens immeubles et meubles saisis, et de report de la saisie sur le prix de cession. Examen de la recevabilité des pourvois formés par les sociétés [11], [8], [10], [9], [13] et [12] 4. Les pourvois des sociétés [11], [8], [10], [9], [13] et [12] qui contestent la compétence de la cour d'appel pour autoriser l'aliénation, par les autorités judiciaires des Etats-Unis d'Amérique, de biens leur appartenant, sans qu'elles aient été citées à comparaître à l'audience de ladite cour d'appel, sont recevables. Examen des moyens Sur le premier moyen proposé pour M. [G] 5. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Mais sur les deuxième et troisième moyens proposés pour M. [G] et le premier moyen proposé pour les sociétés [11], [8], [10], [9], [13] et [12] Enoncé des moyens 6. Le deuxième moyen proposé pour M. [G] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a fait droit à la requête du ministère public français tendant à autoriser le département américain de justice à vendre, malgré la confiscation pénale non définitive prononcées le 18 septembre 2020 par la chambre 5-13 de la cour d'appel de Paris, les biens immeubles et meubles visés à son dispositif selon les règles en vigueur aux Etats-Unis d'Amérique, et a dit que le produit de ces ventes sera versé sur un compte spécial dépendant du gouvernement américain sur lequel les saisies prononcées par les autorités judiciaires françaises s'appliqueront, dans l'attente du caractère définitif des confiscations prononcées par les autorités judiciaires françaises, alors : « 1°/ que le code de procédure pénale ne permet l'aliénation par anticipation des biens saisis que durant l'enquête ou l'instruction préparatoire ; que cette aliénation par anticipation n'est plus possible une fois que la juridiction de jugement a été saisie ; qu'en autorisant l'alinéation par anticipation des biens susvisés saisis durant l'instruction préparatoire, la cour d'appel, qui a statué après que la juridiction de jugement a été saisie et après qu'elle a prononcé, par un arrêt non définitif, la confiscation de ces biens, a excédé ses pouvoirs et a violé les articles 41-5, 99-2, 706-144, 706-152 du code de procédure pénale ; 2°/ subsidiairement que seuls le juge d'instruction et le juge des libertés et de la détention peuvent autoriser l'alinéation par anticipation des biens saisis durant l'information judiciaire ; que la juridiction de jugement est incompétente pour en décider, même après le renvoi du prévenu, l'article 710 du code de procédure pénale ne lui donnant compétence que pour statuer sur les incidents d'exécution des peines définitivement prononcées ; qu'en autorisant la vente par anticipation de biens saisis malgré leur confiscation non définitive, la chambre des appels correctionnels a méconnu l'étendue de sa compétence en violation des articles 41-5, 99-2, 706-144, 706-152 et 710 du code de procédure pénale ; 3°/ que les débats sont publics, sauf les cas où la loi exige qu'ils aient lieu en chambre du conseil ; qu'en statuant en chambre du conseil sur la requête du parquet général tendant à obtenir l'autorisation, malgré la confiscation pénale non définitive prononcée le 18 septembre 2020 par la chambre des appels correctionnels de cour d'appel de Paris, la vente de biens saisis durant l'instruction préparatoire, la chambre des appels correctionnels a violé les articles 306, 400, 512, 535 et 592 et 710 du code de procédure pénale, ensemble l'article 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme ; 4°/ enfin et encore plus subsidiairement qu'à supposer que la juridiction de jugement puisse autoriser l'aliénation par anticipation de biens saisis puis confisqués de manière non définitive, le principe conventionnel d'égalité exige qu'elle statue à charge d'appel même lorsque la peine de confiscation non définitive a été prononcée par la chambre des appels correctionnels ; qu'en autorisant la vente par anticipation de biens saisis malgré leur confiscation non définitive, la chambre des appels correctionnels, qui a statué en premier et dernier ressort, a violé les articles 6 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme ensemble l'article 1 du protocole n°1 à ladite convention. » 7. Le troisième moyen proposé pour M. [G] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a fait droit à la requête du ministère public français tendant à autoriser le département américain de justice à vendre, malgré la confiscation pénale non définitive prononcées le 18 septembre 2020 par la chambre 5-13 de la cour d'appel de Paris, les biens immeubles et meubles visés à son dispositif selon les règles en vigueur aux Etats-Unis d'Amérique, et a dit que le produit de ces ventes sera versé sur un compte spécial dépendant du gouvernement américain sur lequel les saisies prononcées par les autorités judiciaires françaises s'appliqueront, dans l'attente du caractère définitif des confiscations prononcées par les autorités judiciaires françaises, alors : « 1°/ qu'aucune disposition de droit interne ni aucun traité international ne donnent compétence aux juridictions françaises pour autoriser le département de justice américain à procéder à l'aliénation anticipée de biens saisis sur le territoire des Etats-Unis d'Amérique en exécution d'une ordonnance de saisie d'un juge d'instruction français ; qu'en autorisant, malgré la confiscation pénale non définitive prononcées le 18 septembre 2020 par la chambre 5.13 de la cour d'appel de Paris, la vente des biens immeubles et meubles précités selon les règles en vigueur aux Etats-Unis d'Amérique, et en disant que le produit de ces ventes sera versé sur un compte spécial dépendant du gouvernement américain sur lequel les saisies prononcées par les autorités judiciaires françaises s'appliqueront, dans l'attente du caractère définitif des confiscations prononcées par les autorités judiciaires françaises, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé les articles 10 et 11 du traité d'entraide judiciaire en matière pénale signé par la France et les Etats-Unis d'Amérique le 10 décembre 1998 et les articles 41-5, 99-2, 706-152 et 706-160 du code de procédure pénale ; 2°/ en toute hypothèse que l'alinéation par anticipation de biens saisis à l'étranger en exécution d'une décision judiciaire française est soumise aux conditions prévues par le code de procédure pénale français ; que celui-ci ne permet l'aliénation par anticipation de biens immobiliers que si leurs frais d'immobilisation sont disproportionnés par rapport à leur valeur en l'état ; qu'en énonçant, pour autoriser la vente des biens immobiliers susvisés, qu'il convenait d'éviter leur « déperdition » et en tout cas leur « dévalorisation », et en se fondant encore sur le fait que M. [G] serait en fuite, la cour d'appel, a statué par des motifs inopérants et n'a pas justifié sa décision au regard de l'article 706-152 du code de procédure pénale ; 3°/ que le code de procédure pénale français ne permet d'aliéner par anticipation des biens mobiliers saisis durant l'information judiciaire que si, d'une part, leur restitution s'avère impossible ou si, d'autre part, ils sont confiscables et susceptibles de dévalorisation, et à condition que la conservation des uns et des autres ne soit plus nécessaire à la manifestation de la vérité ; qu'en se bornant à affirmer, pour autoriser l'aliénation des biens mobiliers susvisés, que M. [G] était en fuite et que ces biens étaient susceptibles de déperdition ou de dévalorisation, sans autrement s'expliquer, ni sur la nécessité de les conserver pour la manifestation de la vérité, ni sur l'évolution de leur valeur dans le temps, s'agissant notamment de véhicules de collection, de montres et de bijoux dont ni le ministère public français ni le département américain de la justice ne prétendaient qu'ils seraient susceptibles de dévalorisation, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des articles 41-5 et 99-2 du code de procédure pénale ; 4°/ enfin que l'agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués ne peut aliéner par anticipation des biens saisis au cours de l'instruction que sur l'autorisation du juge des libertés et de la détention ou du juge d'instruction ; qu'en affirmant, pour autoriser le département de justice américain à aliéner par anticipation ces biens, qui avaient été saisis aux Etats-Unis d'Amérique en exécution d'une ordonnance d'un juge d'instruction français, que s'ils étaient situés en France, l'agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués aurait oeuvré pour leur vente sans son autorisation, la cour d'appel a violé les articles 41-5, 99-2 et 706-152 du code de procédure pénale. » 8. Le premier moyen proposé pour les sociétés [11], [8], [10], [9], [13] et [12] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a autorisé, malgré la confiscation pénale non définitive prononcée le 18 septembre 2020 par la chambre 5.13 de la cour d'appel de Paris, la vente du bien immeuble n° 002-4203-334-3120 situé au [Adresse 2] appartenant à la société [10], du bien immeuble n°4384-002-018 situé au [Adresse 4] appartenant à la société [13], du bien immeuble n° 01-3231-062-0590 Unit 3504 situé au [Adresse 1] appartenant à la société [11], des véhicules de marques Bentley Sedan modèle Mulsanne immatriculé [Immatriculation 7] et Mercedes modèle S550 immatriculé [Immatriculation 3] appartenant à la société [9], du véhicule de marque Range Rover immatriculé [Immatriculation 6] appartenant à la société [12] et du véhicule de marque Ferrari immatriculé [Immatriculation 5] appartenant à la société [8], selon les règles en vigueur aux Etats-Unis d'Amérique, et a dit que le produit de ces ventes sera versé sur un compte spécial dépendant du gouvernement américain sur lequel les saisies prononcées par les autorités judiciaires françaises s'appliqueront dans l'attente du caractère définitif des confiscations prononcées par les autorités judiciaires françaises, alors : « 1°/ que d'une part, seules peuvent être exercées les voies de recours prévues par la loi ; qu'aucune disposition légale n'offre au ministère public la possibilité de saisir la juridiction correctionnelle d'une requête aux fins d'aliénation de biens dont la confiscation a été prononcée par une décision antérieure non définitive ; que, dès lors, en statuant sur « la requête de mainlevée des saisies pénales immobilières et mobilières, de vente de biens immeubles et meubles saisis, et de report de la saisie pénale sur le prix de cession », par laquelle le procureur général sollicitait que soit autorisée la vente, selon les règles en vigueur aux Etats-Unis d'Amérique, des biens immeubles et meubles saisis sur le territoire de cet Etat pendant l'information judiciaire et dont la confiscation avait été prononcée par une décision antérieure non définitive, lorsque cette requête était irrecevable, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et méconnu son office, en violation de l'article 591 du Code de procédure pénale ; 2°/ que d'autre part, aucune disposition légale n'attribue à la juridiction correctionnelle ayant prononcé, par une décision antérieure non définitive, la confiscation de biens saisis pendant l'enquête ou l'information judiciaire, la compétence de décider de l'aliénation de ces biens et d'en fixer le régime ; que, dès lors, en autorisant, sur requête du procureur général, la vente des biens meubles et immeubles situés aux Etats-Unis qui avaient été saisis pendant l'information judiciaire et dont elle avait prononcé la confiscation par une décision antérieure non définitive comme étant frappée de pourvoi (n° U20-87.060), la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et méconnu son office, en violation de l'article 591 du Code de procédure pénale, ensemble par fausse application des articles 41-5, 99-2, 706-144, 706-152, 710 du même Code ; 3°/ que d'autre part, aucune convention internationale ni aucune disposition légale interne relative à l'entraide pénale internationale n'attribue aux juridictions correctionnelles françaises la compétence d'autoriser une autorité américaine à aliéner des biens saisis, à la demande des autorités judiciaires françaises, sur le territoire des Etats-Unis d'Amérique et de lui ordonner de consigner les fonds provenant de la vente de ces biens sur un compte spécial ; que, dès lors, en autorisant la vente, selon les règles en vigueur aux Etats-Unis d'Amérique, des biens meubles et immeubles situés sur le territoire de cet Etat dont elle avait prononcé la confiscation par une décision antérieure non définitive comme étant frappée de pourvoi (n° U20-87.060), et en disant que le produit de ces ventes sera versé sur un compte spécial dépendant du gouvernement américain sur lequel les saisies prononcées par les autorités judiciaires françaises s'appliqueront dans l'attente du caractère définitif des confiscations prononcées, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs, méconnu son office et violé le principe de souveraineté des Etats, ensemble l'article 591 du Code de procédure pénale et le traité d'entraide judiciaire en matière pénale entre la France et les Etats-Unis d'Amérique signé à Paris le 10 décembre 1998. 4°/ qu'en tout état de cause, toute atteinte au droit de propriété doit être prévue par la loi et être entourée de garanties procédurales suffisantes ; que, dès lors, en autorisant la vente des biens appartenant aux sociétés exposantes en dehors de tout cadre légal, sans que celles-ci n'aient été citées à comparaître devant elle ni entendues en leurs observations, par une décision rendue en premier et dernier ressort à l'encontre de laquelle aucun recours n'est prévu, la cour d'appel a violé les articles 6§1 de la Convention européenne des droits de l'homme, 1er du premier protocole additionnel à cette Convention et préliminaire du Code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 9. Les moyens sont réunis. Vu l'article 710 du code de procédure pénale : 10. Si, selon ce texte, les juridictions répressives peuvent statuer sur les incidents contentieux relatifs à l'exécution des sentences qu'elles ont prononcées, ainsi que procéder à la rectification des erreurs purement matérielles contenues dans leurs décisions, ces dispositions ne leur donnent pas le pouvoir d'autoriser l'aliénation des biens saisis au cours de la procédure. 11. Pour autoriser l'aliénation par les autorités judiciaires des Etats-Unis d'Amérique des biens saisis, selon les règles étrangères, l'arrêt retient que ces biens sont tous localisés aux Etats-Unis, qu'ils se dévalorisent au fil du temps et que s'ils étaient situés en France, l'AGRASC aurait, sans autorisation de la cour, procédé à leur vente. 12. Les juges ajoutent que le produit de la vente sera versé sur un compte spécial, dans l'attente du caractère définitif des confiscations. 13. Ils concluent qu'afin d'éviter la déperdition des biens confisqués et en tout cas leur dévalorisation supplémentaire, qui n'est de l'intérêt ni de l'Etat français, partie civile, ni-même de M. [G], il y a lieu de faire droit à la requête. 14. En se déterminant ainsi, alors qu'elle ne tenait pas de l'article 710 susvisé, non plus que d'aucune autre disposition législative ou réglementaire, le pouvoir d'autoriser l'aliénation des biens saisis au cours de la procédure, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs. 15. La cassation est par conséquent encourue. Portée et conséquences de la cassation 16. La cassation aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le second moyen de cassation proposé pour les sociétés [11], [8], [10], [9], [13] et [12], la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 1er décembre 2021 ; REJETTE la requête ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris, et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du quinze février deux mille vingt-trois.
La cour d'appel ne tient pas de l'article 710 du code de procédure pénale ni d'aucune autre disposition législative ou réglementaire le pouvoir d'autoriser l'aliénation des biens saisis au cours de l'enquête ou de l'information judiciaire. Encourt la cassation l'arrêt de la cour d'appel qui autorise l'aliénation, par les autorités judiciaires des Etats-Unis d'Amérique, des biens saisis par ces autorités à la demande des autorités judiciaires françaises
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N° M 22-83.956 F-B N° 00194 ODVS 15 FÉVRIER 2023 CASSATION M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 15 FÉVRIER 2023 Le procureur général près la cour d'appel de Dijon a formé un pourvoi contre l'arrêt du président de la chambre de l'instruction de ladite cour d'appel, en date du 25 mai 2022, qui, dans la procédure suivie contre M. [V] [J] du chef d'infractions à la législation sur les armes, a infirmé la décision de destruction d'objet saisi rendue par le procureur de la République. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. Ascensi, conseiller référendaire, et les conclusions de M. Bougy, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 janvier 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Ascensi, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Dans le cadre de l'enquête de flagrance diligentée contre M. [V] [J] du chef de port d'arme de catégorie D, a été saisi un couteau à cran d'arrêt. 2. A l'issue de l'enquête, le procureur de la République a fait procéder à un rappel à la loi de ce chef. 3. Par ailleurs, les enquêteurs ont notifié à l'intéressé la décision prise par le procureur de la République de détruire le couteau placé sous main de justice. 4. Cette décision a été notifiée oralement à l'intéressé le 12 février 2022 selon procès-verbal de la même date. 5. Le procès-verbal énonce que la décision de destruction a été prise au motif que le couteau constitue un produit dangereux et nuisible, et dont la détention est illicite, et que son maintien sous scellé n'est plus nécessaire à la manifestation de la vérité. 6. M. [J] a contesté la décision du procureur de la République par déclaration faite à l'officier de police judiciaire. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a été rendu par le président de la chambre de l'instruction, en violation des dispositions de l'article 41-5 du code de procédure pénale. Réponse de la Cour Vu l'article 41-5 du code de procédure pénale : 8. Selon ce texte, la décision par laquelle le procureur de la République ordonne la destruction des biens meubles saisis dont la conservation n'est plus nécessaire à la manifestation de la vérité, s'il s'agit d'objets qualifiés par la loi de dangereux ou nuisibles, ou dont la détention est illicite, est notifiée par tout moyen aux personnes ayant des droits sur le bien, si celles-ci sont connues, et aux personnes mises en cause, qui peuvent la contester devant la chambre de l'instruction. 9. En statuant seul sur la contestation de M. [J] contre la décision de destruction prise par le procureur de la République, le président de la chambre de l'instruction a excédé ses pouvoirs. 10. La cassation est par conséquent encourue. Et sur les deuxième et troisième moyens Enoncé des moyens 11. Le deuxième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il déclare la décision du procureur de la République inexistante, en l'absence de décision formalisée, ce qui ne permet pas d'apprécier la pertinence de la motivation, ni les éléments de fait et de droit, pas plus que le fondement juridique de cette décision, alors que l'article 41-5 du code de procédure pénale n'impose au ministère public aucune forme particulière que doit revêtir la décision de destruction des biens meubles saisis et n'exclut pas que cette décision soit prise sans support écrit préalable et soit ensuite notifiée oralement par l'officier de police judiciaire en charge de l'enquête. 12. Le troisième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il énonce que le fondement juridique invoqué à l'audience de la chambre de l'instruction par le ministère public, à savoir l'article 41-5 du code de procédure pénale, comme permettant une décision orale, prévoit en réalité à l'alinéa 6 la nécessité d'une motivation et la possibilité d'une notification orale de la décision, ce qui contredit la décision de déclarer inexistante la décision du procureur de la République. Réponse de la Cour 13. Les moyens sont réunis. Vu l'article 41-5 du code de procédure pénale : 14. Selon ce texte, la décision par laquelle le procureur de la République ordonne la destruction des biens meubles saisis dont la conservation n'est plus nécessaire à la manifestation de la vérité, s'il s'agit d'objets qualifiés par la loi de dangereux ou nuisibles, ou dont la détention est illicite, est motivée. Elle est notifiée par tout moyen aux personnes ayant des droits sur le bien, si celles-ci sont connues, et aux personnes mises en cause. 15. Il ressort des travaux préparatoires de la loi n° 2015-177 du 16 février 2015 dont sont issues ces dispositions que celles-ci ont été adoptées afin de simplifier le régime juridique applicable à la gestion des scellés au cours de l'enquête préliminaire ou de flagrance. 16. Il se déduit de ce qui précède que la décision de destruction prise par le procureur de la République peut être écrite ou orale, à condition que le procès-verbal d'enquête rende compte de cette décision et de ses motifs. 17. Pour déclarer la décision du procureur de la République inexistante, l'arrêt retient que les pièces de la procédure établissent que celle-ci a été verbale et qu'en l'absence de décision formalisée, il ne peut être apprécié la pertinence de la motivation, ni les éléments de fait et de droit, pas plus que le fondement juridique de la décision. 18. En se déterminant ainsi, alors que l'existence de la décision du procureur de la République ressortait du procès-verbal de notification de celle-ci et que ce procès-verbal en énonçait les motifs, le président de la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus énoncé. 19. La cassation est par conséquent à nouveau encourue. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le quatrième moyen de cassation proposé, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé du président de la chambre de l'instruction de Dijon, en date du 25 mai 2022, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ; RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Dijon, autrement présidée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de Dijon et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du quinze février deux mille vingt-trois.
Selon l'article 41-5 du code de procédure pénale, la décision par laquelle le procureur de la République ordonne la destruction des biens meubles saisis dont la conservation n'est plus nécessaire à la manifestation de la vérité, s'il s'agit d'objets qualifiés par la loi de dangereux ou nuisibles, ou dont la détention est illicite, est notifiée par tout moyen aux personnes ayant des droits sur le bien, si celles-ci sont connues, et aux personnes mises en cause, qui peuvent la contester devant la chambre de l'instruction. Excède ses pouvoirs le président de la chambre de l'instruction qui statue seul sur la contestation de la décision de destruction prise par le procureur de la République
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 16 février 2023 Cassation partielle M. PIREYRE, président Arrêt n° 165 FS-B Pourvoi n° N 21-17.207 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 FÉVRIER 2023 La société [8], société anonyme sportive professionnelle, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° N 21-17.207 contre l'arrêt n° RG : 19/04305 rendu le 26 mars 2021 par la cour d'appel de Toulouse (4e chambre sociale, section 3), dans le litige l'opposant : 1°/ à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de Midi-Pyrénées, dont le siège est [Adresse 3], 2°/ à M. [L] [W], domicilié [Adresse 4], 3°/ à M. [Z] [J], domicilié [Adresse 5], 4°/ à M. [T] [R], domicilié [Adresse 2], 5°/ à M. [Y] [V], domicilié [Adresse 6], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Rovinski, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société [8], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF de Midi-Pyrénées, et l'avis de Mme Tuffreau, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 10 janvier 2023 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Rovinski, conseiller rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, Mmes Coutou, Renault-Malignac, Cassignard, M. Leblanc, conseillers, Mmes Vigneras, Dudit, M. Labaune, conseillers référendaires, Mme Tuffreau, avocat général référendaire, et Mme Catherine, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 26 mars 2021), à la suite d'un contrôle portant sur les années 2013 à 2015, l'URSSAF de Midi-Pyrénées (l'URSSAF) a notifié à la société anonyme sportive professionnelle [8] (la société) une lettre d'observations du 14 octobre 2016, puis une mise en demeure du 22 décembre 2016. 2. La société a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 3. La société fait grief à l'arrêt de rejeter son recours, alors : « 1°/ qu'en vertu de l'article R. 243-59, premier alinéa, du code de la sécurité sociale, tout contrôle effectué en application de l'article L. 243-7 du même code est précédé de l'envoi par l'organisme chargé du recouvrement des cotisations d'un avis adressé à l'employeur ; que l'absence d'une mention non prévue par le code de la sécurité sociale au sein de l'avis de contrôle entraîne la nullité du redressement mis en oeuvre dès lors que cette situation constitue intrinsèquement une violation des droits de la défense du cotisant ; que selon les articles L. 225-1-1 quinquies et D. 213-1-2 du code de la sécurité sociale, l'ACOSS peut requérir des URSSAF qu'elles opèrent des actions concertées de contrôle et de recouvrement ; que par application combinée de ces textes, l'avis adressé à l'employeur préalablement au contrôle doit préciser qu'il est engagé dans le cadre d'un contrôle concerté décidé par l'ACOSS en vertu de l'article L. 225-1-1 du code de la sécurité sociale lorsque c'est le cas ; que la société a invoqué, dans ses conclusions d'appel, l'irrégularité de l'avis de contrôle et, subséquemment, la nullité des opérations de contrôle et de redressement, dès lors que cet avis ne mentionnait pas que le contrôle avait été diligenté dans le cadre d'un contrôle concerté et ne visait pas l'article L. 225-1-1 du code de la sécurité sociale ; que pour écarter ce moyen la cour d'appel a retenu que, bien qu'il ne fasse mention ni d'un contrôle concerté ni de l'article L. 225-1-1 du code de la sécurité sociale, l'avis de contrôle comprenait les mentions explicitement visées à l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale, qu'il « précise la nature des documents et éléments chiffrés concernés par les opérations de vérification, rappelle la possibilité d'assistance par un conseil de son choix et fait état de la charte du cotisant en indiquant le site où elle peut être consultée » et que « la circonstance qu'il ne fasse pas mention que le contrôle s'inscrit dans le cadre d'un contrôle concerté, décidé par l'agence centrale des organismes de sécurité sociale, est sans incidence sur le respect des droits de la défense dès lors que la nature du contrôle et la procédure de contrôle en elle-même sont en tout état de cause identiques » ; qu'en statuant ainsi quand l'obligation de motivation conforme de l'avis de contrôle, qui est d'ordre public, est méconnue en présence, comme en l'espèce, d'un avis n'informant pas le cotisant que le contrôle dont il fait l'objet est mis en oeuvre dans le cadre d'un contrôle concerté décidé par l'ACOSS, ce peu important que la mention dans l'avis du caractère concerté du contrôle ne soit pas expressément visée par l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale, la cour d'appel a violé les articles L. 225-1-1, R. 243-59 et D. 213-1-2 du code de la sécurité sociale pris en leur version applicable, ensemble l'article 6 § 1 de la CESDH ; 2°/ que l'avis adressé à l'employeur préalablement au contrôle doit préciser qu'il est engagé dans le cadre d'un contrôle concerté décidé par l'ACOSS en vertu de l'article L. 225-1-1 du code de la sécurité sociale lorsque c'est le cas ; que l'irrégularité des documents exigés lors de la procédure de redressement entache la procédure de redressement de nullité, sans que le cotisant n'ait à démontrer l'existence d'un grief ; que la société a invoqué, dans ses conclusions d'appel, l'irrégularité de l'avis de contrôle et, subséquemment, la nullité des opérations de contrôle et de redressement, dès lors que l'avis qui lui a été adressé ne mentionnait pas que le contrôle avait été diligenté dans le cadre d'un contrôle concerté et ne visait pas l'article L. 225-1-1 du code de la sécurité sociale ; que pour écarter ce moyen la cour d'appel a encore retenu que l'avis de contrôle a été adressé « dans un délai suffisant pour lui permettre d'organiser sa défense y compris en prenant attache, si elle le juge utile, avec l'Union des clubs professionnels de Rugby, avisée un mois au préalable de l'existence d'un contrôle concerté, de la période concernée par le contrôle », que « l'Union des clubs professionnels de Rugby ayant été informée un mois auparavant, par l'agence centrale des organismes de sécurité sociale, de l'inscription au plan national des URSSAF pour 2016 de contrôles concertés pour les clubs de rugby du Top 14 et de la désignation de l'URSSAF Midi-Pyrénées pour "piloter" ce contrôle, ce dernier s'inscrit dans le cadre d'un respect loyal des droits de la défense » et que « la société... a bien eu la possibilité, si elle l'estimait utile, de se concerter avec les autres clubs de rugby professionnel, pour organiser sa défense préalablement à la première visite de l'inspecteur du recouvrement » ; qu'en statuant ainsi cependant que l'obligation de motivation conforme de l'avis de contrôle est d'ordre public en ce qu'elle conditionne le respect des droits de la défense du cotisant de sorte que sa mise en oeuvre est impérative à peine de nullité du redressement subséquent sans que ne soit exigée la preuve d'un préjudice en découlant pour le cotisant, ce dont il résulte que l'URSSAF avait l'obligation de préciser dans l'avis que le contrôle était mis en oeuvre dans le cadre d'un contrôle concerté quelle que soit l'information donnée parallèlement par l'URSSAF à l'Union des Clubs Professionnels de Rugby, la cour d'appel a violé les articles L. 225-1-1, R. 243-59 et D. 213-1-2 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article 6 § 1 de la CESDH. » Réponse de la Cour 4. L'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale n'exige pas que l'avis préalable qu'il prévoit mentionne le caractère concerté du contrôle. 5. Dès lors, c'est à bon droit que la cour d'appel, sans encourir les griefs du moyen, a dit que la circonstance que l'avis préalable ne fasse pas mention que le contrôle s'inscrivait dans le cadre d'un contrôle concerté, décidé par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, était sans incidence sur sa régularité. 6. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. Sur le troisième moyen Enoncé du moyen 7. La société fait le même grief à l'arrêt, alors : « 1°/ qu'il résulte des articles 480 du code de procédure civile et 1351, devenu 1355, du code civil, que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement et a été tranché dans son dispositif ; que l'autorité de la chose jugée ne peut être invoquée qu'en cas de triple identité de parties, de cause et d'objet entre l'action définitivement jugée et la nouvelle demande ; que le jugement statuant sur un redressement distinct, ayant donné lieu à une lettre d'observations et une mise en demeure distinctes, ne statue pas sur le même objet et n'est donc revêtu d'aucune autorité de la chose jugée relativement aux redressements ultérieurs intervenus par lettre d'observations et lettre de mise en demeure distinctes et portant sur une autre période ; qu'en conséquence les observations pour l'avenir effectuées au titre d'une pratique lors d'un précédent redressement ne rendent pas le cotisant irrecevable à contester le redressement infligé au titre de cette même pratique lors d'un contrôle ultérieur ; qu'en décidant au contraire que dès lors que la société avait fait l'objet d'une observation sur l'avenir dans une lettre d'observations du 25 septembre 2009 au titre de la requalification en contrat de travail de l'intervention du personnel médical et paramédical, elle était irrecevable à contester le chef de redressement n° 18 afférent à l'assujettissement et à l'affiliation au régime général du staff médical et paramédical au titre des années 2013, 2014 et 2015, la cour d'appel a violé les articles 480 du code de procédure civile et 1355 du code civil ; 2°/ que la notification à un cotisant d'une observation pour l'avenir, confirmée en justice, ne le rend pas irrecevable à contester en justice le redressement intervenu ultérieurement dans le cadre d'un contrôle URSSAF sur un même fondement ; qu'en décidant au contraire que dès lors que la société avait fait l'objet d'une observation sur l'avenir dans une lettre d'observations du 25 septembre 2009 au titre de la requalification en contrat de travail de l'interventions du personnel médical, elle était irrecevable à contester le chef de redressement n° 18 afférent à l'assujettissement et à l'affiliation au régime général du staff médical et paramédical au titre des années 2013, 2014 et 2015, la cour d'appel a violé les articles L. 244-2, L. 243-7 et L. 243-12-4 du code de la sécurité sociale dans leur version applicable au jour de l'exigibilité des cotisations ; 3°/ que les juges ne peuvent statuer sur le fond après avoir déclaré une action irrecevable ; qu'en l'espèce ayant déclaré la société irrecevable à contester le chef de redressement n° 18 afférent à l'assujettissement et à l'affiliation au régime général du staff médical et paramédical au titre des années 2013, 2014 et 2015, la cour d'appel ne pouvait, dans le même temps, statuer au fond et décider que le chef de redressement est justifié pour son entier montant compte tenu du lien de subordination existant entre le club et les intervenant médicaux et paramédicaux ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a en conséquence violé l'article 122 du code de procédure civile ; 4°/ que le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur, qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; que pour déduire l'existence d'un tel lien de subordination entre le club de rugby et les intervenants médicaux et paramédicaux, la cour d'appel s'est bornée à relever « l'existence d'un service organisé par la société... au sein duquel interviennent des médecins, des masseurs-kinésithérapeutes et un ostéopathe », service coordonné par deux médecins salariés, que les intervenants médicaux et paramédicaux ont l'obligation d'être présents lors des matchs, que l'activité médicale est exercée dans les locaux du club avec les moyens et matériels du club, que les intervenants reçoivent des honoraires mensuels, l'existence d'une « hiérarchisation des intervenants », ainsi que « la cosignature des conventions d'honoraires » ; qu'en statuant ainsi par des motifs insusceptibles d'établir un pouvoir de direction, de contrôle et sanction du club de rugby à l'égard des intervenants médicaux et paramédicaux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 242-1, L. 311-2 et L. 311-11 du code de la sécurité sociale et de l'article L. 1221-1 du code du travail pris en leur version applicable à la date d'exigibilité des cotisations sociales ; 5°/ que sont présumés ne pas être liés avec le donneur d'ordre par un contrat de travail dans l'exécution de l'activité donnant lieu à immatriculation ou inscription les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers, au registre des agents commerciaux ou auprès des URSSAF pour le recouvrement des cotisations d'allocations familiales ; que la société exposante faisait valoir, en l'espèce, que les intervenants médicaux et paramédicaux devaient se voir appliquer la présomption de non-salariat au regard de leur activité libérale en qualité d'indépendant inscrit auprès de l'URSSAF ; qu'en énonçant au contraire que « la circonstance que les autres médecins et intervenants paramédicaux disposent d'un cabinet médical ou paramédical avec une patientèle propre n'est pas exclusive de l'existence d'un lien de subordination lors de leurs participations au service de soins organisé au sein de la société alors que la présomption de non-salariat ne peut concerner que leur activité libérale dans leurs propres cabinets », cependant que dès lors que ces intervenant médicaux et paramédicaux avaient le statut d'indépendant inscrit auprès de l'URSSAF la présomption de non salariat devait s'appliquer peu important que leur activité se déroule ou non dans leur cabinet médicaux, la cour d'appel a violé, par refus d'application, les articles L. 8221-6 I 3° et L. 8221-6-1 du code du travail. » Réponse de la Cour 8. Selon l'article L. 8221-6, I, du code du travail, dans sa rédaction applicable à la date d'exigibilité des cotisations et contributions litigieuses, les personnes physiques, dans l'exécution de l'activité donnant lieu à immatriculation aux registres ou répertoires que ce texte énumère, sont présumées ne pas être liées avec le donneur d'ordre par un contrat de travail. L'existence d'un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque ces personnes fournissent des prestations dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard du donneur d'ordre. 9. Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné, le travail au sein d'un service organisé pouvant constituer un indice du lien de subordination lorsque l'employeur détermine unilatéralement les conditions d'exécution du travail. 10. L'arrêt relève qu'il résulte des constatations des inspecteurs de recouvrement que le docteur [J], médecin généraliste, qui a sous sa responsabilité les différents intervenants en charge du suivi médical des sportifs de l'équipe professionnelle, est, à ce titre, directement rattaché à la direction générale de la société, qu'il cosigne avec le président de la société les conventions d'honoraires des intervenants paramédicaux et a été embauché en qualité de salarié à compter de la saison sportive 2014/2015 en vue d'occuper les mêmes fonctions que celles qui lui étaient dévolues lors des saisons sportives précédentes, que seul M. [M] a été déclaré en qualité de salarié sur cette période, qu'à compter de la saison 2014/2015, M. [E] a été engagé comme salarié, en sa qualité de masseur-kinésithérapeute, préparateur physique et coordinateur des services médicaux et sportifs de l'équipe professionnelle, que le docteur [J] participe à la coordination de l'ensemble des activités des autres membres du staff encore rémunérés en honoraires. 11. L'arrêt ajoute que le règlement de la Ligue nationale impose aux clubs la présence de l'encadrement médical pendant les entraînements et les matchs, que l'activité médicale et paramédicale est exercée dans les locaux du club où évoluent les joueurs et comprend également la couverture des matchs tant à domicile qu'à l'extérieur, les « mises au vert », les « décrassages » ainsi que les stages, que les moyens matériels et produits consommables nécessaires et suffisants aux actes médicaux et paramédicaux sont directement et intégralement pris en charge par le club et qu'il en est de même des frais de déplacement nécessaires au bon déroulement de l'activité des intéressés, que le staff médical et paramédical est rémunéré mensuellement selon un forfait en application d'une convention conclue lors de chaque saison sportive pour une durée de douze mois, les intervenants médicaux n'établissant pas de feuille de soins nominative et ne percevant pas d'honoraires de clientèle, les montants forfaitaires perçus ayant été déclarés en tant qu'honoraires par chaque bénéficiaire au titre d'une activité libérale indépendante et non en tant qu'éléments d'une rémunération par la société au titre d'une activité salariée. 12. L'arrêt précise que les constatations des inspecteurs sont de même nature que celles faites dans le cadre de l'observation pour l'avenir contenue dans la lettre d'observations du 25 septembre 2009, les docteurs [V] et [J] y étant mentionnés comme chargés du « management du service », et qu'elles mettent en évidence l'existence d'un service organisé par la société au sein duquel interviennent des médecins, des masseurs-kinésithérapeutes et un ostéopathe, que ce service est coordonné et organisé par le docteur [J], dans les liens d'un contrat de travail avec la société depuis la dernière année contrôlée. 13. De ces constatations et énonciations relevant de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve débattus devant elle, la cour d'appel, sans encourir aucun des griefs du moyen, faisant ressortir l'existence d'un lien de subordination juridique permanente entre les intéressés et la société, en a exactement déduit que les sommes qui leur étaient versées étaient assujetties aux cotisations sociales. 14. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 15. La société fait le même grief à l'arrêt, alors : « 1°/ que selon l'article L. 243-7-2 du code de la sécurité sociale, dans sa version issue de la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009, afin d'en restituer le véritable caractère, les URSSAF « sont en droit d'écarter, comme ne leur étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes aient un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'aient pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les contributions et cotisations sociales d'origine légale ou conventionnelle auxquelles le cotisant est tenu au titre de la législation sociale ou que le cotisant, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées, eu égard à sa situation ou à ses activités réelles » ; qu'en cas de redressement fondé sur l'abus de droit reproché au cotisant l'URSSAF doit appliquer la procédure afférente ; qu'elle doit notamment, à la demande du cotisant et en cas de désaccord sur les rectifications, soumettre la procédure à l'avis du comité des abus de droit ; qu'en l'espèce, tel qu'il ressort des propres constatations de l'arrêt, le chef de redressement n° 6 infligé à la société tient à la prétendue manoeuvre reprochée au club de rugby ayant consisté à rémunérer en partie l'un de ses joueurs, M. [O] [H], sous la forme de versements d'honoraires pour droit à l'image à une société « en contrepartie de la prétendue exploitation de l'image individuelle du joueur » et ce afin, selon la lettre d'observations, « d'éluder le paiement des cotisations sociales sur la partie du salaire réglée sous forme de droits à l'image considérés comme des revenus mobiliers » ; que ce motif de redressement tiré du reproche fait au club de rugby d'avoir entendu « éluder le paiement des cotisations sociales » en contrepartie de la « prétendue exploitation de l'image individuelle » du joueur répond clairement à la définition de l'abus de droit tel que découlant de la loi ; qu'en écartant néanmoins l'application de cette procédure aux motifs impropres que « ces termes de la lettre d'observations ne sont pas de nature à induire que les inspecteurs du recouvrement ont retenu l'existence d'un acte fictif comme allégué par la société. Ils ne peuvent être interprétés comme signifiant que cet acte a pu n'être inspiré par aucun autre motif que celui d'éluder les cotisations et contributions sociales dues, puisque ce chef de redressement ne porte que sur le droit à l'image individuel d'un seul joueur (M. [O] [H]) et pour une seule année (2013). La référence aux droits éludés correspond donc en réalité au constat que les cotisations et contributions sociales n'ont pas été payées, ce qui est le cas de tout redressement, et que le seul qualificatif de "prétendue" est insuffisant pour permettre à la cour de considérer que les inspecteurs du recouvrement se sont placés sur le terrain d'un abus de droit pour procéder à ce chef de redressement, alors qu'ils ont ensuite développés un argumentaire, notamment en lien avec un précédent contrôle, qui doit être examiné lors de l'examen sur le fond de ce chef de redressement et qui est de nature à expliciter le qualificatif inapproprié utilisé au stade des constatations que la cour a reprises », la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations desquelles il ressortait que le chef redressement était fondé sur la volonté de la société exposante « d'éluder le paiement des cotisations sociales » par l'entremise d'une « prétendue exploitation de l'image individuelle du joueur » ce qui correspond juridiquement à la définition de l'abus de droit du cotisant, a violé les articles L. 243-7-2 et R. 243-60-1 du code de la sécurité sociale dans leur version applicable au litige. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 243-7-2, R. 243-60-1 et R. 243-60-3 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige : 16. Aux termes du premier de ces textes, afin d'en restituer le véritable caractère, les organismes mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-1 sont en droit d'écarter, comme ne leur étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes aient un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'aient pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les contributions et cotisations sociales d'origine légale ou conventionnelle auxquelles le cotisant est tenu au titre de la législation sociale ou que le cotisant, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées, eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. 17. Lorsque l'organisme de sécurité sociale écarte un acte juridique dans les conditions ci-dessus, il se place nécessairement sur le terrain de l'abus de droit. Il en résulte qu'il doit se conformer à la procédure prévue par les textes susvisés et qu'à défaut de ce faire, les opérations de contrôle et celles, subséquentes, de recouvrement sont entachées de nullité. 18. L'arrêt relève que les inspecteurs du recouvrement ont considéré que le versement d'honoraires par la société à la société [7], en contrepartie de l'exploitation de l'image individuelle du joueur du club, constituait un complément de rémunération comme découlant de l'exécution normale du contrat de travail liant le joueur professionnel à la société. Il retient que les termes de la lettre d'observations ne sont pas de nature à induire que les inspecteurs du recouvrement ont retenu l'existence d'un acte fictif et ne peuvent pas être interprétés comme signifiant que cet acte a pu n'être inspiré par aucun autre motif que celui d'éluder les cotisations et contributions sociales dues. Il ajoute que la référence aux droits éludés correspond au constat que les cotisations et contributions sociales n'ont pas été payées, ce qui est le cas de tout redressement, et que le seul qualificatif de « prétendue exploitation de l'image individuelle du joueur » est insuffisant pour permettre de considérer que les inspecteurs du recouvrement se sont placés sur le terrain d'un abus de droit pour procéder au redressement, alors qu'ils ont ensuite développé un argumentaire sur le fond, notamment en lien avec un précédent contrôle. 19. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que l'organisme de recouvrement avait écarté la convention litigieuse au motif qu'elle avait pour seul objet d'éluder le paiement des cotisations sociales, ce dont il résultait qu'il s'était implicitement placé sur le terrain de l'abus de droit pour opérer le redressement, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il dit que la contrainte est régulière et valide l'observation pour l'avenir, l'arrêt rendu le 26 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ; Condamne l'URSSAF de Midi-Pyrénées aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'URSSAF de Midi-Pyrénées et la condamne à payer à la société [8] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé en l'audience publique du seize février deux mille vingt-trois par Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et signé par elle, en remplacement du président empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société anonyme sportive professionnelle (SASP) [8] PREMIER MOYEN DE CASSATION (Sur le moyen de nullité du contrôle tiré de l'absence de mention dans l'avis de contrôle de ce qu'il s'inscrit dans le cadre d'un contrôle concerté) La SASP [8] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement entrepris en toutes ses dispositions, d'AVOIR dit que les opérations de contrôle sont régulières, d'AVOIR dit que la contrainte est régulière, d'AVOIR validé l'observation pour l'avenir nº20, d'AVOIR validé le redressement pour un montant ramené à 684.390.91 € en cotisations et contributions outre d'une part les majorations de retard qui devront être recalculées et d'autre part les majorations complémentaires de retard, de l'AVOIR condamnée à payer à l'URSSAF Midi-Pyrénées ces sommes, et de l'AVOIR déboutée de l'intégralité de ses demandes ; 1. ALORS QU'en vertu de l'article R. 243-59 premier alinéa du code de la sécurité sociale, tout contrôle effectué en application de l'article L. 243-7 du même code est précédé de l'envoi par l'organisme chargé du recouvrement des cotisations d'un avis adressé à l'employeur ; que l'absence d'une mention non prévue par le code de la sécurité sociale au sein de l'avis de contrôle entraîne la nullité du redressement mis en oeuvre dès lors que cette situation constitue intrinsèquement une violation des droits de la défense du cotisant ; que selon les articles L. 225-1-1 quinquies et D. 213-1-2 du code de la sécurité sociale, l'ACOSS peut requérir des URSSAF qu'elles opèrent des actions concertées de contrôle et de recouvrement ; que par application combinée de ces textes, l'avis adressé à l'employeur préalablement au contrôle doit préciser qu'il est engagé dans le cadre d'un contrôle concerté décidé par l'ACOSS en vertu de l'article L. 225-1-1 du code de la sécurité sociale lorsque c'est le cas ; que la SASP [8] a invoqué, dans ses conclusions d'appel, l'irrégularité de l'avis de contrôle et, subséquemment, la nullité des opérations de contrôle et de redressement, dès lors que cet avis ne mentionnait pas que le contrôle avait été diligenté dans le cadre d'un contrôle concerté et ne visait pas l'article L. 225-1-1 du code de la sécurité sociale (conclusions p. 9 à 16) ; que pour écarter ce moyen la cour d'appel a retenu que, bien qu'il ne fasse mention ni d'un contrôle concerté ni de l'article L. 225-1-1 du code de la sécurité sociale, l'avis de contrôle comprenait les mentions explicitement visées à l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale, qu'il « précise la nature des documents et éléments chiffrés concernés par les opérations de vérification, rappelle la possibilité d'assistance par un conseil de son choix et fait état de la charte du cotisant en indiquant le site où elle peut être consultée » et que « la circonstance qu'il ne fasse pas mention que le contrôle s'inscrit dans le cadre d'un contrôle concerté, décidé par l'agence centrale des organismes de sécurité sociale, est sans incidence sur le respect des droits de la défense dès lors que la nature du contrôle et la procédure de contrôle en elle-même sont en tout état de cause identiques » (arrêt p. 5 § 4) ; qu'en statuant ainsi quand l'obligation de motivation conforme de l'avis de contrôle, qui est d'ordre public, est méconnue en présence, comme en l'espèce, d'un avis n'informant pas le cotisant que le contrôle dont il fait l'objet est mis en oeuvre dans le cadre d'un contrôle concerté décidé par l'ACOSS, ce peu important que la mention dans l'avis du caractère concerté du contrôle ne soit pas expressément visée par l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale, la cour d'appel a violé les articles L. 225-1-1, R. 243-59 et D. 213-1-2 du code de la sécurité sociale pris en leur version applicable, ensemble l'article 6 § 1 de la CESDH ; 2. ALORS QUE l'avis adressé à l'employeur préalablement au contrôle doit préciser qu'il est engagé dans le cadre d'un contrôle concerté décidé par l'ACOSS en vertu de l'article L. 225-1-1 du code de la sécurité sociale lorsque c'est le cas ; que l'irrégularité des documents exigés lors de la procédure de redressement entache la procédure de redressement de nullité, sans que le cotisant n'ait à démontrer l'existence d'un grief ; que la SASP [8] a invoqué, dans ses conclusions d'appel, l'irrégularité de l'avis de contrôle et, subséquemment, la nullité des opérations de contrôle et de redressement, dès lors que l'avis qui lui a été adressé ne mentionnait pas que le contrôle avait été diligenté dans le cadre d'un contrôle concerté et ne visait pas l'article L. 225-1-1 du code de la sécurité sociale (conclusions p. 9 à 16) ; que pour écarter ce moyen la cour d'appel a encore retenu que l'avis de contrôle a été adressé « dans un délai suffisant pour lui permettre d'organiser sa défense y compris en prenant attache, si elle le juge utile, avec l'Union des clubs professionnels de Rugby, avisée un mois au préalable de l'existence d'un contrôle concerté, de la période concernée par le contrôle », que « l'Union des clubs professionnels de Rugby ayant été informée un mois auparavant, par l'agence centrale des organismes de sécurité sociale, de l'inscription au plan national des URSSAF pour 2016 de contrôles concertés pour les clubs de rugby du Top 14 et de la désignation de l'URSSAF Midi-Pyrénées pour "piloter" ce contrôle, ce dernier s'inscrit dans le cadre d'un respect loyal des droits de la défense » et que « la société [8] a bien eu la possibilité, si elle l'estimait utile, de se concerter avec les autres clubs de rugby professionnel, pour organiser sa défense préalablement à la première visite de l'inspecteur du recouvrement » (arrêt p. 5 § 3 et 5) ; qu'en statuant ainsi cependant que l'obligation de motivation conforme de l'avis de contrôle est d'ordre public en ce qu'elle conditionne le respect des droits de la défense du cotisant de sorte que sa mise en oeuvre est impérative à peine de nullité du redressement subséquent sans que ne soit exigée la preuve d'un préjudice en découlant pour le cotisant, ce dont il résulte que l'URSSAF avait l'obligation de préciser dans l'avis que le contrôle était mis en oeuvre dans le cadre d'un contrôle concerté quelle que soit l'information donnée parallèlement par l'URSSAF à l'Union des Clubs Professionnels de Rugby, la cour d'appel a violé les articles L. 225-1-1, R. 243-59 et D. 213-1-2 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article 6 § 1 de la CESDH. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION (Sur le moyen de nullité des opérations de contrôle tiré du non-respect de la procédure d'abus de droit) La SASP [8] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement entrepris en toutes ses dispositions, d'AVOIR dit que les opérations de contrôle sont régulières, d'AVOIR dit que la contrainte est régulière, d'AVOIR validé l'observation pour l'avenir nº20, d'AVOIR validé le redressement pour un montant ramené à 684.390.91 € en cotisations et contributions outre d'une part les majorations de retard qui devront être recalculées et d'autre part les majorations complémentaires de retard, de l'AVOIR condamnée à payer à l'URSSAF Midi-Pyrénées ces sommes, et de l'AVOIR déboutée de l'intégralité de ses demandes ; 1. ALORS QUE selon l'article L. 243-7-2 du code de la sécurité sociale, dans sa version issue de la loi n°2009-526 du 12 mai 2009, afin d'en restituer le véritable caractère, les URSSAF « sont en droit d'écarter, comme ne leur étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes aient un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'aient pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les contributions et cotisations sociales d'origine légale ou conventionnelle auxquelles le cotisant est tenu au titre de la législation sociale ou que le cotisant, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées, eu égard à sa situation ou à ses activités réelles » ; qu'en cas de redressement fondé sur l'abus de droit reproché au cotisant l'URSSAF doit appliquer la procédure afférente ; qu'elle doit notamment, à la demande du cotisant et en cas de désaccord sur les rectifications, soumettre la procédure à l'avis du comité des abus de droit ; qu'en l'espèce, tel qu'il ressort des propres constatations de l'arrêt, le chef de redressement n° 6 infligé à la SASP [8], tient à la prétendue manoeuvre reprochée au club de rugby ayant consisté à rémunérer en partie l'un de ses joueurs, M. [O] [H], sous la forme de versements d'honoraires pour droit à l'image à une société « en contrepartie de la prétendue exploitation de l'image individuelle du joueur » et ce afin, selon la lettre d'observations, « d'éluder le paiement des cotisations sociales sur la partie du salaire réglée sous forme de droits à l'image considérés comme des revenus mobiliers » (lettre d'observations p. 15) ; que ce motif de redressement tiré du reproche fait au club de rugby d'avoir entendu « éluder le paiement des cotisations sociales » en contrepartie de la « prétendue exploitation de l'image individuelle » du joueur répond clairement à la définition de l'abus de droit tel que découlant de la loi ; qu'en écartant néanmoins l'application de cette procédure aux motifs impropres que « ces termes de la lettre d'observations ne sont pas de nature à induire que les inspecteurs du recouvrement ont retenu l'existence d'un acte fictif comme allégué par la société. Ils ne peuvent être interprétés comme signifiant que cet acte a pu n'être inspiré par aucun autre motif que celui d'éluder les cotisations et contributions sociales dues, puisque ce chef de redressement ne porte que sur le droit à l'image individuel d'un seul joueur (M. [O] [H]) et pour une seule année (2013). La référence aux droits éludés correspond donc en réalité au constat que les cotisations et contributions sociales n'ont pas été payées, ce qui est le cas de tout redressement, et que le seul qualificatif de " prétendue " est insuffisant pour permettre à la cour de considérer que les inspecteurs du recouvrement se sont placés sur le terrain d'un abus de droit pour procéder à ce chef de redressement, alors qu'ils sont ensuite développés un argumentaire, notamment en lien avec un précédent contrôle, qui doit être examiné lors de l'examen sur le fond de ce chef de redressement et qui est de nature à expliciter le qualificatif inapproprié utilisé au stade des constatations que la cour a reprises » (arrêt p. 7), la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations desquelles il ressortait que le chef redressement était fondé sur la volonté de la société exposante « d'éluder le paiement des cotisations sociales » par l'entremise d'une « prétendue exploitation de l'image individuelle du joueur » ce qui correspond juridiquement à la définition de l'abus de droit du cotisant, a violé les articles L. 243-7-2 et R. 243-60-1 du code de la sécurité sociale dans leur version applicable au litige ; 2. ALORS QU'il est retenu dans la lettre d'observations du 14 septembre 2016, au titre du chef de redressement n° 6, que « le club a assuré une partie de la rémunération de ce joueur sous forme de versements d'honoraires à la SARL [7] chargée d'exploiter son image et permettant ainsi d'éluder le paiement des cotisations sociales sur la partie du salaire réglée sous forme de droits d'image considérés comme des revenus mobiliers » (lettre d'observations p. 15 § 2) et que « en contrepartie de la prétendue exploitation de l'image individuelle du joueur, la société verse une somme globale et forfaitaire convenue à l'avance au titre de chaque saison sportive » (voir lettre d'observations p. 15 § 3) ; que l'URSSAF a entendu en cela retenir, d'une part, que le versement d'un droit à l'image à la SARL [7] chargée d'exploiter l'image du joueur (M. [O] [H]) revêtait un caractère fictif et, d'autre part, que cet acte avait été passé dans le but d'éluder le paiement des cotisations de sécurité sociale, ce qui correspond juridiquement à la définition de l'abus de droit au sens de l'article L. 243-7-2 du code de la sécurité sociale ; qu'en décidant au contraire que la lettre d'observations ne reposait pas, en son chef de redressement n° 6, sur un abus de droit reproché à la société exposante et en écartant en conséquence l'application de la procédure en question, la cour d'appel a dénaturé les dispositions précitées de la lettre d'observations, ensemble le principe interdisant aux juges de dénaturer les pièces qu'il examine ; 3. ALORS QUE la lettre d'observations reproche à la société d'avoir entendu « éluder le paiement des cotisations sociales » en contrepartie de la « prétendue exploitation de l'image individuelle » du joueur, ce qui correspond juridiquement à la définition de l'invocation par l'URSSAF de l'abus de droit du cotisant au sens de l'article L. 243-7-2 du code de la sécurité sociale ; qu'en se fondant néanmoins sur les motifs impropres selon lesquels le redressement ne porterait que sur un seul joueur de rugby et au titre d'une seule année pour écarter le recours à l'abus de droit, circonstance pourtant insusceptible d'écarter le recours à cette procédure, la cour d'appel a derechef violé les articles L. 243-7-2 et R. 243-60-1 du code de la sécurité sociale dans leur version applicable au litige ; 4. ALORS QUE la méconnaissance de la procédure d'abus de droit par les inspecteurs de l'URSSAF entache de nullité la procédure de redressement prise en son ensemble ; qu'en l'espèce il a été retenu que « l'abus de droit implicite allégué par la société [8] ne portant que sur le chef de redressement nº6, il est exact qu'il ne peut avoir pour effet d'affecter la validité de l'intégralité du redressement » (arrêt p. 6) ; qu'en statuant ainsi cependant que la violation par les inspecteurs de l'URSSAF de la procédure d'ordre public instituée par l'article L. 243-7-2 du code de la sécurité sociale, afférente à l'obligation de saisine pour avis du comité des abus de droit en cas de redressement fondé sur un abus de droit, entachait de nullité le redressement pris en son ensemble en ce qu'il a porté atteinte aux droits de la défense de la société, la cour d'appel a violé les articles L. 243-7-2 et R. 243-60-1 du code de la sécurité sociale dans leur version applicable au litige. TROISIEME MOYEN DE CASSATION (Sur le chef de redressement nº18 : assujettissement et affiliation au régime général : cas du staff médical et paramédical). La SASP [8] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement entrepris en toutes ses dispositions, d'AVOIR dit que la contrainte est régulière, d'AVOIR validé le redressement pour un montant ramené à 684.390.91 € en cotisations et contributions outre d'une part les majorations de retard qui devront être recalculées et d'autre part les majorations complémentaires de retard, de l'AVOIR condamnée à payer à l'URSSAF Midi-Pyrénées ces sommes, et de l'AVOIR déboutée de l'intégralité de ses demandes ; 1. ALORS QU'il résulte des articles 480 du code de procédure civile et 1351, devenu 1355, du code civil, que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement et a été tranché dans son dispositif ; que l'autorité de la chose jugée ne peut être invoquée qu'en cas de triple identité de parties, de cause et d'objet entre l'action définitivement jugée et la nouvelle demande ; que le jugement statuant sur un redressement distinct, ayant donné lieu à une lettre d'observations et une mise en demeure distinctes, ne statue pas sur le même objet et n'est donc revêtu d'aucune autorité de la chose jugée relativement aux redressements ultérieurs intervenus par lettre d'observations et lettre de mise en demeure distinctes et portant sur une autre période ; qu'en conséquence les observations pour l'avenir effectuées au titre d'une pratique lors d'un précédent redressement ne rendent pas le cotisant irrecevable à contester le redressement infligé au titre de cette même pratique lors d'un contrôle ultérieur ; qu'en décidant au contraire que dès lors que la SASP [8] avait fait l'objet d'une observation sur l'avenir dans une lettre d'observations du 25 septembre 2009 au titre de la requalification en contrat de travail de l'intervention du personnel médical et paramédical, elle était irrecevable à contester le chef de redressement n° 18 afférent à l'assujettissement et à l'affiliation au régime général du staff médical et paramédical au titre des années 2013, 2014 et 2015, la cour d'appel a violé les articles 480 du code de procédure civile et 1355 du code civil ; 2. ALORS QUE la notification à un cotisant d'une observation pour l'avenir, confirmée en justice, ne le rend pas irrecevable à contester en justice le redressement intervenu ultérieurement dans le cadre d'un contrôle URSSAF sur un même fondement ; qu'en décidant au contraire que dès lors que la SASP [8] avait fait l'objet d'une observation sur l'avenir dans une lettre d'observations du 25 septembre 2009 au titre de la requalification en contrat de travail de l'interventions du personnel médical, elle était irrecevable à contester le chef de redressement n° 18 afférent à l'assujettissement et à l'affiliation au régime général du staff médical et paramédical au titre des années 2013, 2014 et 2015, la cour d'appel a violé les articles L. 244-2, L. 243-7 et L. 243-12-4 du code de la sécurité sociale dans leur version applicable au jour de l'exigibilité des cotisations ; 3. ALORS EN TOUTE HYPOTHÈSE QUE les juges ne peuvent statuer sur le fond après avoir déclaré une action irrecevable ; qu'en l'espèce ayant déclaré la SASP [8] irrecevable à contester le chef de redressement n° 18 afférent à l'assujettissement et à l'affiliation au régime général du staff médical et paramédical au titre des années 2013, 2014 et 2015, la cour d'appel ne pouvait, dans le même temps, statuer au fond et décider que le chef de redressement est justifié pour son entier montant compte tenu du lien de subordination existant entre le club et les intervenant médicaux et paramédicaux ; qu'en statuant comme elle l'a fait la cour d'appel a en conséquence violé l'article 122 du code de procédure civile ; 4. ALORS A TITRE SUBSIDIAIRE QUE le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur, qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; que pour déduire l'existence d'un tel lien de subordination entre le club de rugby et les intervenants médicaux et paramédicaux, la cour d'appel s'est bornée à relever « l'existence d'un service organisé par la société [8] au sein duquel interviennent des médecins, des masseurs-kinésithérapeutes et un ostéopathe », service coordonné par deux médecins salariés, que les intervenants médicaux et paramédicaux ont l'obligation d'être présents lors des matchs, que l'activité médicale est exercée dans les locaux du club avec les moyens et matériels du club, que les intervenants reçoivent des honoraires mensuels, l'existence d'une « hiérarchisation des intervenants », ainsi que « la cosignature des conventions d'honoraires » (arrêt p. 19 et 20) ; qu'en statuant ainsi par des motifs insusceptibles d'établir un pouvoir de direction, de contrôle et sanction du club de rugby à l'égard des intervenants médicaux et paramédicaux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 242-1, L. 311-2 et L. 311-11 du code de la sécurité sociale et de l'article L. 1221-1 du code du travail pris en leur version applicable à la date d'exigibilité des cotisations sociales ; 5. ALORS, ENFIN A TITRE SUBSIDIAIRE, QUE sont présumés ne pas être liés avec le donneur d'ordre par un contrat de travail dans l'exécution de l'activité donnant lieu à immatriculation ou inscription les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers, au registre des agents commerciaux ou auprès des URSSAF pour le recouvrement des cotisations d'allocations familiales ; que la société exposante faisait valoir, en l'espèce, que les intervenants médicaux et paramédicaux devaient se voir appliquer la présomption de non-salariat au regard de leur activité libérale en qualité d'indépendant inscrit auprès de l'URSSAF ; qu'en énonçant au contraire que « la circonstance que les autres médecins et intervenants paramédicaux disposent d'un cabinet médical ou paramédical avec une patientèle propre n'est pas exclusive de l'existence d'un lien de subordination lors de leurs participations au service de soins organisé au sein de la société alors que la présomption de non-salariat ne peut concerner que leur activité libérale dans leurs propres cabinets » (arrêt p. 20), cependant que dès lors que ces intervenant médicaux et paramédicaux avaient le statut d'indépendant inscrit auprès de l'URSSAF la présomption de non salariat devait s'appliquer peu important que leur activité se déroule ou non dans leur cabinet médicaux, la cour d'appel a violé, par refus d'application, les articles L. 8221-6 I 3° et L. 8221-6-1 du code du travail.
L'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale n'exige pas que l'avis préalable qu'il prévoit mentionne le caractère concerté du contrôle. Dès lors, c'est à bon droit que la cour d'appel, sans encourir les griefs du moyen, a dit que la circonstance que l'avis préalable ne fasse pas mention que le contrôle s'inscrivait dans le cadre d'un contrôle concerté, décidé par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, était sans incidence sur sa régularité (1er moyen). Aux termes de l'article L. 243-7-2 du code de la sécurité sociale, afin d'en restituer le véritable caractère, les organismes mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-1 sont en droit d'écarter, comme ne leur étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes aient un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'aient pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les contributions et cotisations sociales d'origine légale ou conventionnelle auxquelles le cotisant est tenu au titre de la législation sociale ou que le cotisant, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées, eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. Lorsque l'organisme de sécurité sociale écarte un acte juridique dans les conditions ci-dessus, il se place nécessairement sur le terrain de l'abus de droit. Il en résulte qu'il doit se conformer à la procédure prévue par le texte précité et les articles R. 243-60-1 et R. 243-60-3 du code de la sécurité sociale et qu'à défaut de ce faire, les opérations de contrôle et celles, subséquentes, de recouvrement sont entachées de nullité. Viole ces textes, dans leur rédaction applicable au litige, la cour d'appel qui, alors qu'elle constatait que l'organisme de recouvrement avait écarté la convention litigieuse au motif qu'elle avait pour seul objet d'éluder le paiement des cotisations sociales, ce dont il résultait qu'il s'était implicitement placé sur le terrain de l'abus de droit pour opérer le redressement, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations (2e moyen)
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 16 février 2023 Rejet M. PIREYRE, président Arrêt n° 166 FS-B Pourvoi n° Z 21-18.322 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 FÉVRIER 2023 L'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) du Nord-Pas-de-Calais, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Z 21-18.322 contre l'arrêt rendu le 19 avril 2021 par la cour d'appel d'Amiens (2e protection sociale), dans le litige l'opposant à la société [3], société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Rovinski, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF du Nord-Pas-de-Calais, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société [3], et l'avis de Mme Tuffreau, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 10 janvier 2023 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Rovinski, conseiller rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, Mmes Coutou, Renault-Malignac, Cassignard, M. Leblanc, conseillers, Mmes Vigneras, Dudit, M. Labaune, conseillers référendaires, Mme Tuffreau, avocat général référendaire, et Mme Catherine, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 19 avril 2021), à la suite d'un contrôle portant sur les années 2010, 2011 et 2012, l'URSSAF du Nord-Pas-de-Calais (l'URSSAF) a notifié à la société [3] (la société) une lettre d'observations du 28 juin 2013, suivie d'une mise en demeure le 6 septembre 2013. 2. La société a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale. Examen du moyen Enoncé du moyen 3. L'URSSAF fait grief à l'arrêt d'annuler le chef de redressement n° 6, alors : « 1°/ que la divergence d'appréciation sur les règles d'assiette des cotisations n'est pas au nombre des contestations susceptibles de donner lieu à la procédure d'abus de droit ; qu'en l'espèce, l'inspecteur du recouvrement s'était limité à constater que, contrairement à ce que la société [3] avait considéré, Messieurs [E] et [U] n'étaient pas liés à la société par un contrat de travail à défaut de tout lien de subordination, de fonctions techniques distinctes de leur mandat et de rémunération spécifique ; qu'il en déduisait que les sommes versées à l'occasion de la rupture de leur contrat avaient été improprement qualifiées d'indemnités de licenciement et devaient être réintégrées dans l'assiette des cotisations sociales ; que l'origine du redressement résidait donc dans une simple divergence d'appréciation entre la société et l'URSSAF quant à la qualification de la relation de travail liant les intéressés à la société ; qu'en jugeant pourtant que le redressement était motivé par l'abus de droit, la cour d'appel a violé les articles L. 243-7-2 et R. 243-60-3 du code de la sécurité sociale en leur rédaction applicable au litige ; 2°/ que lorsque l'URSSAF considère que le comportement du cotisant procède de l'abus de droit, elle applique une pénalité de 20 % des cotisations et contributions dues, le cotisant ayant la faculté de saisir le comité des abus de droit en cas de désaccord ; qu'il appartient exclusivement à l'URSSAF, au vu des éléments qui lui sont soumis, de déterminer si elle souhaite se placer sur le terrain de la procédure d'abus de droit ou faire application du droit commun ; qu'en jugeant, en l'espèce, que l'URSSAF aurait dû appliquer la procédure d'abus de droit et ainsi permettre au cotisant de saisir le comité des abus de droit, quand il ressortait de ses constatations que l'URSSAF n'avait pas fait application de la pénalité de 20 % et ne s'était ainsi, délibérément, pas placée sur le terrain de l'abus de droit, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles L. 243-7-2 et R. 243-60-3 du code de la sécurité sociale en leur rédaction applicable au litige ; 3°/ qu'à tout le moins, la procédure d'abus de droit requiert que le cotisant puisse demander que le litige soit soumis à l'avis du comité des abus de droit ; que ce comité ne disposant plus de membres depuis le 12 janvier 2015, il n'est plus actif, si bien que la procédure d'abus de droit ne peut plus être mise en oeuvre, l'URSSAF devant faire application du droit commun ; qu'en jugeant pourtant que le non-respect de la procédure applicable en matière d'abus de droit et l'application du droit commun par l'URSSAF devait entraîner l'annulation du chef de redressement n° 6, la cour d'appel a violé les articles L. 243-7-2 et R. 243-60-3 du code de la sécurité sociale en leur rédaction applicable au litige. » Réponse de la Cour 4. Aux termes de l'article L. 243-7-2 du code de la sécurité sociale, afin d'en restituer le véritable caractère, les organismes mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-1 sont en droit d'écarter, comme ne leur étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes aient un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'aient pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les contributions et cotisations sociales d'origine légale ou conventionnelle auxquelles le cotisant est tenu au titre de la législation sociale ou que le cotisant, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées, eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. 5. Lorsque l'organisme de sécurité sociale écarte un acte juridique dans les conditions ci-dessus, il se place nécessairement sur le terrain de l'abus de droit. Il en résulte qu'il doit se conformer à la procédure prévue par le texte précité et les articles R. 243-60-1 et R. 243-60-3 du code de la sécurité sociale et qu'à défaut de ce faire, les opérations de contrôle et celles, subséquentes, de recouvrement sont entachées de nullité. 6. L'arrêt relève que l'inspecteur du recouvrement a considéré que les révocations des mandats sociaux et les licenciements de MM. [E] et [U] constituaient des actes fictifs donnant lieu au versement de sommes indemnisant leur mise à l'écart de la société, que l'inspecteur du recouvrement a fondé le redressement sur la mise en place d'un habillage légal des ruptures en constatant qu'il n'existait pas de nette séparation entre les attributions techniques des emplois respectifs de directeur administratif et financier et de directeur d'exploitation des intéressés et celles relevant de leurs mandats sociaux antérieurs officiels, puisqu'ils avaient continué à présider à tour de rôle les assemblées générales et que leur rémunération au titre du contrat de travail, en l'absence de lien de subordination, était identique à celle perçue au titre du mandat social. Il retient que l'inspecteur en a déduit que les contrats de travail n'étaient pas réels et a calculé le redressement pour les indemnités perçues lors des licenciements qui n'avaient pas été soumis à cotisations et contributions sociales. 7. De ces constatations et énonciations, relevant de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve débattus devant elle, la cour d'appel a pu déduire, peu important que l'URSSAF n'ait pas appliqué la pénalité égale à 20 % prévue en cas d'abus de droit, et alors que le comité des abus de droit était constitué à la date du contrôle, que l'organisme de recouvrement, qui avait écarté les actes litigieux en raison de leur caractère fictif, s'était implicitement placé sur le terrain de l'abus de droit et que la procédure de redressement était irrégulière. 8. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne l'URSSAF du Nord-Pas-de-Calais aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'URSSAF du Nord-Pas-de-Calais et la condamne à payer à la société [3] la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé en l'audience publique du seize février deux mille vingt-trois par Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et signé par elle, en remplacement du président empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour l'URSSAF du Nord-Pas-de-Calais L'URSSAF Nord Pas de Calais fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR annulé le chef de redressement n°6 pour non-respect des dispositions des articles L. 243-7-2 et R. 243-60-3 du code de la sécurité sociale, figurant dans la lettre d'observations notifiée à la société [3], et d'AVOIR condamné la société [3] à payer, en deniers ou quittance valable, les causes de la mise en demeure du 6 septembre 2013 diminuées des cotisations et majorations réclamées au titre du chef de redressement n°6, 1/ ALORS QUE la divergence d'appréciation sur les règles d'assiette des cotisations n'est pas au nombre des contestations susceptibles de donner lieu à la procédure d'abus de droit ; qu'en l'espèce, l'inspecteur du recouvrement s'était limité à constater que, contrairement à ce que la société [3] avait considéré, Messieurs [E] et [U] n'étaient pas liés à la société par un contrat de travail à défaut de tout lien de subordination, de fonctions techniques distinctes de leur mandat et de rémunération spécifique ; qu'il en déduisait que les sommes versées à l'occasion de la rupture de leur contrat avaient été improprement qualifiées d'indemnités de licenciement et devaient être réintégrées dans l'assiette des cotisations sociales (lettre d'observations p.15) ; que l'origine du redressement résidait donc dans une simple divergence d'appréciation entre la société et l'URSSAF quant à la qualification de la relation de travail liant les intéressés à la société ; qu'en jugeant pourtant que le redressement était motivé par l'abus de droit, la cour d'appel a violé les articles L. 243-7-2 et R. 243-60-3 du code de la sécurité sociale en leur rédaction applicable au litige ; 2/ ALORS QUE, en toute hypothèse, lorsque l'URSSAF considère que le comportement du cotisant procède de l'abus de droit, elle applique une pénalité de 20% des cotisations et contributions dues, le cotisant ayant la faculté de saisir le comité des abus de droit en cas de désaccord ; qu'il appartient exclusivement à l'URSSAF, au vu des éléments qui lui sont soumis, de déterminer si elle souhaite se placer sur le terrain de la procédure d'abus de droit ou faire application du droit commun ; qu'en jugeant, en l'espèce, que l'URSSAF aurait dû appliquer la procédure d'abus de droit et ainsi permettre au cotisant de saisir le comité des abus de droit, quand il ressortait de ses constatations que l'URSSAF n'avait pas fait application de la pénalité de 20% et ne s'était ainsi, délibérément, pas placée sur le terrain de l'abus de droit, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles L. 243-7-2 et R. 243-60-3 du code de la sécurité sociale en leur rédaction applicable au litige, 3/ ALORS QUE, à tout le moins, la procédure d'abus de droit requiert que le cotisant puisse demander que le litige soit soumis à l'avis du comité des abus de droit ; que ce comité ne disposant plus de membres depuis le 12 janvier 2015, il n'est plus actif, si bien que la procédure d'abus de droit ne peut plus être mise en oeuvre, l'URSSAF devant faire application du droit commun ; qu'en jugeant pourtant que le non-respect de la procédure applicable en matière d'abus de droit et l'application du droit commun par l'URSSAF devait entraîner l'annulation du chef de redressement n°6, la cour d'appel a violé les articles L. 243-7-2 et R. 243-60-3 du code de la sécurité sociale en leur rédaction applicable au litige.
Aux termes de l'article L. 243-7-2 du code de la sécurité sociale, afin d'en restituer le véritable caractère, les organismes mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-1 sont en droit d'écarter, comme ne leur étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes aient un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'aient pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les contributions et cotisations sociales d'origine légale ou conventionnelle auxquelles le cotisant est tenu au titre de la législation sociale ou que le cotisant, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées, eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. Lorsque l'organisme de sécurité sociale écarte un acte juridique dans les conditions ci-dessus, il se place nécessairement sur le terrain de l'abus de droit. Il en résulte qu'il doit se conformer à la procédure prévue par le texte précité et les articles R. 243-60-1 et R. 243-60-3 du code de la sécurité sociale et qu'à défaut de ce faire, les opérations de contrôle et celles, subséquentes, de recouvrement sont entachées de nullité. Des constatations et appréciations relevant de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve débattus devant elle, la cour d'appel a pu déduire, peu important que l'URSSAF n'ait pas appliqué la pénalité égale à 20 % prévue en cas d'abus de droit, et alors que le comité des abus de droit était constitué à la date du contrôle, que l'organisme de recouvrement s'était implicitement placé sur le terrain de l'abus de droit et que la procédure de redressement était irrégulière
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CIV. 2 FD COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 16 février 2023 Rejet M. PIREYRE, président Arrêt n° 168 F-B Pourvoi n° G 21-16.168 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 FÉVRIER 2023 La société [4], société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° G 21-16.168 contre l'arrêt rendu le 10 mars 2021 par la cour d'appel de Rennes (9e chambre sécurité sociale), dans le litige l'opposant : 1°/ au [8], dont le siège est [Adresse 10], 2°/ à l'[7], dont le siège est [Adresse 2], 3°/ au syndicat [6], dont le siège est [Adresse 9], 4°/ à M. [S] [C], domicilié [Adresse 1], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Coutou, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société [4], de la SARL Cabinet Briard, avocat de l'[7], de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de M. [C], de la SCP Foussard et Froger, avocat du syndicat [6], de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat du [8], et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 janvier 2023 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Coutou, conseiller rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 10 mars 2021), M. [C], marin (la victime), a été employé par la [5], aux droits de laquelle vient la société [4] (la société) du 2 septembre 1959 au 9 août 1966. Il a ensuite travaillé du 1er juin 1978 au 15 juillet 1998 en qualité de mécanicien pour le compte du syndicat professionnel [6]. 2. Ayant été reconnu atteint d'une maladie professionnelle du tableau n° 30 B, par décision du directeur de l'ENIM du 20 août 2012, la victime a saisi le 15 avril 2013 une juridiction de sécurité sociale d'une demande en reconnaissance de la faute inexcusable du syndicat professionnel [6]. Le 16 octobre 2015, il a mis en cause la société [4] devant cette même juridiction et a sollicité la mise hors de cause du syndicat professionnel [6]. 3. Le [8] (le FIVA) est intervenu en la cause. Examen des moyens Sur les deuxième et troisième moyens, ci-après annexés 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 5. La société fait grief à l'arrêt de déclarer les actions de la victime et du FIVA non prescrites, alors « que pour avoir un effet interruptif de prescription, la demande en justice doit être adressée à l'encontre de celui qu'on veut empêcher de prescrire et non à un tiers ; qu'une action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur n'a pour effet d'interrompre la prescription qu'à l'égard des actions procédant du même fait dommageable ; que le fait dommageable est le fait générateur, c'est-à-dire l'acte ou l'événement ayant donné lieu aux dommages subis par la victime ; qu'en l'espèce, M. [C], après avoir agi en reconnaissance de la faute inexcusable du syndicat professionnel [6] pour le compte duquel il a travaillé du 1er juin 1978 au 15 juillet 1998, a agi en reconnaissance de la faute inexcusable de la [4], venant aux droits de la Compagnie [5] qui l'a employé du 2 septembre 1959 au 9 août 1966 en sollicitant la mise hors de cause du syndicat professionnel [6] ; qu'il en résulte que les deux actions introduites à l'encontre de l'un puis de l'autre ne procédaient pas d'un fait dommageable unique mais relevaient de périodes d'exposition au risque distinctes à plusieurs années d'intervalle dans des circonstances différentes ; qu'en estimant néanmoins que l'action en reconnaissance de la faute inexcusable introduite à l'encontre du syndicat professionnel [6] avait eu pour effet d'interrompre la prescription de l'action introduite contre la société [4], la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 431-2 du code de la sécurité sociale et 2241 du code civil. » Réponse de la Cour 6. Il résulte de la combinaison des articles L. 431-2 du code de la sécurité sociale et 2241 du code civil que l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur interrompt la prescription à l'égard de toute autre action procédant du même fait dommageable. 7. Ayant constaté que le caractère professionnel de la pathologie présentée par la victime avait été reconnu le 20 août 2012, de sorte que l'action en reconnaissance de faute inexcusable engagée contre le syndicat professionnel [6] le 15 avril 2013 avait été introduite dans le délai de prescription de deux ans, la cour d'appel en a déduit à bon droit que cette action avait eu pour effet d'interrompre la prescription à l'égard de la société au service de laquelle le salarié avait été exposé au risque, de sorte que son action était recevable. 8. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. Sur le quatrième moyen Enoncé du moyen 9. La société fait grief à l'arrêt de prononcer la mise hors de cause du syndicat professionnel [6], alors « qu'en cas d'exposition au risque au sein de plusieurs entreprises, l'employeur qui fait l'objet d'une action en reconnaissance de sa faute inexcusable est recevable à rechercher, devant la juridiction de sécurité sociale, pour obtenir leur garantie, la faute inexcusable des autres employeurs au service desquels la victime a été exposée au même risque ; qu'en confirmant la mise hors de cause du Syndicat professionnel [6] au seul motif que la faute inexcusable de la société [4] a été reconnue sans statuer, comme elle était invitée à le faire par la société [4], sur la responsabilité du syndicat professionnel [6] en qualité de dernier employeur chez lequel M. [C] a été exposé pendant vingt ans au risque de l'amiante, la cour d'appel a violé les articles L 452-1, L. 452-4 et 331 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 10. Il ne ressort ni de l'arrêt ni de la procédure que la société ait appelé en garantie le syndicat professionnel [6]. 11. Le moyen, qui manque en fait n'est, dès lors, pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société [4] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société [4] et la condamne à payer à M. [C], au [8], à l'[7] et au syndicat [6] la somme de 3 000 euros chacun ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé en l'audience publique du seize février deux mille vingt-trois par Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et signé par elle, en remplacement du président empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société [4]. PREMIER MOYEN DE CASSATION La société [4] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir prononcé la mise hors de cause du syndicat professionnel [6], déclaré recevable l'action de M. [C], rejeté le moyen soulevé par la société [4] tiré de la prescription du FIVA, confirmé la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie et déclaré opposable à la société [4] cette décision de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie, dit que la [5] aux droits de laquelle vient la société [4] a commis une faute inexcusable dans la survenance de la maladie professionnelle de M. [C], fixé au maximum prévu par la loi la majoration de la rente servie à M. [C], fixé à la requête du FIVA, subrogé dans les droits de M. [C], la réparation des préjudices personnels subis à hauteur des sommes de 12 600 € au titre des souffrances morales et physiques et 1000 € au titre du préjudice esthétique, condamné la société [4] à rembourser à l'ENIM les sommes que celui-ci est amené à payer à M. [C] et au FIVA en exécution du jugement, intérêts compris, ainsi que l'intégralité des conséquences financières imputables à la reconnaissance de la faute inexcusable, dit que la majoration de pension servie à M. [C] par l'ENIM suivra l'évolution du taux d'incapacité permanente en cas d'aggravation de l'état de santé de l'intéressé, dit que le principe de cette majoration restera acquis pour le calcul de la rente de conjoint survivant sous réserve que l'ENIM soit saisi d'une demande de prise en charge du décès au titre de la législation professionnelle et qu'une décision conforme soit rendue ne ce sens, fixé l'indemnisation du préjudice d'agrément de M. [C] à la somme de 5000 € et condamné la société [4] à rembourser cette somme à l'ENIM ; ALORS QUE pour avoir un effet interruptif de prescription, la demande en justice doit être adressée à l'encontre de celui qu'on veut empêcher de prescrire et non à un tiers ; qu'une action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur n'a pour effet d'interrompre la prescription qu'à l'égard des actions procédant du même fait dommageable ; que le fait dommageable est le fait générateur, c'est-à-dire l'acte ou l'événement ayant donné lieu aux dommages subis par la victime ; qu'en l'espèce, M. [C], après avoir agi en reconnaissance de la faute inexcusable du syndicat professionnel [6] pour le compte duquel il a travaillé du 1er juin 1978 au 15 juillet 1998, a agi en reconnaissance de la faute inexcusable de la [4], venant aux droits de la Compagnie [5] qui l'a employé du 2 septembre 1959 au 9 août 1966 en sollicitant la mise hors de cause du syndicat professionnel [6] ; qu'il en résulte que les deux actions introduites à l'encontre de l'un puis de l'autre ne procédaient pas d'un fait dommageable unique mais relevaient de périodes d'exposition au risque distinctes à plusieurs années d'intervalle dans des circonstances différentes ; qu'en estimant néanmoins que l'action en reconnaissance de la faute inexcusable introduite à l'encontre du syndicat professionnel [6] avait eu pour effet d'interrompre la prescription de l'action introduite contre la société [4], la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 431-2 du code de la sécurité sociale et 2241 du code civil. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION La société [4] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir prononcé la mise hors de cause du syndicat professionnel [6], déclaré recevable l'action de M. [C], confirmé la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie et déclaré opposable à la société [4] cette décision de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie, dit que la [5] aux droits de laquelle vient la société [4] a commis une faute inexcusable dans la survenance de la maladie professionnelle de M. [C], fixé au maximum prévu par la loi la majoration de la rente servie à M. [C], fixé à la requête du FIVA, subrogé dans les droits de M. [C], la réparation des préjudices personnels subis à hauteur des sommes de 12 600 € au titre des souffrances morales et physiques et 1000 € au titre du préjudice esthétique, condamné la société [4] à rembourser à l'ENIM les sommes que celui-ci est amené à payer à M. [C] et au FIVA en exécution du jugement, intérêts compris, ainsi que l'intégralité des conséquences financières imputables à la reconnaissance de la faute inexcusable, dit que la majoration de pension servie à M. [C] par l'ENIM suivra l'évolution du taux d'incapacité permanente en cas d'aggravation de l'état de santé de l'intéressé, dit que le principe de cette majoration restera acquis pour le calcul de la rente de conjoint survivant sous réserve que l'ENIM soit saisi d'une demande de prise en charge du décès au titre de la législation professionnelle et qu'une décision conforme soit rendue ne ce sens, fixé l'indemnisation du préjudice d'agrément de M. [C] à la somme de 5000 € et condamné la société [4] à rembourser cette somme à l'ENIM ; 1°) ALORS QUE si la victime d'une maladie professionnelle peut agir en faute inexcusable à l'encontre d'un ancien employeur chez qui elle a été exposée au risque, elle doit au préalable établir le caractère professionnel de sa maladie à l'égard de cet employeur ; qu'est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau ; que si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par le travail habituel de la victime ; que pour dire que M. [C] était atteint d'une maladie professionnelle due à la faute inexcusable de la société [4], l'arrêt retient que le délai de prise en charge prévu par le tableau n° 30 B était remplie, puisque ce salarié avait continué à être exposé à l'amiante pendant sa période d'activité pour le compte du syndicat professionnel [6] jusqu'en 1998, en sorte que la présomption d'imputabilité s'appliquait ; qu'en se déterminant ainsi quand M. [C] avait cessé d'être au service de la [5], aux droits de laquelle vient la société [4], le 9 août 1966, ce dont il résultait que le délai de prise en charge relatif à cette période d'exposition au risque étant expiré, la présomption instituée par l'article L. 461-1, alinéa 2 du code de la sécurité sociale ne pouvait être opposée à la société [4], la cour d'appel a violé les articles L 461-1, L 462-2 et L 452-1 du code de la sécurité sociale ; 2°) ALORS QUE la maladie doit être considérée comme contractée au service du dernier employeur chez lequel la victime a été exposée au risque, avant sa constatation médicale, sauf à cet employeur à rapporter la preuve contraire ; que la cour d'appel a constaté que M. [C] avait cessé d'être exposé au risque d'inhalation de poussières d'amiante en 1998, à l'issue de sa période d'activité pour le compte du syndicat professionnel [6], son dernier employeur ; qu'en retenant que la société [4], qui contestait que la maladie de M. [C] lui soit imputable, n'en rapportait pas la preuve quand il incombait au syndicat professionnel [6] de rapporter la preuve que l'affection dont était atteinte la victime devait être imputée aux conditions de travail de celle-ci chez son premier employeur, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et a violé l'article 1315 devenu 1353 du code civil. TROISIEME MOYEN DE CASSATION La société [4] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir prononcé la mise hors de cause du syndicat professionnel [6], déclaré recevable l'action de M. [C], confirmé la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie et déclaré opposable à la société [4] cette décision de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie, dit que la [5] aux droits de laquelle vient la société [4] a commis une faute inexcusable dans la survenance de la maladie professionnelle de M. [C], fixé au maximum prévu par la loi la majoration de la rente servie à M. [C], fixé à la requête du FIVA, subrogé dans les droits de M. [C], la réparation des préjudices personnels subis à hauteur des sommes de 12 600 € au titre des souffrances morales et physiques et 1000 € au titre du préjudice esthétique, condamné la société [4] à rembourser à l'ENIM les sommes que celui-ci est amené à payer à M. [C] et au FIVA en exécution du jugement, intérêts compris, ainsi que l'intégralité des conséquences financières imputables à la reconnaissance de la faute inexcusable, dit que la majoration de pension servie à M. [C] par l'ENIM suivra l'évolution du taux d'incapacité permanente en cas d'aggravation de l'état de santé de l'intéressé, dit que le principe de cette majoration restera acquis pour le calcul de la rente de conjoint survivant sous réserve que l'ENIM soit saisi d'une demande de prise en charge du décès au titre de la législation professionnelle et qu'une décision conforme soit rendue ne ce sens, fixé l'indemnisation du préjudice d'agrément de M. [C] à la somme de 5000 € et condamné la société [4] à rembourser cette somme à l'ENIM ; 1°) ALORS QU'il incombe à celui qui invoque l'existence d'une faute inexcusable de prouver que l'employeur devait avoir conscience du danger auquel il était exposé et n'a pas pris toutes les mesures nécessaires pour l'en préserver ; que la conscience par l'employeur du danger auquel est exposé son salarié doit s'apprécier objectivement en fonction de la réglementation applicable à l'époque de l'exposition au risque ; que pour retenir la faute inexcusable de la société [4], venant aux droits de la [5], l'arrêt attaqué énonce que les dispositions du décret du 17 août 1977 concernant les mesures particulières d'hygiène applicables dans les établissements où le personnel est exposé à l'action des poussières d'amiante ne pouvaient pas être ignorées de la [5] ; qu'en se déterminant ainsi par référence à un décret adopté onze après la fin de la période d'exposition de M. [C] au sein de la [5], la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale ; 2°) ALORS QUE la conscience du danger s'apprécie objectivement par rapport à ce que doit savoir, dans son secteur d'activité et pendant la période d'exposition du salarié au risque, un employeur conscient de ses devoirs et obligations ; que dans ses conclusions d'appel, reprises oralement à l'audience, la société [4] faisait valoir que les maladies inscrites aux tableaux des maladies professionnelles n'ont donné lieu à une indemnisation au titre du régime d'assurance sociale des marins qu'à compter du décret n° 99-452 du 28 juin 1999 et que l'obligation faite aux armateurs d'évaluer les risques sur les navires liés à l'exposition des marins à l'inhalation de poussières provenant de l'amiante ou de matériaux contenant de l'amiante ne date que du décret n° 2000-5645 du 24 juin 2000 ; qu'en retenant que la [5], en sa qualité d'armateur, ne pouvait ignorer les risques auxquels était exposé son salarié dans le cadre de ses fonctions du fait de l'inscription, en 1945, de la fibrose pulmonaire consécutive à l'inhalation de poussières d'amiante au tableau n° 25 et de la création, en 1950, du tableau n° 30 consacré à l'abestose professionnelle, tableaux qui d'une part n'étaient pas applicables au secteur maritime pendant la période d'emploi de M. [C] et qui d'autre part ne retenaient un lien causal entre les pathologies pulmonaires et le travail effectué que pour des activités spécifiques telles que le cardage, la filature et le tissage de l'amiante, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale ; 3°) ALORS QU'en relevant que les dangers de l'inhalation des poussières d'amiante ne pouvaient être ignorés de la [5] pour les navires à bord desquels l'amiante était utilisé de manière habituelle comme matériau d'isolation et de protection contre l'incendie sans répondre aux conclusions d'appel de la société [4], reprises oralement à l'audience, qui faisait valoir qu'il ne pouvait être reproché à un armateur de navires, sur la période d'emploi de M. [C] de 1959 à 1966, de ne pas avoir eu conscience d'un danger que les pouvoirs publics n'avaient pas identifié et isolé puisque le risque d'exposition environnementale du fait de la proximité d'éléments d'équipements n'a été intégré qu'à compter du décret n° 96-445 du 22 mai 1996 visant les travaux d'équipement, d'entretien ou de maintenance effectués sur des matériels ou dans les locaux et annexes revêtus ou contenant des matériaux à base d'amiante et que l'usage de l'amiante dans les lieux bâtis et sur les lieux de travail n'a été interdit qu'après l'adoption de deux décrets du 7 février 1996, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ; 4°) ALORS QU'en s'abstenant de répondre aux conclusions d'appel de la société [4] qui faisait valoir que la conscience du danger que devait ou aurait dû avoir l'employeur devait s'apprécier in concreto en fonction de la nature des travaux effectués par le salarié et le secteur d'activité de l'employeur et que, compte tenu des fonctions occupées par M. [C] et de sa période d'emploi qui s'est achevée en 1966, la [5] ne pouvait avoir une quelconque conscience du danger lié à l'exposition à l'amiante en l'état d'études scientifiques, au demeurant confidentielles, qui à l'époque ne concernaient que les industries fabriquant ou transformant de l'amiante, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile. QUATRIEME MOYEN DE CASSATION La société [4] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir prononcé la mise hors de cause du syndicat professionnel [6], déclaré recevable l'action de M. [C], confirmé la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie et déclaré opposable à la société [4] cette décision de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie, dit que la [5] aux droits de laquelle vient la société [4] a commis une faute inexcusable dans la survenance de la maladie professionnelle de M. [C], fixé au maximum prévu par la loi la majoration de la rente servie à M. [C], fixé à la requête du FIVA, subrogé dans les droits de M. [C], la réparations des préjudices personnels subis à hauteur des sommes de 12 600 € au titre des souffrances morales et physiques et 1000 € au titre du préjudice esthétique, condamné la société [4] à rembourser à l'ENIM les sommes que celui-ci est amené à payer à M. [C] et au FIVA en exécution du jugement, intérêts compris, ainsi que l'intégralité des conséquences financières imputables à la reconnaissance de la faute inexcusable, dit que la majoration de pension servie à M. [C] par l'ENIM suivra l'évolution du taux d'incapacité permanente en cas d'aggravation de l'état de santé de l'intéressé, dit que le principe de cette majoration restera acquis pour le calcul de la rente de conjoint survivant sous réserve que l'ENIM soit saisi d'une demande de prise en charge du décès au titre de la législation professionnelle et qu'une décision conforme soit rendue ne ce sens, fixé l'indemnisation du préjudice d'agrément de M. [C] à la somme de 5000 € et condamné la société [4] à rembourser cette somme à l'ENIM ; ALORS QU' en cas d'exposition au risque au sein de plusieurs entreprises, l'employeur qui fait l'objet d'une action en reconnaissance de sa faute inexcusable est recevable à rechercher, devant la juridiction de sécurité sociale, pour obtenir leur garantie, la faute inexcusable des autres employeurs au service desquels la victime a été exposée au même risque ; qu'en confirmant la mise hors de cause du Syndicat professionnel [6] au seul motif que la faute inexcusable de la société [4] a été reconnue sans statuer, comme elle était invitée à le faire par la société [4], sur la responsabilité du syndicat professionnel [6] en qualité de dernier employeur chez lequel M. [C] a été exposé pendant vingt ans au risque de l'amiante, la cour d'appel a violé les articles L 452-1, L. 452-4 et 331 du code de procédure civile.
Il résulte de la combinaison des articles L. 431-2 du code de la sécurité sociale et 2241 du code civil que l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur interrompt la prescription à l'égard de toute autre action procédant du même fait dommageable. Dès lors, c'est à bon droit qu'une cour d'appel, ayant constaté que l'action en reconnaissance de faute inexcusable engagée par la victime contre son dernier employeur avait été introduite dans le délai de prescription de deux ans, en a déduit que cette action avait eu pour effet d'interrompre la prescription à l'égard d'un précédent employeur au service duquel le salarié avait également été exposé au risque, de sorte que son action était recevable
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CIV. 2 FD COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 16 février 2023 Rejet M. PIREYRE, président Arrêt n° 184 F-B Pourvoi n° Q 21-14.403 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 FÉVRIER 2023 La société [4], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Q 21-14.403 contre l'arrêt rendu le 11 février 2021 par la cour d'appel de Colmar (chambre sociale, section SB), dans le litige l'opposant : 1°/ à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) d'Alsace, dont le siège est [Adresse 1], 2°/ à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de Bretagne, dont le siège est [Adresse 3], défenderesses à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Leblanc, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société [4], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF d'Alsace, de l'URSSAF de Bretagne, et l'avis de M. Gaillardot, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 10 janvier 2023 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Leblanc, conseiller rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 11 février 2021), après avoir effectué un contrôle portant sur la période du 16 mars 2013 au 31 mars 2014 et dressé, le 15 juillet 2014, un procès-verbal de travail dissimulé à l'encontre d'un cocontractant de la société [4] (le donneur d'ordre), l'URSSAF de Bretagne (l'URSSAF) a adressé à celle-ci deux lettres d'observations, les 16 octobre 2014 et 18 novembre 2014, l'avisant de la mise en oeuvre de la solidarité financière et de l'annulation des réductions sur les bas salaires, dont elle avait bénéficié durant la période considérée, suivies, les 24 mars 2015 et 27 mai 2016, de deux mises en demeure respectivement émises par l'URSSAF de Bretagne et l'URSSAF d'Alsace. 2. Le donneur d'ordre a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 3. Le donneur d'ordre fait grief à l'arrêt de rejeter son recours relatif à l'annulation des réductions de cotisations, alors : « 1°/ que le principe de légalité des délits et des peines et le principe de non-rétroactivité de la loi plus répressive découlant de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen s'applique non seulement aux peines prononcées par les juridictions répressives mais aussi à toute sanction civile ayant le caractère d'une punition, même lorsque le législateur a laissé le soin de la prononcer à une autorité non judiciaire ou non juridictionnelle ; que dans sa décision n° 2015-479 QPC du 31 juillet 2015, le Conseil constitutionnel a qualifié de « sanction, qui présente le caractère d'une punition » la suppression automatique des exonérations et réductions de cotisations sociales du donneur d'ordre ayant manqué à son devoir de vigilance à l'égard de son sous-traitant, instaurée à l'article L. 133-4-5 du code de la sécurité sociale tel que modifié par la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 et son décret d'application n° 2013-1107 du 3 décembre 2013 entré en vigueur le 6 décembre 2013, au lendemain de sa publication au Journal Officiel ; que dans sa version antérieure, issue de loi n° 2009-1646 du 24 décembre 2009, l'article L. 133-4-5 du code de la sécurité sociale ne prévoyait cette sanction qu'à l'égard du donneur d'ordre ayant « participé au délit de travail dissimulé en qualité de complice de son sous-traitant, et ce dès l'établissement du procès-verbal » ; qu'il en résulte que la nouvelle sanction prévue par l'article L. 133-4-5 du code de la sécurité sociale, plus sévère que la précédente puisqu'elle est encourue dès que le donneur d'ordre a manqué à son devoir de vigilance et non lorsqu'il s'est rendu complice du travail dissimulé commis par son sous-traitant, ne peut pas être appliquée au donneur d'ordre pour un manquement à son devoir de vigilance commis préalablement à son entrée en vigueur ; qu'au cas présent, l'URSSAF d'Alsace, par lettre du 23 mai 2016 se référant à la lettre d'observations émise par l'URSSAF de Bretagne le 18 novembre 2014, a mis en demeure le donneur d'ordre de payer la somme de 75.000 €, outre 12.150 € de majorations de retard, pour l'année 2013 au titre de « l'annulation des exonérations du donneur d'ordre non vigilant prévue à l'article L. 133-4-5 du code de la sécurité sociale » ; que pour contester la validité de ce redressement, le donneur d'ordre faisait expressément valoir qu'elle ne pouvait être sanctionnée pour défaut de vigilance, par l'annulation des exonérations dont elle avait bénéficié au titre de toute l'année 2013, cependant que l'article L. 133-4-5 du code de la sécurité sociale, qui sanctionnait le manquement du donneur d'ordre à son devoir de vigilance, n'était entré en vigueur que le 6 décembre 2013 ; qu'en déboutant néanmoins le donneur d'ordre de sa demande, la cour d'appel a violé le principe de légalité des délits et des peines et le principe de non-rétroactivité de la loi plus répressive, tels que garantis par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et l'article 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 2°/ que lorsque le législateur a réservé les modalités d'application d'une loi à la publication de décrets d'application indispensables à son exécution, cette loi ne peut donc trouver application de manière rétroactive au cours de la période ayant couru entre sa publication et la publication de ses décrets d'application ; que l'article L. 133-4-5 du code de la sécurité sociale tel que modifié par la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 a prévu la suppression automatique des exonérations et réductions Fillon du donneur d'ordre ayant manqué à son devoir de vigilance sous réserve des modalités d'application dudit article déterminées par décret en Conseil d'Etat ; que les modalités de mise en oeuvre de l'article L. 133-4-5 ont été prises par le décret d'application n° 2013-1107 du 3 décembre 2013, entré en vigueur le 6 décembre 2013 au lendemain de sa publication au Journal Officiel ; qu'il en résulte que les dispositions de l'article L. 133-4-5 du code de la sécurité sociale, en ce qu'elles sanctionnent le manquement du donneur d'ordre à son devoir de vigilance, n'ont pu entrer en vigueur que le 6 décembre 2013 ; qu'en validant néanmoins la suppression des cotisations et exonérations de cotisations sociales du donneur d'ordre pour toute l'année 2013, au motif erroné que la nouvelle sanction instaurée par l'article L. 133-4-5 du code de la sécurité sociale, dans sa version issue de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012, serait entrée en vigueur dès le 1er janvier 2013, la cour d'appel a violé l'article L. 133-4-5 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012, les articles 2 et 22 du décret n° 2013-1107 du 3 décembre 2013 fixant les modalités de mise en oeuvre des dispositions de l'article L. 133-4-5, ensemble les articles 1 et 2 du code civil ; Réponse de la Cour 4. Selon l'article L. 133-4-5 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012, lorsqu'il est constaté que le donneur d'ordre n'a pas rempli l'une des obligations définies à l'article L. 8222-1 du code du travail et que son cocontractant a, au cours de la même période, exercé un travail dissimulé par dissimulation d'activité ou d'emploi salarié, l'organisme de recouvrement procède à l'annulation des réductions ou exonérations des cotisations ou contributions dont le donneur d'ordre a bénéficié au titre des rémunérations versées à ses salariés. Selon les articles 2 et 22 du décret n° 2013-1107 du 3 décembre 2013 les modalités de mise en oeuvre des dispositions de l'article L. 133-4-5 sont entrées en vigueur le 6 décembre 2013. 5. Il se déduit de ces textes que les sanctions prévues par le premier sont applicables lorsque, à l'occasion d'un contrôle effectué après le 6 décembre 2013, ont été constatés le manquement du donneur d'ordre à son obligation de vigilance et des faits matériels de travail dissimulé par son sous-traitant, commis postérieurement au 1er janvier 2013, date d'entrée en vigueur des dispositions de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012. 6. Ayant relevé que la responsabilité du donneur d'ordre était recherchée pour la période du 16 mars 2013 au 31 mars 2014 et que le redressement était postérieur à l'entrée en vigueur des dispositions du décret n° 2013-1107 du 3 décembre 2013, la cour d'appel en a exactement déduit qu'était applicable le dispositif de sanction du donneur d'ordre institué par le décret précité. 7. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. Sur le second moyen Enoncé du moyen 8. Le donneur d'ordre fait le même grief à l'arrêt, alors que « l'article R. 133-8-1 du code de la sécurité sociale dispose que le redressement consécutif à la mise en oeuvre des dispositions de l'article L. 133-4-5 (annulation des exonérations et réductions de cotisations sociales du donneur d'ordre non vigilant) « est porté à la connaissance du donneur d'ordre par un document signé par le directeur de l'organisme de recouvrement » et que « ce document rappelle les références du procès-verbal pour travail dissimulé établi à l'encontre du cocontractant » ; qu'au cas présent, pour solliciter l'annulation de la procédure de redressement opérée par l'URSSAF sur le fondement de l'article L. 133-4-5 du code de la sécurité sociale, la société [4] faisait valoir que ni la date, ni les références du procès-verbal de constat de travail dissimulé invoqué à l'encontre de son sous-traitant n'étaient indiquées dans la lettre d'observations du 18 novembre 2014 émise par l'URSSAF de Bretagne et que la mise en demeure du 23 mai 2016 émise par l'URSSAF d'Alsace se bornait à renvoyer à ladite lettre d'observations, sans plus de précision (conclusions d'appel, p. 18) ; que la cour d'appel a elle-même constaté que « la lettre d'observations du 18 novembre 2014 rappelle expressément que la Sarl [5] " a fait l'objet d'un procès-verbal adressé au parquet de Saint-Brieuc " » et que « la lettre d'observations ne précise pas le numéro du procès-verbal » ; qu'en déboutant néanmoins la société [4] de ses demandes au motif que la société [4] aurait été « suffisamment informée quant à la base justifiant la sanction envisagée à son encontre », cependant qu'il résultait de propres constatations que la lettre d'observations du 18 novembre 2014 ne comportait ni la date, ni les références du procès-verbal de constat de travail dissimulé établi à l'encontre du sous-traitant, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé l'article R. 133-8-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version résultant de l'article 2 du décret n° 2013-1107 du 3 décembre 2013. » Réponse de la Cour 9. Aux termes de l'article R. 133-8-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2013-1107 du 3 décembre 2013, lorsqu'il ne résulte pas d'un contrôle effectué en application de l'article L. 243-7 du présent code ou de l'article L. 724-7 du code rural et de la pêche maritime, tout redressement consécutif à la mise en oeuvre des dispositions de l'article L. 133-4-5 est porté à la connaissance du donneur d'ordre ou du maître d'ouvrage par un document signé par le directeur de l'organisme de recouvrement, transmis par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception. Ce document rappelle les références du procès-verbal pour travail dissimulé établi à l'encontre du cocontractant, précise le manquement constaté, la période sur laquelle il porte et le montant de la sanction envisagée. 10. L'arrêt relève que la lettre d'observations rappelle expressément que le sous-traitant du donneur d'ordre a fait l'objet d'un procès-verbal adressé au parquet de Saint-Brieuc au titre de ce qui serait constitutif du délit de travail dissimulé sur la période vérifiée du 16 mars 2013 au 31 mars 2014 et que le montant des cotisations réclamées correspond à la base plafonnée. 11. En l'état de ces constatations, la cour d'appel a pu décider que le document remis au donneur d'ordre comportait des références suffisantes au procès-verbal de travail dissimulé établi à l'encontre de son cocontractant pour lui permettre d'avoir connaissance de la cause et de l'étendue du redressement. 12. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société [4] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société [4] et la condamne à payer aux l'URSSAF d'Alsace et de Bretagne la somme globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé en l'audience publique du seize février deux mille vingt-trois par Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et signé par elle, en remplacement du président empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société [4]. PREMIER MOYEN DE CASSATION La société [4] ([4]) fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué de l'AVOIR déboutée de ses demandes d'annulation de la décision de la commission de recours amiable du 3 mars 2017, et de condamnation de l'URSSAF d'Alsace au remboursement de la somme de 87.150 € ; 1. ALORS QUE le principe de légalité des délits et des peines et le principe de non rétroactivité de la loi plus répressive découlant de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen s'applique non seulement aux peines prononcées par les juridictions répressives mais aussi à toute sanction civile ayant le caractère d'une punition, même lorsque le législateur a laissé le soin de la prononcer à une autorité non judiciaire ou non juridictionnelle ; que dans sa décision n° 2015-479 QPC du 31 juillet 2015, le Conseil constitutionnel a qualifié de « sanction, qui présente le caractère d'une punition » la suppression automatique des exonérations et réductions de cotisations sociales du donneur d'ordre ayant manqué à son devoir de vigilance à l'égard de son sous-traitant, instaurée à l'article L. 133-4-5 du code de la sécurité sociale tel que modifié par la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 et son décret d'application n° 2013-1107 du 3 décembre 2013 entré en vigueur le 6 décembre 2013, au lendemain de sa publication au Journal Officiel ; que dans sa version antérieure, issue de loi n° 2009-1646 du 24 décembre 2009, l'article L. 133-4-5 du code de la sécurité sociale ne prévoyait cette sanction qu'à l'égard du donneur d'ordre ayant « participé au délit de travail dissimulé en qualité de complice de son sous-traitant, et ce dès l'établissement du procès-verbal » ; qu'il en résulte que la nouvelle sanction prévue par l'article L. 133-4-5 du code de la sécurité sociale, plus sévère que la précédente puisqu'elle est encourue dès que le donneur d'ordre a manqué à son devoir de vigilance et non lorsqu'il s'est rendu complice du travail dissimulé commis par son sous-traitant, ne peut pas être appliquée au donneur d'ordre pour un manquement à son devoir de vigilance commis préalablement à son entrée en vigueur ; qu'au cas présent, l'URSSAF d'Alsace, par lettre du 23 mai 2016 se référant à la lettre d'observations émise par l'URSSAF de Bretagne le 18 novembre 2014, a mis en demeure la société [4] de payer la somme de 75.000 €, outre 12.150 € de majorations de retard, pour l'année 2013 au titre de « l'annulation des exonérations du donneur d'ordre non vigilant prévue à l'article L. 133-4-5 du code de la sécurité sociale » ; que pour contester la validité de ce redressement, la société [4] faisait expressément valoir qu'elle ne pouvait être sanctionnée pour défaut de vigilance, par l'annulation des exonérations dont elle avait bénéficié au titre de toute l'année 2013, cependant que l'article L. 133-4-5 du code de la sécurité sociale, qui sanctionnait le manquement du donneur d'ordre à son devoir de vigilance, n'était entré en vigueur que le 6 décembre 2013 ; qu'en déboutant néanmoins la société [4] de sa demande, la cour d'appel a violé le principe de légalité des délits et des peines et le principe de non-rétroactivité de la loi plus répressive, tels que garantis par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et l'article 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 2. ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE lorsque le législateur a réservé les modalités d'application d'une loi à la publication de décrets d'application indispensables à son exécution, cette loi ne peut donc trouver application de manière rétroactive au cours de la période ayant couru entre sa publication et la publication de ses décrets d'application ; que l'article L. 133-4-5 du code de la sécurité sociale tel que modifié par la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 a prévu la suppression automatique des exonérations et réductions Fillon du donneur d'ordre ayant manqué à son devoir de vigilance sous réserve des modalités d'application dudit article déterminées par décret en Conseil d'Etat ; que les modalités de mise en oeuvre de l'article L. 133-4-5 ont été prises par le décret d'application n° 2013-1107 du 3 décembre 2013, entré en vigueur le 6 décembre 2013 au lendemain de sa publication au Journal Officiel ; qu'il en résulte que les dispositions de l'article L. 133-4-5 du code de la sécurité sociale, en ce qu'elles sanctionnent le manquement du donneur d'ordre à son devoir de vigilance, n'ont pu entrer en vigueur que le 6 décembre 2013 ; qu'en validant néanmoins la suppression des cotisations et exonérations de cotisations sociales de la société [4] pour toute l'année 2013, au motif erroné que la nouvelle sanction instaurée par l'article L. 133-4-5 du code de la sécurité sociale, dans sa version issue de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012, serait entrée en vigueur dès le 1er janvier 2013, la cour d'appel a violé l'article L. 133-4-5 du code du sécurité sociale dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012, les articles 2 et 22 du décret n° 2013-1107 du 3 décembre 2013 fixant les modalités de mise en oeuvre des dispositions de l'article L. 133-4-5, ensemble les articles 1 et 2 du code civil ; SECOND MOYEN SUBSIDIAIRE DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté la société [4] de ses demandes d'annulation de la décision de la commission de recours amiable du 3 mars 2017, et de condamnation de l'URSSAF d'Alsace au remboursement de la somme de 87.150 € ; ALORS QUE l'article R. 133-8-1 du code de la sécurité sociale dispose que le redressement consécutif à la mise en oeuvre des dispositions de l'article L. 133-4-5 (annulation des exonérations et réductions de cotisations sociales du donneur d'ordre non vigilant) « est porté à la connaissance du donneur d'ordre par un document signé par le directeur de l'organisme de recouvrement » et que « ce document rappelle les références du procès-verbal pour travail dissimulé établi à l'encontre du cocontractant » ; qu'au cas présent, pour solliciter l'annulation de la procédure de redressement opérée par l'URSSAF sur le fondement de l'article L. 133-4-5 du code de la sécurité sociale, la société [4] faisait valoir que ni la date, ni les références du procès-verbal de constat de travail dissimulé invoqué à l'encontre de son sous-traitant n'étaient indiquées dans la lettre d'observations du 18 novembre 2014 émise par l'URSSAF de Bretagne et que la mise en demeure du 23 mai 2016 émise par l'URSSAF d'Alsace se bornait à renvoyer à ladite lettre d'observations, sans plus de précision (conclusions d'appel, p. 18) ; que la cour d'appel a elle-même constaté que « la lettre d'observations du 18 novembre 2014 rappelle expressément que la Sarl [5] « a fait l'objet d'un procès-verbal adressé au parquet de Saint-Brieuc » » et que « la lettre d'observations ne précise pas le numéro du procès-verbal » ; qu'en déboutant néanmoins la société [4] de ses demandes au motif que la société [4] aurait été « suffisamment informée quant à la base justifiant la sanction envisagée à son encontre », cependant qu'il résultait de propres constatations que la lettre d'observations du 18 novembre 2014 ne comportait ni la date, ni les références du procès-verbal de constat de travail dissimulé établi à l'encontre du sous-traitant, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé l'article R. 133-8-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version résultant de l'article 2 du décret n° 2013-1107 du 3 décembre 2013.
Les sanctions prévues par l'article L. 133-4-5 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012, lorsqu'il est constaté que le donneur d'ordre n'a pas rempli l'une des obligations définies à l'article L. 8222-1 du code du travail et que son cocontractant a, au cours de la même période, exercé un travail dissimulé par dissimulation d'activité ou d'emploi salarié, sont applicables lorsque, à l'occasion d'un contrôle effectué après la date d'entrée en vigueur des dispositions du décret n° 2013-1107 du 3 décembre 2013, ont été constatés le manquement du donneur d'ordre à son obligation de vigilance et des faits matériels de travail dissimulé commis par son sous-traitant postérieurement au 1er janvier 2013, date d'entrée en vigueur de cette loi
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 16 février 2023 Rejet M. PIREYRE, président Arrêt n° 186 F-B Pourvoi n° E 21-16.349 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 FÉVRIER 2023 M. [R] [J], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° E 21-16.349 contre l'arrêt rendu le 17 décembre 2020 par la cour d'appel de Papeete (chambre civile), dans le litige l'opposant à la Caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Dudit, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [J], de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de la Caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 janvier 2023 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Dudit, conseiller référendaire rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Papeete, 17 décembre 2020), M. [J], chirurgien-dentiste exerçant à titre libéral (l'assuré), a cotisé volontairement auprès de la Caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française (la Caisse) à compter d'octobre 2010, afin de bénéficier du régime de retraite prévu pour les travailleurs salariés. 2. La Caisse ayant rejeté sa demande de liquidation de sa pension de retraite déposée le 16 décembre 2016, motif pris qu'il ne justifiait pas avoir cessé son activité professionnelle, l'assuré a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses troisième et quatrième branches, ci-après annexé 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches Enoncé du moyen 4. L'assuré fait grief à l'arrêt de rejeter son recours, alors : 1°/ que, selon l'article 33 de la Délibération n° 87-11/AT du 29 janvier 1987, « le service de la pension de retraite est subordonné à la rupture définitive de tout lien professionnel avec le dernier employeur, ou avec les derniers employeurs en cas d'activités salariées simultanées » ; que selon l'article 35 de la même Délibération, « le service de la pension de retraite est interrompu le premier jour du mois suivant la reprise d'activité auprès de l'employeur visé à l'article 33 - toutefois, l'assuré bénéficiaire d'une pension de retraite peut exercer une activité salariée auprès d'un employeur autre que celui ou ceux qui ont attesté de la cessation d'activité servant à la liquidation de la pension de retraite » ; qu'enfin, selon l'article 39, cette Délibération est applicable aux professions libérales ayant souscrit une assurance volontaire auprès de la Caisse de Prévoyance Sociale ; qu'il s'ensuit qu'après la cessation de son activité libérale, un assuré social peut liquider sa pension et, une fois sa pension liquidée, il peut reprendre son activité libérale ; que, pour estimer justifié le refus de liquidation de sa pension, la cour d'appel a retenu « que les articles 33 et 35 ont pour but manifeste de prévenir la situation consistant à servir une pension de retraite à une personne qui continue son activité dans les mêmes conditions, lui permettant de cumuler salaire et pension au titre de la même activité - elles prévoient néanmoins une exception pour le cas d'une activité salariée auprès d'un employeur différent, permettant un cumul pension de retraite/salaire – l'assuré social est donc non seulement tenu de démontrer qu'il a cessé toute activité, mais également que l'éventuelle activité qu'il entendrait reprendre est différente, ou exercer dans des conditions différentes, de celle qu'il a cessé (…) les éléments versés par la CPS, et non contestés par l'assuré dans leur réalité, démontrent qu'il a maintenu son conventionnement pour l'exercice de l'activité libérale de chirurgien-dentiste, soit celle-là même qu'il déclare avoir cessée, activité poursuivie après la date à laquelle il prétend bénéficier du service d'une pension, alors même qu'il continue de l'exercer dans des conditions strictement identiques » ; qu'en exigeant ainsi qu'après la liquidation de sa retraite, un assuré social modifie son activité libérale par rapport à celle qu'il exerçait auparavant, la cour d'appel a ajouté aux articles 33, 35 et 39 de la Délibération n° 87-11/AT du 29 janvier 1987 portant institution d'un régime de retraite des travailleurs salariés de la Polynésie française, une condition qui n'y figure pas, violant ainsi ces textes ; 2°/ que selon l'article 35 de la Délibération n° 87-11/AT du 29 janvier 1987, le service de la pension de retraite est interrompu le premier jour du mois suivant la reprise d'activité auprès de l'employeur pour lequel l'assuré social travaillait avant la liquidation de sa pension, en revanche cet assuré peut travailler pour un autre employeur ; qu'il s'ensuit qu'un assuré social ayant exercé une activité libérale avant la liquidation de sa pension, peut immédiatement reprendre cette activité libérale ; que l'assuré social faisait pertinemment valoir « qu'il avait effectivement repris une activité à compter du mois de janvier 2017 – cette reprise d'activité ne saurait en aucun cas le priver du service de sa pension de retraite, et ce d'autant plus que la délibération n° 87-11/AT du 29 janvier 1987 modifié ne prévoit aucun délai de carence pour reprendre une activité après avoir demandé ses droits à la retraite » ; que, pour estimer justifié le refus de liquidation de sa pension, la cour d'appel a retenu « que l'assuré social est tenu de démontrer que l'éventuelle activité qu'il entendrait reprendre est différente, ou exercer dans des conditions différentes, de celle qu'il a cessé et (…) que les éléments versés par la CPS, et non contestés par l'assuré dans leur réalité, démontrent qu'il a maintenu son conventionnement pour l'exercice de l'activité libérale de chirurgien-dentiste, soit celle-là même qu'il déclare avoir cessée, activité poursuivie après la date à laquelle il prétend bénéficier du service d'une pension, alors même qu'il continue de l'exercer dans des conditions strictement identiques » ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 33 et 35 de la Délibération n° 87-11/AT du 29 janvier 1987 portant institution d'un régime de retraite des travailleurs salariés de la Polynésie française. » Réponse de la Cour 5. Selon l'article 39 de la délibération n° 87-11/AT du 29 janvier 1987 portant institution d'un régime de retraite des travailleurs salariés de la Polynésie française, les dispositions de cette délibération sont applicables aux ressortissants du régime institué par la délibération n° 74-11 du 25 janvier 1974 modifiée, parmi lesquels figurent les membres des professions libérales, et qui souscrivent une assurance volontaire auprès de la Caisse de prévoyance sociale. 6. Aux termes de l'article 33 de la délibération du 29 janvier 1987, le service de la pension de retraite est subordonné à la rupture définitive de tout lien professionnel avec le dernier employeur, ou avec les derniers employeurs en cas d'activités salariées simultanées. 7. Aux termes de l'article 35 de cette délibération, le service de la pension de retraite est interrompu le premier jour du mois suivant la reprise d'activité auprès de l'employeur visé à l'alinéa 1 de l'article 33 précité. Toutefois, l'assuré bénéficiaire d'une pension de retraite peut exercer une activité salariée auprès d'un employeur autre que celui ou ceux qui ont attesté de la cessation d'activité servant à la liquidation de la pension de retraite. 8. Il résulte de la combinaison de ces textes, d'une part, que l'assuré, exerçant une activité libérale au titre de laquelle il s'est volontairement assuré au régime de retraite des travailleurs salariés auprès de la Caisse de prévoyance sociale, ne peut obtenir la liquidation de sa pension de retraite que s'il justifie avoir cessé cette activité, d'autre part, qu'il ne peut reprendre une activité professionnelle, sans suspension du service de sa pension de retraite, que si l'activité exercée est différente de celle au titre de laquelle il avait été volontairement assuré. 9. L'arrêt, d'une part, relève que les feuilles de soins émises par l'assuré social attestent de prestations effectuées les 2 et 5 décembre 2016, démontrant que l'assuré n'avait pas cessé son activité au moment de sa demande de pension de retraite, d'autre part, que l'assuré avait maintenu son conventionnement avec l'assurance, et a poursuivi son activité libérale dans des conditions identiques. 10. De ces constatations, la cour d'appel a exactement déduit que l'assuré n'ayant pas cessé son activité libérale, au titre de laquelle il avait souscrit une assurance volontaire auprès de la Caisse de prévoyance sociale, ne pouvait obtenir la liquidation de sa pension de retraite. 11. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. [J] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [J] et le condamne à payer à la Caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé en l'audience publique du seize février deux mille vingt-trois par Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et signé par elle, en remplacement du président empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. [J] L'assuré social fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR débouté de sa demande visant à faire condamner l'organisme social à procéder à la liquidation de sa pension de retraite à compter du 16 décembre 2016 ainsi que le remboursement des cotisations d'assurance maladie du régime non salarié indues depuis le 1er janvier 2017 ; 1) ALORS QUE, selon l'article 33 de la Délibération n° 87-11/AT du 29 janvier 1987, « le service de la pension de retraite est subordonné à la rupture définitive de tout lien professionnel avec le dernier employeur, ou avec les derniers employeurs en cas d'activités salariées simultanées » ; que selon l'article 35 de la même Délibération, « le service de la pension de retraite est interrompu le premier jour du mois suivant la reprise d'activité auprès de l'employeur visé à l'article 33 - toutefois, l'assuré bénéficiaire d'une pension de retraite peut exercer une activité salariée auprès d'un employeur autre que celui ou ceux qui ont attesté de la cessation d'activité servant à la liquidation de la pension de retraite » ; qu'enfin, selon l'article 39, cette Délibération est applicable aux professions libérales ayant souscrit une assurance volontaire auprès de la Caisse de Prévoyance Sociale ; qu'il s'ensuit qu'après la cessation de son activité libérale, un assuré social peut liquider sa pension et, une fois sa pension liquidée, il peut reprendre son activité libérale ; que, pour estimer justifié le refus de liquidation de sa pension, la cour d'appel a retenu « que les articles 33 et 35 ont pour but manifeste de prévenir la situation consistant à servir une pension de retraite à une personne qui continue son activité dans les mêmes conditions, lui permettant de cumuler salaire et pension au titre de la même activité - elles prévoient néanmoins une exception pour le cas d'une activité salariée auprès d'un employeur différent, permettant un cumul pension de retraite/salaire – l'assuré social est donc non seulement tenu de démontrer qu'il a cessé toute activité, mais également que l'éventuelle activité qu'il entendrait reprendre est différente, ou exercer dans des conditions différentes, de celle qu'il a cessé (…) les éléments versés par la CPS, et non contestés par l'assuré dans leur réalité, démontrent qu'il a maintenu son conventionnement pour l'exercice de l'activité libérale de chirurgien-dentiste, soit celle-là même qu'il déclare avoir cessée, activité poursuivie après la date à laquelle il prétend bénéficier du service d'une pension, alors même qu'il continue de l'exercer dans des conditions strictement identiques » (arrêt p.5 §10-11, p.6 §1 §5-6) ; qu'en exigeant ainsi qu'après la liquidation de sa retraite, un assuré social modifie son activité libérale par rapport à celle qu'il exerçait auparavant, la cour d'appel a ajouté aux articles 33, 35 et 39 de la Délibération n° 87-11/AT du 29 janvier 1987 portant institution d'un régime de retraite des travailleurs salariés de la Polynésie française, une condition qui n'y figure pas, violant ainsi ces textes ; 2) ALORS QUE, selon l'article 35 de la Délibération n° 87-11/AT du 29 janvier 1987, le service de la pension de retraite est interrompu le premier jour du mois suivant la reprise d'activité auprès de l'employeur pour lequel l'assuré social travaillait avant la liquidation de sa pension, en revanche cet assuré peut travailler pour un autre employeur ; qu'il s'ensuit qu'un assuré social ayant exercé une activité libérale avant la liquidation de sa pension, peut immédiatement reprendre cette activité libérale ; que l'assuré social faisait pertinemment valoir « qu'il avait effectivement repris une activité à compter du mois de janvier 2017 – cette reprise d'activité ne saurait en aucun cas le priver du service de sa pension de retraite, et ce d'autant plus que la délibération n° 87-11/AT du 29 janvier 1987 modifié ne prévoit aucun délai de carence pour reprendre une activité après avoir demandé ses droits à la retraite » (conclusions p.7) ; que, pour estimer justifié le refus de liquidation de sa pension, la cour d'appel a retenu « que l'assuré social est tenu de démontrer que l'éventuelle activité qu'il entendrait reprendre est différente, ou exercer dans des conditions différentes, de celle qu'il a cessé et (…) que les éléments versés par la CPS, et non contestés par M. [J] dans leur réalité, démontrent qu'il a maintenu son conventionnement pour l'exercice de l'activité libérale de chirurgien-dentiste, soit celle-là même qu'il déclare avoir cessée, activité poursuivie après la date à laquelle il prétend bénéficier du service d'une pension, alors même qu'il continue de l'exercer dans des conditions strictement identiques » (arrêt p.6 §1 et §5) ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 33 et 35 de la Délibération n° 87-11/AT du 29 janvier 1987 portant institution d'un régime de retraite des travailleurs salariés de la Polynésie française ; 3) ALORS QUE, selon l'article 33 de la Délibération n° 87-11/AT du 29 janvier 1987, la pension de retraite est liquidée dans les conditions suivantes, l'assuré social adresse à la Caisse de prévoyance sociale sa demande de liquidation, un récépissé du dépôt de cette demande lui est fourni, la date d'entrée en jouissance de la pension est fixée au premier jour du mois suivant la cessation de paiement des salaires pour un salarié ou des honoraires pour un travailleur indépendant ; qu'il ne peut être reproché à un assuré social, qui n'a pas reçu de récépissé de sa demande et auquel l'organisme social met plus de trois mois à répondre à sa demande de liquidation, d'avoir repris une activité libérale, ce que l'article 35 de la Délibération autorise ; que, dans ses écritures, l'assuré social faisait valoir « qu'il a fourni à la Caisse de prévoyance sociale sa demande de liquidation de pension de retraite accompagnée des justificatifs requis le 16 décembre 2016 – en revanche, il ne lui a pas été remis le récépissé du dépôt de sa demande – sa demande de liquidation de pension a bien été reçue et traitée par la Caisse puisque celle-ci lui a répondu plus de trois mois plus tard le 24 mars 2017 pour rejeter sa demande au motif qu'il ne justifierait pas avoir cessé toutes ses activités » (conclusions p.5) ; que l'assuré social faisait également valoir « qu'il avait effectivement repris une activité à compter du mois de janvier 2017 mais que cette reprise d'activité ne saurait en aucun cas le priver du service de sa pension de retraite » (conclusions p.7) ; qu'en s'abstenant de rechercher si un récépissé avait été remis à l'assuré social à la suite du dépôt de sa demande, si le refus de liquidation de la retraite ne lui avait pas été notifié trois mois après le dépôt de sa demande, et par conséquent, s'il pouvait être reproché à l'assuré d'avoir repris une activité libérale, pour ne pas rester sans ressource dans l'attente d'une décision de l'organisme social intervenue tardivement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 33 et 35 de la Délibération n° 87-11/AT du 29 janvier 1987 portant institution d'un régime de retraite des travailleurs salariés de la Polynésie française ; 4) ALORS QUE, subsidiairement, le service d'une pension de vieillesse est subordonné, pour les assurés exerçant une activité non salariée, à la cessation de cette activité – l'activité professionnelle étant celle qu'une personne exerce « d'une manière habituelle en vue d'en tirer un revenu lui permettant de vivre » (J. Savatier, Études offertes à J. Hamel, Paris, Dalloz, 1961. 3, spéc. p.6) ; que, pour estimer justifié le refus de liquidation de sa pension, la cour d'appel a constaté que « le 16 décembre 2016, l'assuré social a, d'une part, déclaré radier sa patente au titre de son activité de chirurgien-dentiste à compter du 2 décembre 2016 et, d'autre part, déposé une demande de liquidation de sa pension de retraite auprès de la caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française » (jugement p.2 in fine) ; qu'elle a retenu que « l'organisme social verse des feuilles de soins émises par l'assuré social attestant de prestations effectuées les 2 décembre et 5 décembre 2016, soit postérieurement à la date à laquelle il déclare avoir cessé son activité de chirurgien-dentiste en exercice libéral » si bien que l'assuré social « n'avait donc pas cessé son activité au moment de sa demande de bénéficier d'une pension de retraite » (arrêt p.6 §2 et §4 et feuilles de soins) ; qu'en s'abstenant de rechercher – comme les feuilles de soins le faisaient pourtant apparaître – comment le seul soin effectué le 5 décembre 2016 pouvait caractériser le maintien de l'exercice d'une activité de manière habituelle en vue d'en tirer un revenu permettant à l'assuré social de vivre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 33 et 35 de la Délibération n° 87-11/AT du 29 janvier 1987 portant institution d'un régime de retraite des travailleurs salariés de la Polynésie française.
Il résulte de la combinaison des articles 33, 35 et 39 de la délibération n° 87-11/AT du 29 janvier 1987 portant institution d'un régime de retraite des travailleurs salariés de la Polynésie française, d'une part, que l'assuré, exerçant une activité libérale au titre de laquelle il s'est volontairement assuré au régime de retraite des travailleurs salariés auprès de la Caisse de prévoyance sociale, ne peut obtenir la liquidation de sa pension de retraite que s'il justifie avoir cessé cette activité, d'autre part, qu'il ne peut reprendre une activité professionnelle, sans suspension du service de sa pension de retraite, que si l'activité exercée est différente de celle au titre de laquelle il avait été volontairement assuré
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 16 février 2023 Rejet M. PIREYRE, président Arrêt n° 188 F-B Pourvoi n° S 21-19.557 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 FÉVRIER 2023 La caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° S 21-19.557 contre l'arrêt rendu le 14 mai 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-8), dans le litige l'opposant à M. [F] [Z], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Dudit, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône, de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de M. [Z], et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 janvier 2023 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Dudit, conseiller référendaire rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 14 mai 2021), M. [Z] (l'assuré) s'est vu attribuer, à compter du 27 janvier 2000, une pension d'invalidité de catégorie 2, suspendue du 1er juillet 2008 au 30 avril 2015 à la suite de la reprise d'une activité professionnelle. 2. Du 2 mars 2015 au 31 mai 2016, l'assuré, atteint d'une nouvelle affection, a été placé en arrêt de travail. Par courrier du 3 juin 2016, la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône (la caisse) l'a informé, d'une part, de l'avis favorable émis par le service du contrôle médical en vue de l'attribution d'une pension d'invalidité de catégorie 2 à compter du 1er juin 2016, date de stabilisation de son état de santé, d'autre part, du refus de liquider une nouvelle pension d'invalidité. 3. L'assuré a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. La caisse fait grief à l'arrêt d'accueillir le recours, alors « que les dispositions de l'article R. 341-21 du code de la sécurité sociale selon lesquelles « Lorsque l'invalide, dont la pension est suspendue, est atteint d'une nouvelle affection entraînant une invalidité qui réduit au moins des deux tiers sa capacité de gain, la caisse primaire procède à la liquidation d'une seconde pension qui se substitue à la première, si elle est d'un montant plus élevé, sans préjudice de l'application des dispositions sur l'assurance maladie » s'appliquent en cas de suspension de la pension d'invalidité pour motif médical envisagée à l'article L. 341-13 du code de la sécurité sociale qui prévoit que « La pension est, sous réserve des dispositions de l'article L. 341-14, supprimée ou suspendue si la capacité de gain devient supérieure à un taux déterminé » ; qu'elles n'ont pas vocation à s'appliquer lorsque c'est uniquement le service de la pension qui a été en tout ou partie suspendu pour des raisons administratives tenant au niveau de revenu de l'assuré comme cela est prévu à l'article L. 341-12 du code de la sécurité sociale selon lequel « Le service de la pension peut être suspendu en tout ou partie en cas de reprise du travail, en raison de la rémunération de l'intéressé, au-delà d'un seuil et dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat » ; qu'en l'espèce les juges du fond ont bien constaté que c'était à raison des ressources de l'assuré que la CPCAM des Bouches-du-Rhône avait cessé de servir la pension litigieuse ; qu'aussi, en retenant, pour condamner la CPCAM des Bouches-du-Rhône à procéder au calcul de la nouvelle pension d'invalidité de deuxième catégorie de l'assuré à compter du 1er juin 2016, que les dispositions de l'article R. 341-21 du code de la sécurité sociale ne distingueraient pas entre la suspension administrative et la suspension pour raisons médicales, la cour d'appel a violé l'article R. 341-2 du code de la sécurité sociale. » Réponse de la Cour 5. Selon l'article L. 341-12 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019, applicable au litige, le service de la pension d'invalidité peut être suspendu en tout ou partie en cas de reprise du travail, en raison du salaire ou du gain de l'intéressé. 6. Selon l'article L. 341-13 du même code, la pension d'invalidité est supprimée ou suspendue si la capacité de gain devient supérieure à un taux fixé à 50 % par l'article R. 341-16. 7. Aux termes de l'article R. 341-21 du même code, dans sa rédaction issue du décret n° 85-1353 du 17 décembre 1985, applicable au litige, lorsque l'invalide, dont la pension est suspendue, est atteint d'une nouvelle affection entraînant une invalidité qui réduit au moins des deux tiers sa capacité de gain, la caisse primaire procède à la liquidation d'une seconde pension qui se substitue à la première, si elle est d'un montant plus élevé, sans préjudice de l'application des dispositions sur l'assurance maladie. 8. Il résulte de la combinaison de ces textes que quelle que soit la cause de la suspension de la première pension d'invalidité, lorsque l'assuré est atteint d'une nouvelle affection entraînant une invalidité qui réduit au moins des deux tiers sa capacité de gain, la caisse primaire doit procéder à la liquidation d'une seconde pension qui, sous réserve de son montant, se substitue à la première. 9. Ayant constaté que la nouvelle affection déclarée le 2 mars 2015 a entraîné une invalidité qui réduit au moins des deux tiers sa capacité de gain, la cour d'appel en a exactement déduit que la caisse devait procéder au calcul d'une nouvelle pension d'invalidité de catégorie 2 au profit de l'assuré. 10. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône et la condamne à payer à M. [Z] la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé en l'audience publique du seize février deux mille vingt-trois par Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et signé par elle, en remplacement du président empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire centrale d'assurance maladie (CPCAM) des Bouches-du-Rhône La caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué de lui AVOIR fait injonction de procéder au calcul de la nouvelle pension d'invalidité de deuxième catégorie de M. [Z] à compter du 1er juin 2016 ; ALORS QUE les dispositions de l'article R.341-21 du code de la sécurité sociale selon lesquelles « Lorsque l'invalide, dont la pension est suspendue, est atteint d'une nouvelle affection entraînant une invalidité qui réduit au moins des deux tiers sa capacité de gain, la caisse primaire procède à la liquidation d'une seconde pension qui se substitue à la première, si elle est d'un montant plus élevé, sans préjudice de l'application des dispositions sur l'assurance maladie » s'appliquent en cas de suspension de la pension d'invalidité pour motif médical envisagée à l'article L.341-13 du code de la sécurité sociale qui prévoit que « La pension est, sous réserve des dispositions de l'article L.341-14, supprimée ou suspendue si la capacité de gain devient supérieure à un taux déterminé » ; qu'elles n'ont pas vocation à s'appliquer lorsque c'est uniquement le service de la pension qui a été en tout ou partie suspendu pour des raisons administratives tenant au niveau de revenu de l'assuré comme cela est prévu à l'article L.341-12 du code de la sécurité sociale selon lequel « Le service de la pension peut être suspendu en tout ou partie en cas de reprise du travail, en raison de la rémunération de l'intéressé, au-delà d'un seuil et dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat » ; qu'en l'espèce les juges du fond ont bien constaté que c'était à raison des ressources de l'assuré que la CPCAM des Bouches-du-Rhône avait cessé de servir la pension litigieuse ; qu'aussi, en retenant, pour condamner la CPCAM des Bouches-du-Rhône à procéder au calcul de la nouvelle pension d'invalidité de deuxième catégorie de M. [Z] à compter du 1er juin 2016, que les dispositions de l'article R.341-21 du Code de la sécurité sociale ne distingueraient pas entre la suspension administrative et la suspension pour raisons médicales, la cour d'appel a violé l'article R.341-2 du code de la sécurité sociale.
Il résulte de la combinaison des articles L. 341-12, L. 341-13, et l'article R. 341-21, du code de la sécurité sociale, le premier dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019 et le dernier dans sa rédaction issue du décret n° 85-1353 du 17 décembre 1985, que quelle que soit la cause de la suspension de la première pension d'invalidité, lorsque l'assuré est atteint d'une nouvelle affection entraînant une invalidité qui réduit au moins des deux tiers sa capacité de gain, la caisse primaire doit procéder à la liquidation d'une seconde pension qui, sous réserve de son montant, se substitue à la première
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 16 février 2023 Cassation partielle M. PIREYRE, président Arrêt n° 191 F-B Pourvoi n° A 20-23.241 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 FÉVRIER 2023 La Caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° A 20-23.241 contre l'arrêt rendu le 10 septembre 2020 par la cour d'appel de Papeete (chambre sociale), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société [5], société anonyme, à l'enseigne [7], dont le siège est [Adresse 4], 2°/ à Mme [K] [T], veuve [M], 3°/ à M. [H] [W] [M], 4°/ à M. [P] [V] [M], tous trois domiciliés [Adresse 6], 5°/ à Mme [E] [S] [M], domiciliée en face [Adresse 3], 6°/ à M. [I] [H] [D] [M], domicilié appartement face [Adresse 2], défendeurs à la cassation. La société [5] a formé un pourvoi incident contre le même arrêt. La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Labaune, conseiller référendaire, les observations de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de la Caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société [5], après débats en l'audience publique du 10 janvier 2023 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Labaune, conseiller référendaire rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Désistement partiel 1. Il est donné acte à la Caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé à l'encontre de Mme [K] [T], veuve [M], M. [H] [W] [M], M. [P] [V] [M], Mme [E] [S] [M] et de M. [I] [H] [D] [M]. Faits et procédure 2. Selon l'arrêt attaqué (Papeete, 10 septembre 2020), rendu sur renvoi après cassation (2e Civ., 9 février 2017, pourvoi n° 16-10.317), [X] [M] (l'assuré), salarié de la société [7], devenue [5] (l'employeur), a été victime, le 22 septembre 2003, d'un accident que la Caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française (la caisse) a refusé de prendre en charge au titre de la législation professionnelle. L'intéressé a été indemnisé selon le régime de la longue maladie jusqu'au 1er octobre 2006, date à laquelle il a fait valoir ses droits à la retraite. L'ayant informé, le 26 mars 2007, de l'avis favorable du médecin-conseil à la reconnaissance du caractère professionnel de son accident, la caisse a attribué à l'assuré une rente indemnisant une incapacité permanente partielle de 80 % à effet au 1er février 2004. La caisse a délivré à l'employeur une mise en demeure suivie d'une contrainte, signifiée le 9 mai 2011, en vue du remboursement des indemnités journalières qui lui ont été versées, du 1er mars 2004 au 20 septembre 2006, pour le compte de l'assuré en raison de la perception, par celui-ci, d'une rente du régime des accidents du travail sur la même période. 3. L'employeur a formé opposition à cette contrainte devant une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale. À la suite du décès de l'assuré, ses ayants droit ont repris l'instance. Recevabilité du pourvoi incident, examinée d'office Vu les articles 550, 612 et 614 du code de procédure civile : 4. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des textes susvisés. 5. Il résulte de la combinaison des textes susvisés qu'est irrecevable le pourvoi incident qui critique un chef de l'arrêt attaqué n'intéressant qu'un codéfendeur au pourvoi principal, dès lors qu'il a été formé, après expiration du délai pour agir à titre principal, postérieurement au désistement partiel du demandeur au pourvoi principal, en ce qu'il était dirigé à l'encontre de ce codéfendeur. 6. Le pourvoi incident formé par l'employeur le 20 juillet 2021, postérieurement au désistement de la caisse le 17 mai 2021 du pourvoi principal en ce qu'il était dirigé contre les ayants droit de l'assuré, critique un chef de l'arrêt attaqué ayant déclaré irrecevable sa demande en condamnation de ces derniers au remboursement des indemnités journalières indûment reversées à l'assuré. Ce chef de la décision ne concerne que les ayants droit de l'assuré. 7. Le pourvoi incident est, dès lors, irrecevable. Examen du moyen du pourvoi principal Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 8. La caisse fait grief à l'arrêt de valider la contrainte dans la limite d'un certain montant, alors « que l'action intentée par un organisme payeur en recouvrement des prestations indûment payées se prescrit par deux ans à compter du paiement des prestations sauf en cas de fraude ou de fausse déclaration ; que lorsque le salaire est maintenu en totalité, l'employeur est subrogé de plein droit à l'assuré dans les droits de celui-ci aux indemnités journalières qui lui sont dues, de sorte que le délai de deux ans court à compter de chaque paiement effectué par la caisse entre les mains de l'employeur subrogé ; que devant la cour d'appel de renvoi, la caisse a soutenu, à titre subsidiaire, que la prescription biennale ne pouvait atteindre les indemnités journalières versées entre les mains de l'employeur subrogé dans les droits de son salarié à compter du 9 avril 2006, soit un montant total de 5.174.689 F CFP au vu des mandats de paiement produits ; qu'en limitant à la somme de 2.874.827 F CFP le recours de la caisse, la cour d'appel, qui s'est référée aux périodes d'indemnisation de l'assuré mentionnées dans la contrainte, et non à la date effective de leur paiement par la caisse à l'employeur subrogé, a violé l'article 1er de la délibération n° 2003-69 APF du 15 mai 2003. » Réponse de la Cour Recevabilité du moyen 9. L'employeur conteste la recevabilité du moyen, pris en sa première branche, comme étant nouveau. 10. Cependant, il résulte des conclusions de la caisse que celle-ci demandait, à titre subsidiaire, le cantonnement de sa créance à une somme correspondant aux paiements intervenus à compter du 9 avril 2006, au vu des mandats de paiement émis au titre des avances auprès de l'employeur. 11. Le moyen, qui était dans le débat, n'est donc pas nouveau et est recevable. Bien-fondé du moyen Vu l'article 1er de la délibération n° 2003-69 APF du 15 mai 2003 relative au recouvrement des prestations versées indûment par la Caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française : 12. Aux termes de ce texte, sauf dispositions spéciales, l'action en recouvrement des prestations indûment payées par la Caisse de prévoyance sociale dans le cadre de la gestion des régimes de protection sociale qui lui est confiée, se prescrit par deux ans à compter du paiement entre les mains du bénéficiaire, excepté en cas de fraude ou de fausse déclaration. 13. Pour cantonner à un certain montant la créance non prescrite de la caisse, l'arrêt relève que la mise en demeure adressée par la caisse à l'employeur, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception reçue le 9 avril 2008, a pour objet une créance de prestations indues correspondant à la part due par la caisse à l'assuré au titre des indemnités journalières dans le salaire maintenu par l'employeur au cours de la période d'arrêt de travail pour longue maladie. Il en déduit que seuls échappent à la prescription les versements réalisés par la caisse au titre des périodes d'arrêt de travail de l'assuré postérieures au 9 avril 2006. 14. En statuant ainsi, alors que le point de départ du délai de prescription biennal prévu par le texte susvisé doit être fixé à la date du paiement entre les mains de l'employeur, subrogé dans les droits de l'assuré, bénéficiaire des indemnités journalières indûment versées, la cour d'appel a violé ce texte. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi principal, la Cour : DÉCLARE le pourvoi incident irrecevable ; CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il valide la contrainte n° 02-201 décernée par la Caisse de prévoyance sociale le 28 mars 2011 à l'encontre de la société [5] pour un montant de 2 874 827 FCP, l'arrêt rendu le 10 septembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Papeete ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Papeete, autrement composée ; Condamne la société [5] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par la société [5] et la condamne à payer à la Caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé en l'audience publique du seize février deux mille vingt-trois par Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et signé par elle, en remplacement du président empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Duhamel-Rameix- Gury-Maitre, avocat aux Conseils, pour la Caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française LA CAISSE DE PREVOYANCE SOCIALE DE POLYNÉSIE FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir validé la contrainte n° 02-211 du 28 mars 2011 émise par la CPS à l'encontre de la SA [5] dans la limite de 2.874.827 FCP correspondant aux paiements indus d'indemnités journalières en assurance-maladie intervenus à compter du 9 avril 2006 ; 1° ALORS QUE l'action intentée par un organisme payeur en recouvrement des prestations indûment payées se prescrit par deux ans à compter du paiement des prestations sauf en cas de fraude ou de fausse déclaration ; que lorsque le salaire est maintenu en totalité, l'employeur est subrogé de plein droit à l'assuré dans les droits de celui-ci aux indemnités journalières qui lui sont dues, de sorte que le délai de deux ans court à compter de chaque paiement effectué par la Caisse entre les mains de l'employeur subrogé ; que devant la cour d'appel de renvoi, la Caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française a soutenu, à titre subsidiaire, que la prescription biennale ne pouvait atteindre les indemnités journalières versées entre les mains de l'employeur subrogé dans les droits de son salarié à compter du 9 avril 2006, soit un montant total de 5.174.689 F CFP au vu des mandats de paiement produits (cf. cls. p. 4 dernier §, renvoyant à la pièce d'appel n°1b) ; qu'en limitant à la somme de 2.874.827 F CFP le recours de la Caisse, la cour d'appel, qui s'est référée aux périodes d'indemnisation de [X] [M] mentionnées dans la contrainte, et non à la date effective de leur paiement par la Caisse à l'employeur subrogé, a violé l'article 1er de la délibération n° 2003-69 APF du 15 mai 2003 ; 2° ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en énonçant, au vu de la contrainte n° 02-2011 émise le 28 mars 2011, qu'échappent à la prescription les demandes de la Caisse dans la limite de 2.874.827 F CFP, correspondant aux paiements réalisés par celle-ci à compter du 9 avril 2006, cependant que la contrainte n° 02-2011 ne renseignait pas les dates de paiement des indemnités journalières mais seulement les périodes d'indemnisation dues au titre de la législation polynésienne de sécurité sociale, la cour d'appel a dénaturé la contrainte n° 02-2011 émise le 28 mars 2011. Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société [5] La société [5] reproche à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré prescrite sa demande de condamnation solidaire des consorts [M] à lui payer la somme de 15 934 600 FCP au titre des indemnités journalières d'accident maladie indûment reversées à M. [M] ; ALORS QUE le juge doit respecter et faire respecter le principe de la contradiction ; qu'il ne peut relever d'office un moyen de droit sans inviter les parties à s'en expliquer ; que les consorts [M] n'avaient pas invoqué la prescription de la demande de la société [5] tendant à leur condamnation à lui payer les indemnités journalières indûment versées à [X] [M] ; qu'en relevant d'office, sans inviter les parties à s'expliquer, le moyen tiré de ce que la demande avait été formulée pour la première fois dans les conclusions du 13 octobre 2017, de sorte qu'elle était atteinte par la prescription quinquennale, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile.
Il résulte de la combinaison des articles 550, 612 et 614 du code de procédure civile qu'est irrecevable le pourvoi incident qui critique un chef de l'arrêt attaqué n'intéressant qu'un codéfendeur au pourvoi principal, dès lors qu'il a été formé, après expiration du délai pour agir à titre principal, postérieurement au désistement partiel du demandeur au pourvoi principal, en ce qu'il était dirigé à l'encontre de ce codéfendeur
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 16 février 2023 Rejet M. PIREYRE, président Arrêt n° 195 F-B Pourvoi n° J 21-14.237 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 FÉVRIER 2023 L'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de Provence-Alpes-Côte d'Azur, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits de la Caisse nationale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants, a formé le pourvoi n° J 21-14.237 contre l'arrêt rendu le 29 janvier 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 13), dans le litige l'opposant à la société [3], société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Leblanc, conseiller, les observations écrites de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol et les observations orales de Me Gatineau, avocat de l'URSSAF de Provence-Alpes-Côte d'Azur, les observations écrites de la SCP Bouzidi et Bouhanna et les observations orales de Me Bouhanna, avocat de la société [3], et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 janvier 2023 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Leblanc, conseiller rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, M. de Monteynard, avocat général, et Mme Catherine, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 janvier 2021), rendu sur renvoi après cassation (2e Civ., 20 décembre 2018, pourvoi, n° 15-21434), à la suite d'une vérification d'assiette portant sur la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) et la contribution additionnelle dues par la société [3] (la société) pour l'année 2008, la Caisse nationale du régime social des indépendants, aux droits de laquelle vient l'URSSAF de Provence-Alpes-Côte d'Azur (l'URSSAF), lui a notifié des observations suivies d'une mise en demeure du 8 décembre 2011. 2. La société a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale. Examen du moyen Enoncé du moyen 3. L'URSSAF fait grief à l'arrêt d'annuler la mise en demeure du 8 décembre 2011, alors : « 1°/ qu'aux termes de l'arrêt de la CJUE C-39/17 du 14 juin 2018, la valeur des biens transférés dans un autre Etat membre de l'Union européenne figurant initialement dans l'assiette de la C3S doit être déduite de cette assiette lorsque ces biens ne sont pas destinés à être vendus dans l'autre Etat membre ou ont été réacheminés en France sans avoir été vendus ; qu'à défaut d'indiquer ab initio que les bien litigieux transférés dans un pays de l'Union européenne ne sont pas destinés à être vendus, il est impossible de déduire leur valeur de l'assiette de la C3S qui doit être réglée à charge d'être remboursée si finalement le bien n'est pas vendu ; que, si la CJUE n'a pas précisé à quel moment cette déduction devait intervenir, elle ne peut être opérée qu'a posteriori lorsque l'absence de vente des biens postérieurement à leur transfert est définitivement établie ; qu'en jugeant que le remboursement de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) sur le fondement de l'article L. 243-6 du code de la sécurité sociale ne répondait pas à cette possibilité de déduction, sans préciser en quoi un tel remboursement des contributions indûment versées ne permettait pas d'opérer la déduction de l'assiette des cotisations des biens non vendus dans l'Etat membre de destination, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 651-3, L. 651-5 et L. 243-6 du code de la sécurité sociale en leur rédaction applicable au litige, ensemble les articles 28 et 30 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; 2°/ que les juges du fond ne peuvent dénaturer les conclusions des parties ; qu'en l'espèce, l'URSSAF faisait valoir dans ses écritures que le mécanisme de remboursement de la C3S résultant de l'article L. 243-6 du code de la sécurité sociale était analogue au mécanisme de régularisation prévu au titre de la TVA ; qu'en jugeant que les correctifs applicables en matière de TVA ne s'appliquaient pas aux biens transférés réacheminés dans l'Etat membre d'origine sans avoir été vendus, de sorte que l'URSSAF ne pouvait se prévaloir de cette réglementation quand l'organisme de recouvrement se limitait à établir un comparatif entre les mécanismes applicables en matière de C3S et de TVA sans solliciter l'application des correctifs applicables en matière de TVA à la C3S, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de l'exposante ; 3°/ qu'il incombe à celui qui sollicite le bénéfice d'un allégement de son obligation au paiement de charges sociales de rapporter la preuve qu'il réunit les conditions pour l'obtenir ; qu'en jugeant en l'espèce que l'URSSAF ne justifiait pas du redressement entrepris à défaut de rapporter la preuve de l'existence d'un dispositif permettant d'opérer une déduction d'assiette de la C3S, quand il appartenait à la société sollicitant ladite déduction d'assiette de démontrer qu'avaient été inclus dans l'assiette de la C3S des biens qui n'étaient pas destinés à être vendus dans l'Etat membre de destination ou avaient été réacheminés en France sans avoir été vendus, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, en violation de l'article 1315 devenu 1353 du code civil ; 4°/ qu'aux termes de l'arrêt de l'arrêt de la CJUE C-39/17 du 14 juin 2018, la valeur des biens transférés dans un autre Etat membre de l'Union européenne figurant initialement dans l'assiette de la C3S doit être déduite de cette assiette lorsque ces biens ne sont pas destinés à être vendus dans l'autre Etat membre ou ont été réacheminés en France sans avoir été vendus ; qu'en annulant le redressement en jugeant que l'URSSAF ne justifiait pas avoir déduit de l'assiette de la C3S les biens non vendus dans l'Etat membre de destination sans avoir constaté qu'avaient été assujettis à la C3S des biens transférés au sein de l'Union européenne n'ayant pas fait l'objet d'une vente ultérieure, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 651-3 et L. 651-5 du code de la sécurité sociale en leur rédaction applicable au litige, ensemble les articles 28 et 30 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. » Réponse de la Cour 4. La Cour de justice de l'Union européenne (arrêt du 14 juin 2018, C-39/17) a dit pour droit que les articles 28 et 30 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne doivent être interprétés en ce sens qu'ils ne s'opposent pas à une réglementation d'un Etat membre prévoyant que l‘assiette de contributions perçues sur le chiffre d'affaires annuel des sociétés, pour autant que ce dernier atteint ou dépasse un certain montant, soit calculée en tenant compte de la valeur représentative des biens transférés par un assujetti ou pour son compte, pour les besoins de son entreprise, de cet Etat membre vers un autre Etat membre de l'Union européenne, cette valeur étant prise en compte dès ledit transfert, alors que, lorsque les mêmes biens sont transférés par l'assujetti ou pour son compte, pour les besoins de son entreprise, sur le territoire de l'Etat membre concerné, leur valeur n'est prise en compte dans ladite assiette que lors de leur vente ultérieure, à la condition, premièrement, que la valeur de ces biens ne soit pas, une nouvelle fois, prise en compte dans ladite assiette lors de leur vente ultérieure dans cet Etat membre, deuxièmement, que leur valeur soit déduite de ladite assiette lorsque ces biens ne sont pas destinés à être vendus dans l'autre Etat membre ou ont été réacheminés dans l'Etat membre d'origine sans avoir été vendus et troisièmement, que les avantages résultant de l'affectation desdites contributions ne compensent pas intégralement la charge supportée par le produit national commercialisé sur le marché national lors de sa mise sur le marché, ce qu'il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier. 5. Pour annuler le redressement, après avoir énoncé qu'il convenait de vérifier que la valeur des biens transférés de France vers un autre Etat membre de l'Union européenne soit déduite de l'assiette de la C3S lorsque ces biens ne sont pas destinés à être vendus dans l'autre Etat membre ou ont été réacheminés dans l'Etat membre d'origine sans avoir été vendus, l'arrêt retient que le remboursement des contributions sur le fondement de l'article L. 243-6 du code de la sécurité sociale ne s'apparente pas à cette déduction. Il relève ensuite que les correctifs de TVA ne s'appliquent pas aux biens transférés qui ont été réacheminés dans l'Etat membre d'origine sans avoir été vendus. Il en déduit que la réglementation dont se prévaut l'URSSAF pour justifier son redressement ne remplit pas la condition visée par la CJUE. 6. En l'état de ces constatations et énonciations, dont il ressort que l'URSSAF a procédé à l'assujettissement litigieux sans permettre au cotisant de déduire de l'assiette de la C3S la valeur des biens qui ne sont pas destinés à être vendus dans l'Etat membre où ils ont été transférés ni celle des biens qui ont été réacheminés dans l'Etat membre d'origine sans avoir été vendus, la cour d'appel a, sans dénaturer les conclusions des parties ni méconnaître les règles de preuve, légalement justifié sa décision. 7. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne l'URSSAF de Provence-Alpes-Côte d'Azur, venant aux droits de la Caisse nationale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants, aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'URSSAF de Provence-Alpes-Côte d'Azur, venant aux droits de la Caisse nationale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants, et la condamne à payer à la société [3] la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé en l'audience publique du seize février deux mille vingt-trois par Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et signé par elle, en remplacement du président empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour l'URSSAF de Provence-Alpes-Côte d'Azur L'URSSAF PACA fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR annulé la mise en demeure du 8 décembre 2011 émise par la Caisse nationale du RSI, aux droits de laquelle vient l'URSSAF PACA et notifié à la société [3], 1/ ALORS QU'aux termes de l'arrêt de la CJUE C-39/17 du 14 juin 2018, la valeur des biens transférés dans un autre Etat membre de l'Union européenne figurant initialement dans l'assiette de la C3S doit être déduite de cette assiette lorsque ces biens ne sont pas destinés à être vendus dans l'autre État membre ou ont été réacheminés en France sans avoir été vendus ; qu'à défaut d'indiquer ab initio que les bien litigieux transférés dans un pays de l'Union européenne ne sont pas destinés à être vendus, il est impossible de déduire leur valeur de l'assiette de la C3S qui doit être réglée à charge d'être remboursée si finalement le bien n'est pas vendu ; que, si la CJUE n'a pas précisé à quel moment cette déduction devait intervenir, elle ne peut être opérée qu'a posteriori lorsque l'absence de vente des biens postérieurement à leur transfert est définitivement établie ; qu'en jugeant que le remboursement de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) sur le fondement de l'article L. 243-6 du code de la sécurité sociale ne répondait pas à cette possibilité de déduction, sans préciser en quoi un tel remboursement des contributions indûment versées ne permettait pas d'opérer la déduction de l'assiette des cotisations des biens non vendus dans l'Etat membre de destination, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 651-3, L. 651-5 et L. 243-6 du code de la sécurité sociale en leur rédaction applicable au litige, ensemble les articles 28 et 30 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, 2/ ALORS QUE les juges du fond ne peuvent dénaturer les conclusions des parties ; qu'en l'espèce, l'URSSAF faisait valoir dans ses écritures que le mécanisme de remboursement de la C3S résultant de l'article L. 243-6 du code de la sécurité sociale était analogue au mécanisme de régularisation prévu au titre de la TVA (conclusions d'appel p.19 et suivantes) ; qu'en jugeant que les correctifs applicables en matière de TVA ne s'appliquaient pas aux biens transférés réacheminés dans l'Etat membre d'origine sans avoir été vendus, de sorte que l'URSSAF ne pouvait se prévaloir de cette réglementation quand l'organisme de recouvrement se limitait à établir un comparatif entre les mécanismes applicables en matière de C3S et de TVA sans solliciter l'application des correctifs applicables en matière de TVA à la C3S, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de l'exposante, 3/ ALORS QU'il incombe à celui qui sollicite le bénéfice d'un allégement de son obligation au paiement de charges sociales de rapporter la preuve qu'il réunit les conditions pour l'obtenir ; qu'en jugeant en l'espèce que l'URSSAF ne justifiait pas du redressement entrepris à défaut de rapporter la preuve de l'existence d'un dispositif permettant d'opérer une déduction d'assiette de la C3S, quand il appartenait à la société sollicitant ladite déduction d'assiette de démontrer qu'avaient été inclus dans l'assiette de la C3S des biens qui n'étaient pas destinés à être vendus dans l'Etat membre de destination ou avaient été réacheminés en France sans avoir été vendus, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, en violation de l'article 1315 devenu 1353 du code civil, 4/ ALORS QUE, aux termes de l'arrêt de l'arrêt de la CJUE C-39/17 du 14 juin 2018, la valeur des biens transférés dans un autre Etat membre de l'Union européenne figurant initialement dans l'assiette de la C3S doit être déduite de cette assiette lorsque ces biens ne sont pas destinés à être vendus dans l'autre État membre ou ont été réacheminés en France sans avoir été vendus ; qu'en annulant le redressement en jugeant que l'URSSAF ne justifiait pas avoir déduit de l'assiette de la C3S les biens non vendus dans l'Etat membre de destination sans avoir constaté qu'avaient été assujettis à la C3S des biens transférés au sein de l'Union européenne n'ayant pas fait l'objet d'une vente ultérieure, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 651-3 et L. 651-5 du code de la sécurité sociale en leur rédaction applicable au litige, ensemble les articles 28 et 30 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.
La Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que les articles 28 et 30 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ne s'opposent pas à ce que la valeur des biens transférés de France à destination d'un autre Etat membre de l'Union européenne soit prise en compte dès ledit transfert, pour déterminer le chiffre d'affaires annuel qui constitue l'assiette de la contribution sociale de solidarité des sociétés, à condition que leur valeur soit déduite de la dite assiette lorsque ces biens ne sont pas destinés à être vendus dans l'autre Etat membre ou ont été réacheminés dans l'Etat membre d'origine sans avoir été vendus. La possibilité pour le cotisant d'agir, sur le fondement de l'article L. 243-6 du code de la sécurité sociale, en remboursement des contributions indûment acquittées n'équivaut pas à la possibilité de déduire de l'assiette de la contribution sociale de solidarité des sociétés la valeur des biens qui ne sont pas destinés à être vendus dans l'Etat membre où ils ont été transférés ni celle des biens qui ont été réacheminés dans l'Etat membre d'origine sans avoir été vendus
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N° C 22-83.695 FS-B N° 00131 SL2 21 FÉVRIER 2023 IRRECEVABILITE REJET M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 21 FÉVRIER 2023 M. [W] [C] a formé des pourvois contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 8e section, en date du 1er juin 2022, qui, dans l'information suivie contre lui, notamment, des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure. Par ordonnance en date du 31 août 2022, le président de la chambre criminelle a déclaré irrecevable le pourvoi formé le 17 juin 2022 et prescrit l'examen immédiat du pourvoi formé le 7 juin 2022. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de Mme Ménotti, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [W] [C], et les conclusions de M. Aldebert, avocat général, Me Hazan ayant eu la parole en dernier, après débats en l'audience publique du 10 janvier 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Ménotti, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, MM. Maziau, Seys, Dary, Mme Thomas, conseillers de la chambre, M. Violeau, Mme Merloz, M. Michon, conseillers référendaires, M. Aldebert, avocat général, et Mme Lavaud, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Le 2 janvier 2021, une information judiciaire a été ouverte devant un juge d'instruction de Paris, des chefs susvisés. 3. Le 4 octobre 2021, à 19 heures 40, M. [W] [C] a été placé en garde à vue sur commission rogatoire, pour une durée de soixante et onze heures et vingt minutes, mesure qui a été levée le 7 octobre suivant à 19 heures, de sorte qu'il devait être présenté au juge d'instruction dans le délai de vingt heures, soit au plus tard le 8 octobre 2021 à 15 heures, en application de l'article 803-3 du code de procédure pénale. 4. A cette dernière date, à 13 heures 55, a débuté l'interrogatoire de première comparution de l'intéressé, dont l'identité a été constatée. L'interrogatoire a été suspendu à 13 heures 57 par le juge d'instruction qui a indiqué au mis en cause qu'il serait ré-entendu plus tard dans l'après-midi. Il a repris à 15 heures 15. 5. Le 3 février 2022, M. [C] a déposé une requête en nullité. Examen des moyens Sur le second moyen 6. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté le moyen tiré de l'irrégularité de la « comparution » de M. [C] devant le juge d'instruction et a dit n'y avoir lieu à annulation d'un acte ou d'une pièce de la procédure, alors « que selon l'article 803-2 du code de procédure pénale, toute personne ayant fait l'objet d'un défèrement à l'issue de sa garde à vue ou de sa retenue à la demande du procureur de la République ou du juge de l'application des peines, comparaît le jour même devant ce magistrat ou, en cas d'ouverture d'une information, devant le juge d'instruction saisi de la procédure ; que selon l'article 803-3 du code de procédure pénale, en cas de nécessité, la personne peut comparaître le jour suivant et peut être retenue à cette fin dans les locaux de la juridiction spécialement aménagés, à condition que cette comparution intervienne au plus tard dans un délai de 20 heures à compter de l'heure à laquelle la garde à vue ou la retenue a été levée, à défaut de quoi, l'intéressé est immédiatement remis en liberté ; que cette première comparution qui doit intervenir avant l'expiration du délai de 20 heures, doit avoir lieu en présence de l'avocat lequel doit pouvoir s'entretenir préalablement avec son client ; qu'en retenant que le magistrat instructeur avait pu interrompre le délai en se présentant à la personne déférée qui n'était pas assistée de son avocat en lui indiquant simplement que l'interrogatoire reprendra plus tard, la chambre de l'instruction a méconnu les dispositions précitées, ensemble l'article 116 du code de procédure pénale, les droits de la défense, les règles du procès équitable et l'article 5 § 1er de la Convention européenne des droits de l'homme. » Réponse de la Cour 8. Il résulte de l'article 803-3 du code de procédure pénale que la personne qui fait l'objet d'un défèrement à l'issue de sa garde à vue peut, dès lors que celle-ci n'a pas duré plus de soixante-douze heures et en cas de nécessité, comparaître le jour suivant, à la condition que cette comparution intervienne au plus tard dans un délai de vingt heures à compter de l'heure à laquelle la garde à vue a été levée, à défaut de quoi l'intéressé est immédiatement remis en liberté. 9. Ce texte n'interdit pas que l'interrogatoire de première comparution, régulièrement commencé avant l'expiration du délai de vingt heures, se poursuive postérieurement au terme dudit délai, la personne déférée restant alors sous le contrôle effectif du juge d'instruction. 10. En l'espèce, pour rejeter la requête en nullité, faisant valoir que l'interrogatoire de première comparution a eu lieu après l'expiration du délai de vingt heures, l'arrêt attaqué énonce que celui-ci a commencé à 13 heures 55, soit avant l'expiration dudit délai. 11. Les juges ajoutent qu'il importe peu que l'interrogatoire de première comparution ait été suspendu jusqu'à 15 heures 15, afin de permettre la présence de l'avocat de l'intéressé. 12. En se déterminant ainsi, et dès lors que la comparution de la personne déférée devant le juge d'instruction a mis fin à la période de rétention, la chambre de l'instruction a justifié sa décision. 13. En effet, il importe peu que l'avocat de l'intéressé n'ait pas été présent lors de la constatation de l'identité de ce dernier, l'article 116 du code de procédure pénale ne prévoyant la désignation d'un avocat par la personne déférée que lors d'une phase ultérieure de l'interrogatoire de première comparution. 14. Dès lors, le moyen doit être écarté. 15. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un février deux mille vingt-trois.
L'article 803-3 du code de procédure pénale, qui prévoit que la personne déférée au terme d'une garde à vue d'un maximum de 72 heures, peut comparaître le jour suivant, dans un délai de 20 heures à compter de la levée de la garde à vue, n'interdit pas que l'interrogatoire de première comparution, régulièrement commencé avant l'expiration de ce délai, se poursuive postérieurement, l'intéressé restant sous le contrôle du juge d'instruction
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N° M 21-86.068 FS-B N° 00132 SL2 21 FÉVRIER 2023 CASSATION M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 21 FÉVRIER 2023 Le procureur général près la cour d'appel de Paris et les associations [3] ([3]), la [6], [5], [2], [4] ([4]), [9] ([9]), [1] ([1]), [8], et [7] ([7]), parties civiles, ont formé des pourvois contre l'arrêt de ladite cour d'appel, chambre 2-7, en date du 8 septembre 2021, qui a relaxé M. [F] [R] des chefs d'injures publiques et provocation publique à la haine ou à la violence, à raison de l'origine, de l'ethnie, la nation, la race ou la religion, et a prononcé sur les intérêts civils. Les pourvois sont joints en raison de la connexité. Des mémoires ont été produits, en demande et en défense. Sur le rapport de M. Dary, conseiller, les observations du procureur général près la cour d'appel de Paris, les observations de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de [6], [5] et de la [2], les observations de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de [8], de l'[9] ([9]) et de [1] ([1]), les observations de la SCP Spinosi, avocat du [7] ([7]), les observations de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de la Ligue française pour la défense des droits de l'homme et du citoyen, les observations de Me Laurent Goldman, avocat de la [4] ([4]), les observations de la SCP Le Griel, avocat de M. [F] [R], et les conclusions de M. Lemoine, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 janvier 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Dary, conseiller rapporteur, Mmes Labrousse, Ménotti, MM. Maziau, Seys, Mme Thomas, conseillers de la chambre, M. Violeau, Mme Merloz, M. Michon, conseillers référendaires, M. Lemoine, avocat général, et Mme Lavaud, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. M. [F] [R] a été cité devant le tribunal correctionnel pour avoir, à Paris, le 28 septembre 2019, lors d'un discours tenu dans une réunion publique, commis des injures publiques envers un groupe de personnes, à raison de leur origine ou de leur appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, en l'espèce, en tenant les propos suivants : « Ce que nos progressistes ne parviennent pas à comprendre, c'est que l'avenir n'est pas régi par des courbes économiques mais par des courbes démographiques. Celles-ci sont implacables. L'Afrique, qui était une terre vide de 100 millions d'habitants en 1900, sera une terre pleine à ras bord de 2 milliards et plus en 2050. L'Europe, qui était alors une terre pleine de 400 millions d'habitants, quatre fois plus, n'est montée qu'à 500 millions. Un pour quatre, le rapport s'est exactement inversé. A l'époque, le dynamisme démographique de notre continent, a permis aux blancs de coloniser le monde. Ils ont exterminé les indiens et les aborigènes, asservi les africains. Aujourd'hui, nous vivons une inversion démographique qui entraîne une inversion des courants migratoires, qui entraîne une inversion de la colonisation. Je vous laisse deviner qui seront leurs indiens et leurs esclaves. C'est vous » ; « Ainsi se comportent-ils comme en terre conquise comme se sont comportés les pieds noirs en Algérie ou les Anglais en Inde. Ils se comportent en colonisateurs. Les caïds et leurs bandes s'allient à l'Imam pour faire régner l'ordre dans la rue et dans les consciences, selon la vieille alliance du sabre et du goupillon, en l'occurrence, la kalach et la djellaba. » ; « Il y a une continuité entre les viols, vols, trafics jusqu'aux attentats de 2015 en passant par les innombrables attaques au couteau dans les rues de France, ce sont les mêmes qui commettent, qui passent sans difficulté de l'un à l'autre pour punir les « kouffars » les infidèles. C'est le djihad partout et pour tous et par tous. », propos contenant des expressions outrageantes, termes de mépris ou invectives ne renfermant l'imputation d'aucun fait. 3. Il a été également cité pour avoir, dans les mêmes circonstances, provoqué publiquement à la discrimination, à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, en l'espèce, en tenant les propos suivants : « Ce que nos progressistes ne parviennent pas à comprendre, c'est que l'avenir n'est pas régi par des courbes économiques mais par des courbes démographiques. Celles-ci sont implacables. L'Afrique, qui était une terre vide de 100 millions d'habitants en 1900, sera une terre pleine à ras bord de 2 milliards et plus en 2050. L'Europe, qui était alors une terre pleine de 400 millions d'habitants, quatre fois plus, n'est montée qu'à 500 millions. Un pour quatre, le rapport s'est exactement inversé. A l'époque, le dynamisme démographique de notre continent, a permis aux blancs de coloniser le monde. Ils ont exterminé les indiens et les aborigènes, asservi les africains. Aujourd'hui, nous vivons une inversion démographique qui entraîne une inversion des courants migratoires, qui entraîne une inversion de la colonisation. Je vous laisse deviner qui seront leurs indiens et leurs esclaves. C'est vous » ; « La question qui se pose donc à nous est la suivante : les jeunes français vont-ils accepter de vivre en minorité sur la terre de leurs ancêtres ? Si oui, ils méritent leur colonisation. Si non, ils devront se battre pour leur libération. Mais comment se battre ? Où se battre ? Sur quoi se battre ? » ; « L'immigration c'était la guerre, venir d'un pays étranger pour donner à ses enfants un destin français. Aujourd'hui les immigrés viennent en France pour continuer à vivre comme au pays. Ils gardent leur histoire, leurs héros, leurs moeurs, leurs prénoms, leurs femmes qu'ils font venir de là-bas, leurs lois qu'ils imposent de gré ou de force aux Français de souche qui doivent se soumettre ou se démettre c'est à dire vivre sous la domination des moeurs islamiques et du hallal ou fuir.» ; « Ainsi se comportent-ils comme en terre conquise comme se sont comportés les pieds noirs en Algérie ou les Anglais en Inde. Ils se comportent en colonisateurs. Les caïds et leurs bandes s'allient à l'Imam pour faire régner l'ordre dans la rue et dans les consciences, selon la vieille alliance du sabre et du goupillon, en l'occurrence, la kalach et la djellaba. » ; « Il y a une continuité entre les viols, vols, trafics jusqu'aux attentats de 2015 en passant par les innombrables attaques au couteau dans les rues de France, ce sont les mêmes qui commettent, qui passent sans difficulté de l'un à l'autre pour punir les « kouffars » les infidèles. C'est le djihad partout et pour tous et par tous. » ; « Dans la rue, les femmes voilées et les hommes en djellaba sont une propagande par le fait, une islamisation de la rue et les uniformes d'une armée d'occupation rappellent aux vaincus leur soumission. Au triptyque d'antan « Immigration, Intégration, Assimilation » s'est substitué « Invasion, colonisation, Occupation. » » 4. Par jugement contradictoire, en date du 25 septembre 2020, le tribunal correctionnel a, notamment, déclaré M. [R] coupable des chefs susvisés, l'a condamné à 10 000 euros d'amende, ordonné la diffusion et la publication d'un communiqué judiciaire à titre de peines complémentaires et prononcé sur les intérêts civils. 5. Le prévenu, le procureur de la République et certaines des associations parties civiles ont relevé appel de cette décision. Examen des moyens Sur le moyen unique proposé par la SCP Bouzedi et Bouhanna pour la Ligue française pour la défense des droits de l'homme et du citoyen Sur le moyen unique proposé par la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre pour la [6], [5] et la [2] Sur le moyen unique proposé par Me Laurent Goldman pour la [4] Sur les premier et second moyens proposés par la SCP Ricard, Bedel-Vasseur, Ghnassia pour l'[9], [1] et [8] Sur le moyen unique proposé par la SCP Spinosi pour le [7] Sur le moyen proposé par le procureur général Enoncé des moyens 6. Le moyen unique proposé pour la Ligue française pour la défense des droits de l'homme et du citoyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a infirmé le jugement et renvoyé M. [R] des fins de la poursuite, confirmé le jugement sur la recevabilité des constitutions de parties civiles, a infirmé pour le surplus et débouté les parties civiles de l'ensemble de leurs demandes, alors : « 1°/ que la provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, lorsqu'elle est publique comme effectuée par l'un des moyens prévus à l'article 23 de la loi est constituée dès lors que la teneur ou la portée du propos, en lien direct avec l'origine, l'ethnie, la nation, la race ou la religion, rejaillit sur la totalité du groupe de personnes ainsi défini ; qu'ainsi que le faisait valoir l'exposante les propos visent principalement les personnes issues de l'immigration et les personnes de confession musulmane, soit un groupe de personnes déterminé en raison de leur origine et de leur appartenance à une religion déterminée ; qu'il ressort des propos incriminés que M. [R] indique « je sais on va m'accuser d'islamophobie, j'ai l'habitude. On sait tous que ce concept fumeux a été inventé pour rendre impossible la critique de l'islam », qu'au passage 1 s'il vise les immigrés d'Afrique, il ajoute que l'islam est le drapeau de ces immigrés « pour nous vaincre avec nos droits de l'homme et nous dominer avec sa charia », « en France comme dans toute l'Europe, tous nos problèmes sont aggravés – je ne dis pas créés, mais aggravé – par l'immigration (…). Et tous nos problèmes aggravés par l'immigration sont aggravés par l'islam », qu'au passage 3 il dénonce le fait que les immigrés continuent à vivre comme dans leur pays, qu'ils gardent leur prénoms, leurs femmes qu'ils font venir de là-bas, leurs lois qu'ils imposent de gré ou de force aux français de souche qui doivent se soumettre ou se démettre c'est à dire vivre sous la domination de moeurs islamiques et du halal ou fuir, qu'au point 2 par référence au point précédent les immigrés se comportent en colonisateurs, « les caïds et les bandes s'allient à l'Imam pour faire régner l'ordre dans la rue et dans les consciences selon la vielle alliance du sabre et du goupillon », soit la kalach et la djellaba visant ainsi à travers les immigrés la communauté musulmane, ce que corrobore le passage 5 faisant référence aux viols, vols, trafics, attaques au couteau dans les rues de France jusqu'aux attentats de 2015 perpétrés par les mêmes qui passent sans difficulté de l'un à l'autre pour punir les « kouffars »et les infidèles, qu'il qualifie de djihad partout et pour tous et par tous, qu'au passage 6 c'est encore la communauté musulmane qui est visée lorsqu'il relève que dans la rue les femmes voilées et les hommes en djellaba sont une propagande par le fait, une islamisation de la rue et les uniformes d'une armée d'occupation qui rappellent aux vaincus leur soumission ; qu'en retenant que le premier passage vise seulement les immigrés de confession musulmane en provenance d'Afrique, que le deuxième vise seulement les immigrés de confession musulmane, que les troisième, quatrième et cinquième passages ne vise que les immigrés de confession musulmane, le sixième ne vise pas les musulmans dans leur ensemble mais seulement une partie d'entre eux, qui affiche leur appartenance communautaire par le port du voile pour les femmes et la djellaba pour les hommes ne vise qu'une fraction de ces groupes, pour en déduire qu'aucun des propos poursuivis ne vise l'ensemble des Africains, des immigrés ou des musulmans, mais uniquement une fraction de ces groupes, qu'il n'est en tout état de cause nullement justifié de propos visant un groupe de personnes, dans son ensemble, en raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales s'évinçant de ses constatations dont il ressortait que le groupe visé est la communauté musulmane et elle a violé les textes susvisés ; 2°/ que le délit de provocation prévu par l'article 24, alinéa 7, de la loi du 29 juillet 1881 est constitué lorsque son auteur a entendu susciter un sentiment de haine ou de violence à l'encontre d'une personne ou d'un groupe de personnes en raison de leur origine, de leur appartenance ou non appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ; que le juge doit porter une appréciation globale et tenir compte non seulement des propos poursuivis mais aussi porter son appréciation au regard des éléments extrinsèques ; qu'ainsi que le faisait valoir l'exposante les propos visent principalement les personnes issues de l'immigration et les personnes de confession musulmane, soit un groupe de personnes déterminé en raison de leur origine et de leur appartenance à une religion déterminée ; qu'ainsi seules les personnes de confession musulmane sont visées lorsque M. [R] indique que l'islam est le drapeau de ces immigrés « pour nous vaincre avec nos droits de l'homme et nous dominer avec sa charia », « en France comme dans toute l'Europe, tous nos problèmes sont aggravés – je ne dis pas créés, mais aggravé – par l'immigration (….). Et tous nos problèmes aggravés par l'immigration sont aggravés par l'islam », (passage 1), qu'il en est de même lorsqu'il dénonce le fait que les immigrés continuent à vivre comme dans leur pays, qu'ils gardent leur prénoms, leurs femmes (au pluriel) qu'ils font venir de là-bas, leurs lois qu'ils imposent de gré ou de force aux français de souche qui doivent se soumettre ou se démettre c'est à dire vivre sous la domination de moeurs islamiques et du halal ou fuir, (passage 3), qu'au passage 2 par référence au point précédent les immigrés se comportent en colonisateurs, « les caïds et les bandes s'allient à l'Imam pour faire régner l'ordre dans la rue et dans les consciences selon la vielle alliance du sabre et du goupillon », soit la kalach et la djellaba visant ainsi à travers les immigrés Africains la communauté musulmane, ce que corrobore le passage 5 faisant référence aux viols, vols, trafics, attaques au couteau dans les rues de France jusqu'aux attentats de 2015 perpétrés par les mêmes qui passent sans difficulté de l'un à l'autre pour punir les « kouffars »et les infidèles, qu'il qualifie de djihad partout et pour tous et par tous, qu'ainsi encore c'est la communauté musulmane qui est visée lorsqu'il dénonce le fait que dans la rue les femmes voilées et les hommes en djellaba sont une propagande par le fait, une islamisation de la rue et les uniformes d'une armée d'occupation qui rappellent aux vaincus leur soumission, qu'il ressort encore du discours, soit d'éléments extrinsèques, que c'est bien les seuls personnes de confession musulmane qui sont visées lorsqu'il dénonce la mise au panier par les Briand d'aujourd'hui de toutes les collections de corans qu'on leur apporte, remplis de sourates qui donnent l'ordre d'égorger tous les mécréants, les infidèles, les juifs et les chrétiens et qu'il reconnaît précisément « je sais on va m'accuser d'islamophobie, j'ai l'habitude. On sait tous que ce concept fumeux a été inventé pour rendre impossible la critique de l'islam » ; qu'en retenant que le premier passage vise seulement les immigrés de confession musulmane en provenance d'Afrique, que le deuxième vise seulement les immigrés de confession musulmane, que les troisième, quatrième et cinquième passages ne vise que les immigrés de confession musulmane, le sixième ne vise pas les musulmans dans leur ensemble mais seulement une partie d'entre eux, qui affiche leur appartenance communautaire par le port du voile pour les femmes et la djellaba pour les hommes ne vise qu'une fraction de ces groupes, pour en déduire qu'aucun des propos poursuivis ne vise l'ensemble des Africains, des immigrés ou des musulmans, mais uniquement une fraction de ces groupes, qu'il n'est en tout état de cause nullement justifié de propos visant un groupe de personnes, dans son ensemble, en raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, la cour d'appel qui n'a pris en considération les éléments extrinsèques figurant dans le discours dont sont extraits les passages visés, dont il ressort clairement et précisément que c'est la seule communauté musulmane dans son ensemble qui est visée, soit un groupe de personne identifié en raison de sa religion, et partant n'a pas procédé à une appréciation globale comme elle y était tenue, a violé les textes susvisés ; 3°/ que, l'article 33 de la loi du 29 juillet 1881 réprime l'injure commise envers un groupe de personnes à raison de l'origine ou de l'appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ; qu'ayant relevé qu'il lui appartient de rechercher si les propos litigieux visent des personnes ou groupes protégés par les articles 33 alinéa 3 et 24 alinéa 7 de la loi du 29 juillet 1881 en raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, la cour d'appel a retenu que le premier passage vise seulement les immigrés de confession musulmane en provenance d'Afrique, que le deuxième vise seulement les immigrés de confession musulmane, que les troisième, quatrième et cinquième passages ne vise que les immigrés de confession musulmane, le sixième ne vise pas les musulmans dans leur ensemble mais seulement une partie d'entre eux, qui affiche leur appartenance communautaire par le port du voile pour les femmes et la djellaba pour les hommes ne vise qu'une fraction de ces groupes, pour en déduire qu'aucun des propos poursuivis ne vise l'ensemble des Africains, des immigrés ou des musulmans, mais uniquement une fraction de ces groupes, qu'il n'est en tout état de cause nullement justifié de propos visant un groupe de personnes, dans son ensemble, en raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ; que la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales s'évinçant de ses constatations dont il ressortait que le groupe visé est la communauté musulmane et elle a violé les textes susvisés ; 4°/ que, l'article 33 de la loi du 29 juillet 1881 réprime l'injure commise envers un groupe de personnes à raison de l'origine ou de l'appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ; qu'ayant relevé qu'il lui appartient de rechercher si les propos litigieux visent des personnes ou groupes protégés par les articles 33 alinéa 3 et 24 alinéa 7 de la loi du 29 juillet 1881 en raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, après avoir énoncés les propos poursuivis, la cour d'appel a retenu qu'aucun des propos poursuivis ne vise l'ensemble des Africains, des immigrés ou des musulmans, mais uniquement une fraction de ces groupes, qu'en tout état de cause, il n'est nullement justifié de propos visant un groupe de personnes, dans son ensemble, en raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, pour décider que les infractions poursuivies ne sont pas constituées, la cour d'appel qui n'a pris en considération les éléments extrinsèques figurant dans le discours dont sont extraits les passages visés, dont il ressort clairement et précisément que c'est la seule communauté musulmane dans son ensemble qui est visée, soit un groupe de personne identifié en raison de sa religion, et partant n'a pas procédé à une appréciation globale comme elle y était tenue, a violé les textes susvisés. » 7. Le moyen unique proposé pour la [6], [5] et la [2] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a renvoyé M. [F] [R] des fins de la poursuite et a débouté l'association la [6], [5] et la [2] de leurs demandes, alors : « 1°/ que les délits d'injure publique et de provocation publique à la haine ou à la violence en raison de l'origine, l'ethnie, la nation, la race ou la religion sont caractérisés dès lors que les propos incriminés sont tenus à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes en raison de l'un des caractères ci-dessus ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté (arrêt, p. 20, n° 32 et 33) que les deuxième, troisième, quatrième et cinquième passages des propos incriminés, qui se suivent, visaient « les immigrés de confession musulmane » ; qu'ainsi ces propos visaient un « groupe de personnes », en l'occurrence les immigrés, « en raison d'une religion déterminée », à savoir la religion musulmane ; qu'en affirmant le contraire, au motif erroné que les propos ne visaient ni l'ensemble des immigrés, ni l'ensemble des musulmans, la cour d'appel a violé les articles 23, 24, 29 et 33 de la loi du 29 juillet 1881 ; 2°/ qu'en énonçant qu'il n'est nullement justifié de propos visant un groupe de personnes, dans son ensemble, en raison de leur origine ou de leur appartenance à une religion ou une origine déterminée, tandis qu'il résulte de ses propres constatations (arrêt, p. 20, n° 31) que les propos litigieux du premier passage visaient le groupe de personnes immigrées venant d'Afrique et de religion musulmane et que ces propos sont indissociables de ceux tenus sur l'islam, la cour d'appel, qui s'est fondée sur le motif erroné que les propos ne visaient ni l'ensemble des immigrés, ni l'ensemble des musulmans, ni l'ensemble des Africains, a violé les articles 23, 24, 29 et 33 de la loi du 29 juillet 1881 ; 3°/ qu'en toute hypothèse il appartient aux juges de rechercher quels sont les personnes ou groupes visés par les propos litigieux d'après les circonstances de la cause et les éléments extrinsèques aux propos incriminés ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que les propos poursuivis ne pouvaient être dissociés de propos tenus sur l'islam auparavant (arrêt, p. 20) ; qu'il ressort de la transcription des propos que le prévenu a multiplié les références générales à la religion musulmane, visant le halal, le djihad, les kouffars, les imams, l'islamisation ou encore les moeurs islamiques (arrêt, p. 15,16 et 20) ; qu'il s'ensuit que, loin de se limiter à une partie des musulmans, il visait en réalité la communauté musulmane dans son ensemble ; qu'en affirmant le contraire, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, violant ainsi les articles 23, 24, 29 et 33 de la loi du 29 juillet 1881. » 8. Le moyen unique proposé pour la [4] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a, renvoyant M. [R] des chefs d'injure raciale et provocation à la haine raciale, déboutée de ses demandes indemnitaires, alors « que les immigrés de religion musulmane forment un groupe de personnes au sens des articles 24 alinéa 7 et 33 alinéa 3 de la loi du 29 juillet 1881 ; qu'il résulte tant des constatations de l'arrêt attaqué que des propos incriminés que ceux-ci visaient, de manière globale, les immigrés de confession musulmane, de sorte qu'en retenant, pour relaxer M. [R], que seule une fraction des Africains, des immigrés ou des musulmans était visée et qu'il n'était pas justifié de propos visant un groupe de personnes dans son ensemble, la cour d'appel a méconnu les textes précités. » 9. Le premier moyen proposé pour l'[9], [1] et [8] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a renvoyé M. [R] des fins de la poursuite du chef de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, alors : « 1°/ que le délit provocation à la discrimination, la haine ou la violence raciale suppose que l'infraction ait eu pour cible une personne physique ou morale ou un groupe de personne à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ; qu'en l'espèce, [F] [R] a été poursuivi en raison des propos suivants : « Ce que nos progressistes ne parviennent pas à comprendre, c'est que l'avenir n'est pas régi par des courbes économiques mais par des courbes démographiques. Celles-ci sont implacables. L'Afrique, qui était une terre vide de 100 millions d'habitants en 1900, sera une terre pleine à ras bord de 2 milliards et plus en 2050. L'Europe, qui était alors une terre pleine de 400 millions d'habitants, quatre fois plus, n'est montée qu'à 500 millions. Un pour quatre, le rapport s'est exactement inversé. À l'époque, le dynamisme démographique de notre continent, a permis aux blancs de coloniser le monde. Ils ont exterminé les indiens et les aborigènes, asservis les africains. Aujourd'hui, nous vivons une inversion démographique qui entraîne une inversion des courants migratoires, qui entraîne une inversion de la colonisation. Je vous laisse deviner qui seront les indiens et leurs esclaves. C'est vous » […] « La question qui se pose donc à nous est la suivante : les jeunes Français vont-ils accepter de vivre en minorité sur la terre de leurs ancêtres ? Si oui, ils méritent leur colonisation. Sinon, ils devront se battre pour leur libération. Mais comment se battre ? Ou se battre ? Sur quoi se battre ? » […] « L'immigration c'était naguère venir d'un pays étranger pour donner à ses enfants un destin français. Aujourd'hui les immigrés viennent en France pour continuer à vivre comme au pays. Ils gardent leur histoire, leurs héros, leurs moeurs, leurs prénoms, leurs femmes qu'ils font venir de là-bas, leurs lois qu'ils imposent de gré ou de force aux Français de souche qui doivent se soumettre ou se démettre c'est-à-dire vivre sous la domination des moeurs islamiques et du hallal ou fuir » […] « Ainsi se comportent-ils comme en terre conquise comme se sont comportés les pieds noirs en Algérie ou les Anglais en Inde. Ils se comportent en colonisateurs. Les caïds et leur bande s'allient à l'Imam même pour faire régner l'ordre dans la rue et dans les consciences, selon la vieille alliance du sabre et du goupillon, en l'occurrence, la kalach et la djellaba » […] « Il y a une continuité entre les viols, vols, trafics jusqu'aux attentats de 2015 en passant par les innombrables attaques au couteau dans les rues de France, ce sont les mêmes qui commettent, qui passent sans difficulté de l'un à l'autre pour punir les "kouffars" les infidèles. C'est le djihad partout et pour tous et par tous » […] « Dans la rue, les femmes voilées et les hommes en djellaba sont une propagande par le fait, une islamisation de la rue et les uniformes d'une armée d'occupation rappellent aux vaincus leur soumission. Au triptyque d'antan "Immigration, Intégration, Assimilation" s'est substitué "Invasion, Colonisation, Occupation" » ; que ces propos, par leur sens et leur portée, désignent tous les musulmans comme des envahisseurs et des colonisateurs qui nécessitent une résistance des populations autochtones ; qu'ainsi, en renvoyant [F] [R] du chef de provocation à la discrimination, la haine ou la violence raciale, en relevant qu'aucun des propos poursuivis ne vise l'ensemble des Africains, des immigrés ou des musulmans, mais uniquement une fraction de ces groupes et encore, qu'en tout état de cause, il n'est nullement justifié de propos visant un groupe de personnes, dans son ensemble, en raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, la cour d'appel a violé les articles 24 alinéa 7, de la loi du 29 juillet 1881, 591 à 593 du code de procédure pénale et 10 de la Convention européenne des droits de l'homme ; 2°/ que les juges du fond doivent rechercher, au-delà de l'acte de saisine et des conclusions des parties, le groupe visé par les propos poursuivis ; que son identification peut être rendue possible non seulement par les termes du discours ou de l'écrit ou par des circonstances extrinsèques qui éclairent et confirment cette désignation de manière à la rendre évidente ; qu'en l'espèce, en relevant qu'aucun des propos poursuivis ne vise l'ensemble des Africains, des immigrés ou des musulmans, mais uniquement une fraction de ces groupes et encore, qu'en tout état de cause, il n'est nullement justifié de propos visant un groupe de personnes, dans son ensemble, en raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, mais sans rechercher si le groupe visé n'était pas suffisamment désigné, au-delà des seuls passages poursuivis, par les autres passages du discours, notamment ceux qui mettaient en cause « l'universalisme islamique, qui effectue une opération d'occupation et de colonisation des portions du territoire français », qui multipliaient les références à l'islam et évoquaient une guerre des races et des religions en faisant un parallèle avec le nazisme, ce qui permettait de confirmer que la communauté musulmane dans son ensemble était la cible des propos poursuivis, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 24 alinéa 7 de la loi du 29 juillet 1881, et ainsi violé les articles 591 à 593 du code de procédure pénale et 10 de la Convention européenne des droits de l'homme ; 3°/ qu'à titre subsidiaire, le délit de provocation à la discrimination, la haine ou la violence raciale est suffisamment caractérisé par la mise en cause d'un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ; qu'en l'espèce, en renvoyant [F] [R] des fins de la poursuite, bien qu'elle ait relevé que le premier passage poursuivi vise des immigrés de confession musulmane en provenance d'Afrique, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations a violé les articles 24 alinéa 7 de la loi du 29 juillet 1881, 591 à 593 du code de procédure pénale et 10 de la Convention européenne des droits de l'homme ; 4°/ qu'à titre subsidiaire, le délit de provocation à la discrimination, la haine ou la violence raciale est suffisamment caractérisé par la mise en cause d'un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ; qu'en l'espèce, en renvoyant [F] [R] des fins de la poursuite, bien qu'elle ait relevé que le deuxième passage vise les immigrés de confession musulmane, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations a violé les articles 24 alinéa 7 de la loi du 29 juillet 1881, 591 à 593 du code de procédure pénale et 10 de la Convention européenne des droits de l'homme ; 5°/ qu'à titre subsidiaire, le délit de provocation à la discrimination, la haine ou la violence raciale est suffisamment caractérisé par la mise en cause d'un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ; qu'en l'espèce, en renvoyant [F] [R] des fins de la poursuite, bien qu'elle ait relevé que les troisième, quatrième et cinquième passages visent les immigrés de confession musulmane, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations a violé les articles 24 alinéa 7 de la loi du 29 juillet 1881, 591 à 593 du code de procédure pénale et 10 de la Convention européenne des droits de l'homme. » 10. Le second moyen proposé pour l'[9], [1] et [8] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a renvoyé M. [R] des fins de la poursuite du chef d'injure publique à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, alors : « 1°/ que le délit d'injure publique à caractère racial suppose que l'infraction ait eu pour cible une personne physique ou morale ou un groupe de personne à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ; qu'en l'espèce, [F] [R] a été poursuivi en raison des propos suivants : « Ce que nos progressistes ne parviennent pas à comprendre, c'est que l'avenir n'est pas régi par des courbes économiques mais par des courbes démographiques. Celles-ci sont implacables. L'Afrique, qui était une terre vide de 100 millions d'habitants en 1900, sera une terre pleine à ras bord de 2 milliards et plus en 2050. L'Europe, qui était alors une terre pleine de 400 millions d'habitants, quatre fois plus, n'est montée qu'à 500 millions. Un pour quatre, le rapport s'est exactement inversé. À l'époque, le dynamisme démographique de notre continent, a permis aux blancs de coloniser le monde. Ils ont exterminé les indiens et les aborigènes, asservis les africains. Aujourd'hui, nous vivons une inversion démographique qui entraîne une inversion des courants migratoires, qui entraîne une inversion de la colonisation. Je vous laisse deviner qui seront les indiens et leurs esclaves. C'est vous », […] « Ainsi se comportent-ils comme en terre conquise comme se sont comportés les pieds noirs en Algérie ou les Anglais en Inde. Ils se comportent en colonisateurs. Les caïds et leur bande s'allient à l'Imam même pour faire régner l'ordre dans la rue et dans les consciences, selon la vieille alliance du sabre et du goupillon, en l'occurrence, la kalach et la djellaba » et « Il y a une continuité entre les viols, vols, trafics jusqu'aux attentats de 2015 en passant par les innombrables attaques au couteau dans les rues de France, ce sont les mêmes qui commettent, qui passent sans difficulté de l'un à l'autre pour punir les « kouffars » les infidèles. C'est le djihad partout et pour tous et par tous » ; que ces propos, par leur sens et leur portée, désignent tous les musulmans comme des envahisseurs et des colonisateurs qui nécessitent une résistance des populations autochtones ; qu'ainsi, en renvoyant [F] [R] du chef d'injure publique à caractère racial, en relevant qu'aucun des propos poursuivis ne vise l'ensemble des Africains, des immigrés ou des musulmans, mais uniquement une fraction de ces groupes et encore, qu'en tout état de cause, il n'est nullement justifié de propos visant un groupe de personnes, dans son ensemble, en raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, la cour d'appel a violé les articles 24 alinéa 7, de la loi du 29 juillet 1881, 591 à 593 du code de procédure pénale et 10 de la Convention européenne des droits de l'homme ; 2°/ que les juges du fond doivent rechercher, au-delà de l'acte de saisine et des conclusions des parties, le groupe visé par les propos poursuivis ; que son identification peut être rendue possible non seulement par les termes du discours ou de l'écrit ou par des circonstances extrinsèques qui éclairent et confirment cette désignation de manière à la rendre évidente ; qu'en l'espèce, en relevant qu'aucun des propos poursuivis ne vise l'ensemble des Africains, des immigrés ou des musulmans, mais uniquement une fraction de ces groupes et encore, qu'en tout état de cause, il n'est nullement justifié de propos visant un groupe de personnes, dans son ensemble, en raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, mais sans rechercher si le groupe visé n'était pas suffisamment désigné, au-delà des seuls passages poursuivis, par les autres passages du discours, notamment ceux qui mettaient en cause « l'universalisme islamique, qui effectue une opération d'occupation et de colonisation des portions du territoire français », qui multipliaient les références à l'islam et évoquaient une guerre des races et des religions en faisant un parallèle avec le nazisme, ce qui permettait de confirmer que la communauté musulmane dans son ensemble était la cible des propos poursuivis, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 24 alinéa 7 de la loi du 29 juillet 1881, et ainsi a violé les articles 591 à 593 du code de procédure pénale et 10 de la Convention européenne des droits de l'homme ; 3°/ qu'à titre subsidiaire, le délit d'injure publique à caractère racial est suffisamment caractérisé par la mise en cause d'un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ; qu'en l'espèce, en renvoyant [F] [R] des fins de la poursuite, bien qu'elle ait relevé que le premier passage poursuivi vise des immigrés de confession musulmane en provenance d'Afrique, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations a violé les articles 24 alinéa 7 de la loi du 29 juillet 1881, 591 à 593 du code de procédure pénale et 10 de la Convention européenne des droits de l'homme ; 4°/ qu'à titre subsidiaire, le délit d'injure publique à caractère racial est suffisamment caractérisé par la mise en cause d'un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ; qu'en l'espèce, en renvoyant [F] [R] des fins de la poursuite, bien qu'elle ait relevé que les deuxième et troisième passages visent les immigrés musulmans vivant en France qui se comportent comme en terre conquise, en colonisateurs, et que la communauté musulmane en France n'est pas française, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations a violé les articles 24 alinéa7 de la loi du 29 juillet 1881, 591 à 593 du code de procédure pénale et 10 de la Convention européenne des droits de l'homme. » 11. Le moyen unique proposé pour le [7] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a, infirmant le jugement entrepris, renvoyé M. [F] [R] des fins de la poursuite et débouté le [7] de l'ensemble de ses demandes, alors : « 1°/ que d'une part les délits de provocation à la haine et d'injure sont aggravés lorsque les juges constatent que, tant par leur sens que par leur portée, les propos incriminés sont tenus à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes en raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ; qu'en l'espèce, en se bornant à examiner isolément chacun des passages poursuivis pour considérer qu'aucun ne visait un groupe de personnes dans son ensemble, mais une seule fraction, sans jamais procéder à une analyse d'ensemble qui démontrait, ainsi que l'avaient justement relevé les premiers juges, que « la formulation des passages incriminés de ce discours écrit et préparé ne stigmatise pas, (…) les islamistes ou les salafistes mais les musulmans dans leur ensemble présentés comme des envahisseurs, avec un champ lexical de guerre et de colonisation : « propagande », « uniforme, « terre conquise », « kalach », « djihad » « armée d'occupation », « vaincus », « invasion » « colonisation », « occupation », « colonisateurs », de domination : « qui seront leurs esclaves », « vivres sous la domination des moeurs islamiques et du halal » et de violence : « viols », « attentats de 2015 » et « innombrables attaques aux couteaux dans les rues de France », la cour d'appel n'a pas rempli son office et n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles des articles 10§2 de la Convention européenne des droits de l'homme, 24 alinéa 7, 29 alinéa 1 et 32 alinéa 2, 29 alinéa 2 et 33 alinéa 3 de la loi du 29 juillet 1881 et 591 et 593 du code de procédure pénale ; 2°/ que d'autre part, le sens et la portée des propos incriminés doivent être appréciés en tenant compte d'éléments intrinsèques et extrinsèques au support de ces propos, à savoir tant du contenu même des propos que du contexte dans lequel ils s'inscrivent ; peu importe, à cet égard, le contenu des conclusions des parties civiles ; qu'ainsi, a privé sa décision de toute base légale et n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 10§2 de la Convention européenne des droits de l'homme, 24 alinéa 7, 29 alinéa 1 et 32 alinéa 2, 29 alinéa 2 et 33 alinéa 3 de la loi du 29 juillet 1881 et 591 et 593 du code de procédure pénale, la cour d'appel qui s'est fondée sur des divergences de vue exprimées dans les conclusions de parties civiles pour considérer que le groupe visé n'était pas déterminé, circonstance radicalement inopérante qui ne l'affranchissait pas de remplir son rôle consistant à analyser précisément les propos, dans leur ensemble et replacés dans leur contexte, avec examen des éléments extrinsèques et intrinsèques ; 3°/ qu'enfin, s'il importe que la personne ou le groupe de personnes visées par l'imputation soient désignés ou identifiables, cette condition est sans influence sur la validité de l'acte initial de la poursuite exercée d'office par le ministère public ; que dès lors, n'a pas justifié sa décision au regard des articles 10§2 de la Convention européenne des droits de l'homme, 24 alinéa 7, 29 alinéa 1 et 32 alinéa 2, 29 alinéa 2 et 33 alinéa 3 de la loi du 29 juillet 1881 et 591 et 593 du code de procédure pénale, la cour d'appel qui a relevé que « la prévention ne précise pas les personnes ou groupes protégés en raison de leur origine, ethnie, nationalité, race ou religion » lorsqu'il lui appartenait de procéder à un examen complet, global et contextualisé des propos pour déterminer le groupe de personnes visées. » 12. Le moyen unique proposé par le procureur général près la cour d'appel de Paris critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a, infirmant le jugement entrepris, renvoyé M. [F] [R] des fins de la poursuite et débouté les parties civiles de leurs demandes aux motifs que : « Il convient de constater qu'aucun des propos poursuivis ne vise l'ensemble des Africains, des immigrés ou des musulmans, mais uniquement une fraction de ces groupes. En tout état de cause, il n 'est nullement justifié de propos visant un groupe de personnes, dans son ensemble, en raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée » alors qu'il résulte de l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881 que l'absence de désignation de la personne ou groupe de personnes visés est sans influence sur la poursuite et qu'il appartient à la juridiction du fond de rechercher quels sont ces personnes ou groupes d'après les circonstances de la cause et les éléments extrinsèques aux propos incriminés ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Réponse de la Cour 13. Les moyens sont réunis. Vu les articles 24, alinéa 7, et 33, alinéa 3, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse : 14. Il résulte de ces textes que les délits de provocation et d'injure qu'ils répriment sont caractérisés si les juges constatent que, tant par leur sens que par leur portée, les propos incriminés sont tenus à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes en raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée. 15. Pour infirmer le jugement et relaxer le prévenu, l'arrêt attaqué énonce que le tribunal et le ministère public ont retenu que les propos litigieux visaient la communauté musulmane dans son ensemble à raison de sa religion mais qu'en revanche, les parties civiles étaient plus nuancées. 16. Les juges ajoutent qu'il leur appartient donc de rechercher si les propos litigieux visent des personnes ou groupes protégés par lesdits articles. 17. Ils relèvent, à cet égard, que le premier passage poursuivi vise des immigrés de confession musulmane en provenance d'Afrique ; que le deuxième évoque les immigrés de confession musulmane ; que les troisième, quatrième et cinquième passages visent les immigrés de confession musulmane auxquels il est imputé de vouloir venir en France pour continuer à vivre comme au pays et placer les autochtones sous la domination des moeurs islamiques ; que le sixième ne concerne pas les musulmans dans leur ensemble mais seulement une partie d'entre eux qui affiche une appartenance communautaire par le port d'un voile pour les femmes ou d'une djellaba pour les hommes. 18. Ils en concluent qu'aucun des propos poursuivis ne vise l'ensemble des Africains, des immigrés ou des musulmans, mais uniquement une fraction de ces groupes. 19. En prononçant ainsi, la cour d'appel a méconnu les articles susvisés et le principe ci-dessus rappelé pour les motifs qui suivent. 20. En premier lieu, peu important que le ministère public et les parties civiles lui aient soumis des analyses différentes des propos poursuivis, il lui appartenait de déterminer si ceux-ci visaient un groupe protégé au sens des dispositions susvisées. 21. En deuxième lieu, elle devait, pour ce faire, procéder à une analyse globale des propos poursuivis, éclairés par tous les éléments extrinsèques qu'il lui appartenait de relever. 22. Enfin, les propos litigieux désignent les immigrés de confession musulmane venant d'Afrique, soit un groupe de personnes déterminé tant par leur origine que par leur religion, entrant dans les prévisions de la loi. 23. La cassation est par conséquent encourue. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 8 septembre 2021, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ; RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 618-1 du code de procédure pénale ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un février deux mille vingt-trois.
Les délits de provocation et d'injure, réprimés aux articles 24, alinéa 7, et 33, alinéa 3, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, sont caractérisés si les juges constatent que, tant par leur sens que par leur portée, les propos incriminés sont tenus à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes en raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée. Encourt la cassation, la cour d'appel qui, pour infirmer le jugement et relaxer le prévenu, retient qu'aucun des propos poursuivis ne vise l'ensemble des africains, des immigrés ou des musulmans, mais uniquement une fraction de ces groupes, alors que constitue un groupe de personnes déterminé tant par leur origine que par leur religion, entrant dans les prévisions de la loi, les immigrés de confession musulmane venant d'Afrique
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N° X 21-85.572 F-B N° 00207 MAS2 21 FÉVRIER 2023 REJET M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 21 FÉVRIER 2023 La société [2] a formé un pourvoi contre l'ordonnance du premier président de la cour d'appel de Versailles, en date du 15 décembre 2020, qui a prononcé sur sa requête en annulation des opérations de visite et de saisie effectuées par le rapporteur général de l'Autorité de la concurrence en vue de rechercher la preuve de pratiques anticoncurrentielles. Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires ont été produits. Sur le rapport de M. Michon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société [2], les observations de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de l'Autorité de la concurrence, et les conclusions de M. Lemoine, avocat général, après débats en l'audience publique du 24 janvier 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Michon, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'ordonnance attaquée et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Par une décision du 18 juillet 2018, faisant suite à une demande de clémence présentée par une société de ce secteur économique, l'Autorité de la concurrence s'est saisie d'office de pratiques mises en oeuvre dans les domaines de l'ingénierie, du conseil en technologies, et des services informatiques. 3. Le 24 octobre 2018, le rapporteur général de l'Autorité de la concurrence a formé une requête afin d'être autorisé à faire procéder aux visite et saisie prévues par l'article L. 450-4 du code de commerce, notamment dans deux établissements de la société [2]. 4. Par ordonnance du 31 octobre 2018, le juge des libertés et de la détention a fait droit à cette requête. 5. Les opérations de visite et de saisie se sont déroulées le 8 novembre 2018. 6. Le 16 novembre 2018, la société [2] a formé un recours contre le déroulement desdites opérations. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses cinquième et sixième branches 7. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le moyen, pris en ses première à quatrième branches Enoncé du moyen 8. Le moyen critique l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a rejeté les demandes d'annulation de la société [2], contestant le déroulement des opérations de visite et saisie, alors : « 1°/ que l'occupant des lieux dans lesquels ont été autorisées, par le juge des libertés et de la détention, des opérations de visite et saisie, ne dispose pas du droit de saisir lui-même le juge qui a délivré l'autorisation ; que les officiers de police judiciaire chargés d'assister aux opérations doivent au cours de la visite, tenir ce magistrat informé des difficultés rencontrées ; qu'en affirmant que lorsqu'il est averti d'une difficulté, l'officier de police judiciaire peut apprécier l'opportunité d'en saisir immédiatement le juge chargé du contrôle des opérations, et « qu'il n'est pas tenu, au risque d'ailleurs de surcharger le magistrat en cas d'opérations simultanées, de rendre compte à tout moment de leur déroulement », le conseiller délégué a violé les articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, ainsi que les articles L. 450-4 du code de commerce, 591 et 593 du code de procédure pénale ; 2°/ qu'une visite domiciliaire ne satisfait à l'exigence de proportionnalité découlant de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme qu'à condition de circonscrire précisément le champ de l'enquête et de définir expressément et limitativement les lieux privés et les sociétés visées par la visite ; qu'en considérant que l'Autorité pouvait saisir des données appartenant à des salariés de la société [2], non domiciliée à la même adresse, ou à un consultant extérieur de la société [2], quand l'ordonnance avait autorisé le rapporteur de l'Autorité à se rendre dans les locaux de la société [2], [Adresse 1], et des sociétés du même groupe sises à la même adresse, le conseiller délégué a violé l'article susvisé, ensemble les articles L. 450-4 du code de commerce, 591 et 593 du code de procédure pénale ; 3°/ qu'une visite domiciliaire ne satisfait à l'exigence de proportionnalité découlant de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme qu'à condition de circonscrire précisément le champ de l'enquête et de définir expressément et limitativement les lieux privés et les sociétés visées par la visite ; qu'en décidant que les données figurant dans les ordinateurs et sur les téléphones des salariés de la société [2], pouvait être saisies dans la mesure où cette société, par sa dénomination, ses liens organisationnels et capitalistiques, se présentait comme une filiale de la société [2], constituant avec elle une unité économique, le conseiller délégué a violé l'article susvisé, ensemble les articles L. 450-4 du code de commerce, 591 et 593 du code de procédure pénale ; 4°/ que l'utilisation d'un procédé déloyal pour obtenir un document rend irrecevable sa production à titre de preuve ; que les agents de l'Autorité ne peuvent employer aucun procédé déloyal pouvant compromettre les droits de la défense ; qu'en se bornant à affirmer « que le fait que la société [2] ne soit pas sise à la même adresse que la société [2] ne fait pas obstacle à ce que les données informatiques de ses salariés puissent être examinées et saisies dès lors qu'ils se trouvent dans les locaux objets des investigations ou que leurs données sont accessibles depuis ces locaux (et) que les messageries professionnelles de MM. [Y], [O], [U] et [K] figuraient sur le serveur informatique de la société [2] », sans rechercher comme il y avait été invité si la rapporteure de l'Autorité de la concurrence n'avait pas fait preuve de déloyauté en enjoignant à M. [Y] et à M. [K], qui n'étaient pas présents au siège de la société [2] à l'arrivée des enquêteurs, de venir immédiatement munis chacun de leur téléphone et de leur ordinateur portable, le conseiller délégué n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 6 et 8 de la convention européenne des droits de l'homme, L. 450-4 du code de commerce, et 591 et 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour Sur le moyen, pris en sa première branche 9. Pour écarter le moyen de nullité selon lequel l'officier de police judiciaire assistant aux opérations de visite et saisie aurait dû transmettre immédiatement au juge les réserves formulées par la société [2], l'ordonnance relève qu'il appartient à cet officier de police judiciaire, lorsqu'il est averti d'une difficulté, d'apprécier l'opportunité d'en saisir immédiatement le juge chargé du contrôle des opérations. 10. Le premier président ajoute que l'officier de police judiciaire n'est pas tenu, au risque d'ailleurs de surcharger le magistrat en cas d'opérations simultanées, de rendre compte à tout moment de leur déroulement et que la transmission de réserves, après la fin des investigations, ne fait pas obstacle au contrôle juridictionnel du premier président. 11. En statuant ainsi, le premier président a fait l'exacte application des textes visés au moyen pour les motifs qui suivent. 12. En premier lieu, les réserves formulées en l'espèce étaient manifestement infondées en ce qu'elles portaient sur la prétendue nécessité de communiquer immédiatement les mots clés utilisés par les agents de l'Autorité de la concurrence. 13. En second lieu, les réserves exprimées concernant le champ des éléments saisis relevaient du recours devant le premier président. Dès lors, aucune atteinte irréversible n'a été causée aux intérêts de la société [2], qui a pu faire valoir ses arguments devant ce dernier. 14. Ainsi, le grief n'est pas fondé. Sur le moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches 15. La Cour de cassation juge que les saisies opérées par les agents de l'Autorité des marchés financiers en exécution d'une ordonnance délivrée par le juge des libertés et de la détention sur le fondement de l'article L. 621-12 du code monétaire et financier peuvent porter sur tous les documents et supports d'information qui sont en lien avec l'objet de l'enquête et se trouvent dans les lieux que le juge a désignés ou sont accessibles depuis ceux-ci, sans qu'il soit nécessaire que ces documents et supports appartiennent ou soient à la disposition de l'occupant des lieux (Ass. Plén., 16 décembre 2022, pourvois n° 21-23.685 et 21-23.719, publiés au Bulletin). 16. Il y a lieu de faire application de cette solution aux visites diligentées en application de l'article L. 450-4 du code de commerce. 17. Pour écarter les moyens de nullité tenant à la saisie de documents appartenant, d'une part, à des salariés de la société [2] non visée dans l'ordonnance, d'autre part, à un consultant extérieur, M. [K], présent sur les lieux, le premier président énonce que le juge des libertés et de la détention a autorisé des opérations dans les locaux de la société [2] et des sociétés du même groupe sises à la même adresse et que le fait que la société [2] ne soit pas domiciliée à la même adresse que la société [2] ne fait pas obstacle à ce que les données informatiques de ses salariés puissent être examinées et saisies dès lors qu'ils se trouvent dans les locaux, objet des investigations ou que leurs données sont accessibles depuis ces locaux. 18. Il ajoute que les messageries professionnelles de MM. [Y], [O], [U], salariés de la société [2] et celles de M. [K] figuraient sur le serveur informatique de la société [2]. 19. En l'état de ces énonciations, d'où il résulte que les documents et supports saisis se trouvaient dans les lieux que le juge a désignés ou étaient accessibles depuis ceux-ci et dès lors qu'il n'est pas allégué qu'ils étaient sans lien avec l'objet de l'enquête, le premier président a justifié sa décision. 20. Il s'ensuit que le moyen, qui, en sa quatrième branche, faute d'avoir été présenté devant le premier président, mélangé de fait, est nouveau et, comme tel, irrecevable, n'est pas fondé. 21. Par ailleurs, l'ordonnance est régulière en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; FIXE à 2 500 euros la somme que la société [2] devra payer à l'Autorité de la concurrence en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un février deux mille vingt-trois.
Les saisies opérées par les agents de l'Autorité de la concurrence en exécution d'une ordonnance délivrée par le juge des libertés et de la détention sur le fondement de l'article L. 450-4 du code de commerce peuvent porter sur tous les documents et supports d'information qui sont en lien avec l'objet de l'enquête et se trouvent dans les lieux que le juge a désignés ou sont accessibles depuis ceux-ci, sans qu'il soit nécessaire que ces documents et supports appartiennent ou soient à la disposition de l'occupant des lieux
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N° E 22-81.903 F-B N° 00217 MAS2 21 FÉVRIER 2023 CASSATION M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 21 FÉVRIER 2023 L'URSSAF d'Alsace venant aux droits de l'URSSAF du Bas-Rhin, partie civile, a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Chambéry, chambre correctionnelle, en date du 3 mars 2022, qui l'a déboutée de ses demandes après relaxe de la société [R] et de M. [G] [R] du chef de recours aux services d'une personne exerçant un travail dissimulé. Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires ont été produits. Sur le rapport de M. Maziau, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF d'Alsace venant aux droits de l'URSSAF du Bas-Rhin, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société [R] et de M. [G] [R], et les conclusions de M. Croizier, avocat général, après débats en l'audience publique du 24 janvier 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Maziau, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Lors d'une opération de contrôle d'un chantier menée le 7 mai 2015 à [Localité 1], la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) a constaté la présence de trois ouvriers bulgares qui avaient été embauchés par l'entreprise de travail temporaire bulgare [3], puis mis à disposition de l'entreprise [R] par l'intermédiaire de la société [2], spécialisée dans la recherche et le placement de main-d'œuvre européenne. 3. Au terme de l'enquête, la société [3] et ses deux gérantes ont été citées devant le tribunal correctionnel des chefs de travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié et par dissimulation d'activité. La société [R] et son gérant, M. [G] [R], ont été cités du chef de recours aux services d'une personne exerçant un travail dissimulé. 4. L'URSSAF du Bas-Rhin s'est constituée partie civile. 5. Par jugement du 13 décembre 2019, le tribunal correctionnel a déclaré les prévenus coupables, a prononcé sur les peines et les intérêts civils. 6. M. [R] et la société [R] ont interjeté appel. Le ministère public et l'URSSAF ont interjeté appel incident. Examen du moyen Enoncé du moyen 7. Le moyen critique l'arrêt infirmatif attaqué en ce qu'il a débouté l'URSSAF du Bas-Rhin de l'intégralité de ses demandes après avoir renvoyé la société [R] et M. [R] des fins de la poursuite du chef de recours aux services d'une personne exerçant un travail dissimulé, alors : « 1°/ que commet sciemment le délit de recours aux services d'une personne exerçant un travail dissimulé celui qui ne vérifie pas, alors qu'il y est tenu par l'article L. 8222-1 du code du travail, la régularité, au regard des articles L. 8221-3 et L. 8221-5 dudit code, de la situation de l'entrepreneur dont il utilise les services ; qu'il est établi et non contesté en l'espèce que M. [R] et l'EURL Entreprise [R] ont eu recours aux services de la société [3], dont le siège social est en Bulgarie, à ce jour définitivement condamnée du chef de travail dissimulé par dissimulation d'activité et par dissimulation d'emploi salarié, pour avoir développé une activité de prêt de main-d'oeuvre exclusivement en France sans avoir procédé à son immatriculation au registre du commerce et des sociétés en France, ni s'être acquittée d'aucune cotisation sociale sur notre territoire, alors même qu'elle ne pouvait se prévaloir des règles du détachement au sens des règlements communautaires dès lors qu'elle n'exerçait aucune activité similaire en Bulgarie ; que nonobstant leur qualité de professionnel averti, par ailleurs déjà condamnés pour la commission d'infractions diverses à la législation du travail, les juges d'appel, infirmant le jugement déféré, ont renvoyé les prévenus des fins de la poursuite après avoir affirmé que « le seul fait que l'entreprise [R] et [G] [R] n'aient pas obtenu les certificats A1 concernant [V] [F], [Z] [F], et [H] [Y] est insuffisant pour caractériser l'infraction de recours au travail dissimulé pour laquelle ils sont poursuivis » ; qu'en prononçant ainsi quand le défaut de vérification de l'existence d'un certificat A1, pour chacun des salariés qu'ils affirmaient croire être en situation de détachement, suffisait à établir l'élément intentionnel du recours au travail dissimulé, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 8221-1, L. 8221-3, L. 8221-5, L. 8222-1 du code du travail et de la jurisprudence constante de la Chambre criminelle rendue sur leur fondement, ensemble l'article 593 du code de procédure pénale ; 2°/ que ne peuvent être considérés comme une jurisprudence nouvelle postérieure aux faits reprochés, et comme telle inapplicable, deux arrêts de l'Assemblée plénière de la Cour de cassation ayant seulement précisé les contours de l'obligation de vérification à laquelle est tenu le donneur d'ordre dont le cocontractant est établi à l'étranger, d'une manière qui était parfaitement prévisible ; que pour infirmer le jugement de condamnation et justifier la relaxe des prévenus du chef de recours au travail dissimulé, au nom d'une insuffisante caractérisation de leur élément intentionnel, les juges d'appel relèvent que « si deux arrêts de la Cour de cassation en date du 6 novembre 2015 sont venus établir sans ambiguïté la nécessité d'obtenir les certificats A1 en pareille situation, il convient d'observer que ces décisions sont postérieures aux faits reprochés à l'entreprise [R] et à [G] [R] et qu'à la date des faits, aucun texte ou aucune décision de la Cour de cassation n'indiquait clairement la nécessité absolue d'obtenir ce document pour vérifier la régularité de la situation de détachement » ; qu'en prononçant ainsi quand la circulaire interministérielle n° 012-186 du 16 novembre 2012 avait expressément précisé que le respect des dispositions de l'article D. 8222-7 1° b du code du travail telles que modifiées par le décret du 21 novembre 2011 et applicables à compter du 1er janvier 2012, supposait la remise du certificat d'affiliation A1 au donneur d'ordre, et quand les précisions apportées par les arrêts d'Assemblée plénière du 6 novembre 2015 étaient parfaitement prévisibles à la date des faits reprochés et en cohérence avec la jurisprudence européenne relative à la portée des certificats A1, ce dont il résulte que les prévenus étaient tout à fait en mesure, de prévoir, le 7 mai 2015, en leur qualité de professionnels exerçant une activité d'envergure nécessitant le recours régulier à de la main-d'oeuvre étrangère, au besoin à l'aide d'un professionnel du droit, que le défaut d'obtention de certificats A1 les exposait au risque d'être déclarés coupables du délit de recours aux services d'une personne exerçant un travail dissimulé, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des articles L. 8221-1, D. 8222-7 1°b du code du travail, ensemble le principe de légalité des délits, garanti par les articles 111-3 et 112-1 du code pénal, et l'article 7 de la Convention européenne des droits de l'homme ; 3°/ que toute insuffisance ou contradiction de motifs équivaut à leur absence ; qu'il résulte en l'espèce des propres énonciations de l'arrêt attaqué que par une lettre d'observations adressée aux prévenus en 2014 antérieurement à la commission des faits reprochés, dont l'existence n'est ni contestée ni remise en cause, l'URSSAF avait alerté l'entreprise [R] sur l'absence de toute production de certificat d'affiliation de type A1 lors de la vérification, et attiré son attention sur l'irrégularité de ces « pratiques sociales » justifiant que soit diligentée « une enquête complémentaire dans le cadre de la lutte contre le travail illégal » auprès des différentes sociétés en cause ; que pour justifier la relaxe des prévenus du chef de recours au travail dissimulé, l'arrêt infirmatif attaqué affirme pourtant qu'il « n'apparaît pas qu'à la date des faits, eu égard au cadre juridique alors applicable et au contenu des échanges antérieurs entre l'entreprise [R] et l'URSSAF, la société [R] pouvait avoir connaissance du fait que l'obtention des certificats A1 auprès de la société [3] avait un caractère obligatoire » ; qu'en prononçant ainsi en dépit de ses propres constatations selon lesquelles la société [R] avait bien été alertée par l'URSSAF antérieurement aux faits reprochés de l'irrégularité du défaut de production de certificats A1 pour les salariés étrangers prétendument détachés de nature à justifier l'ouverture d'une enquête complémentaire dans le cadre de la lutte contre le travail illégal, ce dont il résulte que les prévenus avaient nécessairement eu connaissance, avant les faits objet de la présente poursuite, de la nécessité d'obtenir des certificats A1 pour les salariés étrangers détachés, sauf à méconnaître la législation sociale européenne et encourir des poursuites pénales, la cour d'appel s'est prononcée sur le fondement de motifs contradictoires, privant sa décision de toute base légale au regard des exigences de l'article 593 du code de procédure pénale ; 4°/ que les dispositions de l'article L. 8222-1 du code du travail relatives à l'obligation de procéder à des vérifications lors de la conclusion d'un contrat dont l'objet porte sur une obligation d'un montant minimum en vue de l'exécution d'un travail, de la fourniture d'une prestation de services ou de l'accomplissement d'un acte de commerce, n'ont pas pour objet de réduire le champ de l'incrimination du délit de recours aux services d'un travailleur dissimulé défini à l'article L. 8221-1 3° du code du travail, aux seules hypothèses où est méconnue l'obligation de vérification précitée ; qu'en justifiant la relaxe des prévenus sur la seule insuffisante caractérisation d'un manquement des prévenus à leur obligation de vérification relative aux certificats A1, sans rechercher comme elle y était invitée, si la durée des relations commerciales entre les deux sociétés, sans discontinuité depuis 2010, n'établissait pas la nécessaire connaissance des prévenus de l'irrégularité de la situation de leur cocontractante, et ce d'autant que M. [R] était un professionnel averti ayant de l'expérience dans son secteur, dans la mesure où il exerçait depuis de très nombreuses années une activité professionnelle d'envergure nécessitant le recours régulier à de la main-d'oeuvre étrangère, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision, en violation des articles L. 8221-1, L. 8221-3, L. 8221-5, L. 8222-1 du code du travail et 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 8221-1, 3°, D. 8222-7 du code du travail et 593 du code de procédure pénale : 8. Il résulte du premier de ces textes qu'est interdit le fait de recourir sciemment, directement ou par personne interposée, aux services de celui qui exerce un travail dissimulé. 9. Il se déduit du second que la personne morale qui contracte avec une entreprise établie ou domiciliée dans un autre Etat membre de l'Union européenne doit, dans tous les cas, se faire remettre par celle-ci le certificat A1 attestant de la régularité de la situation sociale du cocontractant au regard du règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant coordination des systèmes de sécurité sociale pour chacun des travailleurs détachés auxquels elle a recours. 10.Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence. 11. Pour relaxer les prévenus, l'arrêt attaqué, après avoir rappelé les termes de l'article L. 8221-1 du code du travail et relevé que, par jugement définitif du 13 décembre 2019, la société [3] et ses gérantes ont été déclarées coupables d'exécution de travail dissimulé concernant trois salariés, énonce, s'agissant de l'entreprise [R], que si elle n'a pas obtenu de la société [3] les certificats A1 concernant lesdits salariés, elle a été destinataire de documents justifiant de leur affiliation au régime bulgare de sécurité sociale et du paiement régulier de l'ensemble des cotisations dues à ce régime. 12. Les juges relèvent que, par courrier de 2011, l'URSSAF a saisi la société [R] en vue du recouvrement de la contribution spéciale pour l'emploi d'étranger sans titre de travail et que, lors d'un autre échange de correspondance en 2014, elle a indiqué à l'intéressée qu'elle se prévalait d'une situation de détachement sans qu'aucune cotisation ni contribution sur les rémunérations versées aux travailleurs bulgares n'ait été acquittée et sans qu'aucun certificat d'affiliation de type A1 n'ait été produit lors de la vérification. 13. Ils soulignent que si, dans le cadre de ces échanges, des réserves sont émises sur la régularité des conditions dans lesquelles la société [R] a fait appel à des salariés bulgares via la société [3], il n'en résulte pas que l'absence d'obtention des certificats A1 serait fautive ou susceptible d'être un élément constitutif d'une infraction pénale. 14. Ils précisent que les articles L. 8221-3 et L. 8221-5 du code du travail, qui définissent le travail dissimulé, ne font à aucun moment référence à la production ou l'obtention du certificat A1. 15. Ils relèvent que les deux arrêts de la Cour de cassation du 6 novembre 2015 affirmant la nécessité d'obtenir les certificats A1 en pareille situation sont postérieurs aux faits reprochés aux prévenus et qu'à la date des faits, eu égard au cadre juridique alors applicable et au contenu des échanges antérieurs avec l'URSSAF, la société [R] pouvait ne pas avoir connaissance du fait que l'obtention des certificats A1 auprès de la société [3] avait un caractère obligatoire. 16. Les juges concluent que le seul fait que la société [R] et M. [R] n'aient pas obtenu les certificats A1 concernant les trois salariés bulgares est insuffisant pour caractériser l'élément intentionnel de l'infraction de recours au travail dissimulé pour laquelle ils sont poursuivis. 17. En se déterminant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations selon lesquelles la société prévenue, qui entretenait des relations anciennes avec la société [3], condamnée du chef de travail dissimulé, avait été alertée, antérieurement aux faits, objet de la poursuite, sur la nécessité d'obtenir les certificats A1 pour les salariés détachés, n'a pas justifié sa décision. 18. En effet, commet sciemment le délit de recours aux services d'une personne exerçant un travail dissimulé celui qui ne vérifie pas la régularité de la situation de l'entreprise dont il utilise les services et, lorsque celle-ci est établie dans un autre Etat membre de l'Union européenne, qu'elle est en mesure de fournir lesdits certificats pour tous les travailleurs détachés qu'elle met à disposition. 19. La cassation est par conséquent encourue. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Chambéry, en date du 3 mars 2022, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ; RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Lyon, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Chambéry et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un février deux mille vingt-trois.
La personne morale qui contracte avec une entreprise établie ou domiciliée dans un autre Etat membre de l'Union européenne doit, dans tous les cas, se faire remettre par celle-ci le certificat A1 attestant de la régularité de la situation sociale du cocontractant au regard du règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant coordination des systèmes de sécurité sociale pour chacun des travailleurs détachés auxquels elle a recours. Commet sciemment le délit de recours aux services d'une personne exerçant un travail dissimulé celui qui ne vérifie pas la régularité de la situation de l'entreprise dont il utilise les services et, lorsqu'elle est établie dans un autre Etat membre de l'Union européenne, qu'elle est en mesure de fournir lesdits certificats pour tous les travailleurs détachés qu'elle met à disposition
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N° F 22-85.078 F-B N° 00239 GM 22 FÉVRIER 2023 CASSATION PARTIELLE M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 22 FÉVRIER 2023 Le procureur général près la cour d'appel de Paris a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre spéciale des mineurs de ladite cour d'appel, en date du 31 mars 2022, qui, dans la procédure suivie contre [N] [R] et [F] [C] des chefs de vol aggravé, s'est déclarée non saisie et a renvoyé le ministère public à mieux se pourvoir. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. Turbeaux, conseiller, et les conclusions de Mme Bellone, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 25 janvier 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Turbeaux, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. [N] [R], né le [Date naissance 2] 2006, et [F] [C], né le [Date naissance 1] 2008, ont été déférés devant le procureur de la République, le 8 octobre 2022. 3. Ils ont été poursuivis devant le tribunal pour enfants, selon la procédure d'audience unique, des chefs de vol aggravé. 4. Par jugement du 10 novembre 2021, accueillant une exception de nullité soulevée par la défense des prévenus, le tribunal pour enfants a jugé qu'il n'était pas valablement saisi, aucun rapport éducatif de moins d'un an concernant [F] [C] ne figurant au dossier, et le rapport éducatif concernant [N] [R] n'ayant été versé au dossier qu'après son défèrement. En conséquence, le tribunal pour enfants a renvoyé le ministère public à mieux se pourvoir. 5. Le ministère public a relevé appel de cette décision. Examen des moyens Sur le premier moyen pris en sa première branche et sur le second moyen Enoncé des moyens 6. Le premier moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé le jugement par lequel le tribunal pour enfants s'est déclaré non saisi, alors : 1°/ que l'obligation faite au procureur de la République de verser le rapport visé par l'article L. 423-4 du code de la justice pénale des mineurs ne s'applique que si ce rapport n'a pas déjà été déposé, qu'en jugeant le contraire la cour d'appel a méconnu les articles L. 322-3 à L. 322-6, L. 322-8 à L. 322-10, L. 423-4, L. 423-6, L. 423-7, L. 423-8 et L. 423-9 du code de la justice pénale des mineurs. 7. Le second moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé le jugement par lequel le tribunal pour enfants s'est déclaré non saisi, alors que la juridiction, même en l'absence du rapport visé par l'article L. 423-4 du code de la justice pénale des mineurs, ne peut refuser de se prononcer sur la culpabilité mais doit renvoyer sur le prononcé de la peine, au besoin en ordonnant une période de mise à l'épreuve, qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les articles L. 322-3 à L. 322-6, L. 423-4, L. 423-6, L. 423-7, L. 423-8, L. 423-9 et L. 521-27 du code de la justice pénale des mineurs. Réponse de la Cour 8. Les moyens sont réunis. 9. Pour confirmer le jugement du tribunal pour enfants, l'arrêt attaqué retient notamment que ce n'est qu'à titre exceptionnel qu'il peut être recouru, par le ministère public, à la procédure dérogatoire de l'audience unique, sous certaines conditions strictement énoncées par l'article L. 423-4 du code de la justice pénale des mineurs. 10. Les juges ajoutent que c'est dans ce cadre dérogatoire que s'inscrit l'exigence du versement au dossier par le ministère public du ou des rapports éducatifs datant de moins d'un an. 11. Ils énoncent, par ailleurs, que, si l'article L. 521-27 du code de la justice pénale des mineurs permet au tribunal pour enfants saisi dans les conditions de l'audience unique, après avoir recueilli les observations des parties présentes à l'audience, de statuer selon la procédure de la mise à l'épreuve éducative et d'ordonner la césure du procès, une telle décision ne peut être motivée qu'au regard de la personnalité et des perspectives d'évolution du mineur et non pour pallier l'irrégularité de la saisine de la juridiction. 12. Ils en concluent que la décision du tribunal pour enfants de renvoyer le ministère public à mieux se pourvoir doit être confirmée. 13. En prononçant ainsi, la cour d'appel n'a méconnu aucun des textes visés aux moyens. 14. En effet, d'une part, l'article L. 423-4 du code de la justice pénale des mineurs conditionne le recours à la procédure d'audience unique, notamment, à l'existence d'un rapport éducatif de moins d'un an et impose au procureur de la République le versement de ce rapport au dossier de la procédure. 15. D'autre part, en l'absence de ce versement avant l'audience, la juridiction n'est pas valablement saisie et doit renvoyer le ministère public à mieux se pourvoir. 16. Ainsi, le grief et le moyen ne sont pas fondés. Mais sur le premier moyen, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 17. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé le jugement par lequel le tribunal pour enfants s'est déclaré non saisi, alors : 2°/ que la cour d'appel ne pouvait sans violer les articles L. 322-3 à L. 322-6, L. 322-8 à L. 322-10, L. 423-4, L. 423-6, L. 423-7, L. 423-8 et L. 423-9 du code de la justice pénale des mineurs se déclarer non saisie en l'absence de mise à disposition dudit rapport avant l'audience. Réponse de la Cour Vu l'article L. 423-4 du code de la justice pénale des mineurs : 18. Il résulte de ce texte que, sauf si elle vise le délit prévu par l'article 55-1 du code de procédure pénale, la poursuite d'un mineur, par le procureur de la République, devant le tribunal pour enfants, aux fins de jugement en audience unique suppose, d'une part, que l'intéressé ait déjà fait l'objet d'une mesure éducative, d'une mesure judiciaire d'investigation éducative, d'une mesure de sûreté, d'une déclaration de culpabilité ou d'une peine, d'autre part, qu'ait été établi à l'occasion de l'exécution de cette mesure un rapport datant de moins d'un an. Si le rapport n'a pas été déposé, le procureur de la République peut en requérir le dépôt à l'occasion de la présentation. 19. En conséquence, il importe seulement que le versement du rapport à la procédure intervienne avant l'audience du tribunal. 20. Pour confirmer le jugement du tribunal pour enfants, à l'égard de [N] [R], l'arrêt attaqué énonce que c'est à juste titre que le tribunal, constatant que le rapport n'a été versé au dossier par le parquet que postérieurement à l'acte de saisine, a considéré qu'il n'était pas valablement saisi et à renvoyé le procureur de la République à mieux se pourvoir. 21. En se déterminant ainsi à l'égard de [N] [R], la cour d'appel a méconnu le texte susvisé. 22. La cassation est par conséquent encourue de ce chef. Portée et conséquences de la cassation 23. La cassation à intervenir ne concerne que les dispositions relatives à [N] [R]. Les autres dispositions, concernant [F] [C], à propos duquel aucun rapport éducatif n'a été versé à la procédure, seront donc maintenues. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris en date du 31 mars 2022, mais en ses seules dispositions relatives à [N] [R], toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée, RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, chambre spéciale des mineurs, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux février deux mille vingt-trois.
Il résulte de l'article L. 423-4 du code de la justice pénale des mineurs que la procédure d'audience unique ne peut être mise en oeuvre, sauf poursuite pour infraction à l'article 55-1 du code de procédure pénale, qu'à la condition que le procureur de la République soit en mesure de verser un rapport éducatif, concernant le mineur poursuivi, au dossier de la procédure. C'est sans méconnaître ces dispositions que la cour d'appel, qui constate qu'aucun rapport éducatif n'est joint à la procédure, juge qu'elle n'est pas valablement saisie et renvoie le ministère public à mieux se pourvoir. Méconnait, en revanche, le texte susvisé, la cour d'appel qui, constatant que le rapport éducatif a été déposé postérieurement à l'acte de saisine, juge n'être pas valablement saisie. En effet, il importe seulement que le versement du rapport éducatif intervienne avant l'audience du tribunal
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N° Z 21-86.080 F-B N° 00240 GM 22 FÉVRIER 2023 REJET M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 22 FÉVRIER 2023 M. [L] [Z] a formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'assises de la Charente-Maritime, en date du 25 septembre 2021, qui, pour tentative de meurtre, séquestration sans libération avant le septième jour et violences aggravées, en récidive, l'a condamné à vingt-cinq ans de réclusion criminelle, avec une période de sûreté fixée aux deux tiers de la peine, quinze ans d'interdiction de détenir ou porter une arme soumise à autorisation, dix ans d'inéligibilité et au retrait du permis de chasser, ainsi que contre l'arrêt du même jour par lequel la cour a prononcé sur les intérêts civils. Les pourvois sont joints en raison de la connexité. Des mémoires ont été produits. Sur le rapport de M. Laurent, conseiller, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. [L] [Z], et les conclusions de Mme Bellone, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 25 janvier 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Laurent, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Par ordonnance du 15 avril 2019, le juge d'instruction a mis en accusation M. [L] [Z], des chefs susvisés, et l'a renvoyé devant la cour d'assises de la Vienne. 3. Par arrêt du 29 septembre 2020, cette cour d'assises l'a déclaré coupable et condamné à vingt-cinq ans de réclusion criminelle, cinq ans de suivi socio-judiciaire et quinze ans d'interdiction de détenir ou porter une arme soumise à autorisation. Par arrêt distinct du même jour, la cour a prononcé sur les intérêts civils. 4. L'accusé a relevé appel des arrêts pénal et civil. Le ministère public et la partie civile ont formé appel incident. Examen de la recevabilité du pourvoi formé pour M. [Z] 5. Le demandeur, ayant épuisé, par l'exercice qu'il en avait fait personnellement, le 27 septembre 2021, son droit de se pourvoir contre les arrêts attaqués, était irrecevable à se pourvoir de nouveau contre les mêmes décisions, le 30 septembre 2021, par l'intermédiaire de son avocat. 6. Seul est recevable le pourvoi formé par l'accusé. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 7. Le moyen critique l'arrêt pénal attaqué en ce qu'il a déclaré M. [Z] coupable de tentative de meurtre, violences volontaires avec usage d'une arme sans incapacité et séquestration sans libération volontaire avant le septième jour en état de récidive, alors : « 1°/ que des questions peuvent être posées au témoin qui dépose devant la cour d'assises soit exceptionnellement par le président pendant la déposition, s'il l'estime nécessaire à la clarté et au bon déroulement des débats, soit en principe après la déposition ; que la garantie du procès équitable et des droits de la défense impose que les questions au témoin soient posées dans une temporalité garantissant que le contenu précis de sa déposition soit resté à l'esprit de la cour et du jury au moment où le conseil de l'accusé a pu poser des questions ; qu'en différant les questions posées au témoin M. [U], adjudant-chef de gendarmerie, de plus de deux heures par rapport à sa déposition du fait d'abord d'une suspension d'audience à laquelle les parties ne sont pas opposées, puis de l'audition d'un expert par visioconférence, à laquelle le conseil de l'accusé s'est opposé tant qu'aucune question n'avait été posée au témoin M. [U], la présidente de la cour d'assises, qui a proposé irrégulièrement aux parties que le témoin procède, plus de deux heures après sa déposition, à un « rappel de sa déposition faite à l'audience de ce matin », a violé les articles 6 § 1 et 6 § 3 de la Convention européenne des droits de l'homme et préliminaire du code de procédure pénale, ensemble les articles 331 et 332 du même code ; 2°/ que tous incidents contentieux sont réglés par la cour ; qu'en décidant de procéder à l'audition de l'expert le Dr [E] par visioconférence malgré l'opposition manifestée par le conseil de l'accusé à cette audition faute d'avoir pu préalablement poser ses questions au témoin M. [U] entendu une heure et demi plus tôt et malgré l'incident contentieux ainsi soulevé par la défense de l'accusé, qui relevait de la compétence exclusive de la cour, la présidente de la cour d'assises a excédé ses pouvoirs et violé l'article 316 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 8. Il résulte du procès-verbal des débats qu'à l'issue de la déposition spontanée d'un témoin, la présidente de la cour d'assises a ordonné une suspension d'audience, avant que des questions puissent être posées au témoin. Il en résulte aussi qu'à la reprise de l'audience, à l'issue de cette suspension, la présidente a, malgré l'opposition exprimée par la défense, décidé de procéder à l'audition d'un expert avant que le témoin soit rappelé et que des questions lui soient posées. 9. En cet état, la cassation n'est pas encourue. 10. En effet, d'une part, c'est par un exercice régulier de son pouvoir de direction des débats que la présidente de la cour d'assises a décidé de suspendre l'audience après la déposition spontanée du témoin, puis de faire procéder à l'audition d'un expert, avant de rappeler le témoin pour qu'il puisse être questionné. Il ne peut en résulter aucune nullité, dès lors que le ministère public et les parties ont été en mesure de poser des questions au témoin, ce qui établit que les dispositions de l'article 332 du code de procédure pénale ont été respectées. 11. D'autre part, il ne peut être reproché à la cour de n'avoir pas statué par arrêt incident sur l'audition de l'expert avant que des questions aient pu être posées au témoin, en l'absence de conclusions d'incident adressées à la cour pour s'y opposer, une fois connue la décision de la présidente sur ce point. 12. Il en résulte que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches. Sur le deuxième moyen Enoncé du moyen 13. Le moyen critique l'arrêt pénal attaqué en ce qu'il a déclaré M. [Z] coupable de tentative de meurtre, violences volontaires avec usage d'une arme sans incapacité et séquestration sans libération volontaire avant le septième jour en état de récidive, alors « que la cour d'assises ne peut connaître d'aucune autre accusation que celle résultant de la décision de mise en accusation qui, devenue définitive, fixe sa compétence ; que les crimes d'enlèvement d'une part et de séquestration illégale d'autre part, bien que prévus et réprimés par le même texte, n'en constituent pas moins des crimes distincts ; que la présidente de la cour d'assises ayant donné lecture d'une question subsidiaire sur des faits d'enlèvement de [D] [G] sans libération volontaire avant le septième jour accompli, le conseil de l'accusé a déposé des conclusions d'incident devant la cour au motif que la cour d'assises n'était pas saisi de ce fait ; qu'en disant, par arrêt incident du 24 septembre 2021, que seront posées à la cour et au jury les questions subsidiaires d'enlèvement sans libération volontaire avant le septième jour accompli lorsque la décision de renvoi définitive ne visait que le crime distinct de séquestration sans libération volontaire avant le septième jour accompli, la cour a violé l'article 231 du code de procédure pénale, ensemble l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. » Réponse de la Cour 14. Si c'est à tort que, le demandeur ayant été mis en accusation pour le crime de séquestration, la présidente a posé une question subsidiaire relative au crime distinct d'enlèvement, la cassation n'est pas encourue, dès lors que le demandeur a été déclaré coupable du seul crime de séquestration, conformément aux termes de la mise en accusation, et non du crime d'enlèvement, la question subsidiaire irrégulièrement posée ayant été déclarée sans objet. 15. Le moyen ne peut donc être accueilli. Sur le troisième moyen Enoncé du moyen 16. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [Z] à vingt-cinq ans de réclusion criminelle, avec une période de sûreté fixée aux deux tiers de la peine, quinze ans d'interdiction de détenir ou porter une arme, dix ans d'inéligibilité et au retrait du permis de chasse avec interdiction d'en solliciter un nouveau pendant quinze ans, alors « qu'en cas de réponse affirmative sur la culpabilité, le président donne lecture aux jurés des dispositions des articles 130-1, 132-1 et 132-18 du code pénal et si les dispositions des deux premiers alinéas de l'article 132-23 du même code sont applicables, le président les informe également des conséquences de la peine prononcée sur la période de sûreté et de la possibilité de la moduler ; qu'en se bornant à mentionner dans la feuille des questions que la cour et le jury réunis statuant en appel ont délibéré dans les conditions prévues par l'article 362 du code de procédure pénale en sa version issue de la loi n° 2020-1672 du 24 décembre 2020 dont toutes les prescriptions ont été observées, le président, dont la mention générale et imprécise ne permet pas de s'assurer de façon effective de l'information du jury sur l'existence et les conséquences de la période de sûreté sur l'exécution de la peine, a violé l'article 362 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 17. L'indication, par la feuille de questions, que la cour et le jury ont délibéré conformément aux dispositions de l'article 362 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi du 24 décembre 2020, établit que le président de la cour d'assises a donné aux jurés toutes les informations exigées par ce texte, parmi lesquelles celles, introduites par la loi précitée, relatives à l'existence de la période de sûreté et à son incidence sur l'exécution de la peine. 18. Le moyen, dès lors, n'est pas fondé. Sur le cinquième moyen Enoncé du moyen 19. Le moyen critique l'arrêt pénal attaqué en ce qu'il a déclaré M. [Z] coupable de tentative de meurtre, violences volontaires avec usage d'une arme sans incapacité et séquestration sans libération volontaire avant le septième jour en état de récidive, alors : «1°/ que si l'affaire ne doit pas être jugée au siège de la cour d'appel, le dossier de la procédure est renvoyé par le procureur général au greffe du tribunal judiciaire, où se tiennent les assises et les pièces à conviction sont également transportées au greffe de ce tribunal ; qu'en faisant seulement présenter devant elle des clichés photographiques d'une pièce à conviction constituée d'une casquette qui aurait appartenu à l'accusé, dont elle estimait la présentation utile à la manifestation de la vérité, détenue dans un laboratoire d'analyse à [Localité 1] sans la faire acheminer au siège de la cour d'assises en vue de sa présentation, cependant que l'ensemble des pièces à conviction, dès lors qu'elles n'avaient pas été détruites ou n'avaient pas disparu, auraient dû se trouver au greffe de la cour d'assises de Saintes, la cour a violé l'article 271 du code de procédure pénale ; 2°/ que l'inaccomplissement de la formalité de présentation des pièces à conviction prévue à l'article 341 du code de procédure pénale est de nature à vicier les débats lorsque l'accusé en a réclamé l'exécution ; que la présentation de clichés photographiques d'une pièce à conviction qui n'a pas disparu équivaut à une absence de présentation de la pièce conviction, laquelle consiste nécessairement en une présentation matérielle ; qu'en faisant seulement présenter devant elle, alors que la défense de l'accusé avait réclamé la présentation de la casquette qui aurait appartenu à l'accusé, des clichés photographiques de cette pièce à conviction détenue dans un laboratoire d'analyse à [Localité 1] sans la faire acheminer au siège de la cour d'assises en vue de sa présentation, cependant que la cour elle-même a constaté que la présentation de cette pièce à conviction pouvait apporter à la compréhension de l'affaire et à la manifestation de la vérité, que l'absence de présentation matérielle de la casquette sur laquelle aurait été retrouvée à l'ADN de l'accusé, qui n'a pas permis de s'assurer qu'elle pouvait même être portée par l'accusé au regard de son tour de tête, a porté atteinte aux droits de la défense et qu'il résulte de la feuille de motivation que la déclaration de culpabilité repose sur la teneur de ce scellé, la cour d'assises a violé les articles 341 du code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. » Réponse de la Cour 20. Il résulte du procès-verbal des débats que la défense a sollicité, par conclusions, la présentation d'une pièce à conviction. Celle-ci ne se trouvant pas au siège de la cour d'assises, la cour a, par arrêt, désigné un officier de police judiciaire pour briser le scellé contenant cette pièce à conviction, la photographier, et lui en adresser les clichés, par voie dématérialisée. 21. Dès lors que, à l'occasion de la présentation à la cour et aux jurés des photographies de cette pièce à conviction, la défense n'a pas manifesté d'opposition ni sollicité, par une demande de donné acte ou par des conclusions d'incident, que le jugement de l'affaire soit renvoyé à une autre session si cette pièce à conviction ne pouvait être matériellement transportée à l'audience, le moyen ne peut être accueilli. Sur le quatrième moyen Enoncé du moyen 22. Le moyen critique l'arrêt civil attaqué en ce qu'il a reçu la constitution de partie civile de Mme [D] [G] et a condamné M. [Z] à lui payer la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts, alors « que la cassation de l'arrêt pénal entraînera, par voie de conséquence, celle de l'arrêt civil qui se trouvera alors dépourvu de toute base légale. » Réponse de la Cour 23. Ce moyen est rendu inopérant par le rejet des moyens visant l'arrêt pénal. 24. Par ailleurs, la procédure est régulière et les faits souverainement constatés justifient la qualification et la peine. PAR CES MOTIFS, la Cour : Sur le pourvoi formé le 30 septembre 2021 : Le DECLARE IRRECEVABLE ; Sur le pourvoi formé le 27 septembre 2021 : Le REJETTE ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux février deux mille vingt-trois.
C'est à tort que, le demandeur ayant été mis en accusation pour le seul crime de séquestration, le président de la cour d'assises a posé une question subsidiaire relative au crime distinct d'enlèvement, dont la nature et les éléments constitutifs sont différents. La cassation n'est cependant pas encourue lorsque, l'accusé ayant été déclaré coupable de séquestration, la question subsidiaire irrégulièrement posée, relative au crime d'enlèvement, a été déclarée sans objet
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N° J 22-86.760 F-B N° 00361 SL2 21 FÉVRIER 2023 REJET M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 21 FÉVRIER 2023 M. [U] [Z] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 3e section, en date du 22 novembre 2022, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs, notamment, de viol et agression sexuelle aggravés, abus de faiblesse et corruption de mineur, a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction modifiant son contrôle judiciaire. Des mémoires ont été produits, en demande et en défense. Sur le rapport de M. Seys, conseiller, les observations de la SCP Spinosi, avocat de M. [U] [Z], les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et associés, avocat de l'association [1], et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l'audience publique du 21 février 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Seys, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Le 5 novembre 2021, M. [U] [Z] a été mis en examen des chefs précités et placé en détention provisoire. 3. Le 24 mai 2022, il a été mis en liberté sous contrôle judiciaire. 4. Par ordonnance du 4 octobre 2022, le juge d'instruction a modifié ce contrôle judiciaire, y ajoutant notamment les interdictions de toute apparition et représentation publiques dans le cadre de l'activité artistique de la personne mise en examen ainsi que de toute activité impliquant un contact avec des mineurs. 5. Le 5 octobre suivant, M. [Z] a relevé appel de cette ordonnance. Examen du moyen Enoncé du moyen 6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance entreprise en ce qu'elle ajoutait, comme obligation prononcée au titre de son contrôle judiciaire, l'interdiction pour M. [Z] de se livrer à certaines activités professionnelles, alors : « 1°/ que la juridiction d'instruction qui interdit à la personne mise en examen de se livrer à une activité professionnelle doit se prononcer sur la proportionnalité de cette mesure au regard des atteintes qu'elle porte à la liberté d'expression lorsque cela est invoqué ; qu'a méconnu les articles 10 de la Convention européenne, 138 12°, 591 et 593 du code de procédure pénale ; la chambre de l'instruction qui s'est bornée, pour confirmer le prononcé à l'encontre de M. [Z] de l'interdiction d'apparitions et de représentations publiques dans le cadre de son activité d'artiste, à relever que le « moyen tiré de l'atteinte disproportionnée à la liberté d'expression n'est pas opérant en l'espèce, [U] [Z] étant mis en examen pour des infractions à caractère sexuel et présentant un risque de renouvellement des faits » (arrêt, p. 14), sans contrôler, comme cela lui était demandé, la proportionnalité de la mesure au regard des atteintes qu'elle porte à la liberté d'expression artistique de M. [Z] ; 2°/ que la juridiction d'instruction qui interdit à la personne mise en examen de se livrer à une activité professionnelle doit se prononcer sur la proportionnalité de cette mesure au regard des atteintes qu'elle porte à la liberté individuelle et au droit au travail lorsque cela est invoqué ; que s'agissant d'un individu exerçant la profession de chanteur, la liberté d'expression artistique constitue une composante de son droit au travail ; qu'a encore méconnu les articles 138 12°, 591 et 593 du code de procédure pénale ; la chambre de l'instruction qui s'est bornée, pour confirmer le prononcé à l'encontre de M. [Z] de l'interdiction d'apparitions et de représentations publiques dans le cadre de son activité d'artiste, à relever que le « moyen tiré de l'atteinte disproportionnée à la liberté d'expression n'est pas opérant en l'espèce, [U] [Z] étant mis en examen pour des infractions à caractère sexuel et présentant un risque de renouvellement des faits » (arrêt, p. 14), sans contrôler, comme cela lui était demandé, la proportionnalité de la mesure au regard des atteintes qu'elle porte à la liberté d'expression artistique comprise comme composante du droit au travail de M. [Z]. » Réponse de la Cour 7. C'est à tort que les juges n'ont pas examiné, comme les y invitait le mémoire, si l'interdiction professionnelle imposée à M. [Z] dans le cadre du contrôle judiciaire ne constitue pas une atteinte disproportionnée à sa liberté d'expression, telle qu'elle est garantie par l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme. 8. En effet, l'interdiction faite à une personne mise en examen, dans le cadre d'un contrôle judiciaire, de se livrer à tout ou partie de son activité professionnelle d'artiste constitue une ingérence dans sa liberté d'expression et entre dès lors dans le champ de cet article. 9. Cependant, l'arrêt n'encourt pas la censure dès lors que l'interdiction prononcée répond aux conditions posées par le second paragraphe de la disposition précitée. 10. En effet, d'une part, l'interdiction est prévue par la loi et répond aux objectifs de sûreté publique et de protection de l'ordre. 11. D'autre part, elle est proportionnée en ce qu'elle est temporaire, l'intéressé pouvant, en outre, à tout moment, en demander la mainlevée dans les conditions de l'article 140 du code de procédure pénale, qu'elle est prononcée à titre de mesure de sûreté et ne porte que sur certaines modalités d'exercice de son activité artistique. 12. Ainsi, le moyen, irrecevable comme nouveau en sa seconde branche, n'est pas fondé. 13. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; FIXE à 2 500 euros la somme que M. [U] [Z] devra payer à l'association [1] en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un février deux mille vingt-trois.
L'interdiction faite à une personne mise en examen, dans le cadre d'un contrôle judiciaire, en application de l'article 138, 12° et 12° bis du code de procédure pénale, de se livrer à tout ou partie de son activité professionnelle d'artiste constitue une ingérence dans sa liberté d'expression et entre dès lors dans le champ de l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Doit être approuvée la chambre de l'instruction qui confirme l'ordonnance du juge d'instruction interdisant à la personne mise en examen toute apparition et représentation publiques dans le cadre de son activité artistique ainsi que toute activité impliquant un contact avec des mineurs dès lors que les conditions posées par le paragraphe 2 de l'article 10 précité sont remplies
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CIV. 1 CF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 1er mars 2023 Cassation partielle M. CHAUVIN, président Arrêt n° 130 FS-B Pourvoi n° H 21-17.018 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 1ER MARS 2023 M. [P] [W], domicilié [Adresse 6], a formé le pourvoi n° H 21-17.018 contre l'arrêt rendu le 4 mars 2021 par la cour d'appel de Nîmes (chambre civile, 1re chambre), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Nordea Bank, société anonyme, dont le siège est [Adresse 5] (Luxembourg), 2°/ à Mme [J] [Z], domiciliée [Adresse 2], notaire associée de la société [A] [Z], [Y] [N], [A] [T], [C] [L], [J] [Z] et [U] [M], 3°/ à M. [V] [D], domicilié [Adresse 1], notaire associé de la société [V] [D], [O] [D] et [H] [G], 4°/ à la société S.U.R.E. finances, anciennement dénommée Axess finances, dont le siège est [Adresse 4], 5°/ à la société KPMG Luxembourg, dont le siège est [Adresse 3] (Luxembourg), prise en qualité de liquidateur de la société Nordea Bank, défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire, les observations de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de M. [W], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme [Z] et de M. [D], de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de la société S.U.R.E. finances, de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la société KPMG Luxembourg, ès qualités, et l'avis de Mme Cazaux-Charles, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 janvier 2023 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, MM. Hascher, Ancel, conseillers, Mmes Kloda, Dumas, Champ, conseillers référendaires, Mme Cazaux-Charles, avocat général, et Mme Vignes, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Désistement partiel 1. Il est donné acte à M. [W] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Nordea Bank, Mme [Z] et M. [D]. Faits et procédure 2. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 4 mars 2021), suivant offre acceptée le 13 avril 2007, réitérée le 16 mai 2007 par acte authentique dressé par Mme [Z] avec le concours de M. [D], M. [W] (l'emprunteur) a, par l'intermédiaire de la société Axess finances devenue la société S.U.R.E. finances (l'intermédiaire), souscrit auprès de la société luxembourgeoise Nordea Bank (la banque) un prêt de 3 800 000 euros garanti par une hypothèque. 3. Ce prêt, remboursable in fine au terme de dix années, au taux variable, libellé en euros et converti en francs suisses, était destiné, d'une part, au remboursement par anticipation de prêts immobiliers consentis par la société Crédit immobilier de France à hauteur de 486 420,04 euros, d'autre part, à la satisfaction d'un besoin en trésorerie à hauteur de 600 000 euros, enfin, au placement d'une somme de 2 570 000 euros sur un contrat d'assurance-vie nanti au profit de la banque et souscrit auprès de la société Lombard international assurances (l'assureur). 4. Le 11 janvier 2008, invoquant la méconnaissance de dispositions du code de la consommation relatives aux crédits immobiliers ainsi que l'irrégularité du taux effectif global, l'emprunteur a assigné la banque et l'intermédiaire en nullité du prêt et de la stipulation d'intérêts, subsidiairement en déchéance de la banque de son droit aux intérêts conventionnels, ainsi qu'en responsabilité et indemnisation. 5. En cours d'instance, la banque a été placée en liquidation judiciaire, la société KPMG Luxembourg étant désignée en qualité de liquidateur. Examen des moyens Sur le deuxième moyen, pris en sa troisième branche, et sur les troisième et quatrième moyens, ci-après annexés 6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 7. L'emprunteur fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en nullité de la convention de prêt conclue le 13 avril 2007 et, en conséquence, de le condamner à payer à la société KPMG Luxembourg, en sa qualité de liquidateur de la banque, la somme de 4 829 936,32 euros avec intérêts au taux du Libor majoré de 1,8 % à compter du 26 juin 2019, alors : « 1°/ que sont soumis aux dispositions du code de la consommation relatives au crédit immobilier le prêt qui est en partie affecté au remboursement par anticipation de prêts antérieurement souscrits par l'emprunteur pour la réalisation de travaux de réparation et d'amélioration sur l'immeuble qu'il avait acquis ; qu'en énonçant, pour rejeter la demande en nullité de la convention de prêt conclue le 13 avril 2007 à hauteur de 3 800 000 euros, que ce prêt n'entrait pas, par sa nature, dans le champ d'application des dispositions de l'ancien article L. 312-2 du code de la consommation dès lors qu'il n'avait qu'accessoirement et indirectement contribué à régler des dépenses de nature immobilière, après avoir pourtant constaté que ce prêt était, à hauteur de 437 420 euros, destiné à solder, auprès du Crédit immobilier de France, les deux ouvertures de crédit souscrites les 11 et 24 mars 2003 pour le financement des travaux d'amélioration d'un logement situé [Adresse 6], ce dont il résultait que le prêt était en partie destiné à financer les travaux d'amélioration de l'immeuble acquis par M. [W] et que les dispositions du code de la consommation relatives au crédit immobilier lui était donc applicable, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a, dès lors, violé l'article L. 312-2 du code de la consommation, dans sa rédaction issue de la loi du 27 juillet 1993, applicable au litige ; 2°/ qu'en toute hypothèse sont soumis aux dispositions du code de la consommation relatives au crédit immobilier le prêt qui est principalement affecté au financement d'une opération de nature immobilière ; qu'en énonçant que le prêt conclu le 13 avril 2007 à hauteur de 3 800 000 euros n'entrait pas, par sa nature, dans le champ d'application des dispositions de l'ancien article L. 312-2 du code de la consommation dès lors qu'il n'avait qu'accessoirement et indirectement contribué à régler des dépenses de nature immobilière, après avoir pourtant constaté que la somme de 437 420 euros était affectée au remboursement de crédits immobiliers et que celle de 2 750 000 euros était destinée à être placée en vue d'effacer les effets négatifs de l'emprunt immobilier en cours, ce dont il résultait que le prêt du 13 avril 2007 était principalement affecté au financement d'une opération de nature immobilière, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a, dès lors, violé l'article L. 312-2 du code de la consommation, dans sa rédaction issue de la loi du 27 juillet 1993, applicable au litige. » Réponse de la Cour 8. Selon l'article L. 312-2 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, les dispositions de ce code relatives aux crédits immobiliers s'appliquent aux prêts qui, quelle que soit leur qualification ou leur technique, sont consentis de manière habituelle par toute personne physique ou morale en vue de financer les opérations suivantes : 1° Pour les immeubles à usage d'habitation ou à usage professionnel d'habitation : a) Leur acquisition en propriété ou en jouissance. b) La souscription ou l'achat de parts ou actions de sociétés donnant vocation à leur attribution en propriété ou en jouissance. c) Les dépenses relatives à leur construction, leur réparation, leur amélioration ou leur entretien lorsque le montant de ces dépenses est supérieur à celui fixé en exécution du dernier alinéa de l'article L. 311-3. 2° L'achat de terrains destinés à la construction des immeubles mentionnés au 1° ci-dessus. 9. Ayant constaté que le prêt litigieux d'un montant 3 800 000 euros avait pour objet de rembourser, à concurrence de 429 800 euros, deux emprunts immobiliers contractés auprès d'une autre banque, de procurer 600 000 euros de trésorerie à l'emprunteur et de financer la souscription simultanée d'un contrat d'assurance-vie à hauteur de 2 750 000 euros, la cour d'appel, qui a retenu que la part consacrée au remboursement des crédits immobiliers était moindre que celle relevant d'un prêt personnel, que l'emprunt était majoritairement constitué de nouveaux fonds mis à la disposition de l'emprunteur et qu'en réalité il s'agissait d'un investissement financier destiné à effacer les effets négatifs du précédent emprunt immobilier, en a exactement déduit que le prêt litigieux, qui n'était qu'accessoirement affecté au remboursement de précédents crédits immobiliers, n'entrait pas dans le champ d'application des dispositions du code de la consommation relatives aux crédits immobiliers. 10. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le deuxième moyen, pris en sa deuxième branche Enoncé du moyen 11. L'emprunteur fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de déchéance totale de tout droit, pour la banque, aux intérêts conventionnels et, en conséquence, de le condamner à payer à la société KPMG Luxembourg, en sa qualité de liquidateur de la banque, la somme de 4 829 936,32 euros avec intérêts au taux du Libor majoré de 1,8 % à compter du 26 juin 2019, alors « que les frais relatifs à un contrat d'assurance sur la vie sont intégrés dans la détermination du taux effectif global lorsque la souscription d'un tel contrat est imposée à l'emprunteur comme une condition de l'octroi du prêt ; qu'en énonçant, pour exclure les frais de l'assurance-vie de l'assiette de calcul du taux effectif global, que ceux-ci faisaient l'objet d'un contrat et d'un placement distincts, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs inopérants et a, dès lors, violé l'article L. 313-1 du code de la consommation, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2006-346 du 23 mars 2006, applicable au litige. » Réponse de la Cour 12. Aux termes de l'article L. 313-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, pour la détermination du taux effectif global du prêt, comme pour celle du taux effectif pris comme référence, sont ajoutés aux intérêts les frais, commissions ou rémunérations de toute nature, directs ou indirects, y compris ceux qui sont payés ou dus à des intermédiaires intervenus de quelque manière que ce soit dans l'octroi du prêt, même si ces frais, commissions ou rémunérations correspondent à des débours réels. 13. Il en résulte que, lorsque la souscription d'un contrat d'assurance sur la vie est imposée par le prêteur comme condition d'octroi du prêt, la prime d'assurance, qui fait partie des frais indirects au sens du texte susvisé, doit être prise en compte pour la détermination du taux effectif global. 14. Ayant constaté que la majeure partie de la somme empruntée était destinée à financer la souscription du contrat d'assurance-vie et fait ainsi ressortir que cet investissement constituait l'objectif poursuivi par l'emprunteur, la cour d'appel, appréciant souverainement la commune intention des parties, a pu en déduire, nonobstant le motif surabondant critiqué par le moyen, que cette circonstance excluait que la souscription de l'assurance-vie ait été une condition mise à l'octroi du prêt. 15. Le moyen n'est donc pas fondé. Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 16. L'emprunteur fait le même grief à l'arrêt, alors « que le taux de période et la durée de la période devant être expressément communiqués à l'emprunteur, le défaut de communication de ces informations est sanctionné par la déchéance, totale ou partielle, du droit aux intérêts conventionnels ; qu'en énonçant, pour rejeter la demande de déchéance des intérêts formée par M. [W], que les parties avaient expressément fait référence à l'article R. 313-1 du code de la consommation pour le calcul du taux effectif global et que les exigences de ce texte devaient être respectées mais que la mention du taux de période n'était en revanche pas obligatoire, la cour d'appel a violé l'article R. 313-1 du code de la consommation, dans sa rédaction issue du décret n° 2002-297 du 10 juin 2002, applicable au litige. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 313-4 du code monétaire et financier, L. 313-1 et R. 313-1 du code de la consommation, les deux premiers textes dans leur rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 et le dernier dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2011-135 du 1er février 2011 : 17. Il résulte de ces textes qu'à l'occasion de la conclusion d'une opération de crédit, le prêteur est tenu de communiquer à l'emprunteur, de manière expresse, le taux de période et la durée de celle-ci. 18. Pour rejeter la demande de déchéance de la banque de son droit aux intérêts contractuels, l'arrêt retient que, si les parties ont expressément fait référence, dans leur convention, à l'article R. 313-1 du code de la consommation pour le calcul du taux effectif global et que les exigences de ce texte doivent être respectées, la mention du taux de période n'est, en revanche, pas obligatoire. 19. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Mise hors de cause 20. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause, sur sa demande, la société S.U.R.E. finances dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne M. [W] à payer à la société KPMG Luxembourg, en qualité de liquidateur de la société Nordea Bank, la somme de 4 829 936,32 euros avec intérêts au taux du Libor majoré de 1,8 % à compter du 26 juin 2019 et en ce qu'il condamne M. [W] à payer à la société KPMG Luxembourg, prise en qualité de liquidateur de la société Nordea Bank, la somme 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 4 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; Met hors de cause la société S.U.R.E. finances ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Condamne la société KMPG Luxembourg prise en qualité de liquidateur de la société Nordea Bank aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par la société S.U.R.E. finances et la société KMPG Luxembourg prise en sa qualité de liquidateur de la société Nordea Bank et condamne la société KMPG Luxembourg, ès qualités, à payer à M. [W] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier mars deux mille vingt-trois. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SAS Buk Lament-Robillot, avocat aux Conseils, pour M. [W] PREMIER MOYEN DE CASSATION M. [W] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté sa demande en nullité de la convention de prêt conclue le 13 avril 2007 et de l'avoir, en conséquence, condamné à payer à la société KPMG Luxembourg, en sa qualité de liquidateur de la société Nordea Bank, la somme de 4.829.936,32 € avec intérêts au taux du Libor majoré de 1,8 % à compter du 26 juin 2019 ; 1°) ALORS QUE sont soumis aux dispositions du code de la consommation relatives au crédit immobilier le prêt qui est en partie affecté au remboursement par anticipation de prêts antérieurement souscrits par l'emprunteur pour la réalisation de travaux de réparation et d'amélioration sur l'immeuble qu'il avait acquis ; qu'en énonçant, pour rejeter la demande en nullité de la convention de prêt conclue le 13 avril 2007 à hauteur de 3.800.000 €, que ce prêt n'entrait pas, par sa nature, dans le champ d'application des dispositions de l'ancien article L. 312-2 du code de la consommation dès lors qu'il n'avait qu'accessoirement et indirectement contribué à régler des dépenses de nature immobilière, après avoir pourtant constaté que ce prêt était, à hauteur de 437.420 €, destiné à solder, auprès du Crédit Immobilier de France, les deux ouvertures de crédit souscrites les 11 et 24 mars 2003 pour le financement des travaux d'amélioration d'un logement situé [Adresse 6], ce dont il résultait que le prêt était en partie destiné à financer les travaux d'amélioration de l'immeuble acquis par M. [W] et que les dispositions du code de la consommation relatives au crédit immobilier lui était donc applicable, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a, dès lors, violé l'article L. 312-2 du code de la consommation, dans sa rédaction issue de la loi du 27 juillet 1993, applicable au litige ; 2°) ALORS QU'en toute hypothèse sont soumis aux dispositions du code de la consommation relatives au crédit immobilier le prêt qui est principalement affecté au financement d'une opération de nature immobilière ; qu'en énonçant que le prêt conclu le 13 avril 2007 à hauteur de 3.800.000 € n'entrait pas, par sa nature, dans le champ d'application des dispositions de l'ancien article L. 312-2 du code de la consommation dès lors qu'il n'avait qu'accessoirement et indirectement contribué à régler des dépenses de nature immobilière, après avoir pourtant constaté que la somme de 437.420 € était affectée au remboursement de crédits immobiliers et que celle de 2.750.000 € était destinée à être placée en vue d'effacer les effets négatifs de l'emprunt immobilier en cours, ce dont il résultait que le prêt du 13 avril 2007 était principalement affecté au financement d'une opération de nature immobilière, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a, dès lors, violé l'article L. 312-2 du code de la consommation, dans sa rédaction issue de la loi du 27 juillet 1993, applicable au litige. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION M. [W] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté sa demande de déchéance totale de tout droit, pour la société Nordea Bank, aux intérêts conventionnels et de l'avoir, en conséquence, condamné à payer à la société KPMG Luxembourg, en sa qualité de liquidateur de la société Nordea Bank, la somme de 4.829.936,32 € avec intérêts au taux du Libor majoré de 1,8 % à compter du 26 juin 2019 ; 1°) ALORS QUE le taux de période et la durée de la période devant être expressément communiqués à l'emprunteur, le défaut de communication de ces informations est sanctionné par la déchéance, totale ou partielle, du droit aux intérêts conventionnels ; qu'en énonçant, pour rejeter la demande de déchéance des intérêts formée par M. [W], que les parties avaient expressément fait référence à l'article R. 313-1 du code de la consommation pour le calcul du taux effectif global et que les exigences de ce texte devaient être respectées mais que la mention du taux de période n'était en revanche pas obligatoire, la cour d'appel a violé l'article R. 313-1 du code de la consommation, dans sa rédaction issue du décret n° 2002-297 du 10 juin 2002, applicable au litige ; 2°) ALORS QUE les frais relatifs à un contrat d'assurance sur la vie sont intégrés dans la détermination du taux effectif global lorsque la souscription d'un tel contrat est imposée à l'emprunteur comme une condition de l'octroi du prêt ; qu'en énonçant, pour exclure les frais de l'assurance-vie de l'assiette de calcul du taux effectif global, que ceux-ci faisaient l'objet d'un contrat et d'un placement distincts, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs inopérants et a, dès lors, violé l'article L. 313-1 du code de la consommation, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2006-346 du 23 mars 2006, applicable au litige ; 3°) ALORS QU'en tout état de cause le juge ne peut statuer par voie de simple affirmation sans préciser les éléments de preuve sur lesquels il fonde sa décision ; qu'en affirmant, pour écarter la responsabilité de la société Nordea Bank, que, concernant l'assurance-vie, il s'agissait d'un investissement qui était au coeur de l'opération spéculative voulue par M. [W], qui était censé lui procurer des avantages à la fois patrimoniaux et fiscaux et qu'elle ne lui avait donc pas été imposée par le prêteur, sans préciser les éléments de preuve sur lesquels elle se fondait pour retenir que M. [W] avait souhaité mettre en place une opération spéculative, la cour d'appel a statué par voie de simple affirmation et a, dès lors, violé l'article 455 du code de procédure civile. TROISIEME MOYEN DE CASSATION M. [W] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté sa demande tendant à ce que la société KPMG Luxembourg, en sa qualité de liquidateur de la société Nordea Bank soit condamnée à lui verser une somme de 250.000 € à titre de dommages et intérêts ; 1°) ALORS QUE le juge ne peut statuer par voie de simple affirmation sans préciser les éléments de preuve sur lesquels il fonde sa décision ; qu'en affirmant, pour juger que la société Nordea Bank n'était pas intervenu anormalement dans les affaires de l'emprunteur, que s'agissant de l'assurance-vie, il s'agissait d'un investissement qui était au coeur de l'opération spéculative voulue par M. [W], qui était censé lui procurer des avantages à la fois patrimoniaux et fiscaux et qu'elle ne lui avait donc pas été imposée par le prêteur, sans préciser, à ce titre, les éléments de preuve sur lesquels elle se fondait pour retenir que M. [W] avait voulu mettre en place une opération spéculative, la cour d'appel a statué par voie de simple affirmation et a, ainsi, violé l'article 455 du code de procédure civile ; 2°) ALORS QUE tout jugement doit être motivé ; qu'en affirmant que la banque avait légitimement exigé de gérer, sous sa responsabilité, les actifs dépendant de l'assurance-vie, la cour d'appel a statué par des motifs généraux et imprécis et a, dès lors, violé l'article 455 du code de procédure civile. QUATRIEME MOYEN DE CASSATION M. [W] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté sa demande tendant à ce que la société Sure Finances, anciennement dénommée Axess Finances, soit condamnée au paiement de dommages et intérêts ; 1°) ALORS QUE M. [W] soutenait, dans ses conclusions d'appel (p. 45), que constituait une faute « le fait pour le professionnel d'avoir, en violation de toutes les règles élémentaires de prudence et de discernement, procédé par estimation (cf. contrat d'assurance-vie, « Quelle est votre estimation du Revenu annuel avant impôt du/des Souscripteur(s)/Bénéficiaire(s) économique(s) ») pour valoriser les revenus annuels avant impôt de Monsieur [W] à la somme de 311.000 euros » ; qu'en énonçant, pour rejeter la demande de dommages et intérêts présentée par M. [W] à l'encontre de la société Axess Finances, que cette dernière était intervenue en qualité d'intermédiaire auprès de la société Lombard International Assurance pour le compte de M. [W], qu'elle devait donc à ce dernier un conseil sur l'opportunité, les conditions et la portée de son engagement mais qu'il faisait simplement grief à la société Axess Finances de ne pas s'être assuré que les dispositions de l'article L. 132-5-2 du code de la consommation avaient bien été observées, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis des conclusions d'appel de M. [W] dont il résultait pourtant que, s'agissant du contrat d'assurance-vie, ce dernier faisait également grief à la société Axess Finances de ne pas avoir vérifié le montant exact de ses biens et revenus et de n'avoir procédé que par simples estimations, violant ainsi le principe selon lequel le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; 2°) ALORS QUE M. [W] faisait valoir, dans ses conclusions d'appel (p. 46) que le manquement de la société Axess Finances lui avait causé un préjudice dès lors que la société Nordea Bank lui avait demandé de régler la somme de 1.040.770,44 francs suisses au titre des intérêts du prêt lesquels auraient dû être amortis par l'assurance-vie mais que celle-ci « qui [avait] été préconisée par le courtier pour faire face aux échéances de l'emprunt n'[avait] rapporté, contrairement à ses promesses, aucun intérêt » ; qu'en énonçant que M. [W], qui avait transigé avec l'assureur en cours d'instance, ne précisait pas quel préjudice il serait résulté pour lui de la prétendue carence de son courtier, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis des conclusions d'appel de M. [W] dont il résultait pourtant que ce dernier soutenait avoir subi un préjudice du fait des manquements de la société Axess Finances, et a, dès lors, violé le principe selon lequel le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis.
En application de l'article L. 312-2 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, un emprunt qui n'est qu'accessoirement affecté au remboursement de précédents crédits immobiliers n'entre pas dans le champ d'application des dispositions du code de la consommation relatives aux crédits immobiliers
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CIV. 1 MY1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 1er mars 2023 Cassation partielle M. CHAUVIN, président Arrêt n° 131 FS-B Pourvoi n° T 22-15.445 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 1ER MARS 2023 La société Doosan Infracore Europe SRO, société de droit étranger, dont le siège est [Adresse 2] (République Tchèque), a formé le pourvoi n° T 22-15.445 contre l'arrêt rendu le 3 février 2022 par la cour d'appel de Rouen (chambre civile et commerciale), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Acierinox materiel, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], 2°/ à la société Sofemat, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], défenderesses à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire, les observations de la SCP Alain Bénabent , avocat de la société Doosan Infracore Europe SRO, de la SARL Ortscheidt, avocat de la société Acierinox materiel, et l'avis de Mme Cazaux-Charles, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 janvier 2023 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, MM. Hascher, Bruyère, Ancel, conseillers, Mmes Kloda, Dumas, Champ, conseillers référendaires, Mme Cazaux-Charles, avocat général, et Mme Vignes, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 3 février 2022), par un contrat stipulant une clause compromissoire, la société tchèque Doosan Infracore Europe s.r.o. (la société Doosan) a confié à la société française Acierinox matériel (la société Acierinox) la distribution exclusive de ses produits dans la région Normandie jusqu'au 31 décembre 2022. 2. Invoquant des manquements de la société Doosan à ses obligations ainsi qu'une résiliation fautive du contrat, la société Acierinox a assigné sa cocontractante devant le président d'un tribunal de commerce afin qu'il lui fasse défense de collaborer avec une société tierce, qu'il lui ordonne la production de pièces et qu'il la condamne au paiement d'une provision à valoir sur la réparation de son préjudice. 3. La société Doosan a soulevé une exception d'incompétence. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses trois premières branches Enoncé du moyen 4. La société Doosan fait grief à l'arrêt de rejeter l'exception d'incompétence matérielle, alors : « 1°/ que seule une mesure destinée à maintenir une situation de fait ou de droit afin de sauvegarder les droits dont la reconnaissance est par ailleurs demandée au juge du fond, en conservant des preuves menacées de disparition, peut être qualifiée de mesure provisoire ou conservatoire au sens de l'article 35 du Règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale ; que, pour retenir la compétence des juridictions françaises, la cour d'appel a énoncé que la demande de communication de documents doit « s'analyser comme étant une mesure d'instruction fondée sur les dispositions de l'article 145 du Code de procédure civile […] et elle est admissible dès que le demandeur justifie d'un intérêt légitime avant tout procès sans que la condition tenant à l'urgence soit exigée » ; qu'en statuant ainsi, par la voie d'une affirmation générale, sans rechercher, comme elle y était invitée, si cette mesure, qui visait à obtenir la communication de documents en possession des parties adverses, avait pour objet de prémunir la société Acierinox contre un risque de dépérissement d'éléments de preuve dont la conservation pouvait commander la solution du litige, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 35 du Règlement (UE) n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 et 145 du code de procédure civile ; 2°/ que seule une mesure destinée à maintenir une situation de fait ou de droit afin de sauvegarder les droits dont la reconnaissance est par ailleurs demandée au juge du fond, en conservant des preuves menacées de disparition, peut être qualifiée de mesure provisoire ou conservatoire au sens de l'article 35 du Règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale ; que, pour retenir la compétence des juridictions françaises, la cour d'appel a énoncé que la demande d'interdiction de collaboration entre la société Doosan et la société Sofemat tant que le contrat litigieux sera en cours de validité et jusqu'au 31 décembre 2021 « constitue une mesure de remise en état qui a toujours été assimilée à une mesure conservatoire » ; qu'en statuant ainsi, par la voie d'une affirmation générale, sans rechercher, comme elle y était invitée, si cette mesure était destinée à maintenir une situation de fait ou de droit afin de sauvegarder les droits de la société Acierinox dont la reconnaissance est par ailleurs demandée au juge du fond, alors même que le contrat avait pris fin le 31 décembre 2021, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 35 du Règlement (UE) n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 ; 3°/ que seule une mesure destinée à maintenir une situation de fait ou de droit afin de sauvegarder les droits dont la reconnaissance est par ailleurs demandée au juge du fond, en conservant des preuves menacées de disparition, peut être qualifiée de mesure provisoire ou conservatoire au sens de l'article 35 du Règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale ; qu'en application de ce texte, le paiement à titre de provision d'une contre-prestation contractuelle ne constitue pas une mesure provisoire, à moins que, d'une part, le remboursement au défendeur de la somme allouée soit garanti dans l'hypothèse où le demandeur n'obtiendrait pas gain de cause au fond de l'affaire et, d'autre part, la mesure sollicitée ne porte que sur des avoirs déterminés du défendeur se situant, ou devant se situer, dans la sphère de la compétence territoriale du juge saisi ; que, pour retenir la compétence des juridictions françaises, la cour d'appel a énoncé que la demande de provision « a toujours constitué une mesure provisoire qu'il appartient au juge saisi d'assortir éventuellement de garanties permettant la restitution de sommes accordées en cas d'infirmation » ; qu'en statuant ainsi, par la voie d'une affirmation générale, sans rechercher, comme elle y était invitée, si cette mesure pouvait être exécutée en France, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 35 du Règlement (UE) n° 1215/2012 du 12 décembre 2012. » Réponse de la Cour 5. La société Doosan ayant soutenu, dans ses conclusions d'appel, que le juge des référés n'était pas compétent, dès lors que les demandes formées par la société Acierinox ne constituaient pas des mesures provisoires ou conservatoires au sens de l'article 1449 du code de procédure civile, sans invoquer l'article 35 du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, la cour d'appel n'avait pas à procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée. 6. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le moyen, pris en sa quatrième branche, en tant qu'il est dirigé contre le rejet de l'exception d'incompétence à l'égard de la demande de production de pièces Enoncé du moyen 7. La société Doosan fait le même grief à l'arrêt, alors « que tant en première instance qu'en appel, le juge des référés doit se placer, pour apprécier l'urgence attributive de sa compétence, à la date à laquelle il rend sa décision ; que, pour caractériser l'urgence, la cour d'appel a énoncé que « cette urgence doit s'apprécier au moment où le premier juge a statué » ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 1449 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 978 du code de procédure civile : 8. A peine d'être déclaré d'office irrecevable, un moyen ou un élément de moyen doit préciser : le cas d'ouverture invoqué, la partie critiquée de la décision, ce en quoi celle-ci encourt le reproche allégué. 9. Le grief, qui porte sur les modalités d'appréciation de l'urgence, n'est pas dirigé contre le chef du dispositif de l'arrêt qui rejette l'exception d'incompétence à l'égard de la demande de production de pièce fondée sur l'article 145 du code de procédure civile, dont la mise en oeuvre n'est pas subordonnée à une telle condition par l'article 1449 du même code auquel renvoie l'article 1506, 1°, en matière d'arbitrage international. 10. Ne satisfaisant pas aux exigences du texte susvisé, le grief est irrecevable. Mais sur le moyen, pris en sa quatrième branche, en tant qu'il est dirigé contre le rejet de l'exception d'incompétence à l'égard de la demande de provision et de la demande d'interdiction de collaboration avec une société tierce Enoncé du moyen 11. La société Doosan fait le même grief à l'arrêt, alors « que tant en première instance qu'en appel, le juge des référés doit se placer, pour apprécier l'urgence attributive de sa compétence, à la date à laquelle il rend sa décision ; que, pour caractériser l'urgence, la cour d'appel a énoncé que « cette urgence doit s'apprécier au moment où le premier juge a statué » ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 1449 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu les articles 1449 et 1506 du code de procédure civile : 12. Selon le premier de ces textes auquel renvoie le second, applicable en matière d'arbitrage international, l'existence d'une convention d'arbitrage ne fait pas obstacle, tant que le tribunal arbitral n'est pas constitué, à ce qu'une partie saisisse une juridiction de l'Etat aux fins d'obtenir une mesure d'instruction ou une mesure provisoire ou conservatoire. Sous réserve des dispositions régissant les saisies conservatoires et les sûretés judiciaires, la demande est portée devant le président du tribunal judiciaire ou de commerce, qui statue sur les mesures d'instruction dans les conditions prévues à l'article 145 et, en cas d'urgence, sur les mesures provisoires ou conservatoires sollicitées par les parties à la convention d'arbitrage. 13. Il résulte de ces textes qu'en appel comme en première instance, le juge doit, pour apprécier l'urgence attributive de sa compétence, se placer à la date à laquelle il statue. 14. Pour dire que le président du tribunal de commerce était matériellement compétent pour connaître des demandes tendant au prononcé de mesures provisoires ou conservatoires, l'arrêt énonce qu'en application de l'article 1449 du code de procédure civile, il appartient à la société Acierinox de démontrer l'existence de l'urgence s'agissant des mesures d'interdiction et de provision et que cette urgence doit s'apprécier au moment où le premier juge a statué. 15. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare le président du tribunal de commerce matériellement compétent pour connaître des demandes formées par la société Acierinox matériel tendant à la communication d'une liste certifiée des matériels vendus en Basse Normandie par la société Sofemat et la société Doosan Infracore Europe SRO pour la période du 1er janvier au 1er juin 2021, l'arrêt rendu le 3 février 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ; Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris ; Condamne la société Acierinox matériel aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier mars deux mille vingt-trois. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Alain Bénabent, avocat aux Conseils, pour la société Doosan Infracore Europe SRO. La société DOOSAN fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé l'ordonnance de référé du 9 juin 2021 du président du tribunal de commerce de Rouen en qu'il s'est déclaré matériellement compétent 1°/ ALORS QUE seule une mesure destinée à maintenir une situation de fait ou de droit afin de sauvegarder les droits dont la reconnaissance est par ailleurs demandée au juge du fond, en conservant des preuves menacées de disparition, peut être qualifiée de mesure provisoire ou conservatoire au sens de l'article 35 du Règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale ; que, pour retenir la compétence des juridictions françaises, la cour d'appel a énoncé que la demande de communication de documents doit « s'analyser comme étant une mesure d'instruction fondée sur les dispositions de l'article 145 du Code de procédure civile […] et elle est admissible dès que le demandeur justifie d'un intérêt légitime avant tout procès sans que la condition tenant à l'urgence soit exigée » ; qu'en statuant ainsi, par la voie d'une affirmation générale, sans rechercher, comme elle y était invitée, si cette mesure, qui visait à obtenir la communication de documents en possession des parties adverses, avait pour objet de prémunir la société Acierinox contre un risque de dépérissement d'éléments de preuve dont la conservation pouvait commander la solution du litige, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 35 du Règlement (UE) n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 et 145 du code de procédure civile ; 2°/ ALORS QUE seule une mesure destinée à maintenir une situation de fait ou de droit afin de sauvegarder les droits dont la reconnaissance est par ailleurs demandée au juge du fond, en conservant des preuves menacées de disparition, peut être qualifiée de mesure provisoire ou conservatoire au sens de l'article 35 du Règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale ; que, pour retenir la compétence des juridictions françaises, la cour d'appel a énoncé que la demande d'interdiction de collaboration entre la société Doosan et la société Sofemat tant que le contrat litigieux sera en cours de validité et jusqu'au 31 décembre 2021 « constitue une mesure de remise en état qui a toujours été assimilée à une mesure conservatoire » ; qu'en statuant ainsi, par la voie d'une affirmation générale, sans rechercher, comme elle y était invitée, si cette mesure était destinée à maintenir une situation de fait ou de droit afin de sauvegarder les droits de la société Acierinox dont la reconnaissance est par ailleurs demandée au juge du fond, alors même que le contrat avait pris fin le 31 décembre 2021, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 35 du Règlement (UE) n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 ; 3°/ ALORS QUE seule une mesure destinée à maintenir une situation de fait ou de droit afin de sauvegarder les droits dont la reconnaissance est par ailleurs demandée au juge du fond, en conservant des preuves menacées de disparition, peut être qualifiée de mesure provisoire ou conservatoire au sens de l'article 35 du Règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale ; qu'en application de ce texte, le paiement à titre de provision d'une contre-prestation contractuelle ne constitue pas une mesure provisoire, à moins que, d'une part, le remboursement au défendeur de la somme allouée soit garanti dans l'hypothèse où le demandeur n'obtiendrait pas gain de cause au fond de l'affaire et, d'autre part, la mesure sollicitée ne porte que sur des avoirs déterminés du défendeur se situant, ou devant se situer, dans la sphère de la compétence territoriale du juge saisi ; que, pour retenir la compétence des juridictions françaises, la cour d'appel a énoncé que la demande de provision « a toujours constitué une mesure provisoire qu'il appartient au juge saisi d'assortir éventuellement de garanties permettant la restitution de sommes accordées en cas d'infirmation » ; qu'en statuant ainsi, par la voie d'une affirmation générale, sans rechercher, comme elle y était invitée, si cette mesure pouvait être exécutée en France, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 35 du Règlement (UE) n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 ; 4°/ ALORS QUE tant en première instance qu'en appel, le juge des référés doit se placer, pour apprécier l'urgence attributive de sa compétence, à la date à laquelle il rend sa décision ; que, pour caractériser l'urgence, la cour d'appel a énoncé que « cette urgence doit s'apprécier au moment où le premier juge a statué » ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 1449 du code de procédure civile.
Il résulte des articles 1449 et 1506 du code de procédure civile qu'en appel comme en première instance, le juge doit, pour apprécier l'urgence attributive de sa compétence, se placer à la date à laquelle il statue
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CIV. 1 SG COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 1er mars 2023 Cassation partielle M. CHAUVIN, président Arrêt n° 132 FS-B Pourvoi n° V 21-19.744 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 1ER MARS 2023 M. [U] [Y], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° V 21-19.744 contre l'arrêt rendu le 27 mai 2021 par la cour d'appel de Versailles (16e chambre), dans le litige l'opposant à la société Crédit industriel et commercial, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [Y], de la SARL Le Prado-Gilbert, avocat de la société Crédit industriel et commercial, et l'avis de Mme Cazaux-Charles, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 janvier 2023 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, MM. Hascher, Bruyère, Ancel, conseillers, Mmes Kloda, Dumas, Champ et Robin-Raschel, conseillers référendaires, Mme Cazaux-Charles, avocat général, et Mme Vignes, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Déchéance du pourvoi, examinée d'office, en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt du 27 mai 2021 1. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 978 du même code. 2. M. [Y] s'est pourvu en cassation contre les arrêts rendus les 17 décembre 2020 et 27 mai 2021 par la cour d'appel de Versailles. 3. Toutefois, le mémoire remis au greffe de la Cour de cassation ne contient aucun moyen à l'encontre de la seconde décision. 4. Il y a lieu en conséquence de constater la déchéance partielle du pourvoi en ce qu'il est formé contre l'arrêt du 27 mai 2021. Faits et procédure 5. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 17 décembre 2020), le 5 mai 2014, M. [U] [Y] (la caution) s'est porté caution solidaire d'un prêt consenti à M. [P] [Y] (le débiteur) par la société Crédit industriel et commercial (la banque). 6. Le 14 mars 2017, la banque a assigné la caution en paiement. Examen des moyens Sur le premier moyen, ci-après annexé 7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le second moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 8. La caution fait grief à l'arrêt de la condamner à payer une certaine somme à la banque dans la limite du montant de son engagement, alors « qu'il appartient à la banque d'informer la caution de la défaillance du débiteur principal dès le premier incident de paiement non régularisé dans le mois de l'exigibilité de ce paiement ; que la seule production d'une lettre ne suffit pas à justifier de son envoi ; qu'en retenant que le CIC avait informé M. [Y] sans rechercher si la lettre simple du 16 avril 2016 dont seule une copie était versée aux débats par le CIC avait effectivement été adressée à M. [Y], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 341-1, devenu l'article 333-1 du code de la consommation. » Réponse de la Cour 9. Ayant constaté que la banque produisait une lettre du 16 avril 2016 mentionnant un défaut de paiement des échéances échues de mars et d'avril 2016 et que la caution ne contestait pas en avoir été destinataire, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée, a ainsi légalement justifié sa décision de rejeter la demande en privation de la banque des pénalités ou intérêts de retard en raison d'une méconnaissance de l'obligation d'information prévue à l'article L. 341-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016. Mais sur le second moyen, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 10. La caution fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'il appartient à la banque d'informer la caution de la défaillance du débiteur principal dès le premier incident de paiement non régularisé dans le mois de l'exigibilité de ce paiement ; qu'en retenant que le CIC avait accompli cette formalité tout en constatant qu'elle produisait une lettre datée du 16 avril 2016, quand le premier incident de paiement s'était produit en mars 2016, ce qui imposait au CIC d'en informer la caution avant la fin du mois de mars 2016, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 341-1, devenu l'article 333-1 du code de la consommation. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 341-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 : 11. Selon ce texte, toute personne physique qui s'est portée caution est informée par le créancier professionnel de la défaillance du débiteur principal dès le premier incident de paiement non régularisé dans le mois de l'exigibilité de ce paiement. Si le créancier ne se conforme pas à cette obligation, la caution ne saurait être tenue au paiement des pénalités ou intérêts de retards échus entre la date de ce premier incident et celle à laquelle elle en a été informée. 12. Pour dire que la banque n'avait pas manqué à son devoir d'information et condamner la caution à lui payer une certaine somme en exécution de son engagement, l'arrêt retient que la banque produit une lettre du 16 avril 2016 mentionnant un défaut de paiement des échéances de mars et d'avril 2016 ainsi qu'une lettre de mise en demeure adressée en recommandée avec demande d'avis de réception du 22 septembre 2016. 13. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la banque avait adressé à la caution une lettre d'information après l'expiration du délai d'un mois suivant l'exigibilité de la première échéance impayée par le débiteur, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, la Cour : Constate la déchéance partielle du pourvoi en ce qu'il est formé contre l'arrêt rendu le 27 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de privation de la banque des pénalités ou intérêts de retards échus entre la date de l'exigibilité du premier incident de paiement non régularisé et celle à laquelle la caution en a été informée, soit le 16 avril 2016 ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ; Condamne la société Crédit industriel et commercial aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Crédit industriel et commercial et la condamne à payer à M. [Y] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier mars deux mille vingt-trois. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. [Y] PREMIER MOYEN DE CASSATION M. [Y] fait grief l'arrêt attaqué (Versailles, 17 décembre 2020) de l'avoir condamné à payer au CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL la somme de 1 397 156,55 euros majorée de l'assurance au taux de 0,50 % à compter du 18 janvier 2017, outre les intérêts au taux contractuel de 3,25 % à compter du 18 janvier 2017 jusqu'au parfait paiement au titre du prêt numéro 30066 10638 00011283906, dans la limite de la somme de 1 620 000 euros ; 1°/ ALORS QU'à l'égard de la caution non avertie, l'établissement de crédit est tenu d'un devoir de mise en garde dès lors que le montant de cet engagement est susceptible d'excéder les facultés de remboursement de la caution ou s'il existe un risque d'endettement né de l'octroi du prêt garanti, résultant de l'inadaptation du prêt aux capacités financières de l'emprunteur ; qu'il appartient à l'établissement de crédit qui soutient qu'il n'est pas tenu d'un devoir de mise en garde d'établir le caractère averti de la caution ; qu'en se bornant à relever que M. [Y] ne conteste pas la qualité de caution avertie alléguée par le CIC, quand il appartenait au CIC d'établir que M. [Y] avait la qualité de caution avertie, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, pris en sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble l'article 1315 devenu l'article 1353 du code civil ; 2°/ ALORS QUE le fait que le cautionnement ne soit pas disproportionné par rapport aux biens et aux revenus de la caution n'est pas de nature à dispenser l'établissement de crédit de son devoir de mise en garde ; qu'en écartant tout manquement du CIC aux motifs que l'engagement de cautionnement de M. [Y] était compatible avec ses capacités financières, la cour d'appel qui s'est prononcée par des motifs inopérants, a violé 1147 du code civil, pris en sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. SECOND MOYEN DE CASSATION M. [Y] fait grief l'arrêt attaqué (Versailles 17 décembre 2020) de l'avoir condamné à payer au CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL la somme de 1 397 156,55 euros majorée de l'assurance au taux de 0,50 % à compter du 18 janvier 2017, outre les intérêts au taux contractuel de 3,25 % à compter du 18 janvier 2017 jusqu'au parfait paiement au titre du prêt numéro 30066 10638 00011283906, dans la limite de la somme de 1 620 000 euros ; 1°/ ALORS QU'il appartient à la banque d'informer la caution de la défaillance du débiteur principal dès le premier incident de paiement non régularisé dans le mois de l'exigibilité de ce paiement ; que la seule production d'une lettre ne suffit pas à justifier de son envoi ; qu'en retenant que le CIC avait informé M. [Y] sans rechercher si la lettre simple du 16 avril 2016 dont seule une copie était versée aux débats par le CIC avait effectivement été adressée à M. [Y], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 341-1, devenu l'article 333-1 du code de la consommation ; 2°/ ALORS QU'il appartient à la banque d'informer la caution de la défaillance du débiteur principal dès le premier incident de paiement non régularisé dans le mois de l'exigibilité de ce paiement ; qu'en retenant que le CIC avait accompli cette formalité tout en constatant qu'elle produisait une lettre datée du 16 avril 2016, quand le premier incident de paiement s'était produit en mars 2016, ce qui imposait au CIC d'en informer la caution avant la fin du mois de mars 2016, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 341-1, devenu l'article 333-1 du code de la consommation.
Justifie légalement sa décision d'écarter un manquement d'un créancier professionnel au devoir d'information de la caution prévu à l'article L. 341-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, une cour d'appel qui constate que la caution ne contestait pas avoir été destinataire de la copie de la lettre d'information produite par le créancier
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CIV. 1 MY1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 1er mars 2023 Rejet M. CHAUVIN, président Arrêt n° 135 F-B Pourvoi n° P 21-23.510 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 1ER MARS 2023 Mme [W] [M], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° P 21-23.510 contre l'arrêt rendu le 23 mars 2021 par la cour d'appel de Versailles (1re chambre, 1re section), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Bogdalex Import Export, dont le siège est [Adresse 3]), 2°/ au procureur général près de la cour d'appel de Versailles, domicilié [Adresse 2], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Ancel, conseiller, les observations de la SCP Le Griel, avocat de Mme [M], de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la société Bogdalex Import Export, après débats en l'audience publique du 17 janvier 2023 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Ancel, conseiller rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 23 mars 2021), le 9 novembre 2018, la société Bogdalex Import Export (la société Bogdalex) a signifié à Mme [M], prise en sa qualité d'administratrice de la société SC Biamos com, trois décisions rendues par le tribunal commercial de Cluj (Roumanie) les 22 janvier 2008, 11 février 2010 et 15 avril 2010 et le certificat (sic), délivré le 20 décembre 2016 par le greffier en chef d'un tribunal de grande instance, constatant le caractère exécutoire de ces décisions. 2. Mme [M] a formé un recours contre de ce certificat. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 3. Mme [M] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en nullité de l'acte de signification du certificat délivré par le greffier en chef du tribunal de grande instance et des décisions juridictionnelles roumaines qui y étaient annexées, alors : « 1°/ que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que cette détermination porte, premièrement, sur l'ordre même des demandes présentées par les parties, en sorte que la cour d'appel, tenue d'examiner ces demandes dans l'ordre fixé par les parties, ne peut pas examiner une demande subsidiaire avant la demande principale ; qu'en l'espèce, Mme [M] avait clairement ordonné sa demande, dans le dispositif de ses conclusions, pour faire juger, « à titre principal », que l'action en recouvrement forcé dirigée contre elle par la société Bogdalex Import Export était prescrite et, « à titre subsidiaire », que l'acte de signification du 9 novembre 2018 était entaché de nullité ; qu'en inversant de son propre chef l'ordre ainsi fixé, pour examiner et juger en premier lieu la demande subsidiaire, la cour a violé l'article 4 du code de procédure civile ; 2°/ que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que le juge ne peut dès lors attribuer à une partie une demande qu'elle ne lui a présentée, ni la débouter sur le fondement du rejet d'un moyen qu'elle n'a pas soutenu ; qu'en l'espèce, si, dans le dispositif de ses écritures, Mme [M] a bien visé « les dispositions du Règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale » et demandé l'annulation de l'acte de signification du 9 novembre 2018, ce n'est nullement en raison de l'application erronée des dispositions du Règlement (CE) n° 44/2001 du 22 décembre 2000 aux lieu et place du Règlement (UE) n° 1215/2021 du 12 décembre 2012, puisqu'elle a fait application du premier de ces deux Règlements pour saisir la cour d'appel de sa contestation du certificat du 20 décembre 2016 ; qu'en attribuant dès lors à Mme [M], pour justifier le débouté de sa demande de nullité de l'acte de signification, d'avoir soutenu, à l'appui de cette demande, l'inapplicabilité du Règlement (CE) n° 44/2001 du 22 décembre 2000, la cour a derechef violé l'article 4 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 4. C'est sans modifier l'objet du litige que la cour d'appel, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la seconde branche du moyen, a examiné successivement la demande subsidiaire d'annulation de l'acte de signification puis la demande principale tirée de la prescription de l'action en recouvrement, dès lors que ces demandes, indépendantes l'une de l'autre, ont été rejetées. 5. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le second moyen Enoncé du moyen 6.Mme [M] fait grief à l'arrêt de rejeter son recours à l'encontre du certificat délivré le 20 décembre 2016 par le greffier en chef du tribunal de grande instance de Versailles, alors « que les jugements rendus par les tribunaux étrangers et les actes reçus par les officiers étrangers sont exécutoires sur le territoire de la République de la manière et dans les cas prévus par la loi ; que l'accueil d'un jugement étranger dans l'ordre juridique français est soumis à trois conditions essentielles, hors le cas d'une convention internationale particulière : le contrôle de la compétence internationale indirecte du juge étranger, fondée sur le rattachement du litige au juge saisi, la conformité de ce jugement à l'ordre public international de fond et de procédure et l'absence de fraude à la loi ; qu'ainsi, seule une partie « intéressée » peut faire constater que la décision doit être reconnue, dans des conditions qui ne soient pas contraires à l'ordre public français ; qu'en l'espèce, Mme [M] avait notamment contesté tout droit de la société Bogdalex Import Export à agir pour demander et obtenir l'exequatur des trois jugements roumains litigieux, dès lors que si une qualité de créancier inscrit avait pu lui être reconnue à l'occasion de la procédure collective roumaine, les jugements en question avaient été rendus en faveur du mandataire liquidateur de la société SC Biamos Com SRL, seul ou avec le représentant des créanciers, dans les droits desquels elle ne pouvait nullement prétendre se substituer ; qu'en se bornant dès lors, pour rejeter le recours de Mme [M] à l'encontre du certificat d'exequatur délivré le 20 décembre 2016, à retenir que l'intérêt de la société Bogdalex Import-Export résultait de sa seule admission à la procédure collective de la société SC Biamos Com SRL, quand cette circonstance ne lui conférait aucun droit de faire exécuter les jugements litigieux, la cour a violé l'article 509 du code de procédure civile, ensemble les articles 33.2 et 34.1 du Règlement CE n° 44/2001. » Réponse de la Cour 7. Aux termes de l'article 38 du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, dit « Bruxelles I », les décisions rendues dans un Etat membre et qui y sont exécutoires sont mises à exécution dans un autre Etat membre après y avoir été déclarées exécutoires sur requête de toute partie intéressée. 8. L'exequatur d'un jugement étranger n'étant pas, en lui-même, un acte d'exécution, c'est à bon droit que la cour d'appel a jugé que la société Bogdalex, qui avait été admise en qualité de créancière à la procédure collective de la société SC Biamos com ouverte en Roumanie, était une partie intéressée à l'exequatur des jugements lui conférant cette qualité et condamnant Mme [M], ancienne administratrice de la société liquidée, à en supporter le passif. 9. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne Mme [M] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [M] et la condamne à payer à la société Bogdalex Import Export la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier mars deux mille vingt-trois. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Le Griel, avocat aux Conseils, pour Mme [M]. PREMIER MOYEN DE CASSATION Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Mme [M] de sa demande de nullité de l'acte de signification du 9 novembre 2018 du certificat délivré le 20 décembre 2016 par le greffier en chef du tribunal de grande instance de Versailles et des décisions juridictionnelles roumaines qui y étaient annexées, 1° alors que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que cette détermination porte, premièrement, sur l'ordre même des demandes présentées par les parties, en sorte que la cour d'appel, tenue d'examiner ces demandes dans l'ordre fixé par les parties, ne peut pas examiner une demande subsidiaire avant la demande principale ; qu'en l'espèce, Mme [M] avait clairement ordonné sa demande, dans le dispositif de ses conclusions, pour faire juger, « à titre principal », que l'action en recouvrement forcé dirigée contre elle par la société Bogdalex Import-Export était prescrite et, « à titre subsidiaire », que l'acte de signification du 9 novembre 2018 était entaché de nullité ; qu'en inversant de son propre chef l'ordre ainsi fixé, pour examiner et juger en premier lieu la demande subsidiaire, la cour a violé l'article 4 du code de procédure civile ; 2° alors que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que le juge ne peut dès lors attribuer à une partie une demande qu'elle ne lui a présentée, ni la débouter sur le fondement du rejet d'un moyen qu'elle n'a pas soutenu ; qu'en l'espèce, si, dans le dispositif de ses écritures, Mme [M] a bien visé « les dispositions du Règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale » (concl., p. 7, § 1) et demandé l'annulation de l'acte de signification du 9 novembre 2018, ce n'est nullement en raison de l'application erronée des dispositions du Règlement (CE) n° 44/2001 du 22 décembre 2000 aux lieu et place du Règlement (UE) n° 1215/2021 du 12 décembre 2012, puisqu'elle a fait application du premier de ces deux Règlements pour saisir la cour d'appel de sa contestation du certificat du 20 décembre 2016 ; qu'en attribuant dès lors à Mme [M], pour justifier le débouté de sa demande de nullité de l'acte de signification (arrêt, p. 5, § 6), d'avoir soutenu, à l'appui de cette demande, l'inapplicabilité du Règlement (CE) n° 44/2001 du 22 décembre 2000, la cour a derechef violé l'article 4 du code de procédure civile. SECOND MOYEN DE CASSATION Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté le recours de Mme [M] à l'encontre du certificat délivré le 20 décembre 2016 par le greffier en chef du tribunal de grande instance de Versailles, alors que les jugements rendus par les tribunaux étrangers et les actes reçus par les officiers étrangers sont exécutoires sur le territoire de la République de la manière et dans les cas prévus par la loi ; que l'accueil d'un jugement étranger dans l'ordre juridique français est soumis à trois conditions essentielles, hors le cas d'une convention internationale particulière : le contrôle de la compétence internationale indirecte du juge étranger, fondée sur le rattachement du litige au juge saisi, la conformité de ce jugement à l'ordre public international de fond et de procédure et l'absence de fraude à la loi ; qu'ainsi, seule une partie « intéressée » peut faire constater que la décision doit être reconnue, dans des conditions qui ne soient pas contraires à l'ordre public français ; qu'en l'espèce, Mme [M] avait notamment contesté tout droit de la société Bogdalex Import-Export à agir pour demander et obtenir l'exequatur des trois jugements roumains litigieux (concl., pp. 4-5), dès lors que si une qualité de créancier inscrit avait pu lui être reconnue à l'occasion de la procédure collective roumaine, les jugements en question avaient été rendus en faveur du mandataire liquidateur de la société SC Biamos Com SRL, seul ou avec le représentant des créanciers, dans les droits desquels elle ne pouvait nullement prétendre se substituer ; qu'en se bornant dès lors, pour rejeter le recours de Mme [M] à l'encontre du certificat d'exequatur délivré le 20 décembre 2016, à retenir que l'intérêt de la société Bogdalex Import-Export résultait de sa seule admission à la procédure collective de la société SC Biamos Com SRL, quand cette circonstance ne lui conférait aucun droit de faire exécuter les jugements litigieux, la cour a violé l'article 509 du code de procédure civile, ensemble les articles 33.2 et 34.1 du Règlement CE n° 44/2001.
Aux termes de l'article 38 du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, dit « Bruxelles I », les décisions rendues dans un Etat membre et qui y sont exécutoires sont mises à exécution dans un autre Etat membre après y avoir été déclarées exécutoires sur requête de toute partie intéressée. L'exequatur d'un jugement étranger n'est pas, en lui-même, un acte d'exécution. Dès lors, une cour d'appel, qui retient, à bon droit, que le créancier admis à la procédure collective d'une société, ouverte en Roumanie, est une partie intéressée à l'exequatur des jugements lui conférant cette qualité et condamnant l'ancienne administratrice de la société liquidée à en supporter le passif, en déduit exactement que doit être rejeté le recours formé par celle-ci, contre le certificat délivré par le greffier en chef d'un tribunal de grande instance constatant le caractère exécutoire des décisions du tribunal commercial roumain
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CIV. 1 MY1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 1er mars 2023 Rejet M. CHAUVIN, président Arrêt n° 137 F-B Pourvoi n° U 21-18.271 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 1ER MARS 2023 M. [T] [F], domicilié chez Mme [Z] [U], [Adresse 1], a formé le pourvoi n° U 21-18.271 contre l'arrêt rendu le 20 avril 2021 par la cour d'appel de Rennes (1re chambre civile), dans le litige l'opposant : 1°/ au procureur général près la cour d'appel de Rennes, domicilié en son parquet général, place du Parlement de Bretagne, 35000 Rennes, 2°/ au président du conseil régional des notaires du ressort de la cour d'appel de Rennes et président de la chambre de discipline des notaires de la CA de Rennes, domicilié [Adresse 2], défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Kloda, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [F], après débats en l'audience publique du 17 janvier 2023 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Kloda, conseiller référendaire rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 20 avril 2021), le 8 octobre 2020, M. [F], notaire associé de la Selarl office notarial du Goëlo et du Penthièvre (le notaire), a été mis en examen des chefs de faux en écritures publiques par personne chargée d'une mission de service public dans l'exercice de ses fonctions, abus de faiblesse, falsification de chèques et usage de chèques falsifiés, et placé sous contrôle judiciaire avec notamment l'interdiction de se livrer aux activités professionnelles de notaire, clerc de notaire et aux activités de transactions immobilières, conseils financiers et gestion patrimoniale. Cette interdiction a été levée par un arrêt du 27 novembre 2020 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes. 2. Le 12 décembre 2020, le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Saint-Brieuc a assigné en référé le notaire aux fins de suspension provisoire. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en sa première branche, ci-après annexé 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 4. Le notaire fait grief à l'arrêt de prononcer sa suspension provisoire, et de dire qu'il n'y a pas lieu de désigner un suppléant et que les effets de cette suspension ne seront pas limités à un mois, alors « que la juridiction disciplinaire, qui n'est saisie que des faits relevés dans l'assignation, ne peut fonder sa décision de condamnation sur des faits postérieurs à sa saisine ; qu'en se fondant exclusivement, pour prononcer la suspension provisoire du notaire, sur des faits qu'il aurait commis après la saisine du juge des référés pour dissimuler des détournements de fonds client, la cour d'appel a violé les articles 4, 10 et 13 du décret n° 73-1202 du 28 décembre 1973 et 12 de l'ordonnance du 28 juin 1945. » Réponse de la Cour 5. Il ressort de l'article 32 de l'ordonnance n° 45-1418 du 28 juin 1945 relative à la discipline des notaires et de certains officiers ministériels que la suspension provisoire n'est pas une sanction mais une mesure de sûreté conservatoire. 6. Il s'en déduit que les articles 4, 10 et 13 du décret n° 73-1202 du 28 décembre 1973 relatif au statut des officiers publics ou ministériels, dont il résulte que la juridiction disciplinaire, qui n'est saisie que des faits relevés dans l'assignation, ne peut fonder sa sanction sur un fait non visé par celle-ci, ne sont pas applicables à la suspension provisoire. 7. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le second moyen Enoncé du moyen Le notaire fait grief à l'arrêt de dire que les effets de la suspension provisoire ne seraient pas limités à un mois, alors : « 1°/ que les juges du fond ne peuvent aggraver le sort de l'appelant sur son appel d'une décision disciplinaire, en l'absence d'appel incident de l'autorité de poursuite ; que saisie du seul appel du notaire contre l'ordonnance ayant ordonné la suspension provisoire de ses fonctions de notaire pour une durée d'un mois devant cesser de plein droit à défaut d'aggravation de son contrôle judiciaire ou de l'engagement d'une procédure disciplinaire dans ce délai, la cour d'appel ne pouvait, faute d'appel incident de l'autorité de poursuite, infirmer cette ordonnance en ce qu'elle avait ainsi limité la durée de la suspension ; qu'en infirmant néanmoins ce chef de dispositif, la cour d'appel a violé l'article 562 du code de procédure civile ; 2°/ que l'autorité de poursuite peut interjeter appel incident dans un délai de huit jours à compter de l'appel principal du notaire contre une ordonnance de référé prononçant sa suspension provisoire ; qu'en l'espèce, à défaut d'appel incident, les réquisitions du parquet général tendant à l'infirmation de l'ordonnance de référé ayant limité à un mois la suspension du notaire étaient irrecevables ; qu'en faisant cependant droit à ces réquisitions, la cour d'appel a violé l'article 36 du décret n° 73-1202 du 28 décembre 1973 relatif à la discipline et au statut des officiers publics ou ministériels. » Réponse de la Cour 8. Selon l'article 35 de l'ordonnance n° 45-1418 du 28 juin 1945 relative à la discipline des notaires et de certains officiers ministériels, le tribunal judiciaire peut, à tout moment, à la requête soit du procureur de la République, soit de l'officier public ou ministériel, mettre fin à la suspension provisoire. Celle-ci cesse de plein droit dès que les actions pénale et disciplinaire sont éteintes et, dans le cas prévu au dernier alinéa de l'article 32 précité, si, à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de son prononcé, aucune poursuite pénale ou disciplinaire n'a été engagée. 9. Il ressort de ce texte que la suspension provisoire est d'une durée limitée à celle des actions pénale ou disciplinaire engagées. 10. La cour d'appel a retenu, à bon droit, que la suspension provisoire ne devait pas être limitée à une durée d'un mois dès lors que des poursuites pénales avaient été engagées, peu important que celles-ci l'aient été avant la délivrance de l'assignation. 11. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. [F] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier mars deux mille vingt-trois. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. [F]. PREMIER MOYEN DE CASSATION Monsieur [F] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé l'ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal judiciaire de Saint-Brieux le 4 février 2021 ayant prononcé sa suspension provisoire de l'exercice de ses fonctions de notaire et dit n'y avoir lieu à désigner un suppléant, et d'avoir dit que les effets de cette suspension ne seraient pas limités à un mois ; 1°) ALORS QUE le principe du contradictoire doit être respecté chaque fois qu'une mesure d'investigation a pour objet d'étayer des suspicions pesant sur une personne passible de sanctions disciplinaires ou pénales ; qu'en ordonnant la suspension provisoire de Me [F] sur la foi du rapport non contradictoire d'une inspection occasionnelle réalisée dans son étude de manière inopinée et en son absence, à un moment où il était mis en examen pour les faits à l'origine de cette inspection, laquelle ne s'est pas limitée à des investigations d'ordre administratif mais a au contraire porté sur l'examen approfondi de ses dossiers clients, la cour d'appel a violé l'article 6§1 de la Convention européenne des droits de l'homme et l'article 16 du code de procédure civile ; 2°) ALORS QUE la juridiction disciplinaire, qui n'est saisie que des faits relevés dans l'assignation, ne peut fonder sa décision de condamnation sur des faits postérieurs à sa saisine ; qu'en se fondant exclusivement, pour prononcer la suspension provisoire de M. [F], sur des faits qu'il aurait commis après la saisine du juge des référés pour dissimuler des détournements de fonds client, la cour d'appel a violé les articles 4, 10 et 13 du décret n°73-1202 du 28 décembre 1973 et 12 de l'ordonnance du 28 juin 1945. SECOND MOYEN DE CASSATION Monsieur [F] fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que les effets de la suspension provisoire de l'exercice des fonctions de notaire de M. [F] ne seraient pas limités à un mois ; 1°) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent aggraver le sort de l'appelant sur son appel d'une décision disciplinaire, en l'absence d'appel incident de l'autorité de poursuite ; que saisie du seul appel de M. [F] contre l'ordonnance ayant ordonné la suspension provisoire de ses fonctions de notaire pour une durée d'un mois devant cesser de plein droit à défaut d'aggravation de son contrôle judiciaire ou de l'engagement d'une procédure disciplinaire dans ce délai, la cour d'appel ne pouvait, faute d'appel incident de l'autorité de poursuite, infirmer cette ordonnance en ce qu'elle avait ainsi limité la durée de la suspension ; qu'en infirmant néanmoins ce chef de dispositif, la cour d'appel a violé l'article 562 du code de procédure civile ; 2°) ALORS de plus QUE l'autorité de poursuite peut interjeter appel incident dans un délai de huit jours à compter de l'appel principal du notaire contre une ordonnance de référé prononçant sa suspension provisoire ; qu'en l'espèce, à défaut d'appel incident, les réquisitions du parquet général tendant à l'infirmation de l'ordonnance de référé ayant limité à un mois la suspension de M. [F] étaient irrecevables ; qu'en faisant cependant droit à ces réquisitions, la cour d'appel a violé l'article 36 du décret n°73-1202 du 28 décembre 1973 relatif à la discipline et au statut des officiers publics ou ministériels.
Il ressort de l'article 32 de l'ordonnance n° 45-1418 du 28 juin 1945 relative à la discipline des notaires et de certains officiers ministériels que la suspension provisoire n'est pas une sanction, mais une mesure de sûreté conservatoire. Il s'en déduit que les articles 4, 10 et 13 du décret n° 73-1202 du 28 décembre 1973 relatif au statut des officiers publics ou ministériels, dont il résulte que la juridiction disciplinaire, qui n'est saisie que des faits relevés dans l'assignation, ne peut fonder sa sanction sur un fait non visé par celle-ci, ne sont pas applicables à la suspension provisoire
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CIV. 1 CF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 1er mars 2023 Rejet M. CHAUVIN, président Arrêt n° 141 F-B Pourvoi n° B 21-24.166 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 1ER MARS 2023 La société BNP Paribas, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° B 21-24.166 contre l'arrêt rendu le 14 septembre 2021 par la cour d'appel de Reims (chambre civile, 1re section), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [L] [D], domicilié [Adresse 2], 2°/ à Mme [P] [X], notaire associé, domiciliée [Adresse 3], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Kloda, conseiller référendaire, les observations de la SCP Marc Lévis, avocat de la société BNP Paribas, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [D] et de Mme [X], après débats en l'audience publique du 17 janvier 2023 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Kloda, conseiller référendaire rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Reims, 14 septembre 2021), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 4 juillet 2019, pourvoi n° 18-16.138), par acte reçu le 24 avril 1992 par M. [D] (le notaire), la société BNP Paribas (la banque) a consenti à M. et Mme [E] une ouverture de crédit, avec le cautionnement hypothécaire de la société Dabiflor et des groupements fonciers agricoles (GFA) de Sapincourt et de l'Île [Localité 4], le cautionnement de plusieurs personnes physiques et le nantissement des parts détenues par ces dernières ainsi que par M. et Mme [E] dans la société Dabiflor et des GFA. 2. Un arrêt irrévocable du 8 novembre 2010 a annulé le cautionnement hypothécaire du GFA de Sapincourt. 3. La banque a assigné le notaire en responsabilité et indemnisation du préjudice subi du fait de la perte de cette garantie. 4. Les dispositions irrévocables d'un arrêt du 27 février 2018 ont déclaré le notaire responsable de l'annulation de ce cautionnement hypothécaire. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses première, deuxième, troisième et cinquième branches 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, pris en sa quatrième branche Enoncé du moyen 6. La banque fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes indemnitaires à l'encontre du notaire, alors « que le propre de la responsabilité civile est de rétablir aussi exactement que possible l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable ne s'était point produit ; que le notaire qui a mis par sa faute un créancier dans une situation désavantageuse en lui faisant perdre le bénéfice d'une sûreté doit en supporter les conséquences préjudiciables, même si la victime, en sa qualité de créancier, dispose en théorie d'actions contre d'autres personnes pour compenser la perte de cette sûreté ; qu'en déboutant néanmoins la banque de ses prétentions indemnitaires au motif qu'elle n'avait pas suffisamment justifié de l'impossibilité irrémédiablement compromise d'obtenir, dans le cadre de la liquidation judiciaire de chacun des autres garants et cautions, le paiement de tout ou partie de sa créance, dans la limite des plafonds garantis par chacun, après avoir pourtant retenu que le notaire était responsable de l'annulation du cautionnement hypothécaire dont elle bénéficiait en garantie de sa créance, la cour d'appel a violé l'article 1382 devenu 1240 du code civil. » Réponse de la Cour 7. Ayant retenu que la banque disposait, pour le recouvrement de sa créance, contre la co-empruntrice et contre les cautions personnelles, de recours qu'elle n'avait pas mis en oeuvre et qui n'étaient pas la conséquence de la situation dommageable imputée à la faute du notaire, la cour d'appel en a exactement déduit que le préjudice allégué n'était pas actuel et certain. 8. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société BNP Paribas aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société BNP Paribas et la condamne à payer à M. [D] la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier mars deux mille vingt-trois. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Marc Lévis, avocat aux Conseils, pour la société BNP Paribas La société BNP Paribas fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté ses prétentions indemnitaires formées à l'encontre de M. [D] ; 1°) ALORS QUE la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce ; qu'en l'espèce, l'arrêt de la première chambre civile du 4 juillet 2019 a cassé l'arrêt du 27 février 2019 de la cour d'appel de Reims « mais seulement en ce qu'il condamne M. [D] à payer à la société BNP Paribas la somme de 3 532 090 euros en réparation du préjudice subi en raison de la perte de la garantie » laissant intacte la disposition de ce même arrêt qui a déclaré Me [D], notaire « responsable de l'annulation du cautionnement hypothécaire dont bénéficiait BNP Paribas en garantie de sa créance au titre du prêt consenti aÌ M. [U] [E] le 24 avril 1992 » ; qu'en déboutant néanmoins purement et simplement la société BNP Paribas de ses prétentions indemnitaires, quand la cour d'appel était tenue d'évaluer le préjudice de la société BNP Paribas définitivement admis en son principe par l'arrêt du 27 février 2018 qui avait déclaré le notaire « responsable », la cour d'appel a violé les articles 624 du code de procédure civile et 4 du code civil ; 2°) ALORS QUE celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation ; qu'en retenant, pour exclure tout préjudice de la banque, « qu'il ne peut pas être exclu qu'elle aurait continué à percevoir des sommes issues des répartitions et dividendes des procédures collectives », la cour d'appel a inversé la charge de la preuve de telles perceptions et, partant, a violé l'article 1315 devenu 1353 du code civil ; 3°) ALORS QUE en refusant d'évaluer, à tout le moins, le dommage résultant de la perte de chance de ne pas contracter le prêt, dont elle a constaté l'existence en son principe après avoir même fixé la chance perdue à hauteur de 50 %, la cour d'appel a violé l'article 4 du code civil ; 4°) ALORS QUE le propre de la responsabilité civile est de rétablir aussi exactement que possible l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable ne s'était point produit ; que le notaire qui a mis par sa faute un créancier dans une situation désavantageuse en lui faisant perdre le bénéfice d'une sûreté doit en supporter les conséquences préjudiciables, même si la victime, en sa qualité de créancier, dispose en théorie d'actions contre d'autres personnes pour compenser le perte de cette sûreté ; qu'en déboutant néanmoins la société BNP Paribas de ses prétentions indemnitaires au motif que « la banque n'a pas suffisamment justifié de l'impossibilité irrémédiablement compromise d'obtenir, dans la cadre de la liquidation judiciaire de chacun [des autres garants et cautions], le paiement de tout ou partie de sa créance, dans la limite des plafonds garantis par chacun », après avoir pourtant retenu que Me [D] était responsable de l'annulation du cautionnement hypothécaire dont elle bénéficiait en garantie de sa créance, la cour d'appel a violé l'article 1382 devenu 1240 du code civil ; 5°) ALORS QUE le juge qui doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction, ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement ; qu'en relevant d'office, pour débouter la société BNP Paribas de ses prétentions indemnitaires, le moyen tiré de l'absence de perte définitive démontrée de sa créance auprès des époux [E], débiteurs principaux, en dépit de la procédure de liquidation judiciaire dont a fait preuve M. [U] [E], perte qui n'était pourtant pas contestée par Me [D], sans le soumettre à la discussion préalable des parties, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile.
Ayant retenu qu'un établissement prêteur disposait, pour le recouvrement de sa créance, contre la co-empruntrice et contre les cautions personnelles, de recours qu'elle n'avait pas mis en oeuvre et qui n'étaient pas la conséquence de la situation dommageable imputée à la faute du notaire instrumentaire, la cour d'appel en déduit exactement que le préjudice allégué n'est pas actuel et certain
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CIV. 1 CF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 1er mars 2023 Cassation partielle M. CHAUVIN, président Arrêt n° 143 F-B Pourvoi n° F 21-20.260 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 1ER MARS 2023 1°/ M. [C] [R], 2°/ Mme [E] [S], épouse [R], domiciliés tous deux [Adresse 2], ont formé le pourvoi n° F 21-20.260 contre l'arrêt rendu le 27 mai 2021 par la cour d'appel de Chambéry (2e chambre), dans le litige les opposant à la société Crédit agricole Next Bank, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1] (Suisse), défenderesse à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Champ, conseiller référendaire, les observations de la SCP Jean-Philippe Caston, avocat de M. et Mme [R], de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la société Crédit agricole Next Bank, après débats en l'audience publique du 17 janvier 2023 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Champ, conseiller référendaire rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 27 mai 2021), en mars 2008 et juillet 2009, le Crédit agricole financement, banque suisse, aux droits duquel vient la société Crédit agricole Next Bank (la banque), a consenti à M. et Mme [R] (les emprunteurs), résidents français percevant des revenus en francs suisses, deux prêts immobiliers libellés et remboursables en francs suisses. 2. Le 10 juillet 2017, les emprunteurs ont assigné la banque en invoquant le caractère abusif de certaines clauses et un manquement au devoir de mise en garde. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 3. Les emprunteurs font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes tendant à voir déclarer abusives et réputées non écrites les clauses des contrats de prêt relatives au montant des prêts et aux modalités de paiement des échéances, alors : « 1°/ que, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; que le juge doit rechercher si la clause définissant l'objet principal du contrat est rédigée de façon claire et compréhensible et permet au non-professionnel ou consommateur d'évaluer, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques et financières qui en découlent pour lui ; qu'en se bornant, pour dire que les clauses litigieuses, à savoir celles relatives aux montants des prêts et aux modalités de remboursement des échéances, qui constituaient l'objet principal de ces contrats, étaient parfaitement claires, à considérer qu'elles concernaient des prêts consentis en francs suisses, remboursables dans la même devise par des emprunteurs qui, de surcroît, percevaient leurs revenus en francs suisses au temps de la conclusion des contrats, de sorte qu'il n'existait aucun risque de change au préjudice des emprunteurs, lesquels avaient fait le choix, en toute conscience, pour financer l'achat d'un bien immobilier situé en France, de recourir à un prêt en devises, remboursable en devises, sans vérifier si les contrats exposaient de manière transparente le fonctionnement concret du mécanisme auquel se référaient les clauses concernées, de sorte que les emprunteurs pouvaient prévoir, sur la base de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques qui en découlaient pour eux, et ce par référence à un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, la cour d'appel a violé l'article L. 212-1 du code de la consommation ; 2°/ que, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; que le juge doit rechercher si la clause définissant l'objet principal du contrat est rédigée de façon claire et compréhensible et permet au non-professionnel ou consommateur d'évaluer, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques et financières qui en découlent pour lui ; qu'au demeurant, en retenant de la sorte que les clauses litigieuses étaient parfaitement claires, dès lors qu'elles concernaient des prêts consentis en francs suisses, remboursables dans la même devise par des emprunteurs qui, de surcroît, percevaient leurs revenus en francs suisses au temps de la conclusion des contrats, de sorte qu'il n'existait aucun risque de change au préjudice des emprunteurs, lesquels avaient fait le choix, en toute conscience, pour financer l'achat d'un bien immobilier situé en France, de recourir à un prêt en devises, remboursable en devises, quand les intéressés auraient dû être informés de la possibilité de hausse ou de dépréciation de la devise étrangère dans laquelle le prêt avait été contracté et être en mesure d'évaluer les conséquences économiques, potentiellement significatives, de telles clauses sur leurs obligations financières, s'ils venaient à ne plus percevoir des revenus en francs suisses, ce qui avait été le cas à la suite de la perte de leur emploi en 2016, la cour d'appel a violé l'article L. 212-1 du code de la consommation. » Réponse de la Cour 4. Après avoir relevé que les clauses « montant du prêt » et « modalités de paiement des échéances » relatives à l'objet des contrats étaient parfaitement claires concernant des prêts consentis en francs suisses, remboursables dans la même devise, que les emprunteurs percevaient leurs revenus en francs suisses au temps de la conclusion des contrats et qu'il n'existait aucun risque de change, la cour d'appel en a exactement déduit, sans être tenue de procéder à la recherche prétendument omise, que les clauses ne présentaient pas un caractère abusif. 5. Le moyen n'est donc pas fondé. Mais sur le second moyen Enoncé du moyen 6. Les emprunteurs reprochent à l'arrêt de déclarer irrecevables comme prescrites leurs demandes fondées sur le manquement de la banque à son devoir de mise en garde, alors « que l'action en responsabilité contre la banque pour manquement à son devoir de mise en garde se prescrit à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime ; que le dommage résultant d'un manquement à l'obligation de mise en garde, consistant en la perte d'une chance de ne pas contracter, se manifeste dès la souscription du prêt, sauf à ce que l'emprunteur ait pu légitimement ignorer le dommage lors de cette souscription ; qu'en considérant, pour déclarer prescrite les demandes des emprunteurs fondées sur le manquement de la société Crédit agricole financement, devenue la société Crédit agricole Next Bank, à son devoir de mise en garde, qu'il ne pouvait être retenu que la banque était débitrice d'un nouveau devoir de mise en garde au titre de la suppression, par la Banque centrale suisse, du taux plancher intervenue le 15 janvier 2015, soit plus de sept et huit ans après la conclusion des prêts litigieux, ni que la banque aurait dû anticiper cette suppression lors de la souscription du contrat de crédit, et que, de la même manière, le fait pour l'emprunteur de perdre son emploi en Suisse n'était pas de nature à générer un nouveau devoir de mise en garde à la charge du prêteur, quand il appartenait à l'organisme prêteur de mettre en garde les emprunteurs sur d'éventuels changements de politique de la Banque centrale suisse sur le taux plancher, ainsi que sur les conséquences de l'éventualité, également, d'un changement dans leur situation en cas d'absence de revenus en francs suisses, de sorte que ces événements étaient de nature à retarder le point de départ de la prescription, la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil. » Réponse de la Cour Vu l'article 2224 du code civil : 7. Il résulte de ce texte que l'action en responsabilité de l'emprunteur non averti à l'encontre du prêteur au titre d'un manquement à son devoir de mise en garde se prescrit par cinq ans à compter du jour du premier incident de paiement, permettant à l'emprunteur d'appréhender l'existence et les conséquences éventuelles d'un tel manquement. 8. Pour déclarer prescrite la demande de dommages-intérêts, l'arrêt retient que les contrats de prêt litigieux ont été souscrits les 13 mars 2008 et 15 juillet 2009 et que les emprunteurs ont recherché la responsabilité de la banque par assignation du 10 juillet 2017, soit plus de cinq années plus tard. 9. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable comme prescrite l'action en responsabilité formée par M. et Mme [R] à l'encontre de la société Crédit agricole Next Bank pour manquement au devoir de mise en garde , l'arrêt rendu le 27 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ; Condamne la société Crédit agricole Next Bank aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Crédit agricole Next Bank et la condamne à payer à M. et Mme [R] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier mars deux mille vingt-trois. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Jean-Philippe Caston, avocat aux Conseils, pour M. et Mme [R] PREMIER MOYEN DE CASSATION Les époux [R] font grief à l'arrêt attaqué de les AVOIR déboutés de leurs demandes tendant à voir déclarer les clauses de leurs contrats de prêt, relatives au montant des prêts et aux modalités de paiement des échéances, comme abusives et à les voir réputer non écrites ; 1°) ALORS QUE dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; que le juge doit rechercher si la clause définissant l'objet principal du contrat est rédigée de façon claire et compréhensible et permet au non-professionnel ou consommateur d'évaluer, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques et financières qui en découlent pour lui ; qu'en se bornant, pour dire que les clauses litigieuses, à savoir celles relatives aux montants des prêts et aux modalités de remboursement des échéances, qui constituaient l'objet principal de ces contrats, étaient parfaitement claires, à considérer qu'elles concernaient des prêts consentis en francs suisses, remboursables dans la même devise par des emprunteurs qui, de surcroît, percevaient leurs revenus en francs suisses au temps de la conclusion des contrats, de sorte qu'il n'existait aucun risque de change au préjudice des emprunteurs, lesquels avaient fait le choix, en toute conscience, pour financer l'achat d'un bien immobilier situé en France, de recourir à un prêt en devises, remboursable en devises, sans vérifier si les contrats exposaient de manière transparente le fonctionnement concret du mécanisme auquel se référaient les clauses concernées, de sorte que les emprunteurs pouvaient prévoir, sur la base de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques qui en découlaient pour eux, et ce par référence à un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, la cour d'appel a violé l'article L. 212-1 du code de la consommation ; 2°) ALORS QUE dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; que le juge doit rechercher si la clause définissant l'objet principal du contrat est rédigée de façon claire et compréhensible et permet au non-professionnel ou consommateur d'évaluer, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques et financières qui en découlent pour lui ; qu'au demeurant, en retenant de la sorte que les clauses litigieuses étaient parfaitement claires, dès lors qu'elles concernaient des prêts consentis en francs suisses, remboursables dans la même devise par des emprunteurs qui, de surcroît, percevaient leurs revenus en francs suisses au temps de la conclusion des contrats, de sorte qu'il n'existait aucun risque de change au préjudice des emprunteurs, lesquels avaient fait le choix, en toute conscience, pour financer l'achat d'un bien immobilier situé en France, de recourir à un prêt en devises, remboursable en devises, quand les intéressés auraient dû être informés de la possibilité de hausse ou de dépréciation de la devise étrangère dans laquelle le prêt avait été contracté et être en mesure d'évaluer les conséquences économiques, potentiellement significatives, de telles clauses sur leurs obligations financières, s'ils venaient à ne plus percevoir des revenus en francs suisses, ce qui avait été le cas à la suite de la perte de leur emploi en 2016, la cour d'appel a violé l'article L. 212-1 du code de la consommation. SECOND MOYEN DE CASSATION Les époux [R] font grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré irrecevables comme prescrites leurs demandes fondées sur le manquement de la société Crédit Agricole Financement, devenue la société Crédit Agricole Next Bank, à son devoir de mise en garde ; ALORS QUE l'action en responsabilité contre la banque pour manquement à son devoir de mise en garde se prescrit à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime ; que le dommage résultant d'un manquement à l'obligation de mise en garde, consistant en la perte d'une chance de ne pas contracter, se manifeste dès la souscription du prêt, sauf à ce que l'emprunteur ait pu légitimement ignorer le dommage lors de cette souscription ; qu'en considérant, pour déclarer prescrite les demandes des époux [R] fondées sur le manquement de la société Crédit Agricole Financement, devenue la société Crédit Agricole Next Bank, à son devoir de mise en garde, qu'il ne pouvait être retenu que la banque était débitrice d'un nouveau devoir de mise en garde au titre de la suppression, par la Banque Centrale Suisse, du taux plancher intervenue le 15 janvier 2015, soit plus de sept et huit ans après la conclusion des prêts litigieux, ni que la banque aurait dû anticiper cette suppression lors de la souscription du contrat de crédit, et que, de la même manière, le fait pour l'emprunteur de perdre son emploi en Suisse n'était pas de nature à générer un nouveau devoir de mise en garde à la charge du prêteur, quand il appartenait à l'organisme prêteur de mettre en garde les emprunteurs sur d'éventuels changements de politique de la Banque Centrale Suisse sur le taux plancher, ainsi que sur les conséquences de l'éventualité, également, d'un changement dans leur situation en cas d'absence de revenus en francs suisses, de sorte que ces événements étaient de nature à retarder le point de départ de la prescription, la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil.
Ayant relevé que les clauses relatives à l'objet des contrats étaient parfaitement claires, s'agissant de prêts consentis en francs suisses et remboursables dans la même devise, que les emprunteurs percevaient leurs revenus en francs suisses au temps de la conclusion des contrats et qu'il n'existait aucun risque de change, une cour d'appel en déduit exactement que les clauses ne présentaient pas un caractère abusif
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CIV. 1 MY1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 1er mars 2023 Cassation partielle M. CHAUVIN, président Arrêt n° 149 F-B Pourvoi n° W 21-22.091 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 1ER MARS 2023 M. [L] [C], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° W 21-22.091 contre l'arrêt rendu le 5 juillet 2021 par la cour d'appel d'Agen (chambre civile), dans le litige l'opposant à M. [T] [Z], domicilié [Adresse 1], exerçant sous l'enseigne [T] [Z] Agencement défendeur à la cassation. M. [Z] a formé un pourvoi incident contre le même arrêt. Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [C], de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [Z], après débats en l'audience publique du 17 janvier 2023 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Agen, 5 juillet 2021), le 17 novembre 2017, M. et Mme [C] ont confié à M. [Z] la conception et la réalisation de travaux intérieurs de rénovation de certaines pièces d'une maison. Le 5 avril 2018, M. [Z] a établi un bon de commande, puis, en mai, a fait livrer les équipements et matériaux commandés. 2. Le 15 mai 2018, M. et Mme [C] ont émis un chèque de 92 329,27 euros au bénéfice de M. [Z] en paiement du solde du prix du marché. 3. A la suite du défaut de paiement de ce chèque en raison d'une absence de provision suffisante et de la signification à M. et Mme [C] d'un certificat de non-paiement, un huissier de justice a délivré à M. [Z] un titre exécutoire. 4. Le 24 septembre 2019, M. [C] a assigné M. [Z] en annulation du contrat, restitution des sommes versées et indemnisation. M. [Z] a demandé la condamnation de M. [C] à lui payer le solde du prix du marché. Examen des moyens Sur les moyens du pourvoi principal, ci-après annexés 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le moyen du pourvoi incident Enoncé du moyen 6. M. [Z] fait grief à l'arrêt de dire n'y avoir lieu à statuer sur la demande en paiement du solde du prix de la commande du 5 avril 2018, alors « que le titre exécutoire que l'huissier de justice est autorisé à établir en application de l'article L. 131-73 du code monétaire et financier, en l'absence de justification du paiement du montant d'un chèque et des frais dans un délai de quinze jours à compter de la réception de la notification d'un certificat de non-paiement au tireur du chèque, ne constitue pas une décision de justice et ne revêt donc pas les attributs d'un jugement ; qu'aucune disposition légale ne fait obstacle à ce qu'un créancier dispose de deux titres exécutoires pour la même créance de sorte que la titularité d'un titre exécutoire établi en application de l'article L. 131-73 du code monétaire et financier n'est pas en soi de nature à priver d'objet la demande d'un créancier de condamnation de son débiteur à lui payer sa créance ; qu'en jugeant n'y avoir lieu de statuer sur la demande de M. [Z] tendant à la condamnation de M. [C] à lui payer la somme de 92 329,27 € au titre du solde du marché, au seul motif inopérant qu'il dispose déjà d'un titre exécutoire pour ce montant établi par huissier le 30 août 2008 conformément à l'article L. 131-72 du Code monétaire et financier, la cour d'appel a violé l'article 4 du code civil. » Réponse de la Cour Vu l'article 4 du code de procédure civile : 7. Il résulte de ce texte qu'il incombe au juge de trancher la contestation dont il est saisi. 8. Pour dire n'y avoir lieu à statuer sur la demande en paiement du solde du prix de la commande du 5 avril 2018, l'arrêt retient que M. [Z] ne peut demander à la cour de condamner M. [C] à lui payer la somme de 92 329,27 euros au titre du solde du marché alors qu'il dispose déjà d'un titre exécutoire pour ce montant établi par huissier de justice le 30 août 2008. 9. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, la Cour : Rejette le pourvoi principal ; CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande en paiement du solde du prix de la commande du 5 avril 2018 présentée par [T] [Z], l'arrêt rendu le 5 juillet 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Agen ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ; Condamne M. [C] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [C] et le condamne à payer à M. [Z] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier mars deux mille vingt-trois. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat aux Conseils, pour M. [C], demandeur au pourvoi principal. PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR rejeté la demande d'annulation du contrat de mission signé le 17 novembre 2017 présentée par M. [C] et d'AVOIR, en conséquence, rejeté les demandes de restitution présentées par M. [C], ainsi que sa demande de dommages-intérêts et sa demande de mainlevée de la saisie des rémunérations autorisées par jugement rendu le 2 août 2019 par le tribunal d'instance de Tarbes et d'AVOIR condamné M. [C] à payer à M. [Z] la somme de 8.000 € à titre de dommages-intérêts ; AUX MOTIFS QUE, sur la régularité du contrat du 17 novembre 2017, en premier lieu, s'agissant des dispositions du code de la consommation, M. [C] invoque les textes suivants : Article L. 111-1 : Avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes : 1° Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné ; 2° Le prix du bien ou du service, en application des articles L. 112-1 à L. 112-4 ; 3° En l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service ; 4° Les informations relatives à son identité, à ses coordonnées postales, téléphoniques et électroniques et à ses activités, pour autant qu'elles ne ressortent pas du contexte ; 5° S'il y a lieu, les informations relatives aux garanties légales, aux fonctionnalités du contenu numérique et, le cas échéant, à son interopérabilité, à l'existence et aux modalités de mise en oeuvre des garanties et aux autres conditions contractuelles ; 6° La possibilité de recourir à un médiateur de la consommation dans les conditions prévues au titre Ier du livre VI ; que les époux [C] se sont rendus eux-mêmes sur le stand de M. [Z] à la foire exposition de [Localité 3] ôu ils ont pu prendre connaissance en détail de l'activité de celui-ci et ont pu décider de lui confier un projet de rénovation de leur cuisine, wc et salle de bain ; qu'ils lui ont passé commande d'une « mission de maîtrise d'oeuvre d'un projet de conception originale » en vertu de laquelle M. [Z] s'est engagé à définir le programme, l'enveloppe financière et le délai souhaité, sur plans et éléments communiqués, et établir un avant-projet sommaire à valider par les clients ; que ce contrat a précisément détaillé, pour chaque pièce (cuisine, salle d'eau, WC commun, salle de bains), les prestations voulues par les clients et a fixé une « base estimée de la mission : 100. 000 Euros TTC » ; qu'il indique par conséquent avec précision les caractéristiques essentielles de la prestation de services commandée ; qu'il mentionne un logo commercial (MHD [T] Home Design, cuisine, salle de bains, dressing) dont il importe peu qu'il ne constitue pas l'enseigne telle qu'elle figure au registre du commerce et des sociétés, ainsi que le n° d'inscription de M. [Z] au registre du commerce et des sociétés, et son n° siret ; qu'il ne peut être tiré aucune conclusion particulière du fait que l'adresse et le numéro de téléphone de M. [Z] sont écrits en petits caractères dès lors que le contrat produit par M. [C] n'est qu'une photocopie en noir et blanc qui se prête peu à une reproduction détaillée du contrat qu'il a signé et à sa lecture' ; qu'en tout état de cause, par hypothèse, le stand de M, [Z] mentionnait toutes ses coordonnées ; que s'agissant du délai de réalisation de la prestation, il ne pouvait être indiqué à cette date du fait que l'exécution de la prestation imposait la communication, par les époux [C], de tout un ensemble de dimensions, ce qu'ils ont fait dans un second temps, comme en attestent les échanges d'e-mails ensuite intervenus ; qu'il est toutefois exacte que ce contrat ne mentionne pas la possibilité de recourir à un médiateur, mais ce manquement, dont M. [C] ne tire aucune conséquence, n'est pas sanctionné par la nullité du contrat ; Article L. 113-3 : Le fabricant, le producteur ou le distributeur d'un bien commercialisé en France transmet au consommateur qui en fait la demande et qui a connaissance d'éléments sérieux mettant en doute le fait que ce bien a été fabriqué dans des conditions respectueuses des conventions internationales relatives aux droits humains fondamentaux, toute information dont il dispose portant sur un des éléments ci-après : origine géographique des matériaux et composants utilisés dans la fabrication, contrôles de-qualité et audits, organisation de la chaîne de production et identité, implantation géographique et qualités du fabricant, de ses sous-traitants et fournisseurs. Lorsque le fabricant, le producteur ou le distributeur ne possède pas l'information demandée, il est tenu d'en informer le consommateur à l'origine de la demande ; que M. [C] ne prétend pas avoir présenté à M. [Z] une demande portant sur ces éléments ; Article L. 113-3-1 : « I Lorsque le prix ne peut être raisonnablement calculé à l'avance du fait de la nature du bien ou du service, le professionnel fournit le mode de calcul du prix et, s'il y a lieu, tous les frais supplémentaires de transport, de livraison ou d'affranchissement et tous les autres frais éventuels. Lorsque les frais supplémentaires ne peuvent raisonnablement être calculés à l'avance, le professionnel mentionne qu'ils peuvent être exigibles. II Dans le cas d'un contrat à durée indéterminée ou d'un contrat assorti d'un abonnement, le prix total inclut le total des frais exposés pour chaque période de facturation. Lorsque de tels contrats sont facturés â un tarif fixe, le prix total inclut également le total des coûts mensuels. Lorsque le coût total ne peut être raisonnablement calculé à l'avance, le mode de calcul du prix est communiqué " ; qu'il est difficile de saisir en quoi l'affaire en litige peut relever de ce texte dans la mesure où la prestation commandée fait référence précise à une enveloppe budgétaire de 100 000 Euros, d'ailleurs susceptible de modification, indiquée par les époux [C] ; que pour un tel contrat, il ne pouvait en être autrement ; Article L. 211-1 : Les clauses des contrats proposés par les professionnels aux consommateurs doivent être présentées et rédigées de façon claire et compréhensible. Elles 's'interprètent en- cas de doute dans le sens le plus favorable au consommateur. Les dispositions du présent alinéa ne sont toutefois pas applicables aux procédures engagées sur le fondement de l'article L. 621-8. Un décret en Conseil d'État précise, en vue d'assurer l'information du consommateur, les modalités de présentation des contrats mentionnés au premier alinéa ; que comme indiqué plus haut, le contrat signé est clair et complet et conforme aux dispositions invoquées du code de la consommation ; Article L. 211-5 et suivants : L'article L. 211-5 a été abrogé par l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 ; Article R. 221-2 : En application du 6° de l'article L. 221-5, le professionnel communique au consommateur les informations suivantes : 1° l'adresse géographique où le professionnel est établi ainsi que son numéro de téléphone, son numéro de télécopieur et son adresse électronique ainsi que, le cas échéant, l'adresse géographique et l'identité du professionnel pour le compte duquel il agit ; 2° Si elle diffère de l'adresse fournie conformément au 1°, l'adresse géographique du siège commercial du professionnel et, le cas échéant, celle du professionnel pour le compte duquel il agit à laquelle le consommateur peut adresser une éventuelle réclamation ; 3° Le coût de l'utilisation de la technique de communication à distance pour la conclusion du contrat, lorsque ce coût est calculé sur une base autre que le tarif de base ; 4° L'existence de codes de conduite applicables et, le cas échéant, les modalités pour en obtenir une copie ; 5° Le cas échéant, la durée minimale des obligations contractuelles du consommateur ; 6° Le cas échéant, l'existence d'une caution ou d'autres garanties financières à payer ou à fournir par le consommateur à la demande du professionnel ainsi que les conditions y afférentes ; que parmi ces dispositions, la seule applicable au contrat en litige qui fait défaut est celle relative à l'adresse électronique de M, [Z], mais elle a nécessairement été communiquée sur un support autre en même temps que la signature du contrat comme en attestent les échanges ultérieurs entre les parties ; qu'en tout état de cause, ce manquement n'est pas sanctionné par la nullité du contrat ; qu'en deuxième lieu, le tribunal a estimé que tous les termes employés dans le contrat signé le 17 novembre 2017 laissaient supposer aux époux [C] qu'ils contractaient avec un architecte ; mais qu'il ne peut être sérieusement discuté que le stand de M. [Z] permettait de constater qu'il exerçait une activité de conception et pose de cuisines et salles de bain et non la profession d'architecte ; qu'à aucun moment, les époux [C] n'ont eu l'intention de modifier la conception de leur maison par des travaux de gros-oeuvre, nécessitant l'intervention d'un architecte, et ils se sont limités à un projet d'aménagement de la cuisine, de la salle de bain et des WC ; qu'ensuite, la loi n" 77-2 du 3 janvier 1977 relative à la profession d'architecte ne réglemente pas l'appellation "architecte d'intérieur" dont l'usage est libre ; qu'il en résulte, d'une part, que M. [Z] pouvait faire mention dans le contrat de l'appellation d'architecte d'intérieur et, d'autre part, que cette mention n'a aucunement induit en erreur les époux [C] sur les prestations commandées et leurs qualités ; qu'en troisième lieu, les documents produits aux débats attestent que M. [Z] a exécuté la mission de conception qui lui a été confiée après transmission par e-mail du 15 février 2018 émanant de M. [C], de différentes mesures des lieux ; que M. [Z] a transmis aux époux [C] des plans détaillés de sa proposition, avec de nombreuses photographies établies avec l'aide d'un logiciel de simulation ; que les époux [Z], satisfaits de ces propositions, ont alors signé, le 5 avril 2018, un bon de commande clair, précis et détaillé de I'ensemble des prestations proposées, pour chaque pièce, pour un prix total de 100 000 Euros TTC après remise commerciale ; qu'il n'est pas discuté que ce contrat, qui vient en suite de celui du 17 novembre 2017, est conforme au code de la consommation, M. [C] ne mettant en cause que le contrat initial ; qu'il correspond à des prestations précises acceptées par les époux [C] après avoir étudié les propositions de M, [Z] ; qu'il y est régulièrement mentionné que pour ce type d'achat, les époux [C] ne disposent pas d'un droit de rétractation ; que surtout, les obligations contestées par M. [C] trouvent en réalité leur cause dans ce bon de commande et non dans le contrat de conception du 17 novembre 2017, lequel a été entièrement et correctement exécuté, de sorte que les manquements invoqués du contrat de conception sont sans aucune portée ; qu'en quatrième lieu, s'agissant du dol invoqué par l'intimé, loin d'avoir été trompé, les éléments analysés ci-dessus attestent que, préalablement au bon de commande du 5 avril 2018, les époux [C] ont été parfaitement informés des prestations proposées ; qu'en cinquième lieu, M. [C] ne peut utilement invoquer la réglementation sur le crédit telle que prévu aux articles L. 312-45 du code de la consommation ; qu'en effet, d'une part, le contrat du 17 novembre 2017 ne mentionne pas l'intention des époux [C] de recourir à un crédit pour financer la prestation et, d'autre part, dans le bon de commande du 5 avril 2018 figure la mention « Je ne demande aucun financement pour réaliser cet achat » ; qu'il n'appartenait pas à M. [Z] de s'immiscer dans la situation financière de ses clients qui étaient seul à même de déterminer s'ils avaient ou non besoin d'avoir recours à un emprunt pour financer leur commande ; que finalement, il n'y a pas lieu de prononcer l'annulation des contrats ; que le jugement sera infirmé et la demande rejetée, ainsi que les demandes de restitution étant précisé que le chèque de 92.329,27 Euros ne pouvait, en tout état de cause, faire l'objet d'une restitution à M, [C] compte tenu qu'il s'agissait d'un ordre de paiement à vue, qui n'était plus détenu par M. [Z], et qui avait fait I'objet d'un certificat de non-paiement et d'un titre exécutoire définitif ; 1) ALORS QUE lorsqu'il est conclu hors établissement, le contrat conclu entre un professionnel et un consommateur doit comprendre, à peine de nullité, l'information selon laquelle le consommateur dispose de la possibilité de recourir à un médiateur de la consommation ; que dans ses conclusions d'appel, M. [C] faisait valoir que le contrat de mission conclu le 17 novembre 2017 avec M. [Z] avait été conclu hors établissement (concl., p. 2 § 3 et p. 20 § 2) ; que, de son côté, la cour d'appel a constaté que les époux [C], présents sur le stand de M. [Z] à la foire d'exposition de [Localité 3], avaient alors décidé de lui confier leur projet de rénovation et que le contrat de mission conclu entre les parties le 17 novembre 2017 ne mentionnait pas la possibilité de recourir à un médiateur de la consommation (arrêt, p. 6 § 2 et in fine) ; qu'en retenant que ce manquement n'était pas sanctionné par la nullité du contrat de mission litigieux, la cour d'appel a violé les articles L. 111-1, L. 221-5, L. 221-9 et L. 242-1 du code de la consommation ; ALORS QUE les juges sont tenus de motiver leur décision ; que, dans ses conclusions d'appel, M. [C] expliquait que les manoeuvres, mensonges et silences de M. [Z] avaient induit en erreur les époux [C] sur la véritable qualité de leur cocontractant, lequel leur avait laissé croire qu'il exerçait la profession d'architecte d'intérieur alors qu'il n'avait aucune qualification en la matière et était un simple vendeur de meubles de cuisine et de salle de bain (concl., p. 20 avant-dernier et dernier §§, p. 26 § 3, p. 30 § 7 et p. 33 § 6) ; qu'en se bornant à affirmer, pour rejeter la demande d'annulation du contrat formée par M. [C], qu'« il ne p[ouvait] être sérieusement discuté que le stand de M. [Z] permettait de constater qu'il exerçait une activité de conception et pose de cuisines et salles de bain et non la profession d'architecte » (arrêt, p. 8 § 5), sans expliquer sur quels éléments elle se fondait pour parvenir à cette conclusion, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 2) ALORS QU'est nul, pour vice du consentement, le contrat qui est conclu à la faveur d'une erreur sur les qualités essentielles de la personne du cocontractant, sans laquelle la victime de l'erreur n'aurait pas contracté ; que, dans ses conclusions d'appel, M. [C] expliquait qu'il avait été induit en erreur sur la personne de M. [Z] qui, rencontré sur un stand à la foire d'exposition de [Localité 3], s'était présenté comme étant architecte d'intérieur alors qu'il n'était en réalité qu'un simple vendeur de meubles de cuisine et de salle de bain, ce qui, s'il en avait été avisé, l'aurait dissuadé de contracter (concl., p. 20 avant-dernier et dernier §§ et p. 26) ; qu'en retenant que le consentement des époux [C] n'avait pu être vicié, aux motifs en réalité inopérants que « les époux [C] n'avaient eu l'intention de modifier la conception de leur maison par des travaux de gros-oeuvre, nécessitant l'intervention d'un architecte » et qu'« ils s'étaient limités à un projet d'aménagement de la cuisine, de la salle de bain et des WC » (arrêt, p. 8 § 6), la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1130, 1131, 1132 et 1134 du code civil, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ; 3) ALORS QU'est nul, pour vice du consentement, le contrat qui est conclu à la faveur d'une erreur sur les qualités essentielles de la personne du cocontractant, sans laquelle la victime de l'erreur n'aurait pas contracté ; que, dans ses conclusions d'appel, M. [C] expliquait qu'il avait été induit en erreur sur la personne de M. [Z] qui, rencontré sur un stand à la foire d'exposition de [Localité 3], s'était présenté comme étant architecte d'intérieur alors qu'il n'était en réalité qu'un simple vendeur de meubles de cuisine et de salle de bain, ce qui, s'il en avait été avisé, l'aurait dissuadé de contracter (concl., p. 20 avant-dernier et dernier §§ et p. 26) ; qu'en retenant que le consentement des époux [C] n'avait pu être vicié, aux motifs en réalité inopérants que l'appellation « architecte d'intérieur » n'était pas réglementée de sorte que M. [Z] pouvait librement en faire usage dans le contrat de mission du 17 novembre 2017 (arrêt, p. 8 § 7-8), la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1130, 1131, 1132 et 1134 du code civil, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ; 4) ALORS QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en l'espèce, chacune des parties versait aux débats le bon de commande adressé par M. [Z] à M. [C], par courriel du 5 avril 2018, dont il ressortait qu'il n'avait jamais été signé par les époux [C] puisqu'y figurait uniquement la signature de M. [Z] (prod.) ; qu'en retenant que « les époux [C], satisfaits des [simulations proposées par M. [Z]], [avaient] alors signé, le 5 avril 2018, un bon de commande clair, précis et détaillé de l'ensemble des prestations proposées, pour chaque pièce, pour un prix total de 100.000 € TTC après remise commerciale » (arrêt, p. 8 avant-dernier §), la cour d'appel, qui a dénaturé le bon de commande du 5 avril 2018, a violé l'article 1103 du code civil, ensemble le principe susvisé ; 5) ALORS, en toute hypothèse, QUE les juges sont tenus de motiver leur décision ; que, dans ses conclusions d'appel, M. [C] faisait valoir, preuve à l'appui, que son épouse et lui-même n'avaient jamais signé le bon de commande que leur avait adressé M. [Z], par courrier du le 5 avril 2018 (concl., p. 21 § 5-6 ; prod.) ; qu'en se bornant à affirmer que, le 5 avril 2018, les époux [C] avaient signé un bon de commande clair, précis et détaillé de l'ensemble des prestations proposées et que les époux [C] avaient acceptées après avoir étudié les propositions de M. [Z] (arrêt, p. 8 avant-dernier § et p. 9 § 1), sans expliquer sur quels éléments elle se fondait pour parvenir à cette conclusion, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 6) ALORS QU'il appartient au professionnel de s'informer auprès du consommateur, au moment de la conclusion du contrat, sur l'intention de ce dernier de contracter un crédit pour financer l'opération objet du contrat et, le cas échéant, de faire figurer cette information dans le contrat ; que, dans ses conclusions d'appel, M. [C] soutenait que M. [Z], en sa qualité de professionnel et compte tenu du montant de la prestation proposée, ne pouvait faire l'économie de l'examen des facultés contributives de ses clients et de s'informer de l'éventualité d'une demande de prêt que les époux [C] avaient effectivement formée (concl., p. 23 § 7 et p. 24 § 1) ; qu'en retenant qu'« il n'appartenait pas à M. [Z] de s'immiscer dans la situation financière de ses clients qui étaient seuls à même de déterminer s'ils avaient ou non besoin d'avoir recours à un emprunt pour financer leur commande » (arrêt, p. 9 § 7), sans rechercher, ainsi qu'elle y était pourtant invitée, si M. [Z] s'était informé auprès des époux [C] de leur intention de contracter un emprunt pour financer leur projet de rénovation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 312-45 du code de la consommation ; 7) ALORS, en toute hypothèse, QUE le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; que, dans ses conclusions d'appel, M. [C] faisait valoir, preuve à l'appui, que M. [Z] avait eu connaissance du fait que les époux [C] avaient sollicité un crédit pour financer leur projet de rénovation puisque, par courriel du 3 mai 2018, il avait lui-même informé M. [C] de ce que Mme [C] avait décidé de se désolidariser du projet et de la demande de crédit y afférente (concl., p. 23 § 5-6 ; prod.) ; qu'en omettant de répondre au moyen des conclusions de M. [C], pourtant déterminant pour apprécier si la réglementation sur le crédit avait ou non vocation à s'appliquer en l'espèce, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire) Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR rejeté les demandes de restitution présentées par M. [C], ainsi que sa demande de dommages-intérêts et sa demande de mainlevée de la saisie des rémunérations autorisées par jugement rendu le 2 août 2019 par le tribunal d'instance de Tarbes et d'AVOIR, en conséquence, condamné M. [C] à payer à M. [Z] la somme de 8.000 € à titre de dommages-intérêts ; AUX MOTIFS QUE, sur les travaux effectués, (…) en deuxième lieu, M. [C] impute des malfaçons à M. [Z] ; qu'il se base sur une expertise non judiciaire qu'il a confiée à [D] [H], expert en bâtiment, en novembre 2018, qui relève des défauts du revêtement de la cuisine et un début de pose non conforme aux préconisations du fabriquant, des éléments endommagés, des mauvaises fixations et des travaux non terminés ; que toutefois, il convient de rappeler que hors les cas où la loi en dispose autrement, le juge ne peut se fonder exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l'une des parties qui, pour être prise en compte, doit être corroborée par d'autres éléments de preuve ; qu'or, ces constatations ne sont pas corroborées par d'autres éléments produits, et sont même contredites par certains ; qu'ainsi, lorsque les éléments à installer ont été livrés sur place, il est constant qu'ils n'ont fait l'objet d'aucune réserve et que le transporteur les a correctement déposés à l'endroit indiqué par M. [C] qui était responsable de leur entreposage ; que le chantier avait à peine commencé lorsqu'il a été arrêté du fait des difficultés du couple [C] de sorte qu'il a été laissé en l'état, sans possibilité pour M. [Z] d'y faire un travail soigneux ou de remédier à d'éventuels défauts qui peuvent se produire en début de chantier et qui ont vocation à être corrigés avant la réception ; que dans un e-mail du 25 mai 2018, M. [Z] a d'ailleurs admis qu'il était nécessaire de changer des plinthes ; qu'ensuite, dans un e-mail du 16 août 2018, M. [C] a mis en cause des dégradations et un manque d'entretien, non pas imputable à M. [Z], mais à son épouse dans les termes suivants : « Je vous annonce que Mme a libéré la place et qu'il n'y aura plus de difficultés d'accès à mon domicile après 3 constats d'huissier et la venue d'un serrurier, j'ai pu procéder au nettoyage de la maison et de ses immondices… j'ai mis deux jours. Je n'ai malheureusement plus aucun outil de jardinage, ni les deux tondeuses, pour nettoyer l'extérieur ; elle a juste pris tout le matériel hifi, télé et le reste, il y en a pour 35.000 Euros. J'attire également votre attention sur le fait que les éléments de salle de bain entreposés au garage, sans protection, sont souillés de déjections d'oiseau… qui circulent librement dans celui-ci. Je pense que les tâches vont être difficiles à ôter… j'ai protégé les vasques à partir d'hier. J'attends votre réponse pour pouvoir aller voir le banquier et régler tout ça. » ; que dans un e-mail du 20 août, M. [C] a reconnu sa responsabilité dans la situation dans les termes suivants : « … c'est vrai que vous avez été très gêné pour effectuer les travaux, mais je ne suis responsable qu'indirectement par le biais de ma vie privée, étalée au grand jour, car je n'ai récupéré les lieux qu'il y a quelques jours, j'espère sincèrement que tout rentrera dans l'ordre rapidement » ; quant aux constats d'huissier établis à la demande de M. [C] les 22 novembre 2018, 13 8 mars 2020 et 17 avril 2020, ils se limitent à constater l'abandon du chantier et sont d'ailleurs en contradiction avec l'annonce de mise en vente de la propriété sur le site « Le Bon Coin » datée du 24 septembre 2019 dans laquelle il est indiqué « venez découvrir cette superbe villa d'architecte (…) Vous profiterez d'une moderne cuisine aménagée et équipée ouvert sur le séjour (…) » ; que finalement, les malfaçons invoquées ne peuvent être retenues et l'abandon du chantier, et ses conséquences, ne peut être imputé qu'à M. [C] qui a réglé M. [Z] avec un chèque qui a fait l'objet d'un rejet et qu'il n'a pas régularisé malgré les demandes en ce sens ; 1) ALORS QUE le juge peut se fonder sur un rapport d'expertise amiable établi à la demande de l'une des parties à partir du moment où il a été produit aux débats et soumis à un débat contradictoire et à condition de retenir d'autres éléments de preuve de nature à le corroborer ; qu'en l'espèce, pour démontrer l'existence de malfaçons affectant les travaux réalisés par M. [Z] et l'abandon par celui-ci du chantier en cours, M. [C] produisait un rapport d'expertise amiable établi, à sa demande, le 30 novembre 2018 (prod.) ; que la cour d'appel a constaté, qu'au soutien de ses prétentions, M. [C] versait également trois procès-verbaux de constat d'huissier dressés à sa requête les 22 novembre 2018, 13 mars 2020 et 17 avril 2020 (arrêt, p. 10 in fine) ; qu'en retenant que le rapport d'expertise amiable du 30 novembre 2018 ne pouvait être pris en compte dans la mesure où il n'était corroboré par aucun autre élément produit (arrêt, p. 10 § 4), la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé l'article 16 du code de procédure civile ; 2) ALORS QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en l'espèce, M. [C] versait aux débats un procès-verbal de constat d'huissier, établi à sa demande le 22 novembre 2018, dont il ressortait que les quelques travaux réalisés par M. [Z] dans la cuisine de l'habitation de M. [C] étaient affectés de diverses malfaçons (prod.) ; qu'en affirmant, pour retenir qu'aucune malfaçon ne pouvait être imputée à M. [Z], que « les procès-verbaux de constat d'huissier établis à la demande de M. [C] les 22 novembre 2018, 13 mars 2020 et 17 avril 2020 (…) se limitent à constater l'abandon du chantier » (arrêt, p. 10 in fine), la cour d'appel, qui a dénaturé le procès-verbal de constat d'huissier du 22 novembre 2018, a violé l'article 1103 du code civil, ensemble le principe susvisé ; 3) ALORS QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en l'espèce, dans son courriel du 16 août 2018 adressé à M. [Z], M. [C] indiquait « je vous annonce que Mme a libéré la place et qu'il n'y aura plus de difficultés d'accès à mon domicile après 3 constats d'huissier et la venue d'un serrurier, j'ai pu procéder au nettoyage de la maison et de ses immondices… j'ai mis deux jours » (prod.) ; qu'en affirmant, pour retenir qu'aucune malfaçon ne pouvait être imputée à M. [Z], que, dans son courriel du 16 août 2018, M. [C] avait mis en cause « des dégradations » imputables à son épouse (arrêt, p. 10 § 7), la cour d'appel, qui a dénaturé ledit courriel, a derechef violé l'article 1103 du code civil, ensemble le principe susvisé. TROISIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire) Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné M. [C] à payer à M. [Z] la somme de 8.000 euros à titre de dommages et intérêts ; AUX MOTIFS QUE, sur les demandes reconventionnelles, (…) en deuxième lieu, suite au chèque de 92.329,27 euros émis à son ordre dont la provision a été retirée par Mme [C], ce qui en a empêché le paiement, l'entreprise de M. [Z] a subi un découvert bancaire pendant 72 heures ; que M. [Z] a été contraint de le couvrir à l'aide de fonds personnels provenant de placements, perdant la rémunération qui y était attachée ; qu'il a été mis en difficultés avec l'Urssaf et le Régime Social des Indépendants, ainsi qu'avec ses fournisseurs ; qu'il a ainsi subi un préjudice distinct du seul non-paiement de la somme due qui sera indemnisé par le versement d'une somme de 8.000 € à titre de dommages et intérêts ; 1) ALORS QUE les juges sont tenus de motiver leur décision ; que, dans ses conclusions d'appel, M. [C] faisait observer que la demande de dommages-intérêts formée à son encontre par M. [Z] n'était étayée par aucune pièce probante (concl., p. 36 § 5-8) ; qu'en se bornant à affirmer que « suite au chèque de 92.329,27 € émis à l'ordre [de M. [Z]], dont la provision a[vait] été retirée par Mme [C], ce qui en a[vait] empêché le paiement, l'entreprise de M. [Z] a[vait] subi un découvert bancaire pendant 72 heures », qu'il avait dû combler avec des fonds personnels et qui l'avait mis en difficultés avec ses fournisseurs comme avec les organismes sociaux (arrêt, p. 11 § 9-12), sans expliquer sur quels éléments elle se fondait pour parvenir à cette conclusion, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 2) ALORS, en toute hypothèse, QUE seul celui qui, par son fait personnel, à causer à autrui un dommage est tenu de le réparer ; qu'en se bornant à retenir, pour condamner M. [C] à indemniser M. [Z], que « suite au chèque de 92.329,27 € émis à l'ordre [de M. [Z]], dont la provision a[vait] été retirée par Mme [C], ce qui en a[vait] empêché le paiement, l'entreprise de M. [Z] a[vait] subi un découvert bancaire pendant 72 heures », qu'il avait dû combler avec des fonds personnels et qui l'avait mis en difficultés avec ses fournisseurs comme avec les organismes sociaux, sans caractériser aucun fait personnel imputable à M. [C], la cour d'appel a violé l'article 1240 du code civil. Moyen produit par la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat aux Conseils, pour M. [T] [Z], demandeur au pourvoi incident. M. [Z] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande en paiement du solde du prix de la commande du 5 avril 2018 présentée par lui ; ALORS QUE le titre exécutoire que l'huissier de justice est autorisé à établir en application de l'article L. 131-73 du Code monétaire et financier, en l'absence de justification du paiement du montant d'un chèque et des frais dans un délai de quinze jours à compter de la réception de la notification d'un certificat de non-paiement au tireur du chèque, ne constitue pas une décision de justice et ne revêt donc pas les attributs d'un jugement ; qu'aucune disposition légale ne fait obstacle à ce qu'un créancier dispose de deux titres exécutoires pour la même créance de sorte que la titularité d'un titre exécutoire établi en application de l'article L 131-73 du Code monétaire et financier n'est pas en soi de nature à priver d'objet la demande d'un créancier de condamnation de son débiteur à lui payer sa créance ; qu'en jugeant n'y avoir lieu de statuer sur la demande de M. [Z] tendant à la condamnation de M. [C] à lui payer la somme de 92 329,27 € au titre du solde du marché, au seul motif inopérant qu'il dispose déjà d'un titre exécutoire pour ce montant établi par huissier le 30 août 2008 conformément à l'article L 131-72 du Code monétaire et financier, la cour d'appel a violé l'article 4 du code civil.
Il résulte de l'article 4 du code de procédure civile qu'il incombe au juge de trancher la contestation dont il est saisi. Viole ce texte la cour d'appel qui dit n'y avoir lieu de statuer sur une demande en paiement du prix d'un marché de travaux au motif que le créancier disposait déjà d'un titre exécutoire délivré par un huissier de justice en application de l'article L. 131-73 du code monétaire et financier
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CIV. 3 MF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 1er mars 2023 Rejet Mme TEILLER, président Arrêt n° 149 FS-B Pourvoi n° A 21-23.176 Aide juridictionnelle totale en défense au profit de Mme [X]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 28 avril 2022. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER MARS 2023 La société Maçonnerie générale Pastorelli, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4], a formé le pourvoi n° A 21-23.176 contre l'arrêt rendu le 27 mai 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-4), dans le litige l'opposant : 1°/ à Mme [G] [X], domiciliée [Adresse 2], 2°/ à la société Allianz IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesses à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Vernimmen, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Briard, avocat de la société Maçonnerie générale Pastorelli, de la SARL Corlay, avocat de Mme [X], de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de la société Allianz IARD, et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 janvier 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Vernimmen, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, Mme Farrenq-Nési, M. Boyer, Mme Abgrall, M. Delbano, conseillers, Mme Djikpa, M. Zedda, Mmes Brun, Rat, M. Pons, conseillers référendaires, Mme Vassallo, premier avocat général, et Mme Letourneur, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 27 mai 2021), Mme [X] a confié des travaux de construction d'un mur de soutènement et de réfection de terrasses à la société Maçonnerie générale Pastorelli (la société Pastorelli). 2. Le 19 décembre 2011, la société Pastorelli lui a adressé une facture du solde des travaux. 3. Par acte du 23 septembre 2014, la société Pastorelli a, après une expertise amiable, assigné Mme [X] en paiement de sa créance. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses troisième à cinquième branches, ci-après annexé 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches 5. La société Pastorelli fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable comme étant prescrite sa demande en paiement du solde de ses travaux à l'encontre de Mme [X], alors : « 1°/ que l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans ; que le délai de prescription court à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; qu'en énonçant que « le point de départ du délai de l'action en paiement engagée par l'entreprise à l'égard du maître d'ouvrage est la date de l'émission de la facture ou, à défaut, la date de la mise en demeure de payer après la réalisation des travaux », pour en déduire « qu'en l'espèce il résulte des pièces produites que les travaux commandés à la société Pastorelli ayant été réalisés en 2011 et facturés le 19 décembre 2011, le point de départ du délai doit être fixé à cette date » quand le point de départ du délai de prescription biennale devait correspondre à la date à laquelle la créance constituée du solde du prix restant dû par Mme [X] était devenue exigible, c'est-à-dire à l'issue de l'expertise amiable diligentée au contradictoire de la société Pastorelli, ayant conduit au rapport établi le 17 décembre 2012, la cour d'appel a violé l'article L. 137-2 du code de la consommation devenu l'article L. 218-2 du même code suite à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 14 mars 2016, ensemble l'article 2224 du code civil ; 2°/ que l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans ; que le délai de prescription court à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; qu'il s'évince des constatations de l'arrêt que Mme [X] « ne produit aucun photographie, ni aucun élément permettant de déterminer l'état des existants manifestement anciens, dont le mur effondré, avant réalisation des travaux par la société Pastorelli, aux abords de sa maison de village, et qu'elle est dans l'incapacité de préciser les travaux qu'elle prétend avoir commandé, puisqu'elle sollicite elle-même, à titre subsidiaire, une expertise avec pour mission de déterminer notamment « quels ont été les travaux commandés », elle ne peut sérieusement soutenir que la société Pastorelli devait effectuer des travaux sur l'escalier de pierre, cette prestation de figurant pas dans la situation de chantier n° 1 susvisée, ni qu'elle aurait démoli la première marche de l'escalier en pierres et que le mur en pierres sèches est affecté de malfaçons, ce qui ne résulte pas des photographies annexées au procès-verbal de constat établi le 22 décembre 2011 par Maître [F] [H], huissier de justice » ; qu'il s'évince de ces mêmes motifs « qu'une mesure d'expertise ne peut avoir pour objet de pallier la carence du maître d'ouvrage à rapporter la preuve des travaux commandés par lui, ni des « désordres » invoqués » ; qu'en se bornant à énoncer, pour déclarer prescrite l'action en paiement engagée par l'entreprise à l'égard du maître de l'ouvrage, « qu'il résulte des pièces produites que les travaux commandés à la société Pastoralli ont été réalisés en 2011 et facturés le 19 décembre 2011, le point de départ doit être fixé à cette date » sans rechercher si le refus par Mme [X] de procéder au règlement du solde du prix en raison de prétendus inachèvements et désordres affectant les travaux, suivi de l'organisation d'une expertise amiable à laquelle la société Pastorelli avait accepté de participer, n'avait pas eu pour effet de retarder le point de départ du délai de prescription à la date d'établissement du rapport d'expertise établi le 17 décembre 2012, qui, bien que non communiqué à la société Pastorelli, apportait une réponse technique aux allégations du maître de l'ouvrage qui se sont révélées infondées ainsi qu'il résulte des constatations de l'arrêt, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 137-2 du code de la consommation devenu l'article L. 218-2 du même code suite à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 14 mars 2016, ensemble l'article 2224 du code civil. » Réponse de la Cour 6. Aux termes de l'article L. 137-2, devenu L. 218-2, du code de la consommation, l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans. 7. Selon l'article 2224 du code civil, le délai de prescription court à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. 8. S'il a été jugé que le point de départ du délai biennal de prescription se situait, conformément à l'article 2224 du code civil, au jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer l'action concernée (1re Civ., 16 avril 2015, pourvoi n° 13-24.024, Bull. 2015, I, n° 100 ; 1re Civ., 11 mai 2017, pourvoi n° 16-13.278, Bull. 2017, I, n° 111), il a été spécifiquement retenu, comme point de départ, dans le cas d'une action en paiement de travaux formée contre un consommateur, le jour de l'établissement de la facture (1re Civ., 3 juin 2015, pourvoi n° 14-10.908, Bull. 2015, I, n° 136 ; 3e Civ., 14 février 2019, pourvoi n° 17-31.466). 9. Cependant, la Cour de cassation retient désormais que l'action en paiement de factures formée contre un professionnel, soumise à la prescription quinquennale de l'article L. 110-4 du code de commerce ou contre un consommateur, soumise à la prescription biennale de l'article L. 137-2, devenu L. 218-2, du code de la consommation, se prescrit à compter de la date de la connaissance par le créancier des faits lui permettant d'agir, laquelle peut être caractérisée par l'achèvement des travaux ou l'exécution des prestations (Com., 26 février 2020, pourvoi n° 18-25.036, publié ; 1re Civ., 19 mai 2021, pourvoi n° 20-12.520, publié). 10. Au regard des dispositions de l'article 2224 du code civil dont l'application a été admise pour déterminer le point de départ du délai de l'article L. 137-2, devenu L. 218-2, du code de la consommation, et afin d'harmoniser le point de départ des délais de prescription des actions en paiement de travaux et services, il y a donc lieu de prendre en compte la date de la connaissance des faits qui permet au professionnel d'exercer son action, laquelle est caractérisée, hormis les cas où le contrat ou la loi en disposent autrement, par l'achèvement des travaux ou l'exécution des prestations, cette circonstance rendant sa créance exigible. 11. La cour d'appel ayant constaté que les travaux commandés à la société Pastorelli avaient été réalisés en 2011, il en résulte que l'action introduite le 23 septembre 2014, plus de deux ans après leur achèvement, était prescrite. 12. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux de l'arrêt, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, la décision se trouve légalement justifiée. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Maçonnerie générale Pastorelli aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier mars deux mille vingt-trois. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SARL Cabinet Briard, avocat aux Conseils, pour la société Maçonnerie générale Pastorelli La société Maçonnerie Générale Pastorelli fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré irrecevable la demande en paiement du solde de ses travaux formée par celle-ci à l'encontre de [G] [X] comme étant prescrite 1° Alors en premier lieu que l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans ; que le délai de prescription court à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; qu'en énonçant que « le point de départ du délai de l'action en paiement engagée par l'entreprise à l'égard du maître d'ouvrage est la date de l'émission de la facture ou, à défaut, la date de la mise en demeure de payer après la réalisation des travaux », pour en déduire « qu'en l'espèce il résulte des pièces produites que les travaux commandés à la société Maçonnerie Générale Pastorelli ayant été réalisés en 2011 et facturés le 19 décembre 2011, le point de départ du délai doit être fixé à cette date » quand le point de départ du délai de prescription biennale devait correspondre à la date à laquelle la créance constituée du solde du prix restant dû par Mme [G] [X] était devenue exigible, c'est-à-dire à l'issue de l'expertise amiable diligentée au contradictoire de la société Maçonnerie Générale Pastorelli, ayant conduit au rapport établi le 17 décembre 2012, la cour d'appel a violé l'article L. 137-2 du code de la consommation devenu l'article L. 218-2 du même code suite à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 14 mars 2016, ensemble l'article 2224 du code civil, 2° Alors en deuxième lieu que l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans ; que le délai de prescription court à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; qu'il s'évince des constatations de l'arrêt que Mme [G] [X] « ne produit aucun photographie, ni aucun élément permettant de déterminer l'état des existants manifestement anciens, dont le mur effondré, avant réalisation des travaux par la société Maçonnerie Générales Pastorelli, aux abords de sa maison de village, et qu'elle est dans l'incapacité de préciser les travaux qu'elle prétend avoir commandé, puisqu'elle sollicite elle-même, à titre subsidiaire, une expertise avec pour mission de déterminer notamment « quels ont été les travaux commandés », elle ne peut sérieusement soutenir que la société Maçonnerie Générale Pastorelli devait effectuer des travaux sur l'escalier de pierre, cette prestation de figurant pas dans la situation de chantier n° 1 susvisée, ni qu'elle aurait démoli la première marche de l'escalier en pierres et que le mur en pierres sèches est affecté de malfaçons, ce qui ne résulte pas des photographies annexées au procès-verbal de constat établi le 22 décembre 2011 par Maître [F] [H], huissier de justice a [Localité 3] » ; qu'il s'évince de ces mêmes motifs « qu'une mesure d'expertise ne peut avoir pour objet de pallier la carence du maître d'ouvrage à rapporter la preuve des travaux commandés par lui, ni des « désordres » invoqués » ; qu'en se bornant à énoncer, pour déclarer prescrite l'action en paiement engagée par l'entreprise à l'égard du maître de l'ouvrage, « qu'il résulte des pièces produites que les travaux commandés à la société Maçonnerie Générale Pastoralli ont été réalisés en 2011 et facturés le 19 décembre 2011, le point de départ doit être fixé à cette date » sans rechercher si le refus par Mme [G] [X] de procéder au règlement du solde du prix en raison de prétendus inachèvements et désordres affectant les travaux, suivi de l'organisation d'une expertise amiable à laquelle la société Maçonnerie Générale Pastorelli avait accepté de participer, n'avait pas eu pour effet de retarder le point de départ du délai de prescription à la date d'établissement du rapport d'expertise établi le 17 décembre 2012, qui, bien que non communiqué à la société Générale Maçonnerie Pastorelli, apportait une réponse technique aux allégations du maître de l'ouvrage qui se sont révélées infondées ainsi qu'il résulte des constatations de l'arrêt, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 137-2 du code de la consommation devenu l'article L. 218-2 du même code suite à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 14 mars 2016, ensemble l'article 2224 du code civil, 3° Alors en troisième lieu que l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans ; que le délai de prescription court à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; qu'en énonçant qu'en application de l'article 2239 du code civil, la prescription n'est suspendue que lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d'instruction présentée avant tout procès, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, et qu'aucune cause d'interruption du délai de prescription n'est invoquée ni au surplus établie, la cour d'appel a violé par fausse application le texte susvisé, 4° Alors en quatrième lieu que l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans ; que le délai de prescription court à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; qu'en s'abstenant de rechercher si, à la suite de la contestation soulevée par Mme [G] [X], la société Maçonnerie Générale Pastorelli n'avait pas envisagé un règlement amiable du litige en participant au rendez-vous d'expertise organisé à la demande de l'assureur protection juridique de Mme [G] [X] à la suite duquel un rapport d'expertise avait été établi le 17 décembre 2012, sans qu'il soit d'ailleurs communiqué à la société Maçonnerie Générale Pastorelli malgré plusieurs demandes en ce sens, de sorte que le délai de prescription biennale n'avait pu commencer à courir avant le 17 décembre 2012, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 137-2 du code de la consommation devenu l'article L. 218-2 du même code suite à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 14 mars 2016, ensemble l'article 2224 du code civil, 5° Alors en cinquième lieu, et à titre subsidiaire, qu'une prescription acquise est susceptible de renonciation ; que cette renonciation peut être expresse ou tacite, la renonciation tacite résultant de circonstances établissant sans équivoque la volonté de ne pas se prévaloir de la prescription ; qu'en déclarant irrecevable comme prescrite la demande en paiement du solde de ses travaux formée par la société Maçonnerie Générale Pastorelli à l'encontre de Mme [G] [X] sans rechercher si, dans ses écritures devant le tribunal de grande instance de Nice, Mme [G] [X] avait demandé de « - Dire que les travaux réalisés par la société Maçonnerie Générale Pastorelli sont affectés de nombreuses malfaçons et inachèvements, - Dire que la société Maçonnerie Générale Pastorelli a engagé sa responsabilité à l'égard de Mme [X], - Dire que les règlements effectués par Mme [X] à hauteur de 15.000 euros sont libératoires » de sorte qu'elle avait tacitement renoncé sans aucune équivoque à se prévaloir de la prescription, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2251 du code civil.
En application des articles 2224 du code civil et L. 137-2, devenu L. 218-2, du code de la consommation, l'action en paiement de travaux et services engagée à l'encontre de consommateurs par un professionnel se prescrit à compter de la date de la connaissance des faits permettant à ce dernier d'exercer son action. Cette date est caractérisée, hormis les cas où le contrat ou la loi en disposent autrement, par l'achèvement des travaux ou l'exécution des prestations, cette circonstance rendant sa créance exigible
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CIV. 3 JL COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 1er mars 2023 Rejet Mme TEILLER, président Arrêt n° 150 FS-B Pourvoi n° T 22-12.455 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER MARS 2023 1°/ M. [S] [N], 2°/ Mme [J] [K], épouse [N], tous deux domiciliés [Adresse 1], ont formé le pourvoi n° T 22-12.455 contre l'arrêt rendu le 9 décembre 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 7), dans le litige les opposant au département de l'Essonne, représenté par le président du conseil départemental, dont le siège est [Adresse 2], défendeur à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Djikpa, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de M. et Mme [N], de la SARL Le Prado-Gilbert, avocat du département de l'Essonne, et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 janvier 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Djikpa, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, M. Delbano, Mme Farrenq-Nési, M. Boyer, Mme Abgrall, conseillers, M. Zedda, Mmes Brun, Vernimmen, Rat, M. Pons, conseillers référendaires, Mme Vassallo, premier avocat général, et Mme Letourneur, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 9 décembre 2021), plusieurs terrains agricoles appartenant à M. et Mme [N] ont été expropriés au profit du département de l'Essonne (le département), aux fins de réalisation d'une infrastructure routière déclarée d'utilité publique. 2. Après réalisation des travaux, le département a vendu à la société Pomona des reliquats de parcelles non utilisés ayant appartenu à M. et Mme [N]. 3. Ces derniers ont assigné le département en indemnisation des préjudices résultant de la méconnaissance de leur droit de priorité. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. M. et Mme [N] font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes indemnitaires, alors : « 1°/ que lorsque les immeubles expropriés sont des terrains agricoles au moment de leur expropriation et qu'une partie de ces terrains, non utilisée pour l'opération envisagée, est ensuite cédée par l'expropriant, les anciens propriétaires disposent d'une priorité pour leur acquisition ; que ce droit de priorité n'est pas subordonné à la démonstration de la non affectation de l'essentiel des parcelles expropriées à l'usage prévu par la déclaration d'utilité publique ; que la méconnaissance de ce droit de priorité des anciens propriétaire oblige l'expropriant à réparer le préjudice qui en est résulté ; qu'en déboutant pourtant, en l'espèce, les expropriés qui reprochaient à l'expropriant de n'avoir pas respecté leur droit de priorité, au prétexte que la condition de non-affectation à l'usage prévu n'était pas remplie, la cour d'appel a violé l'article L. 424-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique par refus d'application, ensemble l'article L. 421-1 du même code par fausse application, et l'article 1382, devenu 1240, du code civil ; 2°/ que toute personne a droit au respect de ses biens et ne peut en être privée que dans les conditions prévues par la loi et pour cause d'utilité publique ; que porte une atteinte disproportionnée à ce droit l'expropriant qui, après l'expropriation, n'utilise pas une partie des terrains expropriés et les revend en réalisant un profit important, sans les avoir proposés préalablement à leur ancien propriétaire ; qu'en jugeant pourtant que le département de l'Essonne avait pu revendre les terrains dont les époux [N] avaient été expropriés et qui n'avaient pas été utilisés pour l'usage prévu par la déclaration d'utilité publique, pour un prix plus de 3,5 fois supérieur à l'indemnité d'expropriation, sans les avoir proposés préalablement à leurs anciens propriétaires expropriés, la cour d'appel a consacré une atteinte disproportionnée aux droits des époux [N] au respect de leurs biens, en violation de l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. » Réponse de la Cour 5. D'une part, la cour d'appel a relevé, à bon droit, que le droit de priorité prévu par l'article L. 424-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ne trouve sa cause qu'en cas de non-affectation de la parcelle expropriée au but d'intérêt général défini par la déclaration d'utilité publique et se rattache au droit de rétrocession prévu à l'article L. 421-1 du même code et, comme lui, ne s'applique pas aux portions de parcelles non utilisées pour l'usage prévu par la déclaration d'utilité publique si l'essentiel des parcelles expropriées a reçu cette destination. 6. Ayant retenu que les anciennes parcelles de M. et Mme [N] non affectées à l'usage prévu par la déclaration d'utilité publique ne représentaient que 3,2 % de la surface totale de l'opération d'expropriation, elle en a exactement déduit que la condition de non-affectation à l'usage prévu n'était pas remplie et que les expropriés ne bénéficiaient pas d'un droit de priorité lors de la cession à un tiers des parcelles concernées. 7. D'autre part, la cour d'appel, qui a retenu que l'expropriant avait réalisé l'opération en conformité avec le projet déclaré d'utilité publique, que les biens expropriés avaient été affectés dans leur quasi-totalité à l'usage prévu par ce projet d'intérêt général et que, dans ces conditions, les expropriés ne bénéficiaient pas d'un droit de priorité, n'a pas indûment privé ces derniers d'une plus-value ni porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de leurs biens garanti par l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 8. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. et Mme [N] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier mars deux mille vingt-trois. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour M. et Mme [N] M. et Mme [N] font grief à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR rejeté l'intégralité de leurs demandes, lesquelles tendaient à obtenir la condamnation du département de l'Essonne à leur verser les sommes de 56 006 € au titre de la réparation la perte de plus-value subie et de 1 068 065 € au titre de leur privation de jouissance, 1- ALORS QUE lorsque les immeubles expropriés sont des terrains agricoles au moment de leur expropriation et qu'une partie de ces terrains, non utilisée pour l'opération envisagée, est ensuite cédée par l'expropriant, les anciens propriétaires disposent d'une priorité pour leur acquisition ; que ce droit de priorité n'est pas subordonné à la démonstration de la non-affectation de l'essentiel des parcelles expropriées à l'usage prévu par la déclaration d'utilité publique ; que la méconnaissance de ce droit de priorité des anciens propriétaire oblige l'expropriant à réparer le préjudice qui en est résulté ; qu'en déboutant pourtant, en l'espèce, les expropriés qui reprochaient à l'expropriant de n'avoir pas respecté leur droit de priorité, au prétexte que la condition de non-affectation à l'usage prévu n'était pas remplie, la cour d'appel a violé l'article L. 424-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique par refus d'application, ensemble l'article L. 421-1 du même code par fausse application, et l'article 1382, devenu 1240, du code civil. 2- ALORS QUE toute personne a droit au respect de ses biens et ne peut en être privée que dans les conditions prévues par la loi et pour cause d'utilité publique ; que porte une atteinte disproportionnée à ce droit l'expropriant qui, après l'expropriation, n'utilise pas une partie des terrains expropriés et les revend en réalisant un profit important, sans les avoir proposés préalablement à leur ancien propriétaire ; qu'en jugeant pourtant que le département de l'Essonne avait pu revendre les terrains dont les époux [N] avaient été expropriés et qui n'avaient pas été utilisés pour l'usage prévu par la déclaration d'utilité publique, pour un prix plus de 3,5 fois supérieur à l'indemnité d'expropriation, sans les avoir proposés préalablement à leurs anciens propriétaires expropriés, la cour d'appel a consacré une atteinte disproportionnée aux droits des époux [N] au respect de leurs biens, en violation de l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Le droit de priorité prévu par l'article L. 424-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, qui ne trouve sa cause qu'en cas de non-affectation de la parcelle expropriée au but d'intérêt général défini par la déclaration d'utilité publique, se rattache au droit de rétrocession prévu à l'article L. 421-1 du même code et, comme lui, ne s'applique pas aux portions de parcelles non utilisées pour l'usage prévu par la déclaration d'utilité publique lorsque l'essentiel des parcelles expropriées a reçu cette destination
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CIV. 3 JL COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 1er mars 2023 Cassation Mme TEILLER, président Arrêt n° 151 FS-B Pourvoi n° B 21-22.073 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER MARS 2023 1°/ M. [T] [N], 2°/ M. [B] [J], tous deux domiciliés [Adresse 2], ont formé le pourvoi n° B 21-22.073 contre l'arrêt rendu le 11 mai 2021 par la cour d'appel d'Amiens (1re chambre civile), dans le litige les opposant à la société [Adresse 3], société à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Abgrall, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de MM. [N] et [J], de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de la société [Adresse 3], après débats en l'audience publique du 17 janvier 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Abgrall, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, Mme Farrenq-Nési, M. Boyer, conseillers, Mme Djikpa, M. Zedda, Mmes Brun, Vernimmen, Rat, M. Pons, conseillers référendaires, Mme Vassallo, premier avocat général, et Mme Letourneur, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 11 mai 2021), par acte du 6 juin 2016, M. et Mme [M] ont fait délivrer à MM. [N] et [J], locataires d'une maison d'habitation leur appartenant, un congé pour vendre valant offre d'acquisition au prix de 400 000 euros. 2. Cette offre n'ayant pas été acceptée, les locataires ont quitté les lieux à l'issue du préavis le 9 janvier 2017. 3. Par acte du 20 juillet 2017, M. et Mme [M] ont consenti une promesse de vente sur cet immeuble à M. et Mme [L] par l'entremise de l'agence [Adresse 3] (l'agence immobilière) au prix de 380 000 euros, dont 10 000 euros de commission d'agence. 4. Le 2 août 2017, ce prix a été notifié par le notaire à MM. [N] et [J], qui ont accepté l'offre et conclu la vente. 5. Par acte du 3 mai 2018, MM. [N] et [J] estimant qu'ils avaient indûment payé la commission de l'agence immobilière, l'ont assignée en remboursement de cette somme. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses troisième et quatrième branches, ci-après annexé 6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches Enoncé du moyen 7. MM. [N] et [J] font grief à l'arrêt de rejeter leur demande de restitution de la somme de 10 000 euros correspondant à une commission d'agence indue, encaissée par l'agence immobilière, alors : «1°/ que l'agent immobilier ne peut prétendre à une commission que lorsqu'il présente un acquéreur à un vendeur ; qu'aucune commission ne peut en revanche être due lorsque la vente intervient à la suite de l'exercice par le locataire de son droit de préemption subsidiaire, l'exercice de cette prérogative légale étant exclusive d'un quelconque rôle d'intermédiation de l'agent qui seul justifierait le paiement d'une commission ; qu'en rejetant néanmoins la demande de MM. [N] et [J], qui n'avaient fait qu'exercer leur droit de préemption subsidiaire, tendant à la condamnation de l'agence [Adresse 3] au remboursement de la commission qu'elle avait perçue à l'occasion de cette vente, la cour d'appel a violé les articles 15 II de la loi du 6 juillet 1989 et 6 de la loi du 2 janvier 1970 ; 2°/ la circonstance qu'un agent immobilier soit intervenu pour la conclusion d'une cession ne lui permet pas de prétendre à une commission lorsque cette cession n'a pas abouti, les locataires ayant exercé leur droit de préemption subsidiaire ; qu'en retenant, pour condamner MM. [N] et [J], locataires ayant exercé leur droit de préemption subsidiaire, au paiement d'une commission à l'agence 5ème avenue Immobilier, que l'entremise de cette agence avait permis de parvenir à la signature d'un acte de vente au profit des époux [L], auxquels MM. [N] et [J] s'étaient substitués par l'exercice du droit de préemption subsidiaire, auquel l'agence était étrangère, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants en violation des articles 15 II de la loi du 6 juillet 1989 et 6 de la loi du 2 janvier 1970. » Réponse de la Cour Vu les articles 15, II, alinéa 4, de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 et 6 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 : 8. Selon le premier de ces textes, dans le cas où le propriétaire, après un refus de l'offre initiale de vente adressée au locataire, décide de vendre à des conditions ou à un prix plus avantageux pour l'acquéreur, le notaire doit, lorsque le bailleur n'y a pas préalablement procédé, notifier au locataire ces conditions et prix à peine de nullité de la vente et cette notification vaut offre de vente au profit du locataire. 9. Il résulte du second que le droit à rémunération de l'agent immobilier, auquel un mandat de recherche a été confié, suppose une mise en relation entre le vendeur et l'acquéreur. 10. Pour rejeter la demande de remboursement de la commission versée à l'agence immobilière, l'arrêt retient qu'à la suite du refus initial de MM. [N] et [J], les bailleurs ont conclu un mandat avec l'agence immobilière, laquelle a effectué une réelle prestation de recherche d'acquéreurs qu'elle a ensuite présentés aux vendeurs afin que soit signé le « compromis » de vente du 20 juillet 2017, que ce n'est que le 2 août 2017 qu'une offre a été faite à MM. [N] et [J] qui ont exercé leur droit de préemption, que la prestation de l'agence immobilière ne s'est pas limitée à la présentation d'une offre à MM. [N] et [J] et que, compte tenu du caractère déterminant de l'intervention de celle-ci, la commission est justifiée, que MM. [N] et [J], en se substituant aux acquéreurs, ont accepté d'acquérir aux mêmes conditions et en sont redevables. 11. En statuant ainsi, alors que le locataire qui exerce son droit de préemption subsidiaire en acceptant l'offre notifiée par le notaire, qui n'avait pas à être présentée par l'agent immobilier mandaté par le propriétaire pour rechercher un acquéreur, ne peut se voir imposer le paiement d'une commission renchérissant le prix du bien, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai ; Condamne la société [Adresse 3] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier mars deux mille vingt-trois. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour MM. [N] et [J] MM. [N] et [J] font grief à l'arrêt confirmatif attaqué de les AVOIR déboutés de leur demande de restitution de la somme de 10 000 €, correspondant à une commission d'agence indue, encaissée par la SARL [Adresse 3] ; 1°) ALORS D'UNE PART QUE l'agent immobilier ne peut prétendre à une commission que lorsqu'il présente un acquéreur à un vendeur ; qu'aucune commission ne peut en revanche être due lorsque la vente intervient à la suite de l'exercice par le locataire de son droit de préemption subsidiaire, l'exercice de cette prérogative légale étant exclusive d'un quelconque rôle d'intermédiation de l'agent qui seul justifierait le paiement d'une commission ; qu'en rejetant néanmoins la demande de MM. [N] et [J], qui n'avaient fait qu'exercer leur droit de préemption subsidiaire, tendant à la condamnation de l'agence [Adresse 3] au remboursement de la commission qu'elle avait perçue à l'occasion de cette vente, la cour d'appel a violé les articles 15 II de la loi du 6 juillet 1989 et 6 de la loi du 2 janvier 1970 ; 2°) ALORS D'AUTRE PART QUE la circonstance qu'un agent immobilier soit intervenu pour la conclusion d'une cession ne lui permet pas de prétendre à une commission lorsque cette cession n'a pas abouti, les locataires ayant exercé leur droit de préemption subsidiaire ; qu'en retenant, pour condamner MM. [N] et [J], locataires ayant exercé leur droit de préemption subsidiaire, au paiement d'une commission à l'agence 5ème avenue Immobilier, que l'entremise de cette agence avait permis de parvenir à la signature d'un acte de vente au profit des époux [L], auxquels MM. [N] et [J] s'étaient substitués par l'exercice du droit de préemption subsidiaire, auquel l'agence était étrangère, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants en violation des articles 15 II de la loi du 6 juillet 1989 et 6 de la loi du 2 janvier 1970 ; 3°) ALORS DE TROISIEME PART QUE le versement sans protestation d'une somme ne vaut pas reconnaissance de l'obligation au paiement ; qu'en affirmant, pour rejeter la demande de MM. [N] et [J] tendant au remboursement par l'agence [Adresse 3] de la commission perçue, que MM. [N] et [J] n'avaient, au moment de la signature de l'acte authentique, pas émis de réserve sur le prix de vente ou le paiement d'une commission, la cour d'appel s'est déterminée par des motifs inopérants en violation des articles 1302-1 du Code civil, 15 II de la loi du 6 juillet 1989 et 6 de la loi du 2 janvier 1970 ; 4°) ALORS ENFIN QUE commet une faute exclusive de tout droit à commission l'agence immobilière qui, mandatée pour présenter un bien à un prix fixe, suscite une offre d'achat à un prix supérieur, contraignant ainsi le locataire entendant exercer son droit de préemption à le faire à un prix supérieur à celui pour lequel l'agent immobilier avait été mandaté ; qu'au cas d'espèce, l'agence, informée de la volonté de MM. [N] et [J], locataires, d'exercer leur droit de préemption en acquérant le bien directement auprès des vendeurs moyennant la somme de 365.000 €, montant du mandat de vente non exclusif qui lui avait été confié, a outrepassé ce mandat et commis une faute en présentant au vendeur une offre d'achat à 370.000 € outre une commission de 10.000 €, contraignant ainsi les locataires, tenus de s'aligner sur cette offre pour acquérir le bien, à verser une commission indue et un surplus de prix ; qu'en écartant néanmoins toute faute de l'agence et en rejetant la demande de remboursement de la commission, la Cour d'appel a violé les articles 1302-2 du Code civil, 15 II de la loi du 6 juillet 1989 et 6 de la loi du 2 janvier 1970.
Le locataire qui exerce son droit de préemption subsidiaire en acceptant l'offre notifiée par le notaire en application de l'article 15, II, alinéa 4, de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, qui n'avait pas à être présentée par l'agent immobilier mandaté par le propriétaire pour rechercher un acquéreur, ne peut se voir imposer le paiement d'une commission renchérissant le prix du bien
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CIV. 3 SG COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 1er mars 2023 Rejet Mme TEILLER, président Arrêt n° 152 FS-B Pourvoi n° U 22-11.467 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER MARS 2023 M. [L] [E], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° U 22-11.467 contre l'arrêt rendu le 14 mai 2021 par la cour d'appel de Rennes (chambre de l'expropriation), dans le litige l'opposant à la société d'économie mixte Loire-Atlantique développement (SELA), dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Brun, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [E], de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société d'économie mixte Loire-Atlantique développement, après débats en l'audience publique du 17 janvier 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Brun, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, M. Delbano, Mme Farrenq-Nési, M. Boyer, Mme Abgrall, conseillers, Mme Djikpa, M. Zedda, Mmes Vernimmen, Rat, M. Pons, conseillers référendaires, et Mme Letourneur, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. L'arrêt attaqué (Rennes, 14 mai 2021) fixe le montant des indemnités revenant à M. [E] au titre de l'expropriation, au profit de la société d'économie mixte Loire-Atlantique développement (l'autorité expropriante), d'une parcelle lui appartenant, située dans un périmètre soumis au droit de préemption urbain. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa seconde branche, ci-après annexé 2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui est irrecevable. Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 3. M. [E] fait grief à l'arrêt de fixer la date de référence au 18 avril 2011 pour l'estimation de sa parcelle, puis de condamner l'autorité expropriante à lui payer des indemnités alternatives, alors « que la date de référence pour apprécier la qualification de terrain à bâtir d'un bien exproprié est fixée un an avant l'ouverture de l'enquête publique ; qu'en l'espèce, en raison de l'assujettissement de la parcelle expropriée au « droit de préemption urbain » depuis le « 5 octobre 2004 », l'arrêt attaqué a retenu que la date de référence pour déterminer si elle pouvait être qualifiée de terrain à bâtir devait être fixée « au 18 avril 2011 » correspondant à « la dernière modification du plan local d'urbanisme intéressant la zone concernée » ; qu'en se prononçant ainsi, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article L. 322-3 du code de l'expropriation. » Réponse de la Cour 4. En application des articles L. 213-4, a), et L. 213-6 du code de l'urbanisme, lorsque le bien exproprié est soumis au droit de préemption, la date de référence pour déterminer l'usage effectif du bien, est celle à laquelle est devenu opposable aux tiers le plus récent des actes rendant public, approuvant, révisant ou modifiant le plan d'occupation des sols ou le plan local d'urbanisme et délimitant la zone dans laquelle est situé le bien. 5. Cette date de référence, dérogatoire à celle prévue à l'article L. 322-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, s'applique également pour la qualification de terrain à bâtir, régie par l'article L. 322-3 du même code. 6. La cour d'appel a relevé que le bien exproprié était soumis à un droit de préemption et retenu, appliquant les articles du code de l'urbanisme précités, que la dernière modification du plan local d'urbanisme, non contestée par M. [E], intéressant la zone dans laquelle est situé le bien, était intervenue le 12 avril 2011 et était devenue effective le 18 avril 2011 après accomplissement des mesures de publicité. 7. Elle en a exactement déduit que la date de référence devait être fixée au 18 avril 2011. 8. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. [E] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier mars deux mille vingt-trois. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. [E] Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir fixé au 18 avril 2011 la date de référence pour l'estimation de la parcelle expropriée, avant d'allouer à l'exproprié (M. [E], l'exposant) des indemnités alternatives, soit la somme globale de 14 390 euros dans l'hypothèse d'un zonage légal de la parcelle en zone 1 AU2 du PLU, soit celle de 68 485 euros en cas de zonage illégal, ladite parcelle devant alors être évaluée comme terrain à bâtir ; ALORS QUE la date de référence pour apprécier la qualification de terrain à bâtir d'un bien exproprié est fixée un an avant l'ouverture de l'enquête publique ; qu'en l'espèce, en raison de l'assujettissement de la parcelle expropriée au « droit de préemption urbain » depuis le « 5 octobre 2004 », l'arrêt attaqué a retenu que la date de référence pour déterminer si elle pouvait être qualifiée de terrain à bâtir devait être fixée « au 18 avril 2011 » correspondant à « la dernière modification du plan local d'urbanisme intéressant la zone concernée » ; qu'en se prononçant ainsi, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article L 322-3 du code de l'expropriation ; ALORS QUE, en toute hypothèse, l'acte modificatif d'un plan local d'urbanisme ne peut être retenu pour fixer la date de référence lorsqu'il a modifié le périmètre de la zone de situation du bien exproprié sans affecter les caractéristiques de cette zone ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué a estimé devoir fixer la date de référence, au sens de « l'article L 213-6 » et de « l'article L 213-4 » du code de l'urbanisme, « au 18 avril 2011 » correspondant à la date d'opposabilité du « plus récent des actes modifiant le plan local d'urbanisme et délimitant la zone dans laquelle (était) situé le bien » exproprié, soit la date de « la dernière modification du plan local d'urbanisme intéressant la zone concernée » ; qu'en statuant de la sorte, sans constater que l'acte modificatif affectait les caractéristiques de la zone de situation dudit bien, la cour d'appel a violé les articles L 213-4 a) et L 213-6 du code de l'urbanisme.
En application des articles L. 213-4, a), et L. 213-6 du code de l'urbanisme, lorsque le bien exproprié est soumis au droit de préemption, la date de référence pour déterminer l'usage effectif du bien, est celle à laquelle est devenu opposable aux tiers le plus récent des actes rendant public, approuvant, révisant ou modifiant le plan d'occupation des sols ou le plan local d'urbanisme et délimitant la zone dans laquelle est situé le bien. Cette date de référence, dérogatoire à celle prévue à l'article L. 322-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, s'applique également pour la qualification de terrain à bâtir, régie par l'article L. 322-3 du même code
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COMM. CH.B COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 1er mars 2023 Cassation partielle sans renvoi M. VIGNEAU, président Arrêt n° 158 FS-B Pourvoi n° H 21-14.787 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 1ER MARS 2023 1°/ M. [G] [V], domicilié [Adresse 22], 2°/ M. [P] [Y], domicilié [Adresse 12], 3°/ M. [UT] [D], domicilié [Adresse 9], 4°/ M. [BR] [E], domicilié [Adresse 11], 5°/ M. [W] [Z], domicilié [Adresse 13], 6°/ M. [R] [F], domicilié [Adresse 10], 7°/ M. [J] [A], domicilié [Adresse 24], 8°/ M. [T] [M], domicilié [Adresse 21], 9°/ Mme [HA] [U], domiciliée [Adresse 7], 10°/ M. [N] [B], domicilié [Adresse 27], 11°/ M. [IA] [X], domicilié [Adresse 29], 12°/ M. [PE] [X], domicilié [Adresse 2], 13°/ M. [BL] [C], domicilié [Adresse 14], 14°/ M. [UN] [I], domicilié [Adresse 19], 15°/ M. [O] [OO], domicilié [Adresse 20], 16°/ M. [NZ] [VD], domicilié [Adresse 7], 17°/ M. [L] [HP], domicilié [Adresse 28], 18°/ M. [VI] [OE], domicilié [Adresse 3], 19°/ M. [OJ] [VN], domicilié [Adresse 8], 20°/ M. [S] [IF], domicilié [Adresse 26], 21°/ Mme [OZ] [VY], domiciliée [Adresse 15], 22°/ M. [JA] [HF], domicilié [Adresse 4], 23°/ M. [VT] [HK], domicilié [Adresse 1], 24°/ M. [BL] [IP], domicilié [Adresse 5], 25°/ M. [UY] [AV], domicilié [Adresse 16], 26°/ M. [HV] [IK], domicilié [Adresse 17], 27°/ M. [UN] [CL], domicilié [Adresse 25], 28°/ M. [WD] [GV], domicilié [Adresse 6], 29°/ M. [NO] [UN], domicilié [Adresse 18], 30°/ M. [NU] [WT], domicilié [Adresse 23], ont formé le pourvoi n° H 21-14.787 contre l'arrêt rendu le 4 février 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 2), dans le litige les opposant : 1°/ à la société Volkswagen Aktiengesellschaft, société de droit allemand, dont le siège est [Adresse 31] (Allemagne), 2°/ à M. [K] [H], domicilié [Adresse 30] (Allemagne), pris en qualité de mandataire liquidateur de la société International Corporate Investors GmbH (ICI), anciennement dénommée Erlensee 2 VV GmbH, 3°/ à la société Erlensee 2 VV GmbH, dont le siège est [Adresse 32] (Allemagne), 4°/ à la société Prevent Dev GmbH, société de droit allemand, dont le siège est [Adresse 33] (Allemagne), 5°/ à la société Prevent TWB GmbH & Co.Kg, société de droit allemand, dont le siège est [Adresse 34] (Allemagne), défendeurs à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Ducloz, conseiller, et de Mme Comte, conseiller référendaire, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de MM. [V], [Y], [D], [E], [Z], [F], [A], [M], [B], [IA] [X], [PE] [X], [C], [I], [OO], [VD], [HP], [OE], [VN], [IF], [HF], [HK], [IP], [AV], [IK], [CL], [GV], [UN] et [WT] et de Mmes [U] et [VY], de la SCP Alain Bénabent, avocat des sociétés Prevent Dev GmbH et Prevent TWB GmbH & Co.Kg, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Volkswagen Aktiengesellschaft, et l'avis de M. Debacq, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 janvier 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Ducloz, conseiller corapporteur, Mme Comte, conseiller référendaire corapporteur, Mme Darbois, conseiller doyen, Mmes Poillot-Peruzzetto, Champalaune, Michel-Amsellem, M. Calloch, conseillers, Mmes Bessaud, Bellino, M. Regis, conseillers référendaires, M. Debacq, avocat général, et Mme Labat, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 février 2021), la société Rioglass France, devenue la société Prevent Glass, était détenue par la société de droit allemand Prevent Dev GmbH (la société Prevent Dev). Elle avait une activité de production de verre automobile et avait notamment comme client la société Volkswagen Aktiengesellschaft (la société Volkswagen). 2. Le 18 octobre 2011, la société Prevent Dev a cédé la totalité des actions qu'elle détenait dans le capital social de la société Prevent Glass à la société de droit allemand Erlensee 2 VV GmbH (la société Erlensee), devenue la société International Corporate Investitors GmbH. La société Prevent TWB GmbH & Co. KG (la société Prevent TWB), filiale de la société Prevent Dev, était partie à l'acte de cession. 3. La société Prevent Glass a été mise en redressement puis liquidation judiciaires les 21 novembre 2011 et 9 mai 2012, la date de cessation des paiements ayant été fixée au 31 juillet 2011. 4. Le 30 mai 2012, le mandataire liquidateur a licencié l'ensemble des salariés de la société Prevent Glass. 5. M. [V] et vingt-neuf autres salariés de la société Prevent Glass (les salariés) ont saisi la juridiction prud'homale aux fins de voir dire leur licenciement sans cause réelle et sérieuse. 6. Ces mêmes salariés ont assigné les sociétés Prevent Dev, Prevent TWB, Volkswagen et Erlensee en paiement, in solidum, de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la perte de leur emploi. 7. La société Volkswagen a interjeté appel du jugement ayant accueilli ces demandes et les sociétés Prevent Dev et Prevent TWB ont formé appel incident. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en sa première branche, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de rejeter la demande des salariés de condamnation in solidum des sociétés Prevent Dev, Prevent TWB et Volkswagen à leur payer diverses sommes à titre de dommages et intérêts, et sur le deuxième moyen, ci-après annexés 8. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de rejeter la demande des salariés de condamnation in solidum des sociétés Prevent Dev, Prevent TWB et Volkswagen à leur payer diverses sommes à titre de dommages et intérêts Enoncé du moyen 9. Les salariés font grief à l'arrêt de rejeter leur demande de condamnation in solidum des sociétés Prevent Dev, Prevent TWB et Volkswagen à leur payer diverses sommes à titre de dommages et intérêts, alors : « 2°/ que constitue une faute le fait, pour une société mère, de céder à un repreneur une filiale en état de cessation des paiements sans s'assurer préalablement que le plan de reprise présenté par ce repreneur comprend des mesures appropriées au regard de la situation économique et financière de cette filiale et de nature à soustraire la filiale à cet état de cessation des paiements pour éviter, au moins à court terme, l'ouverture d'une procédure collective ; qu'en se bornant à constater que le repreneur était en mesure de financer les investissements nécessaires au développement de nouveaux outils industriels grâce à des ressources qu'il avait présentées comme provenant de fonds de petites et moyennes entreprises industrielles allemandes et que la stratégie de ce repreneur consistait à obtenir de la société Volkswagen une augmentation des prix de l'ordre de 30 % et un complément de financement immédiat sans rechercher ainsi qu'elle y était invitée, si la faute de la société Prevent Dev ne résultait pas de ce que cette dernière ne s'était pas assurée de l'existence d'un plan de redressement comprenant des mesures adaptées à l'état de cessation des paiements permettant d'éviter l'ouverture de la procédure collective qui s'est finalement réalisée à peine un mois et trois jours après la cession, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ; 3°/ que constitue une faute le fait, pour une société mère, de céder une filiale en état de cessation des paiements sans procéder à une vérification de la viabilité du projet présenté par le repreneur ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que la stratégie du repreneur reposait sur l'obtention d'un accord avec la société Volkswagen sur une augmentation des prix de l'ordre de 30 % et qu'un mois et trois jours après la cession, une procédure collective était ouverte à l'encontre de la société Prevent Glass car le repreneur n'était pas parvenu à obtenir cet accord ; qu'en l'état de ces constatations, et alors que les salariés rappelaient qu'une telle augmentation des prix, qui n'avait jamais pu être obtenue dans le passé, était proprement irréaliste, en écartant tout manquement des sociétés cédantes à leur obligation de vérifier la viabilité du plan sans rechercher, comme elle y était invitée, si ces sociétés avaient pu obtenir des garanties ou s'étaient à tout le moins assurées des moyens dont disposait le repreneur pour parvenir à un tel accord, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. » Réponse de la Cour 10. Il ne résulte d'aucun texte ni d'aucun principe qu'une société mère a, lorsqu'elle cède les parts qu'elle détient dans le capital social d'une filiale en état de cessation des paiements, l'obligation de s'assurer, avant la cession, que le cessionnaire dispose d'un projet de reprise garantissant la viabilité économique et financière de cette filiale. 11. Le moyen, qui postule le contraire, n'est donc pas fondé. Mais sur le troisième moyen, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile Enoncé du moyen 12. Les salariés font grief à l'arrêt d'infirmer le jugement en ce qu'il condamnait la société Erlensee à leur payer diverses sommes à titre de dommages et intérêts, alors « que si un codébiteur in solidum néglige de relever appel du jugement l'ayant condamné en première instance ou de se joindre au recours recevable formé par son consort, ce jugement a force de chose jugée contre lui, même s'il est réformé sur l'appel du codébiteur ; qu'après avoir constaté que la société Erlensee n'avait pas interjeté appel du jugement et ne s'était pas jointe au recours formé par la société Volkswagen, la cour d'appel infirme le jugement et rejette, sans distinction, l'ensemble des demandes présentées par les salariés ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'il résultait de ses propres constatations que le jugement du tribunal de grande instance de Fontainebleau avait acquis autorité de chose jugée à l'égard de la société Erlensee, la cour d'appel a violé les articles 1355 du code civil, 480 et 562 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 1355 du code civil et les articles 480, alinéa 1er, et 562 du code de procédure civile : 13. Selon le premier de ces textes, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Aux termes du deuxième, le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal, ou celui qui statue sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident a, dès son prononcé, l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche. Selon le troisième, l'appel ne défère à la cour que la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément ou implicitement et de ceux qui en dépendent. 14. Il en résulte que si un codébiteur solidaire néglige de former appel du jugement l'ayant condamné en première instance ou de se joindre au recours recevable formé par l'autre codébiteur, ce jugement a force de chose jugée à son égard s'il est réformé sur l'appel du second. 15. L'arrêt, infirmant le jugement ayant condamné in solidum les sociétés Erlensee, Prevent Dev, Prevent TWB et Volkswagen à payer certaines sommes à titre de dommages et intérêts aux salariés, rejette l'ensemble des demandes formées par ceux-ci. 16. En statuant ainsi, alors que seules les sociétés Volkswagen, Prevent Dev et Prevent TWB avaient formé appel et que la société Erlensee ne s'était pas jointe à l'instance, ce dont il résulte que le jugement était devenu irrévocable dans les rapports entre celle-ci et les salariés, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 17. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 18. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond concernant la responsabilité de la société Erlensee des préjudices causés aux anciens salariés de la société Prevent Glass, du fait de la cession d'actions intervenue le 18 octobre 2011, et sa condamnation à les indemniser. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la demande de mise hors de cause de la société Volkswagen AG sur le premier moyen et sur le premier moyen, en tant qu'il est dirigé contre la société Erlensee 2 VV GmbH, la Cour : CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement, mais seulement en ce qu'il infirme le jugement ayant déclaré la société Erlensee 2 VV GmbH responsable des préjudices causés aux anciens salariés de la société Prevent Glass, du fait de la cession d'actions intervenue le 18 octobre 2011 et ayant condamné la société Erlensee 2 VV GmbH à payer à M. [G] [V] la somme de 132 527,96 euros, à M. [P] [Y] la somme de 180 677,12 euros, à M. [UT] [D] la somme de 125 747,32 euros, à M. [BR] [E] la somme de 110 112,60 euros, à M. [W] [Z] la somme de 120 433,68 euros, à M. [R] [F] la somme de 106 694,49 euros, à M. [J] [A] la somme de 148 982,60 euros, à M. [T] [M] la somme de 105 091,96 euros, à Mme [HA] [U] la somme de 77 609,55 euros, à M. [N] [B] la somme de 93 369,24 euros, à M. [IA] [X] la somme de 109 205,61 euros, à M. [PE] [X] la somme de 39 036,69 euros, à M. [BL] [C] la somme de 110 029,98 euros, à M. [UN] [I] la somme de 138 637,12 euros, à M. [O] [OO] la somme de 134 068,60 euros, à M. [NZ] [VD] la somme de 89 235,93 euros, à M. [L] [HP] la somme de 88 524,78 euros, à M. [VI] [OE] la somme de 134 499,64 euros, M. [OJ] [VN] la somme de 114 917,52 euros, à Mme [OZ] [VY] la somme de 93 926,88 euros, à M. [S] [IF] la somme de 111 021,63 euros, à M. [JA] [HF] la somme de 94 411,68 euros, à M. [VT] [HK] la somme de 104 889,72 euros, à M. [BL] [IP] la somme de 47 997,85 euros, à M. [UY] [AV] la somme de 112 444,92 euros, à M. [HV] [IK] la somme de 129 212,84 euros, à M. [UN] [CL] la somme de 123 316,76 euros, à M. [WD] [GV] la somme de 113 783,48 euros, à M. [NO] [UN] la somme de 99 033,54 euros, à M. [NU] [WT], la somme de 94 430,25 euros, ainsi qu'à chacun de ceux-ci la somme de 150 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens, l'arrêt rendu le 4 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Dit n'y avoir lieu à renvoi ; Condamne MM. [V], [Y], [D], [E], [Z], [F], [A], [M], Mme [U], MM. [B], [IA] [X], [PE] [X], [C], [I], [OO], [VD], [HP], [OE], [VN], [IF], Mme [VY], MM. [HF], [HK], [IP], [AV], [IK], [CL], [GV], [UN] et [WT] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par MM. [V], [Y], [D], [E], [Z], [F], [A], [M], Mme [U], MM. [B], [IA] [X], [PE] [X], [C], [I], [OO], [VD], [HP], [OE], [VN], [IF], Mme [VY], MM. [HF], [HK], [IP], [AV], [IK], [CL], [GV], [UN] et [WT], et les condamne à payer aux sociétés Prevent Dev GmbH et Prevent TWB GmbH & Co. KG la somme globale de 1 500 euros, et à la société Volkswagen Aktiengesellschaft la somme globale de 1 500 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du premier mars deux mille vingt-trois. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat aux Conseils, pour MM. [V], [Y], [D], [E], [Z], [F], [A], [M], Mme [U], MM. [B], [IA] [X], [PE] [X], [C], [I], [OO], [VD], [HP], [OE], [VN], [IF], Mme [VY], MM. [HF], [HK], [IP], [AV], [IK], [CL], [GV], [UN] et [WT]. PREMIER MOYEN DE CASSATION Les salariés font grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir rejeté leurs demandes tendant à la condamnation in solidum des sociétés Prevent Dev GmbH, Prevent TWB GmbH & CO.KG, Volkswagen AG et Erlensee 2 VV GmbH à leur payer diverses sommes à titre de dommages et intérêts ; 1) Alors que, pour écarter la fraude alléguée par les salariés, consistant pour les sociétés Prevent Dev et Prevent TWB à externaliser la charge des licenciements économiques en cédant, au prix d'un euro symbolique, la société Prevent Glass, qui employait près de 2000 salariés, à une société en formation au capital de 25 000 euros seulement, sans présentation par ce repreneur d'un plan d'affaires et moins encore d'un plan de redressement alors que la société Prevent Glass se trouvait en état de cessation des paiements, avec pour seule stratégie de reprise d'obtenir de la société Volkswagen AG une augmentation des prix de 30 % qui n'avait jamais été obtenue jusque-là, la cour d'appel relève que ce repreneur était en mesure de financer les investissements nécessaires au développement de nouveaux outils industriels grâce à des ressources qu'il avait présentées comme provenant de fonds de PME industrielles allemandes, que sa stratégie consistait obtenir de la société Volkswagen AG une augmentation des prix de l'ordre de 30 % et un complément de financement immédiat, qu'aucune faute ne pouvait être imputée à la société Prevent Dev à raison de l'absence de mise en oeuvre des mesures présentées par le repreneur, qu'aucune faute ne pouvait également être retenue à raison de l'état de cessation des paiements dans lequel se trouvait la société Prevent Glass lors de la cession dès lors qu'il n'a jamais été dissimulé que cette société ne générait pas de profits, que les salariés n'apportent pas la preuve que la société Prevent Dev savait que le cessionnaire ne mettrait pas en oeuvre la stratégie présentée lors de la cession, que le prix de cession d'un euro symbolique n'est pas en mesure d'établir une telle fraude et que la société Prevent Dev avait toujours soutenu financièrement sa filiale dans sa période d'appartenance au groupe ; qu'en se prononçant par de tels motifs sans rechercher, ainsi qu'il lui était demandé (conclusions d'appel des salariés, p. 14 et 15, et 32 et suivantes), s'il ne résultait pas de la dissimulation aux tiers, et précisément aux salariés, par les sociétés cédantes et cessionnaire, de l'état de cessation des paiements dans lequel se trouvait la société Prevent Glass et de la circonstance que la cession avait été ainsi acceptée sans présentation d'un plan d'affaires tenant compte de cette situation ni même réalisation par le repreneur d'un audit préalable de la société Prevent Glass, que la société Prevent Dev avait ainsi en toute connaissance de cause, sous couvert d'un plan de cession fictif, cédé sa filiale dans le seul but d'échapper aux obligations légales qu'il lui aurait incombées en cas de licenciements collectifs, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ; 2) Alors que constitue une faute le fait, pour une société mère, de céder à un repreneur une filiale en état de cessation des paiements sans s'assurer préalablement que le plan de reprise présenté par ce repreneur comprend des mesures appropriées au regard de la situation économique et financière de cette filiale et de nature à soustraire la filiale à cet état de cessation des paiements pour éviter, au moins à court terme, l'ouverture d'une procédure collective ; qu'en se bornant à constater que le repreneur était en mesure de financer les investissements nécessaires au développement de nouveaux outils industriels grâce à des ressources qu'il avait présentées comme provenant de fonds de PME industrielles allemandes et que la stratégie de ce repreneur consistait à obtenir de la société Volkswagen AG une augmentation des prix de l'ordre de 30 % et un complément de financement immédiat sans rechercher ainsi qu'elle y était invitée (conclusions d'appel des salariés, p. 32 et 33), si la faute de la société Prevent Dev ne résultait pas de ce que cette dernière ne s'était pas assurée de l'existence d'un plan de redressement comprenant des mesures adaptées à l'état de cessation des paiements permettant d'éviter l'ouverture de la procédure collective qui s'est finalement réalisée à peine un mois et trois jours après la cession, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ; 3) Alors que constitue une faute le fait, pour une société mère, de céder une filiale en état de cessation des paiements sans procéder à une vérification de la viabilité du projet présenté par le repreneur ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que la stratégie du repreneur reposait sur l'obtention d'un accord avec la société Volkswagen AG sur une augmentation des prix de l'ordre de 30 % et qu'un mois et trois jours après la cession, une procédure collective était ouverte à l'encontre de la société Prevent Glass car le repreneur n'était pas parvenu à obtenir cet accord ; qu'en l'état de ces constatations, et alors que les salariés rappelaient qu'une telle augmentation des prix, qui n'avait jamais pu être obtenue dans le passé, était proprement irréaliste, en écartant tout manquement des sociétés cédantes à leur obligation de vérifier la viabilité du plan sans rechercher comme elle y était invitée (conclusions d'appel des salariés, p. 13 et 37) si ces sociétés avaient pu obtenir des garanties ou s'étaient à tout le moins assurées des moyens dont disposait le repreneur pour parvenir à un tel accord, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION Les salariés font grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir rejeté leurs demandes tendant à la condamnation de la société Volkswagen AG à leur payer diverses sommes à titre de dommages et intérêts ; Alors que si l'interdiction faite à tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels, ne fait pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations, c'est à la condition que cette inexécution revête une certaine gravité qu'il appartient aux juges du fond de constater ; qu'en se bornant à retenir que l'article 9.2 de l'accord prévoyait une faculté de résiliation en cas de non-respect des livraisons par Prevent Glass en termes de délais, de qualité et de quantités et que la société Volkswagen AG avait communiqué un message électronique du 2 avril 2012 et une lettre officielle du 24 avril 2012 qui établissaient que la rupture des relations commerciales avait été motivée par l'arrêt des livraisons par la société Prevent Glass à raison de la grève déclenchée par ses salariés suite à l'annonce du retrait de l'offre de reprise par la société Fuyao sans préciser en quoi cet arrêt des livraisons était de nature à caractériser un manquement suffisamment grave justifiant la rupture sans préavis de la relation commerciale, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et L. 442-6 I 5° du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-874 du 27 juillet 2010. TROISIEME MOYEN DE CASSATION Les salariés font grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé le jugement en ce qu'il avait condamné la société Erlensee 2 VV GmbH à leur payer diverses sommes à titre de dommages et intérêts ; Alors que si un codébiteur in solidum néglige de relever appel du jugement l'ayant condamné en première instance ou de se joindre au recours recevable formé par son consort, ce jugement a force de chose jugée contre lui, même s'il est réformé sur l'appel du codébiteur ; qu'après avoir constaté que la société Erlensee 2 VV GmbH n'avait pas interjeté appel du jugement et ne s'était pas jointe au recours formé par la société Volkswagen Aktiengesellschaft, la cour d'appel infirme le jugement et rejette, sans distinction, l'ensemble des demandes présentées par les salariés ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'il résultait de ses propres constatations que le jugement du tribunal de grande instance de Fontainebleau avait acquis autorité de chose jugée à l'égard de la société Erlensee 2 VV GmbH, la cour d'appel a violé les articles 1355 du code civil, 480 et 562 du code de procédure civile.
Il ne résulte d'aucun texte ni d'aucun principe qu'une société mère a, lorsqu'elle cède les parts qu'elle détient dans le capital social d'une filiale en état de cessation des paiements, l'obligation de s'assurer, avant la cession, que le cessionnaire dispose d'un projet de reprise garantissant la viabilité économique et financière de cette filiale
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SOC. OR COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 1er mars 2023 Cassation partielle Mme CAPITAINE, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 196 F-B Pourvoi n° A 21-19.956 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 1ER MARS 2023 M. [Y] [V], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° A 21-19.956 contre l'arrêt rendu le 12 novembre 2020 par la cour d'appel de Rouen (chambre sociale et des affaires de sécurité sociale), dans le litige l'opposant à la société [C], société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Chiron, conseiller référendaire, les observations de Me Balat, avocat de M. [V], de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société [C], après débats en l'audience publique du 10 janvier 2023 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Chiron, conseiller référendaire rapporteur, M. Pion, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 12 novembre 2020), M. [V] a été engagé le 3 mars 1997 par la société [C] (la société). 2. Par un avis du 11 décembre 2015, le médecin du travail l'a déclaré « inapte à tous les postes », avec danger immédiat. 3. Il a été licencié le 12 juillet 2016 pour inaptitude et impossibilité de reclassement. 4. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale en contestation de ce licenciement et a demandé diverses sommes à titre de rappels de salaire et indemnités. Sur les deuxième et troisième moyens, ci-après annexés 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le premier moyen Enoncé du moyen 6. Le salarié fait grief à l'arrêt de limiter à 3 159,44 euros nets la somme qui lui a été allouée à titre de rappel de salaire pour la période du 11 janvier au 30 avril 2016 et de le débouter du surplus de sa demande dirigée contre la société s'élevant à la somme de 7 305,87 euros, outre les congés payés afférents, alors « que l'employeur est tenu de verser au salarié déclaré inapte et qui n'est pas reclassé dans l'entreprise à l'issue du délai d'un mois à compter de la date de l'examen de reprise du travail ou qui n'est pas licencié, le salaire correspondant à l'emploi qu'il occupait avant la suspension de son contrat de travail, sans qu'aucune déduction ne puisse être opérée sur la somme fixée forfaitairement que l'employeur doit verser au salarié ; qu'en affirmant qu'il convenait de déduire les indemnités journalières des sommes dues à M. [V] sur le fondement des dispositions de l'article L. 1226-4 du code du travail, ''sauf à permettre définitivement au salarié de percevoir une rémunération plus importante que celle qu'il aurait perçue s'il avait travaillé'', la cour d'appel a violé ce texte. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 1226-4 du code du travail : 7. Aux termes de ce texte, lorsque, à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte n'est pas reclassé dans l'entreprise ou s'il n'est pas licencié, l'employeur lui verse, dès l'expiration de ce délai, le salaire correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail. Ces dispositions s'appliquent également en cas d'inaptitude à tout emploi dans l'entreprise constatée par le médecin du travail. 8. Il en résulte qu'en l'absence d'une disposition expresse en ce sens, aucune réduction ne peut être opérée sur la somme, fixée forfaitairement au montant du salaire antérieur à la suspension du contrat, que l'employeur doit verser au salarié. 9. Pour limiter la condamnation de l'employeur à la somme de 3 159,44 euros nets, outre 315,94 euros de congés payés afférents, l'arrêt retient que si la question de la conservation des avantages reçus au titre des prestations versées par une institution de prévoyance en raison de l'état de santé du salarié relève des seuls rapports entre ces derniers, les indemnités journalières versées par la sécurité sociale ne peuvent suivre le même régime dès lors que les sommes dues par l'employeur ont la nature de salaire et non de dommages-intérêts. Il ajoute qu'il résulte des articles R. 323-11 et R. 433-12 du code de la sécurité sociale que la caisse primaire d'assurance maladie n'est pas fondée à suspendre le service de l'indemnité journalière lorsque l'employeur maintient à l'assuré, en cas de maladie ou d'accident du travail, tout ou partie de son salaire ou des avantages en nature, soit en vertu d'un contrat individuel ou collectif de travail, soit en vertu des usages, soit de sa propre initiative, seul l'employeur étant subrogé de plein droit à l'assuré. Il en conclut qu'il convient de déduire les indemnités journalières des sommes dues à M. [V], sauf à permettre définitivement au salarié de percevoir une rémunération plus importante que celle qu'il aurait perçue s'il avait travaillé. 10. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Portée et conséquence de la cassation 11. La cassation des chefs de dispositif condamnant l'employeur à payer à au salarié les sommes de 3 159,44 euros nets à titre de rappel de salaire pour la période du 11 janvier au 30 avril 2016 et 315,94 euros nets de congés payés afférents n'emporte pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt le condamnant aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il limite la condamnation de la société [C] à payer à M. [V] les sommes de 3 159,44 euros nets à titre de rappel de salaire pour la période du 11 janvier au 30 avril 2016 et 315,94 euros nets de congés payés afférents et déboute M. [C] du surplus de sa demande de rappel de salaires et congés payés afférents sur cette période, l'arrêt rendu le 12 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Caen ; Condamne la société [C] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société [C] et la condamne à payer à M. [V] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du premier mars deux mille vingt-trois. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par Me Balat, avocat aux Conseils, pour M. [V] PREMIER MOYEN DE CASSATION M. [V] reproche à l'arrêt attaqué d'avoir limité à 3 159,44 euros nets la somme qui lui a été allouée à titre de rappel de salaire pour la période du 11 janvier au 30 avril 2016 et de l'avoir débouté sur surplus de sa demande dirigée contre la société [C] s'élevant à la somme de 7 305,87 euros, outre les congés payés afférents ; ALORS QUE l'employeur est tenu de verser au salarié déclaré inapte et qui n'est pas reclassé dans l'entreprise à l'issue du délai d'un mois à compter de la date de l'examen de reprise du travail ou qui n'est pas licencié, le salaire correspondant à l'emploi qu'il occupait avant la suspension de son contrat de travail, sans qu'aucune déduction ne puisse être opérée sur la somme fixée forfaitairement que l'employeur doit verser au salarié ; qu'en affirmant qu'il convenait de déduire les indemnités journalières des sommes dues à M. [V] sur le fondement des dispositions de l'article L. 1226-4 du code du travail, « sauf à permettre définitivement au salarié de percevoir une rémunération plus importante que celle qu'il aurait perçue s'il avait travaillé » (arrêt attaqué, p. 7, alinéa 2), la cour d'appel a violé ce texte. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION M. [V] reproche à l'arrêt attaqué de l'avoir débouté de sa demande de dommages et intérêts pour violation du respect de la vie privée ; ALORS QUE la seule constatation de l'atteinte à la vie privée ouvre droit à réparation ; qu'en constatant que le système de surveillance mis en place par l'employeur aurait dû faire l'objet d'une déclaration auprès de la Commission nationale de l'informatique et des libertés et que la société [C] avait ainsi manqué à ses obligations (arrêt attaqué, p. 8, alinéa 3), caractérisant ainsi l'existence d'une violation du droit des salariés au respect de leur vie privée, puis en considérant que M. [V] ne pouvait toutefois revendiquer à ce titre aucune indemnisation, faute de justifier d'un préjudice en lien avec l'installation du système de surveillance litigieux (arrêt attaqué, p. 8, alinéa 4), cependant que la seule constatation de l'atteinte à sa vie privée ouvrait droit à réparation au profit de M. [V], la cour d'appel a violé l'article 9 du code civil et l'article L. 1121-1 du code du travail. TROISIEME MOYEN DE CASSATION M. [V] reproche à l'arrêt attaqué de l'avoir débouté de sa demande de dommages et intérêts au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; ALORS QUE l'avis du médecin du travail déclarant un salarié inapte à tout emploi dans l'entreprise ne dispense pas l'employeur de rechercher des possibilités de reclassement par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail au sein de l'entreprise et, le cas échéant, du groupe auquel elle appartient ; qu'en considérant que la société [C] avait satisfait à son obligation de reclassement de M. [V], salarié déclaré inapte à tous les postes dans l'entreprise, tout en constatant que l'employeur, se retranchant derrière l'inertie du médecin du travail, n'avait pas recherché la possibilité de reclasser M. [V] par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail au sein de l'entreprise (arrêt attaqué, p. 10,, alinéa 6), la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article L. 1226-2 du code du travail.
En application de l'article L.1226-4 du code du travail, l'employeur est tenu de verser au salarié victime d'une maladie ou d'un accident non professionnel, qui n'est pas reclassé dans l'entreprise à l'issue du délai d'un mois à compter de la date de l'examen de reprise du travail ou qui n'est pas licencié, le salaire correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail. Ces dispositions s'appliquent également en cas d'inaptitude à tout emploi dans l'entreprise constatée par le médecin du travail. Il en résulte qu'en l'absence d'une disposition expresse en ce sens, aucune réduction ne peut être opérée sur la somme, fixée forfaitairement au montant du salaire antérieur à la suspension du contrat, que l'employeur doit verser au salarié. Doit dès lors être cassé l'arrêt qui déduit de cette somme les indemnités journalières perçues par le salarié pendant cette période
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SOC. BD4 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 1er mars 2023 Cassation partielle M. SOMMER, président Arrêt n° 199 F-B Pourvoi n° B 21-12.068 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 1ER MARS 2023 M. [D] [P], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° B 21-12.068 contre l'arrêt rendu le 22 octobre 2020 par la cour d'appel de Rouen (chambre sociale et des affaires de sécurité sociale), dans le litige l'opposant à la société Tokheim services France, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Cavrois, conseiller, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [P], de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Tokheim services France, après débats en l'audience publique du 11 janvier 2023 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Cavrois, conseiller rapporteur, Mme Monge, conseiller doyen, et Mme Piquot, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 22 octobre 2020), M. [P] a été engagé en qualité d'électromécanicien par la société Sogen le 22 novembre 1976. 2. La société Sogen a été absorbée par voie de fusion par la société Sofitam International, nouvellement dénommée Tokheim Sofitam applications, puis Tokheim services France le 1er août 1999 et le contrat de travail de M. [P], devenu technicien de maintenance, a été transféré. 3. Le 31 juillet 2012, M. [P] a saisi la juridiction prud'homale en paiement de rappels de salaires et d'indemnités. 4. Le contrat de travail a pris fin le 31 janvier 2017, le salarié ayant fait valoir ses droits à la retraite. Examen des moyens Sur le quatrième moyen, ci-après annexé 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le premier moyen Enoncé du moyen 6. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes au titre des heures supplémentaires, des congés payés afférents au repos compensateur, de limiter à une certaine somme la condamnation de l'employeur à lui payer des dommages-intérêts pour absence de contrepartie obligatoire en repos et de le débouter de sa demande au titre de l'indemnité pour travail dissimulé, alors « que la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ; que pour débouter le salarié de ses demandes au titre des heures supplémentaires, l'arrêt retient que le planning prévisionnel des opérations était organisé entre le salarié et son responsable 3 à 4 semaines à l'avance et que pour les opérations de maintenance curatives, le salarié était informé par téléphone pour vérifier sa disponibilité avant confirmation de la mission par le bon de travail de sorte qu'il ne se trouvait pas à la disposition permanente de l'employeur préalablement à son départ comme bénéficiant d'une certaine autonomie dans l'organisation de son travail ; qu'en statuant par ces motifs impropres à exclure l'accomplissement par le salarié d'un travail effectif depuis le départ de son domicile, après avoir de surcroît constaté que les déplacements faisaient partie intégrante de ses fonctions afin de se rendre sur les lieux sur lesquels il devait faire ses opérations de maintenance avec un véhicule de service, et qu'il pouvait en outre être amené à transporter des pièces détachées chez le client, ce qui est inhérent à la nature de son activité, la cour d'appel a violé l'article L. 3121-1 du code du travail. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 3121-1 et L. 3121-4 du code du travail, ce dernier dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, interprétés à la lumière de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail : 7. Aux termes du premier de ces textes, la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles. 8. Aux termes du second, le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est pas un temps de travail effectif. Toutefois, s'il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l'objet d'une contrepartie soit sous forme de repos, soit financière. Cette contrepartie est déterminée par convention ou accord collectif de travail ou, à défaut, par décision unilatérale de l'employeur prise après consultation du comité d'entreprise ou des délégués du personnel, s'il en existe. La part de ce temps de déplacement professionnel coïncidant avec l'horaire de travail n'entraîne aucune perte de salaire. 9. Il résulte de ces textes que lorsque les temps de déplacements accomplis par un salarié itinérant entre son domicile et les sites des premier et dernier clients répondent à la définition du temps de travail effectif telle qu'elle est fixée par l'article L. 3121-1 du code du travail, ces temps ne relèvent pas du champ d'application de l'article L. 3121-4 du même code. 10. Pour dire que ne constitue pas un temps de travail effectif, le temps de déplacement professionnel et débouter le salarié de sa demande en paiement d'heures supplémentaires, l'arrêt relève qu'il n'est pas discuté que le salarié travaillait exclusivement pour les dépôts sur un secteur couvrant la partie Nord de la France et que, depuis début 2015, son activité s'était portée sur les petits dépannages en région Normandie, que dans le cadre de son activité, il était amené à transporter dans son véhicule des pièces détachées commandées par les clients. 11. Il ajoute qu'il n'est pas soutenu que les temps de trajet quotidien décomptés par le salarié sont des temps effectués entre deux lieux de travail, de sorte que sans élément complémentaire, l'ensemble des temps de trajet décomptés doit être considéré comme du temps entre le domicile et le premier lieu de travail ou du dernier lieu de travail et le domicile. 12. Il observe qu'il n'est pas discuté que les déplacements faisaient partie intégrante des fonctions du salarié en qualité de technicien de maintenance afin de se rendre sur les lieux sur lesquels il devait faire ses opérations de maintenance avec un véhicule de service, qu'il n'est pas démenti par lui que le planning prévisionnel des opérations de maintenance préventives ou de vérifications périodiques, soit 90 % de son activité était organisé entre lui-même et son responsable trois à quatre semaines à l'avance afin de se mettre d'accord sur les dates et confirmer les rendez-vous avec les clients, planning ensuite confirmé par le bon de travail, tandis que pour les opérations de maintenance curatives, le salarié était informé par téléphone pour vérifier sa disponibilité avant confirmation de la mission par le bon de travail, de sorte que le salarié, même s'il pouvait être amené à transporter des pièces détachées chez le client, ce qui est inhérent à la nature de son activité, ne se trouvait pas à la disposition permanente de l'employeur préalablement à son départ comme bénéficiant d'une certaine autonomie dans l'organisation de son travail. 13. En se déterminant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le salarié était soumis à un planning prévisionnel pour les opérations de maintenance et que, pour effectuer ces opérations, il utilisait un véhicule de service et était amené à transporter des pièces détachées commandées par les clients, la cour d'appel, qui a statué par des motifs insuffisants à établir que, pendant les temps de déplacement, le salarié ne se tenait pas à la disposition de l'employeur, qu'il ne se conformait pas à ses directives et qu'il pouvait vaquer à des occupations personnelles, n'a pas donné de base légale à sa décision. Sur le deuxième moyen Enoncé du moyen 14. Le salarié fait grief à l'arrêt de limiter la condamnation de l'employeur à titre de dommages-intérêts pour absence de contrepartie obligatoire en repos, alors « que la privation de repos compensateur ouvre droit à l'indemnisation du préjudice subi, laquelle comporte à la fois le montant de l'indemnité calculée comme si le salarié avait pris son repos et le montant des congés payés afférents ; que pour limiter à la somme de 5 096,99 euros les dommages-intérêts alloués au titre de la privation de repos, sans tenir compte de l'indemnité de congés payés afférente au repos, l'arrêt retient que le salarié est éligible à des dommages et intérêts pour les droits éludés au titre de la contrepartie obligatoire en repos, lesquels ne donnent pas lieu à congés payés ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles L. 3121-26 abrogé par la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 et L. 3121-11 alinéa 3 du code du travail dans sa rédaction issue de cette même loi. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 3121-11 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 et les articles D. 3121-9, devenu D. 3121-19 et D. 3121-14, alinéa 1er, devenu D. 3121-23, alinéa 1er, du même code : 15. Il résulte du premier de ces textes que toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent annuel d'heures supplémentaires donne droit à une contrepartie obligatoire en repos. 16. Selon le deuxième de ces textes, la contrepartie obligatoire en repos est assimilée à une période de travail effectif pour le calcul des droits du salarié. Elle donne lieu à une indemnisation qui n'entraîne aucune diminution de rémunération par rapport à celle que le salarié aurait perçue s'il avait accompli son travail. 17. Suivant le troisième de ces textes, le salarié dont le contrat de travail prend fin avant qu'il ait pu bénéficier de la contrepartie obligatoire en repos à laquelle il a droit ou avant qu'il ait acquis des droits suffisants pour pouvoir prendre ce repos, reçoit une indemnité en espèces dont le montant correspond à ses droits acquis. 18. Pour débouter le salarié de sa demande d'une certaine somme au titre des congés payés afférents à l'indemnité de ''repos compensateur'', l'arrêt retient que les dommages-intérêts, pour les droits éludés au titre de la contrepartie obligatoire en repos, ne donnent pas lieu à congés payés. 19. En statuant ainsi, alors que le salarié, qui n'a pas été en mesure, du fait de son employeur, de formuler une demande de repos compensateur, a droit à l'indemnisation du préjudice subi et que cette indemnisation comporte à la fois le montant de l'indemnité calculée comme si le salarié avait pris son repos et le montant des congés payés afférents, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Et sur le troisième moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 20. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, alors « que pour débouter le salarié de sa demande d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, la cour d'appel a retenu que celui-ci avait été réglé de l'intégralité des heures supplémentaires accomplies ; que la cassation à intervenir sur le premier moyen, relatif aux heures supplémentaires restant dues, emportera la cassation par voie de conséquence du présent chef du dispositif en application des dispositions de l'article 624 du code de procédure civile. » Réponse de la cour Vu l'article 624 du code de procédure civile : 21. La cassation prononcée sur le premier moyen entraîne la cassation, par voie de conséquence, du chef de dispositif se rapportant à l'indemnité pour travail dissimulé, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes en paiement d'heures supplémentaires et de congés payés afférents, des congés payés afférents au repos compensateur, de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé et en ce qu'il limite à la somme de 5 096,99 euros la condamnation de la société Tokheim services France au profit de M. [P] au titre de l'absence de contrepartie obligatoire en repos, l'arrêt rendu le 22 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Caen ; Condamne la société Tokheim services France aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Tokheim services France et la condamne à payer à M. [P] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du premier mars deux mille vingt-trois. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. [P] PREMIER MOYEN DE CASSATION M. [P] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement entrepris en ce qu'il a statué sur les heures supplémentaires, les congés payés afférents et a alloué un rappel de salaires et les congés payés au titre du repos compensateur, de l'AVOIR débouté de ses demandes au titre des heures supplémentaires, des congés payés afférents au repos compensateur, d'avoir limité à 5 096,99 € la somme que la société Tokheim Services France a été condamnée à lui payer à titre de dommages et intérêts pour absence de contrepartie obligatoire en repos et d'AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de sa demande au titre de l'indemnité pour travail dissimulé. ALORS QUE la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ; que pour débouter le salarié de ses demandes au titre des heures supplémentaires, l'arrêt retient que le planning prévisionnel des opérations était organisé entre le salarié et son responsable 3 à 4 semaines à l'avance et que pour les opérations de maintenance curatives, le salarié était informé par téléphone pour vérifier sa disponibilité avant confirmation de la mission par le bon de travail de sorte qu'il ne se trouvait pas à la disposition permanente de l'employeur préalablement à son départ comme bénéficiant d'une certaine autonomie dans l'organisation de son travail ; qu'en statuant par ces motifs impropres à exclure l'accomplissement par le salarié d'un travail effectif depuis le départ de son domicile, après avoir de surcroît constaté que les déplacements faisaient partie intégrante de ses fonctions afin de se rendre sur les lieux sur lesquels il devait faire ses opérations de maintenance avec un véhicule de service, et qu'il pouvait en outre être amené à transporter des pièces détachées chez le client, ce qui est inhérent à la nature de son activité, la cour d'appel a violé l'article L. 3121-1 du code du travail. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION M. [P] fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR infirmé le jugement entrepris en ce qu'il a alloué un rappel de salaire et les congés payés afférents au titre du repos compensateur et d'AVOIR limité à 5 096,99 € la somme que la société Tokheim Services France a été condamnée à lui payer à titre de dommages et intérêts pour absence de contrepartie obligatoire en repos. ALORS QUE la privation de repos compensateur ouvre droit à l'indemnisation du préjudice subi, laquelle comporte à la fois le montant de l'indemnité calculée comme si le salarié avait pris son repos et le montant des congés payés afférents ; que pour limiter à la somme de 5 096,99 euros les dommages-intérêts alloués au titre de la privation de repos, sans tenir compte de l'indemnité de congés payés afférente au repos, l'arrêt retient que le salarié est éligible à des dommages et intérêts pour les droits éludés au titre de la contrepartie obligatoire en repos, lesquels ne donnent pas lieu à congés payés ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles L 3121-26 abrogé par la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 et L. 3121-11 alinéa 3 du code du travail dans sa rédaction issue de cette même loi. TROISIEME MOYEN DE CASSATION M. [P] fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué de l'AVOIR débouté de sa demande d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé. 1° ALORS QUE pour débouter le salarié de sa demande d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, la cour d'appel a retenu que celui-ci avait été réglé de l'intégralité des heures supplémentaires accomplies ; que la cassation à intervenir sur le premier moyen, relatif aux heures supplémentaires restant dues, emportera la cassation par voie de conséquence du présent chef du dispositif en application des dispositions de l'article 624 du code de procédure civile. 2° ALORS QUE le salarié soutenait, et offrait de le démontrer, que son employeur apportait de nombreuses modifications sur ses feuilles d'heures en réduisant le nombre des heures ou en les déplaçant d'une semaine sur une autre ; qu'en retenant, par motifs éventuellement adoptés, que la dissimulation intentionnelle n'était pas démontrée sans rechercher si cette intention ne résultait pas de l'altération par l'employeur des pièces propres à établir les horaires de travail effectués par le salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 8221-5 du code du travail. QUATRIEME MOYEN DE CASSATION M. [P] fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué de l'AVOIR débouté de sa demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait d'une inégalité de traitement. 1° ALORS QUE pour exclure toute inégalité de traitement, l'arrêt retient que le maintien par la société 3S d'un taux de cotisation à 8 % à ses salariés tandis que d'autres salariés, notamment de la société Sogen cotisaient à hauteur de 6 % n'est pas critiquable et ne peut être constitutif d'une inégalité de traitement et que le salarié ne peut prétendre se comparer avec la situation des salariés qui relevaient d'une société liée à son employeur par un contrat de location-gérance ; qu'en statuant ainsi cependant que l'exposant se comparait tout autant à des salariés transférés à la société Tokheim Services France qu'à des salariés ultérieurement embauchés par elle, la cour d'appel a méconnu les termes du litige en violation de l'articles 4 du code de procédure civile. 2° ALORS en tout cas QUE l'exposant se comparait tout autant à des salariés transférés à la société Tokheim Services France dans le cadre d'une location-gérance qu'à des salariés ultérieurement embauchés par elle ; qu'en s'abstenant d'examiner le traitement fait à celui-ci au regard du traitement fait aux salariés recrutés postérieurement hors location-gérance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe à travail égal salaire égal. 3° ALORS QU'il appartient à l'employeur de démontrer que la différence de traitement entre des salariés placés dans la même situation au regard de l'avantage litigieux, repose sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler la réalité et la pertinence ; qu'en retenant que le taux de cotisation de l'exposant a été inférieur mais que « cette différence est justifiée par des éléments objectifs tenant à son statut spécifique sous l'intitulé contrat A », statut dont elle n'a cependant nullement précisé la spécificité au regard de l'avantage litigieux, la cour d'appel qui a statué par un motif impropre à caractériser une différence de situation au regard de l'avantage litigieux a violé l'article le principe à travail égal salaire égal.
Selon les articles L. 3121-1 et L. 3121-4 du code du travail interprétés à la lumière de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, lorsque les temps de déplacements accomplis par un salarié itinérant entre son domicile et les sites des premier et dernier clients répondent à la définition du temps de travail effectif telle qu'elle est fixée par l'article L. 3121-1 du code du travail, ces temps ne relèvent pas du champ d'application de l'article L. 3121-4 du même code. Pour dire que ne constitue pas un temps de travail effectif, le temps de déplacement professionnel, alors qu'ils ont constaté que le salarié était soumis à un planning prévisionnel pour les opérations de maintenance et que, pour effectuer ces opérations, il utilisait un véhicule de service et était amené à transporter des pièces détachées commandées par les clients, les juges du fond doivent vérifier que, pendant les temps de déplacement, le salarié ne se tenait pas à la disposition de l'employeur, qu'il ne se conformait pas à ses directives et qu'il pouvait vaquer à des occupations personnelles
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 2 mars 2023 Rejet M. PIREYRE, président Arrêt n° 197 FS-B Pourvoi n° Y 20-20.065 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 2 MARS 2023 M. [W] [E], domicilié [Adresse 2] (Belgique), a formé le pourvoi n° Y 20-20.065 contre l'ordonnance N°RG 16/00338, rendue le 6 juillet 2020 par le premier président de la cour d'appel de Paris (pôle 2, chambre 6), dans le litige l'opposant à la SCP Courtois-Lebel, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Cardini, conseiller référendaire, les observations écrites de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de M. [E], de la SAS Hannotin Avocats, avocat de la SCP Courtois-Lebel, et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 janvier 2023 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Cardini, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, Mmes Durin-Karsenty, Vendryes, conseillers, Mme Jollec, conseiller référendaire ayant voix délibérative, Mmes Bohnert, Latreille, Bonnet, conseillers référendaires, Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application des articles R. 431-5 et L. 431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'ordonnance attaquée (Paris, 6 juillet 2020), rendue par le premier président d'une cour d'appel, M. [E] a, en septembre 2014, confié la défense de ses intérêts à la SCP Courtois-Lebel (la SCP) dans différents dossiers. 2. Contestant le solde d'honoraire qui lui était réclamé, M. [E] a saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Paris. Recevabilité du pourvoi contestée par la défense 3. La SCP conteste la recevabilité du pourvoi. Elle soutient que la déclaration de pourvoi, aux termes de laquelle M. [E] mentionne être domicilié « [Adresse 3] », est nulle, faute de mentionner, conformément aux dispositions de l'article 975 du code de procédure civile, le domicile personnel du demandeur et que cette irrégularité lui cause un grief. 4. L'absence ou l'inexactitude de la mention relative au domicile du demandeur en cassation exigée par le texte précité constitue un vice de forme susceptible d'entraîner la nullité de la déclaration de pourvoi s'il est justifié que cette irrégularité cause un grief au défendeur, l'élection de domicile au cabinet d'un avocat ne pouvant y suppléer. 5. Aux termes de l'article 115 du code de procédure civile, la nullité est couverte par la régularisation ultérieure de l'acte si aucune forclusion n'est intervenue et si la régularisation ne laisse subsister aucun grief. 6. Selon l'article 2241 du code civil, la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion. Il en est de même lorsqu'elle est portée devant une juridiction incompétente ou lorsque l'acte de saisine de la juridiction est annulé par l'effet d'un vice de procédure. Aux termes de l'article 2242 du même code, l'interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance. 7. La Cour de cassation juge, concernant la procédure d'appel, qu'il résulte des textes précités, d'une part, que les délais de prescription et de forclusion, interrompus par l'effet de l'annulation d'un acte de saisine entaché d'un vice de procédure, recommencent à courir à compter de cette décision d'annulation (2e Civ., 16 octobre 2014, pourvoi n° 13-22.088, publié), d'autre part, que l'acte de saisine de la juridiction, même entaché d'un vice de procédure, interrompt les délais de prescription comme de forclusion (2e Civ., 1er juin 2017, pourvoi n° 16-14.300, publié). 8. Cette interprétation, relative à l'acte de saisine de la cour d'appel, doit être transposée, en ce qui concerne la Cour de cassation, à la déclaration de pourvoi. 9. Il en résulte que la déclaration de pourvoi, même entachée d'un vice de forme, interrompt les délais de prescription comme de forclusion et que l'interruption produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance. 10. L'irrégularité peut être régularisée pendant toute la durée de l'instance de cassation par le dépôt d'une déclaration de pourvoi rectificative ou d'un mémoire du demandeur contenant l'indication de son domicile personnel, et, le cas échéant, par une nouvelle déclaration de pourvoi formée, dans le délai de l'article 612 du code de procédure civile, à compter du prononcé de l'arrêt déclarant le pourvoi irrecevable. 11. M. [E] ayant, pendant le cours de l'instance suivie devant la Cour de cassation, par le dépôt d'un mémoire, communiqué son adresse personnelle, la nullité affectant la déclaration de pourvoi est couverte. 12. Le pourvoi est, dès lors, recevable. Examen du moyen Enoncé du moyen 13. M. [E] fait grief à l'ordonnance de fixer à la somme de 59 203,71 euros hors taxes, le montant total des honoraires dus à la SCP, de constater des règlements laissant subsister un solde de 24 262,88 euros, de fixer à la somme de 1 630,95 euros hors taxes le montant des frais exposés par la SCP pour son compte devant être remboursés, de constater un règlement partiel laissant subsister au titre des frais un solde de 1 485,95 euros hors taxes, de dire qu'il devrait régler à la SCP les sommes de 24 262,88 euros hors taxes à titre de solde d'honoraires, de 1 485,95 euros hors taxes à titre de solde de remboursement de frais, de rejeter sa demande tendant à voir fixer les honoraires de la SCP à la somme de 31 560,75 euros, voir dire que le paiement de deux provisions d'un montant total de 35 000 euros couvrait entièrement les honoraires et frais, voir ordonner la mainlevée des deux saisies pratiquées en août 2015 et obtenir le paiement de frais irrépétibles, et de le condamner à payer à la SCP la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, alors : « 1°/ que le juge ne peut statuer par voie d'affirmation sans mentionner ni analyser les éléments de preuve sur lesquels il se fonde ; qu'en l'espèce, en affirmant que le cabinet d'avocats Courtois Lebel produisait « des pièces qui établissent l'effectivité des diligences dont il se prévaut » et que la durée des diligences fixée était en conformité avec les diligences « détaillées et justifiées par les pièces produites », sans avoir indiqué sur quelles pièces il se fondait ni avoir analysé aucune de ces pièces, le premier président de la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 2°/ que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motif ; qu'en ne répondant pas aux conclusions de M. [E] soutenant que le cabinet Courtois Lebel avait facturé des « suivis de dossier », « réunions internes », « débriefing » et des diligences incompréhensibles renseignées sous les formules « follow up », « revue projet », « suivi du dossier » et « règlements des confrères », dont la réalité ne pouvait être vérifiée, le premier président de la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 3°/ que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motif ; qu'en ne répondant pas aux conclusions de M. [E] soutenant que les factures produites mélangeaient les numéros des dossiers et les intitulés d'autres dossiers, de sorte que la réalité des diligences facturées était invérifiable, le premier président de la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 4°/ que s'il n'entre pas dans les pouvoirs du juge de l'honoraires d'apprécier la responsabilité professionnelle de l'avocat, il en va différemment de l'appréciation de diligences manifestement inutiles de l'avocat, résultant notamment d'une organisation défectueuse et de l'éparpillement des missions entre de multiples collaborateurs du cabinet, occasionnant des temps de facturation injustifiés ; qu'en l'espèce, M. [E] a dénoncé le nombre d'intervenants sur un même dossier nécessitant des réunions internes, la quantité d'interventions inutiles et absurdes telles que des « conférences téléphoniques avec le Greffe », des démarches Palais alors que les avocats sont équipés d'une clé RPVA dont l'usage est très rapide, les résultats très médiocres malgré la profusion des procédures et des interventions dispersées dans tous les dossiers ; qu'après avoir constaté que la durée des diligences fixée par la SCP Courtois Lebel était conforme aux diligences détaillées et justifiées par les pièces produites, le premier président de la cour d'appel, qui s'est borné à constater que M. [E] « ne remet pas utilement en cause leur utilité étant rappelé que le juge des honoraires était incompétent pour apprécier les éventuels manquements professionnels de l'avocat », sans avoir recherché concrètement, ainsi qu'il y était invité, si toutes les diligences effectuées dont la taxation était demandée avaient été utiles à la défense des intérêts de M. [E] ni préciser quelle était leur utilité, qui était précisément contestée, a privé sa décision de base légale au regard des articles 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, 174 à 179 du décret du 27 novembre 1991. » Réponse de la Cour 14. Selon l'article 10, alinéa 2, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, à défaut de convention entre l'avocat et son client, l'honoraire est fixé selon les usages, en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci. 15. L'ordonnance retient, s'agissant du montant des honoraires dus, que, contrairement à ce qu'il affirme, M. [E] ne justifie d'aucun élément matériel probant démontrant qu'un budget maximal d'honoraires avait été fixé pour l'ensemble des six dossiers confiés à la SCP, que celle-ci récapitule pour chacun des dossiers les factures adressées qui, toutes, sont accompagnées d'un détail des diligences effectuées, de leur durée et du montant des honoraires pour chaque avocat intervenu, que le cabinet d'avocats produit aussi des pièces qui établissent l'effectivité des diligences dont il se prévaut et que même si certaines pièces sont transmises en double, il n'en demeure pas moins que la durée des diligences telle que fixée par la SCP est en conformité avec les diligences telles que détaillées et justifiées par les pièces produites et que M. [E] ne remet pas utilement en cause leur utilité, étant rappelé que le juge des honoraires n'est pas compétent pour apprécier les éventuels manquements professionnels de l'avocat. 16. Sous couvert de griefs non fondés de violation de la loi et de défaut de base légale, le moyen ne tend qu'à remettre en discussion, devant la Cour de cassation, l'appréciation souveraine par le premier président de la cour d'appel de la valeur et de la portée des éléments de preuve débattus devant lui. 17. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. [E] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [E] et le condamne à payer à la SCP Courtois-Lebel la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé en l'audience publique du deux mars deux mille vingt-trois par Mme Martinel, conseiller doyen, et signé par elle, en remplacement du président empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour M. [E] M. [E] fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir fixé à la somme de 59 203,71 euros hors taxes, le montant total des honoraires dus à la SCP Courtois Lebel, constaté des règlements laissant subsister un solde de 24 262,88 euros, fixé à la somme de 1 630,95 euros hors taxes le montant des frais exposés par la SCP Courtois Lebel pour son compte devant être remboursés, constaté un règlement partiel laissant subsister au titre des frais un solde de 1 485,95 euros hors taxes, dit que M. [E] devrait régler à la SCP Courtois Lebel les sommes de 24 262,88 euros hors taxes à titre de solde d'honoraires, de 1 485,95 € hors taxes à titre de solde de remboursement de frais, d'avoir rejeté sa demande tendant à voir fixer les honoraires de la SCP Courtois Lebel à la somme de 31 560,75 euros, voir dire que le paiement de deux provisions d'un montant total de 35 000 € couvrait entièrement les honoraires et frais, voir ordonner la mainlevée des deux saisies pratiquées en août 2015 et obtenir le paiement de frais irrépétibles, et de l'avoir condamné à payer à la SCP Courtois Lebel la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ; Alors 1°) que le juge ne peut statuer par voie d'affirmation sans mentionner ni analyser les éléments de preuve sur lesquels il se fonde ; qu'en l'espèce, en affirmant que le cabinet d'avocats Courtois Lebel produisait « des pièces qui établissent l'effectivité des diligences dont il se prévaut » et que la durée des diligences fixée était en conformité avec les diligences « détaillées et justifiées par les pièces produites » (ordonnance p. 4, 1er et 2ème §), sans avoir indiqué sur quelles pièces il se fondait ni avoir analysé aucune de ces pièces, le premier président de la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; Alors 2°) que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motif ; qu'en ne répondant pas aux conclusions de M. [E] soutenant que le cabinet Courtois Lebel avait facturé des « suivis de dossier », « réunions internes », « débriefing » et des diligences incompréhensibles renseignées sous les formules « follow up », « revue projet », « suivi du dossier » et « règlements des confrères » (conclusions p. 14, et s.), dont la réalité ne pouvait être vérifiée, le premier président de la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; Alors 3°) que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motif ; qu'en ne répondant pas aux conclusions de M. [E] soutenant que les factures produites mélangeaient les numéros des dossiers et les intitulés d'autres dossiers (conclusions p. 14, et s.), de sorte que la réalité des diligences facturées était invérifiable, le premier président de la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; Alors 4°) et en tout état de cause, que s'il n'entre pas dans les pouvoirs du juge de l'honoraires d'apprécier la responsabilité professionnelle de l'avocat, il en va différemment de l'appréciation de diligences manifestement inutiles de l'avocat, résultant notamment d'une organisation défectueuse et de l'éparpillement des missions entre de multiples collaborateurs du cabinet, occasionnant des temps de facturation injustifiés ; qu'en l'espèce, M. [E] a dénoncé le nombre d'intervenants sur un même dossier nécessitant des réunions internes, la quantité d'interventions inutiles et absurdes telles que des « conférences téléphoniques avec le Greffe », des démarches Palais alors que les avocats sont équipés d'une clé RPVA dont l'usage est très rapide, les résultats très médiocres malgré la profusion des procédures et des interventions dispersées dans tous les dossiers ; qu'après avoir constaté que la durée des diligences fixée par la SCP Courtois Lebel était conforme aux diligences détaillées et justifiées par les pièces produites, le premier président de la cour d'appel, qui s'est borné à constater que M. [E] « ne remet pas utilement en cause leur utilité étant rappelé que le juge des honoraires était incompétent pour apprécier les éventuels manquements professionnels de l'avocat », sans avoir recherché concrètement, ainsi qu'il y était invité, si toutes les diligences effectuées dont la taxation était demandée avaient été utiles à la défense des intérêts de M. [E] ni préciser quelle était leur utilité, qui était précisément contestée, a privé sa décision de base légale au regard des articles 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, 174 à 179 du décret du 27 novembre 1991.
La déclaration de pourvoi, même entachée d'un vice de forme, interrompt les délais de prescription comme de forclusion et l'interruption produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance. L'irrégularité peut être régularisée pendant toute la durée de l'instance de cassation par le dépôt d'une déclaration de pourvoi rectificative ou d'un mémoire du demandeur contenant l'indication de son domicile personnel, et, le cas échéant, par une nouvelle déclaration de pourvoi formée, dans le délai de l'article 612 du code de procédure civile, à compter du prononcé de l'arrêt déclarant le pourvoi irrecevable
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 2 mars 2023 Cassation partielle M. PIREYRE, président Arrêt n° 198 FS-B Pourvoi n° U 20-21.303 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 2 MARS 2023 La société Aéroports de Paris (ADP), société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° U 20-21.303 contre l'arrêt rendu le 17 septembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 8), dans le litige l'opposant à la société Aviation Capital Group LLC, dont le siège est [Adresse 2] (Etats-Unis), défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Cardini, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Aéroports de Paris, de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société Aviation Capital Group, et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 janvier 2023 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Cardini, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, Mmes Durin-Karsenty, Vendryes, conseillers, Mme Jollec, conseiller référendaire ayant voix délibérative, Mmes Bohnert, Latreille, Bonnet, conseillers référendaires, Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application des articles R. 431-5 et L. 431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 17 septembre 2020) et les productions, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Bobigny a, par ordonnance du 3 octobre 2018, autorisé la société Aéroports de Paris (la société ADP), sur le fondement de l'article L. 6123-2 du code des transports, à procéder à la saisie conservatoire de l'aéronef immatriculé OY-PAD ou de celui immatriculé OY-PAC, en garantie du paiement de sa créance à l'encontre de la société Primera Air Scandinavia, correspondant au montant de redevances aéroportuaires impayées au titre de cinq aéronefs. 2. Le même jour, la société ADP a fait signifier l'ordonnance à la direction générale de l'aviation civile et procéder à la saisie conservatoire de l'aéronef OY-PAD. 3. Par jugement du 18 octobre 2018, le juge de l'exécution a déclaré recevable la contestation de la saisie conservatoire élevée par la société Aviation Capital Group (la société ACG), en qualité de bénéficiaire d'un trust, ordonné, sous astreinte, la mainlevée immédiate de la saisie conservatoire de l'aéronef immatriculé OY-PAD et condamné la société ADP à payer à la société ACG une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour abus de saisie, outre une somme au titre des frais irrépétibles. 4. La société ADP a, le 18 octobre 2018, interjeté appel du jugement et saisi le premier président de la cour d'appel d'une demande de sursis à exécution. 5. Par arrêt du 20 décembre 2018, la cour d'appel a confirmé le jugement et, y ajoutant, liquidé l'astreinte pour la période du 24 octobre au 13 novembre 2018 et condamné la société ADP à payer à la société ACG le montant de l'astreinte ainsi liquidée. 6. Par ordonnance du 20 février 2019, le premier président de la cour d'appel a constaté son dessaisissement par l'effet de la décision du 20 décembre 2018. 7. Le pourvoi formé contre la décision du 20 décembre 2018 a été rejeté par arrêt de la Cour de cassation du 24 juin 2020 (1re Civ., 24 juin 2020, pourvoi n° 19-13.021). 8. Entre-temps, le 18 octobre 2018, la société ACG avait, en exécution du jugement du 18 octobre 2018, fait délivrer un commandement de payer aux fins de saisie-vente à la société ADP et fait pratiquer à son encontre, le 29 octobre 2018, une saisie-attribution et une saisie de droits d'associé et de valeurs mobilières. 9. La société ADP a saisi un juge de l'exécution d'une contestation, la société ACG sollicitant à titre reconventionnel la liquidation de l'astreinte pour la période du 9 novembre au 21 décembre 2018. 10. Par jugement du 27 février 2019, le juge de l'exécution a rejeté les demandes de nullité du commandement aux fins de saisie-vente, du procès-verbal de saisie-attribution, du procès-verbal de saisie de droits d'associé et de valeurs mobilières ainsi que les demandes de mainlevée de ces mesures, liquidé l'astreinte pour la période du 14 novembre 2018 au 21 décembre 2018 à une certaine somme et condamné la société ADP à payer à la société ACG le montant de l'astreinte ainsi liquidée. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche, ci-après annexé 11. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 12. La société ADP fait grief à l'arrêt de rejeter les demandes de nullité du commandement aux fins de saisie-vente du 18 octobre 2018, du procès-verbal de saisie-attribution du 29 octobre 2018, du procès-verbal de saisie de droits d'associé et de valeurs mobilières du 29 octobre 2018, pratiquées à son encontre par la société ACG en exécution du jugement du 18 octobre 2018, et de rejeter les demandes de mainlevée de ces mesures, alors « que lorsque le juge de l'exécution a ordonné la mainlevée d'une mesure, la demande de sursis à exécution adressée au premier président de la cour d'appel suspend l'exécution provisoire attachée à cette décision dès la saisine du premier président jusqu'à son ordonnance, en prorogeant les effets attachés aux mesures conservatoires, sans distinguer selon que la mesure conservatoire a été pratiquée ou non sur autorisation préalable du juge de l'exécution obtenue sur requête : que le droit à un recours effectif devant la cour d'appel implique que l'intéressé puisse exercer un recours contre une décision lui faisant grief, dans des conditions lui permettant d'obtenir, le cas échéant, un redressement approprié de sa situation ; qu'en décidant au contraire que le premier président de la cour d'appel n'était par principe pas compétent pour ordonner le sursis à exécution d'un jugement ayant ordonné la mainlevée d'une saisie conservatoire, au prétexte que la mesure a été pratiquée sur autorisation préalable du juge de l'exécution rendue sur requête, ce qui prive le saisissant de son droit à un recours effectif, la cour d'appel a violé les articles R. 121-22 du code des procédures civiles d'exécution et 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. » Réponse de la Cour Vu les articles 496, alinéa 2, du code de procédure civile, R. 121-5 et R. 121-22, alinéas 1, 2 et 3, du code des procédures civiles d'exécution : 13. Aux termes du premier de ces textes, s'il est fait droit à la requête, tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu l'ordonnance. Aux termes du deuxième, sauf dispositions contraires, les dispositions communes du livre Ier du code de procédure civile sont applicables, devant le juge de l'exécution, aux procédures civiles d'exécution à l'exclusion des articles 481-1 et 484 à 492. Selon le troisième, en cas d'appel, un sursis à l'exécution des décisions prises par le juge de l'exécution peut être demandé au premier président de la cour d'appel. La demande est formée par assignation en référé délivrée à la partie adverse et dénoncée, s'il y a lieu, au tiers entre les mains de qui la saisie a été pratiquée. Jusqu'au jour du prononcé de l'ordonnance par le premier président, la demande de sursis à exécution suspend les poursuites si la décision attaquée n'a pas remis en cause leur continuation ; elle proroge les effets attachés à la saisie et aux mesures conservatoires si la décision attaquée a ordonné la mainlevée de la mesure. Le sursis à exécution n'est accordé que s'il existe des moyens sérieux d'annulation ou de réformation de la décision déférée à la cour d'appel. 14. Le premier président de la cour d'appel peut ordonner le sursis à l'exécution de toutes les décisions du juge de l'exécution, à l'exception de celles qui, dans les rapports entre créanciers et débiteurs, statuent sur les demandes dépourvues d'effet suspensif, à moins qu'elles n'ordonnent la mainlevée d'une mesure. 15. L'article R. 121-22 du code des procédures civiles d'exécution ne distingue pas selon que la mesure a été pratiquée avec ou sans autorisation préalable du juge. 16. Il s'ensuit qu'en cas d'appel du jugement ayant ordonné la mainlevée d'une mesure conservatoire autorisée sur requête, le créancier peut saisir le premier président de la cour d'appel d'une demande de sursis à exécution, cette demande prorogeant, conformément aux dispositions de l'article R. 121-22, alinéa 2, précité, les effets attachés à la mesure. 17. La demande de sursis à exécution, qui proroge les effets de la mesure conservatoire, suspend également la condamnation du créancier au paiement de dommages-intérêts pour abus de saisie ainsi que la condamnation aux dépens et aux frais irrépétibles, qui s'y rattachent par un lien de dépendance. 18. Pour confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes de nullité du commandement aux fins de saisie-vente, du procès-verbal de saisie-attribution et du procès-verbal de saisie de droits d'associé et de valeurs mobilières et les demandes de mainlevée de ces mesures, l'arrêt retient qu'il n'entre pas dans les pouvoirs du premier président d'ordonner le sursis à exécution du jugement du 18 octobre 2018, ce qui reviendrait à faire produire à nouveau effet à une ordonnance rendue non contradictoirement et rétractée après débat contradictoire, de sorte que la saisine du premier président n'a pu proroger l'exécution provisoire de la mesure conservatoire dont le juge de l'exécution avait ordonné la mainlevée, de ce fait anéantie. 19. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Sur le second moyen Enoncé du moyen 20. La société ADP fait grief à l'arrêt de liquider à la somme de 1 850 000 euros pour la période allant du 14 novembre 2018 au 21 décembre 2018 l'astreinte ordonnée par le jugement du 18 octobre 2018, et de la condamner à payer cette somme à la société ACG, alors : « 1°/ que l'astreinte est une mesure accessoire à une obligation principale, destinée à assurer l'exécution de la condamnation qu'elle assortit ; que pour apprécier si une astreinte doit ou non être supprimée, le juge doit vérifier si le débiteur de l'obligation principale inexécutée n'était pas dans l'impossibilité matérielle ou juridique de l'exécuter ; que la saisie conservatoire d'un aéronef fondée sur l'article L 6123-2 du code des transports n'est pas autorisée par le juge de l'exécution, mais ordonnée judiciairement par celui-ci, et sa décision est transmise aux autorités responsables de la circulation aérienne aux fins d'immobilisation de l'aéronef ; qu'il en résulte que l'immobilisation, comme la libération de l'aéronef en cas de mainlevée de la saisie, relève de la seule compétence de la Direction générale de l'aviation civile, sur transmission, par tout intéressé, de la décision judiciaire ; qu'en affirmant, pour dire que la société ADP ne s'était heurtée à aucune impossibilité matérielle ou juridique d'exécuter l'injonction de donner mainlevée de la saisie conservatoire de l'aéronef OY-PAD mise à sa charge, « qu'il lui suffisait, pour exécuter l'injonction mise à sa charge par le juge de l'exécution, de notifier à la DGAC le jugement ordonnant la mainlevée sous astreinte, ce qu'elle a fait le 21 décembre 2018 », après avoir constaté que c'est à la société ADP que le jugement du 18 octobre 2018 avait ordonné de donner mainlevée immédiate de la saisie conservatoire sous astreinte de 50.000 euros par jour de retard, ce dont il résultait que l'injonction mise à sa charge était de procéder elle-même à cette mainlevée, ce qu'elle n'avait pas le pouvoir de faire, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles L 6123-2 du code des transports et L 131-4 du code des procédures civiles d'exécution ; 2°/ que la saisie conservatoire d'un aéronef réalisée sur le fondement de l'article L 6123-2 du code des transports, n'est pas autorisée par le juge de l'exécution mais ordonnée judiciairement par celui-ci et son ordonnance est transmise aux autorités responsables de la circulation aérienne aux fins d'immobilisation de celui-ci, si bien que son immobilisation, comme sa libération en cas notamment de décision judiciaire ordonnant la mainlevée de la saisie, relève de la seule compétence de la Direction générale de l'aviation civile sur transmission de la décision judiciaire par tout intéressé ou par le greffe ; qu'en affirmant, pour dire que la société ADP ne s'était heurtée à aucune impossibilité matérielle ou juridique d'exécuter l'injonction mise à sa charge sous astreinte, qu'il lui suffisait, pour exécuter l'injonction, de notifier à la DGAC le jugement ordonnant la mainlevée sous astreinte, ce qu'elle avait fait le 21 décembre 2018, quand aucun texte n'imposait à la société ADP de procéder à une telle notification, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas, a violé les articles les articles L 6123-2 du code des transports et L 131-4 du code des procédures civiles d'exécution ; 3°/ que l'astreinte peut être supprimée lorsque le débiteur démontre qu'il s'est trouvé dans l'impossibilité juridique d'exécuter l'obligation assortie d'une astreinte mise à sa charge ; que la saisie d'un aéronef fondée sur l'article L 6123-2 du code des transports n'est pas autorisée par le juge de l'exécution mais ordonnée judiciairement par celui-ci et son ordonnance est transmise aux autorités responsables de la circulation aérienne aux fins d'immobilisation de celui-ci, si bien que son immobilisation, comme sa libération en cas notamment de décision judiciaire ordonnant la mainlevée de la saisie, relève de la seule compétence de la Direction générale de l'aviation civile, sur transmission de la décision judiciaire par tout intéressé ou par le greffe ; qu'en considérant que les erreurs successivement commises par les parties, l'huissier instrumentaire et les juges, dans l'interprétation du régime juridique de l'article L 6123-1 du code des transports, privait la société ADP de la possibilité de se prévaloir d'une impossibilité juridique d'exécuter l'injonction mise à sa charge, quand la circonstance que cette saisie avait été mise en oeuvre contra legem ne conférait pas pour autant à la société ADP le pouvoir de donner elle-même mainlevée de la saisie conservatoire de l'aéronef OY-PAD, conformément à l'injonction qui lui avait été faite sous astreinte, la cour d'appel a violé de plus fort les articles L 6123-2 du code des transports et L 131-4 du code des procédures civiles d'exécution. » Réponse de la Cour Recevabilité du moyen 21. La société ACG conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient que celui-ci est, d'une part, nouveau et mélangé de fait, d'autre part, contraire à la thèse développée par la société ADP devant la cour d'appel. Elle invoque par ailleurs le principe de l'estoppel. 22. Cependant, la société ADP faisait valoir dans ses conclusions d'appel, notamment, que le juge de l'exécution a l'obligation légale de supprimer l'astreinte s'il est établi que l'inexécution de l'injonction du juge provient en tout ou partie d'une cause étrangère, laquelle s'étend à tous les cas dans lesquels le débiteur s'est trouvé dans l'impossibilité matérielle ou juridique de se conformer à l'injonction du juge, et qu'il ressort des dispositions législatives que c'est la direction générale de l'aviation civile qui immobilise l'aéronef en exécution de l'ordonnance de saisie, dès que celle-ci lui est transmise, et qui a seule le pouvoir de mettre ensuite un terme à cette immobilisation dès qu'elle est informée du paiement des redevances ou, comme en l'espèce, d'une mainlevée de la saisie, ordonnée par une décision de justice. La cour d'appel a jugé sur ce point que l'appelante ne s'était heurtée à aucune impossibilité matérielle ou juridique d'exécuter l'injonction mise à sa charge. 23. Il en résulte que le moyen n'est ni nouveau, ni incompatible avec la thèse antérieurement soutenue devant la cour d'appel, ni ne traduit, de la part de la société ADP, des positions contraires ou incompatibles entre elles dans des conditions qui induiraient en erreur son adversaire sur ses intentions. 24. Le moyen est, dès lors, recevable. Bien-fondé du moyen 25. Ayant relevé, en premier lieu, que le juge de l'exécution avait autorisé la société ADP, par ordonnance du 3 octobre 2018, à procéder à la saisie conservatoire, à son choix, de l'un des deux aéronefs visés dans cette décision, en deuxième lieu, que, par jugement du 18 octobre 2018, le juge avait ordonné sous astreinte la mainlevée de la saisie pratiquée sur l'aéronef immatriculé OY-PAD et, en troisième lieu, que la saisie conservatoire avait été effectuée à la requête de la société ADP par un huissier de justice qui avait posé des scellés et apposé des placards sur l'aéronef et qu'il en était de même de la mainlevée de la saisie effectuée, le 21 décembre 2018, par l'huissier de justice qu'elle avait mandaté à cet effet et qui avait procédé au bris des scellés et au retrait des placards, l'appelante ayant notifié le même jour cette mainlevée à la direction générale de l'aviation civile, c'est sans encourir les griefs du moyen que la cour d'appel en a déduit, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, que la société ADP ne s'était heurtée à aucune impossibilité matérielle ou juridique d'exécuter l'injonction mise à sa charge. 26. Dès lors, le moyen, inopérant en ses deux premières branches, n'est pas fondé pour le surplus. Mais sur le moyen relevé d'office 27. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code. Vu les articles L. 131-2, alinéa 1er, R. 131-1 et R. 121-22 du code des procédures civiles d'exécution : 28. Selon le premier de ces textes, l'astreinte est indépendante des dommages-intérêts. Aux termes du deuxième, l'astreinte prend effet à la date fixée par le juge, laquelle ne peut être antérieure au jour où la décision portant obligation est devenue exécutoire. Toutefois, elle peut prendre effet dès le jour de son prononcé si elle assortit une décision qui est déjà exécutoire. Selon le troisième, en cas d'appel, un sursis à l'exécution des décisions prises par le juge de l'exécution peut être demandé au premier président de la cour d'appel. Jusqu'au jour du prononcé de l'ordonnance par le premier président, la demande de sursis à exécution suspend les poursuites si la décision attaquée n'a pas remis en cause leur continuation ; elle proroge les effets attachés à la saisie et aux mesures conservatoires si la décision attaquée a ordonné la mainlevée de la mesure. 29. Ainsi qu'il est dit au paragraphe 16, en cas d'appel du jugement ayant ordonné la mainlevée d'une mesure conservatoire autorisée sur requête, le créancier peut saisir le premier président de la cour d'appel d'une demande de sursis à exécution, cette demande prorogeant, conformément aux dispositions de l'article R. 121-22, alinéa 2, précité, les effets attachés à la mesure. 30. Il en résulte que l'astreinte dont est assortie l'obligation de mainlevée ne commence ou ne recommence à courir, selon le cas, qu'à compter de la notification de l'ordonnance du premier président de la cour d'appel rejetant la demande de sursis ou, si l'arrêt d'appel confirmant le jugement est rendu auparavant, du jour où celui-ci devient exécutoire, à moins que les juges d'appel n'en fixent un point de départ postérieur. 31. Pour liquider l'astreinte pour la période du 14 novembre 2018 au 21 décembre 2018 et condamner la société ADP à payer à la société ACG le montant de l'astreinte ainsi liquidée, l'arrêt retient que le jugement du 18 octobre 2018 était exécutoire depuis sa signification du 23 octobre 2018. 32. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 33. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des chefs de dispositif rejetant, d'une part, les demandes de nullité du commandement aux fins de saisie-vente du 18 octobre 2018, du procès-verbal de saisie-attribution du 29 octobre 2018 et du procès-verbal de saisie de droits d'associé et de valeurs mobilières du 29 octobre 2018, d'autre part, les demandes de mainlevée de ces mesures, entraîne la cassation du chef de dispositif condamnant la société ADP au paiement de la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement du 27 février 2019, il rejette les demandes de nullité du commandement aux fins de saisie-vente du 18 octobre 2018, du procès-verbal de saisie-attribution du 29 octobre 2018 et du procès-verbal de saisie de droits d'associé et de valeurs mobilières du 29 octobre 2018, rejette les demandes de mainlevée de ces mesures, liquide l'astreinte prononcée par le jugement du 18 octobre 2018 à la somme de 1 850 000 euros pour la période du 14 novembre 2018 au 21 décembre 2018, condamne la société Aéroports de Paris à verser à la société Aviation Capital Group la somme de 1 850 000 euros au titre de la liquidation de l'astreinte et condamne la société Aéroports de Paris à verser à la société Aviation Capital Group la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, l'arrêt rendu le 17 septembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ; Condamne la société Aviation Capital Group aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Aviation Capital Group et la condamne à payer à la société Aéroports de Paris la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé en l'audience publique du deux mars deux mille vingt-trois par Mme Martinel, conseiller doyen, et signé par elle, en remplacement du président empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Aéroports de Paris PREMIER MOYEN DE CASSATION La société Aéroports de Paris (ADP) fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté les demandes de nullité du commandement au fin de saisie-vente du 18 octobre 2018, du procès-verbal de saisie-attribution du 29 octobre 2018, du procès-verbal de saisie de droits d'associés et de valeurs mobilières du 29 octobre 2018, pratiquées à son encontre par la société ACG en exécution du jugement du 18 octobre 2018, et d'avoir rejeté les demandes de mainlevée de ces mesures ; 1°) ALORS QUE lorsque le juge de l'exécution a ordonné la mainlevée d'une mesure, la demande de sursis à exécution adressée au premier président de la cour d'appel suspend l'exécution provisoire attachée à cette décision dès la saisine du premier président jusqu'à son ordonnance, en prorogeant les effets attachés aux mesures conservatoires, sans distinguer selon que la mesure conservatoire a été pratiquée ou non sur autorisation préalable du juge de l'exécution obtenue sur requête : que le droit à un recours effectif devant la cour d'appel implique que l'intéressé puisse exercer un recours contre une décision lui faisant grief, dans des conditions lui permettant d'obtenir, le cas échéant, un redressement approprié de sa situation ; qu'en décidant au contraire que le premier président de la cour d'appel n'était par principe pas compétent pour ordonner le sursis à exécution d'un jugement ayant ordonné la mainlevée d'une saisie conservatoire, au prétexte que la mesure a été pratiquée sur autorisation préalable du juge de l'exécution rendue sur requête, ce qui prive le saisissant de son droit à un recours effectif, la cour d'appel a violé les articles R. 121-22 du code des procédures civiles d'exécution et 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 2°) ALORS QUE le droit à un recours effectif implique que l'intéressé puisse exercer un recours contre une décision lui faisant grief, dans des conditions lui permettant d'obtenir, le cas échéant, un redressement approprié de sa situation ; qu'en considérant, après avoir rappelé que la société ADP avait saisi le premier président d'une demande de sursis à exécution de la décision de mainlevée de la saisie conservatoire, qu'elle était mal fondée à invoquer la violation du droit à un recours effectif, dans la mesure où elle avait interjeté appel le jour même du jugement du juge de l'exécution et que son recours avait été examiné à bref délai, quand la prétendue incompétence du premier président de la cour d'appel pour ordonner le sursis à exécution d'une décision de mainlevée d'une mesure de saisie conservatoire, rendait ce recours sans objet, la cour d'appel a violé l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. SECOND MOYEN DE CASSATION La société Aéroports de Paris (ADP) fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir liquidé l'astreinte ordonnée par le jugement du 18 octobre 2018 à la somme de 1.850.000 euros pour la période allant du 14 novembre 2018 au 21 décembre 2018, et de l'avoir condamnée à payer cette somme à la société Aviation Capital Group (ACG) ; 1°) ALORS QUE l'astreinte est une mesure accessoire à une obligation principale, destinée à assurer l'exécution de la condamnation qu'elle assortit ; que pour apprécier si une astreinte doit ou non être supprimée, le juge doit vérifier si le débiteur de l'obligation principale inexécutée n'était pas dans l'impossibilité matérielle ou juridique de l'exécuter ; que la saisie conservatoire d'un aéronef fondée sur l'article L 6123-2 du code des transports n'est pas autorisée par le juge de l'exécution, mais ordonnée judiciairement par celui-ci, et sa décision est transmise aux autorités responsables de la circulation aérienne aux fins d'immobilisation de l'aéronef ; qu'il en résulte que l'immobilisation, comme la libération de l'aéronef en cas de mainlevée de la saisie, relève de la seule compétence de la Direction générale de l'aviation civile, sur transmission, par tout intéressé, de la décision judiciaire ; qu'en affirmant, pour dire que la société ADP ne s'était heurtée à aucune impossibilité matérielle ou juridique d'exécuter l'injonction de donner mainlevée de la saisie conservatoire de l'aéronef OY-PAD mise à sa charge, « qu'il lui suffisait, pour exécuter l'injonction mise à sa charge par le juge de l'exécution, de notifier à la DGAC le jugement ordonnant la mainlevée sous astreinte, ce qu'elle a fait le 21 décembre 2018 », après avoir constaté que c'est à la société ADP que le jugement du 18 octobre 2018 avait ordonné de donner mainlevée immédiate de la saisie conservatoire sous astreinte de 50.000 euros par jour de retard, ce dont il résultait que l'injonction mise à sa charge était de procéder elle-même à cette mainlevée, ce qu'elle n'avait pas le pouvoir de faire, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles L 6123-2 du code des transports et L 131-4 du code des procédures civiles d'exécution ; 2°) ALORS QUE la saisie conservatoire d'un aéronef réalisée sur le fondement de l'article L 6123-2 du code des transports, n'est pas autorisée par le juge de l'exécution mais ordonnée judiciairement par celui-ci et son ordonnance est transmise aux autorités responsables de la circulation aérienne aux fins d'immobilisation de celui-ci, si bien que son immobilisation, comme sa libération en cas notamment de décision judiciaire ordonnant la mainlevée de la saisie, relève de la seule compétence de la Direction générale de l'aviation civile sur transmission de la décision judiciaire par tout intéressé ou par le greffe ; qu'en affirmant, pour dire que la société ADP ne s'était heurtée à aucune impossibilité matérielle ou juridique d'exécuter l'injonction mise à sa charge sous astreinte, qu'il lui suffisait, pour exécuter l'injonction, de notifier à la DGAC le jugement ordonnant la mainlevée sous astreinte, ce qu'elle avait fait le 21 décembre 2018, quand aucun texte n'imposait à la société ADP de procéder à une telle notification, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas, a violé les articles les articles L 6123-2 du code des transports et L 131-4 du code des procédures civiles d'exécution ; 3°) ALORS QUE l'astreinte peut être supprimée lorsque le débiteur démontre qu'il s'est trouvé dans l'impossibilité juridique d'exécuter l'obligation assortie d'une astreinte mise à sa charge ; que la saisie d'un aéronef fondée sur l'article L 6123-2 du code des transports n'est pas autorisée par le juge de l'exécution mais ordonnée judiciairement par celui-ci et son ordonnance est transmise aux autorités responsables de la circulation aérienne aux fins d'immobilisation de celui-ci, si bien que son immobilisation, comme sa libération en cas notamment de décision judiciaire ordonnant la mainlevée de la saisie, relève de la seule compétence de la Direction générale de l'aviation civile, sur transmission de la décision judiciaire par tout intéressé ou par le greffe ; qu'en considérant que les erreurs successivement commises par les parties, l'huissier instrumentaire et les juges, dans l'interprétation du régime juridique de l'article L 6123-1 du code des transports, privait la société ADP de la possibilité de se prévaloir d'une impossibilité juridique d'exécuter l'injonction mise à sa charge, quand la circonstance que cette saisie avait été mise en oeuvre contra legem ne conférait pas pour autant à la société ADP le pouvoir de donner elle-même mainlevée de la saisie conservatoire de l'aéronef OY-PAD, conformément à l'injonction qui lui avait été faite sous astreinte, la cour d'appel a violé de plus fort les articles L 6123-2 du code des transports et L 131-4 du code des procédures civiles d'exécution.
Le premier président de la cour d'appel peut ordonner le sursis à l'exécution de toutes les décisions du juge de l'exécution, à l'exception de celles qui, dans les rapports entre créanciers et débiteurs, statuent sur les demandes dépourvues d'effet suspensif, à moins qu'elles n'ordonnent la mainlevée d'une mesure. L'article R. 121-22 du code des procédures civiles d'exécution ne distingue pas selon que la mesure a été pratiquée avec ou sans autorisation préalable du juge. Il s'ensuit qu'en cas d'appel du jugement ayant ordonné la mainlevée d'une mesure conservatoire autorisée sur requête, le créancier peut saisir le premier président de la cour d'appel d'une demande de sursis à exécution, cette demande prorogeant, conformément aux dispositions de l'article R. 121-22, alinéa 2, précité, les effets attachés à la mesure. La demande de sursis à exécution, qui proroge les effets de la mesure conservatoire, suspend également la condamnation du créancier au paiement de dommages-intérêts pour abus de saisie ainsi que la condamnation aux dépens et aux frais irrépétibles, qui s'y rattachent par un lien de dépendance
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CIV. 2 CM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 2 mars 2023 Rejet M. PIREYRE, président Arrêt n° 199 FS-B Pourvoi n° X 21-17.561 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 2 MARS 2023 1°/ la société Gaia, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 1], 2°/ Mme [F] [R], domiciliée [Adresse 3] (Italie), ont formé le pourvoi n° X 21-17.561 contre l'ordonnance rendue le 12 mai 2021 par le premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, dans le litige les opposant à Mme [D], présidente, domiciliée au tribunal judiciaire de Nice, [Adresse 2], défenderesse à la cassation. Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Bonnet, conseiller référendaire, les observations écrites de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la société Gaia et de Mme [R], et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 janvier 2023 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Bonnet, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, Mmes Durin-Karsenty, Vendryes, conseillers, Mme Jollec, conseiller référendaire ayant voix délibérative, Mme Bohnert, M. Cardini, Mme Latreille, conseillers référendaires, Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application des articles R. 431-5 et L. 431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Aix-en-Provence, 12 mai 2021), le 14 avril 2021, la société Gaia (la société) et Mme [R] ont déposé une requête en récusation à l'encontre de la présidente d'une chambre d'un tribunal judiciaire, pour l'affaire les concernant. Recevabilité du pourvoi examinée d'office 2. Conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, avis a été donné aux parties. 3. Selon l'article 344, alinéa 1er, du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n°2017-892 du 6 mai 2017, la demande de récusation ou de renvoi pour cause de suspicion légitime est portée devant le premier président de la cour d'appel. Elle est formée par acte remis au greffe de la cour d'appel. Selon l'article 345, alinéas 1er et 2, du même code, dans sa rédaction issue du même décret, le président de la juridiction faisant l'objet d'une demande de renvoi pour cause de suspicion légitime ou à laquelle appartient le magistrat dont la récusation est demandée, ainsi que le magistrat concerné, sont avisés par tout moyen par le premier président de la requête dont il est saisi. Selon le cas, le président de la juridiction ou le magistrat concerné est invité à présenter ses observations. Lorsque le magistrat concerné s'abstient, le président de la juridiction en informe sans délai le premier président. Selon l'article 346 du même code, dans sa rédaction issue du même décret, le premier président statue sans débat dans le délai d'un mois à compter de sa saisine après avis du procureur général. 4. Il résulte de la combinaison de ces textes que seul le requérant étant partie à la procédure de récusation, le pourvoi ne peut être dirigé contre le magistrat visé par la requête en récusation, qui n'est pas partie à cette procédure, ni contre le procureur général près la cour d'appel, qui est partie jointe. Toutefois, ce pourvoi, qui concerne une procédure dans laquelle seul le requérant est partie, est recevable, même en l'absence de défendeur. 5. Dès lors, le pourvoi de la société et de Mme [R], irrecevable en ce qu'il est dirigé contre Mme [D], magistrat visé par la requête en récusation, est recevable même en l'absence de défendeur. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche, et sur le second moyen, pris en sa seconde branche, ci-après annexés 6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 7. La société et Mme [R] font grief à l'ordonnance de rejeter la requête en récusation dirigée contre la présidente d'une chambre d'un tribunal judiciaire pour toutes les affaires les concernant pendantes devant cette chambre, alors « que le premier président doit recueillir les observations du magistrat concerné par la récusation et en faire mention dans sa décision ; qu'il ne résulte d'aucune des mentions de l'ordonnance attaquée que les observations du magistrat concerné par la récusation aient été recueillies ou sollicitées, en violation de l'article 345 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 8. Le requérant à la procédure de récusation ne saurait utilement invoquer devant la Cour de cassation l'absence de recueil, par le premier président de la cour d'appel, des observations du magistrat visé par la récusation, l'irrégularité invoquée n'étant pas susceptible de lui faire grief. 9. Le moyen ne peut, dès lors, être accueilli. Sur le second moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 10. La société et Mme [R] font grief à l'ordonnance de rejeter la requête en récusation dirigée contre une présidente d'une chambre d'un tribunal judiciaire pour toutes les affaires les concernant pendantes devant cette chambre, alors « que l'impartialité d'un magistrat doit s'apprécier d'une façon objective et subjective, ce principe s'appliquant à toute procédure quelle qu'elle soit ; que pour refuser en l'espèce d'examiner le bien-fondé de la requête en récusation sous l'angle de l'impartialité tant objective que subjective au sens de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, M. Le premier président a retenu que la procédure de récusation ne portait pas sur le bien-fondé d'une accusation en matière pénale et ne concernait pas une contestation sur un droit ou une obligation de caractère civile ; qu'en statuant ainsi, il a privé sa décision de base légale au regard de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. » Réponse de la Cour 11. L'ordonnance qui a relevé que la société et Mme [R] n'invoquaient aucune des causes visées à l'article L.111-6 du code de l'organisation judiciaire, et a fait ressortir que la requête ne faisait valoir aucune autre cause de nature à faire naître un doute légitime sur l'impartialité du juge visé dans sa demande, n'encourt pas le grief du moyen. 12. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : DÉCLARE irrecevable le pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Mme [D]. REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Gaïa et Mme [R] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé en l'audience publique du deux mars deux mille vingt-trois par Mme Martinel, conseiller doyen, et signé par elle, en remplacement du président empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat aux Conseils, pour la société Gaia et Mme [R] PREMIER MOYEN DE CASSATION La SCI Gaia et Mme [R] font grief à l'ordonnance attaquée d'avoir rejeté la requête en récusation dirigée contre la présidente de la deuxième chambre du tribunal judiciaire de Nice pour toutes les affaires les concernant pendantes devant cette chambre, 1/ Alors que le premier président doit recueillir les observations du magistrat concerné par la récusation et en faire mention dans sa décision ; qu'il ne résulte d'aucune des mentions de l'ordonnance attaquée que les observations du magistrat concerné par la récusation aient été recueillies ou sollicitées, en violation de l'article 345 du code de procédure civile ; 2/ Alors qu'en toute matière, le juge doit respecter et faire respecter le contradictoire ; que si, en matière de récusation, le premier président statue sans débats, il lui incombe cependant, afin de respecter le contradictoire, de s'assurer que la partie requérante a eu communication des observations déposées par les magistrats dont les observations ont été recueillies ; qu'en l'espèce, il ne ressort pas de la décision attaquée que les observations du président de la juridiction à laquelle appartient le magistrat concerné par la demande de récusation aient été communiquées aux auteurs de la requête en récusation, en violation des articles 6 de la convention européenne des droits de l'homme et 16 du code de procédure civile. SECOND MOYEN DE CASSATION La SCI Gaia et Mme [R] font grief à l'ordonnance attaquée d'avoir rejeté la requête en récusation dirigée contre la présidente de la deuxième chambre du tribunal judiciaire de Nice pour toutes les affaires les concernant pendantes devant cette chambre, 1/ Alors que l'impartialité d'un magistrat doit s'apprécier d'une façon objective et subjective, ce principe s'appliquant à toute procédure quelle qu'elle soit ; que pour refuser en l'espèce d'examiner le bien-fondé de la requête en récusation sous l'angle de l'impartialité tant objective que subjective au sens de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, M. Le premier président a retenu que la procédure de récusation ne portait pas sur le bien-fondé d'une accusation en matière pénale et ne concernait pas une contestation sur un droit ou une obligation de caractère civile ; qu'en statuant ainsi, il a privé sa décision de base légale au regard de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ; 2/ Alors qu'en toute hypothèse, la mise en cause du magistrat, présidente de la deuxième chambre du tribunal judiciaire de Nice, en raison de son absence d'impartialité et d'une animosité manifeste dirigée contre le conseil de la SCI Gaia et de Mme [R], était de nature à traduire l'existence d'une inimitié notoire entre le juge et des parties représentées par leur conseil ; qu'en estimant qu'il n'existait aucun élément répondant aux critères fixés par l'article L 111-6 du code de l'organisation judiciaire de nature à justifier la requête en récusation, sans rechercher si la multiplicité des procédures ayant abouti à des décisions relevant d'un excès de pouvoir du magistrat en cause et les différents échanges de courriers peu amènes entre le juge et le conseil de la SCI Gaia et de Mme [R], fût-ce à l'occasion d'autres dossiers, n'étaient pas de nature à établir une inimitié notoire justifiant la requête en récusation, le premier président a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 111-6 8° du code de l'organisation judiciaire.
Il résulte des articles 344, alinéa 1er, 345 alinéas 1er et 2, et 346 du code de procédure civile que seul le requérant étant partie à la procédure de récusation, le pourvoi en cassation ne peut être dirigé contre le magistrat visé par la requête en récusation, qui n'est pas partie à cette procédure, ni contre le procureur général près la cour d'appel, qui est partie jointe. Toutefois, ce pourvoi, qui concerne une procédure dans laquelle seul le requérant est partie, est recevable, même en l'absence de défendeur. Le requérant à la procédure de récusation ne saurait utilement invoquer devant la Cour de cassation l'absence de recueil, par le premier président de la cour d'appel, des observations du magistrat visé par la récusation, l'irrégularité invoquée n'étant pas susceptible de lui faire grief
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CIV. 2 FD COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 2 mars 2023 Cassation partielle partiellement sans renvoi M. PIREYRE, président Arrêt n° 201 F-B Pourvoi n° H 21-13.545 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 2 MARS 2023 1°/ M. [O] [Z], 2°/ Mme [K] [X], épouse [Z], tous deux domiciliés [Adresse 7], [Localité 8], ont formé le pourvoi n° H 21-13.545 contre l'arrêt rendu le 25 février 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-9), dans le litige les opposant à la société Centrale Kredietverlening NV, dont le siège est [Adresse 3] (Belgique), venant aux droits de la société Record Bank, défenderesse à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Vendryes, conseiller, les observations de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de M. et Mme [Z], de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de la société Centrale Kredietverlening NV, et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 janvier 2023 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Vendryes, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 25 février 2021), sur le fondement de prêts notariés des 19 septembre 2006 et 11 mars 2009, la société Record Bank a délivré à M. et Mme [Z] un commandement valant saisie immobilière le 11 janvier 2013 sur un bien immobilier leur appartenant. 2. Par jugement du 21 octobre 2013, un juge de l'exécution a, après avoir rejeté les contestations de M. et Mme [Z], autorisé la vente amiable du bien. 3. Par arrêt du 11 avril 2014, une cour d'appel a confirmé ce jugement, et, y ajoutant, fixé le montant de la créance du poursuivant. 4. Par jugement du 9 février 2015, un juge de l'exécution a constaté la caducité du commandement. 5. Le 3 septembre 2018, la société Centrale Kredietverlening NV (la société CKV), disant venir aux droits de la société Record Bank, a signifié à M. et Mme [Z] un nouveau commandement de payer valant saisie immobilière. Examen des moyens Sur le deuxième moyen, ci-après annexé 6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le troisième moyen, pris en sa sixième branche Enoncé du moyen 7. M. et Mme [Z] font grief à l'arrêt de les débouter de toutes leurs demandes, de valider la procédure de saisie immobilière entreprise à leur encontre selon commandement valant saisie en date du 3 septembre 2018, publié le 7 septembre 2018 au service de la publicité foncière d'[Localité 6] 1er bureau-volume 2018 n° 60, sur une propriété d'habitation située commune de [Localité 8] (13), [Adresse 7], cadastrée section AW n° [Cadastre 2] pour 19a 39ca, section AW n° [Cadastre 1] pour 0a 61ca et section AW n° [Cadastre 4] pour 11a 43 ca, de fixer le montant de la créance à la somme de 664 781,50 euros, outre intérêts au taux de 4,70 % l'an sur la somme de 644 200,25 euros et au taux légal sur la somme de 20 581,25 euros, ce, à compter du 17 novembre 2020, outre frais et accessoires, jusqu'à parfait paiement, alors « que les juges du fond ne peuvent statuer sur les demandes dont ils sont saisis sans examiner, fût-ce pour les écarter, l'ensemble des éléments de preuve produits par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en se contentant d'énoncer, pour fixer le montant de la créance de la société CKV à l'encontre des époux [Z] à hauteur de 664 781,560 euros, que si ces derniers alléguaient avoir versé de juin 2014 à octobre 2018 une somme globale de 159 283,17 euros par montants trimestriels de 6 579,98 euros, le décompte qu'ils communiquaient (pièce n° 5) constituait une simple affirmation de leur part sans portée probatoire, sans même examiner, fût-ce pour les écarter, les ordres de virement et relevés de compte qu'ils avaient versés aux débats pour établir la réalité des paiements visés dans leur décompte (pièces n° 6 et 7), la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 455 du code de procédure civile : 8. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. 9. Pour fixer la créance du poursuivant à la somme retenue, l'arrêt retient que les époux [Z] affirment avoir versé de juin 2014 à octobre 2018 une somme globale de 159 283,17 euros par montants trimestriels de 6 579,98 euros et que le décompte qu'ils communiquent constitue la pièce n° 5 de leur dossier, et qu'il s'agit, à défaut de pièces justificatives, d'une simple affirmation de leur part qui n'a pas de portée probatoire. 10. En statuant ainsi, sans analyser, même sommairement, les pièces n° 6 et 7 du bordereau de communication de M. et Mme [Z], constitué d'ordres de virement et de relevés de compte sur la période visée par le décompte, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Et sur le moyen relevé d'office 11. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code. Vu l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire : 12. En application de cet article, si le juge de l'exécution est compétent pour connaître de la contestation d'une mesure d'exécution forcée, il n'entre pas dans ses attributions de se prononcer sur une demande de radiation du fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP). 13. Dès lors qu'une telle demande ne constitue pas une contestation de la mesure d'exécution au sens du texte précité, le juge de l'exécution ne dispose pas du pouvoir juridictionnel de statuer sur celle-ci. 14. Or, le défaut de pouvoir juridictionnel d'un juge constitue une fin de non- recevoir, qui peut être proposée en tout état de cause en application de l'article 123 du code de procédure civile. 15. En se déclarant incompétente pour statuer sur la demande de radiation du FICP, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Portée et conséquences de la cassation 16. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 17. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond sur la demande de radiation du FICP. 18. Il résulte de ce qui est dit aux paragraphes 12 à 15 qu'il y a lieu de déclarer irrecevable la demande de M. et Mme [Z] tendant à leur radiation du FICP. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a validé la procédure de saisie immobilière entreprise à l'encontre de M. et Mme [Z] selon commandement valant saisie en date du 3 septembre 2018 publié le 7 septembre 2018 au service de la publicité foncière d'[Localité 6] 1er bureau- volume 2018 n° 60, sur une propriété d'habitation située commune de [Localité 8] (13), [Adresse 5], cadastrée section AW n° [Cadastre 2] pour 19 a 39 ca, section AW n° [Cadastre 1] pour 0 a 61 ca et section AW n° [Cadastre 4] pour 11 a 43 ca, l'arrêt rendu le 25 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Dit n'y avoir lieu à renvoi sur la demande de radiation du FICP ; Déclare la demande de radiation du FICP irrecevable ; Remet, sur les autres points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en- Provence autrement composée ; Condamne la société Centrale Kredietverlening NV aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Centrale Kredietverlening NV et la condamne à payer à M. et Mme [Z] la somme globale de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé et signé en l'audience publique du deux mars deux mille vingt-trois par Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du président empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SAS Buk Lament-Robillot, avocat aux Conseils, pour M. et Mme [Z]. PREMIER MOYEN DE CASSATION M. [O] [Z] et Mme [K] [X] épouse [Z] font grief à la cour d'appel de s'être déclaré incompétente pour statuer sur la demande de radiation au FICP ; 1°) ALORS QUE le juge est tenu de relever d'office la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de l'exception de procédure qui n'est pas soulevée avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir ; qu'en se déclarant incompétente pour statuer sur la demande de radiation des époux [Z] au FICP, la cour d'appel a accueilli l'exception d'incompétence soulevée pour la première fois en cause d'appel par la société CKV après s'être, de surcroît, prévalue de sa qualité à agir et avoir ainsi défendu au fond à la fin de non-recevoir soulevée par les époux [Z], sans relever d'office la tardiveté de cette exception d'incompétence et a violé les articles 74 et 125 du code de procédure civile ; 2°) ALORS QU'en tout état de cause, le juge de l'exécution qui connaît de manière exclusive des contestations qui s'élèvent à l'occasion de la procédure de saisie immobilière et des demandes nées de cette procédure ou s'y rapportant directement, même si elles portent sur le fond du droit, à moins qu'elles n'échappent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire, est compétent pour statuer sur l'inscription et la radiation du débiteur au fichier des incidents de paiement à raison de la créance faisant l'objet de la procédure de saisie immobilière dont il est saisi ; qu'en retenant, pour se déclarer incompétente pour statuer sur la demande de radiation des époux [Z] au FICP, qu'elle était saisie d'une procédure de saisie immobilière et que seul le juge des contentieux de la protection pouvait se prononcer sur une telle demande, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire et, par fausse application, l'article L. 213-4-6 du code de l'organisation judiciaire. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION M. [O] [Z] et Mme [K] [X] épouse [Z] font grief à l'arrêt attaqué d'avoir jugé que la société CKV justifiait de sa qualité à agir ; ALORS QUE dans leurs conclusions d'appel, les époux [Z] contestaient que la liste des créances supposément cédées le 15 janvier 2018 telle que communiquée par la société CKV pût constituer la loi des parties sur l'identité des créances cédées par la société Record Bank à la société CKV, en faisant valoir, d'une part, que le contrat de cession du 15 janvier 2018 dont la société CKV se prévalait pour justifier de sa qualité à agir constituait un simple compromis de vente et non un acte de vente définitif, dans la mesure où son annexe 2 ne comportait aucune liste des prêts cédés et où son article 4.3 prévoyait la remise ultérieure par le vendeur de la liste actualisée desdits prêts à la « date de conclusion » et, d'autre part, que la liste de créances, communiquée ultérieurement par la société CKV comme étant la liste des créances cédées en date du 15 janvier 2018, contredisait les stipulations dudit contrat précédemment communiqué et supposé conclu le même jour qui ne comportait aucune liste en annexe ; qu'en se contentant d'énoncer, pour juger que la société CKV était cessionnaire des contrats de prêt consentis par la société Record Bank aux époux [Z] et avait conséquence qualité à agir, que la société CKV avait communiqué la liste des créances cédées le 15 janvier 2018 parmi lesquelles on retrouvait les références des crédits qui leur avaient été octroyés, sans répondre au moyen opérant précité dont elle était saisie du caractère non contractuel de cette liste, au vu de son incohérence avec les stipulations du contrat invoqué par la société CKV daté du même jour, lequel ne constituait pas, en toute hypothèse, le contrat de cession définitif, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. TROISIEME MOYEN DE CASSATION subsidiaire M. [O] [Z] et Mme [K] [X] épouse [Z] font grief à l'arrêt attaqué de les avoir déboutés de toutes leurs demandes, d'avoir validé la procédure de saisie immobilière entreprise à leur encontre selon commandement valant saisie en date du 3 septembre 2018 publié le 7 septembre 2018 au service de la publicité foncière d'[Localité 6] 1er bureau-volume 2018 n° 60, sur une propriété d'habitation située commune de [Localité 8] (13), [Adresse 7], cadastrée section AW n° [Cadastre 2] pour 19a 39ca, section AW n° [Cadastre 1] pour 0a 61ca et section AW n° [Cadastre 4] pour 11a 43 ca, d'avoir fixé le montant de la créance à la somme de 664 781,50 euros, outre intérêts au taux de 4,70 % l'an sur la somme de 644 200,25 euros et au taux d'intérêt légal sur la somme de 20 581,25 euros, ce, à compter du 17 novembre 2020, outre frais et accessoires, jusqu'à parfait paiement ; 1°) ALORS QUE si la caducité d'un commandement valant saisie immobilière le prive rétroactivement de tous ses effets et atteint les actes de procédure de la saisie qu'il a engagés, elle laisse cependant subsister la disposition du jugement rendu dans le cadre de ladite procédure de saisie immobilière ayant fixé la créance du poursuivant, laquelle reste ainsi revêtue de l'autorité de la chose jugée ; qu'en énonçant, pour débouter les époux [Z] de leur contestation relative à la validité du commandement valant saisie immobilière qui leur avait été délivré le 3 septembre 2018 et avait visé comme titres exécutoires les contrats de prêt notariés des 19 septembre 2006 et 1er mars 2009 puis pour fixer le montant de la créance de la société CKV à hauteur de 664 781,560 euros sur le fondement desdits contrats, que la caducité du commandement valant saisie immobilière qui leur avait été délivré le 11 janvier 2013 et avait donné lieu à l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence en date du 11 avril 2014 avait été constatée par le juge de l'exécution dans un jugement en date du 9 février 2015 et qu'en conséquence, les époux [Z] ne pouvaient plus invoquer cet arrêt, en ce qu'il avait fixé la créance de la banque à hauteur de 626 728,87 euros sans préjudice de tous autres dus, dont à déduire la somme de 78 487,17 euros, la cour d'appel a violé l'article 1351, devenu 1355, du code civil ; 2°) ALORS QUE dans l'arrêt rendu le 11 avril 2014 dans le cadre de la procédure de saisie immobilière ayant opposé les époux [Z] à la société Record Bank engagée sur le fondement du commandement valant saisie immobilière en date du 11 janvier 2013, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a « mentionné le montant de la créance à la somme de 626 728,87 euros, sans préjudice de tous autres dus, notamment des frais judiciaires et de ceux d'exécution, dont à déduire les sommes de 78 478,17 euros » ; qu'en énonçant, pour débouter les époux [Z] de leur contestation relative à la validité du commandement valant saisie immobilière qui leur avait été délivré le 3 septembre 2018 et avait visé comme titres exécutoires les contrats de prêt notariés des 19 septembre 2006 et 1er mars 2009 puis pour fixer le montant de la créance de la société CKV à hauteur de 664 781,560 euros sur le fondement desdits contrats, qu'il ne résultait pas de cette décision que la cour d'appel ait supprimé les intérêts de retard sur la créance, la notion de « tous autres dus » permettant de les englober, la cour d'appel a dénaturé les termes et précis de l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 11 avril 2014 par lequel cette dernière a fixé la créance de la société Record Bank au jour de sa décision, en excluant uniquement les sommes à échoir ou dont le montant était indéterminé, et non les intérêts contractuels dus en vertu des prêts litigieux, violant ainsi l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; 3°) ALORS QUE la renonciation à un droit, par nature, unilatérale, ne lie que son auteur et ne peut être opposée par ce dernier aux tiers ; que dès lors, en retenant, pour débouter les époux [Z] de leur contestation relative à la validité du commandement valant saisie immobilière qui leur avait été délivré le 3 septembre 2018 et avait visé comme titres exécutoires les contrats de prêt notariés des 19 septembre 2006 et 1er mars 2009 puis pour fixer le montant de la créance de la société CKV à hauteur de 664 781,560 euros sur le fondement desdits contrats, que cette dernière avait renoncé aux termes de l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence en date du 11 avril 2014 ayant mentionné le montant de sa créance, à l'avantage des époux [Z], pour leur accorder un taux de prêt plus favorable et un délai de paiement supplémentaire, la cour d'appel a opposé aux époux [Z] la renonciation qui émanait de la société CKV, venant aux droits de la société Record Bank, et a ainsi violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ; 4°) ALORS QUE la renonciation à un droit ne peut résulter que d'actes manifestant sans équivoque la volonté de renoncer de son auteur audit droit ; qu'en relevant, pour débouter les époux [Z] de leur contestation relative à la validité du commandement valant saisie immobilière qui leur avait été délivré le 3 septembre 2018 et avait visé comme titres exécutoires les contrats de prêt notariés des 19 septembre 2006 et 1er mars 2009 puis pour fixer le montant de la créance de la société CKV à hauteur de 664 781,560 euros, sur le fondement desdits contrats, qu'un accord avait été conclu entre la banque et les époux [Z], à la suite de l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence en date du 11 avril 2014, pour proroger de trois années les crédits en les ramenant à un taux unique de 4,7 % l'an et qu'il avait ainsi été renoncé aux termes de l'arrêt précité du 11 avril 2014 ayant mentionné le montant de la créance à la somme de 626 728,87 euros, sans préjudice de « tous autres dus », dont à déduire les sommes de 78 478,17 euros, à l'avantage des époux [Z], sans caractériser d'actes manifestant sans équivoque la volonté des époux [Z] de renoncer à cette décision, en ce qu'elle avait fixé le montant de la créance de la banque à leur encontre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ; 5°) ALORS QUE si la novation ne se présume point, elle peut être tacite et découler d'actes manifestant une volonté sans équivoque des parties de substituer une obligation nouvelle à l'ancienne qui se trouvera éteinte ; qu'en se contentant d'affirmer, pour débouter les époux [Z] de leur contestation relative à la validité du commandement valant saisie immobilière qui leur avait été délivré le 3 septembre 2018 et avait visé comme titres exécutoires les contrats de prêt notariés des 19 septembre 2006 et 1er mars 2009 puis pour fixer le montant de la créance de la société CKV à hauteur de 664 781,560 euros sur le fondement desdits contrats, que la banque n'avait pas renoncé au bénéfice des titres notariés et que les époux [Z] ne pouvaient se prévaloir de l'existence d'une novation qui n'était pas établie en l'espèce, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le fait pour les époux [Z] d'avoir continué de régler des échéances trimestrielles de 6 579,98 euros d'octobre 2015 à octobre 2018 pour apurer la dette telle que fixée dans l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence en date du 11 avril 2014 et pour la banque d'avoir accepté sans protestation et réserve lesdits règlements ne manifestait pas la volonté tacite mais univoque des parties de nover, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1273 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ; 6°) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent statuer sur les demandes dont ils sont saisis sans examiner, fût-ce pour les écarter, l'ensemble des éléments de preuve produits par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en se contentant d'énoncer, pour fixer le montant de la créance de la société CKV à l'encontre des époux [Z] à hauteur de 664 781,560 euros, que si ces derniers alléguaient avoir versé de juin 2014 à octobre 2018 une somme globale de 159 283,17 euros par montants trimestriels de 6 579,98 euros, le décompte qu'ils communiquaient (pièce n° 5) constituait une simple affirmation de leur part sans portée probatoire, sans même examiner, fût-ce pour les écarter, les ordres de virement et relevés de compte qu'ils avaient versés aux débats pour établir la réalité des paiements visés dans leur décompte (pièces n° 6 et 7), la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
En application de l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire, si le juge de l'exécution est compétent pour connaître de la contestation d'une mesure d'exécution forcée, il n'entre pas dans ses attributions de se prononcer sur une demande de radiation du fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP)
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 2 mars 2023 Cassation M. PIREYRE, président Arrêt n° 203 F-B Pourvoi n° W 20-20.776 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 2 MARS 2023 Mme [W] [G], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° W 20-20.776 contre l'arrêt rendu le 9 juillet 2020 par la cour d'appel de Montpellier (2e chambre civile), dans le litige l'opposant à la société MCS et associés, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Provence Côte d'Azur, défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Vendryes, conseiller, les observations de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de Mme [G], de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de la société MCS et associés, venant aux droits de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Provence Côte d'Azur, et l'avis de M. Adida-Canac, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 janvier 2023 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Vendryes, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Reprise d'instance 1. Il est donné acte à la société MCS et associés de la reprise de l'instance aux lieu et place de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Provence Côte d'Azur (la banque) et de ce qu'elle fait siennes les écritures de cette dernière. Faits et procédure 2. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 9 juillet 2020), sur le fondement d'un acte de prêt notarié du 17 novembre 2006, la banque a fait délivrer à Mme [G] un commandement valant saisie immobilière, le 27 janvier 2015, sur un bien lui appartenant. 3. Le bien a été adjugé le 8 mars 2016 à un prix qui n'a pas permis de désintéresser totalement la banque. 4. Le 25 juillet 2018 la banque a déposé une requête à fin de saisie des rémunérations auprès d'un tribunal d'instance. Examen de la recevabilité du pourvoi contestée par la défense 5. La banque soutient que le pourvoi serait irrecevable comme prématuré en ce que l'arrêt ne mettrait pas fin à l'instance. 6. Cependant, l'arrêt, en ce qu'il a autorisé la banque à poursuivre la saisie des rémunérations de Mme [G] pour le montant réclamé, a mis fin à l'instance introduite par la requête aux fins de saisie. 7. Le pourvoi est, dès lors, recevable par application de l'article 605 du code de procédure civile. Examen du moyen Sur le moyen relevé d'office 8. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code. Vu les articles 2241, 2242 et 2244 du code civil, R. 311-5 et R. 332-1 du code des procédures civiles d'exécution : 9. En application du troisième de ces textes, le commandement valant saisie immobilière interrompt le délai de prescription. 10. L'assignation à l'audience d'orientation interrompt ensuite le délai de prescription en application du premier de ces textes, et, en application du deuxième, cette interruption produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance de la procédure de saisie immobilière. 11. Or, la saisie immobilière et la distribution du prix constituent les deux phases d'une même procédure. 12. Dès lors, l'instance engagée par la saisine du juge de l'exécution à l'audience d'orientation ne s'éteint que lorsque le juge de l'exécution ne peut plus être saisi d'une contestation à l'occasion de la saisie immobilière. 13. Lorsqu'il n'y a qu'un seul créancier, le débiteur ou le créancier poursuivant peuvent, en application des quatrième et cinquième de ces textes, contester le paiement quinze jours après la notification qui leur en est faite. 14. Il en résulte que l'effet interruptif de prescription d'une instance de saisie immobilière se poursuit soit jusqu'à une ordonnance d'homologation du projet ou de l'accord de répartition du prix de vente de l'immeuble, jusqu'à un état de répartition établi par le juge, ou, lorsqu'il n'y a qu'un seul créancier répondant aux critères de l'article L. 331-1 du code des procédures civiles d'exécution, jusqu'à l'expiration du délai de quinze jours suivant la notification du paiement ou, le cas échéant, jusqu'à la date de la décision tranchant la contestation formée dans ce délai. 15. Pour dire que la créance n'était pas prescrite, l'arrêt retient que ce n'est qu'au jour de la distribution du prix de vente que le commandement de payer valant saisie immobilière cesse son effet interruptif, la distribution du prix marquant la fin de la procédure de saisie immobilière, peu important que cette distribution résulte de la libération amiable des fonds par le bâtonnier ou d' une ordonnance d'homologation d'un projet de répartition du prix de vente en cas de concours de créanciers, et que l'effet interruptif s'est poursuivi jusqu'à la date de la déconsignation des fonds par le bâtonnier au bénéfice de l'avocat du créancier poursuivant. 16. En statuant ainsi, alors qu'en présence d'un seul créancier, l'effet interruptif s'était poursuivi pendant un délai de quinze jours après la notification du paiement au débiteur ou, dans le cas d'une contestation relative à ce dernier, jusqu'à la décision tranchant la contestation formée dans ce délai , la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 juillet 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Condamne la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Provence Côte d'Azur aux droits de laquelle vient la société MCS et associés aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Provence Côte d'Azur aux droits de laquelle vient la société MCS et associés et la condamne à payer à Mme [G] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé et signé en l'audience publique du deux mars deux mille vingt-trois par Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du président empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Marlange et de La Burgade, avocat aux Conseils, pour Mme [G] Mme [G] reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré l'action de la CRCAM Provence Côte d'Azur non prescrite et de l'avoir autorisée à poursuivre la saisie des rémunérations de Mme [W] [G] pour le montant réclamé ; ALORS QUE 1°) l'effet interruptif de prescription de l'action aux fins de saisie immobilière prend fin, lorsqu'il n'existe qu'un seul créancier, au jour du jugement d'adjudication, sur surenchère le cas échéant, le juge se trouvant alors dessaisi ; qu'en l'espèce, il est constant et ressort de l'arrêt attaqué que la CRCAM était l'unique créancière de Mme [G] (cf. arrêt p. 4, § 2 et 3) ; qu'il devait s'en déduire que l'effet interruptif de l'action aux fins de saisie immobilière engagée par la CRCAM avait pris fin au jour du jugement d'adjudication sur surenchère du 8 mars 2016 ; qu'en jugeant au contraire que cet effet interruptif s'était poursuivi au-delà de ce jugement, jusqu'au 18 novembre 2016, date de la déconsignation des fonds par le bâtonnier au bénéfice de l'avocat du créancier poursuivant, aux motifs que la distribution du prix marquait la fin de la procédure de saisie immobilière et le dessaisissement du juge (cf. arrêt, p. 4, §2 et 3), la cour d'appel a violé les articles 2242 du code de civil et L.311-1 du code des procédures civiles d'exécution, ALORS, subsidiairement, QUE 2°) l'effet interruptif de prescription de l'action aux fins de saisie immobilière prend fin, lorsqu'il n'existe qu'un seul créancier, au jour du jugement d'adjudication, sur surenchère le cas échéant, le juge se trouvant alors dessaisi ; qu'en jugeant que l'effet interruptif de l'action en saisie immobilière engagée par la CRCAM s'était poursuivi au-delà du jugement d'adjudication sur surenchère, jusqu'au 18 novembre 2016, date de la déconsignation des fonds par le bâtonnier au bénéfice de l'avocat du créancier poursuivant, aux motifs que la distribution du prix marquait la fin de la procédure de saisie immobilière et le dessaisissement du juge, peu important qu'elle résulte d'une libération amiable des fonds par le bâtonnier ou d'une ordonnance d'homologation d'un projet de répartition du prix de vente en cas de concours de créanciers (cf. arrêt, p. 4, §2 et 3), sans rechercher, comme elle y était invitée (cf. conclusions, p. 4), si la CRCAM était l'unique créancière de Mme [G], ce qui aurait dû conduire à fixer la fin de l'effet interruptif de prescription au jour du jugement d'adjudication sur surenchère, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 2242 du code civil et L.311-1 du code des procédures civiles d'exécution.
L'effet interruptif de prescription d'une instance de saisie immobilière se poursuit soit jusqu'à une ordonnance d'homologation du projet ou de l'accord de répartition du prix de vente de l'immeuble, soit jusqu'à un état de répartition établi par le juge, ou, lorsqu'il n'y a qu'un seul créancier répondant aux critères de l'article L. 331-1 du code des procédures civiles d'exécution, jusqu'à l'expiration du délai de quinze jours suivant la notification du paiement ou, le cas échéant, jusqu'à la date de la décision tranchant la contestation formée dans ce délai
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CIV. 2 CM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 2 mars 2023 Cassation M. PIREYRE, président Arrêt n° 211 F-B Pourvoi n° N 21-18.771 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 2 MARS 2023 La société Vandel, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° N 21-18.771 contre l'arrêt rendu le 29 avril 2021 par la cour d'appel de Lyon (3e chambre A), dans le litige l'opposant à la société Cummins France, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Durin-Karsenty, conseiller, les observations de la SARL Ortscheidt, avocat de la société Vandel, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Cummins France, et l'avis de M. Adida-Canac, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 janvier 2023 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Durin-Karsenty, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 29 avril 2021), ayant rencontré des difficultés avec des moteurs acquis auprès de la société Cummins France (la société Cummins) entre octobre 2005 et octobre 2006, la société Vandel a obtenu, le 20 novembre 2009, une ordonnance d'un juge des référés prescrivant une mesure d'expertise sur ces moteurs en application de l'article 145 du code de procédure civile. L' expert a établi son rapport le 26 février 2015. 2. Par acte du 4 mars 2016, la société Vandel a assigné la société Cummins en paiement au titre du manquement à son obligation de délivrance conforme sur ces trois moteurs et à son obligation de conseil et d'information. 3. Par jugement du 19 mars 2018, le tribunal de commerce a notamment condamné la société Cummins à payer à la société Vandel diverses sommes à titre de dommages et intérêts en raison du préjudice matériel. La société Cummins a interjeté appel par acte du 6 avril 2018. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 4. La société Vandel fait grief à l'arrêt de juger irrecevable comme prescrite l'action en délivrance qu'elle a engagée à l'encontre de la société Cummins, alors « que la prescription est suspendue lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d'instruction présentée avant tout procès ; que la mesure d'instruction ordonnée suspend le délai de prescription de l'action au fond lorsque la demande d'expertise tend au même but que la demande formulée devant la juridiction du fond, c'est-à-dire lorsqu'il apparaît que les résultats de l'expertise diligentée ou que les documents obtenus permettent à la juridiction saisie ultérieurement au fond de se prononcer, quel que soit le fondement sur la base duquel la mesure a pu être ordonnée ; qu'en déclarant irrecevable comme prescrite l'action en délivrance engagée par la société Vandel, motifs pris que « l'action au fond a été engagée plus de 5 ans plus tard le 4 mars 2016, et le délai n'a pu être suspendu en application de l'article 2239 du même code à raison de l'instance en référé ayant ordonné une mesure d'instruction avant tout procès, initiée par acte du 2 janvier 2009 et qui a donné lieu au dépôt du rapport de l'expert [H] le 26 février 2015, puisque cette action en référé a été sollicitée, et obtenue, en vue de rechercher l'existence de vices rédhibitoires, comme l'établit la mission de l'expert judiciaire [H] rappelée en p. 4 et 5 de son rapport et notée dans les écritures de l'appelante. L'expert ne pouvait d'ailleurs pas s'écarter des termes de sa mission. Cette instance in futurum n'avait donc pas le même objet que celui de la présente instance au fond. Aucun effet suspensif, encore moins interruptif comme plaidé par Vandel, n'en résulte », cependant que conformément au critère d'« identité de but », la demande d'expertise in futurum, bien qu'elle ait eu pour objet de déterminer si les moteurs étaient atteints de vice rédhibitoire, permettait en toute hypothèse dans le cadre d'une action ultérieure au fond, fondée sur le défaut de délivrance conforme, d'établir si les moteurs étaient effectivement affectés d'une non-conformité, les constatations et conclusions matérielles de l'expert étant utiles pour déterminer le bien-fondé d'une action fondée sur un défaut de conformité, quel qu'ait été le fondement juridique envisagé au stade de la demande de mesure d'instruction avant tout procès, la cour d'appel a violé l'article 2239 du code civil. » Réponse de la Cour Recevabilité du moyen 5. La société Cummins conteste la recevabilité du grief comme nouveau. 6. Cependant, il résulte des conclusions des parties devant la cour d'appel que la société Vandel, répliquant à la fin de non-recevoir soulevée par la société Cummins tirée de la prescription de l'action au fond, a invoqué en substance la suspension de la prescription quel que soit le fondement juridique de l'action en référé. 7. Le moyen est, dès lors, recevable. Bien-fondé du moyen Vu l'article 2239 du code civil : 8. Selon ce texte, la prescription est suspendue lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d'instruction présentée avant tout procès. Le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter du jour où la mesure a été exécutée. 9. Si, en principe, la suspension comme l'interruption de la prescription ne peuvent s'étendre d'une action à une autre, il en est autrement lorsque les deux actions tendent à un même but, de sorte que la seconde est virtuellement comprise dans la première. 10. Pour déclarer irrecevable comme prescrite l'action en inexécution de délivrance conforme, l'arrêt retient que l'instance en référé a été initiée par acte du 2 janvier 2009 et donné lieu au dépôt du rapport de l'expert le 26 février 2015 en vue de rechercher l'existence de vices rédhibitoires, que l'instance in futurum n'ayant pas le même objet que celui de la présente instance au fond en inexécution de délivrance conforme n'a pas d'effet suspensif sur cette dernière. 11. En statuant ainsi, alors que la demande d'expertise en référé tendant à identifier les causes des sinistres subis par les matériels livrés et à déterminer s'ils sont atteints d'un vice rédhibitoire tend au même but que l'action en inexécution de l'obligation de délivrance conforme, la cour d'appel, qui aurait dû constater que la mesure d'instruction ordonnée avait suspendu la prescription de l'action au fond, a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 avril 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon autrement composée ; Condamne la société Cummins France aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Cummins France et la condamne à payer à la société Vandel la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé en l'audience publique du deux mars deux mille vingt-trois par Mme Martinel, conseiller doyen, et signé par elle, en remplacement du président empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SARL Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour la société Vandel La société Vandel fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir jugé irrecevable comme prescrite l'action en délivrance qu'elle a engagée à l'encontre de la société Cummins ; 1°) ALORS QUE la prescription est suspendue lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d'instruction présentée avant tout procès ; que la mesure d'instruction ordonnée suspend le délai de prescription de l'action au fond lorsque la demande d'expertise tend au même but que la demande formulée devant la juridiction du fond, c'est-à-dire lorsqu'il apparaît que les résultats de l'expertise diligentée ou que les documents obtenus permettent à la juridiction saisie ultérieurement au fond de se prononcer, quel que soit le fondement sur la base duquel la mesure a pu être ordonnée ; qu'en déclarant irrecevable comme prescrite l'action en délivrance engagée par la société Vandel, motifs pris que « l'action au fond a été engagée plus de 5 ans plus tard le 4 mars 2016, et le délai n'a pu être suspendu en application de l'article 2239 du même code à raison de l'instance en référé ayant ordonné une mesure d'instruction avant tout procès, initiée par acte du 2 janvier 2009 et qui a donné lieu au dépôt du rapport de l'expert [H] le 26 février 2015, puisque cette action en référé a été sollicitée, et obtenue, en vue de rechercher l'existence de vices rédhibitoires, comme l'établit la mission de l'expert judiciaire [H] rappelée en p. 4 et 5 de son rapport et notée dans les écritures de l'appelante (p.7, p.30). L'expert ne pouvait d'ailleurs pas s'écarter des termes de sa mission. Cette instance in futurum n'avait donc pas le même objet que celui de la présente instance au fond. Aucun effet suspensif, encore moins interruptif comme plaidé par Vandel, n'en résulte » (arrêt attaqué, p. 6 § 7 à 9), cependant que conformément au critère d'« identité de but », la demande d'expertise in futurum, bien qu'elle ait eu pour objet de déterminer si les moteurs étaient atteints de vice rédhibitoire, permettait en toute hypothèse dans le cadre d'une action ultérieure au fond, fondée sur le défaut de délivrance conforme, d'établir si les moteurs étaient effectivement affectés d'une non-conformité, les constatations et conclusions matérielles de l'expert étant utiles pour déterminer le bien-fondé d'une action fondée sur un défaut de conformité, quel qu'ait été le fondement juridique envisagé au stade de la demande de mesure d'instruction avant tout procès, la cour d'appel a violé l'article 2239 du code civil ; 2°) ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en considérant, pour apprécier l'identité d'objet de la mesure d'expertise et de l'action engagée au fond, que « cette action en référé a été sollicitée, et obtenue, en vue de rechercher l'existence de vices rédhibitoires, comme l'établit la mission de l'expert judiciaire [H] rappelée en p. 4 et 5 de son rapport et notée dans les écritures de l'appelante (p.7, p.30). L'expert ne pouvait d'ailleurs pas s'écarter des termes de sa mission » (arrêt attaqué, p. 6 § 7et 8), cependant que l'expert n'avait pas pour mission exclusive de « dire si les moteurs sont atteints d'un vice rédhibitoire » énoncé au point 7.5 du chef de mission, mais aussi de « Déterminer les causes des dommages subis pour chacun des trois moteurs » (prod. 4, p. 24 §7.3), « Faire toutes observations utiles à la solution du litige » (prod. 4, p. 24 §7.6) et avait relevé que « les moteurs QSX15 ont une espérance de vie potentielle de 12.000 heures » (prod. 4, p. 24 et 25), de sorte qu'il avait été amené à se prononcer sur la délivrance conforme à ce qui avait été annoncé par le vendeur, la cour d'appel a dénaturé par omission les termes clairs et précis du rapport d'expertise, en violation de l'obligation faite au juge de ne pas dénaturé l'écrit qui lui est soumis ; 3°) ALORS, AU SURPLUS, QU'en statuant comme elle l'a fait, sans prendre en compte, comme il lui était demandé (p. 31 et 32 concl. de la société Vandel), pour apprécier l'identité d'objet de la mesure et de l'instance au fond, les réponses et constatations aux autres chefs de mission confiées à l'expert judiciaire, lesquelles révélaient des défaillances techniques susceptibles de justifier une action fondée sur une défaut de délivrance conforme, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2239 du code civil ; 4°) ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE tout jugement doit être motivé et que le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs ; que dans ses dernières conclusions, déposées et signifiées le 26 juillet 2019 (p. 53), la société Vandel soutenait à titre subsidiaire que la société Cummins avait en toute hypothèse manqué à son devoir de conseil et sollicitait sa condamnation, à ce titre, à lui payer la somme de 70 055,35 euros HT en principal, avec intérêts ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans répondre à ce moyen qui impliquait de vérifier l'identité de buts de la mesure d'instruction in futurum, avec demande subsidiaire de la société Vandel, en réparation pour manquement de la société Cummins à son devoir de conseil et d'information, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
Il résulte de l'article 2239 du code civil que la prescription est suspendue lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d'instruction présentée avant tout procès. Le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter du jour où la mesure a été exécutée. Si, en principe, la suspension comme l'interruption de la prescription ne peuvent s'étendre d'une action à une autre, il en est autrement lorsque les deux actions tendent à un même but, de sorte que la seconde est virtuellement comprise dans la première. Tel est le cas d'une demande d'expertise en référé visant à identifier les causes des sinistres subis et à déterminer s'ils sont atteints d'un vice rédhibitoire, qui tend au même but que l'action en inexécution de l'obligation de délivrance conforme
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CIV. 2 FD COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 2 mars 2023 Cassation M. PIREYRE, président Arrêt n° 214 F-B Pourvoi n° G 21-11.499 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 2 MARS 2023 Mme [S] [W], épouse [Y], domiciliée [Adresse 4], a formé le pourvoi n° G 21-11.499 contre l'arrêt rendu le 17 septembre 2020 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-2), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [D] [Z], 2°/ à Mme [E] [N], tous deux domiciliés [Adresse 1], [Localité 3], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Jollec, conseiller référendaire, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de Mme [W], épouse [Y], de la SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon, avocat de M. [Z], et l'avis de M. Adida-Canac, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 janvier 2023 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Jollec, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 17 septembre 2020), Mme [S] [W], Mme [A] [W], M. [U] [I], M. [M] [W], M. [O] [C], Mme [H] [C] et M. [P] [W] (les consorts [W] [C]) ont assigné en référé M. [Z] et Mme [N] aux fins notamment de fixer une indemnité d'occupation et d'ordonner une expertise des biens immobiliers occupés par M. [Z] et Mme [N]. 2. Ayant été déboutés de leurs demandes par ordonnance de référé du 18 juillet 2019, les consorts [W] [C] en ont relevé appel. 3. La cour d'appel a statué sans audience en application des dispositions de l'article 8 de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020, modifiée par l'ordonnance n° 2020-595 du 20 mai 2020. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en sa première branche, le deuxième moyen, pris en sa seconde branche et les troisième et quatrième moyens, ci-après annexés 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 5. Mme [W] fait grief à l'arrêt de ne pas avoir transmis la question prioritaire de constitutionnalité qu'elle a posée, alors « que le juge qui refuse de statuer est coupable de déni de justice ; qu'en l'espèce, saisi par un mémoire distinct d'une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l'article 8 de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020, la cour d'appel n'a pas statué par une décision motivée sur la transmission de cette question à la Cour de cassation ; qu'elle a ainsi commis un déni de justice, en violation de l'article 4 du code civil. » Réponse au moyen Vu l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 : 6. Selon ce texte, la juridiction, saisie par mémoire distinct d'une question prioritaire de constitutionnalité, statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de celle-ci au Conseil d'Etat ou à la Cour de cassation. Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies : 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ; 2° Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ; 3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux. En tout état de cause, la juridiction doit, lorsqu'elle est saisie de moyens contestant la conformité d'une disposition législative, d'une part, aux droits et libertés garantis par la Constitution et, d'autre part, aux engagements internationaux de la France, se prononcer par priorité sur la transmission de la question de constitutionnalité au Conseil d'Etat ou à la Cour de cassation. La décision de transmettre la question est adressée au Conseil d'Etat ou à la Cour de cassation dans les huit jours de son prononcé avec les mémoires ou les conclusions des parties. Elle n'est susceptible d'aucun recours. Le refus de transmettre la question ne peut être contesté qu'à l'occasion d'un recours contre la décision réglant tout ou partie du litige. 7. Saisie par mémoire distinct, déposé le 23 juin 2020, d'une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l'article 8 de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020, la cour d'appel n'a pas statué sur la transmission de celle-ci à la Cour de cassation. 8. En statuant ainsi, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour : CASSE et annule, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu par la cour d'appel d'Aix-en-Provence le 17 septembre 2020 ; Remet l'affaire et les parties en l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ; Condamne M. [Z] et Mme [N] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé en l'audience publique du deux mars deux mille vingt-trois par Mme Martinel, conseiller doyen, et signé par elle, en remplacement du président empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat aux Conseils, pour Mme [W]. Premier moyen de cassation Mme [W] épouse [Y] fait grief à l'arrêt attaqué de n'avoir pas transmis à la Cour de cassation la question prioritaire de constitutionnalité qu'elle a posée, 1°) Alors que la transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité s'impose si la disposition contestée est applicable au litige, si elle n'a pas été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel et si la question n'est pas dépourvue de sérieux ; qu'en l'espèce, la cour d'appel n'a pas transmis la question prioritaire de constitutionnalité posée par Mme [W]-[Y] dans un mémoire distinct déposé le 23 juin 2020 portant sur la constitutionnalité de l'article 8 de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 au regard en particulier du principe fondamental d'égalité alors que le Conseil constitutionnel n'avait pas encore statué sur une telle question, qui était sérieuse ; qu'en refusant sans motif de transmettre cette question, la cour d'appel a violé l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ; 2°) Alors que le juge qui refuse de statuer est coupable de déni de justice ; qu'en l'espèce, saisi par un mémoire distinct d'une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l'article 8 de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020, la cour d'appel n'a pas statué par une décision motivée sur la transmission de cette question à la Cour de cassation ; qu'elle a ainsi commis un déni de justice, en violation de l'article 4 du code civil. Deuxième moyen de cassation Mme [W] épouse [Y] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté sa demande visant à écarter l'application de l'article 8 de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation de règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété et d'avoir en conséquence rejeté l'ensemble de ses demandes ; 1/ Alors que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue publiquement devant un tribunal indépendant et impartial ; que pour refuser d'écarter l'application en l'espèce des dispositions de l'article 8 de l'ordonnance du 25 mars 2020, la cour d'appel a estimé que l'atteinte au droit à une audience publique était nécessaire pour permettre le maintien de l'activité en matière de référé dans le contexte d'urgence sanitaire et proportionnée au cas d'espèce, une audience publique ayant été tenue en première instance ; qu'en statuant ainsi, alors que le droit d'argumenter oralement et contradictoirement devant le juge est fondamental et ne peut être entravé pour des raisons sanitaires quand une des parties s'y est opposée et n'a pas déposé de dossier, et se trouverait en outre demanderesse et appelante, la cour d'appel a violé l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 2°) Alors que dans ses conclusions d'appel, Mme [W]-[Y] a soutenu en premier lieu qu'une fraude avait été commise sur l'identité de Mme [N], son avocat demandant en première instance sa mise hors de cause en se prévalant de l'existence d'une soi-disant Mme [F] qui aurait été locataire de l'immeuble litigieux et obtenant par ce moyen frauduleux une condamnation au titre des frais irrépétibles pour Mme [N] ; que pour refuser d'écarter l'application de l'article 8 de l'ordonnance du 25 mars 2020, la cour d'appel a considéré que la procédure à hauteur d'appel portait sur des points de droit techniques (exception d'incompétence matérielle, existence d'un motif légitime à désigner un expert judiciaire…) ; qu'en omettant ainsi le moyen de Mme [W]-[Y] pris d'une fraude sur l'identité de Mme [N] qui n'était pas technique mais exigeait des appréciations de fait, la cour d'appel a violé le principe de l'obligation pour le juge de ne pas dénature l'écrit qui lui est soumis. Troisième moyen de cassation Mme [W] épouse [Y] fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de sa demande d'expertise relative aux biens immobiliers situés [Adresse 1], et [Adresse 2], à [Localité 3] ; Alors que l'existence d'un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige suffit pour ordonner une mesure d'instruction in futurum ; qu'en l'espèce, Mme [W] a fait valoir, à l'appui de sa demande, que les biens de la succession devaient être nécessairement vendus, aucun partage ne pouvant être décidé entre les dix héritiers concernés, que trois d'entre eux s'étant désolidarisés, il était nécessaire que l'évaluation du bien soit effectuée objectivement pour être éventuellement entérinée, si bien qu'une expertise judiciaire était nécessaire, le fait qu'une expertise amiable puisse être envisagée n'excluant pas l'application de l'article 145 du code de procédure civile d'autant que l'accès aux lieux nécessitait l'accord des occupants et que cette circonstance ne concernait qu'un seul des deux biens à expertiser ; qu'en déboutant Mme [W] de sa demande sans répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. Quatrième moyen de cassation Mme [W] épouse [Y] fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de sa demande dirigée contre M. [Z] et en paiement provisionnel d'une indemnité d'occupation mensuelle ; 1/ Alors que le juge qui rejette une demande au motif d'une insuffisance des preuves fournies commet un déni de justice ; qu'en l'espèce, pour débouter Mme [W] de sa demande en paiement d'une provision au titre d'une indemnité d'occupation du bien immobilier occupé par M. [Z], la cour d'appel a considéré qu'il n'était pas démontré que M. [Z], qui indique avoir restitué son contrat de bail à M. [G] avant son décès, est occupant sans droit ni titre dudit logement ; qu'en statuant ainsi, la cour a excédé ses pouvoirs au regard de l'article 4 du code civil. 2/ Alors que le locataire est tenu de payer le prix du bail au terme convenu ou, à défaut de titre, une indemnité d'occupation ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a débouté Mme [W]-[Y] de sa demande en paiement d'une provision à titre d'indemnité d'occupation bien que M. [Z] ait reconnu qu'il occupait les lieux loués ; qu'en statuant ainsi, sans constater que M. [Z] avait versé un loyer, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de 1728 du code civil.
Saisie d'une question prioritaire de constitutionnalité, une cour d'appel excède ses pouvoirs en ne statuant pas sur la transmission de celle-ci à la Cour de cassation