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CAPP/JURITEXT000046760844.xml
COUR D'APPEL DE BESANÇON - 172 501 116 00013 - ARRÊT DU 06 DECEMBRE 2022 PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE Réputé contradictoire Audience publique du 04 octobre 2022 No de rôle : No RG 22/00835 - No Portalis DBVG-V-B7G-EQNI S/appel d'une décision du JUGE DE L'EXECUTION DE MONTBELIARD en date du 29 avril 2022 [RG No 21/00019] Code affaire : 78B Demande tendant à la suspension de la procédure de saisie immobilière, l'annulation ou la péremption du commandement ou tendant à la vente amiable CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE FRANCHE-COMTE C/ [E] [O] divorcée [I] , S.A. BNP PARIBAS PARTIES EN CAUSE : CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE FRANCHE-COMTE, immatriculée au RCS de Besançon sous le numéro 384 899 399, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié audit siège Sis [Adresse 1] Représenté par Me Julia BOUVERESSE de la SCP BOUVERESSE AVOCATS, avocat au barreau de MONTBELIARD Madame [E] [O] divorcée [I] née le [Date naissance 3] 1960 à [Localité 5] ([Localité 5]) ([Localité 5]), de nationalité française, sans profession, demeurant [Adresse 4] Représentée par Me Yannick BARRE, avocat au barreau de MONTBELIARD S.A. BNP PARIBAS sise Chez Maître [C] [Adresse 2] Non représentée COMPOSITION DE LA COUR : Lors des débats : PRÉSIDENT : Monsieur Michel WACHTER, Président de chambre. ASSESSEURS : Mesdames Bénédicte MANTEAUX et Florence DOMENEGO, conseillers. GREFFIER : Madame Fabienne ARNOUX, Greffier. Lors du délibéré : PRÉSIDENT : Monsieur Michel WACHTER, Président de chambre, magistrat rédacteur ASSESSEURS : Mesdames Bénédicte MANTEAUX, et Florence DOMENEGO, conseillers. L'affaire, plaidée à l'audience du 04 octobre 2022 a été mise en délibéré au 06 décembre 2022. Les parties ont été avisées qu'à cette date l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe. ************** Par acte du 7 avril 2021, déclarant agir sur le fondement d'un acte authentique de prêt en date du 15 décembre 2003, la société coopérative à capital et personnel variables Crédit Agricole Mutuel de Franche-Comté a fait signifier à Mme [E] [O], divorcée [I], un commandement de payer valant saisie d'une maison à usage d'habitatíon sise [Adresse 4] Ce commandement a été publié au service de la publicité foncière de [Localité 6] le 29 avril 2021. Par exploit du 20 mai 2021, le Crédit Agricole a fait assigner Mme [O] à l'audience d'orientation du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Montbéliard. L'assignation a été dénoncée à la SA BNP Paribas, en sa qualité de créancier inscrit. Le créancier poursuivant a sollicité que soit ordonnée la vente forcée du bien saisi. Mme [O] a conclu à la nullité de la saisie immobilière en raison de la prescription de la créance, en tant que de besoin au regard du calcul erroné du TEG, et a réclamé la condamnation du Crédit Agricole à lui verser la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive. Subsidiairement, elle a prétendu à l'octroi de délais de grâce pour une durée de deux années. Elle a notamment fait valoir que la prescription biennale était acquise, dès lors que la déchéance du terme était intervenue le 20 janvier 2008 en vertu d'un courrier de mise en demeure resté vain en date du 4 janvier 2008, l'informant que, faute de paiement pour cette date, la déchance du terme interviendrait sans autre mise en demeure. Le Crédit Agricole s'est opposé à la prescrirption, en exposant que la déchéance du terme n'était qu'une faculté, et qu'elle avait renoncé à la prononcer. Par jugement du 29 avril 2022, le juge de l'exécution a : - prononcé la nullité du commandement de payer valant saisie immobilière délivré le 7 avril 2021 a la demande du Crédit Agricole de Franche-Comté à Mme [O] divorcée [I] (sic) et portant sur une maison à usage d'habitation sise [Adresse 4] pour paiement de la somme de 136 106,83 euros, selon décompte arrêté au 22 février 2021 ; - rejeté l'ensemble des demandes du Crédit Agricole de Franche-Comté ; - rejeté la demande de Mme [O] tenant à la condamnation du Crédit Agricole de Franche-Comté (sic) pour procédure abusive au versement de la somme de 1 500 euros ; - condamné le Crédit Agricole de Franche-Comté à verser la somme de 1 500 euros à Mme [O] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; - condamné le Crédit Agricole de Franche-Comté aux entiers dépens. Pour statuer ainsi, le juge de l'exécution a retenu : - qu'il résultait des dispositions combinées des articles L 137-2 du code de la consommation, 2224 et 2233 du code civil que le délai de prescription applicable aux crédits immobiliers consentis par un organisme de crédit aux consommateurs était de deux années, courant à compter de la déchéance du terme lorsque l'action en paiement portait sur le capital restant dû ; - qu'en l'espèce, il résultait de l'analyse des pieces produites au débat que la déchéance du terme avait été prononcée à la date du 20 janvier 2008, conformément aux conditions générales de 2002 prévues par le contrat, selon lesquelles "le prêt deviendra de plein droit exigible en capital, intérêts, et accessoires par la seule survenance de l'un quelconque des évenements énoncés ci-dessous et dans les huit jours de la réception d'une lettre recommandée avec avis de réception adressée à l'emprunteur par le prêteur" ; que le courrier adressé le 4 janvier 2008 à Mme [O] ne comportait aucune ambiguïté ou caractère hypothétique quant au prononcé de la déchance du terme faute de régularisation de la dette dans les délais impartis ; - que la faculté alléguée par le prêteur ne saurait consister en la modification unilatérale des termes contractuels ; - que le Crédit Agricole ne démontrait pas avoir par la suite renoncé à la déchéance du terme ainsi prononcée, les piéces produites relatives aux quelques versements réalisés par Mme [O] étant insuffisantes à cet égard dès lors qu'aucun autre élément ne permet de corroborer une telle renonciation, ainsi que son acceptation par Mme [O] ; - que la prescription étant acquise, il y avait lieu de prononcer la nullité du commandement valant saisie immobilière ainsi que de la procédure subséquente. Le Crédit Agricole a relevé appel de cette décision le 24 mai 2022 en déférant à la cour l'ensemble de ses chefs. Par ordonnance du 20 juillet 2022, le Crédit Agricole a été autorisé à procéder à jour fixe sur son appel. Le Crédit Agricole a fait délivrer l'assignation à jour fixe à Mme [O] par acte du 26 juillet 2022 remis à personne, et à la société BNP Paribas par acte du 27 juillet 2022 remis à personne morale. Aux termes de son assignation, le Crédit Agricole demande à la cour : Vu l'article R 322-19 du code des procédures civiles d'exécution, Vu les articles L 313-16 et L751-1 du code de la consommation, - de déclarer recevable et bien fondé l'appel interjeté par le Crédit Agricole Mutuel de Franche-Comté ; - d'infirmer totalement le jugement déféré ; - de le réformer et statuant à nouveau et y ajoutant : A titre principal - de dire et juger que les créances du Crédit Agricole Mutuel de Franche-Comté ne sont pas prescrites ; Par conséquent, - de constater que le Crédit Agricole Mutuel de Franche-Comté est titulaire d'une créance liquide et exigible et qu'il agit en vertu d'un titre exécutoire ; - de constater que la saisie pratiquée porte sur des droits saisissables au sens de l'article L. 311-6 du code des procédures civiles d'exécution ; - de statuer sur les éventuelles contestations et demandes incidentes ; - de déterminer les modalités de poursuite de la procédure ; - de constater que la créance du Crédit Agricole Mutuel de Franche-Comté à l'encontre de Mme [E] [O] s'élève au 2 juillet 2021 à la somme de 136 909,64 euros se décomposant comme suit : Somme due au 26 août 2013............................................................................. 119 204,76 euros Intérêts sur 118 632,72 euros au taux de 1,90 % l'an du 27 août 2013 au 2 juillet 2021 ................................................................................................ 17 704,88 euros Total au 2 juillet 2021............... ....................................................................... 136 909,64 euros Intérêts au taux de 1,90 % l'an du 3 juillet 2021 jusqu'à parfait paiement portés pour ............................................................................ mémoire - d'ordonner la vente forcée des biens et droits immobiliers situés : [Adresse 4] : maison à usage d'habitation comprenant : * Sous-sol avec trois caves et une chaufferie (69 m²), * Au rez-de-chaussée : entrée et couloir (10,92 m²), cuisine (9,35 m²), salon-séjour (43,72 m² + 2,55 m²), salle d'eau (6,55 m²), WC (1,50 m²), une chambre (12,58 m²), * Au premier étage : trois chambres (13,36 m² – 14,15 m² – 10,04 m²), bureau (4,47 m²), toilettes (1,08 m²), * Garage (25 m²), terrasse (26 m²) * Terrain au joignant en nature de cour, sol et jardin, La surface habitable de l'immeuble est de 127,72 m² et la surface annexe de 122,55 M.² ; Sur la mise à prix de 45 000 euros ; - conformément à l'article R. 322-26 du code des procédures civiles d'exécution, de fixer dès à présent la date d'adjudication et la date de visite des biens et droits immobiliers saisis avec le concours de la SCP d'Huissiers [F] ou de tel autre huissier qu'il plaira au juge de l'exécution de désigner, lequel pourra se faire assister si besoin est de deux témoins, d'un serrurier et de la force publique ; En tout état de cause - de condamner Mme [E] [O] à payer au Crédit Agricole Mutuel de Franche-Comté une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; - de condamner Mme [E] [O] à payer au Crédit Agricole Mutuel de Franche-Comté (sic) aux entiers dépens de première instance et d'appel au visa de l'article 699 du code de procédure civile avec distraction au profit de Maître Julia Bouveresse ; - de dire que les dépens seront pris en frais privilégiés de vente. Par conclusions notifiées le 6 septembre 2022, Mme [O] demande à la cour : Vu les articles L. 314-l, L. 218-2 du code de la consommation, l'article L. 311-2 du code des procédures civiles d'exécution, 1343-5, 2224 et 2233 du code civil, - de dire et juger que la créance est éteinte par le jeu de la prescription extinctive ; - en conséquence, de prononcer la nullité du commandement de payer et plus généralement de la présente saisie immobilière ; - d'ordonner la radiation de la publication du commandement de payer aux frais de la demanderesse ; - au besoin, de dire et juger que le calcul du TEG est contraire à l'article L. 313-1 du code de la consommation ; - en conséquence, de prononcer la nullité de la saisie immobilière ; - de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré le commandement de payer du Crédit Agricole nul et en ce qu'il a rejeté toutes les demandes du Crédit Agricole ; - de débouter le Crédit Agricole Mutuel de Franche-Comté de l'intégralité de ses demandes ; - à titre subsidiaire, d'accorder à Mme [O] divorcée [I] des délais de grâce pour une durée de deux années ; - d'infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de Mme [O] divorcée [I] de dommages et intérêts pour procédure abusive ; Et statuant à nouveau, - de condamner le Crédit Agricole Mutuel de Franche-Comté à payer à Mme [O] divorcée [I] une somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ; - de condamner le Crédit Agricole Mutuel de Franche-Comté à payer à Mme [O] divorcée [I] une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; - de condamner le Crédit Agricole Mutuel de Franche-Comté aux entiers dépens de première instance et d'appel. La société BNP Paribas n'a pas constitué avocat. Il sera statué par arrêt réputé contradictoire. En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer pour l'exposé des moyens des parties à leurs conclusions récapitulatives visées ci-dessus. Sur ce, la cour, Pour solliciter l'infirmation du jugement déféré, l'appelante fait valoir que le premier juge ne pouvait retenir comme point de départ de la prescription biennale applicable à la créance litigieuse une déchéance du terme en date du 20 janvier 2008, alors qu'elle avait renoncé à se prévaloir de celle-ci, et qu'elle n'avait finalement prononcé la déchéance du terme que le 27 juillet 2018. Il est constant qu'à l'égard d'une dette payable par termes successifs, la prescription se divise comme la dette elle-même et court à l'égard de chacune de ses fractions à compter de son échéance, de sorte que, si l'action en paiement des mensualités impayées se prescrit à compter de leurs dates d'échéance successives, l'action en paiement du capital restant dû se prescrit à compter de la déchéance du terme, qui emporte son exigibilité. Les conditions générales applicables au prêt immobilier consenti par le Crédit Agricole à Mme [O], divorcée [I], énoncent en leur paragraphe relatif à la déchéance du terme que : "le prêt deviendra de plein droit exigible en capital, intérêts et accessoires par la seule survenance de l'un quelconque des évènements énoncés ci-dessous et dans les huit jours de la réception d'une lettre recommandée avec avis de réception adressée à l'emprunteur par le prêteur : * si une échéance n'est pas réglée à son terme. Mme [O] verse aux débats la mise en demeure qui lui a été adressée par LRAR du 4 janvier 2008, aux termes de laquelle il lui est imparti un délai de 15 jours pour régler la somme arriérée de 4 302,24 euros, avec indication que "le défaut de paiement à la date susvisée entraînera déchéance du terme sans autre mise en demeure et rendra exigible l'ensemble des créances de la caisse régionale s'élevant à la somme de 118 353,89 euros (...)" Il est ainsi, conformément aux conditions générales du prêt, annoncé la déchéance du terme de plein droit à défaut de paiement dans le délai. Or, il est constant que le règlement de la somme réclamée n'est pas intervenu, et il n'est aucunement démontré, ni même soutenu, que Mme [O] aurait été avisée, avant la date butoir du 20 janvier 2008 correspondant à l'acquisition de plein droit de la déchéance du terme, de la renonciation de la banque à s'en prévaloir. Une fois cette déchéance du terme effectivement acquise à la date du 20 janvier 2008, le Crédit Agricole ne pouvait plus y renoncer, et était tenue par les règles de prescription attachées à cet événement. Il ressort de la chronologie du dossier telle qu'elle peut être retracée au moyen des pièces produites aux débats, que le délai de prescription ayant commencé à courir le 20 janvier 2008, a été suspendu à compter du 24 février 2009, date à partir de laquelle Mme [O] a bénéficié, en vertu de mesures recommandées par la commission de surendettement et homologuées judiciairement, d'un moratoire d'une durée de douze mois portant notamment sur la créance litigieuse, moratoire durant lequel la banque ne pouvait exercer son droit d'agir en recouvrement. La prescripion suspendue a donc recommencé à courir à compter du 24 février 2010 pour la durée restante de 11 mois, soit jusqu'au 24 janvier 2011. Or, il n'est pas justifié qu'avant cette date un quelconque acte interruptif soit intervenu, de sorte que la prescription était acquise. Le jugement déféré sera donc confirmé en ce que, tirant les conséquences de l'acquisition de la prescription, il a prononcé la nullité du commandement de payer valant saisie immobilière, et rejeté les demandes du Crédit Agricole. Il n'y a pas lieu d'ordonner spécifiquement la radiation de la publication du commandement de payer valant saisie immobilière, cette radiation étant une conséquence nécessaire de l'annulation du commandement. Le jugement sera également confirmé en ce qu'il a débouté Mme [O] de sa demande de dommages et intérêts, faute de caractérisation d'un abus du droit d'agir, lequel ne saurait résulter du seul fait qu'il n'ait pas été fait droit aux prétentions de la banque. Il le sera enfin s'agissant des frais irrépétibles et des dépens. L'appelante sera condamnée aux dépens d'appel, ainsi qu'à payer à l'intimée la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. Par ces motifs Statuant en audience publique et par arrêt réputé contradictoire, Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 29 avril 2022 par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Montbéliard ; Y ajoutant : Condamne la société coopérative à capital et personnel variables Crédit Agricole Mutuel de Franche-Comté à payer à Mme [E] [O], divorcée [I], la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ; Condamne la société coopérative à capital et personnel variables Crédit Agricole Mutuel de Franche-Comté aux dépens d'appel. Ledit arrêt a été signé par M. Michel Wachter, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré et par Mme Fabienne Arnoux, greffier. Le greffier, Le président de chambre,
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COUR D'APPEL DE BESANÇON 1ère Chambre Civile ORDONNANCE No No RG 22/01044 - No Portalis DBVG-V-B7G-EQ2P S/appel d'une décision du TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE VESOUL en date du 24 mai 2022 [RG No 19/01688] Code affaire : 54G - Demande d'exécution de travaux, ou de dommages-intérêts, formée par le maître de l'ouvrage contre le constructeur ou son garant, ou contre le fabricant d'un élément de construction ORDONNANCE DE CADUCITE PARTIELLE DU 06 DÉCEMBRE 2022 S.A. GENERALI IARD sise [Adresse 6] Représentée par Me Virginie LEONARD de la SELARL LEONARD VIENNOT, avocat au barreau de HAUTE-SAONE Monsieur [Z] [R] de nationalité française, demeurant [Adresse 9] Représenté par Me Anne LAGARRIGUE de la SELARL ANNE LAGARRIGUE, avocat au barreau de HAUTE-SAONE Madame [W] [R] née le [Date naissance 3] 1983 à [Localité 10] de nationalité française, demeurant [Adresse 9] Représentée par Me Anne LAGARRIGUE de la SELARL ANNE LAGARRIGUE, avocat au barreau de HAUTE-SAONE Monsieur [H] [P] né le [Date naissance 1] 1984 à [Localité 11] de nationalité française Profession : Comptable, demeurant [Adresse 2] Représenté par Me Elodie DE ALMEIDA de la SELARL OXO AVOCATS, avocat au barreau de BELFORT S.A.R.L. AGENCE ELIA SARL sise [Adresse 8] Représentée par Me Camille BEN DAOUD de la SELARL HBB AVOCAT, avocat au barreau de BESANCON S.A.R.L. A.C.V. sise [Adresse 7] Représentée par Me Vincent BRAILLARD de la SELARL JURIDIL, avocat au barreau de BESANCON Syndicat des copropriétaires "LE LION VERT" agissant poursuites et diligences de son gérant en exercice, la SARL GERANCE SYNDIC MOURET ayant siège [Adresse 4] sise [Adresse 5] Représentée par Me Ludovic PAUTHIER de la SCP DUMONT - PAUTHIER, avocat au barreau de BESANCON Ordonnance contradictoire et publique, sans audience, rendue par Bénédicte MANTEAUX, conseiller de la mise en état, assisté de Leila ZAIT, greffier. Par jugement du 24 mai 2022, le tribunal judiciaire de Vesoul a : - rejeté l'exception de nullité de l'assignation formée par la SA Generali IARD ; - condamné M. [H] [P] à payer à M. [Z] [R] et Mme [W] [R] les sommes suivantes : . 15 000 euros au titre des travaux d'assèchement de l'appartement, . 33 111,29 euros au titre de la réfection de l'appartement, . 3 200 euros au titre de la nécessité d'avoir recours à un maître d'oeuvre, . 14 060 euros au titre de la perte de loyer, pour la période septembre 2016 - octobre 2019, . 380 euros par mois à compter de novembre 2019 jusqu'à réalisation des travaux d'étanchéité de la terrasse et de réfection de l'appartement, . 4 650 euros au titre du remplacement de la cuisine, . 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; - condamné M. [P] à procéder à la réparation de la toiture terrasse ainsi que le remplacement de la descente des eaux de pluie, dans le délai d'un mois à compter de la signification du jugement, et passé ce délai, sous astreinte de 250 euros par jour de retard ; - condamné la société Generali à garantir M. [P] des condamnations prononcées à son encontre au profit des époux [R] et à lui payer la somme de 800 euros chacun au titre de article 700 du code de procédure civile ; - condamné le syndicat de copropriétaires Le Lion Vert et la SARL Agence Elia à garantir M. [P] solidairement entre eux des condamnations prononcées à son encontre au profit des époux [R] et à lui payer la somme de 800 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; - condamné M. [P] à payer à la SARL ACV la somme de 1 500 euros au titre de article 700 du code de procédure civile ; - débouté les parties du surplus de leurs demandes ; - condamné M. [P] aux dépens de l'instance principale et de l'appel en garantie formé contre la société ACV ; - condamné la société Generali, le syndicat de copropriétaires et l'agence Elia aux dépens des appels en garantie dirigés contre eux. Par déclaration du 28 juin 2022, la société Generali a relevé appel du jugement et a déposé ses conclusions au fond le 24 août 2022. Les intimés ont tous constitué avocat. Ils ont déposé leurs conclusions de fond le : . 13 octobre 2022 pour la société ACV . 26 octobre 2022 pour le syndicat de copropriétaires Le Lion Vert . 22 novembre 2022 pour les époux [R] . 17 novembre 2022 pour la société Agence Elia . 23 novembre 2022 pour M. [P]. Par conclusions du 12 octobre 2022, la société ACV a saisi le conseiller de la mise en état d'une demande de caducité de la déclaration d'appel formée par la société Generali à son encontre faute de demande formulée contre elle et, subsidiairement, d'irrecevabilité de l'appel la concernant. Elle sollicite également la condamnation de la société Generali à lui régler la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens qui seront versés directement entre les mains de la SELARL Juridil, conformément à l'article 699 du code de procédure civile. Par avis du 19 octobre 2022, les parties ont été invitées, sous quinzaine, à présenter leurs observations sur cet incident. Par conclusions sur incident transmises le 26 octobre 2022, l'avocat de l'appelante déclare s'en rapporter à justice sur cette demande de caducité mais s'oppose à celle formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Par courrier transmis le 22 novembre 2022, l'avocat des époux [R] a déclaré s'en rapporter sur cet incident. Conformément à l'article 911-1 du code de procédure civile, la caducité de la déclaration d'appel en application des articles 902 et 908 du même code est prononcée par ordonnance du conseiller de la mise en état qui peut statuer sans audience après avoir sollicité les observations écrites des parties. Par application de l'article 914 du code de procédure civile, le conseiller de la mise en état est, lorsqu'il est désigné et jusqu'à son dessaisissement, seul compétent pour prononcer la caducité de l'appel, pour déclarer l'appel irrecevable et trancher à cette occasion toute question ayant trait à la recevabilité de l'appel ou pour déclarer les conclusions irrecevables en application des articles 909 et 910 du code de procédure civile. Concernant les conclusions de l'appelant, le conseiller de la mise en état doit prononcer la caducité de l'appel si les conclusions visées par l'article 908 n'ont pas été déposées dans le délai de trois mois de la déclaration d'appel. L'absence de demandes dans les conclusions s'analyse en absence de conclusions. L'article 910-1 précise que les conclusions exigées par les articles 905-2 et 908 à 910 sont celles, adressées à la cour, qui sont remises au greffe et notifiées dans les délais prévus par ces textes et qui déterminent l'objet du litige. En l'espèce, les conclusions transmises le 24 août 2022 par la société Generali dans le délai prescrit par l'article 908 du code de procédure civile ne contiennent aucune demande à l'encontre de la société ACV. Il y a donc lieu de considérer que l'appelante n'a pas déposé de conclusions dans le délai de l'article 908 du code de procédure civile à l'encontre de cette partie. La déclaration d'appel formée le 28 juin 2022 par la société Generali est donc caduque à l'égard de la société ACV. Il est constant qu'un acte atteint de caducité cesse de produire ses effets automatiquement, sitôt que se réalise la condition d'extinction, ici l'expiration du délai de trois mois imparti à l'appelant pour conclure. La caducité de la déclaration d'appel emporte donc extinction de l'instance, conformément d'ailleurs aux dispositions de l'article 385 du code de procédure civile, prévoyant notamment que l'instance s'éteint à titre principal par l'effet de la caducité de la citation. En l'espèce, la signification de la déclaration d'appel constitue cette citation (Civ 2o, 24 mars 2022, no19-25.033). Dans le cas d'une caducité partielle, l'extinction de l'instance est limitée aux liens entre les parties concernées par l'ordonnance de caducité partielle. Dès lors, les demandes formulées postérieurement au délai de l'article 908 du code de procédure civile à l'encontre de la société ACV sont irrecevables. C'est le cas pour la demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile formulée par M. [P] dans ses conclusions transmises le 23 novembre 2022. L'incident mettant un terme à l'instance d'appel à l'encontre de la société ACV, il convient de liquider les dépens limités au lien d'instance concernant cette partie, lesquels seront mis à la charge de l'appelante qui succombe. Elle devra également verser à la société ACV la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS, Le conseiller de la mise en état, - déclare partiellement caduque à l'égard de la SARL ACV la déclaration d'appel formée le 28 juin 2022 par la SA Generali IARD contre le jugement du tribunal judiciaire de Vesoul en date du 24 mai 2022 ; - déclare en conséquence irrecevables toutes les demandes formées dans cette procédure contre la SARL ACV et notamment la demande de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens formulée par M. [H] [P] dans ses conclusions transmises le 23 novembre 2022 ; - condamne la SA Generali IARD aux dépens de l'instance avancés par la SARL ACV et dit qu'ils seront recouvrés directement entre les mains de la SELARL Juridil ; - condamne la SA Generali IARD à payer à la SARL ACV la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Le greffier Le conseiller
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R.G : No RG 21/04054 - No Portalis DBVH-V-B7F-IHWA TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE DE VAUCLUSE 31 décembre 2018 RG:21700484 S.A.S. IDEA (IDENTIFICATIONS ET AUTOMATISMES) URSSAF PACA Grosse délivrée COUR D'APPEL DE NÎMES CHAMBRE SOCIALE ARRÊT DU 06 DECEMBRE 2022 APPELANTE : S.A.S. IDEA (IDENTIFICATIONS ET AUTOMATISMES) [Adresse 1] [Adresse 1] [Localité 2] représentée par Me Sami KOLAÏ de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de MACON/CHAROLLES URSSAF PACA [Adresse 4] [Localité 3] représenté par Mme [Y] en vertu d'un pouvoir général COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS : Madame Evelyne MARTIN, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 945-1 du code de Procédure Civile, sans opposition des parties. Elle en a rendu compte à la Cour lors de son délibéré. COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président Madame Evelyne MARTIN, Conseillère Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère GREFFIER : Madame Delphine OLLMANN, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision A l'audience publique du 20 Septembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 06 Décembre 2022. Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel. Arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 06 Décembre 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES : La Sas Identifications et Automatismes (IDEA) a fait l'objet d'un contrôle de l'Union de recouvrement de la sécurité sociale et des allocations familiales portant sur la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014 qui a donné lieu à l'envoi d'une lettre d'observations par lettre recommandée du 13 octobre 2016 et d'une lettre de mise en demeure du 22 décembre 2016 établie à hauteur de 25 922 euros dont 21 892 euros en cotisations sociales et 4 030 euros en majorations de retard. La Sas IDEA a saisi la commission de recours amiable de l'Urssaf Provence Alpes Côte d'Azur par courrier du 25 janvier 2017 en contestation des chefs de redressement envisagés par l'Urssaf relatifs à la prise en charge supplémentaire par l'employeur de la part patronale de retraite et à la non-fourniture de documents : fixation forfaitaire de l'assiette. La Sas IDEA a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Vaucluse d'un recours contre la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable de l'Urssaf Provence Alpes Côte d'Azur. Suivant jugement du 31 décembre 2018, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Vaucluse a : - validé la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable de l'Urssaf et la mise en demeure du 22 décembre 2016 pour son montant total rectifié de 23 471 euros dont 19 822 euros en cotisations et 3 649 euros en majorations de retard, - débouté la Sas IDEA de l'ensemble de ses demandes, - dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile, - dit n'y avoir lieu à statuer sur les dépens. Par courrier recommandé du 1er février 2019, la Sas IDEA a interjeté appel de cette décision dont il n'est pas justifié, dans le dossier de première instance, de la date de notification. L'affaire enregistrée sous le numéro RG 19/00483 a été radiée suivant ordonnance du 15 novembre 2019. Le 10 novembre 2021, la Sas IDEA a demandé la réinscription de l'affaire. L'affaire a été réinscrite, enregistrée sous le nouveau RG 21/04054 puis a été fixée à l'audience du 14 juin 2022 et renvoyée à celle du 20 septembre 2022 à laquelle elle a été retenue. Dans un courrier du 16 décembre 2021, le président de la chambre sociale a demandé aux parties d'adresser leurs observations écrites dans le délai de 15 jours sur la péremption relevée d'office par le magistrat chargé d'instruire l'affaire et les a informées qu'il sera statué sur la péremption d'instance. Dans le dernier état de ses conclusions soutenues oralement à l'audience, la Sas IDEA demande à la cour de : Sur la péremption : - dire que la péremption d'instance n'est pas acquise, Sur le fond : - infirmer le jugement de première instance, - annuler par voie de conséquence le redressement notifié, - condamner l'Urssaf Provence Alpes Côte d'Azur à l'indemniser au titre du caractère abusif de la procédure, - ordonner la remise des majorations de retard, - dire et juger que l'Urssaf Provence Alpes Côte d'Azur procédera au remboursement des sommes acquittées à titre conservatoire avec intérêts au taux légal en sus, - condamner l'Urssaf Provence Alpes Côte d'Azur à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour chaque phase d'instance, - condamner l'Urssaf Provence Alpes Côte d'Azur aux entiers dépens s'il en est. La société Simpliciti venant aux droits de la Sas IDEA fait valoir que : - l'article R 142-10-10 du Code de la sécurité sociale, tel qu'issu du décret no2019-1506 du 30 décembre 2019 ne concerne que la procédure applicable en première instance, que dès lors, l'article 386 du code de procédure civile est seul applicable en cause d'appel, que l'ordonnance de radiation mentionnait expressément que l'instance sera périmée si aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans, qu'elle a remis l'affaire dans le délai imparti ; elle entend rappeler qu'en procédure orale, les parties n'ont aucune obligation de conclure et que la direction de la procédure leur échappe, - s'agissant du redressement relatif à la prise en charge supplémentaire par l'employeur de la part patronale de retraite, qu'elle a été rachetée par le groupe Berto en 2013 ce qui explique qu'elle ne bénéficie pas de l'entier historique, qu'elle est toutefois en mesure de justifier de l'application d'un taux de cotisation Arrco dérogatoire antérieurement à 1993, qu'elle justifie que le taux contractuel a été fixé à 4% dès le 25 février 1992 au titre du régime obligatoire et à 4% pour le régime supplémentaire, soit 8% au global, que ce régime est resté inchangé depuis lors, que dans la mesure où elle justifie d'une adhésion à un régime dérogatoire antérieur au 1er janvier 1993, le jugement entrepris sera infirmé sur ce point, - s'agissant du redressement relatif à la prétendue non-fourniture de documents : fixation forfaitaire de l'assiette, l'Urssaf ne peut pas contrôler l'application de la réglementation qu'au titre de l'année de contrôle, 2016, et des trois années précédentes, 2013 à 2015, que l'Urssaf entend cependant redresser au titre d'un contrat arrivé à échéance au 31 décembre 2012, que les seuls salariés bénéficiaires ont liquidé leur retraite et quitté l'entreprise le 1er décembre 2011 et le 30 septembre 2012, que dès lors que les contrats étaient arrivés à terme au 31 décembre 2012, hors de la période de contrôle, l'Urssaf ne pouvait légitimement en apprécier la conformité, - l'Urssaf a manifestement manqué à ses obligations de loyauté et de conseil auxquelles elle était tenue, que tout au long de la procédure elle a privilégié une volonté de redressement ignorant ainsi les règles applicables et les éléments qu'elle avait produits, qu'il n'est pas acceptable que l'Ursssaf puisse choisir délibérément de mettre à mal sa situation économique et financière. Dans le dernier état de ses conclusions soutenues oralement à l'audience, l'Urssaf Provence Alpes Côte d'Azur demande à la cour de : A titre principal, - constater la péremption d'instance, - déclarer la procédure de la Simpliciti venue dans les droits de la Sas IDEA frappée de péremption, A titre principal, - condamner la société Simpliciti venant dans les droits de la Sas IDEA à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, - condamner la société Simpliciti venant dans les droits de la Sas IDEA aux dépens, A titre subsidiaire, - rejeter l'appel de la société, - confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 31 décembre 2018, - condamner la société Simpliciti venant dans les droits de la Sas IDEA à payer en deniers ou quittance la mise en demeure du 22 décembre 2016, - condamner la société Simpliciti venant dans les droits de la Sas IDEA à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens. L'Urssaf Provence Alpes Côte d'Azur soutient que : - la péremption d'instance est acquise dans la mesure où aucune diligence n'a été réalisée par la Sas IDEA pendant plus de deux ans, celle-ci ayant conclu le 10 novembre 2021 alors que le 05 février 2019, la cour d'appel lui a fait injonction de conclure dans un délai de 4 mois, - s'agissant du redressement relatif à la prise en charge supplémentaire par l'employeur de la part patronale de retraite, l'examen des documents sociaux a permis d'observer que la Sas IDEA cotisait à la retraite complémentaire Arcco à un taux supérieur à celui issu du droit commun et concernant le personnel cadre, une clef de répartition dérogatoire, la société bénéficiant d'un taux de cotisation dérogatoire antérieur à 1993, les contributions patronales destinées au financement de ce supplément de taux ne sont pas soumises au forfait social et à la CSG/CRDS, que les sommes correspondantes à ces contributions doivent être retirées de l'assiette de cotisations, qu'en revanche, la société ne fournit aucun justificatif permettant de prouver qu'elle bénéficie d'une clef de répartition dérogatoire antérieure au 01 janvier 1999 et conservée par elle à ce jour, que dès lors, pour la période de contrôle concernée, les contributions des salariés prises en charge par l'employeur doivent être intégrées dans l'assiette des cotisations et contributions sociales, - s'agissant du redressement relatif à la non-fourniture de documents, si les contrats relatifs de retraite complémentaire arrivent à échéance au 31 décembre 2012, les sommes en cause ont été réglées et constatées dans la comptabilité au titre de l'année 2013, que les éléments fournis ne permettent pas de vérifier que ces sommes ont été correctement soumises à cotisations et contributions sociales au cours de l'année 2012, qu'aucun justificatif n'a été mis à la disposition de ses services pour prouver qu'elles ont été réglées au cours de l'année 2012, que ce n'est qu'en 2013 qu'elles apparaissent dans les écritures comptables de la société, que le délai de prescription court à compter non de la date d'échéance des contrats mais à compter de la date à partir de laquelle les sommes correspondantes apparaissent dans les écritures comptables, que c'est donc au titre de 2013 que les sommes en cause doivent être réintégrées dans l'assiette de cotisations sociales. Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des prétentions et moyens de parties, il convient de se référer à leurs écritures déposées et soutenues à l'audience. Selon l'article 383 du code de procédure civile, la radiation et le retrait du rôle sont des mesures d'administration judiciaire. A moins que la péremption de l'instance ne soit acquise, l'affaire est rétablie, en cas de radiation, sur justification de l'accomplissement des diligences dont le défaut avait entraîné celle-ci ou, en cas de retrait du rôle, à la demande de l'une des parties. Conformément à l'article 386 du même code, l'instance est périmée lorsqu'aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans. Les diligences consistent en des actes se rapportant à l'instance, manifestant la volonté des parties d'en faire avancer le cours et de nature à faire progresser l'affaire. Le point de départ du délai de péremption de deux ans est déterminé par la dernière diligence d'une quelconque partie et non pas de la décision de radiation. Selon l'article 388 alinéa 2 du même code, la péremption peut être relevée d'office par le juge. Depuis la réforme du contentieux de la sécurité sociale le 1er janvier 2019, la procédure d'appel répond au droit commun de la procédure civile. En l'espèce, il ressort des éléments de la procédure soumise à la cour que : - le 01 février 2019, la Sas IDEA a formé appel du jugement entrepris, - le 05 février 2019, le président de la chambre sociale a invité la Selarl Fidal en application de l'article 940 du code de procédure civile à faire parvenir au greffe de la cour une copie des conclusions ou d'une argumentation écrite et la liste des pièces qu'elle envisage de produire, que le délai dont elle dispose pour conclure est de quatre mois maximum à compter de la déclaration d'appel, qu'à défaut, l'affaire pourra faire l'objet d'une mesure de radiation, que la présente demande constitue une diligence procédurale et donc le point de départ de la péremption, de l'ordonnance portant injonction de conclure, - le 15 novembre 2019, l'ordonnance de radiation a été rendue laquelle rappelle que selon les dispositions de l'article 386 du code de procédure civile l'instance est périmée lorsqu'aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans, - le 10 novembre 2021, la Sas IDEA a demandé la réinscription de l'affaire. Au vu de l'ensemble de ces éléments, il convient de constater qu'un délai de plus de deux ans s'est écoulé entre l'acte d'appel, le 01 février 2019, et la première diligence qui a suivi, le 10 novembre 2021, qui correspond à la date de la demande de réinscription de l'affaire par l'une des parties. Il y a lieu, en conséquence, de constater la péremption de la présente instance. Les frais de l'instance périmée sont à la charge de celui qui a introduit l'instance. PAR CES MOTIFS La cour d'appel, statuant publiquement, par arrêt contradictoire en matière de sécurité sociale et en dernier ressort ; Constate la péremption de la présente instance, Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile, Rejette les demandes plus amples ou contraires, Condamne la Sas IDEA aux dépens de la procédure d'appel. Arrêt signé par le président et par la greffiere. LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
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COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE CHAMBRE SOCIALE ARRÊT No 180 DU CINQ DECEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX AFFAIRE No RG 19/00680 - No Portalis DBV7-V-B7D-DDCD Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 9 mai 2019 - Section Industrie - Maître [K] [R] ès qualité de mandataire liquidateur de la SARL Grands Réseaux Caraïbes [Adresse 2] [Localité 4] Représentée par Maître Nicole Colette COTELLON (Toque 35), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART Monsieur [J] [X] [Adresse 1] [Localité 3] Représenté par Maître Dominique TAVERNIER (Toque 34), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART AGS-CGEA DE [Localité 6] [Adresse 7] [Adresse 7] [Localité 5] - MARTINIQUE Non Représentée COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 octobre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Gaëlle Buseine, conseillère, chargée d'instruire l'affaire. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Mme Rozenn Le Goff, conseillère, présidente, Mme Gaëlle Buseine, conseillère, Mme Annabelle Clédat, conseillère, Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 5 décembre 2022 GREFFIER Lors des débats : Mme Valérie Souriant, greffier. Réputé contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par Mme Rozenn Le Goff, conseillère, présidente, et par Mme Valérie Souriant, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire. FAITS ET PROCÉDURE : M. [X] [J] a été embauché par la SARL Grands Réseaux Caraibes (GRC) par contrat à durée déterminée à compter du 1er juillet 2002 en qualité d'ouvrier/monteur, la relation de travail s'étant poursuivie à l'issue du terme de ce contrat de travail. M. [X] saisissait le 21 décembre 2017 le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre aux fins d'obtenir : - le paiement des sommes suivantes : * 7266,76 euros à titre de remboursement de l'abattement forfaitaire prélevé de décembre 2014 à avril 2017, * 5991,80 euros au titre des heures supplémentaires sur les années 2015 et 2016, * 8000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du non-respect par son employeur du droit du travail, * 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, - la remise de son certificat de congés payés pour décembre 2014 et l'année 2015 sous astreinte de 100 euros par jour de retard, - le remboursement des éventuels dépens. Par jugement rendu contradictoirement le 9 mai 2019, le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre a : - dit que l'action de M. [X] [J] était parfaitement fondée en droit et l'a reçu dans sa demande, - condamné la SARL Grands Réseaux Caraibes en la personne de son représentant légal à régler à M. [X] [J] les sommes suivantes : * 7266,76 euros à titre de remboursement de l'abattement forfaitaire prélevé de décembre 2014 à avril 2017, * 5991,80 euros au titre des heures supplémentaires sur les années 2015 et 2016, * 1000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du non-respect par son employeur du droit du travail, * 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, - ordonné à la SARL Grands Réseaux Caraibes en la personne de son représentant légal de remettre à M. [X] [J] les certificats de congés payés de décembre 2014 et de l'année 2015 sous astreinte de 20 euros par jour de retard courant sur trois mois au huitième jour après notification du jugement, - dit que le conseil de prud'hommes se réserve le droit de liquider l'astreinte, - débouté la SARL Grands Réseaux Caraibes en la personne de son représentant légal du surplus de ses demandes, - prononcé l'exécution provisoire du jugement, - condamné la SARL Grands Réseaux Caraibes aux entiers dépens. Selon déclaration reçue au greffe de la cour le 24 mai 2019, la SARL Grands Réseaux Caraibes formait appel dudit jugement, qui lui était notifié le 10 mai 2019, en ces termes : "L'appelante demande à la cour d'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre du 9 mai 2019 en ce qu'il a : - dit que l'action de M. [X] [J] était parfaitement fondée en droit et l'a reçu dans sa demande, - condamné la SARL Grands Réseaux Caraibes en la personne de son représentant légal à régler à M. [X] [J] les sommes suivantes : * 7266,76 euros à titre de remboursement de l'abattement forfaitaire prélevé de décembre 2014 à avril 2017, * 5991,80 euros au titre des heures supplémentaires sur les années 2015 et 2016, * 1000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du non-respect par son employeur du droit du travail, * 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, - ordonné à la SARL Grands Réseaux Caraibes en la personne de son représentant légal de remettre à M. [X] [J] les certificats de congés payés de décembre 2014 et de l'année 2015 sous astreinte de 20 euros par jour de retard courant sur trois mois au huitième jour après notification du jugement, - dit que le conseil de prud'hommes se réserve le droit de liquider l'astreinte, - débouté la SARL Grands Réseaux Caraibes en la personne de son représentant légal du surplus de ses demandes, - prononcé l'exécution provisoire du jugement, - condamné la SARL Grands Réseaux Caraibes aux entiers dépens". Par ordonnance du 25 mai 2020, le magistrat chargé de la mise en état a : - rejeté l'exception d'irrecevabilité, - rejeté la demande tendant à la radiation de l'affaire, - renvoyé l'affaire à l'audience virtuelle de mise en état du 22 octobre 2020 à 9 heures pour conclusions éventuelles au fond et, à défaut, clôture et fixation, - dit que les dépens de l'incident suivront le sort des dépens de l'instance principale. Par jugement du 3 septembre 2021, le tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre a prononcé la liquidation judiciaire de la SARL GRC et désigné Me [R] [K] ès-qualités de liquidateur. Par acte d'huissier du 23 février 2022, l'AGS-CGEA a été assignée en intervention forcée par M. [X] [J] devant la cour d'appel de Basse-Terre. Elle n'a toutefois pas constitué avocat dans le cadre de la présente affaire. Par ordonnance du 23 juin 2022, le magistrat chargé de la mise en état a prononcé la clôture de l'instruction et renvoyé la cause à l'audience du lundi 19 septembre 2022 à 14h30. MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES : Selon ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 15 octobre 2021 à M. [X], Me [R] [K], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Grands Réseaux Caraibes, demande à la cour de : - déclarer la société recevable en son appel, - prononcer la recevabilité de l'intervention volontaire de Me [R] [K], agissant ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Grands Réseaux Caraibes, - constater la méconnaissance par l'intimé du mécanisme de l'abattement spécifique relatif aux frais professionnels des salariés du bâtiment instauré de longue date dans l'entreprise, - constater la transmission dématérialisée du certificat destiné à la caisse des congés payés et l'absence de preuve formelle d'un quelconque préjudice subi par le salarié dans le traitement de ses congés payés, - constater que tous les bulletins de paye versés aux débats par M. [X] au titre des années 2014 et 2015 font état des heures supplémentaires qui ont été acquittées par l'employeur, - constater le défaut d'établissement des préjudices allégués par l'intimé, En conséquence, - infirmer le jugement en toutes ses dispositions, - débouter M. [X] de toutes ses demandes, fins et conclusions, - condamner le même, outre les entiers dépens, au versement d'une somme de 2500 euros au titre des frais irrépétibles. Me [R] [K], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SARL grands Réseaux Caraibes soutient que : - l'abattement litigieux est mis en place depuis longtemps au sein de la société et constituait une simple faculté offerte à l'employeur, à défaut de refus exprès du salarié, - cet abattement de 10% constitue un avantage pour le salarié dans la mesure où sa rémunération nette est supérieure lorsqu'il est appliqué, - le salarié ne peut se prévaloir d'aucun préjudice résultant de l'application de cet abattement, - le salarié ne justifie pas du défaut de transmission des certificats de congés payés qu'il allègue, alors qu'il a versé aux débats des relevés informatiques de ceux-ci et que l'employeur a régularisé en cours de procédure les déclarations et indemnités, - le salarié ne justifie pas des heures supplémentaires dont il demande le règlement, dès lors que les décomptes qu'il produit sont imprécis et qu'il ne prend pas en compte les heures supplémentaires rémunérées dont la mention apparaît sur ses fiches de paie, - les différents préjudices allégués par le salarié ne sont pas établis. Par conclusions, notifiées par voie électronique le 23 février 2022, à Me [R] [K] ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Grands Réseaux Caraibes, M. [X] demande le rabat de l'ordonnance de clôture, en vue de faire respecter le principe du contradictoire. Selon ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 24 février 2021, à Me [R] [K] ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Grands Réseaux Caraibes, M. [X] demande à la cour de : A titre principal, - confirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions, A titre subsidiaire, - si, par extraordinaire, la juridiction de céans devait estimer qu'il est inapproprié de condamner l'employeur à rembourser les sommes retenues au titre de l'abattement forfaitaire prélevé de décembre 2014 à avril 2017, condamner la société Grands Réseaux Caraibes à lui verser la somme de 5151,60 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de l'application injustifiée de l'abattement forfaitaire pour frais professionnels, - confirmer le jugement en ce qu'il a condamné l'employeur à lui verser la somme de 5911,54 euros au titre des heures supplémentaires sur les années 2015 et 2016, 1000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du non-respect par l'employeur du droit du travail et 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, En tout état de cause, - condamner la société Grands Réseaux Caraibes à lui verser la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et au remboursement des dépens éventuels. Il expose que : - l'employeur a pratiqué un abattement forfaitaire depuis l'année 2006 sans respecter la procédure y afférente, en particulier demander l'accord du salarié, - il ne s'est pas conformé aux modalités de calculs, dès lors qu'il n'a pas réintégré les frais mensuels dans les bases de cotisations sociales, - l'employeur ne peut se fonder sur les dispositions d'un texte qui ont été annulées par le Conseil d'Etat par décision rendue le 29 décembre 2004, - l'abattement pratiqué a eu pour effet de réduire le salaire brut du salarié de manière injustifiée, - sa demande de communication des certificats de congés payés est justifiée, - il est fondé à solliciter le versement de la somme de 5991,80 euros correspondant aux heures supplémentaires qu'il a effectuées dès lors qu'il travaillait 39 heures par semaine, aucun octroi de repos compensateur ne pouvant lui être opposé, - il justifie du préjudice subi du fait du non respect de la législation du travail et des retards de paiement en matière de salaire, de congés payés et de la remise des tickets restaurant. Sur la demande de révocation de l'ordonnance de clôture : Aux termes de l'article 803 du code de procédure civile, l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue ; la constitution d'avocat postérieurement à la clôture ne constitue pas, en soi, une cause de révocation. Si une demande en intervention volontaire est formée après la clôture de l'instruction, l'ordonnance de clôture n'est révoquée que si le tribunal ne peut immédiatement statuer sur le tout. L'ordonnance de clôture peut être révoquée, d'office ou à la demande des parties, soit par ordonnance motivée du juge de la mise en état, soit, après l'ouverture des débats, par décision du tribunal. En l'espèce, il appert que le magistrat chargé de la mise en état a prononcé la clôture de l'instruction par ordonnance datée du 23 juin 2022. Il convient de débouter M. [X] de sa demande de révocation de l'ordonnance de clôture, dès lors qu'aucune clôture de l'instruction n'avait été prononcée à la date de ladite demande. Sur l'abattement forfaitaire spécifique : En ce qui concerne le bien-fondé de l'abattement forfaitaire : L'article 9 de l'arrêté du 20 décembre 2002 modifié par l'arrêté du 25 juillet 2005, applicable au contrat de travail en cours dans l'espèce, dispose que les professions, prévues à l'article 5 de l'annexe IV du Code général des impôts dans sa rédaction en vigueur au 31 décembre 2000, qui comportent des frais dont le montant est notoirement supérieur à celui résultant du dispositif prévu aux articles précédents peuvent bénéficier d'une déduction forfaitaire spécifique. Cette déduction est, dans la limite de 7 600 euros par année civile, calculée selon les taux prévus à l'article 5 de l'annexe IV du code précité. L'employeur peut opter pour la déduction forfaitaire spécifique lorsqu'une convention ou un accord collectif du travail l'a explicitement prévu ou lorsque le comité d'entreprise ou les délégués du personnel ont donné leur accord. À défaut, il appartient à chaque salarié d'accepter ou non cette option. Celle-ci peut alors figurer soit dans le contrat de travail ou un avenant au contrat de travail, soit faire l'objet d'une procédure mise en oeuvre par l'employeur consistant à informer chaque salarié individuellement par lettre recommandée avec accusé de réception de ce dispositif et de ses conséquences sur la validation de ses droits, accompagné d'un coupon-réponse d'accord ou de refus à retourner par le salarié. Lorsque le travailleur salarié ou assimilé ne répond pas à cette consultation, son silence vaut accord définitif. L'assiette des cotisations est alors constituée par le montant global des rémunérations, indemnités, primes, gratifications ou autres acquises aux intéressés, y compris, le cas échéant, les indemnités versées au travailleur salarié ou assimilé à titre de remboursement des frais professionnels, à l'exception de celles versées, d'une part, à certaines professions bénéficiant d'une déduction forfaitaire spécifique dont le montant est notoirement inférieur à la réalité des frais professionnels exposés par le travailleur salarié ou assimilé et, d'autre part, de celles versées au titre d'avantages venant en contrepartie de contraintes professionnelles particulièrement lourdes. La liste limitative de ces exceptions est jointe en annexe du présent arrêté. L'application de ces dispositions s'entend sans préjudice des dispositions du sixième alinéa de l'article R. 242-1 du Code de la sécurité sociale. En l'espèce il y a lieu de constater que Me [R] [K], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL GRC, ne justifie pas que les conditions précitées relatives à la mise en place de la déduction forfaitaire aient été respectées, dès lors qu'il n'est pas établi que le salarié ou les représentants des salariés aient été consultés. Il convient de souligner que l'article 9 de l'arrêté du 20 décembre 2002 a été annulé par arrêt du Conseil d'État du 29 décembre 2004 (CE, 29 déc. 2004, no 254529, Fédération nationale de l'aviation marchande) et rétabli par l'article 6 de l'arrêté du 25 juillet 2005. Dès lors, les dispositions antérieures, issues de l'arrêté du 20 décembre 2002, ne sauraient valablement être alléguées par Me [R] [K], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SARL GRC, l'annulation par le Conseil d'Etat statuant au contentieux de l'article 9 de l'arrêté du 20 décembre 2002 autorisant les employeurs à pratiquer sur l'assiette des cotisations de sécurité sociale une déduction forfaitaire spécifique ayant privé de fondement juridique cette pratique jusqu'à l'entrée en vigueur de l'arrêté du 25 juillet 2005 Il résulte de l'analyse menée ci-dessus que l'abattement imposé au salarié est injustifié. En ce qui concerne la demande de rappel de salaires : En cas d'application de l'abattement pour frais professionnels, l'assiette des cotisations sociales se trouve réduite de 10 %. Ainsi que le précise Me [R] [K], ès-qualités de liquidateur judiciaire, le salaire net versé au salarié s'en trouve augmenté, étant précisé qu'il paie moins de cotisations sociales. Dans ces conditions, M. [X] n'est pas fondé à solliciter un rappel de salaire brut, en l'absence de toute diminution de la rémunération qui lui a été versée. Le jugement est infirmé sur ce point. En ce qui concerne la demande de dommages et intérêts : Ainsi que le souligne le salarié, la pratique irrégulière de la déduction forfaitaire a entraîné une diminution de ses droits sociaux établis sur l'assiette de calcul des cotisations. Cette déduction forfaitaire irrégulièrement pratiquée a eu un effet sur le calcul des cotisations sociales qui ont été réduites par l'effet de l'abattement de 10 %, lequel est appliqué sur le salaire brut servant d'assiette de calcul aux cotisations sociales de sa salariée. Dès lors, et ainsi que le souligne le salarié, se sont trouvés réduits ses droits relatifs : - à ses indemnités journalières et au complément de la prévoyance en cas d'arrêt de travail, - aux allocations chômage, - aux allocations retraite. Par suite se trouve caractérisé un préjudice subi par le salarié, la circonstance invoquée par Me [R] [K], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SARL GRC, que le salarié ait perçu une rémunération nette supérieure à celle dont il aurait bénéficié en l'absence d'application de cette clause n'étant pas de nature à remettre en cause ledit préjudice. Il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par M. [X] en lui allouant une indemnité de 2000 euros pour l'abattement forfaitaire injustifié. Sur les heures supplémentaires : Par application de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, il appartient ainsi au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant. En l'espèce, le salarié présente un décompte d'heures supplémentaires afférentes aux années 2015 et 2016, faisant état de ce que son horaire hebdomadaire est de 39 heures, soit du lundi au jeudi de 6h30 à 14h30 et le vendredi de 6h30 à 13h. Il verse également différents documents des organisation syndicales relatives aux demandes de mise en place des 35 heures. Le tableau récapitulatif, qui reprend les 4 heures supplémentaires hebdomadaires, soit un total de 376 heures pour les deux années en cause à hauteur de 5991,80 euros, est, dès lors, suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre. Me [R] [K], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SARL GRC, ne justifie pas des heures effectivement réalisées par le salarié, les notes de services versées aux débats concernant l'ensemble des salariés, mais précise à juste titre qu'il convient de déduire de la somme réclamée par M. [X], celles d'ores et déjà réglées à celui-ci à ce titre et figurant sur les bulletins de paie des années 2015 et 2016. L'examen de ces bulletins de paie met en évidence le paiement au salarié des sommes de 1686,76 euros pour l'année 2015 (237,23 € en janvier, 126,52 € en février, 110,71 € en avril, 173,97 € en mai, 47,45 € en juillet, 111,87 € en septembre, 127,86 € en octobre, 191,78 € en novembre, 559,37 € en décembre) et 2704,97 euros pour l'année 2016 (159,82 € en janvier, 127,86 € en février, 351,61 € en mars, 335,62 € en avril, 15,98 € en mai, 719,19 € en juin, 223,75 € en juillet, 112,46 € en août, 224,91 € en septembre, 305,24 € en octobre, 80,33 € en novembre, 48,20 € en décembre) au titre des heures supplémentaires. Dans ces conditions, il convient d'accorder à M. [X] une somme de 1600,07 euros au titre des heures supplémentaires dues pour les années 2015 et 2016. Le jugement est réformé sur ce point. Sur les dommages et intérêts : M. [X] n'est pas fondé à se prévaloir d'un préjudice subi du fait du non respect par l'employeur de la législation du travail en invoquant la prescription des sommes indûment prélevées au titre de l'abattement forfaitaire, ni la prescription des sommes afférentes au rappel des congés payés, et ceci pour les années antérieures à 2014, dès lors qu'il ne justifie pas de leur réalité, ni de ce que cette prescription serait imputable à l'employeur. De même, les retards systématiques dans le paiement de son salaire, de ses congés payé et dans la remise des tickets restaurant ne sont pas davantage établis, la circonstance que les salariés aient été amenés à initier des mouvement de grève ne pouvant pallier la démonstration de la réalité du préjudice le concernant. Par suite, il y a lieu d'infirmer le jugement déféré et de débouter M. [X] de sa demande de dommages et intérêts pour le préjudice du fait du non respect de la législation du travail et des retards de paiement en matière de salaire, de congés payés et de remise des tickets restaurant. Sur les autres demandes : Dès lors qu'en application de l'article 1353 du code civil, il n'est pas établi que l'employeur ait remis au salarié le certificat de congés payés de décembre 2014 ni de l'année 2015, prévu par les dispositions de l'article D. 3141-34 du code du travail, il convient d'ordonner sa remise au salarié, sans qu'il soit toutefois nécessaire de prononcer une astreinte. Le jugement est réformé sur ce point. Comme il apparaît inéquitable de laisser à la charge de M. [X] les frais irrépétibles qu'il a exposés, il convient de confirmer la somme de 700 euros allouée par les premiers juges au titre des frais irrépétibles de l'article 700 du code de procédure civile, sans qu'il soit besoin de lui allouer une somme complémentaire à ce titre en cause d'appel. Me [R] [K], ès-qualités de liquidateur de la SARL GRC devra être déboutée de sa demande présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Les dépens seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire de la SARL GRC. PAR CES MOTIFS : La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, mis à disposition au greffe et en dernier ressort, Déboute M. [X] [J] [I] de sa demande de révocation de l'ordonnance de clôture, Réforme le jugement rendu le 9 mai 2019 par le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre entre M. [X] [J] et la SARL Grands Réseaux Caraibes, Statuant à nouveau, Fixe la créance de M. [X] [J] au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Grands Réseaux Caraibes aux sommes suivantes : - 2000 euros à titre de dommages et intérêts pour abattement injustifié, - 1600,07 euros au titre du rappel d'heures supplémentaires pour les années 2015 et 2016, - 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, Ordonne à Me [R] [K], ès-qualités de liquidateur de la SARL Grands Réseaux Caraibes, de remettre à M. [X] [J] un certificat de congés payés de décembre 2014 et de l'année 2015, Déboute M. [X] [J] de sa demande de rappel de salaire de décembre 2014 à avril 2017 et de sa demande de dommages et intérêts pour non respect par l'employeur du droit du travail, Déboute M. [X] [J] de sa demande de versement d'une somme complémentaire en cause d'appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Déboute Me [R], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Grands Réseaux Caraibes, de sa demande présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire de la SARL Grands Réseaux Caraibes. Le greffier, La présidente,
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R.G : No RG 21/04223 - No Portalis DBVH-V-B7F-IIJF COUR D'APPEL DE NIMES 29 novembre 2019 RG:19/00488 S.A.S. BERTO ALPES URSSAF PACA Grosse délivrée COUR D'APPEL DE NÎMES CHAMBRE SOCIALE ARRÊT DU 06 DECEMBRE 2022 APPELANTE : S.A.S. BERTO ALPES [Adresse 4] [Localité 3] représentée par Me Sami KOLAÏ de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de MACON/CHAROLLES URSSAF PACA [Adresse 2] [Localité 1] représentée par Mme [D] en vertu d'un pouvoir général COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS : Madame Evelyne MARTIN, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 945-1 du code de Procédure Civile, sans opposition des parties. Elle en a rendu compte à la Cour lors de son délibéré. COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président Madame Evelyne MARTIN, Conseillère Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère GREFFIER : Madame Delphine OLLMANN, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision A l'audience publique du 20 Septembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 06 Décembre 2022. Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel. Arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 06 Décembre 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES : La Sas Berto Alpes a fait l'objet d'un contrôle de l'Union de recouvrement de la sécurité sociale et des allocations familiales portant sur la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015 qui a donné lieu à l'envoi d'une lettre d'observations par lettre recommandée du 04 octobre 2016 et d'une lettre de mise en demeure du 23 décembre 2016 établie à hauteur de 143 402 euros dont 125 624 euros en cotisations sociales, 402 euros de majorations de redressement et 17376 euros de majorations de retard. La Sas Berto Alpes a saisi la commission de recours amiable de l'Urssaf Provence Alpes Côte d'Azur par courrier du 26 janvier 2017 en contestation des chefs de redressement envisagés par l'Urssaf relatifs à l'assiette du versement transport, aux transactions sur faute grave-indemnité de préavis, à l'annualisation de la réduction générale des cotisations-détermination des coefficients, à l'avantage en nature club Elite et à l'avantage en nature. La Sas Berto Alpes a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Vaucluse d'un recours contre la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable de l'Urssaf Provence Alpes Côte d'Azur. Suivant jugement du 31 décembre 2018, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Vaucluse a : - annulé le redressement relatif à l'avantage en nature Club [5] au titre des années 2013, 2014 et 2015 pour un montant total de 4 869 euros, - condamner l'Urssaf Provence Alpes Côte d'Azur à rembourser à la Sas Berto Alpes la somme de 4869 euros avec intérêts au taux légal à compter de la date des cotisations par la société, le redressement relatif à l'annualisation de la réduction générale des cotisations-détermination du coefficient au titre des années 2013, 2014 et 2015 pour un montant total de 3425 euros, - condamné l'Urssaf Provence Alpes Côte d'Azur à rembourser la Sa Groupe Berto la somme de 3 245 euros avec intérêts au taux légal à compter de la date de paiement des cotisations par la société, - validé à hauteur de 54 726 euros pour les années 2013, 2014 et 2015 le redressement relatif aux transactions sur faute grave- indemnité de préavis, - condamné l'Urssaf Provence Alpes Côte d'Azur à rembourser la Sa Groupe Berto la somme de 5 533 euros avec intérêts au taux légal à compter de la date de paiement des cotisations par la société, - validé le redressement pour le surplus, - débouté la Sa Groupe Berto de sa demande d'annulation du redressement relatif à l'assiette du versement transport, de ses demandes de dommages et intérêts, de remise des majorations de retard et au titre de l'article 700 du code de procédure civile, - débouté l'Urssaf Provence Alpes Côte d'Azur de sa demande de condamnation de la Sa Groupe Berto au titre de l'article 700 du code de procédure civile, - dit n'y avoir lieu à statuer sur les dépens. Par courrier recommandé du 1er février 2019, la Sa Groupe Berto a régulièrement interjeté appel de cette décision qui lui a été notifiée le 11 janvier 2019. L'affaire enregistrée sous le numéro RG 19/00494 a été radiée suivant ordonnance du 29 novembre 2019. Le 26 novembre 2021, la Sa Groupe Berto a demandé la réinscription de l'affaire. L'affaire a été réinscrite, enregistrée sous le nouveau RG 21/04224 puis a été fixée à l'audience du 14 juin 2022 et renvoyée à celle du 20 septembre 2022 à laquelle elle a été retenue. Dans un courrier du 08 décembre 2021, le président de la chambre sociale a demandé aux parties d'adresser leurs observations écrites dans le délai de 15 jours sur la péremption relevée d'office par le magistrat chargé d'instruire l'affaire et les a informées qu'il sera statué sur la péremption d'instance. Dans le dernier état de ses conclusions soutenues oralement à l'audience, la Sa Groupe Berto demande à la cour de : Sur la péremption : - dire que la péremption d'instance n'est pas acquise, Sur le fond : Sur l'infirmation partielle du jugement de première instance en ce qu'il a validé le redressement relatif à l'assiette de versement transport : - infirmer le jugement de première instance, - annuler le redressement notifié sur ce point à l'encontre de la société, - dire et juger que l'Urssaf Provence Alpes Côte d'Azur procédera au remboursement des sommes acquittées à titre conservatoire par la société suite à la réception de la mise en demeure litigieuse, - dire et juger que l'Urssaf Provence Alpes Côte d'Azur procédera au remboursement des sommes acquittées à titre conservatoire avec intérêts au taux légal en sus, Sur l'infirmation du jugement de première instance en ce qu'il a validé le redressement relatif aux transactions sur faute grave-indemnité de préavis, A titre principal, - infirmer le jugement de première instance, - annuler le redressement notifié sur ce point, - dire et juger que l'Urssaf Provence Alpes Côte d'Azur procédera au remboursement des sommes acquitées à titre conservatoire suite à la réception de la mise en demeure litigieuse, - dire et juger que l'Urssaf Provence Alpes Côte d'Azur procédera au remboursement des sommes acquitées à titre conservatoire avec intérêts au taux légal en sus, A titre subsidiaire, - infirmer le jugement de première instance, - réduire les bases de redressement aux indemnités conventionnelles de préavis applicables, Sur l'infirmation du jugement de première instance en ce qu'il a débouté la société de sa demande d'indemnisation au titre de l'absence de loyauté du contrôle, - infirmer le jugement de première instance, - condamner l'Urssaf Provence Alpes Côte d'Azur à l'indemniser au titre du caractère abusif de la procédure à hauteur de 2000 euros de dommages et intérêts, Sur l'infirmation du jugement de première instance en ce qu'il l'a déboutée de sa demande d'indemnisation au titre de l'article700 du code de procédure civile, - infirmer le jugement de première instance, - condamner l'Urssaf Provence Alpes Côte d'Azur à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour chaque phase d'instance, - condamner l'Urssaf Provence Alpes Côte d'Azur aux entiers dépens s'il en est. La Sa Groupe Berto fait valoir que : - l'article R 142-10-10 du Code de la sécurité sociale, tel qu'issu du décret no2019-1506 du 30 décembre 2019 ne concerne que la procédure applicable en première instance, que dès lors, l'article 386 du code de procédure civile est seul applicable en cause d'appel, que l'ordonnance de radiation mentionnait expressément que l'instance sera périmée si aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans, qu'elle a remis l'affaire dans le délai imparti ; elle entend rappeler qu'en procédure orale, les parties n'ont aucune obligation de conclure et que la direction de la procédure leur échappe,, - le chef de redressement no2 n'est pas justifié, que l'Urssaf a validé dans le cadre d'un contrôle antérieur l'assiette réduite du versement transport qu'elle a prise en compte, que les demandes de pièces de l'Urssaf étaient manifestement incomplètes, que le redressement n'est pas fondé juridiquement au regard de la particularité de la situation des salariés itinérants et que la pertinence factuelle de l'exclusion des salariés redressés de l'assiette de calcul du versement transport n'est pas établie, - le chef de redressement relatif aux transactions sur faute grave-indemnité de préavis n'est pas non plus justifié, que l'Urssaf a validé par un contrôle antérieur l'exclusion du préavis de l'assiette de calcul des cotisations, que l'Urssaf ne peut se substituer au juge en appréciant la validité d'un licenciement pour déduire l'existence d'une indemnité de préavis à la charge de l'entreprise, qu'à titre subsidiaire, il y aura lieu de diminuer les bases dudit redressement, - l'Urssaf a manifestement manqué à ses obligations de loyauté et de conseil auxquelles elle était tenue, que tout au long de la procédure elle a priviligié une volonté de redressement ignorant ainsi les règles applicables et les éléments qu'elle avait produits, qu'il n'est pas acceptable que l'Ursssaf puisse choisir délibérément de mettre à mal sa situation économique et financière. Dans le dernier état de ses conclusions soutenues oralement à l'audience, l'Urssaf Provence Alpes Côte d'Azur demande à la cour de : A titre principal, - constater la péremption d'instance, A titre subsidiaire, - dire la Sa Groupe Berto infondée en son appel, - confirmer le jugement rendu par le Tribunal des affaires de sécurité sociale de Vaucluse du 31 décembre 2018 - condamner la Sa Groupe Berto à lui payer la somme totale de 184 630 euros soit 162 312 euros de cotisations et 22 318 euros de majorations de retard, due au titre de la lettre de mise en demeure du 22 décembre 201, en deniers ou quittances, - condamner la Sa Groupe Berto à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. L'Urssaf Provence Alpes Côte d'Azur soutient que : - la péremption d'instance est acquise dans la mesure où aucune diligence n'a été réalisée par la Sa Groupe Berto pendant plus de deux ans, celle-ci ayant conclu le 26 novembre 2021 alors que le 04 février 2019, la cour d'appel lui a fait injonction de conclure dans un délai de 4 mois, - le point no2 est justifié au visa de l'article L242-1 du code de la sécurité sociale, qu'en dépit des documents fournis, la Sa Groupe Berto n'apporte pas la preuve de la réalité d'un contrôle tacite, qu'elle ne prouve pas qu'il est impossible de déterminer un lieu d'activité principale et que l'activité en cause s'exerce en dehors de la zone de versement, que la société se doit de justifier de manière exhaustive pour chacun de ses chauffeurs routiers et chaque mois l'exercice de l'activité majoritairement hors du champ de la zone de transport pour minorer à bon droit l'assiette de versement, ce que la Sa Groupe Berto ne fait pas en l'espèce, - concernant le point no1, la société ne peut pas se prévaloir d'un contrôle tacite, que la société ne démontre pas le caractère indemnitaire du versement qu'elle a effectué au titre des transactions de faute grave prévu par le protocole transactionnel, que sur ce point, la cour pourra rechercher vainement la nature et l'importance du prétendu préjudice qui est allégué, - la société n'a apporté aucun élément concret en première instance à l'appui de sa demande de dommages et intérêts et n'en apporte pas davantage devant la juridiction, que quels que soit les désagréments occasionnés par les opérations de contrôle auxquelles doit se soumettre une entreprise, celle-ci ne peut pas sérieusement faire valoir une volonté de nuire de sa part, qu'il lui appartenait de démontrer une faute, un préjudice et un lien de causalité entre cette faute et le préjudice, ce que la Sa Groupe Berto ne fait pas. Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des prétentions et moyens de parties, il convient de se référer à leurs écritures déposées et soutenues à l'audience. Selon l'article 383 du code de procédure civile, la radiation et le retrait du rôle sont des mesures d'administration judiciaire. A moins que la péremption de l'instance ne soit acquise, l'affaire est rétablie, en cas de radiation, sur justification de l'accomplissement des diligences dont le défaut avait entraîné celle-ci ou, en cas de retrait du rôle, à la demande de l'une des parties. Conformément à l'article 386 du même code, l'instance est périmée lorsqu'aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans. Les diligences consistent en des actes se rapportant à l'instance, manifestant la volonté des parties d'en faire avancer le cours et de nature à faire progresser l'affaire. Le point de départ du délai de péremption de deux ans est déterminé par la dernière diligence d'une quelconque partie et non pas de la décision de radiation. Selon l'article 388 alinéa 2 du même code, la péremption peut être relevée d'office par le juge. Depuis la réforme du contentieux de la sécurité sociale le 1er janvier 2019, la procédure d'appel répond au droit commun de la procédure civile. En l'espèce, il ressort des éléments de la procédure soumise à la cour que : - le 01 février 2019, la Sa Groupe Berto a formé appel du jugement entrepris, - le 05 février 2019, le président de la chambre sociale a invité la Selarl Fidal en application de l'article 940 du code de procédure civile à faire parvenir au greffe de la cour une copie des conclusions ou d'une argumentation écrite et la liste des pièces qu'elle envisage de produire, que le délai dont elle dispose pour conclure est de quatre mois maximum à compter de la déclaration d'appel, qu'à défaut, l'affaire pourra faire l'objet d'une mesure de radiation, que la présente demande constitue une diligence procédurale et donc le point de départ de la péremption, de l'ordonnance portant injonction de conclure, - le 29 novembre 2019, l'ordonnance de radiation a été rendue laquelle rappelle que selon les dispositions de l'article 386 du code de procédure civile l'instance est périmée lorsqu'aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans, - le 26 novembre 2021, la Sa Groupe Berto a demandé la réinscription de l'affaire. Au vu de l'ensemble de ces éléments, il convient de constater qu'un délai de plus de deux ans s'est écoulé entre l'acte d'appel, le 01 février 2019, et la première diligence qui a suivi, le 26 novembre 2021, qui correspond à la date de la demande de réinscription de l'affaire par l'une des parties. Il y a lieu, en conséquence, de constater la péremption de la présente instance. Les frais de l'instance périmée sont à la charge de celui qui a introduit l'instance. PAR CES MOTIFS La cour d'appel, statuant publiquement, par arrêt contradictoire en matière de sécurité sociale et en dernier ressort ; Constate la péremption de la présente instance, Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile, Rejette les demandes plus amples ou contraires, Condamne la Sa Groupe Berto aux dépens de la procédure d'appel. Arrêt signé par le président et par la greffiere. LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
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R.G : No RG 21/04220 - No Portalis DBVH-V-B7F-IIJB COUR D'APPEL DE NIMES 29 novembre 2019 RG:19/00493 S.A.S. BERTO EST ([Localité 4]) URSSAF PACA Grosse délivrée COUR D'APPEL DE NÎMES CHAMBRE SOCIALE ARRÊT DU 06 DECEMBRE 2022 APPELANTE : S.A.S. BERTO EST ([Localité 4]) [Adresse 3] [Localité 4] représentée par Me Sami KOLAÏ de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de MACON/CHAROLLES URSSAF PACA [Adresse 2] [Localité 1] représentée par Mme [V] en vertu d'un pouvoir général COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS : Madame Evelyne MARTIN, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 945-1 du code de Procédure Civile, sans opposition des parties. Elle en a rendu compte à la Cour lors de son délibéré. COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président Madame Evelyne MARTIN, Conseillère Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère GREFFIER : Madame Delphine OLLMANN, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision A l'audience publique du 20 Septembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 06 Décembre 2022. Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel. Arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 06 Décembre 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES : La Sasu Entreprise générale transports Georges Rollin-Berto Est ([Localité 4]) a fait l'objet d'un contrôle de l'Union de recouvrement de la sécurité sociale et des allocations familiales portant sur la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015 qui a donné lieu à l'envoi d'une lettre d'observations par lettre recommandée du 04 octobre 2016 et d'une lettre de mise en demeure du 20 décembre 2016 établie à hauteur de 44 435 euros dont 38 924 euros en cotisations sociales, 263 euros en majorations de redressement et 5 282 euros en majorations de retard. La Sasu Entreprise générale transports Georges Rollin-Berto Est ([Localité 4]) a saisi la commission de recours amiable de l'Urssaf Provence Alpes Côte d'Azur par courrier du 23 janvier 2017 en contestation des chefs de redressement envisagés par l'Urssaf relatifs à l'annualisation de la réduction générale des cotisations-détermination des coefficients, à l'assiette de versement transport et à l'avantage en nature cadeaux. La Sasu Entreprise générale transports Georges Rollin-Berto Est ([Localité 4]) a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Vaucluse d'un recours contre la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable de l'Urssaf Provence Alpes Côte d'Azur. Suivant jugement du 31 décembre 2018, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Vaucluse a : - annulé le redressement relatif à l'avantage club Elite au titre des années 2013, 2014 et 2015 pour un montant total de 2 847 euros, - condamné l'Urssaf Provence Alpes Côte d'Azur à rembourser à la Sasu Entreprise générale transports Georges Rollin-Berto Est ([Localité 4]) la somme de 2 847 euros avec intérêts à compter de la date de paiement des cotisations par la société, - annulé le redressement relatif à l'annualisation de la réduction générale des cotisations- détermination du coefficient au titre des années 2013, 2014 et 2015 pour un montant total de 5107 euros, - condamné l'Urssaf Provence Alpes Côte d'Azur à rembourser à la Sasu Entreprise générale transports Georges Rollin-Berto Est ([Localité 4]) la somme de 5 107 euros avec intérêts au taux légal à compter de la date de paiement des cotisations par la société, - validé le redressement pour le surplus, - débouté la Sasu Entreprise générale transports Georges Rollin-Berto Est ([Localité 4]) de sa demande d'annulation du redressement relatif à l'assiette du versement transport, de ses demandes de dommages et intérêts, de remise des majorations de retard et au titre de l'article 700 du code de procédure civile, - débouté l'Urssaf Provence Alpes Côte d'Azur de sa demande de condamnation de la Sasu Entreprise générale transports Georges Rollin-Berto Est ([Localité 4]) au titre de l'article 700 du code de procédure civile, - dit n'y avoir lieu à statuer sur les dépens. Par courrier recommandé du 1er février 2019, la Sasu Entreprise générale transports Georges Rollin-Berto Est ([Localité 4]) a régulièrement interjeté appel de cette décision qui lui a été notifiée le 03 janvier 2019. L'affaire enregistrée sous le numéro RG 19/00493 a été radiée suivant ordonnance du 29 novembre 2019. Le 26 novembre 2021, la Sasu Entreprise générale transports Georges Rollin-Berto Est ([Localité 4]) a demandé la réinscription de l'affaire. L'affaire a été réinscrite, enregistrée sous le nouveau RG 21/04220 puis a été fixée à l'audience du 14 juin 2022 et renvoyée à celle du 20 septembre 2022 à laquelle elle a été retenue. Dans un courrier du 08 décembre 2021, le président de la chambre sociale a demandé aux parties d'adresser leurs observations écrites dans le délai de 15 jours sur la péremption relevée d'office par le magistrat chargé d'instruire l'affaire et les a informées qu'il sera statué sur la péremption d'instance. Dans le dernier état de ses conclusions soutenues oralement à l'audience, la Sasu Entreprise générale transports Georges Rollin-Berto Est ([Localité 4]) demande à la cour de : Sur la péremption : - dire que la péremption d'instance n'est pas acquise, Sur le fond : Sur l'infirmation partielle du jugement de première instance en ce qu'il a validé le redressement relatif à l'assiette du versement transport : - infirmer le jugement de première instance, - annuler le redressement notifié sur ce point à l'encontre de la société, - dire et juger que l'Urssaf Provence Alpes Côte d'Azur procédera au remboursement des sommes acquittées à titre conservatoire par la société suite à la réception de la mise en demeure litigieuse, - dire et juger que l'Urssaf Provence Alpes Côte d'Azur procédera au remboursement des sommes acquittées à titre conservatoire avec intérêts au taux légal en sus, Sur l'infirmation du jugement de première instance en ce qu'il a validé le redressement relatif aux prétendus "avantages en nature cadeaux", - infirmer le jugement de première instance, - annuler le redressement notifié sur ce point à son encontre, - dire et juger que l'Urssaf Provence Alpes Côte d'Azur procèdera au remboursement des sommes acquittées à titre conservatoire suite à la réception de la mise en demeure litigieuse, - dire et juger que l'Urssaf Provence Alpes Côte d'Azur procèdera au remboursement des sommes acquittées à titre conservatoire avec intérêts au taux légal en sus, Sur l'infirmation du jugement de première instance en ce qu'il a validé le redressement relatif aux transactions sur faute grave-indemnité de préavis, A titre principal, - infirmer le jugement de première instance, - annuler le redressement notifié sur ce point, - dire et juger que l'Urssaf Provence Alpes Côte d'Azur procédera au remboursement des sommes acquittées à titre conservatoire suite à la réception de la mise en demeure litigieuse, - dire et juger que l'Urssaf Provence Alpes Côte d'Azur procédera au remboursement des sommes acquittées à titre conservatoire avec intérêts au taux légal en sus, A titre subsidiaire, - infirmer le jugement de première instance, - réduire les bases de redressement aux indemnités conventionnelles de préavis applicables, Sur l'infirmation du jugement de première instance en ce qu'il a débouté la société de sa demande d'indemnisation au titre de l'absence de loyauté du contrôle, - infirmer le jugement de première instance, - condamner l'Urssaf Provence Alpes Côte d'Azur à l'indemniser au titre du caractère abusif de la procédure à hauteur de 2000 euros de dommages et intérêts, Sur l'infirmation du jugement de première instance en ce qu'il l'a déboutée de sa demande d'indemnisation au titre de l'article700 du code de procédure civile, - infirmer le jugement de première instance, - condamner l'Urssaf Provence Alpes Côte d'Azur à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour chaque phase d'instance, - condamner l'Urssaf Provence Alpes Côte d'Azur aux entiers dépens s'il en est. La Sasu Entreprise générale transports Georges Rollin-Berto Est ([Localité 4]) fait valoir que : - l'article R 142-10-10 du code de la sécurité sociale, tel qu'issu du décret no2019-1506 du 30 décembre 2019 ne concerne que la procédure applicable en première instance, que dès lors, l'article 386 du code de procédure civile est seul applicable en cause d'appel, que l'ordonnance de radiation mentionnait expressément que l'instance sera périmée si aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans, qu'elle a remis l'affaire dans le délai imparti ; elle entend rappeler qu'en procédure orale, les parties n'ont aucune obligation de conclure et que la direction de la procédure leur échappe, - le chef de redressement relatif aux transactions sur faute grave-indemnité de préavis n'est pas non plus justifié, que l'Urssaf a validé par un contrôle antérieur l'exclusion du préavis de l'assiette de calcul des cotisations, que l'Urssaf ne peut se substituer au juge en appréciant la validité d'un licenciement pour déduire l'existence d'une indemnité de préavis à la charge de l'entreprise, qu'à titre subsidiaire, il y aura lieu de diminuer les bases dudit redressement, - le chef de redressement relatif au versement transport n'est pas justifié, qu'il existe des décisions implicites et explicites antérieures qui confirment la validation historique par l'Urssaf Provence Alpes Côte d'Azur de l'exclusion des conducteurs routiers de l'assiette de versement transport, que la demande de pièces de l'Urssaf était manifestement incomplète, que ce chef de redressement n'a pas de fondement juridique au regard de la particularité de son activité de conducteur routier de marchandises, enfin qu'elle démontre le caractère itinérant de l'activité des chauffeurs routiers, - le chef de redressement relatif aux prétendus "cadeaux en nature", que faute de motivation juridique, le jugement de première instance sera confirmé en ce qu'il a procédé à son annulation, - l'Urssaf a manifestement manqué à ses obligations de loyauté et de conseil auxquelles elle était tenue, que tout au long de la procédure elle a privilégié une volonté de redressement ignorant ainsi les règles applicables et les éléments qu'elle avait produits, qu'il n'est pas acceptable que l'Ursssaf puisse choisir délibérément de mettre à mal sa situation économique et financière. Dans le dernier état de ses conclusions soutenues oralement à l'audience, l'Urssaf Provence Alpes Côte d'Azur demande à la cour de : A titre principal, - constater la péremption d'instance, A titre subsidiaire, - dire que la Sasu Entreprise générale transports Georges Rollin-Berto Est ([Localité 4]) est infondée en son appel, - confirmer le jugement rendu par le Tribunal des affaires de sécurité sociale de Vaucluse du 31 décembre 2018 en ce qu'il a validé à hauteur de 7 663 euros le chef de redressement relatif aux transactions-faute grave- indemnité de préavis et a débouté la société de sa demande d'annulation du redressement relatif à l'assiette du versement transport et de sa demande de dommages et intérêts, de sa demande de remise des majorations de retard et de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, - dire qu'elle est bien fondée en son appel, - infirmer le jugement rendu par le Tribunal des affaires de sécurité sociale de Vaucluse du 31 décembre 2018 en ce qu'il a annulé le redressement relatif en nautre Club au titre des années 2013, 2014 et 2015 pour un montant total de 5 976 euros et l'a condamnée à rembourser à la société la somme de 5 976 euros avec intérêts au taux légal à compter de la date de paiement des cotisations par la société, - le confirmer pour le surplus, - condamner la Sasu Entreprise générale transports Georges Rollin-Berto Est ([Localité 4]) à lui payer la somme totale de 51 937 euros soit 45 210 euros de cotisations et 353 euros de majorations de redressement et 6 374 euros de majorations de retard et 34 euros à déduire due au titre de la mise en demeure du 20 décembre 2016 en deniers ou quittances, - condamner la Sasu Entreprise générale transports Georges Rollin-Berto Est ([Localité 4]) à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens. L'Urssaf Provence Alpes Côte d'Azur soutient que : - la péremption d'instance est acquise dans la mesure où aucune diligence n'a été réalisée par la Sas Berto Idf Est pendant plus de deux ans, celle-ci ayant conclu le 26 novembre 2021 alors que le 05 février 2019, la cour d'appel lui a fait injonction de conclure dans un délai de 4 mois, - concernant le redressement relatif au versement transport, la Sasu Entreprise générale transports Georges Rollin-Berto Est ([Localité 4]) n'apporte aucun élément de preuve permettant de déterminer un lieu d'activité principale et que l'activité s'exerce en dehors de la zone de versement, que la société se doit de justifier de manière exhaustive pour chacun de ses chauffeurs routiers et chaque mois, que l'exercice et l'activité majoritairement hors du champ de la zone de transport pour minorer à bon droit l'assiette du versement transport, ce que la Sasu Entreprise générale transports Georges Rollin-Berto Est ([Localité 4]) ne fait pas, que la société ne peut pas se prévaloir d'un accord tacite résultant de précédents contrôles, les conditions pour accepter un tel accord n'étant pas remplies, - le redressement relatif à la transaction conclue à la suite de licenciement pour faute grave et indemnités de préavis est fondé, que la société ne peut pas se prévaloir d'un contrôle tacite, que la société ne démontre pas le caractère indemnitaire du versement qu'elle a effectué au titre des transactions de faute grave prévu par le protocole transactionnel, que sur ce point, la cour pourra rechercher vainement la nature et l'importance du prétendu préjudice qui est allégué, - le redressement relatif à l'avantage en nature club Elite, la société a produit tardivement des prétendus programmes de travail, postérieurement au contrôle, et qui ne concernent qu'une partie du temps du séminaire, rien n'étant prévu sur la seconde journée et qui n'est, par ailleurs pas corroboré par d'autres documents tels que des notes internes et des comptes rendus, - sur le redressement relatif aux avantages en nature cadeaux, que contrairement à ce que soutient la société, les cadeaux litigieux offerts par la société constituent des avantages en nature car leur distribution est tributaire de l'appartenance des salariés bénéficiaires à l'enreprise en cause, et constituent un élément de rémunération inclus dans l'assiette des cotisations sociales, que la société tente de faire valoir que la valeur des cadeaux ne dépasserait pas le plafond visé dans la circulaire Acoss du 03 décembre 1996 , or s'agissant de bons d'achat versés directement par l'employeur, il importe de rappeler que si par dérogation, les bons d'achats et les cadeaux en nature alloués peuvent être exonérés de cotisations et de CSG/CRDS, la lettre circulaire du 14 février 1986 a déterminé les structures concernées par cette dérogation, à savoir les comités d'entreprise notamment, que c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que la société qui possédait un comité d'entreprise, les sommes ainsi allouées ne pouvaient pas se cumuler avec celles attribuées par ce dernier, - la société n'a apporté aucun élément concret en première instance à l'appui de sa demande de dommages et intérêts et n'en apporte pas davantage devant la juridiction, que quels que soient les désagréments occasionnés par les opérations de contrôle auxquelles doit se soumettre une entreprise, celle-ci ne peut pas sérieusement faire valoir une volonté de nuire de sa part, qu'il lui appartenait de démontrer une faute, un préjudice et un lien de causalité entre cette faute et le préjudice, ce que la Sasu Entreprise générale transports Georges Rollin-Berto Est ([Localité 4]) ne fait pas. Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des prétentions et moyens de parties, il convient de se référer à leurs écritures déposées et soutenues à l'audience. Selon l'article 383 du code de procédure civile, la radiation et le retrait du rôle sont des mesures d'administration judiciaire. A moins que la péremption de l'instance ne soit acquise, l'affaire est rétablie, en cas de radiation, sur justification de l'accomplissement des diligences dont le défaut avait entraîné celle-ci ou, en cas de retrait du rôle, à la demande de l'une des parties. Conformément à l'article 386 du même code, l'instance est périmée lorsqu'aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans. Les diligences consistent en des actes se rapportant à l'instance, manifestant la volonté des parties d'en faire avancer le cours et de nature à faire progresser l'affaire. Le point de départ du délai de péremption de deux ans est déterminé par la dernière diligence d'une quelconque partie et non pas de la décision de radiation. Selon l'article 388 alinéa 2 du même code, la péremption peut être relevée d'office par le juge. Depuis la réforme du contentieux de la sécurité sociale le 1er janvier 2019, la procédure d'appel répond au droit commun de la procédure civile. En l'espèce, il ressort des éléments de la procédure soumise à la cour que : - le 01 février 2019, la Sasu Entreprise générale transports Georges Rollin-Berto Est ([Localité 4]) a formé appel du jugement entrepris, - le 05 février 2019, le président de la chambre sociale a invité la Selarl Fidal en application de l'article 940 du code de procédure civile à faire parvenir au greffe de la cour une copie des conclusions ou d'une argumentation écrite et la liste des pièces qu'elle envisage de produire, que le délai dont elle dispose pour conclure est de quatre mois maximum à compter de la déclaration d'appel, qu'à défaut, l'affaire pourra faire l'objet d'une mesure de radiation, que la présente demande constitue une diligence procédurale et donc le point de départ de la péremption, de l'ordonnance portant injonction de conclure, - le 29 novembre 2019, l'ordonnance de radiation a été rendue laquelle rappelle que selon les dispositions de l'article 386 du code de procédure civile l'instance est périmée lorsqu'aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans, - le 26 novembre 2021, la Sasu Entreprise générale transports Georges Rollin-Berto Est ([Localité 4]) a demandé la réinscription de l'affaire. Au vu de l'ensemble de ces éléments, il convient de constater qu'un délai de plus de deux ans s'est écoulé entre l'acte d'appel, le 01 février 2019, et la première diligence qui a suivi, le 26 novembre 2021, qui correspond à la date de la demande de réinscription de l'affaire par l'une des parties. Il y a lieu, en conséquence, de constater la péremption de la présente instance. Les frais de l'instance périmée sont à la charge de celui qui a introduit l'instance. PAR CES MOTIFS La cour d'appel, statuant publiquement, par arrêt contradictoire en matière de sécurité sociale et en dernier ressort ; Constate la péremption de la présente instance, Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile, Rejette les demandes plus amples ou contraires, Condamne la Sasu Entreprise générale transports Georges Rollin-Berto Est ([Localité 4]) aux dépens de la procédure d'appel. Arrêt signé par le président et par la greffiere. LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
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No RG 22/08092 - No Portalis DBVX-V-B7G-OUXW Nom du ressortissant : PREFET DU RHONE COUR D'APPEL DE LYON JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT ORDONNANCE DU 06 DECEMBRE 2022 statuant en matière de Rétentions Administratives des Etrangers Nous, Isabelle OUDOT, conseiller à la cour d'appel de Lyon, déléguée par ordonnance du premier président de ladite Cour en date du 1er septembre 2022 pour statuer sur les procédures ouvertes en application des articles L.342-7, L. 342-12, L. 743-11 et L. 743-21 du code d'entrée et de séjour des étrangers en France et du droit d'asile, Assistée de Charlotte COMBAL, greffier, En l'absence du ministère public, En audience publique du 06 Décembre 2022 dans la procédure suivie entre : APPELANT : M. [F] [V] né le [Date naissance 1] 2001 de nationalité Tunisienne Actuellement retenu au centre de rétention administrative de [3] comparant assisté de Maître Sébastien GUERAULT, avocat au barreau de LYON, commis d'office et de Monsieur [N] [S], interprète en langue arabe, serment préalablement prêté, M. LE PREFET DU RHONE [Adresse 5] [Localité 2] non comparant, régulièrement avisé, représenté par Maître IRIRIRA NGANGA Dan, avocat au barreau de LYON, pour la SELARL SERFATY VENUTTI CAMACHO & CORDIER, avocats au barreau de l'AIN, Avons mis l'affaire en délibéré au 06 Décembre 2022 à 16 heures 00 et à cette date et heure prononcé l'ordonnance dont la teneur suit : FAITS ET PROCÉDURE Par décision en date du 05 novembre 2022, l'autorité administrative a ordonné le placement de [F] [V] en rétention dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire afin de permettre l'exécution de l'arrêté du préfet de police de [Localité 4] en date du 15 juillet 2022 portant obligation pour [F] [V] de quitter le territoire français sans délai et avec interdiction de retour pendant 36 mois. Par ordonnance du 07 novembre 2022, le juge des libertés et de la détention a prolongé la rétention administrative de [F] [V] pour une durée de vingt-huit jours. Suivant requête du 04 décembre 2022, reçue le le jour même à 15 heures 06, le préfet du Rhône a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon aux fins de voir ordonner une nouvelle prolongation de la rétention pour une durée de trente jours. Dans son ordonnance du 05 décembre 2022 à 11 heures 31 le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon a fait droit à cette requête. Par déclaration au greffe le 05 décembre 2022 à 16 heures 15, [F] [V] a interjeté appel de cette ordonnance dont il demande l'infirmation outre sa remise en liberté. Il fait valoir que la préfecture n'a pas effectué les diligences nécessaires afin d'organiser son départ pendant le temps de sa première prolongation. Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience du 06 décembre 2022 à 10 heures 30. [F] [V] a comparu et a été assisté d'un interprète et de son avocat. Le conseil de [F] [V] a été entendu en sa plaidoirie pour soutenir les termes de la requête d'appel. Le préfet du Rhône, représenté par son conseil, a demandé la confirmation de l'ordonnance déférée. [F] [V] a eu la parole en dernier. Il explique qu'il est prêt à quitter le territoire, il n'a jamais été arrêté et ne comprend pas la dureté de la Loi qu'il subit. MOTIVATION Sur la recevabilité de l'appel Attendu que l'appel de [F] [V] relevé dans les formes et délais légaux est recevable ; Sur le bien-fondé de la requête et l'obligation de diligences Attendu que [F] [V] soutient dans sa requête en appel que la préfecture n'a pas effectué les diligences nécessaires durant la première période de prolongation de sa rétention administrative ; Attendu que dans sa requête l'autorité administrative fait valoir que : - elle a saisi dés le 05 novembre 2022 les autorités consulaires tunisiennes afin d'obtenir la délivrance d'un laissez-passer pour [F] [V] qui circulait sans document d'identité ou de voyage ; - le 10 novembre 2022 elle a adressé au consulat les empreintes et les photographies de l'intéressé ; - un courrier de relance aux autorités consulaires a été adressé les 18 et 24 novembre 2022 ainsi que le 01 décembre 2022 ; Que la préfecture produit les pièces justifiant de ces diligences nécessaires et suffisantes pour permettre l'exécution de la mesure d'éloignement et que le grief tiré de l'insuffisance des diligences est infondé ; Que par ailleurs il y a lieu de rappeler que l'obligation de diligences qui incombe à l'autorité préfectorale en application des dispositions de l'article L. 741-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est une obligation de moyen et non une obligation de résultat et que la préfecture ne dispose d'aucun pouvoir de coercition où de contrainte à l'égard des autorités consulaires ; Attendu que la prolongation de la rétention est justifiée par le défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé ; Que les conditions d'une seconde prolongation au sens des dispositions de l'article L. 742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont réunies ainsi que l'a retenu le premier juge dont la décision est confirmée ; Que par ailleurs ce que conteste en réalité l'intéressé relève de la pertinence de la mesure d'éloignement dont la critique échappe à la compétence de l'institution judiciaire. PAR CES MOTIFS Déclarons recevable l'appel formé par [F] [V], Confirmons l'ordonnance déférée. Le greffier, Le conseiller délégué, Charlotte COMBAL Isabelle OUDOT
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COUR D'APPEL DE NÎMES CHAMBRE CIVILE 1ère Chambre A ARRÊT DU 02 MARS 2010 ARRÊT N 126 R.G : 09/01516 TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE CARPENTRAS 29 janvier 2009 FONDS DE GARANTIE DES ASSURANCES OBLIGATOIRES DE DOMMAGES ASSOCIATION DE CHASSE DIANE DE [Localité 5] MSA DE VAUCLUSE APPELANTE : FONDS DE GARANTIE DES ASSURANCES OBLIGATOIRES DE DOMMAGES poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés ès qualités au siège social [Adresse 3] [Localité 6] représenté par la SCP GUIZARD-SERVAIS, avoués à la Cour assisté de Me Jean-Paul CHABANNES, avocat au barreau de NÎMES Monsieur [R] [T] né le [Date naissance 2] 1967 à [Localité 7] (84) [Adresse 9] [Localité 5] représenté par la SCP CURAT-JARRICOT, avoués à la Cour assisté de Me Christophe MILHE-COLOMBAIN, avocat au barreau d'AVIGNON ASSOCIATION DE CHASSE DIANE DE [Localité 5] poursuites et diligences de son Président en exercice, domicilié en cette qualité au siège social Mairie de [Localité 5] [Adresse 10] [Localité 5] représentée par la SCP FONTAINE-MACALUSO-JULLIEN, avoués à la Cour assistée de Me Eric FORTUNET, avocat au barreau d'AVIGNON MSA DE VAUCLUSE prise en la personne de ses représentants légaux en exercice, domiciliés ès qualités au siège social situé : [Adresse 1] [Localité 4] n'ayant pas constitué avoué assignée à personne habilitée Après que l'instruction ait été clôturée par ordonnance du Conseiller de la Mise en Etat en date du 11 Décembre 2009 révoquée sur le siège en raison d'une cause grave invoquée conjointement par les avoués des parties et clôturée à nouveau au jour de l'audience avant l'ouverture des débats, COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : M. Dominique BRUZY, Président, Mme Christine JEAN, Conseiller, M. Serge BERTHET, Conseiller, GREFFIER : Mme Véronique VILLALBA, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision, à l'audience publique du 05 Janvier 2010, où l'affaire a été mise en délibéré au 02 Mars 2010, Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au Greffe de la Cour d'Appel, Arrêt réputé contradictoire, prononcé et signé par M. Dominique BRUZY, Président, publiquement, le 02 Mars 2010, date indiquée à l'issue des débats, par mise à disposition au Greffe de la Cour. EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES Le 14 septembre 2002, Monsieur [T] qui participait à une battue aux sangliers dans les bois de la Commune de [Localité 5] (VAUCLUSE) a été blessé par arme à feu à la hanche et à la main gauche. Une information judiciaire a été ouverte et clôturée par une ordonnance de non-lieu, l'auteur du tir n'ayant pas pu être identifié. Par exploit du 15 mai 2006, Monsieur [T] a fait assigner le FONDS DE GARANTIE DES ASSURANCES OBLIGATOIRES DE DOMMAGES (FGAO) pour obtenir sa condamnation à l'indemniser de l'ensemble de ses préjudices. Par exploit du 16 mai 2007, Monsieur [T] a fait assigner l'Association Communale de Chasse "DIANE DE [Localité 5]" pour l'entendre condamner à réparer son dommage et à défaut, obtenir condamnation du FGAO. La MSA du GARD a été appelée en la cause par acte d'huissier du 22 mai 2007. Par ordonnance du 28 juin 2007, le juge de la mise en état a ordonné une mesure d'expertise médicale de Monsieur [T]. Par jugement du 29 janvier 2009, le Tribunal de Grande Instance de CARPENTRAS a : - débouté Monsieur [T] de ses demandes formées à l'encontre de l'Association Communale de Chasse "la DIANE DE [Localité 5]", - condamné le FGAO à payer à Monsieur [T] la somme de 42.000€ au titre de ses préjudices corporels, - débouté Monsieur [T] de sa demande tendant à l'indemnisation de son préjudice moral, - dit n'y avoir lieu à prononcer l'exécution provisoire, - condamné le FGAO à payer la somme de 1.500€ à Monsieur [T] et une somme de même montant à l'Association Communale de Chasse "la DIANE DE [Localité 5]", - condamné le FGAO aux dépens. Le Fonds de Garantie des Assurances Obligatoires de Dommages a relevé appel de cette décision. Pour l'exposé du détail des prétentions et moyens des parties devant la Cour, il est expressément fait référence à leurs conclusions récapitulatives signifiées le : - 22 septembre 2009 pour Monsieur [T], - 6 novembre 2009 pour le FGAO, - 17 décembre 2009 pour l'Association Communale de Chasse "DIANE DE [Localité 5]". Le FGAO demande la réformation de la décision déférée et sa mise hors de cause. Subsidiairement, il conclut au rejet des demandes formées par Monsieur [T] au titre de son appel incident. Monsieur [T] demande la réformation du jugement déféré en ce qu'il n'a pas retenu la responsabilité de l'Association Communale de Chasse "DIANE DE [Localité 5]" et sollicite la condamnation de celle-ci à lui payer la somme de 32.000€ au titre de ses préjudices corporels, celle de 10.000€ au titre des préjudices matériels et celle de 30.000€ au titre de son préjudice moral. À titre subsidiaire, il conclut à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a déclaré responsable le FGAO et à la réformation des montants indemnitaires qui lui ont été alloués et qu'il entend voir porter à ceux réclamés contre l'association. L'Association Communale de Chasse "DIANE DE [Localité 5]" conclut à la confirmation du jugement déféré sauf à débouter Monsieur [T] de toutes ses demandes formées contre elle et contre le FGAO ; elle sollicite l'allocation d'une somme de 4.500€ au titre de ses frais irrépétibles. La MSA du GARD n'a pas constitué avoué ; en application de l'article 474 du Code de Procédure Civile, il sera statué par arrêt réputé contradictoire. Par courrier en date du 3 juin 2009, cet organisme social a fait connaître le montant définitif de sa créance s'élevant à 2.834,93€ au titre des frais médicaux, pharmaceutiques et d'hospitalisation. SUR LA RESPONSABILITÉ L'information judiciaire ouverte à la suite des faits dont a été victime Monsieur [T] a été clôturée par un non-lieu, l'auteur du tir par arme à feu n'ayant pas été identifié. Le Tribunal a donc retenu à juste titre que la preuve de l'imputabilité de ce tir à l'un des membres de l'Association Communale de Chasse "DIANE DE [Localité 5]" n'était pas rapportée. En cause d'appel, le FGAO se limite à affirmer que si le tir provient d'un chasseur, ce dernier est "nécessairement l'un des membres de la société de chasse en action" sans aucune démonstration et alors que l'autre société de chasse organisatrice d'une battue sur le même territoire n'est pas appelée en la cause. De plus, une association de chasse n'a pas pour mission d'organiser, de diriger ni de contrôler l'activité de ses membres et n'a donc pas à répondre de ceux-ci. Devant la Cour, le FGAO invoque une faute de l'Association Communale de Chasse "la DIANE DE [Localité 5]" dans l'organisation de la chasse en raison d'une double battue sur le même territoire par deux sociétés de chasse distinctes qui révèle selon lui une défaillance de l'organisation même de la chasse sur le territoire. Or, comme déjà indiqué, l'autre association de chasse qui avait organisé une battue le même jour n'a pas été appelée en la cause. Le FGAO ne caractérise aucune faute précise à l'encontre de l'Association Communale de Chasse "DIANE DE [Localité 5]" dans l'organisation de la chasse ce jour là et il n'est pas établi que la deuxième battue soit imputable à cette association ni que l'accident résulte d'une défaillance dans l'organisation de la chasse. Monsieur [T] procède quant à lui par voie d'affirmation générale selon laquelle "seul un des membres de l'Association Communale de Chasse "DIANE DE [Localité 5]" peut être à l'origine du tir" alors que la démonstration d'une faute doit être rapportée par celui qui l'invoque et que la Cour n'a pas à tenir compte du conflit opposant manifestement Monsieur [T] et l'Association de chasse dont il fait partie à la "DIANE DE [Localité 5]" mais doit rechercher si une faute est caractérisée à l'encontre de cette dernière association assignée en la cause. L'auteur du tir n'a pas été identifié et aucune preuve d'une faute de cette association n'est rapportée alors qu'elle ne peut résulter de la seule présence de certains de ses membres sur le même territoire de battue et que le procès-verbal de synthèse des Gendarmes enquêteurs mentionne aussi la présence le jour des faits, dans les mêmes bois, du meneur de chiens d'une équipe de battue de [Localité 8]. Les moyens développés concernant une imprudence des chasseurs de la "DIANE DE [Localité 5]" ou les pratiques habituelles de ceux-ci de venir sur le territoire d'une autre battue sont inopérants car reposant sur des affirmations générales voire sur des interrogations exprimées dans les conclusions récapitulatives et non sur la démonstration de l'imputabilité du tir à l'un de ces chasseurs ou d'une faute de cette association à l'origine du préjudice de Monsieur [T]. La mise hors de cause de l'Association Communale de Chasse "DIANE DE [Localité 5]" sera donc confirmée. En application de l'article L421-8 du Code des Assurances "le Fonds de Garantie institué par l'article L421-1 est chargé d'indemniser les dommages corporels occasionnés par tous actes de chasse ou de destruction des animaux nuisibles dans les parties du territoire où l'assurance instituée par l'article L223-13 du Code Rural est obligatoire, même si ces actes ne sont pas compris dans l'obligation d'assurance, dès lors qu'ils sont le fait d'un auteur demeuré inconnu ou non assuré ou que son assureur est totalement ou partiellement insolvable". En l'espèce, l'auteur du tir est demeuré inconnu. L'acte de chasse est celui qui a pour objet de rechercher, poursuivre et capturer le gibier. Lorsqu'il a été blessé, Monsieur [T] participait à une battue aux sangliers dans les bois. Il marchait et venait de tirer à deux reprises pour atteindre le gibier. D'autres chasseurs participaient à cette battue et une autre battue était organisée en partie sur le même territoire par une autre association de chasse. Le projectile qui a entraîné les blessures de Monsieur [T] et troué ses vêtements est, selon les expertises balistiques, de gros calibre, type projectile issu d'un fusil à canon lisse (Bremeke ou similaire), qui est habituellement utilisé pour la chasse au sanglier. Par ailleurs les experts ont retenu qu'il s'agissait d'un tir de l'arrière vers l'avant et ascendant ce qui correspond à une position accroupie ou en contrebas du tireur, visant à hauteur d'un sanglier et donc de bassin d'homme, les lieux étant boisés avec une végétation dense. Contrairement aux affirmations du FGAO, l'hypothèse d'un tir à bout portant ou à bout touchant n'a pas été démontrée, les experts retenant seulement un tir effectué à distance rapprochée. Les interrogations exprimées par le Fonds de Garantie ou l'hypothèse d'un acte volontaire que la victime aurait tenté d'éviter ne sont aucunement corroborées par l'information judiciaire. Aucune preuve d'un acte volontaire n'est rapportée et l'hypothèse d'une blessure autonome de Monsieur [T] se tirant dans la main a été formellement, exclue par l'expert balistique désigné le 3 mai 2004 par le magistrat instructeur. Au contraire, les éléments précis et concordants ci-dessus rappelés résultant des constatations des enquêteurs et des expertises diligentées dans le cadre de la procédure pénale, la nature et la localisation des blessures font la preuve de ce que celles-ci proviennent d'un accident de chasse ayant pour origine le tir d'un chasseur de sanglier qui n'a pas identifié sa cible. Le Tribunal a à juste titre retenu qu'il ne pouvait être reproché à Monsieur [T] une quelconque faute puisqu'il avait modifié sa position initiale en ayant appris l'organisation d'une seconde battue par une autre association de chasse et qu'ayant été atteint par l'arrière, il n'a pu voir l'auteur du tir, même si ce tir était à proche distance ; les lieux étaient boisés et Monsieur [T] s'est écroulé à terre sous le coup de la douleur. Monsieur [T] justifie qu'il avait souscrit l'assurance obligatoire de chasse mais celle-ci ne couvre pas ses dommages. Le FGAO doit donc, en l'absence d'identification de l'auteur de l'accident de chasse, sa garantie et a, à bon droit, été condamné à indemniser la victime en l'absence de responsable identifié. SUR LE PREJUDICE Monsieur [T] était âgé de 35 ans à la date des faits à l'origine de ses blessures. L'expert judiciaire désigné par le juge de la mise en état a conclu à : - un arrêt temporaire des activités professionnnelles du 14 septembre 2002 au 24 janvier 2003, - un déficit fonctionnel temporaire avec gêne totale aux activités domestiques de 30 jours et une gêne partielle aux activités domestiques et ludiques du 15 octobre 2002 au 24 janvier 2003, - une consolidation au 31 janvier 2003, - une atteinte à l'intégrité physique et psychique de 5% sans incidence professionnelle, - un préjudice esthétique : avant consolidation 2/7, après consolidation 1,5/7, - des souffrances endurées de 3/7, - concernant les activités d'agrément : les activités de chasse ont pu être reprises sans faille ; seule la pratique de la guitare est encore gênée pour certains accords par le défaut d'agilité de la main gauche. En considération de l'âge et de la situation de la victime, au vu du rapport d'expertise judiciaire et des pièces produites soumises à la discussion contradictoire des parties, et faisant application des dispositions de l'article 25 de la loi du 21 décembre 2006 d'application immédiate aux situations en cours, relatif aux recours des tiers payeurs qui s'exerce désormais poste par poste, la réparation du préjudice corporel de Monsieur [T] sera fixée comme suit : 1 - Préjudices patrimoniaux : A) avant consolidation : - 1) dépenses de santé actuelle : L'ensemble des frais médicaux, pharmaceutiques et d'hospitalisation a été pris en charge par l'organisme social ; - 2) perte de gains professionnels pendant l'ITT : Ce poste de dommage est improprement qualifiée par Monsieur [T] de dommage matériel alors qu'il correspond à un préjudice patrimonial avant consolidation ; Monsieur [T] affirme qu'il a été privé de ses activités professionnelles d'agriculteur et d'arboriculteur pendant l'arrêt de travail de 30 jours à l'origine d'une perte de salaire mais aussi pendant la rééducation soit pendant plus de quatre mois du 14 septembre 2002 au 24 janvier 2003 ; Il n'est cependant justifié d'aucune perte de revenu et la somme réclamée correspond d'ailleurs à un montant forfaitaire incluant le déficit fonctionnel temporaire ; ce chef de demande sera rejeté ; B ) préjudices patrimoniaux permanents : Monsieur [T] ne présente aucune demande au titre d'une perte de gains futurs ou d' une incidence professionnelle d'ailleurs non retenue par l'expert judiciaire ; 2 - préjudices extra-patrimoniaux : A) préjudices extra-patrimoniaux temporaires (avant consolidation) : * déficit fonctionnel temporaire : Ce poste de préjudice traduit l'incapacité fonctionnelle subie par la victime jusqu'à sa consolidation. Il correspond aux périodes d'hospitalisation mais aussi à la perte de qualité de vie et à celle des joies usuelles de la vie courante subies par la victime pendant la durée de l'incapacité. Cette invalidité dans la sphère personnelle de la victime jusqu'à la consolidation est dégagée de toute incidence sur la rémunération professionnelle de la victime ; En l'espèce, il ressort du rapport d'expertise judiciaire et des documents produits devant la Cour que Monsieur [T] a été dans l'impossibilité d'exercer ses activités habituelles pendant un mois puis qu'il a été gêné dans ses activités domestiques et de loisirs pendant quatre mois et demi. L'indemnité de 4.000€ allouée par le Tribunal sera confirmée ; * souffrances endurées Il s'agit de toutes les souffrances physiques et psychiques ainsi que des troubles associés que doit endurer la victime durant la maladie traumatique c'est-à-dire du jour du dommage à celui de sa consolidation ; L'expert judiciaire a chiffré à 3/7 les souffrances endurées par Monsieur [T] imputables aux blessures subies à la suite du tir par arme à feu. Compte tenu des blessures initiales, du retentissement psychologique, de la nature et de la durée des soins subis, et de leur évaluation par l'expert, l'allocation d'une indemnité de 15.000 € s'avère excessive et sera ramenée à 6.000€ ; * préjudice esthétique temporaire Ce poste de dommage vise à réparer l'altération de l'apparence physique, même temporaire, subie par la victime pendant la maladie traumatique et notamment pendant l'hospitalisation ; En l'espèce, le préjudice esthétique temporaire subi par la victime, évalué par l'expert judiciaire à 2/7, résulte de l'atteinte au membre supérieur gauche immobilisé et sous pansement pendant un mois. Il sera alloué de ce chef une somme de 2.500 € ; B) préjudices extra-patrimoniaux permanents (après consolidation) : 1) déficit fonctionnel permanent : Ce poste de dommage non économique est lié au déficit définitif résultant de la réduction du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel de la victime. Le déficit fonctionnel permanent correspond à un préjudice extra-patrimonial découlant d'une incapacité constatée médicalement qui établit que le dommage subi a une incidence sur les fonctions du corps humain de la victime ; En l'espèce, l'IPP de 5% résulte du défaut de proprioception de la main gauche non dominante, d'un certain degré d'atteinte à l'agilité de la manipulation, une fatigabilité particulière de cette main avec diminution de la force de préhension à la sollicitation réitérée ; Compte tenu de la nature des séquelles subies et de leur qualification par l'expert, il sera alloué, au titre du déficit fonctionnel permanent, une somme de 5.250€, l'indemnité de 17.000€ allouée de ce chef par le Tribunal s'avérant surévaluée ; 2) préjudice esthétique permanent : Ce poste de dommage vise à réparer les atteintes physiques et plus généralement les éléments de nature à altérer l'apparence physique de la victime ; il a un caractère strictement personnel ; En l'espèce, Monsieur [T] présente des cicatrices au niveau du poignet et de l'aile iliaque qui sont visibles mais ne modifient pas le modelé anatomique des régions concernées ; Ce préjudice est chiffré à 1,5/7 par l'expert ; l'indemnité de 3.000€ allouée par le Tribunal sera ramenée à 1.500€ ; 3) préjudice d'agrément : Ce poste vise exclusivement à réparer le préjudice d'agrément spécifique lié à l'impossibilité définitive pour la victime de pratiquer régulièrement une activité sportive ou de loisirs. Contrairement aux affirmations de Monsieur [T], ce poste de dommage ne correspond pas à la privation des agréments de l'existence pendant l'ITT ou après consolidation. En l'espèce, Monsieur [T] continue de pratiquer l'activité de chasse et le seul fait d'exiger d'être accompagné par des amis par crainte de subir une nouvelle blessure ne caractérise pas une impossibilité physique ou morale de pratiquer cette activité. La gêne dans la pratique de la guitare a été exactement indemnisée par le Tribunal par l'allocation d'une somme de 3.000€ ; SUR LE PREJUDICE MORAL Le choc et les conséquences psychologiques sont expressément pris en compte par l'expert au titre des souffrances endurées puis à compter de la consolidation, dans le déficit fonctionnel permanent, qui recouvre les atteintes à l'intégrité physique et psychique. Il n'y a donc pas lieu à une indemnisation distincte du préjudice moral ; SUR LE PREJUDICE MATERIEL En application de l'article R 421-21 du Code des Assurances, les dommages matériels sont exclus de la garantie du FGAO. Les demandes formées par Monsieur [T] au titre des dommages matériels concernent l'incapacité temporaire et le déficit fonctionnel permanent qui font partie du préjudice corporel et sont réparés à ce titre ; En définitive, le préjudice corporel subi par Monsieur [T] à la suite de l'accident de chasse du 14 septembre 2002 s'établit comme suit : I - PRÉJUDICES PATRIMONIAUX : - dépenses de santé actuelle : prises en charge - perte de gains pendant l'ITT : rejet II - PRÉJUDICES EXTRA-PATRIMONIAUX : - déficit fonctionnel temporaire : 4.000€ - souffrances endurées : 6.000€ - déficit fonctionnel permanent : 5.250€ - préjudice esthétique : *temporaire : 2.500€ *permanent : 1.500€ - préjudice d'agrément : 3.000€ TOTAL 22.250€ ; La réparation du préjudice corporel subi par Monsieur [T] sera donc fixée à 22.250€. Le jugement déféré sera donc réformé de ce seul chef. Au visa de l'article 700 du Code de Procédure Civile, il sera alloué à Monsieur [T] une somme supplémentaire de 1.000€ et à l'Association de Chasse 'DIANE DE [Localité 5]' une somme supplémentaire de 1.500€ à la charge de l'appelant qui succombe sur l'essentiel de son recours et supportera les dépens. PAR CES MOTIFS : LA COUR, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, en matière civile et en dernier ressort, Dit l'appel régulier et recevable en la forme ; Réforme le jugement déféré du seul chef du montant de la réparation du préjudice corporel subi par Monsieur [T] ramené à 22.250€( vingt deux mille deux cents cinquante Euros) ; Le confirme pour le surplus de ses dispositions ; Y ajoutant ; Condamne l'appelant à payer à Monsieur [T] une somme supplémentaire de 1.000€ et à l'Association de Chasse "DIANE DE [Localité 5]" une somme supplémentaire de 1.500€ en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ; Condamne l'appelant aux dépens qui seront distraits au profit de la SCP CURAT-JARRICOT et de la SCP FONTAINE-MACALUSO-JULLIEN, avoués, sur leurs affirmations de droit ; Arrêt signé par M. BRUZY, Président, et par Mme VILLALBA, Greffier. LE GREFFIER, LE PRESIDENT,
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JUDICIAIRE 3ème chambre 1ère section No RG 19/09934 No Portalis 352J-W-B7D-CQSA2 No MINUTE : Assignation du : 11 juillet 2019 ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT rendue le 16 février 2023 DEMANDEURS Monsieur [VS] [U], en qualité d'ayant droit de M. [L] [U] [Adresse 16] [Localité 45] représenté par Me Jean AITTOUARES de la SELARL OX, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #A0966 Monsieur [UE] [U], représenté par sa curatrice Mme [CA] [F], en qualité d'ayant droit de M. [L] [U] [Adresse 16] [Localité 45] représenté par Me Louis DE GAULLE de la SAS DE GAULLE FLEURANCE & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #K0035 & Me Charles-Edouard RENAULT de la SAS DE GAULLE FLEURANCE & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant Madame [Y] [U], en qualité d'ayant droit de M. [L] [U] [Adresse 23] [Localité 25] Monsieur [FB] [U] en qualité d'ayant droit de M. [L] [U] [Adresse 22] [Localité 33] Madame [C] [OZ]-[U] en qualité d'ayant droit de M. [L] [U] [Adresse 24] [Localité 48] Monsieur [XF] [XZ] en qualité d'ayant droit de M. [CF] [XZ] [Adresse 47] [Localité 40] Monsieur [T] [XZ] en qualité d'ayant droit de M. [CF] [XZ] [Adresse 19] [Localité 44] Madame [I] [XZ] en qualité d'ayant droit de M. [CF] [XZ] [Adresse 20] [Localité 44] Madame [S] [XZ] en qualité d'ayant droit de M. [CF] [XZ] [Adresse 55] [Localité 2] (FINLANDE) représentés par Me Cindy GAY, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #L0015 & Me Laurent KLEIN, avocat au barreau de BAYONNE, avocat plaidant DEFENDEURS SOCIETE DES AUTEURS ET COMPOSITEURS DRAMATIQUES (SACD) [Adresse 6] [Localité 32] représentée par Me Olivier CHATEL de l'ASSOCIATION D'AVOCATS CHATEL - BLUZAT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #R039 S.A.R.L. RADIO DAYS [Adresse 8] [Localité 35] Société BRINTER COMPANY LIMITED [Adresse 15] [Localité 56] (ROYAUME-UNI) Monsieur [WL] [CZ] [Adresse 14] [Localité 10] (SUISSE) Madame [A] [JG] [Adresse 42] [Localité 34] S.A. ARTEDIS [Adresse 8] [Localité 35] S.A. PANOCEANIC FILMS [Adresse 8] [Localité 35] représentés par Me Corinne POURRINET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E0096 SOCIETE DES AUTEURS COMPOSITEURS ET EDITEURS DE MUSIQUE (SACEM) [Adresse 18] [Localité 46] Défaillante Madame [KK] [IM], en qualité d'ayant droit de M. [RX] [CU] [Adresse 12] [Localité 36] Défaillante Monsieur [T] [M], en qualité d'ayant droit de M. [K] [ES] domicilié : chez Agence Littéraire LENCLUD [Adresse 27] [Localité 32] Défaillant Monsieur [AD] [N] [MS], en qualité d'ayant droit de M. [K] [ES] domicilié : chez Agence Littéraire LENCLUD [Adresse 27] [Localité 32] Défaillant Madame [CH] [J] [Adresse 49] [Adresse 49] [Localité 11] Défaillante Monsieur [ZM] [UY] dit [V] [HT], en qualité d'ayant droit de M. [NL] [FL] [UY] [Adresse 5] [Localité 39] Défaillant Succession [H] [X], en qualité d'ayant droit de M. [H] [X] domiciliée : chez Agence ARTMEDIA [Adresse 41] [Localité 29] Défaillante Succession [L] [G], en qualité d'ayant droit de M. [L] [G] domiciliée : chez la SACD [Adresse 6] [Localité 32] Défaillante Succession [RM] [O], en qualité d'ayant droit de M. [RM] [O] domiciliée : chez EDITIONS PRESSE DE LA CITE [Adresse 7] [Localité 37] Défaillante Succession [Z] [W], en qualité d'ayant droit de M. [Z] [W] domiciliée : chez ANNA JAROTA AGENCY [Adresse 38] [Localité 30] Défaillante Succession [K] [ES], en qualité d'ayant droit d'[K] [ES] domiciliée : chez Agence Littéraire LENCLUD [Adresse 27] [Localité 32] Défaillante Succession [UN] [DN], en qualité d'ayant droit de M. [UN] [DN] domiciliée : chez EURL Agence MICHELLE LAPAUTRE [Adresse 43] [Localité 31] Défaillante Succession [TK] [GZ] domiciliée : chez Agence CALMANN LEVY [Adresse 17] [Localité 31] Défaillante Succession [E] [P], en qualité d'ayant droit de Mme [E] [P] domiciliée : chez Madame [PT] [GF] BRANDT & HOCHMAN LITERARY AGENTS [Adresse 13] [Localité 1] (USA) Défaillante Monsieur [KA] [SG] en qualité d'ayant droit de M. [L] [BV] [Adresse 53] [Adresse 53] [Localité 21] Défaillant Madame [YT] [LE] en qualité d'ayant droit de M. [OF] [LE] [Adresse 54] [Localité 28] Défaillante MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT Malik CHAPUIS, Juge, assisté de Caroline REBOUL, Greffière A l'audience du 15 novembre 2022, avis a été donné aux avocats que l'ordonnance serait rendue le 09 février 2023. Le délibéré a été prorogé au 16 février 2023. ORDONNANCE Prononcée publiquement par mise à dispostition au greffe Réputée contradictoire En premier ressort 1. Par acte du 11 juillet 2019, Madame [Y] [U], Monsieur [FB] [U], Madame [C] [OZ]-[U], Monsieur [XF] [XZ], Monsieur [T] [XZ], Madame [I] [XZ], Madame [S] [XZ], Monsieur [VS] [U] et Monsieur [UE] [U] (ci-après les « demandeurs ») ont assigné la société SA Artedis, la société de droit anglais Brinter Company Limited, la société SA Panoceanic Films, la société SARL Radio Days, Madame [A] [JG] et Monsieur [WL] [CZ] (ci-après les « défendeurs ») devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de droits d'auteur portant sur 14 films réalisés par [L] [U] dont 5 ayant [CF] [XZ] pour co-auteur. 2. Par conclusions d'incident notifiées par voie électronique le 27 janvier 2020, les défendeurs ont soulevé une fin de non-recevoir tirée de l'absence de mise en cause de 19 co-auteurs des films en litige. 3. Par actes distincts placés les 5 mai et 12 juin 2020, les demandeurs ont mis en cause Monsieur [KA] [SG], « succession [E] [P] » (sic.), « succession [H] [X] », « succession [L] [G] », « succession [RM] [O] », « succession [Z] [W] », « succession [K] [ES], Messieurs [T] [M] et [AD] [N] [MS] », Madame [YT] [LE], Monsieur [ZM] [UY] dit [V] [HT], « succession [UN] [DN] », « succession [TK] [GZ] » et Madame [CH] [J] devant le tribunal judiciaire de Paris. 4. Par conclusions notifiées par voie électronique les 21 juin 2022, 24 juin 2022 et 27 juin 2022, Monsieur [UE] [U], Monsieur [VS] [U] et les autres demandeurs ont respectivement saisi le juge de la mise en état de trois incidents ayant le même objet. 5. Par conclusions d'incident notifiées par voie électronique le 14 novembre 2022 Madame [Y] [U], Monsieur [FB] [U], Madame [C] [OZ]-[U], Monsieur [XF] [XZ], Monsieur [T] [XZ], Madame [I] [XZ] et Madame [S] [XZ] demandent au juge de la mise en état s'agissant des films « La Route de Corinthe », « Les Biches », « La Femme infidèle », « Que la bête meure », « Le Boucher », « La Rupture », « Juste avant la nuit », « La Décade prodigieuse », « Docteur Popaul », « Les Noces rouges », « Nada », « Une Partie de plaisir », « Les Innocents aux mains sales » et « Le Cri du hibou » de : -écarter la fin de non-recevoir, -ordonner la communication par les sociétés Brinter Company Ltd, Artedis, Panoceanic, Radio Days, Madame [A] [JG] et Monsieur [WL] [CZ] des coordonnées, dont l'adresse postale des co-auteurs des films, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard au-delà d'un délai de quinze jours courant à compter de la signification de l'ordonnance à intervenir, -ordonner la communication par les sociétés Brinter Company Ltd, Artedis Panoceanic, Radio Days, Madame [A] [JG] et Monsieur [WL] [CZ] de « tous éléments comptables » de nature à justifier les frais de restauration des films sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard au-delà d'un délai de quinze jours courant à compter de la signification de l'ordonnance à intervenir, -ordonner à titre provisoire et conservatoire la désignation d'un mandataire ad hoc pour assurer l'exploitation des films, lequel sera chargé notamment d'administrer et gérer les droits d'exploitation, à titre conservatoire avec tous les pouvoirs attachés, -ordonner la « communication entre les mains du mandataire ad hoc » par les sociétés Brinter Company Ltd, Artedis Panoceanic Radio Days, Madame [A] [JG] et Monsieur [WL] [CZ] du matériel des films, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard au-delà d'un délai de quinze jours courant à compter de la signification de l'ordonnance à intervenir, -condamner les sociétés Brinter Company Ltd, Artedis Panoceanic Radio Days, Madame [A] [JG] et Monsieur [WL] [CZ] à payer à Monsieur [UE] [U] la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens. 6. Par conclusions d'incident notifiées par voie électronique le 10 novembre 2022 et reprises à l'audience, Monsieur [UE] [U] demande au juge de la mise en état d'ordonner des mesures similaires à celles formulées par les autres demandeurs qu'il précise selon détail figurant à ses écritures. 7. Par conclusions d'incident notifiées par voie électronique le 14 novembre 2022 et reprises à l'audience, Monsieur [VS] [U] demande au juge de la mise en état d'ordonner des mesures similaires à celles formulées par les autres demandeurs qu'il précise selon détail figurant à ses écritures. 8. Par conclusions d'incident notifiées par voie électronique le 31 août 2022, la Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques (la « SACD ») demande au juge de la mise en état de : -dire qu'elle ne représente pas Messieurs [X], [O], [W], [DN], [D], [B], [ES] et Mesdames [P] et [GZ], et la mettre hors de cause à ce titre, -débouter Monsieur [VS] [U] de ses prétentions, -statuer ce que de droit sur les demandes des ayants-droit de [L] [U] et [CF] [XZ]. 9. Par conclusion d'incident notifiées par voie électronique le 14 novembre 2022 et reprises à l'audience, la société de droit anglais Brinter Company Limited, la société SA Artedis, la société SA Panoceanic Films, la société SARL Radio Days, Madame [A] [JG] et Monsieur [WL] [CZ] demandent au juge de la mise en état de : -débouter les demandeurs à l'incident de leurs demandes fins et conclusions, -condamner in solidum les demandeurs à leur payer la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens dont distraction au profit de Me Corinne Pourrinet, avocat. 10. Il est renvoyé aux dernières écritures des parties et à leurs observations à l'audience pour plus ample exposé des faits, moyens et prétentions qui y sont contenus. 11. L'audience sur incident s'est tenue le 15 novembre 2022 et la décision a été mise en délibéré au 9 février 2023. I. Sur la fin de non-recevoir 12. Aux termes de l'article 771 du code de procédure civile dans sa rédaction antérieure au décret no2012-66 du 20 janvier 2012 : « lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour : 1. Statuer sur les exceptions de procédure, les demandes formées en application de l'article 47 et sur les incidents mettant fin à l'instance ; les parties ne sont plus recevables à soulever ces exceptions et incidents ultérieurement à moins qu'ils ne surviennent ou soient révélés postérieurement au dessaisissement du juge ; 2. Allouer une provision pour le procès ; 3. Accorder une provision au créancier lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Le juge de la mise en état peut subordonner l'exécution de sa décision à la constitution d'une garantie dans les conditions prévues aux articles 517 à 522 ; 4. Ordonner toutes autres mesures provisoires, même conservatoires, à l'exception des saisies conservatoires et des hypothèques et nantissements provisoires, ainsi que modifier ou compléter, en cas de survenance d'un fait nouveau, les mesures qui auraient déjà été ordonnées ; 5. Ordonner, même d'office, toute mesure d'instruction ». 13. Sauf dispositions spécifiques, le juge de la mise en état n'est pas compétent pour statuer sur une fin de non-recevoir en l'état de ce texte. 14. En l'espèce, des conclusions du 27 janvier 2020 présentées par les défendeurs soulèvent l'irrecevabilité de l'action tirée de l'absence de mise en cause de plusieurs coauteurs des films sur le fondement des articles L. 113-3 du code de la propriété intellectuelle, 56 et 648 du code de procédure civile. 15. Les demandeurs estiment qu'il est impossible ou excessivement difficile d'identifier et de mettre en cause les co-auteurs des oeuvres en litige sans disposer de leurs coordonnées. 16. L'acte introductif d'instance date du 11 juillet 2019. A cette date, l'article 771 du code de procédure civile, qui définit strictement les pouvoirs du juge de la mise en état, ne lui permet pas de trancher une fin de non-recevoir. 17. Seul le tribunal, saisi au fond, est donc compétent pour statuer sur la fin de non-recevoir qui ne peut donc être écartée comme le sollicitent les demandeurs. 18. Le juge de la mise en état est donc incompétent pour statuer de ce chef. 19. Pour les mêmes motifs, la fin de non-recevoir présentée par la SACD, tirée de son défaut allégué de qualité à défendre pour Messieurs [X], [O], [W], [DN], [D], [B], [ES] et Mesdames [P] et [GZ] ne peut être tranché par le juge de la mise en état incompétent de ce chef. II. Sur le surplus 20. Il n'est pas contesté que [L] [U] a réalisé les 14 films visés à l'exposé du litige, et que [CF] [XZ] a collaboré à 5 de ces films en qualité d'auteur, coauteur des dialogues du scénario ou de l'adaptation : « Les biches », « Docteur Popaul », « Une partie de plaisir », « Que la bête meure », « La décade prodigieuse ». 21. [L] [U] est décédé le [Date décès 9] 2010 à [Localité 50]. Sont désignés comme héritiers par l'acte de notoriété, fait non contesté : -Madame [Y] [U], -Monsieur [VS] [U], -Monsieur [UE] [U], -Monsieur [FB] [U], -Madame [C] [OZ]-[U]. 22. [CF] [XZ], également décédé, a pour héritier selon fait non contesté : -Monsieur [XF] [XZ], -Monsieur [T] [XZ], -Madame [I] [XZ], -Madame [S] [XZ]. 23. Les sociétés défenderesses reconnaissent, dans leurs écritures sur incident (page 19) ne plus détenir de droits de [L] [U] sur 5 films : « Les Biches »,« La Femme infidèle », « Le Cri du hibou », « La Route de Corinthe »,« Docteur Popaul ». 24. Elles indiquent toutefois détenir les droits de [L] [G], un autre co-auteur, sur le film « La route de Corinthe » et ceux de [CF] [XZ] sur le film « Docteur Popaul ». 1. Les actes portant cession de droits 25. Le litige porte sur 14 films ayant fait l'objet d'actes sous seing privé successifs. Les parties débattent de la titularité des droits. Aux fins de préciser les termes du litige il convient d'énumérer les différents actes versés aux débats ordonnés selon le cédant qu'ils désignent. 1.1 Cessions de droits désignant la société SA Les Films La Boétie et [L] [U] 26. Un acte sous seing privé du 25 mars 1982 indique que Maître [LY] [LN], syndic ès qualité de liquidateur des biens de la société SA Les Films La Boetie cède à la société Brinter Co Limited les « éléments corporels et incorporels pouvant appartenir à la société Les Films La Boetie sur les films et long métrages ci-après (?) ces éléments comprennent « le négatif, ou la part de négatif appartenant à la société débitrice (?) le contretype ou inter-négatif (?) les droits d'exploitation pouvant subsister au profit de la société Les Films La Boétie, ainsi que toutes créances pouvant être attachées ». 27. Douze actes sous seing privé du 8 juin 1990 sont signés par [L] [U]. Ils portent cession des au profit de la société de droit anglais Brinter Company Limited du droit de « poursuivre l'exploitation » de plusieurs films pour une durée de 30 ans comportant la représentation cinématographique commerciale et non commerciale, la télédiffusion, les vidéogrammes (cidéocassettes, vidéodiques ou tous autres supports), par tout procédé technique non encore connu à ce jour et le droit de « remake ». 28. Sont visés à ces actes du 25 mars 1982 et distinctement au sein des actes du 8 juin 1990 les films suivants « La Route de Corinthe » (pièce demandeurs 7), « Les Biches » (pièce 8), « La Femme infidèle » (pièce 10), « Que la bête meure » (pièce 9), « Le Boucher » (pièce 12), « La Rupture » (pièce 11), « La Décade prodigieuse » (pièce 13), « Juste avant la nuit » (pièce 14), « Les Noces rouges » (pièce 15), « Nada » (pièce 17), « Une Partie de plaisir » (pièce 16), « Les Innocents aux mains sales » (pièce 18). 29. Le film « Docteur Popaul » (pièce 19), est mentionné à l'acte du 25 mars 1982 mais ne fait pas l'objet d'un contrat spécifique le 8 juin 1990. Un acte sous seing privé du 4 octobre 1971 est signé entre [L] [U] et la société Les Films La Boétie portant cession de droits d'exploitation sur ce film sous un titre provisoire. 30. Le film « Le Cri du hibou » (pièce 20) n'est visé par aucun de ces actes. Un acte sous seing privé du 27 février 1987 signé par [L] [U] porte cession de droits d'auteur et d'exploitation du film à une société Italfrance. Un acte sous seing privé du 7 août 2000 est signé par Maître [ZX] [R], liquidateur judiciaire de la société Italfrance et la société Artedis. Il porte cession de l'ensemble des éléments corporels et incorporels du film en ce compris « le négatif ou l'internégatif (?) la partie de propriété sur les copies pouvant se trouver entre les mains de tiers (?) les droits d'exploitation subsistant à ce jour, au profit de la société Italfrance sur le film en cause (...) ». Le film fait l'objet d'un acte sous seing privé du 29 septembre 2000 par lequel la société Artedis cède à la société Brinter Company Limited, pour le monde entier, l'intégralité des droits de productions, des éléments corporels et incorporels. 1.2 Cessions de droits désignant les ayants-droit [XZ] 31. Cinq actes sous seing privé du 8 juin 1990 sont signés par Messieurs [XF] et [T] [XZ] et Mesdames [I] et [S] [XZ]. Ils portent cession au profit de la société de droit anglais Brinter Company Limited du droit de « poursuivre l'exploitation » de plusieurs films pour une durée de 30 ans comportant la représentation cinématographique commerciale et non commerciale, la télédiffusion, les vidéogrammes (cidéocassettes, vidéodiques ou tous autres supports), par tout procédé technique non encore connu à ce jour et le droit de « remake ». 32. Ces actes portent sur les films « Les biches » (pièce [Y] [U] et alii 67), « Que la bête meure » (pièce 68), « Une partie de plaisir » (pièce 69), « La décade prodigieuse » (pièce 70) et « Docteur Popaul » (pièce 71). 1.3 Cessions de droits désignant la société Brinter Company Limited 33. Un acte du 17 février 2012 (pièce 23) indique que la société Brinter Company Limited cède pour une durée de 15 ans à la société Panoceanic Films certains droits d'exploitation sur les films « La Route de Corinthe », « Les Biches », « La Femme infidèle »,« Le Boucher », « Les Innocents aux mains sales ». Deux publications du CNC (pièce 22) indiquent une cession de droits pour une durée de 15 ans à la société Panoceanic Films du film « Une partie de plaisir » le 15 janvier 2012 et « Juste avant la nuit » le 7 juin 2013. 34. Les sociétés défenderesses, en particulier la société Brinter Company Limited et la société et la société SA Panoceanic Films, indiquent par leur conseil commun (conclusions sur incident page 6, §1.5) que ces actes de cession ont été annulés. Ils listent parmi ces films objets de l'annulation deux films « Que la bête meure » et « La rupture » qui ne sont pas mentionnés par les pièces précitées. Le film « Les innocents aux mains sales » est cité par la pièce 23 mais ne fait l'objet d'aucune déclaration des défendeurs quant à l'annulation de cette cession. 1.4 Les actes portant mandat de vente 35. Un acte sous seing privé daté du 1er janvier 1990 indique que la société Brinter Company Limited confie mandat de vente à la société SA Artedis pour une durée de 12 mois renouvelables par tacite reconduction l'autorisant à signer directement avec les acheteurs des contrats de vente et à en encaisser le produit. Cet acte mentionne les 14 films en litige à l'exception du film « Juste avant la nuit ». 36. Les sociétés défenderesses, en particulier la société Brinter Company Limited et la société SA Panoceanic Films, indiquent par leur conseil commun (conclusions sur incident page 6, §1.5) qu'un mandat de vente a été confiée par la première à la seconde portant sur les films « La Route de Corinthe », « Les Biches », « La Femme infidèle », « Que la bête meure », « Le Boucher », « La Rupture », « Juste avant la nuit », « Une Partie de plaisir ». 2. La communication de pièce 37. Aux termes de l'article 132 du code de procédure civile « la partie qui fait état d'une pièce s'oblige à la communiquer à toute autre partie à l'instance. / La communication des pièces doit être spontanée ». 38. Selon l'article 133 du même code « si la communication des pièces n'est pas faite, il peut être demandé, sans forme, au juge d'enjoindre cette communication ». 39. Selon l'article 134 du même code « le juge fixe, au besoin à peine d'astreinte, le délai, et, s'il y a lieu, les modalités de la communication ». 40. Selon l'article 142 du même code « les demandes de production des éléments de preuve détenus par les parties sont faites, et leur production a lieu, conformément aux dispositions des articles 138 et 139 ». 41. Selon l'article 770 devenu l'article 788 du même code « le juge de la mise en état exerce tous les pouvoirs nécessaires à la communication, à l'obtention et à la production des pièces ». 42. En l'espèce, et ainsi qu'il précède, les sociétés suivantes ont détenu ou détiennent encore, selon faits débattus, des droits d'exploitation sur les films en litige : -la société Brinter Company Limited. -la société SA Panoceanic Films s'agissant des seuls films « La Route de Corinthe », « Les Biches », « La Femme infidèle », « Que la bête meure », « Le Boucher », « La Rupture », « Juste avant la nuit », « Une Partie de plaisir », « Les innocents aux mains sales ». 43. Elles ont donc à leur charge l'obligation de transmission des informations explicites et transparentes sur l'ensemble des revenus générés par l'exploitation de l'oeuvre en application de l'article L. 131-5-1 du code de la propriété intellectuelle. 44. Par voie de conséquences, elles connaissent l'identité des auteurs et de leurs ayants-droit, qui sont créanciers de cette obligation. 45. Il est relevé que les demandeurs ont attrait en intervention forcée la Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques comme représentante de 9 ayants-droit identifiés, qualité que la SACD conteste, et la Société des Auteurs, Compositeurs et Editeurs de Musique comme représentante de 5 ayants-droit ainsi que Madame [KK] [IM]. Les demandeurs ont signifié 12 actes distincts placés les 5 mai et 12 juin 2020 pour attraire les co-auteurs. 46. Les demandeurs ont encore pris attache avec la SACD, la SACEM et la SIAE aux fins d'obtenir les coordonnées d'autres co-auteurs ou de leurs ayants-droit. 47. La SACD a communiqué plusieurs identités et coordonnées des co-auteurs ou ayants-droit suite à injonction du juge de la mise en état suivant bulletin du 12 juillet 2022. 48. Ce même bulletin enjoint aux autres défendeurs constitués de communiquer les coordonnées, dont l'adresse postale des co-auteurs des films. Ceux-ci n'y ont déféré que partiellement en communiquant les noms et adresse d'une personne décédée et des adresses de mandataires ou représentants. 49. Il convient donc d'ordonner à la société Brinter Company Limited et à la société SA Panoceanic pour les films la concernant, de communiquer ces élément. Elles y seront tenues sous astreinte. 50. Il n'y a pas lieu d'ordonner de nouveau aux autres défendeurs de produire ces éléments. 51. Il n'est pas nécessaire d'enjoindre non plus de communiquer des éléments comptables ou documents mentionnant ces adresses dès lors qu'ils communiquent effectivement les adresses des co-auteurs et non celles de leurs mandataires réels ou supposés. 52. En outre, le débat de fond porte notamment sur la question des éventuels frais de restauration et de la qualité des restaurations des films dont font état les défendeurs. Il y a lieu de faire droit à la demande de communication de pièces présentée par les demandeurs. 53. De la même manière, sera ordonnée la communication d'un inventaire du matériel d'exploitation des films comme le réclame Monsieur [VS] [U] dans les conditions du dispositif. 54. La portée des différents mandants confiés aux autres sociétés défenderesses et les prérogatives des gérants n'étant pas identifiée avec précision, les défendeurs seront tous tenus à cette obligation de communication. 55. Ils y seront tenus sous astreinte au regard de l'inexécution de précédentes injonctions et de la durée de la procédure. 3. Le mandataire ad hoc 56. Aux termes de l'article L. 113-3 du code de la propriété intellectuelle « l'oeuvre de collaboration est la propriété commune des coauteurs. / Les coauteurs doivent exercer leurs droits d'un commun accord. / En cas de désaccord, il appartient à la juridiction civile de statuer. / Lorsque la participation de chacun des coauteurs relève de genres différents, chacun peut, sauf convention contraire, exploiter séparément sa contribution personnelle, sans toutefois porter préjudice à l'exploitation de l'oeuvre commune ». 57. Aux termes de l'article 771 du code de procédure civile devenu l'article 789 du même code : « lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour : (?) 4. Ordonner toutes autres mesures provisoires, même conservatoires, à l'exception des saisies conservatoires et des hypothèques et nantissements provisoires, ainsi que modifier ou compléter, en cas de survenance d'un fait nouveau, les mesures qui auraient déjà été ordonnées ; (...)». 58. En l'espèce, la demande de désignation d'un mandataire ad hoc porte sur l'exploitation des films et la mise à disposition du matériel le permettant, détenu par certaines des défenderesses. 59. Il n'est pas contesté que les sociétés Brinter Company Limited et SA Panoceanic Films ne détiennent plus de droits d'exploitation sur les films : « Les Biches »,« La Femme infidèle » et « Le Cri du hibou ». 60. Il n'est pas contesté que ces sociétés ne détiennent plus les droits d'exploitation de [L] [U] mais revendiquent les droits de [L] [G] et de [CF] [XZ] sur les films : « La Route de Corinthe »,« Docteur Popaul ». 61. L'état des droits d'exploitation revendiqués par les consorts [U] sur les films suivants est contesté : « Que la bête meure », « Le Boucher », « La Rupture », « Juste avant la nuit », « La Décade prodigieuse », « Les Noces rouges », « Nada », « Une Partie de plaisir », « Les Innocents aux mains sales ». 62. L'état des droits d'exploitation revendiqués par les consorts [XZ] sur les films suivants est contesté : « Les biches », « Que la bête meure », « Une partie de plaisir », « La décade prodigieuse » et « Docteur Popaul ». 63. Les demandeurs dénoncent l'absence d'exploitation des films. Les défendeurs le contestent et arguent de ce que ce sont les demandeurs et en particulier [UE] [U] qui s'opposent à l'exploitation. 64. L'examen des éléments de la cause, en particulier les comptes des années 2013 à 2022 (pièces défendeurs 4 à 12 et 16 à 18, pièce demandeurs 106) permettent de constater, qu'en l'état des pièces versées devant le juge de la mise en état, les recettes générées par les films sont marginales : de l'ordre de quelques centaines d'euros par an et par film depuis près de 10 ans. 65. Deux exception sont relevées : au 1er trimestre 2018 le film « Le Boucher » a rapporté la somme de 10 821, 52 euros par une diffusion à la télévision, au 4ème trimestre 2017 le film « Que la bête meure » rapporte la somme de 121 705, 02 euros par deux diffusions télévisées en France et à l'étranger. Une somme équivalente est toutefois déduite en 2022 (pièce demandeurs 106) portant mention « vente déclarée 2 fois ». 66. La société Brinter Company Limited produit un décompte de frais conséquents au titre du « matériel » et de la « restauration » : 72 777, 45 euros en 2013, 53 623, 53 euros en 2018 et 23 760, 24 euros en 2020. Un tableau récapitulatif (pièce défendeur 19) fait état de frais de restauration liquidés à hauteur de 399 890, 40 euros pour trois films dont 198 426, 16 euros payés par la société Brinter Company Limited et 23 436, 24 euros par les consorts [XZ]. Un tableau récapitulatif émanant des demandeurs (pièce 38) fait état de 655 000 euros d'aides versées à la société SA Panoceanic Films sous forme d'avance et de 245 000 euros versés sous forme de subventions. 67. Les recettes exceptionnelles au 4ème trimestre 2017 et au 1er trimestre 2018, même corrigées en 2022, démontrent un potentiel évident et proportionnel à la notoriété de [L] [U] et de son oeuvre. Le contraste avec les recettes générées pour les autres périodes est manifeste. 68. Des échanges écrits entre plusieurs défenderesses et Monsieur [UE] [U] permettent de constater que, pendant la procédure, celui-ci s'est opposé à la diffusion des films « Le Boucher », « La Rupture », « Juste avant la nuit », « La Décade prodigieuse », « Les Noces rouges », « Nada », « Une Partie de plaisir », « Les Innocents aux mains sales » par des plateformes de vidéo à la demande outre une diffusion envisagée pendant un festival. 69. Les parties s'opposent ainsi sur la cause de l'absence d'exploitation et ses conséquences contractuelles. Cette appréciation relève d'un débat de fond. 70. La procédure, ancienne de deux ans et sept mois, en l'absence de toute démarche amiable entreprise, et alors que d'autres ayants-droit doivent être mis en cause, crée un risque d'inexploitation des films en raison de l'intensité du différend. 71. Cette situation de fait est contraire, s'agissant des films « La Route de Corinthe » et « Docteur Popaul », aux droits des co-auteurs et suppose la préservation de leur propriété commune. 72. Elle est contraire, s'agissant des films « Que la bête meure », « Le Boucher », « La Rupture », « Juste avant la nuit », « La Décade prodigieuse », « Les Noces rouges », « Nada », « Une Partie de plaisir », « Les Innocents aux mains sales » aux obligations réciproques des parties devant permettre la poursuite de l'exploitation des films résultant des contrats du 8 juin 1990. 73. Il résulte de ces circonstances que la désignation d'un mandataire ad hoc est une mesure conservatoire nécessaire que les demandeurs sont bien fondés à réclamer s'agissant des films précités. 74. Le mandataire aura pour mission, ainsi qu'il est précisé au dispositif, de s'assurer que les oeuvres sont effectivement exploitées en générant un revenu régulier sans porter atteinte à 75. Les films « Les Biches »,« La Femme infidèle » et « Le Cri du hibou » feront également l'objet de la mesure de mandat ad hoc, les défendeurs n'y opposant aucun argument valable alors qu'ils ne se prévalent d'aucun droit d'exploitation sur ces films. 76. Afin de permettre la bonne exploitation des films, les défendeurs seront tenus de mettre le matériel des films à disposition de l'administrateur provisoire à sa demande. Ils ne seront toutefois pas contraints de lui remettre ces matériels de façon générale ni en dehors de cet objet. III. Sur les demandes accessoires 77. Il convient de réserver les dépens et les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile dans l'attente de l'examen de l'affaire au fond. IV. Sur l'injonction de rencontrer un médiateur 78. L'article 22-1 de la loi no95-125 du 8 février 1995 dans sa rédaction issue de la loi no2019-222 du 23 mars 2019, dit qu'« en tout état de la procédure y compris en référé, lorsqu'il estime qu'une résolution amiable du litige est possible, le juge peut, s'il n'a pas recueilli l'accord des parties, leur enjoindre de rencontrer un médiateur qu'il désigne. Celui-ci informe les parties sur l'objet et le déroulement d'une mesure de médiation », 79. Vu l'article 127 du code de procédure civile, 80. Les parties n'ont pas toutes exprimé leur accord sur l'objet d'une mesure de médiation. 81. L'affaire y présentant pourtant des critères d'éligibilité en particulier : les parties entretiennent des relations de long terme, elles disposent d'intérêts futurs mutuels, d'autres parties que celles à la procédure sont impliquées dans le conflit, une résolution rapide du litige est souhaitable, les parties font état d'une lassitude face au différend, le différend à généré de nombreux litiges devant plusieurs juridictions, la technicité de l'affaire et la nécessité d'organiser le mandat ad hoc. 82. Il convient par voie de conséquence de leur donner injonction aux parties de rencontrer un médiateur aux fins d'information sur l'objet et le déroulement d'une médiation. PAR CES MOTIFS Le juge de la mise en état, statuant par mise à disposition au greffe, par décision réputée contradictoire et en premier ressort : SE DÉCLARE INCOMPÉTENT matériellement pour statuer sur la fin de non-recevoir tirée de l'absence de mise en cause des co-auteurs des films, SE DÉCLARE INCOMPÉTENT matériellement pour statuer sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à défendre de la Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques (la « SACD ») comme représentant Messieurs [X], [O], [W], [DN], [D], [B], [ES] et Mesdames [P] et [GZ], ORDONNE à la société de droit anglais Brinter Company Limited de communiquer à Madame [Y] [U], Monsieur [FB] [U], Madame [C] [OZ]-[U], Monsieur [UE] [U], Monsieur [VS] [U], Monsieur [XF] [XZ], Monsieur [T] [XZ], Madame [I] [XZ], Madame [S] [XZ] dans un délai de 15 jours à compter de la signification de la présente ordonnance puis sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard pendant un délai maximal de six mois les coordonnées, dont l'adresse postale des co-auteurs des films suivants : « La Route de Corinthe », « Les Biches », « La Femme infidèle », « Que la bête meure », « Le Boucher », « La Rupture », « Juste avant la nuit », « La Décade prodigieuse », « Docteur Popaul », « Les Noces rouges », « Nada », « Une Partie de plaisir », « Les Innocents aux mains sales » et « Le Cri du hibou », ORDONNE à la société SA Panoceanic Films de communiquer à Madame [Y] [U], Monsieur [FB] [U], Madame [C] [OZ]-[U], Monsieur [UE] [U], Monsieur [VS] [U], Monsieur [XF] [XZ], Monsieur [T] [XZ], Madame [I] [XZ], Madame [S] [XZ] dans un délai de 15 jours à compter de la signification de la présente ordonnance puis sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard pendant un délai maximal de six mois les coordonnées, dont l'adresse postale des co-auteurs des films suivants : « La Route de Corinthe », « Les Biches », « La Femme infidèle », « Que la bête meure », « Le Boucher », « La Rupture », « Juste avant la nuit », « Une Partie de plaisir », « Les innocents aux mains sales », ORDONNE à la société de droit anglais Brinter Company Limited, la société SA Artedis, la société SA Panoceanic Films, la société SARL Radio Days, Madame [A] [JG] et Monsieur [WL] [CZ] de communiquer à Madame [Y] [U], Monsieur [FB] [U], Madame [C] [OZ]-[U], Monsieur [UE] [U], Monsieur [VS] [U], Monsieur [XF] [XZ], Monsieur [T] [XZ], Madame [I] [XZ], Madame [S] [XZ] dans un délai de 15 jours à compter de la signification de la présente ordonnance puis sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard pendant un délai maximal de six mois, les justificatifs comptables justifiant des frais de restauration des films : « La Route de Corinthe », « Les Biches », « La Femme infidèle », « Que la bête meure », « Le Boucher », « La Rupture », « Juste avant la nuit », « La Décade prodigieuse », « Docteur Popaul », « Les Noces rouges », « Nada », « Une Partie de plaisir », « Les Innocents aux mains sales » et « Le Cri du hibou », DIT qu'à défaut de détenir ces éléments comptables justifiant des frais de restauration des films la société de droit anglais Brinter Company Limited, la société SA Artedis, la société SA Panoceanic Films, la société SARL Radio Days, Madame [A] [JG] et Monsieur [WL] [CZ] pourront se libérer par un écrit officiel signé de leur main ou de celle de leur gérant indiquant que l'intégralité desdits éléments en leur possession ont été communiqués, ORDONNE à la société de droit anglais Brinter Company Limited, la société SA Artedis, la société SA Panoceanic Films, la société SARL Radio Days, Madame [A] [JG] et Monsieur [WL] [CZ] de communiquer à Madame [Y] [U], Monsieur [FB] [U], Madame [C] [OZ]-[U], Monsieur [UE] [U], Monsieur [VS] [U], Monsieur [XF] [XZ], Monsieur [T] [XZ], Madame [I] [XZ], Madame [S] [XZ] dans un délai de 45 jours à compter de la signification de la présente ordonnance puis sous astreinte de 300 euros par jour de retard pendant un délai maximal de trois mois un inventaire complet du matériel d'exploitation des films qu'ils détiennent pour les films : « La Route de Corinthe », « Les Biches », « La Femme infidèle », « Que la bête meure », « Le Boucher », « La Rupture », « Juste avant la nuit », « La Décade prodigieuse », « Docteur Popaul », « Les Noces rouges », « Nada », « Une Partie de plaisir », « Les Innocents aux mains sales » et « Le Cri du hibou », ORDONNE à la SACD de communiquer à Madame [Y] [U], Monsieur [FB] [U], Madame [C] [OZ]-[U], Monsieur [UE] [U], Monsieur [VS] [U], les coordonnées dont l'adresse postale des ayants-droit de [L] [G], ORDONNE à titre conservatoire un mandat ad hoc provisoire portant sur l'exploitation des films « La Route de Corinthe », « Les Biches », « La Femme infidèle », « Que la bête meure », « Le Boucher », « La Rupture », « Juste avant la nuit », « La Décade prodigieuse », « Docteur Popaul », « Les Noces rouges », « Nada », « Une Partie de plaisir », « Les Innocents aux mains sales » et « Le Cri du hibou », DÉSIGNE en qualité de mandataire ad hoc : SARL GLADEL & ASSOCIÉS représentée par Maître Vincent Gladel administrateur judiciaire, [Adresse 26], tél. : [XXXXXXXX03] - courriel : [Courriel 51] avec pour mission : -de gérer et administrer l'ensemble des droits d'exploitation des films suivants : « Les Biches »,« La Femme infidèle » et « Le Cri du hibou », dans l'intérêt commun des co-auteurs des oeuvres, -de gérer et administrer l'ensemble des droits d'exploitation des films suivants dans les conditions prévues par les contrats du 8 juin 1990 : « La Route de Corinthe », « Que la bête meure », « Le Boucher », « La Rupture », « Juste avant la nuit », « La Décade prodigieuse », « Docteur Popaul », « Les Noces rouges », « Nada », « Une Partie de plaisir », et « Les Innocents aux mains sales », dans l'intérêt commun des co-auteurs des oeuvres et des parties à ces contrats, et à cette fin, d'engager toutes démarches et de conclure toutes conventions en vue de leur exploitation, de prendre toutes mesures judiciaires ou extra-judiciaires nécessaires afin de les faire respecter tant en demande qu'en défense, dans toutes les instances dont l'objet entre dans la limite de ses pouvoirs, DIT que le mandataire ad hoc pourra se faire remettre sans délai toutes pièces, contrats, documents, archives utiles à l'accomplissement de sa mission, ainsi que l'inventaire prévu au dispositif de la présente ordonnance lorsqu'il sera établi, ORDONNE à titre de mesure conservatoire à la société de droit anglais Brinter Company Limited, la société SA Artedis, la société SA Panoceanic Films, la société SARL Radio Days, Madame [A] [JG] et Monsieur [WL] [CZ] de mettre à la disposition du mandataire ad hoc, sur sa demande, l'ensemble des matériels, négatifs et supports des films en leur possession, afin de permettre l'accomplissement de sa mission, DIT que le mandat ad hoc débute à compter de la présente ordonnance et pour une durée maximale de 3 ans, jusqu'à ce qu'une décision définitive statuant au fond sur la présente affaire intervienne, y compris une transaction homologuée, ou que le désistement d'instance et d'action des demandeurs soit constaté, DIT que le mandataire ad hoc rendra compte de sa mission au juge de la mise en état puis, après son dessaisissement, au juge ou conseiller de la mise en état de la juridiction saisie du litige et, à défaut de juridiction saisie du litige, au bureau des administrations judiciaires et séquestres de ce tribunal en vue de son éventuelle prorogation et lui soumettra pour examen les frais exposés ainsi que sa demande d'honoraires, DIT que le mandataire ad hoc peut informer le juge au contradictoire des parties constituées en cas de difficulté, FIXE à 3 000 euros la provision à valoir sur les frais et honoraires de l'administrateur qui sera versée par les demandeurs, directement entre les mains de l'administrateur judiciaire dans le délai de deux mois à compter de la présente décision à peine de caducité de la désignation, DIT que la rémunération du mandataire ad hoc sera fixée sur la base du barème en usage dans le ressort du tribunal judiciaire de Paris pour la rémunération des administrateurs judiciaires civils et sera mise à la charge des demandeurs pour moitié et de droit anglais Brinter Company Limited, la société SA Artedis, la société SA Panoceanic Films, la société SARL Radio Days, Madame [A] [JG] et Monsieur [WL] [CZ] pour l'autre moitié, lors de sa liquidation définitive après le terme de la mission, DONNE INJONCTION aux parties de rencontrer un médiateur : Monsieur [RX] [MH] [Courriel 52] [XXXXXXXX04] aux fins d'information sur l'objet et le déroulement d'une médiation au plus tard le : 28 avril 2023 INVITE chaque partie à prendre contact directement par mail avec le médiateur et à se présenter au rendez-vous en personne ayant un pouvoir décisionnel, pouvant être accompagnée de son conseil, DIT que la présente ordonnance est communiquée au mandataire ad hoc et au médiateur à la diligence du greffe, REJETTE le surplus, RÉSERVE les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile, RÉSERVE les dépens, RENVOIE l'affaire à l'audience de mise en état du 13 juin 2023 à 10h00 pour clôture au terme d'un rendez-vous de mise en état en présentiel et après calendrier suivant : -conclusions demandeurs et mise en cause des co-auteurs : 11 avril 2023 (date relais) -conclusions des défendeurs : 5 juin 2023 (date relais) (date de plaidoirie envisagée : 03 octobre 2023 à 15h00) Faite et rendue à PARIS le 16 février 2023 LA GREFFIERE LE JUGE DE LA MISE EN ETAT
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AFFAIRE : No RG 20/02293 - No Portalis DBWB-V-B7E-FO3M Code Aff. :AL ARRÊT N ORIGINE :JUGEMENT du Tribunal paritaire des baux ruraux de SAINT BENOIT en date du 09 Novembre 2020, rg no 51-19-0003 COUR D'APPEL DE SAINT-DENIS DE LA RÉUNION CHAMBRE SOCIALE TRIBUNAL PARITAIRE DES BAUX RURAUX ARRÊT DU 29 SEPTEMBRE 2022 APPELANT : Monsieur [P] [X] [Adresse 3] [Localité 5] Représentant : Me Sylvie MOUTOUCOMORAPOULE, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION Madame [M] [K] [N] épouse [B] [Adresse 1] [Localité 4] Représentant : Me Brigitte MAURO de la SELARL BRIGITTE MAURO - BÉATRICE FONTAINE, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION DÉBATS : En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 juin 2022, en audience publique devant Alain LACOUR, président de chambre chargé d'instruire l'affaire, assisté Delphine GRONDIN, greffière, les parties ne s'y étant pas opposées. Ce magistrat a indiqué à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 29 septembre 2022; Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Président :Alain LACOUR Conseiller:Laurent CALBO Conseiller :Aurélie POLICE Qui en ont délibéré ARRÊT : mis à disposition des parties le 29 septembre 2022 Greffier lors de la mise à disposition de l'arrêt : Monique Lebrun Exposé du litige : Selon acte sous-seing-privé du 1er juin 2011, M. [X] a donné à bail rural à Mme [N] épouse [B] une parcelle de terre sise commune de [Localité 7], lieu-dit [Adresse 6], cadastrée section AM no [Cadastre 2], d'une superficie de 2 ha et 32 ca. Il a fait délivrer congé à Mme [N] épouse [B] par acte extrajudiciaire du 30 octobre 2018. Saisi par Mme [N] épouse [B], qui contestait la validité de ce congé, le tribunal paritaire des baux ruraux de Saint-Benoît, par jugement du 9 novembre 2020, a notamment déclaré l'action de Mme [N] épouse [B] recevable, prononcé la nullité du congé aux fins de reprise délivré le 30 octobre 2018 et débouter les parties du surplus de leurs prétentions. Appel de cette décision a été interjeté par M. [X] le 8 décembre 2020. Vu les conclusions notifiées par M. [X] le 21 mars 2022, auxquelles il s'est expressément référé lors de l'audience de plaidoiries tenue le 20 juin 2022 ; Vu les conclusions notifiées par Mme [N] épouse [B] le 8 novembre 2021, auxquelles elle s'est expressément référée lors de l'audience de plaidoiries ; Pour plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, il est expressément renvoyé, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions susvisées et aux développements infra. Vu les articles L. 461-8 et L. 461-17 du code rural et de la pêche maritime ; Attendu que le congé signifié le 30 octobre 2008 à la requête de M. [X] mentionne qu'il est délivré en application de l'article L. 411-31 du code rural et de la pêche maritime, qu'il cite in extenso ; qu'il mentionne en outre les articles L. 411-35, L. 411-38, L. 411-47, L. 411-53, L. 411-54 et L 411-64 du même code ; Or, attendu qu'aucun de ces textes n'est applicable au présent litige, en application des dispositions des articles L. 461-1 et L. 461-3 dudit code ; Et attendu que le congé litigieux ne reproduit pas les termes du deuxième alinéa de l'article L. 461-17 susvisé, alors que cette formalité est prévue à peine de nullité par le troisième alinéa de cet article ; Attendu par conséquent qu'il convient de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ; PAR CES MOTIFS : Statuant publiquement, contradictoirement, Confirme le jugement rendu le 9 novembre 2020 par le tribunal paritaire des baux ruraux de Saint-Benoît ; Y ajoutant, Vu l'article 700 du code de procédure civile, Condamne M. [X] à payer à Mme [N] épouse [B] la somme de 2 000 euros à titre d'indemnité pour frais non répétibles d'instance ; Condamne M. [X] aux dépens d'appel. Le présent arrêt a été signé par M. Alain Lacour, président, et par Mme Monique Lebrun, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. La greffière,le président,
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Copies exécutoires délivrées aux parties le : Copies certifiées conformes délivrées aux parties le : République française Au nom du Peuple français COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 4 - Chambre 9 - B ARRET DU 29 Septembre 2022 (no 165 , pages) Numéro d'inscription au répertoire général : S No RG 20/00216 - No Portalis 35L7-V-B7E-CCN6U Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 18 Juin 2020 par le tribunal judiciaire de bobigny RG no 11-19-000040 Madame [B] [Z] (débitrice) Chez Madame [Z] [V] [Adresse 2] [Localité 10] non comparante [Adresse 13] [Localité 6] non comparante CAF DE SEINE SAINT DENIS [Adresse 5] [Localité 9] non comparante CENTRE FINANCIER BANQUE POSTALE [Localité 4] non comparante [Adresse 14] [Adresse 7] [Localité 11] non comparante BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE Chez Neuilly Contentieux [Adresse 3] [Localité 8] non comparante S.C.I. ABL [Adresse 1] [Localité 12] non comparante COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Juin 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Laurence ARBELLOT conseillère, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : M. Christophe BACONNIER, président Mme Laurence ARBELLOT, conseillère Mme Fabienne TROUILLER, conseillère Greffière : Mme Alexandra AUBERT, lors des débats - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Madame Fabienne TROUILLER, conseillère faisant fonction de présidente pour Monsieur Christophe BACONNIER, président de chambre empêché présent lors des débats, et par Madame Alexandra AUBERT, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES Le 10 mars 2017, Mme [Z] a saisi la commission de surendettement de Seine-Saint-Denis qui a, le 2 mai 2017, déclaré sa demande recevable. Par jugement du 22 juin 2018, le tribunal d'instance de Bobigny a : -déclaré recevable le recours formée par la société ABL, -rejeté la demande de la société ABL tendant à déclarer irrecevable Mme [Z] au traitement des situations de surendettement des particuliers, -déclaré recevable Mme [Z] au bénéfice du traitement des situations de surendettement, -renvoyé le dossier à la commission de surendettement des particuliers de Seine-Saint-Denis. La commission de surendettement des particuliers a orienté le dossier vers une procédure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire. Le 3 octobre 2018, la société ABL a formé un recours contre l'orientation retenue par la commission. Par un jugement réputé contradictoire du 18 juin 2020, le tribunal judiciaire de Bobigny a déclaré recevable la contestation et déclaré irrecevable Mme [Z] au bénéfice du traitement des situations de surendettement des particuliers. Pour statuer ainsi, le tribunal a constaté que Mme [Z] n'avait pas comparu à l'audience du 14 mai 2020 et que la convocation distribuée le 22 juin 2020, à son ancienne adresse, portait la mention « destinataire inconnu à l'adresse indiquée ». Il a relevé que Mme [Z] ne versait aucun élément permettant d'actualiser sa situation notamment financière. Le jugement a été notifié à Mme [Z] le 8 juillet 2020. Par déclaration expédiée au greffe de la cour d'appel le 16 juin 2021 , Mme [Z] a interjeté appel du jugement. L'affaire a été appelée à l'audience du 28 juin 2022. La convocation adressée à Mme [Z] à l'adresse déclarée par elle est revenue avec la mention «destinataire inconnu à cette adresse» et elle n'était ni comparante ni représentée ni n'a fait connaître de motif à son absence. Aucun créancier n'a comparu ni n'était représenté. MOTIFS DE LA DÉCISION Il convient d'indiquer à titre liminaire que l'appel en matière de procédure de surendettement des particuliers, est formé, instruit et jugé selon les règles de la procédure sans représentation obligatoire figurant aux articles 931 à 949 du code de procédure civile. La procédure applicable devant la cour d'appel est donc la procédure orale de droit commun dans laquelle la prise en considération des écrits d'une partie par la cour est subordonnée à l'indication orale à l'audience par cette partie ou son représentant qu'elle se réfère à ses écritures. Dès lors, la cour ne peut prendre en compte les demandes ou observations présentées par écrit par les parties non comparantes. En l'espèce, bien que régulièrement convoquée à l'audience du 28 juin 2022, Mme [Z] n'a ni comparu ni ne s'est fait représenter et n'a invoqué aucun motif légitime pour justifier sa non-comparution. Du fait de celle-ci, la cour n'est saisie d'aucun moyen à l'appui de l'appel formé. Le jugement dont appel conserve donc toute son efficacité. PAR CES MOTIFS La cour statuant par arrêt par défaut et en dernier ressort, Constate que Mme [B] [Z] ne soutient pas son appel et que la cour n'est saisie d'aucune prétention, Laisse les éventuels dépens à la charge de l'appelante, Dit que le présent arrêt sera notifié par lettre simple à la commission de surendettement et aux parties par lettre recommandée avec avis de réception. LA GREFFIERE LA CONSEILLERE FAISANT FONCTION DE PRESIDENTE
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No RG 22/06439 No Portalis DBVX-V-B7G-OQY5 Nom du ressortissant : X se disant [L] [B] PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE DE LYON X SE DISANT [L] [B] COUR D'APPEL DE LYON JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT ORDONNANCE SUR APPEL AU FOND EN DATE DU 28 SEPTEMBRE 2022 statuant en matière de Rétentions Administratives des Etrangers Nous, Isabelle OUDOT, conseiller à la cour d'appel de Lyon, déléguée par ordonnance du premier président de ladite Cour en date du 1er septembre 2022 pour statuer sur les procédures ouvertes en application des articles L.342-7, L. 342-12, L. 743-11 et L. 743-21 du code d'entrée et de séjour des étrangers en France et du droit d'asile, Assistée de Sandra BOUSSARIE, greffier lors des débats et de Manon CHINCHOLE, greffier, lors du délibéré pour mise à disposition, En présence du ministère public, représenté en la personne de Philippe DE MONJOUR, avocat général près la cour d'appel de Lyon, En audience publique du 28 septembre 2022 dans la procédure suivie entre : APPELANT : Monsieur le Procureur de la République près le tribunal de judiciaire de Lyon représenté par le parquet général de Lyon X se disant [L] [B] né le [Date naissance 2] 2003 à [Localité 6] - ALGÉRIE de nationalité algérienne Actuellement retenu au centre de rétention administrative de [7] comparant, assisté de Maître Isabelle ROMANET-DUTEIL substituant Maître Julie IMBERT MINNI, avocat au barreau de LYON, commis d'office, avec le concours de Madame [O] [H], interprète en langue arabe inscrite sur liste CESEDA, assermentée à l'audience Monsieur LE PRÉFET DU RHÔNE [Adresse 4] [Localité 5] Non comparant, régulièrement avisé, représenté par la SELARL SERFATY VENUTTI CAMACHO & CORDIER, avocats au barreau de l'AIN, Avons mis l'affaire en délibéré au 28 septembre 2022 à 16 heures 30 et à cette date et heure prononcé l'ordonnance dont la teneur suit : FAITS ET PROCÉDURE Par décision du 28 juillet 2022, l'autorité administrative a ordonné le placement de X se disant [B] [L] en rétention dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire afin de permettre l'exécution de l'arrêté préfectoral en date du 12 décembre 2021 portant refus de titre de séjour et obligation pour X se disant [B] [L] de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours avec interdiction de retour pendant 18 mois, décision notifiée le 12 décembre 2021 et non contestée devant le tribunal administratif. X se disant [B] [L] né le [Date naissance 1] 2003 à [Localité 6] en Algérie a été identifié par les autorités algériennes via SCCOPOL comme étant en réalité [B] [L] né le [Date naissance 3] 1994 à [Localité 6] en Algérie. L'appelant sera désigné ci-après comme [B] [L]. Par ordonnance du 30 juillet 2022 confirmée en appel le 02 août 2022 et par ordonnance du 27 août 2022 confirmée en appel en date du 30 août 2022, le juge des libertés et de la détention a prolongé la rétention administrative de [B] [L] pour des durées de vingt-huit et trente jours. Suivant requête du 25 septembre 2022 le préfet du Rhône a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon aux fins de voir ordonner une nouvelle prolongation exceptionnelle de la rétention pour une durée de quinze jours. Le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon, dans son ordonnance du 26 septembre 2022 a dit n'y avoir lieu à prolongation de la rétention administrative de [B] [L] au motif qu'il n'est aucunement démontré une délivrance à bref délai des documents de voyage. Le 26 septembre 2022 à 17 heures 48, le ministère public a formé appel avec demande d'effet suspensif. Il fait valoir que la préfecture démontre que la délivrance à bref délai d'un laissez-passer contrairement à ce qui est motivé par le premier juge dont la décision doit être infirmée, et la rétention prolongée; Par ordonnance en date du 27 septembre 2022 à 11 heures 00, le conseiller délégué du premier président a déclaré l'appel recevable et suspensif ; Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience du 28 septembre 2022 à 10 heures 30. [B] [L] a comparu assisté d'un interprète et de son avocat. M. l'Avocat Général sollicite l'infirmation de la l'ordonnance et reprend les termes des réquisitions du Procureur de la République de Lyon en soutenant que la préfecture justifie avoir adressé des photos, des empreintes, que l'intéressé est identifié par le réseau SCOPOL et qu'il est caractérisé que le laissez-passer sera délivré à bref délai. Il requiert l'infirmation de la décision et qu'il soit fait droit à la requête de la préfecture. Le préfet du Rhône, représenté par son conseil, s'associe aux réquisitions du Parquet Général et fait valoir que le juge des libertés et de la détention a imputé à l'administration les conséquences de l'obstruction dont fait preuve M. [L] depuis le début de la procédure et que ce raisonnement ne correspond pas aux exigences légales et aux dispositions de l'article 6 de la Directive Retour. Les éléments recueillis par la préfecture (identification SCOPOL et réponse du consulat d'Algérie) établissent qu'un laissez-passez peut être délivré à bref délai et la décision doit être infirmée. Le conseil de [B] [L] a été entendu en sa plaidoirie pour solliciter la confirmation de l'ordonnance déférée. Elle fait valoir que la préfecture ne rapporte pas la preuve de la délivrance d'un laissez-passer à bref délai et que la décision doit donc être confirmée. [B] [L] a eu la parole en dernier. Il explique qu'il est né en 2004 et voudrait être assigné à résidence. MOTIVATION Sur le bien-fondé de la requête Attendu que l'article L. 741-3 du CESEDA rappelle qu'un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que le temps strictement nécessaire à son départ et que l'administration doit exercer toute diligence à cet effet ; Attendu que l'article L. 742-5 du même code dispose que « A titre exceptionnel, le juge des libertés et de la détention peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l'article L. 742-4, lorsqu'une des situations suivantes apparaît dans les quinze derniers jours : 1o L'étranger a fait obstruction à l'exécution d'office de la décision d'éloignement ; 2o L'étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d'éloignement : a) une demande de protection contre l'éloignement au titre du 9o de l'article L. 611-3 ou du 5o de l'article L. 631-3 ; b) ou une demande d'asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ; 3o La décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé et qu'il est établi par l'autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai » ; Attendu que le premier juge a motivé sa décision en exigeant la preuve d'une délivrance à bref délai d'un laissez-passer consulaire et que ce faisant le juge des libertés et de la détention a méconnu les termes du texte susvisé puisqu'il a procédé à une interprétation de son 3o qui le vide d'une grande partie de sa portée ; Attendu que le premier juge a ajouté au texte en exigeant une démonstration de la certitude d'une délivrance à bref délai alors même que l'autorité administrative n'a pas de pouvoir pour contraindre les autorités consulaires ; Qu'il est constant qu'elle se doit seulement de caractériser que la délivrance va intervenir à bref délai puisqu'au jour de présentation de sa requête, la préfecture n'a évidemment pas le laissez-passer consulaire à sa disposition, sauf à dénuer de sens le texte applicable ; Que les dispositions susvisées doivent conduire l'autorité administrative à exercer avec célérité toute diligence en vue de l'exécution de la mesure d'éloignement de la personne placée en rétention administrative ; Que ces dispositions ouvrent également à la préfecture la faculté de solliciter le juge des libertés et de la détention d'une demande de prolongation exceptionnelle lorsque les documents de voyage n'ont pas été délivrés dans le cours des premiers soixante jours de cette rétention et qu'elle fournit les éléments de nature à faire présumer, que cette délivrance va intervenir à temps ; Attendu au cas d'espèce que dans sa requête en prolongation de la rétention administrative de [B] [L], la préfecture soutient que : - X se disant [B] [L] né le [Date naissance 1] 2003 à [Localité 6] en Algérie a été identifié par les autorités algériennes via SCCOPOL comme étant en réalité [B] [L] né le [Date naissance 3] 1994 à [Localité 6] en Algérie, - [B] [L] est démuni de tout document de voyage ou d'identité en cours de validité, - des diligences ont été effectuées dés le 28 juillet 2022 auprès des autorités consulaires algériennes afin d'obtenir la délivrance d'un laissez-passer consulaire, - le 07 août 2022 la préfecture a envoyé au consulat les empreintes et les phots de [B] [L], - des courriers de relances ont été adressés les 12, 25 août et 23 septembre 2022 et la préfecture est dans l'attente d'une réponse ses autorités consulaires ; Attendu que l'autorité administrative communique les pièces justifiant de ces diligences; Qu'elle fournit également le courrier du 15 septembre 2022 émanant du Consulat général d'Algérie à Lyon par lequel il est indiqué qu'une procédure de vérification de l'identité de [B] [L] est en cours ; Que par courrier du 23 septembre la préfecture rappelait au consulat la véritable identité de l'intéressé suite à la reconnaissance SCOPOL ; Attendu qu'il ressort de l'ensemble de ces éléments que l'autorité administrative établit que la délivrance doit intervenir à bref délai et que c'est à tort que le premier juge a rejeté la requête en 3ème prolongation dès lors que les conditions de l'article L 742-5 3o du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile étaient remplies; Que de surcroît tant devant le premier juge que devant la présente juridiction [B] [L] invoque une nouvelle année de naissance et affirme qu'il est né en 2004 alors qu'il est identifié différemment ; Que ce procédé relève d'une nouvelle démarche d'obstruction destinée à semer la confusion et entraver l'exécution de la mesure d'éloignement ; Qu'en conséquence l'ordonnance déférée est infirmée et qu'il est fait droit à la requête en prolongation exceptionnelle de la rétention administrative de X se disant [B] [L] né le [Date naissance 1] 2003 à [Localité 6] en Algérie dans les termes du dispositif ; PAR CES MOTIFS Déclarons recevable l'appel formé par X se disant [B] [L], Infirmons l'ordonnance déférée, ORDONNONS la prolongation de [B] [L] né le [Date naissance 1] 2003 à [Localité 6] en Algérie, identifié par les autorités algériennes via SCCOPOL comme étant en réalité [B] [L] né le [Date naissance 3] 1994 à [Localité 6] en Algérie dans les locaux ne dépendant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de 15 jours. Le greffier,Le conseiller délégué, Manon CHINCHOLEIsabelle OUDOT
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COUR D'APPEL DE RENNES No RG 22/00471 - No Portalis DBVL-V-B7G-TBQD JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT O R D O N N A N C E articles L 741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile Nous, Aline DELIERE, Présidente de Chambre à la cour d'appel de RENNES, déléguée par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur les articles L.741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assistée de Eric LOISELEUR, greffier placé, Statuant sur l'appel formé le 16 Août 2022 à 15H49 par : M. [Z] [C] né le [Date naissance 1] 1993 à [Localité 2] (ALGÉRIE) de nationalité Algérienne ayant pour avocat Me Yaelle SEMANA, avocat au barreau de RENNES d'une ordonnance rendue le 12 Août 2022 à 18H05 par le juge des libertés et de la détention du Tribunal judiaire de RENNES qui a rejeté les exceptions de nullité soulevées, le recours formé à l'encontre de l'arrêté de placement en rétention administrative, et ordonné la prolongation du maintien de M. [Z] [C] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée maximale de vingt-huit jours à compter du 11 août 2022 à 17H30; En l'absence de représentant du préfet de d'Indre et Loir, dûment convoqué, mémoire du 17/08/2022 En l'absence du procureur général régulièrement avisé, (avis du 17/08/2022) En présence de [Z] [C], assisté de Me Yaelle SEMANA, avocat, Après avoir entendu en audience publique le 17 Août 2022 à 14H00 l'appelant assisté de M. [H] [R], interprète en langue Arabe ayant prêté serment à l'audience, et son avocat en leurs observations, Avons mis l'affaire en délibéré et le 18 Août 2022 à 12H00, avons statué comme suit : FAITS ET PROCEDURE Par arrêté du 27 février 2022, notifié le même jour, la préfète d'Indre et Loire a prononcé à l'encontre de M. [Z] [C] une obligation de quitter le territoire français, sans délai, assortie d'une interdiction de retour d'une durée de 3 ans. A la suite de l'interpellation de M. [C] le 9 août 2022, par arrêté du 10 août 2022, notifié le même jour, la préfète a ordonné son placement en rétention administrative. M. [C] a formé un recours contre cet arrêté devant le juge des libertés et de la détention. Le 11 août 2022 le préfet a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes d'une demande de prolongation de la rétention administrative pour la durée de 28 jours en application de l'article L742-1 du CESEDA. Par ordonnance du 12 août 2022 le juge des libertés et de la détention a rejeté l'exception de nullité soulevée, constaté le désistement du recours formé à l'encontre de l'arrêté de placement en rétention administrative et a ordonné la prolongation du maintien de M. [C] en rétention administrative pendant la durée de 28 jours à compter du 11 août 2022. M. [C] a fait appel par courriel, adressé par la CIMADE, reçu à la cour d'appel le 16 août 2022 à 15 h 49. Il expose qu'il a été blessé en septembre 2021 alors qu'il travaillait en vélo pour la société UBER, qu'il a été soigné à [Localité 3], qu'il doit continuer à y recevoir des soins et qu'il ne peut pas rester en rétention administrative. Son avocate développe deux moyens devant la cour : -il n'est pas établi que M. [C] a reçu la notification de ses droits au centre de rétention, en langue arabe, à défaut d'interprète en langue arabe, -l'état de santé de M. [C] n'est pas compatible avec la rétention car il souffre de problèmes dentaires et doit être opéré dans plusieurs semaines. Elle ne forme plus de demande subsidiaire d'assignation à résidence, demande l'infirmation de la décision et la condamnation de la préfète à lui payer la somme de 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. L'irrecevabilité du premier moyen a été soulevée par le magistrat à l'audience. La préfète d'Indre et Loire, non présente à l'audience, a adressé des observations à la cour par courriel du 17 août 2022, avant l'audience. Le ministère public, par courriel du 17 août 2022, joint à la procédure, conclut à la confirmation de la décision. MOTIFS DE L'ORDONNANCE S'agissant du premier moyen, M. [C] n'a pas, dans la déclaration d'appel, soulevé le moyen tenant à la notification de ses droits en centre de rétention, de telle sorte que ce moyen, soulevé à l'audience et après l'expiration du délai d'appel, n'est pas recevable en application des articles R743-11 du CESEDA et 126 du code de procédure civile. S'agissant du second moyen, M. [C] ne l'a pas non plus soulevé devant le premier juge alors qu'au moment de sa comparution, le 12 août 2022 il se trouvait déjà depuis deux jours en rétention. Cependant, il sera relevé, outre le fait qu'il n'a pas fait état d'une incompatibilité de son état de santé avec la rétention devant le premier juge, que le 9 août 2022, interrogé par les services de police, il n'a pas signalé de difficulté de santé et n'a pas demandé à être examiné par un médecin, qu'il ne produit aucune pièce sur son état de santé, la nécessité d'un suivi particulier et sur une prochaine intervention chirurgicale dont il ne précise pas la date, à l'hôpital de [Localité 3], et qu'enfin il a le droit, en rétention, de demander l'assistance d'un médecin et a reconnu avoir rencontré une infirmière, qui, si elle n'a pas pu lui prescrire l'antalgique qu'il prend habituellement, n'a pas signalé à l'administration que son état n'était pas compatible avec les conditions de la rétention administrative. En conséquence, le moyen qu'il soulève, même tardivement, n'est pas de nature à justifier la mainlevée de la rétention administrative. L'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention, qui n'est pas autrement critiquée, sera confirmée. PAR CES MOTIFS Confirmons l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes du 13 août 2022 ordonnant la prolongation de la rétention administrative pour un délai maximum de 28 jours à compter du 14 août 2022 à l'égard de M. [Z] [C], Déboutons M. [Z] [C] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, Disons n'y avoir lieu à statuer sur les dépens. Fait à Rennes, le 18 Août 2022 à 12H00 LE GREFFIER, PAR DÉLÉGATION, LA PRESIDENTE DE CHAMBRE Notification de la présente ordonnance a été faite ce jour à [Z] [C], à son avocat et au préfet Le Greffier, Cette ordonnance est susceptible d'un pourvoi en cassation dans les deux mois suivant la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile. Communication de la présente ordonnance a été faite ce même jour au procureur général. Le Greffier
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COUR D'APPEL DE RENNES No RG 22/00483 - No Portalis DBVL-V-B7G-TCE5 JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT O R D O N N A N C E articles L 741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile Nous, Brigitte DELAPIERREGROSSE, Présidente de Chambre à la cour d'appel de RENNES, déléguée par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur les articles L.741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assisté de Eric LOISELEUR, greffier, lors de l'audience de plaidoirie et Sandrine KERVAREC, greffière, lors de la mise à disposition Statuant sur l'appel formé le 25 Août 202 à 16H51 par Me Nathalie DUPAS, avocat au barreau de RENNES pour : M. [D] [G] né le [Date naissance 1] 1999 à [Localité 2] (MOLDAVIE) de nationalité Moldave ayant pour avocat Me Nathalie DUPAS, avocat au barreau de RENNES d'une ordonnance rendue le 24 Août 2022 à 18H22 par le juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de RENNES qui a rejeté les exceptions de nullité soulevées, le recours formé à l'encontre de l'arrêté de placement en rétention administrative, et ordonné la prolongation du maintien de M. [D] [G] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée maximale de vingt-huit jours à compter du 24 août 2022 à 17H30; En l'absence de représentant du préfet de du Calvados, dûment convoqué, mémoire du 26/08/2022 En l'absence du procureur général régulièrement avisé, (avis du 26/08/2022) En présence de [D] [G], assisté de Me Nathalie DUPAS, avocat, Après avoir entendu en audience publique le 26 Août 2022 à 11H00 l'appelant assisté de M. [Z] [X], interprète en langue moldave, interprète inscrit sur la liste des experts de la Cour d'Appel et son avocat en leurs observations, Avons mis l'affaire en délibéré et le 26 Août 2022 à 16H00, avons statué comme suit : M. [D] [G] a été interpellé le 22 août 2022 par le service de gendarmerie de [Localité 3] pour conduite sous l'empire d'un état alcoolique suite à un accident et placé en garde à vue. De nationalité moldave et entré irrégulièrement en France, M. [G] a fait l'objet le 22 août 2022 d'un arrêté du préfet du Calvados portant obligation de quitter le territoire français et interdiction de retour sur le territoire français d'un durée d'un an. Cet arrêté lui a été notifiée le jour même. Par arrêté du même jour notifié à l'intéressé à 17h30, le préfet du Calvados l'a placé en rétention administrative pour une durée de 48 heures, décision qu'il a contestée devant le juge des libertés et de la détention de Rennes. Par requête du 24 août 2022 reçue à 9h09, le préfet du Calvados a sollicité du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes la prolongation de la rétention de M. [G] pour une durée du 28 jours à compter de l'expiration du délai initial de 48 heures. Par ordonnance du 24 août 2022, notifiée à M. [G] à 18h40, le juge des libertés a : - rejeté les exceptions de nullité soulevées, - rejeté le recours formé contre l'arrêté de placement en rétention administrative - ordonné la prolongation du maintien de M. [G] dans les locaux non pénitentiaires pour un délai maximum de 28 jours à compter du 24 août 2022 à 17h30. M.[G] a interjeté appel de cette décision par déclaration du 25 août 2022 à 16h51. Il demande le rejet de la requête du préfet et sa remise en liberté ainsi que la condamnation [G] du préfet du Calvados à verser à Maître [O], qui renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle une indemnité de 1000€ conformément à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il se prévaut de l'irrégularité de la procédure de garde à vue, dès lors que, contrairement aux dispositions de l'article 63 du code de procédure pénale qui exigent que l'officier de police judiciaire qui place une personne en garde à vue en informe immédiatement le procureur de la République, cette information ne lui a été fournie qu'à 2h15 alors que M. [G] avait été placé en garde à vue à 1h20, soit près d'une heure après le début de la mesure de contrainte, ce qui est excessif et lui fait grief. Il soutient également que les dispositions de l'article 63-1du même code qui imposent une notification immédiate de ses droits à la personne gardée à vue, n'ont pas été respectées. Sans méconnaître que l'état d'imprégnation alcoolique justifie un report de la notification de ces droits afin que la personne en garde à vue soit en état de les comprendre et de les exercer, il relève qu'il a été placé en garde à vue à 1h20 après un dépistage positif de son imprégnation alcoolique qu'il a vu un médecin à 3h45, qu'a été constaté à 10 h un taux d'alcoolémie de 0,39 mg/l d'air expiré, que cependant ses droits ne lui ont été notifiés qu'à 14 heures. Il en déduit que cette durée de près de 13 heures après son placement en garde à vue est manifestement excessive et injustifiée et que cette situation a porté atteinte à ses droits, ce qui justifie l'annulation de la procédure. Le préfet du Calvados s'en remet sur les moyens soulevés devant la cour à l'argumentation de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention. Le procureur général demande la confirmation de l'ordonnance. L'appel, formé dans les formes et les délais légaux, est recevable. -Sur la tardiveté de l'avis au procureur de la République : En application de l'article 63 du code de procédure pénale, dès le début de la mesure de garde à vue, l'officier de police judiciaire informe le procureur de la République, par tout moyen du placement de la personne en garde à vue, lui donne connaissance des motifs justifiant ce placement et l'avise de la qualification des faits qu'il a notifiée à la personne. Il est établi par les pièces de la procédure que M. [G] interpellé le 22 août 2022 à 1h15 suite à un accident de la circulation à l'occasion duquel le contrôle d'alcoolémie s'est révélé positif a été conduit devant l'officier de police judiciaire à 1h20, que celui-ci lui a notifié son placement en garde à vue à 1h30 , mesure prenant effet à 1h15. Le procureur de la République a été informé de cette mesure à 2h15, accompagnée de l'indication de l'identité de la personne concernée, des motifs justifiant cette mesure et de la qualification des faits, soit dans un délai de 55 minutes. Or, en l'espèce, si l'état d'imprégnation alcoolique de l'appelant justifiait que la notification de ses droits soit différée afin de s'assurer qu'il en comprenne la portée et puisse les exercer, aucune circonstance insurmontable n'est avérée en ce qui concerne l'information du procureur de la République justifiant un délai de cette importance après le placement en garde à vue de M. [G]. Il n'est fait état en effet d'aucun événement particulier en lien avec le comportement de l'intéressé, d'aucune circonstance grave affectant l'organisation ou l'activité du service de gendarmerie, contemporaine du placement en garde à vue de M. [G], de nature à empêcher la délivrance de l'avis exigé par l'article 63, immédiatement après la notification de la garde à vue à 1h30. Le retard dans l'information du ministère public du placement en garde à vue de l'intéressé, mesure privative de liberté, a dans ces conditions nécessairement porté atteinte aux intérêts de M. [G], de sorte que la procédure est irrégulière. La décision sera réformée sur ce point. Il s'en déduit que la demande du préfet du calvados de voir maintenir en rétention administrative M. [G] pour une durée de 28 jours ne peut être accueillie et que M. [G] doit être remis en liberté sans qu'il y ait lieu d'examiner l'autre moyen présenté. Pour des raisons d'équité, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 au préfet du Calvados. Par ces motifs : Déclarons l'appel recevable, Réformons l'ordonnance du juge des libertés et de la détention, Rejetons la demande de prolongation du placement en rétention de M. [G] dans les locaux non pénitentiaires pour un délai de 28 jours à compter du 24 août 2022 à 17h30, Ordonnons la remise en liberté de M. [G], Rejetons sa demande au titre des frais irrépétibles. Fait à Rennes, le 26 Août 2022 à 16H00 LE GREFFIER, PAR DÉLÉGATION, LA PRESIDENTE DE CHAMBRE, Notification de la présente ordonnance a été faite ce jour à [D] [G], à son avocat et au préfet Le Greffier, Cette ordonnance est susceptible d'un pourvoi en cassation dans les deux mois suivant la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile. Communication de la présente ordonnance a été faite ce même jour au procureur général. Le Greffier
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JUDICIAIRE 3ème chambre 3ème section No RG 19/07139 - No Portalis 352J-W-B7D-CQC7L No MINUTE : Assignation du : 28 mai 2019, 16 et 28 avril 2021 rendu le 17 mai 2023 DEMANDEURS Monsieur [E] [GU] [Adresse 10] [Localité 19] S.A.R.L. PRODUCTIONS ALLELUIA - [E] [GU] [Adresse 10] [Localité 19] S.A.R.L. TEME-EDITIONS PHONOGRAPHIQUES [Adresse 10] [Localité 19] Madame [S] [Y] épouse [TB] intervenante volontaire [Adresse 21] [Localité 20] Madame [LL] [OA] épouse [X] intervenante volontaire [Adresse 13] [Localité 4] Monsieur [Z] [A] intervenant volontaire [Adresse 1] [Localité 9] Madame [H] [A] épouse [V] intervenante volontaire [Adresse 2] [Localité 9] Monsieur [WL] [A] intervenant volontaire [Adresse 24] [Localité 12] Monsieur [ZA] [UI] intervenant volontaire [Adresse 11] [Localité 16] représentés par Maître Corinne POURRINET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E0096 DÉFENDEURS S.A.R.L. KCRAFT & CO [Adresse 5] [Localité 18] représentée par Maître Sébastien HAAS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C2251 S.A. FRANCE TELEVISIONS [Adresse 14] [Localité 18] représentée par Maître Juan ZEDJAOUI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #G0631 Madame [H] [C] [Adresse 6] [Localité 15] défaillant Monsieur [G] [W] [Adresse 8] [Localité 17] défaillant Monsieur [WL] [TS] [Adresse 3] [Localité 15] défaillant COMPOSITION DU TRIBUNAL Jean-Christophe GAYET, premier vice-président adjoint Linda BOUDOUR, juge Arhtur COURILLON-HAVY, juge assistés de Lorine MILLE, greffière, A l'audience du 18 janvier 2023 tenue en audience publique devant Jean-Christophe GAYET et Linda BOUDOUR, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seuls l'audience, et, après avoir donné lecture du rapport, puis entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux avocats que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 19 avril 2023, puis prorogé au 17 mai 2023. Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Réputé contradictoire En premier ressort ___________________________ EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE 1. M. [E] [GU] est l'exécuteur testamentaire des droits d'auteur et droits voisins de [ZA] [KE] dit [N]. 2. La société à responsabilité limitée (SARL) Productions Alléluia-[E] [GU], immatriculée au registre du commerce et des sociétés (RCS) de Paris le 20 décembre 1965 exerce une activité d'enregistrement sonore et d'édition musicale. 3. La SARL Teme-Éditions Phonographiques, immatriculée au RCS de Paris le 25 juin 1986 a pour activité l'acquisition et l'exploitation d'oeuvres musicales et artistiques. 4. La SARL Kcraft & Co produit et distribue des films et documentaires. 5. La société par actions (SA) France Télévisions est éditrice et productrice de chaînes télévisées généralistes. 6. Courant 2017, la SARL Kcraft & Co a souhaité produire un documentaire consacré à [ZA] [N] et exploitant les oeuvres dont M. [E] [GU] se prétend titulaire, alors que celui-ci s'était opposé à leur usage. Le documentaire, réalisé par M. [WL] [TS] et incluant une composition musicale de M. [AZ] [K], a été diffusé le 26 octobre 2018 sur la chaîne France 3, éditée par la SA France Télévisions. 7. Les 9 et 16 novembre 2018, M. [E] [GU], la société Productions Alléluia-[E] [GU] et la société Teme-Éditions Phonographiques ont mis en demeure les sociétés Kcraft & Co et France Télévisions de cesser la diffusion et l'exploitation du documentaire. 8. La SARL Kcraft & Co s'est opposée à la mise en demeure en contestant la titularité des droits des requérants. 9. Par actes d'huissier du 28 mai 2019, M. [E] [GU], la SARL Productions Alléluia-[E] [GU] et la société Teme-Éditions Phonographiques ont fait assigner les sociétés Kcraft & Co et France Télévisions et M. [TS] devant ce tribunal en contrefaçon de droits d'auteur. 10. Par assignations du 16 mars et du 28 avril 2021 enregistrées sous le numéro RG 21/6288, M. [E] [GU], la SARL Productions Alléluia-[E] [GU] et la société Teme-Éditions Phonographiques ont fait assigner Mme [H] [C] et M. [G] [W], en leurs qualités d'ayants droit des coauteurs des oeuvres litigieuses. Cette procédure a été jointe à la présente affaire par décision du juge de la mise en état du 27 mai 2021. 11. Par conclusions du 26 mai 2021, Mme [S] [Y], Mme [LL] [OA], M. [Z] [A], Mme [H] [A], M. [WL] [A] et M. [ZA] [UI], en leurs qualités d'ayants droit des coauteurs des oeuvres litigieuses, sont intervenus volontairement à la procédure, au soutien des prétentions des requérants. 12. M. [WL] [TS], assigné en personne par acte d'huissier du 28 mai 2019 n'a pas constitué avocat. 13. M. [G] [W], assigné en personne par acte d'huissier du 28 avril 2021 n'a pas constitué avocat. 14. Mme [H] [C], assignée par remise d'une copie de l'acte à l'étude de l'huissier le 16 mars 2021, après la vérification de son domicile et de l'absence de l'intéressée, n'a pas constitué avocat. 15. L'instruction a été close par ordonnance du 29 septembre 2022 et l'affaire fixée à l'audience du 18 janvier 2023 pour être plaidée. PRÉTENTIONS DES PARTIES 16. Dans leurs dernières conclusions au fond, notifiées par voie électronique le 29 juin 2022, M. [E] [GU] et les sociétés Productions Alléluia-[E] [GU] et Teme-Éditions Phonographiques ont demandé au tribunal, au visa des articles L.113-2, L.113-4, L.121-1, L.122-1, L.122-4, L.123-1, L.131-3, L.132-24, L.212-1, L.212-2, L.215-1, L.335-3 et L.335-4 du code de la propriété intellectuelle et de l'article 9 du code civil et au bénéfice de l'exécution provisoire, de : - les déclarer recevables en leurs demandes, nonobstant l'absence de mise en cause de [AZ] [K] dans la présente instance - les déclarer recevables en leurs demandes sur le fondement des dispositions de l'article L.113-3 du code de la propriété intellectuelle - déclarer la société Productions Alléluia-[E] [GU] recevable en ses demandes, celle-ci justifiant de sa qualité d'éditeur et de ses droits, y compris d'adaptation audiovisuelle, sur les oeuvres musicales objet du présent litige intitulées : "Ma France", "Ma môme", "Deux enfants au soleil", "Nuit & brouillard", "Les yeux d'Elsa", "C'est beau la vie", "La fête aux copains", "Au bout de mon âge", "Nous dormirons ensemble", "Que serais-je sans toi ?", "Excusez-moi", "On ne voit pas le temps passer", "Hourrah", "400 enfants noirs", "Potemkine", "Tu es venu", "C'est si peu dire que je t'aime", "La Montagne", "A Santiago", "La délaissée", "Les demoiselles de magasin", "Ce qu'on est bien mon amour", "La matinée", "Un jour un jour", "J'entends, j'entends", "Le bilan", "Epilogue" - déclarer la société Productions Alléluia-[E] [GU] recevable en ses demandes, nonobstant son adhésion à la SACEM - déclarer la société Teme-Éditions Phonographiques recevable en ses demandes, celle-ci justifiant de sa qualité de producteur des vidéogrammes "[N] 85", "Star 90", et "[N] 95", - déclarer M. [E] [GU] recevable à agir au titre de l'exercice du droit moral d'auteur et d'artiste interprète de [ZA] [N] - déclarer que la société Kcraft & Co a porté atteinte aux droits exclusif de la société Productions Alléluia-[E] [GU], en procédant sans autorisation à l'adaptation audiovisuelle et à l'incorporation des 27 oeuvres musicales de [ZA] [N] ci-après listées, dont elle est l'éditeur, dans l'oeuvre documentaire intitulée "[ZA] [N], porteur d'espoir" : "Ma France", "Ma môme", "Deux enfants au soleil", "Nuit & brouillard", "Les yeux d'Elsa", "C'est beau la vie", "La fête aux copains", "Au bout de mon âge", "Nous dormirons ensemble", "Que serais-je sans toi ?", "Excusez-moi", "On ne voit pas le temps passer", "Hourrah", "400 enfants noirs", "Potemkine", "Tu es venu", "C'est si peu dire que je t'aime", "La Montagne", "A Santiago", "La délaissée", "Les demoiselles de magasin", "Ce qu'on est bien mon amour", "La matinée", "Un jour un jour", "J'entends, j'entends", "Le bilan", "Epilogue" - condamner en conséquence la société Kcraft & Co à verser à la société Productions Alléluia-[E] [GU] 150 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice - faire interdiction à la société Kcraft &Co de diffuser ou d'autoriser toute diffusion du documentaire litigieux tant qu'il intègrera les adaptations audiovisuelles illicites desdites oeuvres, sous astreinte du paiement de 1000 € par diffusion constatée ou par jour de mise à disposition en replay ou en vidéo à la demande du documentaire litigieux - déclarer que la société Kcraft & Co a porté atteinte aux droits exclusif de la société Teme-Éditions Phonographiques, en reproduisant sans autorisation des extraits des enregistrements ci-après listés, dont elle est le producteur, dans l'oeuvre documentaire intitulée "[ZA] [N], porteur d'espoir" : > sept extraits du vidéogramme reproduisant l'émission "[N] 85" représentant [ZA] [N] en interview ou des vues d'Antraigues > un extrait de l'émission "Star 90" (1:45:34 à 1:45:54) > un extrait de la captation audiovisuelle de [ZA] [N] interprétant l'oeuvre musicale "Epilogue" tiré de l'émission "[N] 95" (1:50:05 à 1:51:05) - condamner en conséquence la société Kcraft & Co à verser à la société Teme-Éditions Phonographiques 112 500 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice - faire interdiction à la société Kcraft & Co de diffuser ou d'autoriser toute diffusion du documentaire litigieux tant qu'il intègrera lesdits enregistrements, sous astreinte du paiement de 1000 € par diffusion constatée ou par jour de mise à disposition en replay ou en vidéo à la demande du documentaire litigieux - dire que les adaptations audiovisuelles de reproductions partielles des oeuvres de [ZA] [N] et leur incorporation dans le documentaire litigieux portent atteinte au droit moral de [ZA] [N], - condamner en conséquence la société Kcraft & Co à verser à M. [E] [GU] 15 000 € en réparation du préjudice moral que ces atteintes lui ont causé es qualités de titulaire du droit moral sur les oeuvres de [ZA] [N] - dire que la reproduction de nombreux extraits d'enregistrements sonores des interprétations chantées de [ZA] [N] associés à des images pour les illustrer, ainsi que de nombreux extraits de captations audiovisuelles de ses interprétations, portent atteinte au droit moral de [ZA] [N] en tant qu'artiste - condamner la société Kcraft & Co à verser à M. [E] [GU] 15000 € en réparation du préjudice moral que ces atteintes lui ont causé es qualités de titulaire du droit moral sur les prestations d'artiste de [ZA] [N] - dire que la société Kcraft & Co a porté atteinte au droit à l'image de M. [E] [GU] en reproduisant sans autorisation trois photographies et un extrait d'une captation audiovisuelle le représentant - condamner la société Kcraft & Co à verser à M. [E] [GU] 5000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice - ordonner à la société Kcraft & Co de supprimer les photographies représentant M. [E] [GU] dans le documentaire litigieux au plus tard dans le mois suivant le jugement à intervenir, ce sous astreinte du paiement de 1000 € par diffusion constatée ou par jour de mise à disposition en replay ou en vidéo à la demande du documentaire non modifié - déclarer le jugement à intervenir commun à M. [WL] [TS] et à la société France Télévisions conformément aux dispositions de l'article 331 du code de procédure civile - condamner la société la société Kcraft & Co à verser à chacun des requérants 5000 € HT, soit une somme totale de 15 000 € HT, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile - condamner la société Kcraft & Co aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Corinne Pourrinet en application de l'article 699 du code de procédure civile. 17. Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 27 juin 2022, la SARL Kcraft & Co a conclu, au visa de l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, des articles L.113-3, L.113-7, L.121-1, L.121-3, L.122-4, L.122-5, L.131-3, L.132-23, L.132-24, L.211-3, L.212-2, L.213-1, L.331-1-3 du code de la propriété intellectuelle, des articles 699 et 700 du code de procédure civile, des articles 9, 102, 1240 du code civil à : - avant toute défense au fond, sur les fins de non-recevoir : > prononcer les demandes de M. [E] [GU] et des sociétés les Productions Alléluia-[E] [GU] et Teme-Editions Phonographiques irrecevables pour défaut de droit d'agir faute d'avoir mis en cause le coauteur du documentaire "[ZA] [N]", M. [AZ] [K] compositeur de la musique originale > prononcer les demandes de M. [E] [GU] au titre de la violation du droit moral de [ZA] [N] sur les oeuvres "Les Yeux d'Elsa", irrecevables pour défaut de droit d'agir faute d'avoir mis en cause les ayants droit de M. [I] [OA] en leur qualité d'ayant droit de [MC] [EW] > prononcer les demandes de la société Productions Alléluia-[E] [GU] au titre de la violation des droits d'adaptation des oeuvres musicales "Ma France", "Ma môme", "Deux enfants au soleil", "Nuit & brouillard", "C'est beau la vie", "La fête aux copains", "Au bout de mon âge", "Nous dormirons ensemble", "Que serais-je sans toi ?", "Excusez-moi", "On ne voit pas le temps passer", "Hourrah", "400 enfants noirs", "Potemkine", "La Délaissée", "Tu es venu", "C'est si peu dire que je t'aime", "La Montagne", "A Santiago", "Les demoiselles de magasin", "Ce qu'on est bien mon amour", "La matinée", "Un jour un jour", "J'entends, j'entends", et "Le bilan" irrecevables pour défaut de droit d'agir à défaut de démontrer sa qualité de titulaire des droits d'adaptation sur lesdites oeuvres > prononcer les demandes de la société Productions Alléluia-[E] [GU] au titre de la violation des droits de reproduction et de représentation des oeuvres musicales "Ma France", "Ma môme", "Deux enfants au soleil", "Nuit & brouillard", "Les yeux d'Elsa", "C'est beau la vie", "La fête aux copains", "Au bout de mon âge", "Nous dormirons ensemble", "Que serais-je sans toi ?", "Excusez-moi", "On ne voit pas le temps passer", "Hourrah", "400 enfants noirs", "Potemkine", "La Délaissée", "Tu es venu", "C'est si peu dire que je t'aime", "La Montagne", "A Santiago", "Les demoiselles de magasin", "Ce qu'on est bien mon amour", "La matinée", "Un jour un jour", "J'entends, j'entends", "Le bilan" et "Epilogue" irrecevables pour défaut de droit d'agir du fait de son adhésion à la SACEM et donc de l'apport à cette dernière des droits de reproduction et de représentation sur lesdites oeuvres > prononcer les demandes de la société Teme-Editions Phonographiques au titre des enregistrements "Star 90" et "[N] 95" irrecevables pour défaut de droit d'agir à défaut de démontrer sa qualité de producteur desdits enregistrements > prononcer les demandes de M. [E] [GU] au titre du droit moral d'auteur et d'artiste-interprète de [ZA] [N] irrecevables pour défaut du droit d'agir à défaut de démontrer une prorogation de sa mission d'exécuteur testamentaire - au fond, sur les demandes de la société Productions Alléluia-[E] [GU], débouter la société Productions Alléluia-[E] [GU] de l'intégralité de ses demandes tendant à voir la société Kcraft & Co condamnée au titre de l'incorporation des oeuvres musicales "Ma France", "Ma môme", "Deux enfants au soleil", "Nuit & brouillard", "Les yeux d'Elsa", "C'est beau la vie", "La fête aux copains", "Au bout de mon âge", "Nous dormirons ensemble", "Que serais-je sans toi ?", "Excusez-moi", "On ne voit pas le temps passer", "Hourrah", "400 enfants noirs", "Potemkine", "La Délaissée", "Tu es venu", "C'est si peu dire que je t'aime", "La Montagne", "A Santiago", "Les demoiselles de magasin", "Ce qu'on est bien mon amour", "La matinée", "Un jour un jour", "J'entends, j'entends", "Le bilan" et "Epilogue" dans le documentaire "[ZA] [N]", cette incorporation ne constituant pas une adaptation audiovisuelle desdites oeuvres, mais une reproduction couverte par l'apport réalisé à la SACEM par les ayants droit et le contrat général de représentation conclu entre la société France Télévisions et la SACEM/SDRM - à titre subsidiaire, débouter la société Productions Alléluia-[E] [GU] de ses demandes tendant à voir la société Kcraft & Co condamnée au titre de l'incorporation des oeuvres musicales "Ma France", "Ma môme", "Deux enfants au soleil", "Nuit & brouillard", "Les yeux d'Elsa", "C'est beau la vie", "La fête aux copains", "Au bout de mon âge", "Nous dormirons ensemble", "Que serais-je sans toi ?", "Excusez-moi", "On ne voit pas le temps passer", "Hourrah", "400 enfants noirs", "Potemkine", "La Délaissée", "Tu es venu", "C'est si peu dire que je t'aime", "La Montagne", "A Santiago", "Les demoiselles de magasin", "Ce qu'on est bien mon amour", "La matinée", "Un jour un jour", "J'entends, j'entends", "Le bilan" et "Epilogue" dans le documentaire "[ZA] [N]", cette incorporation étant couverte par le droit de citation prévu à l'article L.122-5 du code de la propriété intellectuelle - à titre infiniment subsidiaire, ramener le préjudice de la société Productions Alléluia-[E] [GU] au titre de la prétendue violation de son droit exclusif d'autoriser l'adaptation audiovisuelle à de plus justes proportions - au fond, sur les demandes de la société Teme-Editions Phonographiques : > prendre acte du désistement de la société Teme-Editions Phonographiques au titre de ses demandes relatives à l'incorporation des enregistrements "Que ferais-je sans toi ?", "[N] 80" et "Banquet républicain" > débouter la société Teme-Editions Phonographiques de l'intégralité de ses demandes tendant à voir la société Kcraft & Co condamnée au titre de l'incorporation des extraits de l'enregistrement de "[N] 85" et, à titre subsidiaire dans l'hypothèse dans laquelle la société Teme-Editions Phonographiques serait déclarée recevable, de l'incorporation des extraits des enregistrements de "[N] 80", "Star 90" et "[N] 95", ces incorporations constituant des courtes citations échappant au monopole de la société Teme-Editions Phonographiques dans le respect de l'article L.211-3 du code de la propriété intellectuelle - à titre subsidiaire, ramener le préjudice de la société Teme-Editions Phonographiques au titre de la prétendue violation de ses droits voisins à de plus justes proportions - au fond, sur les demandes de M. [E] [GU] > débouter M. [E] [GU] de l'intégralité de ses demandes tendant à voir la société Kcraft condamnée au titre du droit moral d'auteur comme d'artiste de [ZA] [N] du fait de l'absence de démonstration d'une quelconque violation du droit moral et du fait de l'abus de droit constitué par ses demandes > débouter M. [GU] de ses demandes tendant à voir la société Kcraft & Co condamnée au titre d'une prétendue violation de son droit à l'image - à titre infiniment subsidiaire, débouter M. [GU] et les sociétés Productions Alléluia-[E] [GU] et Teme-Editions Phonographiques de l'intégralité de leurs demandes en raison du juste équilibre à trouver entre les droits de M. [GU] et des sociétés Productions Alléluia-[E] [GU] et Teme-Editions Phonographiques d'une part, et les droits fondamentaux de liberté d'expression des coauteurs du documentaire et de droit à l'information du public - à titre reconventionnel, condamner solidairement M. [GU] et les sociétés Productions Alléluia-[E] [GU] et Teme-Editions Phonographiques à verser à la société Kcraft & Co 150 000 euros en réparation de son préjudice du fait de leurs agissements fautifs. - en toutes hypothèses : > débouter M. [GU] et les sociétés Productions Alléluia-[E] [GU] et Teme-Editions Phonographiques de l'intégralité de leurs demandes > débouter M. [GU] et les sociétés Productions Alléluia-[E] [GU] et Teme-Editions Phonographiques de leurs demandes relatives à l'interdiction de diffusion sous astreinte et à l'article 700 du code de procédure civile > condamner solidairement M. [GU] et les sociétés Productions Alléluia-[E] [GU] et Teme-Editions Phonographiques à verser à la société Kcraft & Co 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens. 18. Selon ses écritures signifiées par voie électronique le 17 mai 2022, la SA France Télévisions demande au tribunal, au visa des article 1032, 1842, 1843 du code civil, des articles L.113-3, L.131-3 et L.215-1 du code de la propriété intellectuelle, des articles 31 et 122 du code de procédure civile, de : - déclarer la société Productions Alléluia-[E] [GU] irrecevable dans ses demandes en contrefaçon des droits d'auteur attachés aux chansons suivantes de [ZA] [N] : "Ma France", "Ma môme", "Deux enfants au soleil", "Nuit & brouillard", "Les yeux d'Elsa", "C'est beau la vie", "La fête aux copains", "Au bout de mon âge", "Nous dormirons ensemble", "Que serais-je sans toi ?", "Excusez-moi", "On ne voit pas le temps passer", "Hourrah", "400 enfants noirs", "Potemkine", "La Délaissée", "Tu es venu", "C'est si peu dire que je t'aime", "La Montagne", "A Santiago", "Les demoiselles de magasin", "Ce qu'on est bien mon amour", "La matinée", "Un jour un jour", "J'entends, j'entends", "Le bilan" et "Epilogue" - déclarer la société Teme-Editions Phonographiques irrecevable dans ses demandes en contrefaçon des droits d'auteur et des droits voisins attachés aux supports et oeuvres suivants : le phonogramme intitulé "Que serais-je sans toi ?" produit en 1980, le vidéogramme intitulé "[N] 80", le vidéogramme intitulé "[N] 85", le vidéogramme intégré dans l'émission télévisée "[N] 95", l'émission télévisée "Star 90", le film d'un banquet républicain tenu en 1997 - déclarer M. [E] [GU] irrecevable dans ses demandes en contrefaçon des droits moraux d'auteur et des droits voisins attachés aux interprétations de [ZA] [N] reproduites dans le documentaire "[ZA] [N], porteur d'espoir" produit par la société Kcraft & Co, et aux chansons suivantes : "Ma môme", "Deux enfants au soleil", "Les yeux d'Elsa", "C'est beau la vie", "La fête aux copains", "Au bout de mon âge", "Nous dormirons ensemble", "Que serais-je sans toi ?", "Excusez-moi", "On ne voit pas le temps passer", "Hourrah", "400 enfants noirs", "Potemkine", "C'est si peu dire que je t'aime", "La Délaissée", "Ce qu'on est bien mon amour", "La matinée", "Un jour un jour", "J'entends, j'entends" et "Epilogue" - déclarer que la société France Télévisions s'associe aux demandes formées par la société Kcraft & Co à l'encontre de M. [E] [GU], la société Productions Alléluia-[E] [GU] et la société Teme-Editions Phonographiques - débouter M. [E] [GU], la société Productions Alléluia-[E] [GU] et la société Teme-Editions Phonographiques de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions - condamner solidairement M. [E] [GU], la société Productions Alléluia-[E] [GU] et la société Teme-Editions Phonographiques - et à titre subsidiaire, la société Kcraft & Co - à payer à la société France Télévisions 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de la présente instance, qui pourront être recouvrés par Maître Juan-Carlos Zedjaoui. MOTIFS DU JUGEMENT I - Sur la recevabilité des demandes de M. [GU] Moyens des parties 19. La SA France Télévisions soutient que l'action de M. [GU] est irrecevable, sa qualité d'exécuteur testamentaire ayant expiré faute de prorogation et celle fondée sur la seule divulgation des oeuvres posthumes étant inapplicable, faute de divulgation de toute oeuvre dans le documentaire litigieux. Elle ajoute que M. [GU] n'ayant pas été investi des droits moraux d'artiste-interprète de [ZA] [N], il ne saurait s'appuyer valablement sur le mandat de négociation que lui ont confié les héritiers. Elle excipe, également, de l'irrecevabilité de ses demandes au titre d'une atteinte au droit moral faute d'identifier les extraits d'enregistrements sonores et de captations audiovisuelles les fondant. 20. La SARL Kcraft & Co conclut dans les mêmes termes et précise que le testament olographe du 21 août 2007 de [ZA] [N] a investi sa veuve, Mme [R] [GD], de l'exercice des droits patrimoniaux et moraux des droits d'auteur et droits voisins de [ZA] [N], du fait de l'expiration de la mission d'exécuteur testamentaire de M. [GU]. 21. M. [E] [GU] et les SARL Productions Alleluia-[E] [GU] et Teme-Éditions Phonographiques opposent que l'action du premier n'est pas fondée sur sa qualité d'exécuteur testamentaire de droit commun, mais en tant qu'exécuteur artistique et titulaire de l'exercice du droit moral de [ZA] [N] ainsi qu'en tant que mandataire exclusif de ses héritiers. Ils précisent que tant le testament authentique du 27 janvier 2003 que le testament olographe du 21 août 2007 le désignent pour l'ensemble des droits d'auteur et droits voisins et pour l'ensemble des oeuvres de [ZA] [N], de même que le mandat que lui ont confié les héritières. Réponse du tribunal I.1 - S'agissant de la qualité à agir de M. [GU] 22. L'article 31 du code de procédure civile prévoit que "l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé". 23. L'article 122 du même code dispose que "constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée". 24. En application de l'article L.121-1 du code de la propriété intellectuelle, le droit au respect du nom, de la qualité et de l'oeuvre d'un auteur est transmissible à cause de mort à ses héritiers et son exercice peut être conféré à un tiers en vertu de dispositions testamentaires. 25. Selon l'article L.121-2 du même code, "l'auteur a seul le droit de divulguer son oeuvre. Sous réserve des dispositions de l'article L.132-24, il détermine le procédé de divulgation et fixe les conditions de celle-ci. Après sa mort, le droit de divulgation de ses oeuvres posthumes est exercé leur vie durant par le ou les exécuteurs testamentaires désignés par l'auteur. A leur défaut, ou après leur décès, et sauf volonté contraire de l'auteur, ce droit est exercé dans l'ordre suivant : par les descendants, par le conjoint contre lequel n'existe pas un jugement passé en force de chose jugée de séparation de corps ou qui n'a pas contracté un nouveau mariage, par les héritiers autres que les descendants qui recueillent tout ou partie de la succession et par les légataires universels ou donataires de l'universalité des biens à venir. Ce droit peut s'exercer même après l'expiration du droit exclusif d'exploitation déterminé à l'article L.123-1". 26. L'article 1014 du code civil prévoit que "tout legs pur et simple donnera au légataire, du jour du décès du testateur, un droit à la chose léguée, droit transmissible à ses héritiers ou ayants cause". 27. Aux termes de l'article 1032 du code civil, "la mission de l'exécuteur testamentaire prend fin au plus tard deux ans après l'ouverture du testament sauf prorogation par le juge". 28. À l'exclusion du droit de divulgation, le droit moral de l'auteur est régi par les règles ordinaires de la dévolution successorale et celles de la validité des testaments (en ce sens Cour de cassation, 1ère chambre civile, 11 janvier 1989, no87-11.976 ; même chambre, 28 mai 2015, no14-14.506). 29. Au cas présent, il résulte d'une attestation notariée (pièce des demandeurs no2) que par testament authentique du 27 janvier 2003, [ZA] [N] a institué M. [GU] en tant qu'exécuteur testamentaire en ces termes : "je désigne pour exécuteur testamentaire (exécuteur artistique) Monsieur [E] [GU] pour tous les aspects liés à mon Droit d'auteur et tous droits voisins en particulier le droit de divulgation. J'investis également Monsieur [E] [GU] de l'exercice des attributs de mon droit moral d'auteur sur l'ensemble de mes oeuvres. Je lui confère mission de faire assurer partout et en toutes circonstances le respect de mon nom, de ma qualité et de mes oeuvres et de divulguer, au moment où il le jugera opportun et selon les modes qu'il avisera, les oeuvres que je laisserais achévées à mon décès (...)". La même attestation mentionne qu'aux "termes du testament sus relaté, ainsi que d'un testament olographe en date du 21 août 2007, il a été précisé que toutes les prérogatives conférées par les présentes à Monsieur [E] [GU] seront exercées, à défaut de celui-ci ou à son décès, par "mon épouse [R], à défaut de celui-ci ou à son décès par [JN] [P], à défaut successivement mes nièces ([J] [KE], [BL] [T], [NJ] [F]) par ordre d'âge (la plus âgée d'abord)". 30. Ainsi, [ZA] [N] a institué M. [E] [GU] en qualité d'exécuteur testamentaire de son droit moral d'auteur, y compris celui portant sur son droit d'artiste-interprète, dès lors que le testament vise "tous les aspects" du droit d'auteur et "tous droits voisins". 31. Toutefois, les termes de ce testament instituent, par la mention "J'investis également Monsieur [E] [GU] de l'exercice des attributs de mon droit moral d'auteur sur l'ensemble de mes oeuvres", M. [GU], comme légataire du droit moral de [ZA] [N]. 32. Dès lors, M. [E] [GU] est recevable en ses demandes, peu important qu'il les ait improprement fondées sur sa qualité d'exécuteur testamentaire du droit moral d'artiste et artiste-interprète de [ZA] [N], non sur sa qualité de légataire de ce droit. I.2 - S'agissant du caractère indistinct des demandes de M. [GU] 33. Il résulte de l'article 768 du code de procédure civile que les conclusions doivent formuler expressément les prétentions des parties ainsi que les moyens en fait et en droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée. Le tribunal ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion. 34. La SA France Télévisions expose dans la partie discussion de ses conclusions (page 16) que "le demandeur invoque une atteinte au droit moral résultant de "nombreux extraits" d'enregistrements sonores et de captations audiovisuelles sans pour autant prendre le soin d'identifier les extraits en cause, ce qui prive le Tribunal de la possibilité de se prononcer sur ses demandes" et demande dans le dispositif de "déclarer M. [E] [GU] irrecevable dans ses demandes en contrefaçon des droits moraux d'auteur et des droits voisins attachés aux interprétations de [ZA] [N]". 35. Toutefois, d'une part, la société France Télévisions ne vise aucune disposition au soutien de son allégation, d'autre part, il résulte des conclusions de M. [GU] qu'il vise à plusieurs reprises les extraits du documentaire litigieux qu'il argue de contrefaçon par atteinte au droit moraux d'auteur et d'artiste-interprète de [ZA] [N], notamment page 31 quarante-sept extraits des chansons litigieuses avec le minutage correspondant dans le documentaire litigieux, page 32 dix-neuf extraits minutés associés à des images et page 34 vingt-sept extraits minutés. 36. Par conséquent, la demande des sociétés France Télévisions et Kcraft & Co tendant à voir M. [GU] déclaré irrecevable à agir au titre du droit moral d'auteur et d'artiste-interprète de [ZA] [N] sera rejetée. II - Sur le défaut de mise en cause des coauteurs Moyens des parties 37. La société Kcraft & Co reproche aux demandeurs de n'avoir pas mis en cause le compositeur des musiques du documentaire litigieux alors qu'ils ont mis en cause le réalisateur afin de lui rendre le jugement commun, non plus que les ayants droit du coauteur de la composition de la chanson "Les yeux d'Elsa", arguée de contrefaçon. 38. La SA France Télévisions estime que le statut d'ayants droit de plusieurs des coauteurs des chansons de [ZA] [N] n'est pas établi par les demandeurs, rendant les demandes au titre des chansons concernées irrecevables. 39. M. [E] [GU] et les SARL Productions Alléluia-[E] [GU] et Teme-Éditions Phonographiques assurent, d'une part, que la mise en cause du compositeur de la musique du documentaire litigieux n'est pas nécessaire, dès lors que leurs demandes ne sont pas dirigées contre lui, mais exclusivement contre l'exploitant et le diffuseur d'une oeuvre de collaboration seconde, d'autre part, que l'ensemble des ayants droit des oeuvres de collaboration de [ZA] [N] ont bien été mis en cause. Réponse du tribunal 40. L'article L.113-3 du code de la propriété intellectuelle prévoit que "l'oeuvre de collaboration est la propriété commune des coauteurs. Les coauteurs doivent exercer leurs droits d'un commun accord. En cas de désaccord, il appartient à la juridiction civile de statuer. Lorsque la participation de chacun des coauteurs relève de genres différents, chacun peut, sauf convention contraire, exploiter séparément sa contribution personnelle, sans toutefois porter préjudice à l'exploitation de l'oeuvre commune". II.1 - S'agissant du défaut de mise en cause du coauteur du documentaire litigieux 41. La recevabilité de l'action engagée par l'auteur de l'oeuvre première et dirigée exclusivement à l'encontre de l'exploitant d'une oeuvre de collaboration arguée de contrefaçon n'est pas subordonnée à la mise en cause de l'ensemble des coauteurs de celle-ci (en ce sens Cour de cassation, 1ère chambre civile, 11 décembre 2013, pourvoi no12-25.974). 42. Il s'en déduit que l'absence de mise en cause de M. [AZ] [K], dont il n'est pas contesté qu'il est coauteur du documentaire litigieux pour en avoir composé la musique, est sans incidence sur la recevabilité des demandes, dès lors qu'aucune demande n'est dirigée contre lui. 43. Ce moyen sera, en conséquence, écarté. II.2 - S'agissant du défaut de mise en cause des ayants droit des coauteurs des chansons de [ZA] [N] 44. Il résulte de l'article L.113-3 du code de la propriété intellectuelle que la recevabilité de la demande d'un coauteur agissant en justice pour la défense de ses droits patrimoniaux est subordonnée à la mise en cause des coauteurs de l'oeuvre (en ce sens Cour de cassation, 1ère chambre civile, 5 décembre 1995, no93-13.559). 45. Toutefois, c'est seulement lorsque l'action a été engagée par le coauteur d'une oeuvre de collaboration pour la défense de ses droits patrimoniaux qu'est exigée, à peine d'irrecevabilité, la mise en cause des autres auteurs de l'oeuvre (en ce sens Cour de cassation, 1ère chambre civile, 4 octobre 1988, no86-19.272, pour une application plus récente de ce principe Cour de cassation, 1ère chambre civile, 22 mars 2012, no10-18.491). 46. S'agissant de la défense de ses droits moraux, un coauteur peut agir seul, mais à la condition que sa contribution puisse être individualisée (en ce sens Cour de cassation, 1re chambre civile, 21 mars 2018, no17-14.728). 47. S'agissant des demandes au titre des droits moraux et patrimoniaux des chansons de [ZA] [N] dont la recevabilité est contestée, les demandeurs versent aux débats : - la déclaration de succession de feu [KV] [Y], coauteur de la chanson "Ma môme", de laquelle il ressort que Mme [S] [Y] épouse [TB] en est la seule héritière (pièce des demandeurs no44) - une attestation de notoriété du 8 octobre 2004 suite au décès de [M] [A], coauteur des chansons "La fête aux copains" et "Potemkine", de laquelle il ressort que viennent à sa succession : sa veuve, Mme [XT] [IB], et ses enfants, Mme [H] [A] et MM. [Z] et [WL] [A] (pièce des demandeurs no47) - un courrier du 16 octobre 2020 du notaire en charge de la succession de feue [HK] [D], dite [FM], coauteure de la chanson "C'est beau la vie", duquel il ressort qu'elle détenait des droits dans la succession de feue [U] [B], coauteure de la même chanson et une attestation de notoriété du 28 septembre 2020 suite au décès de [HK] [D] de laquelle il ressort que Mme [H] [C] en est la seule héritière (pièces des demandeurs no48 et 49) - un acte de notoriété du 17 octobre 2005 suite au décès de [O] [MT], veuve de [MC] [OA], dont il n'est pas contesté qu'il est le coauteur de la chanson "Les yeux d'Elsa", de laquelle il ressort que viennent à sa succession ses deux enfants, Mme [LL] [OA] épouse [X] et [I] [OA], lui-même décédé le [Date décès 7] 2021, selon un extrait d'un site internet non précisé (pièces des demandeurs no55 et 58) - un testament olographe du 2 juin 2001 de [O] [MT] mentionnant que "par ailleurs, il est bon de noter qu'elle seule [i.e. Mme [LL] [OA] épouse [X]] est susceptible, à l'avenir, d'assurer la suite de son défunt père auprès des sociétés d'auteurs et éditeurs et vérifier la bonne exécution des contrats passés dans ce domaine"(pièce des demandeurs no57) - un courrier du 10 juin 2022 de Mme [LL] [OA] épouse [X] transmettant à M. [GU] deux des pièces précitées et mentionnant qu'elle est "seule gestionnaire des droits de son père" (pièce des demandeurs no59). 48. Ainsi, la SARL Productions Alléluia-[E] [GU] justifie suffisamment que les droits de feu [KV] [Y] au titre de la chanson "Ma môme" ont été dévolus à Mme [Y] qui est dans la cause. 49. En revanche, elle ne justifie pas de la mise en cause de Mme [XT] [IB] au titre des droits patrimoniaux des chansons "La fête aux copains" et "Potemkine" ou que Mme [H] [A] et MM. [Z] et [WL] [A] en aient hérité. 50. De même, elle ne justifie pas que Mme [H] [C] serait seule héritière des droits de feue [U] [B], la mention selon laquelle [HK] [D] détiendrait des droits dans la succession de celle-ci étant insuffisante à cet égard. La mise en cause de l'ensemble des ayants droit de feue [U] [B] n'est, de ce fait, pas démontrée. 51. Il ne résulte pas, non plus, des pièces produites que [I] [OA] serait décédé sans succession et le testament olographe du 2 juin 2001 de [O] [MT] est insuffisant à démontrer qu'elle a pu transmettre à Mme [LL] [OA] épouse [X] l'ensemble des droits patrimoniaux de son défunt mari en l'absence de disposition particulière à la succession de celui-ci. La seule intervention de Mme [LL] [OA] épouse [X] au soutien de l'action de la SARL Productions Alléluia-[E] [GU] au titre des droits patrimoniaux de la chanson "Les yeux d'Elsa" est, dès lors, insuffisante à établir l'intervention de l'ensemble des ayants droit de [MC] [OA] dit [EW]. 52. En conséquence, la SARL Production Alléluia-[E] [GU] sera déclarée irrecevable en ses demandes au titre des droits patrimoniaux des chansons "La fête aux copains", "Potemkine", "C'est beau la vie" et "Les yeux d'Elsa". 53. Par ailleurs, il n'est pas contesté que les demandes de M. [GU] se fondent exclusivement sur le droit moral de [ZA] [N]. 54. À cet égard, s'agissant de la chanson "Les yeux d'Elsa", les contrats de cession et d'édition produits aux débats mentionnent "poème d'[L] - musique [ZA] [N] & [MC] [EW]", en sorte que la contribution de [ZA] [N] à sa composition musicale n'est pas séparable de celle de [MC] [OA] dit [EW], outre que cette contribution n'est pas explicitée par M. [GU] (pièces des demandeurs 5.23 à 5.23 ter). 55. Dès lors, de même que pour les droits patrimoniaux relatifs à cette oeuvre, les demandeurs ne démontrent pas que le seul attrait à l'instance de Mme [LL] [OA] suffit à établir l'intervention de l'ensemble des ayants droit de [MC] [OA] dit [EW]. 56. S'agissant des droits moraux des chansons "La fête aux copains"et "Potemkine", les contrats de cession et d'édition produits mentionnent "paroles de [M] [A] musique de [ZA] [N]". La contribution de [ZA] [N] à ces chansons est, de ce fait, séparable de celle de [M] [A]. 57. Ainsi, la circonstance que la mise en cause de Mme [XT] [IB] ou les droits de Mme [H] [A] et MM. [Z] et [WL] [A] au titre des droits moraux des chansons "La fête aux copains" et "Potemkine" ne soit pas établis est sans incidence sur la recevabilité des demandes de M. [GU] à ce titre. 58. En conséquence, M. [GU] sera déclaré irrecevable à agir au titre du droit moral de la chanson "Les yeux d'Elsa" et le surplus de la fin de non-recevoir des sociétés Kcraft & Co et France Télévisions relative à la titularité des droits moraux de [ZA] [N] exercés par M. [GU] sera rejetée. III - Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de titularité de la SARL Productions Alléluia-[E] [GU] sur les droits patrimoniaux d'auteur des chansons litigieuses Moyens des parties 59. La SA France Télévisions considère que la SARL Productions Alléluia-[E] [GU] n'est pas titulaire des droits patrimoniaux d'auteur de quatorze des vingt-sept chansons de [ZA] [N] dans la mesure où les contrats de cession et d'édition de ces chansons sont antérieurs à la date de son immatriculation au registre du commerce et des sociétés. Elle ajoute que la cession de fonds de commerce intervenue en 2013 et alléguée par les demandeurs n'est pas versée aux débats et concerne un fonds de commerce de production audiovisuelle, non d'édition musicale, outre que ce moyen n'est pas soumis à la prescription quinquennale. Par ailleurs, selon elle, la SARL Productions Alléluia-[E] [GU] ne justifie pas s'être fait céder les droits d'adaptation audiovisuelle des vingt-sept chansons qu'elle revendique, rendant ses demandes à ce titre irrecevables. 60. La SARL Kcraft & Co conclut qu'au regard des pièces versées, la SARL Productions Alléluia-[E] [GU] est recevable à exciper de sa qualité d'éditeur, mais qu'à l'exception des oeuvres "Épilogue" et "Les yeux d'Elsa", elle ne justifie d'aucune cession du droit d'adaptation audiovisuelle, alors que cette demanderesse prétend que l'incorporation des oeuvres musicales dans le documentaire litigieux constitue une adaptation audiovisuelle illicite. 61. M. [E] [GU] et les SARL Productions Alléluia-[E] [GU] et Teme-Éditions Phonographiques répondent que les contrats de cession et d'édition conclus antérieurement à l'immatriculation de la SARL Productions Alléluia-[E] [GU] lui ont été apportés lors de l'acquisition d'un fonds de commerce du 28 juin 2013. Ils avancent que les défenderesses ne sont pas recevables à discuter de la capacité de cette requérante à conclure ces contrats qui n'ont jamais été contestés par les auteurs concernés ou leurs ayants droit, outre qu'elles ne sont plus recevables à le faire plus de cinquante-cinq ans après leur conclusion. Ils objectent que les contrats de cession produits incluent le droit d'adaptation audiovisuelle, dont le caractère distinct n'a été imposé qu'à compter du 1er janvier 1986, les deux contrats postérieurs le prévoyant. Réponse du tribunal III.1 - S'agissant de la cession des droits patrimoniaux d'auteur des chansons litigieuses à la SARL Productions Alléluia-[E] [GU] 62. L'article 1842 du code civil prévoit que "les sociétés autres que les sociétés en participation visées au chapitre III jouissent de la personnalité morale à compter de leur immatriculation. Jusqu'à l'immatriculation, les rapports entre les associés sont régis par le contrat de société et par les principes généraux du droit applicable aux contrats et obligations". 63. Selon l'article L.210-6 du code de commerce, "les sociétés commerciales jouissent de la personnalité morale à dater de leur immatriculation au registre du commerce et des sociétés. La transformation régulière d'une société n'entraîne pas la création d'une personne morale nouvelle. Il en est de même de la prorogation. Les personnes qui ont agi au nom d'une société en formation avant qu'elle ait acquis la jouissance de la personnalité morale sont tenues solidairement et indéfiniment responsables des actes ainsi accomplis, à moins que la société, après avoir été régulièrement constituée et immatriculée, ne reprenne les engagements souscrits. Ces engagements sont alors réputés avoir été souscrits dès l'origine par la société". 64. En l'occurrence, la SARL Productions Alléluia-[E] [GU] verse aux débats une attestation notariée du 28 juin 2013 de laquelle il ressort que cette société a acquis de M. [GU] "un fonds de commerce de production audiovisuelle connu sous le nom de Productions musicales Alléluia [E] [GU] exploité à [Localité 25] (...)" (pièce des demandeurs no36). Ce fonds de commerce inclut "l'intégralité des contrats d'édition conclus par le cédant relatés dans le catalogue éditorial ci-annexé (...)" (pièce des demandeurs no50). Elle produit également les quatorze contrats de cession conclus par [ZA] [N] et ses coauteurs avec "les Productions Alléluia ([E] [GU])" portant sur les chansons "Ma môme", "Deux enfants au soleil", "Nuit et brouillard", "C'est beau la vie", "La fête aux copains", "Au bout de mon âge", "Nous dormirons ensemble", "Que serai-je sans toi ?", "On ne voit pas le temps passer", "Hourrah", "400 enfants noirs", "C'est si peu dire que je t'aime", "La montagne", "J'entends, j'entends" (pièces des demandeurs no5.1 à 5.13). 65. La SARL Productions Alléluia-[E] [GU] justifie, par ces pièces, qu'elle est titulaire des droits patrimoniaux d'auteur des quatorze chansons litigieuses et, par conséquent, recevable à agir en contrefaçon de ces droits. III.2 - S'agissant des droits d'adaption audiovisuelle des vingt-sept chansons litigieuses 66. L'article 31 de la loi no57-298 du 11 mars 1957 sur la propriété littéraire et artistique, applicable aux contrats conclus entre le 15 mars 1957 et le 31 décembre 1985, prévoit que "les contrats de représentation et d'édition définis au III de la présente loi doivent être constaés par écrit. Il en est de même des autorisations gratuites d'exécution. Dans tous les autres cas, les dispositions des articles 1341 à 1348 du code civil sont applicables. La transmission des droits de l'auteur est subordonnée à la condition que chacun des droits cédés fasse l'objet d'une mention distincte dans l'acte de cession et que le domaine d'exploitation des droits cédés soit délimité quant à son étendue et à sa destination, quant au lieu et à la durée. Lorsque des circonstances spéciales l'exigent, le contrat peut être valablement conclu par échange de télégrammes, à condition que le domaine d'exploitation des droits cédés soit délimité conformément aux termes du troisième alinéa du présent article". 67. Ce même article 31 de la loi du 11 mars 1957 sur la propriété littéraire et artistique, dans sa rédaction issue de la loi no85-660 du 3 juillet 1985 relative aux droits d'auteur et aux droits d'artiste-interprètes, des producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes et des entreprises de communication audiovisuelle, applicable aux contrats conclus entre le 1er janvier 1986 et le 3 juillet 1992 dispose que "les contrats de représentation, d'édition et de production audiovisuelle définis au III de la présente loi doivent être constatés par écrit. Il en est de même des autorisations gratuites d'exécution. Dans tous les autres cas, les dispositions des articles 1341 à 1348 du code civil sont applicables. La transmission des droits de l'auteur est subordonnée à la condition que chacun des droits cédés fasse l'objet d'une mention distincte dans l'acte de cession et que le domaine d'exploitation des droits cédés soit délimité quant à son étendue et à sa destination, quant au lieu et à la durée. Lorsque des circonstances spéciales l'exigent, le contrat peut être valablement conclu par échange de télégrammes, à condition que le domaine d'exploitation des droits cédés soit délimité conformément aux termes du troisième alinéa du présent article. Les cessions portant sur les droits d'adaptation audiovisuelle doivent faire l'objet d'un contrat écrit sur un document distinct du contrat relatif à l'édition proprement dite de l'oeuvre imprimée. Le bénéficiaire de la cession s'engage par ce contrat à rechercher une exploitaion du droit cédé conformément aux usages de la profession et à verser à l'auteur, en cas d'adaptation, une rémunération proportionnelle aux recettes perçues". 68. Sans avoir à prouver son titre, toute personne qui exploite une oeuvre a qualité et intérêt pour poursuivre en contrefaçon un tiers qui ne revendique aucun droit sur elle ; en outre, le principe d'interprétation stricte qui gouverne les cessions de droits d'auteur ne concerne que les rapports de l'auteur et du cessionnaire (en ce sens Cour de cassation, 1ère chambre civile, 19 octobre 2004, no02-16.057). 69. En l'occurrence, les chansons "Ma France", "Ma môme", "Deux enfants au soleil", "Nuit & brouillard", "C'est beau la vie", "La fête aux copains", "Au bout de mon âge", "Nous dormirons ensemble", "Que serais-je sans toi ?", "Excusez-moi", "On ne voit pas le temps passer", "Hourrah", "400 enfants noirs", "Potemkine", "La Délaissée", "Tu es venu", "C'est si peu dire que je t'aime", "La Montagne", "A Santiago", "Les demoiselles de magasin", "Ce qu'on est bien mon amour", "La matinée", "Un jour un jour", "J'entends, j'entends", "Les yeux d'Elsa", "Le bilan" et "Epilogue" ont fait l'objet de contrats d'édition et de cession de droits patrimoniaux d'auteur conclus entre le 15 novembre 1960 et le 15 octobre 2001 au profit de la société Productions Alléluia ([E] [GU]), aux droits de laquelle vient la SARL productions Alléluia-[E] [GU] (pièces des demandeurs no5.1 à 5.21). 70. La demande fondée sur l'absence de titularité des droits d'adaption audiovisuelle des vingt-sept chansons litigieuses sera, en conséquence, rejetée. IV - Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de la SARL Productions Alléluia-[E] [GU] faute de titularité des droits d'adaptation Moyens des parties 71. La SA France Télévisions estime que l'adhésion de la SARL Productions Alléluia-[E] [GU] à la société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SACEM) a pour conséquence de la rendre irrecevable à agir au titre des droits qu'elle y a apportés, tandis que sa propre adhésion l'autorise à utiliser les oeuvres appartenant au répertoire de la SACEM. Elle ajoute qu'en l'absence de toute transformation des chansons utilisées pour illustrer le documentaire litigieux, la qualification d'adaptation audiovisuelle de leur insertion, même partielle, est exclue. 72. La SARL Kcraft & Co soutient, également, que l'adhésion de cette demanderesse à la SACEM ne lui permet pas de s'opposer à la reproduction des oeuvres musicales dans le documentaire litigieux, dès lors que ces oeuvres n'ont subi aucune modification. Elle argue que la rémunération de cette demanderesse et des ayants droit de [ZA] [N] est intervenue étant donné qu'elle a procédé à la déclaration des oeuvres reproduite à la SACEM. 73. M. [E] [GU] et les SARL Productions Alléluia-[E] [GU] et Teme-Éditions Phonographiques considèrent que l'adhésion à la SACEM de la SARL Productions Alléluia-[E] [GU] n'inclut pas le droit d'adaption audiovisuelle et que l'incorporation dans une oeuvre composite, tel le documentaire litigieux, des vingt-sept chansons litigieuses relève de ce droit, dès lors qu'elles ne font pas l'objet d'une simple reproduction, mais d'une mise en image constituant une véritable adaptation. Ils font valoir que le législateur a fait de l'incorporation de l'oeuvre première dans l'oeuvre seconde un cas particulier supposant un accord de l'auteur ou de ses ayants droit ne relevant pas du droit de reproduction mécanique apporté à la SACEM, outre que le producteur de l'oeuvre audiovisuelle étant tiers au contrat conclu entre la SACEM et les éditeurs de services de télévision, il ne saurait produire d'effet à l'égard de la SARL Kcraft & Co. Réponse du tribunal 74. Aux termes de l'article L.113-4 du code de la propriété intellectuelle, "l'oeuvre composite est la propriété de l'auteur qui l'a réalisée, sous réserve des droits de l'auteur de l'oeuvre préexistante". 75. En application de l'article L.321-1 du code de la propriété intellectuelle, "les organismes de gestion collective sont des personnes morales constituées sous toute forme juridique dont l'objet principal consiste à gérer le droit d'auteur ou les droits voisins de celui-ci pour le compte de plusieurs titulaires de ces droits, tels que définis aux livres Ier et II du présent code, à leur profit collectif, soit en vertu de dispositions légales, soit en exécution d'un contrat". 76. Il ressort de l'article 1er des statuts de la SACEM que "tout auteur, auteur-réalisateur ou compositeur admis à adhérer aux présents Statuts fait apport à la société, du fait même de cette adhésion, en tous pays et pour la durée de la société, du droit d'autoriser ou d'interdire l'exécution ou la représentation publique de ses oeuvres, dès que créées" et de l'article 2 que "du fait même de leur adhésion aux présents Statuts, les Membres de la société lui apportent, à titre exclusif et pour tous pays, le droit d'autoriser ou d'interdire la reproduction mécanique de leurs oeuvres telles que définies à l'article 1er ci-dessus, par tous moyens connus ou à découvrir". 77. En l'espèce, il n'est pas contesté et il ressort des vingt-sept contrats de cession des droits patrimoniaux d'auteur des vingt-sept chansons litigieuses que les droits de reproduction et de représentation en ont été apportés à la SACEM (pièces des demandeurs no5.1 à 5.23). 78. Il est également constant que la SA France Télévisions dispose d'un contrat général de représentation et de reproduction conclu le 15 juin 2012 avec la SACEM qui stipule que cette dernière l'autorise à utiliser "les oeuvres appartenant au répertoire de la SACEM (...) pour les besoins de la réalisation et de la diffusion des programmes compris dans les Services (...)" lesquels sont définis au paragraphe 2 du préambule comme désignant "les services de télévision France 2, France 3, (...)" (sa pièce no2). 79. Les demandeurs ne contestent pas plus que les différentes incorportations des vingt-sept chansons litigieuses de [ZA] [N] dans le documentaire "[ZA] [N]", diffusé le 26 octobre 2018 sur la chaîne France 3, l'ont été sans que lesdites chansons aient été altérées dans leurs paroles ou leurs musiques. 80. Or, l'incorporation de ces chansons, même de manière partielle, sans modification, en constitue une reproduction de chacune d'elle, non une adaptation, au contraire de ce que soutiennent les demandeurs. 81. Par ailleurs, il ressort de la déclaration effectuée par la SARL Kcraft & Co le 2 décembre 2018 que les redevances dues au titre des droits de reproduction d'auteur ont été réglées, peu important à cet égard que le règlement ait été opéré au titre du contrat liant la SA France Télévisions à la SACEM (sa pièce no13). 82. Dès lors, ces reproductions incorporées au documentaire litigieux ont été opérées avec l'accord de la SACEM et ne nécessitaient pas l'accord préalable de la SARL Productions Alléluia-[E] [GU]. 83. En conséquence, les demandes de la SARL Productions Alléluia-[E] [GU] fondées sur les droits patrimoniaux d'auteur des vingt-sept chansons de [ZA] [N] litigieuses seront rejetées. V - Sur la recevabilité des demandes de la SARL Teme-Éditions Phonographiques Moyens des parties 84. La SA France Télévisions avance que la SARL Teme-Éditions Phonographiques est irrecevable à agir au titre du phonogramme "Que serai-je sans toi ?" et des vidéogrammes qu'elle argue de contrefaçon, faute de reproduction du vidéogramme "[N] 80", faute de démontrer sa qualité de productrice des vidéogrammes "[N] 95", pour lequel le contrat produit ne permet pas l'identifier, et "Star 90", le droit acquis par cette défenderesse ne concernant que les séquences constituant le pendant de l'album "[ZA] [N] 91", non le reste de l'émission. 85. La SARL Kcraft & Co reprend ces mêmes moyens, exposant qu'elle a acquis le droit de reproduction des images du vidéogramme "[N] 80" auprès de l'Institut national de l'audiovisuel (INA), ceux de reproduction du vidéogramme "Star 90" auprès de la société qui les détient, l'extrait utilisé échappant aux droits acquis par la SARL Teme-Éditions Phonographiques et que cette dernière ne justifie pas que l'extrait utilisé dans le documentaire litigieux serait celui du vidéogramme "[N] 95" sur lequel elle détient des droits. 86. M. [E] [GU] et les SARL Productions Alléluia-[E] [GU] et Teme-Éditions Phonographiques répliquent que cette dernière justifie, par un contrat de coproduction, de ses droits sur le vidéogramme "[N] 85" reproduit dans le documentaire litigieux ainsi qu'il ressort des mentions du générique, par un autre contrat de coproduction, de ses droits sur le vidéogramme "Star 90", sans distinction entre les parties plateau et les interprétations des chansons de [ZA] [N], par un accord de cession, de ses droits sur le vidéogramme "[N] 95", utilisé par la SARL Kcraft & Co selon le conducteur de droits qu'elle a elle-même versé aux débats. Réponse du tribunal 87. Aux termes de l'article L.215-1 du même code, "le producteur de vidéogrammes est la personne, physique ou morale, qui a l'initiative et la responsabilité de la première fixation d'une séquence d'images sonorisée ou non". 88. A titre liminaire, il sera relevé que la SARL Teme-Éditions Phonographiques fonde des demandes sur un vidéogramme intitulé "[N] 85", tandis que la SA France Télévisions oppose une fin de non-recevoir tirée de l'absence de droit que cette société détiendrait sur un vidéogramme "[N] 80". 89. De même, la SA France Télévisions maintient que les demandes de la SARL Teme-Éditions Phonographiques fondées sur le phonogramme "Que serais-je sans toi ?" sont irrecevables, alors que cette dernière a renoncé à cette demande (conclusions des demandeurs pages 22 et 35). 90. Ces moyens sont, dès lors, sans portée. 91. S'agissant des demandes de la SARL Teme-Éditions Phonographiques au titre des droits patrimoniaux du vidéogramme "Star 90" dont la recevabilité est contestée, celle-ci verse aux débats un contrat de coproduction avec la société Productions DMD du 16 juin 1992, dont la partie droite est tronquée, mentionnant en son article 3 que "la société Teme se voit reconnaître, sans limitation de temps et d'espace, le droit d'exploiter (...) de faire exploiter, en exclusivité et librement, sur tous supports (...), sous toutes formes (...) tout ou partie du film reproduisant l'interprétation par l'artiste des oeuvres composant l'album "[N] 91" (...) Par ailleurs la société Teme pourra, librement et sans restriction aucune, inclure le film vidéo, en tout ou partie, dans toute oeuvre audiovisuelle, de quelque durée que ce soit, que (...) ait trait ou non à l'artiste" (pièce des demandeurs no9). 92. Il en résulte qu'en application de ce contrat la SARL Teme-Éditions Phonographiques ne s'est vue attribuée que les droits d'exploitation portant sur "l'interprétation par l'artiste des oeuvres composant l'album "[N] 91" et seulement des droits de reproduction sur les autres parties du vidéogramme. 93. Or, il n'est pas contesté que le documentaire litigieux reproduit un extrait de vingt secondes du vidéogramme "Star 90" montrant [ZA] [N] arrivant sur le plateau de l'émission (conclusions des demandeurs page 35 et de la SARL Kcraft & Co page 20). Cet extrait n'est, de ce fait, pas inclus dans les droits d'exploitation acquis pas la SARL Teme-Éditions Phonographiques, mais dans ceux de la société Productions DMD. 94. En conséquence, la demande de la SARL Teme-Éditions Phonographiques fondée sur des droits d'exploitation sur les parties du vidéogramme "Star 90" autres que portant sur l'interprétation par [ZA] [N] des oeuvres composant l'album "[N] 91" sera rejetée. 95. S'agissant des demandes de la SARL Teme-Éditions Phonographiques au titre des droits patrimoniaux du vidéogramme "[N] 95" dont la recevabilité est contestée, celle-ci verse aux débats un contrat du 19 septembre 1994 avec la société Productions DMD intitulé "accord de cession de droits", signé des représentants des parties, mentionnant en objet que "la société DMD a souhaité produire une émission spéciale intitulée "[N] 95" (ci-après dénommée oeuvre dérivée) incluant "l'oeuvre primaire". Cette émission sera diffusée le 14 novembre sur France 2. (...) Teme donne son accord pour que l'oeuvre primaire soit incluse dans l'oeuvre dérivée. Cet accord est donné pour une diffusion unique de l'oeuvre dérivée, programmée le 14 octobre sur France 2 (...)" (pièce des demandeurs no10bis). 96. La SARL Teme-Éditions Phonographiques démontre par cette pièce qu'elle détient des droits d'exploitation d'une oeuvre primaire reproduite dans le vidéogramme "[N] 95". 97. Toutefois, cette oeuvre primaire n'est pas précisée dans le contrat du 19 septembre 1994 versé aux débats et la SARL Teme-Éditions Phonographiques n'appuie pas ses prétentions sur la contrefaçon de cette oeuvre primaire. 98. De plus, ni ce contrat du 19 septembre 1994, ni aucune pièce, n'établit que la SARL Teme-Éditions Phonographiques se soit vue attribuée les droits d'exploitation du vidéogramme "[N] 95". 99. Ainsi, la seule constatation que cette demanderesse détiendrait des droits sur une oeuvre primaire reproduite dans le vidéogramme "[N] 95" est insuffisante à justifier ses demandes sur le fondement de droits qu'elle détiendrait sur le vidéogramme "[N] 95" en lui-même. 100. En conséquence, la demande de la SARL Teme-Éditions Phonographiques sur le fondement du vidéogramme "[N] 95" sera rejetée. VI - Sur l'atteinte aux droit moraux d'auteur et d'artiste-interprète Moyens des parties 101. M. [E] [GU] et les SARL Productions Alléluia-[E] [GU] et Teme-Éditions Phonographiques reprochent à la SARL Kcraft & Co d'avoir inclus les chansons litigieuses dans le documentaire litigieux sans l'accord préalable du titulaire des droits moraux d'auteur et d'artiste-interprète, en particulier faute d'autorisation pour la reproduction du phonogramme "Que serai-je sans toi ?", d'avoir porté atteinte à l'intégrité des chansons de [ZA] [N] en les exploitant par extraits, en dénaturant ainsi le sens, ou associées à des images étrangères à leur interprétation par l'auteur, ce qu'il avait toujours refusé. Ils estiment que l'atteinte au droit moral d'artiste-interprète est constituée par le caractère biographique du documentaire, auquel [ZA] [N] s'était toujours refusé. Ils contestent que la liberté d'expression ou de création artistique du réalisateur du documentaire litigieux puisse prévaloir sur la volonté de [ZA] [N] de s'opposer à toute biographie. 102. La SARL Kcraft & Co réfute toute atteinte aux droits moraux d'auteur et d'artiste-interprète estimant, au contraire que la volonté de [ZA] [N] était de voir son oeuvre diffusée au plus grand nombre, participant à de nombreuses émissions de radio et de télévision dans lesquelles il a dévoilé sa vie et expliqué son oeuvre. Elle assure avoir obtenu le droit de reproduire le phonogramme "Que serai-je sans toi ?" par sa déclaration à la SACEM et que M. [GU] ne démontre pas que son utilisation constituerait une atteinte au droit moral de l'artiste. Elle avance que M. [GU] a autorisé une publication biographique contredisant ses conclusions et que son action n'est fondée que sur sa volonté de faire échec à toute concurrence à son propre documentaire. Elle invoque, subsidiairement, qu'à supposer établie l'atteinte aux droits moraux d'auteur, l'utilisation des oeuvres et enregistrements étaient nécessaires tant à la liberté de création du réalisateur du documentaire litigieux qu'au droit à l'information du public. 103. La SA France Télévision s'associe à ces moyens en défense, en particulier relativement à la volonté de [ZA] [N] quant à la diffusion de son oeuvre, et abonde dans le sens d'une invocation des droits moraux par M. [GU] pour des motifs étrangers à cette volonté. Elle ajoute que l'opposition de celui-ci à toute diffusion d'un documentaire consacré à un artiste majeur est de nature à entraver sa mission de service public. Réponse du tribunal 104. En application du premier alinéa de l'article L.121-1 du code de la propriété intellectuelle, "l'auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son oeuvre". 105. L'article L.212-2 du même dispose de même que "l'artiste-interprète a le droit au respect de son nom, de sa qualité et de son interprétation". 106. Au cas présent, s'agissant de l'atteinte au droit moral d'auteur de [ZA] [N] en raison de l'association de ses chansons à des visuels qui y sont étrangers et de leur reproduction sous forme d'extraits, M. [GU] n'établit pas que [ZA] [N] se soit opposé de son vivant au principe d'associer ses chansons à des images, non plus qu'à leur diffusion sous forme d'extraits. Il ne démontre pas, non plus, en quoi les images choisies par la SARL Kcraft & Co pour illustrer les chansons litigieuses les dénatureraient. 107. S'agissant de la reproduction du phonogramme "Que serai-je sans toi ?", la SARL Kcraft & Co établit qu'elle a été déclarée à la SACEM (sa pièce no13) et cette seule reproduction ne saurait constituer, par elle-même, une atteinte au droit moral de l'auteur dont M. [GU] est titulaire. 108. S'agissant de l'atteinte au droit moral d'artiste-interprète de [ZA] [N] en raison de son opposition à toute biographie, M. [GU] verse aux débats plusieurs pièces en ce sens. Ainsi, lors d'une interview au magazine Téléstar : "pourquoi refusez-vous que l'on écrive votre biographie ? Tout ce qu'il y a à retenir de moi, on le trouve dans mes textes. Le reste, c'est de l'anecdote. S'il en sort une, ce sera contre ma volonté" (pièce no40), "j'ai appris, en lisant ‘le Nouvel Obs', qu'une biographie de moi allait sortir. Elle a été écrite sans mon approbation (...) Je suis sollicité depuis plus de vingt ans par des éditeurs, des écrivains, des journalistes, et j'ai toujours refusé de répondre à ces demandes (...)" (pièce no42). 109. Pour autant, la SARL Kcraft & Co démontre qu'une biographie de [ZA] [N] a été publiée dans un numéro hors série du journal L'Humanité avec l'autorisation de M. [GU] (sa pièce no28), qu'une biographie a été publiée aux éditions Le Cherche Midi avec la contribution de la SARL Productions Alléluia-[E] [GU] (sa pièce no29 et la pièce no43 des demandeurs), que douze biographies ont paru entre 2008 et 2015 (sa pièces no24) et que [ZA] [N] a participé à de nombreuses émissions de télévisions, jusqu'au 5 janvier 2002 à tout le moins (pièce des demandeurs no40), au cours desquelles il n'est pas contesté qu'il a évoqué des épisodes de sa vie personnelle, en particulier de sa jeunesse pendant la deuxième guerre mondiale. 110. Il en résulte que le documentaire "[ZA] [N]" produit par la SARL Kcraft & Co, dont le visionnage opéré par le tribunal a permis de constater le caractère biographique illustré par des chansons de l'auteur et des témoignages de certains de ses proches, ne constitue pas une atteinte au droit moral d'auteur ou d'artiste-interprète de [ZA] [N]. 111. En conséquence, les demandes de M. [GU] au titre de l'atteinte aux droits moraux d'auteur et d'artiste-interprète de [ZA] [N] seront rejetées. VII - Sur la contrefaçon du vidéogramme "[N] 85" Moyens des parties 112. M. [E] [GU] et les SARL Productions Alléluia-[E] [GU] et Teme-Éditions Phonographiques prétendent que la SARL Kcraft & Co a reproduit sans autorisation des extraits du vidéogramme "[N] 85" sur lequel la SARL Teme-Éditions Phonographiques détient des droits, sans que cette reproduction, qui dépasse trois minutes, puisse constituer une courte citation. 113. La SARL Kcraft & Co excipe d'un droit de citation, la reproduction du vidéogramme "[N] 85" consistant en sept courts extraits pour un total de trois minutes d'une émission de quatre-vingt dix minutes, contestant le minutage opéré par les demandeurs et assurant que ces citations servent d'illustrations et d'informations aux séquences concernées. 114. La SA France Télévisions ne répond pas à cette demande. Réponse du tribunal 115. En application de l'alinéa 2 de l'article L.215-1 du code de la propriété intellectuelle, "l'autorisation du producteur de vidéogrammes est requise avant toute reproduction, mise à la disposition du public par la vente, l'échange ou le louage, ou communication au public de son vidéogramme". 116. Aux termes de l'article L.211-3 du même code, "les bénéficiaires des droits ouverts au présent titre ne peuvent interdire : (...) 3o Sous réserve d'éléments suffisants d'identification de la source : a) Les analyses et courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d'information de l'oeuvre à laquelle elles sont incorporées (...)" 117. En premier lieu, si les demandeurs ont maintenu dans leur dispositif une demande de condamnation de la SARL Kcraft & Co aux droits que la SARL Teme-Éditions Phonographiques détiendraient sur "des vues d'Antraigues", ils ont renoncé à cette demande dans la partie discussion (leurs conclusions pages 24 et 35). 118. Cette demande n'étant soutenue par aucun moyen, elle sera rejetée. 119. En second lieu, s'agissant du vidéogramme "[N] 85", il ressort du documentaire litigieux que les cinq extraits d'interviews de ce vidéogramme (référencés 00:11:26, 00:14:58, 01:11:01, 01:38:42 et 01:41:32 dans les conclusions des demandeurs page 35 et leur pièce no6) n'ont pas pour objet d'apporter une critique, une polémique, un élément pédagogique, scientifique ou d'information relativement à l'oeuvre elle-même, c'est-à-dire le vidéogramme "[N] 85" en lui-même, mais se rapportent à plus globalement soit aux chansons qu'ils illustrent, soit à la vie de [ZA] [N], en sorte qu'ils ne répondent pas à la finalité de la courte citation autorisée. 120. La SARL Kcraft & Co et la SA France Télévisions ne contestant pas que ces cinq extraits du vidéogramme "[N] 85" ont été reproduits sans l'autorisation de la SARL Teme-Éditions Phonographiques qui en détient les droits patrimoniaux d'auteur, ils en constituent une contrefaçon. VIII - Sur les mesures réparatrices de la contrefaçon Moyens des parties 121. M. [E] [GU] et les SARL Productions Alléluia-[E] [GU] et Teme-Éditions Phonographiques réclament l'indemnisation des extraits contrefaisants et l'interdiction de diffusion du documentaire tant qu'il intégrera ces extraits. 122. La SARL Kcraft & Co estime que l'étendue du préjudice allégué n'est pas démontrée compte tenu de la brève durée des extraits reproduits. 123. La SA France Télévisions ne répond pas à cette demande. Réponse du tribunal 124. En application de l'article L.331-1-3 du code de la propriété intellectuelle, "pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement : 1o Les conséquences économiques négatives de l'atteinte aux droits, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ; 2o Le préjudice moral causé à cette dernière ; 3o Et les bénéfices réalisés par l'auteur de l'atteinte aux droits, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de l'atteinte aux droits. Toutefois, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si l'auteur de l'atteinte avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée". 125. L'article L.331-1-4 du même code ajoute que "en cas de condamnation civile pour contrefaçon, atteinte à un droit voisin du droit d'auteur ou aux droits du producteur de bases de données, la juridiction peut ordonner, à la demande de la partie lésée, que les objets réalisés ou fabriqués portant atteinte à ces droits, les supports utilisés pour recueillir les données extraites illégalement de la base de données et les matériaux ou instruments ayant principalement servi à leur réalisation ou fabrication soient rappelés des circuits commerciaux, écartés définitivement de ces circuits, détruits ou confisqués au profit de la partie lésée. La juridiction peut aussi ordonner toute mesure appropriée de publicité du jugement, notamment son affichage ou sa publication intégrale ou par extraits dans les journaux ou sur les services de communication au public en ligne qu'elle désigne, selon les modalités qu'elle précise. Les mesures mentionnées aux deux premiers alinéas sont ordonnées aux frais de l'auteur de l'atteinte aux droits. La juridiction peut également ordonner la confiscation de tout ou partie des recettes procurées par la contrefaçon, l'atteinte à un droit voisin du droit d'auteur ou aux droits du producteur de bases de données, qui seront remises à la partie lésée ou à ses ayants droit". 126. En l'espèce, la durée totale des cinq extraits contrefaisant du vidéogramme "[N] 85" reproduits dans le documentaire litigieux sont d'une durée totale de trois minutes et dix-neuf secondes. 127. Ces faits justifient la condamnation de la SARL Kcraft & Co à verser à la SARL Teme-Éditions Phonographiques 3000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de la contrefaçon de ses droits patrimoniaux d'auteur. 128. Ils justifient, également, qu'interdiction soit faite à la SARL Kcraft & Co de diffuser ou d'autoriser toute diffusion du documentaire litigieux incluant ces cinq extraits du vidéogramme "[N] 85" sous astreinte dans les termes du dispositif. IX - Sur la violation du droit à l'image de M. [GU] Moyens des parties 129. M. [E] [GU] et les SARL Productions Alléluia-[E] [GU] et Teme-Éditions Phonographiques font grief à la SARL Kcraft & Co d'avoir reproduit dans le documentaire litigieux trois photographies et un extrait audiovisuel représentant M. [GU] sans son autorisation, portant ainsi atteinte à son droit à l'image. 130. La SARL Kcraft & Co conteste toute atteinte au droit à l'image de M. [GU], les photographies et l'extrait reproduit dans le documentaire litigieux ayant fait l'objet antérieurement d'une diffusion, ont fait l'objet de versement de droits de reproduction et constituent une illustration du contenu auxquels ils se rattachent participant de sa liberté d'expression et d'information. 131. La SA France Télévisions ne répond pas à cette demande. Réponse du tribunal 132. L'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 prévoit que "1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui". 133. L'article 10 de la même Convention dispose que "1. Toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontière. Le présent article n'empêche pas les États de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d'autorisations. 2. L'exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l'intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d'autrui, pour empêcher la divulgation d'informations confidentielles ou pour garantir l'autorité et l'impartialité du pouvoir judiciaire". 134. L'article 9 du code civil pose en principe que "chacun a droit au respect de sa vie privée". 135. Il s'en déduit que la seule constatation de l'atteinte à la vie privée ouvre droit à réparation (en ce sens Cour de cassation, 1re chambre civile, 5 novembre 1996, no94-14.798). 136. Toutefois, les droits au respect de la vie privée et à la liberté d'expression, revêtant, eu égard aux articles 8 et 10 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 9 du code civil, une identique valeur normative, font ainsi devoir au juge saisi de rechercher leur équilibre et, le cas échéant, de privilégier la solution la plus protectrice de l'intérêt le plus légitime (en ce sens Cour de cassation, 1re chambre civile, 9 juillet 2003, no00-20.289). 137. Le droit à l'information du public peut légitimer l'atteinte portée au droit à l'image de la personne représentée dès lors qu'il est nécessaire soit d'informer le public sur un événement d'actualité, soit de contribuer à un débat d'intérêt général, à la condition que l'image en cause présente un lien pertinent avec le sujet à illustrer, et sous réserve du respect de la dignité de la personne humaine (en ce sens Cour de cassation, 2ème chambre civile, 4 novembre 2004, no03-15.397). 138. De même, le juge doit rechercher un juste équilibre entre la liberté d'expression permettant celle de création et la protection des droits d'auteur (en ce sens Cour de cassation, 1ère chambre civile, 22 juin 2017, no15-28.467 et 16-11.759), ce dont il se déduit, également, une recherche de cet équilibre avec le droit au respect de la vie privée. 139. En l'occurrence, M. [GU] vise : - une photographie le représentant en studio, en compagnie de [ZA] [N] à l'époque de leur recontre en 1959 - une photographie le représentant en studio, dix ans plus tard, en compagnie de [ZA] [N] et deux autres personnes - une photographie le représentant prise au siège du journal L'Humanité à l'occasion de la sortie du DVD "[N] 85", en compagnie de [ZA] [N] et deux autres personnes - un extrait audiovisuel le représentant aux côtés de [ZA] [N] lors d'un repas républicain donné à [Localité 22] en 1997. 140. Il établit que, par courriel du 21 janvier 2020, il s'est opposé à la reproduction d'une photographie le représentant aux côtés de [ZA] [N] à l'occasion de la parution d'une biographie de l'auteur et artiste aux éditions Le Cherche Midi (sa pièce no43). 141. La SARL Kcraft & Co ne conteste pas que ces photographies et cet extrait de vidéogramme ont été reproduits dans le documentaire litigieux sans avoir recueilli l'autorisation de M. [GU]. 142. Elle prouve que : - la photographie prise en 1959 représentant M. [GU] aux côtés de [ZA] [N] est diffusée sur internet sur le site <[023].souvenir.monsite-orange.fr> (sa pièce no21) - le droit de reproduction de la photographie le représentant en 1969 a été acquis auprès de l'association Mémoires d'Humanité (sa pièce no22) - le droit de reproduction de la photographie le représentant prise au siège du journal L'Humanité à l'occasion de la sortie du DVD "[N] 85" a été acquis auprès de la société Parisienne de photographie (sa pièce no23) - le droit de reproduction de l'extrait du banquet républicain d'Antraigues a été acquis auprès de la société France Télévisions Distribution et a été diffusé en 1997 sur la chaîne France 3 (sa pièce no18 et conclusions des demandeurs pages 5 et 24). 143. Ainsi, seules deux photographies et l'extrait de vidéogramme litigieux ont fait l'objet d'une diffusion publique antérieure. 144. Pour autant, il n'est pas contesté que l'image de M. [GU] n'a pas été fixée par surprise ou contre son gré lors des photographies ou du reportage ayant donné lieu au vidéogramme du banquet républicain de 1997. Ces fixations de l'image de M. [GU], prises dans un cadre professionnel ou lors d'événements publics, ne sont pas de nature à porter atteinte à sa dignité. 145. De même, il est constant que M. [GU] a joué un rôle important dans la carrière de [ZA] [N] dont il a été proche tout au long de sa vie, ce que son institution comme exécuteur testamentaire et légataire à titre particulier des droits moraux de [ZA] [N] confirme. L'évocation de la contribution de M. [GU] à la carrière de [ZA] [N] était, de ce fait, nécessaire à la réalisation du documentaire litigieux et justifie la reproduction de trois photographies et d'un extrait de vidéogramme le représentant aux côtés de l'artiste à différents moments de sa carrière. 146. Par ailleurs, il est également constant que [ZA] [N] est un chanteur français majeur de la deuxième moitié du 20ème siècle, en sorte que le choix de lui consacrer un documentaire biographique diffusé le 26 octobre 2018, relève tant de la liberté de création que de celle d'information du public. 147. Dès lors, l'atteinte au droit à l'image de M. [GU] se trouve légitimé et ses demandes à ce titre seront rejetées. X - Sur le caractère abusif de l'action et le dénigrement Moyens des parties 148. La SARL Kcraft & Co estime que le comportement des demandeurs lui a causé un préjudice d'image et de notoriété conséquent, faisant pression sur les ayants droit de [ZA] [N] pour les dissuader de participer au documentaire et la dénigrant auprès de ses partenaires commerciaux dans le seul but d'éliminer une oeuvre concurrente au projet de documentaire de M. [GU]. 149. La SA France Télévisions soutient qu'en l'absence d'atteinte aux droits moraux de [ZA] [N], l'action de M. [GU] se fonde sur des motifs étrangers aux volontés de l'auteur et ne tend qu'à lui réserver un monopole en vue de la production de son propre film, caractérisant un abus de son droit à agir. 150. M. [E] [GU] et les SARL Productions Alléluia-[E] [GU] et Teme-Éditions Phonographiques invoquent exercer leurs droits à la défense de la mémoire et des oeuvres de [ZA] [N] excluant tout caractère abusif de leur action. Réponse du tribunal 151. L'article 1240 du code civil prévoit que "tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer". 152. En application de l'article 32-1 du code de procédure civile, "celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 € sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés". 153. Le droit d'agir en justice participe des libertés fondamentales de toute personne. Il dégénère en abus constitutif d'une faute au sens de l'article 1240 du code civil lorsqu'il est exercé en connaissance de l'absence totale de mérite de l'action engagée, ou par une légèreté inexcusable, obligeant l'autre partie à se défendre contre une action que rien ne justifie sinon la volonté d'obtenir ce que l'on sait indu, une intention de nuire, ou une indifférence totale aux conséquences de sa légèreté (en ce sens Cour de cassation, 3ème chambre civile, 10 octobre 2012, no11-15.473). 154. Même en l'absence d'une situation de concurrence directe et effective entre les personnes concernées, la divulgation, par l'une, d'une information de nature à jeter le discrédit sur un produit commercialisé par l'autre, peut constituer un acte de dénigrement. Cependant, lorsque l'information en cause se rapporte à un sujet d'intérêt général et repose sur une base factuelle suffisante, cette divulgation relève du droit à la liberté d'expression, qui inclut le droit de libre critique, et ne saurait, dès lors, être regardée comme fautive, sous réserve qu'elle soit exprimée avec une certaine mesure (en ce sens Cour de cassation, 1ère chambre civile, 11 juillet 2018, no17-21.457 et chambre commerciale, 26 septembre 2018, no17-15.502). 155. En l'espèce, au titre du dénigrement, la SARL Kcraft & Co appuie ses prétentions sur : - un courriel de l'Institut national de l'audiovisuel du 23 avril 2020 en réponse à M. [GU], duquel il résulte que le directeur juridique de cet institut reconnaît une erreur dans une autorisation donnée relativement au vidéogramme "[N] 80" (pièce des demandeurs no27) - le courrier de mise en demeure adressé à la SA France Télévisions par l'avocat des demandeurs le 16 novembre 2018, mentionnant la mise en demeure précédente par courrier du 9 novembre de la SARL Kcraft & Co (pièces des demandeurs no18 et 19). 156. Toutefois, ces pièces reprennent les moyens et arguments développés par les demandeurs et ne comportent aucun qualificatif inutilement péjoratif à l'endroit de la SARL Kcraft & Co. 157. Elle ne produit aucune pièce tendant à démontrer que M. [GU] aurait fait pression sur les proches de [ZA] [N] pour les dissuader de participer au documentaire litigieux. 158. Sa demande en réparation sur le fondement du dénigrement, sera, en conséquence rejetée. 159. Par ailleurs, la seule circonstance qu'une partie des demandes présentées par M. [GU] et les SARL Productions Alléluia-[E] [GU] et Teme-Éditions Phonographiques soient admises exclut tout abus. 160. La demande à ce titre de la SARL Kcraft & Co sera, en conséquence, rejetée. XI - Sur les dispositions finales XI.1 - S'agissant des dépens 161. Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge de l'autre partie. 162. Selon l'article 699 du même code, "les avocats peuvent, dans les matières où leur ministère est obligatoire, demander que la condamnation aux dépens soit assortie à leur profit du droit de recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision. La partie contre laquelle le recouvrement est poursuivi peut toutefois déduire, par compensation légale, le montant de sa créance de dépens". 163. M. [GU], la SARL Productions Alléluia-[E] [GU] et la SARL Kcraft & Co étant parties perdantes, les dépens seront partagés par moitié entre elles, avec droit pour l'avocat de la SARL Teme-Éditions Phonographiques de recouvrer ceux dont il a fait l'avance sans recevoir provision. XI.2 - S'agissant de l'article 700 du code de procédure civile 164. L'article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a lieu à condamnation. 165. En équité la SARL Kcraft & Co, partie condamnée aux dépens, sera dispensée de condamnation à ce titre. 166. En équité, les demandes à ce titre de M. [GU], de la SARL Productions Alléluia-[E] [GU] et de la SA France Télévisions seront rejetées. XI.3 - S'agissant de l'exécution provisoire 167. Aux termes de l'article 515 du code de procédure civile, dans sa rédaction applicable à la date de l'assignation, "hors les cas où elle est de droit, l'exécution provisoire peut être ordonnée, à la demande des parties ou d'office, chaque fois que le juge l'estime nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire, à condition qu'elle ne soit pas interdite par la loi. Elle peut être ordonnée pour tout ou partie de la condamnation". 168. Eu égard aux termes du jugement, l'exécution provisoire, nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire, sera ordonnée. PAR CES MOTIFS Le tribunal, DÉCLARE M. [E] [GU] irrecevable à agir au titre du droit moral de la chanson "Les yeux d'Elsa"; REJETTE le surplus des demandes des sociétés France Télévisions et Kcraft & Co tendant à voir M. [GU] déclaré irrecevable à agir au titre des droits moraux d'artiste et d'artiste-interprète de [ZA] [N] ; REJETTE la demande de la SARL Kcraft & Co fondée sur le défaut de mise en cause du coauteur de la musique du documentaire litigieux; REJETTE la demande des sociétés France Télévisions et Kcraft & Co fondée sur l'absence de titularité de la SARL Productions Alléluia-[E] [GU] sur les droits d'adaption audiovisuelle des vingt-sept chansons litigieuses ; DÉCLARE la SARL Productions Alléluia-[E] [GU] irrecevable à agir au titre des droits patrimoniaux d'auteur des vingt-sept chansons litigeuses dont [ZA] [N] est auteur ou coauteur ; DÉCLARE la SARL Teme-Éditions Phonographiques irrecevable à invoquer des droits d'exploitation sur les parties du vidéogramme "Star 90" autres que portant sur l'interprétation par [ZA] [N] des oeuvres composant l'album "[N] 91" et en ses demandes sur le fondement du vidéogramme "[N] 95" ; CONDAMNE la SARL Kcraft & Co à payer trois mille euros (3000 €) à la SARL Teme-Éditions Phonographiques à titre de dommages et intérêts en réparation de la contrefaçon des droits patrimoniaux d'auteur du vidéogramme "[N] 85" ; INTERDIT à la SARL Kcraft & Co de diffuser ou d'autoriser toute diffusion du documentaire "[ZA] [N]" incluant les cinq extraits du vidéogramme "[N] 85" litigieux dans le délai de deux mois suivant le présent jugement puis sous astreinte de deux cents euros (200 €) par jour de retard qui courra au maximum pendant cent quatre-vingt jours ; DÉBOUTE M. [E] [GU] de ses demandes en contrefaçon des droits moraux d'auteur et d'artiste-interprète de [ZA] [N], de ses demandes relatives à l'atteinte à son image et en application de l'article 700 du code de procédure civile ; DÉBOUTE la SARL Teme-Éditions Phonographiques de ses demandes en contrefaçons du vidéogramme "des vues d'Antraigues" et en application de l'article 700 du code de procédure civile ; DÉBOUTE la SARL Kcraft & Co de ses demandes en réparation au titre du dénigrement et de l'abus de procédure et en application de l'article 700 du code de procédure civile ; DÉBOUTE la SA France Télévisions de ses demandes en application de l'article 700 du code de procédure civile ; DÉCLARE le jugement commun à M. [WL] [TS] ; CONDAMNE M. [E] [GU] et la SARL Productions Alléluia-[E] [GU], d'une part et la SARL Kcraft & Co, d'autre part, à la moitié des dépens avec droits pour Maître Corinne Pourrinet, avocat au barreau de Paris, de recouvrer ceux dont elle a fait l'avance sans recevoir provision; ORDONNE l'exécution provisoire. Fait et jugé à Paris le 17 mai 2023 La greffière Le président
CAPP/JURITEXT000047878980.xml
JUDICIAIRE 3ème chambre 1ère section No RG 22/00867 No Portalis 352J-W-B7G-CV46E No MINUTE : Assignation du : 12 janvier 2022 rendu le 22 juin 2023 DEMANDERESSE S.A.R.L. MERCENARY PRODUCTION [Adresse 1] [Localité 3] représentée par Me Joséphine COLIN, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE, vestiaire #NAN1701 DÉFENDERESSE S.A.S. MERCENAIRE [Adresse 2] [Localité 4] représentée par Me Claire SIMONIN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C2590 COMPOSITION DU TRIBUNAL Madame Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe Madame Elodie GUENNEC, Vice-présidente Monsieur Malik CHAPUIS, Juge, assistés de Madame Caroline REBOUL, Greffière En présence de Madame Anne BOUTRON, magistrat en stage de pré affectation. A l'audience du 18 avril 2023 tenue en audience publique, avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue le 22 juin 2023. Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire En premier ressort EXPOSÉ DU LITIGE 1. La société RBL Médias est immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris depuis le 27 juillet 2001. Elle a pour activité la création, l'édition et la production de contenus filmographiques et publicitaires notamment destinés à l'industrie du luxe. Au terme d'une assemblée générale extraordinaire du 3 mai 2010, elle a changé sa dénomination sociale pour Mercenary Production. 2. Elle est titulaire de la marque verbale française " Mercenary Production " no 4513682, enregistrée le 8 janvier 2019 pour désigner notamment en classes 35, 38 et 41 les services relatifs à la publicité, à la communication et au divertissement. 3. La société Mercenaire, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris depuis le 20 octobre 2014, se présente comme une agence de talents représentant des photographes, vidéastes, designers. Elle se dit spécialisée dans les domaines de la mode et du luxe. Elle exploite le nom de domaine "www.mercenaire.com" depuis 2015, ainsi que les pages du même nom "Mercenaire" sur les réseaux sociaux Instagram et Facebook . 4. Ayant constaté l'exploitation du signe "Mercenaire" à titre de dénomination sociale, nom commercial et nom de domaine pour des services, selon elle, identiques et similaires à ceux qu'elle propose, la société Mercenary Production a mis en demeure la société Mercenaire par courrier recommandé avec demande d'avis de réception du 28 septembre 2020 de cesser d'utiliser le terme " Mercenaire " à titre de dénomination sociale et de nom commercial. La société Mercenaire lui ayant opposé un refus par courrier du 14 avril 2021, elle a réitéré ses demandes par courrier du 12 mai 2021. 5. C'est dans ce contexte que par acte d'huissier de justice du 12 janvier 2022, la société Mercenary Production a fait assigner la société Mercenaire devant le tribunal judiciaire Paris en contrefaçon de marque. 6. Le 25 octobre 2022, le juge de la mise en état a fait injonction aux parties de rencontrer un médiateur, mais les parties n'ont pas adhéré à une mesure de médiation. 7. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 5 octobre 2022, la société Mercenary Production demande au tribunal de : A titre principal, sur le fondement de la contrefaçon de marque, de: - Faire interdiction à la société Mercenaire d'utiliser le signe "Mercenary Production", en ce expressément compris l'interdiction de tout nouvel usage du signe "Mercenaire" à titre de dénomination sociale, sur ses réseaux sociaux (Facebook, Instagram), sur le site internet www.mercenaire.com, en tant que nom de domaine www.mercenaire.com, et sur tout autre support, et ce sous, astreinte de 150 euros par jour à compter de la signification de la décision à intervenir ; - Ordonner que lui soit transféré le nom de domaine www.mercenaire.com détenu par la société Mercenaire à ses frais, et ce, dans un délai de quinze jours à compter de la signification de l'ordonnance à intervenir ; - Condamner la société Mercenaire à lui payer la somme de dix mille euros (10.000 euros) au titre du préjudice moral subi au titre des actes de contrefaçon de marque ; A titre subsidiaire, elle formule les mêmes demandes cette fois sur le fondement de la concurrence déloyale en raison d'un risque de confusion: - Faire interdiction à la société Mercenaire d'utiliser le signe "Mercenary Production", en ce expressément compris l'interdiction de tout nouvel usage du signe "Mercenaire" à titre de dénomination sociale, sur ses réseaux sociaux (Facebook, Instagram), sur le site internet www.mercenaire.com, en tant que nom de domaine www.mercenaire.com, et sur tout autre support, et ce, sous astreinte de 150 euros par jour à compter de la signification de la décision à intervenir ; - Ordonner que lui soit transféré le nom de domaine www.mercenaire.com détenu par la société Mercenaire à ses frais, et ce, dans un délai de quinze jours à compter de la signification de l'ordonnance à intervenir ; - Condamner la société Mercenaire à lui payer la somme de dix mille euros (10.000 euros) au titre du préjudice moral subi au titre de concurrence déloyale par confusion. En tout état de cause, - Rejeter les demandes reconventionnelles en nullité et en "attribution" de marque verbale française "Mercenary Production" no4513682 et en indemnisation au titre d'une procédure abusive ; - Rejeter la demande de publication judiciaire formulée par la société Mercenaire ; - Condamner la société Mercenaire à lui payer la somme de quatre mille euros (4.000 euros) au titre du préjudice subi au titre des actes de concurrence déloyale par confusion commis entre le 20 janvier 2017 et le 7 janvier 2019 ; - Condamner la société Mercenaire à lui payer la somme de sept mille euros (7.000 euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et à supporter les entiers dépens. 8. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 29 septembre 2022, la société Mercenaire demande au tribunal de : - Dire et juger qu'en déposant la marque "Mercenary Production" en 2019, la société Mercenary Production a porté atteinte à son droit antérieur, sa dénomination sociale étant Mercenaire; En conséquence, - Prononcer la nullité de la marque française Mercenary Production déposée en fraude des droits des tiers, et ce faisant, débouter la société Mercenary Production de l'ensemble de ses demandes sur le terrain de la contrefaçon de marque ; - Dire et juger que la dénomination sociale Mercenaire enregistrée auprès du Registre du Commerce et des Sociétés de Paris le 20 octobre 2014 n'est en aucun cas susceptible d'être confondue avec la marque française Mercenary Production en date du 3 mai 2019 de la société demanderesse, En conséquence, - Débouter la demanderesse de l'ensemble de ses demandes sur le terrain de la contrefaçon de marque, - Dire et juger que la société Mercenary Production n'apporte pas la preuve d'une quelconque activité sous cette dénomination entre 2013 et 2019 ou d'une quelconque confusion avec la société Mercenaire, ou d'agissements parasitaires ou de concurrence déloyale de la part de la concluante, En conséquence, - Débouter la demanderesse de l'ensemble de ses demandes sur le terrain de la concurrence déloyale; - Débouter la demanderesse de l'ensemble de ses demandes, tant sur le terrain de la contrefaçon de marque que sur le terrain de la concurrence déloyale, Subsidiairement, dire et juger que la marque Mercenary Production a été déposée de manière abusive, En conséquence, - Lui attribuer la marque Mercenary Production, - Débouter la demanderesse de l'ensemble de ses demandes sur le terrain du droit des marques, En tout état de cause, - Dire et juger que la procédure introduite par la demanderesse l'a été de manière abusive. Ce faisant, - Condamner la demanderesse à lui verser 1 euro symbolique de dommages-intérêts, - Ordonner la publication judiciaire de la décision à intervenir dans trois journaux ou magazines aux frais avancés du demandeur, dans la limite de 3.000 euros par publication, - Condamner le demandeur à lui verser la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. 9. L'ordonnance de clôture a été rendue le 25 octobre 2022 et l'affaire a été renvoyée à l'audience du 18 avril 2023 pour être plaidée. Sur la demande reconventionnelle en nullité de la marque "Mercenary production" Moyens des parties 10. La société Mercenaire demande au tribunal de prononcer la nullité de la marque "Mercenary Production" sur le fondement des dispositions de l'article L. 711-4 du code de la propriété intellectuelle, au motif que cette marque porte atteinte à sa dénomination sociale antérieure. Rappelant qu'elle utilise le signe Mercenaire comme dénomination sociale et nom de domaine de façon paisible, publique et continue depuis 2015, elle souligne que la société Mercenary Production, qui conclut à l'existence d'un risque de confusion sur le fondement de la contrefaçon de sa marque, ne peut soutenir qu'il n'y a aucun risque de cette nature, en réponse au moyen tiré de la nullité de son signe. Elle rappelle la chronologie des faits, la société Mercenaire ayant été créée cinq ans avant le dépôt de la marque litigieuse et ajoute que la société Mercenary Production ne peut se prévaloir de l'antériorité de sa propre dénomination sociale car elle ne l'a pas utilisée publiquement avant le dépôt de la marque le 8 janvier 2019, seul le signe semi-figuratif " Mercenary Prod " ayant été utilisé en 2012 et 2013. 11. Si elle maintient conclure à l'existence d'un risque de confusion dans l'usage des signes qui sont, selon elle, quasiment identiques sur le plan visuel, auditif et conceptuel pour désigner des services identiques et similaires, la société Mercenary Production demande au tribunal de rejeter la demande de nullité de sa marque et se prévaut de l'antériorité de sa propre dénomination sociale "Mercenary Production", enregistrée le 3 mai 2010, qu'elle soutient exploiter régulièrement depuis son enregistrement. Appréciation du tribunal 12. L'article L. 711-4 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction issue de l'article 73 de la loi no2014-344 du 17 mars 2014 applicable au présent litige, dispose que "Ne peut être adopté comme marque un signe portant atteinte à des droits antérieurs, et notamment :[...] b) A une dénomination ou raison sociale, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public [...]". 13. L'article L.714-3 du code de la propriété intellectuelle, dans sa version applicable à l'espèce, dispose qu' "est déclaré nul par décision de justice l'enregistrement d'une marque qui n'est pas conforme aux dispositions des articles L.711-1 a` L.711-4." 14. En d'autres termes, un signe portant atteinte à des droits antérieurs, et notamment à une dénomination sociale, ne peut être adopté comme marque et est indisponible s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public. 15. Il importe en outre de rappeler que le droit conféré à une personne morale sur sa dénomination sociale s'acquiert non par l'usage, comme c'est le cas du nom commercial, mais par l'adoption dans ses statuts et son immatriculation. La dénomination sociale a ainsi vocation à être défendue contre un dépôt de marque postérieur dès que son titulaire acquiert la personnalité morale, à savoir son immatriculation au registre du commerce et des sociétés, sans démonstration de sa notoriété, ni de son rayonnement. (Cass. com., 5 avr. 2018, no 16-19.655). Lorsqu'une société change de dénomination sociale, le droit naît au jour de l'inscription modificative au registre du commerce et des sociétés 16. En l'espèce, la société Mercenaire, qui invoque l'antériorité de sa dénomination sociale, a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris le 20 octobre 2014 sous la dénomination sociale Mercenaire. Il n'est pas contesté qu'elle en fait un usage public et régulier depuis cette date dans la vie des affaires. 17. Cependant, outre le fait que la société Mercenary production justifie au moyen du procès-verbal des délibérations de l'assemblée générale extraordinaire du 3 mai 2010 déposé au greffe du tribunal de commerce le 29 décembre 2010, avoir changé sa dénomination sociale pour le nom "mercenary production" avant 2014, la société Mercenaire ne démontre pas l'existence d'un risque de confusion entre le signe qu'elle exploite à titre de dénomination sociale et la marque dont est titulaire la société Mercenary production. 18. En effet, il est constant que l'appréciation de l'existence d'un tel risque, qui s'opère globalement, suppose d'effectuer une comparaison entre les signes en présence, par référence au contenu des activités enregistrées lors du dépôt de la marque d'une part, sans tenir compte des conditions d'exploitation des marques ni de l'activité de leur titulaire, avec, d'autre part, les activités effectivement exercées par l'exploitant de la dénomination sociale (voir Cass. com., 5 avr. 2018, no 16-19.655). 19. Au cas d'espèce, les classes de produits et services visées par l'enregistrement de la marque verbale "Mercenary production" sont: En classe 35 Publicité ; gestion des affaires commerciales ; administration commerciale ; travaux de bureau ; diffusion de matériel publicitaire (tracts, prospectus, imprimés, échantillons) ; services d'abonnement à des journaux (pour des tiers) ; services d'abonnement à des services de télécommunications pour des tiers ; présentation de produits sur tout moyen decommunication pour la vente au détail ; conseils en organisation et direction des affaires ; comptabilité ; reproduction de documents ; services de bureaux de placement ; portage salarial ; service de gestion informatisée de fichiers ; optimisation du trafic pour des sites web ; organisation d'expositions à buts commerciaux ou de publicité ; publicité en ligne sur un réseau informatique ; location de temps publicitaire sur tout moyen de communication ; publication de textes publicitaires ;location d'espaces publicitaires ; diffusion d'annonces publicitaires ; conseils en communication (publicité) ; relationspubliques ; conseils en communication (relations publiques) ; audits d'entreprises (analyses commerciales) ; services d'intermédiation commerciale (conciergerie) ; En classe 38 Télécommunications ; informations en matière de télécommunications ; communications par terminaux d'ordinateurs ;communications par réseaux de fibres optiques ; communications radiophoniques ; communications téléphoniques ;radiotéléphonie mobile ; fourniture d'accès utilisateur à des réseaux informatiques mondiaux ; mise à disposition de forumsen ligne ; fourniture d'accès à des bases de données ; services d'affichage électronique (télécommunications) ;raccordement par télécommunications à un réseau informatique mondial ; agences de presse ; agences d'informations(nouvelles) ; location d'appareils de télécommunication ; émissions radiophoniques ; émissions télévisées ; services detéléconférences ; services de visioconférence ; services de messagerie électronique ; location de temps d'accès à desréseaux informatiques mondiaux ; En classe 41 Éducation ; formation ; divertissement ; activités sportives et culturelles ; informations en matière de divertissement ; informations en matière d'éducation ; recyclage professionnel ; mise à disposition d'installations de loisirs ; publication de livres ; prêt de livres ; mise à disposition de films, non téléchargeables, par le biais de services de vidéo à la demande ;production de films cinématographiques ; location de postes de télévision ; location de décors de spectacles ; services dephotographie ; organisation de concours (éducation ou divertissement) ; organisation et conduite de colloques ; organisation et conduite de conférences ; organisation et conduite de congrès ; organisation d'expositions à buts culturels ou éducatifs ;réservation de places de spectacles ; services de jeu proposés en ligne à partir d'un réseau informatique ; services de jeuxd'argent ; publication électronique de livres et de périodiques en ligne" 20. La société Mercenaire, qui se définit comme une agence de talents, a quant à elle, pour objet social la représentation de photographes. Il ressort par ailleurs des pièces versées aux débats, en particulier des captures d'écran des pages des réseaux sociaux (instagram et facebook) lui appartenant, qu'elle exerce également des activités d'agence d'artistes et de " production - photo - video - influence - design - words - concept". 21. De fait, certains services visés par la marque postérieure de la société Mercenary Production se rapportent à un domaine d'activité similaire à celui qu'exerce la société Mercenaire; il s'agit notamment de la publicité, de l'activité de bureau de placement (agent d'artiste), de la production de films cinématographiques ou encore de services de photographie. En revanche, le surplus des activités visées à l'enregistrement de la marque "Mercenary Poduction" ne peut être considéré comme identique ou similaire à l'activité de la société Mercenaire. 22. S'agissant de l'appréciation globale des signes en présence, le signe "Mercenary Production", en ce qu'il comporte deux substantifs, se distingue nettement, sur le plan visuel, du signe "Mercenaire" qui ne comporte qu'un mot. Il en est de même sur le plan auditif, le premier signe comportant sept syllabes tandis que le second, terme unique "Mercenaire", n'en contient que trois. Si les deux syllabes d'accroche sont identiques, les sonorités sont différentes, accentuées par le fait que le signe du demandeur est composé de locutions anglaises. Enfin, sur le plan conceptuel, le terme "mercenaire", qui apparaît distinctif pour désigner les activités précitées, se se comprend aisément comme faisant référence à un "combattant servant un gouvernement étranger", au contraire des mots "mercenary production", en langue anglaise, dont la traduction s'avère moins évidente pour le public pertinent français. Il est par ailleurs souligné que le mot "mercenary" est ici employé comme adjectif qualificatif du mot "production", qui occupe de ce fait une place centrale dans le signe complexe. Cet adjectif vient ainsi qualifier, en langue française, celui "qui ne travaille que pour un salaire, qui est inspiré par la seule considération du gain". Les deux termes renvoient ainsi à des concepts différents. 23. Au vu de l'ensemble des éléments présentés ci-dessus, notamment la similarité partielle des services visés par la marque postérieure et de l'activité de la société Mercenaire et la comparaison des signes concluant à une faible similitude entre eux, le tribunal considère que les différences entre les deux signes sont telles que le public pertinent, dont le degré d'attention est relativement élevé s'agissant ici de professionnels, n'apparaît pas susceptible d'attribuer une origine commune aux services proposés sous les signes "Mercenaire" d'une part et "Mercenary production" d'autre part ; le risque de confusion par le public pertinent doit être écarté. 24. Par conséquent, la demande de nullité de la marque "Mercenary Production" ne peut aboutir sur le fondement de l'article L. 711-4 du code de la propriété intellectuelle. Sur la contrefaçon de la marque Mercenary Production Moyens des parties 25. La société Mercenary Production soutient que les signes sont quasiment identiques sur le plan visuels, similaires sur le plan phonétique, peu important qu'un des signes soit en langue anglaise, et qu'ils sont tout particulièrement proches sur le plan conceptuel, ceci étant de nature à retenir un risque de confusion alors que les domaines d'activités sont fortement similaires. Elle estime démontrer un risque de confusion et expose prouver que la clientèle peut être amenée à confondre les deux entités. Elle conteste avoir cherché à s'approprier le signe "mercenaire" alors que la société du même nom n'est titulaire d'aucune antériorité ni d'aucun droit de propriété intellectuelle sur le signe. 26. La société Mercenaire conclut au rejet des demandes adverses en raison de l'absence de risque de confusion. Elle rappelle que le terme "mercenaire", aisément compréhensible, est régulièrement utilisé dans le milieu artistique, que ce soit en littérature ou dans le cinéma, alors que le terme "mercenary", en langue anglaise, n'est que difficilement compris par le public francophone et se distingue tout particulièrement sur le plan phonétique. Elle précise que l'ajout du mot "production" achève d'écarter tout risque de confusion. Elle estime, en tout état de cause, que cette preuve n'est pas rapportée par la société Mercenary Production et insiste également sur les différences entre les activités exercées. Elle insiste sur l'intervention des deux sociétés dans le cadre d'une même campagne sans qu'il n'y ait eu de confusion de la part de leurs interlocuteurs. Appréciation du tribunal 27. Conformément aux dispositions de l'article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle, " est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l'usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services : 1o D'un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ; 2o D'un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s'il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d'association du signe avec la marque. " 28. L'article L. 713-3-1 du code de la propriété intellectuelle précise que " sont notamment interdits, en application des articles L. 713-2 et L. 713-3, les actes ou usages suivants : 1o L'apposition du signe sur les produits ou sur leur conditionnement ; 2o L'offre des produits, leur mise sur le marché ou leur détention à ces fins sous le signe, ou l'offre ou la fourniture des services sous le signe ; 3o L'importation ou l'exportation des produits sous le signe ; 4o L'usage du signe comme nom commercial ou dénomination sociale ou comme partie d'un nom commercial ou d'une dénomination sociale ; 5o L'usage du signe dans les papiers d'affaires et la publicité ; 6o L'usage du signe dans des publicités comparatives en violation des dispositions des articles L. 122-1 à L. 122-7 du code de la consommation ; 7o La suppression ou la modification d'une marque régulièrement apposée. Ces actes et usages sont interdits même s'ils sont accompagnés de mots tels que : " formule, façon, système, imitation, genre, méthode ". 29. Aux termes des dispositions de l'article L. 716-4 du code de la propriété intellectuelle, l'atteinte portée au droit du titulaire de la marque constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur. Par ailleurs, constitue une atteinte aux droits attachés à la marque la violation des interdictions prévues aux articles L. 713-2 , L. 713-3-3 et au deuxième alinéa de l'article L. 713-4 du code de la propriété intellectuelle. 30. La caractérisation de la contrefaçon est subordonnée à la démonstration de l'usage du signe litigieux dans la vie des affaires, c'est-à-dire dans le contexte d'une activité commerciale visant à un avantage économique (CJUE, 12 nov. 2002, aff. C-206/01, Arsenal) de telle manière que cela porte atteinte aux fonctions de la marque. 31. Interprétant les dispositions de l'article 5 § 1 de la première Directive du Conseil du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des États membres sur les marques (89/104/CEE), dont les dispositions précitées réalisent la transposition en droit interne, la Cour de Justice des Communautés européennes a dit pour droit que, constitue un risque de confusion au sens de ce texte, le risque que le public puisse croire que les produits ou services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d'entreprises liées économiquement (voir arrêt Canon, C-39/97, point 29 ; arrêt Lloyd Schuhfabrik, C-342/97 ). Selon cette même jurisprudence, l'existence d'un risque de confusion dans l'esprit du public doit être appréciée globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce (voir, arrêt SABEL, C-251/95, point 22), cette appréciation globale impliquant une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte (voir arrêt Canon, point 17). 32. L'appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, auditive ou conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l'impression d'ensemble produite par celles-ci, en tenant compte en particulier de leurs éléments distinctifs et dominants. Aux fins de cette appréciation globale, le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée est censé être normalement informé et raisonnablement attentif et avisé (voir, arrêt Gut Springenheide et Tusky, C-210/96, point 31 ; arrêt Lloyd Schuhfabrik, C-342/97, point 26). 33. En l'espèce, il n'est pas discuté que la société Mercenaire fait usage du signe "mercenaire" dans la vie des affaires en l'utilisant comme signe de ralliement de sa clientèle sur son site internet mercenaire.com depuis 2015 et sur les pages qu'elle exploite sous ce nom sur les réseaux sociaux facebook et instagram. 34. Cependant, il a été précédemment démontré que si certaines activités exercées sous ce nom par la société Mercenaire sont en partie similaires à certains services des classes dans lesquelles la marque "Mercenary production" a été enregistrée, la faible proximité des signes sur les plans visuels, auditifs et conceptuels conduit le tribunal à écarter tout risque de confusion par le public pertinent. 35. Dès lors, la société Mercenary Production sera déboutée de l'ensemble de ses demandes fondées sur la contrefaçon de marque. 36. Il n'y a pas lieu d'examiner la demande en revendication de marque qui est formée par la société Mercenaire à titre subsidiaire. Il sera toutefois observé, au surplus, qu'il ressort des éléments produits au dossier et de la chronologie des faits que ce n'est que près de cinq ans après le début de l'activité de la société Mercenaire sous ce signe que la société Mercenary Production, qui ne pouvait ignorer son existence pour évoluer dans le même secteur du luxe et de la mode, a déposé la marque dont elle demande aujourd'hui la protection, alors qu'elle ne justifie nullement l'avoir utilisée avant cette date à titre de marque dans la vie des affaires, pour désigner les services qu'elle propose. Il s'en déduit que cette marque a été déposée, non pas dans le but de participer de manière loyale au libre jeu de la concurrence, mais dans le but de priver la société Mercenaire de la possibilité d'utiliser son signe en invoquant un monopole sur le signe déposé, d'une manière qui s'avère non conforme aux usages honnêtes de la vie des affaire. Sur la concurrence déloyale Moyens des parties 37. La société Mercenary Production invoque les mêmes faits que ceux mis en exergue sur le fondement de la contrefaçon pour étayer sa demande de dommages-intérêts pour concurrence déloyale. Elle estime également que la société Mercenaire a commis des actes de concurrence déloyale dès le 20 janvier 2017 en usant du signe "Mercenaire" alors qu'elle avait des droits antérieurs au titre de sa dénomination sociale. Elle estime que la société Mercenaire a commis une faute en imitant sa dénomination sociale pré-existante, dans un champ d'activité proche destiné à une clientèle de luxe. La situation de concurrence est selon elle renforcée par le fait qu'elles sont localisées dans la même ville, [Localité 5], et qu'elles sont présentes dans la vie des affaires. Elle se prévaut d'un travail en commun sur un projet "Iro" pour soutenir l'existence du risque de confusion. 38. La société Mercenaire estime que cette demande ne peut prospérer en l'absence de démonstration d'un risque de confusion. Elle souligne que les signes sont différents et se prévaut de la différence entre les activités exercées, l'activité d'agence artistique n'étant pas visée lors du dépôt de la marque. Elle ajoute avoir acquis une forte notoriété à laquelle doit se combinerl'important intuitu personae qui prévaut dans le domaine du luxe. Elle invoque une récente collaboration entre les parties pour démontrer l'absence de tout risque de confusion. Appréciation du tribunal 39. Selon les articles 1240 et 1241 du Code civil, "Tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. Chacun est responsable du dommage qu'il a causé, non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence". 40. La concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce et de l'industrie, qui implique qu'un signe ou un produit qui ne fait pas l'objet de droits de propriété intellectuelle puisse être librement reproduit sous certaines conditions tenant à l'absence de faute, laquelle peut être constituée par la création d'un risque de confusion. L'appréciation de cette faute doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée des faits prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l'imitation, l'ancienneté de l'usage, l'originalité et la notoriété. 41. En l'espèce, ainsi que cela a été précédemment démontré, le risque de confusion entre les deux signes utilisés à titre de dénomination sociale comme de marque n'est pas démontré, si bien que la demande de dommages-intérêts sur le fondement de la concurrence déloyale ne peut utilement prospérer. 42. La demande sera rejetée. Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive Moyens des parties 43. La société Mercenaire demande la condamnation de la société Mercenary Production au paiement de la somme de 1 euro pour procédure abusive sur le fondement des dispositions de l'article 32-1 du code de procédure civile, estimant que sa démarche pour s'approprier son nom a été préméditée et qu'elle a été dans l'impossibilité de démontrer le bien fondé de ses demandes. 44. La société Mercenary production s'y oppose, soutenant être tout à fait légitime à se prévaloir de l'usage du signe dûment enregistré pour faire cesser les actes de contrefaçon et demander réparation. Appréciation du tribunal 45. Ester en justice est un droit et ne dégénère en abus pouvant justifier l'allocation de dommages-intérêts que dans les cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur grossière équipollente au dol. Une telle condamnation à dommages-intérêts pour procédure abusive implique donc que soit rapportée la preuve d'une intention malicieuse du demandeur et de la conscience d'un acharnement procédural voué à l'échec. 46. Or, en l'espèce, si l'action de la société Mercenary Production s'est révélée téméraire, la société Mercenaire n'invoque toutefois d'autre préjudice que celui résultant de l'obligation de se défendre, qui fait l'objet d'une demande au titre des frais irrépétibles. 47. Par conséquent, il convient de rejeter la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive formée par la société Mercenaire. Sur la demande de publication judiciaire 48. La société Mercenaire demande au tribunal de procéder à une mesure de publication judiciaire dans trois journaux ou magazines à ses frais avancés. 49. Cependant, elle ne précise pas le fondement juridique de cette demande, alors que l'article L. 716-4-11 du code de la propriété intellectuelle ne l'envisage que comme une mesure d'indemnisation complémentaire en cas de condamnation civile pour contrefaçon. Cette demande sera rejetée. Sur les demandes annexes 50. Succombant en ses demandes, la société Mercenary Production sera condamnée aux dépens de l'instance. 51. Supportant les dépens, elle sera condamnée à payer à la société Mercenaire la somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. 52. La présente décision est exécutoire de droit par provision. PAR CES MOTIFS LE TRIBUNAL, DÉBOUTE la société Mercenaire de sa demande de nullité de la marque "Mercenary Production"; DÉBOUTE la société Mercenary Production de l'ensemble de ses demandes fondées sur la contrefaçon de marque et la concurrence déloyale; DÉBOUTE la société Mercenaire de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive; REJETTE la demande de publication de la décision; CONDAMNE la société Mercenary Production aux dépens de l'instance; CONDAMNE la société Mercenary Production à payer à la société Mercenaire la somme de 5.000 euros (cinq mille euros) sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile; RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de droit par provision. Fait et jugé à Paris le 22 juin 2023 LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
CAPP/JURITEXT000047878981.xml
JUDICIAIRE 3ème chambre 2ème section No RG 18/12513 No Portalis 352J-W-B7C-COCOU No MINUTE : Assignation du : 09 Juillet 2018 rendu le 12 mai 2023 DEMANDERESSE Société CANADA GOOSE INTERNATIONAL AG [Adresse 6] [Localité 7] (SUISSE) représentée par Maître Olivia BERNARDEAU-PAUPE du PARTNERSHIPS DECHERT (Paris) LLP, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #J0033 DÉFENDEURS S.A.S.U ARTEXTYL [Adresse 3] [Localité 4] S.A.S. ROYAL BRAND MAKERS [Adresse 1] [Localité 5] S.A.S. SUPER BRAND LICENCING [Adresse 3] [Localité 4] Monsieur [G] [W] [Adresse 2] [Localité 4] représentés par Maître Annette SION du cabinet HOLLIER-LAROUSSE & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0362 COMPOSITION DU TRIBUNAL Madame Irène BENAC, Vice-Présidente Madame Elodie GUENNEC, Vice-présidente Monsieur Arthur COURILLON-HAVY, Juge assisté de Monsieur Quentin CURABET, Greffier en présence de Madame Anne BOUTRON, magistrat en formation A l'audience du 06 Janvier 2023 tenue en audience publique devant Irène BENAC et Arthur COURILLON-HAVY, juges rapporteurs, qui sans opposition des avocats ont tenu seuls l'audience, et après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile. Avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe, en dernier lieu, le 12 Mai 2023. Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire En premier ressort EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE 1. La société de droit suisse Canada goose international AG (la société Canada goose) reproche à M. [W] et aux sociétés Artextyl, Super brand licencing et Royal brand maker, que celui-ci dirigeait jusqu'en 2018, d'avoir contrefait ses marques pour avoir commercialisé depuis 2013 des vêtements revêtus d'écussons semi-figuratifs ‘Geographical Norway' (faits reprochés aux deux premiers) et des vêtements revêtus de marques verbales ‘Stone goose' (faits reprochés aux deux dernières et à M. [W]). Elle demande également la nullité des marques Stone goose. 2. Elle invoque les marques de l'Union européenne suivantes, dont elle est titulaire : - la marque figurative ‘Canada Goose Arctic Program' représentée ci-dessous, numéro 010494979, déposée le 15 décembre 2011 et enregistrée le 17 mai 2012 pour désigner divers produits en classes 18 et 25, dont des vêtements (ci-après ‘la marque figurative Canada goose') - la marque verbale ‘Canada goose' numéro 003898021, déposée le 25 juin 2004 et enregistrée le 30 aout 2005 (renouvelée depuis) pour désigner notamment des « Vêtements et vêtements d'extérieur » en classe 25 (ci-après ‘la première marque verbale Canada goose'). - la marque verbale ‘Canada goose' numéro 014395602, déposée le 22 juillet 2015 par un tiers, qui l'a finalement transférée à la société Canada goose dans le cadre de la procédure d'opposition formée par celle-ci ; marque enregistrée le 5 mars 2018 pour désigner divers produits en classes 9, 14 et 18 (ci-après ‘la seconde marque verbale Canada goose'). 3. La société Super brand licensing, codéfenderesse, est titulaire des marques verbales françaises ‘Stone Goose' numéro 4408740, déposée le 29 novembre 2017, et numéro 4447822, déposée le 20 avril 2018. Elle les a acquises le 10 avril 2019 de M. [W], qui les avait déposées. 4. Un premier litige né en 2015 concernant l'usage de signes semi-figuratifs Geographical norway a donné lieu à une transaction par laquelle M. [W] et la société Artextyl s'engageaient à cesser l'usage de ces signes et de tout signe similaire. 5. Exposant avoir découvert la reprise de cet usage, et l'usage d'autres signes similaires à sa marque figurative, la société Canada goose a assigné la société Artextyl et M. [W], à titre personnel, en contrefaçon de marque, le 9 juillet 2018, après avoir fait pratiquer une saisie-contrefaçon le 7 juin 2018, saisie dont la rétractation a été demandée mais rejetée par ordonnance du 6 juin 2019. Puis la société Canada goose a assigné en intervention forcée les sociétés Super brand licensing et Royal brand maker le 15 février 2021. L'instruction a été close le 15 septembre 2022. 6. Dans ses dernières conclusions (30 juin 2022) la société Canada goose résiste aux demandes reconventionnelles et demande elle-même de : - prononcer la nullité des marques verbales françaises Stone Goose numéros 4408740 et 4447822, - condamner in solidum M. [W] et la société Artextyl à lui verser 1 million d'euros de dommages et intérêts provisionnels pour la contrefaçon de la marque figurative Canada goose ; - condamner in solidum M. [W] et les sociétés Super brand licensing et Royal brand maker à lui verser 1,5 million d'euros de dommages et intérêts provisionnels pour la contrefaçon de la première marque verbale Canada Goose, - subsidiairement, de condamner M. [W] à lui verser 1 million d'euros de dommages et intérêts provisionnels pour parasitisme, - des mesures d'interdiction, de rappel et de destruction des produits litigieux et de publication du présent jugement, le tout sous astreintes dont le tribunal doit se réserver la liquidation, - d'ordonner aux sociétés défenderesses la communication de documents au titre du droit d'information pour évaluer son préjudice, sous astreinte également ; - outre l'exécution provisoire, 100 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile de la part des défendeurs, in solidum, et les dépens, à recouvrer par son avocat. 7. Dans leurs dernières conclusions (26 août 2022), les sociétés Artextyl, Royal brand makers et Super brand licensing et M. [W] soulèvent l'irrecevabilité des demandes fondées sur les faits ayant fait l'objet de la transaction, résistent à l'ensemble des demandes, et demandent eux-mêmes de prononcer la nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 7 juin 2018, outre 30 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens. MOTIVATION I . Demande en nullité des marques verbales françaises Stone Goose Moyens des parties 8. La société Canada goose soutient que les marques Stone goose sont nulles car elles créent un risque de confusion avec ses marques Canada goose ; qu'en effet, les produits sont identiques ; que, s'agissant des signes, le terme goose en est l'élément distinctif et dominant car il est dépourvu de signification aux yeux du public français dès lors qu'il ne fait pas partie du vocabulaire anglais basique, contrairement aux termes Canada et stone ; que l'EUIPO l'a déjà jugé s'agissant du public espagnol (B 3 079 990) ; que ces signes sont fortement similaires tant visuellement, phonétiquement que conceptuellement car ils ont la même structure, sont composés de deux mots de longueur comparable, le premier comprenant la lettre N au milieu, le second étant le même terme goose ; que stone, « pierre », peut renvoyer à la couleur grise des vêtements ; qu'ainsi Stone et Canada ne seront perçus que comme le qualificatif de l'élément distinctif goose, étant précisé que chaque élément sera appréhendé de façon individuelle par le consommateur ; que le Tribunal de l'Union européenne a retenu le risque de confusion entre une marque ‘Smart wings' et une marque antérieure ‘Euro wings' (T-72/08) ; que la société Super brand licencing a d'ailleurs elle-même soutenu en 2019 devant l'EUIPO que stone était fortement évocateur et que goose était fortement distinctif et visuellement fort ; que le risque de confusion est par ailleurs accru du fait de la renommée des marques Canada goose, le consommateur pouvant notamment penser que Stone goose est une déclinaison de Canada goose. 9. Les défendeurs répondent que les marques en cause étant verbales, aucun des termes ne saurait être considéré comme prédominant, outre qu'il faut analyser l'impression d'ensemble, donc sans scinder les marques artificiellement et sans négliger aucune partie ; que toutefois, c'est au terme d'attaque (le premier terme) dans un ensemble que le public accorde le plus d'attention. Ils considèrent par ailleurs que le terme « goose », qui signifie « oie » en anglais et renvoie aux plumes ou duvet utilisés dans les manteaux d'hiver, est connu du public français, l'anglais étant la première langue enseignée à l'école, comme cela a déjà été jugé pour le public allemand (B 3 087 369), et bien que le contraire ait été retenu pour le public espagnol, qui est différent, et au demeurant par rapport à une marque antérieure différente (‘Stones'). Ils font valoir, dans ce cadre, que les termes Canada et Stone sont visuellement et phonétiquement radicalement différents ; que conceptuellement, les signes Canada goose et Stone goose renvoient à des notions différentes, le second pouvant évoquer un jeu de mot entre les pierres, lourdes, tandis que les oies évoquent l'air et la légèreté ; qu'on ne peut voir dans le second une déclinaison du premier, dès lors que la demanderesse ne justifierait pas de l'existence d'une famille de marques ou de déclinaisons existantes ; enfin que la marque Canada goose est bien connue du public, ce qui exclurait aussi le risque de confusion. Réponse du tribunal 10. L'article 4 de la directive 2008/95 rapprochant les législations des États membres sur les marques régit la nullité d'une marque à raison d'un risque de confusion avec une marque antérieure dans les termes suivants : « 1. Une marque est refusée à l'enregistrement ou, si elle est enregistrée, est susceptible d'être déclarée nulle: b) lorsqu'en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque antérieure et en raison de l'identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion qui comprend le risque d'association avec la marque antérieure. 2. Aux fins du paragraphe 1, on entend par «marques antérieures»: a) les marques dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de marque, compte tenu, le cas échéant, du droit de priorité invoqué à l'appui de ces marques, et qui appartiennent aux catégories suivantes: i) les marques communautaires, 11. Ces dispositions ont été transposées en droit interne, en des termes qui ne leur sont pas incompatibles, par les article L. 714-3 et L. 711-4 du code de la propriété intellectuelle, dans leur rédaction antérieure au 15 décembre 2019. 12. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice que, au sens de ce texte (ainsi que des textes antérieurs, en substance identiques) et des textes relatifs au droit conféré par la marque, qui reçoivent une interprétation uniforme, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d'entreprises liées économiquement (CJCE, 29 septembre 1998, Canon, C-39/97, point 29 ; CJCE, 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik, C-342/97). L'existence d'un risque de confusion dans l'esprit du public doit être appréciée globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce (CJCE, 11 novembre 1997, Sabel, C-251/95, point 22), cette appréciation globale impliquant une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte (arrêt Canon, point 17). 13. L'appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, auditive ou conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l'impression d'ensemble produite par celles-ci, en évaluant l'importance qu'il convient d'attacher à ces différents éléments, en tenant compte en particulier de leurs éléments distinctifs et dominants, et au regard de la catégorie de produits ou services en cause (par exemple, arrêt Lloyd Schuhfabrik, précité). Aux fins de cette appréciation globale, le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée est censé être normalement informé et raisonnablement attentif et avisé (CJCE, 16 juillet 1998, Gut Springenheide et Tusky, point 31). 14. Enfin, pour apprécier la similitude entre des produits ou des services, les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre ces produits ou ces services incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire (arrêt Canon, C-39/97, précité, point 23). 15. La société Super brand licencing, titulaire des marques dont la nullité est demandée, ne conteste pas que l'ensemble des produits pour lesquels elles sont enregistrées sont identiques ou très similaires à ceux pour lesquels sont enregistrées les marques verbales Canada goose, à savoir : pour la marque 4408740 - classe 18 : « Cuir et imitations du cuir; peaux d'animaux; malles et valises; parapluies, parasols et cannes; fouets et sellerie; portefeuilles; porte-monnaie; porte-cartes de crédit (portefeuilles); sacs; coffrets destinés à contenir des affaires de toilette; colliers ou habits pour animaux; filets à provisions ; » - classe 25 : « Vêtements, chaussures, chapellerie; chemises; vêtements en cuir ou en imitation du cuir; ceintures (habillement); fourrures (vêtements); gants (habillement); foulards; cravates; bonneterie; chaussettes; chaussons; chaussures de plage, de ski ou de sport; sous-vêtements » et pour la marque 4447822, les mêmes produits, auxquels s'ajoutent : - classe 24 : « Tissus; couvertures de lit; tissus à usage textile; tissus élastiques; velours; linge de lit; linge de maison; linge de table non en papier; linge de bain (à l'exception de l'habillement) ; » 16. Il est constant que le public de ces produits est le grand public. 17. Les marques en litige ont en commun d'être constituées de deux mots, dont le second est goose. Les parties s'opposent sur la compréhension de ce mot par le public français. Aucune n'apporte de preuve à cet égard, mais il peut être observé qu'il ne s'agit pas d'un mot transparent pour un locuteur francophone, ni d'un mot usuel susceptible d'être régulièrement employé dans des communications simples. Il faut alors retenir que seule la partie la plus anglophone du public français connait le sens de ce mot, et que dans l'ensemble le public pertinent ne l'associera pas spontanément à une oie. Ce terme est pour autant aisément prononçable par un français familiarisé à la prononciation anglaise du double o. Il est donc normalement distinctif. 18. Le terme Canada est, comme le soulève la société demanderesse, susceptible de désigner l'origine géographique du produit. Il est donc faiblement distinctif dans l'ensemble composé par la marque. Le mot stone (pierre) peut également désigner par métaphore la couleur de certains vêtements (les jeans) ; il est donc faiblement distinctif à cet égard, quoique sa compréhension première, même pour les produits en cause, reste de façon générale l'évocation de la pierre elle-même. 19. Néanmoins, le premier terme d'une marque verbale est celui auquel le public attache le plus d'attention. Or ici, visuellement, phonétiquement et conceptuellement, le terme d'accroche de chaque marque n'a rien de semblable : l'un est de trois syllabes, l'autre d'une, seule une lettre (n) est commune, et qui n'est pas au milieu du mot contrairement à ce qu'affirme la société Canada goose ; enfin l'un renvoie à un État, l'autre à une matière naturelle. 20. En outre, les termes Canada et stone, bien que plus faiblement distinctifs que le second terme, goose, forment dans chaque cas avec lui un groupe nominal cohérent (le goose du Canada, ou le goose de pierre) qui renforce, dans l'esprit du public, la prise en compte de la marque comme un tout et non comme l'apposition de deux éléments distincts, ce qui relativise corrélativement l'effet de l'identité du deuxième terme dans chaque marque. 21. Ainsi, prises dans leur ensemble, les marques, qui n'ont en commun que le second mot, le plus court à lire et à prononcer, ne sont que faiblement similaires visuellement et phonétiquement. Conceptuellement, elles ne sont pas similaires, dès lors que le public pertinent ne sait pas ce que veut dire goose et que le mot d'attaque procède à une qualification radicalement différente dans chaque cas. 22. Enfin, si la marque Canada goose jouit d'une distinctivité élevée du fait de sa relative renommée auprès du public pertinent, elle en jouit dans son ensemble, et non seulement sur sa deuxième partie. 23. Dans ce cadre, le terme goose n'est pas à ce point distinctif à lui seul, comparé à l'élément d'attaque de la marque, pour que tout autre emploi de ce terme soit perçu comme une déclinaison de la marque. Au contraire, seul un ajout, avant ou après les deux termes composant la marque, ou une substitution du premier terme par un autre visuellement, phonétiquement ou conceptuellement similaire (un autre qualificatif géographique par exemple) pourrait amener le public à y voir une déclinaison de la marque Canada goose ou une association avec elle. La substitution de Canada par Stone entraine un changement bien trop important pour avoir cet effet. 24. Il en résulte que, même enregistrées pour des produits identiques, les marques en cause sont trop peu similaires pour qu'existe un risque de confusion, y compris par une association ou une croyance dans une déclinaison de la marque antérieure. Le moyen de nullité est par conséquent infondé, et la demande en ce sens, rejetée. II . Demande reconventionnelle en nullité de la saisie-contrefaçon du 7 juin 2018 Moyens des parties 25. Les défendeurs font valoir que l'ordonnance de saisie-contrefaçon du 9 mai 2018 n'autorisait l'huissier qu'à appréhender les « produits litigieux », notion vague que le juge de la rétractation a certes jugé suffisante, mais dont il aurait aussi donné la portée dans son ordonnance du 6 juin 2019, portée que l'huissier a excédée selon eux en réalisant un reportage photographique de tous les vêtements revêtus d'un signe Geographical Norway, même ceux qui n'avaient aucun lien avec la marque figurative Canada goose, ce qui devrait entrainer l'annulation entière du procès-verbal. 26. La société Canada goose répond qu'il est consubstantiel aux ordonnances de saisie-contrefaçon de laisser à l'huissier un pouvoir d'appréciation de la situation et que la question de savoir si les produits décrits et saisis par l'huissier sont effectivement contrefaisants relève du débat de fond. En tout état de cause, selon elle, le fait pour l'huissier de commettre une erreur d'appréciation n'entraine pas la nullité du procès-verbal. Réponse du tribunal 27. Lors de la saisie-contrefaçon du 7 juin 2018 (pièce Canada goose no32), l'huissier a décrit 9 produits différents, dans plusieurs déclinaisons de couleur, a pris 96 photographies de divers produits, puis a saisi des produits (qui ne sont pas précisément identifiés) en en payant le prix. 28. L'ordonnance autorisant la saisie-contrefaçon (pièce Canada goose no31) autorisait l'huissier à « procéder (...) à la saisie par voie de description détaillée (...) des produits litigieux revêtus des signes litigieux et portant atteinte aux droits de la requérante sur la [marque figurative Canada goose] ». Cette formulation renvoyait nécessairement à des signes identifiés dans la requête, n'autorisant ainsi l'huissier qu'à décrire les produits revêtus de ces signes, ou de déclinaisons de ces signes. Il est constant que les signes identifiés dans la requête sont ceux identifiés par les défendeurs au principal dans leurs conclusions, page 6. Une marge d'appréciation est inévitable lors de l'exécution de la saisie, dont le but est au demeurant la recherche de preuves, ce que l'ordonnance n'a pas entendu interdire ou restreindre de façon particulière. Il était ainsi seulement possible de décrire des vêtements revêtus d'un signe circulaire composé d'une bande de texte en périphérie et de l'Australie (ou autre masse continentale semblable) au centre. La description par texte et photographie des produits qui n'en était pas revêtus, non autorisée, est donc nulle. 29. En principe, le vice affectant une partie seulement du procès-verbal n'entraine pas la nullité de l'acte entier si elle est séparable. Ici, bien que la description ne fasse pas référence clairement aux photographies, qui seules permettent de savoir quel est le signe qui était apposé sur les vêtements correspondants, il est tout de même possible de comprendre que le produit visible sur les photographies 1 à 6, qui ne contient aucun signe susceptible d'être pris pour le signe litigieux, est le produit numéro 1 de la description ; en effet, les seuls signes circulaires présents sur ce produit ou son étiquette contiennent soit la représentation du Royaume-Uni, radicalement différent de la forme de l'Australie, soit un disque sans forme identifiable. Toutes les autres photographies, qui concernent des produits sur lesquels sont apposés des signes circulaires composés d'une bande de texte en périphérie, de l'Australie au centre et des mots Geographical Norway par dessus, qui peuvent donc s'assimiler à des « signes litigieux » au sens de l'ordonnance, se rapportent aux 8 autres produits décrits. Il en résulte que le procès-verbal doit seulement être cancellé de la partie concernant le premier produit, c'est-à-dire de la 3e page (les pages ne sont pas numérotées), à partir de « le premier produit saisi », à la 4e page, jusqu'à « je prends 6 clichés photographiques de ce modèle. », ainsi que des photos correspondantes. 30. L'ordonnance autorisait ensuite l'huissier à « procéder (...) à la saisie réelle en un exemplaire, contre offre de paiement de leur prix (...) de chacun des produits revêtus de l'un ou l'autre des signes portant atteinte aux droits de la requérante sur la [marque figurative Canada goose] ». Les produits saisis contre paiement de leur prix sont ceux qui ont été décrits. La saisie réelle du premier produit doit donc être annulée. 31. Et la demande en nullité est rejetée pour le surplus. III . Demandes fondées sur l'atteinte à la marque verbale Canada goose 1 . Atteinte au droit conféré par la marque Moyens des parties 32. La société Canada goose reproche aux sociétés Super brand licensing et Royal brand maker la contrefaçon de sa marque verbale Canada goose du fait de l'usage du signe Stone goose. Elle soutient que les produits sont similaires et renvoie à ses développements sur la demande de nullité des marques Stone goose pour la démonstration de la similarité des signes et l'existence du risque de confusion. 33. Subsidiairement, elle soutient que le terme goose pour désigner des parkas au sein d'une combinaison verbale ayant la même structure que la marque Canada goose évoquera immédiatement cette dernière dans l'esprit du public, et que cela non seulement génère un profit indu en permettant d'attirer l'attention du consommateur de profiter de l'image de qualité associée à la marque, mais lui cause aussi un préjudice tenant à l'avilissement et la dilution du caractère distinctif de la marque. 34. Les sociétés Super brand licensing et Royal brand maker contestent toute contrefaçon au motif que les signes en cause présentent des différences qui excluent tout risque de confusion, les consommateurs accordant plus d'importance au terme d'attaque. Elles ajoutent que la connaissance par les consommateurs de la marque Canada goose et le fait que les produits en cause ne soient pas vendus dans les mêmes points de vente excluent d'autant plus l'existence d'un risque de confusion. 35. Contre le moyen tiré de la renommée, les défenderesses contestent l'existence d'un lien au regard de l'absence de similitude entre les signes, ainsi que le profit indu ou le préjudice qui serait causé, faisant valoir notamment que la demanderesse ne justifie pas sa qualité supérieure et est en croissance constante. Réponse du tribunal 36. Le droit conféré par les marques de l'Union européenne est prévu par le règlement 2017/1001, à son article 9, rédigé en ces termes : « 1. L'enregistrement d'une marque de l'Union européenne confère à son titulaire un droit exclusif. 2. Sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité d'une marque de l'Union européenne, le titulaire de cette marque de l'Union européenne est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d'un signe pour des produits ou services lorsque : a) ce signe est identique à la marque de l'Union européenne et est utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée; b) ce signe est identique ou similaire à la marque de l'Union européenne et est utilisé pour des produits ou services identiques ou similaires aux produits ou services pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public; le risque de confusion comprend le risque d'association entre le signe et la marque; c) ce signe est identique ou similaire à la marque de l'Union européenne, indépendamment du fait que les produits ou services pour lesquels il est utilisé soient identiques, similaires ou non similaires à ceux pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée, lorsque celle-ci jouit d'une renommée dans l'Union et que l'usage de ce signe sans juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque de l'Union européenne ou leur porte préjudice. » 37. L'atteinte au droit conféré par la marque de l'Union européenne est qualifiée de contrefaçon, engageant la responsabilité civile de son auteur, par l'article L. 717-1 du code de la propriété intellectuelle. 38. Il est constant que la société Royal brand maker fait usage, dans la vie des affaires, dans l'Union européenne (territoire sur lequel l'interdiction est demandée), du signe verbal Stone goose, décliné également sous plusieurs formes semi-figuratives, pour désigner des vêtements, dont des parkas. a. Risque de confusion 39. Il a été démontré (ci-dessus, partie I.) que ce signe, pour des vêtements, ne créait pas de risque de confusion à l'égard de la marque verbale Canada goose, dans l'esprit du public français. Dans le reste de l'Union européenne, dont au moins une langue officielle est l'anglais, le public anglophone verra une ressemblance conceptuelle dans la mesure où la marque et le signe concernent tous deux une « oie ». La ressemblance reste toutefois faible entre une « oie du Canada » et une « oie de pierre », et l'effet de cette ressemblance conceptuelle est compensé par le lien fait entre cet animal et le duvet susceptible de composer certains vêtements, comme les manteaux. Enfin, rien n'est allégué dans l'usage de ce signe qui pourrait modifier cette analyse. Aucun risque de confusion n'est donc établi, de sorte qu'aucune atteinte au droit conféré par la marque n'est caractérisée à l'égard de l'article 9, paragraphe 2, sous b). b. Atteinte à la renommée 40. Il résulte de l'article 16, paragraphe 2, du règlement 2017/1001, et de l'article 18, paragraphe 1, de la directive 2015/2436, qui renvoient à l'article 8 de cette directive, que la date d'appréciation de la renommée de la marque antérieure lorsqu'elle est opposée à une marque enregistrée postérieurement n'est pas la date des faits d'usage litigieux, mais celle de la demande d'enregistrement de la marque postérieure, si à cette date elle était plus faible. Toutefois, au cas présent, les parties n'allèguent pas que la renommée de la marque verbale Canada goose se soit accrue depuis novembre 2017 ou avril 2018. 41. Les défendeurs ne contestent pas que la marque verbale Canada goose est renommée dans l'Union européenne pour les produits pour lesquels elle est enregistrée, c'est-à-dire les « vêtements et vêtements d'extérieur, à savoir manteaux, vestes, pulls, blouses, gilets, chemises, pantalons et anoraks ». Cette renommée résulte de ce que cette marque fait l'objet depuis plus de 10 ans d'une exploitation commerciale relativement importante, d'une couverture médiatique favorable, et d'une publicité qui compense en partie sa faible part de marché, les prix très élevés pratiqués (de 700 à 1 000 euros pour un manteau) la limitant à une frange réduite du public pertinent des produits concernés (c'est-à-dire le grand public). Ces éléments montrent aussi que la renommée de la marque Canada goose reste modérée : l'exploitation commerciale alléguée concerne un nombre de points de vente non négligeable en valeur absolue, notamment en France et en Allemagne (environ 200), mais qu'il faut rapporter à l'ensemble du marché des produits concernés (les vêtements) sur ces territoires qui sont les deux plus peuplés de l'Union ; la couverture médiatique favorable reste ponctuelle, et rien n'indique que la publicité donnée à la marque la place sensiblement au-dessus d'autres marques relativement bien identifiées par le public dans ce secteur très concurrentiel. Atteinte à la renommée 42. Le juge qui considère que la condition tirée de la renommée est remplie doit procéder à l'examen de la seconde condition prévue au texte, à savoir l'existence d'une atteinte sans juste motif à la marque antérieure ; à cet égard, il convient d'observer que plus le caractère distinctif et la renommée de celle-ci seront importants, plus l'existence d'une atteinte sera aisément admise (CJCE, 14 septembre 1999, General Motors Corporation, C-375/97, point 30). 43. L'atteinte peut être de trois types : premièrement, le préjudice porté au caractère distinctif de la marque antérieure, deuxièmement, le préjudice porté à la renommée de cette marque et, troisièmement, le profit indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de ladite marque (CJCE, 27 novembre 2008, Intel corporation, C-252/07, point 27). 44. Une telle atteinte suppose (sans que cela suffise à la caractériser) qu'en raison d'un certain degré de similitude entre les signes, le public concerné effectue un rapprochement entre eux, c'est-à-dire qu'il établisse un lien, même s'il ne les confond pas. L'appréciation de ce lien repose notamment sur le degré de similitude entre les signes, le degré de ressemblance ou de dissemblance entre les produits ou services, le public concerné, l'intensité de la renommée, le degré de caractère distinctif de la marque (CJCE, Intel, précité, points 30 et 31, et point 42). 45. Ces critères font également partie des facteurs pertinents pour apprécier plus généralement l'existence (ou le risque) d'une atteinte (CJCE, Intel, précité, point 68). 46. Au cas présent, les consommateurs de vêtements et vêtements d'extérieur, confrontés au signe Stone goose, sont susceptibles d'effectuer un rapprochement avec la marque verbale Canada goose, qu'ils connaissent déjà pour les mêmes produits, au regard de l'identité du deuxième terme qui les compose. 47. Néanmoins, la renommée de la marque n'est pas telle que la reprise du seul terme goose (sans le terme d'accroche Canada) suffise à attribuer à tout autre usage qui l'inclurait, quel qu'il soit, une aura empruntée à la marque. Et, ici, la faible similitude entre le signe Stone goose et la marque Canada goose (démontrée ci-dessus, points 17 à 23, et point 39) ne permet pas, à cet égard, d'établir une influence sur le choix des consommateurs, que rien n'incite à choisir un produit Stone goose du seul fait qu'ils connaissent déjà l'existence de la marque Canada goose. Il n'y a donc pas de profit indu. 48. Il en résulte également que l'éventuelle qualité inférieure des produits Stone goose (à la supposer établie) n'a pas de répercussion sur la renommée de la marque Canada goose ; et que cette marque ne voit pas son caractère distinctif affaibli du fait de l'usage de ce signe. 49. L'atteinte alléguée à la renommée de la marque verbale Canada goose n'est donc pas caractérisée. 50. Par conséquent, en l'absence d'atteinte au droit conféré par la marque, les demandes en dommages et intérêts, interdiction, rappel, droit d'information et publication du fait de l'usage du signe Stone goose sont rejetées. IV . Demandes fondées sur l'atteinte à la marque figurative Canada goose 1 . Fin de non-recevoir tirée de la transaction conclue entre les parties Moyens des parties 51. Les défendeurs soulèvent l'irrecevabilité de la société Canada goose en ses demandes fondées sur « des faits ayant fait l'objet du protocole transactionnel du 29 décembre 2015, en application de l'article 2052 du code civil » (conclusions en défense, dispositif). Les faits invoqués à cet égard sont d'une part le dépôt en 2015 par M. [W] de marques semi-figuratives ‘Geographical Norway' (conclusions en défense p. 47), d'autre part de façon générale le paiement d'une indemnité à la société Canada goose, sans préciser les faits à l'origine du préjudice que cette indemnité devait réparer (p. 51). La transaction de 2015 est évoquée par ailleurs dans la discussion sur la contrefaçon, mais non pour en soulever l'autorité de la chose jugée, simplement en tant qu'indice de ce que la demanderesse aurait par le passé estimé les signes litigieux comme non contrefaisants (ce qui sera donc examiné au fond). 52. La société Canada goose répond que les défendeurs ne peuvent se prévaloir de la transaction dès lors qu'ils ne l'ont pas exécutée eux-mêmes, en ne respectant pas l'obligation de cesser d'utiliser le logo correspondant à la demande de marque Geographical Norway de 2015, ou tout autre signe similaire à celle-ci ou à la marque figurative Canada goose. Réponse du tribunal 53. En vertu de l'article 2052 du code civil, la transaction fait obstacle à l'introduction ou à la poursuite entre les parties d'une action en justice ayant le même objet. Toutefois, elle ne met fin au litige que sous réserve de son exécution, et ne peut être opposée par l'une des parties que si celle-ci en a respecté les conditions (Cass. 1re Civ., 12 juillet 2012, no09-11.582, cité par la société Canada goose). 54. Aux termes de la transaction (pièce Canada goose no11), M. [W] et la société Artextyl s'engageaient à retirer trois demandes de marques litigieuses, à payer une indemnité de 5 000 euros, et à ne pas faire usage de signes similaires à la marque figurative Canada goose. 55. Or la société Artextyl admet avoir fait usage d'un certain nombre de signes (conclusions en défense, pp. 20-22), dont quelques-uns sont similaires à la marque figurative Canada goose (cf ci-dessous points 68 et 70). Elle a ainsi manqué à ses obligations et ne peut donc se prévaloir de la transaction. 56. S'agissant de M. [W], il n'est pas contesté qu'il a retiré les demandes de marques visées par la transaction et que le paiement de l'indemnité a été fait. Les seuls faits d'usage de signes similaires à la marque, postérieurs à la transaction, allégués contre lui par la société Canada goose, sont des faits commis en tant que dirigeant de la société Artextyl (conclusions de la société Canada goose, p. 58). Il ne peut ainsi être recherché qu'au titre de la responsabilité personnelle du dirigeant (ci-dessous, partie 3.). Dans la mesure où c'est bien sous cet angle qu'est formée la demande en contrefaçon, celle-ci est recevable également à l'égard de M. [W]. 57. Par conséquent, la fin de non-recevoir est écartée. 2 . Atteinte au droit conféré par la marque Moyens des parties 58. La société Canada goose soutient que la société Artextyl et M. [W] ont commis des actes de contrefaçon de sa marque figurative en faisant usage de signes semi-figuratifs Geographical Norway. Elle fait valoir que les produits sont identiques, que les signes sont fortement similaires, les éléments figuratifs étant dans les deux cas dominants. Or, selon elle, le logo litigieux reprend les éléments figuratifs distinctifs et renommés de la marque invoquée. Elle conclut qu'il existe un risque de confusion entre les signes qui est renforcé par la renommée de la marque et le fait que les logos litigieux soient apposés sur la manche des vêtements, comme la marque figurative Canada goose. 59. En réponse aux défendeurs sur la distinctivité de la marque invoquée, la société Canada goose estime inopérant le fait que l'usage d'un écusson sur des vêtements soit courant, l'originalité n'étant pas un critère en matière de droit des marques, et l'existence d'un logo tiers similaire à une marque enregistrée n'ayant aucune incidence sur la distinctivité de celle-ci. S'agissant de l'utilisation à titre de marque, elle répond que les consommateurs sont habitués à identifier l'origine commerciale d'un vêtement par les logos qui y sont apposés ; que M. [W] avait procédé au dépôt du logo en cause comme marque avant de retirer sa demande ; et que le logo litigieux est reproduit non seulement sur les vêtements mais aussi sur leurs étiquettes, confirmant leur vocation d'indication d'origine commerciale. Ainsi, selon elle, les défendeurs ne peuvent soutenir que ce logo n'est pas utilisé à titre de marque. 60. La société Artextyl et M. [W] répliquent tout d'abord que les éléments figuratifs de la marque invoquée ne présentent pas de caractère distinctif pour désigner les produits visés au dépôt dès lors qu'il existe de nombreux logos de forme circulaire présentant au centre une forme géographique en blanc sur fond bleu et des inscriptions autour, et qu'en particulier, la marque figurative Canada goose est la reprise de l'intégralité des caractéristiques de l'écusson des expéditions polaires américaines. Ainsi, selon eux, le caractère distinctif résulte seulement de la dénomination « Canada Goose Arctic Program » d'un côté et « Geographical Norway » de l'autre. 61. Ils ajoutent que le signe litigieux n'est pas utilisé à titre de marque et ne porte donc pas atteinte à la fonction de la marque, car la société Artextyl utilisant un grand nombre d'écussons différents, les produits sont identifiés uniquement par le signe verbal « Geographical Norway ». De même, selon eux, comme les éléments figuratifs des signes en présence sont dépourvus de caractère distinctif, il ne peut leur être reproché l'utilisation, à titre décoratif, d'un écusson faisant référence à ceux des expéditions polaires. 62. En tout état de cause, ils contestent toute ressemblance entre les signes, tant visuellement (les formes géographiques et les mentions verbales étant différentes, et le signe litigieux présentant parfois un drapeau norvégien au centre), que phonétiquement ou conceptuellement. Ils ajoutent que le fait que la marque invoquée soit bien connue du public exclut d'autant plus le risque de confusion. 63. Enfin, ils font valoir que la société Canada Goose a implicitement reconnu l'absence de contrefaçon de sa marque, dès lors que l'ensemble des logos litigieux n'ont pas été inclus dans le protocole d'accord transactionnel alors que la demanderesse en avait connaissance selon eux. Réponse du tribunal 64. Le droit conféré par les marques de l'Union européenne est prévu par le règlement 2017/1001, à son article 9, précité ci-dessus au point 36, et l'atteinte à ce droit est qualifiée de contrefaçon, engageant la responsabilité civile de son auteur, par l'article L. 717-1 du code de la propriété intellectuelle. a. Faits en cause Faits allégués 65. L'article 768 du code de procédure civile (applicable aux instances en cours et reprenant en toute hypothèse les dispositions identiques de l'ancien article 753) dispose que les conclusions doivent formuler expressément les prétentions des parties ainsi que les moyens en fait et en droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée ; que les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions ; et que le tribunal n'examine les moyens au soutien des prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion. 66. Cette obligation repose sur le principe de la contradiction qui impose que la partie adverse soit en mesure de comprendre et de contredire ce qui lui est opposé, sans risque d'omettre un moyen qui n'aurait pas été soulevé clairement. Elle contribue corrélativement à la bonne administration de la justice et limite le risque d'erreur par le tribunal dans l'exercice de son office. 67. Au soutien de ses prétentions fondées sur la contrefaçon, la société Canada goose reproche à M. [W] et à la société Artextyl l'usage de signes qu'elle regroupe sous l'appellation « Logos Geographical Norway » (ses conclusions, p. 27). Cette appellation est introduite dans l'exposé des faits, ce qui peut tout de même permettre d'en tenir compte si la discussion y fait référence de façon explicite et que la définition en est claire ; mais, d'une part, la discussion n'y renvoie pas explicitement (seul le recours à des majuscules indique que cette expression est probablement définie quelque part, sans que rien n'indique où a lieu cette définition), d'autre part l'expression n'est pas même clairement définie dans l'exposé des faits : elle est seulement introduite (p. 14) comme désignant « ces logos et leurs variantes », ce qui renvoie à une énumération antérieure non exhaustive (« démontre notamment l'usage des logos suivants », « produits revêtus de logos similaires », « à titre d'exemple »), ce qu'ont au demeurant expressément critiqué les défendeurs (leurs conclusions, p. 50). Cette expression « Logos Geographical Norway » ne renvoie donc pas en elle-même à un ou des moyens de faits susceptibles de fonder la réponse à une ou plusieurs prétentions. 68. Il faut alors limiter l'analyse aux seuls faits expressément soulevés dans la discussion relative à la contrefaçon (pp. 27 et suivantes), c'est-à-dire en premier lieu la vente de vêtements revêtus des trois écussons suivants (ci-après, respectivement, les signes 1, 2 et 3) : 69. L'analyse doit porter en second lieu sur les signes suivants, qui sont soulevés également mais seulement au soutien de la démonstration relative à l'atteinte à la renommée de la marque, désignés comme les « Nouveaux Logos Geographical Norway » (conclusions en demande, p. 44) (ci-après, respectivement, les signes 4, 5, 6, en première ligne, 7 et 8 en deuxième ligne) : preuve de l'usage par la société Artextyl 70. La société Artextyl admet, et même revendique, l'usage sur des vêtements des signes 1 à 7, parmi un ensemble de signes divers cités pour prouver le caractère décoratif de leur usage (conclusions en défense pp. 20-22). L'usage du signe 8 n'est pas expressément admis, et contrairement à ce qu'affirme la société Canada goose, il ne ressort pas de la saisie-contrefaçon du 7 juin 2018, dont les photographies ne montrent aucun vêtement qui en serait revêtu ; mais il ressort de la saisie-contrefaçon du 21 décembre 2015. 71. S'agissant de M. [W], la demanderesse recherche sa responsabilité, au titre de la contrefaçon, en tant que dirigeant de la société Artextyl, ce qui dépend, notamment, de la gravité des faits imputables à celle-ci, et sera donc examiné en deuxième lieu. b. Risque de confusion 72. La Cour de justice de l'Union européenne a précisé que le droit exclusif du titulaire de la marque, qui n'est pas absolu, ne l'autorise à s'opposer à l'usage d'un signe par un tiers en vertu de l'article 9, dans les conditions énumérées au paragraphe 2, sous a) et b), que si cet usage porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque, et notamment à sa fonction essentielle, qui est de garantir aux consommateurs la provenance du produit ou du service (CJCE, 12 novembre 2002, Arsenal football club, C-206/01, point 51 ; plus récemment, CJUE, 25 juillet 2018, Mitsubishi, C-129/17, point 34). 73. Dans le cas où l'article 9, paragraphe 2, sous a) est applicable (double identité de signes et de produits ou services), il peut s'agir d'une atteinte à l'une quelconque des fonctions de la marque : non seulement la fonction essentielle (garantie de provenance), mais aussi celle qui consiste « à garantir la qualité de ce produit ou de ce service, ou celles de communication, d'investissement ou de publicité » (CJCE, 18 juin 2009, L'Oréal, C-487/07, point 58). 74. Dans le cas prévu au paragraphe 2, sous b) (similitude de signes et de produits ou services), la condition spécifique de la protection est « le risque de confusion et donc une possibilité d'atteinte à la fonction essentielle de la marque » (L'Oréal précité, point 59). Autrement dit, en ce cas, le signe doit porter atteinte à la fonction d'indication d'origine « en raison d'un risque de confusion dans l'esprit du public » (CJCE, 12 juin 2008, O2 holdings, C-533/06, point 57 ; voir aussi CJUE, 3 mars 2016, Daimler, C-179/15, point 27). 75. Au cas présent, il résulte du procès-verbal de saisie-contrefaçon que les signes litigieux sont utilisés, dans la vie des affaires, sur des manteaux, des vestes polaires, des pantalons et des shorts, qui sont des produits identiques aux « Vêtements » pour lesquels la marque est enregistrée. 76. Les défendeurs contestent en faire un usage « à titre de marque » (car ils en feraient seulement un usage décoratif), c'est-à-dire, en termes de droit des marques, qu'ils contestent en faire un usage « pour des produits ou services » et contestent que cet usage porte atteinte à la fonction essentielle de la marque. Il faut rappeler en premier lieu que l'intention de celui qui utilise le signe est indifférente sur ce point, car seul compte l'effet de l'usage, qui s'apprécie par rapport à la perception qu'en a le public pertinent. En deuxième lieu, un signe peut avoir à la fois un rôle décoratif et celui d'indiquer l'origine commerciale du produit, outre qu'il peut aussi s'être vu assigner seulement une fonction décorative par son auteur mais avoir également pour effet de porter atteinte à une fonction de la marque. 77. Dans ce cadre, l'apposition sur des vêtements des signes litigieux qui, certes dotés d'un potentiel esthétique, restent en eux-mêmes aptes à distinguer une origine commerciale, est de façon évidente un usage « pour des produits ». Il est susceptible de porter atteinte à la fonction essentielle de la marque, ce qui doit alors être analysé de façon générale au regard des autres facteurs (selon les principes rappelés ci-dessus points 12 à 14). 78. Le signe 2 a en commun avec la marque (reproduite ci-dessous pour mémoire) d'être constitué d'un disque bleu, dans lequel se trouve une masse blanche, entouré d'un anneau blanc bordé de rouge dans lequel un texte est écrit en rouge. 79. En eux-mêmes, la forme circulaire, le motif central, le texte en périphérie, et le choix de couleurs contrastées sont des caractéristiques attendues des écussons apposés sur les vêtements, eux-mêmes usuels. Le public pertinent n'attachera donc pas beaucoup d'importance à ces éléments dans l'identification de l'origine commerciale du produit ; ils sont dès lors les plus faiblement distinctifs de l'ensemble, et ce sont les éléments décoratifs particuliers qui sont les plus déterminants dans la marque prise dans son ensemble. 80. À cet égard, dans le signe litigieux, il est évident que la masse blanche est une forme continentale, et plus précisément l'Australie, donc que le disque bleu est une carte ; tandis que dans la marque, on le suppose après un examen un peu plus attentif, que confirme également la partie verbale ‘Arctic program' qui indique le lien avec une expédition vers un lieu géographique ; la masse est, elle-même, non identifiable, mais avec l'aide, là encore, de la partie verbale, on suppose qu'il s'agit de la figuration stylisée d'un pôle, ce qu'encourage encore à penser la présence au centre de la masse blanche d'un petit symbole de cible ou de viseur dont partent, invisibles sous la masse blanche mais visibles sur le disque bleu, 12 rayons rouges écartés de façon régulière. 81. Au-delà de ces similitudes, le signe diffère de la marque de façon nettement visible en ce que sur la masse blanche du premier se trouve en grand le drapeau de la Norvège, et que le texte est beaucoup plus long et dense que dans la marque. À cet égard, si la société Canada goose soulève de façon pertinente que le texte n'est pas ici ce que le grand public verra en premier, il ne l'ignorera pas pour autant, et ce d'autant moins que, dans la marque, il est bien lisible, et contient la marque verbale Canada goose qui sert de confirmation à l'identification de l'origine commerciale exprimée par le signe dans son ensemble. En outre, le signe 2 ne contient ni le symbole du pôle, ni les rayons rouges, ni les petites feuilles d'érables rouges qui, dans la marque, remplacent de façon presque humoristique les étoiles rouges de l'écusson du « United States Antarctic Program » des États -Unis auquel la marque fait implicitement référence (reproduit ci-dessous, dont au demeurant l'antériorité est prouvée par la photographie de 1969 produite par les défendeurs dans leur pièce no16 et dont la marque en cause s'inspire de façon si flagrante qu'il est difficile de comprendre les dénégations de la société Canada goose sur ce point). Enfin, de façon moins immédiatement visible, la masse blanche du signe litigieux occupe une partie bien plus grande du disque bleu que dans la marque. 82. Ainsi, le signe 2 et la marque sont visuellement et conceptuellement similaires dans leur structure générale, mais diffèrent visuellement et conceptuellement sur plusieurs éléments nettement visibles qui compensent largement cette similitude. Ces différences pourraient être mineures si le public n'y consacrait qu'une attention faible, et c'est ce qui sous-tend, en définitive, l'argumentation de la société Canada goose ; mais le grand public achetant des vêtements y consacre une attention moyenne, et non une attention faible. Or avec une attention moyenne, le public remarquera immédiatement que le signe, avec son drapeau norvégien, et son texte très dense, ne correspond pas au souvenir, même imparfait, qu'il a gardé de la marque figurative Canada goose ; il constatera au contraire qu'alors que la marque contient, de façon très claire, et donc mémorisable, l'élément verbal Canada goose, le signe 2 ne le contient pas. Cet examen d'ensemble du signe et de la marque par le consommateur permet d'écarter toute confusion directe (le public ne prendra le signe 2 pour la marque figurative Canada goose). 83. Le caractère relativement générique des éléments communs, et l'importance des éléments divergents, permettent également d'écarter le risque d'une association (le public ne croira pas que le signe 2 est une déclinaison de la marque, ou indique un partenariat ou un aval du titulaire de celle-ci). En effet, les éléments les plus distinctifs de la marque, sur lesquels pourrait s'appuyer l'indication d'une déclinaison ou d'un partenariat, ne sont pas repris d'une façon qui pourrait passer pour identique à l'observateur d'attention moyenne : la masse continentale est ressemblante mais pas au point d'être prise pour la même, le texte ne reprend aucun mot commun, et notamment pas les termes Canada goose qui sont l'élément le plus distinctif de la partie verbale de la marque, et le drapeau, qui évoque un autre territoire que la marque, n'est pas rattaché à celle-ci par d'autres éléments qui pourraient laisser penser qu'il s'agirait d'une déclinaison géographique de la même marque. 84. En définitive, la ressemblance du signe 2 et de la marque repose sur des éléments partiels, dont certains sont relativement génériques, et qui ne suffisent pas pour que le public d'attention moyenne puisse croire que les produits en cause proviennent de la même entreprise ou d'entreprises liées économiquement, même s'agissant de produits identiques. Il peut être utilement rappelé enfin qu'aucune modalité de l'usage n'est alléguée qui pourrait encourager un risque de confusion. En particulier, les vêtements vendus par la société Artextyl sous les signes 1 à 8 ne sont pas les mêmes que les vêtements vendus par la société Royal brand maker sous le signe verbal Stone goose : il n'est pas allégué que les uns et l'autre soient exploités ensemble. Quant à la position du signe sur la manche, alléguée par la société Canada goose, elle n'est pas un facteur pertinent dès lors que la marque n'est pas enregistrée pour être apposée dans une position particulière, et que l'atteinte à une marque s'apprécie par rapport à l'enregistrement et non par rapport à la façon dont celle-ci est exploitée. 85. Le signe 3 est identique au signe 2 à ceci près que l'Australie est en brun ou rouge sombre au lieu d'être en blanc, et que le drapeau de la Norvège n'y figure pas. L'absence du drapeau le rapproche de la marque, mais la couleur très nettement différente de la masse continentale l'en éloigne au moins autant. Ainsi, les mêmes considérations que celles retenues pour le signe 2 conduisent également à écarter le risque de confusion entre le signe 3 et la marque pour des vêtements. 86. A fortiori, le signe 1 qui est identique au signe 2 à ceci près que son fond n'est pas bleu, mais noir (ou très sombre), et que l'Australie est bordée d'un trait rouge, deux éléments qui l'éloignent significativement de la marque, ne suscite pas de risque de confusion. 87. Par conséquent, aucune atteinte à la marque figurative Canada goose n'est caractérisée du fait de l'usage des signes litigieux au regard de l'article 9, paragraphe 1, sous b) (risque de confusion). c. Atteinte à la renommée 88. Le cadre juridique de l'atteinte à la renommée est rappelé ci-dessus points 36 et 42 à 45. La renommée de la marque figurative Canada goose repose sur les mêmes éléments que ceux examinés pour la marque verbale ; comme celle-ci, les défendeurs ne la contestent pas ; et par suite, comme celle-ci, elle peut être retenue, à un niveau intermédiaire, pour les mêmes motifs (cf ci-dessus, point 41). 90. Ainsi qu'il a été constaté en partie b. ci-dessus, les signes 2 et 3 ont en commun avec la marque des éléments qui constituent leur structure et déterminent l'impression visuelle qu'ils dégagent au premier regard. Si ces ressemblances ne suffisent pas à caractériser un risque de confusion, elles suffisent en revanche à ce qu'un rapprochement soit fait entre la marque et ces signes par le public. 91. Ce rapprochement repose, en particulier, sur le cumul d'une identité de structure et de couleurs (bleu et rouge), avec une similarité de forme de la masse continentale centrale, qui s'approche de celle d'un haricot (la partie basse en est concave, et la partie haute convexe dans l'ensemble, ou autrement formulé, sa surface forme un creux en bas et une bosse en haut). Cette analogie de forme découle du choix, dans les signes litigieux, de représenter l'Australie ; or ce choix, dont les défendeurs ne s'expliquent pas, n'a aucune cohérence avec ce qu'évoque la marque par ailleurs : l'élément verbal ‘Geographical Norway expedition' et le drapeau renvoient à la Norvège, à l'autre bout du monde ; le reste de l'élément verbal, ‘1953 Polar corp. Below zero' renvoie de même à un pôle, et à des températures négatives ; ce qui est sans rapport avec l'Australie, territoire de l'hémisphère sud au climat chaud. Il en résulte certes, comme le font valoir les défendeurs, que les signes en cause sont fantaisistes ; mais également, de façon plus significative, que ces signes fantaisistes sont conçus sans autre motif que celui de rechercher le rapprochement avec la marque Canada goose. 92. Les signes 2 et 3 signifient ainsi en eux-mêmes qu'ils sont une imitation de la marque figurative Canada goose ; le consommateur de vêtements, voyant l'un de ces signes arboré sur la manche d'un manteau, comprendra qu'il s'agit d'un « faux » Canada goose, fantaisiste certes, mais néanmoins assumé, ce qui a une incidence sur l'acte d'achat. 93. Dès lors, ces signes 2 et 3 tirent indûment profit de la renommée de la marque, et leur usage, qui porte de ce fait atteinte au droit conféré par celle-ci, est une contrefaçon engageant la responsabilité civile de la société Artextyl, qui en est l'autrice. 94. En revanche, les signes 1 et 4 à 8, qui ne reprennent pas la combinaison de couleurs caractéristiques de la marque, sont insuffisamment similaires à celle-ci pour qu'un lien soit fait entre eux et la marque par le consommateur. Par conséquent, les demandes en contrefaçon sont rejetées en ce qui concerne les signes 1, et 4 à 8. 3. Faute personnelle de M. [W] (au titre de la contrefaçon) Moyens des parties 95. Invoquant le régime de la responsabilité personnelle des dirigeants de personnes morales, elle estime que M. [W], à titre personnel, est également responsable de la contrefaçon, en ce qu'il y aurait personnellement participé, en déposant en son nom les demandes de marques ayant fait l'objet de la transaction et en concédant des licences sur ces marques (avant la transaction), en étant le dirigeant de la société Artextyl qui a continué à exploiter les logos litigieux en connaissance de cause, en déposant les marques Stone goose dont il aurait confié l'exploitation à une autre société pour entretenir le flou sur leurs liens ; qu'il est ainsi personnellement à l'initiative des actes de contrefaçon commis par ces sociétés et qu'il s'agit d'une faute intentionnelle d'une particulière gravité, détachable des fonctions de dirigeant. 96. M. [W] fait valoir qu'il n'a exploité aucune marque à titre personnel, et que les fautes invoquées ne sont pas détachables de ses fonctions. Réponse du tribunal 97. Le dirigeant d'une personne morale n'engage sa responsabilité personnelle dans l'exercice de ses fonctions que s'il commet intentionnellement une faute d'une particulière gravité, incompatible avec l'exercice normal des fonctions sociales (Cass. Com., 31 mars 2015, no13-19.432). 98. La société Artextyl a exploité divers signes dont deux (seulement) sont contrefaisants. Cet usage fait certes suites au dépôt d'autres marques ayant donné lieu à un différend, et à une transaction par laquelle elle s'était engagée à cesser tout usage de signes similaires à la marque figurative Canada goose. Il ne s'agit toutefois pas de décisions d'une telle gravité qu'elles seraient incompatibles avec l'exercice normal des fonctions sociales. 99. Les demandes dirigées contre M. [W] et fondées sur la contrefaçon sont donc rejetées. 4 . Réparation et autres mesures Moyens des parties 100. Outre des mesures d'interdiction, de rappel, de confiscation et de destruction des produits litigieux, et de publication du présent jugement, la société Canada goose formule une demande au titre du droit d'information. 101. La demanderesse estime que la contrefaçon de sa marque figurative l'a privée des bénéfices qu'elle aurait pu percevoir sur la vente de parkas authentiques ; que les derniers comptes publiés par la société Artextyl (2017) montrent un chiffre d'affaires de 34 millions d'euros ; que les produits revêtus des logos litigieux représentent une part très significative du total ; qu'il est donc raisonnable d'estimer la masse contrefaisante à au moins 10% du chiffre d'affaires total, soit 3 millions d'euros par an, pendant 6 ans depuis 2015, pour un total de 18 millions d'euros ; que si une autorisation avait été demandée, une redevance d'au moins 10% aurait été fixée, qui doit être augmentée à 15% « pour tenir compte du contexte de contrefaçon » ; qu'elle aurait donc perçu un total de redevances de 2,7 millions d'euros ; qu'elle est ainsi fondée à obtenir au moins une provision d'un million d'euros. 102. Les défendeurs contestent la demande de droit d'information, considérant que certaines des informations sollicitées relèvent du secret des affaires, mais également que la demanderesse n'identifie pas précisément les écussons qu'elle considère litigieux. 103. Ils contestent également les demandes indemnitaires au motif qu'elles ne reposent, selon eux, sur aucun élément. Ils ajoutent que la société Canada goose a déjà bénéficié d'une indemnité dans le cadre du protocole d'accord transactionnel. Réponse du tribunal 104. En vertu de l'article L. 716-4-10 du code de propriété intellectuelle, pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en compte distinctement les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée, le préjudice moral causé à cette dernière, et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon. 105. Le second alinéa de cet article prévoit, à titre alternatif et à la demande de la partie lésée, la possibilité d'allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire, supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte ; et qui n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée. 106. Ces dispositions doivent être interprétées, d'une part, à la lumière du principe de réparation intégrale, en vertu duquel la partie lésée doit se trouver dans la situation qui aurait été la sienne en l'absence des faits litigieux, sans perte ni profit pour elle ; d'autre part, à la lumière de la directive 2004/48 sur le respect des droits de propriété intellectuelle, qui prévoit à son article 13 que les dommages et intérêts doivent être adaptés au préjudice que le titulaire du droit « a réellement subi du fait de l'atteinte ». 107. Par ailleurs, l'article L. 716-4-11 du même code prévoit notamment le rappel des produits contrefaisants des circuits commerciaux, ou leur destruction, et toute mesure appropriée de publicité, aux frais du contrefacteur. 108. Et l'article L. 716-4-9, appliquant l'article 8 de la directive 2004/48 relative au respect des droits de propriété intellectuelle, prévoit au bénéfice du demandeur à l'action en contrefaçon un droit d'information en vertu duquel la juridiction peut ordonner, s'il n'existe pas d'empêchement légitime, au besoin sous astreinte, afin de déterminer l'origine et les réseaux de distribution des produits ou procédés argüés de contrefaçon qui portent atteinte aux droits du demandeur, la production de tous documents ou informations détenus par le défendeur ou par toute personne qui a été trouvée en possession de produits argüés de contrefaçon ou mettant en oeuvre des procédés argüés de contrefaçon ou qui fournit des services utilisés dans de prétendues activités de contrefaçon ou a été signalée comme intervenant dans la production, la fabrication ou la distribution de ces produits, la mise en oeuvre de ces procédés ou la fourniture de ces services. Interdiction et rappel 109. L'usage dans la vie des affaires des signes 2 et 3, qui portent atteinte au droit conféré par la marque figurative Canada goose, est interdit, et une astreinte est nécessaire. Le rappel et la destruction des produits concernés doivent également être ordonnés en tant que de besoin, sous astreinte également. Il est rappelé que la preuve de l'exécution d'une obligation de faire incombe à son débiteur ; la société Artextyl est donc invitée à se ménager par tout moyen la preuve du rappel et de la destruction qui lui sont ordonnés. Indemnité provisionnelle 110. La saisie-contrefaçon du 7 juin 2018 révèle que sur 8 modèles présents sur les lieux (l'huissier en a constaté 9 mais les défendeurs ont obtenu la nullité s'agissant du 1er, qui ne peut donc pas être pris en compte dans ce jugement, bien que cela eût été dans leur intérêt), seul 1 est revêtu (sur son étiquette) de signes contrefaisants. Ce modèle, référencé ‘Trophy Lady', est toutefois celui qui était présent dans le plus grand nombre de couleurs différentes, ce qui indique qu'il est l'un des plus vendus. 111. Le constat sur l'internet du 27 février 2018 (pièce Canada goose no14) est critiqué à juste titre par les défendeurs pour la mauvaise qualité de ses images, et celles qui permettent de constater un signe circulaire ne contiennent aucun des signes expressément argüés de contrefaçon par la demanderesse (cf ci-dessus points 65 à 69). Il en va de même du constat du 29 octobre 2015, et de la saisie-contrefaçon du 21 décembre 2015. 112. La société Artextyl n'a pas communiqué ses comptes, et ne conteste pas que ceux de 2017, invoqués par la demanderesse, sont les derniers publiés. Elle n'apporte aucune information sur la part relative de ses différents modèles dans son chiffre d'affaires, et il ne peut notamment être exclu que d'autres modèles aient été revêtus des mêmes étiquettes que le Trophy lady. Un droit d'information est alors nécessaire. 113. Pour fixer la provision, la demanderesse peut être suivie dans sa méthode extrapolant le chiffre d'affaires de 2017 pour les autres années depuis 2015 (étant rappelé que la transaction n'ayant pas été respectée, elle n'est pas opposable), sur 6 années. En adaptant cette méthode à la part a priori très minoritaire de modèles contrefaisants sur l'ensemble des modèles vendus, la provision peut être fixée à 150 000 euros. Droit d'information 114. Le droit d'information doit être adapté à la réalité de la contrefaçon. Il ne peut porter que sur des produits revêtus (y compris sur l'étiquette) de l'un ou l'autre des deux signes contrefaisants. Ainsi, et dans la limite de la demande formée par la société Canada goose, il faut ordonner à la société Artextyl de communiquer le nombre total de vêtements vendus revêtus du signe 2 ou du signe 3, depuis 2010 (cette date n'est pas contestée en défense), le chiffre d'affaires et la marge correspondants, attestés par son expert comptable. 115. En revanche, la société Canada goose n'expose pas en quoi la recherche des fournisseurs de la société Artextyl permettrait la découverte d'autres personnes responsables de la contrefaçon ou de mieux déterminer le préjudice, alors qu'il est constant que la société Artextyl est la personne à l'origine de cette contrefaçon et du réseau de distribution des produits contrefaisants. La recherche demandée serait alors disproportionnée. 116. Une astreinte est nécessaire pour le droit d'information. Toutes les astreintes prononcées pourront être liquidées, le cas échéant, par le juge de l'exécution, qui a la compétence de principe à cet égard et devant lequel la procédure est plus adaptée. Publication 117. La contrefaçon commise par la société Artextyl repose sur la volonté d'attirer le public par le rapprochement avec la marque de la demanderesse ; la réparation de ces faits requiert une information de ce public, ce qui est proportionné à l'ampleur relativement importante de la contrefaçon. Cette information peut se limiter néanmoins au site internet de la société Artextyl et à 2 journaux. La communication par la société Artextyl sur son site internet, au regard de son enjeu, doit être faite sous une astreinte particulièrement élevée. Il est rappelé que la preuve de l'exécution d'une obligation de faire incombe à son débiteur ; la société Artextyl est donc invitée à se ménager par tout moyen la preuve du début et de la durée de la publication qui lui est ordonnée. V . Demandes subsidiaires en parasitisme dirigées contre M. [W] 118. La fin de non recevoir tirée de la transaction est également opposée à la demande en parasitisme. Le même raisonnement que pour la demande en contrefaçon s'applique (ci-dessus, point 56) : M. [W] n'ayant, à titre personnel, fait usage d'aucun signe, il a respecté la transaction ; seule la violation de la transaction par la société Artextyl peut être invoquée, ce dont il résulte à l'égard de M. [W] que sa responsabilité personnelle à raison de l'objet de la transaction ne peut être recherchée qu'en tant que dirigeant de cette société. Et c'est bien à ce titre que la société Canada goose forme sa demande, laquelle est donc recevable. Moyens des parties 119. La société Canada goose reproche à M. [W] de s'être « inscrit au centre d'un ensemble de comportements parasitaires » à son égard, par le dépôt, en 2004 et 2005, de marques ‘Norwegian goose' et ‘Canadian moose', qu'il n'a abandonnées qu'en 2021 ; par le dépôt des marques Stone goose ; par le dépôt d'une marque Canadian brothers ; par l'exploitation de ces signes par l'intermédiaire de plusieurs sociétés dont il est en réalité le bénéficiaire effectif. 120. M. [W] réplique que dès lors qu'il n'exploite pas les marques litigieuses ni ne commercialise de vêtements revêtus des signes en cause, il ne saurait être condamné pour parasitisme. Il conteste par ailleurs les arguments développés par la demanderesse, qu'il considère comme dénués de pertinence. Il conteste enfin les demandes indemnitaires, considérant qu'elles ne sont pas justifiées. Réponse du tribunal 121. Est fautif, au sens de l'article 1240 du code civil, le fait, pour un agent économique, de se placer dans le sillage d'une entreprise en profitant indûment des investissements consentis ou de sa notoriété, ou encore de ses efforts et de son savoir-faire ; qualifié de parasitisme, il résulte d'un ensemble d'éléments appréhendés dans leur globalité (Cass. Com., 4 février 2014, no13-11.044 ; Cass. Com., 26 janvier 1999, no 96-22.457), et qu'il faut interpréter au regard du principe de liberté du commerce et de l'industrie. 122. Les marques ‘Norwegian goose' et ‘Canadian moose' manifestent, de façon presque caricaturale, la recherche d'un rapprochement avec la marque verbale Canada goose ; toutefois, comme les autres dépôts en cause, ils n'ont en eux-même, en tant que dépôts de marque, aucune conséquence concrète ; ils ne sauraient dès lors caractériser un parasitisme et ne peuvent, comme l'explique au demeurant la société Canada goose elle-même, servir qu'à démontrer l'intention de leur auteur derrière les faits qu'il a commis. 123. Mais ces faits eux-mêmes ne consistent qu'en l'exploitation faite par des sociétés dont M. [W] était le dirigeant. Or l'exploitation du signe Stone goose n'est pas fautive, et aucune exploitation des marques Norwegian goose, Canadian moose, Canadian brothers (à supposer celle-ci fautive) n'est démontrée. 124. Aucune faute n'est donc imputable à M. [W] et les demandes dirigées contre lui sont par conséquent rejetées. VI. Dispositions finales 125. Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. L'article 700 du même code permet au juge de condamner en outre la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre, pour les frais exposés mais non compris dans les dépens, une somme qu'il détermine, en tenant compte de l'équité et de la situation économique de cette partie. 126. La société Artextyl perd le procès dans son principe dès lors qu'elle n'admettait pas le caractère contrefaisant des deux signes interdits. Elle est donc tenue aux dépens. 127. Elle gagne néanmoins le procès à l'égard des autres signes litigieux dont l'usage lui était reproché. L'indemnité due à la demanderesse pour ses autres frais, pour en tenir compte, et tenir compte plus généralement du travail perceptible consacré à la recherche, à la preuve et à la tenue du procès, est alors fixée à 20 000 euros. 128. La société Canada goose perd le procès à l'égard des autres défendeurs. Elle doit donc les indemniser de leurs frais, qui peuvent être estimés, en tenant compte de la même manière de l'ampleur perceptible du travail consacré, à 15 000 euros. 129. L'exécution provisoire est nécessaire en raison de la mauvaise foi de la société Artextyl. Elle est compatible avec la nature de l'affaire, y compris avec la publication. Contrairement à ce que soutient la défenderesse qui s'oppose à l'exécution provisoire pour la publication, la longueur des « délais de la justice, très éloignés des délais de la vie des affaires » n'est pas un motif justifiant d'écarter l'exécution provisoire, mais précisément un motif rendant celle-ci nécessaire. Enfin une telle publication n'est pas irréversible, le public informé d'une condamnation en premier ressort aujourd'hui pouvant naturellement être informé plus tard d'une éventuelle infirmation par la cour d'appel. PAR CES MOTIFSLe tribunal : Rejette la demande en nullité des marques françaises Stone goose 4408740 et 4447822 ; Annule partiellement le procès-verbal de saisie-contrefaçon du 7 juin 2018, à savoir uniquement de sa 3e page, à partir de « le premier produit saisi », à la 4e page, jusqu'à « je prends 6 clichés photographiques de ce modèle. », ses photographies 1 à 6, et en ce qu'il a été procédé à la saisie réelle du premier produit décrit ; Rejette toutes les demandes formées au titre de l'usage des signes Stone goose ; Interdit à la société Artextyl de (faire) fabriquer ou commercialiser dans l'Union européenne tout vêtement revêtu (ou dont l'étiquette est revêtue) de l'un ou l'autre des deux signes suivants (en couleur, tels qu'ils sont décrits dans les motifs, points 78 à 85, mais indépendamment de la couleur du fond sur lequel ils sont apposés), et ce sous astreinte de 1 000 euros par infraction constatée qui commencera à courir 5 jours après la signification du jugement et courra pendant 90 jours ; Ordonne à la société Artextyl de rappeler des circuits commerciaux et détruire les produits revêtus (ou dont l'étiquette est revêtue) de l'un ou l'autre de ces signes, et ce dans un délai de 30 jours suivant la signification puis sous astreinte de 500 euros par jour de retard qui courra pendant 90 jours ; Ordonne à la société Artextyl de communiquer à la société Canada goose une attestation de son expert comptable relative à l'ensemble du chiffre d'affaires et de la marge réalisés sur tout vêtement revêtu (ou dont l'étiquette est revêtue) de l'un ou l'autre de ces deux signes, et ce dans un délai de 45 jours à compter de la signification du jugement, puis sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard qui courra au maximum pendant 90 jours ; Condamne la société Artextyl à payer à la société Canada goose une provision de 150 000 euros de dommages et intérêts pour la contrefaçon de la marque figurative Canada goose ; Rejette les demandes en contrefaçon à raison de l'usage des autres signes litigieux (identifiés aux points 68 et 69 du jugement) ; Rejette les demandes dirigées contre M. [W] ; Ordonne à la société Artextyl de publier sur la page d'accueil du site artextyl.com, de façon très visible et attirant immédiatement le regard, le communiqué qui suit, et ce pendant 90 jours, à commencer au plus tard dans un délai de 10 jours suivant la signification du jugement puis sous astreinte de 5 000 euros par jour de retard, qui courra au maximum pendant 90 jours : « La société Artextyl, qui commercialise des vêtements sous la marque Geographical Norway, a été condamnée en premier ressort par le tribunal judiciaire de Paris le 12 mai 2023 pour contrefaçon de la marque figurative Canada goose du fait de l'usage de ces signes : . » ; Étant précisé que les signes figuratif dans les communiqués publiés devront être en couleur et dans une résolution suffisante pour lire leur texte périphérique, même si tel n'est pas parfaitement le cas sur la minute du jugement ; Autorise la société Canada goose à faire publier ce même communiqué dans 2 journaux ou magazines de son choix aux frais de la société Artextyl, qui les lui remboursera sur présentation d'une facture dans la limite de 5 000 euros par publication ; Condamne la société Artextyl aux dépens, l'avocat de la société Canada goose pouvant recouvrer ceux dont il aurait fait l'avance sans en recevoir provision ; Condamne la société Artextyl à payer 20 000 euros à la société Canada goose au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; Condamne la société Canada goose à payer 15 000 euros (au total) au même titre à M. [W] et aux sociétés Royal brand maker et Super brand licencing ; Ordonne l'exécution provisoire. Fait et jugé à Paris le 12 mai 2023 Le Greffier La Présidente Quentin CURABET Irène BENAC
CAPP/JURITEXT000047878956.xml
JUDICIAIRE 3ème chambre 3ème section No RG 19/10207 - No Portalis 352J-W-B7D-CQTHG No MINUTE : Assignation du : 09 août 2019 rendu le 14 juin 2023 DEMANDEURS S.A.S. WAFF [Adresse 2] [Localité 4] Monsieur [O] [P] intervenant volontaire [Adresse 2] [Localité 4] représentés par Maître Matthieu DHENNE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C1957 DÉFENDERESSES Société DECATHLON SE anciennement dénommée DECATHLON SA [Adresse 1] [Localité 3] S.A.S. DECATHLON FRANCE [Adresse 1] [Localité 3] représentées par Maître Michel-Paul ESCANDE de la SELEURL CABINET M-P ESCANDE, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #R0266 COMPOSITION DU TRIBUNAL Jean-Christophe GAYET, premier vice-président adjoint Linda BOUDOUR, juge Arthur COURILLON-HAVY, juge assistés de Lorine MILLE, greffière, A l'audience du 24 novembre 2022 tenue en audience publique devant Jean-Christophe GAYET et Linda BOUDOUR, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seuls l'audience, et, après avoir donné lecture du rapport, puis entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux avocats que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 22 mars 2023, puis prorogé en dernier lieu au 14 juin 2023. Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire En premier ressort ___________________________ EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE 1. La PSCV, désormais dénommée société par actions simplifiée (ci-après SAS) Waff, fondée le 21 juin 2001 et immatriculée le même jour au registre du commerce et des sociétés (RCS) de Melun, a pour activité le développement et la commercialisation de tous produits et en particulier de coussin gonflable. 2. M. [O] [P] est le président de la SAS Waff et se présente comme l'inventeur du coussin gonflable commercialisé par sa société. Il est titulaire du brevet français FR 2 825 249 (ci-après FR 249), déposé le 1er juin 2001 et délivré le 26 septembre 2003 intitulé siège gonflable. 3. Le 28 mai 2002, la SAS Waff a déposé un brevet européen EP 1 262 125 (ci-après EP 125), sous priorité du brevet français précité, délivré le 5 avril 2006, intitulé siège gonflable. 4. Ces brevets portent sur un siège gonflable de forme annulaire, constitué d'une chambre toroïdale pouvant être remplie d'air lui donnant l'aspect d'une bouée. L'espace laissé par l'axe de révolution du tore est comblé perpendiculairement par deux parois planes placées de chaque côté, en surface de l'espace axial. L'aspect symétrique du coussin permet de s'y assoir ou de s'y tenir sur chaque face alternativement. 5. La société européenne Décathlon (ci-après Décathlon SE), immatriculée au RCS de Lille le 16 novembre 1984, a pour activité la vente au détail d'articles de sport et d'équipement de la personne, la vente au détail d'armes de chasse, de tir sportif et leurs munitions. La SAS Décathlon France, immatriculée au RCS de Lille le 23 octobre 2007, a pour activité, notamment, la fabrication, le négoce en gros, demi-gros et détail de tous articles et services utiles aux sportifs et à leur famille et l'équipement de la personne de façon générale. 6. La SAS Waff et M. [P] indiquent avoir découvert, en mai 2019, que les sociétés Décathlon commercialisaient un coussin intitulé Gym Pillow Mini, sous la marque "Domyos", lequel reproduirait les caractéristiques des brevets EP 125 et FR 249. 7. Le 9 juillet 2019, à la suite de deux requêtes du même jour, la SAS Waff a été autorisée à faire procéder à des mesures de saisie-contrefaçon dans les locaux des sociétés Décathlon SA (devenue Décathlon SE) et Décathlon France. 8. Les opérations de saisie-contrefaçon ont été réalisées le 17 juillet 2019 au sein du siège social des sociétés Décathlon à [Localité 3] ainsi que dans un magasin attenant. 9. C'est dans ces conditions que la SAS Waff a, par courrier du 25 juillet 2019, mis en demeure les sociétés Décathlon de cesser les actes de contrefaçon allégués. 10. Estimant que ses demandes n'avaient pas été satisfaites, la SAS Waff a, par acte d'huissier du 9 août 2019, fait assigner les sociétés Décathlon SA et Décathlon France devant le tribunal judiciaire de Paris, en contrefaçon de la partie française du brevet no EP 1 262 125. 11. M. [P] est intervenu volontairement à l'instance par conclusions du 15 juin 2021. 12. Par conclusions séparées du 10 septembre 2020, les sociétés Décathlon ont soulevé la nullité de l'assignation évoquée, puis s'en sont désistées le 13 octobre 2020. Par ordonnance du 20 novembre 2020, le juge de la mise en état a pris acte de ce désistement et condamné les sociétés Décathlon pour procédure abusive, considérant que cet incident poursuivait un objectif dilatoire. Les sociétés Décathlon ont interjeté appel de cette décision le 9 décembre 2020. Aux termes d'un arrêt du 23 novembre 2021, la cour d'appel de Paris a toutefois confirmé l'ordonnance dans la totalité de ses dispositions. 13. L'instruction a été close par ordonnance du 17 février 2022 et l'affaire fixée à l'audience du 24 novembre 2022 pour être plaidée. PRÉTENTIONS DES PARTIES 14. Dans ses dernières conclusions au fond, notifiées par voie électronique le 3 mars 2022, la SAS Waff et M. [P] demandent au tribunal, au visa des articles L.611-10, L.614-12, L.615-5, L.615-7, L.613-25, R.615-2 du code de la propriété intellectuelle, 1240 du code civil, 32-1, 699, et 700 du code de procédure civile et de l'ordonnance no 45-2592 du 2 novembre 1945, de : - débouter les sociétés Décathlon S.E. et Décathlon France de toutes leurs demandes - Dire et juger que la partie française du brevet no EP 1 262 125 est contrefaite par le coussin Gym Pillow Mini de marque Domyos importé et commercialisé par les sociétés Décathlon S.E. et Décathlon France - dire et juger que le brevet no FR 2 825 249 est contrefait par le coussin Gym Pillow Mini de marque Domyos importé et commercialisé par les sociétés Décathlon S.E. et Décathlon France - dire et juger que le brevet no EP 1 262 125 implique une activité inventive - dire et juger que la description du brevet no EP 1 262 125 est suffisante pour réaliser l'invention - en conséquence, débouter les sociétés Décathlon S.E. et Décathlon France de leur demande d'annulation du brevet no EP 1 262 125 - dire et juger que le brevet no FR 2 825 249 implique une activité inventive - dire et juger que la description du no FR 2 825 249 est suffisante pour réaliser l'invention - en conséquence, débouter les sociétés Décathlon S.E. et Décathlon France de leur demande d'annulation du brevet no FR 2 825 249 - dire et juger que le procès-verbal de constat dressé par Maître [U] [F] le 9 décembre 2019 est nul, car l'huissier ne se contente pas de faire des constatations purement matérielles, exclusives, de tout avis - en conséquence, annuler ledit procès-verbal - dire et juger que le procès-verbal de saisie-contrefaçon dressé par Maître [G] [W] le 17 juillet 2019 est valable - dire et juger que le procès-verbal de saisie-contrefaçon dressé par Maître [J] [E] le 17 juillet 2019 est valable - en conséquence, débouter les sociétés Décathlon S.E. et Décathlon France de leurs demandes d'annulation desdits procès-verbaux - débouter les sociétés Décathlon S.E. et Décathlon France de leur demande en vue de faire condamner la SAS Waff pour abus de procédure -en conséquence : - interdire, et ce de manière permanente et définitive, aux sociétés Décathlon S.E. et Décathlon France la poursuite de tels actes de contrefaçon et ce sous astreinte de 10 000 € (dix mille euros) par infraction constatée, et 50 000 € (cinquante mille euros) par jour de retard, lesdites astreintes devant être liquidées par le tribunal - condamner in solidum les sociétés Décathlon S.E. et Décathlon France pour les faits de contrefaçon qu'elles ont commis à payer une indemnité provisionnelle à parfaire de 435 000 € (quatre-cent-trente-cinq-mille euros) à la SAS Waff en raison de la contrefaçon de son brevet noEP 1 262 125 et de 435 000 € (quatre-cent-trente-cinq-mille euros) à Monsieur [P] en raison de la contrefaçon de son brevet no FR 2 825 249 - condamner in solidum les sociétés Décathlon S.E. et Décathlon France pour les faits de parasitisme qu'elles ont commis à payer une indemnité provisionnelle à parfaire de 300 000 € (trois-cent-mille euros) à la SAS Waff - ordonner la publication du jugement à intervenir dans cinq journaux au choix de la SAS Waff et de Monsieur [P] aux frais des sociétés Décathlon S.E. et Décathlon France avancés par celles-ci à hauteur de 20 000 € (vingt mille euros) HT par insertion - ordonner, à titre principal, sous astreinte de 10 000 € (dix mille euros) par jour de retard passé un délai de 30 jours après la signification du jugement à intervenir, la production de tous documents ou informations détenues par les sociétés Décathlon S.E. et Décathlon France utiles pour déterminer l'origine et les réseaux de distribution des produits contrefaisants et concernant l'exploitation en France ainsi que les bénéfices réalisés, et notamment : > les nom et adresse des producteurs, fabricants, distributeurs, fournisseurs et autres détenteurs antérieurs des produits contrefaisants et de tous les produits de même forme, ainsi que des grossistes destinataires et des détaillants > les quantités produites, commercialisées, livrées, reçues ou commandées, ainsi que le prix obtenu pour ces produits > la marge brute réalisée pour ces produits ; sous la certification d'un expert-comptable ou d'un commissaire aux comptes, détaillant les éléments retenus dans le calcul de la marge brute, et renvoyer l'affaire à telle audience qui plaira au tribunal, afin de permettre à la SAS Waff et à Monsieur [P] de conclure sur le montant total des dommages et intérêts en réparation des actes de contrefaçon - ordonner, à titre subsidiaire, une mesure d'expertise pour une détermination précise de l'origine et de l'étendue du préjudice subi par la SAS Waff et par Monsieur [P] - désigner pour y procéder tel expert agréé qu'il plaira au tribunal, avec pour mission de se faire communiquer par les sociétés Décathlon S.E. et Décathlon France : > les éléments permettant de déterminer la provenance des produits contrefaisants > les chiffres d'affaires des ventes des produits contrefaisants qu'elle a réalisés jusqu'à la date à laquelle l'expert les réclamera et depuis le cinquième anniversaire précédant l'assignation introductive de cette instance > les documents utiles permettant d'évaluer la marge brute qu'elle a réalisée sur la vente des produits contrefaisants > analyser lesdits chiffres et documents pour donner les éléments ou critères permettant ensuite à la juridiction du fond d'évaluer le préjudice subi par la SAS Waff et Monsieur [P] à raison de ces ventes illicites > rapporter toute autre constatation utile à l'examen des prétentions des parties > mettre en temps utile, aux termes des opérations d'expertise, les parties en mesure de faire valoir leurs observations, qui seront annexées à son rapport - ordonner une réouverture des débats lorsque la SAS Waff et Monsieur [P] détiendront l'ensemble des éléments résultants de l'exercice du droit d'information ou de l'expertise pour permettre aux parties de conclure à nouveau sur l'indemnisation - en tout état de cause : - condamner in solidum les sociétés Décathlon S.E. et Décathlon France à payer 135 386 € (cent-trente-cinq-mille-trois-cent-quatre-vingt-six euros) à la SAS Waff au titre de l'article 700 du CPC - condamner les sociétés Décathlon S.E. et Décathlon France aux entiers dépens dans les modalités prévues à l'article 699 du CPC - condamner les sociétés Décathlon S.E. et Décathlon France à une amende civile 1 € (un euro) symbolique pour abus de procédure, en raison des manoeuvres dilatoires usées durant la présente instance - ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir. 15. Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 4 mars 2022, les sociétés Décathlon SE et Décathlon France demandent au tribunal de : 1) sur le brevet Waff EP 1 262 125 : a) juger que les revendications 4 et 5 du brevet Waff déposé le 28 mai 2002 sous le no02291294.3 et délivré le 5 avril 2006 sous le no EP 1 262 125 décrivent insuffisamment l'invention et sont elles-mêmes en tout état de cause dépourvues d'activité inventive b) juger que le brevet Waff déposé le 28 mai 2002 sous le no02291294.3 et délivré le 5 avril 2006 sous le no EP 1 262 125 est dépourvue d'activité inventive c) en conséquence, annuler les revendications 1, 2, 3, 4, 5 et 6 du brevet Waff déposé le 28 mai 2002 sous le no 02291294.3 et délivré le 5 avril 2006 sous le no EP 1 262 125 2) sur le brevet [P] FR 01 07263 : a) juger que le brevet [P] déposé le 1er juin 2001 sous le no 2 825 249 et délivré le 26 septembre 2003 sous le no FR 01 07263 est nul pour insuffisance de description b) juger que le brevet [P] FR 01 07263 déposé le 1er juin 2001 sous le no 2 825 249 et délivré le 26 septembre 2003 sous le no FR 01 07263 est nul pour défaut de nouveauté c)juger que le brevet [P] déposé le 1er juin 2001 sous le no 2 825 249 et délivré le 26 septembre 2003 sous le no FR 01 07263 est nul pour défaut d'activité inventive d) en conséquence, annuler la revendication 1, 2, 3, 4, 5 et 6 du brevet [P] déposé le 1er juin 2001 sous le no 2 825 249 et délivré le 26 septembre 2003 sous le no FR 01 07263 pour défaut d'activité inventive, défaut de nouveauté et insuffisance de description 3) sur le procès-verbal de Maître [G] [W] du 17 juillet 2019 : a) juger que les constatations de Maître [G] [W], huissier de Justice à [Localité 6], relatées au sein du procès-verbal de saisie-contrefaçon qu'il a dressé le 17 juillet 2019 au siège de la société Décathlon SA (devenue Décathlon SE) sont inexactes et incomplètes b) qu'il résulte de son procès-verbal qu'il n'a pas dirigé les opérations de saisie-contrefaçon et a repris les remarques de Monsieur [K], conseil en propriété industrielle de la SAS Waff, sans les vérifier d) en conséquence, annuler le procès-verbal de Maître [G] [W] du 17 juillet 2019 qui comporte des erreurs matérielles graves 4) sur le procès-verbal de Maître [E] du 17 juillet 2019 : a)juger que les constatations de Maître [E], huissier de Justice à [Localité 6], relatées au sein du procès-verbal de saisie-contrefaçon qu'il a dressé le 17 juillet 2019 au siège de la société Décathlon SAS ne permettent pas aux concluantes de vérifier les constatations personnelles de l'huissier b) en conséquence, annuler le procès-verbal de saisie-contrefaçon dressé par Maître [E], huissier de justice à [Localité 6], au siège de la société Décathlon SAS le 17 juillet 2019 5) sur le procès-verbal de Maître [F] en date du 3 décembre 2019 : a) juger que le procès-verbal de Maître [F] en date du 3 décembre 2019 est valable b) en conséquence, débouter la demande en annulation du procès-verbal de Maître [F] en date du 3 décembre 2019 6) sur la matérialité de la contrefaçon : a) juger que le coussin Gym Pillow Mini Domyos de Décathlon ne contrefait pas le brevet [P] FR 01 07263 dont la délivrance a été publiée le 26 septembre 2003 b) juger que le coussin Gym Pillow Mini Domyos de Décathlon ne contrefait pas le brevet Waff EP 1 262 125 dont la délivrance a été publiée le 5 avril 2006 c) juger que les sociétés Décathlon SA (devenue Décathlon SE) et Décathlon SAS n'ont pas commis de faits distincts de ceux qui leur sont reprochés au titre de la contrefaçon de brevet et que les demandes de la société Waff et de Monsieur [P] au titre de la concurrence déloyale et/ou parasitaire est infondée d) débouter la société Waff et Monsieur [P] de leurs demandes de ces chefs 7) sur la matérialité de la concurrence parasitaire : a) juger que les sociétés Décathlon n'ont commis aucun fait de concurrence parasitaire vis-à-vis de la société Waff b) débouter la société Waff de sa demande de ce chef A titre subsidiaire, 8) sur l'indemnisation du préjudice subi au titre de la contrefaçon et de la concurrence parasitaire : a) juger que la société Waff et Monsieur [P] sollicitent une double réparation du préjudice qu'ils invoquent b) juger que la société Waff et Monsieur [P] ne justifient absolument pas le montant de leurs différentes demandes indemnitaires, basées sur des faits commis sur le territoire français c) débouter la société Waff et Monsieur [P] de leurs demandes indemnitaires d) par conséquent, débouter la société Waff et Monsieur [P] de l'intégralité de leurs demandes, fins et prétentions En tout état de cause, a) débouter la société Waff et Monsieur [P] de toutes leurs demandes indemnitaires portant sur la vente de produits Gym Pillow Mini en dehors du territoire français b) débouter la société Waff et Monsieur [P] de leur demande en condamnation pour procédure abusive c) débouter la société Waff et Monsieur [P] de toutes demandes d'information et d'expertise d) condamner la société Waff et Monsieur [P] à payer aux sociétés Décathlon la somme totale de 60 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile e) condamner la société Waff et Monsieur [P] aux entiers dépens de l'instance, en ce compris les procès-verbaux de constat que les sociétés Décathlon ont fait dresser les 2 et 3 décembre 2019, dont distraction au profit de la SELARL M-P Escande conformément aux articles 699 et suivants du code de procédure civile. MOTIFS DU JUGEMENT I - Présentation des brevets FR 249 et EP 125 I.1 - Le brevet FR 249 16. Le brevet FR 249, déposé le 1er juin 2001 et délivré le 26 septembre 2003, décrit un siège gonflable dont l'effet technique principal est une stabilité améliorée et dont l'utilisation serait facile, adaptée à différentes utilisations de repos et de loisir, et permettant d'être produit à faible coût (pièce Waff et [P] no4). 17. Le brevet présente l'art antérieur comme constitué par le document US 4 687 452 qui décrit un siège gonfable flottant comportant un ballast à eau afin d'en améliorer la stabilité. L'invention propose de résoudre, notamment, le problème technique de la nécessité de disposer d'eau à proximité du lieu d'utilisation et de vider l'eau contenue dans le siège gonflable après utilisation, tout en assurant la stabilité du siège gonflable (même pièce no4). 18. Ce brevet se compose d'une revendication principale et de cinq revendications dépendantes : "1 : Siège gonflable comprenant un corps annulaire (2) formant une chambre toroïdale (3), comprenant une extrémité axiale supérieure (8) et une extrémité axiale inférieure (9), la chambre toroïdale (3) pouvant être remplie d'air, le siège comprenant en outre deux parois planes (10, 11) s'étendant perpendiculairement à l'axe de révolution (4) du corps annulaire (2), une chambre centrale (12) coaxiale au corps annulaire (2) étant formée par une portion intérieure (6) du corps annulaire (2) et par lesdites deux parois planes (10, 11) fixées sur la portion intérieure (6) du corps annulaire (2), caractérisé par le fait que les parois planes (10, 11) sont situées axialement à distance des extrémités axiales supérieure et inférieure (8, 9) du corps annulaire (2) de façon à laisser libre des espaces (13, 14) à proximité des extrémités axiales supérieure et inférieure (8, 9) du corps annulaire (2). 2 : Siège selon la revendication 1, caractérisé par le fait que les parois planes (10, 11) sont symétriques par rapport à un plan équatorial du corps annulaire (2). 3 : Siège selon l'une quelconque des revendications 1 ou 2, caractérisé par le fait que les parois planes (10, 11) définissent avec la portion intérieure (6) du corps annulaire (2), une chambre centrale (12) pouvant être remplie d'air au moyen d'une valve. 4 : Siège selon l'une quelconque des revendications précédentes, caractérisé par le fait que le rayon (r) du cercle section de la chambre toroïdale (3) est compris entre 25% du rayon (R) du cercle de révolution de la chambre toroïdale (3), et 85% du rayon (R) du cercle de révolution de la chambre toroïdale (3). 5 : Siège selon l'une quelconque des revendications précédentes, caractérisé par le fait que la distance axiale (d) entre une extrémité axiale (8, 9) du corps annulaire (2) et la paroi plane (10, 11) adjacente est comprise entre 25% du rayon (R) du cercle de révolution de la chambre toroïdale (3), et 85% du rayon (R) du cercle de révolution de la chambre toroïdale (3). 6 : Siège selon l'une quelconque des revendications précédentes, caractérisé par le fait que les différentes parois sont thermosoudées entre elles. I.2 - Le brevet EP 125 19. Le brevet EP 125, déposé le 28 mai 2002 et délivré le 5 avril 2006, revendique la priorité du brevet FR 249 du 1er juin 2001. Il concerne également un siège gonflable destiné à répondre au problème technique d'amélioration de la stabilité, de facilité d'utilisation, d'adaptation à différentes utilisations et d'obtention à faible coût (pièce de la SAS Waff et de M. [P] no5). 20. Ce brevet se compose d'une revendication principale et de cinq revendications dépendantes : "1 : Siège gonflable comprenant un corps annulaire (2) formant une chambre toroïdale (3), comprenant une extrémité axiale supérieure (8) et une extrémité axiale inférieure (9), la chambre toroïdale (3) pouvant être remplie d'air, le siège comprenant en, outre deux parois planes (10, 11) s'étendant perpendiculairement à l'axe de révolution (4) du corps annulaire (2), une chambre centrale (12) coaxiale au corps annulaire (2) étant formée par une portion intérieure (6) du corps annulaire (2) et par lesdites deux parois planes (10, 11) fixées sur la portion intérieure (6) du corps annulaire (2), les parois planes (10, 11) étant situées axialement à distance des extrémités axiales supérieure et inférieure (8, 9) du corps annulaire (2) de façon à laisser libre des espaces (13, 14) à proximité des extrémités axiales supérieure et inférieure (8, 9) du corps annulaire (2), la distance entre la paroi plane inférieure (11) et l'extrémité inférieure du corps annulaire délimitant un espace libre, caractérisé en ce que la distance axiale (d) entre l'extrémité axiale inférieure (9) du corps annulaire (2) et la paroi plane inférieure (11) est supérieure à 25% du rayon (R) du cercle de révolution de la chambre toroïdale (3), cet espace libre présentant un volume suffisant pour qu'un mouvement de l'utilisateur initialement assis sur le siège s'accompagne d'une augmentation du volume de l'espace libre ainsi ménagé et d'une dépression correspondante dans l'espace libre, laquelle dépression tend à plaquer le siège sur la surface sur laquelle il est posé. 2 : Siège selon la revendication 1, caractérisé par le fait que les parois planes (10, 11) sont symétriques par rapport à un plan équatorial du corps annulaire (2). 3 : Siège selon l'une quelconque des revendications 1 ou 2, caractérisé par le fait que les parois planes (10, 11) définissent avec la portion intérieure (6) du corps annulaire (2), une chambre centrale (12) pouvant être remplie d'air au moyen d'une valve. 4 : Siège selon l'une quelconque des revendications précédentes, caractérisé par le fait que le rayon (r) du cercle section de la chambre toroïdale (3) est compris entre 25% du rayon (R) du cercle de révolution de la chambre toroïdale (3), et 85% du rayon (R) du cercle de révolution de la chambre toroïdale (3). 5 : Siège selon l'une quelconque des revendications précédentes, caractérisé par le fait que la distance axiale (d) entre une extrémité axiale (8, 9) du corps annulaire (2) et la paroi plane (10, 11) adjacente est comprise entre 25% du rayon (R) du cercle de révolution de la chambre toroïdale (3), et 85% du rayon (R) du cercle de révolution de la chambre toroïdale (3). 6 : Siège selon l'une quelconque des revendications précédentes, caractérisé par le fait que les différentes parois sont thermosoudées entre elles. 21. Les brevets FR249 et EP125 sont accompagnés de la même figure suivante : II - Sur la définition de l'homme du métier Moyens des parties 22. La SAS Waff et M. [P] définissent l'homme du métier comme "le spécialiste des coussins gonflables" (leurs conclusions page 122). 23. Les sociétés Décathlon SE et Décathlon France définissent l'homme du métier comme "concerné par les coussins gonflables, qui recherche à obtenir une solution technique au problème de stabilité" (leurs conclusions page 16). Réponse du tribunal 24. L'homme du métier est celui du domaine technique où se pose le problème que l'invention, objet du brevet, se propose de résoudre (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 20 novembre 2012, pourvoi no11-18.440). 25. En l'occurrence, les brevets FR 249 et EP 125 ont pour objet un "siège gonflable" (pièces de demandeurs no4 et 5, pièces des défenderesses no4 et 6) en sorte que l'homme du métier se définit comme un spécialiste des sièges gonflables. III - Sur la validité du brevet FR 249 III.1 - S'agissant de la validité du brevet FR 249 au regard de sa description Moyens des parties 26. Les sociétés Décathlon SE et Décathlon France soutiennent que le brevet FR 249 doit être annulé pour insuffisance de description de ses revendications 1, 2 et 4 à 6, qui ne permettent pas à l'homme du métier de parvenir à réaliser l'invention. Selon elles, l'homme du métier ne pourrait pas reproduire l'effet ventouse qui solutionnerait le problème technique de stabilité du coussin, du fait de l'absence de précision de la distance à appliquer entre les extrémités axiales supérieure, inférieure et les parois planes. Elles soutiennent qu'à défaut de précision des dimensions du siège, l'invention est dénuée de tout effet technique. Elles affirment que c'est également ce qu'a conclu l'examinateur de l'Office européen des brevets (OEB) lorsqu'il a étudié la recevabilité de la demande de brevet EP125, identique au brevet FR249. Elles ajoutent qu'à défaut pour les revendications de préciser à quel niveau le coussin doit être gonflé, sa mise en oeuvre est rendue impossible pour l'homme du métier. 27. La SAS Waff et M. [P] répondent que la lecture des revendications 1, 2 et 4 à 6 du brevet FR 249 à la lumière de la description introductive et des figures permet facilement à l'homme du métier de réaliser l'invention, notamment parce que la description explique que l'espace délimité par les deux parois planes permet de créer une dépression et de plaquer le siège sur le sol ou une surface liquide. Réponse du tribunal 28. Aux termes de l'alinéa 1 de l'article L.612-5 du code de la propriété intellectuelle, "l'invention doit être exposée dans la demande de brevet de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter". 29. Selon l'article L.612-6 du même code, "les revendications définissent l'objet de la protection demandée. Elles doivent être claires et concises et se fonder sur la description". 30. L'article L.613-25 du même code prévoit que "le brevet est déclaré nul par décision de justice : [?] b) S'il n'expose pas l'invention de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter". 31. L'exigence de suffisance de description est satisfaite, dès lors que l'homme du métier, avec l'aide de ses connaissances et par des opérations matérielles ne revêtant pas de difficultés excessives, est en mesure de reproduire l'invention (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 5 juillet 2017, no15-20.554). 32. En outre, l'homme du métier peut s'aider de la description et des dessins pour reproduire l'invention (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 20 mars 2007, pourvoi no05-12.626). 33. Au cas présent, il n'est pas contesté par les demandeurs que la revendication 1 du brevet FR 249 ne comporte pas de précision relativement à la distance que doit appliquer l'homme du métier entre les extrémités axiales et les parois planes pour produire la dépression d'air à l'origine de l'effet stabilisant du siège gonflable. 34. Toutefois, l'homme du métier comprend, à la lecture de la description, que "la distance axiale entre une extrémité axiale du corps annulaire et la paroi plane adjacente est comprise entre 25% du rayon du cercle de révolution de la chambre toroïdale et 85% du rayon du cercle de révolution de la chambre toroïdale" (page 2 du brevet FR 249, lignes 16 à 19), ce qui lui permet d'obtenir "une assise confortable et un siège stable, tout en permettant la création, dans l'espace libre à proximité de l'extrémité axiale inférieure du corps annulaire, d'une dépression suffisante pour améliorer la stabilité du siège gonflable" (page 2 du brevet FR 249, lignes 19 à 22). 35. De plus, ces précisions sont l'objet de la revendication 4 précitée de ce brevet. 36. Le résultat technique recherché est donc clairement identifiable et peut être facilement reproduit par l'homme du métier qui dispose des proportions optimales à donner au siège pour améliorer sa stabilité. 37. De même, s'agissant de la revendication 2 du brevet FR 249, la description précise que la symétrie revendiquée permet au siège gonfable d'être utilisé "indifféremment en utilisant une première paroi plane comme assise ou la seconde paroi plane" (page 2 du brevet FR 249 lignes 5 à 7). Il s'en déduit, sans difficulté excessive pour l'homme du métier, que le siège gonflable peut être utilisé d'un côté ou de l'autre. 38. S'agissant des revendications 4 et 5 du brevet FR 249, la lecture de la description et de la figure permet à l'homme du métier de comprendre que le siège doit être gonflé de façon à "obtenir une structure d'ensemble du siège gonflable plus rigide, [et] pouvoir adapter le confort souhaité de l'assise centrale du siège gonflable" (page 2, lignes 10 à 12). L'homme du métier en déduit, sans difficulté excessive, à quel niveau il doit gonfler le siège pour obtenir l'effet technique de stabilisation recherché. 39. Comme pour la revendication 1, l'homme du métier comprend, également, que les rapports de distance revendiqués ont pour objet d'obtenir "une assise confortable et un siège stable, tout en permettant la création, dans l'espace libre à proximité de l'extrémité axiale inférieure du corps annulaire, d'une dépression suffisante pour améliorer la stabilité du siège gonflable" à la lecture de la description (page 2 du brevet FR 249, lignes 19 à 22). 40. S'agissant de la revendication 6, selon laquelle "les différentes parois sont thermosoudées entre elles", son libellé permet à lui seul d'en déterminer le résultat technique, à savoir la solidarité entre l'ensemble des pièces du siège gonfable. 41. Ainsi, grâce aux revendications et en s'aidant de la description et de la figure, l'homme du métier avec ses connaissances générales peut, sans difficulté excessive, exécuter l'invention, qui est suffisamment décrite. 42. Le moyen d'insuffisance de description du brevet FR 249 sera, en conséquence, écarté. III.2 - S'agissant de la validité du brevet FR 249 au regard de sa nouveauté III.2.1 - Présentation de l'art antérieur 43. Le brevet présente l'art antérieur comme constitué par le document US 4,687,452 (ci-après US 452 Hull), brevet américain déposé le 21 juillet 1986. Il est intitulé "siège portable flottant gonflable à gaz" et comporte une revendication principale et neuf revendications dépendantes (pièces Waff et [P] no10, Décathlon no9-1 et 9-2). 44. La revendication 1 de ce document , seule invoquée, est rédigée comme suit, d'après la traduction libre et non contestée des sociétés Décathlon (leur pièce no9-2) : "1. Un siège portable, flottant, gonflable au gaz pour supporter une personne sur l'eau, ledit siège comprenant : - une première chambre de flotteur gonflable inférieure, de forme généralement annulaire, définissant un compartiment pour ladite personne et adaptée pour fournir une flottabilité lorsqu'elle est gonflée et placée dans l'eau ; - un compartiment de lest d'eau à l'intérieur de ladite chambre de flotteur inférieure - une deuxième chambre de flotteur gonflable supérieure, de forme généralement annulaire, montée sur le dessus de ladite première chambre de flotteur, formée avec un segment ouvert sur un côté arrière de celle-ci et formant des accoudoirs sur les côtés opposés dudit segment ouvert - un coussin de siège gonflable séparément adapté pour être monté de manière amovible sur ladite chambre de flotteur inférieure adjacente audit segment ouvert de ladite chambre de flotteur supérieure, ledit coussin de siège pouvant être utilisé comme un coussin lorsqu'il est détaché de ladite chambre de flotteur - un dossier de siège gonflable vertical faisant saillie vers le haut de ladite première chambre flottante, monté dans ledit segment ouvert et fixé à ladite première chambre flottante et - des moyens de fixation pour fixer de manière détachable ledit coussin de siège en place sur ladite chambre de flotteur inférieure adjacente audit segment ouvert de ladite chambre de flotteur supérieure". 45. Ce brevet comprend six figures, parmi lesquelles la figure 3 est invoquée : 46. Les sociétés Décathlon opposent également le document US 6,217,401 (ci-après US 401 Peterson), brevet américain déposé le 15 mai 2000. Il est intitulé "véhicule tractable gonflable" et comporte une revendication principale et neuf revendications dépendantes (leurs pièces no10-1 et 10-2). 47. La revendication 1 de ce document, seule invoquée, est rédigée comme suit, d'après la traduction libre et non contestée des sociétés Décathlon SE et Décathlon France (leur pièce no10-2) : "1. Véhicule tractable gonflable, comprenant : - un élément de corps gonflable comprenant un fond, une paroi extérieure, un sommet et une paroi intérieure définissant une cavité au centre ayant un diamètre intérieur - une coque de corps flexible disposée pour couvrir le fond, la paroi extérieure, le sommet et la paroi intérieure de l'élément de corps, la coque ayant une ouverture d'extrémité disposée de manière lâche à une partie inférieure de la paroi intérieure - un siège comprenant un fond, une paroi extérieure et un sommet, le siège étant dimensionné pour s'adapter à l'intérieur de la cavité de l'élément de corps de telle sorte que la paroi extérieure du siège s'engage dans l'enveloppe corporelle disposée sur la paroi intérieure de l'élément de corps au-dessus de l'ouverture d'extrémité et tire l'enveloppe corporelle tendue lorsque le siège est inséré dans la cavité". 48. Ce brevet comprend cinq figures, parmi lesquelles les figures 3, 4 et 5 sont invoquées : III.2.2 - Sur le défaut de nouveauté au regard du brevet US 452 Hull Moyens des parties 49. Les sociétés Décathlon SE et Décathlon France estiment que la revendication 1 du brevet FR 249, seule revendication principale, n'est pas nouvelle, car toutes ses caractéristiques se retrouvent à la lecture du brevet US 452 Hull : l'invention est un siège comprenant deux parois planes s'étendant perpendiculairement à l'axe de révolution du corps annulaire, une chambre centrale coaxiale au corps annulaire étant formée par une portion intérieure du corps annulaire et par lesdites deux parois planes fixées sur la portion intérieure du corps annulaire. Elles précisent que ces deux parois planes sont situées axialement à distance des extrémités axiales supérieure et inférieure du corps annulaire et laissent libre des espaces à proximité des extrémités axiales supérieure et inférieur du corps annulaire. Elles s'appuient sur l'examen opéré par l'OEB de la demande de brevet EP 125, pour relever que la description du brevet US 452 Hull indique qu'il est possible d'introduire de l'eau dans le compartiment central, mais que cela n'est pas nécessaire, tout comme l'indique également la description du brevet FR 249. 50. La SAS Waff et M. [P] répliquent que le brevet US 452 Hull décrit un siège constitué de plusieurs parties, dont la chambre centrale ne forme pas l'assise, mais une simple structure distincte du siège qui assure une fonction de stabilisation, à la différence de la revendication 1 du brevet FR 249. Ils exposent que l'invention du brevet US 452 Hull consiste à prévoir une chambre de ballast à une extrémité inférieure de la chambre de flottaison, le ballast étant situé aussi bas que possible pour être réellement efficace. Ils considèrent qu'il n'existe aucun espace entre la paroi inférieure et l'extrémité axiale inférieure. Selon eux, l'invention objet de la revendication 1 du brevet FR 249, en ce que les deux parois planes sont situées à distance axialement des extrémités du corps annulaire, de façon à laisser libres des espaces à proximité des extrémités axiales et en ce que le brevet US 452 Hull exige qu'un ballast soit rempli d'eau pour que le coussin soit équilibré, l'en distingue. Réponse du tribunal 51. Selon l'alinéa 1er de l'article L.611-10 du code de la propriété intellectuelle, "sont brevetables, dans tous les domaines technologiques, les inventions nouvelles impliquant une activité inventive et susceptibles d'application industrielle". 52. Aux termes des alinéas 1 et 2 de l'article L.611-11 du même code "une invention est considérée comme nouvelle si elle n'est pas comprise dans l'état de la technique. L'état de la technique est constitué par tout ce qui a été rendu accessible au public avant la date de dépôt de la demande de brevet par une description écrite ou orale, un usage ou tout autre moyen". 53. Il résulte de ces textes que pour être comprise dans l'état de la technique et être privée de nouveauté, l'invention doit s'y retrouver tout entière, dans une seule antériorité au caractère certain avec les éléments qui la constituent dans la même forme, le même agencement, le même fonctionnement en vue du même résultat technique (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 12 mars 1996, no94-15.283 et jurisprudence constante depuis). Pas de nouveauté revendication 1 à 4 et 6 car divulgué par figure 3 US Hull distance est existante et mise ne oeuvre de la chambre toroïdale est comprise entre , nouveau pour 5 54. En l'espèce, le siège décrit par le brevet US 452 Hull est constitué de plusieurs parties : une chambre inférieure de forme annulaire, un compartiment pouvant être rempli d'eau, une deuxième chambre de forme annulaire formée avec un segment ouvert et comprenant des accoudoirs sur les côtés, un coussin et un dossier de siège. 55. La revendication 1 du brevet FR 249 est caractérisé en ce que "les parois planes (10, 11) sont situées axialement à distance des extrémités axiales supérieure et inférieure (8, 9) du corps annulaire (2) de façon à laisser libre des espaces (13, 14) à proximité des extrémités axiales supérieure et inférieure (8, 9) du corps annulaire (2)". 56. Or, il ressort de la figure 3 du brevet US 452 Hull (pièce Décathlon no9-1) et de sa description, selon la traduction non contestée produite par les sociétés Décathlon (leur pièce no9-2) que la partie inférieure du siège gonflable, dite chambre de ballastage d'eau, est constituée d'un corps annulaire et comporte des parois supérieure et inférieure pour fermer les extrémités de la chambre de flottaison inférieure. 57. Toutefois, contrairement à ce que soutiennent la SAS Waff et M. [P], la figure 3 du brevet US 452 Hull suggère que les parois supérieure et inférieure sont planes et qu'elles se situent à distance des extrémités axiales supérieure et inférieure du corps annulaire. Cette caractéristique apparaît également sur la figure 1 du document US 452 Hull sur laquelle est représentée "une structure de paroi de fond flexible (16)" située à distance de l'extrémité axiale supérieure du corps annulaire inférieur. Il en résulte que des espaces à proximité des extrémités axiales supérieure et inférieure du corps annulaire sont divulgués. 58. Dès lors, ce document décrit l'ensemble des caractéristiques de la revendication 1 du brevet FR 249. 59. La revendication 2 du brevet FR 249 est également divulguée par le document US 452 Hull, les parois planes étant symétriques par rapport à un plan équatorial du corps annulaire, représentés sur les figures 2, 3 et 4 (pièce Décathlon no9-1). 60. La revendication 3 du brevet FR 249 est divulguée par le document US 452 Hull qui mentionne que "les parois de fond supérieure et inférieure définissent entre elles un espace de lestage qui peut être complètement ou partiellement rempli d'eau par l'intermédiaire d'une vanne de commande", ces parois étant "fixées au tour des préimètres extérieures avec un joint étanche à la surface intérieure de la chambre de flottaison inférieure" (pièce Décathlon no9-2). Il s'en déduit que ces parois de fond forment une chambre centrale, laquelle, si elle peut être remplie d'eau au moyen d'une vanne, peut être remplie d'air au moyen d'une valve. 61. Le document US 452 Hull ne mentionne aucune indication relative à la proportion du rayon du cercle de section de la chambre toroïdale par rapport à celui du cercle de révolution de cette chambre, objet de la revendication 4 du brevet FR 249. 62. A cet égard, les sociétés Décathlon affirment que le rayon du cercle de section de la chambre toroïdale est nécessairement compris entre 25% et 85% du rayon du cercle de révolution de la chambre toroïdale. Elles ne développent, toutefois, aucune démonstration au soutien de cette affirmation, se référant aux observations de l'Office européen des brevets (leurs pièces no8 et 13), lesquelles ne la contiennent pas. 63. Il en va de même de la revendication 5 du brevet FR 249 pour laquelle les sociétés Décathlon prétendent que la distance entre les extrémités axiales du corps annulaire et la paroi plane adjacente est nécessairement comprise entre 15% et 85% du rayon du cercle de révolution de la chambre toroïdale, sans que cette affirmation ne soit étayée. 64. A l'inverse, le document US 452 Hull enseigne que "les poignées peuvent être formées de matières plastiques moulées avec des bases ovales, thermosoudées ou fixées d'une autre manière aux surface supérieures de la chambre de flottaison", en sorte que la revendication 6 du FR 249 est également divulguée. 65. En conséquence, les revendications 1 à 3 et 6 du brevet FR 249 seront annulées pour défaut de nouveauté. III.2.3 - Sur le défaut de nouveauté au regard du brevet US 401 Peterson Moyens des parties 66. Les sociétés Décathlon SE et Décathlon France avancent que la description et la figure 4 du document US 401 Peterson divulgue toutes les caractéristiques de la revendication 1 du brevet FR 249, en ce qu'elles présentent un siège comprenant deux parois planes s'étendant perpendiculairement à l'axe de révolution du corps annulaire ; une chambre centrale coaxiale au corps annulaire étant formée par une portion intérieure du corps annulaire et par les dites deux parois planes fixées sur la portion intérieure du corps annulaire ; les deux parois planes intérieures viennent se placer au centre du siège et sont situées axialement à distance des extrémités axiales supérieure et inférieur du corps annulaire, laissant libre des espaces à proximité des extrémités axiales supérieure et inférieur du corps annulaire. 67. La SAS Waff et M. [P] objectent que le domaine technique du brevet US 401 Peterson est trop éloigné de celui des sièges gonflables pour constituer une antériorité opposable au brevet FR 249. Ils en tirent que l'homme du métier souhaitant obtenir l'invention du brevet litigieux ne consultera pas un document relatif à une bouée gonflable tractable pour résoudre le problème technique de la stabilité d'un siège gonfable. Réponse du tribunal 68. En application des articles L.611-10 et L.611-11 du code de la propriété intellectuelle précités, il est rappelé que pour être comprise dans l'état de la technique et être privée de nouveauté, l'invention doit se retrouver tout entière, dans une seule antériorité au caractère certain avec les éléments qui la constituent dans la même forme, le même agencement, le même fonctionnement en vue du même résultat technique. 69. Le brevet US 401 Peterson divulgue une bouée gonflable dont le résultat technique est de "fournir un véhicule gonflable tractable simple, efficace et pratique dont la coque est fixée à l'élément de corps sans l'utilisation de fermetures à glissière" (pièce Décathlon no10-2). 70. Le résultat technique de ce brevet se distingue, de ce fait, de celui du brevet FR 249 ayant pour objet un siège gonflable dont l'effet technique principal est une stabilité améliorée et dont l'utilisation serait facile, adaptée à différentes utilisations de repos et de loisir, et permettant d'être produit à faible coût (pièce de la SAS Waff et de M. [P] no4). 71. De plus, contrairement à l'une des caractéristiques de la revendication 1 du brevet FR 249, aucune des informations du brevet US 401 Peterson ne décrit d'espace libre entre l'extrémité axiale inférieure et la paroi plane inférieure de la bouée, outre que ses figures 4 et 5 montrent que sa surface inférieure est plane. La revendication 1 de ce brevet mentionne, au contraire, que le véhicule tractable gonflable comprend "une coque de corps flexible disposée pour couvrir le fond (...) de l'élément de corps". 72. Ainsi, n'ayant ni le même fonctionnement, ni les mêmes propriétés et ne répondant pas au même problème technique, l'invention du document US 401 Peterson ne constitue pas une antériorité de la revendication 1 du brevet FR 249 et ne la prive donc pas de nouveauté, non plus que, par voie de conséquence, les revendications dépendantes 2 à 6 de ce brevet. III.3 - S'agissant de la validité du brevet FR 249 au regard de son activité inventive Moyens des parties 73. Les sociétés Décathlon SE et Décathlon France font valoir que les caractéristiques structurelles et fonctionnelles du brevet FR 249 étaient déjà connues de l'homme du métier grâce aux brevets US 452 Hull, US 401 Peterson et US 674 Ando et divulgaient un tore caractérisé par une chambre interne dont les extrémités supérieure et inférieure sont situées axialement à distance des extrémités supérieure et inférieure du tore et dont la forme toroïdale permet de dégager un espace libre inférieur générant un espace de décompression assurant la stabilité du siège gonflable. 74. La SAS Waff et M. [P] contestent que les caractéristiques structurelles et fonctionnelles du brevet FR 249 se retrouvent dans les documents opposés. Ils estiment, notamment, que ce brevet se distingue des antériorités invoquées, y compris dans leur combinaison, en ce que les parois planes sont situées axialement à distance des extrémités axiales supérieure et inférieure du corps annulaire, de façon à laisser libre des espaces à proximité des extrémités axiales supérieure et inférieure du corps annulaire pour produire l'effet technique de stabilisation par décompression. Réponse du tribunal 75. L'article L.611-14 du code de la propriété intellectuelle dispose qu'une invention est considérée comme impliquant une activité inventive "si, pour un homme du métier, elle ne découle pas d'une manière évidente de l'état de la technique (?)". 76. L'élément ou les éléments de l'art antérieur ne sont destructeurs d'activité inventive que si, pris isolément ou associés entre eux selon une combinaison raisonnablement accessible à l'homme du métier, ils lui permettaient à l'évidence d'apporter au problème résolu par l'invention la même solution que celle-ci (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 15 novembre 1994, no93-12.917 et jurisprudence constante depuis). 77. En conséquence de l'annulation, pour défaut de nouveauté, des revendications 1 à 3 et 6 du brevet FR 249, seules seront analysées l'activité inventive des revendications 4 et 5 de ce brevet. 78. Au titre du défaut d'activité inventive, les sociétés Décathlon, outre les deux documents précédents, invoquent le document US 3,712,674 (ci-après US 674 Ando), brevet américain déposé le 19 avril 1971. Il est intitulé "chaise gonflable" ("inflatable chair") et comporte une revendication principale et six revendications dépendantes (pièces Décathlon no15-1 et 15-2). 79. Elles se prévalent, notamment, des lignes 13 à 24 de la description de ce brevet, ainsi libellées d'après la traduction libre et non contestée des sociétés Décathlon (leur pièce no15-2) : "lorsque la chaise est occupée, et que le poids est ainsi exercé sur la partie siège 2, un effet de ventouse se produit entre la partie gonflée 3 et le sol, de sorte que même lorsque le poids de l'occupant est exercé contre la partie dossier 1a de la partie 1, la chaise ne bascule pas". 80. Ce brevet comprend trois figures, parmi lesquelles la figure 1 est invoquée : 81. Le problème technique que propose de résoudre le brevet FR 249 est celui d'obtenir un siège gonflable facile d'utilisation, gonflable manuellement, adapté à différentes utilisations, possédant une stabilité améliorée et, l'ensemble, à faible coût (conclusions Waff et [P] page 156). 82. Or, ainsi qu'il a été analysé au titre de la nouveauté du brevet FR 249, le document US 452 Hull divulgue un corps annulaire, ou tore, dont le centre est fermé par deux parois supérieure et inférieure planes, situées à distance des extrémités axiales supérieure et inférieure du corps annulaire, symétriques par rapport à un plan équatorial du corps annulaire, définissant à l'intérieur du corps annulaire une chambre centrale pouvant être remplie d'air au moyen d'une valve et dont les différentes parois sont thermosoudées entre elles. 83. Le document US 674 Ando divulgue dans sa revendication 1 une "section constituant un élément d'engagement au sol qui, lorsqu'il est gonflé, a la forme d'un tore creux, ayant un diamètre extérieur supérieur au diamètre" de la section du siège qui lui est supérieure, selon sa traduction non contesté (pièce Décathlon no15-2). Ainsi, selon ce document, le résultat technique de la stabilité du siège gonflable est obtenu, dès lors que le tore creux a un diamètre supérieur à celui du siège situé en son centre. 84. La combinaison de l'enseignement de ce document et des caractéristiques du document US 452 Hull aboutissent à concevoir, pour l'homme du métier doté de ses connaissances générales, un corps annulaire, ou tore creux, dont le siège situé au centre est constitué de deux parois supérieure et inférieure planes fermant cet espace, lesquelles sont situées à distance des extrémités axiales supérieure et inférieure du corps annulaire, afin d'obtenir l'effet de dépression permettant la stabilisation du siège. 85. Toutefois, la circonstance que les revendications 4 et 5 du brevet FR 249 caractérisent que ce résultat technique est obtenu, pour le siège gonflable objet de l'invention, par des rapports de proportion compris entre 25% et 85% du cercle de révolution de la chambre toroïdale, tant pour le rayon du cercle de section de la chambre toroïdale que pour la distance axiale entre une extrémité axiale du corps annulaire et la paroi plane adjacente, n'a pas pour effet de les priver de caractère inventif. 86. En effet, d'abord, aucune proportion de distance n'est décrite dans les documents opposés. 87. Ensuite, la lecture de la figure 3 du document US 452 Hull, compte tenu de la très faible distance qui sépare les parois planes de la chambre centrale des extrémités axiales du corps annulaire, n'invite pas l'homme du métier doté de ses connaissances générales, à en déduire que cette distance est propre à contribuer à un résultat technique. 88. Concernant le véhicule présenté par le brevet US 401 Peterson, sa forme diffère de l'invention du brevet FR 249. En effet, dans le silence de la description et des revendications du brevet US 401 Peterson à ce sujet, il apparaît, à l'étude de ses figures et notamment de ses figures 4 et 5, que la surface inférieure de la bouée est parfaitement plane et que contrairement au siège du brevet FR 249, aucun espace libre n'existe entre l'extrémité axiale inférieure et la paroi plane inférieure. 89. Le brevet US 401 Peterson ne présente donc pas les mêmes caractéristiques structurelles que le brevet FR 249 et n'invite pas l'homme du métier doté de ses connaissances générales à prévoir une distance minimale ou maximale entre les parois planes de la chambre centrale et les extrémités axiales du corps annulaire. 90. Il en va de même du document US 674 Ando qui enseigne que l'effet de stabilisation est obtenu dès lors que le tore creux inférieur est d'un diamètre supérieur au siège qui lui est supérieur. Ce document, dont la structure se distingue de celui du brevet FR 249 en ce qu'il est constitué de plusieurs corps annulaires, précise qu'en raison de cette séparation structurelle "les déplacements de poids n'auront pour effet que d'amener la section 3 (le tore inférieur) à s'agripper plus fermement au sol et à améliorer la stabilité de la chaise" (pièce Décathlon no15-2). Cette description, associée à la figure 3 de ce document, n'invite en rien l'homme du métier doté de ses connaissances générales, à prévoir des distances minimale ou maximale entre les deux tores que sont le siège et celui servant au résultat technique de l'effet ventouse. 91. La combinaison de ces documents ne divulgue pas plus les proportions caractérisantes des revendications 4 et 5 du brevet FR 249. Si l'effet ventouse est connu de l'homme du métier doté de ses connaissances générales, il ne découle pas, toutefois, tant à la lecture de ces documents que grâce à ses connaissances générales, les valeurs précises permettant d'obtenir ce résultat, lequel, selon les propres conclusions des sociétés Décathlon (pages 42 à 44), peut être obtenu en deça de 25% ou au-delà de 85% des distances caractérisantes. 92. En conséquence, le moyen tiré du défaut d'activité inventive des revendications 4 et 5 du brevet 249 sera rejeté. IV - Sur la validité du brevet EP 125 Moyens des parties 93. Au soutien de leur demande de nullité des revendications 1 à 6 du brevet EP 125 pour défaut d'activité inventive, les sociétés Décathlon SE et Décathlon France développent les mêmes moyens et arguments que ceux analysés au titre de la validité du brevet FR 249 (leurs conclusions pages 32 à 45). Elles ajoutent que la revendication 1 du brevet EP 125, en l'absence de toute indication de valeur maximale, confère à cette revendication une portée qui va au-delà de l'existence de son résultat technique, dans la mesure où, si la chambre centrale est trop large et la dépression trop profonde, l'air présent dans la partie inférieure du coussin sera totalement chassé lors de la pression d'un corps et l'effet ventouse sera absent. 94. La SAS Waff et M. [P] font valoir que le brevet EP 125 présente une activité inventive dans la mesure où il résoud un problème technique ancien auquel aucune autre invention n'avait apporté de solution, ce que son succès commercial confirme. Ils développent que ce brevet ne revendique pas l'effet ventouse invoqué en défense et qu'aucun des trois documents opposés ne permet à l'homme du métier de parvenir à l'invention parce qu'ils ne contiennent aucune suggestion en ce sens. Réponse du tribunal 95. L'article 52 de la convention de Munich du 5 octobre 1973 sur le brevet européen dispose que "les brevets européens sont délivrés pour toute invention dans tous les domaines technologiques, à condition qu'elle soit nouvelle, qu'elle implique une activité inventive et qu'elle soit susceptible d'application industrielle". 96. L'article 56 de cette convention précise que "une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si, pour un homme du métier, elle ne découle pas d'une manière évidente de l'état de la technique. Si l'état de la technique comprend également des documents visés à l'article 54, paragraphe 3, ils ne sont pas pris en considération pour l'appréciation de l'activité inventive". 97. Le brevet EP 125 revendique la priorité du brevet FR 249. 98. La revendication 1 du brevet EP 125 mentionne que le siège est "caractérisé en ce que la distance axiale (d) du corps annulaire et la paroi plane inférieure est supérieure à 25% du rayon (R) du cercle de révolution de la chambre toroïdale, cet espace libre présentant un volume suffisant pour qu'un mouvement de l'utilisateur initialement assis sur le siège s'accompagne d'une augmentation du volume de l'espace libre ainsi ménagé et d'une dépression correspondante dans l'espace libre, laquelle dépression tend à plaquer le siège sur la surface sur laquelle il est posé" (pièce Waff et [P] no5). 99. Cette rédaction consiste à intégrer dans la revendication 1 du brevet EP 125, une partie de la revendication 5 du brevet FR 249 et à décrire l'effet de stabilisation qui en résulte, contrairement à ce que soutiennent la SAS Waff et M. [P]. 100. Or, il n'est pas contesté que ce résultat technique ne peut être obtenu sans qu'un volume d'air minimal ne réside dans l'espace libre situé entre la paroi plane inférieure du centre du corps annulaire et l'extrémité axiale inférieure du corps annulaire. 101. Toutefois, contrairement à ce qu'invoquent les sociétés Décathlon, la revendication 1 de ce brevet précise non seulement que la distance entre la paroi plane du centre du corps annulaire et l'extrémité axiale de ce corps doit être supérieure à 25% du rayon du cercle de révolution de la chambre toroïdale, mais également que "cet espace libre présent[e] un volume suffisant" pour obtenir le résultat technique décrit, ce dont il se déduit que cette distance doit comporter un maximum que l'homme du métier doté de ses connaissances générales est en mesure de mettre en oeuvre. 102. De plus, ainsi qu'il a été démontré au titre de l'activité inventive du brevet FR 249, les documents US 452 Hull, US 401 Peterson et US 674 Ando ne divulguent ni isolément, ni dans leur combinaison, le fait que la distance entre la paroi plane du centre du corps annulaire et l'extrémité axiale de ce corps doit être supérieure à 25% du rayon du cercle de révolution de la chambre toroïdale, dès lors qu'elle peut être inférieure pour mettre en oeuvre les inventions objets de ces documents. 103. Ainsi, la revendication 1 du brevet EP 125 n'est pas dépourvue d'activité inventive s'agissant des rapports de distance entre la paroi plane du centre du corps annulaire et l'extrémité axiale de ce corps. Les revendications 2, 3, 4, 5 et 6 du brevet EP 125 étant dépendantes de la revendication 1 du brevet EP 125, elles ne sont pas, non plus, dépourvues d'activité inventive. 104. La demande d'annulation du brevet EP 125 sera, en conséquence, rejetée. V - Sur la validité des procès-verbaux de saisie-contrefaçon 105. Les sociétés Décathlon SE et Décathlon France sollicitent la nullité des deux procès-verbaux de saisie-contrefaçon dressés le 17 juillet 2019, le premier au siège social de la société Décathlon France et le second dans le magasin Décathlon situé à la même adresse, [Adresse 1], qui seront analysés successivement. V.1 - S'agissant de la validité du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 17 juillet 2019 au siège social de la SA Décathlon France Moyens des parties 106. Les sociétés Décathlon SE et Décathlon France concluent à l'annulation du procès-verbal dressé le 17 juillet 2019 suite à la saisie-contrefaçon opérée au siège social de la SA Décathlon France, au motif que, contrairement à ce qui est indiqué au titre des modalités de remise de l'acte, le procès-verbal n'a pas pu être remis au saisi le 17 juillet 2019 à 10h25, cette date et cette heure correspondant à celles du début des opérations de saisie-contrefaçon, alors, selon eux, que la rédaction d'un procès-verbal de saisie-contrefaçon ne peut être daté qu'au moyen de la "fiche de tournée", celle annexée à ce procès-verbal étant datée du 19 juillet 2019. 107. La SAS Waff et M. [P] considèrent que le procès-verbal est valable, la fiche de tournée indiquant la date du 19 juillet 2019, date à laquelle le procès-verbal a été remis au saisi, dans la mesure où il ne pouvait être rédigé sur place. Ils soulignent que si les défenderesses considéraient que le procès-verbal était un faux, elles auraient dû engager une procédure en inscription de faux, ce qu'elles n'ont pas fait et ce qui constitue la preuve que leur argumentation est infondée. Réponse du tribunal 108. Conformément à l'article 114 du code de procédure civile, "aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public. La nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public". 109. En application de l'article 648 du code de procédure civile, "tout acte d'huissier de justice indique, indépendamment des mentions prescrites par ailleurs : 1. Sa date ; 2. a) Si le requérant est une personne physique : ses nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance ; b) Si le requérant est une personne morale : sa forme, sa dénomination, son siège social et l'organe qui la représente légalement. 3. Les nom, prénoms, demeure et signature de l'huissier de justice ; 4. Si l'acte doit être signifié, les nom et domicile du destinataire, ou, s'il s'agit d'une personne morale, sa dénomination et son siège social. Ces mentions sont prescrites à peine de nullité". 110. Toutefois, les dispositions précitées de l'article 648 du code de procédure civile sont sans application lorsque la contestation porte non pas sur l'irrégularité ou l'omission d'une des mentions exigées, mais sur sa véracité (en ce sens Cour de cassation, 2ème chambre civile, 3 février 1977, Dalloz 1977 IR 229). 111. La nullité sanctionnant l'absence de date sur un acte d'huissier de justice est une nullité de forme qui ne peut être prononcée qu'à charge pour celui qui l'invoque de prouver le grief que lui cause cette irrégularité (en ce sens Cour de cassation, 2ème chambre civile, 12 décembre 1990, no89-18.876). 112. Au cas présent, il résulte du procès-verbal de saisie-contrefaçon dressé le 17 juillet 2019 au siège de la SA Décathlon France que la mention "l'an deux mille dix neuf et le dix sept juillet à 10h25" critiquée est portée à la suite du titre de ce procès-verbal (pièce Waff et [P] no17 page 5), ainsi qu'à la suite du titre "modalités de remise de l'acte" (même pièce page 15), tandis que la dénonciation de ce procès-verbal a été opérée par l'huissier instrumentaire le 19 juillet 2019, ainsi qu'il résulte de la fiche de signification (même pièce page 18). 113. Ainsi, la mention de la date de ce procès-verbal de saisie-contrefaçon ne fait pas défaut, non plus que celle de sa signification à la SA Décathlon France. 114. La circonstance que la date figurant sous le titre "modalités de remise de l'acte" soit celle de la saisie-contrefaçon et non de sa signification ne relève, dès lors, pas des nullités de forme, mais de la force probante de l'acte. 115. Au surplus, la SA Décathlon France ne fait état d'aucun grief au soutien de sa demande de nullité, laquelle sera, en conséquence, rejetée. V.2 - S'agissant de la validité du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 17 juillet 2019 au magasin Décathlon de [Localité 3] Moyens des parties 116. Les sociétés Décathlon SE et Décathlon France demandent l'annulation du procès-verbal du 17 juillet 2019 dressé suite aux opérations de saisie-contrefaçon réalisées au magasin Décathlon de [Localité 3], au premier motif que le coussin argué de contrefaçon présente des différences avec le siège breveté : il n'est pas un tore, par définition circulaire, mais un carré ; il ne comprend pas de parois planes internes, ses parois internes étant arrondies ; la mesure du rayon (R) du cercle de révolution de la chambre toroïdale est inexacte, de même que celle de la distance axiale (d) entre le corps annulaire et la paroi plane inférieure. Elles ajoutent que l'huissier n'a pas dirigé seul les opérations comme il aurait dû le faire et qu'il n'a pas vérifié lui-même les éléments matériels inscrits dans le procès-verbal, qui ont été dictés par le conseil en propriété industrielle assistant l'huissier. 117. La SAS Waff et M. [P] objectent que la distinction faite entre ses propres constatations et celles du conseil en propriété industrielle prouvent que l'huissier ne lui a jamais confié la conduite des opérations, ce conseil en propriété industrielle n'ayant assisté l'huissier que pour des aspects à propos desquels ce dernier n'avait pas les compétences techniques requises et l'huissier ayant systématiquement distingué entre ses propres constatations et les dires de cet expert. Ils considèrent que la circonstance que le procès-verbal serait "manifestement faux" aux dires des défenderesses ne peut être établie que par une procédure en inscription de faux qu'elles n'ont pas initiée. Réponse du tribunal 118. L'article L.615-5 du code de la propriété intellectuelle dispose que "la contrefaçon peut être prouvée par tous moyens. A cet effet, toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon est en droit de faire procéder en tout lieu et par tous huissiers, le cas échéant assistés d'experts désignés par le demandeur, en vertu d'une ordonnance rendue sur requête par la juridiction civile compétente, soit à la description détaillée, avec ou sans prélèvement d'échantillons, soit à la saisie réelle des produits ou procédés prétendus contrefaisants ainsi que de tout document s'y rapportant. L'ordonnance peut autoriser la saisie réelle de tout document se rapportant aux produits ou procédés prétendus contrefaisants en l'absence de ces derniers. La juridiction peut ordonner, aux mêmes fins probatoires, la description détaillée ou la saisie réelle des matériels et instruments utilisés pour fabriquer ou distribuer les produits ou pour mettre en oeuvre les procédés prétendus contrefaisants (?)" 119. En application de l'article 1er de l'ordonnance no45-2592 du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers, dans sa version applicable au procès-verbal du 17 juillet 2019, les huissiers de justice "peuvent, commis par justice ou à la requête de particuliers, effectuer des constatations purement matérielles, exclusives de tout avis sur les conséquences de fait ou de droit qui peuvent en résulter. Sauf en matière pénale où elles ont valeur de simples renseignements, ces constatations font foi jusqu'à preuve contraire". 120. Il résulte du premier de ces textes que l'huissier peut être assisté d'un expert désigné par le demandeur pour l'aider dans la description de l'objet argué de contrefaçon, l'huissier devant néanmoins veiller, dans le procès-verbal de saisie-contrefaçon, à bien faire apparaître l'origine de ses constatations, en séparant ses constatations personnelles des observations d'un expert ou encore des informations provenant d'une documentation technique (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 21 mars 2000, no97-18.914). 121. Le fait que le conseil en propriété industrielle de la partie saisissante ait, à l'initiative de celle-ci, établi un rapport décrivant les caractéristiques du produit incriminé ne fait pas obstacle à sa désignation ultérieure, sur la demande du saisissant, en qualité d'expert pour assister l'huissier dans le cadre d'une saisie-contrefaçon de brevet, sa mission n'étant pas soumise au devoir d'impartialité et ne constituant pas une expertise au sens des articles 232 et suivants du code de procédure civile (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 27 mars 2019, no18-15.005). 122. Il résulte du second de ces textes que les constatations qu'a fait l'huissier de justice ont force probante jusqu'à preuve contraire et que leur contestation ne relève pas de la procédure d'inscription de faux (en ce sens Cour de cassation, 2ème chambre civile, 6 juin 2013, no12-17.771). 123. En premier lieu, les moyens soulevés par les sociétés Décathlon au soutien de l'annulation du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 17 juillet 2019 dans le magasin Décathlon de [Localité 3] portant sur la forme du coussin Gym Pillow Mini argué de contrefaçon ou l'inexactitude des constatations de l'huissier sont inopérants à ce titre et, constituant une défense au fond, ne sauraient avoir de portée qu'au titre de la force probante de cet acte. 124. En second lieu, il ressort du procès-verbal de saisie-contrefaçon litigieux que l'huissier a pris le soin de mentionner chaque action effectuée par le conseil en propriété industrielle choisi pour l'assister de manière distincte de ses propres constatations, mentionnant, par exemple : "je constate alors que Monsieur [K] gonfle un exemplaire en soufflant dans la valve et découpe un autre exemplaire en deux, dans la longueur", "je constate ensuite que Monsieur [K] [C] pointe à l'aide d'un stylo l'axe de symétrie au milieu du coussin", "sur la partie inférieure, Monsieur [K] matérialise à l'aide d'un stylo le centre de la partie centrale et la demi-largeur de la chambre en forme de tore", "Monsieur [K] [C] appuie ensuite le coussin contre un mur pour simuler l'utilisation effectuée par un utilisateur" (pièce Waff et [P] no16). Il ressort également de ces mentions que le conseil en propriété industrielle n'est intervenu que pour assister l'huissier dans l'exercice de sa mission. 125. De même, l'huissier a indiqué : "je constate que ce coussin gonflable comporte (?)", "je note que les deux parois sont perpendiculaires (?)", "je constate alors que la distance entre l'extrémité supérieure du coussin (?)" (même pièce). Il ressort des termes utilisés par l'huissier, qu'il a constaté lui-même l'apparence extérieure du coussin. 126. De plus, l'huissier précise qu'il a constaté lui-même les mesures du coussin qui sont inscrites dans son procès-verbal : "je constate alors que la distance entre l'axe de symétrie et le milieu de la chambre toroïdale est de 10,50 centimètres à l'aide d'une règle", "je relève que la distance entre la paroi inférieure et l'extrémité inférieure de la chambre est de 2,80 centimètres toujours à l'aide de cette même règle" (même pièce). 127. Ainsi, l'huissier a veillé à mentionner de manière distincte ses propres constatations des observations de l'expert qui l'assistait au cours des opérations de saisie-contrefaçon du 17 juillet 2019, il a constaté par lui-même les éléments matériels inscrits dans le procès-verbal litigieux en sorte qu'il avait, seul, la direction des opérations de saisie-contrefaçon. 128. La demande des sociétés Décathlon en nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 17 juillet 2019 au magasin Décathlon de [Localité 3] seront, en conséquence, rejetées. VI - Sur la validité du procès-verbal de constat d'huissier du 3 décembre 2019 Moyens des parties 129. La SAS Waff et M. [P] concluent à l'annulation du procès-verbal d'huissier de justice du 3 décembre 2019 produit par les défenderesses, au motif que l'huissier a fait procéder à une véritable expertise guidée par les instructions de celles-ci, effectuant des mesures constituant des opérations intellectuelles, alors qu'il aurait dû s'en tenir à des constatations purement matérielles exclusives de tout avis sur les conséquences de fait ou de droit qui peuvent en résulter. Ils contestent l'origine du coussin objet du constat, affirmant qu'aucun constat d'achat n'a été fait au préalable. 130. Les sociétés Décathlon SE et Décathlon France affirment que l'huissier, qui a effectué un constat d'achat, n'a opéré aucune déduction quant à la signification des mesures qu'il a prises sur le coussin, ces mesures constituant de simples constatations matérielles. Réponse du tribunal 131. Selon l'alinéa 2 de l'article 1er de l'ordonnance no45-2592 du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers de justice, dans sa rédaction applicable au constat du 3 décembre 2019, les huissiers de justice "peuvent, commis par justice ou à la requête de particuliers, effectuer des constatations purement matérielles, exclusives de tout avis sur les conséquences de fait ou de droit qui peuvent en résulter". 132. En vertu de ce texte, l'huissier de justice doit se borner à faire des constatations purement matérielles et ne peut pas s'engager activement pour obtenir une preuve objet de son constat (en ce sens Cour de cassation, 1ère chambre civile, 20 mars 2014, no12-18.518). 133. En l'espèce, concernant l'origine du coussin objet du constat, l'huissier indique clairement en page 1 du constat du 3 décembre 2019 "que pour la sauvegarde de ses droits, la requérante me demande de dresser diverses constatations sur le coussin gonflable Gym Pillow Mini dont l'achat a été constaté au magasin Décathlon de [Adresse 5] par acte de mon ministère du 2/12/2019" (pièce Décathlon no3.1, page 1), outre que ce constat d'achat est produit en pièce no2.1 par les défenderesses. L'origine du coussin objet du constat n'est donc pas inconnue. 134. En revanche, en indiquant qu'il a gonflé le coussin d'une certaine façon, appuyé le coussin contre un mur, dégonflé légèrement le coussin, appuyé fortement sur le mètre pour faire une mesure, l'huissier s'est engagé activement pour l'obtention d'une situation qu'il a ensuite constatée. 135. En agissant ainsi, l'huissier a outrepassé les pouvoirs qu'il détenait du texte précité en n'effectuant pas seulement des constatations purement matérielles. 136. En conséquence, le procès-verbal de constat de Me [U] [F], huissier de justice, du 3 décembre 2019 sera annulé. VII - Sur la contrefaçon des brevets FR 249 et EP 125 Moyens des parties 137. La SAS Waff et M. [P] soutiennent que le coussin Gym Pillow Mini commercialisé par les défenderesses reproduit toutes les caractéristiques des revendications 1 de leurs brevets FR 249 et EP 125, ce coussin constituant, selon eux, un siège gonflable formant une chambre toroïdale pouvant être remplie d'air et comportant deux parois planes situées axialement à distance des extrémités axiales supérieure et inférieure. Ils en tirent la conclusion que les autres revendications de leurs brevets sont également contrefaites du fait de la reproduction des caractéristiques des revendications 1 desdits brevets. 138. Les sociétés Décathlon SA et Décathlon France opposent que le procès-verbal de saisie-contrefaçon du 17 juillet 2019 ne permet pas d'établir de manière certaine la matérialité de la contrefaçon, notamment parce que l'huissier a commis une erreur quant à la constatation de la forme du coussin litigieux, en ce qu'il ne peut pas comporter une chambre en forme de tore à base carrée, une telle forme n'existant pas. Elles invoquent, également, que contrairement à ce que l'huissier a constaté, les parois de la chambre centrale ne sont pas planes mais arrondies. Elles contestent l'exactitude des mesures prises par l'huissier, qui ne correspondent pas, selon elles, à la réalité. Réponse du tribunal 139. L'article L.613-3 du code de la propriété intellectuelle dispose que "sont interdites, à défaut de consentement du propriétaire du brevet : a) La fabrication, l'offre, la mise dans le commerce, l'utilisation, l'importation, l'exportation, le transbordement, ou la détention aux fins précitées du produit objet du brevet ; b) L'utilisation d'un procédé objet du brevet ou, lorsque le tiers sait ou lorsque les circonstances rendent évident que l'utilisation du procédé est interdite sans le consentement du propriétaire du brevet, l'offre de son utilisation sur le territoire français ; c) L'offre, la mise dans le commerce, l'utilisation, l'importation, l'exportation, le transbordement ou la détention aux fins précitées du produit obtenu directement par le procédé objet du brevet". 140. Selon l'article 9 du code de procédure civile, "il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention". 141. Il sera précisé liminairement qu'en conséquence de l'annulation pour défaut de nouveauté des revendications 1, 2, 3 et 6 du brevet FR 249, seule sera analysée la demande de la SAS Waff et M. [P] en contrefaçon des revendications 4 et 5 du brevet FR 249 et du brevet EP 125. 142. S'agissant du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 17 juillet 2019 au magasin Décathlon de [Localité 3], il mentionne que le cousin litigieux comporte "un corps avec une chambre en forme de tore à base carrée" (pièce Waff et [P] no16). 143. Or, un tore est un volume créé par un cercle qui tourne autour d'un axe situé dans son plan et qui ne passe pas par son centre. Son usage le plus répandu est probablement le bracelet. 144. Dès lors, une chambre en forme de tore ne peut qu'avoir une forme circulaire et non une base carrée, outre qu'un volume à base carrée est un cube, fût-il évidé en son centre. 145. Par ailleurs, toutes les photographies du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 17 juillet 2019 au magasin Décathlon de [Localité 3] établissent que le coussin Gym Pillow Mini litigieux n'a pas une forme circulaire, mais une forme cubique avec des coins arrondis. L'huissier ne peut donc pas affirmer, sans incohérence, qu'il est constitué d'une "chambre en forme de tore à base carrée". 146. De plus, la forme cubique du coussin a une conséquence sur la mesure de la distance entre l'axe de symétrie et le milieu de la chambre extérieure. En effet, l'huissier a mentionné sur le procès-verbal de saisie-contrefaçon avoir constaté que "la distance entre l'axe de symétrie et le milieu de la chambre toroïdale est de 10,50 centimètres à l'aide d'une règle" (même pièce no16). Cependant, la distance entre l'axe de symétrie et le milieu de la chambre du coussin litigieux ne peut pas être constante, du fait que la chambre n'est pas en forme de tore mais de forme cubique. Ainsi, la valeur de cette distance entre l'axe de symétrie et le milieu de la chambre extérieure varie selon que la mesure est prise sur un axe horizontal ou un axe diagonal : la mesure prise sur la diagonale du cube est supérieure à celle prise sur l'axe horizontal. En conséquence, il est erroné d'affirmer de façon générale que le milieu de la chambre toroïdale est de 10,50 centimètres, alors que cette mesure ne correspond qu'à la distance entre l'axe de symétrie et le milieu de la chambre, mesurée sur l'axe horizontal du cube et non sur son axe diagonal. Les constatations de l'huissier relatives à la distance entre l'axe de symétrie et le milieu de la chambre sont donc dénuées de force probante. 147. Ensuite, l'huissier indique que les parois supérieure et inférieure centrales "sont planes par rapport aux côtés arrondis de la partie périphérique" (même pièce). Cependant, il ressort de la quasi-totalité des photographies de ce procès-verbal, que ces parois supérieures et inférieures ne sont pas planes, mais légèrement bombées. L'huissier instrumentaire se contredit donc, de sorte que la constatation relative à la forme des parois inférieure et supérieure est dénuée de force probante. 148. De même, puisque les parois ne sont pas planes, mais bombées, c'est-à-dire formant un arc de cercle, elles ne peuvent pas être perpendiculaires à l'axe de symétrie du coussin, un axe étant une ligne droite, contrairement à ce que l'huissier a inscrit dans son procès-verbal de saisie-contrefaçon. 149. En conséquence, la mesure de la distance entre la paroi inférieure et l'extrémité inférieure de la chambre en est affectée. Ainsi, le procès-verbal de saisie-contrefaçon rapporte que l'huissier "relève que la distance entre la paroi inférieure et l'extrémité inférieure de la chambre est de 2,80 cm toujours à l'aide de cette même règle" (même pièce no16). Néanmoins, comme le relèvent les sociétés Décathlon et comme il est visible sur la quatorzième photographie de ce procès-verbal, la mesure est prise à partir de l'extrémité de la partie centrale du coussin litigieux, à proximité de la thermosoudure avec sa chambre cubique extérieure, cette partie formant un creux par rapport à l'arc de cercle de la paroi centrale de ce coussin. Il en résulte que si la mesure avait été prise à partir du centre de la paroi inférieure centrale, c'est-à-dire au plus haut de l'arc de cercle de cette paroi, la distance aurait moindre que celle constatée. 150. En outre, l'observation de la règle sur la quatorzième photographie du même procès-verbal de saisie-contrefaçon laisse apparaître que cette distance entre la paroi inférieure et l'extrémité inférieure de la chambre n'est pas de 2,80 cm, mais de 2,50 cm. En effet, cette photographie montre le centimètre utilisé par l'huissier accolé à une planche bleue destinée à matérialiser l'extrémité axiale inférieure de la chambre cubique du coussin litigieux et la mesure de 2,80 cm correspond à la hauteur incluant l'épaisseur de cette planche bleue, tandis que la valeur de cette mesure devait être relevée à l'extrémité inférieure de cette planche dont l'épaisseur devait être exclue de la mesure. Ainsi, cette mesure constatée par l'huissier est dénuée de force probante en ce qu'elle est contredite par la quatorzième photographie du procès-verbal. 151. Pour être reproduite, les revendications 4 et 5 du brevet FR 249 et la revendication 1 du brevet EP 125 impliquent que le coussin litigieux comprenne au moins un corps annulaire formant une chambre toroïdale comprenant deux parois planes s'étendant perpendiculairement à son axe de révolution et si la distance entre son extrémité axiale inférieure et sa paroi plane inférieure est supérieure à 25% du rayon du cercle de révolution de sa chambre toroïdale. 152. Or, il résulte des observations précédentes que le coussin Gym Pillow Mini litigieux, qui a une forme cubique, n'est pas un corps annulaire formant une chambre toroïdale, de même que ses parois ne sont pas planes et ne peuvent donc pas être perpendiculaires à l'axe de révolution. Enfin, la preuve n'est pas rapportée que la distance entre l'extrémité axiale inférieure du coussin Gym Pillow Mini litigieux et sa paroi plane inférieure est supérieure à 25% du rayon du cercle de révolution de sa chambre, qui n'est d'ailleurs pas une chambre toroïdale. 153. Pour toutes ces raisons, le coussin Gym Pillow Mini litigieux ne reproduit pas les revendications 4 et 5 du brevet FR 249 et 1 du brevet EP 125. Il en résulte que les moyens tirées de la contrefaçon des revendications dépendantes du brevet EP 125 par la seule reproduction des caractéristiques de la revendication 1 de ce brevet sont inopérants. 154. En conséquence, la SAS Waff et M. [P] seront déboutés de l'ensemble de leurs demandes en contrefaçon des revendications 4 et 5 du brevet FR 249 et du brevet EP 125 et, par suite, de leurs demandes en réparation y afférentes. VIII - Sur la demande en parasitisme Moyens des parties 155. La SAS Waff et M. [P] prétendent qu'en commercialisant le coussin Gym Pillow Mini, les défenderesses ont commis un ensemble d'actes, indépendants de la contrefaçon, qui leur ont permis de profiter des investissements de la SAS Waff et de s'immiscer dans son sillage sans bourse délier. Selon eux, ces actes consistent à commercialiser un coussin dont la similarité visuelle avec le coussin de la société Waff est indéniable et dont la dénomination Gym Pillow Mini est similaire au produit Waff Mini qu'elle vend. Ils reprochent également aux défenderesses de commercialiser le coussin litigieux dans un packaging qui rappelle les publications sur les réseaux sociaux de célèbres sportifs où le coussin de la société Waff apparaît et d'avoir utilisé les mêmes éléments de langage que la société Waff, notamment le terme "proprioception". 156. Les sociétés Décathlon SE et Décathlon France invoquent que les demandeurs n'apportent aucune preuve d'investissements que la SAS WAFF aurait consacré à la commercialisation de son coussin. Elles considèrent qu'ainsi, en l'absence de toute démonstration des investissements économiques liés au développement intellectuel, commercial et promotionnel qui auraient été détourné, ils sont infondés à agir en parasitisme. Elles ajoutent que les demandeurs ne démontrent aucune faute, en l'absence de ressemblance visuelle entre le coussin Gym Pillow Mini litigieux et le siège gonflable commercialisé par la SAS Waff. Réponse du tribunal 157. Aux termes de l'article 1240 du code civil, "tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer". 158. Conformément à l'article 9 du code de procédure civile, "il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention". 159. Le parasitisme, qui n'exige pas de risque de confusion, consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d'un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire, de la notoriété acquise ou des investissements consentis (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale économique et financière, 10 juillet 2018, pourvoi no16-23.694). 160. En l'occurrence, la société Waff et M. [P] ne font qu'alléguer les investissements, qu'ils disent représenter plusieurs millions d'euros, que la société Waff aurait prétendument engagés pour promouvoir son siège gonflable, notamment en payant des sportifs professionnels pour qu'ils publient des photos et vidéos d'eux utilisant ce siège gonflable sur les réseaux sociaux. En effet, aucune pièce ne corrobore ces allégations de partenariat rémunéré conclu avec ces sportifs ou un quelconque autre investissement réalisé par la société Waff. 161. De plus, la commercialisation d'un coussin gonflable d'un aspect visuel distinct, sur l'emballage duquel figure le terme "Mini" ou celui de "proprioception" sur le site internet des défenderesses, lesquels ne sont pas appropriables, n'est pas constitutif d'une quelconque faute commise par les sociétés Décathlon SE ou Décathlon France. 162. En conséquence, la SAS Waff et M. [P] seront déboutés de leur demande en parasitisme. IX - Sur la demande d'amende civile Moyens des parties 163. La SAS Waff et M. [P] réclament la condamnation des défenderesses à une amende civile symbolique compte tenu de leur attitude générale au cours de la procédure. 164. Les sociétés Décathlon SE et Décathlon France répondent que s'agissant de l'aspect procédural de l'affaire, la cour d'appel de Paris y a statué par arrêt du 23 novembre 2021. Réponse du tribunal 165. L'article 1240 du code civil prévoit que "tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer". 166. En application de l'article 32-1 du code de procédure civile, "celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 € sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés". 167. Toutefois, l'amende civile ne saurait être mise en oeuvre que de la propre initiative du tribunal saisi, les parties ne pouvant avoir aucun intérêt au prononcé d'une amende civile à l'encontre de l'adversaire. 168. Les circonstances de l'espèce ne justifiant pas la condamnation des défenderesses à une amende civile, la demande de la SAS Waff et de M. [P] à ce titre ne peut qu'être rejetée. X - Sur les autres demandes X.1 - S'agissant des dépens 169. Selon l'article 695 du code de procédure civile, les dépens afférents aux instances, actes et procédures d'exécution comprennent, notamment, les débours tarifés et les émoluments des officiers publics ou ministériels. 170. En application de cette disposition les frais d'un expert non désigné à cet effet par décision de justice ne sont pas inclus dans les dépens (en ce sens Cour de cassation, 2ème chambre civile, 12 janvier 2017, no16-10.123). 171. Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge de l'autre partie. 172. L'article 699 du même code prévoit que "les avocats peuvent, dans les matières où leur ministère est obligatoire, demander que la condamnation aux dépens soit assortie à leur profit du droit de recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision. La partie contre laquelle le recouvrement est poursuivi peut toutefois déduire, par compensation légale, le montant de sa créance de dépens". 173. La SAS Waff et M. [P], qui succombent à l'instance, seront condamnés aux dépens avec distraction au profit de l'avocat des sociétés Décathlon. 174. En revanche, le procès-verbal de constat du 3 décembre 2019 dressé par Me [U] [F] étant annulé et celui du 2 décembre 2019 n'étant pas imposé par les dispositions procédurales et n'ayant pas été préalablement autorisé par décision de justice, la demande des sociétés Décathlon d'en inclure les frais dans les dépens sera rejetée. X.2 - S'agissant des frais non compris dans les dépens 175. L'article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a lieu à condamnation. 176. La SAS Waff et M. [P], condamnés aux dépens, seront condamnés à payer 40 000 euros aux sociétés Décathlon au titre des frais qu'elle ont exposées et non compris dans les dépens. 177. La demande de la SAS Waff et M. [P] à ce titre sera, en conséquence, rejetée. X.3 - S'agissant de l'exécution provisoire 178. Selon l'article 515 du code de procédure civile, dans sa rédaction applicable à la date de l'assignation, "hors les cas où elle est de droit, l'exécution provisoire peut être ordonnée, à la demande des parties ou d'office, chaque fois que le juge l'estime nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire, à condition qu'elle ne soit pas interdite par la loi. Elle peut être ordonnée pour tout ou partie de la condamnation". 179. L'exécution provisoire sera ordonnée, étant nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire, en raison de son ancienneté. PAR CES MOTIFS Le tribunal, DÉBOUTE les sociétés Décathlon SE et Décathlon France de leur demande d'annulation des brevets FR 2 825 249 et EP 1 262 125 pour insuffisance de description ; ANNULE les revendications 1, 2, 3 et 6 du brevet français FR 2 825 249 pour défaut de nouveauté ; DÉBOUTE les sociétés Décathlon SE et Décathlon France de leur demande d'annulation des revencations 4 et 5 du brevet français FR 2 825 249 pour défaut d'activité inventive ; DÉBOUTE les sociétés Décathlon SE et Décathlon France de leur demande d'annulation de la partie française du brevet européen EP 1 262 125 pour défaut d'activité inventive ; DÉBOUTE les société Décathlon SE et Décathlon France de leur demande d'annulation des procès-verbaux de saisie contrefaçon du 17 juillet 2019 ; ANNULE le procès-verbal de constat du 3 décembre 2019 dressé par Me [U] [F] ; DÉBOUTE la SAS Waff et M. [O] [P] de leurs demandes en contrefaçon des revendications 4 et 5 du brevet FR 249 et du brevet EP 1 262 125 ; DÉBOUTE la SAS Waff et M. [O] [P] de leur demande en parasitisme ; DÉBOUTE la SAS Waff et M. [O] [P] de leur demande de condamnation des sociétés Décathlon SE et Décathlon France au paiement d'une amende civile ; DÉBOUTE les sociétés Décathlon SE et Décathlon France de leur demande d'inclure les frais de constats d'huissier des 2 et 3 décembre 2019 dans les dépens ; DÉBOUTE la SAS Waff et M. [O] [P] de leur demande en application de l'article 700 du code de procédure civile ; CONDAMNE la SAS Waff et M. [O] [P] aux dépens, avec droit pour Maître Michel-Paul Escande, avocat au barreau de Paris, de recouvrer ceux dont il a fait l'avance sans recevoir provision ; CONDAMNE la SAS Waff et M. [O] [P] à payer la somme totale de 40 000 euros aux sociétés Décathlon SE et Décathlon France, en application de l'article 700 du code de procédure civile ; ORDONNE l'exécution provisoire de la présente décision. Fait et jugé à Paris le 14 juin 2023 La greffière Le Président
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TRIBUNAL JUDICIAIRE 3ème chambre 2ème section No RG 20/08191 No Portalis 352J-W-B7E-CSVCB No MINUTE : Assignation du : 04 Septembre 2020 rendu le 12 Mai 2023 DEMANDERESSE S.A.R.L. [M] CLOTHING LLC [Adresse 3] [Adresse 3] [Localité 4] (ÉTATS UNIS D'AMERIQUE) représentée par Maître Céline BEY de l'AARPI GOWLING WLG (France) AARPI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0127 Monsieur [X] [M] [Adresse 1] [Localité 2] représenté par Maître Alain BERTHET de la SELAFA PROMARK, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #R0162 COMPOSITION DU TRIBUNAL Madame Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe Madame Irène BENAC, Vice-Présidente Monsieur Arthur COURILLON-HAVY, Juge assisté de Quentin CURABET, Greffier A l'audience du 15 Février 2023 présidée par Nathalie SABOTIER tenue en audience publique avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe, en dernier lieu, le 12 Mai 2023. Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire en premier ressort EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE 1. M. [X] [M] est titulaire de sept marques françaises, européennes et internationale désignant la France. Il a en effet déposé : ? en 1984 : deux marques semi-figuratives en France pour des produits et services divers dans 11 classes, ? en 2005 : une marque verbale de l'Union européenne "[X] [M]" (no 004373122), aujourd'hui frappée de déchéance ; ? en 2007 : une marque semi-figurative en France pour des produits et services divers dans 10 classes, la même marque pour l'Union européenne (no 005620968) et pour d'autres pays pour des produits et services divers dans 3 classes, ? en 2015 : une marque verbale "[M]" (no 4226920) pour des produits et services divers dans 5 classes, ? en 2020 : une marque verbale "[X] [M]" pour des produits et services divers dans 2 classes. Le 27 juin 2013, il a donné une licence exclusive d'exploitation des marques de l'Union européenne no 004373122 et no 005620968 à la société LCS International BV (Le coq sportif) pour les chaussures, textiles et bagages. 2. La société de droit américain [M] Clothing, enregistrée le 6 avril 2015, commercialise des vêtements et accessoires pour hommes dans ses boutiques, sur son site internet www.[05].com et via des revendeurs en ligne. Elle est titulaire de deux marques américaines semi-figuratives déposées respectivement le 26 février 2015 (par M. [C] qui la lui a ultérieurement cédée) pour les sacs de sport, des vêtements et la vente au détail de tels produits et le 11 avril 2019 pour les lunettes de soleil. Le 13 septembre 2017, elle a déposé une marque verbale de l'Union européenne "[M]" no 17202094 en classes 18 (sacs), 25 (vêtements) et 35 (vente au détail de tels produits), refusée à l'enregistrement suite à opposition de M. [M]. Elle a fait appel de la décision et la chambre de recours de l'EUIPO est saisie. 3. Par acte du 4 septembre 2020, la société [M] Clothing a fait assigner M. [M] devant le tribunal judiciaire de Paris en nullité de la marque verbale [M] no 4226920 pour dépôt frauduleux et réparation de son préjudice consécutif à l'empêchement d'exploiter sa marque sur le territoire français. 4. Par ordonnance du 19 octobre 2020, le juge des référés a débouté M. [M] de ses demandes tendant à voir interdire à la société [M] Clothing, notamment, de faire usage du signe [M] pour désigner les vêtements et accessoires qu'elle commercialise. 5. Saisie par la société [M] Clothing, la division d'annulation de l'EUIPO a prononcé la déchéance à compter du 7 juin 2019 de : - la marque verbale "[X] [M]" no 004373122 pour défaut d'usage sérieux ; il n'a pas été fait appel de cette décision ; - la marque semi-figurative no 005620968 sauf pour les "chemises de sport décontractées" de la classe 25; la chambre de recours de l'EUIPO a confirmé la décision sauf pour les "chemises polos ; chandails" de la classe 25 et un appel a été formé devant le tribunal de l'Union européenne en septembre 2022. 6. Par ordonnance du 26 mars 2021, le juge de la mise en état a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par M. [M]. Par une ordonnance du 21 janvier 2022, il a déclaré irrecevable la demande reconventionnelle en contrefaçon de sa marque de l'Union européenne semi-figurative no 005620968 de M. [M]. 7. Dans ses dernières conclusions signifiées le 17 octobre 2022, la société [M] Clothing demande au tribunal de : A titre principal, - annuler la marque verbale française no4226920 appartenant à M. [M] pour l'intégralité des produits et services qu'elle désigne, comme déposée frauduleusement ; - ordonner la transmission de la décision une fois devenue définitive pour inscription par l'INPI au Registre national des marques ; - débouter M. [M] de sa demande reconventionnelle en contrefaçon ; - condamner M. [M] à lui payer la somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice commercial et d'image subi du fait de son détournement du droit des marques et de l'abus de son droit d'ester en justice ; Subsidiairement, - prononcer la déchéance pour défaut d'usage de la marque française no 4226920 pour l'intégralité des produits et services visés dans l'acte d'enregistrement à compter du 1er avril 2021 ; - ordonner la transmission de la décision une fois devenue définitive pour inscription par l'INPI au Registre national des marques ; - débouter M. [M] de sa demande reconventionnelle en contrefaçon ; Très subsidiairement, - débouter M. [M] de sa demande reconventionnelle en contrefaçon en l'absence de risque de confusion entre les signes qu'elle utilise et la marque no4226920 ; A titre infiniment subsidiaire, - rejeter les demandes d'indemnisation, de droit à l'information et d'interdiction formées par M. [M] comme disproportionnées et abusives ; En tout état de cause, - débouter M. [M] de toutes ses demandes, - le condamner aux dépens dont distraction au profit du cabinet Gowling WLG avocats et à lui payer la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 8. Dans ses dernières conclusions signifiées le 18 octobre 2022, M. [M] demande au tribunal de : À titre principal : - débouter la société [M] Clothing de toutes ses demandes ; À titre reconventionnel: - condamner la société [M] Clothing à lui payer la somme de 15.000 euros au titre du préjudice moral et une provision de 40.000 euros à valoir sur son préjudice financier subis du fait des actes de contrefaçon de sa marque no 4226920 ; - ordonner à la société [M] Clothing d'avoir à produire sous astreinte tous les documents et informations nécessaires à l'évaluation du préjudice subi ; - renvoyer l'affaire à la mise en état pour contrôler la communication d'information et la reddition de comptes et statuer sur le préjudice après conclusions sur ce point ; - condamner la société [M] Clothing aux dépens dont distraction au profit de Me [Z] et à lui payer la somme de 15. 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 9. L'ordonnance de clôture a été rendue le 20 octobre 2022. MOTIVATION I . Sur la validité de la marque verbale française [M] no4226920 1 . Sur le dépôt frauduleux 10. La société [M] Clothing soutient que les circonstances dans lesquelles la marque no4226920 a été déposée le 18 novembre 2015 (peu après le dépôt de sa marque américaine du 26 février et publiée le 1er septembre 2015, alors qu'il était déjà titulaire de six marques antérieures portant son prénom ou l'initiale de celui-ci et son nom et pour les mêmes produits et services, premier dépôt portant sur son nom seul et marque jamais été exploitée) ainsi que les actions menées sur son fondement constituent un détournement de la fonction du droit des marques pour l'empêcher d'étendre ses activités au territoire français. Dès lors, elle doit être annulée sur la base : - du principe selon lequel la fraude corrompt tout, - de la décision du 11 juin 2009 de la CJCE (C-529/07 Lindt) qui pose que l'enregistrement d'une marque "sans intention de l'utiliser, uniquement en vue d'empêcher l'entrée d'un tiers sur le marché" caractérise la mauvaise foi du demandeur, - de la jurisprudence française et européenne selon laquelle la mauvaise foi est caractérisée par le détournement du droit des marques, notamment par un dépôt destiné à éviter une sanction de déchéance. 11. M. [M] fait valoir que les conditions d'un dépôt frauduleux ne sont aucunement remplies. Il conteste avoir eu connaissance des marques américaines de la société [M] Clothing - qui ne sont pas connues en France et n'ont commencé à être exploitées qu'en octobre 2015 - et avoir eu l'intention d'empêcher son commerce ou effectué le dépôt de sa marque pour pallier un risque de déchéance - le dépôt ayant été effectué afin de mieux protéger ses droits. 12. L'article 4, paragraphe 2, de la directive no 2015/2436 du 16 décembre 2015 rapprochant les législations des États membres sur les marques, transposé en droit français par les articles L.711-2 et L.714-3 du code de la propriété intellectuelle, dispose que "Une marque est susceptible d'être déclarée nulle si sa demande d'enregistrement a été faite de mauvaise foi par le demandeur" et l'article L. 714-3 du même code prévoit que "L'enregistrement d'une marque est déclaré nul par décision de justice ou par décision du directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle, en application de l'article L. 411-4, si la marque ne répond pas aux conditions énoncées aux articles L. 711-2, L. 711-3, L. 715-4 et L. 715-9". 13. Saisie de questions préjudicielles en interprétation de la notion de mauvaise foi, qui constituait un cas susceptible d'entraîner la nullité dans la directive antérieure no 2008/95, la CJUE (27 juin 2013, MalaysiaDiary Industries, C-320/12) a dit pour droit que : - il s'agit d'une notion autonome du droit de l'Union qui doit être interprétée de manière uniforme en son sein, - pour établir l'existence de la mauvaise foi du demandeur au sens de cette disposition, il convient de prendre en considération tous les facteurs pertinents propres au cas d'espèce et existant au moment du dépôt de la demande d'enregistrement. 14. A nouveau saisie de questions préjudicielles en interprétation de la notion de mauvaise foi, au sens de la première directive 89/104, la CJUE (29 janvier 2020, C-371/18, Sky plc ea) a dit pour droit que "doivent être interprétés en ce sens qu'une demande de marque sans aucune intention de l'utiliser pour les produits et les services visés par l'enregistrement constitue un acte de mauvaise foi, au sens de ces dispositions, si le demandeur de cette marque avait l'intention soit de porter atteinte aux intérêts de tiers d'une manière non conforme aux usages honnêtes, soit d'obtenir, sans même viser un tiers en particulier, un droit exclusif à des fins autres que celles relevant des fonctions d'une marque. Lorsque l'absence d'intention d'utiliser la marque conformément aux fonctions essentielles d'une marque ne concerne que certains produits ou services visés par la demande de marque, cette demande ne constitue un acte de mauvaise foi que pour autant qu'elle vise ces produits ou services". 15. Critère de nullité absolue, la mauvaise foi du déposant doit être démontrée par celui qui l'allègue mais la présomption de bonne foi attachée au dépôt peut être renversée, auquel cas il revient au titulaire de la marque attaquée de fournir des explications plausibles et de justifier d'intentions légitimes. 16. Dans le cas présent, la demanderesse ne conteste pas que la commercialisation sous sa marque n'a débuté que le 15 octobre 2015 et ne démontre pas que cette toute jeune marque avait reçu, en deux mois et demi, une utilisation telle que M. [M] peut être présumé l'avoir connue, quand bien même il aurait vécu à New-York à cette époque, ni qu'il aurait pu anticiper les velléités de développement de la société [M] Clothing dans l'Union européenne et chercher à l'entraver. 17. Ainsi qu'il a été rappelé supra, à la date du dépôt de la marque verbale no4226920, M. [M] était déjà titulaire de six marques antérieures portant sur quatre signes : 1984 1984 2005 UE no 004373122 [X] [M] 2007 UE no 005620968 classes 3, 14, 16, 18, 22, 24, 25, 28, 32, 37, 41 classes 3, 14, 16, 18, 22, 24, 25, 28, 32, 37, 41 classes 9, 18, 25, 28, 41 classes 18, 25 et 28 pour les marques internationale et de l'Union européenne et classes 3, 14, 16, 18, 24, 25, 28, 38, 41 pour la marque française Il s'agissait donc d'une marque différente des précédentes, déposée pour certains autres produits et services (des classes 9, 18, 25, 28, 41). 18. Ces dépôts successifs et la coïncidence avec le dépôt de la marque américaine de la demanderesses ne permettent pas de remettre en cause la présomption de bonne foi de M. [M] lors du dépôt le 18 novembre 2015. 19. En toute hypothèse, son explication, selon laquelle un signe verbal offrait une défense plus complète et était mieux adapté à l'évolution de son usage que les signes semi-figuratifs et la marque [X] [M] antérieurs, alors que sa nomination en tant que capitaine de l'équipe française en coupe Davis était susceptible de le relancer médiatiquement, est plausible. Une telle stratégie n'est pas contraire aux usages honnêtes ni destinée à des fins autres que celles relevant des fonctions d'une marque. 20. Enfin, il n'existe aucun élément de preuve à l'appui de l'allégation selon laquelle, à la date du dépôt, le défendeur n'avait pas l'intention d'exploiter la marque. Au contraire, il justifie avoir donné, en 2013, une licence exclusive d'exploitation de la marque pour les chaussures, textiles et bagages à la société LCS International BV (Le coq sportif), dont les attestations du 3 octobre 2019 et du 6 mai 2022 attestent d'un "chiffre d'affaire, marques [X] [M]", faisant apparaître la vente de 3.348 vêtements et 3.430 chaussures sur tous territoires entre 2015 et 2019 ainsi que de ventes en France de polos, sweaters, vestes, pantalons et chaussures de 2017 à 2022, ce qui démontre une exploitation continue avant et après le dépôt de la marque querellée. 21. En conséquence, la demande en nullité de la marque no 4226920 sur le fondement du dépôt frauduleux est rejetée, ainsi que la demande à titre de dommages et intérêts formée à ce titre par la société [M] Clothing. 2 . Sur la déchéance pour défaut d'usage sérieux 22. La société [M] Clothing soutient que la marque verbale [M] n'a fait l'objet d'aucune exploitation et que sa déchéance doit, dès lors, être prononcée pour la totalité des produits et services qu'elle désigne. Elle soutient en particulier que l'usage du signe semi-figuratif no 005620968 et de la signature manuscrite de M. [M] ne constituent pas des usages de cette marque sous une forme non modifiée n'en altérant pas le caractère distinctif, comme l'ont jugé la division d'annulation et la chambre des recours de l'EUIPO, car l'absence de l'élément figuratif co-dominant de la marque semi-figurative et la forte stylisation du nom dans la signature altèrent le caractère distinctif de la marque. Elle ajoute que les usages démontrés sont purement symboliques. 23. M. [M] demande au tribunal de rejeter la demande de déchéance qu'en ce qu'elle porte sur les produits suivants : "vêtements, vêtements de sport, maillots, chemisettes, habits, tee-shirts, chaussures, chaussures de sport" en classe 25. Il fait valoir que : - les usages de la marque semi-figurative no 005620968 et de sa signature valent usage de la marque verbale no 4226920, - ces usages n'altèrent pas le caractère distinctif de cette dernière dès lors que l'élément dominant de sa signature reste le nom, malgré l'ajout du Y et la typographie différente, de même dans la marque semi-figurative, malgré l'ajout de l'élément figuratif purement décoratif, - son exploitation est réalisée par le biais de la licence accordée à la société LCS International BV qui a édité des collection capsule, c'est-dire pour de faibles quantités disponibles durant un temps limité, en 2016, 2018 et le fera en 2023 à l'occasion du 40ème anniversaire de sa victoire au tournoi de Roland Garros et que des produits ont été commercialisés de 2016 à 2019. 24. L'article 18 du règlement 2017/1001 du 14 juin 2017 sur la marque de l'Union européenne (figurant auparavant, dans des termes équivalents, à l'article 15 du règlement no 40/94 du 20 décembre 1993et également dans les directives rapprochant les législations des États membres sur les marques) prévoit : "1. Si, dans un délai de cinq ans à compter de l'enregistrement, la marque de l'Union européenne pas fait l'objet par le titulaire d'un usage sérieux dans l'Union pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée, ou si un tel usage a été suspendu pendant un délai ininterrompu de cinq ans, la marque communautaire est soumise aux sanctions prévues au présent règlement, sauf juste motif pour le non-usage. Constituent également un usage au sens du premier alinéa : a) l'emploi de la marque de l'Union européenne sous une forme qui diffère par des éléments n'altérant pas le caractère distinctif de la marque dans la forme sous laquelle celle ci a été enregistrée que la marque soit ou non enregistrée sous la forme utilisée au nom du titulaire". 25. L'article L.714-5 du code de la propriété intellectuelle dispose : "Encourt la déchéance de ses droits le titulaire de la marque qui, sans justes motifs, n'en a pas fait un usage sérieux, pour les produits ou services pour lesquels la marque est enregistrée, pendant une période ininterrompue de cinq ans. Le point de départ de cette période est fixé au plus tôt à la date de l'enregistrement de la marque suivant les modalités précisées par un décret en Conseil d'Etat. Est assimilé à un usage au sens du premier alinéa : (...) 3o L'usage de la marque, par le titulaire ou avec son consentement, sous une forme modifiée n'en altérant pas le caractère distinctif, que la marque soit ou non enregistrée au nom du titulaire sous la forme utilisée ; (...)" et l'article L. 716-3-1 : "La preuve de l'exploitation incombe au titulaire de la marque dont la déchéance est demandée. Elle peut être apportée par tous moyens". 26. Saisie de questions préjudicielles en interprétation de la notion d'usage sérieux, la CJUE (11 mars 2003, Ansul, C-40/01) a dit pour droit que : "une marque fait l'objet d'un usage sérieux lorsqu'elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l'identité d'origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et services, à l'exclusion d'usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque. L'appréciation du caractère sérieux de l'usage de la marque doit reposer sur l'ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l'exploitation commerciale de celle-ci, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services protégés par la marque, la nature de ces produits ou de ces services, les caractéristiques du marché, l'étendue et la fréquence de l'usage de la marque", précisant que "il n'est pas nécessaire que l'usage de la marque soit toujours quantitativement important pour être qualifié de sérieux, car une telle qualification dépend des caractéristiques du produit ou du service concerné sur le marché correspondant". 27. Elle a également précisé que "Quant à la finalité de l'article 10, paragraphe 2, sous a), de la directive 89/104, il y a lieu de relever que cette disposition, en évitant d'exiger une conformité stricte entre la forme utilisée dans le commerce et celle sous laquelle la marque a été enregistrée, vise à permettre au titulaire de cette dernière d'apporter au signe, à l'occasion de son exploitation commerciale, les variations qui, sans en modifier le caractère distinctif, permettent de mieux l'adapter aux exigences de commercialisation et de promotion des produits ou des services concernés"(CJUE, 25 octobre 2012, C-553/11, Rintisch) et dit pour droit que"la condition d'usage sérieux d'une marque, au sens de l'article 15, paragraphe 1, du règlement no 40/94 peut être remplie lorsqu'une marque enregistrée, qui a acquis son caractère distinctif par suite de l'usage d'une autre marque complexe dont elle constitue un des éléments, n'est utilisée que par l'intermédiaire de cette autre marque complexe, ou lorsqu'elle n'est utilisée que conjointement avec une autre marque, la combinaison de ces deux marques étant, de surcroît, elle-même enregistrée comme marque"(18 avril 2013, C-12/12, Colloseum holding, point 36). 28. La marque ayant été enregistrée le 1er avril 2016, le titulaire de la marque française no 4226920 doit prouver que, à l'issue de la période de grâce soit depuis le 1er avril 2021, il en a fait un usage sérieux au cours des 5 années précédent la demande en déchéance pour les produits et services visés l'enregistrement. 29. La marque française [M] no4226920 a été déposée pour de nombreux produits et services en classes 9, 18, 28 et 41, ainsi que pour tous les produits de la classe 25. 30. En l'absence de preuve d'usage, la déchéance de la marque sera prononcée pour tous les produits et services visés à l'enregistrement dans les classes 9, 18, 28 et 41, ainsi que pour les produits suivants en classe 25 : vêtements de gymnastique, vêtements en cuir, vêtements en imitation du cuir, vêtements en fourrure, ceintures (habillement), gants (habillement), écharpes, maillots de bain, costumes de plage, combinaisons (vêtements de sport), caleçons de bain, peignoirs, saris, bandanas, boas, étoles, foulards, bandeaux pour la tête (habillement), bonneterie, bas, bavoirs non en papier, bretelles, cache-col, camisoles, capuchons, châles, chandails, chasubles, supports de chaussettes, chemises, collets, cols, combinaisons, pantalons, costumes, tabliers, couvre-oreilles, cravates, empeignes, empiècements de chemises, gabardines, gaines, mitaines, gilets, pull-overs, tricots, imperméables, manteaux, parkas, pèlerines, pelisses, vareuses, vestes, jambières, jupes, costumes de mascarade, sous-vêtements, lingerie de corps, slip, body, soutien-gorge, culottes, corselets, vêtements de nuit, pyjamas, robes de chambre, chapellerie, bonnets, casquettes, bonnets de bain, calottes, bérets, coiffes, chaussettes, chaussons, bottes, bottines, brodequins, chaussures de football, chaussures de plage, crampons de chaussures de sport, espadrilles, galoches, pantoufles, sandales, chaussures de ski, souliers. 31. S'agissant des autres produits (vêtements, vêtements de sport, maillots, chemisettes, habits, tee-shirts, chaussures, chaussures de sport), il est constant que l'exploitation a été réalisée dans le seul cadre de la licence exclusive confiée à la société LCS International BV pour les deux marques précitées no 004373122 (aujourd'hui déchue) et no 005620968. 32. Les pièces no 10 à 14 montrent que les articles "[M]" distribués par la licenciée portent soit une étiquette portant soit le signe suivant, soit la mentionstylisée suivante. 33. Le signe comporte deux éléments co-dominants : l'élément verbal "[X] [M]" et le logo qui en occupe la majeure partie. Il n'en demeure pas moins que l'élément distinctif de la marque est son élément verbal, associé à une personnalité célèbre en tant que champion de tennis et chanteur, figurant en lettres capitales très lisibles sous l'élément figuratif à caractère d'initiale. Dès lors, il y a lieu de retenir que les usages de ce signe valent usage de la marque verbale no 4226920 [M] sous une forme modifiée n'en altérant pas le caractère distinctif. 34. La mention stylisée est, semble-t-il, la transcription de "y noah" en écriture cursive. Pour autant, si les minuscules centrales sont à peu près clairement n, o et a, les lettres d'attaque et de clôture sont, pour la première, plus proche de g ou S que de y et, pour la dernière, d'un l ou un f que d'un h, de sorte qu'on lit plutôt "gnoal" ou Snoaf" que "y noah". Elle altère donc considérablement l'effet distinctif de la marque verbale no 4226920 et ne saurait donc en constituer un usage sous une forme modifiée n'en altérant pas le caractère distinctif. 35. S'agissant des preuves d'usage, M. [M] produit une attestation du 3 octobre 2019 (sa pièce 9) de la LCS International BV intitulée "chiffre d'affaire, marques [X] [M]", de 2015 à 2019 faisant apparaître la vente de 3.348 vêtements (5 modèles de polos, 4 de sweaters, 2 de vestes et 1 de pantalon) et 3.430 chaussures (13 modèles) sur tous territoires. Il produit une deuxième attestation du 6 mai 2022 (sa pièce 35), moins détaillée, faisant apparaître le chiffre d'affaires en France des ventes de 6 modèles de polos, 4 de sweaters, 2 de vestes et 1 de pantalon ainsi que 9 modèles de chaussures pour la période de 2017 à 2022. 36. Quoiqu'interpellé sur ce point par les écritures adverses, M. [M] ne produit pas de photographies de ces modèles permettant d'examiner la marque apposée sur chacun des produits, à l'exception de la pièce 10 qui montre trois modèles de polos, portant une étiquette représentant le signe évoqué supra. Il produit en revanche des fiches techniques de produits (pièces 11 à 14) permettant de constater que 5 modèles de vêtements ([M] polo SS M optical white, [M] polo SS M light heather grey, [M] 86 retro polo MCH marshmallow, TRI SL LC23 sweater M marshmallow /dress, TRI SL LC23 polo no2 M) ainsi qu'un modèle de chaussures ( CMF club [M] Supog) ont été conçus pour porter une étiquette avec ce signe. 37. S'il est exact que les pièces justificatives relatives aux vêtements ne démontrent pas comment et où ils ont été offerts à la vente, l'attestation du licencié constitue cependant une preuve suffisante qu'ils ont été commercialisés auprès du public français. Elle démontre que les six produits précités ont été commercialisés en 2016, 2017, 2018 et 2020 et ont généré un chiffre d'affaires total de 5.540,52 euros pour les vêtements et 27.368,85 pour les chaussures. 38. La marque française no4226920 est donc exploitée pour les vêtements et chaussures à un niveau quantitatif faible mais non symbolique et en vue de la conservation d'un débouché pour les produits concernés. 39. L'usage sérieux de marque française no4226920 pour les vêtements et chaussures est donc établi et il y a lieu de rejeter la demande de déchéance de la marque pour les produits selon la liste proposée par le défendeur qui n'est pas discutée. III . Sur la contrefaçon 40. M. [M] fait valoir que : - la société [M] Clothing a utilisé le signe [M] à titre de marque sa marque pour des produits similaires à ceux visés par sa marque sur son site internet accessible en France et offrant des produits payables en euros avec livraison possible au public français en février 2020, - ce signe est reproduit à l'identique sur les différents types de vêtements, chaussures et casquettes, et est imité sur d'autres articles par l'ajout d'une croix ou d'une aile rouge ou des lettres NYC ; - ces signes, très similaires sur les plans visuel, phonétique et conceptuel, sont de nature à créer une confusion auprès du public d'attention moyenne et notamment de laisser penser que les produits commercialisés sous ces signes font l'objet d'un partenariat entre les parties. 41. La société [M] Clothing soutient que : - le risque de confusion est exclu par les différences significatives entre les signes, - le public pertinent a un degré d'attention pus élevé que la moyenne, - le prénom [M] est le 26ème des prénoms masculins les plus donnés en France en 2018, il est inclus dans de nombreuses marques de vêtements notamment, - l'ajout de logos rouge vif et des lettres NYC produit un impact visuel distinct du seul élément verbal [M], et sont porteur de sens (spirituel pour la croix, mythologique pour le pied ailé et géographique pour NYC) alors que la marque [M] renvoie à une personne physique, - la protection de la marque ne saurait s'étendre à d'autres produits que ceux pour lesquels l'usage est sérieux, - les conditions de commercialisation des produits et les prix sont très différents. 42. L'article L 713-2 du code de la propriété intellectuelle dispose que "est interdit, sauf autorisation du propriétaire, l'usage dans la vue des affaires pour des produits ou des services : 1o D'un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ; 2o D'un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s'il existe, dan incluant le risque d'association du signe avec la marque" . 43. L'appréciation de la contrefaçon implique de rechercher si, au regard des degrés de similitude entre les signes et entre les produits et/ou services désignés, il existe un risque de confusion comprenant un risque d'association dans l'esprit du public concerné, lequel doit être apprécié en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce. La similarité des produits et/ou services concernés est examinée au regard des facteurs caractérisant le rapport les unissant du fait de leur nature, de leur destination ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire. 44. L'appréciation de la similitude visuelle, auditive et conceptuelle des signes doit être fondée sur l'impression d'ensemble produite par ceux-ci en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. Au sein d'une marque complexe, le signe verbal est dominant en ce qu'il permet de mémoriser la marque et de la désigner à l'oral. 45. Au cas présent, l'élément verbal [M] est représenté sur la majorité des vêtements et devant des casquettes, ainsi que cela ressort du constat d'huissier du 23 février 2020 sur les sites internet www.ssence.com et noahny.com. Il est identique à la marque de sorte qu'il y a identité visuelle, phonétique et conceptuelle. 46. La société [M] Clothing ne saurait être suivie lorsqu'elle soutient que le mot [M] est un prénom si répandu et utilisé en France, y compris à titre de marque, qu'il est dépourvu de caractère distinctif s'il n'est accompagné d'un autre signe. En effet, le caractère distinctif d'une marque n'est pas subordonné à l'existence d'un sens fort ou d'une quelconque originalité, du moment qu'il est arbitraire au regard des produits et services auxquels il est associé et apte à être perçu comme une indication de leur origine. Le mot [M] pour désigner des vêtements et chaussures présente ces caractères. 47. Sur de nombreux articles, deux éléments figuratifs sont alternativement associés à l'élément verbal : - une croix grecque légèrement pattée, reproduite au point 1 supra, particulièrement sobre, quoique vermillon, - un pied ailé rouge, reproduit ci-contre suffisamment arbitraire et soigné dans son dessin pour constituer un élément distinctif. Néanmoins, ces signes occupent une place réduite sous l'élément verbal bien mis en valeur (inscrit en lettres capitales sur fond contrastant) et n'apportent pas de sens particulier à la marque. Ils jouent un rôle décoratif, de sorte qu'ils demeurent accessoires et ne retiendront pas l'attention du public au détriment du mot. 48. Sur le site internet, l'élément verbal utilisé est [M] NYC. Cet ajout verbal en fin de signe est de nature à affecter la similarité visuelle et conceptuelle. Néanmoins, les initiales NYC étant très fréquemment apposées sur divers articles, notamment de mode et de maroquinerie, comme signifiant New York city, et venant ici en fin de signe, il n'est pas de nature à atténuer sensiblement la similarité à la marque [M]. 49. Il n'est pas discuté que les produits sur lesquels ces signes sont présents sont notamment des produits pour lesquels la marque a été jugée valable. Les allégations de la société [M] Clothing selon lesquelles il s'agirait de produits nettement distincts ne sont corroborées par aucun élément objectif ; quant aux différences de gamme, de prix ou de qualité, outre qu'elles ne sont pas plus objectivées, ce ne sont pas des éléments pertinents au regard du critère de similarité. 50. La similarité des signes pour la vente de produits similaires est de nature à susciter un risque de confusion dans l'esprit du public pertinent, qui est le grand public d'attention moyenne sur le territoire français. De plus, les produits portant la marque [M] sont commercialisés dans le cadre d'une licence avec Le coq sportif, dont la marque figurative figure également. Le public est donc accoutumé à voir cette marque associée à un partenaire commercial. 51. Le risque de confusion et d'association entre les signes litigieux et la marque [M] est ainsi établi et la société [M] Clothing a effectué des actes de contrefaçon en reproduisant et imitant le signe de la marque verbale française no 4226920 de M. [M]. IV . Sur les mesures de réparation et le droit d'information 52. M. [M] fait valoir que la contrefaçon de sa marque ont causé à celle-ci une atteinte de la valeur patrimoniale et lui a causé un manque à gagner ainsi que des bénéfices indus pour la société [M] Clothing et qu'il a droit à un cumul des deux postes ou, à défaut, aux bénéfices indus du contrefacteur. N'ayant pu réaliser de saisie contrefaçon, il invoque son droit d'information et à une provision avant-dire droit. 53. La société [M] Clothing soutient que : - la demande d'interdiction est disproportionnée au regard de sa liberté d'entreprendre au regard de la faible exploitation du signe et du dépôt pour de nombreux produits et services où il n'était aucunement utilisé, - la demande de provision est fantaisiste, repose sur un cumul excédant la réparation du préjudice et n'est le résultat d'aucun calcul, - le préjudice moral n'a été invoqué qu'au troisième jeu de conclusions alors que le produit n'est pas exploité, et n'existe pas dès lors qu'elle ne peut être à l'origine d'aucune dévalorisation, - le droit à l'information n'a été invoqué qu'au troisième jeu de conclusions et est disproportionné, la connaissance de son réseau de distribution et de son taux de marge (donnée sensible couverte par le secret des affaires) ainsi que les informations portant sur d'autres territoires que la France étant inutiles à la détermination de son préjudice. 54. Les dispositions des articles L. 716-4-10, L. 716-4-11 et L. 716-8 à L. 716-13 sont applicables aux atteintes portées au droit du titulaire d'une marque En application des dispositions de l'article L716-14 du code de la propriété intellectuelle, "Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement : 1o Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subie par la partie lésée, 2o Le préjudice moral causé à cette dernière, 3o Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon. Toutefois, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée". 55. Ces dispositions, issues de la transposition de la directive 2004/48 du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle (considérant 26 et article 13), visent à ce que la détermination du dommage tienne compte de ces différents aspects économiques, qui ne constituent pas des chefs de préjudices cumulables. En particulier, les bénéfices réalisés par les auteurs des atteintes n'ont pas vocation à être captés par la partie lésée mais sont destinés à évaluer objectivement son préjudice réel. 56. La contrefaçon étant établie, il y a lieu de prononcer les mesures d'interdiction comme précisé au dispositif. 57. M. [M] a soutenu dans ses écritures que des produits sous sa marqué étaient commercialisés dans des collections capsule à l'occasion d'événements favorisant son exposition médiatique. Il n'indique cependant pas quelles collections auraient été lancées depuis le 1er avril 2016 dont les bénéfices auraient pu être détournés du fait des ventes en France de la société [M] Clothing. Enfin, si le chiffre d'affaires moyen annuel de M. [M] a été d'environ 1.000 euros sur les ventes en France de vêtements et de 3.400 euros sur les chaussures, la redevance perçue à ce titre n'est pas connue. 58. Il n'existe aucune information sur les volumes de vente en France de celle-ci ni sur les bénéfices réalisés. La mise en jeu du droit à l'information est donc justifiée pour en permettre la prise en considération. 59. L'usage du signe litigieux est de nature à faire subir au titulaire de la marque une atteinte à sa valeur patrimoniale par dilution de celle-ci ainsi qu'un préjudice moral. Néanmoins, le préjudice ne peut être estimé ici en l'absence de toute information sur les volumes de vente réels. 60. Aucun élément ne permettant d'estimer le préjudice financier résultant de la contrefaçon, il y a lieu de rejeter la demande de provision à valoir sur la réparation du préjudice et de faire droit à la demande de droit à l'information sur le chiffre d'affaires et la marge réalisés en France sur les produits protégés par la marque selon les termes du dispositif. V . Dispositions finales 61. Le tribunal ayant vidé sa saisine et ne prononçant aucune condamnation avant-dire droit, il n'a pas lieu de faire droit à la demande de renvoi de l'affaire à la mise en état en vue d'hypothétiques difficultés ou demandes ultérieures. Il convient de renvoyer les parties à la détermination amiable du préjudice et de ressaisir le tribunal en cas de difficulté qui ne serait pas amiablement résolue. 62. La société [M] Clothing, qui succombe, est condamnée aux dépens de l'instance et à payer à M. [M] la somme de 12. 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile . PAR CES MOTIFS Déboute la société [M] Clothing de ses demandes de nullité de la marque française no 4226920 sur le fondement du dépôt frauduleux et à titre de dommages et intérêts pour le préjudice consécutif ; Rejette la demande de déchéance de la marque française [M] no4226920 pour les produits suivants de la classe 25 : vêtements, vêtements de sport, maillots, chemisettes, habits, tee-shirts, chaussures, chaussures de sport ; Prononce la déchéance pour défaut d'usage sérieux de la marque française [M] no4226920 à compter du 1er avril 2021 pour tous les produits et services visés à l'enregistrement en classes 9, 18, 28 et 41 ainsi que pour les produits suivants en classe 25 : vêtements de gymnastique, vêtements en cuir, vêtements en imitation du cuir, vêtements en fourrure, ceintures (habillement), gants (habillement), écharpes, maillots de bain, costumes de plage, combinaisons (vêtements de sport), caleçons de bain, peignoirs, saris, bandanas, boas, étoles, foulards, bandeaux pour la tête (habillement), bonneterie, bas, bavoirs non en papier, bretelles, cache-col, camisoles, capuchons, châles, chandails, chasubles, supports de chaussettes, chemises, collets, cols, combinaisons, pantalons, costumes, tabliers, couvre-oreilles, cravates, empeignes, empiècements de chemises, gabardines, gaines, mitaines, gilets, pull-overs, tricots, imperméables, manteaux, parkas, pèlerines, pelisses, vareuses, vestes, jambières, jupes, costumes de mascarade, sous-vêtements, lingerie de corps, slip, body, soutien-gorge, culottes, corselets, vêtements de nuit, pyjamas, robes de chambre, chapellerie, bonnets, casquettes, bonnets de bain, calottes, bérets, coiffes, chaussettes, chaussons, bottes, bottines, brodequins, chaussures de football, chaussures de plage, crampons de chaussures de sport, espadrilles, galoches, pantoufles, sandales, chaussures de ski, souliers ; Rejette la demande de déchéance de pour défaut d'usage sérieux de la marque française [M] no4226920 pour les services et produits suivants en classe 25 : vêtements, vêtements de sport, maillots, chemisettes, habits, tee-shirts, chaussures, chaussures de sport ; Ordonne la transmission de la décision une fois devenue définitive pour inscription par l'INPI au registre national des marques ; Ordonne à la société [M] Clothing de mettre fin à tout usage, dans la vie des affaires, d'un signe contenant l'élément verbal "[M]", dans un délai de 30 jours suivant la signification présent du jugement, sous astreinte de 300 euros par jour de retard pendant 90 jours ; Ordonne à la société [M] Clothing d'avoir à produire sous astreinte de 500 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de un mois suivant la signification du présent jugement le chiffre d'affaires et la marge réalisés par la société [M] Clothing en France depuis le 1er avril 2016 pour des vêtements et chaussures sous la marque [M], certifié par expert-comptable ou commissaire aux comptes ; Renvoie les parties à la détermination amiable du préjudice qui ne serait pas déjà indemnisé par le présent jugement ou, à défaut d'accord, par le tribunal saisi par nouvelle assignation ; Rejette les demandes de M. [X] [M] à titre de provision à valoir sur la réparation de son préjudice du fait des actes de contrefaçon ; Condamne la société [M] Clothing aux dépens, qui pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile ; Condamne la société [M] Clothing à payer à M. [X] [M] la somme de 12. 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Fait et jugé à Paris le 12 Mai 2023 Le Greffier La Présidente Quentin CURABET Nathalie SABOTIER
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JUDICIAIRE 3ème chambre 2ème section No RG 20/06038 No Portalis 352J-W-B7E-CSKW3 No MINUTE : Assignation du : 02 Juillet 2020 rendu le 09 Juin 2023 Monsieur [J] [M] [Adresse 2] [Localité 4] représenté par Maître Jean-marie GUILLOUX, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #G0818 DÉFENDERESSES Société NARCOS PRODUCTIONS LLC [Adresse 3], [Adresse 3] (ETATS-UNIS) Société GAUMONT INTERNATIONAL TELEVISION LLC [Adresse 3], [Adresse 3] (ETATS-UNIS) représentée par Maître Eléonore GASPAR de la SELARL DUCLOS THORNE MOLLET-VIEVILLE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0075 Société REGENT MUSIC CORPORATION [Adresse 1] [Adresse 1] (ETATS-UNIS) représentée par Maître Alain SPILLIAERT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C0965 Copies délivrées le : - Maître GUILLOUX #G818 (executoire) - Maître GASPAR #P75 (executoire) - Maître SPILLAERT #965 (executoire)COMPOSITION DU TRIBUNAL Madame Irène BENAC, Vice-Présidente Madame Elodie GUENNEC, Vice-présidente Monsieur Arthur COURILLON-HAVY, Juge assisté de Monsieur Quentin CURABET, Greffier A l'audience du 03 Février 2023 tenue en audience publique devant Irène BENAC et Arthur COURILLON-HAVY, juges rapporteurs, qui sans opposition des avocats ont tenu seuls l'audience, et après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile. Avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 09 Juin 2023. Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire En premier ressort EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE 1. M. [J] [M] reproche aux trois sociétés de droit des États-Unis Narcos productions (la société Narcos), Gaumont television USA (la société Gaumont) et Regent music corp (la société Regent) la synchronisation de l'oeuvre ‘Ballade pour Adeline', qu'il a composée, dans une scène de meurtre de l'épisode 10 de la 2e saison de la série ‘Narcos - Mexico', ce qui ne respecterait pas l'esprit de l'oeuvre, ainsi qu'en la fragmentant et sans le créditer au générique, violations de ses droits moraux (respect de l'oeuvre et paternité) dont il demande la réparation, ainsi qu'un préjudice moral distinct. 2. La série a été produite par la société Narcos, à qui le droit de synchroniser l'oeuvre dans l'épisode litigieux a été concédé par la société Regent, qui estimait le détenir d'une société Delphine productions en vertu d'un contrat de sous-édition pour le territoire des États-Unis et du Canada. 3. Après les avoir mis en demeure, M. [M] a assigné les trois sociétés défenderesses par acte transmis à l'autorité locale des États-Unis le 2 juillet 2020 (la date de l'assignation elle-même n'est communiquée par aucune partie). 4. Parallèlement, la société Regent a pris l'initiative d'assigner M. [M] et la société Delphine devant un tribunal des États-Unis pour voir confirmer sa position quant aux droits patrimoniaux de l'auteur, ce qui a finalement donné lieu en avril 2022 à une transaction par laquelle chacun a renoncé à tout litige sur l'exploitation de l'oeuvre dans l'épisode litigieux, à l'exception du présent procès sur les droits moraux. 5. Dans la présente instance, le juge de la mise en état a écarté l'exception d'incompétence formée par la société Regent et rejeté la demande de sursis à statuer dans l'attente de la procédure des États-Unis, ce que la cour d'appel a confirmé par arrêt du 15 octobre 2021. 6. L'instruction a été close le 20 octobre 2022. Prétentions et moyens des parties 7. M. [M], dans ses dernières conclusions (21 septembre 2022), après avoir demandé au tribunal de « dire » que les défendeurs « ont commis des actes de contrefaçon [de l'oeuvre] en [la] reproduisant et [la] diffusant sans autorisation » et que cela a porté atteinte à ses droits moraux, demande la condamnation « conjointement et solidairement » des défendeurs à lui payer 1 million d'euros de dommages et intérêts au titre du droit au respect de l'oeuvre, 500 000 euros au titre du droit à la paternité, et 500 000 euros pour préjudice moral, l'interdiction sous astreinte d'exploiter l'épisode reproduisant l'oeuvre, la publication du jugement aux frais des défendeurs dans des revues ou journaux de son choix pour un cout total de 100 000 euros HT, et sur le site internet gaumonttelevision.com, outre 115 789,72 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens (avec recouvrement par son avocat). 8. Il estime que son droit au respect de l'oeuvre a été atteint par la dénaturation de celle-ci résultant selon lui d'une part de sa fragmentation (elle est reproduite dans un extrait de 1'42'' alors qu'elle dure 2' 38''), d'autre part de l'atteinte à son esprit et à sa destination du fait de son adaptation dans le contexte d'une scène extrêmement violente, de façon non accessoire et même en rythmant l'action, alors que l'oeuvre, nommée d'après sa fille, serait associée au romantisme, à la tendresse, à la pureté, rappelant à ce titre que l'interprète le plus célèbre de l'oeuvre ([S] [P]) est lui-même associé au romantisme. Il conteste la pertinence du contrat par lequel il avait cédé le droit d'exploiter notamment des fragments de l'oeuvre, faisant valoir que le droit moral est inaliénable et qu'il n'a donc pas autorisé toute fragmentation ni tout usage de son oeuvre, outre que les défenderesses ne sont pas parties à ce contrat, et affirme que selon la jurisprudence, seul l'auteur peut déterminer les conditions dans lesquelles il entend que son oeuvre soit exploitée. Il estime ainsi que par l'exploitation litigieuse, son oeuvre a été associée, auprès d'un public important, à la violence, au meurtre et à la drogue, et même à l'apologie de ces phénomènes, de sorte qu'il serait désormais impensable que l'on continue à enseigner cette oeuvre à des enfants comme c'était le cas jusqu'ici. Il conteste encore la pertinence des exemples antérieurs d'exploitation de l'oeuvre, en premier lieu car « la tolérance d'un auteur ne prouve rien contre lui », en second lieu car ils sont différents : la scène du prisonnier est mélancolique, sans violence, le suicide au fusil est certes violent mais dans un paysage naturel et magnifique, et est incomparable, selon lui, avec la violence gratuite et la brutalité qui se dégage de la scène litigieuse, dans laquelle cette violence, mise en avant jusqu'aux projections de sang, est le sujet central. Il estime que ces exemples montrent au contraire qu'il n'interdit pas abusivement toute adaptation, et soutient que les droits moraux sont « des droits discrétionnaires et subjectifs ». Il conteste enfin l'argument tiré de l'atteinte à la liberté de création, estimant que celle-ci ne peut justifier une atteinte au respect dû à l'oeuvre ou qu'à tout le moins il faut trouver un juste équilibre qui, ici, n'autorise pas cette atteinte selon lui, l'épisode ayant pu être exploité ultérieurement sans son oeuvre. 9. Sur le droit à la paternité, il critique l'absence de mention de son nom et de celui de l'oeuvre au générique de l'épisode litigieux, et estime indifférent que des tiers aient pu ultérieurement y remédier par eux-mêmes (notamment par des commentaires d'utilisateurs de la plateforme Youtube sous des vidéos reproduisant la scène concernée ou l'oeuvre elle-même). Il conteste également les « usages » invoqués par les défenderesses, estimant au contraire « audacieux » qu'elles se prévalent d'une « violation permanente du droit de paternité ». Il estime l'atteinte d'autant plus grave qu'il est particulièrement célèbre et que l'oeuvre a connu un succès très important. 10. Il allègue un préjudice tiré de l'intensité de l'exploitation dans le monde entier, exposant à cet égard que le droit moral de l'auteur est un droit de la personnalité au sens de la jurisprudence de la CJUE relative au lieu de réalisation du dommage. Il invoque un préjudice moral distinct causé par le mépris que traduisent les faits commis par les défenderesses. 11. Les sociétés Narcos et Gaumont, dans leurs dernières conclusions (21 septembre 2022), résistent à l'ensemble des demandes y compris l'exécution provisoire, demandent subsidiairement de limiter le préjudice à la somme de 5 338 euros correspondant au montant des redevances versées et de condamner la société Regent à les garantir de toute condamnation, et réclament en toute hypothèse à M. [M] 15 000 euros chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens (à recouvrer par leur avocat). 12. Elles font valoir que l'oeuvre n'est pas uniquement un « hymne à la tendresse, à la pureté et à l'amour » ou destinée au romantisme, mais a aussi été utilisée de façon bien plus polémique. D'abord dans la scène finale d'un court-métrage (‘Gayniggers from outer space') dans lequel des extraterrestres éradiquent les femmes sur terre pour fonder une société entièrement homosexuelle, ladite scène montrant des hommes en slip dans une piscine posant de façon suggestive, ce qui n'a rien de romantique ; ensuite dans un épisode d'une série (‘Le Renard') où un prisonnier est emmené en détention ; enfin dans la scène d'un film (‘Kekkonen tulee !') pour illustrer le suicide d'une femme avec un fusil placé sous son menton, en présence de son fils (qui est derrière une porte) avec lequel elle discute avant d'appuyer sur la gâchette, ce dont elles soulignent la « grande violence » au moins psychologique. Elles ajoutent qu'en cédant son droit de reproduction y compris pour l'adaptation dans une oeuvre cinématographique, l'auteur a contractualisé son droit au respect de l'intégrité de son oeuvre, et estiment que l'usage dans la scène litigieuse, correctement décrite à la société Regent et approuvé par celle-ci, a dès lors été autorisé par le mandataire apparent de l'auteur, ce qui serait opposable à celui-ci en vertu de l'article 1156 du code civil. Elles soulignent la différence entre la jurisprudence invoquée par l'auteur, qui porte sur des usages publicitaires d'oeuvres dont l'une avait au demeurant un caractère religieux, et l'usage dans la présente espèce où l'oeuvre est intégrée dans une nouvelle oeuvre à visée artistique, de surcroit à titre d'illustration accessoire en raison, d'une part, de sa faible durée rapportée à celle de l'épisode et celle de la saison, d'autre part de l'absence d'adéquation entre la scène et la musique, la seconde ne rythmant pas la première malgré l'affirmation du demandeur, et le public, habitué à la synchronisation de musique classique dans des scènes violentes, n'associant pas les deux oeuvres dans ce cadre. Elles demandent également que soit prise en compte dans ce cadre la liberté de création des auteurs de l'oeuvre seconde. 13. Sur la fragmentation critiquée, elles soutiennent que l'oeuvre a déjà été utilisée de façon partielle avec l'accord de l'auteur, et font valoir que l'usage en cause ici reprend l'essentiel de l'oeuvre, et sans la fragmenter en diverses séquences, l'auteur ne démontrant au demeurant pas le contraire. Elles estiment enfin que le demandeur se contredit à reprocher une altération de l'oeuvre tout en percevant des redevances sur l'usage qu'il critique. 14. Sur l'absence de mention du nom de l'auteur et de l'oeuvre au générique de l'épisode, elles se prévalent d'un usage du secteur pour les séries, précisant qu'aucune oeuvre musicale reproduite dans la série ne figure au générique. 15. Elles soutiennent enfin que seul le préjudice subi en France peut être indemnisé, contestant que le droit moral soit un droit de la personnalité permettant de retenir comme lieu du dommage le lieu des intérêts du demandeur, et faisant valoir qu'en tout état de cause le demandeur n'a allégué que la loi française, et non les lois des autres territoires où le fait délictueux aurait été commis. 16. La société Regent, dans ses dernières conclusions (15 juin 2022), résiste à l'ensemble des demandes de M. [M], à la demande en garantie des sociétés Narcos et Gaumont, à l'exécution provisoire, et demande elle-même à M. [M] 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens. 17. Elle estime d'abord que le demandeur forme une prétention fondée sur les droits patrimoniaux et y répond que la compétence du présent tribunal a été limitée par la cour d'appel aux seuls droits moraux et que la transaction d'avril 2022 interdit un litige sur les droits patrimoniaux. 18. Sur les droits moraux, elle fait d'abord valoir qu'elle n'est pas intervenue dans les choix de création ni dans la diffusion de l'épisode litigieux. Elle conteste en tout état de cause les atteintes alléguées. À cet égard, rappelant que la preuve incombe à l'auteur qui ne peut selon elle se contenter de sa subjectivité, elle conteste toute dépréciation ou dévalorisation, argüant de ce que la destination de l'oeuvre ne s'est pas limitée à ce qu'en dit le demandeur, mais a au contraire été étendue à des usages commerciaux, comme une émission radiophonique de psychologie, des clips de hip hop ou des films, d'inspiration non romantique mais violente, outrancière ou pornographique : outre les films invoqués par les autres défenderesses, une chanson ‘Take it down' aux paroles obscènes, violentes et misogynes ayant 15 millions d'écoutes sur Spotify. Elle ajoute qu'une composition très proche de l'oeuvre en cause a également été synchronisée dans un film (‘Un Linceul n'a pas de poche') lors d'une scène d'enlèvement violent d'une femme. 19. Elle invoque également la liberté de création, au visa notamment de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, fait référence dans ce cadre au contraste, dans le film ‘Le Parrain' entre le caractère mélancolique et poétique de la musique de [T] [G] et la violence de certaines scènes. Elle nie au demeurant que les films violents cités par le demandeur pour y comparer la série litigieuse (Scarface, Reservoir Dogs) fassent l'apologie de la violence et du meurtre. Elle revendique au contraire, au titre de la liberté de création, le droit de traiter de sujets non consensuels destinés précisément à « transcender le réel » et apporter une réflexion, et expose que cette liberté se manifeste également ici par le contraste entre les aspirations contraires de l'oeuvre musicale et de la série. 20. Elle estime encore non prouvé le fait que l'oeuvre serait désormais associée par le public à un règlement de compte entre narcotrafiquants, soulignant au contraire que les enfants apprenant la mélodie sont trop jeunes pour voir la série, interdite aux moins de 16 ans, que le public ne s'est pas détourné de l'oeuvre, que les commentaires sur Youtube associant l'oeuvre à la série sont très peu nombreux, et que la série Narcos est reconnue par un public averti comme en attestent les prix qu'elle a reçus. Elle qualifie en définitive l'usage litigieux de « scène de genre » s'inspirant « de célèbres moments de cinéma » ce qui lui enlève selon elle « tout caractère dénigrant » et « crée au contraire un constraste artistique » qui valorise l'oeuvre, ce que montrent les commentaires d'internautes recherchant la source de la musique voire regrettant son remplacement (effectué du fait de la présente action). Elle ajoute alors que la musique, qui est « grand public », est utilisée dans l'épisode litigieux comme la musique d'ambiance du grand magasin où se déroule la séquence, laquelle ne voit le meurtre intervenir que dans sa deuxième partie, de sorte que cet usage n'est pas « hors contexte », et conteste enfin la pertinence de la jurisprudence invoquée par le demandeur, pour les mêmes motifs que les autres défenderesses. 21. Contre le préjudice, la société Regent soutient elle aussi que seul le préjudice subi en France peut être réparé car le tribunal n'est saisi que de l'atteinte au droit moral du demandeur protégé par la loi française en France, précisant que la jurisprudence de la CJUE invoquée par le demandeur s'applique quant à elle aux atteintes à la vie privée et au droit à l'image. MOTIVATION Clarification de l'objet du litige 22. Si le demandeur invoque des faits de reproduction et de représentation de son oeuvre, qui relèvent, comme le soulève la société Regent, des droits patrimoniaux, c'est seulement pour caractériser les atteintes à son droit moral, comme il le dit expressément lorsqu'il expose qu'il serait nécessaire de caractériser une reproduction ou une représentation de l'oeuvre pour caractériser la violation d'un attribut du droit moral (ses conclusions, p. 23). C'est ce que révèle encore la partie de son dispositif commençant par plusieurs expressions en « dire que », visée dans l'exposé ci-dessus, et qui synthétise en définitive ce raisonnement sans former une prétention distincte. La demande est donc bien une demande en atteinte aux droits moraux de l'auteur, et aucune prétention n'est fondée distinctement sur une atteinte aux droits patrimoniaux. I . Demandes fondées sur l'atteinte aux droits moraux de l'auteur 1 . Atteinte au droit au respect de l'oeuvre 23. L'article L. 121-1 du code de la propriété intellectuelle instaure au profit de l'auteur un droit, personnel, perpétuel, inaliénable et imprescriptible, au respect de son nom, de sa qualité et de son oeuvre. a. Association avec une scène violente (atteinte à l'esprit de l'oeuvre) 24. Il est constant que M. [M] a consenti à l'usage de son oeuvre dans d'autres oeuvres et en particulier des oeuvres audiovisuelles, et ce qu'il conteste au cas présent n'est pas le principe d'un tel usage, mais le sens qu'il attribue à la scène concernée au regard de l'esprit (ou de la destination) de son oeuvre. 25. Il est constant que cette scène, entièrement accompagnée au plan sonore par une interprétation de l'oeuvre musicale Ballade pour Adeline, porte sur un meurtre de vengeance, dans le contexte du crime organisé, au moyen spectaculaire d'une batte de baseball : l'assassin, accompagné de complices, pénètre en silence dans la boutique de centre commercial où travaille désormais la victime, qui les regarde puis comprend qu'elle est condamnée, ce que la mise en scène souligne par un plan serré sur sa main lâchant les chaussures destinées à une cliente et un plan sur son visage, les yeux se fermant. Le film montre l'assassin porter de nombreux coups de batte, le résultat du premier coup étant montré de manière indirecte par un plan sur la vitrine qu'éclabousse une projection de sang, les suivants étant montrés alternativement d'un point de vue éloigné ou du point de vue de la victime au sol, entrecoupés d'une vue du corps déjà ensanglanté de la victime le visage dans une flaque de sang, vu du dessus, avant le coup final asséné avec le sommet de la batte à la verticale, de bas en haut, sur le visage. Il n'est pas contesté que cette scène, tant par son sujet que par sa mise en scène, est particulièrement violente, et il en ressort qu'elle vise à provoquer un choc, sans rien atténuer ou dissimuler de la détermination inhumaine de l'assassin, dont on voit jusqu'au visage enlaidi par la crispation, et qui contraste avec la résignation passive de la victime. 26. Un tel usage de l'oeuvre pour illustrer la représentation de la violence n'est en soi illicite que si l'esprit de l'oeuvre y est incompatible, ce qui ne se présume pas. Or si la légèreté du thème musical, le contexte de sa création en l'honneur de la fille de l'auteur, et son emploi récurrent, non contesté, tant dans l'apprentissage du piano par des enfants que dans un contexte se voulant romantique (nom d'un album où elle est reproduite, répertoire habituel de son interprète le plus célèbre) sont des indices en se sens, ils ne traduisent pas à eux seuls un esprit unique ou exclusif : en particulier, la légèreté du thème et la dédicace à la fille de l'auteur n'induisent pas nécessairement un esprit univoque de l'oeuvre, et il n'est pas démontré que l'usage de celle-ci soit strictement limité à l'interprétation par ou pour des enfants, ou pour illustrer « l'amour » ou la « tendresse ». 27. Au contraire, les défenderesses font état de plusieurs usages que l'auteur ne conteste pas avoir admis (il s'en prévaut même pour montrer sa bonne foi, dans ses conclusions, pp. 47-48, points 318 et 322) et qui témoignent d'un esprit plus subtil et moins manichéen que les seuls « amour », « tendresse », ou « pureté » qu'il allègue aujourd'hui : en particulier, dans le film finlandais Kekkonen tulee !, il est constant que l'oeuvre illustre une scène de suicide au fusil à bout portant sous le menton par une femme en présence de son jeune enfant, avec lequel elle échange quelques mots juste avant d'appuyer sur la gâchette, ce qui est particulièrement violent et perturbant. L'oeuvre est encore utilisée en sample dans la chanson Take it down, dont le demandeur ne conteste pas que les paroles sont a minima violentes comme l'affirme la société Regent. 28. Ainsi, l'oeuvre a été conçue, ou du moins a évolué avec l'accord de l'auteur, dans un esprit qui n'est pas exclusivement la tendresse, l'amour ou la pureté, et qui n'interdit pas par principe l'association avec la représentation choquante de la violence. 29. Une scène violente peut certes porter atteinte au respect dû à l'oeuvre de par la façon concrète dont elle représente la violence ou le message qu'elle véhicule. Mais, à cet égard, il ne ressort pas de la scène elle-même que la violence qui y est représentée soit valorisée ou encouragée, et le demandeur n'expose pas en quoi cela résulterait du reste de l'épisode ou même de la série dans son ensemble. Au contraire, il peut être observé que le contraste entre la victime et l'auteur, déjà décrit, et la brutalité même de la narration invitent le spectateur à « réfléchir » comme le souligne la société Regent, en ne lui cachant rien de la réalité de ce que cette vengeance implique. On ne peut dès lors affirmer que l'oeuvre aurait été associée à une « apologie » du crime, de la drogue ou de la violence. 30. La musique est en outre utilisée dans la scène litigieuse comme un accompagnement, détaché du sujet de la scène : elle débute comme la musique d'ambiance du centre commercial, ce qui est un usage tout à fait attendu de ce type de musique, et se poursuit, certes plus fort, mais sans rupture, alors que la scène, elle, bascule dans l'horreur. Ce décalage atténue alors encore l'impact de la scène sur la perception de l'oeuvre et l'association qui en résulte entre celle-ci et le sujet. 31. Il en résulte que l'accompagnement de la scène de meurtre litigieuse par Ballade pour Adeline ne porte pas atteinte à l'esprit de cette oeuvre et ne viole donc pas le droit au respect de l'oeuvre de ce fait. b. Fragmentation (intégrité de l'oeuvre) 32. Il est constant que l'auteur a consenti contractuellement à l'exploitation de « fragments » de l'oeuvre litigieuse. Il en résulte nécessairement qu'il a lui-même estimé que la reproduction partielle de cette oeuvre ne la dénaturait pas, sans que cela s'assimile aucunement en une cession de son droit moral. Que ceux qui se prévalent de ce fait soient ou non partie aux contrats par lesquels l'auteur a manifesté ces choix est parfaitement indifférent. c. Absence de mention aux crédits de l'épisode (droit à la parternité) 33. Il est constant que ni l'oeuvre ni son auteur ne sont mentionnés au générique de l'épisode où celle-là est reproduite. Les défenderesses se contentent d'alléguer un usage dans les séries, qu'elles n'étayent par aucune explication et aucune preuve. La violation du droit à la paternité est donc caractérisée. 2 . Préjudice 34. Il est constant que la compétence du présent tribunal est fondée uniquement sur l'article 46 du code de procédure civile, c'est-à-dire à raison du lieu du fait dommageable ou du lieu où le dommage a été subi, et non à raison du domicile des trois défendeurs, qui résident aux États-Unis. 35. S'il est exact qu'en matière de droit de la personnalité le lieu du fait dommageable, entendu comme celui de la matérialisation du dommage, au sens du règlement 1215/2012 sur la compétence judiciaire (qui inspire désormais également l'interprétation des règles nationales étendues lorsque le défendeur ne réside pas dans l'Union européenne), peut être le lieu où la victime a le centre de ses intérêts, il en va différemment dans les autres matières, où le lieu de matérialisation du dommage est celui où le dommage allégué se manifeste concrètement (CJUE, 12 septembre 2018, Löber, C–304/17, point 27 et jurisprudence citée), et non de tout lieu où peuvent être ressenties les conséquences préjudiciables d'un fait ayant causé un dommage effectivement survenu dans un autre lieu (même arrêt, point 23, et CJCE, 19 septembre 1995, Marinari, C-364/93, point 14), ni, en particulier, le lieu où se trouve le centre du patrimoine du demandeur au seul motif qu'il y aurait subi un préjudice financier (CJCE, 10 juin 2004, Kronhofer, C-168/02, dispositif). 36. Or le droit moral de l'auteur n'est pas un droit de la personnalité au sens de ces dispositions, et le dommage causé par l'atteinte au droit d'un auteur au respect de son nom et de sa qualité se manifeste concrètement en chaque lieu où des personnes accèdent à la reproduction ou la représentation litigieuse de son oeuvre ; le domaine de compétence du présent tribunal s'étend donc seulement à la diffusion en France de l'épisode 10 de la saisie 2 de la série Narcos - Mexico. 37. En toute hypothèse, s'agissant de la loi applicable, et comme le soulèvent encore les défenderesses, une personne ne saurait se voir reprocher la création puis la diffusion d'un contenu dans un territoire donné au motif que la loi d'un autre territoire l'estime contraire aux droits d'auteur : une telle extra-territorialité n'est pas attachée au droit d'auteur, qui est au contraire caractérisé par le principe de territorialité. Et seule la loi française étant invoquée ici par le demandeur, seul le préjudice subi à raison de faits commis en France peut être réparé. 38. Le demandeur invoque lui-même d'une part sa très grande célébrité et celle de l'oeuvre en cause, d'autre part la facilité avec laquelle des internautes se renseignaient entre eux sur le nom de l'oeuvre reproduite dans l'épisode en cause et son auteur. L'absence de « crédit » (mention au générique) pour l'usage de son oeuvre dans l'épisode litigieux n'a donc eu aucune conséquence sur sa renommée et sur l'exploitation de l'oeuvre. 39. Elle n'a causé qu'un préjudice moral caractérisé par le simple désagrément de découvrir qu'une de ses prérogatives n'a pas été respectée par un tiers, et qui peut être évalué ici, en tenant compte de la très grande diffusion de l'oeuvre en France mais aussi de la faible gravité du manquement, à 1 000 euros, que doivent être condamnées à payer, in solidum, les personnes à l'origine du manquement, c'est-à-dire la société Narcos, productrice de la série, et la société Gaumont, qui se défend avec elle sans contester être tenue à la même responsabilité qu'elle. 40. La demande dirigée contre la société Regent, qui conteste sa responsabilité et n'est pas à l'origine de l'atteinte au droit de paternité, doit être rejetée, et il en va de même de la demande en garantie à ce titre. 3 . Autres mesures Le préjudice subi est entièrement réparé par les dommages et intérêts prononcés, sans qu'il y ait lieu ni à interdiction, ni à publication. II . Dispositions finales 41. Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. L'article 700 du même code permet au juge de condamner en outre la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre, pour les frais exposés mais non compris dans les dépens, une somme qu'il détermine, en tenant compte de l'équité et de la situation économique de cette partie. 42. Perdant en toutes ses demandes sauf une, laquelle n'est accueillie que pour une partie infime, le demandeur perd le procès pour l'essentiel, de sorte qu'il doit être tenu aux dépens, mais l'équité commande de rejeter les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile, à l'exception de celle de la société Regent contre M. [M], à hauteur de 4 000 euros. 43. L'exécution provisoire est de droit et rien ne justifie ici de l'écarter. PAR CES MOTIFS Le tribunal : Rejette la demande de M. [J] [M] en dommages et intérêts pour atteinte à son droit au respect de l'oeuvre ; Condamne in solidum les sociétés Narcos productions et Gaumont television USA à payer à M. [M] 1 000 euros de dommages et intérêts au titre de la violation de son droit à la paternité, Rejette la demande de M. [M] au même titre dirigée contre la société Regent music corp ; Rejette la demande en garantie formée par les sociétés Narcos productions et Gaumont television USA contre la société Regent music corp au titre de cette condamnation ; Rejette la demande distincte de M. [M] en dommages et intérêts pour préjudice moral ; Rejette ses demandes en interdiction et publication ; Condamne M. [M] aux dépens (avec recouvrement par les avocats qui en auraient fait l'avance sans en recevoir provision) Condamne M. [M] à payer 4 000 euros à la société Regent music corp au titre de l'article 700 du code de procédure civile et rejette les autres demandes formées à ce titre. Fait et jugé à Paris le 09 Juin 2023 Le Greffier La Présidente Quentin CURABET Irène BENAC
CAPP/JURITEXT000047878969.xml
JUDICIAIRE 3ème chambre 1ère section No RG 22/14935 No Portalis 352J-W-B7G-CYTGM No MINUTE : Assignation du : 26 décembre 2022 ORDONNANCE DE REFERE MAINLEVÉE rendue le 25 mai 2023 DEMANDERESSE Société THE PHANTOM COMPANY [Adresse 3] [Localité 4] représentée par Me Xavier CARBASSE de l'AARPI BEYLOUNI CARBASSE GUENY VALOT & VERNET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #J0098 DEFENDERESSES Société META PLATFORMS INC [Adresse 1] [Localité 5] CALIFORNIA [Localité 5] (USA) Société INSTAGRAM LLC [Adresse 1] [Localité 5] CALIFORNIA [Localité 5] (USA) Société META PLATFORMS IRELAND LTD [Adresse 2] [Adresse 2] [Localité 6] représentées par Me Pauline DEBRÉ du LLP LINKLATERS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #J0030 Madame Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe assistée de Madame Caroline REBOUL, Greffière A l'audience du 27 mars 2023, avis a été donné aux avocats que l'ordonnance serait rendue le 11 mai 2023. Le délibéré a été prorogé au 25 mai 2023. ORDONNANCE Prononcée publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire En premier ressort EXPOSÉ DU LITIGE : 1. Facebook est un service de réseau social qui permet à ses utilisateurs de créer leurs propres profils et de se connecter les uns aux autres au moyen de leurs ordinateurs personnels ou appareils mobiles. L'accès au service requiert de l'utilisateur une inscription préalable et l'acceptation des conditions générales du service. 2. Instagram est un service de partage de photos et de vidéos qui permet à ses utilisateurs de consulter et commenter les publications d'autres utilisateurs au moyen de leurs ordinateurs personnels ou appareils mobiles. De la même manière, l'accès au service requiert de l'utilisateur une inscription préalable et l'acceptation des conditions générales du service. 3. Les services facebook et Instagram sont exploités en Europe par la société Meta Platforms Ireland, tandis que la société Meta Platforms Inc. est titulaire des marques "facebook" et la société Instagram Llc est titulaire des marques "Instagram". 4. La société de droit français The Phantom Company (antérieurement Phantombuster) conçoit, exploite et commercialise des logiciels. Elle propose en particulier à ses clients des logiciels dénommé "Phantoms" d'extraction de données (en vue de leur réutilisation commerciale) et de publication automatisée de contenus (aux fins d'accroître artificiellement le nombre de vue d'un compte) et ce, sur diverses plateformes telles qu'Instagram et Facebook. 5. Invoquant la violation de leurs droits sui generis de producteur de bases de données et de marques, les sociétés Meta Platforms Inc, Meta Platforms Ireland et Instagram Llc ont sollicité et obtenu, par une ordonnance du 22 novembre 2022, l'autorisation de faire procéder à des opérations de saisie-contrefaçon dans les locaux de la société Phantombuster. Les opérations se sont déroulées le 29 novembre 2022. 6. Par actes d'huissiers du 26 décembre 2022, la société The Phantom Company a fait assigner en référé les sociétés Meta Platforms Inc, Meta Platforms Ireland et Instagram Llc afin d'obtenir la mainlevée de la saisie-contrefaçon ainsi que la rétractation de l'ordonnance l'ayant autorisée. 7. Dans ses dernières conclusions notifiées le 9 mars 2023, la société The Phantom Company demande au juge des référés de : - PRONONCER la mainlevée de la saisie-contrefaçon opérée le 29 novembre 2022 sur Ordonnance rendue le 22 novembre 2022 par le Président du Tribunal judiciaire de Paris sur le fondement du droit sui generis du producteur de base de données des sociétés Meta Platforms Inc., Instagram Llc et Meta Platforms Ireland Ltd ; - PRONONCER la rétractation de l'Ordonnance rendue le 22 novembre 2022 par le Président du Tribunal judiciaire de Paris sur le fondement du droit des marques des sociétés Metaplatforms Inc., Instagram Llc et Meta Platforms Ireland Ltd ; - PRONONCER la nullité des actes subséquents notamment en exécution de l'ordonnance du 22 novembre 2022, à savoir des opérations de saisie-contrefaçon conduites par Maitre [I] [N] le 29 novembre 2022 ; - ORDONNER la restitution à la société The Phantom Company de tous les éléments saisis lors des opérations de saisie-contrefaçon réalisées par le commissaire de justice [I] [N] le 29 novembre 2022 et placés sous séquestre ; - DEBOUTER les sociétés Meta Platforms Inc., Instagram Llc et Meta Platforms Ireland Ltd de l'ensemble de leurs demandes ; À titre subsidiaire, - ORDONNER une mesure d'expertise judiciaire pour préserver la confidentialité des éléments d'information pouvant être divulgués dans le cadre de la levée du séquestre ; En tout état de cause, - CONDAMNER les sociétés Meta Platforms Inc., Instagram Llc et Meta Platforms Ireland Ltd aux entiers dépens ; - CONDAMNER les sociétés Meta Platforms Inc., Instagram Llc et Meta Platforms Ireland Ltd à verser à The Phantom Company la somme de 30.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 8. Par leurs conclusions notifiées le 22 mars 2023, les sociétés Meta Platforms Inc, Meta Platforms Ireland et Instagram Llc demandent quant à elles au juge des référés de : À titre principal, ? Rejeter la demande de rétractation partielle à l'encontre de l'ordonnance afin de saisie contrefaçon du 22 novembre 2022 en ce qu'elle mal fondée ; ? Rejeter la demande de mainlevée à l'encontre de la saisie-contrefaçon du 29 novembre 2022 en ce qu'elle mal fondée ; ? Rejeter l'ensemble des demandes pécuniaires formées par la société The Phantom Company ; ? Confirmer l'ordonnance contestée dans son intégralité ; ? Ordonner la mainlevée du séquestre provisoire et une mesure d'expertise, et désigner pour y procéder tout expert informatique de son choix, avec pour mission de : - Se faire remettre par Maître [I] [N], commissaire de justice, dans le délai de quinze (15) jours suivant la signification de l'ordonnance à intervenir, une copie de l'ordonnance sur requête du 22 novembre 2022 et du procès-verbal de ses opérations du 29 novembre 2022, ainsi que l'ensemble des éléments saisis et placés sous séquestre provisoire ; - Réunir un cercle de confidentialité constitué uniquement, pour les Requérantes, de leurs avocats et d'un expert technique désigné par les avocats et, pour The Phantom Company, de ses avocats et d'une personne techniquement compétente, qu'elle soit interne ou externe à The Phantom Company, étant précisé que toutes ces personnes (les « Membres ») signeront un accord de confidentialité concernant les opérations menées lors de l'expertise ; - Recueillir les explications des avocats des parties et se faire remettre toutes pièces qui s'avéreraient nécessaires à l'exécution de sa mission ; - Ouvrir le séquestre provisoire, procéder à son examen en présence des Membres, et identifier: (a) les codes sources des Produits Incriminés (tels que définis dans l'ordonnance) ; (b) le diagramme de l'infrastructure de The Phantom Company ; - examiner le diagramme de l'infrastructure et les codes sources et, dans la mesure nécessaire à l'accomplissement de sa mission, opérer les codes sources des Produits Incriminés, dans des conditions permettant de ne pas porter atteinte, dans la mesure de ce qui est raisonnablement possible, à l'intégrité et à la confidentialité des données des utilisateurs des plateformes Facebook et Instagram, afin de déterminer les traitement et méthodes mis en oeuvre par lesdits codes sources en vue d'extraire et/ou d'entrer des données sur les plateformes Facebook et Instagram, identifier la manière dont les Produits Incriminés interagissent avec les plateformes Facebook et Instagram, le type de données programmées pour extraire et/ou saisir sur lesdites plateformes, et l'endroit où les données extraites sont livrées et, plus généralement, afin de fournir, au tribunal saisi au fond, des explications techniques sur la façon dont les Produits Incriminés interagissent avec les données et les bases de données Facebook et Instagram ; ? Dire qu'il lui en sera référé de toute difficulté de nature en particulier à compromettre le démarrage, l'avancement ou l'achèvement des opérations ; ? Dire que l'expert sera saisi et accomplira sa mission conformément aux dispositions des articles 232 et suivants du code de procédure civile, ? Dire que conformément aux dispositions de l'article 269 du code procédure civile, la provision à valoir sur la rémunération de l'expert sera fixée ultérieurement après que l'expert aura pris connaissance des éléments à analyser et évalué le coût de son intervention ; ? Dire que l'expert devra rendre son rapport au greffe de la 3ème chambre civile, 1ère section du tribunal judiciaire de Paris dans un délai de six (6) mois suivants la signification de l'ordonnance à intervenir ; ? Ordonner à la société The Phantom Company de remettre aux sociétés Meta Platforms Inc., Meta Platforms Ireland Ltd. et Instagram LLC, dans le délai d'un (1) mois à compter de la signification de l'ordonnance à intervenir, et sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de l'expiration de ce délai : - le volume et le type de données entrées et/ou extraites des plateformes Facebook et Instagram à l'aide des Produits Incriminés; - les adresses IP utilisées par The Phantom Company pour fournir les Produits Incriminés, ainsi que leur lieu d'hébergement, l'identification et la localisation des serveurs mettant en oeuvre les Produits Incriminés et stockant les données extraites par les Produits Incriminés, ainsi que l'identification et la localisation des clients de The Phantom Company ; - les revenus générés par The Phantom Company grâce à l'utilisation des Produits Incriminés ou, à défaut, si une telle ventilation est impossible, les revenus générés par l'ensemble des services proposés par The Phantom Company ; - le nombre de clients ayant souscrit aux Produits Incriminés ou, à défaut, si une telle ventilation est impossible, le nombre de clients ayant souscrit aux services proposés par The Phantom Company ; - toutes informations relatives aux plateformes Facebook et Instagram et qui sont en lien avec l'activité de la société The Phantom Company ; à l'exception de toute reproduction, même partielle, de tous codes source ou codes objet des Produits Incriminés ; A titre subsidiaire, ? Ordonner l'ensemble des mesures sollicitées à titre principal, sauf en ce qu'elles concernent la remise d'informations sous astreinte aux sociétés Meta Platforms Inc., Meta Platforms Ireland Ltd. et Instagram LLC ; ? Ordonner à la société The Phantom Company de remettre à l'expert désigné au paragraphe précédent, dans le délai d'un (1) mois à compter de la signification de l'ordonnance à intervenir, et sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de l'expiration de ce délai : - le volume et le type de données entrées et/ou extraites des plateformes Facebook et Instagram à l'aide des Produits Incriminés; - les adresses IP utilisées par The Phantom Company pour fournir les Produits Incriminés, ainsi que leur lieu d'hébergement, l'identification et la localisation des serveurs mettant en oeuvre les Produits Incriminés et stockant les données extraites par les Produits Incriminés, ainsi que l'identification et la localisation des clients de The Phantom Company ; - les revenus générés par The Phantom Company grâce à l'utilisation des Produits Incriminés ou, à défaut, si une telle ventilation est impossible, les revenus générés par l'ensemble des services proposés par The Phantom Company ; - le nombre de clients ayant souscrit aux Produits Incriminés ou, à défaut, si une telle ventilation est impossible, le nombre de clients ayant souscrit aux services proposés par The Phantom Company ; - toutes informations relatives aux plateformes Facebook et Instagram et qui sont en lien avec l'activité de la société The Phantom Company ; ? Ordonner à l'expert désigné de mettre en oeuvre la mission complémentaire suivante, dans les mêmes conditions et sous les mêmes formes que celles prévues dans les demandes formées à titre principale : - Revoir les documents et informations remis et recueillir les observations des Membres afin de retenir toutes informations utiles à la preuve de la contrefaçon alléguée, quant à son origine, sa consistance et son étendue ; - Se faire remettre toutes pièces complémentaires qui s'avéreraient nécessaires à l'exécution de sa mission ; En tout état de cause, ? Condamner la société The Phantom Company aux entiers dépens de l'instance ; ? Condamner la société The Phantom Company à payer à chacune des sociétés Meta Platforms Inc., Meta Platforms Ireland Ltd. et Instagram LLC la somme de 15 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. 9. A l'audience du 27 mars 2023, les parties ont confirmé les termes de leurs écritures. MOTIFS DE LA DÉCISION Moyens des parties 10. La société The Phantom Company soutient en premier lieu que les seuls producteurs de bases de données ici ne pourraient être que les sociétés de droit américain Meta Platforms Inc et Instgram Llc, la société Meta Platforms Ireland n'ayant été constituée que postérieurement au lancement du réseau social Facebook, et n'ayant pu de ce fait prendre aucune "initiative" dans la constitution de la base invoquée. Aussi, la société Meta Platforms Inc., non plus que la société Instragm Llc, n'ayant son siège au sein de l'Union européenne, aucune d'elles ne peut selon elle solliciter la protection de leurs investissements par les dispositions des articles L. 341-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle. 11. La société The Phantom Company ajoute que la société Meta Platforms Ireland ne justifie d'aucun investissement individualisé en vue de la constitution, la vérification ou encore la présentation d'une quelconque base de données, tandis que les réseaux Facebook et Instagram ne répondent en aucun cas selon elle aux conditions d'une base de données au sens des dispositions du code de la propriété intellectuelle. Elle soutient que ce sont en effet les utilisateurs de chaque réseau social qui l'alimentent en données, et non les défenderesses, et qu'il n'est pas possible d'accéder à partir d'un mot clef à l'un des éléments du réseau. La société The Phantom Company en déduit que les sociétés requérantes étaient dépourvues de qualité à solliciter une mesure de saisie-contrefaçon sur le fondement du droit sui generis de producteur de base de données. 12. La société The Phantom Company soutient encore que les requérantes n'ont pas présenté au juge des requêtes la preuve de l'extraction d'une partie qualitativement ou quantitativement substantielle de leur supposée base de données. Elle en déduit que, pour ce motif encore, la mainlevée de la mesure sera ordonnée. 13. La société The Phantom Company conclut enfin au caractère disproportionné des mesures lesquelles ont, selon elle, porté atteinte à leurs secrets d'affaires. Elle ajoute qu'il lui aurait de toute façon été impossibe d'accéder aux demandes entérinées par l'ordonnance le temps des opérations de saisie vu notamment la masse des informations sollicitées et leur imprécision. 14. Les sociétés Meta Platforms Inc., Meta Platforms Ireland Ltd. et Instagram Llc concluent quant à elles à leur parfaite qualité à solliciter les mesures, les sociétés Meta Platforms Inc. Et Instagram Llc, sur le fondement de l'atteinte à leurs marques et la société Metat Platforms Ireland, en qualité de coproducteur des bases de données Facebook et Instagram en Europe. Elles décrivent leurs activités sur ce territoire ces éléments étant selon elles suffisants à ce stade, la question du caractère substantiel de ses investissements relevant du fond de cette affaire. 15. Elles ajoutent avoir soumis au juge des requêtes les éléments qui leur étaient raisonnablement accessibles, tandis qu'elles n'avaient pas à prouver l'atteinte pour obtenir la mesure qui avait précisément pour but de la démontrer. 16. Les sociétés Meta Platforms Inc., Meta Platforms Ireland Ltd. et Instagram Llc ajoutent que la société The Phantom Company est particulièrement mal venue à critiquer la proportion et en particulier l'atteinte à des secret d'affaires par une mesure qu'elle a refusé d'exécuter. 17. A titre reconventionnel, les sociétés Meta Platforms Inc., Meta Platforms Ireland Ltd. et Instagram Llc demandent au juge des référés d'ordonner à la société The Phantom Company de leur remettre les éléments qu'elles avaient été autorisées à saisir, dans le cadre d'une expertise et, éventuellement, d'un cercle de confidentialité. Appréciation du juge des référés 18. Selon l'article L. 341-1 du code de la propriété intellectuelle, le producteur d'une base de données, entendu comme la personne qui prend l'initiative et le risque des investissements correspondants, bénéficie d'une protection du contenu de la base lorsque la constitution, la vérification ou la présentation de celui-ci atteste d'un investissement financier, matériel ou humain substantiel. L'article L. 341-2 du même code précise que sont admis au bénéfice du présent titre : 1o Les producteurs de bases de données, ressortissants d'un Etat membre de la Communauté européenne ou d'un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen, ou qui ont dans un tel Etat leur résidence habituelle ; (...). 19. Ces dispositions réalisent la transposition en droit interne de la directive 96/9/CE du 11 mars 1996 concernant la protection juridique des bases de données dont l'article 1er précise que l'on entend par «base de données» : un recueil d'oeuvres, de données ou d'autres éléments indépendants, disposés de manière systématique ou méthodique et individuellement accessibles par des moyens électroniques ou d'une autre manière. L'article 7 de la directive prévoit que la protection peut être cédée ou transférée. 20. Interprétant les dispositions précitées de la directive, la Cour de justice de l'Union européenne rappelle contamment que l'objectif poursuivi par le législateur de l'Union à travers l'institution d'un droit sui generis est de stimuler la mise en place de systèmes de stockage et de traitement de données afin de contribuer au développement du marché de l'information dans un contexte marqué par une augmentation exponentielle du volume de données générées et traitées chaque année dans tous les secteurs d'activités (arrêt du 19 décembre 2013, Innoweb, C-202/12, point 35 ; arrêt du 3 juin 2021, CV Online Lativia, C-762-19, point 23). S'agissant des conditions sous lesquelles la base de données est susceptible d'être protégée, la Cour juge que la protection d'une base de données ne se justifie qu'à la condition que l'obtention, la vérification ou la présentation du contenu de cette base attestent un investissement substantiel du point de vue qualitatif ou quantitatif ( arrêt du 19 décembre 2013, Innoweb, C-202/12, point 22 ; arrêt du 3 juin 2021, CV Online Lativia, C-762-19, point 24). L'investissement dans l'obtention du contenu d'une base de données concerne les moyens consacrés à la recherche d'éléments existants et à leur rassemblement dans ladite base, à l'exclusion des moyens mis en oeuvre pour la création même d'éléments (arrêt du 9 novembre 2004 The British Horseracing Board e.a., C-203/02, point 31 ; arrêt du 9 novembre 2004 Fixtures Marketing, C-338/02, point 24 ; arrêt du 3 juin 2021, CV Online Lativia, C-762-19, point 25). La notion d'investissement lié à la vérification du contenu de la base de données doit être comprise comme visant les moyens consacrés, en vue d'assurer la fiabilité de l'information contenue dans ladite base, au contrôle de l'exactitude des éléments recherchés, lors de la constitution de cette base ainsi que pendant la période de fonctionnement de celle-ci (arrêt du 9 novembre 2004 The British Horseracing Board e.a., C-203/02, point 34 ; arrêt du 3 juin 2021, CV Online Lativia, C-762-19, point 25). L'investissement dans la présentation du contenu de la base de données comprend les moyens visant à conférer à ladite base sa fonction de traitement de l'information, à savoir ceux consacrés à la disposition systématique ou méthodique des éléments contenus dans cette base ainsi qu'à l'organisation de leur accessibilité individuelle (arrêts du 9 novembre 2004, Fixtures Marketing, C-338/02 et C-444/02, points 27 et 43 ; arrêt du 3 juin 2021, CV Online Lativia, C-762-19, point 26). 21. Les plateformes développées par les défenderesses sont en l'occurrence constituées de données, en particulier les données personnelles de leurs utilisateurs (état civil, identité de leurs amis, leur famille, désignation de leurs centres d'intérêts, ou encore de leur activité professionnelle, etc...) ces données, peu important qu'elles ne les créent pas, étant agencées de manière systématique, propre à chaque plateforme et, s'agissant de réseaux sociaux, de manière à pouvoir rechercher un utilisateur, notamment, au moyen de mots-clefs, y compris depuis le moteur de recherche de la société Google. 22. Facebook et Instagram apparaissent ainsi susceptibles d'être qualifiées de "bases de données" au sens des dispositions précitées du code de la propriété intellectuelle et de la directive 96/9. 23. La société Meta Platforms Ireland est la seule parmi les défenderesses à avoir son siège au sein de l'Union européenne. Elle emploie près de 2500 personnes, dispose de datacenters, et réalise un chiffre d'affaires annuel de l'ordre de 80 milliards d'euros de recettes publicitaires grâce aux 420 millions d'utilisateurs européens des plateformes. 24. Aussi, même en supposant que la société Meta Platforms Ireland n'effectue pas elle-même la vérifcation et la présentation des bases de données en cause, il apparaît raisonnable de penser qu'elle contribue aux investissements à ces fins et a minima qu'elle participe à la recherche de données d'utilisateurs en Europe. 25. Il en résulte qu'indépendamment de la question de savoir si elle y contribue de manière substantielle du point de vue qualitatif ou quantitatif, qui sera vérifié au fond ainsi que le relèvent à juste titre les sociétés défenderesses, la société Meta Platforms Ireland, qui a son siège au sein de l'Union européenne, apparaît recevable à solliciter ici la protection des bases de données Fabebook et Instagram. 26. Force est en outre de constater que cette société, qui n'avait pas à démontrer l'atteinte à ses bases (à savoir l'extraction, par transfert permanent ou temporaire de la totalité ou d'une partie qualitativement ou quantitativement substantielle de leur contenu) puisqu'il s'agissait précisément de l'objet de la mesure, a fourni les éléments de preuve raisonnablement accessibles étayant ses allégations quant à une telle atteinte (article 6.1 de la directive 2004/48) constitués ici de procès-verbaux de constats réalisés sur le site de la société The Phantom Company lesquels ont démontré : - un usage abondant des marques des requérantes, en particulier, sous leurs formes semi-figuratives, dans des conditions excédant largement la référence nécessaire (même en supposant que l'activité de la demanderesse à la rétractation soit licite), - la mise à la disposition de sa clientèle de logiciels d'extraction de données tels que "Instagram multiple hashtag collector", "Facebook group member export", "Instagram follower collector", "Instagram following collector", "Instagram hashtag search export", "Instagram post scraper", etc ... et au total 21 outils d'extraction de données diverses des plateformes des requérantes. 27. Les sociétés Meta Platforms Inc., Meta Platforms Ireland Ltd. et Instagram Llc étaient donc en droit de faire rechercher : - le volume des données extraites de leurs plateformes et les moyens précis mis en oeuvre par la société The Phantom Company pour y parvenir, aux fins de démontrer une extraction, par transfert permanent ou temporaire de la totalité ou d'une partie qualitativement ou quantitativement substantielle du contenu de leurs bases, ainsi que la réutilisation, par la mise à la disposition du public de la totalité ou d'une partie qualitativement ou quantitativement substantielle du contenu de la base, quelle qu'en soit la forme ; - le volume de la clientèle dirigée vers ces services grâce à l'usage potentiellement contrefaisant de leurs marques et la documentation s'y rapportant. 28. En effet, selon l'article L. 343-1 du code de la propriété intellectuelle, l'atteinte aux droits du producteur de bases de données peut être prouvée par tous moyens. A cet effet, toute personne ayant qualité pour agir en vertu du présent titre est en droit de faire procéder par tous huissiers, assistés par des experts désignés par le demandeur, sur ordonnance rendue sur requête par la juridiction civile compétente, soit à la description détaillée, avec ou sans prélèvement d'échantillons, des supports ou produits portant prétendument atteinte aux droits du producteur de bases de données, soit à la saisie réelle de ces supports ou produits ainsi que de tout document s'y rapportant. La juridiction peut ordonner, aux mêmes fins probatoires, la description détaillée ou la saisie réelle des matériels et instruments utilisés pour produire ou distribuer les supports ou produits portant prétendument atteinte aux droits du producteur de bases de données, ainsi que de tout document s'y rapportant. L'ordonnance peut autoriser la saisie réelle de tout document se rapportant aux supports, produits, matériels et instruments mentionnés aux deuxième et troisième alinéas en l'absence de ces derniers. (...) La mainlevée de la saisie peut être prononcée selon les modalités prévues par les articles L. 332-2 et L. 332-3. 29. Aux termes de l'article L. 332-2, dans un délai fixé par voie réglementaire, le saisi ou le tiers saisi peuvent demander au président du tribunal judiciaire de prononcer la mainlevée de la saisie ou d'en cantonner les effets, ou encore d'autoriser la reprise de la fabrication ou celle des représentations ou exécutions publiques, sous l'autorité d'un administrateur constitué séquestre, pour le compte de qui il appartiendra, des produits de cette fabrication ou de cette exploitation. Le président du tribunal judiciaire statuant en référé peut, s'il fait droit à la demande du saisi ou du tiers saisi, ordonner à la charge du demandeur la consignation d'une somme affectée à la garantie des dommages et intérêts auxquels l'auteur pourrait prétendre. 30. En outre, la demande de mainlevée ne tendant ni à la rétractation ni à l'annulation de l'autorisation de pratiquer une saisie-contrefaçon, mais à la cessation pour l'avenir des effets de la saisie effectuée en vertu de cette autorisation, le juge saisi d'une telle demande doit en apprécier les mérites en tenant compte de tous les éléments produits devant lui par les parties, y compris ceux qui ont été recueillis au cours des opérations de saisie-contrefaçon. (Cass. Com., 7 juillet 2021, pourvoi no 20-22.048) 31. Il y a lieu ici de rejeter la demande de mainlevée de la saisie-contrefaçon ce d'autant que le saisi a refusé ici de respecter les termes de l'ordonnance, ainsi que le démontre le procès-verbal de saisie contrefaçon. 32. La demande de rétractation de l'ordonnance ayant autorisé les mesures est de la même manière rejetée. 33. Il est fait droit à la demande de mainlevée du séquestre provisoire selon les modalités prévues au dispositif de la présente décision. 34. La demande de production de pièces complémentaires et d'expertise dans le cadre d'un cercle de confidentialité présentée à titre reconventionnel par les sociétés Meta Platforms Inc., Meta Platforms Ireland Ltd. et Instagram Llc est également rejetée, une telle demande excédant l'office du juge des référés, limité à la mainlevée des mesures, une telle demande relevant du juge de la mise en état par l'application combinée des articles L. 343-1-1 du code de la propriété intellectuelle et 789 du code de procédure civile. 35. Partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, la société The Phantom Company supportera les dépens et sera condamnée à payer aux sociétés Meta Platforms Inc., Meta Platforms Ireland Ltd. et Instagram Llc la somme totale de 15.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS, LA JUGE DES RÉFÉRÉS, REJETTE la demande de mainlevée de la saisie-contrefaçon du 29 novembre 2022 diligentée à la requête des sociétés Meta Platforms Inc., Meta Platforms Ireland Ltd. et Instagram Llc ; REJETTE la demande de rétractation de l'ordonnance afin de saisie contrefaçon du 22 novembre 2022 rendue à la requête des sociétés Meta Platforms Inc., Meta Platforms Ireland Ltd. et Instagram Llc ; REJETTE les demandes d'expertise et de production forcée de pièces présentées par les sociétés Meta Platforms Inc., Meta Platforms Ireland Ltd. et Instagram Llc ; ORDONNE la mainlevée du séquestre provisoire et la remise des éléments saisis le 29 novembre 2022 par Maître [N] aux sociétés Meta Platforms Inc., Meta Platforms Ireland Ltd. et Instagram Llc ; DIT toutefois que l'accès aux pièces et éléments saisis est limité aux personnes suivantes : - Deux personnes physiques salariées des sociétés Meta Platforms Inc., Meta Platforms Ireland Ltd. et Instagram Llc nommément désignées ; - Les associés, collaborateurs et salariés du cabinet Linklaters ; - l'expert de leur choix; DIT que les membres du cercle de confidentialité s'engageront par écrit à conserver strictement confidentiels les documents transmis et à respecter les dispositions de l'article L. 153-2 du code de commerce ; DIT que les documents confidentiels transmis ne peuvent et ne pourront jamais, sauf accord exprès des parties, être utilisés en dehors de l'instance pendante au fond devant le tribunal judiciaire de PARIS sous le no 23/00283; CONDAMNE la société The Phantom Company aux dépens ; CONDAMNE la société The Phantom Company à payer à chacune des sociétés Meta Platforms Inc., Meta Platforms Ireland Ltd. et Instagram Llc la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ; RAPPELLE que la présente décision n'est exécutoire qu'à l'expiration du délai d'appel ou après la décision de cette cour si un tel recours est exercé en ce qui concerne la mainlevée du séquestre. Faite et rendue à Paris le 25 mai 2023. LA GREFFIERE LA JUGE DES REFERES
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JUDICIAIRE No RG 23/51411 - No Portalis 352J-W-B7H-CZAJC Assignation du 08 Février 2023 ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ rendue le 27 février 2023 par Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal, Assistée de Marion COBOS, Greffier. DEMANDERESSES S.A.S. THE JOKERS FILMS [Adresse 1] [Localité 5] Société ATRIUM PRODUCTIONS KFT Vàci ùt 91, 1139 BUDAPEST / HONGRIE représentées par Maître Nicolas BRAULT de la SARL WATRIN BRAULT AVOCATS - WBA, avocats au barreau de PARIS - #T06 DEFENDERESSES S.A.S. SOFINERGIE 5 FCM [Adresse 2] [Localité 6] S.A. ORANGE STUDIO [Adresse 2] [Localité 6] représentées par Maître Quentin RENAUD de l'AARPI SQUAIR, avocats au barreau de PARIS - #R041 S.A.R.L. PARADIS FILMS [Adresse 3] [Localité 4] représentée par Me Luc TAMNGA, avocat au barreau de PARIS - #C1779 A l'audience du 14 Février 2023, tenue publiquement, présidée par Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe, assistée de Marion COBOS, Greffier, Après avoir entendu les conseils des parties comparantes, EXPOSÉ DU LITIGE : 1. [U] [I] est le réalisateur d'un film de long métrage intitulé "The Host", produit, notamment, par la société de droit coréen Chungeorahm Film. Ce film a été présenté au public en 2006, en particulier lors du festival international du film de [Localité 7]. 2. Dans ce cadre, les sociétés Interclick, agissant pour le compte de la société Chungeorahm Film, et Ocean Films Distribution ont, le 22 mai 2006, conclu un accord récapitulant les principaux termes ("deal memo") de la cession des droits d'exploitation du film "The Host" en France pour une durée de 15 ans, outre 5 années supplémentaires si l'investissement de la société Ocean Films Distribution n'était pas récupéré à ce premier terme. 3. Ce deal memo a été confirmé dans les mêmes termes par un contrat du 6 juin 2006 passé entre les sociétés Freeway, substituée à la société Interclick, et Ocean Films Distribution. Ce contrat a été publié au RCA le 16 novembre 2016. 4. Le 29 juillet 2010, la société Ocean Films Distribution a été placée en redressement judiciaire et, par un jugement du 6 octobre 2011, le tribunal de commerce a arrêté le plan de cession des actifs de cette société en faveur de la société Sofinergie 5, moyennant le versement par cette dernière de la somme de 335.000 euros. Les termes de cette cession ont été confirmés par un acte sous seing privé du 9 décembre 2011 comportant en annexe la liste des films du catalogue cédés (laquelle comprend le film "The Host"). Par un accord du 13 novembre 2012, la société Sofinergie 5 a confié l'exploitation cinématographique du film "The Host" à la société Paradis Films. 5. Le 20 février 2020, la société Paradis Films a sollicité auprès la société Chungeorahm Film la transmission du matériel lui permettant l'exploitation de l'oeuvre dans le cadre du dispositif "Lycéens et apprentis au cinéma", ce que la société Chungeorahm a accepté, par un courriel du 3 mars 2020, confirmé le 17 mars suivant, mais ensuite refusé par une lettre du 27 mai 2020, indiquant que le matériel d'exploitation serait remis au "nouveau distributeur avec lequel il sera contracté l'année prochaine". 6. Par une lettre du 22 août 2020, la société Chungeorahm a alors notifié à la société Sofinergie 5 la rupture du contrat qui la liait à la société Freeway, ce qui entraînait selon elle la "caducité" de la sous-licence consentie par cette dernière pour l'exploitation du film en France. Par la même lettre, la société Chungeorahm déclarait accepter que le contrat du 6 juin 2006 se poursuive jusqu'à son terme prévu en 2021 (15 ans), à l'exclusion de la clause de prorogation de 5 ans, toute prorogation nécessitant un nouveau contrat sous réserve d'une réponse de la société Sofinergie 5 sous 15 jours. 7. N'ayant reçu aucune réponse de la société Sofinergie 5, la société Chungeorahm lui a, par une lettre du 8 septembre 2020, notifié la résiliation à effet immédiat de la sous-licence consentie par la société Freeway. 8. C'est dans ce contexte que, par actes d'huissier du 30 novembre 2020, la société Paradis Films a fait assigner en référé les sociétés Chungeorahm Film et Freeway devant le président du tribunal de commerce de Paris afin d'obtenir qu'il leur soit enjoint de lui remettre le matériel d'exploitation du film en exécution du contrat du 6 juin 2006. 9. Par une ordonnance du 3 mars 2021, le président du tribunal de commerce a dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes en raison notamment de la nécessité d'interpréter le contrat du 6 juin 2006 ce qui excède la compétence du juge des référés. 10. Par un contrat du 17 décembre 2021, la société Atrium Productions, agissant pour le compte de la société Chungeorahm Film, a cédé à la société The Jokers Films le droit d'exploiter le film "The Host" en France et dans tous les territoires francophones. Ce contrat a été inscrit au RCA le 30 septembre 2022. Des échanges ont suivi entre les sociétés Paradis Films et Chungeorahm aux termes desquels elles se faisaient mutuellement défense d'exploiter le film "The Host" en France. 11. C'est en cet état que, dûment autorisées au visa de l'article 485 du code de procédure civile par une ordonnance du 6 février 2023, les sociétés The Jokers Films et Atrium Productions ont fait assigner le 08 février 2023 les sociétés Sofinergie 5, Orange Studio, et Paradis Films, devant le délégataire du président du tribunal judiciaire de Paris siégeant à l'audience du 14 février à 11 heures, afin qu'il soit fait défense, sous astreinte, à ces sociétés d'exploiter le film "The Host". 12. Aux termes de leurs assignations, dont elles ont confirmé les termes à l'audience, les sociétés The Jokers Films et Atrium Productions demandent au juge des référés de : ? SE DÉCLARER matériellement compétent pour connaître du litige ; ? JUGER qu'est établie, avec l'évidence requise en référé, la violation manifestement illicite des droits de distribution opposables sur le film « The Host » revendiqués par la société The Jokers Films, qu'elle détient de la société Atrium, et le dommage imminent à l'approche de la sortie en salle du film, de la poursuite de son exploitation par les sociétés Paradis Films, Sofinergie 5 et Orange Studio, en l'absence de droits de distribution opposables sur ledit film ; En conséquence : ? INTERDIRE, sous astreinte de 10.000 euros par infraction constatée à compter de la signification de la décision à intervenir, aux sociétés Paradis Films, Sofinergie 5 et Orange Studio de procéder, directement ou indirectement, par tous moyens et sur tout support quel qu'il soit, à toute exploitation du film « The Host » ; ? INTERDIRE, sous astreinte de 10.000 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir, aux sociétés Paradis Films, Sofinergie 5 et Orange Studio d'assurer, directement ou indirectement, la promotion du film « The Host», par tous moyens et sur tout support que ce soit ; ? ORDONNER la publication de l'ordonnance à intervenir au registre public du cinéma et de l'audiovisuel, aux frais in solidum des sociétés Paradis Films, Sofinergie 5 et Orange Studio, frais qui pourront être avancés par la société The Jokers Films, sur simple présentation de factures proforma ; ? CONDAMNER in solidum les sociétés Paradis Films, Sofinergie 5 et Orange Studio à payer à la société The Jokers Films la somme provisionnelle de 20.000 euros à valoir sur la réparation de son préjudice ; ? ORDONNER aux sociétés Paradis Films, Sofinergie 5 et Orange Studio de communiquer au conseil de la société The Jokers Films, sous astreinte de 5.000 euros par jour de retard à s'exécuter passé un délai de 48 heures à compter de la signification de l'ordonnance à intervenir, les relevés d'exploitation du Film «The Host» et justificatifs correspondants, pour la période du 22 novembre 2021 au 31 janvier 2023, afin de leur permettre d'avoir une vision claire et précise des exploitations du Film et des recettes y afférentes et de prendre la mesure des montants susceptibles d'avoir été détournés pour en solliciter le cas échéant paiement devant le juge du fond ; ? ORDONNER aux sociétés Paradis Films, Sofinergie 5 et Orange Studio de communiquer au conseil de la société The Jokers Films, sous astreinte de 5.000 euros par jour de retard à s'exécuter passé la signification de l'ordonnance à intervenir, l'ensemble des éléments permettant d'apprécier dans quelles conditions la Cinémathèque a obtenu le DCP du Film, dès lors qu'il n'a jamais été vendu à Paradis Films par la société Chungeorahm Film ; ? SE RÉSERVER la liquidation des astreintes ; En tout état de cause : ? CONDAMNER les sociétés Paradis Films, Sofinergie 5 et Orange Studio in solidum à payer aux sociétés The Jokers Films et Atrium la somme provisionnelle de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens. 13. Les sociétés Sofinergie 5 et Orange Studio demandent quant à elles au juge des référés de : A titre principal, - DIRE que les demandes des sociétés The Jokers Films et Atrium Productions excèdent la compétence du juge des référés, - DÉBOUTER les sociétés The Jokers Films et Atrium Productions de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions, A titre subsidiaire, - INTERDIRE aux sociétés The Jokers Films et Atrium Productions de procéder à toute exploitation du film « The Host » en salles, par diffusion télévisuelle et en vidéo à la demande en France, et dans les territoires francophones, sous astreinte de 10.000 € par infraction constatée à compter de la signification de la décision à intervenir, - ORDONNER à The Jokers de cesser toute communication sur le film « The Host », tant dans les médias grand public que dans ceux destinés aux professionnels de l'audiovisuel, sous astreinte de 10.000 € par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir ; - ORDONNER à The Jokers de cesser toutes actions commerciales, publicitaires ou promotionnelles relatives au le film « The Host », de quelque nature que ce soit, sous astreinte de 10.000 € par jour à compter de la signification de la décision à intervenir; - ORDONNER à The Jokers de communiquer à Sofinergie 5 Fcm, dans les huit jours de la décision à intervenir, un état de l'ensemble de toutes les exploitations cinématographiques, télévisuelles, vidéographiques et en ligne du film « The Host », auxquelles The Jokers a procédé, faisant apparaître l'ensemble des recettes perçues ou à recevoir par The Jokers, En tout état de cause, - CONDAMNER solidairement les sociétés The Jokers Films et Atrium Productions à verser à Sofinergie 5 Fcm et Orange Studio la somme de 10.000 € au titre des frais irrépétibles, en application de l'article 700 du code de procédure civile, - CONDAMNER solidairement les sociétés The Jokers Films et Atrium Productions aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Quentin Renaud, conformément à l'article 699 du code de procédure civile. 14. La société Paradis Films demande pour sa part au juge des référés de : A titre principal, - DÉBOUTER les sociétés The Jokers Films et Atrium Productions de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions, - JUGER que les demandes des sociétés The Jokers Films et Atrium Productions excèdent la compétence du juge des référés, A titre subsidiaire, - INTERDIRE aux sociétés The Jokers Films et Atrium Productions de procéder à toute exploitation du film « The Host en salles, programmées et futures, qu'il s'agisse de projections publiques ou privées, payantes ou gratuites, par diffusion télévisuelle et en vidéo à la demande en France, et dans les territoires francophones, sous astreinte de 10.000 € par infraction constatée à compter de la signification de la décision à intervenir ; -ORDONNER à The Jokers Films de cesser toute communication sur le film « The Host », tant dans les médias grand public que dans ceux destinés aux professionnels de l'audiovisuel, sous astreinte de 10.000 € par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir ; - ORDONNER à The Jokers Films de cesser toutes actions commerciales, publicitaires ou promotionnelles relatives au le film « The Host », de quelque nature que ce soit, sous astreinte de 10.000 € par jour à compter de la signification de la décision à intervenir ; - ORDONNER aux sociétés The Jokers Films et Atrium Productions : (ii) l'interdiction de la projection du film « The Host » prévue le 26 février 2023 au Rex dans le cadre de l'événement « [I] [U] Day » (iii) l'interdiction pour The Jokers Films de poursuivre toute communication publique, relative à la distribution du film « The Host », dans le cadre de cet événement ou de l'ensemble de ses communications relatives à des projections cinématographiques (iv) de communiquer dans les huit jours de la décision à intervenir les décomptes d'exploitations et les accords conclus visant toute exploitation cinématographique programmée par The Jokers Films faisant apparaître l'ensemble des recettes perçues ou à recevoir, En toutes hypothèses, - CONDAMNER solidairement les sociétés The Jokers Films et Atrium Productions à verser à PARADIS FILMS la somme de 10.000 € au titre des frais irrépétibles, en application de l'article 700 du code de procédure civile - CONDAMNER solidairement les sociétés The Jokers Films et Atrium Productions aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Luc Tamnga, conformément à l'article 699 du code de procédure civile. MOTIFS DE LA DÉCISION Moyens des parties 15. Les sociétés demanderesses soutiennent que la poursuite d'exploitation du film "The Host" par les défenderesses constitue un trouble manifestement illicite, les sociétés Paradis Films, Sofinergie 5 et Orange Studio ne détenant plus aucun droit sur le film, tandis que la cession consentie à la société The Jokers Films leur est selon elles parfaitement opposable. Elles soutiennent d'abord que seule la société Ocean Films Distribution aurait pu se prévaloir de la prorogation de la durée d'exploitation, puisque c'est elle qui a versé le minimum garanti visé par la clause contractuelle. Elles ajoutent que la fin des droits de la société Sofinergie 5 a dûment été notifiée à cette société, tandis que leurs contrats n'ont jamais fait l'objet d'une publication au RCA, de sorte qu'ils sont inopposables aux tiers, dont elles-mêmes. 16. Les sociétés Sofinergie 5 et Orange Studio contestent d'abord l'absence de mise en cause des sociétés Freeway et Chungeorahm, alors même que les demanderesses se prévalent ici de leur contrat et de la résiliation anticipée prononcée par la société Chungeorahm, pour conclure à la validité de leur propre contrat. Les sociétés Sofinergie 5 et Orange Studio rappellent ensuite que la société Sofinergie 5 s'est trouvée, par l'effet de la cession du 9 décembre 2011 dûment autorisée par le tribunal de commerce, subrogée dans l'ensemble des droits (et obligations) de la société Ocean Films Distribution. Elles en déduisent que la société Sofinergie 5 est parfaitement en droit de revendiquer la prorogation du délai d'exploitation, prévue aussi bien par le deal memo que par le contrat de 2006. 17. Les sociétés Sofinergie 5 et Orange Studio soutiennent surtout que la position adoptée par les sociétés The Jokers Films et Atrium Productions commande de se livrer à une interprétation du contrat de 2006, aux fins d'apprécier la validité de la résiliation notifiée en septembre 2020 par la société Chungeorahm à la société Sofinergie 5, ce qui excède la compétence du juge des référés, ainsi d'ailleurs que l'avait soutenu avec succès la société Chungeorahm en 2021 devant le président du tribunal de commerce. 18. S'agissant de la publication au RCA de leurs contrats, les sociétés Sofinergie 5 et Orange Studio font valoir que, parfaitement informées de leurs droits par la société Chungeorahm Film elle-même, ce qui est au demeurant rappelé dans leur contrat et sa publication au RCA, les demanderesses sont particulièrement mal fondées à soulever ici un tel moyen. 19. La société Paradis Films conclut de la même manière à l'impossibilité pour le juge des référés de se prononcer sur les demandes des sociétés The Jokers Films et Atrium Productions, qui nécessitent selon elle la présence des sociétés Chungeorahm et Freeway, aux fins d'apprécier la validité d'un acte juridique (la résiliation du contrat du 6 juin 2006 fondée sur la nullité de la prorogation consentie par la société Freeway en violation de la cession qui lui avait été consentie par la société Chungeorahm), ce qui en tout état de cause échappe à la compétence du juge des référés. La société Paradis Films rappelle que cette résiliation, unilatérale et anticipée (avant même l'expiration du premier délai de 15 ans), est intervenue en violation des dispositions du contrat du 6 juin 2006 et, qu'à ce titre, elle est nulle et, à tout le moins, lui est inopposable. Appréciation du juge des référés 20. Aux termes des articles 834, 835 et 836 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend. Il peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire. Les pouvoirs du président du tribunal judiciaire s'étendent à toutes les matières où il n'existe pas de procédure particulière de référé. 21. Les dispositions des articles 834 et 835 alinéa 2 précités sont constamment interprétées comme excluant la compétence du juge des référés pour interpréter un contrat, fût-ce par référence à une évidente commune intention des parties (Cass. Civ. 1ère, 4 juillet 2006, pourvoi no 05-11.591, Bull. 2006, I, no 337 ; Cass. Civ. 3ème, 25 novembre 1992, pourvoi no 90-21.364, Bull. 1992, III, no 310). 22. Force est en l'occurrence de constater que, sous le couvert d'un trouble manifestement illicite (l'exploitation sans droits d'un film), les sociétés The Jokers Films et Atrium Productions demandent en réalité au juge des référés de constater la résiliation du contrat sur lequel est fondé l'exploitation du film par les sociétés défenderessesses (le contrat du 6 juin 2006) et la validité corrélative de leur propre contrat. 23. Comme le relèvent à juste titre les sociétés défenderesses, cette demande se heurte tout à la fois à une contestation sérieuse et à l'impossibilité pour le juge des référés de se livrer à l'interprétation d'un contrat. 24. Il résulte en effet en l'occurrence, aussi bien du "deal memo" du 22 mai 2006, que du contrat du 6 juin 2006, que la société Freeway a cédé à la société Ocean Films Distribution, moyennant le versement d'une avance récupérable de 425.000 dollars US (article 3 du contrat du 6 juin 2006), les droits d'exploitation du film de long métrage "The Host" dans tous les territoires francophones (article 2.1 annexe A du contrat), pour une durée de 15 ans suivant la remise du matériel d'exploitation, ce terme pouvant être "automatiquement prolongé pour une durée supplémentaire de 5 ans dans le cas où à la fin du premier terme de 15 ans le licencié n'aurait pas récupéré l'avance définie au paragraphe 3 ci-dessous" (traduction de l'article 2.2 de ce contrat). 25. Il est d'abord relevé que le contrat initial conclu entre les sociétés Chungeorahm Film et Freeway (ou Interclick), et sur lequel repose la "caducité" des droits de la société Freeway, et par suite, celle de la société Ocean Films Distribution, n'est pas versé aux débats. 26. Seule est versée aux débats (par la société Paradis Films) une annexe 29 à un accord du 1er février 2004, signée le 17 mai 2006 par les sociétés Interclick et Freeway, laquelle comporte un article 4 (cité par la société Chungeorahm dans sa lettre du 22 aot 2020) aux termes duquel "La durée du présent accord commence à compter de l'exécution des présentes et expire 15 ans après la livraison du matériel. Le terme est soumis à une période de prolongation de 5 ans par accord mutuel du concédant et du licencié." Il ne résulte nullement de cette clause que la société Freeway ne pouvait consentir de prolongation pour 5 années supplémentaires de le cession initiale de 15 ans. Cette clause prévoit même l'inverse "par accord mutuel du concédant et du licencié". 27. Un tel accord mutuel du concédant et du licencié (Freeway et Ocean Films Distribution) est bien intervenu ici, aucun élément ne corroborant l'interprétation faite par les demanderesses selon laquelle cette clause doit s'interpréter comme signifiant que la prorogation de 5 ans doit être accordée par la société Chungeorahm Film, ni cette clause, ni d'ailleurs le reste de l'annexe 29 ne précisant les modalités d'un tel accord de la société Chungeorahm (doit-il être exprès ? Préalable au contrat ? Ou intervenir au terme de la première période de 15 ans ?). 28. Ainsi que le relèvent à juste titre les sociétés défenderesses, de l'interprétation de cet article 4 de l'annexe 29 au contrat du 1er février 2004, laquelle s'insère dans un ensemble contractuel complexe, dépend l'appréciation de l'existence d'une obligation non sérieusement contestable comme au demeurant d'un éventuel trouble manifestement illicite. 29. Cette interprétation ne peut conduire ici, avec l'évidence requise en référé, à la validité de la résiliation prononcée par la société Chungeorahm Films par lettre du 8 septembre 2020. Il doit donc être dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes des sociétés The Jokers Films et Atrium Productions. 30. Parties perdantes au sens de l'article 696 du code de procédure civile, les sociétés The Jokers Films et Atrium Productions seront condamnées in solidum aux dépens, ainsi qu'à payer, sous la même solidarité imparfaite, aux sociétés Sofinergie 5 et Orange Studio d'une part, la somme de 10.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que la même somme sur le même fondement à la société Paradis Films. 31. Il est rappelé que, selon l'article 514-1 du code de procédure civile dans sa rédaction issue du Décret no2019-1333 du 11 décembre 2019, le juge ne peut écarter l'exécution provisoire de droit lorsqu'il statue en référé. PAR CES MOTIFS, Le juge des référés, statuant publiquement par ordonnance rendue contradictoirement et en premier ressort, Dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes des sociétés The Joker Films et Atrium Productions ; Condamne in solidum les sociétés The Joker Films et Atrium Productions aux dépens et autorise Maîtres Quentin Renaud et Luc Tamnga à recouvrer directement ceux dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ; Condamne in solidum les sociétés The Joker Films et Atrium Productions à payer à la société Paradis Films la somme de 10.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et la même somme sur le même fondement aux sociétés Orange Studio et Soferimage 5 ; Rappelle que la présente décision est de plein droit assortie de l'exécution provisoire. Fait à Paris le 27 février 2023 Le Greffier, Le Président, Marion COBOS Nathalie SABOTIER
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JUDICIAIRE 3ème chambre 1ère section No RG 20/02792 No Portalis 352J-W-B7E-CR35G No MINUTE : Assignation du : 26 février 2020 rendu le 22 juin 2023 DEMANDERESSE S.A.S. MIET [Adresse 4] [Localité 2] représentée par Me Béatrice MOREAU-MARGOTIN de la SELARL JP KARSENTY ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #R0156 DÉFENDEURS Monsieur [N] [Z] [Adresse 1] [Localité 3] S.C.E.A. ETABLISSEMENTS LAMAISON [Adresse 5] [Localité 3] représentés par Me Nicolas MOREAU de la SCP BIGNON LEBRAY, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #P0370 & Me Barbara BERTHOLET de la SCP BIGNON LEBRAY, avocat au barreau de LYON, avocat plaidant COMPOSITION DU TRIBUNAL Madame Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe Madame Elodie GUENNEC, Vice-présidente Monsieur Malik CHAPUIS, Juge, assistés de Madame Caroline REBOUL, Greffière En présence de Madame Anne BOUTRON, magistrat en stage de pré affectation. A l'audience du 17 avril 2023 tenue en audience publique, avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue le 22 juin 2023. Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire En premier ressort EXPOSÉ DU LITIGE : 1. La société Miet est spécialisée depuis 1992 dans l'achat, l'affinage et la vente d'huitres qu'elle commercialise auprès d'enseignes renommées de la grande distribution française telles qu'Auchan et Carrefour. 2. La société Etablissements Lamaison (ci-après société Lamaison), créée en 1974, est spécialisée dans l'affinage, l'élevage, le conditionnement et la commercialisation d'huîtres bénéficiant de l'IGP Marennes Oléron. Elle se présente comme fournissant 70% des enseignes de la grande et moyenne distribution et comme placée au deuxième rang des acteurs de ce marché. 3. M. [N] [Z], associé et co-gérant de la société Lamaison, est le titulaire d'un brevet français déposé le 20 mars 2018 et délivré le 16 août 2019 sous le no FR 3 066 180. Ce brevet a pour titre "Procédé de conditionnement de coquillages" ; il comprend une étape de positionnement de l'ensemble de coquillages vivants dans un réceptacle puis une étape d'emballage durant laquelle le réceptacle est enveloppé dans un film plastique thermorétractable et microperforé ; une étape de chauffe du réceptacle est ensuite réalisée afin de rétracter le film plastique sur les coquillages. 4. Par une lettre du 4 octobre 2018, la société Lamaison a notifié à la société Miet une copie certifiée conforme de la demande de brevet déposée le 20 mars 2018 et lui a enjoint de cesser toutes exploitations de produits entrant selon elle dans le champ de protection de ce titre. La société Lamaison a également invoqué son brevet auprès de la société Carrefour laquelle a décidé de ne pas s'approvisionner auprès de la société Miet avec laquelle elle était alors en pourparlers. 5. Par une lettre du 30 novembre 2018, la société Miet a indiqué suspendre temporairement l'exploitation du procédé litigieux, avant, le 20 juin 2019, de faire part de son intention d'invoquer à son bénéfice l'exception de possession personnelle antérieure. 6. Par actes d'huissier du 26 février 2020, la société Miet a fait assigner M. [N] [Z] en nullité de son brevet FR 3 066 180, ainsi que la société Lamaison en réparation du préjudice subi du fait des actes de dénigrement. 7. Le 6 octobre 2020, M. [Z] a présenté une requête en limitation du brevet FR 180 acceptée par le directeur de l'INPI le 14 décembre suivant. 8. L'instruction a été close par une ordonnance du 20 septembre 2022 et plaidée à l'audience du 17 avril 2023. 9. Aux termes de ses dernières conclusions no5 notifiées par la voie électronique le 13 juillet 2022, la société Miet demande au tribunal de : - PRONONCER la nullité des revendications 1 à 10 du brevet FR 3 066 180 limité de M. [Z] pour insuffisance de description, défaut de nouveauté et d'activité inventive; - ORDONNER la transmission du jugement à intervenir à l'INPI aux fins d'inscription au registre national des brevets ; - CONDAMNER la société Etablissements Lamaison à verser à la société Miet la somme de 50.000 euros en réparation du préjudice moral et 700.000 euros en raison du préjudice économique qu'elle a subi ; - CONDAMNER la société Etablissements Lamaison à verser à la société Miet la somme de 70.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile; - CONDAMNER la société Etablissements Lamaison aux entiers dépens. 10. Aux termes de leurs dernières conclusions no5 notifiées électroniquement le 14 septembre 2022, la société Lamaison et M. [Z] demandent au tribunal de : - Juger mal fondée la société Miet en l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions et l'en débouter intégralement ; - Débouter la société Miet de sa demande en nullité des revendications du brevet FR3066180; - Débouter la société Miet de sa demande indemnitaire à l'encontre de la société Etablissements Lamaison ; - Condamner la société Miet à payer à la société Etablissements Lamaison la somme de 70.000 € au titre de l'article 700 du code procédure civile ; - Condamner la société Miet aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de Me Nicolas Moreau, en application de l'article 699 du code de procédure civile. MOTIFS DE LA DÉCISION 1o) Présentation du brevet FR 3 066 180 11. La description de ce brevet enseigne (lignes 3 et 4) que l'invention se rapporte à un procédé de conditionnement d'un ensemble comprenant au moins un coquillage vivant. Elle précise ensuite que l'invention a comme point de départ l'art antérieur le plus proche (lignes 8 à 25) constitué des bourriches en bois ou en vannerie munies d'un couvercle, lesquelles, une fois remplies des coquillages posés à plat sont ensuite cerclées afin de maintenir la position des coquillages pendant le transport. Un tel procédé est toutefois couteux et lent, car nécessairement manuel, et ne permet pas de garantir un maintien fermé du coquillage, dont la durée de vie est alors réduite. L'invention propose de remédier à ces inconvénients. 12. A cet effet, elle propose un procédé de conditionnement des coquillages en 3 étapes, permettant leur mécanisation, et constituées : - du positionnement des coquillages vivants dans un réceptable lequel, selon un mode de réalisation, peut être constitué d'une assiette en polypropylène comprenant des logements de forme et de taille adaptées aux coquillages, - de l'enveloppement du réceptacle par un film plastique thermo-rétractable, de manière à suivre les contours des coquillages et les maintenir fermés pendant le transport, et micro-perforé, de sorte que l'échange de gaz soit préservé, prolongeant ainsi la durée de vie et de conservation des coquillages, - de chauffe du réceptacle et du film à une temprétaure comprise entre 170 et 190 oC, pendant une durée comprise entre 2 et 4 secondes, afin que le film se rétracte autour des coquillages et du réceptacle. 13. La figure 5 ci-dessous du brevet représente des coquillages dans une assiette recouverte d'un film plastique sur un tapis roulant (12) conformément à l'invention : 14. Après limitation, le brevet se compose des 10 revendications ci-dessous (la caractéristique de la revendication 10 initiale ayant été déplacée à la fin de la 3ème étape de la revendication 1 initiale) : 1. Procédé de conditionnement d'un ensemble comprenant au moins un coquillage vivant (11), le procédé comprenant les étapes suivantes : c) une étape de positionnement (E1) au cours de laquelle un ensemble comprenant au moins un coquillage vivant (11) est positionné dans un réceptacle (10) ; d) au moins une étape d'enveloppement (E3) durant laquelle le réceptacle (10) est enveloppé dans un film plastique thermo-rétractable micro-perforé (13) ; et c) au moins une étape de chauffe (E4) d'au moins un réceptacle (10) au cours de laquelle l'au moins un réceptacle contenant l'ensemble comprenant au moins un coquillage vivant (11) et recouvert d'un film plastique thermo- rétractable micro-perforé (13) est soumis à un chauffage à une température de rétractation du film micro-perforé (13)la durée de chauffe de l'étape de chauffe (E4) étant comprise entre deux secondes et quatre secondes. 2. Procédé de conditionnement d'un ensemble comprenant au moins un coquillage vivant (11) selon la revendication 1, tel que le réceptacle (10) comprend au moins un logement (14) adapté à l'insertion d'un coquillage vivant (11). 3. Procédé de conditionnement d'un ensemble comprenant au moins un coquillage vivant (11) selon l'une quelconque des revendications 1 ou 2, tel que le réceptacle (10) est constitué de polypropylène. 4. Procédé de conditionnement d'un ensemble comprenant au moins un coquillage vivant (11) selon l'une quelconque des revendications 1 à 3, tel que le film plastique (13) est un film plastique transparent. 5. Procédé de conditionnement d'un ensemble comprenant au moins un coquillage vivant (11) selon l'une quelconque des revendications 1 à 4, tel que l'étape de positionnement (E1) comprend une étape de dépose (E2) dans laquelle le réceptacle (10) est déposé sur une unité de transport (12). 6. Procédé de conditionnement d'un ensemble comprenant au moins un coquillage vivant (11) selon l'une quelconque des revendications 1 à 5, tel que l'étape de chauffe (E4) comprend une étape d'étiquetage (E5) dans laquelle le film plastique (13) enveloppant le réceptacle (10) est étiqueté, la dépose d'au moins une étiquette est réalisée sur le film plastique (13) disposé sur une face inférieure du réceptacle (10) destiné à être placé au regard d'un support et/ou sur le film 5 plastique (13) disposé sur la surface supérieure opposée à la surface inférieure. 7. Procédé de conditionnement d'un ensemble comprenant au moins un coquillage vivant (11) selon la revendication 6, tel que l'au moins une étiquette comprend une solution d'identification. 8. Procédé de conditionnement d'un ensemble comprenant au moins un coquillage (11) vivant selon l'une quelconque des revendications 1 à 7, tel que le film plastique (13) est un film plastique composé de polypropylène. 9. Procédé de conditionnement d'un ensemble comprenant au moins un coquillage vivant (11) selon l'une quelconque des revendications 1 à 8, tel que la température de chauffe de l'étape de chauffe (E4) est comprise entre 170oC et 190oC. 10. Procédé de conditionnement d'un ensemble comprenant au moins un coquillage vivant (11) selon l'une quelconque des revendications 1 à 10, tel que l'étape de chauffe (E4) comprend une étape d'emballage (E6) du réceptacle (10) contenant l'au moins un coquillage de l'ensemble avec au moins un autre réceptacle similaire. 2o) Sur l'insuffisance de description Moyens des parties 15. La société Miet soutient que le brevet n'est pas suffisamment décrit et que l'homme du métier, laissé dans l'ignorance du type de film thermo-rétractable utilisable (nature, épaisseur,...), alors que ce sont les propriétés de ce film qui conditionnent le temps et la durée de chauffe pour remplir les objectifs fixés par le brevet, se trouvera dans l'incapacité de reproduire l'invention. Elle fait en effet valoir que certains films thermo-rétractables pourraient être détruits au terme de la durée et de la température de chauffe préconisées par le brevet, tandis que ces préconisations pourraient s'avérer insuffisantes pour d'autres. 16. M. [Z] conclut au rejet de ce moyen de nullité du brevet. Il soutient en substance qu'il suffit que la personne du métier se réfère aux fiches techniques des films plastiques (en polypropylène thermo-rétractable et transparent) du marché pour identifier la référence commerciale répondant aux caractéristiques revendiquées par le brevet et obtenir le résultat recherché d'un film capable de se rétracter après 2 à 4 secondes de chauffe entre 170 et 190oC (point 44 in fine de ses conclusions). Appréciation du tribunal 17. Selon l'article L. 612-5 du code de la propriété intellectuelle, l'invention doit être exposée dans la demande de brevet de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter. 18. Ces dispositions sont constamment interprétées en ce sens qu'une invention est suffisamment décrite lorsque la personne du métier est en mesure, à la lecture de la description et grâce à ses connaissances professionnelles normales, théoriques et pratiques, d'exécuter l'invention ( Cass. Com 23 mars 2005, pourvoi no 03-16.532 ; Cass. Com., 20 mars 2007, pourvoi no 05-12.626, Bull. 2007, IV, no 89 ; Cass. Com., 13 novembre 2013, pourvois no 12-14.803 et 12-15.449). Le fait que certains éléments indispensables au fonctionnement de l'invention ne figurent ni explicitement dans le texte des revendications ou de la description, ni dans les dessins représentant l'invention revendiquée, n'implique pas nécessairement que l'invention n'est pas exposée dans la demande de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter, dès lors que ces éléments indispensables appartiennent à ses connaissances générales (Cass. Com., 23 janvier 2019, pourvois no 17-14.673 et 16-28.322 : dans cette affaire le diagramme fer-carbone, qui fournit avec précision la température de fusion des fontes et des aciers en fonction de leur teneur en carbone, a été retenu comme appartenant aux connaissances générales de la personne du métier pouvant compléter les enseignements du brevet considéré dès lors comme suffisamment décrit). 19. La personne du métier est celle du domaine technique où se pose le problème que l'invention, objet du brevet, se propose de résoudre (Cass. Com., 20 novembre 2012, pourvoi no11-18.440). Au regard du problème technique que propose de résoudre l'invention ici, la personne du métier est un technicien, spécialiste du conditionnement, notamment des coquillages. 20. Force est en l'occurrence de constater que, dans un témoignage versé aux débats par la demanderesse elle-même (pièce no53), M. [C], spécialiste de l'emballage industriel, témoigne de ce que les caractéristiques des différents films plastiques du marché sont connues et le choix du film approprié fait partie de ses connaissances générales ("La mise en fonctionnement (d'une ligne d'emballage) dépend des caractéristiques des films thermo-rétractables. Ces caractéristiques sont connues dans notre domaine (...)". Il s'en déduit que les caractéristiques des films thermo-rétractables (nature et épaisseur) permettent à la personne du métier de déduire la durée et la température de chauffe, et inversement. Ayant connaissance de la matière (notamment le polypropylène), ainsi que de la durée et de la température de chauffe pour parvenir au résultat recherché d'un film thérmo-rétractable suffisamment résistant pour empêcher l'ouverture des huîtres, la personne du métier en déduira aisément l'épaisseur du film plastique de l'invention (19µ selon le témoignage précité, non contredit sur ce point, de M. [C]). 21. Il en résulte que l'invention est suffisamment décrite au sens de l'article L. 612-5 du code de la propriété intellectuelle. 3o) Sur le défaut de nouveauté Moyens des parties 22. La société Miet soutient que l'invention est toute entière divulguée dans le brevet EP 1 362 789 dont elle rappelle qu'il s'agit d'un document cité par l'examinateur de l'INPI parmi ceux décrivant selon lui l'ensemble des étapes de conditionnement d'un coquillage enseignées par le brevet FR 180, y compris la micro-perforation, que ce document contient selon la société Miet de manière implicite en enseignant une conservation des coquillages pouvant aller jusqu'à 20 jours ; une durée de conservation aussi longue ne peut en effet selon elle, dans le domaine alimentaire, résulter que du maintien d'un échange gazeux et donc de la micro-perforation du film plastique thermo-rétractable. La société Miet ajoute que ce document enseigne également un réceptacle, constitué en l'occurrence d'une couche de film plastique (soit la même feuille repliée, soit une première feuille sur laquelle la seconde viendra se superposer). 23. M. [Z] conclut au rejet de ce moyen. Il soutient que ce document n'a en aucun cas été identifié par l'examinateur de l'INPI comme susceptible de détruire la nouveauté du brevet FR 180, mais comme constituant un document de l'art antérieur proche. Le défendeur ajoute que ce document enseigne un procédé de conditionnement d'un bivalve au sein d'une enveloppe constituée d'un film plastique thermo-rétractable, scellée par chauffage. Il ne décrit donc aucun réceptacle au sens du brevet, ni aucun film micro-perforé et ne saurait donc constituer une antériorité destructrice de nouveauté au sens où l'entendent les tribunaux français. Appréciation du tribunal 24. Aux termes de l'article L. 611-10, paragraphe 1, du code de la propriété intellectuelle, sont brevetables, dans tous les domaines technologiques, les inventions nouvelles impliquant une activité inventive et susceptibles d'application industrielle. L'article L. 611-11 de ce même code précise qu'une invention est considérée comme nouvelle si elle n'est pas comprise dans l'état de la technique et que l'état de la technique est constitué par tout ce qui a été rendu accessible au public avant la date de dépôt de la demande de brevet par une description écrite ou orale, un usage ou tout autre moyen. 25. En application de ces dispositions, il est constamment jugé que l'élément de l'art antérieur n'est destructeur de nouveauté que s'il renferme tous les moyens techniques essentiels de l'invention dans la même forme, le même agencement et le même fonctionnement en vue du même résultat technique, de sorte que la nouveauté d'une invention ne peut être ruinée que par une antériorité de toutes pièces qui implique une identité d'éléments, de forme, d'agencement, de fonctionnement et de résultat technique. (Cass. Com., 27 mars 2019, pourvoi no17-23.136 ; Cass. Com., 17 mai 2023, pourvoi no19-25.509) 26. Le brevet EP 1 362 789 est un brevet européen revendiquant la priorité d'une demande française du 17 mai 2002, antériorisant de près de 16 ans le brevet FR 180. Ce brevet concerne un procédé de conditionnement de bivalves aquatiques consistant à envelopper chaque bivalve, d'un film semi-souple thermo-rétractable et à lui appliquer un chauffage à une température comprise entre 60 et 90oC pendant une durée de 3 à 10 secondes, ce chauffage permettant de parvenir à comprimer le film autour des bivalves ; ce procédé empêche l'ouverture et la perte d'eau des bivalves (§ [020]) et peut être mis en oeuvre de manière automatisée réduisant ainsi le coût du conditionnement (§ [016]) 27. Ce brevet EP'789 comporte la figure 1 partiellement reproduite ci-dessous dans laquelle l'élément 5 correspond à l'aménagement d'une poignée de transport par perforation : 28. Force est de constater que ce document enseigne bien un procédé permettant son automatisation, comprenant une étape d'enveloppement de bivalves aquatiques dans un film plastique thermo-rétractable et transparent, ainsi qu'une étape de chauffe du bivalve recouvert d'un film plastique thermo- rétractable à une température et pendant une durée permettant la rétractation du film autour du bivalve. Ce document n'enseigne en revanche aucune étape de positionnement du bivalve dans un réceptacle au sens du brevet, non plus qu'aucun film micro-perforé, la "divulgation implicite" de cette caractéristique nécessitant ici que la personne du métier fasse appel à ses connaissances générales, un tel raisonnement relevant de l'appréciation de l'activité inventive, ainsi que l'admet au demeurant la société Miet dans ses écritures (page 28 in fine). 29. Le document EP 1 362 789 ne peut donc être regardé comme destructeur de la nouveauté du brevet FR 180. Ce moyen de nullité du brevet est écarté. 4o) Sur le défaut d'activité inventive Moyens des parties 30. La société Miet soutient qu'en combinant un document intitulé "Les modes de conditionnement des coquillages" qui est une étude financée par le ministère chargé de la mer datée de septembre 1989, à ses connaissances générales, la personne du métier serait parvenue à l'invention contenue dans le brevet FR180. Cette société soutient en effet que ce document enseigne le conditionnement des coquillages dans des barquettes thermoformées recouvertes d'un film thermo-rétractable perméable aux gaz. Aussi, en combinant ce document à ses connaissances générales qui incluent la connaissance des appareils destinés à recouvrir un ou plusieurs objets et en particulier les barquettes d'huitres d'un film plastique thermo-rétractable et micro-perforé ( par exemple les fardeleuses proposées dès 2011 par la société Smipack), la personne du métier serait parvenue à l'invention. La société Miet invoque en outre d'autres combinaisons, dont celle du brevet EP789 avec les mêmes connaissances générales de la personne du métier, toutes selon elle destructrices de l'activité inventive du brevet FR180 de M. [Z]. 31. M. [Z] conclut au rejet de ce moyen de nullité du brevet. Il soutient d'abord que les connaissances générales de la personne du métier sont limitées au conditionnement des coquillages vivants, de sorte qu'elle ne se serait pas intéressée à l'emballage des produits alimentaires "non vivants". M. [Z] soutient également qu'il n'est pas démontré que l'étude financée par le ministère de la mer en 1989 était accessible au public avant la date de publication du brevet FR180. Il ajoute que les multiples combinaisons invoquées par la société Miet confirment la validité du brevet. Appréciation du tribunal 32. Selon l'article L.611-14 du code de la prpriété intellectuelle, une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si, pour un homme du métier, elle ne découle pas d'une manière évidente de l'état de la technique. 33. Les éléments de l'art antérieur ne sont destructeurs d'activité inventive que si, pris isolément ou associés entre eux selon une combinaison raisonnablement accessible à la personne du métier, ils permettaient à l'évidence à cette dernière d'apporter au problème résolu par l'invention, la même solution que celle-ci. 34. La personne du métier est un praticien du domaine technique où se pose le problème que l'invention, objet du brevet, se propose de résoudre (Cass. Com., 20 novembre 2012, pourvoi no11-18.440). Autrement dit, si le problème suggère à la personne du métier (l'affineur d'huîtres commercialisant des coquillages vivants) de rechercher la solution dans un autre domaine technique, le spécialiste compétent pour trouver la solution est le praticien de ce domaine. Aussi, au regard du problème technique que propose de résoudre l'invention ici (un conditionnement des huîtres automatisable et garantissant le maintien fermé des coquillages), la personne du métier est ici le technicien spécialiste du conditionnement, et notamment des coquillages, sans qu'il y ait lieu de limiter son domaine technique aux "coquillage vivants", une telle limitation du domaine technique n'apparaissant pas crédible en pratique. 35. La personne du métier est également censée avoir eu accès à tous les éléments de l'état de la technique, notamment les documents cités dans le rapport de recherche, et avoir eu à sa disposition les moyens et la capacité dont on dispose normalement dans le domaine technique considéré pour procéder à des travaux et expériences courants, la personne du métier étant impliquée dans le développement constant de son domaine technique. 36. Il est en outre constamment jugé que, si une invention a été divulguée au public elle entre alors dans l'état de la technique, une seule personne pouvant constituer le public, dès lors que cette personne n'était pas tenue au secret. 37. En l'occurrence, cherchant à résoudre le problème de l'automatisation et du maintien fermé des coquillages au cours de leur transport, la personne du métier aurait nécessairement consulté le document intitulé "Les modes de conditionnement des coquillages" qui est une étude financée par le ministère chargé de la mer datée de septembre 1989, dont il ne peut en aucun cas être retenu qu'il s'agirait d'un document confidentiel, donc inaccessible à la personne du métier. Il doit à l'inverse être retenu qu'il s'agit d'un bon point de départ pour résoudre le problème de l'automatisation de l'emballage et du maintien fermé des coquillages, ce document relevant l'écoulement limité d'exsudat lorsque le contenant ne renferme qu'une douzaine d'huîtres (page 98) et la nécessité d'un film suffisamment résistant (même page, 3ème point, dernière phrase). 38. Ce document enseigne ainsi (page 100) le conditionnement des coquillages, en particulier des huîtres en faible quantité (de l'ordre de la douzaine), dans des barquettes thermoformées recouvertes d'un film thermo-rétractable perméable aux gaz. Ce document ne mentionne en définitive comme réel inconvénient que le coût lié à l'acquisition d'une "thermoscelleuse". 39. Force est donc de constater que ce document enseigne le conditionnement automatisable des coquillages en 3 étapes constituées de : - une étape de positionnement d'un ou plusieurs coquillages vivants dans un réceptacle (une barquette thermo-formée) ; - une étape d'enveloppement du réceptacle dans un film plastique thermo-rétractable perméable aux gaz et, partant, micro-perforé ; - une étape de chauffe pour permettre la rétractation du film micro-perforé au moyen d'une thermoscelleuse du commerce. 40. La personne du métier était alors fortement incitée à consulter les offres commerciales portant sur ce type d'appareils. Elle aurait alors eu connaissance des appareils d'emballage et notamment ceux de la société Smipack qui, dès 2010 (lors du salon "Emballage 2010", pièce Miet no25) présentait au public une machine de conditionnement des produits frais en barquettes, comme les huîtres (qui sont expressément mentionnées par la pièce no25 contrairement à ce qu'affirme M. [Z]), sous films de polyoféline ou de polyéthylène (donc en matière plastique transparente) d'une épaisseur de l'ordre de 15 µ, micro-perforés et thermo-rétractables. Comme le révèle le témoignage de M. M. [C], spécialiste de l'emballage industriel (pièce Miet no53), ces machines sont aisément réglables par un simple travail de routine, en fonction essentiellement de la nature des films plastiques utilisés, en particulier leur épaisseur (ici de 19µ) et leur résistance (le brevet étant muet sur l'épaisseur ne donnant que l'indication de la matière à savoir, notamment, le polypropylène), qui permettent de déterminer le temps et la température de chauffe conduisant au résultat recherché. La personne du métier serait ainsi parvenue, par un simple travail de routine, aux revendications 1 et 9 du brevet FR'180, incluant une température de chauffe entre 170 et 190oC et une durée de chauffe entre 2 et 4 secondes, sans faire preuve d'activité inventive. Ces plages (durée et température de chauffe) n'apparaissent en effet pas inventives en elle-mêmes (ou alors le brevet - qui ne précise pas l'épaisseur de la feuille ni ne se limite à l'usage du polypropylène - n'est pas suffisamment décrit). 41. Les revendications 2 et 3 sont quant à elles divulguées par un modèle français de 1977 qui porte expressément sur une assiette à huîtres à compartiments en matière plastique (ci-dessous visuel du dépôt - pièce Miet no55) : 42. La revendication 4 est divulguée par l'étude de 1989 qui montre des panier d'huîtres recouverts d'un film plasique transparent, ce document appelant l'attention de la personne du métier sur la nécessité de la résistance de ce film. Le polypropylène est une matière plastique connue pour sa polyvalence et sa résistance. Le brevet EP 2 522 506 du 10 mai 2012 enseigne ainsi un film plastique thermorétractable en polypropylène (dans ce cas de 45µ) et divulgue la revendication 8 du brevet FR180. 43. Les revendications 5, 6, 7 et 10, relatives à l'automatisation de l'emballage, ainsi qu'à l'étiquetage sont quant à elles entièrement divulguées par une vidéo postée sur le site de partage YouTube le 22 janvier 2018 montrant la chaine d'emballage et d'étiquettage des barquettes d'huîtres de la SCEA Lamaison, objet du brevet FR 180, l'identification du colis n'étant pas en elle-même inventive, mais imposée par la règlementation sanitaire, ainsi que le relève la demanderesse. 44. De tout ce qui précède il résulte que toutes les revendications du brevet FR 180, dépourvues d'activité inventive, doivent être annulées. 5o) Sur la concurrence déloyale Moyens des parties 45. La société Miet soutient qu'en adressant à la société Carrefour une lettre dont le seul objet était selon elle de convaincre ce client avec lequel elle était en pourparlers pour commercialiser par son intermédiaire des assiettes d'huîtres en prévision des fêtes de fin d'année, de se détourner d'elle, la société Lamaison s'est rendue coupable d'agissements dénigrants fautifs. Elle ajoute que cette stratégie a porté ses fruits puisque la société Carrefour a aussitôt décidé de s'approvisionner auprès de la société Lamaison pour le même type de produits. 46. La société Lamaison conclut au rejet des demandes de ce chef faisant valoir qu'elle a agi conformément aux exigences jurisprudentielles, la société Miet échouant à démontrer l'existence de propos ou agissements dénigrants qui lui seraient imputables. Appréciation du tribunal 47. Le dénigrement correspond à l'une des déclinaisons de la concurrence déloyale, sanctionnée sur le fondement de l'article 1240 du code civil. Le dénigrement est défini, en substance, comme le fait de jeter publiquement le discrédit sur une personne, une entreprise ou un produit, dans le but de l'évincer. Ainsi, et selon une jurisprudence constante, la divulgation d'une information de nature à jeter le discrédit sur un concurrent constitue un dénigrement peu important que l'information soit exacte (Cass. Com., 24 sept. 2013, no12-19.790, Bull. IV, no139). 48. En matière de contrefaçon, la jurisprudence considère en principe qu'est déloyal le fait de mettre en garde la clientèle d'un concurrent sur l'existence d'une contrefaçon dès lors que cette information ne repose sur aucune décision de justice, a fortiori lorsque la mise en garde est adressée à la clientèle sans qu'aucune action n'ait été introduite (Cass. 1ère Civ., 19 juin 2013, no12-18.623 ; Cass. Com., 20 septembre 2016, pourvoi no15-10.939) 49. A l'inverse, l'envoi d'une lettre adressée à des distributeurs se bornant à un rappel à la loi général et préventif des droits d'un breveté aux fins de préserver ses droit et ne contenant aucune accusation ou dénigrement ne saurait être considérée comme fautive (Cass. Com., 12 février 2013, no12-13.808). 50. La mise en connaissance de cause de tiers doit néanmoins être faite en termes mesurés et prudents : il a par exemple été jugé que l'envoi d'une lettre aux clients d'une société par un titulaire de brevets, exclusivement centrée sur la question du programme de licences mis en oeuvre par celui-ci et rédigée en termes comminatoires, sans explication sur les éléments prétendument constitutifs de l'atteinte alléguée, ne se limite pas à une simple mise en connaissance de cause des vendeurs sur un risque de contrefaçon de brevets en cas de poursuite de leur commercialisation au sens de l'article L. 615-1, alinéa 3, du code de la propriété intellectuelle et, en ce qu'elle met en cause la loyauté de cette société et de son fournisseur dans la fabrication et la commercialisation de leurs produits, constitue un acte de dénigrement caractérisant une concurrence déloyale. (Cass. Com., 27 mai 2015, pourvoi no 14-10.800, Bull. 2015, IV, no 88) 51. Il est à cet égard rappelé qu'aux termes de l'article L. 615-1 alinéa 3 du code de la propriété intellectuelle, l'offre, la mise dans le commerce, l'utilisation, la détention en vue de l'utilisation ou la mise dans le commerce d'un produit contrefaisant, lorsque ces faits sont commis par une autre personne que le fabricant du produit contrefaisant, n'engagent la responsabilité de leur auteur que si les faits ont été commis en connaissance de cause. 52. En l'occurrence, la société Lamaison verse elle-même la lettre adressée par son conseil à la société Carrefour (Pièce Lamaison no3.2), avec laquelle la société Miet était en pourparlers de commercialisation de ses propres assiettes d'huîtres. 53. Cette lettre est ainsi rédigée : "La société Etablissements Lamaison a déposé une demande de brevet français le 20 mars 2018 sous le numéro 18/52383. Cette demande de brevet concerne un procédé et un dispositif de conditionnement d'huitres. Nous vous transmettons, en annexe de la présente lettre, une copie certifiée conforme de ladite demande de brevet. Nous vous rappelons qu'un brevet d'invention confère à son titulaire une exclusivité d'exploitation sur les caractéristiques revendiquées. Aux termes de l'article L. 613-3 du Code de la Propriété Intellectuelle, sont interdites, à défaut du consentement du propriétaire du brevet : la fabrication, l'offre, la mise dans le commerce, l'utilisation ainsi que l'importation du produit objet du brevet. Cependant, conformément aux dispositions de l'article L. 615-1 du Code de la Propriété Intellectuelle, l'offre, la mise dans le commerce, l'utilisation, la détention en vue de l'utilisation ou la mise dans le commerce d'un produit contrefaisant, lorsque ces faits sont commis par une autre personne que le fabricant du produit contrefaisant, n'engagent la responsabilité de leur auteur que si les faits ont été commis en connaissance de cause. Compte tenu des circonstances, nous tenions à vous informer et à vous mettre en connaissance de cause du présent dépôt de brevet car vous pourriez être sollicité par des confrères aux Etablissements Lamaison dans le cadre d'une potentielle mise en marché d'assiettes d'huîtres rentrant dans la portée du brevet susmentionné." 54. Le tribunal ne peut que constater qu'il s'agit d'une lettre se bornant à rappeler les potentiels droits de brevet de la société Lamaison (le fascicule de demande de brevet étant joint), rappelant de façon neutre les risques encourus en cas de reproduction des caractéristiques d'un brevet et précisant à cet égard l'objet de la lettre (la mise en connaissance de cause). Cette lettre ne comporte aucun terme dépréciant concernant la société Miet et se limite à une simple mise en connaissance de cause d'un distributeur quant à un risque de contrefaçon du brevet objet du présent litige en cas de poursuite de la commercialisation de produits susceptibles de reproduire les revendications de ce brevet, au sens de l'article L. 615-1, alinéa 3, du code de la propriété intellectuelle, peu important qu'aucune action en contrefaçon n'ait été engagée immédiatement après l'envoi de ces lettres, ce texte ne l'exigeant nullement. 55. La demande fondée sur le dénigrement reproché à la société Lamaison ne peut donc qu'être rejetée. 56. Partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, la société Lamaison sera condamnée aux dépens, ainsi qu'à payer à la société Miet la somme de 50.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. 57. Aucun motif ne justifiant d'en disposer autrement, il sera rappelé que la présente décision est assortie de l'exécution provisoire conformément aux dispositions de l'article 514 du code de procédure civile, sauf en ce qui concerne l'inscription au RNB par application de l'article L. 613-27, 2ème alinéa, du code de la propriété intellectuelle. PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL, PRONONCE l'annulation pour défaut d'activité inventive de l'ensemble des revendications du brevet FR 3 066 180 appartenant à M. [N] [Z]; DIT qu'une fois passée en force de chose jugée la présente décision sera transmise, à l'initiative de la partie la plus diligente, au directeur de l'INPI aux fins d'inscription au registre national des brevets ; REJETTE les demandes de la société Miet fondées sur un comportement déloyal de la société Etablissements Lamaison ; CONDAMNE la société Etablissements Lamaison aux dépens ; CONDAMNE la société Etablissements Lamaison à payer à la société Miet la somme de 50.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; RAPPELLE que la présente décision est assortie de l'exécution priovisoire de droit, sauf en ce qui concerne l'inscription au RNB. Fait et jugé à Paris le 22 juin 2023. LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
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JUDICIAIRE 3ème chambre 1ère section No RG 23/04240 No Portalis 352J-W-B7H-CZCJS No MINUTE : Assignation du : 17 février 2023 rendu le 22 juin 2023 DEMANDEURS Monsieur [P] [R] [Adresse 3] [Localité 1] SOCIÉTÉ DES AUTEURS DES ARTS VISUELS ET DE L'IMAGE FIXE (SAIF) [Adresse 6] [Localité 4] représentés par Me Guillem QUERZOLA, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E0606 DÉFENDERESSES Société JAMES [Adresse 2] [Localité 5] Défaillante Société SORET CHRISTOPHE EURL [Adresse 2] [Localité 5] Défaillante COMPOSITION DU TRIBUNAL Madame Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe Madame Elodie GUENNEC, Vice-présidente Monsieur Malik CHAPUIS, Juge, assistés de Madame Caroline REBOUL, Greffière En application de l'article L212-5-1 du code de l'organisation judiciaire, la procédure s'est déroulée sans audience. Avis a été donné à l'avocat que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 22 juin 2023. Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Réputé contradictoire En premier ressort EXPOSé DU LITIGE 1. M. [P] [R] se présente comme un photographe professionnel suivant les manifestations de l'association Act Up depuis les années 1990. Il est membre depuis le 8 avril 2010 de la Société des auteurs des arts visuels et de l'image fixe (ci-après, "SAIF") qui est un organisme de gestion collective de droits d'auteur. 2. Par l'effet de son adhésion, M. [R] à confié à la SAIF la gestion à titre exclusif et pour le monde entier de ses droits d'auteur sur ses oeuvres pour toute exploitation audiovisuelle et numérique, y compris par la mise à disposition du public à la demande sur internet. Il a également adhéré par acte du 17 février 2018 au service "Image" de la SAIF qui permet aux auteurs de déposer leurs oeuvres au sein d'une banque d'images en ligne destinées à les conserver, les valoriser et les diffuser. 3. Le 6 avril 2018, M. [P] [R] a déposé au service "Image" une photographie prise le 29 janvier 1993 à l'occasion d'une manifestation de l'association Act Up, publiée une première fois sous son nom dans le no 1475 du magazine Le Nouvel Observateur du 11 au 17 février 1993. Le 20 août 2019, il a confié à la SAIF un mandat complémentaire exclusif au titre du droit moral afin que celle-ci gère pour son compte l'ensemble des droits afférents à l'exploitation de cette photographie. 4. La société Soret Christophe, créée en 2015, édite le magazine intitulé "Garçon Magazine" accessible à l'adresse <www.garcon-magazine.com>. La société James, ayant pour associé majoritaire la société Soret Christophe, édite la version papier de "Garçon Magazine" et co-édite le service de télévision en ligne "Garçon TV". 5. Reprochant la publication et le recadrage de la photographie prise le 29 janvier 1993 par M. [R], sans son autorisation ni mention de son nom, dans le magazine en ligne "Garçon Magazine", la SAIF a, par une lettre du 12 septembre 2019, demandé à la société Soret Christophe de lui communiquer, sous quinze jours, le détail des exploitations de la photographie litigieuse, afin que soit calculée l'indemnisation qu'elle considère lui être due. 6. La société Soret Christophe a procédé au retrait de la photographie litigieuse à réception de ce courrier mais n'y a pas répondu. Le 23 janvier 2020, après l'avoir vainement relancée, la SAIF a adressé à la société Soret Christophe, une facture de 960 euros HT, soit 1024 euros TTC, correspondant au montant des droits éludés selon ses barèmes 2019. 7. Le 18 septembre 2020, le dirigeant de la société Soret Christophe a indiqué à la SAIF vouloir trouver une solution amiable au litige, proposant le règlement immédiat, par la société James, de la somme de 200 euros. Après plusieurs échanges, la SAIF a accepté, le 19 octobre 2020, de mettre un terme au litige contre le règlement de la somme 470,40 euros TTC par les défenderesses. N'ayant pas obtenu de paiement, la SAIF a saisi un conciliateur de justice qui a constaté le 2 juin 2022 l'absence de conciliation possible entre les parties. 8. Le 12 juillet 2022, la SAIF a vainement mis en demeure la société James de payer sous quinze jours le montant des droits éludés soit la somme de 1024 euros TTC. 9. C'est dans ce contexte que la SAIF et M. [P] [R] ont fait assigner la société Soret Christophe EURL et la SARL James en contrefaçon de droits d'auteur devant le tribunal judiciaire de Paris, par actes d'huissier du 17 février 2023. 10. Dans leur assignation, la SAIF et M. [P] [R] demandent au tribunal de : - Les Dire recevables et bien fondés en leurs demandes ; Et y faisant droit, - Dire qu'en reproduisant et communiquant au public sur le site internet https://garconmagazine.com, entre le 12 avril 2018 et le 12 septembre 2019 au moins, une photographie originale de Monsieur [P] [R], recadrée, sans mention de son nom et sans avoir recueilli d'autorisation à cette fin ni acquitté de redevances auprès de la SAIF dont il est membre, les sociétés Soret Christophe EURL et James ont porté atteinte aux droits d'auteur de celui-ci ; - Condamner en conséquence in solidum les sociétés Soret Christophe et James à leur payer les sommes de : * 1 500 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice individuel subi par M. [P] [R] du fait de la violation de son droit patrimonial d'auteur, * 1 500 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice individuel subi par M. [P] [R] du fait de la violation de son droit moral d'auteur, à charge pour la SAIF de répartir ces sommes entre elle et ce dernier selon ses règles statutaires et ses règles de répartition, * 3 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice collectif subi par la profession des auteurs photographes que la SAIF représente ; - Condamner les sociétés Soret Christophe et James à leur payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens. 11. Bien que régulièrement citées par remise de l'acte en l'étude de l'hussier (le domicile étant confirmé par le nom sur la boîte aux lettres, le facteur et le voisinage), les sociétés Soret Christophe et James n'ont pas constitué avocat. 12. L'instruction a été close par ordonnance du 18 avril 2023 et l'affaire a été mise en délibéré sans audience, conformément aux dispositions des articles 799 du code de procédure civile et L. 212-5-1 du code de l'organisation judiciaire. MOTIFS DE LA DÉCISION 13. Conformément à l'article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée. 1) Sur la protection par le droit d'auteur Moyens des parties 14. M. [R] expose avoir été le seul photographe qui suivait en reportage l'association Act Up et avoir décidé de soutenir la cause de la lutte contre le sida par son travail. Il décrit cette photographie comme unique et rare en ce qu'elle relate une action ayant duré très peu de temps, le die-in, consistant à s'allonger par terre pour simuler les morts du sida, devant le laboratoire d'Artois à [Localité 7] qui pratiquait une méthode controversée de dépistage du sida et a fait l'objet d'une fermeture immédiate après une inspection de DDASS. 15. M. [R] précise que cette photographie a été publiée pour la première fois, sous son nom, dans le no 1475 du magazine Le Nouvel Observateur du 11 février 1993 au 17 février 1993. 16. Il indique, outre le choix de l'instant, avoir effectué les choix suivants : - Un angle en paysage et en plongée, - un cadrage visant à obtenir une vue générale, - une lumière naturelle, - utilisation d'un film Ektachrome couleur, - des retouches et un post-traitement effectué à l'aide de Photoshop. Appréciation du tribunal 17. Selon l'article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle, l'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous, comportant des attributs d'ordre intellctuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial. L'originalité de l'oeuvre, qu'il appartient à celui invoquant la protection de caractériser, suppose qu'elle soit issue d'un travail libre et créatif et résulte de choix arbitraires révélant la personnalité de son auteur. 18. En application de l'article L.113-1 du code de la propriété intellectuelle, la qualité d'auteur appartient sauf preuve contraire à celui ou à ceux sous le nom de qui l'oeuvre est divulguée. 19. M. [R], qui décrit le contexte et ses intentions, ainsi que les choix qu'il a opérés pour réaliser ce cliché, en particulier le choix de cadrage aux fins que le cliché comprenne à la fois les manifestants allongés sur le trottoir, les fenêtres du laboratoire visé, dont l'une est recouverte d'affiches "Danger public - Fermeture", ainsi que l'entrée d'un commerce au fond montrant l'incongruité de la scène ; il justifie ce faisant de l'originalité de la photographie prise le 29 janvier 1993. 20. Il justifie que cette photographie a été publiée pour la première fois, sous son nom, dans le no 1475 du magazine Le Nouvel Observateur du 11 février 1993 au 17 février 1993. 21. Il convient par conséquent de considérer que M. [R] est l'auteur de la photographie laquelle bénéficie de la protection au titre des droits d'auteur. 2) Sur les actes de contrefaçon Moyens des parties 22. M. [P] [R] et la SAIF font valoir que la publication d'un article illustré par la photographie de M. [R], sans autorisation, constitue une représentation ou reproduction constitutive d'actes de contrefaçon. Ils soutiennent également que l'exploitation de la photographie sans mention du nom de M. [R] en sa qualité d'auteur porte atteinte à son droit au nom. M. [P] [R] et la SAIF ajoutent que le recadrage de la photographie porte atteinte au droit au respect de son oeuvre. Appréciation du tribunal 23. Aux termes de l'article L. 121-1 du code de la propriété intellectuelle " L'auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son oeuvre. Ce droit est attaché à sa personne. Il est perpétuel, inaliénable et imprescriptible. (...)" 24. L'article L. 122-4 de ce code dispose : "Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. Il en est de même pour la traduction, l'adaptation ou la transformation, l'arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque." 25. Enfin, l'article L. 335-3 de même code précise : "Est également un délit de contrefaçon toute reproduction, représentation ou diffusion, par quelque moyen que ce soit, d'une oeuvre de l'esprit en violation des droits de l'auteur, tels qu'ils sont définis et réglementés par la loi." 26. Force est de constater que l'article publié sur le site internet "Garcon Magazine" reproduit la photographie de M. [R] sans que cette utilisation ait été autorisée par la SAIF ou M. [R] et sans qu'il soit fait mention du nom de l'auteur. En outre, pour l'adapter au format de la publication en ligne, la photographie a été amputée de toute sa partie basse qui contient des pancartes portées par des militants à terre sur lesquelles figurent des inscriptions. Elle occulte notamment la seule pancarte faisant figurer le nom de l'association "ACT UP-PARIS EN LUTTE CONTRE LE SIDA". 27. La reproduction de la photographie de M. [R], de surcroit recadrée, pendant 17 mois, sans y avoir été autorisée et sans mentionner le nom de l'auteur a porté atteinte aux droits patrimoniaux et aux droits moraux de l'auteur. 28. Il y a lieu de constater que la société Soret Christophe, en sa qualité d'éditrice de Garçon Magazine a commis des actes de contrefaçon (Pièce no9). 29. La société James est quant à elle désignée comme co-éditrice du site internet "garcon tv" (Pièce no13) et éditrice de la version papier du magazine. Or, rien n'établit que la photographie aurait été reproduite à l'adresse <www.garcontv.fr> ou dans l'édition papier du magazine, seule la reproduction sur le site internet "garcon magazine" étant établie. 30. En outre, le fait que la société James a été désignée par M. Christophe Soret, gérant des sociétés James et Soret Christophe, comme celle qui procéderait au paiement du montant initialement proposé par la société Christophe Soret afin de mettre un terme au litige (Pièce no20) ne peut suffire à la juger conjointement responsable des atteintes portées aux droits d'auteur de M. [R]. 3) Sur les mesures de réparation Moyens des parties 31. M. [P] [R] et la SAIF font valoir que l'article illustré par la photographie de M. [R] a été publié sur le site internet "Garcon Magazine" le 12 avril 2018 et que la photographie a été retirée à la réception de la lettre recommandée du 12 septembre 2019. Ils sollicitent la somme forfaitaire de 1.500 euros au titre du préjudice économique et 1.500 euros au titre du préjudice moral subis par M. [R] ainsi que la somme de 3.000 euros au titre du préjudice moral collectif subi par la profession des auteurs photographes qu'elle représente. Appréciation du tribunal 32. Aux termes de l'article L. 331-3-1 du code de la propriété intellectuelle : "Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement : 1o Les conséquences économiques négatives de l'atteinte aux droits, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ; 2o Le préjudice moral causé à cette dernière ; 3o Et les bénéfices réalisés par l'auteur de l'atteinte aux droits, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de l'atteinte aux droits. Toutefois, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si l'auteur de l'atteinte avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée." 33. L'article a été publié le 12 avril 2018 et la photographie a été retirée à réception de la lettre recommandée avec accusé de réception du 12 septembre 2019, soit le 16 septembre 2019, la photographie a été donc été exploitée pendant 17 mois. 34. L'atteinte portée aux droits patrimoniaux de M. [R] est constitutive d'un préjudice qui sera réparé par l'allocation d'une somme forfaitaire de 1.500 euros. En outre, l'absence de mention de son nom et le recadrage de la photographie ont porté atteinte à son droit moral et lui ont causé un préjudice qu'il convient de réparer à hauteur de 1.500 euros. 35. Ces sommes seront allouées à la SAIF, charge à elle de les répartir entre elle et M. [R] en application de ses règles statutaires et de répartion convenues. 36. Par ailleurs, il est constant qu'une association peut agir en justice au nom des intérêts collectifs de ses membres dès lors que ceux-ci entrent dans son objet social. Au cas particulier, la SAIF a notamment pour objet social de défendre les intérêts matériels et moraux de ses membres. Elle a donc qualité à agir à la fois dans l'intérêt individuel de ses membres et collectif des professions représentées en son sein. 37. L'appropriation du travail de M. [R] sans autorisation ni rémunération et la résistance à indemniser le préjudice subi en dépit des nombreuses démarches amiables entreprises, justifient que soit allouée à la SAIF, la somme de 1.000 euros en réparation du préjudice moral collectif subi par la profession des auteurs photographes, et distinct du simple retard. 38. Partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, la société Soret Christophe sera condamnée aux dépens. 39. Elle sera en outre condamnée à verser à M. [P] [R] et à la SAIF qui ont dû exposer des frais irrépétibles pour faire valoir leurs droits la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 40. Aucune circonstance ne justifiant d'en disposer autrement, il sera rappelé que la présente décision est de plein droit exécutoire, conformément aux dispositions de l'article 514 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS LE TRIBUNAL DIT qu'en reproduisant sur le site internet accessible à l'adresse <www.garcon-magazine.com> entre le 12 avril 2018 et le 16 septembre 2019, une photographie originale de M. [P] [R], recadrée, sans mention de son nom et sans avoir recueilli son autorisation à cette fin, la société Soret Christophe a porté atteinte aux droits d'auteur de M. [R] apportés à la SAIF ; CONDAMNE la société Soret Christophe à payer à la SAIF les sommes de : - 1.500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice individuel subi par M. [P] [R] du fait de la violation de son droit patrimonial d'auteur, - 1.500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice individuel subi par M. [P] [R] du fait de la violation de son droit moral d'auteur, à charge pour la SAIF de répartir ces sommes entre elle et l'auteur selon ses règles statutaires et les règles de répartition convenues ; CONDAMNE la société Soret Christophe à payer à la SAIF la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice collectif subi par la profession des auteurs photographes par sa résistance au paiement des droits dus ; REJETTE les demandes dirigées contre la société James ; CONDAMNE la société Soret Christophe aux dépens ; CONDAMNE la société Soret Christophe à payer à M. [P] [R] et la SAIF la somme de 5.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de plein droit. Fait et jugé à Paris le 22 juin 2023. LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
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JUDICIAIRE 3ème chambre 1ère section No RG 20/01786 No Portalis 352J-W-B7E-CRWPW No MINUTE : Assignation du : 13 janvier 2020 rendu le 08 juin 2023 DEMANDEURS S.A.S. LES PETITES TEIGNES [Adresse 2] [Localité 7] Madame [M], [D], [N], [B] [KM], représentée par son représentant légal Madame [L] [YI] [Adresse 2] [Localité 7] Monsieur [E], [R], [C], [P] [KM], représenté par son représentant légal Madame [L] [YI] [Adresse 2] [Localité 7] Madame [L], [O] [YI] veuve [KM] [Adresse 2] [Localité 7] Madame [Z], [V], [G] [KM] [Adresse 4] [Localité 7] Madame [U], [V], [Y] [KM] [Adresse 5] [Localité 1] (BELGIQUE) représentés par Me Gaëlle MERIC de l'AARPI MERIC LEVY-BISSONNET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C1411 DÉFENDERESSE S.A.S. LES EDITIONS ROTATIVE [Adresse 3] [Localité 6] représentée par Me Corinne POURRINET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E0096 COMPOSITION DU TRIBUNAL Madame Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe Madame Elodie GUENNEC, Vice-présidente Monsieur Malik CHAPUIS, Juge, assistés de Madame Caroline REBOUL, Greffière en présence de Madame Anne BOUTRON, magistrat en stage de pré affectation. A l'audience du 21 mars 2023 tenue en audience publique, avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue le 08 juin 2023. Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire En premier ressort 1. Le dessinateur [T] [KM], connu sous le nom de [F], était journaliste salarié et membre du comité de rédaction du journal Charlie Hebdo, édité par la société Les Editions Rotative. 2. Il est décédé lors de l'attentat perpétré le 7 janvier 2015, dans les locaux du journal, transmettant ses droits d'auteur en indivision à Madame [L] [YI], son épouse, ainsi qu'à leurs quatre enfants [Z], [U], [M] et [E] [KM]. 3. Le 22 février 2017, les ayants-droit de [T] [KM] ont conclu une convention donnant mandat à la société Les Petites Teignes, pour assurer la gestion des droits d'auteur, agir en justice et les représenter. 4. Considérant que les oeuvres réalisées par [T] [KM] ont été exploitées par la société Les Editions Rotative, sans leur autorisation, à l'occasion de la publication du numéro 1178 du journal Charlie Hebdo le14 janvier 2015, ainsi que, par la suite, sur divers supports et dans de nombreux pays, la société Les Petites Teignes, [L] [YI], [Z] [KM], [U] [KM], ainsi que [M] et [E] [KM], tous deux représentés par leur mère, [L] [YI], ont fait assigner la société Les Editions Rotative devant le tribunal judiciaire de Paris le 13 janvier 2020, en contrefaçon de droits d'auteur. 5. Par ordonnance du 15 octobre 2020, le juge de la mise en état a ordonné une mesure de médiation qui n'a pas abouti. 6. Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 21 juillet 2022, la société SAS Les Petites Teignes, Madame [L] [YI], Madame [Z] [KM], Madame [U] [KM], ainsi que Madame [M] [KM] et Monsieur [E] [KM], mineurs, représentés par leur mère [L] [YI] demandent au tribunal de : -condamner la société SAS Les Editions Rotative à leur payer la somme de 1 535 000 euros au titre du préjudice patrimonial, -condamner la société SAS Les Editions Rotative à leur payer la somme de 80 000 euros au titre du préjudice moral de [T] [KM], -condamner la société SAS Les Editions Rotative à leur payer à chacun des héritiers de [T] [KM] la somme de 50 000 euros au titre de leur préjudice moral personnel, -condamner la société SAS Les Editions Rotative à leur payer la somme de 2 000 euros à chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, -ordonner l'exécution provisoire du jugement. 7. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 27 juin 2022, la société SAS Les Editions Rotative demande au tribunal de : -débouter les demandeurs de toutes leurs demandes, fins et prétentions, -dire que chaque partie conservera la charge de ses frais irrépétibles et dépens. 8. Il est renvoyé aux dernières écritures des parties pour plus ample exposé des faits, moyens et prétentions qui y sont contenus. 9. L'instruction de l'affaire a été clôturée par ordonnance du 13 septembre 2022 et renvoyée à l'audience du 21 mars 2023 pour plaidoirie. 10. La décision a été mise en délibéré au 8 juin 2023. I. Sur la demande principale 1.1 L'originalité et la qualification des oeuvres Moyens des parties 11. La société Les Petites Teignes et les ayants-droits de [T] [KM] soutiennent que les neuf dessins publiés dans le numéro 1178 du journal Charlie Hebdo sont des oeuvres originales de [F]. Ils contestent la qualification d'oeuvre collective, rappelant que la défenderesse a d'ailleurs appliqué d'office une rémunération proportionnelle l'excluant. 12. La société Editions Rotative soutient que le numéro 1178 du journal Charlie Hebdo est une publication de presse qui est une oeuvre collective originale au sens de l'article L. 113-2 du code de la propriété intellectuelle. Elle dit qu'elle bénéficie de la présomption de l'article L. 113-5 de ce même code, le journal ayant été divulgué sous son nom. Appréciation du tribunal 13. Selon le troisième alinéa de l'article L. 113-2 du code de la propriété intellectuelle « (?) est dite collective l'oeuvre créée sur l'initiative d'une personne physique ou morale qui l'édite, la publie et la divulgue sous sa direction et son nom et dans laquelle la contribution personnelle des divers auteurs participant à son élaboration se fond dans l'ensemble en vue duquel elle est conçue, sans qu'il soit possible d'attribuer à chacun d'eux un droit distinct sur l'ensemble réalisé ». 14. Selon l'article L. 132-35 du code de la propriété intellectuelle « on entend par titre de presse, au sens de la présente section, l'organe de presse à l'élaboration duquel le journaliste professionnel a contribué, ainsi que l'ensemble des déclinaisons du titre, quels qu'en soient le support, les modes de diffusion et de consultation. Sont exclus les services de communication audiovisuelle au sens de l'article 2 de la loi no 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. / Est assimilée à la publication dans le titre de presse la diffusion de tout ou partie de son contenu par un service de communication au public en ligne ou par tout autre service, édité par un tiers, dès lors que cette diffusion est faite sous le contrôle éditorial du directeur de la publication dont le contenu diffusé est issu ou dès lors qu'elle figure dans un espace dédié au titre de presse dont le contenu diffusé est extrait. / Est également assimilée à la publication dans le titre de presse la diffusion de tout ou partie de son contenu par un service de communication au public en ligne édité par l'entreprise de presse ou par le groupe auquel elle appartient ou édité sous leur responsabilité, la mention dudit titre de presse devant impérativement figurer ». 15. En l'espèce, le litige porte sur les droits patrimoniaux de neuf dessins réalisés par [T] [KM]. 16. Ils sont décrits ainsi par les demandeurs qui se prévalent de leur originalité : « Le premier dessin de [F] figure en page 2, après la page de couverture, en haut à gauche. Il représente S?ur [I]. Le deuxième dessin, en bas de la page 2, met en scène, en couleurs, trois hommes islamistes, accoudés sur une table, l'air pensif, et dialoguant de la façon suivante : « Il ne faut pas toucher aux gens de Charlie Hebdo? Sinon ils vont passer pour des martyrs et une fois au paradis, ces enfoirés vont nous piquer toutes nos vierges ». Le troisième dessin figure en bas de la page 3, à l'angle droit. En couleurs, et intitulé « C'est comment une Cellule Islamiste ? 9 m2 ! ». Le quatrième dessin est une vignette colorée en page 6 dans laquelle [F] s'est autocaricaturé dans le corps d'un ange blanc volant vers le ciel, à travers les nuages, des c?urs au dessus de son visage. Ce dessin illustre l'article « Même pas morts » rédigé par [X] [K] en hommage à [F], [A] et [H]. Le cinquième dessin est en page 10 (bas de page, côté gauche). Intitulé « Attention aux coups de Soleil », il met en scène 5 personnes vues d'en haut, alanguies sur leurs serviettes et une plage de sable, bronzant au soleil. Le sixième dessin de [F] figure en page 14 du journal, sur le côté droit, et représente une femme aux courbes généreuses habillées d'une Burqa. [Le septième dessin] en page 15, au milieu de la partie haute, une vignette colorée dont le titre est « Les français sont pessimistes » est une caricature d'un policier. [Le huitième dessin] toujours dans la partie centrale de cette page 15, (...) en couleurs intitulé « Ramadan » montre un Imam debout qui fait face à une femme habillée d'un t-shirt sur lequel est inscrit « Ni putes ni soumises ». [Le neuvième dessin] en bas à gauche de cette dernière page, le dernier dessin en couleurs de [F] illustre un homme dont le visage est levé vers le ciel, une larme à l'?il, et tenant une pancarte sur laquelle est inscrit : « Vous allez me manquer ». 17. Les neuf dessins qui précèdent représentent sous un angle satirique des personnages, réels ou fictifs, liés à l'actualité. 18. L'esquisse et le trait des personnages, les choix humoristiques réalisés, et le contenu des écrits sous forme de titres ou de dialogues, communiquant un point de vue, portent l'empreinte de la personnalité de leur auteur. Les parties ne contestent pas l'originalité des oeuvres qui est établie. 19. Il est démontré que les neuf dessins sont publiés le 14 janvier 2015 dans le numéro 1178 du journal Charlie Hebdo parmi une cinquantaine de dessins, ainsi que des tribunes et articles des journalistes et dessinateurs de ce journal, à la suite immédiate de l'attentat du 7 janvier 2015. 20. La qualification d'oeuvre collective repose sur la démonstration d'une création à l'initiative de la personne qui s'en prévaut, la divulgation de l'oeuvre sous son nom et l'existence d'un ensemble en vue duquel elle est conçue dans lequel se fond la contribution de chaque auteur. 21. Le numéro 1178 du journal Charlie Hebdo a certes été édité et publié par la société défenderesse mais les contributions qui le composent sont signées par leurs auteurs respectifs. 22. En outre, il ressort des débats que la publication du numéro n'est pas l'initiative de la seule personne morale mais également de la collectivité de ses journalistes et préposés souhaitant rappeler leur attachement à la liberté d'expression et rendre hommage aux personnes décédées dans l'attentat. 23. L'oeuvre est donc originale, la qualification d'oeuvre collective est écartée ainsi que le moyen tendant au rejet de la demande fondé sur cet argument. 24. En revanche, la société Les Editions Rotative éditant le journal Charlie Hebdo est bien un organe de presse auquel ses contributeurs, journalistes, ont contribué. Le numéro 1178 de ce journal est donc un titre de presse au sens de l'article L. 132-35 du code de la propriété intellectuelle. 1.2 La titularité des droits 25. La société Les Petites Teignes et les ayants-droits de [T] [KM] soutiennent que la société les Editions Rotative a la charge de la preuve et qu'elle ne démontre pas que les neuf dessins ont été créés et remis par [T] [KM] dans le cadre de ses missions salariées. Ils considèrent que [T] [KM] travaillait pour de nombreux médias malgré son contrat de travail conclu avec la défenderesse. Ils estiment donc que le droit d'exploitation de la société Les Editions Rotative n'est pas établi. 25.1. Les demandeurs exposent encore que deux dessins publiés avant le 14 juin 2009, intitulés « S?ur [I] » et « Burka », sont soumis aux anciens articles L. 761-9 puis L. 7113-2 du Code du travail. Ils expliquent que, sous ce régime, le défaut de signature d'une convention expresse individuelle précisant les conditions dans lesquelles la reproduction des dessins de [F] est autorisée aboutit à priver l'employeur du droit d'exploiter les dessins litigieux. 25.2. S'agissant des dessins publiés postérieurement au 14 juin 2009, ils estiment que le régime des articles L. 132-35 et suivants du code de la propriété intellectuelle impose la réalisation de l'oeuvre dans un titre de presse et l'existence d'un accord d'entreprise organisant la cession des droits d'exploitation. Selon leur argument, un tel accord n'a pas été conclu sur la période considérée ce qui exclut que la société défenderesse puisse se prévaloir du droit d'exploiter les dessins. 25.3. Les demandeurs soutiennent que la société Les Editions Rotative ne peut pas se prévaloir de l'exception de reproduction d'une oeuvre dans un but exclusif d'information immédiate car la vocation même de Charlie Hebdo est, selon eux, de publier des dessins satiriques présentant un lien avec l'actualité et que le no1178 n'est pas en stricte proportion avec le but exclusif d'information immédiate poursuivi eu égard au nombre de dessins utilisés, de la durée d'exploitation du numéro étalée sur plusieurs mois, du nombre de tirage et du caractère lucratif de ces ventes. 26. La société Editions Rotative soutient que les dessins sont réputés avoir été fournis par [T] [KM] dans le cadre de sa relation de travail, car la rédaction du journal Charlie Hebdo était en possession de ces dessins et que six d'entre eux ont déjà été publiés dans des numéros antérieurs (Burka, S?ur [I], Pessimisme, Muslims vierges, Cellule et Coups de soleil). 26.1. S'agissant des dessins publiés avant le 14 juin 2009, elle explique ne pas avoir l'instrumentum du contrat de travail conclu avec [T] [KM], mais fait valoir qu'il ne peut lui être reproché de ne pas avoir sollicité l'autorisation préalable des héritiers de [T] [KM] car elle a publié les dessins en lien direct et immédiat avec l'actualité de l'attentat et dans un but exclusif d'information. 26.2. La société Editions Rotative fait valoir que les droits dont elle se prévaut sur les dessins publiés après le 14 juin 2009 lui ont été automatiquement cédés, par l'effet de son contrat de travail, et que cette cession est opposable aux ayants-droits. Elle soutient avoir publié les dessins de [T] [KM] dans un but exclusif d'information. Elle dit que l'auteur est rémunéré par la rémunération complémentaire prévue à l'article L. 132-38 du code de la propriété intellectuelle est fixée rétroactivement par effet du IV de l'article 20 de la loi no2009/669 du 12 juin 2009. Appréciation du tribunal 27. Aux termes de l'article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle « l'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. / Ce droit comporte des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial, qui sont déterminés par les livres Ier et III du présent code (...) ». 28. Selon l'article L. 123-1 du code de la propriété intellectuelle « l'auteur jouit, sa vie durant, du droit exclusif d'exploiter son oeuvre sous quelque forme que ce soit et d'en tirer un profit pécuniaire. / Au décès de l'auteur, ce droit persiste au bénéfice de ses ayants droit pendant l'année civile en cours et les soixante-dix années qui suivent ». 29. Selon l'article L. 121-8 du code de la propriété intellectuelle « l'auteur seul a le droit de réunir ses articles et ses discours en recueil et de les publier ou d'en autoriser la publication sous cette forme. / Pour toutes les oeuvres publiées dans un titre de presse au sens de l'article L. 132-35, l'auteur conserve, sauf stipulation contraire, le droit de faire reproduire et d'exploiter ses oeuvres sous quelque forme que ce soit, sous réserve des droits cédés dans les conditions prévues à la section 6 du chapitre II du titre III du livre Ier. / Dans tous les cas, l'exercice par l'auteur de son droit suppose que cette reproduction ou cette exploitation ne soit pas de nature à faire concurrence à ce titre de presse ». 30. Selon l'article 1353 du Code civil « celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. / Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation ». 31. Il n'est pas contesté que [T] [KM] en qualité de dessinateur et de journaliste est l'auteur des neuf dessins litigieux publiés le 14 janvier 2015 dans le numéro 1178 du journal Charlie Hebdo. 32. N'est pas non plus contestée sa qualité de salarié des Editions Rotative depuis le 1er juillet 1992 jusqu'à son décès le 7 janvier 2015. L'instrumentum de son contrat de travail n'est pas produit. 33. La société les Editions Rotative justifie de la publication de plusieurs dessins dans des numéros antérieurs du journal Charlie Hebdo : -le dessin « Burka » le 28 octobre 2008, -le dessin « Soeur [I] » le 28 octobre 2008, -le dessin « Pessimisme » le 5 janvier 2011, -le dessin « Muslims vierges » le 3 octobre 2012, -le dessin « Cellule » le 17 octobre 2012, -le dessin « Coups Soleil », le 10 juillet 2013, 34. Elle ne justifie pas de la publication antérieure de trois autres dessins : -le dessin « Ramadan », -le dessin « Vous allez me manquer », -le dessin représentant [F] en ange (serait remis par Mme [KM]). 35. La publication de ces dessins est donc non datée car inconnue. 1. Le régime applicable aux trois dessins non datés 36. Les demandeurs prouvent leur qualité d'ayants-droit de [T] [KM]. En revanche, il n'est pas prouvé que les dessins ont été publiés dans le journal Charlie Hebdo. 37. S'il est vraisemblable, comme le soutient la société Les Editions Rotative, que ces trois dessins sont réalisés pendant la période de salariat de [T] [KM], la preuve n'en est pas rapportée. 38. Les demandeurs justifient à ce titre d'un bulletin de paie de [T] [KM] avec un autre journal pendant la période couverte par le contrat de travail. Il est donc possible que ces dessins n'aient pas été réalisés dans l'exécution du contrat de travail. 39. La publication de ces trois dessins dans le numéro 1178 du journal Charlie Hebdo devait donc, en principe, être autorisée par les ayants-droit de l'auteur. 2. Le régime applicable aux dessins antérieurs à l'entrée en vigueur de la loi loi no2009/669 du 12 juin 2009 40. Vu l'article L. 121-8 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction applicable avant l'entrée en vigueur de la loi no2009/669 du 12 juin 2009. 41. Aux termes de l'article L. 7113-2 du code du travail applicable « tout travail commandé ou accepté par une entreprise de journal et périodique et non publié est rémunéré. / Le droit de faire paraître dans plus d'un journal ou périodique les articles ou autres oeuvres littéraires ou artistiques dont un journaliste professionnel est l'auteur est subordonné à une convention expresse précisant les conditions dans lesquelles la reproduction est autorisée ». 42. En droit, l'auteur d'oeuvres publiées dans un journal conserve, sauf stipulation contraire, le droit de les faire reproduire et de les exploiter, sous quelque forme que ce soit, en sorte que toute exploitation, sous une nouvelle forme, par la société éditrice du journal est soumise à son autorisation. 43. L'existence d'un contrat de travail n'emporte aucune dérogation à la jouissance des droits de propriété intellectuelle de l'auteur et à défaut de convention expresse, conclue dans les conditions de la loi, l'auteur ne transmet pas à son employeur, du seul fait de la première publication, le droit de reproduction de son oeuvre. 44. Les solutions qui précèdent, reprises par le tribunal, sont issues de la jurisprudence de la Cour de cassation en particulier de ses arrêts Civ. 1ère, 3 juillet 2013, pourvoi no 12-21.481, Civ. 1ère, 21 octobre 1997, pourvoi no95-17.259, Civ. 1ère 12 juin 2001, pourvoi no99-15.895. 45. En l'espèce, le régime qui précède est applicable à deux dessins dits « Burka » et « Soeur [I] » publiés le 28 octobre 2008 dans le numéro 854 du journal Charlie Hebdo. 46. Il ressort des éléments de la cause qu'aucune convention expresse précisant les conditions dans lesquelles la reproduction est autorisée n'a été conclue entre la société Les Editions Rotative et [T] [KM] ou ses ayants-droit. 47. La publication de ces deux dessins dans le numéro 1178 du journal Charlie Hebdo devait donc, en principe, être autorisée par les ayants-droit de l'auteur. 3. Le régime applicable aux dessins postérieurs à l'entrée en vigueur de la loi loi no2009/669 du 12 juin 2009 48. Aux termes de l'article L. 132-36 du code de la propriété intellectuelle « par dérogation à l'article L. 131-1 et sous réserve des dispositions de l'article L. 121-8, la convention liant un journaliste professionnel ou assimilé au sens des articles L. 7111-3 et suivants du code du travail, qui contribue, de manière permanente ou occasionnelle, à l'élaboration d'un titre de presse, et l'employeur emporte, sauf stipulation contraire, cession à titre exclusif à l'employeur des droits d'exploitation des oeuvres du journaliste réalisées dans le cadre de ce titre, qu'elles soient ou non publiées ». 49. Selon l'article L. 132-37 du même code « l'exploitation de l'oeuvre du journaliste sur différents supports, dans le cadre du titre de presse défini à l'article L. 132-35 du présent code, a pour seule contrepartie le salaire, pendant une période fixée par un accord d'entreprise ou, à défaut, par tout autre accord collectif, au sens des articles L. 2222-1 et suivants du code du travail. / Cette période est déterminée en prenant notamment en considération la périodicité du titre de presse et la nature de son contenu ». 50. Selon l'article L. 132-38 du même code « l'exploitation de l'oeuvre dans le titre de presse, au-delà de la période prévue à l'article L. 132-37, est rémunérée, à titre de rémunération complémentaire sous forme de droits d'auteur ou de salaire, dans des conditions déterminées par l'accord d'entreprise ou, à défaut, par tout autre accord collectif ». 51. En l'espèce, le régime qui précède est applicable à quatre dessins dits « Pessimisme » publié le 5 janvier 2011, « Muslims vierges » publié le 3 octobre 2012, le dessin « Cellule » publié le 17 octobre 2012, et « Coups Soleil » publié le 10 juillet 2013. 52. Ces dessins sont publiés dans le journal Charlie Hebdo qui est un titre de presse au sens de l'article L. 132-35 du code de de la propriété intellectuelle. 53. Il est établi que la société Les Editions Rotative n'a pas signé d'accord d'entreprise ou d'accord collectif prévoyant la période visée à l'article L. 132-7 du code de la propriété intellectuelle. 54. En réponse au moyen en défense, l'accord d'entreprise conclu le 12 avril 2018 ne peut s'appliquer au cas d'espèce alors qu'il prévoit une entrée en vigueur au 1er janvier 2018 et, qu'en tout état de cause, le contrat de travail a été rompu par le décès du salarié antérieurement à sa conclusion. 55. L'absence de conclusion d'un accord d'entreprise ou d'un accord collectif au sens de l'article L. 132-37 du code de la propriété intellectuelle n'a pas pour effet de transférer le droit d'exploitation de l'oeuvre du journaliste, devenue propriété de l'employeur en contrepartie du salaire versé. 56. Elle a seulement pour conséquence d'ouvrir droit à une rémunération complémentaire dans les conditions de l'article L. 132-38 du même code. 57. La publication de ces quatre dessins dans le numéro 1178 du journal Charlie Hebdo n'avait donc pas à être autorisée par les ayants-droit de l'auteur. La société Les Editions Rotative avait le droit de les reproduire en les publiant. 4. L'exception de reproduction dans un but exclusif d'information immédiate et en relation directe avec cette dernière 58. Selon l'article L. 122-5 du code de la propriété intellectuelle « lorsque l'oeuvre a été divulguée, l'auteur ne peut interdire : (?) 9o La reproduction ou la représentation, intégrale ou partielle, d'une oeuvre d'art graphique, plastique ou architecturale, par voie de presse écrite, audiovisuelle ou en ligne, dans un but exclusif d'information immédiate et en relation directe avec cette dernière, sous réserve d'indiquer clairement le nom de l'auteur ». 59. Cet article transpose la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2021 sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information. 60. L'article 5, paragraphe 3, sous c) de cette directive « Exception et limitations » énonce que « 3. Les États membres ont la faculté de prévoir des exceptions ou limitations aux droits prévus aux articles 2 et 3 dans les cas suivants: (?) c) lorsqu'il s'agit de la reproduction par la presse, de la communication au public ou de la mise à disposition d'articles publiés sur des thèmes d'actualité à caractère économique, politique ou religieux ou d'oeuvres radiodiffusées ou d'autres objets protégés présentant le même caractère, dans les cas où cette utilisation n'est pas expressément réservée et pour autant que la source, y compris le nom de l'auteur, soit indiquée, ou lorsqu'il s'agit de l'utilisation d'oeuvres ou d'autres objets protégés afin de rendre compte d'événements d'actualité, dans la mesure justifiée par le but d'information poursuivi et sous réserve d'indiquer, à moins que cela ne s'avère impossible, la source, y compris le nom de l'auteur (...) ». 61. La Grande Chambre de la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit dans sa décision Funke Medien NRW GmbH du 29 juillet 2019 dans l'affaire C-469/17 que : « (?) 2) La liberté d'information et la liberté de la presse, consacrées à l'article 11 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ne sont pas susceptibles de justifier, en dehors des exceptions et des limitations prévues à l'article 5, paragraphes 2 et 3, de la directive 2001/29, une dérogation aux droits exclusifs de reproduction et de communication au public de l'auteur, visés respectivement à l'article 2, sous a), et à l'article 3, paragraphe 1, de cette directive. 3) Le juge national, dans le cadre de la mise en balance qu'il lui incombe d'effectuer, au regard de l'ensemble des circonstances de l'espèce concernée, entre les droits exclusifs de l'auteur visés à l'article 2, sous a), et à l'article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/29, d'une part, et les droits des utilisateurs d'objets protégés visés par les dispositions dérogatoires de l'article 5, paragraphe 3, sous c), second cas de figure, et sous d), de cette directive, d'autre part, doit se fonder sur une interprétation de ces dispositions qui, tout en respectant leur libellé et en préservant leur effet utile, soit pleinement conforme aux droits fondamentaux garantis par la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ». 62. Par cette même décision, la Cour de justice rappelle que les exceptions et limitations prévues à l'article 5, paragraphe 3, sous c) de la directive 2001/29/CE « 60. (...)il convient de souligner qu'elles visent spécifiquement à privilégier l'exercice du droit à la liberté d'expression des utilisateurs d'objets protégés et à la liberté de la presse, lequel revêt une importance particulière lorsqu'il est protégé au titre des droits fondamentaux, par rapport à l'intérêt de l'auteur à pouvoir s'opposer à l'utilisation de son oeuvre, tout en assurant à cet auteur le droit de voir, en principe, son nom indiqué (voir, en ce sens, arrêt du 1er décembre 2011, Painer, C-145/10, EU:C:2011:798, point 135) ». 63. La Cour souligne en outre que « 68. (?) lors de la mise en oeuvre des mesures de transposition de cette directive, il incombe aux autorités et aux juridictions des États membres non seulement d'interpréter leur droit national d'une manière conforme à cette même directive, mais également de ne pas se fonder sur une interprétation de celle-ci qui entrerait en conflit avec lesdits droits fondamentaux ou avec les autres principes généraux du droit de l'Union, ainsi que la Cour l'a itérativement jugé (voir, en ce sens, arrêts du 29 janvier 2008, Promusicae, C-275/06, EU:C:2008:54, point 70 ; du 27 mars 2014, UPC Telekabel Wien, C-314/12, EU:C:2014:192, point 46, et du 16 juillet 2015, Coty Germany, C-580/13, EU:C:2015:485, point 34) (?) 71. Il en découle que l'interprétation des exceptions et des limitations prévues à l'article 5 de la directive 2001/29 doit permettre, ainsi qu'il a été rappelé au point 51 du présent arrêt, de sauvegarder leur effet utile et de respecter leur finalité, une telle exigence revêtant une importance particulière lorsque ces exceptions et limitations visent, à l'instar de celles prévues à l'article 5, paragraphe 3, sous c) et d), de la directive 2001/29, à garantir le respect de libertés fondamentales ». 64. La Cour de justice précise à ce titre que « dans ce contexte, il importe, d'une part, d'ajouter que la protection du droit de propriété intellectuelle est certes consacrée à l'article 17, paragraphe 2, de la Charte. Cela étant, il ne ressort nullement de cette disposition ni de la jurisprudence de la Cour qu'un tel droit serait intangible et que sa protection devrait donc être assurée de manière absolue (arrêts du 24 novembre 2011, Scarlet Extended, C-70/10, EU:C:2011:771, point 43 ; du 16 février 2012, SABAM, C-360/10, EU:C:2012:85, point 41, et du 27 mars 2014, UPC Telekabel Wien, C-314/12, EU:C:2014:192, point 61). / 73. D'autre part, il a été rappelé au point 60 du présent arrêt que l'article 5, paragraphe 3, sous c) et d), de la directive 2001/29 vise à privilégier l'exercice du droit à la liberté d'expression des utilisateurs d'objets protégés et à la liberté de la presse, garanti par l'article 11 de la Charte. À cet égard, il y a lieu de relever que, dans la mesure où la Charte contient des droits correspondant à des droits garantis par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »), l'article 52, paragraphe 3, de la Charte vise à assurer la cohérence nécessaire entre les droits contenus dans celle-ci et les droits correspondants garantis par la CEDH, sans que cela porte atteinte à l'autonomie du droit de l'Union et de la Cour de justice de l'Union européenne [voir, par analogie, arrêts du 15 février 2016, N., C-601/15 PPU, EU:C:2016:84, point 47, et du 26 septembre 2018, Staatssecretaris van Veiligheid en justitie (Effet suspensif de l'appel), C-180/17, EU:C:2018:775, point 31 ainsi que jurisprudence citée]. L'article 11 de la Charte contient des droits correspondant à ceux garantis par l'article 10, paragraphe 1, de la CEDH (voir, en ce sens, arrêt du 14 février 2019, Buivids, C-345/17, EU:C:2019:122, point 65 et jurisprudence citée). / 74. Or, ainsi qu'il ressort de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, aux fins d'effectuer la mise en balance entre le droit d'auteur et le droit à la liberté d'expression, cette juridiction a notamment souligné la nécessité de tenir compte de la circonstance que le type de « discours » ou d'information en cause revêt une importance particulière, notamment dans le cadre du débat politique ou d'un débat touchant à l'intérêt général (voir, en ce sens, Cour EDH, 10 janvier 2013, [S] [J] et autres c. France, CE:ECHR:2013:0110JUD 003676908, § 39) ». 65. Au cas présent, le numéro 1178 du journal Charlie Hebdo est qualifié par la société Les Editions Rotative de « numéro des survivants ». Il est publié le 14 janvier 2015, soit sept jours après l'attentat du 7 janvier 2015 et imprimé à plusieurs millions d'exemplaires. 66. La une du journal est un dessin du dessinateur [W] représentant Mahomet tenant une pancarte « Je suis Charlie » et figurant la phrase « tout est pardonné » faisant immédiatement suite à l'attentat du 7 janvier 2015. 67. Le numéro 1178 du 14 janvier 2015 informe le public que le journal et sa ligne éditoriale, satirique, défendant la liberté d'expression et la laïcité, sont maintenus en dépit des crimes terroristes perpétrés quelques jours plus tôt dans ses locaux. 68. Il n'est pas discutable que la défenderesse réalise ainsi l'exercice de sa liberté d'écrire et d'imprimer par les contributions de ses auteurs. 69. La publication du numéro 1178 du journal Charlie Hebdo constitue un discours et une information revêtant une importance particulière dans le cadre d'un débat politique touchant ici à l'intérêt général. 70. Les demandeurs évoquent l'insuffisance de leur rémunération complémentaire comme ayants-droit et des doutes sur la destination des fonds liés à la commercialisation de ce numéro du journal. Ils n'étayent pas leurs allégations par des éléments de preuve. 71. En cet état, il apparaît justifié de faire prévaloir, dans les conditions fixées par la loi, la liberté d'information, la liberté de la presse et la liberté d'expression sur l'intérêt des ayants-droit de l'auteur à pouvoir s'opposer à l'utilisation de son oeuvre. 72. Le nom de [F] apparaît sur chacun de ses dessins. La société Les Editions Rotative bénéficie de l'exception permettant la reproduction dans un but exclusif d'information immédiate et en relation directe avec cette dernière. 73. Par exception, s'agissant des trois dessins non datés et des deux dessins antérieurs à l'entrée en vigueur de la loi no2009/669 du 12 juin 2009, la société Les Editions Rotative avait donc le droit de publier ces dessins malgré l'absence d'autorisation des ayants-droit de [T] [KM]. 74. La contrefaçon alléguée n'est donc pas démontrée. Les demandes indemnitaires, infondées, sont rejetées. II. Les demandes accessoires 75. Les parties conserveront à leur charges les dépens qu'elles ont respectivement exposés. Il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile. La prétention des demandeurs en ce sens est rejetée. PAR CES MOTIFS LE TRIBUNAL, Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en premier ressort, REJETTE les demandes, LAISSE à chacune des parties la charge de ses propres dépens. Fait et jugé à Paris le 08 juin 2023. LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
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JUDICIAIRE 3ème chambre 1ère section No RG 22/05895 No Portalis 352J-W-B7G-CWUO3 No MINUTE : Assignation du : 20 avril 2022 rendu le 11 mai 2023 DEMANDERESSES S.A.S.U. GROUPE PLANET SUSHI [Adresse 4] [Adresse 4] S.A.S. SUMAYA [Adresse 4] [Adresse 4] S.A.S.U. P.S.D [Adresse 4] [Adresse 4] représentées par Me Ingrid ZAFRANI de la SELARLU ZAFRANI AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D1764 DÉFENDERESSES S.A.R.L. PLANET TACOS [Adresse 1] [Adresse 1] Défaillante S.A.S.U. PLANET TACOS [Adresse 3] [Localité 2] Défaillante S.A.S.U. PLANET TACOS [Adresse 5] [Localité 2] Défaillante COMPOSITION DU TRIBUNAL Madame Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe Madame Elodie GUENNEC, Vice-présidente Monsieur Malik CHAPUIS, Juge, assistés de Madame Caroline REBOUL, Greffière en présence de Madame Anne BOUTRON, magistrat en stage de pré affectation. A l'audience du 31 janvier 2023 tenue en audience publique, avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue le 13 avril 2023. Le délibéré a été prorogé au 11 mai 2023. Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Réputé contradictoire En premier ressort EXPOSÉ DU LITIGE : 1. La société Groupe Planet Sushi se présente comme spécialisée dans le secteur de la restauration japonaise et indique avoir développé un réseau de franchise en France et à l'étranger sous l'enseigne "Planet Sushi", qu'elle décrit comme reposant sur un savoir-faire et un concept de restauration comprenant une charte visuelle graphique et une architecture spécifique. La société Groupe Planet Sushi est titulaire du nom de domaine <www.planetsushi.fr>. 2. La société Sumaya (qui a le même associé unique que la société Groupe Planet Sushi) est titulaire des marques suivantes : - la marque verbale de l'Union Européenne "Planet Sushi" déposée le 7 mai 2013 et enregistrée sous le no 11798568, pour désigner les produits et services visés des classes 29, 30, 32, 33, 35, 39 et plus particulièrement en classe 43 les "services de restauration (alimentation) ; services de bars, café-restaurants, cafétérias, salons de thé, bistrots, cantines, services hôteliers ; restaurants libre-service ; restaurants à service rapide et permanent (snacks-bars) ; restauration (aliments et boissons y compris dégustation de plats et mets) ; restauration (aliments et boisson y compris dégustation de plats et mets à emporter) ; services de traiteurs (restauration) ; location de constructions transportables (chaises, tables, tentes), location de linge de table, de vaisselle et de verrerie, hébergement temporaire", - la marque semi-figurative française "Planet Sushi" déposée le 29 avril 2009 et enregistrée sous le no 3647461 pour désigner les mêmes produits et services : - la marque semi-figurative française "Planetsushi" déposée le 26 janvier 2018 et enregistrée sous le no 4423250 pour désigner les produits et services visés par les classes 29, 30, 32, 33, 35, 39 et notamment en classe 43 "les services de restauration ; services de restaurants avec possibilité de livraison à domicile ; services de restaurants vendant des repas à emporter ; préparation de nourriture japonaise pour la consommation immédiate ; restaurants libre-service ; préparation de repas, de plats cuisinés et/ou de plats à emporter ; services de traiteurs ; conseils (électronique ou non) en matière culinaire" : 3. La société P.S.D. est la gestionnaire du site internet "planetsushi.fr" et commercialise sur internet des produits Planet Sushi. 4. La Sarl Planet Tacos, enregistrée au RCS de Nice sous le no 822 399 713 et dont le siège social est situé au [Adresse 1] à [Localité 2], a déposé le 26 octobre 2017 par l'intermédiaire de son gérant M.. [F] [R], une marque française "Planet" sous le no 4399846 pour désigner des produits et services en classes 16, 29, 30, 32 et 43. 5. La Sasu Planet Tacos, enregistrée au RCS de Nice sous le no 824 577 241 et dont le siège social est situé au [Adresse 3] à [Localité 2], et la Sasu Planet Tacos, enregistrée au RCS de Nice sous le no 834 116 337 et dont le siège social est situé aux [Adresse 5] à [Localité 2], exercent une activité de restauration. 6. Les sociétés Groupe Planet Sushi, Sumaya et P.S.D., ci-après les sociétés du groupe Planet Sushi, indiquent avoir découvert que la SARL société Planet Tacos exerçait une activité de restauration rapide en utilisant un signe imitant selon elles la marque "Planet Sushi" et un logo de nature à créer un risque de confusion avec les sociétés du groupe Planet Sushi. 7. Aussi, par une lettre du 19 janvier 2018, les sociétés du groupe Planet Sushi, ont mis en demeure la SARL Planet Tacos de procéder au retrait de la demande de marque "Planet", de modifier la dénomination sociale des trois sociétés du réseau Planet Tacos, de cesser l'usage du signe "Planet Tacos" et de modifier la devanture de ses trois restaurants. 8. Sa demande de retrait de marque n'ayant été suivie d'aucun effet, la société Sumaya a formé opposition à la demande d'enregistrement de la marque "Planet" no 4399846 . Par décision du 27 juin 2018, le directeur de l'INPI a rejeté la demande d'enregistrement de la marque "Planet" pour désigner les produits et services visés par la marque antérieure "Planet Sushi". 9. Se plaignant de la poursuite de l'exploitation de leurs activités de restauration sous le signe"Planet" à titre de marque par les sociétés Planet Tacos, les sociétés du groupe Planet Sushi ont fait constater par un huissier de justice ces agissements en octobre 2020, puis les ont à nouveau mises en demeure de cesser ces usages du signe "Planet", en dernier lieu le 21 décembre 2021. 10. C'est en cet état que par acte d'huissier du 20 avril 2022, les sociétés Groupe Planet Sushi, Sumaya et P.S.D. ont fait assigner les sociétés Planet Tacos devant le tribunal judiciaire de Paris en contrefaçon de marque et concurrence déloyale. 11. Aux termes des assignations signifiées les 14 et 20 avril 2022, les sociétés Groupe Planet Sushi, Sumaya et P.S.D. demandent au tribunal, aux visas du livre VII du code de la propriété intellectuelle, du règlement (UE) 2017/1001 du 14 juin 2017 sur la marque de l'Union Européenne et de l'article 1240 du code civil, de : -Dire que les sociétés Planet Tacos se sont rendues coupables d'actes de contrefaçon de marque en imitant la marque française semi-figurative, enregistrée sous le numéro no 3647461 appartenant à la société Sumaya ; - Dire que les sociétés Planet Tacos se sont rendues coupables d'actes de contrefaçon de marque en imitant la marque verbale Planet Sushi de l'Union européenne enregistrée sous le no 11798568 appartenant à la société Sumaya ; - Dire que les sociétés Planet Tacos se sont rendues coupables d'actes de contrefaçon de marque en imitant la marque français semi-figurative, enregistrée sous le no 4423250 appartenant à la société Sumaya ; - Dire que les sociétés Planet Tacos se sont rendues coupables d'actes de concurrence déloyale et parasitaire à l'encontre des sociétés Groupe Planet Sushi et P.S.S ; En conséquence, - Condamner solidairement les sociétés Planet Tacos à verser à la société Sumaya une somme de 90.000 euros, à titre de dommages et intérêts pour contrefaçon de ses marques ; - Condamner solidairement les sociétés Planet Tacos à verser à la société Groupe Planet Sushi une somme de 572.280 euros à titre de dommages et intérêts pour concurrence déloyale et parasitaire ; - Condamner solidairement les sociétés Planet Tacos à verser à P.S.D une somme de 42.000 euros, à parfaire, à titre de dommages et intérêts pour concurrence déloyale et parasitaire ; - Faire interdiction aux sociétés Planet Tacos de poursuivre l'utilisation du logo litigieux et critiqué, à quelque titre que ce soit, sur quelque support que ce soit, et sous quelque forme que ce soit, notamment à titre d'identifiant commerciale, d'enseigne numérique, à compter de la signification du présent jugement, sous astreinte de 1000 euros par jour de retard ; - Faire interdiction aux sociétés Planets Tacos de poursuivre l'utilisation du signe Planet, à quelque titre que ce soit, sur quelque support que ce soit, et sous quelque forme que ce soit, notamment à tite de dénomination sociale, d'identifiant commercial, d'enseigne physique et numérique, de nom de domaine, à compter de la signfication du présent jugement, sous astreinte de 1000 euros par jour de retard; -Ordonner la publication de l'intégralité du jugement à intervenir, en format page entière, dans 2 journaux et/ou magazines au choix des sociétés demanderesses et aux frais soliadaire des sociétés Planet Sushi ; - Ordonner à la société Planet Tacos (RECS 822 399 713) de publier, à ses frais avancés, le dispositif du jugement à intervenir sur la page d'accueil de son site internet accessible à http://www.planettacos.fr pendant une période de deux (2) mois à compter du huitième jour suivant la signification du jugement à intervenir, sous atreinte de 1000 euros par jour de retard passé ce délai, le Tribunal restant saisi pour statuer sur la liquidation de ladite asteinte et selon les modalités suivantes : la publication devra être effectuée à titre de publication sur la page d'accueil du site, de façon visible, sans mentione ajoutée, et en police de caractère Arial, de taille 14, droits, de couleur noire sur fond blanc dans un encadré de 468 x 210 pixels, en dehors de tout encart publicitaire, le texte devant être précédé du titre "COMMUNIQUE JUDICIAIRE", en lettres capitales et en police de caractères Arial de taille 16 ; - Condamner solidairement les sociétés Planet Tacos à payer aux sociétés demanderesses la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; - Dire n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de la décision à intervenir ; - Condamner solidairement les sociétés Planet Tacos aux entiers dépens de la présente instance, y compris les frais de constat d'huissier. 12. A l'adresse de la SASU Planet Tacos ([Adresse 5] à [Localité 2]), l'huissier n'a pas trouvé le nom de la destinataire et malgré ses recherches n'a pu trouver sa nouvelle adresse et l'a, par acte du 20 avril 2022, citée conformément à l'article 659 du code de procédure civile. 13. A l'adresse de la SARL Planet Tacos ([Adresse 1] à [Localité 2]), l'huissier n'a pu trouver le nom de la destinataire de l'acte à l'adresse indiquée (et a constaté que l'enseigne à l'adresse indiquée étant "Made with love street"). Il a donc dressé le 20 avril 2022 un procès-verbal conformément à l'article 659 du code de procédure civile. 14. La SASU Planet Tacos ([Adresse 3] à [Localité 2]) a été citée par dépôt de l'acte à l'étude le 14 avril 2022 ( le nom de la destinataire de l'acte figurant sur l'enseigne). 15. Les sociétés Planet Tacos n'ont pas constitué avocat. 16. L'instruction de l'affaire a été close par une ordonnance du 21 juin 2022 et plaidée à l'audience du 31 janvier 2023. MOTIFS DE LA DÉCISION Moyens des sociétés demanderesses 17. Les sociétés du groupe Planet Sushi font valoir que le signe "Planet Tacos", par la reprise à l'identique du terme "Planet" (sans e), constitue une imitation de leur signe pour désigner des services similaires de restauration, de nature à créer un risque de confusion dans l'esprit du public pertinent, ce d'autant que les sociétés Planet Tacos ont repris les codes couleurs du groupe Planet Sushi, en particulier le rose fushia (pantone process magenta), ainsi que leur charte graphique. Selon les demanderesses, leur clientèle ne peut qu'être convaincue de l'existence d'un partenariat avec les sociétés Planet Tacos qui n'existe pas. 18. Aussi, la société Sumaya, titulaire des marques, sollicite la réparation du préjudice causé par la contrefaçon sur le fondement du code de la propriété intelectuelle, tandis que les sociétés Groupe Planet Sushi et PSD, qui exploitent les marques, sollicitent la réparation de leur préjudice sur le fondement du droit commun. Appréciation du tribunal 19. Selon l'article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle "Est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l'usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services : (...) 2o D'un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s'il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d'association du signe avec la marque." 20. De la même manière, selon l'article 9.2 "Droit conféré par la marque de l'Union européenne" du Règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 sur la marque de l'Union européenne, "2. Sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité d'une marque de l'Union européenne, le titulaire de cette marque de l'Union européenne est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d'un signe pour des produits ou services lorsque: (...) b) ce signe est identique ou similaire à la marque de l'Union européenne et est utilisé pour des produits ou services identiques ou similaires aux produits ou services pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public; le risque de confusion comprend le risque d'association entre le signe et la marque;" 21. Interprétant les dispositions identiques (au règlement précité) de l'article 5 § 1 de la première Directive du Conseil du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des États membres sur les marques (89/104/CEE), dont les dispositions précitées du code de la propriété intellectuelle réalisent la transposition en droit interne, la Cour de Justice de l'Union européenne a dit pour doit que, constitue un risque de confusion au sens de ce texte, le risque que le public puisse croire que les produits ou services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d'entreprises liées économiquement (CJCE, 29 septembre 1998, Canon, aff. C-39/97, point 29 ; CJCE, 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik, aff. C-342/97). Selon cette même jurisprudence, l'existence d'un risque de confusion dans l'esprit du public doit être appréciée globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce (CJCE, 11 novembre 1997, Sabel, aff. C-251/95, point 22), en tenant compte en particulier de leurs éléments distinctifs et dominants. 22. Afin d'apprécier le degré de similitude existant entre les marques concernées, la juridiction nationale doit déterminer leur degré de similitude visuelle, auditive et conceptuelle et, le cas échéant, évaluer l'importance qu'il convient d'attacher à ces différents éléments, en tenant compte de la catégorie de produits ou services en cause et des conditions dans lesquelles ils sont commercialisés (voir arrêt Lloyd Schuhfabrik, C-342/97 ). 23. Les marques désignent notamment les services de restauration, traiteur, préparation de plats à emporter. Ces services sont identiques à ceux sous lesquels les signes en litige sont exploités, qui sont des retsaurants. 24. Au regard des services concernés, le public pertinent est constitué des consommateurs à la recherche de services de restauration de moyenne gamme. Son degré d'attention est moyen. 25. Les marques et les signes en litige ont en commun le terme anglais "Planet" dont le public français et européen comprend immédiatement le sens. Ce terme, fortement dominant dans l'ensemble des signes, est ensuite suivi d'un terme descriptif du tye de nourriture proposé par le restaurant concerné. La ressemblance visuelle et auditive entre les marques et les signes est donc moyenne. La ressemblance conceptuelle est en revanche élevée en raison de l'usage du signe "Planet" en première position et d'un type d'aliment descriptif d'un type de nourriture ensuite, renvoyant l'idée d'une mondialisation de ce type de nourriture. 26. Eu égard à l'identité des services concernés et compte tenu de son degré moyen d'attention, le public pertinent est ici amené à croire que "Planet Tacos" est une déclinaison (dédiée aux tacos) de "Planet Sushi", ce d'autant plus ici que les signes semi-figuratifs sont imités (logo rond avec un tacos à l'intérieur reprenant le pantone "process magenta" d'une part et signe contitué des termes avec entre les mots "planet" et "tacos" un élément rond d'autre part). Le public pertinent est ainsi amené à croire, à tort, que les produits commercialisés sous les marques et les signes contrefaisants ont la même origine ou proviennent d'entreprises économiquement liées. Le risque de confusion est caractérisé. 27. La contrefaçon est donc établie. Elle justifie de faire droit aux demandes, tant de la titulaire des marques, que des sociétés du groupe qui les exploitent et qui à ce titre sont en droit de solliciter, sur le fondement du droit commun (article 1240 du code civil) la réparation du préjudice propre que leur ont causés les faits de contrefaçon (article L. 716-4-2 du code de la propriété intellectuelle). 28. Aux termes de l'article L. 716-4-10 alinéa 1 du code de propriété intellectuelle, "Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement : 1o Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ; 2o Le préjudice moral causé à cette dernière ; 3o Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon. Toutefois, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée. " 29. Ces dispositions, issues de la transposition de la directive no 2004/48 du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle (considérant 26 et article 13) prévoient que soient considérés distinctement, et non pas cumulativement, les différents chefs de préjudice pour permettre "un dédommagement fondé sur une base objective" et l'allocation à la victime de la contrefaçon de "dommages et intérêts adaptés au préjudice que celle-ci a réellement subi du fait de l'atteinte", conformément au principe de réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime du préjudice. 30. En l'occurrence, la société Sumaya a subi un incontestable préjudice d'atteinte à la valeur commerciale de ses marques qui sera réparé par l'allocation d'une somme de 15.000 euros à la charge des sociétés défenderesses, in solidum, ces dernières appartenant à un même réseau de franchise (pièce no12) et ayant ainsi toutes concurru à la réalisation d'un même dommage. 31. Il sera alloué aux sociétés Groupe Planet Sushi et PSD (qui exploitent les marques, l'une à travers les franchises, l'autre à travers le site internet), en réparation du préjudice propre que leur ont causé les actes de contrefaçon, la somme de 60.000 euros à titre de dommages-intérêts à la charge des sociétés défenderesses, sous la même solidarité imparfaite que précédemment, cette somme tenant compte de la durée des agissements contrefaisants et de leur persistance en dépit de plusieurs avertissements. 32. Il sera fait droit aux mesures d'interdiction selon les modalités prévues au dispositif de la présente décision. La demande de publication apparaît en revanche disproportionnée. Elle est rejetée. 33. Parties perdantes au sens de l'article 696 du code de procédure civile, les sociétés Planet Tacos seront condamnées in solidum aux dépens, ainsi qu'à payer aux sociétés demanderesses,sous la même solidarité, la somme de 10.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile (en ce compris les frais de constat qui n'ont pas la nature de dépens au sein desquels ils ne peuvent donc être inclus). 34. Il est rappelé que la présente décision, conformément aux dispositions de l'article 514 du code de procédure civile, est assortie de l'exécution provisoire, aucune circonstance ne justifiant d'y déroger. PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL, CONDAMNE in solidum les sociétés Planet Tacos à payer à la société Sumaya la somme de 15.000 euros, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la contrefaçon de ses marques française et de l'Union européenne "Planet Sushi" ; CONDAMNE in solidum les sociétés Planet Tacos à payer à la société Groupe Planet Sushi la somme de 55.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice propre causé par les actes de contrefaçon des marques qu'elle exploite ; CONDAMNE in solidum les sociétés Planet Tacos à payer à la société P.S.D la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice propre causé par les actes de conterfaçon des marques qu'elle exploite ; FAIT DÉFENSE aux sociétés Planet Tacos de poursuivre l'utilisation du signe "Planet Tacos", à quelque titre que ce soit, sur quelque support que ce soit, et sous quelque forme que ce soit, notamment à titre de dénomination sociale, d'identifiant commercial, d'enseigne, de nom de domaine, et ce, sous astreinte de 500 euros par infraction constatée, courant à l'expiration d'un délai de 30 jours suivant la signification de la présente décision et pendant 180 jours ; CONDAMNE in solidum les sociétés Planet Tacos à payer aux sociétés Sumaya, Groupe Planet Sushi et PSD la somme de 10.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile; CONDAMNE in solidum les sociétés Planet Tacos aux dépens ; RAPPELLE que la présente décision est, de plein droit, assortie de l'exécution provisoire. Fait et jugé à Paris le 11 mai 2023. LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
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JUDICIAIRE 3ème chambre 1ère section No RG 22/14118 No Portalis 352J-W-B7G-CYMFF No MINUTE : Assignation du : 24 novembre 2022 rendu le 25 mai 2023 DEMANDERESSE Association QUALIFELEC (Association Professionnelle et Technique de Qualification des Entreprises du Génie Electrique, Energétique et Numérique) [Adresse 1] [Localité 3] représentée par Me Charlotte ABATI de la SELARL AYRTON AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C1289 Monsieur [K] [B] [Adresse 2] [Localité 4] Défaillant COMPOSITION DU TRIBUNAL Madame Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe Madame Elodie GUENNEC, Vice-présidente Monsieur Malik CHAPUIS, Juge, assistés de Madame Caroline REBOUL, Greffière En application de l'article L212-5-1 du code de l'organisation judiciaire, la procédure s'est déroulée sans audience. Avis a été donné à l'avocat que la décision serait rendue le 25 mai 2023 par mise à disposition au greffe. Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Réputé contradictoire En premier ressort Exposé du litige 1. L'association Qualifelec (association professionnelle et technique de qualification des entreprises du génie électrique, énergétique et numérique), créée en 1955 sous l'impulsion des pouvoirs publics et de représentants de la filière électrique, a pour mission, notamment, la promotion de la qualité des prestations des professionnels de l'électricité par l'attribution, à la demande des entreprises de ce secteur, de qualifications "Qualifelec". L'association est accréditée par le Cofrac en tant qu'organisme de qualification et expose que sa mission est de permettre aux particuliers, aux maîtres d'oeuvre et aux bureaux d'études, de choisir en toute confiance le professionnel électricien compétent et adapté à leurs besoins pour sécuriser l'exécution de leurs travaux. 2. L'association est titulaire de la marque semi-figurative collective française "QE Qualifelec" no1609713, déposée le 13 février 1990 et régulièrement renouvelée pour désigner les produits et services des classes 9,11, 35, 37, 38 et 42 (et en particulier en classe 9 les appareils pour la recharge d'accumulateurs électriques pour véhicules) : 3. M. [K] [B] est entrepreneur individuel, inscrit au répertoire Sirene sous le no50035863500042 ; il exerce à [Localité 4] sous l'enseigne "Domotique rénovation" l'activité principale de "travaux d'installation électrique dans tous locaux" (pièce no9). Il propose en particulier des services d'installation de bornes de recharge de véhicules électriques (IRVE). 4. Une ordonnance de référé opposant ces deux parties a d'ores et déjà été rendue le 15 novembre 2022 faisant "interdiction à M. [K] [B] de faire usage dans la vie des affaires, de quelque manière que ce soit, pour identifier les services d'installations électriques qu'il propose et en particulier les services de pose d'infrastructures de recharge des véhicules électriques, de tout signe reproduisant ou imitant la marque semi-figurative collective française no1609713, sous astreinte de mille euros (1000 €) par infraction constatée, c'est à dire par usage du signe "QE Qualifelec", courant à l'expiration d'un délai de dix jours suivant la signification de la présente décision et pendant cent quatre-vingts jours". 5. Conformément aux dispositions de l'article L. 716-4-6 dernier alinéa du code de la propriété intellectuelle et par acte d'huissier du 24 novembre 2022, l'association Qualifelec a fait assigner M. [B] à l'audience du 14 mars 2023 devant ce tribunal en contrefaçon de sa marque. 6. Bien que régulièrement cité par dépôt de l'acte à l'étude de l'huissier, les vérifications confirmant le domicile du défendeur (présence du nom et de l'enseigne sur la boîte aux lettres et confirmation par le voisinage), M. [B] n'a pas comparu. A l'audience d'orientation du 14 mars 2023, en accord avec le conseil de l'association Qualifelec, il a été procédé conformément aux dispositions de l'article 778 dernier alinéa du code de procédure civile ; l'instruction a été close et, la demanderesse ayant déposé son dossier, a été informée que la décision serait rendue le 25 mai 2023 par les magistrats de la 3ème chambre / 1ère section. 7. Aux termes de son assignation, l'association Qualifelec demande au tribunal, au visa des articles L. 716-4, L. 716-4-6, L. 713-2 et L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle de : ? Constater que M. [B] a reproduit la marque collective nationale semi-figurative Qualifelec no1609713, propriété de l'association Qualifelec et a ainsi commis des actes de contrefaçon de marque dans les termes des articles L. 713-2, L. 713-3 et L. 716-4 du code de la propriété intellectuelle En conséquence : ? Condamner M. [B] à payer à l'association Qualifelec la somme de 30.000€ à titre de dommages intérêts. ? Interdire à M. [B] la poursuite des actes de contrefaçon sous astreinte de 1.000e par infraction constatée et sur tout support, après un délai de 3 jours à compter de la signification du jugement à intervenir. ? Ordonner la publication du jugement à intervenir, aux frais de M. [B], dans deux revues laissées au choix de Qualifelec. ? Ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir. ? Condamner M. [B] à payer une somme de 3.000€ à l'association Qualifelex au titre de l'article 700 du code de la procédure civile, outre les entiers dépens de la procédure. 8. A titre liminaire, il est rappelé que selon l'article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond et le juge ne fait droit à la demande que s'il l'estime régulière, recevable et bien fondée. 1) Sur la contrefaçon de marque Moyens de la demanderesse : 9. L'association Qualifelec fait valoir que M. [B] a procédé à une utilisation frauduleuse de sa marque semi-figurative collective, ce dernier ayant procédé à une reproduction servile de la marque sur au moins deux certificats transmis à des clients. Appréciation du tribunal : 10. Selon l'article L. 715-6 (auparavant L. 715-1) du code de la propriété intellectuelle, "Une marque collective est une marque ainsi désignée lors de son dépôt et propre à distinguer les produits ou les services des personnes autorisées à l'utiliser en vertu de son règlement d'usage." 11. L'article L. 715-7 du même code prévoit que "Peut déposer une marque collective toute association ou tout groupement doté de la personnalité morale représentant des fabricants, des producteurs, des prestataires de services ou des commerçants, ainsi que toute personne morale de droit public. Le dépôt d'une demande d'enregistrement de marque collective est accompagné d'un règlement d'usage. Toute modification ultérieure du règlement d'usage est portée à la connaissance de l'Institut national de la propriété industrielle." 12. En vertu de l'article L.713-2 du code de la propriété intellectuelle : "Est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l'usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services : 1o D'un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ; 2o D'un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s'il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d'association du signe avec la marque." 13. L'expression « usage dans la vie des affaires », qui figure dans la disposition précitée, implique que les droits exclusifs conférés par une marque ne peuvent en principe être invoqués par le titulaire de cette marque que vis-à-vis des opérateurs économiques et, en conséquence, que dans le contexte d'une activité commerciale (CJUE, 12 juillet 2011, C-324/09, L'Oréal e.a., point 54 ; CJUE, 30 avril 2020, C-772/18, A c/ B, point 23). 14. Aux termes de l'article L.716-4 du même code, "l'atteinte portée au droit du titulaire de la marque constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur. Constitue une atteinte aux droits attachés à la marque la violation des interdictions prévues aux articles L.713-2 à L.713-3-3 et au deuxième alinéa de l'article L.713-4". 15. En l'espèce, l'association Qualifelec justifie ici de ses droits sur la marque collective française no1609713, par la production du certificat d'enregistrement de la marque délivré par l'INPI et ses déclarations de renouvellement effectuées les 8 octobre 2009 et 13 février 2020. Cette marque désigne de nombreux produits et services en rapport avec les travaux électriques du bâtiment et, en particulier, les services de construction, d'installation et de réparation d'appareils électriques. Sont également produites les "Règles de fonctionnement" relatives à la marque collective "QE Qualifelec". 16. Il est en outre constaté que M. [B] a transmis à au moins deux clients des faux certificats de qualification professionnelle (pièces Qualifelec no 5 et 12), reproduisant à l'identique la marque "QE Qualifelec" et ce, pour désigner des services de pose d' "infrastructures de recharge véhicule électrique", alors même que cet entrepreneur individuel ne bénéficie d'aucune certification. 17. Cette reproduction de la marque à l'identique pour désigner, dans la vie des affaires (cet usage visant pour elle à obtenir des marchés), des services au moins pour partie identiques à ceux figurant à l'enregistrement, caractérise la contrefaçon par reproduction de la marque no1609713. Il sera donc fait interdiction à M. [B], dans les termes du dispositif de la présente décision, de faire usage, de quelque manière et sous quelque support que ce soit, pour désigner son activité, de tout signe reproduisant ou imitant cette marque. 2) Sur les mesures indemnitaires et réparatrices Moyens de la demanderesse : 18. L'association Qualifelec demande réparation du préjudice subi du fait de la contrefaçon. Elle prétend que celle-ci a porté atteinte à son image de fiabilité et à la légitimité de sa qualification à l'égard des entreprises bénéficiant réellement de l'usage de sa marque. De plus, par les actes de contrefaçon commis, M. [B] a détourné à son profit les investissements publicataires réalisés par la demanderesse. Appréciation du tribunal : 19. Aux termes de l'article L. 716-4-10 du code de la propriété intellectuelle : "Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement : 1o Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ; 2o Le préjudice moral causé à cette dernière ; 3o Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon. Toutefois, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée." 20. Le tribunal saisi d'une demande indemnitaire pour des faits de contrefaçon doit se prononcer au regard des critères énoncés par l'article L.716-4-10 alinéa 1 du code de la propriété intellectuelle, sauf à être saisi par la partie lésée d'une demande d'indemnisation forfaitaire prévue au second alinéa du même article (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 6 décembre 2016, no 15-16.304). 21. L'article L.716-4-11 du même code prévoit qu'en cas de condamnation civile pour contrefaçon, la juridiction peut ordonner, à la demande de la partie lésée, que les produits reconnus comme produits contrefaisants, les matériaux ou instruments ayant principalement servi à leur création ou fabrication soient rappelés des circuits commerciaux, écartés définitivement de ces circuits, détruits ou confisqués au profit de la partie lésée. La juridiction peut aussi ordonner toute mesure appropriée de publicité du jugement, notamment son affichage ou sa publication intégrale ou par extraits dans les journaux ou sur les services de communication au public en ligne qu'elle désigne, selon les modalités qu'elle précise. Ces mesures sont ordonnées aux frais du contrefacteur. 22. L'association subit en l'occurrence un préjudice moral d'atteinte au crédit de sa certification et de sa marque. En réparation, M. [B] sera condamné à lui payer la somme de 1.500 euros à titre de dommages-intérêts. 23. Il sera fait droit aux demandes d'interdiction selon les modalités précisées au dispositif de la présente décision. 24. Il sera également fait droit à la demande de publication de la présente décision. 25. Partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, M. [B] sera condamné aux dépens, ainsi qu'à payer à l'association Qualifelec la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. 26. Il n'y a pas de motif au cas présent pour écarter l'exécution provisoire, qui est de droit conformément aux dispositions de l'article 514 du code de procédure civile, sauf en ce qui concerne la publication compte tenu des effets irréversibles d'une telle mesure. PAR CES MOTIFS LE TRIBUNAL DIT qu'en reproduisant le signe sur les certificats de qualification des 11 février 2022 portant le no07322 et 12 janvier 2022 portant le no07442, M. [K] [B] a commis des actes de contrefaçon de la marque semi-figurative collective française "QE Qualifelec" no1609713 ; FAIT INTERDICTION à M. [K] [B] de faire usage dans la vie des affaires, de quelque manière et sous quelque support que que ce soit, pour identifier les services d'installations électriques qu'il propose et en particulier les services de pose d'infrastructures de recharge des véhicules électriques, de tout signe reproduisant ou imitant la marque semi-figurative collective française no1609713, sous astreinte de mille euros (1.000 €) par infraction constatée, c'est à dire par usage non autorisé du signe "QE Qualifelec", courant à l'expiration d'un délai de dix jours suivant la signification de la présente décision et pendant cent quatre-vingts (180) jours ; CONDAMNE M. [K] [B] à payer à l'association Qualifelec la somme de 1.500 euros en réparation du préjudice subi du fait de la contrefaçon de marque collective ; AUTORISE la publication du présent jugement, une fois passé en force de chose jugée, aux frais de M. [K] [B] mais dans la limite de 5.000 euros HT, dans deux revues laissées au choix de l'association Qualifelec ; CONDAMNE M. [K] [B] aux dépens ; CONDAMNE M. [K] [B] à payer à l'association Qualifelec la somme de 3.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de plein droit par provision, sauf en ce qui concerne la mesure de publication. Fait et jugé à Paris le 25 mai 2023 LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
CAPP/JURITEXT000047878963.xml
JUDICIAIRE 3ème chambre 2ème section No RG 20/09672 - No Portalis 352J-W-B7E-CS5JV No MINUTE : Assignation du : 20 Août 2020 rendu le 23 Juin 2023 DEMANDEURS Monsieur [U] [Y] [Adresse 1] [Localité 5] Madame [P] [L] [Adresse 1] [Localité 5] représentés par Maître David KOUBBI de la SELARL 28 OCTOBRE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0246 DÉFENDERESSES S.A.R.L. MAISON CARREE [Adresse 2] [Localité 4] représentée par Maître Véronique DAHAN de la SELARL JOFFE & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #L108 Société NEW MAURITIUS HOTELS LIMITED - BEACHCOMBER RESORTS AND HOTELS [Adresse 6] [Adresse 6] [Localité 3] (ILE MAURICE) représentée par Maître Michèle DAUVOIS de la SELAS KGA AVOCATS membre de l'AARPI KLEIN.WENNER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #K0110 Copies délivrées le : - Maître KOUBBI #P246 (executoire) - Maîre DAHAN #L108 (ccc) - Maître DAUVOIS #K110 (ccc)COMPOSITION DU TRIBUNAL Madame Irène BENAC, Vice-Présidente Madame Elodie GUENNEC, Vice-présidente Monsieur Arthur COURILLON-HAVY, Juge assistée de Monsieur Quentin CURABET, Greffier A l'audience du 20 Avril 2023 tenue en audience publique devant Irène BENAC et Arthur COURILLON-HAVY, juges rapporteurs, qui sans opposition des avocats ont tenu seuls l'audience, et après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 23 Juin 2023. Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire En premier ressort EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE 1. La société de droit mauricien New Mauritius Hotels Limited-Beachcomber Resort (ci-après la société New Mauritius) exploite huit hôtels situés à l'île Maurice et aux Seychelles. 2. Selon devis du 28 avril 2017, accepté le 14 juin 2017, elle a confié à la SARL Maison carrée productions, qui a une activité de production de films institutionnels et publicitaires, la réalisation de 11 films publicitaires, de "captations opportunistes/snackcontent" et de "key visuels signature hôtel" pour un montant de 420.106,84 euros. Il était stipulé une cession des droits de propriété intellectuelle de l'ensemble des livrables sur tous supports, dans le monde entier, pendant cinq ans s'agissant du "couple instagrammeur" dont il est constant qu'il réalisait les captations opportunistes/snackcontent précitées. 3. La société Maison carrée productions a sous-traité à Mme [P] [L], mannequin et bloggeuse, et M. [U] [Y], mannequin, bloggeur et photographe, la réalisation des clichés opportunistes sans contrat écrit. Aux termes des factures acquittées du 20 juillet 2017, Mme [L] et M. [Y] ont cédé leurs droits à l'image et droits d'auteurs exclusivement pour une utilisation sur le compte Instagram Beachcomber-hotels à compter du 8 septembre 2017 et pour 3 ans. 4. Constatant que 126 de leurs clichés étaient diffusés sur d'autres supports de communication que ce compte Instagram, Mme [L] et M. [Y] ont signalé cette violation de leurs droits d'auteur et droits à l'image à la société New Mauritius par courriel du 5 août 2019. 5. Par lettre recommandée avec accusé de réception du 30 août 2019, leur conseil a mis en demeure la société Maison carrée productions de leur communiquer la facture adressée à la société New Mauritius et de les indemniser de l'atteinte à leurs droits, sans obtenir de réponse. 6. Par lettre recommandée avec accusé de réception du 9 décembre 2019, leur conseil a mis en demeure la société New Mauritius de cesser les usages illicites de leurs photographies et de les indemniser de l'atteinte à leurs droits. 7. Aucun accord n'ayant été trouvé, par acte du 20 août 2020, Mme [L] et M. [Y] ont fait assigner la société New Mauritius devant le tribunal judiciaire de Paris, en contrefaçon de leurs droits d'auteur, sollicitant des mesures d'interdiction et des dommages et intérêts, et atteinte à leur image. Par acte du 13 avril 2021, la société New Mauritius a appelé en garantie la société Maison carrée productions. Les instances ont été jointes le 27 mai 2021. 8. Dans leurs dernières conclusions signifiées le 14 septembre 2022, Mme [L] et M. [Y] demandent au tribunal de : Sur la contrefaçon : - interdire à la société Maison carrée productions l'usage ou la reproduction, totale ou partielle, des 126 photographies susvisées, sous astreinte ; - condamner la société Maison carrée productions et la société New Mauritius in solidum à leur payer la somme de 261.470 euros chacun à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi résultant de la contrefaçon des 126 photographies susvisées et, subsidiairement condamner l'une ou l'autre (selon les engagements souscrits entre elles) à leur payer les mêmes sommes sur le fondement de leur responsabilité respective contractuelle ou délictuelle ; Sur l'atteinte au droit à l'image - condamner la société Maison carrée productions et la société New Mauritius in solidum à leur payer à chacun la somme de 60.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de l'atteinte portée à son droit à l'image ; - condamner la société Maison carrée productions et la société New Mauritius in solidum à leur payer à chacun la somme de 5.000 euros chacun à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la perte de chance de contracter en tant que mannequin avec un autre opérateur du domaine du tourisme depuis 2017 et du préjudice moral issu de l'inertie de Beachcomber dans le traitement du présent litige ; - condamner la société Maison carrée productions et la société New Mauritius in solidum aux dépens incluant les frais de constat d'huissier et distraits au profit de Me Koubbi, et à leur payer la somme de 20.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile. 9. Dans ses dernières conclusions signifiées le 3 novembre 2022, la société New Mauritius demande au tribunal de : à titre principal : - débouter les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes faute d'originalité des 126 clichés, de défaut de preuve de la titularité des droits sur ces clichés et de l'absence d'atteinte à la vie privée, les modèles n'étant pas identifiables ; subsidiairement : - juger que la réparation du préjudice patrimonial résultant de la contrefaçon des clichés protégés par le droit d'auteur sur le support de ses sites internet doit être limitée à la somme maximum de 7.000 euros pour chacun des demandeurs ; - débouter les demandeurs de leur demande au titre du préjudice patrimonial résultant de la contrefaçon des clichés protégés par le droit d'auteur sur les sites tiers et son site B2B ; - juger que la réparation du préjudice patrimonial résultant de la contrefaçon des clichés protégés par le droit d'auteur sur ses comptes Facebook et Twitter doit être limitée à la somme maximum de 7.000 euros pour pour chacun des demandeurs ; - juger que la réparation du préjudice patrimonial résultant de la contrefaçon des clichés protégés par le droit d'auteur sur ses brochures doit être limitée à la somme maximum de 3.000 euros pour pour chacun des demandeurs ; - juger que la réparation du préjudice patrimonial résultant de la contrefaçon des clichés protégés par le droit d'auteur sur ses flyers doit être limitée à la somme maximum de 2.000 euros pour chacun des demandeurs ; - débouter les demandeurs de leur demande au titre du préjudice patrimonial résultant de la contrefaçon des clichés protégés par le droit d'auteur sur les espaces publicitaires ou limiter la réparation de ce préjudice à la somme de 2.000 euros pour chacun des demandeurs ; - débouter les demandeurs de leur demande au titre du préjudice moral résultant de la contrefaçon des clichés protégés par le droit d'auteur ou limiter la réparation de ce préjudice à la somme de 1 euros pour chacun des demandeurs ; - juger que la réparation du préjudice patrimonial résultant de l'atteinte portée à leur droit à l'image doit être limitée à la somme maximum de 3.000 euros pour chacun des demandeurs ; - débouter les demandeurs de leur demande au titre du préjudice moral résultant de l'atteinte portée à leur droit à l'image ; en toute état de cause : - condamner la société Maison carrée productions à la garantir de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre ; - juger que la société Maison carrée productions a fait l'aveu judiciaire dans ses écritures qu'elle lui devait sa garantie ; - débouter la société Maison carrée productions de l'ensemble de ses demandes ; - condamner la partie qui succombera aux dépens et à lui payer la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile; - ordonner l'exécution provisoire de droit de ses demandes en garantie et la rejeter pour celles des demandeurs et de la société Maison carrée productions ou a minima ordonner la constitution d'une garantie. 10. Dans ses dernières conclusions signifiées le 4 novembre 2022, la société Maison carrée productions demande au tribunal de : - débouter les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes faute d'originalité des clichés, de titularité des droits et d'atteinte à la vie privée ; - écarter des débats les pièces no39 et 40 communiquées par M. [Y] et Mme [L]; Sur l'appel en garantie : - débouter la société New Mauritius de sa demande de reconnaissance d'un aveu judiciaire de sa garantie ; - juger que sa garantie est limitée à la contrefaçon des clichés sur les comptes Facebook et Twitter de la société New Mauritius et à la somme maximum de 842,18 euros pour chacun des demandeurs ; - débouter la société New Mauritius de sa demande de garantie au titre du préjudice moral résultant de la contrefaçon des clichés protégés par le droit d'auteur et de toutes les autres condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre ; Dans l'hypothèse où sa garantie serait globale : - juger que la réparation du préjudice patrimonial résultant de la contrefaçon des clichés protégés par le droit d'auteur sur le support des sites internet de la société New Mauritius doit être limitée à la somme maximum de 1.137,50 euros pour chacun des demandeurs ; - débouter les demandeurs de leur demande au titre du préjudice patrimonial résultant de la contrefaçon des clichés protégés par le droit d'auteur sur les sites tiers et le site B2B de la société New Mauritius ; - juger que la réparation du préjudice patrimonial résultant de la contrefaçon des clichés protégés par le droit d'auteur sur les comptes Facebook et Twitter de la société New Mauritius doit être limitée à la somme maximum de 842,18 euros pour chacun des demandeurs ; - juger que la réparation du préjudice patrimonial résultant de la contrefaçon des clichés protégés par le droit d'auteur sur les brochures de la société New Mauritius doit être limitée à la somme maximum de 153,12 euros pour chacun des demandeurs ; - juger que la réparation du préjudice patrimonial résultant de la contrefaçon des clichés protégés par le droit d'auteur sur les flyers de la société New Mauritius doit être limitée à la somme maximum de 32,81 euros pour chacun des demandeurs ; - débouter les demandeurs de leur demande au titre du préjudice patrimonial résultant de la contrefaçon des clichés protégés par le droit d'auteur sur les espaces publicitaires ; - débouter les demandeurs de leur demande au titre du préjudice moral résultant de la contrefaçon des clichés protégés par le droit d'auteur ou limiter la réparation de ce préjudice à la somme de 1 euros pour chacun des demandeurs ; - juger que la réparation du préjudice patrimonial résultant de l'atteinte portée à leur droit à l'image doit être limitée à la somme maximum de 3.000 euros pour chacun des demandeurs ; - débouter les demandeurs de leur demande au titre du préjudice moral résultant de l'atteinte portée à leur droit à l'image ; En tout état de cause : - condamner la partie qui succombera aux entiers dépens et à lui payer la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; - écarter l'exécution provisoire. 11. L'ordonnance de clôture a été rendue le 24 novembre 2022. MOTIVATION I . Sur les demandes principales en contrefaçon de droit d'auteur 12. La société New Mauritius conteste l'originalité de chacune des 126 photographies litigieuses. Elle soutient que la liberté de choix artistique était réduite en l'espèce par la direction artistique de la société Maison carrée productions, l'absence de mise en oeuvre de techniques dépassant le floutage du fond, la représentation de sujets très attendus et banals s'agissant d'hôtels de luxe sur une île paradisiaque de sorte que la beauté des clichés résulte du savoir-faire des demandeurs en matière de photographie et mannequinat mais ne portent pas l'empreinte de leur personnalité. Elle verse des photographies similaires lors de son analyse de chaque cliché. 13. La société Maison carrée productions fait valoir qu'elle a eu la direction artistique de la campagne publicitaire, y compris le repérage des lieux à photographier et édité une banque d'images de référence dont devaient s'inspirer tous les prestataires, comme l'atteste le réalisateur des films publicitaires. Elle s'associe aux contestations de l'originalité de chaque cliché effectuées par la société New Mauritius. 14. Les demandeurs soutiennent que l'originalité ne dépend ni statut professionnel de l'auteur, ni de sa notoriété. Ils motivent spécialement l'originalité de chacune des photographies, en particulier du fait de la mise en scène, des angles de prise de vue utilisés, de l'exploitation des contre-jours, des jeux de lumière et des reflets ainsi que "de la direction artistique qui gouverne chaque image, s'agissant de la détermination des sujets à photographier, du stylisme correspondant et des repérages à effectuer en termes de lieu et de conditions d'éclairage". 15. L'article L.111-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que l'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création et dès lors qu'elle est originale, d'un droit de propriété incorporelle exclusif comportant des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial. 16. Les dispositions de l'article L.112-1 du code de la propriété intellectuelle protègent par les droits d'auteur toutes les oeuvres de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination, pourvu qu'elles soient des créations originales. Aux termes de l'article L. 112-2, 9o de ce code, sont considérées comme des oeuvres de l'esprit notamment "les oeuvres photographiques". 17. L'originalité de l'oeuvre ressort des choix libres (qui ne sont imposés par la technique, par le sujet ou par un tiers) et créatifs du photographe qui lui donnent une forme propre, de sorte qu'elle porte l'empreinte de la personnalité de son auteur. Il est indifférent que le photographe soit ou non un professionnel. Chaque oeuvre doit être examinée distinctement mais, dans le cas de séries de photographies, elles peuvent être regroupées par caractéristiques communes (1re Civ., 21 octobre 2020, pourvoi no 19-16.193). 18. L'ensemble des clichés a été pris avec un appareil-photo numérique de modèle courant (à l'exception de trois pris avec un smartphone) et il n'est pas allégué, au titre de l'originalité, de traitement de l'image a posteriori. Ils font partie d'un ensemble de 806 photographies prises en deux semaines dans sept hôtels Beachcomber en juillet 2017, simultanément avec le tournage des films publicitaires et les photographies "signature". 19. Les clichés litigieux peuvent être regroupés en quatre groupes : - 9 sont des paysages de plage : nos 1, 26, 30, 55, 57, 64, 72, 102 et 103, - 74 représentent les mannequins dans les installations de l'hôtel : - à table : nos 12, 15, 31, 46, 48, 66, 74, 88, 104, 115, 117, - dans le jardin : nos 9, 16, 54, 56, 77 et 119, - à la plage : nos 2, 6, 17,22, 23, 27, 37, 39, 45, 61, 65, 94, 111, 113,114, 118,122 et 123 - sur les installations de tennis, de golf ou de voile : nos 24, 32, 33, 59 et 109, - à la piscine ou au spa : nos 8, 10, 13, 19, 20, 21, 29, 36, 43, 44, 50, 51, 52, 53, 58, 63, 67, 68, 71, 83, 84, 85, 86, 87, 93, 96, 97, 98, 112, 120 et 124, - en mer : nos 25 et 70, - dans une chambre : no 62 - 12 sont des plans rapprochés sur des objets : - catamarans: nos 3, 35 et101, - ananas : nos 76 et 100, - divers détails : nos 18, 34, 38, 69, 91, 92 et 125, - 31 sont des vues des établissements et leurs installations sans les mannequins : - tables de repas : nos 11, 47, 49, 60, 73, 75, 78,79, 80, 81, 82, 89, 90, 99, 105, 106 , 107, 108, 116, 121 et 126 - bâtiment : nos 4 et 5, - jardins et piscines : nos 7, 14, 28, 40, 41, 42, 95 et 110. 20. Les défenderesses ne démontrent pas avoir donné des instructions précises de mise en scène des "clichés opportunistes" commandés aux demandeurs dans le cadre la même campagne publicitaire incluant les prestations visées au point 2 supra. Néanmoins, cette prestation s'inscrivait dans le cadre de l'exécution de la campagne publicitaire réalisée par la société Maison carrée productions, ce qui est corroboré par la grande homogénéité des 126 photographies pour lesquelles la protection par le droit d'auteur est revendiquée et par la "campagne print" (pièce no 1 de la société Maison carrée productions), confirmant que les lignes conceptuelles et esthétiques des prestations, y compris la partie "Instagram content", étaient pré-définies, quand bien même les demandeurs ont manifestement réalisé leur prestation sans directives précises. Dans ces conditions, la liberté créatrice des demandeurs était limitée par l'objet des prises de vue et les parti-pris esthétiques et conceptuels de la campagne publicitaire. 21. Le tribunal observe d'ailleurs que toutes les photographies obéissent aux conventions classiques de la publicité - des voyagistes et hôtels s'agissant de destinations tropicales : plages, palmiers, couchers de soleil, activités nautiques mais également tennis et golf, d'une part, et installations luxueuses, dédiées au bien-être physique, dans des environnements préservés, d'autre part, ainsi que - de la mode balnéaire : attitudes et positions peu naturelles mettant en valeur le vêtement, la silhouette des mannequins et les lieux. De plus, aucun sujet photographié ne s'écarte des thèmes précités particulièrement limités visuellement et conceptuellement. 22. Pour les 9 clichés de paysage, les demandeurs revendiquent une mise en scène et un choix de l'heure. Cependant la présence de bateaux ou de hamacs ne suffit pas à caractériser une mise en scène. Quant aux choix de lumière - un cliché sur deux étant un coucher de soleil -, ils résultent du site, de ses beautés naturelles et de l'instant contingent de la prise de vue et aucunement d'un choix "savant" comme les demandeurs le qualifient. Aucun choix libre et créatif n'est démontré s'agissant de ces photographies. 23. S'agissant des 31 photographies des installations des hôtels, les demandeurs invoquent des intentions artistiques, des configurations ou le placement de meubles. Aucun des 10 clichés représentant des plans larges des lieux ne présente de configuration inhabituelle par rapport aux standards des hôtels de ce type et, si un arrangement des lieux par les demandeurs n'est pas impossible, il ne s'écarte aucunement des représentations habituelles. Les prises de vue sont réalisées avec goût et savoir-faire mais elles sont également très stéréotypées. Quant aux 21 vues de tables, d'assiettes et de boissons, elles sont également d'une grande banalité. L'empreinte de la personnalité des auteurs n'est aucunement perceptible sur les 31 clichés précités. 24. De même, les objets photographiés sont des vêtements, chapeaux ou chaussures de plage simplement posés, trois ananas groupés, du matériel de plongée ou de sport nautique, directement illustratifs des loisirs proposés par les hôtels. Il ne transparaît de ces 12 photographies aucun choix créatif. 25. Enfin, les 74 photographies représentant les mannequins dans les installations de l'hôtel sont manifestement encadrées par des conventions très précises destinées à mettre en valeur les belles installations balnéaires et la relative variété des loisirs offerts sur place, dans une évocation de vacances en tête-à-tête d'un jeune couple. La beauté du site est habilement représentée, notamment par l'exploitation réussie des jeux de reflets dans la piscine, de l'effet de continuité entre la piscine à débordement et la mer, mais ces effets sont commandés par le site et les installations eux-mêmes, aménagés pour les procurer. S'agissant des personnages, leur contribution aux clichés résulte de leur beauté et leur savoir-faire de mannequins professionnels et non d'une quelconque mise en scène, leurs attitudes étant typiques des photographies de tourisme et de mode balnéaire. Enfin, l'inspiration purement publicitaire est aussi conventionnelle que possible. Dès lors, il n'est pas établi que ces clichés portent l'empreinte de la personnalité de leurs auteurs, au-delà de leur indéniable savoir-faire. 26. Il y a donc lieu de juger qu'aucune des photographies ne peut bénéficier de la protection par le droit d'auteur. II . Sur les demandes subsidiaires en responsabilité contractuelle contre la société Maison carrée productions ou en responsabilité délictuelle contre la société New Mauritius 27. Dans le cas où leurs demandes en contrefaçon de droits d'auteurs seraient rejetées, Mme [L] et M. [Y] font valoir que soit la société Maison carrée productions a engagé sa responsabilité contractuelle à leur égard en cédant à la société New Mauritius des droits sur leurs photographies excédant leurs accords, soit la société New Mauritius a engagé sa responsabilité délictuelle à leur égard en outrepassant ses droits. 1 . Sur les stipulations convenues entre la société Maison carrée productions et la société New Mauritius s'agissant des droits sur les photographies des demandeurs 28. La société Maison Carrée productions soutient que : - la présentation du 17 juin 2017, complémentaire au devis, précisait explicitement les droits accordés pour les photographies sur le seul support Instagram ; - le courriel du 18 juillet 2017 de la société New Mauritius démontre une incertitude quant aux droits cédés relatifs aux supports d'utilisation des clichés, et elle-même a levé l'ambiguïté en précisant la limitation de l'utilisation des clichés à "l'utilisation interne et aux réseaux sociaux". - le courriel du 31 août 2017 et les échanges antérieurs démontrent donc un accord sur des droits sur les photographies limités aux réseaux sociaux. 29. La société New Mauritius fait valoir que : - la société Maison carrée productions lui a cédé plus de droits d'utilisation qu'elle n'en avait sur les clichés litigieux ; - la mention "support social media: instagram seul", ajoutée dans une présentation postérieure à la formation du contrat produite par la société Maison carrée productions, est ambiguë en ce qu'elle ne laisse pas penser que le contrat limitait la diffusion à Instagram, notamment du fait de la référence à "des communautés". 30. Le devis accepté le 14 juin 2017 liant les parties prévoit une cession des droits de propriété intellectuelle sur les captations opportunistes/snackcontent du "couple instagrammeur" sur tous supports, dans le monde entier, pendant cinq ans. 31. La société Maison carrée productions ne saurait être suivie lorsqu'elle soutient que sa présentation powerpoint du 17 juin 2017 (sa pièce no 1) fait partie de l'ensemble contractuel constitué par le devis accepté et ses conditions générales, alors qu'il ne s'agit que d'une présentation du projet et qu'elle est postérieure à l'accord. 32. Au surplus, la seule mention "** Support Social Media : Instagram seul" sur l'avant-dernière diapositive (les deux astérisques ne renvoyant à aucun terme antérieur) est particulièrement ambiguë et ne saurait avoir valeur d'avenant à la disposition sur la cession des droits en l'absence d'accord exprès de la société New Mauritius. 33. Enfin, il n'est pas plus établi un accord sur ces dispositions à partir des échanges de la société Maison carrée productions et la société New Mauritius en juillet 2017 qui ne portent explicitement que sur les photographies signatures et non sur les clichés opportunistes. 34. Les dispositions contractuelles liant la société Maison carrée productions et la société New Mauritius quant aux droits sur les photographies des demandeurs sont donc différentes dans leur périmètre et leur durée de celles convenues entre ces derniers et la société Maison carrée productions. 35. Il y a donc lieu d'examiner la demande subsidiaire formée contre la seule société Maison carrée productions en responsabilité contractuelle. 2 . Sur la responsabilité de la société Maison carrée productions 36. Mme [L] et M. [Y] sollicitent au titre de la responsabilité contractuelle de la société Maison carrée productions les mêmes réparations que sur le fondement du droit d'auteur. 37. La société Maison carrée productions conteste l'évaluation du préjudice. 38. L'article 1231-1 du code civil dispose : "Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure." et l'article 1231-2 précise : "Les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu'il a faite et du gain dont il a été privé, sauf les exceptions et modifications ci-après." 39. Il n'est pas contesté que l'accord des parties sur l'étendue de la cession de leurs prestations était celles figurant sur les factures acquittées du 20 juillet 2017, soit exclusivement pour une utilisation sur le compte Instagram Beachcomber-hotels à compter du 8 septembre 2017 et pour 3 ans. 40. En ne répercutant pas cette disposition à l'annonceur, ainsi qu'il a été vu supra dans la parties III, la société Maison carrée productions a manqué au respect de cet accord et engagé sa responsabilité contractuelle à l'égard de Mme [L] et M. [Y]. 41. Il n'est pas contesté que les photographies, objets de la prestation sous-traitée aux demandeurs, ont été diffusées jusqu'à fin 2019 comme suit : - 104 photographies sur trois sites Internet Beachcomber et 74 par des sites tiers - 77 photographies sur Facebook et Twitter - 14 photographies sur des brochures publicitaires Beachcomber - 3 photographies sur des flyers Les six procès-verbaux de constat d'huissier des 27, 28 et 29 août, 2, 7 et 17 octobre 2019 ne démontrent aucune utilisation plus ample. 42. Cette utilisation excédant la cession convenue est à l'origine d'un manque à gagner pour les demandeurs. Vu que l'utilisation sur Instagram pour trois ans a été facturée par chacun des deux prestataires à hauteur de 8.400 euros TTC pour 806 clichés, la perte de gain correspondant à ce manquement de la société Maison carrée productions sera fixé à la somme de 6.000 euros pour chacun des demandeurs. III . Sur les demandes principales au titre de l'atteinte au droit à l'image 43. Mme [L] et M. [Y] soutiennent qu'ils sont reconnaissables sur "la plupart" des images sans les énumérer. Ils allèguent un préjudice patrimonial dont ils sollicitent la réparation sur la base de quatre fois le forfait journalier de mannequins de leur niveau pendant 15 jours (1.071,43 x 15 x 400% = 64.286 euros) arrondi à la somme de 60.000 euros pour chacun et un préjudice moral résultant d'une perte de chance d'être engagés par d'autres annonceurs du même secteur du fait de l'association massive de leur image aux hôtels Beachcomber. Ils demandent la condamnation in solidum des défenderesses en ce que la société Maison carrée productions n'a pas respecté leur contrat et que la société Beachcomber à diffusé sans droit ces clichés. 44. La société Beachcomber fait valoir que seuls deux clichés (numéros 22 et 62) permettent de distinguer le visage des modèles, mais pas de les identifier du fait de la distance et de l'insuffisance de lumière ainsi que de l'absence de leurs noms. Elle conteste le mode de calcul du préjudice, qui ne saurait excéder la somme de 3.000 euros pour le préjudice patrimonial et dénie l'existence d'un préjudice moral, les demandeurs étant mannequins de profession et utilisant eux-mêmes les clichés litigieux sur la première page de leur site "Shoot my hotel". 45. La société Maison carrée productions s'associe aux mêmes moyens. 46. L'article 9 du code civil prévoit : "Chacun a droit au respect de sa vie privée", en vertu duquel chacun a un droit exclusif et absolu sur son image et peut s'opposer à sa fixation à sa reproduction ou à son utilisation sans autorisation préalable (1re Civ., 10 mai 2005, pourvoi no 02-14.730). Il appartient à celui qui publie la photographie d'une personne de rapporter la preuve du consentement de l'intéressé. 47. Mme [L] et M. [Y] apparaissent sur les 74 clichés visés au point 19 supra. Sur de nombreux clichés les mannequins sont photographiés de dos ou partiellement (pieds, mollets et mains) et ne sont pas identifiables ; en revanche, sur les clichés ci-dessous, quand bien même la photographie serait sombre ou le modèle porterait chapeau ou lunettes de soleil, ils peuvent être identifiés. 48. Il en est ainsi pour Mme [L] sur les photographies numéro 2, 5, 8, 9, 10, 15, 16, 17, 22, 25, 27, 31, 33, 39, 46, 53, 59, 62, 70, 88, 96, 109 et 114 et pour M. [Y] sur les photographies numéro 9, 15, 17, 22, 31, 62, 98 et 115. 49. La diffusion de ces clichés sur des supports pour lesquels ils n'avaient pas donné d'autorisation constitue une atteinte à leur droit sur leur image. 50. Les demandeurs versent six procès-verbaux de constat d'huissier des 27, 28 et 29 août, 2, 7 et 17 octobre 2019 sans mentionner le nombre d'utilisations litigieuses, ni caractériser l'atteinte qu'ils auraient subie de ce fait, laissant au tribunal la recherche de celles-ci parmi les centaines de pages de ces constats. Le tribunal a ainsi relevé, dans le procès-verbal de constat d'huissier du 27 août 2019, 7 clichés de Mme [L] et 2 de M. [Y] sur Facebook et, dans celui du 28 août 2019, sur le site Beachcomber 11 clichés de Mme [L] et 5 de M. [Y] mais aucun dans celui du 29 août 2019. S'agissant des procès-verbaux dressés en octobre 2019, il n'a été trouve qu'une photographie de Mme [L] et une de M. [Y]. 51. Leur profession de mannequins justifie de retenir un préjudice patrimonial résultant de l'utilisation sans autorisation de leur image, les clichés ayant une valeur marchande et étant susceptibles de leur faire perdre une chance d'être recrutés par des concurrents des hôtels Beachcomber. Au regard du faible nombre de clichés, sur de très petits formats avec un risque d'identification assez faible et de l'absence d'élément justifiant de la perte de chance alléguée, ce préjudice sera réparé par la somme de 2.000 euros à Mme [L] et 1.000 euros à M. [Y]. 52. Le préjudice moral, tel que caractérisé par Mme [L] et M. [Y], est en réalité un préjudice patrimonial, déjà indemnisé. 53. La société Maison carrée productions, qui a cédé ces clichés, et la société New Mauritius, qui les a diffusés sans consentement, seront donc condamnées in solidum à leur payer ces sommes en réparation de l'atteinte à leur droit l'image. IV . Sur l'appel en garantie de la société Beachcomber contre la société Maison carrée productions 54. La société New Mauritius fait valoir que : - elle a agi de bonne foi et a été trompée par la société Maison carrée productions qui lui a cédé plus de droits d'utilisation qu'elle n'en avait sur les clichés litigieux ; - en n'attirant pas son attention sur cette limitation au seul réseau Instagram, la société Maison carrée productions a manqué à son devoir d'information précontractuelle, et ne justifie pas l'avoir avertie sur les préjudices résultant d'une potentielle violation des droits des demandeurs. 55. La société Maison Carrée productions soutient que : - elle n'a accepté de garantir la société New Mauritius que pour l'utilisation sur les réseaux sociaux, ce qui ne constitue pas un aveu judiciaire pour les autres supports et ne concerne pas plus une éventuelle atteinte au droit à l'image sur ces autres supports ; - elle ne doit aucune garantie au titre des préjudices moraux des demandeurs, n'ayant pas utilisé les clichés litigieux. 56. Le devis accepté le 14 juin 2017 stipulait une cession des droits de l'ensemble des livrables sur tous supports, dans le monde entier, pendant cinq ans s'agissant du "couple instagrammeur". 57. Ainsi qu'il a été indiqué aux points 30 à 34 supra, ces dispositions excèdent les droits convenus avec les demandeurs par la société Maison carrée productions sur les prestations qu'elle leur a sous-traitées. Ce faisant elle a commis une faute contractuelle qui est seule à l'origine de la mise en jeu de la responsabilité de la société New Mauritius qui a pu se croire légitimement autorisée à diffuser ces clichés sur tous supports pendant cinq ans. 58. Il y a donc lieu de la condamner à garantir celle-ci intégralement des condamnation prononcées à son encontre. V . Dispositions finales 59. La société Maison carrée productions, qui succombe, est condamnée aux dépens. 60. L'équité ainsi que la prise en compte de la situation respective des parties justifie de la condamner à payer à Mme [L] et M. [Y] la somme de 10.000 euros et la même somme à la société New Mauritius au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 61. Aucune circonstance ne justifie d'écarter l'exécution provisoire de droit du présent jugement. PAR CES MOTIFS Déboute Mme [P] [L] et M. [U] [Y] de leurs demandes au titre de la contrefaçon de droits d'auteurs ; Condamne la société Maison carrée productions à payer à Mme [P] [L] la somme de 6.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de ses manquements contractuels ; Condamne la société Maison carrée productions à payer à M. [U] [Y] la somme de 6.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de ses manquements contractuels ; Condamne in solidum la société New Mauritius Hotels Limited-Beachcomber Resort et la société Maison carrée productions à payer à Mme [P] [L] la somme de 2.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de l'atteinte portée à son droit à l'image ; Condamne in solidum la société New Mauritius Hotels Limited-Beachcomber Resort et la société Maison carrée productions à payer à M. [U] [Y] la somme de 1.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de l'atteinte portée à son droit à l'image ; Condamne la société Maison carrée productions à garantir la société New Mauritius Hotels Limited-Beachcomber Resort de l'ensmble des condamnations prononcées à son encontre ; Condamne la société Maison carrée productions aux dépens de l'instance, qui pourront être recouvrés directement par Me Koubbi dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile ; Condamne la société Maison carrée productions à payer à Mme [L] et M. [Y] la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; Condamne la société Maison carrée productions à payer à la société New Mauritius Hotels Limited-Beachcomber Resort la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Fait et jugé à Paris le 23 Juin 2023 Le Greffier La Présidente Quentin CURABET Irène BENAC
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JUDICIAIRE 3ème chambre 1ère section No RG 22/14248 No Portalis 352J-W-B7G-CYJLH No MINUTE : Assignation du : 21 novembre 2022 rendu le 11 mai 2023 DEMANDERESSE Société ROLLS-ROYCE MOTOR CARS LIMITED [Adresse 4] [Localité 2] HAMPSHIRE (ROYAUME-UNI) représentée par Me Rebecca DELOREY de la SELAS BARDEHLE PAGENBERG, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0390 DÉFENDERESSE S.A.S.U EBHD [Adresse 1] [Localité 3] Défaillante COMPOSITION DU TRIBUNAL Madame Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe Madame Elodie GUENNEC, Vice-présidente Monsieur Malik CHAPUIS, Juge, assistés de Madame Caroline REBOUL, Greffière en présence de Madame Anne BOUTRON, magistrat en stage de pré affectation A l'audience du 27 février 2023 tenue en audience publique, avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue le 11 mai 2023. Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Réputé contradictoire En premier ressort EXPOSÉ DU LITIGE : 1. La société de droit anglais Rolls-Royce Motor Cars Limited (ci-après " la société RRMC ") a pour activité la conception, la fabrication et la vente de véhicules automobiles de luxe. Elle est titulaire de la marque semi-figurative de l'Union européenne "RR" no003381605, déposée le 2 octobre 2003 et enregistrée le 21 avril 2005 pour désigner les " Automobiles et leurs pièces " en classe 12: 2. La société EBHD exploite un fonds de commerce de bar à chicha situé [Adresse 1] à [Localité 3]. 3. Par deux lettres recommandées en date des 17 mai et 28 juin 2022, la société RRMC a mis en demeure la société EBHD de cesser toute utilisation de la marque "RR", exposant avoir constaté son usage par cette société EBHD sur son enseigne, ses comptes Instagram et Facebook, et en tant que nom commercial et à titre de nom de domaine <www.rr-chicha-lounge-club.business.site>. 4. C'est dans ce contexte et après avoir fait constater les faits par un huissier les 29 septembre et 6 octobre 2022, que la société RRMC a, par acte d'huissier du 21 novembre 2022, fait assigner la société EBHD devant le tribunal judiciaire de Paris en contrefaçon de la marque renommée "RR". 5. Bien que régulièrement citée par remise de l'acte d'huissier à étude, la signification à personne s'étant avérée impossible du fait de la fermeture de l'établissement au moment du passage de l'huissier, la société EBHD n'a pas constitué avocat. 6. Aux termes de son assignation, la société RRMC demande au tribunal de : - Ordonner à la société EBHD de cesser l'usage de tout signe reproduisant ou imitant la marque renommée de l'Union européenne no 003381605, à quelque titre que ce soit, et notamment à titre de nom commercial ou d'enseigne, sur quelque support que ce soit, notamment sur les réseaux sociaux et sur la devanture de l'établissement physique qu'elle exploite, et ce sous astreinte de 500 euros par infraction constatée par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir ; - Ordonner à la société EBHD de procéder à la modification de son nom commercial et de son enseigne auprès du registre de commerce et des sociétés sous astreinte de 500 euros par infraction constatée par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir ; - Ordonner à la société EBHD de procéder à la suppression du nom de domaine <rr-chicha-lounge-club.business.site>, sous astreinte de 500 euros par infraction constatée par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir ; - Condamner la société EBHD à lui payer la somme totale de 120.000 euros, à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait des actes de contrefaçon comme suit : o 50.000 euros au titre de son préjudice commercial, sauf à parfaire ; o 50.000 euros au titre de l'atteinte à la valeur patrimoniale de sa marque ; o 20.000 euros au titre de son préjudice moral ; - Ordonner la publication du jugement à intervenir, in extenso ou par extraits, dans cinq journaux ou magazines, pendant une durée maximum de six mois, aux frais exclusifs et avancés de la société EBHD, dans la limite de 5.000 euros HT par insertion ; - Dire que les astreintes ainsi prononcées seront liquidées, s'il y a lieu, par la chambre du tribunal Judiciaire qui aura prononcé le jugement à intervenir, - Condamner la société EBHD à lui payer une indemnité de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; - Condamner la société EBHD aux dépens. 7. L'instruction a été close par une ordonnance du 10 janvier 2023, et l'affaire plaidée à l'audience du 27 février 2023. MOTIFS DE LA DÉCISION 8. Il est rappelé qu'en vertu de l'article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée. Moyens de la demanderesse 9. La société RRMC soutient que la marque de l'Union européenne no 003381605 est une marque semi-figurative qui est renommée au sens de l'article 9.2 c) du règlement sur les marques de l'union européenne. Elle fait valoir que le monogramme composé de deux R entrelacés est exploité depuis 1906, qu'il est apposé de manière très visible sur les véhicules qui sont commercialisés depuis plus de cent ans sous cette marque dans le monde au travers d'un réseau de distribution sélective. Elle expose que la marque bénéficie d'une forte connaissance auprès des consommateurs de l'Union européenne en raison de l'ancienneté et de l'intensité de son exploitation et de son utilisation pour désigner une large gamme de produits et d'accessoires connexes, des partenariats, ainsi qu'une vaste quantité de contenu numérique. Elle ajoute qu'elle est également présente dans les médias. 10. Elle soutient que le public pertinent, qu'elle définit comme étant constitué des consommateurs de l'Union européenne, amateurs de voitures de luxe, ainsi que de professionnels ayant des connaissances particulières dans le secteur automobile, effectuera nécessairement un lien entre les signes utilisés par la société EBHD et sa marque compte tenu de la similarité visuelle et phonétique des signes. Elle souligne que la marque n'est pas exploitée que pour des automobiles et leurs pièces mais également pour des articles pour fumeurs ainsi que des objets pour la consommation d'alcool. Elle fait valoir que la marque a un caractère distinctif intrinsèque et a acquis un caractère distinctif du fait de son usage constant et continu et de sa renommée auprès du grand public, notamment de l'Union européenne, sur le marché des véhicules automobiles de luxe. 11. Elle fait valoir qu'en reproduisant de manière quasi-identique le signe verbal RR ainsi que le signe figuratif composé du monogramme avec deux R, emblématique de Rolls-Royce, en tant que nom commercial et enseigne, sur les réseaux sociaux et dans le nom de domaine de son site internet, la société EBHD a tenté de créer une association avec sa marque afin de bénéficier de son pouvoir d'attraction, de sa réputation et de son prestige et tire indûment profit de la renommée et du fort pouvoir d'attractivité de la marque. Elle fait valoir que le public pertinent peut supposer qu'il existe un lien entre le bar à chicha de la société EBHD et la marque Rolls Royce, ce qui vient selon elle ternir l'image de luxe, de prestige et d'exclusivité de la marque. Elle conclut que la société EBHD a commis des actes de contrefaçon de sa marque. Appréciation du tribunal 12. L'article 9 § 2 c) du Règlement (UE) 2017/1001 du 14 juin 2017 sur la marque de l'Union européenne dispose que : "2. Sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité d'une marque de l'Union européenne, le titulaire de cette marque de l'Union européenne est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d'un signe pour des produits ou services lorsque : [?] c) ce signe est identique ou similaire à la marque de l'Union européenne, indépendamment du fait que les produits ou services pour lesquels il est utilisé soient identiques, similaires ou non similaires à ceux pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée, lorsque celle-ci jouit d'une renommée dans l'Union et que l'usage de ce signe sans juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque de l'Union européenne ou leur porte préjudice. 3. Il peut notamment être interdit, en vertu du paragraphe 2: a) d'apposer le signe sur les produits ou sur leur conditionnement; b) d'offrir les produits, de les mettre sur le marché ou de les détenir à ces fins sous le signe, ou d'offrir ou de fournir des services sous le signe; c) d'importer ou d'exporter les produits sous le signe; (...). ". 13. L'article L.717-1 du code de la propriété intellectuelle précise que constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur la violation des interdictions prévues aux articles 9, 10, 13 et 15 du règlement (UE) 2017/1001 du 14 juin 2017 sur la marque de l'Union européenne. 14. La notion de renommée au sens du règlement suppose, au sein du public pertinent, un certain degré de connaissance qui doit être considéré comme atteint lorsque la marque est connue d'une partie significative du public concerné par les produits ou services couverts par cette marque. Dans l'examen de cette condition, le juge doit prendre en considération tous les éléments pertinents de la cause, à savoir, notamment, la part de marché détenue par la marque, l'intensité, l'étendue géographique et la durée de son usage, ainsi que l'importance des investissements réalisés par l'entreprise pour la promouvoir (CJCE, 6 octobre 2009, PAGO International, C-301/07, points 21 à 25). 15. Les atteintes, lorsqu'elles se produisent, sont la conséquence d'un certain degré de similitude entre le signe et la marque antérieure et postérieure en raison duquel le public concerné effectue un rapprochement entre les deux marques, c'est-à-dire établit un lien entre celles-ci, alors même qu'il ne les confond pas (CJCE, du 14 septembre 1999, General Motors, C-375/97, Rec. p.I-5421, point 23). L'existence d'un tel lien doit être appréciée globalement, en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce, parmi lesquels le degré de similitude entre les marques en conflit, la nature des produits ou des services pour lesquels les marques en conflit sont respectivement enregistrées, y compris le degré de proximité ou de dissemblance de ces produits ou services ainsi que le public concerné, l'intensité de la renommée de la marque antérieure, le degré de caractère distinctif, intrinsèque ou acquis par l'usage, de la marque antérieure, l'existence d'un risque de confusion dans l'esprit du public (CJCE, 27 novembre 2008, Intel, C-252/07, point 42). 16. L'existence d'un lien est une condition nécessaire mais non suffisante pour conclure à l'existence d'une atteinte. Doit également être démontré soit un préjudice porté au caractère distinctif de la marque (dilution, brouillage), soit un préjudice porté à la renommée de la marque (ternissement, dégradation), soit un profit indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque (CJCE, 27 novembre 2008, Intel, C-252/07, points 26 à 28 ; CJCE, 18 juin 2009 L'Oréal C-487/07, points 34 à 42). 17. Il convient de relever que si la fonction première d'une marque consiste en une fonction d'indication d'origine, une marque agit également comme moyen de transmission d'autres messages concernant, notamment, les qualités ou les caractéristiques particulières des produits ou des services qu'elle désigne, ou les images et les sensations qu'elle projette, tels que le luxe, le style de vie, l'exclusivité, l'aventure, la jeunesse. En ce sens, la marque possède une valeur économique intrinsèque autonome et distincte par rapport à celle des produits ou des services pour lesquels elle est enregistrée. Les messages en question que véhicule notamment une marque renommée ou qui lui sont associés confèrent à celle-ci une valeur importante et digne de protection, et ce d'autant plus que, dans la plupart des cas, la renommée d'une marque est le résultat d'efforts et d'investissements considérables de son titulaire. (TUE, 25 janvier 2012, T-332/10, point 57). Sur la renommée de la marque de l'Union européenne no003381605 18. La société demanderesse établit par la production de photographies (sa pièce no12) l'usage de la marque par son apposition de manière très visible sur l'extérieur avant des voitures, les jantes, ainsi qu'à l'intérieur sur le volant. La marque est également exploitée sur le site internet de la société RRMC accessible par le nom de domaine <www.rolls-roycemotorcars.com>. 19. Il ressort par ailleurs des pièces produites (pièces no2, 3 et 15 de la demanderesse) que l'entreprise Rolls Royce a été fondée au début du XXe siècle au Royaume Uni par Henry Royce et Charles Rolls qui se sont associés pour développer une activité de fabrication et commercialisation de voitures de luxe, dont les premières seront exposées sous le nom Rolls Royce dès 1904, ainsi que la fabrication de moteurs d'avion et de navires. Bien que le dépôt de la marque soit relativement récent, le monogramme composé de deux R majuscules entrelacés correspondant aux initiales des fondateurs est utilisé intensément depuis 1906 avec un graphisme qui a peu évolué dans le temps, utilisant successivement les couleurs rouge, noire et bleue. Il apparaît ainsi que le monogramme des deux R enlacés est associé au nom Rolls Royce depuis la fondation de l'entreprise. 20. La société RRMC verse par ailleurs aux débats une liste de concessionnaires agréés qui établit l'exploitation de la marque dans divers pays de l'Union européenne dont l'Allemagne, la République tchèque, la Belgique, les Pays Bas mais également aux Etats Unis, en Russie, à Dubaï ou en Chine. 21. Il est également établi que les véhicules Rolls-Royce sont référencés dans la presse (pièces no15 et 26), ont été utilisés et apparaissent dans des films dont certains très célèbres (pièce no23), ont fait l'objet, pour le véhicule baptisé " Phantom Oribe " d'un partenariat avec la marque de luxe Hermès (pièce no17) et que la société a développé des programmes lui donnant une présence dans le monde de l'art par le soutien d'artistes et la collaboration avec des musées de renom (pièce no19). 22. La société RRMC dispose en outre de nombreux abonnés sur les réseaux sociaux (8,9 millions d'abonnés pour sa page Instagram, 4,9 millions d'abonnés pour sa page Facebook, 1 million pour sa page Twitter et 419 000 abonnés pour son compte You Tube). Bien que la marque objet du présent litige n'apparaisse pas au premier plan sur ces pages, la société RRMC ayant choisi de mettre en avant le logo présentant de manière stylisée la mascotte de la société (" esprit d'extase "), ces comptes participent au développement de sa renommée du fait de l'association du monogramme composé des deux R entrelacés au nom Rolls-Royce. 23. Il apparaît par ailleurs qu'en 2021, la société RRMC a enregistré son meilleur chiffre de vente depuis 117 ans avec une hausse de 49 % par rapport à l'année 2020 (pièces no24 à 26). 24. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que, par l'usage ancien et intensif et des investissements promotionnels importants, la marque jouit d'une renommée certaine au sein de l'Union européenne et en particulier auprès du public français, laquelle s'étend au-delà du public concerné par les produits pour lesquels la marque a été enregistrée, lui permettant d'invoquer la protection définie à l'article 9 du règlement précité. Sur l'atteinte à la renommée de la marque 25. Il existe une forte similitude entre le logo utilisé par la société EBHD pour l'enseigne de son bar à chicha et sur ses pages Instagram et Facebook, tel qu'il ressort des constats d'huissier versés aux débats, et la marque. En effet, le logo utilisé par la société EBHD est un monogramme composé de deux R entrelacés. Les différences tenant à la couleur de la police employée et au fond sont compensées par la forte similitude de la typographie (voir le tableau ci-dessous). Signe utilisé par EBHD Marque de la société RRMC 26. Il n'existe pas en revanche d'identité ou de similarité entre les produits désignés par la marque de la société RRMC et les services exploités avec le logo RR par la société EBHD : la société RRMC exploite sous sa marque une activité de vente de voitures de luxe et de pièces détachées, tandis que la société EBHD utilise le signe allégué de contrefaçon pour des services de restauration sous forme de bar à chicha. 27. Le public concerné par les produits pour lesquels la marque a été enregistrée, composé d'amateurs de véhicules de luxe ; il se distingue en conséquence du public concerné par les services de bar à chicha proposés par la société EBHD, constitué de consommateurs de chicha. 28. Le fait que la société RRMC propose à la vente sous sa marque des articles pour fumeurs et consommateurs d'alcool ne permet pas de conclure à un chevauchement des publics concernés dans la mesure où il s'agit manifestement d'une activité accessoire et que lesdits produits ne sont pas compris dans la classification pour laquelle la marque a été enregistrée. 29. Ceci étant, la société RRMC, qui établit que sa marque a acquis une renommée qui s'étend au-delà du public concerné par les produits pour lesquels elle a été enregistrée, démontre que le public concerné par les services proposés par la société EBHD fera un lien entre le logo constitué du logo du double RR entrelacé qu'elle utilise, avec la marque de la société RRMC. L'usage de ce logo par la société EBHD vise pour elle à bénéficier de l'image de luxe, de prestige et d'exclusivité associée à la marque. Il en découle un préjudice porté à la renommée de la marque ainsi qu'un préjudice porté à son caractère distinctif. 30. Il résulte de ce qui précède qu'en faisant usage sans juste motif d'un logo similaire à la marque de l'Union européenne no003381605 de la société RRMC à titre d'enseigne de son bar à chicha et sur ses pages Facebook et Instagram, la société EBHD a porté atteinte à la renommée de la marque. 31. En revanche, il n'existe pas d'atteinte du fait de l'utilisation par la société EBHD des lettres "RR" à titre de nom commercial, et dans son nom de domaine, à défaut de lien pouvant être établi par le public pertinent du fait de l'absence de renommée comme de caractère distinctif du signe purement verbal (R non entrelacés) "RR". Sur les mesures réparatrices 45. L'article 130 du Règlement (UE) no 2017/1001 dispose que : "1. Lorsqu'un tribunal des marques de l'Union européenne constate que le défendeur a contrefait ou menacé de contrefaire une marque de l'Union européenne, il rend, sauf s'il y a des raisons particulières de ne pas agir de la sorte, une ordonnance lui interdisant de poursuivre les actes de contrefaçon ou de menace de contrefaçon. Il prend également, conformément au droit national, les mesures propres à garantir le respect de cette interdiction. 2. Le tribunal des marques de l'Union européenne peut également prendre les mesures pour rendre les ordonnances prévues par le droit applicable qui lui semblent appropriées dans les circonstances de l'espèce." 32. Aux termes de l'article L. 716-4-10 alinéa 1 du code de propriété intellectuelle, "Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement : 1o Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ; 2o Le préjudice moral causé à cette dernière ; 3o Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon. Toutefois, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée. " 33. Ces dispositions, issues de la transposition de la directive no 2004/48 du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle (considérant 26 et article 13) prévoient que soient considérés distinctement, et non pas cumulativement, les différents chefs de préjudice pour permettre "un dédommagement fondé sur une base objective" et l'allocation à la victime de la contrefaçon de "dommages et intérêts adaptés au préjudice que celle-ci a réellement subi du fait de l'atteinte", conformément au principe de réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime du préjudice. 34. L'utilisation du signe litigieux par la société EBHD à titre d'enseigne apposée sur son établissement et sur ses sites Facebook et Instagram a causé à la société RRMC, propriétaire de la marque renommée, un préjudice certain résultant de la banalisation et de la dilution de la valeur et de la disctinctivité de sa marque. Ce préjudice apparaît cependant restreint au regard de l'exploitation de son établissement limitée à la ville de [Localité 3], tandis que les premières constatations des faits litigieux datent du mois de mai 2022. L'atteinte à la renommée, et partant à la valeur patrimoniale de la marque, sera en conséquence indemnisée à hauteur de 6.000 euros. Il n'est en revanche justifié d'aucun préjudice commercial, non plus que d'aucun préjudice moral. 35. Il sera fait droit aux mesures d'interdiction selon les modalités précisées au dispositif de la présente décision, à l'exclusion des demandes d'interdiction de l'usage du signe verbal RR. Ces mesures réparant suffisamment le préjudice subi, la demande de publication de la présente décision sera rejetée. 36. Partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, la société EBHD supportera les dépens et sera condamnée à payer à la société RRMC la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 37. Il est rappelé qu'en application de l'article 514 du code de procédure civile, l'exécution provisoire est de droit et aucun motif ne commande de l'écarter au cas présent. PAR CES MOTIFS LE TRIBUNAL, DIT qu'en utilisant le logo constitué de deux "R" entrelacés, similaire à la marque renommé de l'Union européenne no 003381605, à titre d'enseigne de son bar à chicha et sur ses pages Facebook et Instagram, la société EBHD a porté atteinte à la renommée de cette marque ; FAIT INTERDICTION à la société EBHD d'utiliser tout signe reproduisant ou imitant la marque de l'Union européenne no 003381605 sur quelque support que ce soit, notamment sur les réseaux sociaux et sur la devanture de l'établissement qu'elle exploite, et ce sous astreinte de 250 euros par jour de retard prenant effet à l'expiration d'un délai de 30 jours suivant la signification de la présente décision et pendant 180 jours ; REJETTE la demande de la société Rolls-Royce Motor Cars aux fins d'ordonner sous astreinte à la société EBHD de procéder à la modification de son nom commercial auprès du Registre de commerce et des sociétés et de procéder à la suppression du nom de domaine <www.rr-chicha-lounge-club.business.site> ; CONDAMNE la société EBHD à payer à la société Rolls-Royce Motor Cars Limited la somme de 6.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de l'atteinte à la renommée de la marque de l'Union européenne no 003381605 ; REJETTE la demande de publication de la présente décision ; CONDAMNE la société EBHD aux dépens ; CONDAMNE la société EBHD à payer à la société Rolls-Royce Motor Cars Limited la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; RAPPELLE que la présente décision est exécuoire. Fait et jugé à Paris le 11 mai 2023. LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
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JUDICIAIRE 3ème chambre 1ère section No RG 20/00140 No Portalis 352J-W-B7E-CRM23 No MINUTE : Assignation du : 11 octobre 2019 rendu le 25 mai 2023 DEMANDERESSE Société CAYAGO TEC GMBH [Adresse 1] [Adresse 1] (ALLEMAGNE) représentée par Me Michel ABELLO de la SELARL LOYER & ABELLO, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #J0049 DÉFENDERESSE Société ACTIVIDAD NAUTICA BALEAR SL C/ [Adresse 3] [Adresse 3] [Adresse 3] (ESPAGNE) représentée par Me Dariusz SZLEPER de l'AARPI SZLEPER HENRY AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #R0017 COMPOSITION DU TRIBUNAL Madame Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe Madame Elodie GUENNEC, Vice-présidente Monsieur Malik CHAPUIS, Juge, assistés de Madame Caroline REBOUL, Greffière en présence de Madame Anne BOUTRON, magistrat en stage de pré affectation A l'audience du 07 mars 2023 tenue en audience publique, avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue le 25 mai 2023. Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire En premier ressort EXPOSÉ DU LITIGE 1. La société de droit allemand Cayago Tec GmbH, qui fait partie du groupe Cayago, expose être spécialisée dans la production et la commercialisation d'engins aquatiques à propulsion électrique. Elle fait valoir qu'elle a développé un scooter marin intitulé "Seabob" fonctionnant à l'énergie électrique permettant à son utilisateur de se mouvoir dans l'eau à une vitesse entre 13 et 20 km/h, selon les modèles, et jusqu'à une profondeur de 40 mètres, pendant 50 à 60 minutes. 2. Depuis sa sortie initiale en 2005, le Seabob a été constamment amélioré, la gamme comportant aujourd'hui le modèle F5, en trois versions (F5, F5 S et F5 SR). 3. La société Cayago GmbH est titulaire des dessins et modèles communautaires no002077206-0001, 002077206-0002, 002077206-0003 et 002077206-0004 désignant des appareils de sport, et des marques verbales de l'Union européenne "Seabob-jet" et "Seabob" no004199089 et 004198826 enregistrées en classes de produits 9 et 12 pour désigner notamment, dans cette dernière classe, les moyens de transport sur/sous l'eau. Le modèle communautaire no002077206-0004 a été cédé à la société Cayago Tec GmbH selon une publication du 24 octobre 2018. 4. La société de droit autrichien Cayago GmbH était également titulaire des brevets européens EP 2 945 854 B1 (ci-après EP 854) et EP 2 945 856 B1 (ci-après EP 856), déposés le 23 décembre 2013 sous priorité d'une demande allemande DE 102013100544 du 18 janvier 2013. La publication de leur enregistrement est intervenue le 21 février 2018. Ils ont été cédés à la société Cayago Tec GmbH, selon inscription à l'INPI du 2 septembre 2019. Ils sont maintenus en vigueur par le paiement des annuités. 5. La société Seajet, devenue Iaqua, est une société de droit chinois, spécialisée dans le développement, la fabrication et la commercialisation d'appareils nautiques. Elle a conçu trois gammes de scooters sous-marins : "Stingray", en 2018, "Divejet" en 2019 et "Seadart", sorti au début de l'année 2020. Elle a également déposé un modèle européen sous les no 006611570-0001 et 006611570-0002 dont la validité a été reconnue par une décision de la division d'annulation de l'EUIPO le 17 mai 2021. 6. La société de droit espagnol Actividad Nautica Balear S.L. a pour activité déclarée la vente en gros et au détail, la réparation de véhicules à moteur et de motocycles à moteur. Elle exerce ses activités sous le nom commercial Toymaster. Elle distribue, en Europe, certains produits de la société Iaqua, en particulier sur son site internet http://toymaster.eu/en/products/iaqua. 7. Par décision du 29 octobre 2018, confirmée le 2 août 2019, le tribunal de Düsseldorf a fait interdiction, à titre provisoire, à la société Seajet, d'utiliser, d'offrir ou faire offrir au sein de l'Union Européenne le produit Stingray au motif que ce produit contrefait de façon plausible le modèle communautaire no002077206-0004. 8. Informée de ce que la société Actividad Nautica Balear entendait présenter le modèle Divejet au salon du Yachting Festival de [Localité 2], la société Cayago Tec GmbH a été autorisée, par ordonnance sur requête du 6 septembre 2019, à faire pratiquer une saisie-contrefaçon réelle et descriptive sur le stand tenu par la société. Les opérations de saisie-contrefaçon se sont déroulées le 11 septembre 2019. 9. Par acte du 11 octobre 2019, la société Cayago Tec GmbH a fait assigner la société Actividad Nautica Balear devant le tribunal judiciaire de Paris en contrefaçon des brevets EP 854 et EP 856 et de son modèle européen no 002077206-0004. 10. La société Cayago Tec GmbH indique avoir également découvert que les sociétés Eclypse et Riviera First proposent également à la vente le produit Divejet. Elle les a fait assigner par acte du 17 février 2020 devant le tribunal judiciaire de Paris. L'affaire a été enrôlée sous le numéro RG 20/02896 et n'a pas été jointe à la présente procédure. Par ordonnance du 18 novembre 2021, le juge de la mise en état a fait interdiction provisoire aux sociétés Eclypse et Riviera First de continuer à commercialiser les modèles Divejet et Seadart au motif qu'ils contrefont de manière vraisemblable les revendications des deux brevets dont la société Cayago Tec GmbH est titulaire. 11. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 29 avril 2022, la société Cayago Tec GmbH demande au tribunal de : - La déclarer recevable et bien fondée en ses demandes ; - Débouter la société Actividad Nautica Balear SL en toutes ses demandes, fins et conclusions; - Dire et juger qu'en important, en détenant, en offrant en vente et en commercialisant les engins Divejet de marque iAqua, quelle que soit la version, la société Actividad Nautica Balear SL s'est rendue coupable de contrefaçon des revendications 1 à 6 et 8 du brevet EP 2 945 854 ; - Dire et juger qu'en important, en détenant, en offrant en vente et en commercialisant les engins Divejet de marque iAqua, quelle que soit la version, la société Actividad Nautica Balear SL s'est rendue coupable de contrefaçon des revendications 1 à 3, 5 et 8 du brevet EP 2 945 856 ; - Dire et juger qu'en important, en détenant, en offrant en vente et en commercialisant les engins Stingray de marque iAqua, la société Actividad Nautica Balear SL s'est rendue coupable de contrefaçon du modèle communautaire 002077206-0004 ; - Ecarter des débats les pièces no6, no7 et no8 communiqués par la société Actividad Nautica Balear SL par bordereau du 24 juin 2021, pour violation du contradictoire. En conséquence, - Faire interdiction à la société Actividad Nautica Balear SL d'importer, d'exporter, de fabriquer, d'utiliser, d'offrir en vente, de vendre et de transborder, sur tout le territoire français tout produit contrefaisant les revendications 1 à 6 et 8 du brevet EP 2 945 854, et notamment les engins Divejet de marque iAqua, quelle que soit la version, directement ou indirectement par toute personne physique ou morale interposée, sous astreinte de 15.000 euros par infraction constatée à compter d'un délai de 15 jours de la signification du jugement à intervenir ; - Faire interdiction à la société Actividad Nautica Balear SL d'importer, d'exporter, de fabriquer, d'utiliser, d'offrir en vente, de vendre et de transborder, sur tout le territoire français tout produit contrefaisant les revendications 1 à 3, 5 et 8 du brevet EP 2 945 856, et notamment les engins Divejet de marque iAqua, quelle que soit la version, directement ou indirectement par toute personne physique ou morale interposée, sous astreinte de 15.000 euros par infraction constatée à compter d'un délai de 15 jours de la signification du jugement à intervenir ; - Faire interdiction à la société Actividad Nautica Balear SL d'importer, d'exporter, de fabriquer, d'utiliser, d'offrir en vente, de vendre et de transborder, sur tout le territoire français tout produit contrefaisant le modèle communautaire 002077206-0004, et notamment les engins Stingray de marque iAqua, quelle que soit la version, directement ou indirectement par toute personne physique ou morale interposée, sous astreinte de 15.000 euros par infraction constatée à compter d'un délai de 15 jours de la signification du jugement à intervenir ; - Ordonner que les produits reconnus comme produits contrefaisants soient rappelés des circuits commerciaux et écartés définitivement de ces circuits, aux fins de destruction devant huissier de justice, aux frais de la société Actividad Nautica Balear et sous astreinte de 15.000 euros par infraction constatée à compter d'un délai de 15 jours de la signification du jugement à intervenir; - Ordonner à la société Actividad Nautica Balear, sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé le délai de 15 jours suivant la signification du jugement à intervenir, de lui communiquer: - les nom et adresse des fabricants, sous-traitants, distributeurs, fournisseurs des produits contrefaisants, - l'état comptable certifié du nombre de produits contrefaisants fabriqués, importés, commercialisés, livrés, reçus et/ou commandés, - le prix d'achat et le prix de vente des produits contrefaisants, qui ont été importés, détenus et/ou vendus depuis temps non prescrit, - le nombre de produits importés, et/ou détenus et/ou vendus depuis temps non prescrit - les bordereaux de livraison attestant du nombre de produits contrefaisants qui ont été livrés, - l'état comptable certifié des stocks des produits contrefaisants, - le chiffre d'affaires et la marge brute certifiés, réalisés par la société sur la vente des produits contrefaisants, Étant précisé que les informations fournies devront être certifiées exactes et exhaustives par le commissaire aux comptes de la société. - Renvoyer l'affaire à la mise en état pour les conclusions des parties sur l'évaluation du préjudice, tenant compte des informations communiquées en exécution du droit à l'information; - S'entendre le Tribunal se réserver la liquidation des astreintes ordonnées ; - Condamner la société Actividad Nautica Balear SL à lui payer la somme globale de 50.000 euros, par provision, au titre du préjudice commercial et au titre du préjudice moral. Pour le surplus, - Ordonner la publication de l'intégralité du jugement à intervenir, aux frais exclusifs de la société Actividad Nautica Balear SL, sous la forme d'un document PDF accessible par un lien hypertexte situé sur la page d'accueil du site Internet de la société Actividad Nautica Balear SL http://toymaster.eu/en/, le titre du lien, traduit dans toutes les langues du site Internet, étant : " Le Tribunal Judiciaire de Paris a jugé que la société ACTIVIDAD NAUTICA BALEAR SL/ TOYMASTER a commis des actes de contrefaçon des droits de la société CAYAGO TEC GMBH sur ses brevets EP 2 945 854 et EP 2 945 856 en important, détenant, et offrant en vente et vendant des produits DIVEJET de marque IAQUA " dans une police de taille 20 au moins, pendant 6 mois, dans un délai de huit jours à compter de la signification du jugement à intervenir et sous astreinte de 500 euros par jour de retard ; - Condamner la société Actividad Nautica Balear SL à verser la somme de 100.000 euros à la société Cayago Tec GmbH en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les frais de saisie-contrefaçon (frais d'huissier et d'expert et d'achat des produits saisis) et d'expertise, quitte à parfaire outre les dépens de l'instance, dont distraction au profit de Maître Michel Abello, Avocat aux offres de droit ; - Ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir, sauf pour les mesures de publication. 12. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 24 juin 2022, la société Actividad Nautica Balear SL demande au tribunal de : A titre principal, - Prononcer la nullité du modèle communautaire no 002077206-0004 et juger qu'une fois le jugement définitif, il sera inscrit sur les registres de l'EUIPO par la partie la plus diligente. - Prononcer la nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 11 septembre 2019 et des procès-verbaux de constat et d'expertise subséquents. En conséquence, - Débouter la société Cayago Tec GmbH de toutes ses demandes; - Interdire à la société Cayago Tec GmbH de communiquer, invoquer, utiliser et de manière générale de faire état et de se prévaloir du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 11 septembre 2019 et des actes subséquents auprès de la clientèle, ainsi que dans le cadre de procédures judiciaires qu'elle a pu engager sur le fondement des brevets EP 2 945 854 et EP 2 945 856, et cela sous astreinte de 500.000 euros par acte commis par Cayago Tec GmbH, passé le délai des deux semaines après la signification du jugement à intervenir; - Dire que dans le même délai, la société Cayago Tec GmbH devra informer les juridictions devant lesquelles elle a déjà fait état du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 11 septembre 2019 et des actes subséquents, de leur annulation par jugement à intervenir, et cela sous astreinte de 10.000 euros par jour de retard, passé le délai des deux semaines après la signification du jugement à intervenir; A titre subsidiaire, - Dire et juger que la société Cayago Tec GmbH n'apporte pas la preuve de ce que l'appareil Divejet contrefait les revendications 1 à 6 et 8 du brevet EP 2 945 854, ni les revendications 1 à 3, 5 et 8 du brevet EP 2 945 856; - Dire et juger que l'appareil saisi Stingray ne contrefait pas le modèle communautaire no 002077206-0004. A titre infiniment subsidiaire, - Débouter la société Cayago Tec GmbH de sa demande de provision de 50.000 euros au titre de son prétendu préjudice; - Débouter la société Cayago Tec GmbH de toutes ses demandes, et notamment de ses demandes en réparation de son prétendu préjudice et autres mesures réparatrices; En toute hypothèse, - Condamner la société Cayago Tec GmbH à payer à la société défenderesse Actividad Nautica Balear S.L la somme de 40.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; - Condamner la société Cayago Tec GmbH aux entiers dépens qui pourront être recouvrés directement par Me Dariusz Szleper, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. 13. L'instruction de l'affaire a été close par ordonnance du 5 juillet 2022 et renvoyée à l'audience du 7 mars 2023. Sur la demande tendant à ce que les pièces no6, 7 et 8 produites par les défendeurs soient écartées des débats Moyens des parties 14. La société Cayago Tec GmbH expose que la société Actividad Nautica Balear S.L. a communiqué, par un bordereau du 17 juin 2021, neuf nouvelles pièces numérotées 3.3 à 3.7 et 5 à 8. Elle souligne toutefois que les pièces 6, 7 et 8 ne sont pas évoquées dans le corps des conclusions, si bien qu'elle est dans l'impossibilité d'en débattre et demande à ce qu'elles soient écartées des débats. Appréciation du tribunal 15. Les pièces ayant été communiquées contradictoirement, il n'y a pas lieu de les écarter des débats sur le fondement des dispositions de l'article 16 du code de procédure civile. Cette demande doit être rejetée. Sur la validité du modèle communautaire no 002077206-4 Moyens des parties 16. La société Actividad Nautica Balear soutient que le modèle communautaire no 002077206-0004, dont est titulaire la société Cayago Tec GmbH, est nul pour deux motifs: - Pour défaut de nouveauté en premier lieu, dans la mesure où la société Cayago Tec GmbH aurait elle-même divulgué un appareil de sport dénommé "Seabob VX2 / F7 " en 2005, soit sept ans avant la date de dépôt du modèle communautaire no 002077206-0004, alors qu'il est identique dans la mesure où il ne s'en distingue que par des détails fonctionnels insignifiants et difficilement perceptibles. La société estime que la forme hydrodynamique futuriste rappelant une navette spatiale se retrouve en tout point dans le modèle litigieux. Elle soutient que les lignes et les angles sont identiques, que la forme ovale du cockpit se retrouve ainsi que les couleurs. Les différences, qui répondent à des considérations fonctionnelles de sécurité et de stabilité, sont, selon elle, purement fonctionnelles et demeurent insignifiantes. - Pour défaut de caractère individuel en second lieu, dans la mesure où l'impression globale produite par le modèle de la société Cayago Tec GmbH sur l'utilisateur averti, qui utilise habituellement des appareils de sport nautique, ne diffère pas de celle que produit l'antériorité Seabob F7 puisque toutes les caractéristiques essentielles de celui-ci sont reprises sans qu'elles ne soient soumises à une contrainte technique. La seule différence, insignifiante selon elle, par rapport à la présentation générale de l'appareil, réside dans la forme des poignées qui ont une fonction purement technique, alors que la liberté du créateur, qui n'est soumis à aucune norme ou règlementation particulière, est, en l'espèce, relativement importante. 17. La société Cayago Tec GmbH rappelle tout d'abord que le Tribunal de Düsseldorf, saisi de la même antériorité, a jugé ce modèle juridiquement valable, au même titre que l'EUIPO sur recours de la société iAqua. Elle soutient ensuite que le modèle est nouveau faute d'antériorité de toute pièce. L'antériorité présente selon elle une forme plate surmontée d'un dôme arrondi nettement détaché sur le dessus de la coque tandis que le modèle protégé se distingue par une forme montante de la partie supérieure s'étendant jusqu'au cockpit. Elle ajoute que l'apparence des poignées est fortement divergente, ce qui ne permet pas de retenir le caractère imperceptible des différences, mais permet au contraire de souligner des différences visuelles fortes. Elle ajoute enfin que le modèle présente un caractère propre. Rappelant que ne sont exclues de la protection que les caractéristiques qui sont exclusivement imposées par une fonction technique, elle souligne que l'apparence de ces poignées n'est pas uniquement dictée par une telle fonction, leur forme étant harmonieusement incorporée dans la coque de l'appareil et qu'elles présentent un caractère également ornemental. Or, la forme des poignées est une différence majeure avec l'antériorité Seabob F7 qui ne peut pas échapper à l'attention de l'utilisateur averti. La société ajoute que la forme générale du modèle est très différente et produit une impression globale différente sur l'utilisateur averti permettant de retenir un caractère propre. Appréciation du tribunal 18. L'article 24 du règlement CE no6/2002 du Conseil du 12 décembre 2001 dispose qu'un « dessin ou modèle communautaire enregistré est déclaré nul sur demande introduite auprès de l'Office, conformément à la procédure prévue aux titres VI et VII, ou par un tribunal des dessins ou modèles communautaires à la suite d'une demande reconventionnelle dans le cadre d'une action en contrefaçon ». 19. L'article 25 du même règlement, précise que : « un dessin ou modèle communautaire ne peut être déclaré nul que : a) Si le dessin ou modèle ne répond pas à la définition visée à l'article 3, point n'a) ; b) s'il ne remplit pas les conditions fixées aux articles 4 à 9 ; [?] » c) si, en vertu d'une décision de justice, le titulaire ne possède pas le droit au dessin ou modèle communautaire au sens de l'article 14. [?] Sur la nouveauté du modèle 20. Aux termes des dispositions de l'article 4 point 1. du règlement CE no6/2002 précité, « la protection d'un dessin ou modèle par un dessin ou modèle communautaire n'est assurée que dans la mesure où il est nouveau et présente un caractère individuel. » 21. L'article 5 du règlement CE no6/2002 du Conseil du 12 décembre 2001 dispose que : « 1. Un dessin ou modèle est considéré comme nouveau si aucun dessin ou modèle identique n'a été divulgué au public: (...) b) dans le cas d'un dessin ou modèle communautaire enregistré, avant la date de dépôt de la demande d'enregistrement du dessin ou modèle pour lequel la protection est demandée ou, si une priorité est revendiquée, la date de priorité. 2. Des dessins ou modèles sont considérés comme identiques lorsque leurs caractéristiques ne diffèrent que par des détails insignifiants ». 22. Il est constant que la nouveauté d'un modèle s'apprécie par comparaison globale entre le modèle tel qu'il est déposé et le modèle antérieurement divulgué qui est opposé, tous deux pris dans leur ensemble constitué par la combinaison de leurs éléments caractéristiques, et non par l'examen de chacun des éléments qui les composent pris isolément. 23. Seule l'identité entre le modèle et la création divulguée, qui découle de l'absence de différences ou de l'existence de différences insignifiantes révélées par cet examen global, est destructrice de nouveauté et il appartient à celui qui conteste la nouveauté du modèle de rapporter la preuve du contenu et de la date certaine de la divulgation de l'antériorité qu'il oppose. 24. En l'espèce, il convient de se référer au modèle déposé par la société Cayago GmbH le 20 juillet et enregistré le 10 septembre 2012, étant rappelé qu'il a été cédé à la société Cayago Tec GmbH et renouvelé le 3 mai 2017, à savoir : 25. Il s'agit, selon la société Cayago Tec GmbH, d'un appareil de sport nautique présentant: "une conception plate, avec une proue s'élargissant, entièrement arrondie et évoquant la pointe d'une navette spatiale, la forme montante de la partie supérieure s'étendant jusqu'au cockpit, le tracé continu, rectiligne des lignes, qui confèrent un aspect harmonieux et souple. La forme des poignées intégrées dans la forme carénée de la proue et évoquant une rambarde, avec le même angle entre les branches". 26. La défenderesse produit, à titre d'antériorité, un ancien produit de la société Cayago, le Seabob VX2/F7, divulgué en 2005, ainsi que cela ressort du catalogue de vente de la société pour cette année, soit antérieurement à l'enregistrement du modèle communautaire discuté. 27. En l'espèce, il ressort de l'examen des modèles opposés qu'ils diffèrent non seulement s'agissant de la forme de la partie supérieure, qui est composée d'un dôme arrondi formant une bosse, surmonté par un écran rond sur le produit Seabob F7 tandis que le modèle discuté présente une forme montante de la partie supérieure, plus harmonieuse, mais encore s'agissant des poignées de commande. En effet, le modèle Seabob F7 possède des poignées verticales qui évoquent des manettes de jeu vidéo tandis que le modèle protégé se voit doter de poignées arrondies intégrées à la coque, dont il épouse la forme incurvée. Ces différences ne sont ni insignifiantes ni imperceptibles. 28. Le modèle Seabob F7 ne constitue donc pas une antériorité de toutes pièces destructrice de nouveauté du modèle communautaire dont est titulaire la société Cayago Tec GmbH. 29. Les deux autres antériorités succintement évoquées par la société Toymaster en page 16 de ses conclusions, à savoir le brevet US 5878687 déposé le 1er avril 1996 et la demande de brevet DE 102004049615 déposée le 12 octobre 2004, ne divulguent que des figures en 2D et des coupes internes qui ne permettent pas d'établir, avec la précision requise pour l'analyse, l'existence d'antériorités de toutes pièces. 30. Par conséquent, il y a lieu de considérer que le modèle communautaire no002077206-4 est nouveau. La demande de nullité sur ce fondement ne peut donc prospérer. Sur le défaut de caractère individuel 31. Aux termes des dispositions de l'article 4 point 1. du règlement CE no6/2002 précité, « la protection d'un dessin ou modèle par un dessin ou modèle communautaire n'est assurée que dans la mesure où il est nouveau et présente un caractère individuel. » 32. L'article 6 du règlement CE no6/2002 du Conseil du 12 décembre 2001 dispose que : « 1. Un dessin ou modèle est considéré comme présentant un caractère individuel si l'impression globale qu'il produit sur l'utilisateur averti diffère de celle que produit sur un tel utilisateur tout dessin ou modèle qui a été divulgué au public: [?] b) dans le cas d'un dessin ou modèle communautaire enregistré, avant la date de dépôt de la demande d'enregistrement ou, si une priorité est revendiquée, avant la date de priorité. 2. Pour apprécier le caractère individuel, il est tenu compte du degré de liberté du créateur dans l'élaboration du dessin ou modèle ». 33. Il est constant que l'examen du caractère individuel doit être effectué de manière globale, en tenant compte du degré d'attention de l'utilisateur averti, se définissant comme doté non d'une attention moyenne, mais d'une vigilance particulière, que ce soit en raison de son expérience personnelle ou de sa connaissance étendue du secteur considéré, de l'importance respective qu'il y a lieu d'accorder aux différentes caractéristiques des dessins ou modèles comparés et, enfin, du degré de liberté du créateur qui varie selon la nature du produit. 34. Il importe également de prendre en considération le degré de liberté du créateur, dont il faut rappeler que le TFUE a indiqué dans une décision du 12 mars 2014 (affaire T-315/12 §67) que « plus la liberté du créateur dans l'élaboration d'un dessin ou modèle est grande, moins des différences mineures entre les dessins ou modèles comparés suffisent à produire une impression globale différente sur l'utilisateur averti. À l'inverse, plus la liberté du créateur dans l'élaboration d'un dessin ou modèle est restreinte, plus les différences mineures entre les dessins ou modèles comparés suffisent à produire une impression globale différente sur l'utilisateur averti ». 35. Enfin, si l'article 8 du règlement 6/2002 dispose qu'un dessin ou modèle communautaire ne confère pas de droits sur les caractéristiques de l'apparence d'un produit qui sont exclusivement imposées par sa fonction technique, la CJUE rappelle, dans une décision C395/16 du 8 mars 2018, que "cette fonction (doit être) le seul facteur ayant déterminé ses caractéristiques". 36. L'utilisateur averti s'entend d'un consommateur qui pratique des sports nautiques, utilise et a de l'intérêt pour les appareils de sport nautique, secteur des produits concernés. Il est doté d'un certain degré de connaissance et son attention est assez élevée, étant sensible aux détails du produit et à son aspect hydrodynamique. 37. La société défenderesse se prévaut de la même antériorité que celle d'ores et déjà présentée dans le cadre du moyen tiré de l'absence de nouveauté, à savoir le modèle Seabob F7 divulgué en 2005 par la société Cayago. 38. Or, ainsi qu'il a été précédemment souligné, l'examen des deux modèles conduit à relever des différences importantes. Elles sont de nature à créer chez l'utilisateur averti une impression visuelle d'ensemble distincte. 39. Cela tient, en premier lieu, à la ligne générale des deux produits dont les profils sont différents: le modèle antérieur invoqué, plus anguleux, présente un dôme proéminent qui surmonte la coque et est par ailleurs doté d'un creux en dessous de la marche latérale très visible. Le modèle protégé, à la ligne plus harmonieuse, présente au contraire un aspect général plus plat et linéaire, avec, certes, une forme montante à l'avant, mais qui s'insère plus naturellement dans la ligne globale du produit. Il ne comprend pas, par ailleurs, de renfoncement sous la marche latérale. En outre, les poignées, dont il a été souligné précédemment la grande différence, n'ont pas une forme exclusivement dictée par leur fonction technique. Si elles doivent permettre à l'utilisateur d'avoir une bonne prise en main du produit pour le manoeuvrer, leur forme, qui s'apparente à celle d'une manette de jeu vidéo dans le modèle de 2005, et qui suit les lignes arrondies du carrénage dans le second, répondent bien à une préoccupation au moins partiellement esthétique et ornementale. 40. Au regard de ces éléments, il y a lieu de dire que le modèle communautaire no002077206-4 présente un caractère individuel et de rejeter la demande de nullité. Sur la nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon, des procès-verbaux de constat et des expertises subséquents Moyens des parties 41. La société Actividad Nautica Balear soutient que les opérations de saisie-contrefaçon, les procès-verbaux de constat et le rapport d'expertise consécutifs sont nuls. Elle soutient que: - Les opérations de saisie-contrefaçon ont été diligentées sur la base d'un titre, le modèle communautaire no 002077206-0004, qui est nul ; - L'huissier de justice et le conseil en propriété industrielle de la demanderesse l'assistant, Mme [E], ont outrepassé leurs missions respectives en démontant, dans un lieu différent du stand, dans la continuité des opérations de saisie-contrefaçon, l'appareil Divejet saisi, alors que l'ordonnance sur requête du 6 septembre 2019, qui ne prévoyait que des manipulations et prises de vues, n'autorisait ni l'huissier de justice à effectuer un constat de démontage de l'appareil, ni le conseil en propriété industrielle à réaliser une expertise; - Il s'agit d'un détournement de la procédure de saisie-contrefaçon, le procès-verbal de démontage se rattachant nécessairement aux opérations de saisie et constituant un second procès-verbal de saisie-contrefaçon; - Les objets saisis par l'huissier de justice n'étaient pas des produits du commerce destinés à être vendus en France mais des prototypes; or, elle est en droit de faire respecter son secret industriel; Enfin, elle reproche à la société Cayago Tec GmbH de ne pas avoir communiqué la traduction des brevets au tribunal et de ne pas les lui avoir notifiés traduits avant les opérations de saisie-contrefaçon, ceci étant de nature à rompre l'égalité des armes. 42. La société Cayago Tec GmbH répond que : - La saisie-contrefaçon a été ordonnée sur la base du modèle communautaire mais également des brevets EP 854 et EP 856 dont la validité n'est pas contestée. Elle doit donc être déclarée valide, même si le modèle devait être annulé; - Le Président du tribunal ayant rendu l'ordonnance a uniquement supprimé la possibilité de procéder au démontage des produits sur le lieu de la saisie, ce qui ne peut s'interpréter en une interdiction générale de procéder au démontage sur tout autre lieu une fois la saisie terminée ce qui reviendrait à priver le saisissant de tout moyen de preuve de la reproduction des deux brevets qui ont pour objet la motorisation du véhicule qui n'est accessible qu'en démontant le produit ; - Le procès-verbal de constat sur le démontage est distinct et indépendant des opérations de saisie-contrefaçon qui ont été clôturées à 13h50 sur le lieu de la saisie. Le constat porte sur le démontage de l'exemplaire saisi et remis au saisissant et a été effectué par les salariés de la société Cayago Tec GmbH, sans que l'huissier ne prenne part aux opérations de démontage qui se sont par ailleurs déroulées en l'absence du conseil en propriété industrielle; - La société défenderesse s'est vantée de la vente à venir des produits et de leur exposition dans un salon ouvert au public, ce qui vient contredire toute allégation contraire; - Elle conclut que la communication d'une traduction d'un brevet doit être sollicitée et qu'il n'existe aucune obligation de signifier une traduction des brevets avant la saisie-contrefaçon. Appréciation du tribunal 43. En l'espèce, la société Cayago tec GmbH a sollicité puis obtenu le 6 septembre 2019 du président du tribunal de grande instance de Paris, une ordonnance de saisie-contrefaçon l'autorisant à faire procéder par tout huissier de justice compétent, à la saisie réelle et descriptive de produits Iaqua argués de contrefaçon des brevets européens et EP 2 945 854 et EP 2 945 856 et du modèle européen 002077206-0004, sur le stand tendu par la société Actividad Nautica Balear au sein du salon du Yachting Festival à Cannes. 44. Les opérations de saisie-contrefaçon se sont déroulées le 11 septembre 2019 et un procès-verbal a été dressé par Me [J] [T], huissier de justice à [Localité 5]. Me [T] a saisi, dans le cadre des opérations, deux modèles Divejet (un gris et un rouge) et le modèle Stingray qui ont été placés sous scellés. 45. Puis la société Cayago Tec GmbH a fait dresser par Me [T], le même jour, un procès-verbal de constat de démontage d'un des deux modèles Divejet saisis sur le salon dans le cadre des opérations de saisie-contrefaçon, en l'occurrence le modèle NEO+ de couleur grise. 46. En premier lieu, il importe de souligner que la saisie-contrefaçon a été ordonnée sur la base de trois titres de propriété industrielle, dont il n'est pas discuté qu'ils étaient valides au jour de son prononcé. Au terme de la présente décision, le modèle communautaire no002077206-0004 est déclaré valable si bien que l'ordonnance autorisant la saisie-contrefaçon sur son fondement , ainsi que sur la base de deux autres titres de propriété industrielle, les brevets européens no EP 2 945 854 et EP 2 945 856, ne peut être remise en cause de ce seul fait. 47. Ensuite, si l'ordonnance autorisant la saisie-contrefaçon n'a pas autorisé l'huissier de justice à procéder aux découpes/ montage et démontage des produits allégués de contrefaçon sur le lieu de la saisie, s'agissant d'un salon exposé à la vue du public, cette mention n'est pas de nature à priver la société requérante de la possibilité d'y procéder en dehors de ce contexte précis et sous réserve que toutes les garanties soient prises pour assurer la traçabilité du produit. 48. En effet, un raisonnement contraire priverait le requérant de la possibilité de rapporter une preuve de la contrefaçon, dont il faut rappeler qu'elle peut être rapportée par tout moyen, étant par ailleurs souligné que la requête, à laquelle il a été fait droit, précisait que la saisie réelle devait justement permettre à la requérante d'accéder aux parties non visibles de l'appareil. 49. La société Cayago Tec GmbH pouvait tout à fait, sans requérir d'autorisation judiciaire supplémentaire, soumettre à analyse les produits régulièrement appréhendés dans le cadre de la saisie-contrefaçon dont un exemplaire, mis sous scellé, lui a été remis, à condition, pour préserver la force probante de ladite analyse, de garantir l'intégrité du produit en procédant au démontage en présence constante de l'huissier de justice chargé de briser puis de reconstituer les scellés. 50. Le procès-verbal de constat dressé par Me [T], huissier de justice, n'est donc pas une saisie-contrefaçon déguisée. Il demeure distinct de celui de la saisie-contrefaçon. Le procès-verbal de saisie-contrefaçon mentionne que les opérations de Me [T] se sont terminées à 13h50, tandis que le procès-verbal de constat produit en pièce 6.4 par la demanderesse mentionne des opérations se déroulant en l'étude de Me [T] et débutant à 16h30. 51. En outre, si Me [T] constate les opérations de démontage, la société défenderesse n'indique pas à quel moment ce dernier serait intervenu activement dans les opérations de démontage. Quant au conseil en propriété industrielle de la société Cayago Tec GmbH, Mme [E], sa présence ne ressort pas du procès-verbal de constat critiqué. Seuls étaient présents, à ce stade, M. [G], ingénieur salarié de la société Cayago Tec et Mme [Y], commerciale salariée. L'analyse de Mme [E] est tout autant indépendante de la saisie-contrefaçon elle-même; n'étant pas une expertise judiciaire, seule sa force probante peut être appréciée par le tribunal. 52. La société a encore fait procéder à des opérations d'expertise par M. [V] de la société Volvara le 6 septembre 2021 sur le produit saisi Divejet rouge. La preuve de la contrefaçon pouvant être rapportée par tout moyen, la société CayagoTec GmbH était en droit de faire procéder à une expertise amiable du produit saisi, sous réserve, là encore, de prendre toutes mesures pour assurer la traçabilité et préserver la valeur probante de l'analyse. Au cas d'espèce, Me [L], huissier de justice à [Localité 6], est intervenu pour constater l'intégrité des scellés, les briser et les apposer à nouveau à l'issue des opérations d'expertise, et en a dressé procès-verbal daté du 6 septembre 2021. Aucune atteinte à l'intégrité du produis n'est démontrée. 53. Il ressort par ailleurs du procès-verbal de saisie-contrefaçon que les produits Divejet saisis par l'huissier de justice étaient présents sur le salon et exposés au public, la société ayant par ailleurs, avant l'ouverture des portes de l'évènement, annoncé la commercialisation à venir des produits en France et ouvert des pré-commandes surla page du réseau social Facebook de Toymaster. Il ne s'agit donc pas de prototypes couverts par le secret industriel. 54. Enfin, il importe de rappeler qu'en vertu des dispositions de l'article L. 614-7 du code de la propriété intellectuelle, c'est le texte du brevet européen rédigé dans la langue de procédure devant l'Office Européen des brevets qui fait foi, sa traduction en français ne devant être fournie qu'à la demande du prétendu contrefacteur ou de la juridiction saisie. Dès lors, la société défenderesse ne peut utilement invoquer ce défaut de communication spontanée de la traduction, étant souligné qu'elle n'a pas engagé de référé-rétractation et n'invoque aucun grief. 55. La société Actividad Nautica Balear SL sera déboutée de sa demande tendant à voir annuler le procès-verbal de saisie-contrefaçon et les procès-verbaux de constat et expertises subséquents. Sur la contrefaçon Sur la contrefaçon du modèle communautaire no 002077206-4 Moyens des parties 56. La société Cayago Tec GmbH soutient que le modèle Stingray, en ce qu'il est une copie quasi-servile du modèle protégé dont il reproduit l'apparence, constitue la contrefaçon de son modèle communautaire no002077206-4. En réponse au moyen tiré du fait que le produit aurait été en transit en France et qu'aucune contrefaçon ne serait caractérisée sur le territoire français, la société Cayago Tec GmbH invoque la règlementation applicable au transit douanier, qui impose une déclaration, inexistante au cas d'espèce. Elle conclut que l'importation sur le territoire français est ainsi caractérisée, aucun document n'établissant que le produit avait vocation à être livré à [Localité 4], comme l'allègue la défenderesse. Elle estime, au contraire de la société défenderesse, que le modèle Stingray produit une impression globale semblable à celle que produit le modèle enregistré dans la mesure où l'ensemble de ses caractéristiques est reproduit, la contrefaçon s'appréciant au regard des ressemblances et non des différences. 57. La société Actividad Nautica Balear S.L. estime en premier lieu qu'aucune contrefaçon n'est établie en France dans la mesure où le produit n'était pas exposé à la vue du public lors du salon, mais qu'il était en transit vers un Etat tiers à l'Union Européenne, à savoir la principauté de [Localité 4]. Rappelant les dispositions de l'article 19 du règlement no6/2002, elle expose que le stockage de ce produit n'était pas illicite alors qu'il avait été auparavant vendu à un tiers domicilié en dehors du territoire de protection du modèle communautaire. Elle conteste en second lieu, toute contrefaçon dans la mesure où le modèle Stingray présente, selon elle, de nombreuses différences notables avec le modèle protégé si bien que l'impression visuelle globale produite diffère. Elle soutient que la forme hydrodynamique des appareils est dictée par une fonction technique ainsi que par des contraintes fonctionnelles et s'avère banale pour ce type de produit. Elle ajoute que l'appareil se distingue très fortement du modèle protégé au regard du tracé des lignes, des angles qui divergent, des motifs et associations de couleurs. Les poignées ont, selon elle, de la même manière, une fonction strictement technique et se retrouvent dans de nombreuses antériorités. Appréciation du tribunal 58. L'article 10 du règlement (CE) Nº 6/2002 du conseil du 12 décembre 2001 sur les dessins ou modèles communautaires, « Étendue de la protection » dispose que « 1. La protection conférée par le dessin ou modèle communautaire s'étend à tout dessin ou modèle qui ne produit pas sur l'utilisateur averti une impression visuelle globale différente. 2. Pour apprécier l'étendue de la protection, il est tenu compte du degré de liberté du créateur dans l'élaboration du dessin ou modèle ». 59. L'article 19 de ce même règlement intitulé « Droits conférés par le dessin ou modèle communautaire » énonce que : « 1. Le dessin ou modèle communautaire enregistré confère à son titulaire le droit exclusif de l'utiliser et d'interdire à tout tiers de l'utiliser sans son consentement. Par utilisation au sens de la présente disposition, on entend en particulier la fabrication, l'offre, la mise sur le marché, l'importation, l'exportation ou l'utilisation d'un produit dans lequel le dessin ou modèle est incorporé ou auquel celui-ci est appliqué, ou le stockage du produit à ces mêmes fins. [?] 60. Aux termes des dispositions de l'article L. 515-1 du code de la propriété intellectuelle, « toute atteinte aux droits définis par l'article 19 du règlement (CE) no 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur ». 61. Il convient de rappeler que la contrefaçon d'un modèle s'apprécie au regard des caractéristiques protégées telles que déterminées par les seules reproductions graphiques ou photographiques contenues dans le certificat d'enregistrement. Elle s'apprécie par rapport aux ressemblances et non par rapport aux différences. 62. Dans le procès-verbal de saisie-contrefaçon dressé le 11 septembre 2019, Me [T], huissier de justice, indique que: "des caisses en plastique sont entreposées sur le stand. La marque "toymaster" apparaît sur un élément de mobilier. Je fais ouvrir les boîtes et constate la présence d'un modèle Stingray non mentionné plus tôt par Monsieur [K]. Il m'indique que cet exemplaire a été vendu à M. [F] [S] et qu'il était en attente de livraison. Il n'était pas destiné à être présenté durant le salon. Il m'est déclaré par l'avocate de M. [K] que le stand est le seul lieu de stockage de la société et c'est pourquoi il était présent et non destiné à l'exposition. [...] Je procède ci-après à la description du modèle Stingray contenu dans la boîte en présence de Mme [E]: il s'agit d'un engin de type Stingray. Le nom n'apparaît pas sur la partie haute de la coque. Une notice est présente dans la boîte et mentionne ce nom. Il est floqué au nom [S]. Les poignées sont disposées à l'avant de l'engin, de part et d'autre de l'écran. Elles sont munies chacune d'un bouton et d'une manette (photos 27 à 29). Je renverse l'engin afin d'observer sa sous-face. Je constate la présence d'ouvertures, au travers de la coque inférieure, de couleur noire, lesquelles débouchent à l'intérieur de la coque (photos 30 et 31). Les ouvertures sont de dimensions et de formes différentes. A l'arrière, je constate une ouverture de forme ronde au milieu et deux ouvertures latérales. Je peux apercevoir, au travers des ouvertures latérales, l'intérieur de l'engin et une partie de couleur rouge (photos 32 et 33). Je prends une photo de l'intérieur depuis la partie du milieu, à l'arrière. Je peux apercevoir des pales à travers l'ouverture centrale (photo 34)". Les photographies sont annexées au procès-verbal de saisie-contrefaçon et l'huissier de justice a, conformément aux termes de l'ordonnance, saisi le modèle Stingray contre le paiement du prix demandé et a apposé des scellés. Photos annexées au procès-verbal de saisie-contrefaçon (28-25-29 et 32) 63. S'il ressort de ce procès-verbal que le produit Stingray n'était pas exposé sur le stand, à la vue du public, il était néanmoins bien présent sur le salon, et la société défenderesse ne justifie nullement avoir régularisé une déclaration douanière de produit en transit. De même, aucune pièce de nature à justifier de la vente ou de la commande de l'appareil par un client étranger qui devait être livré n'est versée aux débats par la société Actividad Nautica Balear au soutien de ses allégations. Ses propos sont tout au contraire démentis par M. [R] [X], manager digital de M.[F] [S], dans un email adressé le 24 septembre 2019 à la société Cayago, dans lequel il conteste avoir acquis et être propriétaire de l'engin, dont il ignorait jusqu'à la présence à [Localité 2]. Ces arguments ne sont donc pas de nature à écarter la caractérisation d'une importation du produit en France, étant rappelé que la société Iaqua a fait l'objet d'une ordonnance d'interdiction provisoire en Union Européenne rendue par le Tribunal de Düsseldorf le 29 octobre 2018 et confirmée le 2 août 2019 portant précisément sur le modèle de la gamme Stingray. 64. Or, le modèle saisi reproduit les mêmes caractéristiques que le modèle communautaire de la société Cayago Tec GmbH, tant en ce qui concerne la forme assez plate avec un élargissement de la proue, une forme montante de la partie supérieure et un tracé plutôt rectiligne des lignes, la présence de trois orifices à la poupe avec une hélice, que la forme des poignées, intégrées dans la proue, et de forme arrondie Les différents modèles qui ont pu être examinés dans le cadre de la présente affaire et la variété de lignes retenues, démontre que le profil de ces engins n'est pas imposé par des contraintes fonctionnelles telles qu'elles rendraient nécessaire, pour une bonne hydrodynamie, d'adopter très exactement la ligne suivie par le modèle de la société Cayago. 65. La différence de tracé de lignes en V allant de la partie supérieure de la machine à la poupe sur le modèle Stingray, qui diffèrerait d'un tracé plus parallèle sur le modèle Stingray, n'apparait pas de nature, à la supposer établie, à modifier l'impression globale d'ensemble que peut en avoir l'utilisateur averti. La bande, les logos et les couleurs, qui viennent agrémenter le produit fini pour le personnaliser sont indifférents, les ressemblances soulignées étant de nature à produire sur l'utilisateur averti une impression visuelle similaire au modèle de la société Cayago Tec GmbH. 66. Il y a donc lieu de retenir que le produit Stingray reproduit le modèle communautaire no002077206-0004 de la société Cayago Tec GmbH. Sur la contrefaçon des brevets Moyens des parties 67. La société Cayago Tec GmbH expose en premier lieu que le modèle Divejet de la marque Iaqua reproduit littéralement les revendications 1 à 6 et 8 du brevet EP 2 945 854 et se prévaut, au soutien de sa démonstration, tant du procès-verbal de saisie-contrefaçon, que du procès-verbal de constat de démontage et du rapport d'expertise de la société Volvaria. La société estime qu'il ressort de ces pièces que le produit litigieux comporte bien une coque, que l'eau entre par la sous-face de la coque, traverse le volume de la chambre et sort par l'ouverture ronde à l'arrière. La présence de ce canal d'écoulement est selon elle corroborée par le constat de démontage. Elle ajoute que le modèle Divejet comprend un dispositif d'accélération d'eau commandé par un moteur, qui se trouve dans le canal d'écoulement et qu'il est doté d'un espace de mise en eau en communication avec l'environnement extérieur par le biais d'ouvertures d'entrée d'eau et de sortie d'eau pour la production d'un écoulement dans l'espace de mise en eau pendant la conduite. La dernière caractéristique de la première revendication est, selon elle, également reproduite, puisque le canal d'écoulement est bien dans l'espace de mise en eau et délimite deux zones partielles l'une contre l'autre par sections. La revendication no1 est, selon elle, intégralement reproduite. La société Cayago Tec GmbH note ensuite que la boîte de couleur bleue, dont la présence a été relevée dans la coque du modèle Divejet, est un module électrique (électrique de commande), situé dans l'espace de mise en eau, si bien que les revendications 2 et 3 sont reproduites. Elle ajoute que, dans la mesure où le modèle Divejet comporte une coque présentant une partie supérieure et une partie inférieure amovibles, constituant l'enveloppe de l'engin, entre lesquelles l'espace de mise en eau est formé, les revendications 4 et 5 sont tout autant reproduites. Enfin, le modèle comporte des ouvertures d'entrée d'eau à l'avant et de sortie d'eau à l'arrière, et le canal d'écoulement délimite bien deux zones partielles et comporte les batteries si bien que les revendications no 6 et 8 sont reproduites. 68. La société Cayago Tec GmbH expose ensuite que le modèle Divejet de la marque Iaqua reproduit également de manière littérale les revendications 1 à 3, 5 et 8 du brevet EP 2 945 856 et en veut à nouveau pour preuve tant le procès-verbal de saisie-contrefaçon, que le procès-verbal de constat de démontage et le rapport d'expertise de la société Volvaria. Elle considère qu'il ressort de ces éléments de preuve la présence, sur le modèle Divejet,d'une coque avec une partie inférieure et une partie supérieure, de poignées de commande, d'éléments de manoeuvre montés sur les poignées de commande, d'un canal d'écoulement affecté à la coque, d'un dispositif d'accélérateur d'eau et d'un moteur électrique avec deux batteries disposées des deux côtés du plan longitudinal médian courant dans la direction longitudinale de la coque. Elles se trouvent ainsi dans l'espace entre les deux parties de la coque à savoir la chambre de mise en eau qui peut être traversée par de l'eau et en contact avec l'environnement par les ouvertures à l'avant, sur le dessous de la partie inférieure de la coque, et par les ouvertures à l'arrière. Elle note une troisième ouverture en zone de poupe. La reproduction de la revendication no1 est acquise selon elle. Elle note que les batteries sont disposées, au moins par endroit, des deux côtés du canal d'écoulement, de façon symétrique par rapport au plan longitudinal médian du modèle, si bien que les revendications 2 et 3 du brevet sont reproduites. Il en est de même selon elle de la revendication no5. Les accumulateurs sont disposés de manière démontable. Enfin, les côtés du canal d'écoulement sont plus étendus que la longueur des batteries, ce qui permet d'y apposer des accumulateurs d'énergie de tailles différentes. La revendication no8 est, selon elle, reproduite. 69. En réponse aux moyens de non-contrefaçon soulevés par la société Actividad Nautica Balear, la société Cayago Tec GmbH se prévaut du rapport d'expertise Volvaria qui conclut à l'absence d'étanchéité interne entre l'avant et l'arrière du produit Divejet. Elle invoque également le procès-verbal de traçabilité du 3 septembre 2021, la forme hydrodynamique des entrées et sorties d'eau, le test de mise en eau et le démontage du produit qui ne révèlent aucun cloisonnement interne étanche. Elle rappelle que le rapport d'expertise amiable n'encourt aucune annulation, et qu'il n'est pas démontré que le produit Divejet ait pu être dégradé dans le bureau de l'huissier de justice instrumentaire, ni détruit lors du démontage qui a eu lieu après l'analyse. La société Cayago se prévaut également de la note du professeur [I], spécialiste de la mécanique des fluides pour étayer le défaut de sérieux des critiques de la défenderesse et conclut à l'écoulement de l'eau lors de la conduite, les engins ayant été conçus pour créer un écoulement d'eau. Quant à la fonction de refroidissement des composants, elle estime que cela est difficilement contestable dans la mesure où les batteries sont situées, pour parties, dans les espaces de mise en eau. 70. Enfin, la société Cayago Tec GmbH estime démontrer la contrefaçon dans la mesure où la société Actividad Nautica Balear a importé en France, offerts à la vente et commercialisés au cours du Yachting Festival de [Localité 2], les modèles Divejet, qui étaient proposés en précommande sur son site internet et sur le réseau social facebook. 71. La société Actividad Nautica Balear conclut à l'absence de preuve de la contrefaçon. Rappelant en premier lieu la nullité des opérations de saisie-contrefaçon, qui prive la société Cayago Tec GmbH de la preuve de la contrefaçon qu'elle allégue, elle soutient que les revendications principales des deux brevets ne sont pas reproduites dans le produit Divejet et qu'il n'y a, en tout état de cause, pas eu de proposition à la vente de ce produit en France. 72. Elle soutient que la revendication no1 des deux brevets, dont il est demandé l'application prévoit, pour se distinguer d'antériorités qui divulguent déjà la présence d'eau dans une chambre de mise à eau, la production d'un courant d'eau dans l'espace de mise en eau pendant la conduite impliquant: "une entrée de l'eau dans l'espace de mise en eau par les ouvertures d'entrée d'eau, la traversée de l'eau, la sortie par les ouvertures de sortie d'eau disposées smétriquement des deux cîtés de la sortie de faisceau". Or, elle considère que l'architecture et la structure interne du modèle Divejet ne permet pas la création d'un tel courant d'eau entre les ouvertures situées dans la zone de proue du véhicule et celles situées dans la zone de sa poupe. Elle en veut notamment pour preuve la présence de pièces métalliques à l'extrémité des batteries qui entrent en contact avec de la mousse ainsi que de blocs de mousse destinés à bloquer toute possibilité de création de masses d'eau en mouvement. Elle ajoute que les ouvertures situées à l'arrière du véhicule ne sont pas des ouvertures de sortie d'eau comme le soutient la société Cayago, mais d'entrée d'eau (sert de ballast). 73. Elle critique ensuite le rapport d'expertise produit par la société Cayago Tec GmbH daté du 13 septembre 2021. Outre le fait qu'il viole, selon elle, les termes de l'ordonnance sur requête délivrée par le président du tribunal judiciaire, elle souligne les vices méthodologiques de l'analyse rendant inopérant les essais effectués par le technicien. Elle s'interroge sur les conditions de conservation du prototype dans le bureau de l'huissier de justice instrumentaire et estime qu'en procédant à un second démontage, la société a dégradé le produit. Elle ajoute que les conditions réelles d'exploitation de l'engin n'ont pas été reproduites puisque l'appareil n'a pas été mis dans l'eau, en état de marche, l'utilisation d'un tuyau ne pouvant aboutir à des résultats fiables. Sur le fond, elle considère que le premier essai fait abstraction de la pression d'arrêt, notant que la pression et l'eau et la gravité ont été orientés selon l'axe de l'écoulement et que les veines fluides, dans l'expérimentation, étaient entourées d'air et non d'eau. Quant au 2ème essai, elle souligne que l'engin a été placé en suspension, en position horizontale retournée, non naturelle, aucun paramètre technique n'étant au demeurant précisé. Elle conteste ensuite les constatations résultant des essais unilatéraux du technicien. Elle souligne que l'absence d'étanchéité interne, de même que la preuve que l'eau pénètre à l'intérieur de la coque sont insuffisants à démontrer que l'eau circule à la manière d'un courant et qu'elle remplit sa fonction de refroidissement. Elle conclut à l'absence de démonstration de la contrefaçon. 74. Elle soutient enfin que le produit Divejet qui a été saisi est un prototype qui n'était pas destiné à la commercialisation en France. Soulignant que l'huissier de justice n'a fait aucune constatation en ce sens lors des opérations de saisie-contrefaçon, elle relève que ses produits n'ont jamais été offerts à la vente sur le territoire français car elle ne bénéficie que d'un contrat de distribution que pour l'Espagne, l'Allemagne et l'Autriche. Appréciation du tribunal Présentation des brevets EP 2 945 854 (EP 854) et EP 2 945 856 (EP 856) Présentation du brevet EP 2 945 854: 75. L'invention est, selon les termes de la description, relative à un véhicule nautique composé d'une coque qui présente un canal d'écoulement ou à laquelle un canal d'écoulement est associé, dans lequel un dispositif d'accélération d'eau commandé par un moteur, en particulier une hélice, est associé au canal d'écoulement. 76. La description du brevet EP854, citant le document DE 10 2004 049 615 A1, décrit le véhicule de l'art antérieur, usuellement utilisé comme planche de plongée. Il présente un système de poignées qui permet à l'utilisateur de s'aggriper tandis qu'il fait reposer une partie de son buste sur la face supérieure de la coque. A l'intérieur de la coque se trouve un canal d'écoulement dans lequel une hélice, entraînée par un moteur électrique lui-même alimenté par une batterie (accumulateur), est insérée. 77. Il est ensuite exposé, dans la description du brevet, deux problèmes techniques et les inconvénients des solutions jusque-là apportées dans le véhicule de l'art antérieur: - Il est expliqué, en premier lieu, qu'au cours de l'utilisation de l'engin, les batteries et le moteur dégagent de la chaleur qui doit être évacuée afin d'assurer un fonctionnement continu et fiable de la machine. Pour ce faire, les accumulateurs sont installés dans un boîtier en aluminium, en contact thermoconducteur, installé et verrouillé dans un réceptacle prévu dans la coque. De ce fait, la face inférieure du boîtier en aluminium est en contact avec l'écoulement d'eau, ce qui permet l'évacuation de la chaleur. De même, le moteur, pour assurer son refroidissement, est placé à l'intérieur du canal d'écoulement. Cela suppose que le canal soit suffisamment grand pour compenser l'occultation provoquée par le moteur électrique, qui restreint la place d'écoulement libre. Cela influe sur la taille du véhicule nautique. - Il est exposé, en second lieu, que pour pouvoir effectuer des déplacements sur et sous l'eau, un équilibre de poids précis doit être trouvé pour que l'engin puisse flotter sans sombrer: une portance trop faible fait sombrer le véhicule et une portance trop importante l'empêche de passer rapidement d'un déplacement en surface à un déplacement en plongée. Compte-tenu du poids des composants électriques, la coque du véhicule doit donc contenir un flotteur suffisamment grand ce qui influe également sur la taille et donc sur la dynamique de conduite du produit. En résumé, le véhicule nautique connu de l'art antérieur présente une certaine taille, puisqu'il faut, d'une part, placer le moteur dans le canal d'écoulement pour être refroidi sans pour autant compromettre la circulation de l'eau et que, d'autre part, la coque doit comporter un flotteur suffisamment volumineux pour garantir une portance optimale. Ces paramètres influent sur la dynamique de conduite de l'engin. 78. Le brevet EP 854 entend améliorer ces paramètres en proposant un véhicule nautique offrant une dynamique de conduite élevée tout en permettant un fonctionnement sûr. Ce but est atteint, selon le brevet, par la présence, dans la coque, d'un espace de mise en eau en communication avec l'environnement par le biais d'ouvertures de passage d'eau, en particulier d'ouvertures d'entrée et de sortie d'eau. Cet espace de mise en eau présente, selon les termes de la description, une composante de masse variable qui permet d'influer sur le poids du véhicule marin. Ainsi, lorsqu'il fonctionne, l'espace d'eau se remplit. Lors de la plongée, l'air se vide, ce qui permet à l'engin une plongée rapide. Lorsqu'il sort de l'eau, l'espace de mise en eau se vide. Une variante permet de prévoir également qu'au moins un module électrique est disposé dans cet espace. 79. Le brevet contient une revendication indépendante no1 et des revendications dépendantes no2 à 11. Les revendications 1 à 6 et 8 du brevet EP 854 qui sont opposées par la société Cayago Tec GmbH sont les suivantes : Revendication 1. a) Véhicule marin présentant une coque (10), qui présente un canal d'écoulement(60) ou à laquelle un canal d`écoulement (60) est associé, dans lequel un dispositif d'accélération d'eau commandé par un moteur, en particulier une hélice, est associé au canal d'écoulement (60) caractérisé en ce que la coque (10) présente en outre un espace de mise en eau, en communication avec l'environnement par le biais d'ouvertures d'entrée d'eau et de sortie d'eau (35, 33) pour la production d'un écoulement dans l'espace de mise en eau pendant la conduite et en ce que le canal d'écoulement (60) s'étend dans la zone de l'espace de mise en eau et délimite deux zones partielles l'une contre l'autre par sections dans l'espace de mise en eau. Revendication 2. Véhicule marin selon la revendication 1 ou 2, caractérisé en ce qu'au moins un module électrique est disposé dans l'espace de mise en eau. Revendication 3. Véhicule marin selon la revendication 1 ou 2, caractérisé en ce que le module électrique est une électronique de commande (40), un moteur électrique (50) et/ou un accumulateur d'énergie (70). Revendication 4. Véhicule marin selon une des revendications 1 à 3, caractérisé en ce que la coque (10) présente une partie supérieure (20) et une partie inférieure (30), entre lesquelles l'espace de mise en eau est formé et en ce que la partie supérieure et/ou la partie inférieure (20, 30) forment par sections l`enveloppe externe de la coque (10). Revendication 5. Véhicule marin selon une des revendications 1 à 4, caractérisé en ce que la partie inférieure (30) est reliée de manière amovible avec la partie supérieure (20). Revendication 6. Véhicule marin selon une des revendications 1 à 5, caractérisé en ce que la coque (10) forme au moins une ouverture d`entrée (35) dans la zone de la proue (11) et au moins une ouverture de sortie (33) dans la zone de la poupe (12). [?] Revendication 8. Véhicule marin selon une des revendications 1 à 7, caractérisé en ce que le canal d'écoulement (60) délimite deux zones partielles l'une contre l'autre au moins par sections dans l'espace de mise en eau et en ce qu'un module électrique (accumulateur d'énergie (70) est disposé dans chacune des zones partielles. 80. Le brevet comporte des figures qui illustrent la chambre, située entre la partie inférieure et la partie supérieure de l'engin, qui est connexe à l'environnement via des ouvertures de passages d'eau et des ouvertures de sortie d'eau (sur la figure no1 ci-dessous reproduite, les points 33 et 35). Cela permet un flot dans la chambre de mise en eau lorsque le véhicule se déplace. Par ailleurs, le canal d'écoulement s'étend dans la région de la chambre de mise en eau délimitant de cette manière deux sous-régions de la chambre chacune ayant une ouverture de sortie d'eau. 81. Les figures du brevet sont les suivantes: Pésentation du brevet EP 2 945 856: 82. L'invention est également relative à un véhicule nautique ayant une coque présentant un canal d'écoulement ou à laquelle un canal d'écoulement est associé, dans lequel un dispositif d'accélération d'eau, en particulier une hélice, est associé. Il est spécifié que le moteur est raccordé à un accumulateur d'énergie, c'est-à-dire une batterie. 83. Le brevet indique que le véhicule de ce genre, dans l'art antérieur, présente, d'après le document DE 10 2004 049 615 B4, une coque qui forme une surface plane sur laquelle un utilisateur peut poser au moins partiellement son buste. La coque possède deux poignées avec des éléments de commande qui permettent de régler la puissance du dispositif moteur, lequel entraîne une hélice. L'hélice est disposée dans un canal d'écoulement et forme dans la région de la face inférieure du véhicule une ouverture d'aspiration par laquelle l'eau de l'environnement est aspirée. L'eau est accélérée dans le canal d'écoulement par l'hélice et rejetée à l'arrière comme avec une propulsion à jet. L'hélice est entraînée par un moteur électrique qui est raccordé par des câbles d'alimentation à un accumulateur d'énergie. L'accumulateur d'énergie est placé dans un boîtier qui est installé à l'extérieur, dans un réceptacle situé à l'avant de la coque. De tels véhicules nautiques sont en partie utilisés comme planches de plongée avec lesquelles les utilisateurs effectuent des plongées sur de longues distances. La sécurité de fonctionnement et le confort de conduite sont importants, en particulier quand les véhicules nautiques sont utilisés en pleine mer. 84. L'invention propose un véhicule nautique du même type que celui précédemment décrit mais qui se caractérise par un haut niveau de confort de l'utilisateur. Ce but est atteint, selon le brevet, en installant deux accumulateurs d'énergie dans la coque, des deux cotés du plan longitudinal médian courant dans la direction longitundinale de la coque. Ainsi, non seulement la sécurité du fonctionnement de l'appareil est améliorée car la présence de deux accumulateurs d'énergie permet de pallier la défaillance éventuelle d'une batterie, mais encore le fait de les disposer des deux côtés du plan permet de mieux répartir les masses et d'assurer une meilleure stabilité de conduite. La description précise que les accumulateurs d'énergie, par exemple des accumulateurs électriques, produisent de la chaleur dissipée. Pour prévenir une surchauffe des accumulateurs et donc une panne prématurée, il est prévu qu'outre le canal d'écoulement, une chambre de mise en eau pouvant être traversée par l'eau est disposée dans la coque et que les accumulateurs d'énergie sont disposés au moins par endroits dans la chambre de mise en eau, ce qui permet aux accumulateurs d'énergie d'évacuer au moins une partie de leur chaleur dans l'eau de circulation. 85. Cet espace de logement, dans lequel sont placés les composants électriques, à savoir l'électronique de commande, le moteur et les accumulateurs, est en communication avec l'environnement par le biais d'ouvertures de passage d'eau. Les ouvertures de passage d'eau sont formées dans la partie inférieure. Elles sont configurées comme des ouvertures d'entrée d'eau dans la région de la proue et comme des ouvertures de sortie d'eau dans la région de la poupe. L'espace de logement forme ainsi une chambre de mise en eau. Dès que le véhicule est mis dans l'eau, cette chambre est remplie d'eau qui pénètre par les ouvertures de passage d'eau. Dès que le véhicule est mis en marche, un courant est produit dans la chambre de mise en eau. L'eau y pénètre par les ouvertures d'entrée d'eau. L'eau traverse la chambre de mise en eau et baigne les modules électriques contenus dans la chambre. L'eau absorbe alors la puissance dissipée des modules électriques et refroidit ceux-ci. Après avoir traversé la chambre de mise en eau, l'eau en sort par les ouvertures de sortie d'eau qui sont disposées symétriquement des deux côtés de la sortie de faisceau. 86. Le brevet comprend 8 revendications, la revendication 1 est indépendante et les revendications 2 à 8 sont dépendantes. Les revendications 1,2,3, 5 et 8 du brevet EP 856 sontles suivantes: Revendication no1: a) Véhicule nautique comprenant une coque (10), qui est constituée d'une partie supérieure (20) et d'une partie inférieure (30), la partie supérieure (20) étant munie de deux poignées de commande (14), qui sont disposées des deux côtés de la coque (10), et auxquelles un utilisateur peut s'agripper, le Véhicule nautique pouvant être commandé à l'aide d'éléments de manoeuvre montés sur les poignées de commande (14), la coque (10) présentant un canal d'écoulement (60), ou un canal d`écoulement (60) étant affecté à la coque (10), un dispositif accélérateur d'eau motorisé, en particulier une hélice (52), étant affecté au canal d`écoulement (60) et le moteur (50) étant raccordé à un accumulateur d'énergie (70), b) caractérisé en ce que deux accumulateurs d'énergie (70) sont montés dans la coque (10), les accumulateurs d'énergie (70) étant disposés des deux côtés du plan longitudinal médian courant dans la direction longitudinale de la coque (10), c) en ce que, outre le canal d'écoulement (60), une chambre de mise en eau, pouvant être traversée par l'eau, est disposée dans la coque (10), d) et en ce que les accumulateurs d'énergie (70) sont disposés au moins par endroits dans la chambre de mise en eau, e) en ce que la chambre de mise en eau est, par des ouvertures de passage d'eau, en liaison avec l'environnement, les ouvertures de passage d'eau étant réalisées dans la partie inférieure (30) et étant conçues dans la zone de la proue (11) comme des ouvertures d'entrée d'eau (35), et dans la zone de la poupe (12), comme des ouvertures de sortie d'eau (33). Revendication no2: Véhicule nautique selon la revendication 1, caractérisé en ce que les accumulateurs d'énergie (70) sont, au moins par endroits, disposés des deux côtés du canal d'écoulement (60). Revendication no3: Véhicule nautique selon l'une des revendications 1 ou 2, caractérisé en ce que l'accumulateur d'énergie (70) est disposé symétriquement par rapport au plan longitudinal médian. [?] Revendication no5: Véhicule nautique selon l'une des revendications 1 à 4, caractérisé en ce que la coque (10) comprend la partie supérieure (20) et la partie inférieure (30), pouvant être raccordée à celle-ci d'une manière interchangeable, des évidements (21) destinés aux accumulateurs d`énergie (70), dans lesquels les accumulateurs d'énergie (70) sont disposés d'une manière démontable, étant formés dans l'espace entouré par la partie supérieure (20) et par la partie inférieure (30). [?] Revendication no8: Véhicule nautique selon l'une des revendications 1 à 7, caractérisé en ce que la coque (10) présente des évidements (21) pour deux accumulateurs d'énergie (70) pouvant être montés dans la coque (10), les évidements (21) étant conçus de telle sorte qu'il soit possible d'y fixer au choix des accumulateurs d'énergie (70) ayant des tailles différentes. 87. Le brevet comporte également des figures permettant d'illustrer la présence des batteries électriques dans les réceptables, qui peuvent être disposés dans les sous-régions de l'espèce ou chambre de mise en eau délimités par le canal d'écoulement. Sur la contrefaçon des brevets 88. Il sera observé, à titre préalable, que la validité des brevets n'est pas discutée. 89. L'article L. 613-3 du code de la propriété intellectuelle interdit, sans l'autorisation du breveté, "a) La fabrication, l'offre, la mise dans le commerce, l'utilisation, l'importation, l'exportation, le transbordement, ou la détention aux fins précitées du produit objet du brevet ; [...]" 90. L'article L. 615-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que "Toute atteinte portée aux droits du propriétaire du brevet, tels qu'ils sont définis aux articles L. 613-3 à L. 613-6, constitue une contrefaçon. La contrefaçon engage la responsabilité civile de son auteur.[...]" 91. Conformément aux termes de l'ordonnance sur requête rendue le 6 septembre 2019, Me [J] [T], huissier de justice à [Localité 5], s'est rendu sur le stand de la société Actividad Nautica Balear SL au sein du Yachting Festival à [Localité 2] le 11 septembre 2019. Dans le procès-verbal de saisie-contrefaçon qu'il a dressé, il constate que des engins Iaqua Divejet sont présentés au public et procède à la description d'un de ces appareils en ces termes: "ce produit est déjà ouvert et la partie mécanique était présentée au public (et visible, ouvert). Il n'y a pas eu de démontage lors des opérations. [...] l'engin est composé d'une partie inférieure de couleur noire (coque inférieure) + un plateau de couleur rouge, à l'intérieur de l'engin, posé sur la partie inférieure et d'une coque supérieure orange et noire avec des poignées, un tableau de bord (écran). Je précise que le plateau rouge supporte des éléments. Les poignées sont équipées d'un bouton et d'une manchette chacune. [...] Je constate que les poignées sont situées de part et d'autre de l'écran, sur chaque bord longitudinal de l'engin. La coque inférieure est munie d'une ouverture ronde pour permettre l'insertion de la partie de l'enfin munie de l'hélice [...] Je constate que, de part et d'autre de cette ouverture ronde, deux ouvertures vers l'intérieure de la partie inférieure de la coque. A l'intérieur de la partie inférieure de la coque, sur le plateau rouge, je constate deux cylindres de couleur verte en métal placés de part et d'autre du volume contenant l'hélice. Il m'est déclaré par M. [K] que "ces cylindres sont les batteries de l'engin". M. [K] me désigne le moteur électrique. Il est situé dans l'axe médian de l'engin, entre le volume contenant l'hélice et une boîte de couleur bleue. M. [K] me précise que l'hélice est en fait une roue à aube ("impeller"). Il ajoute que l'eau entre la sous-face de la coque inférieure, traverse le volume de la chambre contenant l'impeller et sort par l'ouverture ronde située à l'arrière. [...] Je constate qu'une boîte de couleur bleue est présente à l'intérieur de la coque, à l'avant. M. [K] déclare que "cette boîte contient l'électronique (circuits imprimés) de l'engin" et la "boîte bleue est en aluminium marin". Il ajoute que des connecteurs de la boîte sont reliés aux poignées de commande, à la batterie, à l'écran, aux lumières et toutes les parties du divejet. Ces connecteurs sont amovibles. En sous-face de la coque inférieure, je constate la présence d'ouverture de l'extérieur vers l'intérieur, au travers de la coque, en matière plastique. Je prends une photo de la partie inférieure de la coque." 92. S'agissant de la revendication no1 des deux brevets EP 854 et EP 856, il ressort des termes du procès-verbal de saisie-contrefaçon précité que l'engin Divejet litigieux comporte bien une coque composée d'une partie supérieure et d'une partie inférieure ainsi que deux poignées de commande qui permettent de manoeuvrer l'engin. Cette description permet également d'établir l'existence d'un canal d'écoulement, ce qui est corroboré par le procès-verbal de démontage du produit, dressé le 19 septembre 2019 par Me [T], qui constate en page 8 que "ce volume est en matière plastique noire et est positionné au milieu de l'engin, dans la longueur de celui-ci . Ce volume est manifestement creux. Je peux voir par les ouvertures extérieures la présence d'une hélice à l'intérieure de cette partie". Le procès-verbal de saisie-contrefaçon permet ainsi de retenir la présence d'un dispositif d'accélération d'eau associé à ce canal, par l'existence d'une hélice et d'un moteur relié à des batteries, le tout également visible sur les photographies annexées à l'acte. Le procès-verbal de démontage précité en décrit la présence en page 9. Enfin, la délimitation de deux zones partielles, l'une contre l'autre par sections, dans l'espace de mise en eau, délimitées par le canal d'écoulement, apparaît clairement sur les photographies jointes au procès-verbal de saisie-contrefaçon (no6), ce qui est conforté par le procès-verbal de démontage en page 10, qui fait état de"la présence de deux cylindres de couleur verte situés de part et d'autre du "canal d'écoulement" jusqu'à hauteur du moteur. 93. En revanche, la société Actividad Nautica Balear S.L. estime que la société Cayago Tec succombe à démontrer l'existence d'un courant d'eau à l'intérieur de la coque, circulant entre les ouvertures avant et arrière et servant notamment à refroidir les éléments électriques de l'engin, si bien que la reproduction des revendications no1 des deux brevets ne serait pas établie. 94. Au soutien de sa démonstration, la société Cayago Tec produit tout d'abord un rapport d'expertise amiable réalisé par M. [V] de la société Volvaria le 13 septembre 2021. 95. La contrefaçon pouvant être prouvée par tout moyen, il importe de rappeler qu'un rapport d'expertise amiable peut valoir à titre de preuve dès qu'il est soumis à la libre discussion des parties (Cass. 1re Civ., 24 septembre 2002, pourvoi no 01-10.739, Bull. 2002, I, no 220 ), ce qui est le cas en l'espèce, les sociétés ayant été à même d'en débattre contradictoirement. 96. A la lecture des pièces produites, rien ne permet, en premier lieu, d'établir que le produit Divejet NEO+ soumis à l'expertise amiable, aurait été conservé dans des conditions de nature à remettre en cause son intégrité ou qu'il aurait été dégradé pendant son temps de conservation. En effet, il ressort du procès-verbal de constat dressé le 3 septembre 2021 par Me [T], huissier de justice, qu'il a conservé l'engin sous scellés dans son bureau personnel depuis sa saisie le 11 septembre 2019, qu'il en a été, depuis cette date, le gardien exclusif et qu'il a veillé à son intégrité. En outre, il est ajouté, dans le procès-verbal de constat dressé par Me [D] [L], huissier de justice à [Localité 6], le 6 septembre 2021, présent sur les lieuxde l'expertise, que les scellés posés par Me [T] était intacts à la livraison du produit pour analyse, qu'ils ont été brisés pendant le cours de l'expertise puis apposés de nouveau, si bien que l'intégrité du produit soumis à analyse de même que sa traçabilité sont au contraire bien démontrées. 97. En page 2 du rapport, il est précisé que les tests se sont déroulés en deux temps: il a été, dans un premier temps, procédé à des essais de remplissage par diverses ouvertures présentes dans la coque du produit Divejet afin d'observer les écoulements. A cette fin, l'engin a été placé, toujours sous scellés donc intègre, dans différentes positions afin de déterminer l'existence ou non d'une barrière interne étanche, maintenu dans les différentes positions grâce à une grue d'atelier. L'eau a été injectée à l'aide d'un tuyau d'arrosage à faible pression. Puis, dans un second temps, après bris des scellés, il a été procédé à un démontage du produit. 98. Interrogé par la société Cayago Tec GmbH sur l'existence d'une barrière hermétique à l'intérieur de la coque qui empêcherait l'écoulement de l'eau, comme l'allègue la société défenderesse, M.[V] procède à plusieurs essais de circulation d'eau en mettant l'engin proue vers le haut, puis proue vers le bas, puis en position horizontale avec la coque inférieure vers le haut. Il sera d'ores et déjà souligné que s'agissant d'un engin utilisé notamment dans le cadre de plongée sous-marine, rien n'empêche qu'il puisse se trouver, dans le milieu aquatique, dans ces différentes positions, y compris à l'envers. 99. Dans les trois hypothèses décrites, il est constaté, dans le rapport soumis aux débats, que l'eau ressort: par le bas de l'engin, autour du tunnel de propulsion (qui n'est donc pas étanche) et par les ouvertres latérales, lorsqu'elle est injectée par les ouvertures situées vers l'avant (page 6), par les ouvertures avant lorsque l'eau est injectée par les ouvertures arrières, et par l'arrière, autour du tunnel de propulsion et en deux endroits par l'avant, lorsque l'eau est injectée par les ouvertures avant en position horizontale. Les vidéos de ces essais sont versées aux débats et ont pu être consultées par le tribunal qui constate l'abondance de l'écoulement de l'eau dans les divers hypothèses. L'absence de cloisonnement étanche entre l'avant et l'arrière de l'engin est également confirmée par le démontage du produit (page 9 du rapport d'expertise amiable). 100. La société Actividad Nautica Balear S.L., qui se prévaut d'une note technique remise le 5 janvier 2022 par le gérant de la société Optifluides, critique les conditions dans lesquelles ces tests ont été réalisés pour leur dénier toute force probante, et affirme que l'appareil ne se comporte pas de même manière à l'air libre que dans son milieu naturel, c'est à dire immergé, et qu'il faut prendre en compte la "pression d'arrêt" ou encore "la gravité", "l'écart de masses volumique et de viscosité", l'absence de simulation numérique ou de toutes données relatives à la pression de l'eau notamment. 101. En réponse à ces affirmations, la société Cayago produit aux débats une note de M. [C] [I], ingénieur, professeur en mécanique des fluides et auteur de plusieurs ouvrages sur ce thème. Sa note est réalisée avec un accès au produit Divejet (en présence de Me [A], Huissier de justice, qui a constaté le caractère intact des scellés posés par Me [L], les a brisées afin que le professeur puisse effectuer les mesures avant de les replacer) ainsi que la possibilité de consulter les notes techniques produites en défense. 102. Rappelant que l'engin est conçu pour se mouvoir dans l'eau, M. [I] conclut que les arguments avancés par la société société Actividad Nautica Balear S.L . et les notes qu'elle produit ne lui semblent pas convaincants: il souligne que "la pression d'arrêt ne peut en aucun cas empêcher la production d'un écoulement lorsque l'engin est immergé et en mouvement: au contraire, la conception de l'engin est faite pour utiliser cette pression d'arrêt pour produire un écoulement", il ajoute que "la gravité, qui joue un rôle différent lorsque l'engin est immergé, ne peut pour autant avoir pour effet d'empêcher l'établissement d'un écoulement entre les ouvertures avant et arrière", il précise que "même si les essais Volvaria ne reproduisent pas toutes les forces visqueuses, ceci n'a pas d'importance dès lors que ces forces ne peuvent avoir qu'un effet mineur sur l'écoulement par rapport aux pressions dynamiques". Il note ensuite que les solutions employées pour les tests sont suffisantes, les opérations complémentaires suggérées par la défenderesse étant coûteuses, compliquées et disproportionnées. Il ajoute que "les tests réalisés par la société Volvaria montrent clairement que ce blocage n'existe pas. Le chemin d'écoulement a d'ailleurs été matérialisé au moyen d'un filin et il a été montré que ce filin pouvait glisser à l'intérieur de l'engin et qu'il n'y avait pas de tortuosité" (page 16). 103. Cette note vient conforter les conclusions du rapport d'expertise de la société Volvaria et apparaît ainsi d'une force probante supérieure aux pièces produites en défense. En effet, M. [I] constate que "les ouvertures d'entrée d'eau, qui ont une géométrie qui s'apparente à celles des prises d'air affleurantes installées sur des véhicules automobiles ou sur quelques prototypes d'avions à réaction" sont faites pour récupérer la pression d'arrêt: il écrit que "les prises d'eau situées à l'avant de l'engin ont une forme qui leur permet de récupérer la pression dynamique et l'utiliser pour permettre à l'écoulement de s'établir entre ces prises d'eau et les ouvertures arrières" (page 8). Il importe de souligner que la forme hydrodynamique des entrées d'eau étaient déjà soulignée par le rapport d'expertise amiable précité. Il ajoute que "lors de la conduite de l'engin, la pression au niveau des ouvertures avant est nécessairement plus forte que celle au niveau des ouvertures arrière. Ce différentiel de pression favorise donc la production d'un écoulement". Enfin, après avoir effectué des mesures sur l'appareil, il note que "le débit capté par les prises d'eau peut donc être évacué par les ouvertures situées au culot". Il conclut que "toutes les conditions sont réunies pour que l'écoulement entre les ouvertures avant et arrière, constaté hors de l'eau par la société Volvaria, se produise également lors de la conduite de l'engin sous l'eau sous l'effet des pressions dynamiques associées à son mouvement." Il sera d'ailleurs observé qu'il ressort des photographies produites que les ouvertures d'entrée d'eau à la proue sont orientées vers l'avant, avec une différence de niveau et que des sillons sont présents pour guider le sens du flux vers l'intérieur. 104. Enfin, la fonction de refroidissement des éléments électriques ne peut être décemment discutée, puisqu'elle résulte tant de la circulation de l'eau caractérisée que des stries bien visibles sur les batteries. 105. Au regard de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de considérer qu'est établie la reprise, sur l'appareil Divejet litigieux, des revendications principales no1 des deux brevets en cause. 106. Les autres revendications dépendantes des deux brevets ne font pas, formellement, l'objet de discussion. 107. La société Cayago Tech GmbH établit, s'agissant du brevet EP 2 945 854, qu'il ressort bien de la description réalisée par Me [T] dans le procès-verbal de saisie-contrefaçon du 11 septembre 2019, dont les éléments sont repris au §49, et des photographies jointes, que le véhicule Divejet comprend un module électrique disposé dans l'espace de mise en eau, composé d'une électronique de commande, un moteur et une ou plusieurs batteries, ce qui permet de retenir la reproduction des revendications no2 et 3, que le modèle de la société Actividad Nautica Balear comprend une coque avec une partie supérieure et inférieure amovible, dans laquelle est formée un espace de mise en eau, que cela forme l'enveloppe externe, ce qui permet de retenir la reproduction des revendications dépendantes 4 et 5. Enfin, ladite description permet de retenir la reproduction des revendications 6 et 8, en ce que le modèle Divejet comprend bien une partie inférieure de coque avec des ouvertures d'entrée d'eau à l'avant (zone de la proue) et des ouvertures de sortie d'eau à l'arrière (zone de la poupe) et qu'un canal d'écoulement délimite deux zones partielles dans lesquelles sont disposées les batteries. 108. De même, la société Cayago Tec GmbH procède à la même démonstration, s'agissant des revendications 2, 3, 5, et 8 du brevet EP 2 945 856. Il ressort ainsi de la description réalisée par Me [T] dans le procès-verbal de saisie-contrefaçon du 11 septembre 2019, dont les éléments sont repris au §49, et des photographies jointes, que les batteries sont disposées de part et d'autre du canal d'écoulement de façon symétrique par rapport au plan longitudinal médian du modèle Divejet, si bien que les revendications no2 et 3 se retrouvent dans le modèle litigieux, que le modèle comporte bien une coque avec une partie supérieure et une partie inférieure fixées de manière interchangeable (avec des vis), comportant, ainsi qu'en témoignent en particulier les photographies, des évidements destinés aux batteries de l'appareil qui peuvent être démontées, ce qui permet de retenir la reproduction de la revendication no5. Enfin, Me [T] note bien que les évidements sont plus longs que les batteries, ce qui permet de retenir que des batteries de tailles différentes peuvent être installées. La reproduction de la revendication no8 est acquise. 109. Au regard de l'ensemble de ces considérations, il y a lieu de dire que les revendications no 1 à 6 et 8 du brevet EP 2 945 854 et les revendications no1 à 3 et 5 et 8 du brevet EP 2 945 856 sont reproduites par l'engin Divejet de marque Iaqua. 110. Or, il ressort du procès-verbal de saisie contrefaçon dressé le 11 septembre 2019 par Me [T] que, sur le stand tenu par la société défenderesse au Yachting Festival de [Localité 2], "des engins iaqua sont présentés au public". Il s'agit de modèles Divejet. 111. Par ailleurs, la société Cayago Tec GmbH produit aux débats plusieurs captures d'écran de la page Facebook de Toymaster, nom commercial sous lequel la société Actividad Nautica Balear exerce son activité : - une première publication datée du 24 août 19h10, indiquant la possibilité de pré-commander le nouveau Iaqua2 - scooter de plongée de haute technologie version/génération UE, à partir de 3.999 euros, soulignant la possibilité de récupérer la commande en France, assortie de vidéos de l'engin; - une deuxième, certes non datée mais faisant référence au festival du yachting à [Localité 2] en 2019, invitant les consommateurs à les interroger sur leurs offres spéciales de lancement en Europe, faisant référence aux débuts du divejet Iaquat (nouveau design) sur le marché français/UE, la photographie d'une page du catalogue des produits étant également publiée en dessous de la publication, représentant quatre modèles de la gamme Divejet avec leurs prix; - une troisième publication du 13 septembre 9h44, invitant à venir visiter leur stand au Yachting festival et se vantant d'avoir déjà vendu à plusieurs clients commerciaux, marchands et clients privés "qui ont sagement choisi le meilleur choix, à partir de 3.999 euros" contredisant par là-même les dires de la société Actividad Nautica Balear dans la présente instance sur le caractère de prototype non commercialisé des produits Divejet. 112. Il ressort suffisamment de ces éléments que la société Actividad Nautica Balear a commis, en France, des actes d'importation, d'offre, de mise dans le commerce et de vente des produits Divejet, contrefaisant ainsi les deux brevets de la société Cayago Tec GmbH en leurs revendications précitées. Sur la réparation de la contrefaçon Moyens des parties 113. La société Cayago Tec GmbH demande tout d'abord au tribunal d'ordonner des mesures d'interdiction et de rappel des circuits commerciaux, invoquant le droit exclusif d'exploitation résultant de ses titres de propriété industrielle. Elle sollicite ensuite la mise en oeuvre d'un droit d'information afin de disposer des éléments nécessaire à la détermination de son entier préjudice. Dans cette attente, elle demande au tribunal de lui accorder, au regard des éléments dont elle dispose déjà, une provision de 30.000 euros à valoir sur ses dommages-intérêts en réparation du préjudice commercial qu'elle a subi, rappelant le prix moyen des produits et estimant à au moins dix le nombre de produits vendu. Elle invoque également une perte de gains puisqu'il s'agit d'autant de clients qu'elle ne pourra pas satisfaire. Elle sollicite par ailleurs une provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice moral à hauteur de 20.000 euros, justifié selon elle par la banalisation des technologies qu'elle a brevetées et de son modèle communatuaire, entraînant selon elle une diminution de la valeur patrimoniale de ses actifs, une atteinte à sa réputation. Elle souligne que la défenderesse a participé au salon en dépit du contentieux les opposant, et qu'elle vend les produits à un prix largement inférieur aux siens ce qui a pour conséquence de capter une partie de clientèle. Elle demande enfin une mesure de publication judiciaire afin de diffuser largement l'information dans la mesure où la société défenderesse était présente sur un salon attirant une clientèle internationale. 114. En réponse, rappelant que la société demanderesse ne peut obtenir réparation que d'un dommage commis sur le territoire français, la société Actividad Nautica Balear estime que la société Cayago ne démontre pas l'existence d'un préjudice puisque les produits prétendument contrefaits étaient des prototypes qui n'ont pas été vendus mais qui étaient seulement présents sur le salon. Quant au préjudice moral, elle soutient que la société Cayago ne peut y prétendre, à défaut de démontrer que ses produits sont connus du public français. Elle estime qu'en l'absence d'acte de commercialisation, aucune mesure d'interdiction ne peut être prononcée et qu'en tout état de cause, elle estime l'astreinte injustifiée. Pour le même motif, les demandes de rappel des produits et de leur destruction sont selon elle sans objet. Elle estime de la même manière la demande de droit d'information infondée. Elle conclut au rejet de la demande de publication. Appréciation du tribunal - Sur les mesures d'interdiction et de rappel des circuits commerciaux 115. Aux termes de l'article L. 513-4 du code de la propriété intellectuelle, "Sont interdits, à défaut du consentement du propriétaire du dessin ou modèle, la fabrication, l'offre, la mise sur le marché, l'importation, l'exportation, le transbordement, l'utilisation, ou la détention à ces fins, d'un produit incorporant le dessin ou modèle". L'article L. 521-1 du même code, applicable conformément à l'article L. 522-1 du même code aux modèles communautaires, prévoit que "Toute atteinte portée aux droits du propriétaire d'un dessin ou modèle, tels qu'ils sont définis aux articles L. 513-4 à L. 513-8, constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur". 116. Les modalités de réparation des atteintes aux dessins et modèles sont prévues par l'article L. 521-7 du code de la propriété intellectuelle: "Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement : 1o Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ; 2o Le préjudice moral causé à cette dernière ; 3o Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon. Toutefois, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée." 117. L'article L. 521-8 du même code dispose que " En cas de condamnation civile pour contrefaçon, la juridiction peut ordonner, à la demande de la partie lésée, que les produits reconnus comme produits contrefaisants, les matériaux et instruments ayant principalement servi à leur création ou fabrication soient rappelés des circuits commerciaux, écartés définitivement de ces circuits, détruits ou confisqués au profit de la partie lésée. La juridiction peut aussi ordonner toute mesure appropriée de publicité du jugement, notamment son affichage ou sa publication intégrale ou par extraits dans les journaux ou sur les services de communication au public en ligne qu'elle désigne, selon les modalités qu'elle précise. Les mesures mentionnées aux deux premiers alinéas sont ordonnées aux frais du contrefacteur." 118. Par ailleurs, en matière de brevet d'invention, aux termes de l'article L. 615-7-1 du code de la propriété intellectuelle, "en cas de condamnation civile pour contrefaçon, la juridiction peut ordonner, à la demande de la partie lésée, que les produits reconnus comme produits contrefaisants et les matériaux et instruments ayant principalement servi à leur création ou fabrication soient rappelés des circuits commerciaux, écartés définitivement de ces circuits, détruits ou confisqués au profit de la partie lésée. La juridiction peut aussi ordonner toute mesure appropriée de publicité du jugement, notamment son affichage ou sa publication intégrale ou par extraits dans les journaux ou sur les services de communication au public en ligne qu'elle désigne, selon les modalités qu'elle précise. Les mesures mentionnées aux deux premiers alinéas sont ordonnées aux frais du contrefacteur". 119. L'article 3 de la directive 2004/48/CE du parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle, dispose : "1. Les États membres prévoient les mesures, procédures et réparations nécessaires pour assurer le respect des droits de propriété intellectuelle visés par la présente directive. Ces mesures, procédures et réparations doivent être loyales et équitables, ne doivent pas être inutilement complexes ou coûteuses et ne doivent pas comporter de délais déraisonnables ni entraîner de retards injustifiés. 2. Les mesures, procédures et réparations doivent également être effectives, proportionnées et dissuasives et être appliquées de manière à éviter la création d'obstacles au commerce légitime et à offrir des sauvegardes contre leur usage abusif." 120. La contrefaçon étant établie, il y a lieu de la faire cesser en ordonnant les mesures d'interdiction qui s'imposent. Par ailleurs, les pré-commandes et la vente de produits Divejet ressortent des publications de la société Actividad Nautica Balear sur la page du réseau social facebook de Toymaster; aussi sera-t-il fait droit également à la demande portant sur le rappel des circuits commerciaux avec destruction des produits, dans les termes prévus au dispositif de la présente décision. Sur la demande de provision à valoir sur dommages-intérêts, la demande au titre du droit d'information et la demande de publication 121. L'article L. 521-7 du code de la propriété intellectuelle, applicable en matière de contrefaçon d'un modèle communautaire, dispose que "pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement : 1o Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ; 2o Le préjudice moral causé à cette dernière ; 3o Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon. Toutefois, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée." 122. L'article L. 615-7 du code de la propriété intellectuelle dispose que : "Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement : 1o Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subie par la partie lésée ; 2o Le préjudice moral causé à cette dernière ; 3o Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon. « Toutefois, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée". 123. En application de l'article L. 615-5-2 du même code, "si la demande lui en est faite, la juridiction saisie au fond ou en référé d'une procédure civile prévue au présent titre peut ordonner, au besoin sous astreinte, afin de déterminer l'origine et les réseaux de distribution des produits argués de contrefaçon qui portent atteinte aux droits du demandeur, la production de tous documents ou informations détenus par le défendeur ou par toute personne qui a été trouvée en possession de produits argués de contrefaçon ou qui fournit des services utilisés dans de prétendues activités de contrefaçon ou encore qui a été signalée comme intervenant dans la production, la fabrication ou la distribution de ces produits ou la fourniture de ces services .La production de documents ou d'informations peut être ordonnée s'il n'existe pas d'empêchement légitime". 124. En l'espèce, il ressort du procès-verbal de saisie-contrefaçon que, sur le stand du salon Yachting Festival de [Localité 2], il a été trouvé un exemplaire du produit Stingray ainsi que quatre exemplaires du produit Divejet. Il ressort par ailleurs des publications facebook que des précommandes ont été ouvertes pour le modèle Divejet et que des commandes de ce produit, dont la société précise dans ces mêmes publications qu'ils peuvent être livrés en France, ont pu être passées, sans toutefois que le détail ne soit fourni. La société Cayago Tec GmbH est donc bien fondée en sa demande de dédommagement d'un préjudice résultant du manque à gagner et du bénéfice du contrefacteur s'agissant des produits Divejet. En revanche, seule est établie l'importation du produit Stingray, si bien qu'il n'y a pas lieu à dommages-intérêts sur ce point. 125. La société Cayago Tec GmbH démontre le prix catalogue des modèles Divejet, affichés entre 3.999 euros et 8.999 euros, étant au demeurant souligné que l'huissier de justice, dans le cadre des opérations de saisie-contrefaçon, a réglé la somme de 27.551 euros (5.511 euros pour chacun des produits Divejet) en contrepartie de la saisie réelle des modèles. La société n'ayant pas communiqué d'élément pertinent de nature à permettre la fixation du préjudice de la société demanderesse, il y a lieu d'allouer à cette dernière une somme provisionnelle de 15.000 euros à valoir sur la réparation de son préjudice économique. 126. Il est par ailleurs démontré que la société Actividad Nautica Balear vend ses produits moins cher que la société Cayago Tec GmbH, qui vend ses produits entre 7.845 euros et 14.565 euros, ce qui est de nature à capter une partie de sa clientèle et qu'elle a, en reproduisant les revendications précitées, banalisé l'apport techniques des brevets dont est titulaire la demanderesse ainsi que son modèle. La société est donc bien fondée en sa demande d'indemnisation d'un préjudice moral, qui sera fixé provisionnellement à la somme de 20.000 euros. 127. La société Actividad Nautica Balear n'a pas communiqué ses comptes ni une information sur son chiffre d'affaire, ni d'informations permettant d'établir précisément la perte subie et le gain manqué. Un droit d'information apparaît nécessaire sur ces points. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que la société défenderesse est distributeur des produits de la société Iaqua; il apparaît donc également nécessaire, de lui enjoindre de communiquer les informations concernant le nombre de produits importés, commercialisés, livrés en France, reçus, commandés ainsi que leur prix, l'état de son stock ainsi que les informations relatives aux éventuels distributeurs, puisqu'il ressort de ses publications sur facebook l'existence de contrats avec des partenaires commerciaux. Cette mesure concerne tant les produits Stingray que Divejet. En revanche, dans un souci de proportionnalité, il n'apparaît pas utile de solliciter la communication des informations concernant le fabricant, ou ni le nombre de produits fabriqués, puisqu'elle n'est que distributeur. 128. Les parties seront renvoyées à la détermination amiable du préjudice qui ne serait pas déjà indemnisé par le présent jugement ou, à défaut d'accord, par le tribunal saisi par nouvelle assignation. Il n'y a pas lieu de renvoyer l'affaire à la mise en état. 129. Enfin, dans la mesure où les produits contrefaisants ont été présentés sur un salon faisant l'objet d'une importante couverture médiatique et fréquenté par de nombreux visiteurs internationaux, et compte-tenu du contexte judiciaire de l'affaire, il sera fait droit à la demande de publication judiciaire dans les termes du dispositif de la décision. Sur les demandes annexes 130. Succombant, la société Actividad Nautica Balear S.L sera condamnée aux dépens de l'instance dont distraction au profit de Me Abello, avocat, sur le fondement des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. 131. Supportant les dépens (qui incluent les frais de saisie-contrefaçon et d'achat des scooters), la société Actividad Nautica Balear S.L sera condamnée à payer à la société Cayago Tec GmbH la somme de 90.000 euros, incluant les frais exposés pour les procès-verbaux de constat(qui n'ont pas la nature de dépens : Civ. 2e, 12 janv. 2017, 16-10123), pour l'expertise amiable. 132. L'exécution provisoire, compatible avec la nature de l'affaire, sera ordonnée à l'exception des mesures de publication. PAR CES MOTIFS LE TRIBUNAL, DIT n'y avoir lieu à écarter des débats les pièces no6, 7 et 8 communiquées par la société Actividad Nautica Balear S.L. par bordereau du 24 juin 2021; DÉBOUTE la société Actividad Nautica Balear S.L. de sa demande de nullité du modèle communautaire no 002077206-0004 dont est titulaire la société Cayago Tec GmbH; DÉBOUTE la société Actividad Nautica Balear SL de sa demande de nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 11 septembre 2019 et des procès-verbaux de constat et des expertises subséquents; FAIT INTERDICTION à la société Actividad Nautica Balear SL, directement ou indirectement par personne physique ou morale interposée, d'utiliser, d'importer, d'offrir en vente, de vendre sur le territoire français: - tout produit contrefaisant les revendications 1 à 6 et 8 du brevet EP 2 945 854 et notamment les engins Divejet de la marque Iaqua, - tout produit contrefaisant les revendications 1 à 3, 5 et 8 du brevet EP 2 945 856 et notamment les engins Divejet de la marque Iaqua, - tout produit contrefaisant les le modèle communautaire no002077206-0004 et notamment les engins Stingray de la marque Iaqua, sous astreinte de 15.000 euros par infraction constatée à compter de l'expiration d'un délai de quinze jours à compter de la signification de la présente décision et courant pendant un délai d'un an; ORDONNE que les produits Divejet Iaqua reconnus comme étant contrefaisants soient rappelés et écartés des circuits commerciaux aux fins de destruction en présence d'un huissier de justice, aux frais de la société Actividad Nautica Balear, dans un délai de 30 jours suivant la signification de la décision, puis sous astreinte de 500 euros par jour de retard qui courra pendant 180 jours ; CONDAMNE la société Actividad Nautica Balear SL payer à la société Cayago Tec GmbH la somme provisionnelle de 35.000 euros (trente-cinq mille euros) en réparation du préjudice résultant de la contrefaçon; ORDONNE à la société Actividad Nautica Balear, sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé un délai de 30 jours à compter de la signification de la présente décision et courant pendant un délai de 180 jours, de communiquer à la société Cayago Tec GmbH, les informations suivantes, étant précisé que les informations financières devront être certifiées par l'expert-comptablede la société: - les nom et adresses des distributeurs des produits contrefaisants; - l'état comptable certifié du nombre de produits contrefaisants importés, commercialisés, livrés, reçus et/ou commandés en France depuis 2018, ainsi que leur prix d'achat et de vente; - le nombre de de produits contrefaisants importés et/détenus et/ou vendus depuis 2018; - les bordereaux de livraison attestant du nombre de produits contrefaisants qui ont été livrés en France; - l'état comptable certifié des stocks des produits contrefaisants; - le chiffre d'affaires et la marge brute certifiés, réalisés par la société sur la vente des produits contrefaisants en France depuis 2018. RENVOIE les parties à la détermination amiable du préjudice qui ne serait pas déjà indemnisé par le présent jugement ou, à défaut d'accord, par le tribunal saisi par nouvelle assignation ; ORDONNE à la société Actividad Nautica Balear S.L. de permettre la lecture de l'intégralité du jugement par le moyen d'un lien hypertexte dans une bannière exclusivement dédiée devant figurer sur la page d'accueil de son site Internet https://toymaster.eu/en/, et mentionnant le titre suivant: "le tribunal judiciaire de Paris a jugé que la société Actividad Nautica Balear SL / Toymaster a commis des actes de contrefaçon des droits de la société Cayago Tec GmbH sur ses brevets EP 2 945 854 et EP 2 945 856 en important, détenant , offrant en vente et vendant des produits Divejet de marque Iaqua", traduit dans les langues du site internet et ce, pendant une durée de trois mois, ces dispositifs d'accès et de lecture devant être créés dans un délai d'un mois à compter de la signification de la présente décision et sous astreinte provisoire de 500 euros par jour de retard à l'expiration de ce délai, courant pendant une durée de trois mois au maximum; DIT n'y avoir lieu à se réserver le contentieux de la liquidation de l'astreinte; REJETTE les demandes plus amples ou contraires; CONDAMNE la société Actividad Nautica Balear S.L aux dépens de l'instance (incluant les frais de saisie-contrefaçon et d'acquisisition des produits) dont distraction au profit de Me Abello, avocat; CONDAMNE la société Actividad Nautica Balear S.L. à payer à la société Cayago Tec GmbH la somme de 90.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, incluant les frais de constat d'huissier de justice; ORDONNE l'exécution provisoire de la décision, sauf en ce qui concerne la mesure de publication. Fait et jugé à Paris le 25 mai 2023 LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
CAPP/JURITEXT000047878960.xml
JUDICIAIRE 3ème chambre 1ère section No RG 21/14390 No Portalis 352J-W-B7F-CVQ44 No MINUTE : Assignation du : 16 novembre 2021 rendu le 11 mai 2023 DEMANDEURS S.A.S. [D] HUI [Adresse 4] [Localité 10] Monsieur [N] [D] [Adresse 2] [Localité 6] représentés par Me Catherine VERNERET de la SELAS DS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #T0007 DÉFENDERESSES S.A.S.U. GW HOTEL [Adresse 3] [Localité 5] S.A.S.U. HN6 SIGNATURE [Adresse 3] [Localité 5] représentées par Me Juliette LEFEVRE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #B0310 COMPOSITION DU TRIBUNAL Madame Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe Madame Elodie GUENNEC, Vice-présidente Monsieur Malik CHAPUIS, Juge, assistés de Madame Caroline REBOUL, Greffière en présence de Madame Anne BOUTRON, magistrat en stage de pré affectation A l'audience du 27 février 2023 tenue en audience publique, avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue le 11 mai 2023. Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire En premier ressort EXPOSÉ DU LITIGE 1. La société par actions simplifiée [D] Hui, immatriculée au RCS de Bobigny depuis le 15 décembre 2016, exploite sous le nom "Le Galanga" un restaurant thaïlandais situé à [Localité 10], sur les bords du canal de l'Ourq. 2. Monsieur [N] [D] est le dirigeant de cette société. Il a déposé le 26 février 2018, la marque verbale française "Le Galanga", enregistrée sous le no 4432004, pour désigner en classe 39 les services de distribution (livraison de produits) et en classe 43 les services de restauration (alimentation), de bars, de traiteurs et les services hôteliers. 3. La société GW Hotel exploite plusieurs hôtels à Paris dont l'hôtel cinq étoiles Monsieur George situé au [Adresse 1] dans le [Localité 7] qui propose à ses clients un restaurant d'inspiration asiatique, référencé au guide Michelin. 4. M. [N] [D] et la société [D] Hui indiquent avoir découvert que le restaurant d'inspiration asiatique établi au sein de l'hôtel Monsieur George est dénommé "Galanga" et que la société HN6 Signature a déposé la marque verbale française "Galanga" le 13 septembre 2019 pour désigner les produits et services de la classe 43, à savoir les services de restauration (alimentation), d'hébergement temporaire, les services de bars, de traiteurs, les services hôteliers et de réservation de logements temporaires. 5. Estimant qu'il était ainsi porté atteinte à leurs droits, ils ont par courrier du 20 avril 2021, mis en demeure la société HN6 Signature de cesser ces agissements. 6. La société HN6 Signature a, postérieurement à ce courrier, déposé: - la marque verbale française "Galanga By Monsieur Georges"pour désigner les services de la classe 43, le 20 juillet 2021; - la marque verbale française "Galanga Paris", le 23 juillet 2021, pour désigner les services de la classe 43 et notamment les services de restauration, de bars et les services hôteliers. 7. Par actes du 16 novembre 2021, M. [N] [D] et la société [D] Hui ont fait assigner les sociétés GW Hotel et HN6 Signature devant le tribunal judiciaire de Paris en contrefaçon de marque et concurrence déloyale, afin que soit ordonné l'arrêt de l'activité de service de restauration sous le nom "Galanga". 8. Le 25 janvier 2022, la société HN6 Signature a renoncé aux marques "Galanga" et "Galanga Paris"afin de ne conserver que la marque "Galanga by Monsieur George" pour exploiter le restaurant de l'hôtel Monsieur George, ce dont elle a informé M. [N] [D] et la société [D] Hui par courrier du 15 février 2022. 9. Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 17 mai 2022, M. [N] [D] et la société [D] Hui demandent au tribunal, au visa du livre VII du code de la propriété intellectuelle, des articles 1383-2 et 1240 du Code civil, de l'article 10 bis de la Convention de l'Union de Paris, et des articles L. 121-2 et suivants du code de la consommation, de : - Dire et juger qu'en renonçant à leurs marques « Galanga» (no4581465) et « Galanga Paris » (no4787521) suite à l'assignation qui leur a été délivrée, les sociétés GW Hotel et HN6 Signature ont reconnu les faits de contrefaçon commis au préjudice des demandeurs, ce qui a valeur d'aveu judiciaire ; - Dire et juger que l'offre en vente, la mise sur le marché et la commercialisation de services de restauration par les sociétés GW Hotel et HN6 Signature reproduisant ou imitant les caractéristiques de la marque verbale "Le Galanga" no4432004 de M. [D] constituent des actes de contrefaçon de droits de marque, conformément aux dispositions du Livre VII du code de la propriété intellectuelle et notamment des articles L 713.1 et suivants, L 716.1 et suivants et L 716.9 et L 716.10 et L 716.7 et suivants, ainsi que des actes de concurrence déloyale et de parasitisme en application de l'article 1240 du Code civil et de l'article 10 bis de la Convention de l'Union de Paris et ce au préjudice de la société [D] Hui; En conséquence : - Faire interdiction totale et immédiate aux sociétés GW Hotel et HN6 Signature d'exposer, d'offrir en vente, de mettre sur le marché et de commercialiser des services des classes 39 et 43 seul ou en combinaison avec d'autres éléments, ou de toute autre dénomination susceptible de créer une confusion avec la marque verbale "Le Galanga" no4432004, pour des services identiques à ceux qu'ils commercialisent à quelque titre et sur quelque support que ce soit, et ce sous astreinte de 500 euros par infraction constatée et de 7.000 euros par jour de retard, et ce, à compter du prononcé du jugement, la juridiction de céans se réservant le droit de procéder à la liquidation de l'astreinte; - Annuler les marques françaises "Galanga" no4581465, "Galanga by Monsieur George" no4786454 et enfin "Galanga Paris" no4787521 du fait des droits antérieurs de M. [N] [D] et de la société [D] Hui sur le nom "Galanga"; - Condamner chacune des sociétés GW Hotel et HN6 Signature à payer à M. [N] [D] la somme de 20.000 euros au titre des actes de contrefaçon de sa marque ; - Condamner chacune des sociétés GW Hotel et HN6 Signature à payer à la société SAS [D] Hui la somme de 20.000 euros au titre des atteintes à son nom commercial et son enseigne ; - Ordonner la publication aux frais exclusifs des sociétés GW Hotel et HN6 Signature du communiqué judiciaire suivant : « Par décision du [.], le Tribunal judiciaire de Paris, à la demande de Monsieur [D] et la société SAS [D] HUI, interdit aux sociétés GW Hotel et HN6 Signature, toute commercialisation de service de restauration, de bars, de traiteurs ou encore des services hôteliers sous le nom Galanga seul ou associé à un autre signe, sous quelque forme et à quelque titre que ce soit et notamment à titre de marque, de dénomination sociale, de nom commercial, nom de domaine ou d'enseigne, sur tous supports » dans 5 journaux et revues de presse française au choix discrétionnaire de M. [N] [D] et de la société [D] Hui et aux frais exclusifs de sociétés GW Hotel et HN6 Signature et ce, sans que le coût global de cette publication n'excède la somme de 20.000 euros H.T augmentée de la T.V.A au taux en vigueur au jour de la facturation, somme qui devra être consignée entre les mains de Monsieur le Bâtonnier de l'Ordre des avocats de Paris dans le délai de 48 heures à compter de la signification du jugement à intervenir, et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard. Le Tribunal dira que Monsieur le Bâtonnier de l'Ordre des avocats de Paris attribuera cette somme sur production de la commande de ces publications; - Ordonner la publication permanente du dispositif de la décision à intervenir sur la page d'accueil de tous les sites Internet des sociétés GW Hotel et HN6 Signature, en langue française ou anglaise, et notamment sur le site Internet à l'adresse monsieurgeorge.com, pendant 3 mois, et ce dans un délai de 8 jours à compter de la signification de la décision à intervenir, sous astreinte de 10.000 euros par jour de retard ; - Dire que ces publications devront s'afficher de façon visible en lettres de taille suffisante, aux frais des sociétés GW Hotel et HN6 Signature, en dehors de tout encart publicitaire et sans mention ajoutée, dans un encadré de 468x120 pixels : le texte qui devra s'afficher en partie haute et immédiatement visible de la page d'accueil devant être précédé du titre Avertissement judiciaire en lettres capitales et gros caractères ; - Fixer le point de départ des astreintes prononcées à l'expiration du délai de 48 heures à compter de la signification de l'ordonnance à intervenir et s'en réserver expressément la liquidation ; - Dire que les condamnations porteront sur tous les faits illicites commis jusqu'au jour du prononcé du jugement à intervenir ; - Condamner les sociétés GW Hotel et HN6 Signature à payer chacune à M. [N] [D] et à la société [D] Hui la somme de 20.000 euros chacune, par application de l'article 700 du code de procédure civile ; - Condamner sociétés GW Hotel et HN6 Signature aux entiers dépens, lesquels seront recouvrés par Me Charles-Antoine Joly, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. 10. Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 27 juin 2022, les sociétés HN6 Signature et GW Hotel et demandent au tribunal, au visa des articles L. 713-1 et suivants, de l'article 1240 du code civil, de l'article L. 121-1 du code de la consommation, de l'article 32-1 et de l'article 700 du code de procédure civile, de : A titre principal : - Dire et juger que le dépôt et/ou l'exploitation des marques "Galanga" et "Galanga Paris" n'a pas constitué une contrefaçon de la marque "Le Galanga" ; - Dire et juger que l'exploitation de la marque "Galanga by Monsieur George" ne constitue pas une contrefaçon de la marque "Le Galanga" ; - Dire et juger que les sociétés HN6 Signature et GW Hotel ne sont pas coupables d'actes de concurrence déloyale ou de parasitisme ; - Dire et juger que les sociétés HN6 Signature et GW Hotel ne sont pas coupables de pratiques commerciales déloyales sur le fondement de l'article L. 121-1 du code de la consommation ; - Constater l'absence de préjudice pour M. [N] [D] et la société [D] Hui ; En conséquence - Débouter M. [N] [D] et la société [D] Hui de toutes leurs demandes, fins et prétentions à leur égard ; - Condamner M. [N] [D] à payer, respectivement, à la société HN6 Signature et à la société GW Hotel, la somme de 3 000 euros pour procédure abusive ; - Condamner Monsieur [N] [D] à payer, respectivement, à la société HN6 Signature et la société GW Hotel la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile; - Condamner la société [D] Hui à payer respectivement à la société HN6 Signature et à la société GW Hotel, la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. - Condamner la société [D] Hui et Monsieur [N] [D] aux entiers dépens. L'ordonnance de clôture a été rendue le 29 juin 2022 et l'affaire a été renvoyée à l'audience du 27 février 2023. Sur la contrefaçon de la marque "Le Galanga" Moyens des parties 11. La société [D] Hui et M.[N] [D] font tout d'abord valoir qu'en renonçant aux marques "Galanga" et "Galanga Paris", les sociétés GW Hotel et HN6 Signature ont implicitement reconnu la matérialité des faits de contrefaçon reprochés, ce qui s'apparente, selon eux, à un aveu judiciaire. Aux fins de caractériser la contrefaçon de la marque "Le Galanga", dont ils défendent la forte distinctivité, ils exposent que les signes en litige sont quasi-identiques, le terme "Galanga" étant placé en position d'attaque des signes litigieux. Ils contestent à ce titre la banalité du terme "galanga", soutenue par les défendeurs et mettent en exergue le fait qu'ils l'ont eux-même choisi à deux reprises pour exercer leur activité de restauration. Ils ajoutent que seuls deux autres restaurants situés à [Localité 9] et [Localité 8], portent le nom "Galanga", si bien que ce terme ne peut être qualifié d'usuel dans la profession. Ils ajoutent que les services désignés par les marques en litige sont identiques s'agissant de services de restauration d'inspiration asiatique. Ils en concluent que cela est de nature à générer une confusion dans l'esprit du public pertinent qui pourrait croire à l'existence un lien entre les deux établissements. 12. Les sociétés GW Hotel et HN6 Signature contestent tout aveu judicaire qui pourrait résulter de leur renonciation aux marques "Galanga" et "Galanga Paris", alors qu'elles n'ont jamais exploité ces marques puisque le restaurant a toujours été associé au nom de l'hôtel Monsieur George. Elles rappellent, en tout état de cause, que le seul dépôt de ces marques ne peut constituer, à lui seul, un acte de contrefaçon faute d'exploitation de la marque dans la vie des affaires. Contestant tout fait de contrefaçon, les défenderesses soutiennent enfin que le terme "galanga", en ce qu'il désigne un ingrédient fréquemment utilisé dans la cuisine thaïlandaise, évoque la gastronomie asiatique et n'est donc pas un signe particulièrement distinctif et fort pour désigner un restaurant qui propose une telle cuisine. S'agissant du terme "Galanga by Monsieur George", les sociétés GW Hotel et HN6 Signature font valoir que tout risque de confusion est exclu car les signes en litige sont très différents, tant sur les plans visuel, l'un étant beaucoup plus long que l'autre, phonétique, le dernier mot "George" retenant l'attention du consommateur qui l'a prononcé, et conceptuel puisque le mot "by" permet de comprendre que le restaurant est géré est appartient à l'hôtel Monsieur George, qui devient alors l'élément dominant. Elles estiment ainsi que le public pertinent ne peut se méprendre sur l'origine des produits et services désignés par les signes en conflit. Elles ajoutent, s'il en était besoin, que les demandeurs ne font aucune démonstration du préjudice qu'ils allèguent. Appréciation du tribunal 13. Conformément aux dispositions de l'article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle, " est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l'usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services : 1o D'un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ; 2o D'un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s'il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d'association du signe avec la marque. " 14. L'article L. 713-3-1 du code de la propriété intellectuelle précise que " sont notamment interdits, en application des articles L. 713-2 et L. 713-3, les actes ou usages suivants : 1o L'apposition du signe sur les produits ou sur leur conditionnement ; 2o L'offre des produits, leur mise sur le marché ou leur détention à ces fins sous le signe, ou l'offre ou la fourniture des services sous le signe ; 3o L'importation ou l'exportation des produits sous le signe ; 4o L'usage du signe comme nom commercial ou dénomination sociale ou comme partie d'un nom commercial ou d'une dénomination sociale ; 5o L'usage du signe dans les papiers d'affaires et la publicité ; 6o L'usage du signe dans des publicités comparatives en violation des dispositions des articles L. 122-1 à L. 122-7 du code de la consommation ; 7o La suppression ou la modification d'une marque régulièrement apposée. Ces actes et usages sont interdits même s'ils sont accompagnés de mots tels que : " formule, façon, système, imitation, genre, méthode ". 15. Aux termes des dispositions de l'article L. 716-4 du code de la propriété intellectuelle, l'atteinte portée au droit du titulaire de la marque constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur. Par ailleurs, constitue une atteinte aux droits attachés à la marque la violation des interdictions prévues aux articles L. 713-2 , L. 713-3-3 et au deuxième alinéa de l'article L. 713-4 du code de la propriété intellectuelle. 16. La caractérisation de la contrefaçon est subordonnée à la démonstration de l'usage du signe litigieux dans la vie des affaires, c'est-à-dire dans le contexte d'une activité commerciale visant à un avantage économique (CJUE, 12 nov. 2002, aff. C-206/01, Arsenal) de telle manière que cela porte atteinte aux fonctions de la marque. 17. Interprétant les dispositions de l'article 5 § 1 de la première Directive du Conseil du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des États membres sur les marques (89/104/CEE), dont les dispositions précitées réalisent la transposition en droit interne, la Cour de Justice des Communautés européennes a dit pour droit que, constitue un risque de confusion au sens de ce texte, le risque que le public puisse croire que les produits ou services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d'entreprises liées économiquement (voir arrêt Canon, C-39/97, point 29 ; arrêt Lloyd Schuhfabrik, C-342/97 ). Selon cette même jurisprudence, l'existence d'un risque de confusion dans l'esprit du public doit être appréciée globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce (voir, arrêt SABEL, C-251/95, point 22), cette appréciation globale impliquant une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte (voir arrêt Canon, point 17). 18. L'appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, auditive ou conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l'impression d'ensemble produite par celles-ci, en tenant compte en particulier de leurs éléments distinctifs et dominants. Aux fins de cette appréciation globale, le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée est censé être normalement informé et raisonnablement attentif et avisé (voir, arrêt Gut Springenheide et Tusky, C-210/96, point 31 ; arrêt Lloyd Schuhfabrik, C-342/97, point 26). Afin d'apprécier le degré de similitude existant entre les marques concernées, la juridiction nationale doit déterminer leur degré de similitude visuelle, auditive et conceptuelle et, le cas échéant, évaluer l'importance qu'il convient d'attacher à ces différents éléments, en tenant compte de la catégorie de produits ou services en cause et des conditions dans lesquelles ils sont commercialisés (voir arrêt Lloyd Schuhfabrik, C-342/97 ). Enfin, pour apprécier la similitude entre des produits ou des services, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre ces produits ou ces services; ces facteurs incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire (voirarrêt Canon, C-39/97, point 23). 20. L'appréciation de la similitude entre deux marques ne peut se limiter à prendre en considération uniquement un composant d'une marque complexe et à le comparer avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d'opérer la comparaison en examinant les marques en cause considérées chacune dans son ensemble (arrêt OHMI/Shaker, point 41). 21. L'impression d'ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe peut, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants. Toutefois, ce n'est quesi tous les autres composants de la marque sont négligeables que l'appréciation de la similitude pourra se faire sur la seule base de l'élément dominant (arrêts OHMI/Shaker, points 41 et 42, ainsi que Nestlé/OHMI, points 42 et 43). 22. À cet égard, la Cour a précisé qu'il n'est pas exclu qu'une marque antérieure, utilisée par un tiers dans un signe composé comprenant la dénomination de l'entreprise de ce tiers, conserve une position distinctive autonome dans le signe composé. Dès lors, aux fins de la constatation d'un risque de confusion, il suffit que, en raison de la position distinctive autonome conservée par la marque antérieure, le public attribue également au titulaire de cette marque l'origine des produits ou des services couverts par le signe composé (arrêt Medion, C-120/04, points 30 et 36). 23. Cependant, un élément d'un signe composé ne conserve pas une telle position distinctive autonome si cet élément forme avec le ou les autres éléments du signe, pris ensemble, une unité ayant un sens différent par rapport au sens desdits éléments pris séparément (voir, en ce sens, ordonnance ecoblue/OHMI et Banco Bilbao Vizcaya Argentaria, C-23/09 P, point 47; arrêt Becker/Harman International Industries, points 37 et 38 ; ordonnance Perfetti Van Melle/OHMI, points 36 et37 ; arrêt Bimbo Sa c/ OHMI et Panrico, C-591/12 P, points 26 à 29). 24. En l'espèce, il est établi, par les pièces versées aux débats, que M. [D] est titulaire de la marque verbale française "Le Galanga" no4432004 déposée le 26 février 2019 pour désigner les services de la classe 39, en particulier les services de distribution (livraison de produits) et ceux de la classe 43, à savoir les services de restauration (alimentation), de bars, de traiteurs et les services hôteliers. Il exploite depuis 2016, sous ce signe, un restaurant thaïlandais. 25. De même, les extraits de la base de données de l'INPI versés aux débats permettent d'établir que la société HN6 Signature a totalement renoncé à la marque verbale française "Galanga" déposée le 13 septembre 2019 et à la marque verbale française "Galanga Paris" déposée le 23 juillet 2021,désignant toutes deux les services de la classe 43. Elle n'est donc plus titulaire, à la date où le tribunal statue, que de la marque verbale française "Galanga By Monsieur Georges" déposée le 20 juillet 2021 pour désigner les services de la classe 43. 26. La renonciation par la société HN6 Signature aux deux marques "Galanga" et "Galanga Paris" ne saurait constituer un aveu judiciaire de l'existence de faits de contrefaçon au sens de l'article 1382-2 du Code civil. En effet, outre le fait que l'aveu ne peut résulter que de la reconnaissance en justice d'un fait par une partie, l'aveu exige, de la part de son auteur, une manifestation non équivoque de la sa volonté de reconnaître pour vrai un fait de nature à produire contre lui des conséquences juridiques (Civ. 3e, 4 mai 1976), ce qui n'est pas le cas en l'espère. 27. Par ailleurs, M. [D] et la société [D] Hui ne rapportent nullement la preuve que ces deux marques "Galanga" et "Galanga Paris" ont été utilisées dans la vie des affaires avant la renonciation par la société H6 Signature. Or, il est constant qu'un simple dépôt de marque ne peut consituer un acte de contrefaçon à défaut de démonstration d'un tel usage. En effet, la demande d'enregistrement d'un signe en tant que marque ne constitue pas un acte de contrefaçon dès lors qu'une telle demande, même lorsqu'elle est accueillie, ne caractérise pas un usage pour des produits ou des services en l'absence de tout début de commercialisation de produits ou services sous le signe et qu'en pareil cas, aucun risque de confusion dans l'esprit du public et, par conséquent, aucune atteinte à la fonction essentielle d'indication d'origine de la marque, ne sont susceptibles de se produire (Com., 13 octobre 2021, pourvoi no 19-20.504 - Com., 13 octobre 2021, pourvoi no 19-20.959). La demande fondée sur la contrefaçon ne peut donc prospérer concernant ces deux marques. 28. Il n'est en revanche pas contesté que la marque verbale française "Galanga By Monsieur Georges", dont est toujours titulaire la société HN6 Signature, est utilisée pour désigner le service de restauration de l'hôtel Monsieur Georges exploité par la société GW Hotel, ce qui constitue un usage du signe dans la vie des affaires. 29. Les services désignés par les deux signes en litige sont également pour partie identiques, dans la mesure où ils concernent les services de la classe 43 de restauration (alimentation), bars, traiteurs et services hôteliers. 30. Les signes n'étant quant à eux pas identiques, il convient de rechercher s'il existe entre "Le Galanga" d'une part et "Galanga by Monsieur George" d'autre part, un risque de confusion pour le public pertinent qui est, au cas d'espèce, un consommateur de produits de restauration, amateur de restaurants, en particulier de cuisine asiatique, notamment thaïlandaise. 31. Sur le plan visuel comme auditif, les signes en présence apparaissent d'emblée différents: En effet, la marque première est composée du mot "galanga" précédé du déterminant défini "le" tandis que la marque seconde est une marque composée dans laquelle sont ajoutés au terme "galanga" les mots "By Monsieur Georges". En plus d'être visuellement plus longue (24 caractères contre 9), la marque seconde se distingue sur le plan phonétique par des sonorités différentes. 32. Certes, le terme "galanga" qui compose la marque antérieure se retrouve dans la marque seconde en position d'accroche, à laquelle le consommateur accorde traditionnellement une attention plus importante. Cependant, ainsi que le soulignent justement les défenderesses, ce terme est défini dans le dictionnaire Larousse cuisine comme "un cousin du gingembre - d'ailleurs on le dénomme parfois "gingembre de Siam", le galanga est un rhizome très aromatique et poivré, citronné mais légèrement amer. En Thaïlande ou au Cambodge, il est utilisé pour parfumer les currys ou les soupes". Dès lors, en sa qualité d'épice utilisée en particulier dans la cuisine asiatique, il constitue un terme évocateur de cette cuisine du monde, et ne peut que confèrer à la marque première déposée, une faible distinctivité pour désigner un service de restauration asiatique. Il en résulte que dans la marque seconde, le signe "galanga" perd sa position distinctive autonome au profit des termes "by Monsieur Georges", dont la société H6 Signature démontrequ'ils sont au contraire arbitraires pour désigner les services concernés, et constituent l'élément dominant de cette marque composée. 33. Les termes "by Monsieur George" mettent par ailleurs en évidence l'origine du service proposé comme un élément "signature", ce qui permet également de différencier sur le plan conceptuel la marque de la société HN6 Signature de la marque première, qui ne fait que référence à l'épice précitée. 34. Au regard de l'ensemble de ces considérations, le tribunal retient que les signes en cause présentent de nettes différences tant sur les plans phonétiques et visuels que conceptuels, si bien qu'un risque de confusion dans l'esprit du public pertinent d'attention moyenne apparaît exclu, le consommateur concerné étant en mesure de différencier l'origine des services couverts par les deux marques. 35. Par conséquent, M. [N] [D] et la société [D] Hui seront déboutés de l'ensemble de leurs demandes sur le fondement de la contrefaçon. Sur la concurrence déloyale, parasitaire et les pratiques commerciales trompeuses Moyens des parties 36. La société [D] Hui soutenue en cela par M. [D], estime également que les sociétés GW Hotel et HN6 Signature se sont livrées à des actes de concurrence déloyale et parasitaire à son préjudice, qu'il convient de sanctionner compte-tenu de l'avilissement de leur signe distinctif. Elle ajoute qu'elles ont par ce biais profité indument d'un courant d'affaire et de leur notoriété. Elle estime enfin qu'est ainsi caractérisée une pratique commerciale trompeuse. 37. Les sociétés GW Hotel et HN6 Signature, après avoir rappelé que seule la société GW Hotel peut être inquiétée sur ce fondement, la société HN6 Signature n'étant que titulaire de la marque, concluent à l'absence de tout fait constitutif de concurrence déloyale et parasitaire. Outre le fait qu'aucun fait distinct n'est invoqué, elles concluent qu'aucun élément ne permet d'établir que la société GW Hotel a eu recours à des procédés contraires aux règles et aux usage, caractérisant un usage excessif de sa liberté d'entreprendre. Elles ajoutent que le restaurant qu'elles exploitent dans leur hôtel cinq étoiles ne peut avoir profité de la notoriété du restaurant des demandeurs. Elles notent encore que les demandeurs ne précisent pas en quoi l'exploitation du restaurant altèrerait ou serait susceptible d'altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur. Enfin, elles soulignent l'absence de démonstration du préjudice invoqué. Appréciation du tribunal L'article 1240 du code civil dispose que « tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». 38. La concurrence déloyale, fondée sur le principe général de responsabilité civile édicté par l'article 1240 du code civil, consiste en des agissements s'écartant des règles générales de loyauté et de probité professionnelle applicables dans la vie des affaires tels que ceux créant un risque de confusion avec les produits ou services offerts par un autre. L'appréciation de la faute au regard du risque de confusion doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l'imitation, l'ancienneté d'usage, l'originalité, la notoriété de la prestation copiée. 39. Le parasitisme se définit comme l'ensemble des comportements par lequel un agent économique s'immisce dans le sillage d'un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire. 40. Ces actions supposent la caractérisation d'une faute génératrice d'un préjudice, reposant sur des faits distincts de ceux invoqués au titre de l'atteinte au droit privatif de la marque d'ores et déjà pris en compte par l'action en contrefaçon. 41. En l'espèce, outre le fait que la société [D] Hui et M. [D] n'allèguent aucun fait distinct de ceux ayant d'ores et déjà été examinés sous l'angle de la contrefaçon de marque, il a été démontré qu'il n'existe aucun risque de confusion, alors que les deux restaurants exercent pour des clientèles et dans des secteurs géographiques différents, si bien que la demande fondée sur la concurrence déloyale ne peut prospérer. 42. Il en est de même s'agissant de la demande fondée sur le parasitisme alors que M. [D] et la société [D] Hui n'allèguent ni ne démontre l'existence d'un comportement de la part de la société GW Hotel tendant à tirer profit, sans bourse délier, d'une valeur économique qu'ils auraient constituée, en justifiant d'investissements réalisés. 43. Enfin, M. [D] et la société [D] Hui ne font qu'affirmer, sans le démontrer, que le comportement des défenderesses relèverait de pratiques commerciales trompeuses. 44. Les demandes de dommages-intérêts ainsi formulées seront donc rejetées. Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive Moyens des parties 45. Les sociétés GW Hotel et HN6 Signature estime que c'est de manière opportuniste que les demandeurs ont engagé et maintenu la présente action, alors qu'ils ne cherchaient qu'à réaliser une opération économique. Appréciation du tribunal 46. Ester en justice est un droit et ne dégénère en abus pouvant justifier l'allocation de dommages-intérêts que dans les cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur grossière équipollente au dol. Une telle condamnation à dommages-intérêts pour procédure abusive implique donc que soit rapportée la preuve d'une intention malicieuse du demandeur et de la conscience d'un acharnement procédural voué à l'échec. 47. Or, en l'espèce, M. [D] et la société [D] Hui ont pu se méprendre sur l'étendue de leurs droits, sans qu'aucune intention dolosive ne soit caractérisée par les défendeurs. Par ailleurs, les sociétés défenderesses n'invoquent d'autre préjudice que celui résultant de l'obligation de se défendre, qui fait l'objet d'une demande au titre des frais irrépétibles. 48. Par conséquent, il convient de rejeter la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive formée par les sociétés HN6 Signature et GW Hotel. Sur les demandes annexes 49. Succombant, M. [N] [D] et la société [D] Hui seront condamnés aux dépens de l'instance. 50. Supportant les dépens, ils seront condamnés à payer à la société HN6 signature et la société GW Hotel prises ensemble la somme de 8.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. 51. L'exécution provisoire de la présente décision est de droit. PAR CES MOTIFS Le tribunal, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en premier ressort, DÉBOUTE M. [N] [D] et la société [D] Hui de l'ensemble de leurs demandes; DÉBOUTE les société HN6 Signature et GW Hotel de leur demande de dommages-intérêts pour procédure abusive; CONDAMNE M. [N] [D] et la société [D] Hui aux dépens de l'instance; CONDAMNE [N] [D] et la société [D] Hui à payer à la société HN6 signature et la société GW Hotel prises ensemble la somme de 8.000 euros (huit mille euros) sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile; RAPPELLE que l'exécution provisoire de la présente décision est de droit. Fait et jugé à Paris le 11 mai 2023 LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
CAPP/JURITEXT000047878974.xml
JUDICIAIRE 3ème chambre 1ère section No RG 21/03433 No Portalis 352J-W-B7F-CT55V No MINUTE : Assignation du : 17 février 2021 rendu le 11 mai 2023 DEMANDERESSE [Adresse 1] [Localité 3] représentée par Me Philippe MARTINI-BERTHON de la SELARL MARCHAIS & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #L0280 DÉFENDERESSE S.A.S.U. AXAMED [Adresse 2] [Localité 4] représentée par Me Muriel ANTOINE LALANCE de la SELARL AL AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C1831 COMPOSITION DU TRIBUNAL Madame Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe Madame Elodie GUENNEC, Vice-présidente Monsieur Malik CHAPUIS, Juge, assistés de Madame Caroline REBOUL, Greffière A l'audience du 17 janvier 2023 tenue en audience publique, avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue le 30 mars 2023. Le délibéré a été prorogé en dernie lieu au 11 mai 2023. Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire En premier ressort EXPOSÉ DU LITIGE : 1. La société "Mutuelle de l'assurance contre l'incendie", fondée en 1816, a adopté en 1985 la dénomination sociale Axa. Elle est notamment titulaire des marques suivantes: - la marque verbale française "AXA" no1 270 658 enregistrée le 10 janvier 1984 pour désigner notamment les services d' "assurances" en classe 36 ; - la marque semi-figurative française "AXA" no4 555 424 enregistrée le 21 juin 2019 pour désigner notamment les services d' "assurances" en classe 36 : - la marque verbale de l'Union Européenne "AXA ASSISTANCE" no001 224 294 enregistrée le 31 juillet 2000 pour désigner notamment les services d' "assurances, finances, services d'assistance dans le cadre de contrats d'assurance " en classe 36. 2. La société AXAMED, fondée en 2020, a pour objet social déclaré le commerce de tous produits ou services se rapportant, directement ou indirectement, aux produits pharmaceutiques, au service médical et au bien-être, qu'elle exerce sous le nom commercial Laboratoires Axamed. 3. Son président, M. [T] [E] a réservé les noms de domaines <www.axamed-lab.com> et <www.axamed-lab.fr> et déposé la marque verbale française "LABORATOIRES AXAMED" no4 651 320, le 27 mai 2020, pour désigner différents produits et services en classes 3, 5, 9, 10 et 35, ainsi que les marques semi-figuratives françaises "LABORATOIRES AXAMED" no4 651 329 et no4 651 325, déposée le 27 mai 2020 en classes 3, 5, 9, 10 et 35, déposées le 27 mai 2020, pour désigner différents produits et services en classes 3, 5, 9, 10 et 35 : 4. A la suite de l'opposition à ces enregistrements formée par la société Axa, M. [E] a procédé au retrait total des demandes de marques françaises no4 651 320, no4 651 329 et no4 651 325 le 18 août 2020. 5. Par un acte d'huissier de justice du 17 février 2021, la société Axa a fait assigner la société Axamed devant le tribunal judiciaire de Paris en contrefaçon de marques et concurrence déloyale. 6. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 11 avril 2022, la société Axa demande au tribunal de : - DEBOUTER la société Axamed de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles, tendant au prononcé de la nullité de la marque Axa no4 555 424 et à la déchéance de la marque Axa no00 1 224 294 pour non-usage ; - RECEVOIR l'intégralité des moyens et prétentions de la société Axa ; À titre principal, - CONSTATER l'atteinte causée aux droits dont la société Axa est titulaire sur les marques antérieures Axa no1 270 658, Axa no4 555 424 et Axa no00 1 224 294 en raison des actes de contrefaçon commis par la société Axamed du fait de l'immatriculation de la dénomination sociale Axamed, d'une part, et des réservation et enregistrement des noms de domaine <axa-lab.fr> et <axa-lab.com>, d'autre part, et leurs usages subséquents; - CONSTATER l'atteinte causée aux droits dont la société Axa est titulaire sur les noms de domaine antérieurs <axa.fr> et <axa.com> ainsi que sur sa dénomination sociale "Axa" antérieure en raison des actes de concurrence déloyale et parasitaire commis par la société Axamed du fait de l'immatriculation de la dénomination sociale Axamed, d'une part, et des réservation et enregistrement des noms de domaine <axa-lab.fr> et <axa-lab.com>, d'autre part, et leurs usages subséquents ; À titre subsidiaire, - CONSTATER l'atteinte causée aux droits dont la société Axa est titulaire sur les marques antérieures renommées Axa no1 270 658, Axa no4 555 424 et Axa no00 1 224 294 par les réservation et enregistrement des noms de domaine <axa-lab.fr> et <axa-lab.com> réalisés par la société Axamed ainsi que l'immatriculation de la dénomination sociale Axamed et son exploitation subséquente ; En conséquence, - ORDONNER la radiation des noms de domaine <axamed-lab.fr> et <axamed-lab.com> et ce, sous astreinte de 500 euros par jour de retard constaté, dix jours après la signification du jugement à intervenir ; - ORDONNER la communication de sa décision à l'unité d'enregistrement concernée, par la partie la plus diligente, aux fins de son inscription sur son registre, système et base de données ; - ORDONNER la modification de la dénomination sociale de la société Axamed afin qu'il ne soit plus porté d'atteinte aux droits antérieurs de la société Axa et ce, sous astreinte de 500 euros par jour de retard constaté, un mois après la signification du jugement à intervenir ; - SE RESERVER la liquidation des astreintes prononcées ; - CONDAMNER la société Axamed à verser à la société Axa la somme forfaitaire de 5.000 euros en réparation de son préjudice résultant des actes de contrefaçon commis; - CONDAMNER la société Axamed à verser à la société Axa la somme de 5.000 euros en réparation de son préjudice résultant des actes de concurrence déloyale et parasitaire commis ; - ORDONNER l'exécution provisoire du jugement de droit à intervenir en toutes ses dispositions et ce nonobstant appel et sans constitution de garantie ; - CONDAMNER la société Axamed à payer à la société Axa la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; - CONDAMNER la société Axamed aux entiers dépens dont distraction faite au profit de la Selarl Marchais & Associés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile. 7. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 13 mai 2022, la société Axamed demande au tribunal de : - DIRE la société Axamed recevable et fondée en ses conclusions, fins et moyens. Y faisant droit, - PRONONCER la nullité de la marque française Axa no4555424 pour l'ensemble des services visés au dépôt, à tout le moins pour les services visés en classes 39 et 44, - PRONONCER la déchéance des droits de la société Axa sur la marque de l'Union Européenne Axa no 001224294 en ce qu'elle vise les " services d'assistance financière à savoir remboursement de frais médicaux et de santé " en classe 36 ; - ORDONNER la transmission du jugement à intervenir à l'INPI et à l'EUIPO en vue de sa transcription sur les registres nationaux et européens des marques et dire que la transcription pourra être effectuée sur présentation d'une copie exécutoire, - DIRE la société Axa irrecevable, à tout le moins mal fondée en ses demandes principales tant au titre du titre du droit des marques que de la concurrence déloyale et du parasitisme, - DIRE la société Axa irrecevable, à tout le moins mal fondée en ses demandes subsidiaires au titre de la prétendue atteinte à la marque de renommée Axa, - DIRE la société Axa irrecevable, à tout le moins mal fondée en ses demandes subsidiaires au titre de la prétendue atteinte à la marque de renommée Axa, - DIRE qu'il n'y a pas lieu à exécution provisoire, - DEBOUTER en conséquence la société Axa de toutes ses demandes à toutes fins qu'elles comportent, En toute hypothèse, - CONDAMNER la société Axa à payer à la société Axamed la somme de 15 000 euros à chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile. - CONDAMNER la société Axa aux entiers dépens de la procédure dont distraction au profit de la Selarl AL Avocats, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. 8. L'instruction de l'affaire a été close par une ordonnance du 17 mai 2022. MOTIFS DE LA DÉCISION 1o) Sur la validité des marques opposées, contestée en défense Moyens des parties 9. La société Axamed soutient que la marque "Axa" no4555424 n'a été déposée par la demanderesse qu'aux fins de s'épargner la charge de la preuve de l'usage de ce signe, ce qui résulte selon elle de ce que ce dépôt suit de quelques années de nombreux dépôts précédents, et en particulier le dépôt de la marque "Axa" no4206248 du 31 août 2015, qui vise les mêmes services des classes 39 et 44 que ceux aujourd'hui opposés. 10. La société Axamed soutient encore que la marque "Axa assistance" no001224294 déposée le 18 juin 1999 doit être déclarée déchue en ce qu'elle vise en classe 36 les services d'assistance financière à savoir remboursement de frais médicaux et de santé. Elle ajoute que les pièces versées aux débats par la société Axa, soit ne se rapportent pas à l'usage du signe semi-figuratif "Axa assistance", soit ne concernent pas les services d' "assistance financière à savoir remboursement de frais médicaux et de santé" mais les services distincts de rapatriement, transfert et téléconsultation, soit ne comportent aucune date. 11. La société Axa soutient pour sa part avoir procédé aux différents dépôts afin de prendre en compte l'évolution (forme et produits et services visés) des différents signes qu'elle utilise et en aucun cas dans le but de prolonger artificiellement des dépôts précédents. Elle précise que le signe "Axa" no4555424 est distinct dans sa représentation graphique des marques no098760580 ("Axa conseil"), no4 276398 ("Axa/"), no1472008 (dépôt en noir et banc) et no099783489 ("Axa Assistance"). La société Axa ajoute que la marque française "Axa" no4555424 ne désigne pas les mêmes services que la marque "Axa" no 4206248, laquelle ne désigne en classe 39 que les services de fourniture de produits pharmaceutiques à domicile pour les personnes. 12. La société Axa soutient enfin qu'elle démontre l'usage de la marque verbale de l'Union européenne "Axa assistance", sous des formes légèrement différentes de celle du dépôt, mais n'en ayant pas altéré la distinctivité, pour les services d'assistance de santé (remboursement de frais médicaux) 5 années avant le 6 septembre 2021, date de la demande reconventionnelle en déchéance. Appréciation du tribunal 13. Il résulte de l'article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle que "ne peuvent être valablement enregistrés et, s'ils sont enregistrés, sont susceptibles d'être déclaré nuls : (...) 11o Une marque dont le dépôt a été effectué de mauvaise foi par le demandeur." Ces dispositions, bien qu'issues de l'ordonnance no2019-1169 du 13 novembre 2019, correspondent à l'état du droit en vigueur à cette date et applicable ici compte tenu de la date du dépôt dont la nullité est contestée : Cass. Com., 25 avril 2006, pourvoi no 04-15.641. 14. Interprétant les dispositions comparables du règlement sur la marque de l'Union européenne, le tribunal de l'Union européenne admet en outre la nullité d'une marque dont le dépôt n'a été fait qu'aux fins, pour le déposant, de s'épargner la charge de la preuve de l'usage de la marque (TUE, 21 avril 2021, aff. T-663/19, Hasbro, Inc., contre EUIPO : "71 En effet, dans les circonstances particulières de l'espèce, le dépôt réitéré effectué par la requérante visait notamment, de son propre aveu, à ne pas avoir à prouver l'usage de la marque contestée, prolongeant par conséquent, pour les marques antérieures, le délai de grâce de cinq ans prévu à l'article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009. 72 Partant, force est de constater que non seulement la stratégie de dépôt pratiquée par la requérante, visant à contourner la règle relative à la preuve de l'usage, n'est pas conforme aux objectifs poursuivis par le règlement no 207/2009, mais elle n'est pas sans rappeler la figure de l'abus de droit, qui est caractérisée par le fait que, premièrement, malgré un respect formel des conditions prévues par la réglementation de l'Union, l'objectif poursuivi par celle-ci n'est pas atteint et que, deuxièmement, il existe une volonté d'obtenir un avantage résultant de ladite réglementation en créant artificiellement les conditions requises pour son obtention.(voir, en ce sens, arrêt du 21 juillet 2005, Eichsfelder Schlachtbetrieb, C-515/03, EU:C:2005:491, point 39 et jurisprudence citée)." 15. Le tribunal a rappelé au point 54 de sa décision que "la ratio legis de l'exigence selon laquelle une marque doit avoir fait l'objet d'un usage sérieux pour être protégée au titre du droit de l'Union réside dans le fait que l'inscription d'une marque de l'Union européenne au registre de l'EUIPO ne saurait être assimilée à un dépôt stratégique et statique conférant à un détenteur inactif un monopole légal d'une durée indéterminée. Au contraire, ledit registre devrait refléter fidèlement les indications que les entreprises utilisent effectivement sur le marché pour distinguer leurs produits et services dans la vie économique [voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2015, Deutsche Rockwool Mineralwoll/OHMI, T-215/13, point 20 et jurisprudence citée]." 16. Force est en l'occurrence de constater que l'ensemble des dépôts antérieurs invoqués correspondent à des signes graphiquement et/ou phonétiquement différents de la marque semi-figurative française "Axa" no4555424 : (cf ci-desssous le tableau issu des conclusions de la société Axa, page 12) 17. Il est également relevé que l'enregistrement no4555424 désigne 3 classes de services supplémentaires, par rapport à la marque no4206248 à laquelle le compare la société défenderesse, tandis qu'en classe 39, les enregistrements ne désignent pas les mêmes services. 18. Il s'en déduit que le dépôt de la marque "Axa" no4555424 ne peut être regardé comme ayant eu pour seul objet de prolonger artificiellenent, et partant, de mauvaise foi, les enregistrements visés ci-dessus, qui ne sont en aucun cas "statiques", ce d'autant moins que la société Axa n'a jamais revendiqué une telle pratique. Aucune mauvaise foi n'est donc établie ici. 19. Selon l'article 18 du Règlement no 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 sur la marque de l'Union européenne, "1. Si, dans un délai de cinq ans à compter de l'enregistrement, la marque de l'Union européenne n'a pas fait l'objet par le titulaire d'un usage sérieux dans l'Union pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée, ou si un tel usage a été suspendu pendant un délai ininterrompu de cinq ans, la marque de l'Union européenne est soumise aux sanctions prévues au présent règlement, sauf juste motif pour le non-usage. Constituent également un usage au sens du premier alinéa : a) l'usage de la marque de l'Union européenne sous une forme qui diffère par des éléments n'altérant pas le caractère distinctif de la marque dans la forme sous laquelle elle a été enregistrée, que la marque soit ou non aussi enregistrée sous la forme utilisée au nom du titulaire; (...)". Selon l'article 58 du même règlement, "1. Le titulaire de la marque de l'Union européenne est déclaré déchu de ses droits, sur demande présentée auprès de l'Office ou sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon : a) si, pendant une période ininterrompue de cinq ans, la marque n'a pas fait l'objet d'un usage sérieux dans l'Union pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée, et qu'il n'existe pas de justes motifs pour le non-usage; toutefois, nul ne peut faire valoir que le titulaire est déchu de ses droits si, entre l'expiration de cette période et la présentation de la demande ou de la demande reconventionnelle, la marque a fait l'objet d'un commencement ou d'une reprise d'usage sérieux; cependant, le commencement ou la reprise d'usage fait dans un délai de trois mois avant la présentation de la demande ou de la demande reconventionnelle, ce délai commençant à courir au plus tôt à l'expiration de la période ininterrompue de cinq ans de non-usage, n'est pas pris en considération lorsque des préparatifs pour le commencement ou la reprise de l'usage interviennent seulement après que le titulaire a appris que la demande ou la demande reconventionnelle pourrait être présentée; (...)" 20. La date à prendre en compte pour déterminer si la période ininterrompue de cinq ans figurant à cette disposition est arrivée à son terme est celle de l'introduction de cette demande. (CJUE, 17 décembre 2020, aff. C-607/19,Husqvarna AB contre Lidl Digital International GmbH & Co. KG) 21. En l'occurrence, la société Axa verse aux débats en pièces 32 à 50 des articles de presse, des classements, les conditions générales de différents contrats, ainsi que des documents publicitaires, qui démontrent l'usage, entre 2016 et 2021, du signe "Axa assistance", sous sa forme purement verbale, ainsi que sous une forme semi-figurative n'en altérant pas le caractère distinctif, pour désigner des services d'assistance financière à savoir remboursement (ou encore couverture ou prise en charge) de frais médicaux à ses assurés. 22. La demande de déchéance de la la marque "Axa assistance" no001224294 est donc rejetée. 2o) Sur la contrefaçon des marques "Axa" et "Axa assistance" Moyens des parties 23. La société Axa soutient que les usages de la dénomination sociale et des noms de domaine "Axamed" sont indiscutablement perçus par le public pertinent comme une indication d'origine des produits et constituent par conséquent des usages à titre de marque. Elle ajoute que l'élément AXA est l'élément principal et distinctif du signe Axamed et que les signes Axa et Axamed sont fortement similaires, tandis que les services de remboursement de frais médicaux visés par la marque Axa Assistance sont selon elle similaires aux produits pharmaceutiques commercialisés par la société Axamed. La société Axa en déduit que le risque de confusion est établi, ce d'autant plus que la marque Axa jouit d'une renommée mondiale. 24. Subsidiairement, la société Axa invoque une atteinte à la renommée de ses marques et l'existence d'un risque de lien entre les marques Axa et Axamed dans l'esprit du public pertinent, la société Axamed tirant ainsi indûment profit du caractère distinctif de la marque "Axa". 25. La société Axamed soutient quant à elle en substance qu'elle ne fait pas usage du signe "Axamed" à titre de marque pour désigner l'origine de produits ou de services, mais uniquement à titre de dénomination sociale ou de nom de domaine. Elle ajoute qu'en tout état de cause les produits et services que désignent les signes en litige sont totalement différents, tandis que les signes sont eux mêmes différents, de sorte qu'il ne peut exister aucun risque de confusion. 26. Elle conteste de la même manière toute atteinte à la renommée de marques "Axa", contestant d'abord la démonstration de la renommée même des marques françaises et européennes "Axa", ainsi que tout risque de lien par le public pertinent entre les signes "Axa" et "Axamed". Appréciation du tribunal 27. Selon l'article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle "Est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l'usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services : (...) 2o D'un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s'il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d'association du signe avec la marque." 28. Selon l'article 9 du règlement "1. L'enregistrement d'une marque de l'Union européenne confère à son titulaire un droit exclusif. 2. Sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité d'une marque de l'Union européenne, le titulaire de cette marque de l'Union européenne est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d'un signe pour des produits ou services lorsque : (...) b) ce signe est identique ou similaire à la marque de l'Union européenne et est utilisé pour des produits ou services identiques ou similaires aux produits ou services pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public; le risque de confusion comprend le risque d'association entre le signe et la marque;" 29. Interprétant les dispositions en susbtance identiques au Règlement de l'article 5 § 1 de la première Directive du Conseil du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des États membres sur les marques, dont les dispositions précitées du code de la propriété intellectuelle réalisent la transposition en droit interne, la Cour de Justice de l'Union européenne a dit pour doit que, constitue un risque de confusion au sens de ce texte, le risque que le public puisse croire que les produits ou services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d'entreprises liées économiquement (CJCE, 29 septembre 1998, Canon, aff. C-39/97, point 29 ; CJCE, 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik, aff. C-342/97). Selon cette même jurisprudence, l'existence d'un risque de confusion dans l'esprit du public doit être appréciée globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce (CJCE, 11 novembre 1997, Sabel, aff. C-251/95, point 22), en tenant compte en particulier de leurs éléments distinctifs et dominants. 30. Afin d'apprécier le degré de similitude existant entre les marques concernées, la juridiction nationale doit déterminer leur degré de similitude visuelle, auditive et conceptuelle et, le cas échéant, évaluer l'importance qu'il convient d'attacher à ces différents éléments, en tenant compte de la catégorie de produits ou services en cause et des conditions dans lesquelles ils sont commercialisés (voir arrêt Lloyd Schuhfabrik, C-342/97 ). 31. Il est également rappelé que la Cour de justice a dit pour droit que l'usage, par un tiers qui n'y a pas été autorisé, d'une dénomination sociale, d'un nom commercial ou d'une enseigne identique à une marque antérieure, dans le cadre d'une activité de commercialisation de produits identiques à ceux pour lesquels cette marque a été enregistrée, constitue un usage que le titulaire de ladite marque est habilité à interdire conformément à l'article 5, paragraphe 1, sous a), de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques, s'il s'agit d'un usage pour des produits qui porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque. (CJCE, 11 septembre 2007, aff. C-17/06, Céline SARL contre Céline SA). 32. Il en est ainsi lorsque le signe est utilisé par le tiers pour ses produits ou ses services de telle manière que les consommateurs sont susceptibles de l'interpréter comme désignant la provenance des produits ou des services en cause. En effet, en pareil cas, l'usage dudit signe est susceptible de mettre en péril la fonction essentielle de la marque, car, pour que la marque puisse jouer son rôle d'élément essentiel du système de concurrence non faussé que le traité CE entend établir et maintenir, elle doit constituer la garantie que tous les produits ou services qu'elle désigne ont été fabriqués ou fournis sous le contrôle d'une entreprise unique à laquelle peut être attribuée la responsabilité de leur qualité (arrêt Céline point 27 ; voir également CJCE, 12 novembre 2002, Arsenal Football Club, C-206/01, point 48 et jurisprudence citée, ainsi que points 56 à 59 ; voir encore CJUE, 25 juillet 2018, Mitsubishi, C-219/17, point 34, et jurisprudence citée). 33. Il s'en déduit, de la même manière que le seul dépôt d'une marque ne caractérise pas un usage dans la vie des affaires (Cass. Com., 13 octobre 2021, no19-20.504), que le seul fait d'immatriculer une société sous une certaine dénomination n'est pas, en soi, un usage de cette dénomination dans le but de distinguer des produits ou services, et il n'est donc pas à lui seul susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque : il s'agit d'un acte dont l'effet est strictement juridique, qui ne caractérise pas en soi l'existence d'une activité. 34. Par ailleurs, pour apprécier la similitude entre des produits ou des services, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre ces produits ou ces services ; ces facteurs incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire (CJCE, 29 septembre 1998, Canon, C-39/97, point 23). D'autres facteurs peuvent également être pris en compte, tels que les canaux de distribution des produits concernés (par exemple, CJUE, 21 janvier 2016, Hesse / OHMI, Porsche (Carrera), C-50/15, point 21). Parmi les facteurs pertinents, le caractère complémentaire des produits ou services est un critère autonome, susceptible de fonder, à lui seul, l'existence d'une similitude (CJUE, 21 janvier 2016, Hesse / OHMI, Porsche (Carrera), C-50/15, point 21). Pour appliquer ce critère, le Tribunal de l'Union européenne a développé une jurisprudence selon laquelle les produits ou les services complémentaires sont ceux entre lesquels existe un lien étroit, en ce sens que l'un est indispensable ou important pour l'usage de l'autre, de sorte que les consommateurs peuvent penser que la responsabilité de la fabrication de ces produits ou de la fourniture de ces services incombe à la même entreprise (TPICE, 1er mars 2005, Sergio Rossi, T-169/03, points 60 à 67, absence de complémentarité des sacs et des chaussures ; pour une application récente, TUE, 22 septembre 2021, Sociedade da agua de Monchique, T-195/20, points 46 et s., absence de complémentarité entre les produits alcooliques et l'eau). 35. En outre, aux termes de l'article L.713-3 du code de la propriété intellectuelle, "est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l'usage dans la vie des affaires, pour des produits ou des services, d'un signe identique ou similaire à la marque jouissant d'une renommée et utilisé pour des produits ou des services identiques, similaires ou non similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, si cet usage du signe, sans juste motif, tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque, ou leur porte préjudice." De la même manière, il résulte de l'article 9 du Règlement 2017/1001 que le titulaire d'une marque de l'Union européenne est "habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d'un signe pour des produits ou services lorsque : (...) c) ce signe est identique ou similaire à la marque de l'Union européenne, indépendamment du fait que les produits ou services pour lesquels il est utilisé soient identiques, similaires ou non similaires à ceux pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée, lorsque celle-ci jouit d'une renommée dans l'Union et que l'usage de ce signe sans juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque de l'Union européenne ou leur porte préjudice." 36. Il est enfin rappelé qu'une marque est considérée comme renommée lorsqu'elle est connue d'une partie significative du public pertinent et qu'elle exerce un pouvoir d'attraction propre, indépendant du produit ou du service qu'elle identifie, étant précisé que le public pertinent est celui concerné par la marque (CJCE, 14 septembre 1999, C-375/97, General Motors, points 24 et 26). Pour apprécier la renommée, sont notamment - mais pas exclusivement - pris en compte l'ancienneté de la marque, son succès commercial, l'importance du budget publicitaire consacré, l'étendue géographique et la durée de son usage, son référencement dans la presse ou encore l'existence de sondages (CJCE, 14 septembre 1999, C-375/97, General Motors, point 27 ; TUE, 10 mai 2007, T-47/06, Antartica c/OHMI et the Nasdaq Stock Market, points 46 et 52). 37. Afin de caractériser l'atteinte à la renommée d'une marque, il importe que le public concerné établisse un lien entre le signe et la marque, sans qu'il soit nécessaire d'établir l'existence d'un risque de confusion, l'intensité de la renommée de la marque pouvant être prise en compte pour apprécier l'existence d'un tel lien (CJCE, 23 octobre 2003, C-408-01, Adidas-Salomon AG et Adidas Benelux BV c/ Fitnessworld Trading ; CJUE, 27 novembre 2008, C-252-07, Intel Corporation c/ CPM United Kingdom, point 53). Enfin, ce lien établi entre le signe litigieux et la marque doit porter préjudice au caractère distinctif de cette marque, ce qui suppose que le comportement économique du consommateur moyen ait été modifié par l'usage du signe. 38. Il résulte en l'occurrence des pièces produites aux débats que la société Axamed fait usage de ce signe, non comme une simple raison sociale, mais comme un nom commercial permettant au public d'identifier cette société ainsi que son activité. Le signe Laboratoires Axamed (dans lequel le terme Axamed est de taille significativement plus importante et le signe Laboratoires apparaît descriptif de l'activité) figure ainsi par exemple en haut à gauche des différentes pages du site internet, accessible par le nom de domaine <www.axamed-lab.fr>. Le signe est également utilisé comme marque ombrelle des produits offerts à la vente sur ce site internet (pièce no2 de la société défenderesse elle-même). Le signe figuratif Axamed est ainsi indiscutablement utilisé dans la vie des affaires pour désigner l'origine de produits et services et précisément comme provenant de la défenderesse. 39. Force est en revanche de constater que les produits de soins et d'auto-diagnostic commercialisés par la société Axamed sous le signe litigieux n'apparaissent pas complémentaires des services d'assurance et en particulier des services d'assistance financière et de remboursement de frais médicaux visés à l'enregistrement de la marque opposée "Axa assistance" no001224294. En effet, ainsi qu'il a été vu, il ne suffit pas que les consommateurs considèrent un produit comme le complément ou l'accessoire d'un autre pour qu'ils puissent penser que ces produits ont la même origine commerciale. Il faut encore, pour cela, que les consommateurs considèrent comme habituel que ces produits soient commercialisés sous la même marque. Tel n'est pas le cas ici, les fabricants de produits de soin étant en principe (voire systématiquement) distincts des fournisseurs de services de remboursement de ces mêmes produits. 40. Aussi, en raison de l'absence de complémentarité des produits et services, tout risque de confusion apparaît exclu ici, ainsi que le soutient à juste titre la société Axamed. 41. Le tribunal relève cependant que les marques "Axa" sont intensément exploitées par un groupe de taille mondiale, présent dans 30 pays, employant 128.000 salariés et comptant 88.000 distributeurs exclusifs dans le monde, ayant généré en 2009 90 milliards d'euros de chiffre d'affaires (pièce Axa no55). Le groupe a également consacré 250 millions d'euros à sa publicité en 2018 (article Les Echos, pièce Axa no58), développé des partenariats avec des sportifs de renommée internationale (pièce Axa no59). Il en résulte que la marque Axa a été classée parmi les marques les plus connues au monde en 2018 et 2019 (pièces Axa no 15, 16 et 60). La société Axa établit ainsi amplement la renommée de ses marques, en particulier les marques françaises "Axa" no1270658 et 4555424. 42. En outre, si la ressemblance entre les marques et les signes "Axamed" ou "Laboratoires Axamed" est moyenne, voire faible, cette faible similitude est ici compensée par la particulière renommée des marques "Axa" et leur forte distinctivité acquise par l'usage intensif qui en a été fait. Aussi, en dépit de l'absence de complémentarité des produits concernés, il existe un risque évident que les signes "Axamed" ou "Laboratoires Axamed" évoquent, auprès des consommateurs, les marques "Axa", ce terme n'ayant aucune signification particulière en langue française. Il en résulte l'existence d'une atteinte à la renommée des marques Axa no1270658 et 4555424 (l'usage du signe "Axa" empruntant à la renommée des marques leur association immédiate à un groupe de taille mondiale très performant), ainsi qu'à leur caractère distinctif (un tel usage du terme "Axa" dilue la distinctivité des marques de la société demanderesse portant ainsi atteinte à ses importants investissements publicitaires), tandis qu'aucun juste motif n'est expressément invoqué par la société Axamed. 43. La contrefaçon par l'atteinte portée à la renommée des marques "Axa" par l'usage des signes litigieux étant établie (article L. 716-4 du code de la propriété intellectuelle), elle justifie les mesures d'interdiction et de radiation sollicitées, en application des articles L. 716-4-6 deuxième alinéa du code de la propriété intellectuelle et L. 45-2, 2o du code des postes et des communications électroniques, lesquelles seront prononcées selon les modalités précisées au dispositif de la présente décision. 44. Conformément aux dispositions de l'article L. 716-4-10 deuxième alinéa, il est également fait droit à la demande d'indemnisation forfaitaire du préjudice subi par la société Axa à hauteur de 5.000 euros. 45. Les demandes fondées sur la concurrence déloyale et parasitaire aux fins de réparer l'atteinte à la dénomination sociale de la demanderesse ainsi qu'aux noms de domaine <www.axa.fr> et <www.axa.com> qu'elle exploite, ne visent aucun fait imputable à la société défenderesse distinct de la contrefaçon déjà retenue par atteinte à la renommée de ses marques. Ces demandes ne peuvent donc qu'être rejetées. 46. Partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, la société Axamed sera condamnée aux dépens, ainsi qu'à payer à la société Axa la somme de 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. 47. Aucune circonstance ne justifiant d'en décider autrement, il est rappelé que la présente décision est assortie de l'exécution provisoire. PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL, REJETTE les demandes de la société Axamed tendant au prononcé de la nullité de la marque "Axa" no4 555 424 et à la déchéance de la marque "Axa" no00 1 224 294 pour non-usage ; DIT qu'en faisant usage du signe "Axamed", la société Axamed a commis des actes de contrefaçon par atteinte à la renommée des marques "Axa" no1270658 et 4555424 dont est titulaire la société Axa ; FAIT EN CONSÉQUENCE DÉFENSE à la société Axamed de faire usage, sous quelque forme et à quelque titre que ce soit, du signe "Axamed" ou "Laboratoires Axamed" et ce, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à exécuter la présente décision, courant à l'expiration d'un délai de 60 jours suivant la signification de la présente décision et pendant 180 jours; ORDONNE à la société Axamed de procéder à la radiation des noms de domaine <www.axamed-lab.fr> et <www.axamed-lab.com> , en justifiant auprès de la société Axa de l'effectivité de ses démarches auprès des personnes concernées, et ce dans un délai de 30 jours à compter de la signification du présent jugement ; AUTORISE la société Axa, à défaut de radiation effective de ces noms de domaine dans un délai de 60 jours suivant la signification du présent jugement, à le notifier à l'AFNIC ou toute autre unité d'enregistrement compétente, aux fins d'y procéder aux lieu et place de la société Axamed ; CONDAMNE la société Axamed à payer à la société Axa la somme forfaitaire de 5.000 euros en réparation de son préjudice résultant des actes de contrefaçon de marques commis; REJETTE les demandes de la société Axa fondées sur des actes de concurrence déloyale et parasitaire; CONDAMNE la société Axamed aux dépens et autorise la Selarl Marchais & Associés à recouvrer directement ceux dont elle aurait fait l'avance sans avoir reçu provision conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ; CONDAMNE la société Axamed à payer à la société Axa la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; RAPPELLE que le présent jugement est de plein droit assorti de l'exécution provisoire. Fait et jugé à Paris le 11 mai 2023. LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
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JUDICIAIRE 3ème chambre 3ème section No RG 20/09854 - No Portalis 352J-W-B7E-CS6RW No MINUTE : Assignation du : 09 octobre 2020 rendu le 31 Mai 2023 DEMANDERESSE Madame [P] [V] [Adresse 7] [Localité 1] (GRECE) représentée par Maître Pierre LAUTIER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #B0925 DÉFENDEURS Monsieur [K] [U] [Adresse 2] [Localité 5] Société. KWAIDAN [Adresse 3] [Localité 4] représentés par Maître Delphine LEFAUCHEUX de la SELARL KOHN ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0233 COMPOSITION DU TRIBUNAL Jean-Christophe GAYET, premier vice-président adjoint Linda BOUDOUR, juge Arhtur COURILLON-HAVY, juge assistés de Lorine MILLE, greffière, en présence de Anne BOUTRON, magistrat en stage de pré-affectation, A l'audience du 16 novembre 2022 tenue en audience publique devant Jean-Christophe GAYET et Linda BOUDOUR, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seuls l'audience, et, après avoir donné lecture du rapport, puis entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux avocats que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 08 mars 2023 et prorogé en dernier lieu au 31 mai 2023. Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire En premier ressort ___________________________ EXPOSE DU LITIGE Madame [P] [V] se présente comme auteure-compositrice-interprète spécialisée dans la musique électronique. La SARL KWAIDAN, dont Monsieur [K] [U] est le gérant, a pour activité la production d'enregistrements sonores et l'édition musicale. La SARL THE PERFECT KISS, dont la SARL KWAIDAN était l'associé unique, avait pour activité l'édition musicale. Par décision de l'assemblée générale extraordinaire du 26 novembre 2018, la société KWAIDAN a décidé sa dissolution sans liquidation, entrainant la transmission universelle de son patrimoine à son profit. Le 7 juillet 2004, la société KWAIDAN et Madame [P] [V] ont conclu un contrat de préférence éditoriale, renouvelable par tacite reconduction, par lequel cette dernière lui a accordé un droit de préférence exclusif pour le monde entier sur les oeuvres créées pendant un an. Le 28 novembre 2005, la société KWAIDAN et Madame [P] [V] ont conclu un contrat de cession et d'édition d'oeuvre musicale portant sur les oeuvres et les titres « get a life », « before the night ends », « afissos », « ballade », « right shot », « call me liar », « melted torch », « how do you feel » et « pick up yours pieces ». Le 12 septembre 2006, la société THE PERFECT KISS et Madame [P] [V] ont conclu un contrat de cession et d'édition d'oeuvre musicale portant sur ces mêmes 11 oeuvres et titres. Le 1er octobre 2006, la société THE PERFECT KISS et Madame [P] [V] ont conclu un contrat de cession du droit d'adaptation audiovisuelle portant sur l'oeuvre musicale intitulée « keep on going ». Le 19 avril 2007, la société THE PERFECT KISS et Madame [P] [V] ont conclu un contrat d'enregistrement exclusif par lequel cette dernière lui concède l'exclusivité de ses interprétations pour le monde entier pour notamment la réalisation d'un album inédit studio ferme, avec deux options de contrats exclusives, successives et distinctes portant sur la réalisation de deux albums inédits studio supplémentaires. Le 1er mars 2012, la société KWAIDAN et Madame [P] [V] ont conclu un contrat d'enregistrement exclusif portant sur l'album « I U Need » composé de 11 titres inédits. Le 22 février 2012, la société KWAIDAN et Madame [P] [V] ont conclu un pacte de préférence par lequel cette dernière lui confère un droit de préférence ou de première option sur l'édition et l'exploitation de ses oeuvres de variétés (chanson et/ou musique) écrites et composées par elle seule, avec un ou plusieurs collaborateurs pour une durée de trois ans. Reprochant à la société KWAIDAN des manquements à ses obligations contractuelles, Madame [P] [V] l'a, par courrier de son conseil du 19 décembre 2019, mis en demeure de régulariser la situation et de l'indemniser de ses préjudices matériel et moral. Par courrier de son conseil du 20 février 2020, la société KWAIDAN a contesté les manquements reprochés et indiqué rejeter les demandes indemnitaires de Madame [P] [V]. C'est dans ces circonstances que par actes d'huissier du 9 octobre 2020, Madame [P] [V] a fait assigner la société KWAIDAN et Monsieur [K] [U] devant le tribunal judiciaire de PARIS en résiliation judiciaire des contrats et réparation de ses préjudices. Par ordonnance sur incident du 21 mai 2021, le juge de la mise en état a déclaré le tribunal judiciaire de PARIS incompétent au profit du conseil de prud'hommes de PARIS pour connaître des demandes en paiement des cachets formées par Madame [P] [V] en vertu du contrat d'enregistrement exclusif du 1er mars 2012. L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 juin 2022. L'ensemble des parties ayant constitué avocat, le jugement est contradictoire en application de l'article 467 du code de procédure civile. PRETENTIONS DES PARTIES Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 28 avril 2022, Madame [P] [V] demande au tribunal, au visa des articles 1844-5 et 2224 du code civil, de l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, des articles L. 131-2, L. 131-3, L. 132-4, L. 132-13 et L. 132-14 du code de la propriété intellectuelle, de : « - CONSTATER l'imputabilité des fautes de la société THE PERFECT KISS à la société KWAIDAN ; - CONSTATER que Monsieur [K] [U] et la société KWAIDAN ont violé le contrat d'enregistrement exclusif en date du 1er mars 2012 conclu avec Madame [P] [V] ; - CONSTATER que Monsieur [K] [U] et la société KWAIDAN ont violé le pacte de préférence éditoriale en date du 22 février 2012 conclu avec Madame [P] [V] ; - CONSTATER que Monsieur [K] [U] et la société KWAIDAN ont porté atteinte aux droits d'auteur ainsi qu'aux droits voisins de Madame [P] [V] ; Par conséquent, - ORDONNER la résiliation du contrat enregistrement conclu entre la société KWAIDAN et Madame [P] [V] le 1er mars 2012 ; - ORDONNER la résiliation du pacte de préférence éditoriale conclu entre la société KWAIDAN et Madame [P] [V] le 22 février 2012 ; - ORDONNER la résiliation des contrats de cession et d'édition conclus en application du pacte de préférence éditoriale conclu entre la société KWAIDAN et Madame [P] [V] ; - ORDONNER la résiliation du contrat de cession et d'édition portant sur l'album « GETALIFE » conclu entre Madame [P] [V] et la société THE PERFECT KISS en date du 12 septembre 2006 ; - ORDONNER la résiliation du contrat de cession et d'édition portant sur le titre « Keep on going » conclu le 1er octobre 2006 entre Madame [P] [V] et la société THE PERFECT KISS, aujourd'hui dissoute et dont le patrimoine a été transmis à la société KWAIDAN ; - ORDONNER la résiliation du contrat d'enregistrement exclusif conclu le 19 avril 2007 entre Madame [P] [V] et la société THE PERFECT KISS, aujourd'hui dissoute et dont le patrimoine a été transmis à la société KWAIDAN ; - ORDONNER à la société KWAIDAN de communiquer à Madame [P] [V] l'ensemble des relevés d'exploitation et de publishing détaillés portant sur l'exploitation de l'album « I U NEED » ; - ORDONNER à la société KWAIDAN de communiquer l'ensemble des contrats de licence, de synchronisation et tout accord de distribution conclus à partir des titres de l'album « I U NEED » ; - ORDONNER à la société KWAIDAN de communiquer à Madame [P] [V] l'ensemble des relevés d'exploitation et d'édition détaillés pour l'album « GETALIFE » ; - ORDONNER à la société KWAIDAN de communiquer à Madame [P] [V] l'ensemble des contrats de licence et de synchronisation conclus à partir du titre « KEEP ON GOING » et des titres de l'album « GETALIFE » ; - ORDONNER à la société KWAIDAN de communiquer l'ensemble des subventions perçues par les sociétés civiles des producteurs phonographiques ; - ORDONNER à la société KWAIDAN de restituer à Madame [P] [V] l'ensemble des droits portant sur les enregistrements de l'album « I U NEED » ; - ORDONNER à la société KWAIDAN de restituer à Madame [P] [V] l'ensemble des droits portant sur les éditions des titres de l'album « I U NEED » ; - ORDONNER à la société KWAIDAN de restituer à Madame [P] [V] l'ensemble des droits portant sur les enregistrements de l'album « GETALIFE » et du titre « Keep on going » ; - ORDONNER à la société KWAIDAN de restituer à Madame [P] [V] l'ensemble des droits portant sur les éditions des titres de l'album « GETALIFE » ; - ORDONNER à la société THE PERFECT KISS le versement des sommes dues au titre de l'exploitation de l'album « GETALIFE » et du titre « Keep on going » ; - ORDONNER à la société KWAIDAN le versement de l'ensemble des royalties qui sont dues au titre de l'exploitation de l'album « I U NEED » à Madame [P] [V] ; - ORDONNER à la société KWAIDAN de suspendre toute procédure de mainlevée concernant l'avance de 3 000 euros consentie par la société KWAIDAN à Madame [P] [V] ; - ORDONNER à la société KWAIDAN de restituer à Madame [P] [V] la somme de 1.079,74 euros ainsi que les 83,87 euros de frais représentant les montant perçus au titre de la procédure de mainlevée auprès de la SACEM par la société KWAIDAN ; - ORDONNER à la société KWAIDAN de communiquer à Madame [P] [V] l'ensemble des relevés d'exploitation détaillés concernant l'exploitation de l'EP « OXYTOCIN » ; - ORDONNER à la société KWAIDAN le versement de l'ensemble des royalties qui sont dues au titre de l'exploitation de l'EP « OXYTOCIN » à Madame [P] [V] ; - ORDONNER à la société KWAIDAN de communiquer à Madame [P] [V] l'ensemble des contrats de licence, de synchronisation et tout accord de distribution conclus à partir des titres issus de l'EP « OXYTOCIN » ; - ORDONNER à la société KWAIDAN de restituer à Madame [P] [V] l'ensemble des masters concernant l'album « GETALIFE » - ORDONNER à la société KWAIDAN de restituer à Madame [P] [V] l'ensemble des masters concernant l'EP « OXYTOCIN » et de cesser toute commercialisation et distribution des titres de cet album desquels elle n'a jamais concédé aucun droit à la société KWAIDAN ; - ORDONNER à la société KWAIDAN de contacter l'ensemble de ses distributeurs et partenaires afin que ces derniers cessent de commercialiser l'EP « OXYTOCIN » commercialisé illicitement ; - CONDAMNER Monsieur [K] [U] et la société KWAIDAN à payer à Madame [P] [V] la somme de 55.000 (cinquante-cinq mille) euros à titre de réparation du préjudice matériel généré par les agissements de la société THE PERFECT KISS ; - CONDAMNER Monsieur [K] [U] et la société KWAIDAN à payer à Madame [P] [V] la somme de 80.000 (quatre-vingt mille) euros à titre de réparation du préjudice matériel subi par cette dernière ; - CONDAMNER Monsieur [K] [U] et la société KWAIDAN à payer à Madame [P] [V] la somme de 100.000 (cent mille) euros à titre de réparation du préjudice moral subi par cette dernière ; - CONDAMNER également Monsieur [K] [U] et la société KWAIDAN à payer à Madame [P] [V] la somme de 7.000 (sept mille) euros au titre des frais irrépétibles engendrés par la présente instance en application de l'article 700 du code de procédure civile ; - Les condamner aux entiers dépens de la présente instance ; - Assortir la présente décision de l'exécution provisoire ». Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 9 juin 2022, la société KWAIDAN et Monsieur [K] [U] demandent au tribunal, au visa des articles L. 131-2, L. 132-4, L. 121-2, L. 132-13 du code de la propriété intellectuelle, de l'article 32-1 du code de procédure civile, de l'article 111 de l'ordonnance de Villers-Cotterêts du 25 août 1539, de l'article 5.5 du règlement intérieur national, de l'article 2.2.1 du protocole de procédure civile conclu le 11 juillet 2012 entre le tribunal de grande instance de Paris et l'ordre des avocats du barreau de Paris, de : « - REJETER toutes les pièces de la demanderesse qui ne sont pas traduites en français, ou dont les passages dont elle entend se prévaloir ne sont pas traduits en français ; - PRONONCER la résiliation du contrat d'enregistrement exclusif du 1er mars 2012 aux torts exclusifs de Madame [P] [V], qui a notifié brutalement à la société KWAIDAN, le 25 mai 2016, sa décision unilatérale de cesser toute collaboration avec elle, et ce, sans aucun motif légitime ; - JUGER qu'aucun manquement ne peut être reproché à la société KWAIDAN, tant au titre de l'exécution du contrat d'enregistrement exclusif du 1er mars 2012 qu'au titre du pacte de préférence éditoriale conclu entre la société KWAIDAN et Madame [P] [V] ; - JUGER qu'aucun manquement ne peut être reproché à la société PERFECT KISS, aux droits de laquelle est venue la société KWAIDAN à compter de 2018, tant au titre de l'exécution des obligations résultant du contrat d'enregistrement exclusif du 19 avril 2007 qu'au titre des contrats de cession et d'édition des 12 septembre et 1er octobre 2006 conclus entre la société THE PERFECT KISS, aux droits de laquelle est venue la société KWAIDAN et Madame [P] [V] ; En conséquence, - DEBOUTER Madame [P] [V] de l'ensemble de l'ensemble de ses demandes ; A titre reconventionnel : - CONDAMNER Madame [P] [V] à payer à la société KWAIDAN et à Monsieur [K] [U], pour chacun d'eux, la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ; - CONDAMNER Madame [P] [V] à payer à la société KWAIDAN : ? la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice matériel et moral subi du fait de la résiliation abusive, à ses torts exclusifs, du contrat d'enregistrement exclusif du 1er mars 2012, d'une part, ? et, d'autre part, au titre des violations répétées par Madame [P] [V] de l'exclusivité concédée à la société KWAIDAN en application du contrat d'enregistrement exclusif du 1er mars 2012 ; A titre très subsidiaire, et si par impossible le tribunal rentrait en voie de condamnation à l'encontre de la société KWAIDAN et/ou Monsieur [K] [U], - ECARTER l'exécution provisoire de droit, incompatible avec la nature de l'affaire et susceptible d'entraîner des conséquences manifestement excessives ; En tout état de cause : - CONDAMNER Madame [P] [V] à payer à la société KWAIDAN la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à Monsieur [K] [U], la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; - La CONDAMNER aux entiers dépens ». MOTIFS DE LA DÉCISION Sur la demande de rejet des pièces non traduites Conformément à l'article 768 du code de procédure civile, les écritures des parties doivent formuler expressément les prétentions des parties ainsi que les moyens en fait et en droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée. Le tribunal ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des dernières conclusions et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion. Dans le dispositif de leurs dernières conclusions, la société KWAIDAN et Monsieur [K] [U] demandent au tribunal de « rejeter toutes les pièces de la demanderesse qui ne sont pas traduites en français ou dont les passages dont elle entend se prévaloir ne sont pas traduits en français ». Or, les pièces dont s'agit ne sont identifiées ni dans le dispositif ni dans la partie discussion des conclusions des défendeurs tandis que la demanderesse produit 137 pièces, et il n'appartient pas au tribunal de palier leur carence. Leur demande sera en conséquence rejetée. Sur les demandes de résiliation judiciaire Madame [P] [V] soutient avoir la qualité de coproducteur de l'album « I U NEED » au sens de l'article L. 213-1 du code de la propriété intellectuelle en ce qu'elle a supporté une partie des coûts, et qu'étant coproductrice la société KWAIDAN avait alors à son égard une obligation d'information des subventions perçues et des dépenses exposées au titre du contrat d'enregistrement exclusif du 1er mars 2012, obligation qu'elle n'a pas exécutée, de sorte que ce contrat doit être résilié judiciairement. Elle expose que la société KWAIDAN a également manqué à ses obligations relatives au pacte de préférence éditoriale du 22 février 2012 en ce qu'elle n'a pas correctement déposé les titres de l'album « I U NEED » auprès de la SACEM et des organismes de gestion collective étrangers et n'a pas vérifié que la répartition des redevances était correcte. Elle conclut que ces manquements justifient la résiliation judiciaire du pacte de préférence éditoriale du 22 février 2012. Elle ajoute que la résiliation judiciaire du contrat de préférence éditoriale du pacte de préférence du 22 février 2012 doit entraîner la résiliation judiciaire des contrats de cession et d'édition conclus en application de ce pacte dès lors qu'ils sont interdépendants. Elle fait ensuite valoir que la société THE PERFECT KISS, aux droits de laquelle vient la société KWAIDAN, ne lui a jamais adressé les relevés et la rémunération due pour l'exploitation et l'édition du titre « Keep on going » et des titres de l'album « GETALIFE », et que ces manquements justifient la résiliation judiciaire du contrat de cession et d'édition d'oeuvre musicale du 12 septembre 2006, du contrat de cession du droit d'adaptation audiovisuelle du 1er octobre 2006 et du contrat d'enregistrement exclusif du 19 avril 2007. Madame [P] [V] soutient en outre que la société KWAIDAN a exploité illégalement l'extended play (ci-après l'EP) intitulé « OXYTOCIN » en l'absence de tout contrat d'enregistrement et d'édition et dit n'avoir perçu aucune rémunération de cette exploitation qu'elle estime contraire à la loi. La société KWAIDAN, qui conteste avoir inexécuté ses obligations résultant du contrat d'enregistrement exclusif du 1er mars 2012 et du pacte de préférence éditoriale du 22 février 2012, fait valoir que la demanderesse n'établit pas ses allégations. Elle soutient également qu'aucun manquement ne peut être reproché à la société THE PERFECT KISS, dont elle vient aux droits, qu'il s'agisse du contrat de cession et d'édition d'oeuvre musicale du 12 septembre 2006, du contrat de cession du droit d'adaptation audiovisuelle du 1er octobre 2006 ou du contrat d'enregistrement exclusif du 19 avril 2007, et souligne qu'avant le courrier de mise en demeure du 27 février 2020 adressée par son conseil, la demanderesse n'a jamais formulé de réclamation sur les conditions d'exécution de ces trois contrats. S'agissant de l'EP « OXYTOCIN », la société KWAIDAN fait valoir que son exploitation relève du contrat d'enregistrement exclusif du 1er mars 2012. Selon l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable au présent litige, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi. L'article 1147 du même code, dans sa rédaction applicable au présent litige, dispose que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part. Aux termes de l'article 1184 dudit code, dans sa rédaction applicable au présent litige, la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement. Dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté, a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts. La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances. L'article 1353 du code civil dispose que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 132-1 du code de la propriété intellectuelle, le contrat d'édition est le contrat par lequel l'auteur d'une oeuvre de l'esprit ou ses ayants droit cèdent à des conditions déterminées à une personne appelée éditeur le droit de fabriquer ou de faire fabriquer en nombre des exemplaires de l'oeuvre ou de la réaliser ou faire réaliser sous une forme numérique, à charge pour elle d'en assurer la publication et la diffusion. L'article L. 132-13 du même code dispose que l'éditeur est tenu de rendre compte. L'auteur pourra, à défaut de modalités spéciales prévues au contrat, exiger au moins une fois l'an la production par l'éditeur d'un état mentionnant le nombre d'exemplaires fabriqués en cours d'exercice et précisant la date et l'importance des tirages et le nombre des exemplaires en stock. Sauf usage ou conventions contraires, cet état mentionnera également le nombre des exemplaires vendus par l'éditeur, celui des exemplaires inutilisables ou détruits par cas fortuit ou force majeure, ainsi que le montant des redevances dues ou versées à l'auteur. Selon l'article 132-14 dudit code, l'éditeur est tenu de fournir à l'auteur toutes les justifications propres à établir l'exactitude de ses comptes. Faute par l'éditeur de fournir les justifications nécessaires, il y sera contraint par le juge. En application de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention. Sur le contrat d'enregistrement exclusif du 1er mars 2012 En l'espèce, l'article 11 « cession de droits » du contrat d'enregistrement exclusif du 1er mars 2012 (pièce demanderesse no7) stipule : « 1. Il est rappelé que le PRODUCTEUR assurera seul le financement de tous les enregistrements objet des présentes, et sera réputé seul producteur au sens de l'article L. 213-1 et L. 215-1 du code de la propriété intellectuelle. 2. L'ARTISTE cède au PRODUCTEUR la pleine et entière propriété des exécutions et/ou interprétations prévues aux présentes, sans restriction ni réserve, et avec tous les droits présents et futurs s'y attachant ». L'article 3.1 du contrat précise que « 1. Le présent contrat est un contrat de travail à durée déterminée d'usage qui a pour terme la réalisation de son objet, conformément aux articles L. 1242-2 3o et D. 1242-1 du code du travail, permettant le recours au contrat de travail à durée déterminée dans le secteur d'usage de l'édition phonographique ». L'article 6.1 du contrat prévoit que « le PRODUCTEUR sera en outre seul bénéficiaire de toute subvention ou aide publique ou privée relative à la production des enregistrements en sa qualité de producteur exclusif des enregistrements objet des présentes ». Au regard des stipulations précitées du contrat d'enregistrement exclusif du 1er mars 2012, Madame [P] [V], qui allègue avoir supporté une partie des coûts d'enregistrement et de production de l'album « I U NEED » et participé au financement de la production du vidéoclip « ANTIVIRUS » sans toutefois en rapporter la preuve en dépit des contestations de la société KWAIDAN, n'est pas fondée à revendiquer la qualité de coproducteur au sens de l'article L. 213-1 du code de la propriété intellectuelle, de sorte que la société KWAIDAN n'était pas tenue à son égard d'une obligation d'information des subventions perçues de la société civile des producteurs phonographiques (SCPP) et de la société civile des producteurs de phonogrammes en France (SPPF). En revanche, l'article 6.2 du contrat d'enregistrement exclusif du 1er mars 2012 stipule que « le PRODUCTEUR remettra à l'ARTISTE un état récapitulatif des dépenses et des recettes prises en compte pour le calcul du bénéfice d'exploitation. L'ARTISTE pourra consulter les justificatifs de dépenses et de recettes au siège social du PRODUCTEUR, qui tiendra à cet effet une comptabilité séparée, une fois par semestre ». Toutefois, bien que la société KWAIDAN ne justifie pas avoir remis à Madame [P] [V] l'état récapitulatif des dépenses prévu au contrat, force est de constater que ce manquement n'est pas suffisamment grave pour justifier une résiliation judiciaire du contrat, étant observé qu'il ne s'agit pas d'une obligation essentielle du contrat et que Madame [P] [V] ne démontre pas au demeurant avoir demandé à consulter au siège social les justificatifs des dépenses tandis que le contrat l'y autorisait. Au regard de tout de ce qui précède, Madame [P] [V] sera en conséquence déboutée de sa demande de résiliation judiciaire du contrat d'enregistrement exclusif du 1er mars 2012. Le contrat d'enregistrement exclusif du 1er mars 2012 n'étant pas résilié et Madame [P] [V] n'ayant pas la qualité de coproductrice, ses demandes subséquentes tendant à voir « ordonner à la société KWAIDAN de lui restituer l'ensemble des droits portant sur les enregistrements et les éditions des titres de l'album ‘‘I U NEED'' et de lui communiquer l'ensemble des subventions perçues par les sociétés civiles des producteurs phonographiques » seront également rejetées. Madame [P] [V], qui affirme que les montants mentionnés sur les relevés d'exploitation des titres de l'album « I U NEED » communiqués par la société KWAIDAN sont erronés sans toutefois en rapporter la preuve, sera déboutée de sa demande tendant à voir « ordonner à la société KWAIDAN le versement de l'ensemble des royalties qui sont dues au titre de l'exploitation de l'album ‘‘I U NEED'' » dès lors qu'il est prématuré d'affirmer que l'état des comptes est inexact. A cet égard, la communication des pièces justificatives afférentes sera ordonnée. Quant à la demande reconventionnelle en résiliation judiciaire de ce même contrat aux torts de la demanderesse pour « résiliation abusive », contrairement à ce qu'affirme la société KWAIDAN dans ses écritures Madame [P] [V] n'a pas résilié unilatéralement le contrat d'enregistrement exclusif du 1er mars 2012 par courriel du 25 mai 2012 dès lors qu'elle écrit seulement « j'ai beaucoup réfléchi ce temps-ci à [Localité 6] et je sens que je ne peux plus continuer notre collaboration. J'apprécierais si on pourrait trouver une solution/accord mutuel – le plus souple » (pièce défendeurs no21) et ne vise aucun contrat en particulier. La société KWAIDAN sera en conséquence déboutée tant de sa demande reconventionnelle en résiliation judiciaire du contrat d'enregistrement exclusif du 1er mars 2012 que de sa demande reconventionnelle en paiement de dommages et intérêts pour résiliation abusive de ce contrat. Sur le pacte de préférence éditoriale du 22 février 2012 Madame [P] [V], qui allègue le manquement de la société KWAIDAN à ses obligations contractuelles du pacte de préférence éditoriale du 22 février 2012 en ce qu'elle n'a pas correctement déposé les titres de l'album « I U NEED », sorti le 5 mars 2012, auprès de la société des auteurs compositeurs et éditeurs de musique (ci-après SACEM) et des organismes de gestion collective étrangers et n'a pas vérifié que la répartition des redevances était correcte, se borne à produire les courriels qu'elle a adressés à la SACEM en novembre et décembre 2017 pour l'informer de ses deux concerts à Chypre des 11 novembre et 16 décembre 2017 (sa pièce no25). Elle produit également les courriels qu'elle a adressés à la SACEM en janvier 2018 pour solliciter la vérification de ses contrats d'édition par son service juridique, courriels auxquels la SACEM l'a, en réponse, invitée à prendre contact avec son éditeur la société KWAIDAN (sa pièce no27). Or, Madame [P] [V] n'invoque aucun courrier ou courriel adressé à la société KWAIDAN à cet égard. Les courriels adressés à la SACEM ne permettant pas à eux seuls d'établir les manquements qu'elle allègue dont la charge de la preuve lui incombe, sa demande de résiliation judiciaire du pacte de préférence éditoriale du 22 février 2012 ne peut qu'être rejetée. Ledit pacte n'étant pas résilié, sa demande subséquente de résiliation judiciaire « des contrats de cession et d'édition conclus en application du pacte de préférence éditoriale » du 22 février 2012 sera également rejetée, étant par ailleurs souligné que les contrats dont s'agit ne sont aucunement identifiés dans ses conclusions. Sur le contrat de cession et d'édition d'oeuvre musicale du 12 septembre 2006, le contrat de cession du droit d'adaptation audiovisuelle du 1er octobre 2006 et le contrat d'enregistrement exclusif du 19 avril 2007 En l'espèce, Madame [P] [V] justifie des obligations de reddition de comptes et de paiement des redevances dont elle sollicite l'exécution par la production des trois contrats suivants conclus avec la société THE PERFECT KISS aux droits de laquelle vient la société KWAIDAN : - le contrat de cession et d'édition d'oeuvre musicale du 12 septembre 2006 portant sur les titres de l'album « GETALIFE » (sa pièce no4) ; - le contrat de cession du droit d'adaptation audiovisuelle du 1er octobre 2006 portant sur le titre « Keep on going » (sa pièce no5) ; - le contrat d'enregistrement exclusif du 19 avril 2007 portant sur les titres de l'album « GETALIFE » (sa pièce no6). Par ailleurs, la société KWAIDAN produit elle-même en pièce no66 le courrier de mise en demeure du 27 février 2020 adressé à la société THE PERFECT KISS par le conseil de Madame [P] [V] aux termes duquel elle sollicite notamment les relevés d'exploitation des titres de l'album « GETALIFE » et le versement des royalties qui lui sont dues. L'absence de reddition de comptes, obligation légale et essentielle des trois contrats susvisés, et le non-paiement des redevances dues, obligation contractuelle essentielle dont la défenderesse n'établit pas l'exécution spontanée ou faisant suite à la mise en demeure, constituent des manquements qui justifient à eux seuls la résiliation de ces trois contrats, sans que les autres griefs invoqués à cette fin par Madame [P] [V] n'aient à être examinés. Le moyen de la société KWAIDAN tiré de l'absence de réclamation de Madame [P] [V] durant plusieurs années est inopérant dès lors que son silence ne dispensait pas la société THE PERFECT KISS, dont elle vient aux droits, d'exécuter ses obligations légales et contractuelles. Les trois contrats susvisés étant résiliés, Madame [P] [V] est fondée à solliciter la restitution des masters des titres de l'album « GETALIFE ». En revanche, il n'y a pas lieu d'« ordonner la restitution de l'ensemble des droits portant sur l'enregistrement et les éditions » du titre ‘‘Keep on going'' et des titres de l'album ‘‘GETALIFE'' » telle que sollicitée par Madame [P] [V] dans le dispositif de ses conclusions, celle-ci étant surabondante dès lors que les trois contrats sont résiliés. Il sera fait droit à sa demande de communication de l'ensemble des relevés année par année de l'exploitation et de l'édition du titre « Keep on going » et des titres de l'album « GETALIFE », ainsi que des contrats de licence et de synchronisation y afférents. La société KWAIDAN, venant aux droits de la société THE PERFECT KISS, sera condamnée à payer à Madame [P] [V] les redevances dues sur la base des relevés année par année de l'exploitation et de l'édition du titre « Keep on going » et des titres de l'album « GETALIFE » dont la communication sera ordonnée. Par ailleurs, l'absence de reddition de comptes et de paiement des redevances dues, et plus généralement l'absence d'information relative à une exploitation effective et suivie du titre « Keep on going » et des titres de l'album « GETALIFE », ont nécessairement causé un préjudice moral à Madame [P] [V] qui sera réparé par l'allocation de la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts. La société KWAIDAN sera également condamnée à lui payer la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel résultant du retard dans l'exécution de l'obligation de paiement des redevances. Madame [P] [V], qui procède par voie d'affirmations dans ses écritures quant aux « grandes pertes financières » prétendument subies dont elle ne rapporte pas la preuve, sera déboutée du surplus de ses demandes indemnitaires au titre du préjudice matériel. Sur les demandes relatives à l'EP « OXYTOCIN » Conformément à l'article 768 du code de procédure civile, les écritures des parties doivent formuler expressément les prétentions des parties ainsi que les moyens en fait et en droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée. Le tribunal ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des dernières conclusions et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion. Si Madame [P] [V] reproche à la société KWAIDAN d'avoir exploité l'EP intitulé « OXYTOCIN » sorti en mai 2016 en l'absence de tout contrat d'enregistrement et d'édition et de ne lui avoir versé aucune rémunération, force est de constater qu'elle se borne à exposer des moyens en fait et à arguer que cette exploitation est « illégale » et « contraire à la loi ». Dans la partie discussion de ses conclusions, elle n'invoque aucun fondement textuel et n'expose aucun moyen en droit au soutien de ses prétentions relatives à l'EP « OXYTOCIN ». Elle se contente dans le dispositif de demander au tribunal de « constater que Monsieur [K] [U] et la société KWAIDAN ont porté atteinte aux droits d'auteur ainsi qu'aux droits voisins de Madame [P] [V] ». Or, à supposer que la demanderesse invoque une atteinte à des droits d'auteur ou droits voisins, la nature et l'étendue de ses droits sur chacun des titres de l'EP « OXYTOCIN » – qui n'ont pas été versés aux débats – ne sont pas identifiées et sont dès lors inconnues, étant précisé que le tribunal ne peut palier sa carence à cet égard. Au regard de tout ce qui précède, les demandes de Madame [P] [V] relatives à l'EP « OXYTOCIN » ne peuvent qu'être rejetées. Sur la responsabilité personnelle de M. [U] Madame [P] [V] soutient que Monsieur [K] [U], qui a une grande expérience des pratiques et usages de la profession dans le secteur musical, connaissait les obligations légales pesant sur lui en sa qualité de producteur et d'éditeur de musique et que le manquement à ses obligations contractuelles constitue une faute intentionnelle d'une particulière gravité manifestement incompatible avec l'objet social de la société KWAIDAN. Monsieur [K] [U] répond que la demanderesse tient à tout prix à voir sa responsabilité personnelle engagée contre toute logique juridique. L'article 1240 du code civil dispose que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. Selon l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention. La responsabilité personnelle d'un dirigeant à l'égard des tiers ne peut être retenue que s'il a commis une faute séparable de ses fonctions. Il en est ainsi lorsque le dirigeant commet intentionnellement une faute d'une particulière gravité incompatible avec l'exercice normal des fonctions sociales (Cass. com., 7 juillet 2004, no02-17.729 ; 31 mars 2015, no13-19.432). Outre qu'elle ne caractérise pas une faute de Monsieur [K] [U] séparable de ses fonctions de gérant de la société KWAIDAN, Madame [P] [V] ne démontre pas davantage que les deux autres conditions de la responsabilité civile extracontractuelle sont réunies, à savoir un préjudice et un lien de causalité. L'ensemble des demandes formées à son encontre seront par conséquent rejetées. Sur la procédure de mainlevée auprès de la SACEM Conformément à l'article 768 du code de procédure civile, les écritures des parties doivent formuler expressément les prétentions des parties ainsi que les moyens en fait et en droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée. Le tribunal ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des dernières conclusions et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion. En l'espèce, les prétentions suivantes sont énoncées au dispositif des conclusions de Madame [P] [V] : « - ORDONNER à la société KWAIDAN de suspendre toute procédure de mainlevée concernant l'avance de 3000 euros consentie par la société KWAIDAN à Madame [P] [V] ; - ORDONNER à la société KWAIDAN de restituer à Madame [P] [V] la somme de 1079,74 euros ainsi que les 83,87 euros de frais représentant les montant perçus au titre de la procédure de mainlevée auprès de la SACEM par la société KWAIDAN ». Or, dans la partie discussion de ses conclusions, la demanderesse n'invoque aucun fondement textuel et n'expose aucun moyen en droit au soutien de ses prétentions. Seul son bordereau de pièces mentionne une pièce no20 intitulée « copie des échanges de mails entre Madame [P] [V] et Madame [M] [N], juriste à la SACEM, en date du 20 mars 2020 concernant la mainlevée partielle demandée par la société KWAIDAN ». Contrairement à ce qui est annoncé dans le bordereau, cette pièce no20 n'est pas « des échanges de mails » mais uniquement un courriel de la SACEM du 20 mars 2020 rédigé en ces termes : « Nous portons à votre connaissance que nous a été signifiée en date du 18 mars 2020 par la société KWAIDAN, une cession de créance consentie par vous, sur l'ensemble des droits d'auteur vous revenant de la Sacem pour un montant de 3.000,00 €. A ce montant, vient s'ajouter celui de 83,87 € relatif aux frais de signification de ladite cession. Nous serons donc dans l'obligation d'appliquer cette cession sur les droits d'auteur vous revenant lors de nos prochaines répartitions ». Cette pièce no20 ne permet pas à elle seule de faire droit à ses prétentions. Il n'est aucunement fait état d'une procédure de mainlevée. Par ailleurs, Madame [P] [V] ne donne aucune explication sur la cession de créance qu'elle a consentie et les droits d'auteur dont s'agit ne sont pas identifiés. Au regard de tout ce qui précède, ses demandes relatives à la « procédure de mainlevée » auprès de la SACEM ne peuvent qu'être rejetées. Sur les demandes indemnitaires reconventionnelles Sur la violation alléguée de l'exclusivité du contrat d'enregistrement du 1er mars 2012 La société KWAIDAN soutient que Madame [P] [V] a violé l'exclusivité stipulée au contrat d'enregistrement exclusif du 1er mars 2012 en collaborant au titre « Do it » avec [E] [L] sorti commercialement en 2013, en collaborant aux titres « Love is gone » et « Fist » avec [W] [I] et en collaborant aux titres « White Holy » et « Big Fish Fight » avec [X] [C] sortis commercialement en 2015, lui causant ainsi un préjudice. Madame [P] [V], qui conteste tout manquement à son obligation d'exclusivité, fait valoir que la société KWAIDAN ne précise pas les dates exactes d'enregistrement des titres litigieux et que ceux-ci sont postérieurs à la durée d'exclusivité de 18 mois stipulée au contrat. Selon l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable au présent litige, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi. L'article 1147 du même code, dans sa rédaction applicable au présent litige, dispose que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part. En application de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention. L'article 2 du contrat d'enregistrement exclusif du 1er mars 2012 stipule : « [?] Pendant toute la durée du présent contrat telle que définie à l'article 3 ci-après, l'ARTISTE s'interdit formellement et irrévocablement de procéder à des enregistrements d'oeuvres musicales pour toute autre personne physique ou morale que ce soit sous son nom, son nom d'Artiste, un pseudonyme, anonymement ou en Groupe, sans l'engagement préalable écrit du PRODUCTEUR ». L'article 3 du contrat précise que « 1. [?] les enregistrements en studio du LP1 (intitulé « I U Need » et comportant 11 titres inédits) ont été réalisés antérieurement à la date de signature des présentes. 2. L'exclusivité concédée par l'ARTISTE au PRODUCTEUR aux termes des présentes cessera à l'issue d'un délai de 18 (dix-huit) mois à compter de la date de sortie commerciale du LP1 publié par le PRODUCTEUR en exécution des présentes. En tout état de cause, le présent contrat est conclu pour une durée minimum de 18 (dix-huit) mois à compter de sa signature. 3. En conséquence, l'ARTISTE ne pourra en aucun cas autoriser la fixation, la reproduction, l'exploitation et la diffusion, par un tiers aux présentes, de nouveaux enregistrements de ses interprétations quelles qu'en soient la nature ou la destination, avant l'expiration de la période d'exclusivité sus-définie. 4. La sortie commerciale en France du LP1 interviendra le 5 mars 2012 ». En l'espèce, tandis que la charge de la preuve lui incombe, la société KWAIDAN, qui procède par voie d'affirmation dans ses écritures, se borne à produire trois captures écrans de playlists (ses pièces no62-1, 62-2, 62-3) contestées par Madame [P] [V], dont l'origine est inconnue et mentionnant uniquement les années 2013, 2015 et 2016. Il n'est aucunement démontré que les titres litigieux « Do it », « Love is gone », « Fist », « White Holy » et « Big Fish Fight » ont été enregistrés durant la période du 5 mars 2012 au 5 septembre 2013, de sorte que le manquement allégué à l'obligation d'exclusivité d'une durée de 18 mois stipulée aux articles 2 et 3 du contrat d'enregistrement exclusif du 1er mars 2012 n'est pas établi. Sa demande indemnitaire reconventionnelle ne peut dès lors qu'être rejetée. Sur la procédure abusive Les défendeurs soutiennent que Madame [P] [V] n'a cessé de dénigrer la société KWAIDAN auprès de ses différents interlocuteurs dans une intention de nuire, ce qui reflète selon elle le caractère abusif de la procédure. Madame [P] [V] ne répond pas sur ce point. L'article 1240 du code civil dispose que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. Aux termes de l'article 1241 du même code, chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence. Le droit d'agir en justice dégénère en abus constitutif d'une faute au sens de l'article 1240 du code civil lorsqu'il est exercé en connaissance de l'absence totale de mérite de l'action engagée, ou par une légèreté inexcusable, obligeant le défendeur à se défendre contre une action que rien ne justifie sinon la volonté d'obtenir ce que l'on sait indu, une intention de nuire, ou une indifférence totale aux conséquences de sa légèreté. En l'espèce, la seule circonstance que les demandes de résiliation judiciaire et demandes indemnitaires de Madame [P] [V] soient pour partie rejetées n'est pas de nature à faire dégénérer son action en abus, certaines de ses demandes ayant été accueillies. En outre, la société KWAIDAN et Monsieur [K] [U], qui procèdent par voie d'affirmations dans leurs écritures quant aux prétendus dénigrements et intention de nuire de la demanderesse, ne justifient d'aucun préjudice distinct des frais exposés pour se défendre en justice, lesquels sont indemnisés au titre de l'article 700 du code de procédure civile. En conséquence, leurs demandes reconventionnelles pour procédure abusive seront rejetées. Sur les demandes accessoires Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge de l'autre partie. L'article 700 du même code dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a lieu à condamnation. Selon l'article 514 dudit code, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement. La société KWAIDAN, qui succombe à l'instance, sera condamnée aux dépens et à payer à Madame [P] [V] la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Madame [P] [V] ayant été déboutée de l'ensemble de ses demandes formées à l'encontre de Monsieur [K] [U], l'équité commande de la condamner à lui payer la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. La présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire et il n'y a pas lieu d'y déroger. PAR CES MOTIFS Le tribunal, DEBOUTE la société KWAIDAN et Monsieur [K] [U] de leur demande tendant à voir « rejeter toutes les pièces de la demanderesse qui ne sont pas traduites en français ou dont les passages dont elle entend se prévaloir ne sont pas traduits en français » ; DEBOUTE Madame [P] [V] de sa demande de résiliation judiciaire du contrat d'enregistrement exclusif du 1er mars 2012 ; DEBOUTE Madame [P] [V] de sa demande tendant à voir « ordonner à la société KWAIDAN de communiquer l'ensemble des subventions perçues par les sociétés civiles des producteurs phonographiques » ; DEBOUTE Madame [P] [V] de sa demande tendant à voir « ordonner à la société KWAIDAN de lui restituer l'ensemble des droits portant sur les enregistrements de l'album ‘‘I U NEED'' » ; DEBOUTE Madame [P] [V] de sa demande tendant à voir « ordonner à la société KWAIDAN de lui restituer l'ensemble des droits portant sur les éditions des titres de l'album ‘‘I U NEED'' » ; ORDONNE à la société KWAIDAN de communiquer à Madame [P] [V] les relevés année par année de l'exploitation et de l'édition des titres de l'album « I U NEED », ainsi que les contrats de licence et de synchronisation y afférents ; DEBOUTE Madame [P] [V] de sa demande tendant à voir « ordonner à la société KWAIDAN le versement de l'ensemble des royalties qui sont dues au titre de l'exploitation de l'album ‘‘I U NEED'' » ; DEBOUTE la société KWAIDAN de sa demande reconventionnelle en résiliation judiciaire du contrat d'enregistrement exclusif du 1er mars 2012 ; DEBOUTE la société KWAIDAN de sa demande reconventionnelle en paiement de dommages et intérêts pour résiliation abusive du contrat d'enregistrement exclusif du 1er mars 2012 ; DEBOUTE la société KWAIDAN de sa demande reconventionnelle en paiement de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation d'exclusivité du contrat d'enregistrement exclusif du 1er mars 2012 ; DEBOUTE Madame [P] [V] de sa demande de résiliation judiciaire du pacte de préférence éditoriale du 22 février 2012 ; DEBOUTE Madame [P] [V] de sa demande de résiliation judiciaire des contrats de cession et d'édition conclus en application du pacte de préférence éditoriale du 22 février 2012 ; PRONONCE la résiliation du contrat de cession et d'édition d'oeuvre musicale du 12 septembre 2006 ; PRONONCE la résiliation du contrat de cession du droit d'adaptation audiovisuelle du 1er octobre 2006 ; PRONONCE la résiliation du contrat d'enregistrement exclusif du 19 avril 2007 ; DIT n'y avoir lieu d'« ordonner la restitution de l'ensemble des droits portant sur l'enregistrement et les éditions » du titre ‘‘Keep on going'' et des titres de l'album ‘‘GETALIFE'' » ; ORDONNE à la société KWAIDAN de restituer à Madame [P] [V] les masters des titres de l'album « GETALIFE » ; ORDONNE à la société KWAIDAN, venant aux droits de la société THE PERFECT KISS, de communiquer à Madame [P] [V] les relevés année par année de l'exploitation et de l'édition du titre « Keep on going » et des titres de l'album « GETALIFE », ainsi que les contrats de licence et de synchronisation y afférents ; CONDAMNE la société KWAIDAN, venant aux droits de la société THE PERFECT KISS, à payer à Madame [P] [V] les redevances dues sur la base des relevés année par année de l'exploitation et de l'édition du titre « Keep on going » et des titres de l'album « GETALIFE » dont la communication est ordonnée ; CONDAMNE la société KWAIDAN, venant aux droits de la société THE PERFECT KISS, à payer à Madame [P] [V] la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ; CONDAMNE la société KWAIDAN, venant aux droits de la société THE PERFECT KISS, à payer à Madame [P] [V] la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel ; DEBOUTE Madame [P] [V] du surplus de ses demandes indemnitaires au titre du préjudice matériel ; DEBOUTE Madame [P] [V] de l'ensemble de ses demandes relatives à l'EP « OXYTOCIN » ; DEBOUTE Madame [P] [V] de l'ensemble de ses demandes formées à l'encontre de Monsieur [K] [U] ; DEBOUTE Madame [P] [V] de l'ensemble de ses demandes relatives à la procédure de mainlevée auprès de la SACEM ; DEBOUTE la société KWAIDAN et Monsieur [K] [U] de leurs demandes reconventionnelles en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive ; CONDAMNE la société KWAIDAN aux dépens ; CONDAMNE la société KWAIDAN à payer à Madame [P] [V] la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; CONDAMNE Madame [P] [V] à payer à Monsieur [K] [U] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire. Fait et jugé à Paris le 31 mai 2023 La greffière Le président
CAPP/JURITEXT000047878970.xml
JUDICIAIRE 3ème chambre 1ère section No RG 21/14909 No Portalis 352J-W-B7F-CVSRE No MINUTE : Assignation du : 26 novembre 2021 rendu le 25 mai 2023 Monsieur [Y] [V] [Adresse 3] [Localité 6] représenté par Me Stéphane LOISY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #A0723 DÉFENDEURS Monsieur [Y] [P] DIT "[H]" - Intervenant volontaire [Adresse 1] [Localité 7] S.A.S.U ANOUCHE PRODUCTIONS [Adresse 4] [Localité 8] représentés par Me Sébastien HAAS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C2251 S.A.S. UNIVERSAL MUSIC FRANCE [Adresse 2] [Localité 5] représentée par Me Nicolas BOESPFLUG, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E0329 COMPOSITION DU TRIBUNAL Madame Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe Madame Elodie GUENNEC, Vice-présidente Monsieur Malik CHAPUIS, Juge, assistés de Madame Caroline REBOUL, Greffière en présence de Madame Anne BOUTRON, magistrat en stage de pré affectation. A l'audience du 21 mars 2023 tenue en audience publique, avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue le 25 mai 2023. Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire En premier ressort EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE : 1. M. [Y] [V] se présente comme auteur et journaliste spécialisé dans la chanson française. M. [Y] [P], connu sous le pseudonyme de [H], est un auteur, compositeur et interprète dont les titres et albums sont édités et produits par la société Anouche Productions. La société Universal Music France est le distributeur exclusif des phonogrammes et vidéogrammes produits par la société Anouche Productions. 2. Le 7 avril 2021, M. [V] a donné une interview sur la webradio Arts-Mada au cours de laquelle il s'est exprimé sur le physique des auteurs-compositeurs pour conclure en substance que leurs chansons gagneraient à être interprétées par "de beaux mecs ou des filles sublimes", précisant que "pour revendre du disque, vendre du magazine, refaire de la presse, il faut des gens beaux" et a qualifié dans ce contexte la chanteuse Hoshi d'"effrayante", faisant naître de vives réations du public dans les médias et sur les réseaux sociaux. 3. M. [P] est le co-auteur et artiste-interprète du titre intitulé "Des gens beaux", produit par la société Anouche Productions et exploité par la société Universal Music France. Ce titre, diffusé en juillet 2021 et intégré à la réédition 2021 de l'album "Mesdames", reprend des extraits de l'interview donnée par M. [V], sans y avoir été autorisé par celui-ci. La chanson a été illustrée par un vidéo-clip au sein duquel la voix de M. [V] est mise en synchronisation avec l'image d'un comédien incarnant un photographe ainsi que par le chanteur [H] lors de la dernière séquence de clôture du vidéo-clip. 4. Estimant que l'utilisation de sa voix sans son autorisation constituait une atteinte à son droit à la voix et à ses droits d'auteur et droits voisins, M. [V] a fait assigner, par actes d'huissier des 25 et 26 novembre 2021, les sociétés Anouche Productions et Universal Music France devant le tribunal judiciaire de Paris, après un courrier du 27 juillet 2021 de mise en demeure de cesser l'exploitation du titre resté vain. 5. M. [P] est intervenu volontairement à l'instance par conclusions notifiées par la voie électronique le 14 mars 2022. 6. Aux termes de son assignation, Monsieur [Y] [V] demande en substance au tribunal de : - Condamner solidairement les sociétés Anouche Productions et Universal Music France au paiement de 40 000 euros au titre de son préjudice patrimonial et 35 000 euros au titre de son préjudice moral en réparation de l'atteinte à son droit à la voix et à ses droits voisins, - Ordonner le retrait des extraits litigieux reproduisant sa voix de la chanson « Les gens beaux » sous astreinte de 500 euros par jour, - Condamner solidairement la société Anouche Productions et la société Universal Music France au règlement d'une somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, - Condamner solidairement la société Anouche Productions et la société Universal Music France aux entiers dépens. A titre subsidiaire - Condamner les sociétés Anouche Productions et Universal Music France au paiement de la somme de 40 000 euros au titre du préjudice subi par ce dernier par la violation de son droit à la voix - Faire application des dispositions de l'article 699 au profit de Maître Stéphane Loisy. 7. Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 18 avril 2022, la société Anouche Productions et M. [Y] [P] demandent au tribunal de : - Débouter Monsieur [Y] [V] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions ; - Ordonner la publication de la décision à intervenir aux frais de Monsieur [Y] [V] dans 5 quotidiens et 5 hebdomadaires, pour un coût maximal par publication de 6.000 EurosHors Taxes, dans un délai d'un mois suivant signification de la décision ; - Condamner Monsieur [Y] [V] à payer la somme de 10.000 euros à Monsieur[Y] [P] dit [H] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; - Condamner Monsieur [Y] [V] à payer la somme de 10.000 euros à la société Anouche Production au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; - Rappeler que l'exécution provisoire est de plein droit ; - Condamner Monsieur [Y] [V] aux dépens de l'instance dont distraction au profit de Me Sébastien Haas. 8. Aux termes de ses conclusions notifiées par la voie électronique le 25 juillet 2022, la société Universal Music France demande au tribunal de : - Dire et juger Monsieur [Y] [V] mal fondé en ses demandes et l'en débouter. - Condamner Monsieur [Y] [V] à payer à la société Universal Music France une indemnité de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. 9. L'instruction de l'affaire a été close par une ordonnance du 6 septembre 2022 et renvoyée à l'audience du 21 mars 2023. 1) Sur la violation du droit à la voix Moyen des parties 10. M. [Y] [V] fait valoir au visa de l'article 9 du code civil que la reproduction de sa voix sans son autorisation dans la chanson "Des gens beaux" du chanteur [H] pour une durée totale cumulée de 33 secondes alors que la chanson ne dure que 2 minutes et 41 secondes constitue un détournement de la finalité de ses propos et une atteinte à son droit à la voix lui causant un préjudice moral. 11. La société Anouche Productions et M. [Y] [P] concluent au rejet des demandes de M. [V] au motif que l'interview donnée par celui-ci revêt un caractère public et que les propos tenus à cette occasion ne portent aucunement sur sa vie privée, de sorte que la reprise de sa voix et de ses propos ne sont pas constitutifs d'une atteinte au droit au respect de la vie privée tel que protégé par l'article 9 du code civil. Ils ajoutent que la voix de M. [V] ne peut être reconnue spontanément, M. [Y] [V] étant volontairement non identifié, et qu'elle ne fait l'objet d'aucun usage commercial. Ils soutiennent à titre subsidiaire que M. [P] a apporté une réponse artistique sur un sujet d'intérêt général majeur et actuel qu'est la lutte contre le sexisme de sorte que dans le cadre du contrôle de proportionnalité, la liberté d'expression dont ils bénéficient prévaut sur le respect de la vie privée de M. [V]. 12. La société Universal Music France indique reprendre à son compte les moyens de défense de M. [P] et de la société Anouche Productions. Appréciation du tribunal 13. Toute personne peut s'opposer sur le fondement des articles 9 du code civil et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, lesquels garantissent le droit au respect de la vie privée, à l'exploitation de sa voix, attribut de sa personnalité, dès lors que la reproduction incriminée constitue une atteinte à sa vie privée. Tel est le cas lorsque la voix permet d'identifier son auteur et que sa vie privée est en cause. 14. La protection de la voix permet aussi à toute personne de s'opposer à son exploitation commerciale. 15. Le droit de toute personne à la protection de sa voix peut trouver une limite dans la liberté d'expression protégée par l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, laquelle comprend l'expression artistique, à savoir la liberté de recevoir et communiquer des informations et des idées - qui permet de participer à l'échange public des informations et idées culturelles, politiques et sociales de toute sorte (CEDH 24 mai 1988, Müller et a. c/ Suisse, no 10737/84 § 27 et 33; CEDH 5 mars 2009, Hachette Filipacchi Presse Automobile et Dupuy c/ France, no 13353/05 § 30). 16. La Cour de cassation a rappelé que (Civ. 1ère 10 octobre 2019 pourvoi no18.21-871): "Le droit au respect de la vie privée et le droit à la liberté d'expression ayant la même valeur normative, il appartient au juge saisi de rechercher un équilibre entre ces droits et, le cas échéant, de privilégier la solution la plus protectrice de l'intérêt le plus légitime ;pour effectuer cette mise en balance des droits en présence, il y a lieu de prendre en considération la contribution de la publication incriminée à un débat d'intérêt général, la notoriété de la personne visée, l'objet du reportage, le comportement antérieur de la personne concernée, le contenu, la forme et les répercussions de ladite publication, ainsi que, le cas échéant, les circonstances de la prise des photographies (CEDH, arrêt du 10 novembre 2015, Couderc et Hachette Filipacchi associés c. France [GC], no 40454/07, § 93) ; il incombe au juge de procéder, de façon concrète, à l'examen de chacun de ces critères (1re Civ., 21 mars 2018, pourvoi no 16-28.741, publié)". 17. En l'espèce est en cause l'exploitation non autorisée de la voix de M. [V] dans la chanson "Des gens beaux" co-composée et interprétée par M. [Y] [P] connu sous le nom de [H], prononçant certains propos qu'il a tenus lors d'une interview donnée sur la webradio Arts-Mada. 18. Si M. [V] n'est pas nommément désigné dans la chanson "Des gens beaux", sa voix est nécessairement identifiable compte tenu du contexte de médiatisation de la polémique née des propos repris en partie dans cette chanson, du caractère public de son activité de chroniqueur d'émissions radiophoniques sur des chaînes de radio nationale lui conférant une certaine notoriété et de la médiatisation de l'objet de la chanson litigieuse. En outre, le livret accompagnant le disque précise que la chanson comporte des extraits de l'interview de M. [V] donnée sur Arts-Mada. 19. Toutefois, la vie privée de M. [V] n'est pas en cause en l'espèce. D'une part, les propos repris dans la chanson "Des gens beaux" ont un caractère public, puisqu'ils sont tirés d'un entretien accordé par M. [V] sur une webradio et ont trait à un sujet sans lien avec sa vie privée, s'agissant de propos généraux relatifs au physique des auteurs-compositeurs. D'autre part, la chanson reprenant la voix de M. [V], qui se présente comme une réponse auxdits propos polémiques, ne porte pas sur des éléments de la vie privée de celui-ci. Par ailleurs, il n'est pas contestable ni d'ailleurs soutenu que la reprise de la voix de M. [V] dans la chanson "des gens beaux" sans son autorisation ne constitue pas une exploitation commerciale illicite de la voix. Il n'est en effet pas établi que la voix de M. [V] aurait en soi une valeur économique ni qu'elle ait apporté une plus value commerciale à la chanson litigieuse en sus de la notoriété de son interprète [H], étant relevé par ailleurs que la reprise de la voix de M. [V] dans la chanson ressort en premier lieu d'une démarche artistique. Aussi M. [V] est-il mal fondé à se prévaloir d'une atteinte à l'article 9 du code civil. 20. En outre, les propos tenus par M. [V] lors de son interview sur la radio Arts-Mada, énonçant notamment que "pour revendre du disque, vendre du magazine, refaire de la presse, il faut des gens beaux" et qualifiant dans ce contexte la chanteuse Hoshi d'"effrayante", estimant qu'elle devrait donner ses chansons à "des filles sublimes (...) Comme il y a eu des Vartan ou des Sheila à vingt ans" sont des propos discriminants et sexistes et ont suscité de ce fait dans la presse et sur les réseaux sociaux des réactions d'indignation, la radio Arts-Mada ayant expressément indiqué se désolidariser de ces propos et les condamner. 21. La chanson "Des gens beaux" est composée en deux parties. Dans une première partie est reprise en substance l'opinion de M. [V] selon laquelle les artistes laids ne devraient pas chanter et devraient donner leurs chansons aux artistes beaux. La deuxième partie se présente en opposition à ces considérations. L'ensemble de la chanson se présente comme un dialogue fictif entre le chroniqueur, dont la voix est reproduite en début, en milieu et en fin de chanson, et le chanteur qui l'interpelle par endroits par un "Eh Monsieur" signifiant qu'il s'adresse directement à lui. Ainsi la chanson "Des gens beaux" est représentative dans sa forme artistique du mouvement d'indignation soulevé par les propos de M. [V] et contribue, par le dialogue qu'elle a cherché à instaurer avec l'auteur des propos polémiques, à la question d'intérêt général relative à la lutte contre toute forme de discrimination. 22. Aussi, la reprise de la voix et des propos de M. [V] sans son autorisation dans la chanson "Des gens beaux" ne portant pas atteinte à sa vie privée et se justifiant par la liberté d'expression, en ce compris l'expression artistique, nécessaire dans une société démocratique à garantir le droit à l'information sur un débat d'intérêt général, M. [V] sera débouté de sa demande sur ce fondement. 2) Sur la contrefaçon de droit d'auteur et de droits voisins Moyen des parties 23. M. [V] fait valoir qu'il a été porté atteinte à ses droits moraux et patrimoniaux au visa des articles L122-3 du code de la propriété intellectuelle et suivants par la reproduction sans son autorisation d'extraits de son interview sur Arts-Mada pour une durée de 31 secondes dans la chanson "des gens beaux". Il fait valoir que l'exception de courte citation ne s'applique pas. Il soutient également qu'il a été porté atteinte à la paternité de ses propos car ils sont mis dans la bouche de M. [P] et d'un tiers dans le vidéo-clip de la chanson. Il ajoute au visa de l'article L212-3 du code de la propriété intellectuelle que la reproduction de sa voix lui donne la qualité d'interprète et qu'il a été porté atteinte à ses droits voisins faute de les avoir cédés par écrit. 24. La société Anouche Productions et M. [P] soutiennent que les propos de M. [V] sont dépourvus d'originalité, qu'ils ont été prononcés sans réflexion ni création artistique, l'enchaînement des phrases, la banalité des termes employés, la simplicité de la syntaxe, des verbes et substantifs employés démontrant l'absence de recherche créative et d'empreinte de la personnalité de l'auteur. Ils ajoutent que si les propos de M. [V] ont inspiré la chanson "des gens beaux", il ne s'agit ni d'une oeuvre dérivée ni d'une oeuvre de collaboration en l'absence de travail collaboratif et artistique de M. [V]. La société Anouche Productions et M. [P] font également valoir qu'aucun travail d'artiste-interprète ne peut être accordé en l'absence de droits d'auteurs et de toute prestation physique artistique. La société Anouche Productions et M. [P] soutiennent à titre subsidiaire que dans le cadre du contrôle de proportionnalité entre droit d'auteur et liberté d'expression, cette dernière doit prévaloir. 25. La société Universal Music France indique reprendre à son compte les moyens de défense de M. [P] et de la société Anouche Productions. Appréciation du tribunal 26. Conformément à l'article L.111-1 du code de la propriété intellectuelle, l'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous comportant des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial. Selon l'article L.112-1 du même code, ce droit appartient à l'auteur de toute oeuvre de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination. 27. Il se déduit de ces dispositions le principe de la protection d'une oeuvre sans formalité et du seul fait de la création d'une forme originale en ce sens qu'elle porte l'empreinte de la personnalité de son auteur et n'est pas la banale reprise d'un fonds commun non appropriable. Lorsque l'originalité d'une oeuvre de l'esprit est contestée, il appartient à celui qui se prévaut d'un droit d'auteur de définir et d'expliciter les contours de l‘originalité qu'il allègue. Seul l'auteur, dont le juge ne peut suppléer la carence, est en mesure d'identifier les éléments traduisant sa personnalité et qui justifient son monopole. 28. Si les entretiens originaux sont protégés par le droit d'auteur, le créateur pouvant être le journaliste seul, la personne interrogée ou les deux, la personne interviewée n'acquiert pas, du seul fait de sa participation, la qualité d'auteur et il lui revient de démontrer sa contribution à la création intellectuelle de l'oeuvre. 29. Par ailleurs, selon l'article L. 212-1 du code de la propriété intellectuelle, l'artiste-interprète ou exécutant est la personne qui représente, chante, récite, déclame, joue ou exécute de toute autre manière une oeuvre littéraire ou artistique, un numéro de variétés, de cirque ou de marionnettes. 30. En l'espèce, le tribunal relève que M. [V] revendique une protection par le droit d'auteur d'une interview sans en avoir produit de transcription ni même décrit les extraits de cette interview repris dans la chanson "Des gens beaux". En outre et surtout, M. [V] se contente d'affirmations générales sans décrire en quoi les propos tenus lors de son interview sur Arts-Mada auraient le caractère original exigé pour la protection revendiquée. Il se contente ainsi d'invoquer le monopole de la reproduction sans même aborder la question préalable du droit à protection fondé sur la caractérisation de l'originalité. Il n'explique notamment nullement ce qui selon lui reflèterait dans ces propos l'empreinte de sa personnalité, ce que le tribunal ne peut faire à sa place. Dès lors il est mal fondé à invoquer la protection du droit d'auteur. 31. Il est tout aussi mal fondé à invoquer un statut d'interprète du seul fait de l'utilisation d'extraits de cette interview dans la chanson "Des gens beaux", alors que sa prestation lors de l'interview, qui a été reproduite, est celle d'un journaliste et ne saurait s'apparenter à une prestation d'artiste au sens du code de la propriété intellectuelle. 32. M. [V] sera par conséquent débouté de ses demandes de ce chef. 3) Sur la demande subsidiaire de M. [Y] [V] fondée sur la responsabilité délictuelle Moyen des parties 33. M. [V] fait valoir à titre subsidiaire au visa de l'article 1240 du code civil que l'utilisation d'extraits de son interview dans la chanson "Des gens beaux" engage la responsabilité des sociétés Anouche et Universal Music. 34. La société Universal Music conclut au mal fondé de cette demande en raison de sa demande principale fondée sur l'article 9 du code civil. Appréciation du tribunal 35. Selon l'article 1240 du code civil, « Tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». Il revient au demandeur d'établir une faute, un préjudice et un lien de causalité entre la faute et le préjudice. 36. En l'espèce, il ressort des développements précédents que la reproduction d'extraits de l'interview de M. [V] donné sur la radio Arts-Mada sans son autorisation n'est pas fautive, de sorte qu'il sera également débouté de ce moyen subsidiaire. 4) Sur la demande reconventionnelle de la société Anouche et de M. [P] Moyen des parties 37. La société Anouche et M. [W] sollicitent la condamnation de M. [V] à la publication du jugement à intervenir soulignant l'importance du litige pour la liberté d'expression, publication d'autant plus nécessaire selon eux que M. [V] a informé la presse de son action en justice. Appréciation du tribunal 38. La demande de la société Anouche et de M. [W] ne peut prospérer en l'absence de justification par ceux-ci d'une faute commise par M. [V] leur ayant causé un dommage direct et certain (autre pour la société Anouche que la nécessité de se défendre indemnisée par ailleurs), par application des dispositions de l'article 1240 du code civil précité. 5) Sur les demandes accessoires 39. Partie perdante, M. [V] supportera la charge des dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile et sera condamné à verser à la société Anouche et à M. [P] la somme de 2.500 euros chacun et à la société Universal Music France la somme de 500 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire, rendu en premier ressort et mis à la disposition au greffe, REJETTE les demandes de M. [Y] [V], REJETTE les demandes de la société Anouche Productions et de M. [Y] [P], CONDAMNE M. [Y] [V] aux dépens dont distraction au profit de maître Sébastien Haas, CONDAMNE M. [Y] [V] à payer à la société Anouche Productions et à M. [Y] [P] la somme de 2 500 euros chacun et à la société Universal Music France la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, RAPPELLE que la présente décision est de plein droit assortie de l'exécution provisoire.Fait et jugé à Paris le 25 mai 2023. LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
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JUDICIAIRE 3ème chambre 2ème section No RG 20/01444 No Portalis 352J-W-B7E-CRUSG No MINUTE : Assignation du : 31 Décembre 2019 rendu le 09 Juin 2023 DEMANDEURS Association [Z] ET [O] [G] [Adresse 4] [Localité 7] Monsieur [N] [U] [Adresse 1] [Localité 6] Monsieur [D] [G] [Adresse 2] [Localité 7] représentés par Maître Anne LAKITS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C0765 DÉFENDERESSE ASSOCIATION [G], ASSOCIATION DES AMATEURS ET DES PROPRIÉTAIRES DE JARDINS, MAISONS ET CHÂTEAUX DESSINES, CONSTRUITS OU RESTAURES PAR LES ARCHITECTES-PAYSAGISTES [Z] (1841-1902) ET [O] [G] (1866-1947) domiciliée : chez Musée [8] [Adresse 3] [Localité 5] représentée par Maître Jean-baptiste SCHROEDER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #K0009 Copies délivrées le : - Maitre LAKITS #C765 (executoire) - Maître SCHROEDER #K9 (ccc)COMPOSITION DU TRIBUNAL Madame Irène BENAC, Vice-Présidente Madame Elodie GUENNEC, Vice-présidente Monsieur Arthur COURILLON-HAVY, Juge assistés de Monsieur Quentin CURABET, Greffier A l'audience du 24 Mars 2023 tenue en audience publique devant Irène BENAC et Arthur COURILLON-HAVY, juges rapporteurs, qui sans opposition des avocats ont tenu seuls l'audience, et après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 09 Juin 2023. Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire en premier ressort EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE 1. L'"association [Z] et [O] [G]" (ci-après l'"association demanderesse"), son président, M. [D] [G], et le frère de ce dernier, M. [N] [U], reprochent à l'"association [G], association des amateurs et des propriétaires de jardins, maisons et châteaux dessinés, construits ou restaurés par les architectes-paysagistes [Z] (1841-1902) et [O] [G] (1866-1947)", ci-après l'"association défenderesse", d'avoir créé un risque de confusion entre les deux associations du fait de sa dénomination sociale et d'avoir déposé en fraude de leurs droits plusieurs marques et un nom de domaine. 2. MM. [G] et [U] sont co-titulaires du droit moral sur l'oeuvre des architectes-paysagistes [Z] et [O] [G], aujourd'hui dans le domaine public, et l'association demanderesse exploite un site internet à l'adresse www.[09].com en plus du réseau social Instagram et d'un logo. 3. M. [H] [Y] [V], président de l'association défenderesse, a déposé au nom de celle-ci : - la marque verbale française "[Z]&[O] [G]" enregistrée sous le no4126924 le 19 octobre 2014 pour désigner des produits et services dans les classes 38, 42 et 44, notamment les services d'agriculture, d'horticulture et les services de jardinier-paysagiste, - la marque verbale française "Association [G]" enregistrée sous le no4126914 le 17 octobre 2014 pour désigner des produits et services dans les classes 38, 42 et 44, notamment les services d'agriculture, d'horticulture et les services de jardinier-paysagiste, - la marque verbale française "Journées [Z] et [O] [G]" enregistrée sous le no4153942 le 4 février 2015 pour désigner des produits et services dans les classes 38 42 et 44, notamment les services d'agriculture, d'horticulture et les services de jardinier-paysagiste. 4. L'association défenderesse est également réservataire du nom de domaine <haduchene.com>. 5. Par lettre du 8 novembre 2019, le conseil de l'association demanderesse a mis en demeure l'association défenderesse de cesser d'utiliser les mots "association [G]" de sa dénomination sociale et de faire retirer les marques précitées. 6. A défaut de réponse, l'association [Z] et [O] [G], M. [G] et M. [U] l'ont fait assigner le 31 décembre 2019. 7. Par ordonnance du 7 janvier 2022, le juge de la mise en état a ordonné une médiation judiciaire. Le 25 octobre 2022, il a été pris acte de son échec. 8. Dans leurs dernières conclusions signifiées le 10 septembre 2021, MM [G] et [U] et l'association [Z] et [O] [G] demandent au tribunal de : ? rejeter les fins de non-recevoir soulevées par la défenderesse, ? ordonner à l'association défenderesse de modifier sa dénomination sociale avec des mesures d'interdiction sous astreinte, ? juger que les marques précitées ont été déposées en fraude à leurs droits et ordonner leur transfert à l'association [Z] et [O] [G] ou, subsidiairement, prononcer leur nullité, ? ordonner le transfert à l'association [Z] et [O] [G] du nom de domaine &lt[Z][O][G].com> sous astreinte, ? condamner la défenderesse à payer 15.000 euros à l'association [Z] et [O] [G] et 5.000 euros chacun à MM. [G] et [U] à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du risque de confusion et du parasitisme, ? condamner la défenderesse à payer 10.000 euros à l'association [Z] et [O] [G] à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la fraude, ? ordonner la publication du jugement, ? condamner la défenderesse aux dépens et à leur payer à chacun la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. 9. Dans ses dernières conclusions signifiées le 23 novembre 2022, l'association [G], association des amateurs et des propriétaires de jardins, maisons et châteaux dessinés, construits ou restaurés par les architectes-paysagistes [Z] (1841-1902) et [O] [G] (1866-1947) soulève deux fins de non-recevoir tirées de la prescription de l'action de l'association demanderesse et de l'intérêt à agir de M. [U]. Sur le fond, elle s'oppose à l'ensemble des demandes ainsi qu'à l'exécution provisoire, et demande la condamnation des demandeurs aux dépens et à lui payer 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. 10. L'ordonnance de clôture a été rendue le 24 novembre 2022. MOTIVATION I. Sur les demandes de M. [U] 11. L'association défenderesse fait valoir que - M. [U] ne dispose pas d'un intérêt à agir dans la mesure où aucune atteinte n'est portée à son nom patronymique, - seuls [Z] et [O] [G] auraient été habilités à se plaindre d'une atteinte à leur personnalité, droits qui n'ont pas été transmis à M [U] - la titularité du droit moral ne confère aucune prérogative à M. [U] sur le nom de ses ancêtres et aucune oeuvre créée par ces derniers n'est en cause en l'espèce. 12. Les demandeurs répliquent que M. [U] a un intérêt à agir du fait de l'atteinte à sa réputation en tant qu'héritier d'[Z] et [O] [G] et en sa qualité de titulaire du droit moral sur l'oeuvre de ces derniers, qui comporte comme attributs le droit à la paternité et le droit au respect. 13. Aux termes de l'article 31 du code de procédure civile, "L'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé." 14. L'intérêt à agir suppose l'existence d'un avantage personnel, direct, né et actuel tiré de l'action et ne confond pas avec le bien fondé de celle-ci. 15. M. [U] présente au tribunal une demande d'indemnisation de son préjudice résultant "du risque de confusion et du parasitisme" créés, selon lui, par l'association défenderesse. Son intérêt à obtenir des dommages et intérêts est établi et légitime et les moyens soulevés par l'association défenderesse combattent en réalité le bien-fondé des demandes. 16. Il y a donc lieu de rejeter la fin de non recevoir. 17. S'agissant du fond, M. [U] n'allègue aucune atteinte explicite à sa réputation en tant qu'héritier d'[Z] et [O] [G] ni à l'oeuvre de ces derniers qui n'est aucunement évoquée dans la présente affaire. Il ne démontre pas plus l'existence d'un préjudice personnel consécutif aux griefs faits à l'association défenderesse. 18. Il y a donc lieu de débouter M. [U] de l'ensemble de ses demandes. II . Sur les demandes de M. [G] 19. Invoquant une faute consistant dans l'exploitation de son nom sans autorisation à des fins parasitaires, M. [G] fait valoir que : - le nom [G] est notoirement connu comme se rapportant aux consorts [G], célèbres architectes paysagistes, - sa reprise par l'association défenderesse dans sa dénomination sociale peut conduire le public à croire que lui-même a créé l'association en question, y participe ou encore y a donné son autorisation, ce qui n'est pas le cas. 20. La défenderesse réplique que : - ni les règles du droit civil sur le nom, ni le droit d'auteur ne permettent à des particuliers de s'opposer à ce qu'une association use du patronyme de leur ancêtre dans sa dénomination sociale, - l'oeuvre d'[Z] et [O] [G] est tombée dans le domaine public, - la titularité du droit moral ne confère aucune prérogative à M. [G] sur le nom de ses ancêtres et aucune oeuvre créée par ces derniers n'est en cause en l'espèce, - le patronyme [G] n'est pas rare et sa notoriété ne dépasse pas un cercle restreint d'amateurs de l'histoire des jardins et que son usage ne serait être de nature à porter atteinte à la réputation des demandeurs. 21. Le nom patronymique est un attribut de la personnalité identifiant une personne physique. Son titulaire ne dispose d'aucun droit patrimonial sur son nom et n'est pas fondé à en empêcher l'utilisation à titre de signe distinctif. Il peut toutefois s'opposer à d'éventuelles atteintes ou utilisations abusives en matière commerciale, de nature à suggérer aux tiers sa participation à cette activité. 22. Aux termes de l'article 1240 du code civil, "Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer." 23. M. [G] ne démontre pas que son nom soit notoire - alors qu'il n'est pas rare - ni que sa célébrité dépasse le cercle des amateurs éclairés de l'oeuvre des consorts [G]. 24. La reprise par la défenderesse du nom [G] pour une association rendant hommage aux jardiniers-paysagistes [Z] et [O] [G] n'est pas abusive. Elle apparaît au contraire justifiée et légitime du fait l'objet de l'association défenderesse de promouvoir leur oeuvre et leur postérité. 25. Par ailleurs, le nom complet de l'association "des amateurs et des propriétaires de jardins, maisons et châteaux dessinés, construits ou restaurés par les architectes-paysagistes [Z] (1841-1902) et [O] [G] (1866-1947)" est parfaitement clair dans sa seule référence à ces derniers et n'entretient aucune confusion avec leur descendance, de sorte que son utilisation n'est pas susceptible de suggérer aux tiers une participation personnelle de M. [D] [G] à cette association. 26. Aucune utilisation fautive ni aucune atteinte à la réputation de M. [G] n'étant démontrée, il y a lieu de rejeter les demandes de celui-ci au titre du risque de confusion et du parasitisme reprochés à la défenderesse, sans examiner l'existence d'un préjudice. III. Sur les demandes de l'association 1. Sur la fin de non recevoir 27. La défenderesse soutient qu'elle a été créée le 12 novembre 2014, que MM [G] et [U] ont été informés dès le mois de septembre 2014 de cette "création à venir" et que l'assignation a été délivrée le 31 décembre 2019, de sorte que l'action des demandeurs est tardive et prescrite comme introduite au-delà du délai de prescription de cinq ans. 28. La demanderesse fait valoir que - la création de l'association défenderesse n'a été publiée au Journal Officiel que le 21 mars 2015, - le délai pour agir court à compter de cette date et non de la date du projet de création, - l'action en nullité des marques n'est soumise à aucune prescription et moins de cinq ans se sont écoulés entre la date d'enregistrement des marques et l'action au fond. 29. Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, "constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée." Selon l'article 2224 du code civil, "Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer." 30. L'article 5, alinéas 2 et 3, de la loi du 1er juillet 1901 dispose que "La déclaration préalable en sera faite à la préfecture du département ou à la sous-préfecture de l'arrondissement où l'association aura son siège social. Elle fera connaître le titre et l'objet de l'association, le siège de ses établissements et les noms, professions et domiciles de ceux qui, à un titre quelconque, sont chargés de son administration ou de sa direction. Deux exemplaires des statuts seront joints à la déclaration. Il sera donné récépissé de celle-ci dans le délai de cinq jours. L'association n'est rendue publique que par une insertion au Journal officiel, sur production de ce récépissé." 31. L'association défenderesse a déclaré sa création auprès de la préfecture de police le 4 mars 2015 avec une publication en date du 21 mars 2015. Avant cette date, sa création n'était qu'un projet et aucun droit à agir contre elle n'était ouvert aux demandeurs. 32. L'assignation ayant été délivrée le 31 décembre 2019, soit moins de cinq ans après la publication de la création de l'association défenderesse, il y a lieu de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription. 2 . Les demandes de changement de dénomination et d'interdiction 33. L'association demanderesse fait valoir que : - une association a droit d'agir sur le fondement de la concurrence déloyale, - elle utilise la dénomination "association [Z] et [O] [G] " depuis plus de 30 ans, - les noms [Z] et [O] [G], notoires et mondialement connus, sont utilisés systématiquement sur le site de l'association défenderesse, - en choisissant le nom "association [G]", la défenderesse a créé délibérément un risque de confusion avec elle pour détourner des adhérents et mener des actions rares et médiocres, - ces faits lui causent un préjudice d'image et un préjudice moral. 34. La défenderesse réplique que : - l'association demanderesse ne déploie aucune activité vers un quelconque public, n'a organisé aucune activité de promotion de l'oeuvre des consorts [G] depuis 2002 et refuse au contraire les adhésions, - il n'existe aucune concurrence entre elles, - aucune confusion n'est susceptible d'être opérée par le public, l'association demanderesse ayant une faible voire une absence d'activité tournée vers le public depuis 2002 [date de l'organisation de l'exposition "Fabuleux jardins, le style [G]"] et son site internet ayant été récemment créé et peu actif, - la proximité des dénominations est nécessaire puisqu'elles ont l'une et l'autre pour objet la promotion de l'oeuvre d'[Z] et [O] [G] mais n'emporte aucune confusion au sens de la concurrence déloyale ou du parasitisme, surtout au regard du public concerné, spécialement éclairé, - en l'absence de but lucratif et de présence dans la sphère économique, l'association défenderesse n'a pas pu se placer dans le sillage de la demanderesse. 35. La concurrence déloyale, fondée sur le principe général de responsabilité civile édicté par l'article 1240 du code civil précité, consiste en des agissements s'écartant des règles générales de loyauté et de probité professionnelle applicables dans la vie des affaires tels que ceux créant un risque de confusion avec les produits ou services offerts par un autre. Le parasitisme se définit comme l'ensemble des comportements par lesquels un agent économique s'immisce dans le sillage d'un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire. 36. La dénomination sociale ne bénéficie pas d'une protection au titre de la propriété intellectuelle mais elle est susceptible d'être protégée au titre de l'article 1240 du code civil lorsque son utilisation peut s'analyser comme un acte de concurrence déloyale. Cette utilisation pourra être constitutive de concurrence déloyale s'il existe pour la clientèle un risque de confusion ou s'il est démontré que la personne morale seconde en date a cherché à profiter de la réputation de la première. 37. L'action en concurrence déloyale peut être mise en oeuvre quel que soit le statut juridique de l'auteur ou de la victime de la faute alléguée. 38. Le nom des architectes-paysagistes [G] peut être librement utilisé et l'association demanderesse ne saurait en avoir le monopole. 39. Il y a donc lieu de rejeter la demande de l'association demanderesse de voir interdire l'usage du nom [G]. 40. L'association [Z] et [O] [G] créée le 1er février 1985 a pour objet de faire connaître l'oeuvre des architectes paysagistes du même nom, notamment en administrant les archives qui lui ont été données, en les enrichissant et en étant à l'initiative d'expositions, publications et manifestations tendant à les divulguer et permettre leur étude. 41. Selon ses statuts du 12 novembre 2014, l'association [G], association des amateurs et des propriétaires de jardins, maisons et châteaux dessinés, construits ou restaurés par les architectes-paysagistes [Z] (1841-1902) et [O] [G] (1866-1947), a notamment pour objet de réaliser l'inventaire et inciter à la conservation des oeuvres d'[Z] et [O] [G], ainsi que leurs documents, archives et autres textes, mais également de communiquer, publier, ou éditer toute information, documents, études sur leur oeuvre, ainsi que promouvoir, organiser et participer à toute manifestation culturelle ou éducative afin de développer la connaissance de ces paysagistes. 42. Les deux associations ont donc le même objet, les dénégations sur ce point de la défenderesse manquant en fait. 43. Les deux dénominations comportent les termes "[Z]", "[O]" et "[G]", le nom [G] étant un élément primordial de leur identité utilisé en attaque, sur lequel se porte plus particulièrement l'attention du public et des adhérents. 44. L'association défenderesse, constituée en réaction à la politique de l'association demanderesse, a fait le choix d'une dénomination particulièrement longue et descriptive (25 mots et quatre dates), dont l'attaque est "association [G]". Ce parti-pris la conduit donc, ainsi que ses adhérents et le public, à ne faire usage pour la désigner que de ces deux mots d'attaque. 45. Ce choix crée nécessairement un risque de confusion pour le public, même attentif, entre l'association [O] et [Z] [G] et l'association [G]. 46. Afin de faire cesser le risque de confusion, sans réserver pour autant la référence à [O] et [Z] [G] à l'association demanderesse, il y a lieu d'ordonner à l'association défenderesse de modifier de sa dénomination sociale de sorte que les mots "[O]", "[Z]" et "[G]" ne figurent pas parmi les trois premiers mots de celle-ci dans les quinze jours de la signification de la présente décision. Il n'est pas justifié de prononcer une astreinte. 47. S'agissant du parasitisme, l'association demanderesse n'établit aucunement que l'association défenderesse aurait tiré profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire. Il y a donc lieu de rejeter les demandes sur ce fondement. 48. S'agissant du préjudice, les allégations de l'association quant à un détournement d'adhérents ou à un préjudice d'image induit la médiocrité des activités de la défenderesse ne sont établies par aucune pièce de sorte que l'indemnité forfaitaire sollicitée, sans la moindre justification, ne sera pas accordée. 3 . La demande en revendication des marques 49. Les demandeurs font valoir que : - le dépôt des trois marques en litige a été effectué en vue d'accaparer la notoriété du nom de "[Z] et [O] [G] et dans le but de priver l'association demanderesse d'un signe nécessaire à son activité, - ces marques ne sont pas exploitées pour les services qu'elles désignent, - le dépôt a donc été effectué de mauvaise foi, - ce dépôt frauduleux l'a privée de se constituer des droits privatifs de marque ce qui lui cause un préjudice moral et un préjudice économique. 50. La défenderesse ne conclut pas sur cette demande. 51. Selon l'article L.712-6, alinéa 1, du code de la propriété intellectuelle, "Si un enregistrement a été demandé soit en fraude des droits d'un tiers, soit en violation d'une obligation légale ou conventionnelle, la personne qui estime avoir un droit sur la marque peut en revendiquer sa propriété en justice". 52. Cette action en revendication ne suppose pas la justification d'une utilisation publique antérieure du signe litigieux par la partie plaignante, mais la preuve de l'existence d'intérêts sciemment méconnus par le déposant (Com., 14 février 2012, pourvoi no 10-30.872). 53. Il est constamment jugé "qu'un dépôt de marque est entaché de fraude lorsqu'il est effectué dans l'intention de priver autrui d'un signe nécessaire à son activité" (notamment Com., 25 avril 2006, pourvoi no 04-15.641). Dans un arrêt rendu le 11 juin 2009 (C- 529/07, Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli), la Cour de justice de l'Union Européenne a dit pour droit que "l'existence de la mauvaise foi du demandeur, au sens de (cet) article, doit être appréciée globalement, en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce" (point 37) et que "l'intention du demandeur au moment pertinent est un élément subjectif qui doit être déterminé par référence aux circonstances objectives du cas d'espèce" (point 42). 54. La défenderesse ne conteste pas le caractère frauduleux du dépôt des trois marques en litige. Il est d'ailleurs constant qu'elle savait que l'association demanderesse utilisait des signes très similaires aux marques "[Z]&[O] [G]","Association [G]" et "Journées [Z] et [O] [G]" pour son activité, antérieurement au dépôt, ce qui induit l'intention de l'en priver. 55. Il y a donc lieu d'ordonner le transfert des marques françaises "[Z]&[O] [G]" no4126924, "Association [G]" no4126914 et "Journées [Z] et [O] [G]" no4153942 au profit de l'association demanderesse. 56. S'agissant du préjudice, le tribunal observe que l'association demanderesse existe depuis le 1er février 1985 et n'a pas éprouvé le besoin, en 30 ans d'existence, de se réserver le monopole sur l'utilisation de son nom en tant que marque, ce qui s'explique par son absence d'activité commerciale. Dès lors, l'existence d'un préjudice pour n'en avoir pas eu la disposition depuis octobre 2014 n'est pas manifeste et nécessite une démonstration sur le principe et le quantum. Or, le préjudice allégué, consécutif à la seule privation de la possibilité de se constituer des droits privatifs de marque sur les signes "[Z]&[O] [G]", "Association [G]" et "Journées [Z] et [O] [G]," n'est corroboré par aucune pièce ni même explication sur sa teneur. De même, son quantum n'est ni expliqué ni justifié. 57. Il y a donc lieu de rejeter la demande de réparation. 4 . La demande de transfert de nom de domaine 58. Les demandeurs font valoir que - la réservation du nom de domaine <[Z][O][G]> a été effectuée de mauvaise foi en vue d'accaparer la notoriété du nom [Z] et [O] [G], - M. [V] n'ayant aucun lien de parenté avec la famille [G], il n'a aucune légitimité à l'utiliser. 59. La défenderesse réplique que : - un nom de domaine ne peut être supprimé qu'à titre exceptionnel, dans le cas d'une atteinte caractérisée aux droits de la personnalité ou en cas de cybersquatting ce qui n'est pas le cas en espèce dans la mesure où le nom de domaine litigieux permet d'identifier son site internet, - l'association demanderesse a créé son propre site internet "www.[09].com", le nom de domaine ayant été réservé pendant l'instance, le 22 janvier 2020, et ne comportait que 2 pages à la date des dernières conclusions. 60. Le choix d'un nom de domaine, c'est-à-dire l'appellation identifiant un site internet et constituant le moyen technique de localisation et d'accès aux pages de ce site, est libre. Il profite à celui qui, le premier arrivé, en demande la réservation, sous réserve que le nom de domaine ne porte pas atteinte à des droits antérieurs de tiers. 61. En l'espèce, l'association demanderesse ne démontre pas une atteinte à ses droits antérieurs sur le signe haduchene, quand bien même il correspond aux initiales de [Z] et [O] [G], ne l'ayant jamais exploité. Ce dépôt ne l'a d'ailleurs pas empêchée de créer son propre site internet <[Z]-et-[O]-[G].com>. 62. La création d'un site internet "haduchene.com" pour une association ayant pour objet social de promouvoir l'oeuvre de [Z] et [O] [G] n'est pas illicite et elle est légitime, sans nécessiter l'existence d'un lien de parenté avec la famille [G], de sorte que la mauvaise foi n'est pas démontrée. 63. La demande de transfert du nom de domaine <haduchene.com> est donc rejetée. IV. Sur les autres demandes 64. La demande de publication du présent jugement sollicitée n'est pas justifiée. Il convient dela rejeter. 65. Vu l'article 515 du code de procédure civile dans sa rédaction applicable à l'instance, la nature et l'ancienneté de l'affaire justifient de prononcer l'exécution provisoire sauf concernant l'inscription du jugement au registre des marques de l'INPI dans le cadre du transfert de propriété des marques "[Z]&[O] [G]" no4126924 ; "Association [G]" no4126914 et "Journées [Z] et [O] [G]" no4153942 au profit de l'association [Z] et [O] [G] compte tenu du caractère irréversible de cette mesure. 66. Partie perdante, l'association [G], association des amateurs et des propriétaires de jardins, maisons et châteaux dessinés, construits ou restaurés par les architectes-paysagistes [Z] (1841-1902) et [O] [G] (1866-1947) est condamnée aux dépens de l'instance et à payer à l'association [Z] et [O] [G], la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS Rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action de l'association [Z] et [O] [G] ; Rejette la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir de M. [N] [U] ; Déboute M. [N] [U] et M. [D] [G] de l'ensemble de leurs demandes ; Ordonne le transfert des marques françaises "[Z]&[O] [G]" no4126924 ; "Association [G]" no4126914 et "Journées [Z] et [O] [G]" no4153942 au profit de l'association [Z] et [O] [G] ; Dit que la décision, une fois définitive, sera transmise à l'Institut national de la propriété industrielle par la partie la plus diligente aux fins d'inscription au Registre national des marques, Rejette la demande de transfert du nom de domaine « haduchene.com » à l'association [Z] et [O] [G] ; Rejette la demande d'interdiction de l'usage du nom [G] ; Ordonne à l'association [G], association des amateurs et des propriétaires de jardins, maisons et châteaux dessinés, construits ou restaurés par les architectes-paysagistes [Z] (1841-1902) et [O] [G] (1866-1947) de modifier sa dénomination sociale de façon à ce que les mots "[O]", "[Z]" et "[G]" ne figurent pas parmis les 3 premiers mots de celui-ci dans les quinze jours de la signification de la présente décision ; Rejette la demande à titre de dommages et intérêts de l'association [Z] et [O] [G] ; Rejette la demande de publication du jugement ; Condamne l'association [G], association des amateurs et des propriétaires de jardins, maisons et châteaux dessinés, construits ou restaurés par les architectes-paysagistes [Z] (1841-1902) et [O] [G] (1866-1947) aux dépens, qui pourront être recouvrés directement par Me Anne Lakits dans les conditions de l'article 700 du code de procédure civile ; Condamne l'association [G], association des amateurs et des propriétaires de jardins, maisons et châteaux dessinés, construits ou restaurés par les architectes-paysagistes [Z] (1841-1902) et [O] [G] (1866-1947) à payer à l'association [Z] et [O] [G] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; Ordonne l'exécution provisoire sauf concernant l'inscription du jugement au registre des marques de l'INPI. Fait et jugé à Paris le 09 Juin 2023 Le Greffier La Présidente Quentin CURABET Irène BENAC
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JUDICIAIRE 3ème chambre 2ème section No RG 20/00009 No Portalis 352J-W-B7D-CRMIP No MINUTE : Assignation du : 30 Décembre 2019 rendu le 07 Avril 2023 DEMANDEURS S.A. EDITIONS ADÈLE [Adresse 1] [Adresse 1] Monsieur [K] [F] [Adresse 3] [Adresse 3] représentés par Maître Barberine MARTINET DE DOUHET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C1370 DÉFENDERESSE S.A. LE CHERCHE MIDI ÉDITEUR [Adresse 2] [Adresse 2] représentée par Maître Anne BOISSARD de l'AARPI ARTLAW, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0327 COMPOSITION DU TRIBUNAL Madame Irène BENAC, Vice-Présidente Madame Elodie GUENNEC, Vice-présidente Monsieur Arthur COURILLON-HAVY, Juge assisté de Monsieur Quentin CURABET, Greffier A l'audience du 02 Février 2023 tenue en audience publique devant Irène BENAC et Arthur COURILLON-HAVY, juges rapporteurs, qui sans opposition des avocats ont tenu seuls l'audience, et après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile. Avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 07 Avril 2023 Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire En premier ressort EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE 1. M. [K] [F] est auteur compositeur interprète et écrivain. La SA Editions Adèle, représentée par Mme [D] [F], le représente pour la conclusion et l'exécution des contrats se rattachant à son activité artistique. 2. La SA Le Cherche Midi Editeur, dirigée depuis l'été 2017 par Mme [H] et antérieurement par M. [I], est une société d'édition littéraire du groupe Editis. Elle a édité sept livres de M. [F] entre 2006 et 2015. 3. Le 20 octobre 2016, la société Le Cherche Midi Editeur a publié un nouveau livre intitulé Ma vie en vin sans contrat écrit préalable. Par SMS du 18 novembre 2016, puis lettres recommandées avec accusé de réception des 20 février et 16 juin 2017, elle a demandé à la société Editions Adèle de lui transmettre le contrat d'édition portant sur la cession des droits sur ce livre. Par courrier du 7 juillet 2017, la société Editions Adèle a transmis un contrat et une facture d'à-valoir. Par courriel du 20 juillet 2017, la société Le Cherche Midi Editeur a refusé ce contrat au motif qu'il comportait des clauses irréalistes qui ne figuraient dans aucun des contrats antérieurs et demandé une version conforme à la pratique antérieure. 4. Par lettre recommandée avec accusé de réception du 29 septembre 2017, la société Editions Adèle a reproché à la société Le Cherche Midi Editeur d'exploiter le livre Ma vie en vin en contrefaçon des droits d'auteur de M. [F] à défaut de contrat écrit signé, lui a fait interdiction de poursuivre cette exploitation et l'a mise en demeure de lui payer la somme de 1.141.987,50 euros à titre provisionnel sur son préjudice sous huit jours. 5. Par acte du 30 décembre 2019 , M. [F] et la société Editions Adèle ont fait assigner la société Le Cherche Midi Editeur devant ce tribunal en contrefaçon de droits d'auteur et indemnisation de leur préjudice. 6. Par ordonnance du 3 juin 2022, le juge de la mise en état a notamment ordonné à la société Le Cherche Midi Editeur de communiquer un extrait de son logiciel internet relatif aux ventes annuelles en format numérique de l'ouvrage Ma vie en vin accompagné d'une attestation certifiée par expert-comptable, sous astreinte, et rejeté les autres demandes de communication de pièces. Cette ordonnance a été exécutée le 25 juillet 2022. 7. Dans leurs dernières conclusions signifiées le 12 octobre 2022, M. [F] et la société Editions Adèle demandent au tribunal, au visa des textes relatifs au contrat d'édition et à la contrefaçon de droits d'auteur, de : - condamner la société Le Cherche Midi Editeur à payer à la société Editions Adèle, à titre principal, la somme de 1.141.860,98 euros de dommages et intérêts et, à titre subsidiaire, celle de 711.836 euros en réparation de son préjudice matériel, - condamner la société Le Cherche Midi Editeur à payer à la société Editions Adèle la somme de 50.000 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral, - condamner la société Le Cherche Midi Editeur aux dépens et à leur payer à chacun la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, sous le bénéfice de l'exécution provisoire. 8. La société Editions Adèle et M. [F] font valoir que : - le contrat d'édition doit être établi par écrit dans l'intérêt de l'auteur et l'éditeur ne peut en apporter la preuve que par ce moyen et non par présomptions ou aveux extra-judiciaire ; - l'exigence d'un écrit en ce qui concerne l'exploitation sous une forme numérique est également requise et constitue une condition de sa validité ; - tous les droits qui ne sont pas expressément cédés par l'auteur sont conservés par celui-ci, de sorte que l'éditeur ne peut céder les droits à un club si aucun écrit ne permet d'attester de l'accord de l'auteur ; - en l'absence de contrat écrit, la société Le Cherche Midi Editeur a exploité Ma vie en vin en contrefaçon des droits de l'auteur ; - les échanges SMS de l'été 2016, constatés par huissier de justice, ne peuvent constituer la preuve d'une quelconque cession de droits sur Ma vie en vin. 9. En réplique à l'argumentation adverse sur l'abus de droit, ils soutiennent que le contrat d'édition proposé par la société Editions Adèle en juillet 2017 ne présentait aucune clause inhabituelle. 10. Sur leur préjudice, ils exposent que : - l'exploitation illicite de l'oeuvre leur cause un important préjudice financier. - la société défenderesse ne rapporte pas la preuve que l'ouvrage n'a été commercialisé que du 20 octobre 2016 au 30 septembre 2017 ; - les relevés intitulés "redditions de compte" sont sans force probante et taisent le nombre d'exemplaires fabriqués ; - leur préjudice s'élève au prix public de la totalité des exemplaires imprimés du livre Ma vie en vin, soit 1.141.860,98 euros (50.755 exemplaires à 25 euros, déduction faite des 127.014,02 euros payés par la société Le Cherche Midi le 1er décembre 2017) ; - subsidiairement, s'il n'a été vendu que 33.554 exemplaires, l'indemnité doit être fixée à 711.836 euros selon le même mode de calcul ; - la société Le Cherche Midi leur a causé un préjudice moral pour avoir exploité l'oeuvre dans des conditions ayant trahi leur confiance, qu'ils évaluent à 50.000 euros. 11. Dans ses dernières conclusions signifiées le 5 septembre 2022, la société Le Cherche Midi Editeur demande au tribunal de : - débouter M. [F] et la société Editions Adele de l'ensemble de leurs demandes, - les condamner solidairement aux dépens et à lui payer la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 12. Elle fait valoir que : - l'écrit n'est requis qu'à titre de preuve et non de validité, - l'exploitation qu'elle a faite est licite dès lors qu'elle n'a duré que un an et que la preuve est faite de l'accord de l'auteur sur la commercialisation et le taux de rémunération appliqué ; - l'accord des parties sur le principe de l'édition de Ma vie en vin ne fait pas de doute compte tenu de l'annonce sur le site officiel de M. [F] dès le 19 septembre 2016 de la parution imminente de l'ouvrage édité par la société Le Cherche Midi et de la promotion qui a suivi (présentation du livre et nombreuses interviews en octobre 2016), des échanges de courriels du 22 septembre 2016 par lesquels M. [W], éditeur free lance, a validé la couverture de l'ouvrage et ses pages de garde au nom des demandeurs, ou encore des SMS adressés les 10 et 22 octobre 2016 par M. [I] ; - l'accord des demandeurs pour percevoir une rémunération de 20% du PPHT [prix public hors taxe] sur l'édition courante et 50 % sur les autres éditions de Ma vie en vin ne fait aucun doute car six parmi les sept contrats d'édition antérieurement conclus entre les parties et établis par la société les Editions Adèle à partir d'un même modèle prévoyaient cette rémunération particulièrement élevée (la seule exception étant l'ouvrage Mon Almanach prévoyant un taux de 18%) et que c'est également le taux prévu dans l'offre de contrat refusée en février 2017 ; - s'agissant de la durée de la commercialisation, les contrats antérieurs prévoyaient une durée de cession allant de 2 à 5 ans, les deux dernières conventions retenant une durée de 3 ans et la durée de un an que les demandeurs ont entendu fixer dans le contrat transmis le 11 juillet 2017, après huit mois d'exploitation, est un strict minimum respecté en l'espèce. 13. En toute hypothèse, ils soutiennent que, en attendant plus de huit mois après la mise en vente de l'oeuvre pour proposer un contrat d'édition différant sensiblement des contrats antérieurs liant les parties et en brandissant, à défaut d'acceptation, la menace d'une action en contrefaçon, les demandeurs ont abusé de leur droit et doivent en être déchus pour fraude. 14. S'agissant du préjudice, ils exposent que : - aucun préjudice moral n'est démontré par les demandeurs, qui ne justifient par ailleurs ni d'un manque à gagner, ni d'une perte subie, ni encore de ses bénéfices ; - sur chaque exemplaire vendu de l'édition litigieuse, les demandeurs ont perçu la rémunération de 20 % du prix public hors taxes, la provision sur retours a été réintégrée dans la reddition de comptes au 31 décembre 2017 et les ventes numériques n'ont pas excédé 24 exemplaires tandis que l'exploitation de l'ouvrage s'est révélée déficitaire pour elle du fait de l'interruption prématurée de la commercialisation ; - reprocher des pilonnages tout en arguant de contrefaçon est contradictoire. 15. L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 octobre 2022. MOTIVATION 16. Aux termes de l'article L. 131-2 du code de la propriété intellectuelle, "Les contrats de représentation, d'édition et de production audiovisuelle [...] doivent être constatés par écrit. Il en est de même des autorisations gratuites d'exécution. Les contrats par lesquels sont transmis des droits d'auteur doivent être constatés par écrit. Dans tous les autres cas, les dispositions des articles 1359 à 1362 du code civil sont applicables." Selon l'article L. 131-3, alinéa 1, du même code, "La transmission des droits de l'auteur est subordonnée à la condition que chacun des droits cédés fasse l'objet d'une mention distincte dans l'acte de cession et que le domaine d'exploitation des droits cédés soit délimité quant à son étendue et à sa destination, quant au lieu et quant à la durée". L'article L. 132-7 alinéa 1 du même code précisant quant à lui que " le consentement personnel et donné par écrit de l'auteur est obligatoire". L'article L. 122-4 du même code de la propriété intellectuelle prévoit que « toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants cause est illicite. Il en est de même pour la traduction, l'adaptation ou la transformation, l'arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque ». 17. Aux termes de l'article 1383 du code civil, "L'aveu est la déclaration par laquelle une personne reconnaît pour vrai un fait de nature à produire contre elle des conséquences juridiques. Il peut être judiciaire ou extrajudiciaire." L'aveu exige de la part de son auteur une manifestation non équivoque de sa volonté de reconnaître pour vrai un fait de nature à produire contre lui des conséquences juridique. Aux termes de l'article 1141 du même code"La menace d'une voie de droit ne constitue pas une violence. Il en va autrement lorsque la voie de droit est détournée de son but ou lorsqu'elle est invoquée ou exercée pour obtenir un avantage manifestement excessif." L'abus de droit est le fait, pour une personne, de commettre une faute par le dépassement des limites d'exercice d'un droit qui lui est conféré, soit en le détournant de sa finalité, soit dans le but de nuire à autrui. 18. A défaut de sanction de nullité posée par les textes précités du code de la propriété intellectuelle, la formalisation est exigée à titre probatoire. A défaut d'écrit, l'éditeur peut établir l'existence du contrat par l'aveu, exprès ou implicite, de l'auteur. 19. Il est admis par l'ensemble des parties qu'aucun contrat d'édition écrit n'a été signé entre elles préalablement à l'exploitation en librairie de l'ouvrage Ma vie en vin ; un tel contrat a néanmoins été exécuté à compter d'octobre 2016 avec le concours de l'auteur qui en a personnellement assuré la promotion à partir de septembre 2016. 20. Or, les parties avaient antérieurement conclu sept contrats d'édition entre le 16 janvier 2006 et le 12 novembre 2015 établis par la société Editions Adèle (cinq d'entre eux sur son papier à entête) et ne correspondent pas aux modèles de la société Le Cherche Midi Editeur. Leurs dispositions principales étaient : - la cession du droit de reproduction, - une durée de 5 ans (pour trois contrats), 2 ans (pour deux contrats) ou 3 ans (pour deux contrats), - une redevance calculée sur le prix de vente au public hors taxes de 20 % (avec une exception à 18%) pour l'édition principale et de 50 % pour les éditions au format de poche, en édition club ou illustrée, - une avance de 100.000 euros dans deux contrats de 2007 et 2008 d'une durée de 5 ans. 21. La société Le Cherche Midi Editeur a demandé à plusieurs reprises par couriels, lettre ou lettre recommandée avec accusé de réception, la formalisation d'un contrat. 22. Les demandeurs l'ont envoyé le 7 juillet 2017 à la société Le Cherche Midi Editeur ; ce contrat d'édition stipulait : - une durée de 1 an à compter du 1er octobre 2016, - la cession exclusive des droits de reproduction de l'oeuvre en édition principale y compris par des tiers (article 3), - un droit de 20 % du prix public hors taxes des exemplaires vendus, - un à-valoir de 150.000 euros destiné à rester acquis à l'auteur. Les dispositions sur la durée et l'à-valoir étaient donc inédites entre les parties. 23. Il résulte sans ambiguïté de cet écrit, émanant de l'auteur et de son mandataire, leur consentement exprès sur un droit de reproduction du livre et les conditions de la cession de ce droit d'auteur, à savoir les droits cédés, la durée et les conditions de la cession au sens de l'article l'article L. 131-3, alinéa 1, précité. 24. La société Le Cherche Midi Editeur a refusé les clauses du contrat du 7 juillet 2017 excédant les conventions antérieures des parties relatives à diverses obligations. Elle a respecté les clauses relatives à la cession des droits en cessant la commercialisation à la date du 30 septembre 2017 et en payant les droits calculés sur 20 % du prix public hors taxes des exemplaires vendus, à hauteur de 127.014,02 euros le 1er décembre 2017. 25. S'agissant des clauses s'écartant de la pratique antérieure des parties, par courriel du 21 juillet 2017, la société Editions Adèle a écrit "Ces clauses qui vous chiffonnent tant ne sont que la conséquence logique des manquements contractuels répétés ab libitum par votre société et le groupe éditorial dont celle-ci relève, manquements objets de mes griefs et sujets de mes discussions. Il est évident que mettre les points sur les i dans ce contrat pour tenter d'avoir des comptes clairs et sincères ne peut que vous indisposer et votre acrimonie ne fait que justifier la nécessité des précisions que j'y ai portées. (...) Je maintiens l'intégralité des clauses portées sur le contrat envoyé, contrat dont j'entends le plein respect, ce qui ne pourra qu'éviter un nouveau litige." 26. Ces termes démontrent que les clauses nouvelles de la proposition de contrat pour l'édition de Ma vie en vin du 7 juillet 2017 ont été insérées en représaille de griefs de la société Editions Adèle relatifs à l'exécution de contrats portant sur deux ouvrages antérieurs, exprimés pour la première fois par lettre recommandée avec accusé de réception du 21 novembre 2016, soit après la publication de Ma vie en vin et la promotion de ce titre par M. [F]. 27. La société Le Cherche Midi Editeur soutient à juste titre que, en exigeant la signature d'un contrat dans ces nouvelles conditions, sous la menace de la contrefaçon des droits d'auteur sur le seul fondement de l'absence de contrat écrit, les demandeurs ont détourné les dispositions du code de la propriété intellectuelle relatifs au formalisme du contrat de leur finalité. 28. Les demandeurs sont donc mal fondés à soutenir la contrefaçon de ce droit sur le seul moyen invoqué du non respect du formalisme contractuel et il y a lieu de rejeter leurs demandes de réparation à ce titre. 29. Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. L'article 700 du même code permet au juge de condamner en outre la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre, pour les frais exposés mais non compris dans les dépens, une somme qu'il détermine, en tenant compte de l'équité et de la situation économique de cette partie. 30. M. [F] et la société Editions Adèle, qui succombe sont condamnés aux dépens de l'instance et l'équité justifie de les condamner à payer à la société Le Cherche Midi Editeur la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 31. La nature et l'ancienneté du litige justifient de prononcer l'exécution provisoire du jugement. PAR CES MOTIFS Déboute M. [K] [F] et la société Editions Adèle de l'ensemble de leurs demandes ; Condamne M. [K] [F] et la société Editions Adèle aux dépens, qui pourront être directement recouvrés par Me Anne Boissard dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile ; Condamne M. [K] [F] et la société Editions Adèle à payer à la société Le Cherche Midi Editeur la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; Ordonne l'exécution provisoire. Fait et jugé à Paris le 07 Avril 2023 Le Greffier La Présidente Quentin CURABET Irène BENAC
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JUDICIAIRE 3ème chambre 1ère section No RG 19/14616 No Portalis 352J-W-B7D-CRKMA No MINUTE : Assignation du : 12 décembre 2019 rendu le 25 mai 2023 DEMANDERESSE S.A.S. SKIN'UP [Adresse 1] [Localité 2] représentée par Me Sonia-Maïa GRISLAIN du Cabinet GRISLAIN AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #A0035 & Me Karine ETIENNE de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de LYON, avocat plaidant DÉFENDERESSE S.A. LANAFORM LANA ALLPEAK [Adresse 4] [Localité 3] (BELGIQUE) représentée par Me Benjamin MAY de la SELARL ARAMIS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #K0186 COMPOSITION DU TRIBUNAL Madame Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe Madame Elodie GUENNEC, Vice-présidente Monsieur Malik CHAPUIS, Juge, assistés de Madame Caroline REBOUL, Greffière en présence de Madame Anne BOUTRON, magistrat en stage de pré affectation. A l'audience du 28 février 2023 tenue en audience publique, avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue le 25 mai 2023. Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire En premier ressort EXPOSÉ DU LITIGE : 1. La société Skin'up, créée en 2005, se présente comme un laboratoire innovant ayant pour activité la conception et le développement d'articles cosméto-textiles dont la fibre textile est imprégnée de principes actifs cosmétiques et végétaux micro-encapsulés qu'elle commercialise en France et à l'international sous la marque Skin'Up. 2. Cette société est titulaire d'un brevet français no FR 2 999 613, ci-après FR 613, déposé le 19 décembre 2012 et délivré le 30 décembre 2016 intitulé "Matériau textile imprégné de principes actifs et comprenant des particules de céramique" qu'elle a acquis auprès de Mme [N] [U] le 23 décembre 2018. La cession a été inscrite au registre national des brevets le 20 septembre 2019. L'invention porte sur un matériau textile imprégné d'au moins un principe actif cosmétique ou pharmaceutique caractérisé en ce qu'il comprend au moins une particule de céramique. 3. La société de droit belge Lanaform Lana AllPeak, ci-après Lanaform, créée en 1975, a pour activité la fabrication et la commercialisation de produits de bien-être, de santé et de beauté ; elle commercialise notamment des textiles gainants et amincissants. 4. La société Skin'Up indique avoir fait constater par huissier de justice que la société Lanaform offrait à la vente notamment sur les sites internet accessibles aux adresses <www.lanaform.com> et <www.lanaform.fr>, et les sites internet de distributeurs, des produits dénommés "Cosmetex legging 40", "Panty Puissance 5" et "Secret Slim" reproduisant, selon elle, les revendications du brevet FR 613. 5. Par une lettre recommandée du 24 janvier 2018, la société Skin'Up a mis en demeure la société Lanaform de cesser toute fabrication, offre en vente et commercialisation des produits portant selon elle atteinte à son brevet FR 613. La société Lanaform lui a répondu par une lettre du 2 mars 2018 que les revendications du brevet FR 613 étaient nulles pour défaut d'activité inventive. 6. Par acte d'huissier du 12 décembre 2019, la société Skin'Up a fait assigner la société Lanaform devant le tribunal judiciaire de Paris en contrefaçon des revendications 1, 7 et 8 du brevet FR 613. 7. En cours de procédure, la société Skin'Up a déposé une requête en limitation auprès de l'INPI qui a été acceptée le 13 juillet 2021 et publiée au registre national des brevets le 15 juillet suivant. 8. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 20 mai 2022, la société Skin'Up demande au tribunal de : - La Dire recevable et bien fondée dans son action, y faisant droit; - Débouter la société Lanaform de ses demandes, fins et prétentions ; - Dire que le brevet FR 2 999 613 pris dans ses revendications telles que limitées 1, 7 et 8 est valable comme nouveau, faisant preuve d'activité inventive et suffisamment décrit; - Dire que le produit Cosmetex Legging 40 reproduit les caractéristiques des revendications 1, 7 et 8 du brevet FR 2 999 613 ; - Dire que le produit Secret Slim / Panty Puissance 5-Textile Minceur reproduit les caractéristiques des revendications 1, 7 et 8 du brevet FR 2 999 613 ; - Dire que la société LANAFORM en offrant à la vente et commercialisant, sur le territoire français, des articles cosméto-textile tels que le legging Cosmetex legging 40 et le Secret Slim / Panty Puissance 5 - Textile Minceur, commet des actes de contrefaçon au préjudice de la société SKIN' UP titulaire et exploitant du brevet FR 2 999 613 ; - Faire injonction à la société Lanaform de cesser et lui interdire pour l'avenir de fabriquer, importer, détenir, offrir à la vente,notamment sur ses sites internet marchands www.lanaform.com et www.lanaform.fr et/ou commercialiser, en France, les produits Cosmetex legging 40 et Secret Slim / Panty Puissance 5 - Textile Minceur, et plus généralement tout article de sa gamme de produits minceur et/ou anticellulite, et tout produit qui reproduirait les revendications 1,7 et 8 du brevet FR 2 999 613, sous astreinte de 500€ par infraction constatée, une infraction s'entendant de la fabrication, importation, détention, offre en vente, vente d'un article contrefaisant, et par jour de retard, à compter de la signification du jugement à intervenir ; - Faire injonction à la société Lanaform de communiquer, au titre du droit à l'information, tous documents comptables certifiés par un expert-comptable permettant de déterminer la masse contrefaisante et les quantités exactes de produits incriminés fabriqués, commandés, importés, reçus, livrés, et vendus par elle en France, le chiffre d'affaires réalisé ainsi que la marge pratiquée et les bénéfices associés, au cours des 5 dernières années précédant la date de la signification de l'assignation, puis au cours de chaque année suivante jusqu'à la clôture de la procédure, sous astreinte de 500€ par jour de retard, passé un délai de 8 jours après la signification du jugement à intervenir ; - Prononcer le rappel des circuits commerciaux et la destruction, aux frais avancés de la société Lanaform, de tous les stocks de produits contrefaisants, ainsi que de l'ensemble des supports commerciaux représentant lesdits produits, ce par constat d'huissier, sous astreinte de 500€ par produit et par jour de retard, à compter d'un délai de 30 jours après le prononcé du jugement à intervenir ; - Allouer à la société Skin'Up une somme de 250.000€ à titre de dommages et intérêts réparant l'atteinte portée à ses droits sur le brevet FR 2 999 613 et son préjudice moral; - Allouer à la société Skin'Up une somme provisionnelle de 800.000€ à titre de dommages et intérêts réparant le préjudice économique causé par les actes de contrefaçon, somme à parfaire après communication des documents comptables permettant de justifier de l'intégralité de la masse contrefaisante, des gains manqués et pertes subies. Subsidiairement, - Dire que les allégations mensongères et trompeuses tenues par la société Lanaform dans sa communication et sur ses emballages sont de nature à modifier le comportement économique du consommateur, et constituent des pratiques commerciales trompeuses ; - Ordonner la cessation des actes de pratiques commerciales trompeuses, sur tous supports y inclus sites Internet en France, sous astreinte de 1.500 € par infraction constatée à compter de la signification du jugement à intervenir, chaque infraction étant constituée par l'offre en vente et/ou la commercialisation et/ou la promotion de produits sous les mentions trompeuses tenant notamment au fait que le produit est doté d'une fibre intelligente à base de cristaux de céramique et de millions de microcapsules à base de nouveaux principes actifs cosmétiques, que les microcapsules sont à base de principes actifs cosmétiques et pas autre chose, qu'il a une action sur le long terme grâce à sa fibre intelligente, et encore qu'il a une action anticellulite grâce à la combinaison entre la fibre céramique 3D et le complexe cosmétique à base d'algues marines et des vertus amincissantes dans les réductions centimétriques annoncées ; - Allouer à la société Skin'Up une somme provisionnelle de 200.000€ à titre de dommages et intérêts réparant le préjudice économique causé par les pratiques commerciales trompeuses, somme à parfaire après communication des documents comptables de Lanaform permettant d'évaluer l'entier préjudice subi ; En tout état de cause, - Convoquer les parties à la prochaine audience utile du tribunal judiciaireafindevoir statuersurl'évaluationdéfinitivedupréjudicecauséàla société Skin'Up ; - Se réserver la liquidation des astreintes ordonnées ; - Ordonner la publication judiciaire du jugement à intervenir, en extraits, sur la page d'accueil des sites Internet de la société Lanaform dont les adresses sont https://www.lanaform.com et https://www.lanaform.fr pour une durée de six mois à compter de la signification du jugement à intervenir ; - Ordonner la publication judiciaire du jugement à intervenir, en extraits, dans trois revues ou journaux professionnels, au choix de la société Skin'Up et aux frais de la société Lanaform, dans la limite de 2.500 € HT par publication ; - Condamner la société Lanaform à payer à la société Skin'Up la somme de 50.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; - Dire que l'exécution provisoire est de droit ; - Condamner la société Lanaform aux entiers frais et dépens, distraits auprès de Maître [X] [T], en ce inclus les frais de signification et constat d'huissier et honoraires afférents dûment justifiés, sur son affirmation de droit. 9. Par ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 22 juin 2022, la société Lanaform demande au tribunal de : A titre principal : - La Déclarer recevable en ses écritures, fins et prétentions. - Prononcer la nullité des revendications 1, 7 et 8 du brevet français FR 2 999 613 pour défaut de nouveauté, d'activité inventive et/ou d'insuffisance de description. En conséquence, - Ordonner la notification de la décision à intervenir, une fois devenue définitive, par les bons soins de madame ou monsieur le greffier ou de la partie la plus diligente, a monsieur le directeur de l'institut national de la propriété industrielle en vue de son inscription sur le registre national des brevets ; - Juger que la transcription de ladite décision, une fois devenue définitive, pourra être effectuée sur présentation d'une copie exécutoire. A titre subsidiaire, si, par extraordinaire, le tribunal retenait la validité de tout ou partie des revendications 1, 7 et 8 du brevet FR'613, - Juger que la contrefaçon des revendications 1, 7 et 8 du brevet FR 2 999 613 n'est pas établie ; - Débouter la société Skin'Up de ses demandes a l'encontre de la société Lanaform en contrefaçon du brevet FR 2 999 613. En toute hypothèse, - Débouter la société Skin'Up de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions vis-à-vis de la société Lanaform ; - Condamner la société Skin'Up à verser à la société Lanaform la somme de 80 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; - Condamner la société Skin'Up aux entiers dépens. 10. L'instruction de l'affaire a été close par une ordonnance du 5 juillet 2022 et plaidée à l'audience du 28 février 2023. MOTIFS DE LA DÉCISION 1o) Présentation du brevet FR 2 999 613 11. La description de ce brevet enseigne dès sa 1ère ligne que l'invention concerne un matériau textile imprégné de principes actifs, dont la libération, par exemple dans la peau, est améliorée et contrôlée. A la ligne 32 (1ère page), la description précise que, depuis les années 1990, de multiples applications de textiles imprégnés permettant le relargage ou l'admnistration de principes actifs ont été développées. 12. En page 2, lignes 12 et suivantes, la description indique, qu'afin de permettre le relargage des principes actifs dont est imprégné le matériau textile, et plus précisément la libération dans la peau de ces principes actifs, il est connu de les encapsuler. Ainsi, des matériaux textiles imprégnés de principes actifs micro-encapsulés ont été mis au point de manière à pouvoir libérer les principes actifs lors du contact de ces matériaux textiles avec la peau. La micro-encapsulation permet la fixation des principes actifs sur le textile par l'intermédiaire des microcapsules, lesquelles sont ensuite brièvement décrites. 13. Le fascicule relève ensuite (page 2 lignes 25 et s.) les inconvénients de ces techniques connues (matériau textile simplement imprégné de principes actifs micro-encapsulés). Ainsi, la rupture de la membrane de la microcapsule n'est pas toujours bien maîtrisée et peut en particulier n'être que partielle, de même que la diffusion du principe actif dans la peau peut ne pas se réaliser dans des conditions excellentes. 14. L'invention propose de remédier à ces inconvénients au moyen d'un matériau textile imprégné d'au moins un principe actif, caractérisé en ce qu'il comprend en outre au moins une particule de céramique (page 3, lignes 13 et s.). 15. La description précise ensuite (page 4) qu'on entend par particule de céramique, dans le cadre de l'invention, des particules obtenues par transformation d'un mélange d'argile, de matière minérale, de terres rares et de métaux précieux, porté à très haute température, de l'ordre de 1000oC ou plus. En d'autres termes, il s'agit de silicates, dont l'arrangement dépend des conditions chimiques de leur formation. La au moins une particule de céramique comprend avantageusement au moins un oxyde choisi dans le groupe constitué de AI203, Fe203, Cr203, SiO2, MgO, ZrO2, MnO2, Co203, Y203, pris seul ou en mélanges de ceux-ci. De manière préférée, il sagit des oxydes suivants MnO2 ou Co203 ou encore d'un mélange de ces deux oxydes. De manière préférée, la au moins une particule de céramique comprend au moins 10% en poids de MnO2. En effet, cet oxyde est particulièrement préféré car il contribue de manière significative à l'émissivité des particules de céramique. 16. La description rappelle (page 4, lignes 34 et s.) que les particules de céramique ont la particularité d'émettre et de réfléchir des rayons infrarouges lointains. Cette émission de rayonnement infrarouge est consécutive à l'absorption de chaleur par les particules de céramique. La chaleur provient de l'environnement proche des particules de céramiques. Ainsi, lorsque le matériau se présente sous la forme d'un vêtement porté par un utilisateur, les particules de céramique emmagasinent la chaleur produite par le corps humain : elles absorbent cette énergie et la restituent dans les longueurs d'onde de l'infrarouge lointain. Et, lorsque ces particules ne peuvent plus absorber de chaleur, elles la renvoient directement à la surface de la peau provoquant alors une légère augmentation de la température corporelle. 17. Selon la description (page 5, lignes 18 et s.), la chaleur émise, non seulement amplifie le processus de rupture des membranes des microcapsules renfermant le principe actif, mais favorise également la pénétration du principe actif dans la peau. 18. Le brevet se compose de 10 revendications, seules étant opposées la revendication principale 1 et les revendications dépendantes 7 et 8 du brevet FR 613 (tel que limité en 2021) : 1. Matériau textile imprégné d'au moins un principe actif microencapsulé et comprenant en outre au moins une particule de céramique, ledit matériau textile comprenant des fibres, des fils et/ou des filaments qui ont été imprégnés du au moins un principe actif, caractérisé en ce qu'il comprend en outre des fibres, des fils et/ou des filaments dans lesquels a été dispersée la au moins une particule de céramique et en ce que le principe actif est choisi parmi les principes actifs pharmaceutiques ou cosmétiques. 7. Matériau textile selon l'une quelconque des revendications 1 à 6, caractérisé en ce que le principe actif est choisi dans le groupe constitué par les principes actifs amincissants, rafraîchissants ou hydratants , les vitamines liposolubles et leurs dérivés, les polyphénols, les stylbènes, les catéchines, la vanilline, l'indol, les huiles essentielles d'agrumes, de lavande, du menthol, Fluvastatin, Ketoprofen, Verapamil, Atenolol, Griseofulvin, Ranitidine, les huiles végétales, le beurre de karité, les aminoglucosides, les antibiotiques, les hormones peptidiques, les agents anti-allergiques, antimycotiques, cytostatiques, les sels minéraux, les oligo-éléments, les acides aminés, les peptides, les protéines, les vitamines hydrosolubles, les polyols, les arômes. 8. Article de vêtement constitué totalement ou partiellement du matériau textile selon l'une quelconque des revendications 1 à 7, ledit article de vêtement étant choisi dans le groupe constitué par les gants, les chaussants, les sous-vêtements, les bas, les collants, les corsaires. 2o) Sur la validité du brevet contestée en défense Moyens des parties sur le défaut de nouveauté 19. La société Lanaform fait valoir que les documents FR 2 967 573 (D3) (a), US2001/0046826 (D4) (b) et KR200336512 (D8) sont des antériorités de toute pièce et, partant, que la revendication 1 du brevet FR 613 n'est pas nouvelle. Elle soutient ainsi que l'utilisation du kit cosmétique de la demande FR 2 967 573 divulgue toutes les caractéristiques de la revendication 1 du brevet FR 613 et en particulier, un article textile, une formulation topique comprenant un actif cosmétique, l'encapsulation de l'actif cosmétique, et l'association de dioxyde de titane/sulfate de métal alcalin/alumino-silicate, le dioxyde de titane TiO2 qui sont des particules de céramique. 20. Selon la société Lanaform, le brevet FR 613 est de la même manière dépourvu de nouveauté au regard de la demande de brevet US2001/0046826 qui divulgue des particules de substances actives, pharmaceutiques ou cosmétiques, contenues dans des microcapsules (notamment de céramiques) qui imprègnent les fils d'un matériau textile et permettent la libération des substances actives par contact avec la peau du porteur, soit toutes les caractéristiques du brevet FR 613. 21. La société Lanaform invoque encore au titre du défaut de nouveauté la demande de brevet US2001/0046826 qui enseigne le recours à des particules de substances actives, pharmaceutiques ou cosmétiques, contenues dans des microcapsules (notamment de céramiques) qui imprègnent les fils du matériau textile et permettent la libération des substances actives par contact avec la peau du porteur, soit à nouveau toutes les caractéristiques du brevet FR 613. 22. La société Lanaform soutient enfin que l'ensemble des caractéristiques du brevet FR 613 est divulgué par le brevet KR200336512 qui porte sur des bas et culottes, chargés d'un mélange de parfums, de fleurs et de fruits, dont les fibres de parfum sont parfumées par l'ajout d'un liquide directionnel aux microcapsules et fixées de façon innombrable aux fibres et qui comprennent une composition antidérapante composée d'un mélange de fil de coton et de caoutchouc et notamment d'ocre céramique ou de minéral qui émet un rayonnement infrarouge lointain. 23. En ce qui concerne les revendications dépendantes 7 et 8, la société Lanaform soutient qu'elles sont elles aussi nulles pour défaut de nouveauté, car la description du brevet FR 573 précise que sont connus de l'état de la technique les textiles constitués de fibres capables de relarguer des principes actifs amincissants ou hydratants, des huiles essentielles, des vitamines et des produits désodorisants, tandis que tous les documents FR 2 967 573, US2001/0046826 et KR200336512 divulguent au moins l'un des articles de vêtements cités dans la revendication 8. 24. La société Skin'Up fait quant à elle valoir que la demande de brevet FR 2 967 573 ne divulgue pas un textile imprégné puisque le port du textile est consécutif à l'application d'une formulation comprenant au moins un principe actif appliquée sur la peau. Elle ajoute que la description de cette demande de brevet critique même l'utilisation des tissus imprégnés par des microcapsules. 25. Elle fait également valoir la demande de brevet US2001/0046826 divulgue des particules sphériques, qui peuvent être des particules de céramiques, qui sont fixées sur le textile au moyen d'une couche de liaison, et non pas dispersées dans les fibres, fils ou filaments comme cela est le cas dans le brevet FR 613, et que selon la revendication 9 ce sont les particules de céramiques, et non les principes actifs, qui sont microencapsulés. 26. La société ajoute que les parfums visés par le brevet KR200336512 ne peuvent pas être considérés comme des principes actifs et que ce document ne divulgue pas la micro-encapsulation d'un actif cosmétique. 27. La société Skin'Up soutient enfin que la nouveauté de l'objet de la revendication 1 étant acquise celle des revendications 7 et 8 l'est également. Appréciation du tribunal 28. Selon l'article L. 611-10, I, du code de la propriété intellectuelle, sont brevetables, dans tous les domaines technologiques, les inventions nouvelles impliquant une activité inventive et susceptibles d'application industrielle. L'article L. 611-11 du même code précise qu'une invention est considérée comme nouvelle si elle n'est pas comprise dans l'état de la technique. L'état de la technique est constitué par tout ce qui a été rendu accessible au public avant la date de dépôt de la demande de brevet par une description écrite ou orale, un usage ou tout autre moyen. Est également considéré comme compris dans l'état de la technique le contenu de demandes de brevet français et de demandes de brevet européen ou international désignant la France, telles qu'elles ont été déposées, qui ont une date de dépôt antérieure à celle mentionnée au second alinéa du présent article et qui n'ont été publiées qu'à cette date ou qu'à une date postérieure. 29. Aux termes de l'article L. 613-25, un brevet est déclaré nul par décision de justice : a) Si son objet n'est pas brevetable aux termes des articles L. 611-10, L. 611-11 et L. 611-13 à L. 611-19. 30. L'élément de l'art antérieur est destructeur de nouveauté s'il renferme tous les moyens techniques essentiels de l'invention dans la même forme, le même agencement et le même fonctionnement en vue du même résultat technique : l'antériorité, qui est un fait juridique dont l'existence, la date et le contenu doivent être prouvés par tous moyens par celui qui l'invoque, doit être unique et être révélée dans un document unique dont la portée est appréciée globalement. 31. La société défenderesse invoque en premier lieu un brevet français FR 2 967 573 de la société Rhodia Poliamida, dont la publication de la demande de délivrance est intervenue le 25 mai 2012, soit 7 mois avant le dépôt du brevet objet du présent litige. Ce brevet FR 573 est le document D3 du rapport de recherche et de l'avis écrit de l'examinateur de l'INPI du 28 octobre 2018 (Pièce Lanaform no4), qui l'avait mentionné comme destructeur de la nouveauté du brevet FR 613, avant de finalement délivrer le brevet. 32. Ce document D3 revendique la protection d'un "kit" comprenant l'application, sur la peau d'un utilisateur, d'un actif cosmétique, suivie de l'apposition d'un article textile constitué de fibres en polymère dont la matrice contient des charges minérales ayant des propriétés d'absorption et/ou d'émission dans la région infrarouge lointain 2-20 µm. 33. Comme le brevet FR'613, ce brevet enseigne dans sa partie descriptive que l'art antérieur connaît les fibres de polymères imprégnées d'actifs cosmétiques micro-encapsulés, mais sans revendiquer lui-même cette imprégnation en raison de ses inconvénients et en particulier la disparition des actifs après quelques lavages du matériau textile, et la quantité trop faible de principe actif pour observer un effet (page 4, ligne 3 de D3). 34. Au demeurant, l'imprégnation du matériau textile par les principes actifs micro-encapsulés ne figure pas dans la partie caractérisante de la revendication 1 du brevet FR 613. 35. Force est ainsi de constater que le brevet FR'573 (D3) divulgue les moyens techniques essentiels de l'invention objet du brevet FR'613, peu important qu'il ne les revendique pas. Il divulgue en effet la combinaison d'un matériau textile et d' une application sur la peau de principes actifs, les principes actifs pouvant être imprégnés dans le matériau textile, et le matériau textile comprenant également des particules de céramique au sens de ces deux brevets, le document FR'573 (D3) présentant le dioxyde de titane (TiO2), le sulfate de baryum (BaSO4) et la tourmaline comme préférés (page 12, ligne 5). La revendication 1 du brevet FR'613 se trouve ainsi entièrement divulguée par ce seul document, selon le même agencement et en vue du même résultat technique. Cette revendication est dès lors dépourvue de nouveauté. 36. Il en va de même des revendications dépendantes suivantes, le brevet FR'573 (D3) décrivant l'usage des actifs cosmétiques amincissants et notamment l'huile essentielle de lavande, ainsi que la vitamne C (page 7, ligne 1 et s.), expressément mentionnés dans la revendication no7 du brevet FR'613 ; ce document divulgue encore la forme du matériau textile, puisqu'il indique qu'il s'agira avantageusement d'un vêtement, de préférence un collant, un pantalon, un bermuda (page 13, ligne 31), de sorte que la revendication no8 se trouve elle aussi dépourvue de nouveauté. 37. Il y a donc lieu d'annuler les revendications 1, 7 et 8 opposées du brevet FR'613. 38. Les demandes fondées sur la contrefaçon de ce brevet ne peuvent donc qu'être rejetées. 3o) Sur les pratiques commerciales trompeuses Moyens des parties 39. A titre susbsidiaire, la société Skin'Up soutient que les allégations de la société Lanaform relatives à la composition de ses produits et/ou l'effet technique ne sont pas exactes et conduisent à tromper le consommateur sur les qualités et/ou caractéristiques essentielles des produits et altèrent substantiellement le comportement du consommateur au détriment société Skin'Up dont la clientèle se détourne. 40. La société Lanaform soutient que la contrefaçon de brevet et les pratiques commerciales trompeuses ne répondent pas aux mêmes conditions, ces dernières supposant la démonstration de comportements contraires aux exigences de la diligence professionnelle et de l'altération substantielle du comportement du consommateur. Elle fait valoir qu'il n'y aurait tromperie du consommateur que si les produits n'avaient strictement aucun effet amincissant, ce que ne prouve pas la société Skin'Up, qui n'établit pas par ailleurs une altération substantielle du comportement du consommateur. Appréciation du tribunal 41. L'article L. 121-1 du code de la consommation prévoit que "Les pratiques commerciales déloyales sont interdites. Une pratique commerciale est déloyale lorsqu'elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu'elle altère ou est susceptible d'altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l'égard d'un bien ou d'un service. (...) Constituent, en particulier, des pratiques commerciales déloyales les pratiques commerciales trompeuses définies aux articles L. 121-2 à L. 121-4 (...)" 42. Selon l'article L. 121-2 du code de la consommation, "Une pratique commerciale est trompeuse si elle est commise dans l'une des circonstances suivantes : (...) 2o Lorsqu'elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l'un ou plusieurs des éléments suivants : (...) b) Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, à savoir : ses qualités substantielles, sa composition,(...)" 43. Il ressort de la jurisprudence de la Cour de justice interprétant l'article 6, paragraphe 1, de la directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mai 2005, relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur, dont les dispositions ci-dessus du code de la consommation réalisent la transposition en droit interne (point 47 de l'arrêt du 15 mars 2012, [P] et [Y], C-453/10 ; point 42 de l'arrêt du 19 septembre 2013, CHS Tour Services, C-435/11 ; point 34 de l'arrêt du 19 décembre 2013, [J] [L] srl, C-281/12), qu'une pratique commerciale est considérée comme trompeuse pour autant que l'information soit trompeuse (c'est à dire fausse) et qu'elle soit susceptible d'amener le consommateur à prendre une décision commerciale qu'il n'aurait pas prise en l'absence d'une telle pratique. 44. Sont ici incriminées par la société Skin'up les mentions suivantes figurant sur le site Internet de la société Lanaform selon lequelles le produit Cosmetex leggings serait "doté d'une fibre intelligente à base de cristaux de céramique et de millions de microcapsules à base de nouveaux principes actifs cosmétiques, le Cosmetex legging agit de manière instantanée et pour une durée illimtée (...) L'efficacité est garantie jusuq'à 30 lavages". 45. Force est de constater qu'il n'est pas démontré que l'affirmation selon laquelle la présence des cristaux de céramique agit de manière permanente et que l'imprégnation de principes actifs perdure au-delà de 30 lavages des leggings est mensongère. Surtout, ces allégations n'apparaissent pas susceptibles d'altérer de manière substantielle le comportement économique d'un consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé à l'égard des leggings commercialisés par la société Lanaform, ce consommateur étant habitué, dans le secteur des cosmétiques, aux commentaires excessivement laudatifs. 46. Les demandes de la société Skin'Up fondées sur les pratiques commerciales trompeuses sont donc rejetées. 47. Partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, la société Skin'up supportera les dépens et sera condamnée à payer à la société Lanaform la somme de 60.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. 48. Nécessaire et compatible avec la nature de la décision, il y a lieu d'en ordonner l'exécution provisoire conformément aux dispositions de l'article 515 du code de procédure civile dans sa version applicable au présent litige eu égard à la date de l'assignation, sauf en ce qui concerne la transcription au RNB (article L. 613-27 du code de la propriété intellectuelle). PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL, DÉCLARE NULLES les revendications 1, 7 et 8 du brevet français FR 2 999 613 de la société Skin'Up; DIT que la présente décision, une fois passée en force de chose jugée, sera transmise à l'INPI, à l'initiative de la partie la plus diligente aux fins d'inscription au registre national des brevets ; REJETTE les demandes de la société Skin'Up fondées sur la contrefaçon du brevet FR 2 999 613 et sur des pratiques commerciales trompeuses ; CONDAMNE la société Skin'Up aux dépens ; CONDAMNE la société Skin'Up à payer à la société Lanaform la somme de 60 000 par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; ORDONNE l'exécution provisoire de la présente décision sauf en ce qui concerne la transcription au RNB. Fait et jugé à Paris le 25 mai 2023. LA GREFIERE LA PRESIDENTE
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JUDICIAIRE 3ème chambre 3ème section No RG 21/02988 - No Portalis 352J-W-B7F-CT37S No MINUTE : Assignation du : 18 février 2021 rendu le 14 juin 2023 DEMANDERESSES SYNDICAT DES FABRICANTS AVEYRONNAIS DU COUTEAU DE [Localité 4] Mairie de [Localité 4] [Adresse 2] [Adresse 2] COMMUNE DE [Localité 4] [Adresse 2] [Adresse 2] représentées par Maître Arnaud LELLINGER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #L0112 DÉFENDERESSE S.A.S. ACTIFORGE [Adresse 1] [Adresse 1] représentée par Maître Denis GANTELME de l'ASSOCIATION OLTRAMARE GANTELME MAHL, avocat au barreau de PARIS, avocats posutlant, vestiaire #R0032 et par Maître HORDOT de la SCP BONIFACE-HORDOT-FUMAT-MALLON, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE, avocat plaidant COMPOSITION DU TRIBUNAL Jean-Christophe GAYET, premier vice-président adjoint Linda BOUDOUR, juge Arthur COURILLON-HAVY, juge assistés de Lorine MILLE, greffière, A l'audience du 05 janvier 2023 tenue en audience publique devant Jean-Christophe GAYET et Linda BOUDOUR, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seuls l'audience, et, après avoir donné lecture du rapport, puis entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux avocats que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 22 mars 2023, puis prorogé en dernier lieu au 14 juin 2023. Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire En premier ressort ___________________________ EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE 1. Le syndicat des fabricants aveyronnais du couteau de [Localité 4] (ci-après SFACL), constitué en 2013, indique avoir pour objectif de protéger le couteau de [Localité 4] fabriqué en nord-Aveyron, de promouvoir et maintenir le savoir-faire des couteliers de cette région et de garantir l'origine géographique des couteaux de [Localité 4]. Il est composé de sept sociétés à responsabilité limitée. 2. La commune de [Localité 4] est située dans le département de l'Aveyron. 3. La société par actions simplifiée (ci-après SAS) Actiforge, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Saint-Étienne, a pour activité l'étude, la réalisation, la commercialisation et la représentation de tous produits à usage domestique et industriel et précise commercialiser, principalement via son site internet, des couteaux de type [Localité 4]. 4. Elle est titulaire : - de la marque semi-figurative française no4013824, déposée le 20 juin 2013 et modifiée le 3 janvier 2014 à l'Institut national de la propriété industrielle (INPI), en classe 8 pour les "outils et instruments à main entraînés manuellement, coutellerie, fourchettes et cuillers, armes blanches, rasoirs tous les produits précités étant d'origine française ou fabriqués en France" : - du modèle communautaire no008197107, déposé le 8 octobre 2020 et publié le 22 octobre 2020. 5. Estimant que la SAS Actiforge communiquait très largement sur internet, par le biais de la vente et de la promotion de ses produits, de nombreuses allégations fausses, approximatives et dénigrantes à l'encontre des couteliers de [Localité 4], de nature à tromper le consommateur et susceptibles de constituer une concurrence déloyale et parasitaire, le SFACL et la commune de [Localité 4] l'ont mise ne demeure de cesser ses agissements par courrier du 17 juin 2020. 6. Par réponse du 3 août 2020, la SAS Actiforge a contesté les allégations de tromperie des consommateurs et a retiré une vidéo de présentation historique de [Localité 4] de son site internet et accepté d'intervenir auprès d'un site marchand tiers pour lui demander de corriger sa présentation de ses produits. 7. Par courrier du 12 octobre 2020, le SFACL et la commune de [Localité 4] ont mis en demeure la SAS Actiforge de renoncer à sa marque semi-figurative française en raison de sa déchéance, ce que cette dernière refusait par réponse du 29 octobre 2020. 8. Par acte d'huissier du 18 février 2021, le SFACL et la commune de [Localité 4] ont fait assigner la SAS Actiforge devant ce tribunal en nullité et déchéance de sa marque semi-figurative française et en paiement de dommages et intérêts. 9. L'instruction a été close par ordonnance du 7 avril 2022 et l'affaire fixée à l'audience du 5 janvier 2023 pour être plaidée. 10. Par conclusions adressées le 13 juillet 2022 au juge de la mise en état, la SAS Actiforge a demandé la révocation de l'ordonnance de clôture en vue de produire la décision du 11 avril 2022 de l'INPI rejetant la demande d'indication géographique protégée formulée par le SFACL. Par conclusions notifiées le 7 septembre 2022, le SFACL et la commune de [Localité 4] se sont opposés à cette demande. Le juge de la mise en état a rejeté la demande par décision du 27 septembre 2022. PRÉTENTIONS DES PARTIES 11. Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 29 mars 2022, le SFACL et la commune de [Localité 4] demandent au tribunal de : - les déclarer recevables et fondés en leurs demandes ; - déclarer la SAS Actiforge irrecevable, à tout le moins mal fondée, en toutes ses demandes, fins et conclusions, et l'en débouter purement et simplement ; - dire et juger que la SAS Actiforge s'est rendue coupable d'actes de tromperie du consommateur ; - dire et juger que la SAS Actiforge s'est rendue coupable d'actes de concurrence déloyale et parasitaire à leur encontre ; - prononcer la nullité de droits de la SAS Actiforge sur l'enregistrement de la marque semi-figurative française no4013824 pour l'ensemble des produits couverts, pour caractère trompeur et atteinte aux droits de ses membres et de la commune de [Localité 4] ; - prononcer la déchéance des droits de la SAS Actiforge sur l'enregistrement de la marque semi-figurative française no4013824 pour l'ensemble des produits couverts, pour caractère trompeur ; - prononcer la déchéance des droits de la SAS Actiforge sur l'enregistrement de la marque française no4013824 pour les produits pour lesquels un usage sérieux ne serait pas démontré, à l'expiration du délai légal de 5 ans à compter de la publication de son enregistrement au BOPI du 3 janvier 2014, soit à compter du 3 janvier 2019 ; - prononcer la nullité du modèle communautaire no008197107 ; - ordonner que la défenderesse justifie, dans le délai d'un mois de la signification du jugement à intervenir, de l'inscription de celui-ci au registre national des marques auprès de l'INPI, et à défaut autoriser le SFACL à faire inscrire ledit jugement ; - interdire à la SAS Actiforge d'exploiter sous quelque forme et quelque support que ce soit (en ce compris sur des vidéos, brochures, catalogues, sites internet, applications mobiles sur tous types de systèmes d'exploitation (Ios, Android etc.), publications Instagram, Facebook ou tout autre réseau social et sur toutes chaînes de télévision) le terme [Localité 4] ou toute déclinaison, sous astreinte de dix mille (10 000) euros par infraction constatée et par jour de retard à compter d'un délai de cinq (5) jours suivant la signification du jugement à intervenir ; - ordonner la publication du dispositif du jugement à intervenir, dans un délai de trois (3) jours à compter de la signification du jugement à intervenir et sous astreinte de dix mille (10 000) euros par jour de retard, sur les pages d'accueil du site internet www.couteau-[Localité 4].com, du compte Facebook https://www.facebook.com/Couteau-[Localité 4]-Actiforge- 408353919244089/ exploités par la SAS Actiforge, pendant le délai de un (1) mois ; - ordonner la publication du dispositif du jugement à intervenir, accompagné d'un message objectif et explicatif, dans cinq (5) journaux ou revues au choix de la SAS Actiforge, en France ou à l'international, aux frais avancés par Actiforge, sans que le coût n'excède la somme de cinq mille (5000) euros hors taxes par insertion ; - condamner la société Actiforge à payer aux demandeurs la somme de 150 000 euros, à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale et de parasitisme, sauf à parfaire ou compléter au vu des éléments dont la production interviendra en cours de procédure ; - se réserver la liquidation des astreintes ordonnées aux termes du jugement à intervenir, - condamner la SAS Actiforge aux entiers dépens d'instance et à payer aux demandeurs 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; - prononcer l'exécution provisoire du jugement à intervenir. 12. Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 28 mars 2022, la SAS Actiforge a conclu à : - débouter le SFACL et la commune de [Localité 4] de l'intégralité de leurs demandes ; - débouter le SFACL et la commune de [Localité 4] de leur demande d'annulation de ses droits sur l'enregistrement de la marque française no4013824 pour caractère trompeur ; - déclarer irrecevable et infondée la demande d'annulation de ses droits sur l'enregistrement de la marque française no4013824 pour atteinte aux droits des membres du SFACL et de la commune de [Localité 4], - débouter le SFACL et la commune de [Localité 4] de leur demande tendant à voir prononcer la déchéance de ses droits sur l'enregistrement de la marque française no4013824 pour caractère trompeur et absence d'usage sérieux, - débouter le SFACL et la commune de [Localité 4] de leur demande de nullité du modèle communautaire no008197107 pour absence de nouveauté et caractère individuel et atteinte au nom [Localité 4] ; - débouter le SFACL et la commune de [Localité 4] de leur demande tendant à lui interdire sous astreinte, d'exploiter sous quelque forme et quelque support que ce soit le terme [Localité 4], - débouter le SFACL et la commune de [Localité 4] de leur demande tendant voir ordonner sous astreinte la publication du dispositif du jugement à intervenir sur son site internet et son compte Facebook ; - débouter le SFACL et la commune de [Localité 4] de leur demande tendant à voir ordonner la publication du jugement à intervenir dans 5 journaux ou revues ; - débouter le SFAC et la commune de [Localité 4] de leurs demandes de dommages et intérêts pour actes de concurrence déloyale et parasitisme ; - condamner le syndicat des fabricants aveyronnais du couteau de [Localité 4] (SFACL) ainsi que la commune de [Localité 4] à lui verser : > 15 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, > 15 000 € à titre de participation sur le fondement de l'article 700 CPC, - les condamner aux entiers dépens dont droit de recouvrement direct au profit de Me Gantelme, avocat, sur son affirmation de droit, conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC. - écarter l'exécution provisoire de droit. MOTIVATION I - Sur la forclusion par tolérance de la marque semi-figurative française no4013824 Moyens des parties 13. La SAS Actiforge soutient que la demande en nullité de sa marque litigieuse, déposée le 20 juin 2013 et constamment exploitée depuis, est prescrite compte tenu de l'absence d'opposition des demandeurs à cette exploitation antérieurement au 18 février 2021. 14. Le SFACL et la commune de [Localité 4] avancent que la défenderesse ne démontre pas qu'ils aient eu connaissance de l'usage de cette marque depuis plus de cinq et l'avoir toléré et que la commune de [Localité 4] est légitime à préserver l'usage de son nom dans la perspective d'un intérêt commun. Réponse du tribunal 15. Aux termes de l'article L.716-2-8 du code de la propriété intellectuelle, "le titulaire d'un droit antérieur qui a toléré pendant une période de cinq années consécutives l'usage d'une marque postérieure enregistrée en connaissance de cet usage n'est plus recevable à demander la nullité de la marque postérieure sur le fondement de l'article L.711-3, pour les produits ou les services pour lesquels l'usage de la marque a été toléré, à moins que l'enregistrement de celle-ci ait été demandé de mauvaise foi". 16. La tolérance de l'usage d'une marque postérieure suppose la connaissance de cet usage par le titulaire d'une marque antérieure (voir en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 28 mars 2006, no05-11.686). 17. L'existence d'une tolérance peut résulter des circonstances qui conduisent à considérer que le titulaire de la marque antérieure ne pouvait pas ignorer l'exploitation de la marque postérieure (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 5 juillet 2016, no14-18.540). 18. Le délai de tolérance s'apprécie au regard du temps écoulé entre la date à laquelle le titulaire de la marque première acquiert la connaissance de l'usage de la marque seconde, et celle de la délivrance par ses soins d'un acte interruptif de prescription (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 31 mai 2005, pourvoi no04-11.496 et 03-20.956). 19. Au cas présent, la SAS Actiforge verse au soutien de sa demande : - une facture de création de son site internet <couteau-[Localité 4].com> du 31 mars 2011 (sa pièce no18) - une facture de montage d'un film intitulé "[Localité 4]" du 30 juillet 2014 (sa pièce no19). 20. Toutefois, il ne ressort d'aucune de ces pièces que la marque semi-figurative française no4013824, que la SAS Actiforge a déposé le 20 juin 2013, figurait sur son site ou dans ce film à compter de cette date ou antérieurement. 21. Dès lors, la date à laquelle la SFACL ou la commune de [Localité 4] a eu connaissance, ou ne pouvait pas ignorer, l'exploitation de cette marque litigieuse n'est pas établie. 22. Ainsi, la SAS Actiforge ne démontre pas que le délai de tolérance de cinq ans de sa marque litigieuse était acquis à la date de l'assignation, le 18 février 2021. 23. Le moyen de la SAS Actiforge tiré de la forclusion par tolérance de la marque semi-figurative française no4013824 sera, en conséquence, rejetée. II - Sur la demande en nullité de la marque semi-figurative française no4013824 II.1 - S'agissant du moyen tiré du caractère descriptif de la marque litigieuse Moyens des parties 24. Le SFACL et la commune de [Localité 4] font valoir que la marque semi-figurative française no4013824 doit être annulée en raison de son caractère descriptif et de sa nature à tromper le public. Ils précisent que l'élément dominant de cette marque est l'élément verbal "[Localité 4]" en attaque dans une police de grande taille, faisant référence à la commune du même nom, célèbre pour ses couteaux, en sorte que cet élément est descriptif des produits désignés ; que l'élément figuratif est un sanglier purement décoratif ou évocateur de la chasse, donc descriptif des produits désignés ; que les éléments verbaux "Actiforge" et "France" sont également descriptifs, le préfixe "acti" évoquant immédiatement le terme "actif", descriptif des produits désignés qui sont des outils à main. Ils ajoutent que le consommateur des produits désignés ne présentant pas une attention spécifique, il sera amené à lier la marque et l'origine géographique des produits qu'elle désigne, laquelle n'est pas appropriable et est totalement descriptive. 25. La SAS Actiforge oppose que sa marque semi-figurative no4013824 est distinctive dans la mesure où elle associe plusieurs éléments verbaux, dont le signe "Actiforge" qui renvoie au secteur de la métallurgie et n'est pas descriptif pour des couteaux, à un élément graphique, un sanglier stylisé qui renvoie au monde de la nature et de la chasse et n'est pas particulièrement évocateur d'un couteau de poche. Réponse du tribunal 26. En application de l'article L.711-2 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction applicable le 20 juin 2013, "le caractère distinctif d'un signe de nature à constituer une marque s'apprécie à l'égard des produits ou services désignés. Sont dépourvus de caractère distinctif : a) Les signes ou dénominations qui, dans le langage courant ou professionnel, sont exclusivement la désignation nécessaire, générique ou usuelle du produit ou du service ; b) Les signes ou dénominations pouvant servir à désigner une caractéristique du produit ou du service, et notamment l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique, l'époque de la production du bien ou de la prestation de service ; c) Les signes constitués exclusivement par la forme imposée par la nature ou la fonction du produit, ou conférant à ce dernier sa valeur substantielle. Le caractère distinctif peut, sauf dans le cas prévu au c, être acquis par l'usage". 27. Le caractère distinctif s'apprécie au jour du dépôt de la demande d'enregistrement auprès de l'INPI (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 1er avril 1997, no95-11.162). 28. L'exigence de distinctivité du signe se justifie par la fonction essentielle de la marque qui est de garantir au consommateur ou à l'utilisateur final l'identité d'origine du produit ou du service qu'elle désigne, en luipermettant de le distinguer sans confusion possible de ceux ayant une autre provenance. La perception du signe comme indicateur d'origine doit être immédiate et certaine. Les critères d'appréciation du caractère distinctif d'une marque, outre les produits ou services visés à son dépôt, sont notamment le territoire qu'elle concerne et la perception qu'en a le public pertinent. 29. Une marque est usuelle lorsque le signe qui la compose constitue, dans le langage courant ou professionnel, la façon de désigner le produit ou le service en cause (en ce sens cour d'appel de Paris, pôle 5 chambre 2, 9 octobre 2009, RG 08/02192). 30. En l'occurrence, il est rappelé que la marque semi-figurative française no4013824 a été enregistrée le 3 janvier 2014 à l'INPI, en classe 8 pour les "outils et instruments à main entraînés manuellement, coutellerie, fourchettes et cuillers, armes blanches, rasoirs tous les produits précités étant d'origine française ou fabriqués en France". 31. Elle est composée de l'élément verbal "[Localité 4]", placé en attaque, en caractères italiques imitant l'écriture manuscrite, dans une taille de caractères plus haute que les deux autres éléments verbaux "Actiforge" et "France", placés en dessous et en retrait à droite, en caractères d'imprimerie classiques, donnant ainsi au premier élément verbal un caractère dominant. Ce premier élément verbal est suivi d'un signe figuratif représentant un sanglier stylisé vu de profil. 32. Or, comme le souligne la SAS Actiforge elle-même, pour le consommateur de couteau de cuisine ou de poche, lequel ne se distingue pas du consommateur moyen normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, le terme "[Localité 4]" désigne un type de couteau. 33. En effet, il ressort des définitions des dictionnaires produites par les parties que le terme "[Localité 4]" est un nom commun, dérivé du nom propre de la commune éponyme, tant pour le Robert qui le définit comme "couteau de poche" (pièce Actiforge no8) que pour le Larousse qui le définit comme "couteau de poche, fabriqué à [Localité 4], à manche légèrement recourbé et à lame allongée" ou pour l'encyclopédie Universalis qui mentionne "canif fabriqué dans la coutellerie de la ville de [Localité 4]" (pièces SFACL et [Localité 4] no33). Si ces pièces des parties sont datées de mai et août 2021, la circonstance que ces trois éditeurs tiennent ce terme pour un nom commun établit que cet usage était déjà courant dans la langue française depuis plusieurs années. 34. Il ressort, également : - d'un sondage du 4 mai 2010 réalisé par la société TNS-Sofres que pour 92% de la population française le nom de "[Localité 4]" évoque un couteau (pièce SFACL et [Localité 4] no27) - de la décision du 29 juin 2011 de la division d'annulation de l'Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (devenu l'Office de l'Union européenne pour la propriété intellectuelle) que "le caractère générique du terme "[Localité 4]" pour désigner un certain type de couteau ne fait pas de doute" (pièce SFACL et [Localité 4] no26) - des propres conclusions du SFACL et de la commune de [Localité 4] que le mot ou le nom de [Localité 4] évoque spontanément un couteau pour 92% des français en 2010 (leurs conclusions page 19). 35. L'élément verbal dominant "[Localité 4]" de la marque semi-figurative française no4013824 est, pour toutes ces raisons, descriptif pour les produits qu'elle désigne. 36. Il en va, toutefois, différemment de l'élément figuratif du sanglier stylisé qui, s'il renvoie au monde de la nature et de la chasse et, dès lors, désigne indirectement les instruments couramment utilisés lors de la chasse ou pour des activités dans la nature, dont le couteau de poche, n'est, de ce fait, qu'évocateur des produits désignés par la marque litigieuse, ce que les multiples représentation de sangliers sur des lames ou manches de couteau de poche produits par les demandeurs ne font que confirmer (leur pièce no22). 37. Il en va de même de l'élément verbal "Actiforge", syntagme formé par les mots "active" et "forge", lesquels renvoient au mode de production des ustensiles commercialisés par la défenderesse. Toutefois, d'une part, cette référence ne désigne qu'indirectement les produits visés par la marque, d'autre part, l'inversion de l'adjectif et du nom par rapport à l'orthodoxie grammaticale du français et l'abréviation de l'adjectif "active" en "acti" pour désigner la forge, confèrent à cet élément verbal un caractère évocateur. 38. À l'inverse, l'élément verbal "France" renvoie à la nationalité de la société défenderesse ; il est, de ce fait, purement descriptif. 39. Il résulte de l'ensemble que la combinaison de ces éléments, par la présence de deux éléments verbaux évocateurs, mais non purement descriptifs, et de leur agencement, permet de distinguer la marque litigieuse de celle de tiers et, donc, de remplir la fonction essentielle de la marque. 40. Le moyen tiré du caractère descriptif de la marque semi-figurative française no4013824, pour désigner en classe 8 les "outils et instruments à main entraînés manuellement, coutellerie, fourchettes et cuillers, armes blanches, rasoirs tous les produits précités étant d'origine française ou fabriqués en France" sera, en conséquence, rejeté. II.2 - S'agissant du caractère trompeur de la marque litigieuse Moyens des parties 41. Le SFACL et la commune de [Localité 4] soutiennent que la marque semi-figurative française no4013824 doit être, également, annulée en raison de son caractère trompeur, compte tenu que le consommateur moyen sera amené à faire un lien entre la marque et l'origine géographique des produits qu'elle désigne, alors qu'aucun des produits commercialisés sous cette marque par la défenderesse ne provient de la commune de [Localité 4] et qu'elle ne démontre pas que les couteaux qu'elle vend soient essentiellement fabriqués à [Localité 8]. 42. La SAS Actiforge réfute tout caractère trompeur de sa marque litigieuse, le terme "[Localité 4]" désignant un type de couteau et non une origine géographique, ce que plusieurs définitions de dictionnaires confirment, de même que le sondage que les demandeurs versent aux débats, les consommateurs associant spontanément le nom de [Localité 4] à un couteau ou des ustensiles de cuisine, non à une commune française. Elle considère le SFACL comme de mauvaise foi, l'essentiel de la production de couteaux laguioles étant produits dans le bassin de [Localité 8] et son président étant gérant d'une société basée à [Localité 8] qui commercialise des laguioles, dont le site internet mentionne qu'ils sont fabriqués à [Localité 8], tandis que les demandeurs affirment dans leurs écritures qu'ils seraient fabriqués à [Localité 4]. Elle revendique que le couteau [Localité 4] est historiquement fabriqué majoritairement dans le bassin thiernois, ce que l'enquête publique initiée sur la demande d'indication géographique du SFACL excluant cette zone géographique confirme, elle-même adhérant à l'association Couteau [Localité 4] Aubrac Auvergne qui a déposé une demande d'indication géographique concurrente incluant cette zone. Réponse du tribunal 43. En application de l'article L.711-3 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction applicable le 20 juin 2013, "ne peut être adopté comme marque ou élément de marque un signe : (...) c) De nature à tromper le public, notamment sur la nature, la qualité ou la provenance géographique du produit ou du service". 44. Ces dispositions du code de la propriété intellectuelle s'analysent à la lumière des dispositions de la directive 89/104 interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne selon laquelle, le caractère trompeur d'une marque suppose que la marque créé un risque de confusion dans l'esprit du consommateur moyen et d'établir l'existence d'une tromperie effective ou d'un risque suffisamment grave de tromperie du consommateur (en sens CJCE, 30 mars 2006, C-259/04, Elizabeth Emanuel, § 46 et 47). 45. L'existence d'une tromperie effective ou d'un risque suffisamment grave de tromperie ne peut s'apprécier qu'au regard des habitudes des consommateurs dans le domaine considéré (voir en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 18 septembre 2019, no17-27.974). 46. En l'espèce, les pièces produites par le SFACL et la commune de [Localité 4] n'établissent pas que l'élément dominant "[Localité 4]" renvoie à une notion d'origine géographique pour le consommateur d'ustensiles de cuisine ou de couteau de poche qui ne se distingue pas du consommateur moyen normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. 47. En effet, la commune de [Localité 4] n'est spontanément connue que de 7% des français en 2018 selon un sondage produit par le SFACL et la commune de [Localité 4] (leur pièce no27). 48. Par ailleurs, la ville de [Localité 8] est également renommée pour sa production de couteaux laguioles depuis plus d'un siècle, ce qui ressort de deux articles du Figaro et des Echos ou du site Wikipédia produits par la défenderesse (ses pièces no9, 10 et 11) et de la synthèse de l'enquête publique publiée par l'INPI sur la demande d'indication géographique déposée par le SFACL (sa pièce no25 page 4). Cette renommée de la ville de [Localité 8] pour la production de couteau [Localité 4] fonde, d'ailleurs, une demande concurrente d'indication géographique protégée déposée par l'association Couteau [Localité 4] Aubrac Auvergne dont la défenderesse est membre (sa pièce no32). La SAS Actiforge établit même que l'une des entreprises fabriquant ses couteaux laguioles à [Localité 8] est dirigée par le président du SFACL (ses pièces no12 et 13). 49. De plus, ainsi qu'il a été précédemment établi, le terme "[Localité 4]" est un couteau de poche dans la langue française, en sorte que l'usage de ce terme à titre d'élément verbal dans la marque litigieuse n'est pas susceptible de provoquer une tromperie effective ou d'un risque suffisamment grave de tromperie du consommateur. 50. Le moyen tiré du caractère trompeur de la marque semi-figurative française no4013824 sera, en conséquence, rejeté. II.3 - S'agissant du moyen tiré de l'atteinte aux droits des membres du SFACL et de la commune de [Localité 4] Moyens des parties 51. Le SFACL et la commune de [Localité 4] invoquent que la marque litigieuse porte atteinte aux dénominations sociales des membres du SFACL et au nom de la collectivité locale de [Localité 4] dont ils revendiquent l'antériorité, en ce que cette marque reprend indûment la dénomination [Localité 4] et, dès lors que la défenderesse ne fabrique pas ses couteaux à [Localité 4], provoque un risque de confusion chez le consommateur moyen. 52. La SAS Actiforge répond que la commune ne rapporte pas la preuve d'une atteinte à son nom, à son image ou à sa renommée par le dépôt de cette marque isolée et désignant la seule classe 8, non plus que les membres du SFACL qui, n'étant pas partie à l'instance, ne justifient ni d'un droit antérieur, ni d'un quelconque risque de confusion. Réponse du tribunal 53. Selon l'article L.711-4 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction applicable le 20 juin 2013, "ne peut être adopté comme marque un signe portant atteinte à des droits antérieurs, et notamment : (...) b) A une dénomination ou raison sociale, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public ; (...) h) Au nom, à l'image ou à la renommée d'une collectivité territoriale". 54. Par application de l'article L.714-3 du même code, "est déclaré nul par décision de justice l'enregistrement d'une marque qui n'est pas conforme aux dispositions des articles L.711-1 à L.711-4". 55. L'article L.711-4 h) du code de la propriété intellectuelle n'ayant pas pour objet d'interdire aux tiers, de manière générale, de déposer en tant que marque un signe identifiant une collectivité territoriale, mais seulement de réserver cette interdiction au cas où résulte de ce dépôt une atteinte aux intérêts publics (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 23 juin 2009, no07-19.542). 56. En premier lieu, la seule pièce produite par le SFACL au titre de l'antériorité de ses droits sur la dénomination "[Localité 4]" est la fiche d'enregistrement de ce syndicat au répertoire Sirène qui mentionne son inscription en juin 2013 (pièce SFACL et [Localité 4] no1). 57. La marque semi-figurative française no4013824 ayant été déposée le 20 juin 2013, cette pièce est insuffisante à démontrer l'antériorité invoquée et, par conséquent, l'atteinte alléguée. 58. En second lieu, la seule circonstance que la marque litigieuse de la SAS Actiforge comporte l'élément verbal "[Localité 4]", pour désigner des "outils et instruments à main entraînés manuellement, coutellerie, fourchettes et cuillers, armes blanches, rasoirs tous les produits précités étant d'origine française ou fabriqués en France", ne constitue pas une atteinte au nom, à l'image ou à la renommée de la commune de [Localité 4]. 59. En effet, ainsi qu'il a été précédemment établi, la ville de [Localité 8] est également renommée pour sa production de couteaux [Localité 4] depuis plus d'un siècle et la commune de [Localité 4] n'est spontanément connue que de 7% des français (pièces Actiforge no9 à 11 et pièces SFACL et [Localité 4] no27). 60. De plus, l'élément verbal "[Localité 4]" de la marque litigieuse ne fait pas tant référence à la commune demanderesse qu'au couteau de poche éponyme, issu du langage courant. 61. Le moyen tiré de l'atteinte aux droits des membres du SFACL et de la commune de [Localité 4] sera, en conséquence, écarté. 62. Les moyens d'annulation soulevés par le SFACL et la commune de [Localité 4] au soutien de l'annulation de la marque semi-figurative française no4013824 de la SAS Actiforge étant écartés, sa demande à cette fin sera, en conséquence, rejetée. III - Sur la déchéance de la SAS Actiforge sur la marque litigieuse III.1 - S'agissant de la déchéance de la marque litigieuse pour caractère trompeur Moyens des parties 63. Le SFACL et la commune de [Localité 4] avancent que l'usage que la défenderesse fait de sa marque litigieuse est trompeur dans la mesure où elle use du signe évoquant le couteau de [Localité 4] sur son site internet, mais ne l'accompagne d'aucune mention claire relative au lieu de fabrication de ses produits et combine ce signe avec le dessin de l'abeille, autre élément marquant et iconique des couteaux de [Localité 4]. Les caractéristiques de cette marque font, selon eux, faussement référence à la commune de [Localité 4], déterminant ainsi le choix de la clientèle, alors que ses produits sont fabriqués à plus de deux cents kilomètres, induisant ainsi en erreur le consommateur sur l'origine géographique des produits commercialisés sous cette marque. 64. La SAS Actiforge objecte que le terme "[Localité 4]" qu'elle utilise dans ses communications commerciales désigne le couteau du même nom, non sa provenance géographique, qu'elle ne prétend à aucun moment que ses couteaux sont fabriqués à [Localité 4], mais précise qu'ils le sont à [Localité 8] ou dans les environs. Réponse du tribunal 65. L'article L.714-6 du code de la propriété intellectuelle, dans sa version antérieure à l'ordonnance no2019-1169 du 13 novembre 2019 applicable aux faits de l'espèce, prévoit qu'encourt "la déchéance de ses droits le propriétaire d'une marque devenue de son fait (...) b) Propre à induire en erreur, notamment sur la nature, la qualité ou la provenance géographique du produit ou du service". 66. La charge de la preuve de l'utilisation trompeuse de la marque après son enregistrement incombe au requérant (en ce sens TPICE, 14 mai 2009, aff. T-165/06, Elio Fiorucci c/ OHMI, Elio Fiorucci, § 36, interprétant les dispositions similaires du règlement CE no40/94 du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire). 67. Le SFACL et la commune de [Localité 4] admettent dans leurs conclusions (page 41) que la SAS Actiforge n'affirme à aucun moment que ses couteaux non plus que ses autres produits sont fabriqués à [Localité 4]. 68. Ainsi qu'il a été précédemment établi, le terme "[Localité 4]" est un couteau de poche dans la langue française, en sorte que l'usage de la marque litigieuse contenant cet élément verbal dans le site internet de la défenderesse pour promouvoir la vente de ses produits n'est pas plus susceptible d'induire le consommateur en erreur sur la provenance géographique des produits commercialisés. 69. L'usage du signe d'une abeille stylisée est également lié au couteau [Localité 4] sur lequel il est couramment apposé sur la tête du ressort depuis le début du 20ème siècle (pièces SFACL et [Localité 4] no7 et no24). 70. Par ailleurs, la SAS Actiforge établit qu'elle met en avant sur son site internet que les couteaux qu'elle vend sont fabriqués à [Localité 8] ou dans les communes environnantes (ses pièces no1 et 1bis). 71. Or, il a été précédemment établi que la ville de [Localité 8] est également renommée pour sa production de couteaux [Localité 4] depuis plus d'un siècle et que la commune de [Localité 4] n'est spontanément connue que de 7% des français (pièces Actiforge no9 à 11 et pièces SFACL et [Localité 4] no27). 72. Enfin, la circonstance que les autres produits vendus par la SAS Actiforge ne seraient pas produits en France ne résulte d'aucune des pièces produites par le SFACL et la commune de [Localité 4] sur lesquels pèse la charge de cette preuve. 73. Le moyen tiré du caractère trompeur de l'usage de la marque semi-figurative française no4013824 de la SAS Actiforge sera, en conséquence, écarté. III.2 - S'agissant de la déchéance de la marque litigieuse pour absence d'usage Moyens des parties 74. Le SFACL et la commune de [Localité 4] argue que la défenderesse ne justifie pas de l'usage de sa marque litigieuse pour les fourchettes et cuillers d'origine française ou fabriqués en France, pour les outils et instruments à main entraînés manuellement, armes blanches et rasoirs, faute de preuve en ce sens et dans la mesure où le signe utilisé par la défenderesse diffère de la marque litigieuse, par l'ajout d'une abeille stylisée et du terme "Fabrication française". 75. La SAS Actiforge estime justifier depuis 2013 d'une commercialisation continue de couteaux fabriqués en France sous sa marque litigieuse, de même que pour les fourchettes et cuillères, outre que sa marque litigieuse figure sur ses supports commerciaux tels que plaquettes publicitaires, boitiers ou plumiers, et certificats de garantie. Réponse du tribunal 76. Aux termes de l'article L.714-5 du code de la propriété intellectuelle, dans sa version antérieure à l'ordonnance no2019-1169 du 13 novembre 2019 applicable aux faits de l'espèce, "encourt la déchéance de ses droits le propriétaire de la marque qui, sans justes motifs, n'en a pas fait un usage sérieux, pour les produits et services visés dans l'enregistrement, pendant une période ininterrompue de cinq ans. Est assimilé à un tel usage : a) L'usage fait avec le consentement du propriétaire de la marque ou, pour les marques collectives, dans les conditions du règlement ; b) L'usage de la marque sous une forme modifiée n'en altérant pas le caractère distinctif ; c) L'apposition de la marque sur des produits ou leur conditionnement exclusivement en vue de l'exportation. La déchéance peut être demandée en justice par toute personne intéressée. Si la demande ne porte que sur une partie des produits ou des services visés dans l'enregistrement, la déchéance ne s'étend qu'aux produits ou aux services concernés. L'usage sérieux de la marque commencé ou repris postérieurement à la période de cinq ans visée au premier alinéa du présent article n'y fait pas obstacle s'il a été entrepris dans les trois mois précédant la demande de déchéance et après que le propriétaire a eu connaissance de l'éventualité de cette demande. La preuve de l'exploitation incombe au propriétaire de la marque dont la déchéance est demandée. Elle peut être apportée par tous moyens. La déchéance prend effet à la date d'expiration du délai de cinq ans prévu au premier alinéa du présent article. Elle a un effet absolu". 77. Les textes susvisés exigent seulement que la marque exploitée ne diffère des marques enregistrées que par des éléments n'en altérant pas le caractère distinctif (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 3 juin 2014, no13-17.769). 78. La SAS Actiforge verse aux débats à titre de preuve d'usage : - une facture du 10 juillet 2017 d'édition de 5000 plaquettes publicitaires comprenant la marque semi-figurative française no4013824 (sa pièce no17A) - plusieurs bons de commande et factures, datées du 22 décembre 2016 au 1er juillet 2019 de divers produits, dont des cuillères de divers types (à café, à soupe), un service à fromage, un service à salade, des fourchettes (ses pièces no17B, 17C, 17E, 17F) supportant le signe suivant : - un bon de commande du 10 novembre 2017 pour l'apposition de la marque semi-figurative française no4013824 sur 220 plumiers (sa pièce no17H). 79. Elle verse, par ailleurs, des preuves tendant à établir que les produits qu'elle vend sont fabriqués à [Localité 8] ou dans les communes avoisinantes : - deux factures de poinçonnage "[Localité 4] Actiforge" des 3 mai 2016 et 30 juin 2017 par une entreprise domiciliée à [Localité 8] (ses pièces 21A et 21C) - trois factures des 1er mars 2018, 30 octobre 2020 et 30 novembre 2020, de "lames [Localité 4]", ressorts forgés, de poinçons, d'une entreprise domiciliée à [Localité 7] (ses pièces 22A à 22C) - une attestation du 9 novembre 2021 d'expert-comptable rapportant que 100% des lames de couteaux sont fournies, en 2019, 2020 et 2021, par deux entreprises situées dans le Puy-de-Dome et que ses fournisseurs pour les autres produits sont situés dans le Puy-de-Dome en 2019 à 85,59%, en 2020 à 85,56% et en 2021 à 84,28% (sa pièce no28) - plusieurs factures de la société H. Beligné & Fils de 2021 établissant qu'elle se fournit pour les modèles [Localité 4] Gilles et [Localité 4] Gentleman auprès de l'entreprise Fontenille-Pataud située à [Localité 8] (ses pièces no35 et 36) - neuf factures de 2021 et 2022 de la société Pereira Antonio située à [Localité 3] pour le polissage de couteaux (ses pièces 41). 80. Il ressort, également, du constat d'huissier des 15 et 16 avril 2020 produit par les demandeurs que la SAS Actiforge fait usage de sa marque : pour des couteaux à pain (pièce SFACL et [Localité 4] no7 page 323), des rasoirs à main (même pièce page 321) et des ménagères comportant couteaux, fourchettes et cuillères assorties (même pièce page 242). 81. Il résulte de l'ensemble, d'abord, que l'usage du signe incluant une abeille stylisée et les termes "Fabrication française" à la marque semi-figurative française no4013824 n'en altèrent pas le caractère distinctif, compte tenu que le premier élément figuratif est évocateur du couteau [Localité 4] et le second élément verbal se substituant à "France" est purement descriptif. 82. Ensuite, les pièces produites par la SAS Actiforge démontrent l'usage continu de la marque litigieuse, à tout le moins entre le 3 mai 2016 et le 4 mars 2022, pour des outils et instruments à main entraînés manuellement, coutellerie, fourchettes et cuillers, rasoirs et armes blanches, les couteaux de tous types étant assimilés à ces dernières, ainsi que, au moins pour partie, leur origine française ou fabriqués en France. 83. En conséquence, la demande du SFACL et de la commune de [Localité 4] de déchéance de la SAS Actiforge de sa marque semi-figurative française no4013824 pour défaut d'usage sérieux sera rejetée. IV - Sur la validité du modèle communautaire no008197107 IV.1 - S'agissant de la validité au regard de la nouveauté et du caractère propre du modèle litigieux Moyens des parties 84. Le SFACL et la commune de [Localité 4] concluent à l'annulation du modèle comunautaire no008197107 de la défenderesse pour défaut de nouveauté et de caractère individuel, ne se distinguant des modèles divulgués antérieurement que par des détails insignifiants, dans la mesure où ce modèle reprend le profil traditionnel des couteaux de [Localité 4], la lame pointue caractéristique et une mouche pour seul ornement, outre que le système d'ouverture à pompe n'est en rien nouveau. 85. La SAS Actiforge assure que ce modèle litigieux est nouveau, car il est doté d'un système d'ouverture à pompe fait en corde de piano nécessitant d'utiliser les deux mains pour l'ouvrir. Réponse du tribunal 86. Un dessin ou modèle communautaire soumis au droit de l'Union européenne consiste en "l'apparence d'un produit ou d'une partie de produit que lui confèrent, en particulier, les caractéristiques des lignes, des contours, des couleurs, de la forme, de la texture et/ou des matériaux du produit lui-même et/ou de son ornementation" aux termes de l'article 3 du Règlement (CE) 6/2002 du 12 décembre 2001 sur les dessins et modèles communautaires. 87. Aux termes de l'article 4 § 1 du même règlement, "la protection d'un dessin ou modèle par un dessin ou modèle communautaire n'est assurée que dans la mesure où il est nouveau et présente un caractère individuel". 88. L'article 5 dudit règlement précise que : "1. Un dessin ou modèle est considéré comme nouveau si aucun dessin ou modèle identique n'a été divulgué au public: a) dans le cas d'un dessin ou modèle communautaire non enregistré, avant la date à laquelle le dessin ou modèle pour lequel la protection est revendiquée a été divulgué au public pour la première fois; b) dans le cas d'un dessin ou modèle communautaire enregistré, avant la date de dépôt de la demande d'enregistrement du dessin ou modèle pour lequel la protection est demandée ou, si une priorité est revendiquée, la date de priorité. 2. Des dessins ou modèles sont considérés comme identiques lorsque leurs caractéristiques ne diffèrent que par des détails insignifiants". 89. L'article 6 du même règlement énonce que : "1. Un dessin ou modèle est considéré comme présentant un caractère individuel si l'impression globale qu'il produit sur l'utilisateur averti diffère de celle que produit sur un tel utilisateur tout dessin ou modèle qui a été divulgué au public: a) dans le cas d'un dessin ou modèle communautaire non enregistré, avant la date à laquelle le dessin ou modèle pour lequel la protection est revendiquée a été divulgué au public pour la première fois; b) dans le cas d'un dessin ou modèle communautaire enregistré, avant la date de dépôt de la demande d'enregistrement ou, si une priorité est revendiquée, avant la date de priorité. 2. Pour apprécier le caractère individuel, il est tenu compte du degré de liberté du créateur dans l'élaboration du dessin ou modèle". 90. L'article 8 de ce règlement prévoit dans son paragraphe 1 que : "un dessin ou modèle communautaire ne confère pas de droits sur les caractéristiques de l'apparence d'un produit qui sont exclusivement imposées par sa fonction technique". 91. L'article 10 de ce même règlement dispose que : "1. La protection conférée par le dessin ou modèle communautaire s'étend à tout dessin ou modèle qui ne produit pas sur l'utilisateur averti une impression visuelle globale différente. 2. Pour apprécier l'étendue de la protection, il est tenu compte du degré de liberté du créateur dans l'élaboration du dessin ou modèle". 92. Le modèle est nouveau lorsqu'il ne peut lui être opposé d'antériorité de toutes pièces, c'est-à-dire présentant toutes les caractéristiques du modèle en cause. 93. Un modèle présente un caractère propre dès lors que s'en dégage une impression visuelle d'ensemble qui lui permet de se démarquer des antériorités opposées, chacune individuellement en tous ses éléments pris dans leur combinaison (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 20 septembre 2016, no15-10.939). 94. L'appréciation de l'impression visuelle d'ensemble est opérée par référence à un observateur averti défini comme un observateur doté d'une vigilance particulière, que ce soit en raison de son expérience personnelle ou de sa connaissance étendue du secteur considéré (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 3 avril 2013, no12-13.356). 95. Enfin, l'antériorité opposée doit avoir date certaine (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 26 octobre 2010, no09-67.107). 96. Le SFACL et la commune de [Localité 4] opposent neuf antériorités ayant dates certaines antérieures au modèle litigieux déposé le 8 octobre 2020. 97. Ils invoquent, également, un modèle "[Localité 4] Le Légende" comportant une encoche située au milieu ou au tiers supérieur du manche similaire à celle du modèle litigieux. Toutefois, ce modèle, présenté en différentes versions issues d'extraits de sites internets datées des 7 et 8 décembre 2021, non du 27 septembre 2020, ne peut donc être valablement opposé à ce titre. 98. Or, le modèle communautaire no008197107 présente une impression d'ensemble lui permettant de se démarquer des antériorités opposées en raison de l'encoche formant un creux située au tiers inférieur de son manche, peu important à cet égard que le système d'ouverture à pompe ne soit pas, en lui-même, nouveau, outre que le positionnement de cette encoche n'est pas exclusivement imposé par la fonction technique du produit. 99. Cette encoche située au tiers inférieur du manche confère au modèle litigieux un caractère propre pour l'observateur averti, défini comme l'amateur de couteaux de poche. 100. Dès lors, les antériorités opposées par le SFACL et la commune de [Localité 4] ayant date certaine ne sont destructrices ni de nouveauté ni de caractère propre ou individuel du modèle communautaire no008197107 et leur moyen en ce sens sera, en conséquence, rejeté. IV.2 - S'agissant de l'atteinte au nom [Localité 4] du modèle litigieux Moyens des parties 101. Le SFACL et la commune de [Localité 4] considèrent que le modèle litigieux revendique l'élément verbal "[Localité 4]" et, de ce fait, porte atteinte au nom de la commune de [Localité 4], lequel constitue un signe distinctif susceptible d'être opposé au modèle litigieux. 102. La SAS Actiforge réplique que la commune de [Localité 4] ne dispose pas d'un droit absolu sur son nom et que la gravure du terme "[Localité 4]" sur la lame de son modèle n'est pas constitutive d'une atteinte à son nom. Réponse du tribunal 103. L'article 25 du Règlement (CE) no6/2002 du Conseil du 12 décembre 2001 sur les dessins et modèles communautaires prévoit que "1. Un dessin ou modèle ne peut être déclaré nul que : (...) e) s'il est fait usage d'un signe distinctif dans un dessin ou modèle ultérieur et que le droit communautaire ou la législation de l'État membre concerné régissant ce signe confère au titulaire du signe le droit d'interdire cette utilisation (...)". 104. Au cas présent, la SAS Actiforge ne consteste pas que son modèle communautaire no008197107 revendique, dans sa fiche d'enregistrement, l'élément verbal "[Localité 4] Actiforge", ce qui résulte également de l'impression intégrale de cette fiche produite par les demandeurs (leur pièce no48). 105. Pour autant, il a été précédemment établi que cet élément verbal ne constitue pas un signe distinctif pour désigner en classe 8 pour les "outils et instruments à main entraînés manuellement, coutellerie, fourchettes et cuillers, armes blanches, rasoirs tous les produits précités étant d'origine française ou fabriqués en France". 106. Or, le modèle litigieux représente un type de couteau de poche de type "[Localité 4]", en sorte que l'usage de ce signe sur la lame représentée dans ce modèle ne constitue pas l'usage d'un signe distinctif, dès lors que cet élément verbal est dépourvu de distinctivité pour ce type de produits. 107. Aucun autre usage de signe distinctif n'étant critiqué par les demandeurs, le moyen tiré de l'atteinte au nom de [Localité 4] sera écarté. 108. En conséquence, la demande d'annulation du modèle communautaire no008197107 sera rejetée. V - Sur la concurrence déloyale et le parasitisme Moyens des parties 109. Le SFACL et la commune de [Localité 4] reprochent à la défenderesse de se placer dans le sillage des couteaux de [Localité 4] originaux, sans nécessité ni justification, dans le but de tromper le consommateur. Ils ajoutent qu'elle utilise une marque déceptive créant un risque de confusion avec leur nom ou leur dénomination sociale, cherche à profiter de manière illégitime de la réputation des couteliers de [Localité 4] dans sa communication et tente de se développer dans leur sillage en profitant de l'image de marque du couteau de [Localité 4] obtenue grâce aux investissements des couteliers du bassin de [Localité 4]. 110. La SAS Actiforge objecte qu'au contraire de ce que prétendent les demanderesses, elle participe elle-même au développement de la notoriété des couteaux [Localité 4] par la promotion qu'elle assure des artisans thiernois, lesquels en ont conservé le savoir-faire quand les aveyronnais en avaient cessé la fabrication. Réponse du tribunal 111. Aux termes de l'article 1240 du code civil, "tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer". 112. Conformément à l'article 9 du code de procédure civile, "il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention". 113. La concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce, ce qui implique qu'un signe ou un produit qui ne fait pas l'objet de droits de propriété intellectuelle puisse être librement reproduit sous certaines conditions tenant à l'absence de faute, laquelle peut être constituée par la création d'un risque de confusion sur l'origine du produit dans l'esprit de la clientèle, circonstance attentatoire à l'exercice paisible et loyal du commerce. 114. L'appréciation de cette faute au regard du risque de confusion doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l'imitation, l'ancienneté de l'usage, l'originalité et la notoriété de la prestation copiée. 115. Le parasitisme, qui n'exige pas de risque de confusion, consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d'un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire, de la notoriété acquise ou des investissements consentis (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale économique et financière, 10 juillet 2018, pourvoi no16-23.694). 116. En premier lieu, s'agissant du grief de concurrence déloyale, la circonstance que la SAS Actiforge fasse usage du signe "[Localité 4]" pour promouvoir ses produits, notamment les couteaux de poche qu'elle offre à la vente, relève de la liberté du commerce et ne porte atteinte à aucun droit du SFACL ou de la commune de [Localité 4] compte tenu du caractère générique de ce signe pour désigner ces produits. 117. En second lieu, s'agissant du grief de parasitisme, le SFACL et la commune de [Localité 4], qui invoquent l'atteinte aux investissements consentis pour promouvoir le nom de "[Localité 4]", ne produisent aucune pièce permettant de caractériser ces investissements. 118. Le SFACL et la commune de [Localité 4] seront, en conséquence, déboutés de leur demande à ce titre. VI - Sur le dénigrement Moyens des parties 119. Le SFACL et la commune de [Localité 4] font valoir être la cible du dénigrement de la défenderesse dans sa communication, notamment une vidéo publiée sur son site internet et sur sa page Facebook dans laquelle elle affirme que le couteau de [Localité 4] ou le nom de [Localité 4] ne seraient pas protégeables, elle dénigre les couteliers et le village de [Localité 4], les présentant de façon ironique et peu flatteuse, elle se présente comme un des rares couteliers français fabricants de vrais couteaux, laissant entendre que ce ne serait pas le cas des autres couteliers, et elle qualifie la commune de [Localité 4] de "bonne petite ville d'Auvergne", alors qu'elle est dans l'Aveyron. 120. La SAS Actiforge conteste tout dénigrement contenu dans cette vidéo litigieuse et précise qu'afin de ne pas entrer en conflit avec les demandeurs, elle l'a supprimée de son site internet et de sa page Facebook. Réponse du tribunal 121. Aux termes de l'article 1240 du code civil, "tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer". 122. Conformément à l'article 9 du code de procédure civile, "il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention". 123. Même en l'absence d'une situation de concurrence directe et effective entre les personnes concernées, la divulgation, par l'une, d'une information de nature à jeter le discrédit sur un produit commercialisé par l'autre constitue un acte de dénigrement, à moins que l'information en cause ne se rapporte à un sujet d'intérêt général et repose sur une base factuelle suffisante, et sous réserve qu'elle soit exprimée avec une certaine mesure (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 4 mars 2020, no18-15.651). 124. Au soutien de sa demande à ce titre, le SFACL et la commune de [Localité 4] versent aux débats cinq captures d'écran (leur pièce no19) dont il n'est pas contestée par la SAS Actiforge qu'elles sont extraites de sa page Facebook, <couteau-[Localité 4]-Actiforge>, et d'une vidéo qu'elle a postée sur le site internet <youtube.com> intitulée "l'histoire du couteau [Localité 4] ?". 125. La première capture d'écran comporte une partie gauche mentionnant des textes illisibles et une partie droite mentionnant : "d'où vient le fameux couteau [Localité 4] ?". La deuxième comporte une image composée d'un marteau et support en bois faisant référence à la justice américaine, d'une étiquette de produit marquée du terme "Label" barrée d'une croix rouge et du panneau routier d'entrée de ville de la commune de [Localité 4]. La troisième comporte un coffre-fort ouvert avec deux sacs pleins et un troisième duquel émergent des pièces d'or, celles-ci également répandues au pied du coffre-fort, un forgeron au centre et une enclume à droite. La quatrième est composée de deux bras aux biceps saillants, avants-bras relevés et poings serrés évoquant la force encadrant le panneau routier d'entrée de ville de [Localité 8] et les termes "200 ans" placés l'un au dessus, l'autre au-dessous de la composition précédente. La cinquième reprend sur fond bleu foncé le panneau routier d'entrée de ville de [Localité 4], un bâtiment stylisé à cheminée fumante mentionnant "[Localité 4]" au fronton, vers lequel convergent trois flèches d'un bleu moins foncé, l'ensemble couvert de quatre cercles rouges disposés en estampille, le terme "original" étant inscrit au-dessus et en-dessous d'un cartouche rouge barrant les cercles et mentionnant en capitales bleues sur fond rouge "Aveyron". 126. Ainsi, aucune de ces captures d'écran ne caractérise par elle-même ou dans leur combinaison les dénigrements allégués. En effet, le SFACL et la commune de [Localité 4] affirment sans le démontrer que la troisième capture d'écran vise les couteliers de [Localité 4], ce que rien ne corrobore. 127. De plus, le mention sur le site internet de la SAS Actiforge de la mention "l'équipe d'Actiforge vous propose mieux qu'un couteau [Localité 4]. Nous vous proposons Votre [Localité 4] Unique. Parce que vous êtes singulier, nous vous permettons d'avoir votre couteau personnalisé (...)" (pièce SFACL et [Localité 4] no5) ne contient aucun dénigrement des couteliers de [Localité 4], mais un argumentaire publicitaire en faveur d'une personnalisation payante. 128. Enfin, si le SFACL et la commune de [Localité 4] affirment que la communication de la SAS Actiforge a contenu ou contient des propos dénigrants des couteliers de [Localité 4] en dehors de cette vidéo litigieuse, dont le contenu n'a pas été versé aux débats, ils ne versent aucune pièce le démontrant. 129. Leur demande à ce titre sera, en conséquence, rejetée. VII - Sur les pratiques commerciales trompeuses Moyens des parties 130. Le SFACL et la commune de [Localité 4] font état de pratiques commerciales de la défenderesse trompeuses des consommateurs consistant à utiliser massivement le nom de [Localité 4] dans l'ensemble de sa communication pour faire croire qu'il s'agit de couteaux en provenant alors qu'elle est située à plus de 200 kilomètres, à laisser entendre qu'elle fabrique elle-même les couteaux qu'elle vend alors qu'elle ne possède aucun atelier de fabrication, à commercialiser divers couteaux régionaux dont on ne sait pas où ils sont fabriqués, à opérer des comparaisons trompeuses entre les indications géographiques protégées et son adhésion au système privé "Origine France Garantie", à entretenir la confusion entre le village de [Localité 4] et la ville de [Localité 8], à utiliser sa marque semi-figurative française no4013824 au caractère trompeur, de même que la mention "[Localité 4]" sur ces couteaux, à indiquer sur le site <soutenonsnosentreprises.fr> qu'elle est située à [Localité 4] dans la [Localité 5] et à mentionner qu'elle signe ses couteaux en frappant les lames à sa marque alors qu'elles sont marquées au laser. 131. La SAS Actiforge oppose que parmi les couteaux qu'elle commercialise, le [Localité 4] est son produit phare, raison pour laquelle il est mis à l'honneur dans sa communication. Elle ajoute qu'elle garantit une provenance française de ses produits, les laguioles qu'elle vend étant fabriqués de manière artisanale à [Localité 8] ou dans le bassin thiernois, seule la gravure personnalisée à la demande étant réalisée au laser, tandis qu'elle n'a, à aucun moment, indiqué que ses couteaux seraient fabriqués à [Localité 4], qu'elle ne saurait être tenue pour responsable des propos erronés figurant sur des sites tiers et qu'elle dispose d'un atelier de fabrication adapté à son activité. Réponse du tribunal 132. L'article L.121-1 du code de la consommation dispose que "les pratiques commerciales déloyales sont interdites. Une pratique commerciale est déloyale lorsqu'elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu'elle altère ou est susceptible d'altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l'égard d'un bien ou d'un service. Le caractère déloyal d'une pratique commerciale visant une catégorie particulière de consommateurs ou un groupe de consommateurs vulnérables en raison d'une infirmité mentale ou physique, de leur âge ou de leur crédulité s'apprécie au regard de la capacité moyenne de discernement de la catégorie ou du groupe. Constituent, en particulier, des pratiques commerciales déloyales les pratiques commerciales trompeuses définies aux articles L.121-2 à L.121-4 et les pratiques commerciales agressives définies aux articles L.121-6 et L.121-7". 133. L'article L.121-2 du même code ajoute que "une pratique commerciale est trompeuse si elle est commise dans l'une des circonstances suivantes : 1o Lorsqu'elle crée une confusion avec un autre bien ou service, une marque, un nom commercial ou un autre signe distinctif d'un concurrent ; 2o Lorsqu'elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l'un ou plusieurs des éléments suivants : a) L'existence, la disponibilité ou la nature du bien ou du service ; b) Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, à savoir : ses qualités substantielles, sa composition, ses accessoires, son origine, notamment au regard des règles justifiant l'apposition des mentions " fabriqué en France " ou " origine France " ou de toute mention, signe ou symbole équivalent, au sens du code des douanes de l'Union sur l'origine non préférentielle des produits, sa quantité, son mode et sa date de fabrication, les conditions de son utilisation et son aptitude à l'usage, ses propriétés et les résultats attendus de son utilisation, notamment son impact environnemental, ainsi que les résultats et les principales caractéristiques des tests et contrôles effectués sur le bien ou le service ; c) Le prix ou le mode de calcul du prix, le caractère promotionnel du prix notamment les réductions de prix au sens du I de l'article L.112-1-1, les comparaisons de prix et les conditions de vente, de paiement et de livraison du bien ou du service ; d) Le service après-vente, la nécessité d'un service, d'une pièce détachée, d'un remplacement ou d'une réparation ; e) La portée des engagements de l'annonceur, notamment en matière environnementale, la nature, le procédé ou le motif de la vente ou de la prestation de services ; f) L'identité, les qualités, les aptitudes et les droits du professionnel ; g) Le traitement des réclamations et les droits du consommateur ; 3o Lorsque la personne pour le compte de laquelle elle est mise en oeuvre n'est pas clairement identifiable ; 4o Lorsqu'un bien est présenté comme étant identique à un bien commercialisé dans un ou plusieurs autres Etats membres alors qu'il a une composition ou des caractéristiques différentes". 134. Selon l'article L.121-3 du même code, "une pratique commerciale est également trompeuse si, compte tenu des limites propres au moyen de communication utilisé et des circonstances qui l'entourent, elle omet, dissimule ou fournit de façon inintelligible, ambiguë ou à contretemps une information substantielle ou lorsqu'elle n'indique pas sa véritable intention commerciale dès lors que celle-ci ne ressort pas déjà du contexte. Lorsque le moyen de communication utilisé impose des limites d'espace ou de temps, il y a lieu, pour apprécier si des informations substantielles ont été omises, de tenir compte de ces limites ainsi que de toute mesure prise par le professionnel pour mettre ces informations à la disposition du consommateur par d'autres moyens. Dans toute communication commerciale constituant une invitation à l'achat et destinée au consommateur mentionnant le prix et les caractéristiques du bien ou du service proposé, sont considérées comme substantielles les informations suivantes : 1o Les caractéristiques principales du bien ou du service ; 2o L'adresse et l'identité du professionnel ; 3o Le prix toutes taxes comprises et les frais de livraison à la charge du consommateur, ou leur mode de calcul, s'ils ne peuvent être établis à l'avance ; 4o Les modalités de paiement, de livraison et d'exécution, dès lors qu'elles sont différentes de celles habituellement pratiquées dans le domaine d'activité professionnelle concerné ; 5o L'existence d'un droit de rétractation, si ce dernier est prévu par la loi ; 6o La qualité de professionnel ou non du vendeur qui propose des produits sur une place de marché, telle qu'elle a été déclarée à l'opérateur de la place de marché en ligne. Lorsque le consommateur peut rechercher des produits offerts par différents professionnels ou par des particuliers à partir d'une requête consistant en un mot clé, une phrase ou la saisie d'autres données, sont réputées substantielles les informations mises à sa disposition concernant les principaux paramètres qui déterminent le classement des produits qui lui sont présentés et leur ordre d'importance. Ces informations doivent figurer dans une rubrique spécifique de l'interface en ligne, directement et aisément accessible à partir de la page sur laquelle les résultats de la requête sont présentés. Lorsqu'un professionnel donne accès à des avis de consommateurs sur des produits, les informations permettant d'établir si et comment le professionnel garantit que les avis publiés émanent de consommateurs ayant effectivement utilisé ou acheté le produit sont réputées substantielles". 135. En l'espèce, le SFACL et la commune de [Localité 4], à l'appui de leur demande à ce titre, versent aux débats : - un constat d'huissier des 15 et 16 avril 2020 duquel il résulte que la SAS Actiforge offre à la vente sur son site internet <couteau-[Localité 4].com> différents types de couteaux, dont un type de couteau de poche dénommé "couteau pliant [Localité 4]" proposé en différents modèles ; que la défenderesse est présentée sur le site <soutenonsnosentreprises.fr> comme située à [Localité 4] dans le département de la [Localité 5] ; que cette dernière fait état de son adhésion à l'association ProFrance, promouvant le signe "Origine France Garantie" (leur pièce no7) - un article du magazine Pyrénées paru en 2021 reprenant les informations du site internet de la défenderesse et un échange de courriels du 13 décembre 2021 avec une journaliste de ce magazine (leurs pièces no53 et 54). 136. Toutefois, la circonstance que la SAS Actiforge use du terme "[Localité 4]" pour désigner les couteaux de poche fabriqués à [Localité 8] ou dans le bassin thiernois qu'elle vend, n'est pas constitutif d'une tromperie du consommateur. En effet, cette dernière démontre par les pièces qu'elle produit, qu'elle revend des couteaux laguioles produits par des entreprises de ce secteur (ses pièces 21, 22, 28, 35, 36 et 41 sus-détaillées) et le concours du bassin thiernois à la préservation du savoir-faire traditionnel de la fabrication artisanale du couteau [Localité 4] ressort de la synthèse de l'enquête publique publiée par l'INPI portant sur la demande d'indication géographique du couteau de [Localité 4] (pièce Actiforge no25 page 4 et 5). 137. L'usage du signe "Origine France Garantie" n'est pas plus constitutif d'une tromperie, dès lors que les demandeurs reconnaissent eux-mêmes que cette affiliation de la SAS Actiforge est délivrée par la société Veritas (leurs conclusions page 71), ce que les pièces de la défenderesse confirment (pièce Actiforge no14). 138. Le fait que la SAS Actiforge ne dispose que d'un atelier de 15 mètres carrés situé à [Localité 6] ne lui interdit pas de se prévaloir de la qualité de fabricant, quand bien même la majorité de ses ventes sont, en réalité, des reventes, dès lors que son site internet fait référence aux entreprises artisanales auprès desquelles elle se fournit (pièce Actiforge no27 et pièce SFACL et [Localité 4] no7). 139. L'offre à la vente d'autres types de couteaux régionaux par la SAS Actiforge sur son site internet n'est pas non plus constitutif d'une tromperie, aucune mention spécifique autre que leur fabrication en France n'étant vantée sur son site internet (pièce SFACL et [Localité 4] no7). 140. L'usage par la SAS Actiforge de sa marque semi-figurative française no4013824 ne constitue pas une tromperie, le moyen d'annulation de ce chef des demandeurs ayant été rejeté. 141. Les mentions erronées du site <soutenonsnosentreprises.fr> ne sont pas imputables à la SAS Actiforge, dès lors qu'il n'est pas démontré qu'elle en est l'auteur. 142. Enfin la circonstance que le marquage des couteaux vendus par la SAS Actiforge serait intégralement effectué au laser ne résulte d'aucune pièce, la défenderesse reconnaissant que seul le marquage individualisé est opéré par ce procédé. La mention d'un marquage par frappe sur le site internet de la défenderesse n'est, de ce fait, pas trompeur. 143. La demande à ce titre du SFACL et de la commune de [Localité 4] sera, en conséquence, rejetée. 144. Les demandes principales du SFACL et de la commune de [Localité 4] étant rejetées, leurs demandes en indemnisation, en publication, en interdiction du terme "[Localité 4]" et en astreinte, seront rejetées par voie de conséquence. VIII - Sur la demande reconventionnelle en procédure abusive Moyens des parties 145. La SAS Actiforge demande la condamnation des demandeurs à l'indemniser en raison du caractère manifestement abusif de la procédure. 146. Le SFACL et la commune de [Localité 4] concluent au rejet de cette demande eu égard au caractère légitime de leur action. Réponse du tribunal 147. L'article 1240 du code civil prévoit que "tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer". 148. En application de l'article 32-1 du code de procédure civile, "celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 € sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés". 149. Le droit d'agir en justice participe des libertés fondamentales de toute personne. Il dégénère en abus constitutif d'une faute au sens de l'article 1240 du code civil lorsqu'il est exercé en connaissance de l'absence totale de mérite de l'action engagée, ou par une légèreté inexcusable, obligeant le défendeur à se défendre contre une action que rien ne justifie sinon la volonté d'obtenir ce que l'on sait indu, une intention de nuire, ou une indifférence totale aux conséquences de sa légèreté. 150. En l'espèce, la seule circonstance que les demandes du SFACL et de la commune de [Localité 4] soient pour partie rejetées n'est pas de nature à faire dégénérer leur action en abus, l'une de ces demandes ayant été accueillie. 151. En outre, la SAS Actiforge, qui procède par voie d'affirmation dans ses écritures quant au caractère abusif de l'action des demandeurs, ne justifie d'aucun préjudice distinct des frais exposés pour se défendre en justice, lesquels sont indemnisés au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 152. En conséquence, sa demande reconventionnelle pour procédure abusive sera rejetée. IX - Sur les autres demandes IX.1 - S'agissant des dépens 153. Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge de l'autre partie. 154. L'article 699 du même code prévoit que "les avocats peuvent, dans les matières où leur ministère est obligatoire, demander que la condamnation aux dépens soit assortie à leur profit du droit de recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision. La partie contre laquelle le recouvrement est poursuivi peut toutefois déduire, par compensation légale, le montant de sa créance de dépens". 155. Le SFACL et de la commune de [Localité 4], parties perdantes, seront condamnées aux dépens, avec distraction au profit de l'avocat de la SAS Actiforge, conformément à sa demande. IX.2 - S'agissant des frais non compris dans les dépens 156. L'article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a lieu à condamnation. 157. Le SFACL et la commune de [Localité 4], parties tenues aux dépens, seront condamnées à verser 10 000 euros à la SAS Actiforge au titre des frais non compris dans les dépens. IX.3 - S'agissant de l'exécution provisoire 158. Selon l'article 515 du code de procédure civile, dans sa rédaction applicable à la date de l'assignation, "hors les cas où elle est de droit, l'exécution provisoire peut être ordonnée, à la demande des parties ou d'office, chaque fois que le juge l'estime nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire, à condition qu'elle ne soit pas interdite par la loi. Elle peut être ordonnée pour tout ou partie de la condamnation". 159. L'exécution provisoire sera ordonnée, étant nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire et la demande de la SAS Actiforge tendant à écarter l'exécution provisoire sera rejetée, compte tenu du rejet des demandes principales. PAR CES MOTIFS Le tribunal, REJETTE la demande de la SAS Actiforge tirée de la forclusion de l'action du syndicat des fabricants aveyronnais du couteau de [Localité 4] et de la commune de [Localité 4] par tolérance de sa marque semi-figurative française no4013824 ; DÉBOUTE le syndicat des fabricants aveyronnais du couteau de [Localité 4] et la commune de [Localité 4] de leur demande d'annulation de la marque semi-figurative française no4013824 de la SAS Actiforge ; DÉBOUTE le syndicat des fabricants aveyronnais du couteau de [Localité 4] et la commune de [Localité 4] de leur demande de déchéance de la SAS Actiforge de sa marque semi-figurative française no4013824 pour défaut d'usage sérieux ; DÉBOUTE le syndicat des fabricants aveyronnais du couteau de [Localité 4] et la commune de [Localité 4] de leur demande d'annulation du modèle communautaire no008197107 de la SAS Actiforge ; DÉBOUTE le syndicat des fabricants aveyronnais du couteau de [Localité 4] et la commune de [Localité 4] de leur demande en concurrence déloyale et parasitisme ; DÉBOUTE le syndicat des fabricants aveyronnais du couteau de [Localité 4] et la commune de [Localité 4] de leur demande en dénigrement; DÉBOUTE le syndicat des fabricants aveyronnais du couteau de [Localité 4] et la commune de [Localité 4] de leur demande en pratiques commerciales trompeuses ; DÉBOUTE le syndicat des fabricants aveyronnais du couteau de [Localité 4] et la commune de [Localité 4] de leurs demandes en indemnisation, en publication, en interdiction du terme "[Localité 4]" et en astreinte ; DÉBOUTE la SAS Actiforge de sa demande en procédure abusive ; CONDAMNE le syndicat des fabricants aveyronnais du couteau de [Localité 4] et la commune de [Localité 4] aux dépens, avec droit pour Maître Denis Gantelme, avocat au barreau de Paris, de recouvrer ceux dont il a fait l'avance sans recevoir provision ; DÉBOUTE le syndicat des fabricants aveyronnais du couteau de [Localité 4] et la commune de [Localité 4] de leurs demandes en application de l'article 700 du code de procédure civile ; CONDAMNE le syndicat des fabricants aveyronnais du couteau de [Localité 4] et la commune de [Localité 4] à payer 10 000 euros à la SAS Actiforge en application de l'article 700 du code de procédure civile ; REJETTE la demande de la SAS Actiforge d'écarter l'exécution provisoire de droit. Fait et jugé à Paris le 14 juin 2023 La greffière Le président
CAPP/JURITEXT000047878967.xml
JUDICIAIRE 3ème chambre 2ème section No RG 19/01800 No Portalis 352J-W-B7D-CO72T No MINUTE : Assignation du : 29 Janvier 2019 rendu le 16 Juin 2023 DEMANDEURS Monsieur [C] [X] [Adresse 3] [Localité 14] Société SOCIETE CIVILE D'EXPLOITATION DE LA MARQUE [C] [X] [Adresse 13] [Localité 9] S.A.S. [C] [X] [Adresse 13] [Localité 9] S.A.S. [L] [X] [Adresse 2] [Localité 5] représentés par Maître Christian CHARRIÈRE-BOURNAZEL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C1357 DÉFENDERESSES S.A.S. [X] [Adresse 12] [Localité 7] S.E.L.A.R.L. ARJS prise en la personne de Maître [M] [J], ès qualité d'administrateur judiciaire de la S.A.S. [X] [Adresse 11] [Localité 8] S.E.L.A.R.L BDR & ASSCOCIÉS prise en la personne de Maître [W] [F], ès qualité de mandataire judiciaire de la S.A.S. [X] [Adresse 4] [Localité 6] représentée par Maître Dariusz SZLEPER de l'AARPI SZLEPER HENRY Avocats, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #R0017 Copies délivrées le : - Maître Christian CHARRIÈRE-BOURNAZEL #C1357 (ccc) - Maître Dariusz SZLEPER #R17 (executoire)COMPOSITION DU TRIBUNAL Madame Irène BENAC, Vice-Présidente Madame Elodie GUENNEC, Vice-présidente Monsieur Arthur COURILLON-HAVY, Juge assisté de Monsieur Quentin CURABET, Greffier A l'audience du 13 Avril 2023 tenue en audience publique devant Irène BENAC et Arthur COURILLON-HAVY, juges rapporteurs, qui sans opposition des avocats ont tenu seuls l'audience, et après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile. Avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 16 Juin 2023. Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire En premier ressort EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE 1. La SAS [X] est titulaire de la marque verbale "[X]" no 912 722, déposée le 4 décembre 1974, pour désigner les produits alimentaires de la classe 30 et notamment les farines et préparations faites de céréales, pain, biscuits, gâteaux, pâtisserie et confiserie, levure, poudre pour faire lever, régulièrement renouvelée. 2. Par arrêt du 9 décembre 1992 confirmé par la Cour de cassation le 13 juin 1995 (Com., pourvoi no 93-15.084), la cour d'appel de Paris a réglementé l'usage du patronyme [X] dans les termes suivants : "Dit que M. [C] [X] et la SARL [C] [X] ne pourront employer pour un usage commercial le patronyme [X] à titre de marque, dénomination sociale, nom commercial ou enseigne et dans leurs papiers d'affaires et publicité et emballages, qu'en le faisant précéder immédiatement sur la même ligne du prénom [C], dans les mêmes caractères, de mêmes dimensions, de même couleur et de même tonalité et en ajoutant immédiatement en dessous en caractères lisibles l'adresse ou les adresses de leur(s) établissement(s)". 3. M. [C] [X] a déposé la marque "[C] [X]" no 93 454 998 le 12 février 1993 pour divers produits et services parmi lesquels les produits protégés par la marque [X]. 4. La société [X] a ensuite agi en annulation de l'enregistrement de la marque "[C] [X]", contrefaçon de la marque [X] et renforcement de la réglementation de l'usage de la dénomination [X] résultant de l'arrêt du 9 décembre 1992 précité. Par arrêt du 14 avril 2008, la cour d'appel de Paris a déclaré les demandes en annulation et contrefaçon irrecevables par forclusion et a rejeté la demande de renforcement de la réglementation. La Cour de cassation ayant infirmé l'arrêt sur ce seul point (Com., 7 juillet 2009, pourvoi no 08-19.195), par arrêt du 14 septembre 2011, la cour d'appel de Paris statuant en tant que cour de renvoi a déclaré que M. [C] [X] et la SARL [C] [X] avaient manqué à la réglementation "en employant le patronyme [X] à titre d'enseigne sans y ajouter immédiatement en-dessous en caractères lisibles l'adresse ou les adresses de leur(s) établissement(s)". 5. La société [X] a à nouveau saisi le tribunal judiciaire de Paris en inobservation de cette réglementation (sur la page d'accueil du site max-poilane.fr, un encart promotionnel, le ruban adhésif et un grand sachet en papier blanc ne comportant pas l'adresse de tous les établissements) qui en a constaté le non respect par jugement du 10 novembre 2011. 6. Elle a également assigné la société [L] [X] devant le tribunal judiciaire de Lyon pour lui voir interdire toute exploitation de la dénomination [X], notamment sous les formes [L] [X] ou [C] [X]. La cour d'appel de Lyon, par arrêt du 29 novembre 2018, a jugé, d'une part, que les circonstances justifiaient non pas une interdiction mais une réglementation du signe "[L] [X]" et en a débouté la société [X] et, d'autre part, que la société [L] [X], licenciée de la marque [C] [X] était soumise de ce fait à la réglementation de son usage fixée dans l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 9 décembre 1992 et ne l'avait pas respectée. 7. M. [C] [X] a apporté la marque no 93 454 988 précitée à la Société civile d'exploitation de la marque [C] [X] (ci-après SCEMMP) le 9 novembre 2009. La société [C] [X] SAS et la société [L] [X] SAS sont licenciées non exclusives de la marque no 93 454 988. 8. Par acte 29 janvier 2019, M. [C] [X], la société civile d'exploitation de la marque [C] [X], la SAS [C] [X] et la SAS [L] [X] ont fait assigner la SAS [X] devant le tribunal judiciaire de Paris en révision de la réglementation établie par la cour d'appel dans son arrêt du 9 décembre 1992 concernant l'utilisation de la marque [C] [X]. 9. Par ordonnance du 18 octobre 2019, le juge de la mise en état a prononcé un sursis à statuer dans l'attente d'un arrêt de la Cour de cassation sur pourvoi formé contre l'arrêt de la cour d'appel de Lyon du 29 novembre 2018 évoqué au point 6 supra. L'arrêt (Com., 17 mars 2021, pourvoi no 18-26.388) a cassé uniquement les chefs de dispositif déclarant irrecevables l'appel incident formé par M. [C] [X] et la SCEMMP et leur demande reconventionnelle, entraînant notamment celle des chefs de dispositif condamnant la société [L] [X] pour actes de contrefaçon de la marque [X] par un usage de la marque [C] [X] non conforme à la réglementation définie par l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 9 juin 1992, dans la mesure où les prétentions de M. [C] [X] et de la SCEMMP relatives à cette réglementation n'ont pas été examinées. 10. L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 juin 2022. Prétentions et moyens 11. Dans leurs dernières conclusions signifiées le 28 avril 2022, M. [X], la SCEMPP, la société [C] [X] et la société [L] [X] SAS demandent au tribunal de juger que la marque [C] [X] peut être utilisée sans qu'il soit nécessaire d'apposer en dessous de la marque l'adresse des lieux où sont offerts au public les produits de la marque et de réserver les dépens. 12. Ils invoquent en premier lieu le respect de la réglementation et du principe de liberté de la concurrence, faisant valoir que : - s'il n'existait en 1992 qu'une adresse à [Localité 17], quatre adresses doivent désormais figurer sous la marque [C] [X] pour répondre aux exigences posées par l'arrêt du 9 décembre 1992, ce qui est presque impossible sur le ruban de 1,5 centimètre de large des emballages ; - l'effet de la réglementation est d'interdire aux descendants de [P] [X] l'ouverture de nouvelles boulangeries, sauf aux descendants de [B], constituant une barrière à l'accès d'un marché pertinent ; - il en résulte une situation de position dominante au profit de la société [X] et constitue une barrière à l'entrée sur un marché pertinent au sens du droit de la concurrence ; - le mot "établissement" utilisé par l'arrêt susvisé ne doit pas s'entendre des lieux de fabrication, qui ne comportent aucune enseigne et sont interdits au public. 13. Ils se prévalent en second lieu de circonstances technologiques nouvelles, imprévisibles pour la cour d'appel en 1992, consistant dans l'extension du commerce en ligne. Ils soutiennent ainsi que : - la communication publicitaire en ligne n'est pas possible si, à la suite du nom du site, doit figurer l'ensemble des adresses des établissements (www.[016].[Adresse 13]. [Adresse 2].[Adresse 1].[Adresse 10].fr) ; - ils ne peuvent proposer leurs produits alimentaires à la vente aux enseignes de grande distribution ou sur les réseaux sociaux, faute de place pour rédiger la phrase de description du produit, suivie des quatre adresses. 14. Ils soulignent enfin que la réglementation de 2012 est dévoyée par la défenderesse pour leur nuire alors que le développement à [Localité 15] de produits sous la marque [C] [X] ne saurait lui porter préjudice dès lors qu'elle n'y possède aucun point de vente ni aucun contact commercial. 15. Ils indiquent enfin que chacun d'entre eux a un intérêt à agir personnel, légitime et actuel à la révision de la réglementation, la société civile d'exploitation [C] [X] en ce qu'elle gère la marque [C] [X], M. [X] qui en est le gérant et les deux sociétés SAS [C] [X] et la SAS [L] [X] qui sont licenciées. 16. Dans ses dernières conclusions signifiées le 16 juin 2022, la SAS [X] demande au tribunal de débouter les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes et de les condamner in solidum à lui payer une indemnité de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, aux dépens et à lui payer la somme de 25.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 17. Par conclusions du 13 janvier 2023, la SELARL AJRS et la SELARL BDR & associés sont intervenues volontairement à l'instance en leurs qualités respectives d'administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire à la procédure de sauvegarde de la SAS [X] ouverte le 4 octobre 2022 par le tribunal de commerce de Paris. Elles demandent au tribunal de leur adjuger le bénéfice des conclusions au fond présentées par la SAS [X] et de condamner in solidum les demandeurs à leur payer la somme de 30.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 18. Elles contestent l'intérêt à agir - de M. [X] qui n'a aucun droit sur la marque "[C] [X]", apportée par lui à la société civile d'exploitation de la marque [C] [X] et aucun intérêt distinct de celle-ci, - de la société civile d'exploitation de la marque [C] [X] qui, dès sa constitution, en 2009, était pleinement informée de la réglementation encadrant l'usage de la marque "[C] [X]" et de ses conséquences sur son exploitation commerciale et ne démontre pas que son développement serait entravé par l'existence de la réglementation. - des deux sociétés SAS [C] [X] et la SAS [L] [X], dont le contrat de licence stipule le respect de la réglementation, qu'elles ont librement accepté et qui ne les a pas empêchées de se développer, et qui, s'étant rendues coupables à plusieurs reprises des actes de contrefaçon, n'ont pas d'intérêt légitime à demander la suppression de cette réglementation dont l'objet est de protéger la marque notoire [X] de la confusion dans l'esprit du public. 19. Elles ajoutent que la demande de modification de la réglementation du 9 décembre 1992 se heurte à l'autorité de chose jugée, sans qu'il existe de circonstances nouvelles, l'hypothèse d'exploitation de plusieurs établissements sous la marque "[C] [X]" ayant été prise en considération par la cour d'appel qui indique la nécessité de faire figurer "l'adresse ou les adresses de leur(s) établissement(s)." et l'exploitation par les réseaux de communication électronique étant déjà connue (existence du Minitel depuis 1984). L'arrêt de la cour d'appel de Paris du 14 septembre 2011retient cette fin de non-recevoir. 20. Sur le fond, elles indiquent que : - la réglementation d'usage de 1992 ne constitue pas une entrave à l'accès au marché de la boulangerie qui ne nécessite aucunement l'usage de la marque en litige, - les sociétés [L] [X] SAS et [C] [X] SAS ont accepté les conditions d'usage de la marque "[C] [X]" en toute connaissance de cause plutôt qu'exploiter un signe libre, - cette réglementation d'usage a été prononcée dans l'intérêt du public pour éviter tout risque de confusion entre "[X]" et "[C] [X]" et sa préservation reste nécessaire, - le fait de placer immédiatement au-dessous du nom [C] [X] les adresses des établissements des bénéficiaires de droit d'exploitation de cette marque, permet de conférer au signe ainsi constitué une physionomie susceptible de créer une différence avec la marque antérieure, - cette réglementation qui est d'interprétation stricte, ne s'applique pas aux noms de domaine et [C] [X] est titulaire depuis le 10 octobre 1999 du nom de domaine <www.[016].fr> qui mène au site web de la société [C] [X] SAS, - l'activité sur les réseaux sociaux est très faible et ne semble pas avoir été entravée par la réglementation, - la nature même du commerce de boulangerie est antinomique avec le e-commerce, - l'incident avec Intermarché n'est pas clairement établi et rien n'indique que la réglementation est à l'origine de l'échec des négociations. MOTIVATION I . Sur l'intervention volontaire de la SELARL AJRS et de la SELARL BDR & associés ès qualités 21. La société [X] a été admise au bénéfice d'une procédure de sauvegarde prononcée le 4 octobre 2022 par le tribunal de commerce de Paris désignant la SELARL AJRS et de la SELARL BDR & associés en qualités d'administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire. 22. La reprise de la procédure interrompue par l'ouverture de la procédure collective impose que les organes de celle-ci reprennent l'instance. 23. Il y a donc lieu de déclarer recevable leur intervention volontaire, qui ne nécessite pas de débat contradictoire, sans révocation de l'ordonnance de clôture conformément à l'article 803 du code de procédure civile. II . Sur l'intérêt à agir de M. [X], de la société civile d'exploitation de la marque [C] [X] et des deux sociétés SAS [C] [X] et SAS [L] [X] 24. Aux termes de l'article 31 du code de procédure civile, "L'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé." 25. L'intérêt à agir suppose l'existence d'un avantage personnel, direct, né et actuel tiré de l'action et ne confond pas avec le bien fondé de celle-ci. 26. La société civile d'exploitation de la marque [C] [X], titulaire de la marque éponyme, et les deux sociétés SAS [C] [X] et la SAS [L] [X] qui en sont licenciées ont un avantage personnel direct, né, actuel et légitime à voir assouplies les conditions de la réglementation de l'usage du patronyme [X] dans l'exercice de leur activité et il est indifférent qu'elles aient connu l'existence de ses contraintes. En revanche, la seule qualité de gérant de M. [C] [X] ne suffit pas à caractériser son intérêt à agir en son nom propre dans la présente instance. 27. Il y a donc lieu de déclarer M. [X] irrecevable à agir et de rejeter la fin de non recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir s'agissant des autres demanderesses. III . Sur la demande principale 28. L'article 480 du code de procédure civile pose le principe selon lequel le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal a, dès son prononcé, l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche et l'article 1355 du code civil dispose : "L'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité". 29. Un fait nouveau modifiant la situation antérieurement reconnue en justice prive la décision de l'autorité de chose jugée. 30. La Cour de justice des Communautés européenne a dit pour droit : " le droit communautaire s'oppose à l'application d'une disposition du droit national visant à consacrer le principe de l'autorité de la chose jugée telle que l'article 2909 du code civil italien, en tant que son application fait obstacle à la récupération d'une aide d'État octroyée en violation du droit communautaire, et dont l'incompatibilité avec le marché commun a été constatée par une décision de la Commission devenue définitive." (CJCE, 18 juillet 2007, aff. C-119/05, Lucchini Spa) 31. La réglementation issue de l'arrêt du 9 décembre 1992 est irrévocable et a autorité de la chose jugée sur l'usage du patronyme [X] par M. [C] [X] et la SARL [C] [X] pour un usage commercial à titre de marque, dénomination sociale, nom commercial ou enseigne et dans leurs papiers d'affaires et publicité et emballages ; cette autorité de chose jugée s'impose aux exploitants de la marque. 32. L'existence de plusieurs établissements ne saurait constituer un fait nouveau au sens du point 29 supra, l'arrêt du 9 décembre 1992 évoquant expressément "l'adresse ou les adresses de leur(s) établissement(s)". 33. Quant aux circonstances technologiques nouvelles, il est indiscutable que le commerce électronique généralisé pour les particuliers n'existait pas, même en germe, en 1992. Il ne s'agit cependant pas d'un fait nouveau modifiant la situation antérieurement reconnue en justice, la cour d'appel ayant nécessairement pris en compte les sujétions matérielles induites par la réglementation qu'elle édictait et aucune pièce ne démontrant que le commerce en ligne soit impossible ou grevé de contraintes plus lourdes que celles déjà supportées (notamment la longueur du signe) pour l'apposition des adresses sur tous les papiers d'affaires, publicités et emballages avec le développement de l'activité. Il n'est pas contesté en particulier que le nom de domaine <max-poilane.fr> est licite dès lors que la page d'accueil mentionne les établissements et est exploité sur internet. 34. Si la société [X] est particulièrement vigilante et systématique dans le contrôle du respect de la réglementation de 2012, il n'est pas établi qu'elle la dévoie. 35. L'effet de la réglementation d'usage du patronyme [X] impose une sujétion réelle aux usagers de la marque [C] [X] pour l'exercice de leur activité, consistant à faire figurer en caractères lisibles toutes les adresses de leurs établissements, qui doivent être entendus comme leurs points de vente. Néanmoins, la situation défavorable faite aux descendants de [P] [X] par [C] [X] par rapport à ceux issus de [B], à la supposer démontrée, est l'effet de la politique de licence et de protection de la marque [X] par la société [X] et de dissensions familiales anciennes et persistantes, et non de cette réglementation. 36. Il n'existe donc aucun fait nouveau permettant d'écarter l'autorité de chose jugée pour défaut de cause identique. 37. Le marché pertinent au sens du droit de la concurrence est celui des produits ou services que le consommateur considère interchangeables ou substituables en raison de leurs caractéristiques, de leur prix et de l'usage auxquels ils sont destinés. Comme le soutient à juste titre la société [X], il s'agit en l'espèce du marché des produits de boulangerie. 38. La réglementation de l'usage de sa marque sur ce marché n'est pas de nature à y assurer la société [X] une position dominante, ni à constituer une barrière pour y accéder. 39. Il y a donc lieu de rejeter la demande de modification de la réglementation posée par l'arrêt du 9 décembre 1992. IV . Sur la demande reconventionnelle 40. La défenderesse soutient que l'action engagée par les quatre demandeurs, M. [C] [X], la SCEMMP et les sociétés [C] [X] et [L] [X] SAS, est abusive et vexatoire, sans étayer son propos par aucune explication, ni aucune pièce. 41. Il ressort du rappel des procédures antérieures fait aux points 4 à 6 supra que la mention en caractère lisibles des adresses de tous les établissements de M. [C] [X] et la société [C] [X] sur la marque, la dénomination sociale, le nom commercial ou l'enseigne et dans leurs papiers d'affaires et publicité et emballages est à l'origine d'un contentieux nourri par la société [X], de sorte que l'action n'apparaît ni abusive ni vexatoire. 42. La demande à titre de dommages et intérêts de ce chef est donc rejetée. V . Dispositions finales 43. Les demanderesses, qui succombent sont condamnées aux dépens. L'équité justifie de rejeter les demandes de la SAS [X] et des organes de la procédure de sauvegarde au titre de l'article 700 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS Déclare recevable l'intervention volontaire de la SELARL AJRS et de la SELARL BDR & associés ès qualités de mandataire et administrateur judiciaires de la SAS [X] ; Déclare M. [C] [X] irrecevable en ses demandes faute d'intérêt à agir ; Rejette la fin de non recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir de de la société civile d'exploitation de la marque [C] [X] et des deux sociétés SAS [C] [X] et la SAS [L] [X] ; Rejette la demande de la société civile d'exploitation de la marque [C] [X], de la SAS [C] [X] et de la SAS [L] [X] de modification de l'usage de la marque [C] [X] ; Rejette la demande reconventionnelle de la SAS [X] à titre de dommages et intérêts ; Condamne M. [C] [X], la société civile d'exploitation de la marque [C] [X], la SAS [C] [X] et la SAS [L] [X] aux dépens de l'instance, qui pourront être recouvrés directement par Me Szleper dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile ; Déboute la SAS [X], la SELARL AJRS et la SELARL BDR & associés de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Fait et jugé à Paris le 16 Juin 2023 Le Greffier La Présidente Quentin CURABET Irène BENAC
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JUDICIAIRE 3ème chambre 1ère section No RG 21/10326 No Portalis 352J-W-B7F-CUXDU No MINUTE : Assignation du : 02 juillet 2021 rendu le 06 juillet 2023 DEMANDERESSE Société NOKIA TECHNOLOGIES OY [Adresse 8] [Adresse 8] (FINLANDE) représentée par Me David POR du LLP ALLEN & OVERY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #J0022 DÉFENDERESSES Société GUANGDONG OPPO MOBILE TELECOMMUNICATIONS CORP., LT D [Adresse 2] [Adresse 2] (CHINE) S.A.S. YANG TECHNOLOGY [Adresse 4] [Localité 5] S.A.R.L. ARTECH MOBILES [Adresse 1] [Localité 5] Société ONEPLUS TECHNOLOGY (SHENZHEN) CO., LTD. [Adresse 3], [Adresse 3], [Adresse 3] (CHINE) représentées par Me Stanislas ROUX-VAILLARD du PARTNERSHIPS HOGAN LOVELLS (PARIS) LLP, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #J0033 COMPOSITION DU TRIBUNAL Madame Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe Madame Elodie GUENNEC, Vice-présidente Monsieur Malik CHAPUIS, Juge, assistées de Madame Caroline REBOUL, Greffière en présence de Madame Anne BOUTRON, magistrat en stage de pré affectation. A l'audience du 03 avril 2023 tenue en audience publique, avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue le 06 juillet 2023. Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire En premier ressort EXPOSÉ DU LITIGE : 1. La société de droit finlandais Nokia Technologies Oy se présente comme étant en charge de la recherche et du développement au sein du Groupe Nokia spécialisé dans le domaine des télécommunications. 2. Elle est titulaire du brevet européen no 1 704 731, ci-après EP'731, ayant pour titre « Procédé et appareil pour indiquer des identificateurs d'ensemble de services à sonder » issu de la demande internationale no 2005/076639 déposée le 15 décembre 2004 et revendiquant la priorité des demandes américaines no US 60/534,840 P (demande provisoire) du 6 janvier 2004 et US 10/999,397 du 29 novembre 2004, publiées le 7 juillet 2005. La mention de la délivrance de ce brevet a été publiée le 15 février 2017. 3. L'invention porte sur un procédé mis en oeuvre par un terminal WLAN (Wireless local area network soit un réseau local sans fil selon la norme IEEE802.11) pour déterminer quels identificateurs d'ensemble de services (SSID pour Service Set IDentifier), sur une liste de SSID préférés hébergée par le terminal, sont disponibles au niveau d'un point d'accès WLAN accessible, sur la base de l'envoi de messages d'interrogation à des points d'accès WLAN accessibles indiquant un SSID respectif. L'envoi d'un message d'interrogation pour un SSID de la liste n'est effectué que si un indicateur respectif compris dans la liste indique que le terminal WLAN doit être sondé pour le SSID. 4. La société de droit chinois Guangdong Oppo Mobile Telecommunications Corp. Ltd. est spécialisée dans les équipements électroniques et plus particulièrement les smartphones, qu'elle commercialise sous la marque "Oppo". La société Yang Technology et la société Artech Mobiles (qui exerce sous le nom commercial "Oppo France"), indiquent être spécialisées dans la commercialisation de produits de téléphonie mobile. 5. La société de droit chinois OnePlus Technology (Shenzhen) Co., Ltd., est également spécialisée dans les équipements électroniques de type smartphones et indique avoir développé la gamme de smartphones portant la marque "OnePlus". 6. Selon la société Nokia Technologies, les smartphones commercialisés sous les marques Oppo et OnePlus depuis le 1er juillet 2016 reproduisent les revendications du brevet EP 731. Elle précise que c'est à compter de cette date que les smartphones ont été nativement équipés de plusieurs versions de leurs systèmes d'exploitation propre, ColorOs pour les smartphones Oppo et OxygenOs pour les smartphones OnePlus, contrefaisant leur brevet. 7. Des négociations ont eu lieu entre les parties afin de définir les conditions d'une licence portant sur la technologie développée par le groupe Nokia ; les parties ne sont pas parvenues à trouver un accord. C'est dans ce contexte que, par actes des 2 et 8 juillet 2021, la société Nokia a fait assigner les sociétés Guangdong Oppo Mobile Telecommunications, Yang Technology, Artech Mobiles et OnePlus Technology, devant le tribunal judiciaire de Paris en contrefaçon des revendications 6 et 14 du brevet EP 731. 8. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 8 novembre 2022, la société Nokia Technologies demande au tribunal de : - DIRE que les revendications 6 et 14 de la partie française du brevet européen no 1 704 731 sont valides ; - DIRE que les sociétés Guangdong Oppo Mobile Telecommunications Corp. Ltd., Yang Technology et Artech Mobiles ont commis des actes de contrefaçon des revendications 6 et 14 de la partie française du brevet européen no 1 704 731, en important, offrant et en distribuant en France les produits OPPO Find X2 Lite, OPPO Find X2 Neo, OPPO Find X2 Pro, OPPO Find X3 Lite, OPPO Find X3 Neo, OPPO Find X3 Pro, OPPO Find X5 Lite, OPPO Find X5, OPPO Find X5 Pro, OPPO Reno 10x Zoom, OPPO Reno2, OPPO Reno4 Z 5G, OPPO Reno4 5G, OPPO Reno4 Pro 5G, OPPO Reno6 5G, OPPO Reno6 Pro 5G, OPPO Reno7, OPPO Reno8 Pro 5G, OPPO Reno8 5G, OPPO Reno8 Lite 5G, OPPO A16, OPPO A53s, OPPO A54 5G, OPPO A57s, OPPO A57, OPPO A74, OPPO A74 5G, OPPO A77 5G, OPPO A94 5G, OPPO A76, OPPO A96 et d'une façon générale tout smartphone utilisant le système d'exploitation « ColorOS » ; - INTERDIRE aux sociétés Guangdong Oppo Mobile Telecommunications Corp. Ltd., Yang Technology et Artech Mobiles d'offrir, de mettre dans le commerce, d'importer, et de détenir aux fins précitées en France les produits OPPO Find X2 Lite, OPPO Find X2 Neo, OPPO Find X2 Pro, OPPO Find X3 Lite, OPPO Find X3 Neo, OPPO Find X3 Pro, OPPO Find X5 Lite, OPPO Find X5, OPPO Find X5 Pro, OPPO Reno 10x Zoom, OPPO Reno2, OPPO Reno4 Z 5G, OPPO Reno4 5G, OPPO Reno4 Pro 5G, OPPO Reno6 5G, OPPO Reno6 Pro 5G, OPPO Reno7, OPPO Reno8 Pro 5G, OPPO Reno8 5G, OPPO Reno8 Lite 5G, OPPO A16, OPPO A53s, OPPO A54 5G, OPPO A57s, OPPO A57, OPPO A74, OPPO A74 5G, OPPO A77 5G, OPPO A94 5G, OPPO A76, OPPO A96 utilisant le système d'exploitation « ColorOS », et d'une façon générale tout produit reproduisant les enseignements des revendications 6 et 14 de la partie française du brevet européen no 1 704 731 ; - DIRE que la société OnePlus Technology (Shenzhen) Co., Ltd. a commis des actes de contrefaçon des revendications 6 et 14 de la partie française du brevet européen no 1 704 731, en important, offrant et en distribuant en France les produits OnePlus 9 Pro, OnePlus 9, OnePlus 8T, OnePlus 8 Pro, OnePlus 8, OnePlus Nord, OnePlus Nord N10 5G, OnePlus Nord N100, OnePlus Nord CE 5G, OnePlus Nord CE 2 5G, OnePlus Nord 2 5G, OnePlus Nord 2T 5G, OnePlus Nord CE 2 Lite 5G, OnePlus 10 Pro 5G, OnePlus 10T 5G et d'une façon générale tout smartphone utilisant le système d'exploitation « OxygenOS » ; - INTERDIRE à la société OnePlus Technology (Shenzhen) Co., Ltd. d'offrir, de mettre dans le commerce, d'importer, et de détenir aux fins précitées en France les produits OnePlus 9 Pro, OnePlus 9, OnePlus 8T, OnePlus 8 Pro, OnePlus 8, OnePlus Nord, OnePlus Nord N10 5G, OnePlus Nord N100, OnePlus Nord CE 5G, OnePlus Nord CE 2 5G, OnePlus Nord 2 5G, OnePlus Nord 2T 5G, OnePlus Nord CE 2 Lite 5G, OnePlus 10 Pro 5G, OnePlus 10T 5G utilisant le système d'exploitation « OxygenOS », et d'une façon générale tout produit reproduisant les enseignements des revendications 6 et 14 de la partie française du brevet européen no 1 704 731 ; - ORDONNER aux sociétés Guangdong Oppo Mobile Telecommunications Corp. Ltd., Yang Technology, Artech Mobiles et OnePlus Technology (Shenzhen) Co., Ltd. de rappeler des circuits commerciaux les produits qui contrefont la partie française du brevet européen no 1 704 731, dans un délai de 8 jours à compter de la signification du jugement à intervenir et sous astreinte de 10.000 € par jour de retard ; Avant-dire droit sur le préjudice, - CONDAMNER les sociétés Guangdong Oppo Mobile Telecommunications Corp. Ltd., Yang Technology et Artech Mobiles conjointement d'une part, et la société OnePlus Technology (Shenzhen) Co., Ltd. d'autre part, à payer chacune à la société Nokia Technologies Oy la somme globale de 1 millions € à titre de provision en réparation du préjudice économique qu'elle a subi, sauf à parfaire; - ORDONNER aux sociétés Guangdong Oppo Mobile Telecommunications Corp. Ltd., Yang Technology et Artech Mobiles conjointement d'une part, et à la société OnePlus Technology (Shenzhen) Co., Ltd. d'autre part, de payer chacune à la société Nokia Technologies Oy la somme de 500.000 € en réparation du préjudice moral qu'elle a subi, sauf à parfaire ; - ORDONNER aux sociétés Guangdong Oppo Mobile Telecommunications Corp. Ltd., Yang Technology, Artech Mobiles et OnePlus Technology (Shenzhen) Co., Ltd. de communiquer à Nokia Technologies Oy, par écrit et sous une forme appropriée (divisée en mois), les documents comptables et le nombre de vente des produits contrefaisants permettant de déterminer l'étendue des actes de contrefaçon commis sous astreinte de 10.000 € par jour de retard passé un délai de huit jours à compter de la date de signification du jugement à intervenir ; - ORDONNER aux sociétés Guangdong Oppo Mobile Telecommunications Corp. Ltd., Yang Technology, Artech Mobiles et OnePlus Technology (Shenzhen) Co., Ltd. de communiquer à Nokia Technologies Oy tous les documents ou informations qu'elles détiennent afin de déterminer les réseaux de distribution des produits contrefaisants, et notamment (i) les noms et adresses des distributeurs, importateurs et autres détenteurs de ces produits, (ii) les quantités importées, commercialisées, livrées, reçues ou commandées et (iii) le prix et autres avantages obtenus pour ces produits contrefaisants, sous astreinte de 10.000 € par jour de retard passé un délai de huit jours à compter de la date de la signification du jugement à intervenir ; - ORDONNER la publication de l'intégralité du jugement à intervenir, aux frais exclusifs des sociétés Guangdong Oppo Mobile Telecommunications Corp. Ltd., Yang Technology, Artech Mobiles et OnePlus Technology (Shenzhen) Co., Ltd., sous la forme d'un document PDF reproduisant l'entière décision et accessible par un lien hypertexte apparent situé sur la page d'accueil de leur site Internet, quelle que soit l'adresse permettant d'accéder à ces sites Internet, le titre du lien étant, dans la langue appropriée : « Le Tribunal judiciaire de Paris a jugé que les sociétés Guangdong Oppo Mobile Telecommunications Corp. Ltd., Yang Technology SAS, Artech Mobiles et OnePlus Technology (Shenzhen) Co., Ltd. ont commis des actes de contrefaçon des droits de Nokia en mettant sur le marché des smartphones mettant en oeuvre les enseignements d'un de ses brevets européens. » dans une police de taille 20 au moins, pendant 6 mois, dans un délai de huit jours à compter de la signification du jugement à intervenir et sous astreinte de 5.000 € par jour de retard ; - AUTORISER la société Nokia Technologies Oy à faire publier le jugement à intervenir dans cinq journaux ou quotidiens, de son choix et aux frais des sociétés Guangdong Oppo Mobile Telecommunications Corp. Ltd., Yang Technology SAS, Artech Mobiles et OnePlus Technology (Shenzhen) Co., Ltd., sans que le coût de ces publications ne dépasse 20.000 € HT au total, selon le texte suivant : « Le Tribunal judiciaire de Paris a jugé que les sociétés Guangdong Oppo Mobile Telecommunications Corp. Ltd., Yang Technology, Artech Mobiles et OnePlus Technology (Shenzhen) Co., Ltd. ont commis des actes de contrefaçon des droits de Nokia en mettant sur le marché des smartphones mettant en oeuvre les enseignements d'un de ses brevets européens. »; - DIRE que le tribunal sera compétent pour statuer, s'il y a lieu, sur la liquidation des astreintes qu'il a fixées ; - DEBOUTER les sociétés Guangdong Oppo Mobile Telecommunications Corp. Ltd., Yang Technology SAS, Artech Mobiles et OnePlus Technology (Shenzhen) Co., Ltd. de toutes leurs demandes, fins et prétentions ; - CONDAMNER les sociétés Guangdong Oppo Mobile Telecommunications Corp. Ltd., Yang Technology, Artech Mobiles et OnePlus Technology (Shenzhen) Co., Ltd. à payer à la société Nokia Technologies Oy la somme de 300.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ; - CONDAMNER les sociétés Guangdong Oppo Mobile Telecommunications Corp. Ltd., Yang Technology, Artech Mobiles et OnePlus Technology (Shenzhen) Co., Ltd. aux entiers dépens et dire que ceux-ci pourront être recouvrés directement par Me David Por, avocat, dans les conditions prévues par l'article 699 du code de procédure civile ; - ORDONNER l'exécution provisoire de la décision à intervenir. 9. Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 10 janvier 2023, les sociétés Guangdong Oppo Mobile Telecommunications Corp., Ltd, Yang Technology, Artech Mobiles et OnePlus Technology (Shenzhen) demandent quant à elles au tribunal de: A titre principal, - Dire que les revendications 6 et 14 de la partie française du brevet EP 1 704 731 de la société Nokia Technologies Oy sont nulles pour défaut de nouveauté, défaut d'activité inventive, ou à tout le moins extension indue au-delà du contenu de la demande telle que déposée ; En conséquence, - Prononcer la nullité des revendications 6 et 14 de la partie française du brevet EP 1 704 731 ; - Ordonner l'inscription de la décision à intervenir au Registre National des Brevets, à la diligence du greffe ; - Débouter la société Nokia Technologies Oy de l'ensemble de ses demandes formées à l'encontre des sociétés Guangdong Oppo Mobile Telecommunications Corp., Ltd, Yang Technology, Artech Mobiles et OnePlus Technology (Shenzhen) Co., Ltd ; A titre subsidiaire, - Constater que les sociétés Guangdong Oppo Mobile Telecommunications Corp., Ltd, Yang Technology, Artech Mobiles et OnePlus Technology (Shenzhen) Co., Ltd n'ont commis aucun acte de contrefaçon de la partie française du brevet EP 1 704 731 ; En conséquence, - Débouter la société Nokia Technologies Oy de l'ensemble de ses demandes formées à l'encontre des sociétés Guangdong Oppo Mobile Telecommunications Corp., Ltd, Yang Technology, Artech Mobiles et OnePlus Technology (Shenzhen) Co., Ltd ; A titre très subsidiaire, - Débouter la société Nokia Technologies Oy de ses demandes de mesures d'interdiction et de rappel à l'encontre des sociétés Guangdong Oppo Mobile Telecommunications Corp., Ltd, Yang Technology, Artech Mobiles et OnePlus Technology (Shenzhen) Co., Ltd ; ou à défaut, et à tout le moins, - Dire que les mesures d'interdiction et de rappel ne prendront effet que dans un délai minimal de quatre mois à compter de la signification du jugement à intervenir ; - Débouter la société Nokia Technologies Oy de ses demandes de dommages-intérêts provisionnels à l'encontre des sociétés Guangdong Oppo Mobile Telecommunications Corp., Ltd, Yang Technology, Artech Mobiles et OnePlus Technology (Shenzhen) Co., Ltd; - Débouter la société Nokia Technologies Oy de ses demandes tendant à la publication du jugement à intervenir ; - Dire que la communication des informations demandées au titre de l'article L. 615-5-2 du code de la propriété intellectuelle se fera dans le cadre d'un cercle de confidentialité organisé entre les parties ; En tout état de cause : - Ecarter l'exécution provisoire du jugement à intervenir à l'égard des demandes de la société Nokia Technologies Oy ; - Condamner la société Nokia Technologies Oy à verser aux sociétés Guangdong Oppo Mobile Telecommunications Corp., Ltd, Yang Technology, Artech Mobiles et OnePlus Technology (Shenzhen) Co., Ltd, in solidum, la somme de 200.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, sauf à parfaire; - Condamner la société Nokia Technologies Oy en tous les dépens de l'instance dont distraction au profit de Maître Stanislas Roux-Vaillard, en application de l'article 699 du code de procédure civile. 10. L'instruction a été close par une ordonnance du 31 janvier 2023 et plaidée à l'audience du 3 avril 2023. MOTIFS DE LA DÉCISION 1o) Présentation du brevet EP no 1 704 731 11. Le paragraphe [0001] de la partie descriptive du fascicule de brevet énonce que l'invention concerne les services de réseau local sans fil et plus particulièrement, la recherche des identifiants SSID par un terminal mobile. 12. Un identifiant d'ensemble de services (SSID) est le nom alphanumérique et unique de 32 caractères qui est donné à un ensemble de services ou réseau, et qui fonctionne comme un mot de passe, lorsqu'un terminal mobile tente de se connecter à un ensemble de services de base (BSS).(§[0002]) L'identifiant SSID différencie ainsi un réseau d'un autre, de sorte que tous les points d'accès ainsi que tous les terminaux tentant de se connecter à un réseau donné, doivent utiliser le même identifiant SSID. Un terminal n'est autorisé à rejoindre un BSS qu'après avoir fourni l'identifiant SSID unique pour ce BSS.(§ [0003]) Un réseau comprend un ou plusieurs points d'accès et deux ou plusieurs stations. (§ [0004]) 13. La description précise ensuite (paragraphe [0005]) que chaque point d'accès annonce sa présence plusieurs fois par seconde en diffusant des messages de type balise (beacon) qui transportent l'identifiant SSID. Les stations peuvent découvrir des points d'accès pour un ensemble de services en écoutant passivement les messages balise ; elles peuvent également envoyer des messages d'interrogation pour rechercher activement un point d'accès avec l'identifiant SSID de l'ensemble de services. Une fois que la station a localisé un point d'accès au nom approprié, elle peut envoyer une trame de requête associée contenant l'identifiant SSID souhaité. Le point d'accès répond avec une trame de réponse associée, contenant également l'identifiant SSID. Les terminauxsans fil utilisent ainsi l'identifiant SSID pour établir puis maintenir la connectivité. (§[0006] ) 14. Plusieurs identifiants SSID permettent aux utilisateurs d'accéder à différents réseaux via un seul point d'accès. Les gestionnaires de réseau peuvent attribuer différentes politiques et fonctions pour chaque identifiant SSID, augmentant ainsi la flexibilité et l'efficacité de l'infrastructure réseau. L'utilisation de plusieurs identifiants SSID signifie plus de flexibilité lors du déploiement d'une infrastructure WLAN partagée. (§[0007]) 15. Le paragraphe [0012] de la description expose ensuite le problème objectif à résoudre en énonçant que, pour qu'un terminal WLAN envoie des messages d'interrogation, il doit connaître les valeurs d'identifiant SSID qui l'intéressent, qui sont stockées dans le terminal WLAN dans ce que l'on appelle une liste d'identifiants SSID préférés. Une telle liste peut être assez longue et l'envoi d'un message d'interrogation pour chaque identifiant SSID de la liste peut avoir un impact significatif sur la consommation en énergie d'un terminal WLAN, et peut également affecter le temps et la capacité radio du terminal WLAN. 16. Il serait donc avantageux de pouvoir éviter d'envoyer un message d'interrogation pour chaque identifiant SSID d'une liste d'identifiants préférés, aucune solution n'étant fournie dans l'état de la technique.( §[0013] et [0014]) 17. A cette fin (§[0020]) selon l'invention, une liste d'identifiants SSID préférés est fournie, dans laquelle chaque identifiant SSID de la liste est associé à un marqueur, pour indiquer si l'identifiantSSID doit être interrogé. Avec de tels marqueurs, le terminal peut s'abstenir d'interroger certains des identifiants SSID diffusés dans les messages balise. Le marqueur peut être saisi ou préprogrammé par l'utilisateur, l'opérateur, le fabricant ou un autre administrateur de service, ou téléchargé sur le terminal via une interface radio. 18. [0022] La figure 1 (reproduite ci-dessous) représente un terminal WLAN (11) et une liste d'identifiants SSID préférés (12) associée, ainsi que trois points d'accès WLAN différents ( AP1, AP2 et AP3). Le premier point d'accès, AP1, prend en charge les identifiants SSID désignés par SSID1 (envoyés par messages balise) et SSID1a (non envoyé par messages balise). Comme indiqué dans la liste des identifiants SSID préférés (12), l'identifiant SSID préféré du terminal WLAN est SSID1a, mais afin de déterminer s'il est disponible au premier point d'accès, le terminal WLAN doit envoyer un message d'interrogation. L'invention prévoit un indicateur indiquant que seul le SSID1a doit être interrogé, mais pas le SSID2, qui est envoyé par message balise. 19. Le brevet se compose de 17 revendications, dont seules sont opposées les revendications 6 et 14 suivantes : 6. Appareil destiné à être utilisé par un terminal de réseau local sans fil (11) dans la détermination d'au moins certains identifiants SSID sur une liste préférée d'identifiants SSID (12) hébergée par le terminal de réseau local sans fil qui sont disponibles au niveau d'un point d'accès de réseau local sans fil, l'appareil comportant : un moyen d'hébergement de la liste d'identifiants SSID préférés comprenant une pluralité d'identifiants SSID (SSID1a, SSID2) et, en association avec au moins un identifiant SSID (SSID1a) compris dans la liste, un indicateur indiquant que le terminal de réseau local sans fil doit interroger ou non l'au moins un identifiant SSID; et un moyen d'envoi d'un message d'interrogation comprenant l'au moins un identifiant SSID à un point d'accès de réseau local sans fil si et uniquement si l'indicateur associé à l'identifiant SSID indique que le terminal de réseau local sans fil doit interroger l'au moins un identifiant SSID. 14. Structure de mémoire non volatile destinée à être utilisée avec un terminal de réseau local sans fil dans la détermination d'au moins certains identifiants SSID sur une liste (12) d'identifiants SSID préférés hébergée par le terminal de réseau local sans fil qui sont disponibles au niveau d'un point d'accès de réseau local sans fil, la structure de mémoire non volatile mémorisant la liste et la liste comprenant une pluralité d'identifiants SSID et, associé à au moins un identifiant SSID compris dans la liste, soit un indicateur soit un marqueur de place d'une valeur d'indicateur pour déterminer que l'au moins un identifiant SSID doit être interrogé par le terminal de réseau local sans fil. 2o) Sur la validité du brevet contestée par les sociétés défenderesses a - Sur le défaut de nouveauté Moyens des parties 20. Les sociétés Guangdong Oppo Mobile Telecommunications Corp., Yang Technology, Artech Mobiles et OnePlus Technology (Shenzhen) concluent à la nullité des revendications opposées 6 et 14 du brevet EP'731. Elles invoquent en premier lieu le document intitulé "wpa_supplicant", qui est un logiciel hébergé sur un site internet dédié, accessible à l'adresse <https://w1fi/wpa_supplicant/> et destiné à fonctionner sur des ordinateurs portables ou de bureau, en arrière plan, afin d'en contrôler la connexion sans fil. Ce logiciel a été développé à partir de 2003 par M. [M] [I], à l'origine développé dans un cadre plus large dénommé "Host AP". Les sociétés défenderesses soutiennent que le contenu de la version de "wpa_supplicant" du 3 janvier 2004 est parfaitement clair et divulgue l'ensemble des caractéristiques des revendications 6 et 14 du brevet EP'731. Elles soutiennent ainsi que ce document divulgue bien un appareil, le document consistant en un programme destiné à être mise en oeuvre sur un ordinateur (terminal de réseau local sans fil) ; ce document divulgue également une liste d'identifiants SSID préférés hébergée au sein de l'appareil, ainsi qu'un marqueur, associé à un SSID, indiquant que le terminal doit interroger le réseau local sans fil correspondant, par l'envoi d'un message d'interrogation. 21. Les sociétés défenderesses font valoir que l'antériorité "wpa_supplicant" est certaine quant à son contenu et quant à sa date et était accessible au public. Elles soulignent ainsi que "wpa_supplicant" a été développé dans le cadre d'un repository, c'est à dire un dispositif de contrôle des versions (cvs puis git), dont chaque étape de développement est retracée (son contenu et son auteur sont connus) et datée. 22. Elles précisent à cet égard que l'historique du "repository" est toujours accessible à l'adresse <https://w1fi/cgit/> et qu'il contient toujours la soumission de [M] [I] du 3 janvier 2004. Les sociétés défenderesses soulignent surtout que l'approche de la société Nokia consistant à démontrer abstraitement qu'un repository peut être modifié, en particulier la date d'une soumission, ne démontre qu'une possibilité théorique et non qu'une telle modification a été réalisée, ici par [M] [I], qui a conservé seul l'administration du repository et dont il n'est même pas exposé quel intérêt il aurait eu à procéder à une telle modification de la date de la soumission litigieuse. Les sociétés Oppo font ainsi valoir que l'approche de la société Nokia ne correspond en rien au standard de preuve du droit français relatif à la date certaine d'une antériorité. 23. Les sociétés Oppo soutiennent encore que, de la même manière, la société Nokia ne démontre aucunement que le repository n'aurait pas été accessible entre le 3 et le 6 janvier 2004, cette dernière se bornant à invoquer des difficultés rencontrées en 2008 notamment, pour en déduire que de semblables difficultés auraient pu se produire pendant la période litigieuse, sans aucunement le démontrer, ce qui, une fois encore, n'est selon elles pas possible au regard du droit français. 24. Les sociétés Guangdong Oppo Mobile Telecommunications Corp., Yang Technology, Artech Mobiles et OnePlus Technology (Shenzhen) soulignent enfin que la société Nokia Technologies ne conteste pas le fait que l'antériorité "wpa_supplicant" divulgue l'ensemble des caractéristiques des revendications 6 et 14 opposées. 25. La société Nokia Technologies conclut au rejet du moyen de nullité du brevet EP'731 fondé sur le document "wpa_supplicant", dont elle soutient qu'il ne saurait faire partie de l'art antérieur sauf à admettre que des tiers, surveillant les dépôts de brevets de leurs concurrents, puissent, à partir de ces dépôts, créer de toute pièce de l'art antérieur. Elle ajoute que c'est précisément pour cette raison que le tribunal de Mannheim a refusé de surseoir à statuer dans l'attente de la décision du Bundespatentgericht saisi de ce document en énonçant que "le tribunal ne peut se convaincre avec le degré de probabilité requis que la version du code source "wpa_supplicant" a été publiée avant la date de priorité". La société Nokia ajoute qu'au demeurant la doctrine et la jurisprudence (Cass. Com., 6 juin 2001, pourvoi no98-17.194) françaises sont univoques sur ce point et considèrent qu'un doute sur le contenu ou la date de l'antériorité ne peut que conduire à l'écarter, celle-ci ne pouvant être regardée comme certaine, et qu'il en va de même s'agissant de son accessibilité. 26. A cet égard, la société Nokia Technologies souligne que "wpa_supplicant" est une soumission versée à un "repository" dont elles démontrent par un rapport d'expertise que la date et le contenu sont altérables a posteriori par des manipulations simples, sous cvs comme sous git, tandis que la conversion du fichier initial cvs a de la même manière pu altérer la soumission d'origine lors du transfert du "repository" sous git ce qui exclut selon elle de plus fort de pouvoir considérer ce document comme une antériorité certaine dans sa date et son contenu selon les standards du droit français, différents indique-t'elle des standards de l'OEB, qui ne sont de toutes façons pas atteints ici. 27. La société Nokia Technologies soutient ainsi que l'OEB exige que les preuves électroniques soient stockées avec des données décrivant le processus ayant conduit à la création de la donnée (métadonnées) et qui en garantissent l'intégrité (contenu, date et accessibilité). Or, un logiciel de gestion de version n'a aucunement pour fonction de garantir la date et le contenu des contenus qu'il reçoit, mais simplement d'automatiser l'ajout des versions tout en facilitant le travail des différents développeurs. Ses horodatages peuvent être modifiés et la conversion opérée en 2007 introduit des incertitudes supplémentaires sur l'intégrité de ce fichier. 28. La société Nokia Technologies soutient encore que, même en admettant que la soumission litigieuse a bien pour date le 3 janvier 2004, il n'est pas démontré que le "repository" était accessible au public entre cette date et le 6 janvier 2004, date du dépôt, insistant sur la brièveté du délai. Elle indique à cet égard verser aux débats des échanges entre les contributeurs démontrant les problèmes d'accessibilité rencontrés, tandis que l'outil "Wayback Machine" ne démontre aucunement que la soumission litigieuse était accessible au public entre le 3 et le 6 janvier 2004 sous la forme aujourd'hui invoquée. 29. La société Nokia Technologies précise enfin qu'il ne peut lui être demandé de rapporter la preuve impossible d'une atteinte à l'intégrité de la soumission qui lui est opposée. Appréciation du tribunal 30. Selon l'article L. 614-12, alinéa 1er, du code de la propriété intellectuelle, la nullité du brevet européen est prononcée en ce qui concerne la France par décision de justice pour l'un quelconque des motifs visés à l'article 138, paragraphe 1, de la Convention de Munich. Aux termes de l'article 138 (1) de la Convention, le brevet européen ne peut être déclaré nul, avec effet pour un État contractant, que si : a) l'objet du brevet européen n'est pas brevetable en vertu des articles 52 à 57 (...). 31. Il résulte des articles 52 (1) et 54 de la Convention, que les brevets européens sont délivrés pour toute invention dans tous les domaines technologiques, à condition qu'elle soit nouvelle, qu'elle implique une activité inventive et qu'elle soit susceptible d'application industrielle ; une invention est considérée comme nouvelle si elle n'est pas comprise dans l'état de la technique ; l'état de la technique est constitué par tout ce qui a été rendu accessible au public avant la date de dépôt de la demande de brevet européen par une description écrite ou orale, un usage ou tout autre moyen. 32. Il est à cet égard constamment jugé que, si une invention a été divulguée au public elle entre alors dans l'état de la technique, une seule personne pouvant constituer le public, dès lors que cette personne n'était pas tenue au secret. 33. Il est également constamment jugé que l'élément de l'art antérieur n'est destructeur de nouveauté que s'il renferme, dans une même antériorité au caractère certain, tous les moyens techniques essentiels de l'invention dans la même forme, le même agencement et le même fonctionnement en vue du même résultat technique, de sorte que la nouveauté d'une invention ne peut être ruinée que par une antériorité de toutes pièces qui implique une identité d'éléments, de forme, d'agencement, de fonctionnement et de résultat technique. (Cass. Com., 6 juin 2001, pourvoi no 98-17.194 ; Cass. Com., 27 mars 2019, pourvoi no17-23.136 ; Cass. Com., 17 mai 2023, pourvoi no19-25.509) Une caractéristique ou un résultat peuvent toutefois être implicitement divulgués pourvu qu'ils soient nécessaires et inévitables (voir par exemple Cour d'appel de Paris, 27 octobre 2010, RG no 09/08135, Johnson & Johnson Medical Ltd ea). 34. Les sociétés défenderesses invoquent en l'occurrence à titre d'antériorité de toutes pièces la contribution du 3 janvier 2004 de M. [M] [I] au projet collaboratif "wpa_supplicant" (qui signifie littéralement "Amélioration de l'accès protégé au réseau non filaire"). 35. Il s'agit d'un programme informatique développé par M. [M] [I] et différents contributeurs entre 2001 et 2008 aux fins d'apporter des compléments à la norme IEEE 802.11. Le projet "wpa_supplicant" propose ainsi, notamment, des exemples de fichiers de configuration dont l'objet est d'adapter ou personnaliser le programme informatique permettant le fonctionnement des communications sans fil selon la norme (pièces Oppo no3 et 10). Le programme et les fichiers de configuration sont téléchargeables sur un ordinateur, autrement dit un appareil comprenant une mémoire, pouvant être connecté à un réseau sans fil. 36. La soumission du 3 janvier 2004 invoquée par les sociétés défenderesses a pour titre "Added AP scanning support for APs that use multiple SSID" (soit en français  "Ajout de l'analyse des points d'accès pour les points d'accès qui utilisent plusieurs SSID"). 37. Le document intitulé "Example wpa_supplicant configuration file", qui peut être téléchargé avec le 8ème fichier de cette soumission du 3 janvier 2004 (+++ b/wpa_supplicant/wpa_supplicant.conf ), prévoit que "Chaque réseau (généralement des points d'accès partageant le même SSID) est configuré en tant que bloc séparé dans ce fichier de configuration. Les blocs de réseau sont en ordre de préférence (la première correspondance est utilisée). champs du bloc réseau ssid : SSID (obligatoire) ; soit sous forme de chaîne ASCII avec guillemets doubles, soit sous forme de chaîne hexadécimale ; nom du réseau scan_ssid : 0 = ne pas analyser ce SSID avec des Messages d'Interrogation spécifiques (par défaut) 1 = analyser avec des Messages d'Interrogation spécifiques au SSID (cela peut être utilisé pour trouver des points d'accès qui n'acceptent pas de diffusion de SSID ou utilisent plusieurs SSIDs ; cela ajoutera de la latence au scanning, à n'utiliser que lorsque c'est nécessaire)" (Ci-dessous un extrait de ce fichier rédigé en langue anglaise : pièce Oppo no11) 38. Ce document enseigne en outre un exemple dans lequel seul le réseau dénommé "second ssid" (sur les 3 réseaux de l'exemple : "simple", "second ssid" et "example") fera l'objet d'un message d'interrogation spécifique car la valeur du champ "scan_ssid" est égale à 1 : (ci-dessous extrait de la pièce Oppo no11) 39. Force est donc de constater que cette soumission divulgue, explicitement, ou implicitement de manière nécessaire et inévitable, tous les enseignements des revendications 6 et 14 du brevet EP'731. 40. Ce document divulgue en effet l'établissement, au sein d'un terminal, ici un ordinateur, doté d'une mémoire et capable de se connecter à un réseau sans fil, d'une liste d'identifiants de réseaux SSID préférés (dans l'exemple de la soumission les identifiants de réseaux préférés sont "simple", "second ssid" et "example"), associés à un marqueur (ici le chiffre "1" qui n'est associé qu'au réseau "second ssid"), indiquant qu'un message d'interrogation spécifique doit être envoyé par le terminal à ce seul réseau ("ssid specific probe request") lequel est alors interrogé. 41. Au demeurant, la société Nokia ne conteste pas spécialement que cette contribution antériorise l'invention. 42. Elle conteste en revanche avec force le fait que cette contribution puisse être considérée comme une antériorité ayant date certaine et qu'elle puisse être considérée comme ayant été accessible au public entre le 3 janvier 2004 et la date de priorité, soit le 6 janvier 2004. 43. Pourtant, ainsi qu'il a été vu, "wpa_supplicant", développé à l'origine dans un cadre plus large dénommé "HostAP", est un projet ouvert et collaboratif ayant donné lieu à de très nombreuses soumissions entre 2001 (début du projet "HostAP") et 2008 (pièce Oppo no8). Ce projet comprend en effet une liste de discussion (http://lists.infradead.org/mailman/listinfo/hostap, et une adresse [Courriel 6] ), un dépôt ou "repository", organisé par un logiciel de gestion de version (cvs puis git), visible par les différents contributeurs et accessible à l'adresse <https://hostap.epitest.fi>, tandis que les modifications peuvent être proposées au créateur/administrateur de "HostAP" et "wpa_supplicant" (M. [M] [I]) à l'adresse <[Courriel 7]> (pièce Oppo no3 qui précise à la fin : "Any comments, reports on success/failure, ideas for further improvement, feature requests, etc. are welcome at [Courriel 7]. Please note, that I often receive more email than I have time to answer. Unfortunately, some messages may not get a reply, but I'll try to go through my mail whenever time permits. Host AP mailing list can also be used for topics related to wpa_supplicant. Since this list has a broader audience, your likelihood of getting responses is higher. This list is recommended for general questions about wpa_supplicant and its development. In addition, I will send release notes to it whenever a new version is available." soit en français : "Tous les commentaires, rapports sur le succès / échec, idées d'amélioration, demandes de fonctionnalités, etc. sont les bienvenus à [Courriel 7] . Veuillez noter que je reçois souvent plus de courriels que je n'ai le temps de répondre. Malheureusement, certains messages peuvent ne pas recevoir de réponse, mais j'essaierai de parcourir mon courrier chaque fois que le temps le permettra. La liste de diffusion Host AP peut également être utilisée pour des sujets liés à wpa_supplicant. Étant donné que cette liste a un public plus large, vos chances d'obtenir des réponses sont plus élevées. Cette liste est recommandée pour les questions générales sur wpa_supplicant et son développement. De plus, je lui enverrai des notes de version chaque fois qu'une nouvelle version sera disponible."). 44. L'absence totale de confidentialité du projet "wpa_supplicant" est ainsi amplement établie. L'accessibilité et, partant, l'activité sur le site hébergeant le "repository" est au demeurant confirmée par un constat réalisé par un huissier de justice (pièce Oppo no17) sur le site "Internet Archive Wayback Machine" ayant mesuré l'activité sur le site hébergeant le "repository" à l'adresse http://hostap.epitest.fi/cvs.html le 3 décembre 2003. Il résulte également de cette pièce que les messages adressés à la liste sont conservés, classés par mois (annexe no16 à la pièce no17 : "The Hostap archive"), de sorte que l'accessibilité, de même que l'éventuelle inaccessibilité au "repository" entre le 3 et le 6 janvier 2004, est aisément vérifiable. Force est à cet égard de constater qu'aucun des emails échangés entre le 3 et le 6 janvier 2004 ne mentionne un problème d'accessibilité au serveur hébergeant le "repository" au cours de la période considérée (pièce Oppo no27). 45. En outre, ainsi qu'il a été vu, le dépôt propose un historique des contributions (pièce Oppo no8) qui permet de constater que la contribution en cause a été mise en ligne le 3 janvier 2004 (avec 3 autres contributions). La contribution précédente est du 31 décembre 2003 et les suivantes du 9 janvier 2004. Cet historique révèle l'existence d'autres contributeurs tels que [C] [T] (le 16 décembre 2003) ou encore [J] [N] (les 23 et 25 décembre 2003) dont les noms sont mentionnés comme intitulés de soumissions. 46. Il est surtout relevé que M. [M] [I] n'est en lien avec aucune des parties ; il ne peut donc être a priori suspecté d'avoir agi pour le compte des sociétés défenderesses qui invoquent aujourd'hui ses travaux, ni pour nuire à la société demanderesse . 47. M. [M] [I] peut d'autant moins être suspecté d'être à l'origine d'une rectification a posteriori pour faire correspondre ses travaux à la demande de brevet US, que celle-ci n'a été portée à la connaissance des tiers que le 7 juillet 2005, tandis que le caractère public et la nécessaire cohérence du "repository" rendent peu crédible une modification de la date réelle de la soumission après le 7 juillet 2005. 48. La société Nokia soutient pourtant qu'il était aisé pour M. [M] [I] de modifier la date de sa contribution (de sorte qu'elle soit antérieure au dépôt de la demande provisoire américaine) et/ou que des défaillances techniques ont pu rendre le site hébergeant le "repository" inaccessible, ainsi que l'ont retenu les juges allemands (pièce Nokia noD20). 49. Le landgericht de Mannheim a en effet retenu qu'il ne pouvait être exclu que [M] [I] ait corrigé après le 5 janvier 2004 la soumission du 3 janvier 2004 (sous-entendu pour la faire correspondre au brevet), de même qu'il était possible qu'une panne de serveur ait eu lieu du 3 au 5 janvier 2004 (même si cela n'est pas documenté). Force est de constater que de tels motifs sont, au regard du droit français, hypothétiques, ce qui équivaut à une absence de motifs ; ils voueraient la présente décision à une infirmation certaine conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile (Cass. Civ. 1ère, 3 juin 1998, pourvoi no96-12.618 ; Cass. Soc., 5 avril 2011, pourvoi no10-21.449) et ne peuvent donc être reproduits ici. 50. Enfin, l'argument de la société Nokia, selon lequel admettre ici que "wpa_supplicant" est une antériorité dont le contenu a une date certaine, reviendrait à admettre qu'il est possible de constituer des antériorités de toutes pièces a posteriori, est ici un argument d'opportunité et non un moyen de droit étayé par des éléments de fait (même simplement circonstanciels) appropriés. Il est également relevé qu'il n'apparaît pas davantage admissible de conférer un monopole à un opérateur économique portant sur une solution technique apportée par des tiers par leurs propres moyens et accessible sur Internet avant le dépôt d'une demande de brevet. 51. La soumission du 3 janvier 2004 au projet "wpa_supplicant" doit donc être regardée comme une antériorité de toute pièce au caractère certain et à ce titre destructrice de la nouveauté de la partie française du brevet EP'731 dont les revendications opposées 6 et 14 ne peuvent qu'être annulées. b - Sur les conséquences 52. L'annulation du brevet EP'731 rend sans objet les demandes fondées sur la contrefaçon de ce titre par les sociétés défenderesses, lesquelles ne peuvent qu'être rejetées (demandes d'interdiction, de rappel des circuits commerciaux, en paiement d'une provision de 2 millions d'euros, de communiquer tous éléments relatifs à l'étendue et la destination de la contrefaçon, de publication du présent jugement). 53. Partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, la société Nokia sera condamnée aux dépens, ainsi qu'à payer aux sociétés défenderesses la somme de 50.000 euros chacune par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile (soit la somme de 200.000 euros au total). 54. Aucune circonstance ne justifiant qu'il en soit disposé autrement, il sera rappelé que la présente décision est exécutoire de plein droit conformément aux dispositions de l'article 514 du code de procédure civile, sauf en ce qui concerne son inscription au RNB conformément aux dispositions des articles L.613-27 et R.613-54 du code de la propriété intellectuelle. PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL, PRONONCE la nullité des revendications 6 et 14 de la partie française du brevet EP 1 704 731 de la société Nokia Technologies Oy ; ORDONNE la transmission de la présente décision, une fois passée en force de chose jugée, au directeur de l'INPI aux fins d'inscription au registre national des brevets, à l'initiative de la partie la plus diligente ; DÉBOUTE la société Nokia Technologies Oy de l'ensemble des demandes formées à l'encontre des sociétés Guangdong Oppo Mobile Telecommunications Corp., Ltd, Yang Technology, Artech Mobiles et OnePlus Technology (Shenzhen) Co., Ltd sur le fondement de la contrefaçon de ce brevet ; CONDAMNE la société Nokia Technologies Oy aux dépens et autorise Maître Stanislas Roux-Vaillard, à recouvrer directement ceux dont il aurait fait l'avance sans avoir reçu provision, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ; CONDAMNE la société Nokia Technologies Oy à payer aux sociétés Guangdong Oppo Mobile Telecommunications Corp., Ltd, Yang Technology, Artech Mobiles et OnePlus Technology (Shenzhen) Co., Ltd, la somme de 50.000 euros chacune (soit 200.000 euros au total) par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; ORDONNE l'exécution provisoire de la présente décision sauf en ce qui concerne son inscription au RNB. Fait et jugé à Paris le 06 juillet 2023. LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
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JUDICIAIRE 3ème chambre 1ère section No RG 20/12127 No Portalis 352J-W-B7E-CTJ43 No MINUTE : Assignation du : 27 novembre 2020 rendu le 25 mai 2023 DEMANDERESSES Société SONCEBOZ S.A [Adresse 4] [Adresse 2] (SUISSE) Société MMT AG [Adresse 7] [Adresse 7] [Localité 5] (SUISSE) représentées par Me Emmanuel DE MARCELLUS de la SELARL DE MARCELLUS & DISSER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #A0341 DÉFENDERESSES Société KEBODA TECHNOLOGY CO. LTD. Building 1-2 [Adresse 9] [Adresse 9] [Localité 1] (CHINE) Société KEBODA DEUTSCHLAND GmbH & Co. KG [Adresse 8] [Localité 6] BADEN-WÜRTTEMBERG (ALLEMAGNE) représentées par Me Anne-Charlotte LE BIHAN de l'AARPI BIRD & BIRD AARPI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #R0255 COMPOSITION DU TRIBUNAL Madame Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe Madame Elodie GUENNEC, Vice-présidente Monsieur Malik CHAPUIS, Juge, assistés de Madame Caroline REBOUL, Greffière en présence de Madame Anne BOUTRON, magistrat en stage de pré affectation. A l'audience du 13 mars 2023 tenue en audience publique, avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue le 25 mai 2023. Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire En premier ressort EXPOSE DU LITIGE: 1. La société de droit suisse Industrielle de Sonceboz S.A. (ci-après Sonceboz), est spécialisée dans la conception, le développement et la production de solutions mécatroniques (c'est-à-dire combinant la mécanique, l'électronique, l'automatique et l'informatique) et commercialise notamment un modèle d'actionneur de vanne de ventilation / climatisation d'air pour véhicule automobile. 2. Elle est titulaire du brevet européen EP 1 230 726 (ci-après EP 726) désignant la France, issu d'une demande internationale PCT/FR2000/003165 déposée le 14 novembre 2000, revendiquant la priorité d'une demande française du 17 novembre 1999 ; ce brevet a pour titre " Actionneur de vanne de climatisation d'air pour véhicule automobile ". Il a expiré le 14 novembre 2020. 3. La société de droit suisse MMT AG, liée à la société Sonceboz par un actonnariat commun, est spécialisée dans la conception, le développement et la production de solutions électromagnétiques appliquées à la mécatronique. 4. Elle est titulaire du brevet français FR 2 899 396 (ci-après FR 396) intitulé "Moteur électrique polyphasé notamment pour l'entraînement de pompes ou de ventilateurs" déposé le 30 mars 2006. Ce brevet, délivré le 4 juillet 2008, est maintenu en vigueur par le paiement régulier de ses annuités. 5. La société MMT est également titulaire de la demande de brevet FR 2 005 207 (ci-après FR 207) qui est une demande divisionnaire du brevet FR 3 060 892, déposé le 21 décembre 2016. Le brevet a été délivré le 30 juillet 2021 et publié sous le no FR 3 096 523 (ci-après FR 523). Il a pour titre "Actionneur mécatronique". 6. La société de droit chinois Keboda Technology Co est spécialisée dans les composants électroniques automobiles intelligents et économes en énergie. La société de droit allemand Keboda Deutschland & Co est sa filiale. 7. Les sociétés Sonceboz et MMT ayant découvert que la société Opel France utilise pour certains de ses modèles de véhicules commercialisés en France des volets déflecteurs d'air comprenant des actionneurs qui reproduisent selon elles les revendications de la partie française du brevet EP 726, du brevet FR 396 et de la demande de brevet FR 207 (désormais brevet FR 523), elles ont fait procéder à un constat d'achat par huissier d'un volet déflecteur auprès d'un garage à l'enseigne Opel situé à proximité de [Localité 10]. 8. Par un courrier du 16 octobre 2020, le conseil en propriété industrielle de la société MMT a notifié la demande de brevet français FR 207 à la société Keboda Deutschland, puis par courrier du 10 novembre 2020, les brevets EP 726 et FR 396 et la demande de brevet FR 207 ont étés notifiés à la société Opel France. 9. Par une ordonnance du 22 octobre 2020, les sociétés Sonceboz et MMT ont été autorisées à faire procéder à une saisie-contrefaçon au sein de l'établissement à l'enseigne Opel de [Localité 11], Garage du Château, située [Adresse 3], à [Localité 11]. 10. Par un acte d'huissier du 27 novembre 2020, les sociétés Sonceboz et MMT ont fait assigner la société Opel France devant le tribunal judiciaire de Paris en contrefaçon des brevets EP 726 et FR 396 et de la demande de brevet FR 207 alors non publiée. 11. Le signe "Keboda" apparaissant sur les pièces saisies, les sociétés Sonceboz et MMT ont fait assigner en intervention forcée les sociétés Keboda Technology et Keboda Deustchland par un acte d'huissier du 28 juillet 2021. Le 7 octobre 2021 ces instances ont été jointes sous le no RG 20/12127. 12. Le juge de la mise en état a rendu le 15 octobre 2021 une ordonnance de disjonction afin qu'il soit statué en premier lieu sur la seule question de l'existence d'actes de contrefaçon commis en France par les sociétés défenderesses. 13. Par une ordonnance du 8 mars 2022, le juge de la mise en état a déclaré parfait le désistement des sociétés Sonceboz et MMT de leurs demandes dirigées contre la société Opel France. 14. Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 21 novembre 2022, les sociétés Sonceboz et MMT demandent au tribunal de : - Juger que les sociétés Keboda Technology Co., Ltd. et Keboda Deutschland GmbH & Co. KG, fabriquent, offrent à la vente et distribuent l'actionneur argué de contrefaçon à destination du territoire français ; - Donner acte à la Société industrielle de Sonceboz et la société MMT AG de ce qu'elles maintiennent leurs demandes telles qu'énoncées dans leur acte introductif d'instance du 28 juillet 2021 en contrefaçon : - des revendications 1, 2, 3 et 4 du brevet EP 1 230 726 de la Société industrielle de Sonceboz ; - des revendications 1, 3, 4 et 10 du brevet français FR 2 899 396 de la société MMT AG; - des revendications 1, 4, 5, 7, 9 et 10 du brevet FR 3 096 523 de la société MMT AG ; pour la fabrication, la vente et la livraison de l'actionneur de référence 114711700/21200003/H07S0042L3 et/ou OPEL 39202582, également vendu associé au volet déflecteur sur lequel il s'intègre sous la référence OPEL 39169704, à destination du territoire français, lesquelles demandes seront évoquées dans le cadre de l'instance enrôlée sous le RG no 21/12789 à l'issue du jugement à venir sur la matérialité des faits de contrefaçon sur le territoire français et qu'elles se réservent le droit de les compléter le cas échéant ; - Débouter les sociétés Keboda Technology Co., Ltd et Keboda Deutschland GmbH & Co. KG de toutes leurs demandes, fins et prétentions ; - Renvoyer les Parties à telle audience de mise en état qu'il plaira au Tribunal pour les conclusions des sociétés défenderesses en réplique aux demandes des sociétés demanderesses, telles qu'elles apparaissent dans l'acte introductif d'instance des demanderesses; - Condamner les sociétés Keboda Technology Co., Ltd et Keboda Deutschland GmbH & Co. KG à payer à la Société industrielle de Sonceboz et la société MMT AG la somme de 50.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile; - Condamner les sociétés Keboda Technology Co., Ltd et Keboda Deutschland GmbH & Co. KG aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SELARL de Marcellus & Disser, représentée par Maître Emmanuel de Marcellus, avocat au barreau de Paris, par application de l'article 699 du code de procédure civile. 15. Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 22 novembre 2022, les sociétés Keboda Technology Co., Ltd et Keboda Deutschland GmbH & Co. KG demandent au tribunal de : - Dire les sociétés Keboda Technology Co., Ltd et Keboda Deutschland GmbH & Co. KG recevables et bien fondées en l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ; - Dire que les sociétés Sonceboz SA et MMT AG ne rapportent pas la preuve de la matérialité des actes de contrefaçon de brevet prétendument commis par les sociétés Keboda Technology Co., Ltd et Keboda Deutschland GmbH & Co. KG sur le territoire français ; - Dire que les sociétés Keboda Technology Co., Ltd et Keboda Deutschland GmbH & Co. KG n'ont pas fabriqué, offert, mis dans le commerce, utilisé, exporté, importé, détenu, livré ou offert de livrer les produits litigieux ou des moyens conduisant à la réalisation des produits litigieux, ni commis aucun des actes de contrefaçon de brevet ou de complicité d'actes de contrefaçon de brevet qui leur sont reprochés sur le territoire français ; En conséquence : - Débouter les sociétés Sonceboz SA et MMT AG de leur action en contrefaçon des brevets EP 1 230 726, FR 2 899 396 et FR 3 096 523 à l'encontre des sociétés Keboda Technology Co., Ltd et Keboda Deutschland GmbH & Co. KG ; En tout état de cause : - Débouter les sociétés Sonceboz SA et MMT AG de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ; - Condamner solidairement les sociétés Sonceboz SA et MMT AG au paiement à chacune des sociétés Keboda Technology Co., Ltd et Keboda Deutschland GmbH & Co. KG de la somme de 30.000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive ; - Condamner solidairement les sociétés Sonceboz SA et MMT AG à verser à chacune des sociétés Keboda Technology & Co., Ltd et Keboda Deutschland GmbH & Co. KG une somme de 200.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens. 16. L'instruction de l'affaire a été close par ordonnance du 29 novembre 2022 et plaidée à l'audience du 13 mars 2023. MOTIFS DE LA DÉCISION Moyens des parties 17. Les sociétés demanderesses rappellent en premier lieu qu'il est établi que les sociétés Keboda sont à l'origine du produit argué de contrefaçon, le signe Keboda apparaissant sur le boitier et sur le circuit imprimé saisis. Elles ajoutent qu'il est démontré également qu'elles ont une activité à destination du marché français puisqu'elles disposent d'une représentante en France et entretiennent des liens avec le groupe Stellantis qui est un opérateur français, ainsi qu'elles le revendiquent elles-mêmes sur leur site Internet, qui dirige les internautes vers le site de ce groupe français. 18. Les sociétés Sonceboz et MMT invoquent ici "la théorie de la focalisation" pour caractériser l'existence d'une offre à destination du territoire français. Elles soutiennent qu'il est à cet égard démontré que les sociétés Keboda, qui connaissait parfaitement le type de véhicule auquel était destiné le produit qu'elle a fourni, n'ignorait nullement la commercialisation de ce véhicule en France. Autrement dit, selon les demanderesses, en répondant à un appel d'offre concernant la fourniture de pièces pour le véhicule en question, les sociétés Keboda avaient la volonté de diriger leur offre vers un territoire couvert par les brevets ici invoqués. 19. Les sociétés Sonceboz et Mmt rappellent que, dans le secteur automobile, la sélection des fournisseurs se fait par un système d'appel d'offre mentionnant toujours les véhicules concernés. Selon elles, la participation à un appel d'offre en vue de proposer la production d'un sous-ensemble, intégré à un autre ensemble, livré à un fabricant automobile européen afin d'être monté dans un véhicule commercialisé en France est nécessairement une offre au sens de l'article L. 613-3 fautive, car elle cible ou atteint le territoire du brevet. 20. Elles font valoir avec force qu'un brevet français doit pouvoir être opposé à toute entreprise qui entend opérer sur le marché français à défaut de quoi les droits de brevets pourraient être aisément contournés dans un système totalement mondialisé comme le sont la construction et le marché automobiles. 21. Les sociétés Keboda font quant à elles valoir que les produits saisis ont été fabriqués en Slovaquie. Elles ajoutent qu'elles n'exercent aucune activité en France en lien avec les actionneurs argués de contrefaçon, tandis que les produits objets de la saisie-contrefaçon n'ont pas été acquis auprès d'elles. Les sociétés Keboda en déduisent que les demanderesses ne démontrent aucunement qu'elles ont importé en France les actionneurs qu'elles fabriquent, ni même qu'elles les ont offerts à la vente à destination du marché français. 22. S'agissant plus particulièrement des faits d'offre qui leur sont reprochés, elles rappellent qu'elle se définit comme un acte susceptible de préparer la mise dans le commerce en France. Elles font à cet égard valoir qu'aucune pièce ne démontre qu'elles auraient participées à un appel d'offre d'où il résulterait que c'est "sciemment" qu'elles auraent proposé à leur cocontractant de fournir des actionneurs à destination du marché français. Au contraire, les sociétés Keboda soutiennent qu'elles ignoraient le lieu de destination final des actionneurs qu'elles ont fournis. 23. S'agissant de l'importation, les sociétés Keboda font valoir qu'aucun élément du dossier n'établit leur participation à l'introduction en France des actionneurs litigieux, une telle participation ne pouvant se déduire de la seule présence du signe Keboda sur les pièces détachées saisies, aux côtés d'ailleurs du signe d'un autre fournisseur (à savoir le plasturgiste "Röchling"). Appréciation du tribunal 24. Selon l'article L. 613-3 du code de la propriété intellectuelle, "Sont interdites, à défaut de consentement du propriétaire du brevet : a) La fabrication, l'offre, la mise dans le commerce, l'utilisation, l'importation, l'exportation, le transbordement, ou la détention aux fins précitées du produit objet du brevet ; (...)" 25. Selon l'article 64 "Droits conférés par le brevet européen" de la Convention sur le brevet européen "(1)Sous réserve du paragraphe 2, le brevet européen confère à son titulaire, à compter de la date à laquelle la mention de sa délivrance est publiée au Bulletin européen des brevets et dans chacun des Etats contractants pour lesquels il a été délivré, les mêmes droits que lui conférerait un brevet national délivré dans cet Etat (...) (3)Toute contrefaçon du brevet européen est appréciée conformément à la législation nationale." 26. Il est en outre constamment jugé que constitue une offre, au sens de l'article L. 613-3 du code de la propriété intellectuelle, toute opération matérielle tendant à préparer la clientèle potentielle à la commercialisation prochaine d'un produit (Cass. Com., 5 juillet 2017, pourvoi no 15-20.554, Bull. 2017, IV, no 101). 27. Il est également jugé qu'un importateur peut être déclaré coupable de contrefaçon pour avoir introduit en France des matériels protégés par un brevet, même s'il n'est pas établi qu'il ait connu l'existence de ce brevet. (Cass. Com., 24 janvier 1977, pourvoi no 75-14.726, Bull. 1977, IV, no20, p. 16) 28. En l'occurrence, il est établi que l'une des entités du groupe Keboda (sans qu'il soit possible de déterminer s'il s'agit de l'une des sociétés défenderesses) a fourni à une société établie en Slovaquie les actionneurs litigieux, aux fins de leur assemblage avec des volets déflecteurs d'air destinés à des véhicules de type Opel Astra. 29. Il ne peut toutefois se déduire de ces faits la preuve d'aucun acte d'offre à la vente de ces actionneurs en France, non plus qu'aucun acte d'importation en France. 30. En effet, les sociétés Keboda n'ont aucune filiale, ni aucun établissement en France, où elles ne sont représentées que par une personne physique dont la nature des activités en France est inconnue, seul étant versé aux débats l'extrait du compte LinkedIn de Mme [X] [B] [T], où celle-ci se présente comme "regional representative" de la société Keboda Technology (pièce Sonceboz no33). 31. N'ayant aucune activité démontrée en France, les sociétés Keboda ne peuvent y avoir introduit, ou encore importé, les déflecteurs d'air litigieux. 32. En outre, le site Internet de la société Keboda Technology n'est rédigé qu'en langue anglaise et n'est accessible que par le nom de domaine <www.keboda.com>. Il ne permet d'acheter aucun produit et ne présentait le 3 novembre 2022 qu'un "AGS Actuator" à l'url www.keboda.com/en/product/Default.aspx?id=17 (Pièce Sonceboz no53), sans mention d'aucun prix, ni d'aucun autre contact que la société de droit chinois Keboda Technology; rien ne démontre en outre qu'il s'agit de l'actionneur litigieux : (ci-dessous extrait de la pièce no53) 33. Ce site ne réalise ainsi aucun acte matériel d'offre à la vente reçue en France (CJUE, 12 juillet 2011, L'Oréal c/ Ebay, aff. C-324/09, rendu en matière de marques mais transposable). Il ne dirige vers aucun site marchand. 34. Il n'est pas davantage démontré d'acte matériel imputable à l'une des défenderesses de préparation d'une clientèle potentielle française à acquérir les actionneurs litigieux au moyen d'une supposée soumission à un appel d'offres. 35. En effet, même en admettant que les sociétés défenderesses aient fourni les actionneurs litigieux et qu'elles aient su qu'ils étaient destinés à des véhicules de type Opel Astra, lors de la soumission à un appel d'offre (ce qui n'est ici qu'une conjecture), cela n'établit pas pour autant qu'elles savaient que les actionneurs fournis en Slovaquie étaient destinés au marché français, à la différence de l'entité du groupe auquel appartient la société Opel France qui a commandé l'assemblage des volets déflecteurs d'air, laquelle n'est pas identifiée, alors même qu'elle apparaît comme responsable de l'introduction en France des volets déflecteurs objets du présent litige. 36. Il n'est en définitive pas établi que les sociétés Keboda ont commis en France des actes de contrefaçon des brevets FR 2 899 396 et FR 3 096 523, non plus que de la partie française du brevet EP 1 230 726. 37. Les sociétés Sonceboz n'invoquent en outre ici aucune atteinte à d'autres parties nationales du brevet EP 726, lequel ne désigne au demeurant pas la Slovaquie (SK) parmi les états contractants désignés comme couverts par ce brevet (Cass. Civ. 1ère, 29 juin 2022, pourvoi no 21-11.085). 38. Les demandes des sociétés Sonceboz et Mmt fondées sur la contrefaçon des brevets EP 1 230 726, FR 2 899 396 et FR 3 096 523 et dirigées contre les sociétés Keboda Technology Co., Ltd et Keboda Deutschland GmbH & Co. KG ne peuvent donc qu'être rejetées. 39. Les sociétés Keboda, qui ne caractérisent rien d'autre qu'une mauvaise appréciation de leurs droits par les sociétés Sonceboz et Mmt, seront déboutées de leur demande de dommages-intérêts pour procédure abusive, ce d'autant qu'ici, les sociétés Sonceboz et Mmt ont sollicité la césure de l'instance de manière à permettre un examen proportionné de leurs demandes. 40. En revanche, parties perdantes au sens de l'article 696 du code de procédure civile, les sociétés Sonceboz et Mmt supporteront les dépens et seront condamnées à payer aux sociétés Keboda la somme totale de 60.000 euros (30.000 x 2) par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. 41. Aucune circonstance ne justifiant qu'il en soit disposé autrement, il convient de rappeler, conformément aux dispositions de l'article 514 du code de procédure civile dans sa rédaction issue du décret no2019-1333 du 11 décembre 2019, que la présente décision de première instance est de droit exécutoire à titre provisoire. PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL, DIT que les sociétés Sonceboz SA et MMT AG ne rapportent pas la preuve de la matérialité des actes de contrefaçon de brevets qu'elles reprochent aux sociétés Keboda Technology Co., Ltd et Keboda Deutschland GmbH & Co. KG sur le territoire français ; REJETTE par conséquent les demandes des sociétés Sonceboz SA et MMT AG fondées sur la contrefaçon des brevets EP 1 230 726, FR 2 899 396 et FR 3 096 523 dirigées contre les sociétés Keboda Technology Co., Ltd et Keboda Deutschland GmbH & Co. KG ; REJETTE la demande des sociétés Keboda Technology Co., Ltd et Keboda Deutschland GmbH & Co. KG en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive ; CONDAMNE in solidum les sociétés Sonceboz SA et MMT AG aux dépens ; CONDAMNE in solidum les sociétés Sonceboz SA et MMT AG à payer à chacune des sociétés Keboda Technology & Co., Ltd et Keboda Deutschland GmbH & Co. KG une somme de 30.000 par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; RAPPELLE que la présente décision est de plein droit exécutoire. Fait et jugé à Paris le 25 mai 2023. LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
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JUDICIAIRE 3ème chambre 2ème section No RG 21/09331 No Portalis 352J-W-B7F-CUXUZ No MINUTE : Assignation du : 05 Juillet 2021 rendu le 02 juin 2023 DEMANDERESSE S.A. AURES TECHNOLOGIES [Adresse 6] [Adresse 6] [Localité 5] représentée par Maître Julien BLANCHARD de la SELARL SELARL CANDÉ - BLANCHARD - DUCAMP, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0265 DÉFENDERESSES S.E. PERIMATIC [Adresse 1] [Adresse 1] [Localité 4] représentée par Maître Jean-didier MEYNARD de la SCP BRODU - CICUREL - MEYNARD - GAUTHIER - MARIE, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #P0240 et par Maître Gwendal RIVALAN de la SELARL AVOXA NANTES, avocat au barreau de NANTES, avocat plaidant, Société SENOR TECH CO LTD [Adresse 2], [Adresse 2] [Localité 3] Société SENOR TECH B.V MINCKELERSSTRAAT 19 5916 VENLO (PAYS- BAS) représentées par Maître Pierre GREFFE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E0617 Copies délivrées le : - Maître BLANCHARD #P265 (ccc) - Maître MEYNARD #P240 (executoire) - Maître GREFFE #E617 (executoire) COMPOSITION DU TRIBUNAL Madame Irène BENAC, Vice-Présidente Madame Elodie GUENNEC, Vice-présidente Monsieur Arthur COURILLON-HAVY, Juge assisté de Quentin CURABET, Greffier en présence de Madame Anne BOUTRON, magistrat en formation, A l'audience du 26 janvier 2023 tenue en audience publique devant Irène BENAC et Arthur COURILLON-HAVY, juges rapporteurs, qui sans opposition des avocats ont tenu seuls l'audience, et après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile. Avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe en dernier lieu le 02 juin 2023 Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire En premier ressort EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE 1. La société Aurès technologie (la société Aurès), estimant que des ordinateurs servant à l'encaissement dans des magasins, aussi appelés « terminaux de points de vente », commercialisés par les deux sociétés Senor et distribués en France par la société Perimatic, sous les appellations ‘X' et ‘S', produisent une impression visuelle identique à celle de son modèle communautaire numéro 005772563-0001, qu'elle commercialise sous le nom ‘Jazz', a mis en demeure la société Senor courant 2020, puis a fait pratiquer une saisie-contrefaçon chez la société Perimatic le 4 juin 2021, et a assigné ces sociétés le 5 juillet 2021. L'instruction a été close le 15 septembre 2022. 2. Les sociétés Senor ont développé courant 2020 une nouvelle version de leurs produits, différant de la précédente par la présence de deux encoches sur les côtés de leur socle, mais que la société Aurès estime également contrefaisante et à la laquelle elle a étendu ses demandes en cours de procédure. 3. Parallèlement, la société Aurès, invoquant le même modèle enregistré, a demandé devant l'Office européen de la propriété intellectuelle (EUIPO) la nullité du modèle communautaire no007990698 que la société Senor avait déposé le 8 juin 2020 et qui correspond à la nouvelle version des produits litigieux ; cette demande en nullité a été rejetée par décision du 9 juin 2022, au motif que les deux modèles produisaient sur l'utilisateur averti une impression d'ensemble clairement différente. Un recours est pendant devant les chambres de recours. Prétentions des parties 4. Dans ses dernières conclusions (9 septembre 2022), la société Aurès demande la condamnation in solidum des défenderesses à des provisions de 150 000 euros pour préjudice moral et 400 000 euros pour préjudice économique ; des mesures d'interdiction, rappel et destruction, un droit d'information sur le nombre de produits vendus, le chiffre d'affaires et bénéfice réalisés, et les stocks restants ; ainsi que la publication, le tout sous astreintes ; enfin le sursis à statuer sur l'évaluation de son préjudice, le remboursement des « frais de saisie-contrefaçon, de constat d'huissier et de traduction », outre 50 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 5. Dans leurs dernières conclusions (27 juillet 2022), les sociétés Senor demandent d'annuler le procès-verbal de saisie-contrefaçon du 4 juin 2021, résistent aux demandes, et réclament 30 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 6. Dans ses dernières conclusions (30 aout 2022), la société Perimatic demande également la nullité de la saisie-contrefaçon, avec restitution du terminal saisi, sous astreinte, résiste aux demandes, demande elle-même subsidiairement la garantie in solidum des sociétés Senor, avec un partage de responsabilité ne lui imputant que 10% au maximum ; et réclame à la demanderesse 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Synthèse des moyens des parties 7. Sur la validité de la saisie-contrefaçon, les parties s'opposent sur la licéité des questions posées par l'huissier à la personne présente ainsi que le moment où elles ont été posées et la personne à qui elles l'ont été. 8. Sur la contrefaçon de dessin ou modèle communautaire, les parties s'opposent sur le fait que les caractéristiques du modèle invoquées par la demanderesse sont imposées par la fonction technique du produit, sur le degré de liberté du créateur, sur le degré d'attention de l'utilisateur averti, et plus généralement sur l'identité d'impression visuelle entre le modèle et les produits litigieux. La demanderesse invoque plusieurs autres modèles de terminaux de points de vente visuellement très différents, les défenderesses invoquent un précédent modèle d'ordinateur pouvant être plié comme le modèle en cause et les produits litigieux. MOTIVATION I . Demande reconventionnelle en nullité de la saisie-contrefaçon Moyens des parties 9. Contre la saisie-contrefaçon, les sociétés Senor et Perimatic soutiennent que l'huissier, devant rester « dans son rôle de simple constatant », ne peut interroger les personnes présentes pour provoquer leurs déclarations avant d'avoir découvert et saisi des produits argüés de contrefaçon, alors qu'en l'espèce il a posé des questions avant d'être mis en présence des produits. Elles critiquent également les questions posées, trop larges, selon elles non nécessaires à l'accomplissement de la mission, et seulement destinées à provoquer des déclarations qui pourraient ensuite être utilisées contre elles. La société Perimatic ajoute que l'huissier a « profité de la situation née de l'absence du représentant légal du saisi pour mieux soumettre la salariée » à ses questions. 10. En réponse, la société Aurès fait valoir que l'huissier peut poser les questions nécessaires à l'accomplissement de sa mission, et que l'ordonnance, en l'espèce, l'y autorisait avant même la saisie des produits contrefaisants. Elle estime que ces questions étaient mesurées, strictement en lien avec la contrefaçon, dans le respect de l'ordonnance, et ne faisaient pas état d'informations extérieures à la requête. Réponse du tribunal 11. La saisie-contrefaçon, prévue par l'article L. 521-4 du code de la propriété intellectuelle, consiste soit en la description détaillée, avec ou sans prélèvement d'échantillons, soit en la saisie réelle des objets prétendus contrefaisants ainsi que de tout document s'y rapportant. L'ordonnance peut autoriser la saisie réelle de tout document se rapportant aux objets prétendus contrefaisants en l'absence de ces derniers. L'article R. 521-2 (2e alinéa) précise que le président peut autoriser le commissaire de justice à procéder à toute constatation utile en vue d'établir l'origine, la consistance et l'étendue de la contrefaçon. 12. La saisie-contrefaçon vise donc à rapporter la preuve matérielle de la contrefaçon et de son étendue, et non l'aveu du contrefacteur suspecté. Cela peut certes passer par l'obtention d'informations, éventuellement orales, de la part des personnes présentes, utiles à la recherche et la compréhension des preuves matérielles susceptibles d'être trouvées sur les lieux de la saisie, ou utiles à la recherche d'autres preuves, éventuellement auprès d'autres personnes impliquées dans la contrefaçon, mais pas par le détournement de la contrainte associée à la saisie-contrefaçon pour mener un interrogatoire. Ainsi, ne peuvent pas être autorisées à ce titre les questions qui visent à obtenir une preuve verbale de la contrefaçon ou de son étendue de la part des personnes présentes. Le moment où est posée une question est un élément d'appréciation de son lien avec la mesure autorisée (une question posée après la découverte d'un objet contrefaisant étant plus susceptible de se rattacher à la description de cet objet et à l'étendue de la contrefaçon), mais n'est pas déterminant. 13. Au cas présent, l'huissier était autorisé à interroger les personnes présentes, ce qui doit s'entendre dans les limites de la mesure de saisie-contrefaçon telles qu'elles viennent d'être rappelées. Si les demanderesses à la nullité critiquent les questions posées par l'huissier de façon générale, elles n'en invoquent qu'une explicitement : « J'interroge Madame [E] [S] sur le lancement de cette nouvelle gamme de produit ». Cette question est posée après l'obtention de l'état des stocks et des bons de livraison des produits vendus ou prêtés. Elle donne lieu à une réponse relatant l'origine du choix par la société Perimatic de distribuer le produit des sociétés Senor. Dans ce cadre, une telle question ne vise qu'à éclairer le contexte de la commercialisation du produit objet de la mesure, ce qui était pertinent pour l'analyse des pièces demandées, et était susceptible de conduire à découvrir l'existence et constater d'autres preuves matérielles sur cette origine et sur l'étendue de la commercialisation. Elle n'excède donc pas le cadre de la mission. 14. Plus généralement, les autres questions, dont les demanderesses n'exposent pas expressément en quoi elles seraient trop larges ou destinées à provoquer des déclarations incriminantes sans être utiles à l'accomplissement de la mission, peuvent se rattacher à cette mission dans les limites exposées ci-dessus : elles visent à éclairer, et non démontrer par elles-mêmes, l'origine et le circuit commercial du produit découvert, produit dont au demeurant la remise d'un exemplaire est la première demande formulée par l'huissier lors de ses opérations (outre que sa remise a été faite immédiatement, contrairement à ce qu'affirment les sociétés Senor et Perimatic). 15. Enfin, outre qu'une saisie-contrefaçon peut évidemment être menée sans que le représentant légal de la partie saisie soit présent, aucun abus n'a été tiré ici du fait de l'absence du dirigeant de la société Perimatic. 16. Par conséquent, la demande reconventionnelle en nullité est rejetée. II . Demandes fondées sur la contrefaçon de modèle communautaire 17. Le modèle communautaire invoqué (005772563-0001) est enregistré avec les représentations qui suivent : 1 . Atteinte au droit du titulaire de modèle communautaire Moyens des parties 18. La société Aurès estime que les produits des défenderesses produisent « une impression visuelle d'ensemble similaire, pour ne pas dire identique » à celle que produit son modèle, au regard de caractéristiques qu'elle met en avant, à savoir : un « socle rectangulaire de faible surface et épaisseur, présentant sur l'une de ses extrémités une seconde partie rectangulaire en surépaisseur de même longueur », un « bras latéral unique (de section rectangulaire) de liaison entre le socle et l'écran » donnant à l'ensemble une disposition en Z, un « écran rectangulaire, plat, fin, sans bordure visible », une « impression globale de finesse et de légèreté et de faible encombrement ». 19. Elle conteste le fait que ces caractéristiques soient imposées par la fonction technique, et en appliquant dans ce but une méthode d'analyse dégagée par le Tribunal de l'Union européenne, elle fait valoir qu'il n'y a pas de « relation causale » entre la fonction technique de chacune de ces caractéristiques et la fonction technique du produit dans son ensemble, qui est, selon elle, de « traiter les paiements dans les lieux de vente au détail et donc de permettre le paiement des achats effectués par le client et d'assurer l'interaction entre le client et le commerçant ». Elle se prévaut à cet égard de l'existence de modèles alternatifs de terminaux de points de vente qui n'ont pas ces caractéristiques. Au demeurant, ajoute-t-elle, les éléments servant à dissimuler les éléments techniques relèvent bien de choix esthétiques contribuant à l'effet visuel. 20. Elle expose alors que l'utilisateur averti inclut le grand public, en raison de la suppression du personnel de caisse dans tous les secteurs de la distribution, et que le créateur a une grande liberté dans la conception de terminaux de point de vente, ce dont elle déduit que les modèles ne présentant pas de différences significatives produisent la même impression visuelle globale. Il est ainsi manifeste selon elle que malgré des différences qu'elle considère de détail, les produits litigieux n'ont pas de différences significatives et ne présentent donc pas sur l'utilisateur averti une impression visuelle globale différente. Elle fait valoir en particulier que les deux modèles peuvent être repliés afin de poser le modèle « parfaitement à plat », contestant sur ce point le fait que lorsque le produit litigieux est replié, seules deux parties seraient visibles, et estimant qu'en toute hypothèse l'utilisateur averti utilise le produit en conformité avec sa finalité, c'est-à-dire en l'espèce vu de haut et le terminal posé à plat, de sorte qu'il serait peu probable qu'il examine avec minutie le nombre de parties visibles de côté et sous l'écran lorsque le modèle est replié. Elle conteste enfin la pertinence de la possibilité de fixer le produit litigieux au mur et de lui adjoindre un second écran, répliquant qu'il suffit que l'une des configurations possibles produise une impression globale non différente pour que la contrefaçon soit caractérisée, indépendamment d'éventuelles autres configurations. 21. Les sociétés Senor et Perimatic, invoquant l'article 8 du règlement 6/2002, soutiennent que les caractéristiques du modèle mises en avant par la demanderesse ne doivent pas être prises en compte car sont imposées par sa fonction technique. En effet, selon elles, « comme tout ordinateur, les [terminaux de point de vente] comprennent donc nécessairement un socle, un écran et un bras reliant ces deux éléments », ils doivent s'adapter aux divers espaces et positions dans lesquels ils sont utilisés, ce qui commande un écran inclinable et un design compact permettant de les ranger de sorte que le « faible encombrement » revendiqué par la demanderesse est également fonctionnel, et ils doivent permettre la connexion à une imprimante pour les tickets de caisse. Elles estiment en particulier que le socle assure la stabilité du produit en prenant le moins de place possible, que le cache en surépaisseur sur ce socle ne sert qu'à dissimuler le bras le reliant à l'écran, bras qui, formant une configuration en Z, est nécessaire au pliage complet de l'appareil, expressément revendiqué par la demanderesse qui affirme elle-même qu'il « permet ainsi à l'écran tactile ultra plat de s'orienter de façon ergonomique », sa position à gauche de l'écran n'étant elle-même que destinée à permettre aux utilisateurs, majoritairement droitiers, d'accéder facilement à l'imprimante devant être placée sur le socle. 22. Elles ajoutent, sur le caractère technique des caractéristiques invoquées, qu'en vertu de la jurisprudence de la Cour de justice, il importe peu, pour apprécier le caractère utilitaire de la forme d'un modèle ou d'une de ses parties, qu'il soit possible d'obtenir le même résultat sous d'autres formes, ce critère n'étant pas à lui seul déterminant. Elles font alors valoir qu'un précédent modèle, ‘flexi all-in-one' d'une société Haier, présentait déjà l'ensemble de ces caractéristiques, la société Aurès ayant seulement, estiment-elles, légèrement adapté ce produit pour qu'il puisse remplir les fonctions d'un terminal de point de vente, notamment en déplaçant le bras à gauche. Elles se prévalent également de la décision de l'Office européen qui a estimé que les modèles en cause ne sont pas similaires car la solution qui les fait coïncider (deux terminaux pliables avec un bras droit) « ne s'écarte pas significativement de la norme ». 23. Elles en déduisent que la liberté du créateur de terminal de point de vente est restreinte par ces contraintes techniques (il faut un écran, un bras de liaison et un socle), ce qui renforce l'importance des différences mineures pour produire une impression globale différente sur l'utilisateur averti, dont elles rappellent qu'il dispose d'une vigilance particulière. Dans ce cadre, elles insistent sur plusieurs différences entre le modèle et les produits litigieux, qu'elles estiment visibles au premier coup d'oeil et dont elles font valoir qu'elles ont été déterminantes pour l'Office européen qui a conclu à une impression visuelle différente dans la décision sur les mêmes modèles. En premier lieu, le socle de leurs produits est « bien plus fin », les caches en surépaisseur sur ces socles sont plus fins et plus longs (recouvrant presque la moitié du socle, contre moins d'un quart dans le modèle), et ont la forme d'un rectangle dont la partie arrière est incurvée, tandis que celui du modèle est simplement carré, sa couleur est différente de celle du socle alors que dans le modèle la couleur est identique, outre que dans la nouvelle version des produits, deux encoches éloignent encore davantage le socle du modèle enregistré. En deuxième lieu, le bras des produits litigieux est formé par une barre rectiligne aux quatre faces de même largeur, aux extrémités arrondies, et étroitement accolé à la base, tandis que celui du modèle, dont les faces n'ont pas la même largeur, n'a que des angles droits, dépasse légèrement de la base et a une couleur différente de celle des autres éléments. En troisième lieu, 3 des 6 représentations du modèle en cause le montrent replié, et les différences « sont encore plus flagrantes » quand les produits sont repliés, en ce que sur les produits litigieux, les différentes parties s'emboitent parfaitement de sorte qu'on ne distingue plus que deux éléments distincts (l'écran et le reste) et que l'ensemble est très fin, contrairement au modèle, plus épais et dont les parties restent distinctement visibles. En quatrième lieu, les produits litigieux, contrairement au modèle, peuvent être fixés au mur ou recevoir un second écran. En conclusion, les défenderesses estiment que leurs produits présentent un aspect plus léger et plus moderne, et le modèle un aspect plus lourd et « rétro ». Réponse du tribunal 24. L'étendue de la protection d'un dessin ou modèle communautaire est régie par l'article 10 du règlement 6/2002, dans les termes suivants : « 1. La protection conférée par le dessin ou modèle communautaire s'étend à tout dessin ou modèle qui ne produit pas sur l'utilisateur averti une impression visuelle globale différente. 2. Pour apprécier l'étendue de la protection, il est tenu compte du degré de liberté du créateur dans l'élaboration du dessin ou modèle. » 25. L'article 8, paragraphe 1, du règlement précise que : « un dessin ou modèle communautaire ne confère pas de droits sur les caractéristiques de l'apparence d'un produit qui sont exclusivement imposées par sa fonction technique. ». 26. Interprétant cette disposition, la Cour de justice a dit pour droit que pour apprécier si des caractéristiques de l'apparence d'un produit sont exclusivement imposées par la fonction technique de celui-ci, il y a lieu d'établir que cette fonction est le seul facteur ayant déterminé ces caractéristiques, ce qui doit être fait au regard de toutes les circonstances objectives pertinentes de chaque cas d'espèce, sans se fonder sur la perception d'un « observateur objectif », et sans que l'existence de dessins ou modèles alternatifs soit déterminante (CJUE, 8 mars 2018, Doceram, C-395/16). Fonction technique du produit 27. Comme le relève la demanderesse, l'article 8, paragraphe 1 concerne la fonction technique du produit, et non la fonction technique de telle ou telle caractéristique prise isolément. Toutefois, pour apprécier la fonction technique du produit, il ne faut pas se limiter à une approche générique de la catégorie de produit pour laquelle le modèle est enregistré, à savoir au cas présent les « terminaux point de vente ». 28. En effet, en premier lieu, limiter de façon aussi réductrice la recherche de la fonction technique reviendrait à la limiter artificiellement à une seule circonstance objective du cas d'espèce, ce qui est précisément l'inverse de ce que la jurisprudence citée impose au juge national, et ce sans distinguer selon les différentes étapes de l'analyse. 29. En deuxième lieu, cela empêcherait de tenir compte d'une innovation apportée par un nouveau produit au sein de sa catégorie, ce qui permettrait alors de protéger une telle innovation par le droit des dessins ou modèles alors qu'elle relève du droit des brevets, ce qui est précisément ce que l'article 8, paragraphe 1 du règlement vise à empêcher, comme l'a rappelé la Cour de justice dans l'arrêt précité (CJUE, Doceram, C-395/16, points 29 et 30). 30. Il faut alors rechercher si la possibilité de plier le terminal de point de vente et d'orienter son écran fait partie de la fonction technique du produit en cause. Implicitement, la demanderesse estime qu'il s'agit d'un choix essentiellement esthétique, mais il n'est pas sérieusement contestable qu'il s'agit d'abord d'une fonction utile du produit, avant d'être une caractéristique visuelle. Cette fonction dépend d'une certaine modalité de construction : un produit ne peut être plié ou déformé que si sa construction le permet, selon des contraintes mécaniques, et plus généralement physiques. Il s'agit donc d'un effet technique, qui fait partie de la fonction technique du produit. C'est au demeurant ce qu'a considéré la Cour de justice, à propos du droit d'auteur, mais par un raisonnement analogue qui peut être transposé aux dessins ou modèles, estimant que la forme d'un vélo pliable, lui permettant d'occuper trois positions dont l'une le maintenait en équilibre sur le sol, était nécessaire à l'obtention d'un certain résultat technique (CJUE, 11 juin 2020, Brompton, C-833/18, points 27 à 33, et en particulier point 29). 31. La fonction technique du produit en cause inclut donc la possibilité de le plier jusqu'à un stade essentiellement plat, ou le déplier en orientant son écran. Caractéristiques exclusivement imposées par la fonction technique 32. La façon dont les parties ont découpé ou regroupé les caractéristiques visuelles du modèle ne lie pas le tribunal, qui est tenu de faire une analyse complète de ce modèle tel qu'il est enregistré. 33. Les parties n'apportent aucune explication quant aux motifs qui ont présidé au choix d'un bras articulé reliant deux éléments, mais il n'est pas contesté qu'un modèle antérieur d'ordinateur (catégorie générale à laquelle appartiennent les terminaux informatiques de point de vente comme le modèle en cause) présentait également cette configuration. Aucun autre facteur n'est invoqué, ni ne ressort du modèle ou de la façon dont il est utilisé, pour expliquer le choix de cette caractéristique. Or c'est elle qui permet de plier le produit et d'orienter l'écran. La fonction technique du produit est donc le seul facteur ayant déterminé la présence d'un bras articulé reliant deux éléments. 34. L'un de ces deux éléments est un écran, ce qui est évidemment nécessaire pour un terminal informatique. Le choix d'un écran plat, le plus fin possible, à la forme d'un quadrilatère régulier, est également purement fonctionnel. Il est notoire qu'un tel écran a besoin de composants électroniques qui peuvent être regroupés dans une partie plus épaisse à l'arrière de l'écran. Il est manifeste ici que l'existence de cette partie plus épaisse obéit exclusivement à cet impératif technique du produit, par un choix technique par défaut et non selon un motif non technique (et aucun motif n'est allégué). Est enfin fixé à l'arrière de l'écran un élément plus épais encore par lequel est fixé le bras articulé, et rien ne justifie sa présence hormis la nécessité de fixer celui-ci. Ainsi, la caractéristique tenant à la présence d'un écran plat, rectangulaire, avec une partie plus épaisse à l'arrière et un élément plus épais servant de fixation au bras articulé, est donc exclusivement imposée par la fonction technique du produit. 35. L'autre de ces deux éléments reliés par le bras est la base, ou socle ; son existence est également indispensable. Dans le modèle en cause, la base contient des composants informatiques, comme le révèle la présence de prises sur le côté, ce qui n'est pas nécessairement le fruit d'un choix fonctionnel. Le fait que cette base soit fine obéit en revanche à un objectif de gain de place qui est en soi un effet technique faisant partie de la fonction technique du produit. Cette base contient une partie plus épaisse à l'arrière, au niveau où est fixé le bras articulé. Le principe même d'un élément dans la base dont la taille permet la fixation du bras articulé n'obéit à aucun autre facteur que la fixation de ce bras, mais le fait que l'ensemble soit de deux épaisseurs différentes ne résulte pas exclusivement d'un motif purement technique. Dans le modèle en cause, la hauteur et la largeur de cette partie plus épaisse correspondent exactement à la taille de la base du bras ; sa longueur en revanche correspond certes à celle de la base du produit, mais il n'est pas évident que cette correspondance soit exclusivement imposée par la fixation du bras ou un autre effet technique. Ainsi, est exclusivement imposée par la fonction technique du produit la caractéristique tenant à la présence d'une base fine dont une partie permet de fixer le bras articulé. 36. Les autres caractéristiques visuelles du modèle, telles que la couleur, la forme du bras, du socle et des éléments de fixation, la taille de tous les éléments, l'emplacement des éléments techniques (notamment dans l'ensemble de la base ou seulement dans une partie de celle-ci) ne sont pas exclusivement imposées par la fonction technique du produit. Impression visuelle du modèle et des produits litigieux 37. Les caractéristiques écartées car purement techniques sont visuellement les plus marquantes dans le modèle en cause car elles conditionnent son aspect général (un écran plat articulé à un socle) ; à l'inverse, les caractéristiques sur lesquelles la protection peut être accordée relèvent du détail, et c'est donc de ce détail que dépend l'impression visuelle produite sur l'utilisateur averti. 38. Le degré de détail au regard duquel est produite l'impression visuelle dépend également du degré de liberté du créateur. Ici, cette liberté est encadrée par des contraintes de stabilité et de robustesse qui limitent la liberté quant à la taille et la forme du socle, du bras articulé et des éléments de fixation, et par des contraintes de confort d'utilisation, qui limitent la liberté du créateur quant à la taille de l'écran et l'amplitude que permet celle du bras articulé. 39. Dans ce cadre, et comme l'a relevé la division d'annulation de l'Office européen citée par les parties (9 juin 2022, no116 470), quoique sans identifier de caractéristiques purement techniques, l'utilisateur averti, dont par définition l'attention est élevée, remarquera les différences dans la façon dont les parties sont assemblées, fera attention au produit tant en position pliée que dépliée, et il remarquera l'aspect de l'ensemble du produit en comparant, lorsque c'est possible, directement les produits côte à côte. 40. Les 3 illustrations suivantes représentent le modèle (à gauche) et l'ancienne version du produit litigieux (à droite). Les illustrations proviennent de la saisie-contrefaçon ou des conclusions des sociétés Senor, qui en proposent des plus claires, dont la pertinence n'est pas contestée. a.côté droit (déplié) b.arrière gauche (déplié) Côté droit (plié) 41. Le produit litigieux et le modèle en cause ont ceci de commun qu'ils sont gris et noir ; cette couleur n'est pas en elle-même particulièrement notable dans le domaine, pour l'utilisateur averti, mais un point commun remarquable est le choix identique d'un aspect différent pour le haut de la partie technique arrière de l'écran : dans le modèle, le bas est gris clair comme le reste de l'ensemble et une bande en haut est gris plus sombre, tandis que dans le produit litigieux, le bas est noir comme le reste de l'ensemble et une bande en haut est plus sombre ou plus brillante (ce qui se voit sur les trois illustrations ci-dessus). 42. Pour le reste, l'utilisateur averti remarquera que la base du modèle est assez épaisse pour contenir de l'électronique, comme le révèle la présence d'une prise sur chaque côté, tandis que dans le produit litigieux, le socle n'est qu'une plaque rigide, et l'électronique est rassemblé sous le cache noir occupant un peu plus d'un tiers de la surface, au fond. Cette différence, notable, est renforcée par le fait que la différence d'épaisseur à l'arrière de la base du modèle se trouve tout près du fond, la partie plus épaisse occupant ainsi une part minime de l'ensemble de la surface de la base, tandis que dans le produit litigieux, la différence d'épaisseur a lieu près du milieu de la longueur. Cette différence de niveau est, également, plus faible, ce qui, associé à la faible épaisseur du socle lui-même, donne à l'ensemble de la base du produit litigieux une impression d'épaisseur plus faible que celle du modèle. Enfin, la base du produit litigieux est arrondie à l'arrière. 43. L'élément de fixation du bras à l'arrière de l'écran du modèle est beaucoup plus épais que dans le produit litigieux, où il est peu visible. 44. Le bras lui-même, qui est de section rectangulaire dans le produit litigieux, ne l'est pas dans le modèle, contrairement à ce qu'affirme la demanderesse : en effet, comme le révèlent les images 4 et 5 au point 17 ci-dessus, la surface inférieure du bras contient une partie bombée. Par ailleurs, les deux extrémités du bras du produit litigieux sont arrondies, contrairement à celles du modèle qui sont à angle droit, ce qui se conjugue avec l'arrondi identique de l'arrière de la base pour renforcer l'impression qui s'en dégage. 45. Enfin, en raison de l'épaisseur plus importante de sa base, le modèle replié est plus épais que le produit litigieux, ce qui est particulièrement visible sur l'image 4 au point 17 ci-dessus : l'écran est posé sur la partie la plus épaisse de la base et ne peut donc descendre plus bas, ce qui laisse un vide au-dessus du reste de la base, et les différents éléments ne s'emboitent pas directement. À l'inverse, dans le produit litigieux, l'arrière de l'écran et la partie plus épaisse de la base s'imbriquent, et il n'y a (presque) pas de vide quand le produit est entièrement replié. 46. Ainsi, une fois fait abstraction des caractéristiques déterminées exclusivement par la fonction technique du produit, et en tenant compte du degré de liberté de création du créateur, le modèle en cause et les produits litigieux ont peu de points communs, et se distinguent par plusieurs éléments, qui pouvaient certes passer pour des détail de prime abord, mais qui dans la présente espèce s'avèrent les seuls à pouvoir déterminer l'impression d'ensemble et se révèlent déterminants dans ce cadre. Il en résulte que ces produits produisent sur l'utilisateur averti une impression visuelle d'ensemble différente de celle des modèles. 47. A fortiori, la nouvelle version des produits litigieux, qui se distingue encore davantage du modèle par la présence de deux encoches latérales dans le socle, produit également une impression visuelle globale différente. 48. En définitive, la demande de la société Senor revient à protéger en soi le fait d'adopter dans des formes usuelles (écran rectangulaire, couleurs gris et noir, éléments fins) un mécanisme articulé où l'écran, relié à un socle par un bras unique, peut s'orienter aisément jusqu'à se plier complètement ou presque sur le socle, ce qui n'est pas l'objet du droit des dessins ou modèles. 49. Par conséquent, l'ensemble des demandes, toutes fondées sur la contrefaçon de modèle, sont rejetées. III . Dispositions finales 50. Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. L'article 700 du même code permet au juge de condamner en outre la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre, pour les frais exposés mais non compris dans les dépens, une somme qu'il détermine, en tenant compte de l'équité et de la situation économique de cette partie. 51. La société Aurès perd le procès, elle est donc tenue aux dépens ; en équité, et en tenant compte de ce que les défenderesses perdent également en leur demande reconventionnelle, elle doit indemniser les sociétés Senor à hauteur de 15 000 euros et la société Périmatic à hauteur de 4 000 euros. 52. Rien ne justifie au cas présent d'écarter l'exécution provisoire, qui est de droit. PAR CES MOTIFS Le tribunal : Rejette la demande reconventionnelle en nullité de la saisie-contrefaçon ; Rejette l'ensemble des demandes de la société Aurès technologie Condamne cette société aux dépens ainsi qu'à payer 15 000 euros aux sociétés Senor et 4 000 euros à la société Perimatic au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Fait et jugé à Paris le 02 juin 2023 Le Greffier La Présidente Quentin CURABET Irène BENAC
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MINUTE No 22/785 NOTIFICATION : Copie aux parties Clause exécutoire aux : - parties non représentées Le Greffier REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS COUR D'APPEL DE COLMAR CHAMBRE SOCIALE - SECTION SB ARRET DU 13 Octobre 2022 Numéro d'inscription au répertoire général : 4 SB No RG 20/01746 - No Portalis DBVW-V-B7E-HLC5 Décision déférée à la Cour : 15 Juin 2020 par le Pôle social du Tribunal Judiciaire de MULHOUSE APPELANTE : Société CHARLES SCHOENENBERGER, [Adresse 1] [Localité 3] Représentée par Me Denis MARTINEZ, avocat au barreau de MARSEILLE CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU HAUT-RHIN [Adresse 2] [Localité 3] Dispensée de comparution COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Juin 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme ARNOUX, Conseiller, chargée d'instruire l'affaire. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre, Mme ARNOUX, Conseiller Mme HERY, Conseiller qui en ont délibéré. Greffier, lors des débats : Mme WALLAERT, Greffier - contradictoire - prononcé par mise à disposition au greffe par Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre, - signé par Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre, et Mme WALLAERT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. FAITS ET PROCEDURE Le 20 mars 2018, M. [L] [H] a été victime d'un accident sur son lieu de travail. Une déclaration d'accident de travail a été complétée par l'employeur le 23 mars 2018. Le 05 avril 2018, la caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin a reconnu le caractère professionnel de l'accident. Le 06 juin 2018, la société Charles Schoenenberger a contesté cette décision auprès de la commission de recours amiable de la caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin. En l'absence de réponse dans le délai d'un mois, la société Charles Schoenenberger a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS) du Haut-Rhin le 22 août 2018. Suivant jugement en date du 15 juin 2020, le tribunal judiciaire de Mulhouse-pôle social, remplaçant le TASS, a : - déclaré recevable le recours introduit par la société Charles Schoenenberger à l'encontre du rejet implicite de la commission de recours amiable de la caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin, - déclaré opposable à l'employeur la reconnaissance de l'accident du travail du 20 mars 2018 survenu à M. [L] [H], - dit qu'il n'y a pas lieu à expertise, - déclaré la décision de la caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin du 05 avril 2018 concernant la prise en charge au titre de la législation professionnelle de l'accident du travail opposable à la société Charles Schoenenberger, - dit que les lésions, soins et arrêts de travail pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin jusqu'au 22 juillet 2018 sont opposables à la société Charles Schoenenberger, - dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens. La société Charles Schoenenberger a interjeté appel du jugement le 25 juin 2020. L'affaire a été fixée à l'audience du 16 juin 2022. La société Charles Schoenenberger reprend oralement ses conclusions visées le 06 septembre 2021 aux termes desquelles il est demandé d'infirmer le jugement rendu et de : *à titre principal, dire et juger que la décision prise par la caisse de reconnaître le caractère professionnel de l'accident lui est inopposable, les dispositions des articles R441-11 et R441-14 du code de la sécurité sociale n'ayant pas été respectées, *à titre subsidiaire, dire et juger que la décision lui est inopposable, la preuve de la matérialité des faits n'étant pas rapportée, *à titre infiniment subsidiaire, dire et juger que la demande d'expertise médicale est justifiée et par conséquent désigner un médecin expert avec pour mission de : - convoquer contradictoirement les parties, - se faire transmettre tous les éléments médicaux du dossier de M. [L] [H] par la caisse primaire qui ne pourra lui opposer le secret professionnel, - déterminer l'existence d'une éventuelle pathologie antérieure, - déterminer la durée des arrêts de travail en relation directe avec l'accident du travail du 20 mars 2018. La caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin, dispensée de comparution, se réfère à son écrit du 06 octobre 2021, visé le 14 octobre 2021. Il est sollicité : - la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions, - de dire et juger que la décision de la caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin de prendre en charge, au titre de la législation professionnelle, l'accident survenu le 20 mars 2018 à M. [L] [H] est opposable à la société Charles Schoenenberger, - de dire et juger que la décision de la caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin de prendre en charge au titre de la législation professionnelle, les soins et arrêts de travail consécutifs à l'accident du travail survenu le 20 mars 2018 à M. [L] [H] est opposable à la société Charles Schoenenberger jusqu'à la date de guérison de l'état de santé de l'assuré fixé au 22 juillet 2018, - de débouter la société Charles Schoenenberger de sa demande d'expertise, - de débouter la société Charles Schoenenberger de l'ensemble de ses prétentions. Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux dernières conclusions précédemment visées en application de l'article 455 du code de procédure civile. Interjeté dans les forme et délai légaux, l'appel est recevable. Sur le respect du principe du contradictoire L'article R441-10 du code de la sécurité sociale prévoit que la caisse dispose d'un délai de 30 jours à compter de la date à laquelle elle a reçu la déclaration d'accident et le certificat médical initial pour statuer sur le caractère professionnel de l'accident. Aux termes de l'article R441-11 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au litige issue du décret no2009-938 du 29 juillet 2009, en cas de réserves motivées de la part de l'employeur ou si elle l'estime nécessaire, la caisse envoie avant sa décision à l'employeur et à la victime d'un accident de travail ou d'une maladie professionnelle un questionnaire portant sur les circonstances de l'accident ou de la maladie professionnelle ou procède à une enquête auprès des intéressés. En l'espèce, la société Charles Schoenenberger soutient ne pas avoir émis de réserves immédiatement car le chantier était éloigné du siège social et qu'il lui a fallu un « certain temps pour reconstituer les événements ». Un courrier a été adressé à la caisse dans le délai de 30 jours (délai initial d'instruction). La décision de la caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin lui a été notifiée le 09 avril alors que la lettre de réserve a pu être réceptionnée avant la prise de décision. Le courrier de réserves dont se prévaut l'employeur est parvenu à la caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin le 12 avril 2018 alors que la décision de prise en charge a été notifiée le 06 avril 2018 et réceptionnée le 09 avril 2018. Il convient de s'attacher à la date à laquelle la caisse a envoyé la notification et non à celle de la réception par l'employeur ; il faut vérifier si la caisse a adressé sa décision dans le délai de 30 jours ouvrables. La caisse primaire d'assurance maladie produit la notification de sa décision adressée par lettre recommandée avec avis de réception, dont elle justifie du dépôt à la poste le 06 avril 2018 et de la réception par signature de l'avis de réception le 09 avril 2018. L'employeur produit uniquement la lettre de réserves en date du 05 avril 2018 avec la mention manuscrite LRAR 1A 1495404476 8. Ce seul élément ne suffit pas à établir que les réserves ont été réceptionnées avant la prise de décision. Le certificat médical en date du 20 mars 2018 décrivant les lésions a été produit et la caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin estimant disposer d'éléments suffisants n'a pas procédé à une mesure d'instruction complémentaire. Dès lors que la déclaration d'accident de travail n'est pas accompagnée de réserves, la caisse est en mesure de décider d'une prise en charge d'emblée, sans être tenue de recourir à une mesure d'instruction ou de produire l'avis du médecin conseil. Le moyen d'inopposabilité a donc à bon droit été rejeté par les premiers juges, la caisse n'ayant pas méconnu le principe du contradictoire. Sur la matérialité de l'accident du travail Aux termes des dispositions de l'article L411-1 du code de sécurité sociale, «est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise». Selon la société Charles Schoenenberger la matérialité de l'accident n'est pas établie car la caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin ne rapporte pas la preuve lui incombant à savoir un faisceau d'indices graves et concordants : aucun témoin n'a assisté au fait accidentel ; il y avait un échafaudage sur le chantier loin du point de glissade ; les faits relatés par le salarié ne sont pas en rapport avec la réalité ; il pratique une activité sportive entraînant couramment des fractures du pouce (boxe) ; il a pratiqué des activités sportives les 29 avril et 03 mai 2018. En l'espèce, le 23 mars 2018, l'employeur a établi une déclaration d'accident du travail en ces termes «le salarié a déclaré « était en train de se déplacer sur la toiture terrasse pour prendre une photo, lorsqu'il a glissé sur une plaque de verglas et s'est fait mal au pouce en tombant au sol contre une barre d'échafaudage». L'accident est survenu au temps et au lieu du travail, soit le 20 mars 2018 à 7h30 (l'horaire de travail du salarié déclaré par l'employeur étant le matin de 7h30 à 12h), alors que le salarié se trouvait à son poste de travail sur un chantier de l'entreprise. Le certificat médical initial, établi le 20 mars 2018, le jour même de l'accident par le Centre hospitalier de [Localité 4], constate « main gauche : fracture luxation fermée du métacarpe du pouce » en cohérence avec la description des faits et le siège et la nature des lésions rapportés par le salarié à l'employeur le 20 mars 2018 à 8h dans un temps proche de l'accident (cf déclaration d'accident du travail). Les premiers juges ont par ailleurs relevé avec pertinence que les éléments avancés par la société Schoenenberger -lesquels sont repris en appel- ne sont pas probants et ne constituent pas un commencement de preuve de nature à démontrer que tout ou partie des lésions a une cause totalement étrangère au travail. En conséquence les premiers juges ont à bon droit retenu que la matérialité de l'accident du travail est établie et que les lésions dont souffre M. [L] [H] sont bien imputables à l'accident. Sur la contestation de la durée des arrêts de travail et des soins La société Charles Schoenenberger, au motif qu'elle n'a pas accès au dossier médical, s'interroge sur le bien fondé des arrêts de travail, ajoutant qu'un arrêt de plus de 150 jours paraît excessif pour une simple foulure du pouce ou même une fracture. A ce titre, il est sollicité une expertise médicale. En application de l'article L411-1 du code de la sécurité sociale, la présomption d'imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d'un accident du travail, dès lors qu'un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial d'accident du travail est assorti d'un arrêt de travail, s'étend pendant toute la durée d'incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l'état de la victime, et il appartient à l'employeur, dans ses rapports avec la caisse, dès lors que le caractère professionnel de l'accident est établi de prouver que les lésions invoquées / les soins prodigués ont une cause totalement étrangère au travail. Dès lors qu'un accident du travail est établi, la présomption d'imputabilité trouve à s'appliquer dans la mesure où la caisse justifie du caractère ininterrompu des arrêts de travail et soins y faisant suite. La demande d'expertise sollicitée par l'employeur a été rejetée par les premiers juges rappelant cette présomption. A hauteur d'appel, l'employeur n'apporte aucun élément nouveau justifiant qu'il soit fait droit à sa demande d'expertise alors que la caisse établit la continuité des symptômes et des soins depuis l'accident le 20 mars 2018 jusqu'à la date de guérison fixée au 22 juillet 2018 par le médecin conseil près la caisse comme l'ont relevé les premiers juges. Par conséquent, il s'impose sans recourir à une mesure d'expertise de confirmer le jugement entrepris qui a déclaré opposable à la société Charles Schoenenberger la décision de la caisse primaire d'assurance maladie de prendre en charge au titre du risque professionnel outre l'accident dont a été victime M. [L] [H], les soins et arrêts de travail consécutifs. Sur les dépens Le jugement entrepris est confirmé en ce qu'il a dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens. Succombant à hauteur d'appel, la société Charles Schoenenberger est condamnée aux dépens d'appel. PAR CES MOTIFS LA COUR, statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la Loi, DECLARE recevable l'appel interjeté par la société Charles Schoenenberger ; CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ; Y ajoutant : REJETTE la demande d'expertise sollicitée à titre subsidiaire par la société Charles Schoenenberger ; CONDAMNE la société Charles Schoenenberger aux dépens de la procédure d'appel. Le Greffier,Le Président,
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Numéro 22/03598 COUR D'APPEL DE PAU 1ère Chambre ORDONNANCE du 12 octobre 2022 Dossier : No RG 22/01841 - No Portalis DBVV-V-B7G-IIEI S.A.R.L. SOKOA PISCINE S.A. AXA FRANCE IARD - O R D O N N A N C E - Nous, Caroline DUCHAC, magistrate de la mise en état de la 1ère Chambre de la cour d'appel de PAU, Assistée de Sylvie HAUGUEL, greffière. Vu la procédure d'appel : S.A.R.L. SOKOA PISCINE [Adresse 3] [Adresse 3] Représentée par Maître L'HOIRY de la SELARL L'HOIRY & VELASCO, avocat au barreau de BAYONNE S.A. AXA FRANCE IARD [Adresse 2] [Adresse 2] Représentée par Maître IRIART, avocat au barreau de PAU Madame [B] [R] [Adresse 1] [Adresse 1] Vu le jugement rendu le 2 mars 2022 par le tribunal judiciaire de BAYONNE dans un litige opposant : - Mme [B] [R] - la SARL SOKOA PISCINE - la SA AXA FRANCE IARD Vu la déclaration d'appel formée le 30 juin 2022 par le conseil de la SARL SOKOA PISCINE, intimant les autres parties au litige. Mme [B] [R] n'a pas constitué avocat. Vu l'avis de caducité de la déclaration d'appel adressé par message RPVA du 16 septembre 2022, demandant à l'appelante de présenter ses observations écrites relativement à l'absence de signification de sa déclaration d'appel à Mme [B] [R], intimée non constituée. Vu l'absence de réponse. Vu les articles, 902 et 911-1 du code de procédure civile : Vu l'article 553 du code de procédure civile; L'article 902 du code de procédure civile dispose qu'à « A peine de caducité de la déclaration d'appel relevée d'office, la signification doit être effectuée dans le mois de l'avis adressé par le greffe ». L'appel a été interjeté le 30 juin 2022. L'avis d'avoir à signifier la déclaration d'appel a été adressé par le greffe à l'appelante le 2 août 2022. L'appelante disposait jusqu'au 2 septembre 2022 pour signifier sa déclaration d'appel à Mme [B] [R] qui n'a pas constitué avocat. Elle ne justifie pas de cette signification. Suivant les dispositions de l'article 553 du code de procédure civile " en cas d'indivisibilité à l'égard de plusieurs parties, l'appel de l'une produit effet à l'égard des autres même si elles ne se sont pas jointes à l'instance. L'appel formé contre l'une n'est recevable que si toutes sont appelées à l'instance" ; Le litige en l'espèce n'est pas indivisible. La caducité ne sera prononcée qu'à l'égard de l' intimée non constituée. PAR CES MOTIFS Nous, Caroline DUCHAC, magistrate de la mise en état de la première chambre, DÉCLARONS caduque la déclaration d'appel formée le 30 juin 2022 par le conseil de la SARL SOKOA PISCINE contre le jugement rendu par le tribunal judiciaire de BAYONNE le 2 mars 2022, mais seulement en ce qu'elle est dirigée contre Mme [B] [R] ; RAPPELONS que cette ordonnance peut être déférée à la cour, dans les conditions de l'article 916 alinéa 2 du code de procédure civile ; DISONS que la présente décision sera notifiée par le greffe, aux représentants des parties, par voie électronique, Fait à Pau, le 12 octobre 2022 LA GREFFIÈRE, LA MAGISTRATE CHARGÉE DE LA MISE EN ETAT Sylvie HAUGUELCaroline DUCHAC
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MINUTE No 22/786 NOTIFICATION : Copie aux parties Clause exécutoire aux : - parties non représentées Le Greffier REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS COUR D'APPEL DE COLMAR CHAMBRE SOCIALE - SECTION SB ARRET DU 13 Octobre 2022 Numéro d'inscription au répertoire général : 4 SB No RG 21/00491 - No Portalis DBVW-V-B7F-HPL2 Décision déférée à la Cour : 16 Décembre 2020 par le Pôle social du Tribunal Judiciaire de STRASBOURG APPELANTE : CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU BAS-RHIN Service contentieux [Adresse 1] [Localité 3] Comparante en la personne de Mme [D] [X], munie d'un pouvoir Société IDEA SERVICE [Adresse 2] [Localité 4] Représentée par Me Florent LABRUGERE, avocat au barreau de LYON COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Juin 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme ARNOUX, Conseiller, chargée d'instruire l'affaire. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre, Mme ARNOUX, Conseiller Mme HERY, Conseiller qui en ont délibéré. Greffier, lors des débats : Mme WALLAERT, Greffier - contradictoire - prononcé par mise à disposition au greffe par Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre, - signé par Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre, et Mme WALLAERT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. FAITS ET PROCEDURE Mme [B] [S], ouvrière au sein de la SAS Idea Service a été victime d'un accident de travail le 28 février 2013, lui ayant entraîné une fracture du poignet gauche. La Société Idea Service a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS) du Bas-Rhin le 7 septembre 2017 suite à la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable de la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin, qui n'a pas répondu à son recours introduit le 7 juin 2017 pour contester l'imputabilité à l'accident des arrêts de travail et soins pris en charge par la caisse. Suivant jugement en date du 14 novembre 2018, le tribunal a ordonné une expertise sur pièces confiée au Dr [I]. Suivant jugement en date du 16 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Strasbourg-pôle social, remplaçant le TASS, a : - déclaré recevable le recours de la SAS Idea Service, - déclaré inopposable à la SAS Idea Service la décision de la caisse primaire d'assurance maladie de prendre en charge au titre de la législation professionnelle, l'accident dont a été victime Mme [B] [S] le 28 février 2013, - condamné la caisse primaire d'assurance maladie à la prise en charge des frais d'expertise du Dr [I] et aux entiers frais et dépens. La caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin a interjeté appel du jugement par lettre recommandée expédiée le 26 janvier 2021. L'affaire a été fixée à l'audience du 16 juin 2022. La caisse primaire d'assurance maladie reprend oralement ses conclusions adressées au greffe le 1er avril 2021 et demande à la cour : - d'infirmer le jugement en date du 16 décembre 2020, - de déclarer les arrêts de travail et soins pris en charge au titre de l'accident du travail du 01/03/2013 au 28/02/2014 de Mme [S] pleinement opposables à la société Idea Service, - de dire et juger que le rapport d'expertise du Dr [I] n'était pas nécessaire et n'apporte nullement la preuve d'une cause étrangère au travail ou d'un état pathologique antérieur étant à l'origine de la prise en charge des arrêts et soins consécutivement à l'accident du 01/03/2013 au 28/02/2014, - de condamner la société Idea Service aux entiers frais et dépens. La Société Idea Service reprend oralement ses conclusions adressées au greffe le 16 septembre 2021 et demande à la cour : - à titre principal de constater que la caisse primaire d'assurance maladie n'a pas accompli les diligences qui lui incombaient lors de l'expertise ordonnée par le tribunal judiciaire, - confirmer le jugement au motif que la caisse primaire d'assurance maladie n'a pas accompli les diligences qui lui incombaient afin d'apporter son concours à la mission impartie à l'expert, - juger que les arrêts de travail et soins et autres conséquences exclusivement imputables à l'accident du travail déclaré par Mme [S] sont inopposables, - condamner la caisse primaire d'assurance maladie à prendre en charge l'intégralité des frais d'expertise, - rembourser l'avance des frais supportés par la Société Idea Service, - à titre subsidiaire d'ordonner une nouvelle mesure d'expertise, juger que les opérations d'expertise devront se réaliser uniquement sur pièces, ordonner la communication de l'entier dossier médical de Mme [S] par la caisse primaire d'assurance maladie au Dr [R] médecin consultant de la société Idea Service et juger que les frais d'expertise seront entièrement mis à la charge de la caisse primaire d'assurance maladie. Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux dernières conclusions précédemment visées en application de l'article 455 du code de procédure civile. Le jugement entrepris, rendu le 16 décembre 2020 par le tribunal judiciaire de Strasbourg, a été notifié par les soins du greffe le 6 janvier 2021 à la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin qui l'a reçu le 7 janvier 2021. Interjeté dans les forme et délai légaux, l'appel est recevable. Aux termes des dispositions de l'article L411-1 du code de sécurité sociale, «est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise». En l'espèce la caisse primaire d'assurance maladie rappelle que la présomption d'imputabilité édictée par l'article L411-1 du code de la sécurité sociale couvre l'ensemble des prestations servies jusqu'à la consolidation ou guérison. A cet effet, elle produit les arrêts de travail et prolongations du 01/03/2013 au 28/02/2014, date du certificat médical final, et précise que la consolidation a été fixée au 1er mars 2014. Au regard de la continuité des soins et arrêts, la prise en charge est, selon elle, justifiée. Pour sa part, la Société Idea Service fait observer que Mme [S] a bénéficié de 365 jours d'arrêt de travail suite à une fracture du poignet, alors que la durée moyenne est de 7 à 77 jours en fonction du travail de l'intéressé et du traitement médical. Elle s'interroge que les causes de ces prolongations pouvant être en lien avec une nouvelle lésion ou pathologie préexistante sans rapport avec l'accident initial et relève que l'expert n'a pas été en mesure de répondre à sa mission au regard des pièces produites par la caisse primaire d'assurance maladie à savoir attestation de versement des indemnités journalières et avis du médecin conseil. Il résulte des éléments du dossier que la déclaration d'accident de travail établie par l'employeur mentionne «en se dirigeant vers les toilettes, Mme [S] a glissé et est tombée sur le bras - fracture». Une expertise a été ordonnée avant dire droit par les premiers juges, qui ont relevé que la caisse ne produisait aucun certificat médical de prolongation permettant d'attester de la continuité des soins. L'expert estimant le dossier «très insuffisant pour statuer» n'a pas répondu à la mission qui lui était confiée compte tenu des pièces transmises par la caisse à savoir : attestation de versement des indemnités journalières et avis du médecin conseil. La Société Idea Service produit un avis médico-légal du Dr [R] en date du 11 juin 2021 qui déclare être « incapable de rendre un avis précis en raison de l'insuffisance de notre information rendant une analyse médico-légale impossible. En effet : 1. La longueur de l'arrêt paraît nettement disproportionnée compte tenu de la lésion initiale décrite, savoir une fracture de l'extrémité distale du radius gauche, après chute de sa hauteur, sans notion de complication [?] Une telle fracture justifie un arrêt de travail de 6 à 12 semaines, selon le traitement chez un travailleur manuel [?] Nous n'avons aucune précision sur le traitement entrepris [...] 2 Les arrêts de travail sont renouvelés toutes les 4 à 6 semaines par des certificats reproduisant la mention du CMI, sans autre précision [...], ne permettant pas d'apprécier l'évolution. [...] 3 Nous sommes donc dans la même situation que l'expert qui conclut «dossier très insuffisant pur statuer» ce qui nous ne pouvons que confirmer ». Or par application de l'article L411-1 susvisé, la présomption d'imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d'un accident du travail s'étend pendant toute la durée d'incapacité de travail précédent soit la guérison complète, soit la consolidation de l'état de la victime, et il appartient à l'employeur, dès lors que le caractère professionnel de l'accident est établi ou n'est pas contesté, dans ses rapports avec la caisse, de prouver que les lésions invoquées ont une cause étrangère au travail. Dès lors que la déclaration d'accident de travail n'est pas accompagnée de réserves, la caisse est en mesure de prendre une décision de prise en charge sans être tenue de recourir à une mesure d'instruction ou de produire l'avis du médecin conseil. En conséquence, les lésions dont souffre Mme [S] sont présumées imputables au travail ; du reste la matérialité de l'accident du travail n'a jamais été discutée. Le certificat médical initial en date du 1er mars 2013 établi par le Dr [C] [N] chirurgie de la main/microchirurgie et qui prescrit un arrêt de travail jusqu'au 30 avril 2013, mentionne une fracture du poignet gauche. Cette constatation figure sur les arrêts de prolongation désormais produits par la caisse des 11 avril, 28 mai, 25 juin, 12 août, 13 septembre, 31 octobre, 31 décembre 2013 et 28 février 2014. Les indemnités journalières ont été versées sans discontinuer du 01/03/2013 au 28/03/2013 et du 29/03/2013 au 28/02/2014 au titre de l'accident du travail du 28 février 2013. Aucun élément n'est apporté tant par le Dr [I] que par la Société Idea Service démontrant que les arrêts de travail ont pour origine une cause étrangère au travail ou sont exclusivement liés à un état pathologique antérieur. Dans ces conditions, étant relevé que l'employeur ne fait état d'aucun élément contredisant le lien entre les soins et arrêts et l'accident, les arrêts de travail et soins pris en charge au titre de l'accident du travail du 01/03/2013 au 28/02/2014 de Mme [S] sont opposables à la société Idea Service sans qu'il soit nécessaire d'ordonner une nouvelle expertise médicale, qui serait superfétatoire en l'espèce. Le jugement entrepris sera par conséquent infirmé en ce qu'il a déclaré inopposable à la société Idea Service la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de l'accident dont a été victime Mme [S]. Compte tenu de la teneur de la présente décision, les dépens d'appel seront à la charge de la Société Idea Service. le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a condamné la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin à prendre en charge les frais d'expertise du Dr [I] ; ceux-ci seront à la charge de la société Idea Service ainsi que les dépens de première instance. PAR CES MOTIFS La Cour, statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la Loi, DECLARE recevable l'appel interjeté par la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin ; INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a dit recevable le recours de la Société Idea Service ; Statuant à nouveau et y ajoutant : DECLARE opposable à la Société Idea Service la décision de la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin de prendre en charge au titre de la législation professionnelle les arrêts de travail et soins du 1er mars 2013 au 28 février 2014 consécutifs à l'accident du travail dont a été victime Mme [B] [S] le 28 février 2013 ; CONDAMNE la Société Idea Service à prendre en charge les frais d'expertise du Dr [I] ; CONDAMNE la Société Idea Service aux dépens de première instance et d'appel. Le Greffier,Le Président,
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COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE 3o Chambre A ARRÊT AU FOND DU 22 NOVEMBRE 2007 No 2007/523 Rôle No 05/19790 MAIF MUTUELLE ASSURANCE DES INSTITUTEURS DE FRANCE Grosse délivrée Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance de TARASCON en date du 08 Septembre 2005 enregistré au répertoire général sous le no 05/847. S.A. MAIF MUTUELLE ASSURANCE DES INSTITUTEURS DE FRANCE, demeurant [Adresse 4] représentée par la SCP BLANC AMSELLEM-MIMRAN CHERFILS, avoués à la Cour, assistée de Me Philippe MAIRIN, avocat au barreau de TARASCON Madame [S] [O] née le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 3] ([Localité 3]), demeurant [Adresse 2] représentée par la SCP DE SAINT FERREOL - TOUBOUL, avoués à la Cour, assistée de Me Edgard ABELA, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE COMPOSITION DE LA COUR L'affaire a été débattue le 10 Octobre 2007 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Nouveau Code de Procédure Civile, Monsieur Dominique PRONIER, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries. La Cour était composée de : Monsieur Dominique PRONIER, Président, rédacteur Monsieur André TORQUEBIAU, Conseiller Madame Chantal ACQUAVIVA, Conseiller qui en ont délibéré. Greffier lors des débats : Mademoiselle Véronique PELLISSIER. Contradictoire, Prononcé en audience publique le 22 Novembre 2007 par Monsieur Dominique PRONIER. Signé par Monsieur Dominique PRONIER, Président et Mademoiselle Véronique PELLISSIER, greffier présent lors du prononcé. EXPOSE DU LITIGE : Mme [O] est propriétaire d'une maison située à [Adresse 2]. Mme [O] a déclaré un sinistre catastrophe naturelle à son assureur, la Société MAIF, lequel a missionné un expert. Le 10 janvier 2003, la Société MAIF a offert une indemnité, qui a été refusée. M. [G] a été désigné en qualité d'expert. Il a déposé son rapport le 30 octobre 2004. Mme [O] a assigné la Société MAIF en paiement de sommes. Par un jugement en date du 8 septembre 2005, le Tribunal de Grande Instance de TARASCON a condamné la Société MAIF à payer 360.256,51 Euros, déduction à faire de la provision déjà payée (5.000 Euros) et de la franchise (228,67 Euros) avec intérêts au taux légal à compter du 29 mars 2001 au titre de la reprise des désordres, ordonné la capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 du Code civil, débouté Mme [O] pour le surplus, dit que Mme [O] devra produire à la MAIF à compter de la présente décision, dans un délai de huit mois, les factures de gros-oeuvre et un an après, dans un délai de quatre mois, les factures de réparation des conséquences, sous astreinte de 30 Euros par jour de retard passé ces délais et débouté Mme [O] de sa demande au titre du préjudice de jouissance. La Société MAIF a interjeté appel le 14 octobre 2005. Vu le jugement en date du 8 septembre 2005 ; Vu les conclusions de Mme [O] en date du 19 juillet 2007 ; Vu les conclusions de la Société MAIF en date du 30 août 2007 ; Attendu que la régularité formelle de la procédure en appel n'étant pas contestée, il sera directement statué sur le fond de l'affaire ; Sur les demandes formées par Mme [O] à l'encontre de la Société MAIF au titre de la catastrophe naturelle : Attendu que, selon l'article L 125-1 du Code des assaurances, sont considérés comme les effets des catastrophes naturelles, les dommages matériels directs non assurables ayant eu pour cause déterminante l'intensité anormale d'un agent naturel, lorsque les mesures habituelles à prendre pour prévenir ces dommages n'ont pu empêcher leur survenance ou n'ont pu être prises ; Attendu que M. [G] a relevé que "les désordres affectent toutes les parties de la maison : ils sont maximum dans l'aile Sud, puis vont en s'amenuisant en nombre et en gravité au fur et à mesure que l'on progresse vers la partie Ouest. Ils se manifestent sous forme de fissures et lézardes qui désorganisent gravement la maçonnerie notamment pour la partie Sud abritant le séjour" ; Attendu que, recherchant l'origine des désordres, M. [G] a indiqué que "l'apparition des désordres est consécutive aux phénomènes de variation de volume des couches limono-argileuses sous l'effet des variations de teneur en eau" et conclu que "globalement, ce sinistre relève bien du cadre de la garantie CAT-NAT sécheresse" ; Attendu que M. [G] a précisé qu'un arrêté de CAT-NAT sécheresse avait été publié au JO du 29 décembre 2000 ; Attendu, dans ces conditions, que la Société MAIF doit sa garantie, ce qu'elle ne conteste pas ; Attendu que M. [G] a préconisé une reprise en sous-oeuvre par micro pieux de l'ensemble de la construction et chiffré le coût des travaux à 361.000 Euros TTC, frais de maîtrise d'oeuvre inclus ; Attendu que la Société MAIF conteste cette préconisation en se fondant sur un devis établi par la Société ETS chiffrant les travaux de reprise à 207.343 Euros TTC ; Attendu que ce devis ETS ne correspond pas à l'ensemble des préconisations de M. [G], mais concerne une reprise partielle ; Attendu que, dans un dire adressé à M. [G], le 21 décembre 2004, le conseil de la Société MAIF indique que "ma cliente (MAIF) rappelle qu'il est possible de ne pas exécuter une reprise en sous-oeuvre au droit de la partie du garage, mais au contraire la désolidariser du bâtiment principal" ; Attendu que M. [G] a écarté une reprise partielle "pour deux raisons essentielles, d'une part, parce que la généralisation des désordres le justifie, d'autre part, parce qu'une reprise partielle qui laisserait de côté la seule zone garage/cave conduirait inévitablement à provoquer des désordres sur celle-ci, compte tenu de l'imbrication de la partie cuisine/buanderie/cave/garage" ; Attendu, dans ces conditions, que la Société MAIF ne démontre pas, au contraire, que la solution d'une reprise partielle soit techniquement possible et opportune ; Attendu, en revanche, que Mme [O] démontre bien que la solution d'une reprise en sous-oeuvre de l'ensemble de la construction est la seule solution techniquement envisageable ; Attendu que la complexité des travaux impose de recourir aux services d'un maître d'oeuvre ; Attendu, dès lors, que la Cour adopte les préconisations de M. [G] et retient son estimation HT du coût des travaux ; Attendu que M. [G] a appliqué un taux de TVA de 5,5 % ; Attendu que Mme [O] soutient que le taux de TVA applicable, s'agissant d'une reprise globale en sous-oeuvre, est de 19,60 % ; Attendu que la Société MAIF conteste l'application de ce taux ; Attendu que l'article 279-0 bis du Code général des impôts exclut du taux réduit de la TVA les travaux qui, portant sur des immeubles existants, ont pour effet de rendre à l'état neuf la majorité des fondations ; Attendu que tel est le cas en l'espèce s'agissant de travaux de reprise en sous-oeuvre ayant pour objet de renforcer et de consolider l'ensemble des éléments de fondations existants ; Attendu, donc, que les travaux n'ayant pas été réalisés à ce jour et ce, en raison de l'appel interjeté par la Société MAIF, il y a lieu de retenir l'application d'une TVA au taux de 19,60 % ; Attendu, dans ces conditions, que la Société MAIF sera donc condamnée à payer à Mme [O] la somme de (travaux estimation M. [G] : 325.214,72 HT + TVA 19,60 % : 63.742,09 + frais de maîtrise d'oeuvre fixés à 5 % de 388.956,81 soit 19.447,84) 408.404,65 Euros TTC, frais de maîtrise d'oeuvre compris, au titre des travaux de reprise, déduction à faire de la provision déjà payée (5.000 Euros) et de la franchise (228,67 Euros) ; Attendu que Mme [O] demande que la condamnation de la Société MAIF soit indexée ; Attendu que la Société MAIF s'oppose à cette demande en se prévalant du paiement fait en exécution du jugement ; Attendu que la Société MAIF est mal fondée à s'opposer à cette indexation dès lors qu'elle a fait appel du jugement et mis ainsi Mme [O] dans une situation incertaine sur l'étendue de la garantie jusqu'à ce que la Cour statue, ne lui permettant pas de faire exécuter les travaux de reprise ; Attendu, dès lors, que la condamnation de la Société MAIF sera indexée sur l'indice BT 01 à compter du 30 décembre 2004, date du dépôt du rapport de l'expert ; Attendu que cette somme produira intérêts au taux légal à compter du 29 mars 2001 en application de l'article A 125-1 annexe If et annexe IIf ; Attendu que les deux conditions posées par l'article 1154 du Code civil (qu'une demande ait été judiciairement formée et qu'il s'agisse d'intérêts dus pour au moins une année entière) étant réunies, il y a lieu d'ordonner la capitalisation des intérêts ; Attendu que, selon l'article L 121-17 du Code des assurances, les indemnités versées doivent être utilisées pour la remise en état effective de l'immeuble ; Attendu qu'il suffit de le rappeler sans qu'il soit nécessaire de contraindre Mme [O] à en justifier sous astreinte ; Sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile : Attendu qu'il est équitable de condamner la Société MAIF à payer à Mme [O] la somme de 4.000 Euros ; PAR CES MOTIFS : Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, Confirme partiellement le jugement. Condamne la Société MAIF à payer à Mme [O] la somme de 408.404,65 Euros TTC (Quatre cent huit mille quatre cent quatre Euros et soixante cinq centimes) (frais de maîtrise d'oeuvre compris), déduction à faire de la provision déjà réglée (5.000 Euros (Cinq mille Euros)) et de la franchise (228,67 Euros (Deux cent vingt huit Euros et soixante sept centimes)) au titre des travaux de reprise, avec indexation à compter du 30 décembre 2004, date du dépôt du rapport de l'expert et intérêts au taux légal à compter du 29 mars 2001 en application de l'article l'article A 125-1 annexe If et annexe IIf. Ordonne la capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 du Code civil à compter du 29 mars 2002. Donne acte à Mme [O] de ce qu'elle renonce à la réclamation de son préjudice immatériel. Rappelle que, selon l'article L 121-17 du Code des assurances, les indemnités versées doivent être utilisées pour la remise en état effective de l'immeuble. Condamne la Société MAIF à payer à Mme [O] la somme de 4.000 Euros (Quatre mille Euros) au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Met les dépens de première instance et d'appel, qui comprendront les frais de l'expertise, à la charge de la Société MAIF, dont distraction au profit des avoués de la cause par application de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile. LE GREFFIER LE PRESIDENT V. PELLISSIER D. PRONIER
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REPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COUR D'APPEL DE SAINT DENIS DE LA REUNION L. 340-1 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile No RG 22/01378 - No Portalis DBWB-V-B7G-FYJK No de MINUTE : ORDONNANCE DU 26 Septembre 2022 Décision déférée : ordonnance rendue le 21 septembre 2022 rectifiée le 22 septembre 2022 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Saint-Denis Nous, Jacques ROUSSEAU, conseiller délégué par le premier président par ordonnance no 2022/156 du 8 juillet 2022, assisté de Nadia HANAFI, greffier aux débats et au prononcé de l'ordonnance. APPELANT : M. [B] [R] X SE DISANT [N] né le [Date naissance 1] 1979 à [Localité 2] de nationalité Sri lankaise Assisté de Me Louis ROPARS, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION Monsieur le Commissaire de la direction départementale de la Police de l'Air et des Frontières de la Réunion, représenté par Maître Nicolas RANNOU, avocat au barreau de Paris Madame la procureure générale près la Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, représentée par Monsieur [H] [T], avisé de la date et de l'heure de l'audience EN PRESENCE DE Madame [W] [C], interprète en langue cingalaise, serment préalablement prêté conformément à la loi, par moyen d'audioconférence, ORDONNANCE : - contradictoire - prononcée en audience publique FAITS ET PROCÉDURE : Vu les articles L 341-3, R 341-1, R 342-2, R 342-4 à R 342-9 du CESEDA, R 342-18 du même code au visa des articles 640 et 642 du code de procédure civile, Vu l'appel formé par [B] [R] X SE DISANT [N] à l'encontre de l'ordonnance de maintien en zone d'attente, première prolongation, du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Saint-Denis en date du 21 septembre 2022, Vu l'ordonnance de rectification d'erreur matérielle, Vu les débats en audience publique tenus le 23 septembre 2022 dans l'enceinte de la Cour d'Appel de Saint-Denis de la Réunion, Vu la comparution de [B] [R] X SE DISANT [N] qui a pu s'exprimer et répondre aux questions de la Cour, ayant été préalablement informé qu'il était en droit de ne pas faire de déclarations, assisté d'un interprète en langue cingalaise, serment préalablement prêté conformément à la loi, Vu l'impossibilité d'obtenir l'assistance d'un traducteur en langue cingalaise à la Réunion ou à Mayotte, aucun n'étant disponible, la Cour a été placée dans la situation incontournable de faire appel aux services d'un interprète par communication téléphonique, les parties n'ont pas fait d'observations particulières, la communication s'est déroulée sans incident, Vu les exceptions in limine litis soutenues par Maître Xavier BELLIARD, Maître Nacima DJAFOUR et Maître Ludivine CRAUSTE, après débat contradictoire entre les parties, les incidents ont été joints au fond, Vu la plaidoirie de la défense, Vu les observations du conseil de la Police de l'Air et des Frontières qui a produit plusieurs pièces, Vu la plaidoirie de Maître Yannick MARDENALOM pour l'ensemble des appelants, Vu les observations de Monsieur l'Avocat Général, A la fin des débats, en application des articles R 342-18 du CESEDA, 640 et 642 du code de procédure civile, le président, délégué de Monsieur le Premier Président de la Cour d'Appel a informé les parties que la décision serait prononcée publiquement le 26 septembre 2022 à 14h00. Les éléments de procédure Le 20 septembre 2022, le STPAF a déposé une requête aux fins de prolongation du maintien en zone d'attente au-delà du délai de 96 heures de [B] [R] X SE DISANT [N], transmise au greffe du juge des libertés et de la détention de Saint-Denis, La demande de prolongation étant motivée par une procédure pendante devant l'OFPRA, Plusieurs juges des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Saint-Denis ont été régulièrement saisis, l'examen des dossiers a été appelé à l'audience du mercredi 21 septembre 2022 ; [B] [R] X SE DISANT [N] était arrivé sur le territoire national sur un navire avec de nombreuses personnes de même nationalité au [Localité 3], il avait immédiatement sollicité l'asile politique, Il a bénéficié des droits prévus par la loi et reconnus par les conventions internationales auxquelles la France a adhéré, et a été placé en zone d'attente le 17 septembre 2022. Après débats, le juge des libertés et de la détention a ordonné la prolongation du maintien en zone d'attente de [B] [R] X SE DISANT [N] pour une durée maximale de 08 jours à compter du 21 septembre 2022, [B] [R] X SE DISANT [N] a été informé de sa possibilité de faire appel devant Monsieur le Premier Président de la Cour d'Appel de Saint-Denis ou de son délégué dans un délai de 24 heures à compter du prononcé de l'ordonnance, et a rappelé que le recours n'était pas suspensif. Sur l'appel Il a été fait dans les formes et les délais prévus par les textes, il sera déclaré recevable. Sur le moyen de nullité relatif à la non communication de l'arrêté portant création d'une zone d'attente Si c'est à bon droit que le premier juge a rappelé qu'il appartient au juge administratif de contrôler la régularité des actes administratifs de l'Etat en matière de maintien en zone d'attente, ainsi que l'appréciation de la légalité de l'arrêté préfectoral délimitant la zone d'attente, et son existence ou son inexistence, domaine qui ne relèverait pas de la compétence du juge judiciaire, Il appert qu'en application des dispositions de l'article 342-2 du CESEDA, la requête de l'administration doit être datée, signée et accompagnée de toutes pièces justificatives notamment du registre prévu au second alinéa de l'article 341-2 du même code, La requête, ainsi que les pièces jointes, dès leur arrivée au tribunal sont mises à la disposition de l'avocat du migrant, qui peut lui même les consulter éventuellement assisté d'un interprète, le législateur a tenu à souligner l'importance de la communication des pièces justificatives, dans le cadre du débat contradictoire et le droit pour le migrant et son conseil de les consulter préalablement au débat devant le juge judiciaire, En l'espèce, l'ordonnance querellée fait état que la requête transmise au juge des libertés et de la détention ne comportait pas l'arrêté portant création d'une zone d'attente dans l'hôtel dans lequel se trouvait [B] [R] X SE DISANT [N], cette pièce n'était pas jointe à la procédure en dépit d'une requête formulée dans ce sens par écrit du 20 septembre 2022, ce que la défense était en droit d'interpréter comme une absence de décision administrative, la pièce ayant été communiquée ultérieurement, Il ne saurait être sérieusement contesté qu'une telle pièce, non jointe à la requête, constituait une pièce justificative au sens de l'article 342-2 du CESEDA, et que sa présentation au moment de la requête saisissant le juge constituait une formalité substantielle, Il ressort des pièces de la procédure que la pièce manquante, l'arrêté de création d'une zone d'attente, peut comprendre une zone qui, selon les circonstances, peut être élargie et peut englober tous les lieux dans lesquels le migrant est susceptible de se rendre dans le cadre de la procédure, Enfin, le maintien en zone d'attente a été strictement encadré par le législateur, en l'espèce la privation fondamentale d'aller et venir, si elle est motivée par la nécessité de contrôler les flux migratoires, pèse sur une personne non délinquante sur le territoire national, Ainsi, si le juge judiciaire n'a aucune compétence pour apprécier la régularité des conditions de placement et de maintien en zone d'attente, ni pour analyser la légalité de la mesure, l'article L 342-9 du CESEDA stipule qu'une irrégularité portant sur des formalités substantielles ne pourrait entraîner la mainlevée de la mesure que dans l'hypothèse d'une atteinte aux droits de l'étranger et si cette atteinte lui a causé un préjudice, En l'espèce, force est de constater que le droit de se défendre de [B] [R] X SE DISANT [N], assisté d'un conseil, a fait l'objet d'une atteinte irréparable, en raison de l'absence dans le dossier déposé par l'administration auprès du juge judiciaire, d'une pièce justificative et du non respect d'une formalité substantielle prévue par la loi, Le migrant arrivé sur le territoire national, devant être informé de l'intégralité des éléments du dossier établi par l'administration à son encontre afin d'assurer sa défense dans les conditions les plus efficaces, le non respect de ce principe du droit positif a causé à [B] [R] X SE DISANT [N] un préjudice personnel et direct, Sans avoir besoin d'examiner les autres moyens soulevés, avant dire droit ou au fond, il y aura lieu de dire que l'appel de [B] [R] X SE DISANT [N] est recevable, qu'il est fondé et qu'il conviendra par conséquent d'infirmer la décision querellée, Les dépens de l'instance resteront à la charge de l'Etat, PAR CES MOTIFS Nous, Jacques ROUSSEAU, conseiller, délégué de Monsieur le Premier Président de la Cour d'Appel de Saint Denis, Disons l'appel de [B] [R] X SE DISANT [N] recevable Le disons fondé, Infirmons la décision de prolongation de maintien en zone d'attente de [B] [R] X SE DISANT [N] pour une durée maximale de 8 jours en date du 21 septembre 2022, Informons les parties que la présente décision est susceptible d'un pourvoi en cassation Laissons les dépens de l'instance à la charge de l'Etat Fait à Saint-Denis de la Réunion, le 26 Septembre 2022 à 14 H 00 LE GREFFIER LE CONSEILLER DELEGUE REÇU NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE ET DE L'EXERCICE DES VOIES DE RECOURS : Pour information : L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition. Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou la rétention et au ministère public. Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification. Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat-greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'Etat ou à la Cour de cassation constitué par le demandeur. Décision notifiée le 26 septembre 2022 à : - Monsieur le Préfet de la Réunion - Monsieur le Commissaire de la Direction Départementale de la PAF - Madame la procureure générale - Greffe du JLD du TJ de Saint-Denis Reçu notification et copie de la présente ordonnance le 26 septembre 2022 à : L'intéressé assisté de l'interprète Le Conseil , Le Greffier, par audioconférence,
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REPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COUR D'APPEL DE SAINT DENIS DE LA REUNION L. 340-1 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile No RG 22/01372 - No Portalis DBWB-V-B7G-FYI5 No de MINUTE : ORDONNANCE DU 26 Septembre 2022 Décision déférée : ordonnance rendue le 21 septembre 2022 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Saint-Denis Nous, Jacques ROUSSEAU, conseiller délégué par le premier président par ordonnance no 2022/156 du 8 juillet 2022, assisté de Nadia HANAFI, greffier aux débats et au prononcé de l'ordonnance. APPELANT : M. [U] [F] [Z] [L] [T] Zone d'attente [Adresse 3] [Localité 2]) né le [Date naissance 1] 1987 à SRI LANKA de nationalité Sri lankaise Assisté de Me Ludivine CRAUSTE, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION Monsieur le Commissaire de la direction départementale de la Police de l'Air et des Frontières de la Réunion, représenté par Maître Nicolas RANNOU, avocat au barreau de Paris Madame la procureure générale près la Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, représentée par Monsieur Gauthier POUPEAU, avisé de la date et de l'heure de l'audience EN PRESENCE DE Madame [V] [P], interprète en langue cingalaise, serment préalablement prêté conformément à la loi, par moyen d'audioconférence, ORDONNANCE : - contradictoire - prononcée en audience publique FAITS ET PROCÉDURE : Vu les articles L 341-3, R 341-1, R 342-2, R 342-4 à R 342-9 du CESEDA, R 342-18 du même code au visa des articles 640 et 642 du code de procédure civile, Vu l'appel formé par [U] [F] [Z] [L] [T] à l'encontre de l'ordonnance de maintien en zone d'attente, première prolongation, du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Saint-Denis en date du 21 septembre 2022, Vu les débats en audience publique tenus le 23 septembre 2022 dans l'enceinte de la Cour d'Appel de Saint-Denis de la Réunion, Vu la comparution de [U] [F] [Z] [L] [T] qui a pu s'exprimer et répondre aux questions de la Cour, ayant été préalablement informé qu'il était en droit de ne pas faire de déclarations, assisté d'un interprète en langue cingalaise, serment préalablement prêté conformément à la loi, Vu l'impossibilité d'obtenir l'assistance d'un traducteur en langue cingalaise à la Réunion ou à Mayotte, aucun n'étant disponible, la Cour a été placée dans la situation incontournable de faire appel aux services d'un interprète par communication téléphonique, les parties n'ont pas fait d'observations particulières, la communication s'est déroulée sans incident, Vu les exceptions in limine litis soutenues par Maître Xavier BELLIARD, Maître Nacima DJAFOUR et Maître Ludivine CRAUSTE, après débat contradictoire entre les parties, les incidents ont été joints au fond, Vu la plaidoirie de la défense, Vu les observations du conseil de la Police de l'Air et des Frontières qui a produit plusieurs pièces, Vu la plaidoirie de Maître Yannick MARDENALOM pour l'ensemble des appelants, Vu les observations de Monsieur l'Avocat Général, A la fin des débats, en application des articles R 342-18 du CESEDA, 640 et 642 du code de procédure civile, le président, délégué de Monsieur le Premier Président de la Cour d'Appel a informé les parties que la décision serait prononcée publiquement le 26 septembre 2022 à 14h00. Les éléments de procédure Le 20 septembre 2022, le STPAF a déposé une requête aux fins de prolongation du maintien en zone d'attente au-delà du délai de 96 heures de [U] [F] [Z] [L] [T], transmise au greffe du juge des libertés et de la détention de Saint-Denis, La demande de prolongation étant motivée par une procédure pendante devant l'OFPRA, Plusieurs juges des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Saint-Denis ont été régulièrement saisis, l'examen des dossiers a été appelé à l'audience du mercredi 21 septembre 2022 ; [U] [F] [Z] [L] [T] était arrivé sur le territoire national sur un navire avec de nombreuses personnes de même nationalité au [Localité 4], il avait immédiatement sollicité l'asile politique, Il a bénéficié des droits prévus par la loi et reconnus par les conventions internationales auxquelles la France a adhéré, et a été placé en zone d'attente le 17 septembre 2022. Après débats, le juge des libertés et de la détention a ordonné la prolongation du maintien en zone d'attente de [U] [F] [Z] [L] [T] pour une durée maximale de 08 jours à compter du 21 septembre 2022, [U] [F] [Z] [L] [T] a été informé de sa possibilité de faire appel devant Monsieur le Premier Président de la Cour d'Appel de Saint-Denis ou de son délégué dans un délai de 24 heures à compter du prononcé de l'ordonnance, et a rappelé que le recours n'était pas suspensif. Sur l'appel Il a été fait dans les formes et les délais prévus par les textes, il sera déclaré recevable. Sur le moyen de nullité relatif à la non communication de l'arrêté portant création d'une zone d'attente Si c'est à bon droit que le premier juge a rappelé qu'il appartient au juge administratif de contrôler la régularité des actes administratifs de l'Etat en matière de maintien en zone d'attente, ainsi que l'appréciation de la légalité de l'arrêté préfectoral délimitant la zone d'attente, et son existence ou son inexistence, domaine qui ne relèverait pas de la compétence du juge judiciaire, Il appert qu'en application des dispositions de l'article 342-2 du CESEDA, la requête de l'administration doit être datée, signée et accompagnée de toutes pièces justificatives notamment du registre prévu au second alinéa de l'article 341-2 du même code, La requête, ainsi que les pièces jointes, dès leur arrivée au tribunal sont mises à la disposition de l'avocat du migrant, qui peut lui même les consulter éventuellement assisté d'un interprète, le législateur a tenu à souligner l'importance de la communication des pièces justificatives, dans le cadre du débat contradictoire et le droit pour le migrant et son conseil de les consulter préalablement au débat devant le juge judiciaire, En l'espèce, l'ordonnance querellée fait état que la requête transmise au juge des libertés et de la détention ne comportait pas l'arrêté portant création d'une zone d'attente dans l'hôtel dans lequel se trouvait [U] [F] [Z] [L] [T], cette pièce n'était pas jointe à la procédure en dépit d'une requête formulée dans ce sens par écrit du 20 septembre 2022, ce que la défense était en droit d'interpréter comme une absence de décision administrative, la pièce ayant été communiquée ultérieurement, Il ne saurait être sérieusement contesté qu'une telle pièce, non jointe à la requête, constituait une pièce justificative au sens de l'article 342-2 du CESEDA, et que sa présentation au moment de la requête saisissant le juge constituait une formalité substantielle, Il ressort des pièces de la procédure que la pièce manquante, l'arrêté de création d'une zone d'attente, peut comprendre une zone qui, selon les circonstances, peut être élargie et peut englober tous les lieux dans lesquels le migrant est susceptible de se rendre dans le cadre de la procédure, Enfin, le maintien en zone d'attente a été strictement encadré par le législateur, en l'espèce la privation fondamentale d'aller et venir, si elle est motivée par la nécessité de contrôler les flux migratoires, pèse sur une personne non délinquante sur le territoire national, Ainsi, si le juge judiciaire n'a aucune compétence pour apprécier la régularité des conditions de placement et de maintien en zone d'attente, ni pour analyser la légalité de la mesure, l'article L 342-9 du CESEDA stipule qu'une irrégularité portant sur des formalités substantielles ne pourrait entraîner la mainlevée de la mesure que dans l'hypothèse d'une atteinte aux droits de l'étranger et si cette atteinte lui a causé un préjudice, En l'espèce, force est de constater que le droit de se défendre de [U] [F] [Z] [L] [T], assisté d'un conseil, a fait l'objet d'une atteinte irréparable, en raison de l'absence dans le dossier déposé par l'administration auprès du juge judiciaire, d'une pièce justificative et du non respect d'une formalité substantielle prévue par la loi, Le migrant arrivé sur le territoire national, devant être informé de l'intégralité des éléments du dossier établi par l'administration à son encontre afin d'assurer sa défense dans les conditions les plus efficaces, le non respect de ce principe du droit positif a causé à [U] [F] [Z] [L] [T] un préjudice personnel et direct, Sans avoir besoin d'examiner les autres moyens soulevés, avant dire droit ou au fond, il y aura lieu de dire que l'appel de [U] [F] [Z] [L] [T] est recevable, qu'il est fondé et qu'il conviendra par conséquent d'infirmer la décision querellée, Les dépens de l'instance resteront à la charge de l'Etat, PAR CES MOTIFS Nous, Jacques ROUSSEAU, conseiller, délégué de Monsieur le Premier Président de la Cour d'Appel de Saint Denis, Disons l'appel de [U] [F] [Z] [L] [T] recevable Le disons fondé, Infirmons la décision de prolongation de maintien en zone d'attente de [U] [F] [Z] [L] [T] pour une durée maximale de 8 jours en date du 21 septembre 2022, Informons les parties que la présente décision est susceptible d'un pourvoi en cassation, Laissons les dépens de l'instance à la charge de l'Etat. Fait à Saint-Denis de la Réunion, le 26 Septembre 2022 à 14 H 00 LE GREFFIER LE CONSEILLER DELEGUE REÇU NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE ET DE L'EXERCICE DES VOIES DE RECOURS : Pour information : L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition. Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou la rétention et au ministère public. Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification. Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat-greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'Etat ou à la Cour de cassation constitué par le demandeur. Décision notifiée le 26 septembre 2022 à : - Monsieur le Préfet de la Réunion - Monsieur le Commissaire de la Direction Départementale de la PAF - Madame la procureure générale - Greffe du JLD du TJ de Saint-Denis Reçu notification et copie de la présente ordonnance le 26 septembre 2022 à : L'intéressé assisté de l'interprète Le Conseil , Le Greffier, par audioconférence,
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REPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COUR D'APPEL DE SAINT DENIS DE LA REUNION L. 340-1 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile No RG 22/01385 - No Portalis DBWB-V-B7G-FYJV No de MINUTE : ORDONNANCE DU 26 Septembre 2022 Décision déférée : ordonnance rendue le 21 septembre 2022 rectifiée le 22 septembre 2022 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Saint-Denis Nous, Jacques ROUSSEAU, conseiller délégué par le premier président par ordonnance no 2022/156 du 8 juillet 2022, assisté de Nadia HANAFI, greffier aux débats et au prononcé de l'ordonnance. APPELANT : M. [F] [W] [J] [P] né le [Date naissance 1] 1985 à [Localité 2] de nationalité Sri lankaise Assisté de Me Louis ROPARS, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION Monsieur le Commissaire de la direction départementale de la Police de l'Air et des Frontières de la Réunion, représenté par Maître Nicolas RANNOU, avocat au barreau de Paris Madame la procureure générale près la Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, représentée par Monsieur [I] [C], avisé de la date et de l'heure de l'audience EN PRESENCE DE Madame [S] [E], interprète en langue cingalaise, serment préalablement prêté conformément à la loi, par moyen d'audioconférence, ORDONNANCE : - contradictoire - prononcée en audience publique FAITS ET PROCÉDURE : Vu les articles L 341-3, R 341-1, R 342-2, R 342-4 à R 342-9 du CESEDA, R 342-18 du même code au visa des articles 640 et 642 du code de procédure civile, Vu l'appel formé par [F] [W] [J] [P] à l'encontre de l'ordonnance de maintien en zone d'attente, première prolongation, du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Saint-Denis en date du 21 septembre 2022, Vu l'ordonnance de rectification d'erreur matérielle, Vu les débats en audience publique tenus le 23 septembre 2022 dans l'enceinte de la Cour d'Appel de Saint-Denis de la Réunion, Vu la comparution de [F] [W] [J] [P] qui a pu s'exprimer et répondre aux questions de la Cour, ayant été préalablement informé qu'il était en droit de ne pas faire de déclarations, assisté d'un interprète en langue cingalaise, serment préalablement prêté conformément à la loi, Vu l'impossibilité d'obtenir l'assistance d'un traducteur en langue cingalaise à la Réunion ou à Mayotte, aucun n'étant disponible, la Cour a été placée dans la situation incontournable de faire appel aux services d'un interprète par communication téléphonique, les parties n'ont pas fait d'observations particulières, la communication s'est déroulée sans incident, Vu les exceptions in limine litis soutenues par Maître Xavier BELLIARD, Maître Nacima DJAFOUR et Maître Ludivine CRAUSTE, après débat contradictoire entre les parties, les incidents ont été joints au fond, Vu la plaidoirie de la défense, Vu les observations du conseil de la Police de l'Air et des Frontières qui a produit plusieurs pièces, Vu la plaidoirie de Maître Yannick MARDENALOM pour l'ensemble des appelants, Vu les observations de Monsieur l'Avocat Général, A la fin des débats, en application des articles R 342-18 du CESEDA, 640 et 642 du code de procédure civile, le président, délégué de Monsieur le Premier Président de la Cour d'Appel a informé les parties que la décision serait prononcée publiquement le 26 septembre 2022 à 14h00. Les éléments de procédure Le 20 septembre 2022, le STPAF a déposé une requête aux fins de prolongation du maintien en zone d'attente au-delà du délai de 96 heures de [F] [W] [J] [P], transmise au greffe du juge des libertés et de la détention de Saint-Denis, La demande de prolongation étant motivée par une procédure pendante devant l'OFPRA, Plusieurs juges des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Saint-Denis ont été régulièrement saisis, l'examen des dossiers a été appelé à l'audience du mercredi 21 septembre 2022 ; [F] [W] [J] [P] était arrivé sur le territoire national sur un navire avec de nombreuses personnes de même nationalité au [Localité 3], il avait immédiatement sollicité l'asile politique, Il a bénéficié des droits prévus par la loi et reconnus par les conventions internationales auxquelles la France a adhéré, et a été placé en zone d'attente le 17 septembre 2022. Après débats, le juge des libertés et de la détention a ordonné la prolongation du maintien en zone d'attente de [F] [W] [J] [P] pour une durée maximale de 08 jours à compter du 21 septembre 2022, [F] [W] [J] [P] a été informé de sa possibilité de faire appel devant Monsieur le Premier Président de la Cour d'Appel de Saint-Denis ou de son délégué dans un délai de 24 heures à compter du prononcé de l'ordonnance, et a rappelé que le recours n'était pas suspensif. Sur l'appel Il a été fait dans les formes et les délais prévus par les textes, il sera déclaré recevable. Sur le moyen de nullité relatif à la non communication de l'arrêté portant création d'une zone d'attente Si c'est à bon droit que le premier juge a rappelé qu'il appartient au juge administratif de contrôler la régularité des actes administratifs de l'Etat en matière de maintien en zone d'attente, ainsi que l'appréciation de la légalité de l'arrêté préfectoral délimitant la zone d'attente, et son existence ou son inexistence, domaine qui ne relèverait pas de la compétence du juge judiciaire, Il appert qu'en application des dispositions de l'article 342-2 du CESEDA, la requête de l'administration doit être datée, signée et accompagnée de toutes pièces justificatives notamment du registre prévu au second alinéa de l'article 341-2 du même code, La requête, ainsi que les pièces jointes, dès leur arrivée au tribunal sont mises à la disposition de l'avocat du migrant, qui peut lui même les consulter éventuellement assisté d'un interprète, le législateur a tenu à souligner l'importance de la communication des pièces justificatives, dans le cadre du débat contradictoire et le droit pour le migrant et son conseil de les consulter préalablement au débat devant le juge judiciaire, En l'espèce, l'ordonnance querellée fait état que la requête transmise au juge des libertés et de la détention ne comportait pas l'arrêté portant création d'une zone d'attente dans l'hôtel dans lequel se trouvait [F] [W] [J] [P], cette pièce n'était pas jointe à la procédure en dépit d'une requête formulée dans ce sens par écrit du 20 septembre 2022, ce que la défense était en droit d'interpréter comme une absence de décision administrative, la pièce ayant été communiquée ultérieurement, Il ne saurait être sérieusement contesté qu'une telle pièce, non jointe à la requête, constituait une pièce justificative au sens de l'article 342-2 du CESEDA, et que sa présentation au moment de la requête saisissant le juge constituait une formalité substantielle, Il ressort des pièces de la procédure que la pièce manquante, l'arrêté de création d'une zone d'attente, peut comprendre une zone qui, selon les circonstances, peut être élargie et peut englober tous les lieux dans lesquels le migrant est susceptible de se rendre dans le cadre de la procédure, Enfin, le maintien en zone d'attente a été strictement encadré par le législateur, en l'espèce la privation fondamentale d'aller et venir, si elle est motivée par la nécessité de contrôler les flux migratoires, pèse sur une personne non délinquante sur le territoire national, Ainsi, si le juge judiciaire n'a aucune compétence pour apprécier la régularité des conditions de placement et de maintien en zone d'attente, ni pour analyser la légalité de la mesure, l'article L 342-9 du CESEDA stipule qu'une irrégularité portant sur des formalités substantielles ne pourrait entraîner la mainlevée de la mesure que dans l'hypothèse d'une atteinte aux droits de l'étranger et si cette atteinte lui a causé un préjudice, En l'espèce, force est de constater que le droit de se défendre de [F] [W] [J] [P], assisté d'un conseil, a fait l'objet d'une atteinte irréparable, en raison de l'absence dans le dossier déposé par l'administration auprès du juge judiciaire, d'une pièce justificative et du non respect d'une formalité substantielle prévue par la loi, Le migrant arrivé sur le territoire national, devant être informé de l'intégralité des éléments du dossier établi par l'administration à son encontre afin d'assurer sa défense dans les conditions les plus efficaces, le non respect de ce principe du droit positif a causé à [F] [W] [J] [P] un préjudice personnel et direct, Sans avoir besoin d'examiner les autres moyens soulevés, avant dire droit ou au fond, il y aura lieu de dire que l'appel de [F] [W] [J] [P] est recevable, qu'il est fondé et qu'il conviendra par conséquent d'infirmer la décision querellée, Les dépens de l'instance resteront à la charge de l'Etat, PAR CES MOTIFS Nous, Jacques ROUSSEAU, conseiller, délégué de Monsieur le Premier Président de la Cour d'Appel de Saint Denis, Disons l'appel de [F] [W] [J] [P] recevable Le disons fondé, Infirmons la décision de prolongation de maintien en zone d'attente de [F] [W] [J] [P] pour une durée maximale de 8 jours en date du 21 septembre 2022, Informons lesparties que la présente décision est susceptible d'un pourvoi en cassation Laissons les dépens de l'instance à la charge de l'Etat Fait à Saint-Denis de la Réunion, le 26 Septembre 2022 à 14 H 00 LE GREFFIER LE CONSEILLER DELEGUE REÇU NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE ET DE L'EXERCICE DES VOIES DE RECOURS : Pour information : L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition. Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou la rétention et au ministère public. Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification. Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat-greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'Etat ou à la Cour de cassation constitué par le demandeur. Décision notifiée le 26 septembre 2022 à : - Monsieur le Préfet de la Réunion - Monsieur le Commissaire de la Direction Départementale de la PAF - Madame la procureure générale - Greffe du JLD du TJ de Saint-Denis Reçu notification et copie de la présente ordonnance le 26 septembre 2022 à : L'intéressé assisté de l'interprète Le Conseil , Le Greffier, par audioconférence,
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N No RG 22/01418 - No Portalis DBWB-V-B7G-FYLV du 30/09/2022 ------------------------ COUR D'APPEL DE SAINT-DENIS O R D O N N A N C E MINUTE No22/ en date du 30 Septembre 2022 à 15H00 APPELANT : M. [R] [D] [Adresse 8] [Localité 4] né le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 5] de nationalité Sri lankaise présent et assisté de Me Louis WEINLING GAZE, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION Madame LA PROCUREURE GENERALE PRES LA COUR D'APPEL [Adresse 2] [Localité 3] MONSIEUR LE COMMISSAIRE DE LA POLICE DE L'AIR ET DES FRONTIERES [Adresse 8] [Localité 4] assisté de Maître Nicolas RANNOU, avocat au barreau de Paris En présence de : Mme [X] [J], interprète en langue Tamoul, serment préalablement prêté CONSEILLER DELEGUE : Patrick CHEVRIER, désigné par ordonnance no 2022/229 du 29 septembre 2022 pour remplacer le Premier Président empêché. GREFFIERE :Delphine GRONDIN DEBATS : à l'audience publique du 30 septembre 2022 à 09h00 ORDONNANCE : prononcée publiquement le 30 septembre 2022 à 15h00 Faits et procédure : Vu les articles L 341-3, R 341-1, R 342-2, R 342-4 à R 342-9, R 342-18 du CESEDA ; Vu l'appel formé par l'intéressé à l'encontre de l'ordonnance de prolongation du placement en zone d'attente, du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Saint-Denis en date du 28 septembre 2022, Vu les débats en audience publique tenus le 30 septembre 2022 dans l'enceinte de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, Vu la comparution de l'intéressé qui a pu s'exprimer et répondre aux questions du délégué du premier président de la cour, ayant été préalablement informé qu'il était en droit de ne pas faire de déclarations, assisté d'un interprète en cingalais, serment préalablement prêté conformément à la loi, Vu les exceptions in limine litis soutenues par l'Avocat de l'appelant ; Entendues les observations du conseil de la Police de l'Air et des Frontières ; Entendue la plaidoirie des avocats de l'appelant ; Entendues les observations de Madame la procureure générale, A la fin des débats, en application des articles R 342-18 du CESEDA, 640 et 642 du code de procédure civile, le président, délégué du premier président de la cour d'appel a informé les parties que la décision serait rendue le 30 septembre 2022 à 15 h 00. Le 17 septembre 2022, un bateau de pêche a été intercepté au large du [Localité 6], avec à son bord 46 ressortissants sri-lankais, dont cinq mineurs. Monsieur [D] [R] était placé en zone d'attente à l'hôtel SELECT puis, à compter du 26 septembre 2022, à l'aéroport [7]. Par ordonnance du 21 septembre 2022, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Saint-Denis a : - Rejeté les nullités et exceptions de procédure soulevées par son Conseil ; - Ordonné la prolongation du maintien de l'intéressé en zone d'attente. Par ordonnance du 28 septembre 2022, le juge des libertés et de la détention a autorisé la seconde prolongation du maintien en zone d'attente du concluant à compter du 29 septembre 2022 à 8 heures 10 et dit qu'elle prendrait fin le 7 octobre 2022 à 8 heures 10. Monsieur [D] [R] a interjeté appel de la décision par déclaration déposée au greffe de la cour par son avocat le 29 septembre 2022 à 11 heures 58. Aux termes de ses conclusions d'appel, le requérant demande de : A titre principal, - RÉFORMER en toutes ses dispositions l'ordonnance du 28 septembre 2022 rendue par le JLD près le Tribunal judiciaire de SAINT DENIS ; EN CONSEQUENCE, - FAIRE droit aux moyens de nullité de procédure invoqués ; - REJETER toutes conclusions contraires comme étant infondées ; - ORDONNER la mainlevée de la mesure de maintien en zone d'attente et la remise en liberté du concluant ; A titre subsidiaire, - INFIRMER l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a dit que la mesure prendra fin au plus tard le 7 octobre 2022 à 08 Heures 57 ; Et, statuant à nouveau, JUGER que la mesure prendra fin au plus tard le 6 octobre 2022 à vingt-quatre heures. Dans ses conclusions d'appel, l'appelant fait valoir : - La nullité tirée des conditions d'hébergement au sein de la zone d'attente de l'hôtel SELECT entre le 17 septembre et le 26 septembre 2022 ; - La nullité tirée des conditions d'hébergement au sein de la zone d'attente de l'aéroport [7]; - L'absence d'effectivité de son droit à être assisté d'un interprète. Au fond, il soutient que : - Le JLD a commis une erreur dans la computation des délais, le délai de quatre jours prévu par l'article L. 342-1 du CESEDA expirant le mardi 20 septembre 2022 à vingt-quatre heures et non le mercredi 21 septembre 2022 à 00 h 00, soit le cinquième jour du maintien en zone d'attente. - Il ajoute que ce premier délai de huit jours expirant le 28 septembre 2022 à vingt-quatre heures, la nouvelle période de prolongation exceptionnelle de huit jours doit débuter le 29 septembre 2022 à 00 heures 00. - S'agissant de la date de fin de la mesure, celle-ci doit s'achever le 6 octobre 2022 à 24 heures 00 et non le 7 octobre 2022 à 8h57 comme l'a retenu le JLD. Le représentant de l'administration (la PAF) réplique que l'irrégularité alléguée à propos des conditions d'intervention de l'interprète est inopérante et irrecevable s'agissant de la contestation relative à l'hôtel SELECT. Il ajoute qu'aucune disposition légale ou réglementaire ne prévoit l'obligation d'inscrire au registre de l'établissement les horaires de promenade des personnes retenues tandis qu'elles ont pu circuler librement dans les zones d'attente et bénéficier ainsi de tous leurs droits. La procureure générale requiert le rejet des exceptions de nullité et la confirmation de l'ordonnance entreprise. Sur la recevabilité de l'appel : Vu les articles L 342-12 et R 342-10, R 342-11, R 342-18 du CESEDA ; La déclaration d'appel, motivé, a été déposée au greffe de la cour dans les 24 heures de la notification de l'ordonnance entreprise. L'appel est donc recevable. Sur les exceptions de nullités : 1/ Sur les conditions d'hébergement au sein de la zone d'attente de l'hôtel SELECT entre le 17 septembre et le 26 septembre 2022 : Aux termes de l'article L. 342-8 du CESEDA, à peine d'irrecevabilité, prononcée d'office, aucune irrégularité antérieure à l'audience relative à la première prolongation du maintien en zone d'attente ne peut être soulevée lors de l'audience relative à la seconde prolongation. Ainsi, le moyen de nullité tiré des conditions d'hébergement au sein de la zone d'attente de l'hôtel SELECT entre le 17 septembre et le 21 septembre 2022, est irrecevable en ce qu'il invoque un moyen qui devait être soulevé lors de la première instance en prolongation du maintien en zone d'attente le 21 septembre 2022 ; Si un fait nouveau était démontré pour la période postérieure au 21 septembre 2022, l'exception en question pourrait être reçue. Toutefois, l'appelant ne démontre pas que les conditions de sa retenue en zone d'attente entre le 21 septembre 2022 et le 26 septembre 2022 ont été modifiées au point qu'il aurait subi une atteinte nouvelle à ses droits. En conséquence, en l'absence d'éléments nouveaux justifiés après le 21 septembre 2022, l'exception de nullité doit être aussi rejetée. 2/ Sur les conditions d'hébergement au sein de la zone d'attente de l'aéroport [7]: Le Conseil du requérant fait valoir que, selon les éléments recueillis lors de la visite de la zone d'attente par le Député [L] [K] [G] le dimanche 25 septembre 2022, il aurait été constaté "un premier espace de 9m2 sans aération où il fait chaud, une salle d'eau inondée suite à une remontée d'eau, une chaleur étouffante, l'absence de système de ventilation dans les chambres et la pièce commune, des problème d'humidité importants." Il plaide aussi que les personnes ne bénéficient pas de promenades à l'air libre depuis leur arrivée. Le registre n'en fait d'ailleurs aucune mention à compter du 26 septembre 2022 à 16h30. Il affirme que les conditions d'hébergement doivent être de type hôtelier et qu'il ressort très clairement du règlement intérieur que les maintenus ont le droit de circuler au sein de la zone d'attente. Le requérant conteste l'appréciation du premier juge qui a considéré que la présence à l'audience du tribunal administratif était suffisante pour considérer que les droits de l'appelant auraient été respectés. Le représentant de l'administration soutient qu'aucun texte ne prescrit l'obligation pour l'administration de noter sur le registre de l'établissement les horaires de sortie ou de promenade des personnes retenues. Le Ministère public expose que l'affirmation péremptoire selon laquelle les étrangers en zone d'attente ne pourraient pas bénéficier de sortie aérée, à la supposer réelle, n'est pas de nature à établir que leur maintien dans cette zone se déroule dans des conditions indignes au sens des dispositions de l‘article 3 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme. Ceci étant exposé, Aux termes de l'article L 341-1 du CESEDA, l'étranger qui arrive en France par la voie ferroviaire, maritime ou aérienne et qui n'est pas autorisé à entrer sur le territoire français peut être placé dans une zone d'attente située dans une gare ferroviaire ouverte au trafic international figurant sur une liste définie par voie réglementaire, dans un port ou à proximité du lieu de débarquement ou dans un aéroport, pendant le temps strictement nécessaire à son départ. Peut également être placé en zone d'attente l'étranger qui se trouve en transit dans une gare, un port ou un aéroport si l'entreprise de transport qui devait l'acheminer dans le pays de destination ultérieure refuse de l'embarquer ou si les autorités du pays de destination lui ont refusé l'entrée et l'ont renvoyé en France. Il en est de même lorsqu'il est manifeste qu'un étranger appartient à un groupe d'au moins dix étrangers venant d'arriver en France en dehors d'un point de passage frontalier, en un même lieu ou sur un ensemble de lieux distants d'au plus dix kilomètres. Selon les dispositions des articles L 341-6 du CESEDA, la zone d'attente est délimitée par l'autorité administrative compétente. Elle peut inclure, sur l'emprise, ou à proximité, de la gare, du port ou de l'aéroport ou à proximité du lieu de débarquement, un ou plusieurs lieux d'hébergement assurant aux étrangers concernés des prestations de type hôtelier. Dans ces lieux d'hébergement, un espace permettant aux avocats de s'entretenir confidentiellement avec les étrangers est prévu. A cette fin, sauf en cas de force majeure, il est accessible en toutes circonstances sur demande de l'avocat. L'article L 343-1 du même code prévoit que l'étranger placé en zone d'attente est informé, dans les meilleurs délais, qu'il peut demander l'assistance d'un interprète et d'un médecin, communiquer avec un conseil ou toute personne de son choix et quitter à tout moment la zone d'attente pour toute destination située hors de France. Il est également informé des droits qu'il est susceptible d'exercer en matière de demande d'asile. Ces informations lui sont communiquées dans une langue qu'il comprend. Mention en est faite sur le registre mentionné au second alinéa de l'article L. 341-2, qui est émargé par l'intéressé. En cas de placement simultané en zone d'attente d'un nombre important d'étrangers, la notification des droits mentionnés au premier alinéa s'effectue dans les meilleurs délais, compte tenu du nombre d'agents de l'autorité administrative et d'interprètes disponibles. De même, dans ces mêmes circonstances particulières, les droits notifiés s'exercent dans les meilleurs délais. L'ensemble de ces dispositions ne prévoit pas l'obligation pour l'administration d'assurer un espace de promenade à l'étranger placé en zone d'attente, les prestations de type hôteliers devant s'interpréter comme les mesures relatives au gîte, au couvert et à la communication avec l'extérieur. Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 25 février 1992 (No 92-307 DC, JO 12 mars 1992) a admis que le maintien en zone d'attente n'entravait que « sensiblement » la liberté individuelle de l'intéressé car l'étranger est toujours libre de repartir de son plein gré. Enfin, les recommandations minimales du Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) pour le respect de la dignité et des droits fondamentaux des personnes privées de liberté, publiées le 4 juin 2020 au Journal officiel (NOR : CPLX2009511X) vise bien le principe général d'intégration du respect de la dignité et des droits fondamentaux dans l'aménagement et l'organisation des lieux de privation de liberté (1-) et notamment celui de satisfaire les besoins élémentaires des personnes privées de liberté et respecter leur dignité dans les actes de la vie quotidienne, tels que les besoins élémentaires, l'hébergement, l'hygiène, la restauration et l'accès à l'extérieur (1-4-4-5). Selon le CGLPL, la privation de liberté met toujours en péril la dignité des personnes dont elle brise l'ordinaire quotidien. Elle les éloigne de leurs proches, les soustrait à leur environnement et leurs activités habituelles. Elle entraîne des contraintes susceptibles à tout instant de retarder une prise en charge nécessaire ou la prise en compte d'un besoin particulier. Toute mesure d'enfermement entraîne la dépendance – au moins partielle – des personnes concernées au personnel du lieu dans lequel elles sont hébergées. Dès lors, l'autorité publique qui la met en oeuvre doit garantir le respect de leur dignité et de leurs droits fondamentaux à tout moment et en tout lieu, dans l'accomplissement des gestes les plus banals et pour la satisfaction des besoins les plus élémentaires. Elle assume à cette fin la responsabilité de définir, organiser et mettre en oeuvre les moyens d'y parvenir. S'agissant de l'accès à l'extérieur, toute personne privée de liberté doit avoir un accès quotidien à l'air libre, pour s'aérer, marcher, se détendre, profiter d'un environnement naturel ou pratiquer une activité physique. Les espaces extérieurs doivent permettre de voir le ciel, offrir un abri contre les intempéries, des aménagements permettant de s'asseoir ainsi que des installations sanitaires. Ils doivent également disposer d'un espace et d'aménagements permettant l'exercice physique. (4-5 No 93). L'accès à un espace extérieur doit s'exercer dans des conditions permettant les rencontres et les échanges entre les personnes qui vont s'y trouver, dans le respect de la sécurité de chacun (4-5 No 94). Or, en l'espèce, s'il est possible que le droit d'accès à l'extérieur soit restreint dans la zone d'attente de l'aéroport Roland-Garros, ce fait n'est pas établi dans la présente instance. Au surplus, le grief tiré de l'absence de moyens d'organisation de promenade des étrangers placés en zone d'attente, s'il était accueilli par le juge judiciaire, aurait pour effet de se prononcer sur la décision de l'autorité administrative de création de la zone d'attente en cause et de son emprise puisqu'elle en revient à contester le règlement intérieur notifié à l'étranger placé en zone d'attente. A cet égard, l'article 11 du règlement intérieur de la zone d'attente en cause, notifiée à l'appelant à son arrivée, mentionne clairement que la zone d'attente est dépourvue d'espace promenade et précise que, durant leur séjour, les étrangers pourront éventuellement se voir proposer de manière individuelle des sorites à l'air libre, et ce, en fonction des impératifs du service. En tout état de cause, il ne résulte pas des observations relatées lors de la visite de la presse accompagnant un député que les conditions de maintien des étrangers dans la zone d'attente aéroportuaire puissent être qualifiées d'indignes au point d'entraîner la nullité de la mesure administrative, et ce d'autant moins qu'aucune pièce corroborant cette allégation n'est versée aux débats. Enfin, l'appelant n'établit pas qu'il aurait sollicité les services de la police de l ‘air et des frontières pour bénéficier d'une sortie individuelle à l'air libre qui lui aurait été refusée. En conséquence, il convient d'écarter l'exception de nullité tirée des conditions d'hébergement au sein de la zone d'attente de l'aéroport [7]. 3/ Sur l'absence d'effectivité du droit de l'étranger à être assisté d'un interprète : L'appelant soutient qu'il n'a pas pu bénéficier effectivement du droit à un interprète, tout au long de la procédure. Il se plaint de la qualité médiocre de l'interprétariat, ne lui permettant pas d'exercer ses droits effectivement, notamment par les recours répétés et indus par l'administration à un interprète par téléphone qui ne remplissait pas les conditions légales pour une telle intervention. Il souligne que les problèmes d'interprétariat avaient été au coeur du débat relatif au désistement de l'appelant. L'administration réplique que cette exception est irrecevable en vertu des dispositions de l'article L. 342-8 du CESEDA puisqu'elle concerne la procédure antérieure à la présente instance. La procureure générale conclut aux mêmes fins. Les griefs sont formés à propos de l'instance en première prolongation du maintien en zone d'attente. Le fait que l'appelant n'ait pas persisté dans son premier appel de la première ordonnance du JLD n'est pas opérant alors qu'il était déjà assisté par un avocat et que les motifs de son désistement ne peuvent être appréciés dans le cadre de la présente instance. En conséquence, l'exception de nullité relative aux droits à un interprète au cours de la procédure antérieure doit être écartée comme irrecevable. Sur la computation des délais : Selon l'appelant, le JLD a commis une erreur dans la computation des délais en jugeant que le délai de quatre jours prévu par l'article L. 342-1 du CESEDA expirait le mercredi 21 septembre 2022 à 00 h 00 au lieu du mardi 20 septembre à minuit. Selon l'administration, il doit être fait application des articles 640 à 642 du code de procédure civile pour calculer les délais de la procédure. Compte tenu de ces prescriptions, le JLD ne pouvait pas préciser l'heure exacte de sa décision dès lors qu'elle a été rendue dans les délais légaux et que chaque délai exprimé en jour s'achève à minuit de cette date. Le Ministère public conclut à la confirmation de l'ordonnance sauf à relever qu'il n'est pas établi que le JLD soit tenu de fixer l'heure ou la date de la fin de la mesure dont il autorise la prolongation. Aux termes de l'article L 342-1 du CESEDA, le maintien en zone d'attente au-delà de quatre jours à compter de la décision de placement initiale peut être autorisé, par le juge des libertés et de la détention statuant sur l'exercice effectif des droits reconnus à l'étranger, pour une durée qui ne peut être supérieure à huit jours. Le premier alinéa de l'article R 342-8 du même code préscrit que l'ordonnance du juge des libertés et de la détention est rendue dans les vingt-quatre heures de sa saisine ou, lorsque les nécessités de l'instruction l'imposent, dans les quarante-huit heures de celle-ci. Elle est notifiée sur place aux parties présentes à l'audience qui en accusent réception. L'article 642 du code de procédure civile prescrit que tout délai expire le dernier jour à vingt-quatre heures. En l'espèce, la décision de placement initiale a été prise le samedi 17 septembre 2022 à 8 heures 10. Ainsi, le délai de quatre jours après l'acte du samedi 17 septembre 2022, expirait en réalité le mercredi 21 septembre à 24 heures 00. Si la présente contestation vise à remettre en cause la première saisine en soutenant que la fin du délai de quatre jours expirait le mardi 20 septembre 2022 à 24 heures 00, il convient de relever qu'aucune exception de nullité n'a été soulevée à ce titre dans le cadre de l'instance en première prolongation, ayant abouti à l'ordonnance du 21 septembre 2022 alors que la requête de la Police de l'air et des frontières visait bien une fin de mesure le 29 septembre 2022. Par suite, la prolongation de huit jours du maintien en zone d'attente de l'appelant a commencé le mercredi 21 septembre 2022. Le nouveau délai de huit jours avant la décision de seconde prolongation du placement en zone d'attente pouvait donc bien être calculé à partir du 21 septembre 2022 à 00 heures 00 et donc s'achever le 29 septembre 2022 à 24 heures 00. En statuant le 28 septembre 2022 à 14 heures 00 et en notifiant la décision à 14 heures 07 à l'intéressé, le JLD n'a commis aucune erreur causant un grief à l'appelant, et rendu sa décision dans le délai de l'article L 342-1 du CESEDA. La précision de l'heure de la notification de la mesure est seulement nécessaire afin de faire courir les délais de l'appel et n'emporte aucune conséquence sur le calcul des délais relatifs au maintien en zone d'attente, répondant aux modalités des articles 640 à 642 du code de procédure civile. Toutefois, le JLD n'était pas tenu de préciser l'heure à laquelle la prolongation prenait effet, pas plus qu'il n'est tenu de définir l'heure de la fin de la mesure. Il conviendra donc de réformer l'ordonnance entreprise de ce chef en jugeant que la prolongation est autorisée pour une durée de huit jours. Sur la prolongation exceptionnelle du maintien en zone de rétention : L'article L 342-4 du CESEDA dispose qu'à titre exceptionnel ou en cas de volonté délibérée de l'étranger de faire échec à son départ, le maintien en zone d'attente au-delà de douze jours peut être renouvelé, dans les conditions prévues au présent chapitre, par le juge des libertés et de la détention, pour une durée qu'il détermine et qui ne peut être supérieure à huit jours. Toutefois, lorsque l'étranger dont l'entrée sur le territoire français a été refusée dépose une demande d'asile dans les six derniers jours de cette nouvelle période de maintien en zone d'attente, celle-ci est prorogée d'office de six jours à compter du jour de la demande. Cette décision est mentionnée sur le registre prévu au second alinéa de l'article L. 341-2 et portée à la connaissance du procureur de la République dans les conditions prévues au même article. Le juge des libertés et de la détention est informé immédiatement de cette prorogation. Il peut y mettre un terme. En l'espèce, l'appelant ne soulève aucun moyen de fond susceptible de constituer un grief à l'encontre de la décision attaquée au regard des dispositions susvisées. L'ordonnance querellée sera donc confirmée au fond par adoption de motifs. Les dépens de l'instance resteront à la charge de l'Etat, PAR CES MOTIFS Nous, Patrick CHEVRIER, président de chambre, délégué du premier président de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, DÉCLARONS l'appel recevable ; DÉBOUTONS l'appelant de ses exceptions de nullité ; CONFIRMONS l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions sauf en ce qui concerne la fin de la période exceptionnelle de maintien en zone d'attente ; Statuant à nouveau de ce chef, DISONS que la seconde période de prolongation du maintien en zone d'attente est autorisée pour huit jours à compter du 29 septembre à 24 heures 00 ; LAISSONS les dépens de l'instance à la charge de l'Etat Le greffier Delphine GRONDIN Le président Patrick CHEVRIER Décision notifiée le 30/09/2022 à : - L'intéressé(e) - aux avocats - Monsieur le Commissaire de la Direction Départementale de la PAF - Monsieur le procureur général - Greffe du Juge des libertés et de la détention de SAINT-DENIS DE LA REUNION
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COUR D'APPEL D'ORLÉANS CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE GROSSES + EXPÉDITIONS : le 01/12/2022 la SCP STOVEN PINCZON DU SEL la SELARL WALTER & GARANCE AVOCATS ARRÊT du : 01 DECEMBRE 2022 No : 187 - 22 No RG 22/00256 No Portalis DBVN-V-B7G-GQM7 DÉCISION ENTREPRISE : Ordonnance du Juge commissaire de Tours en date du 14 Janvier 2022 PARTIES EN CAUSE APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265 2762 9044 1785 Organisme URSSAF CENTRE VAL DE LOIRE Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège. [Adresse 2] [Localité 4] Ayant pour avocat Me Clemence STOVEN-BLANCHE, membre de la SCP STOVEN PINCZON DU SEL, avocat au barreau d'ORLEANS D'UNE PART INTIMÉES : - Timbre fiscal dématérialisé No: 1265 2764 5604 1155 S.A.R.L. JCJ COMPO GRAVURE Représentée par son Gérant domicilié en cette qualité audit siège [Adresse 5] [Localité 3] Ayant pour avocat Me Stéphanie BAUDRY, membre de la SELARL WALTER & GARANCE AVOCATS, avocat au barreau de TOURS S.E.L.A.R.L. [F] - FLOREK Es qualités de Mandataire Judiciaire de la SARL JCJ COMPO GRAVURE [Adresse 1] [Localité 3] Ayant pour avocat Me Stéphanie BAUDRY, membre de la SELARL WALTER & GARANCE AVOCATS, avocat au barreau de TOURS S.E.L.A.R.L. [F] - FLOREK Es qualités de commissaire à l'exécution du plan de la SARL JCJ COMPO GRAVURE [Adresse 1] [Localité 3] Ayant pour avocat Me Stéphanie BAUDRY, membre de la SELARL WALTER & GARANCE AVOCATS, avocat au barreau de TOURS D'AUTRE PART DÉCLARATION D'APPEL en date du : 31 Janvier 2022 ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 15 Septembre 2022 COMPOSITION DE LA COUR Lors des débats à l'audience publique du JEUDI 29 SEPTEMBRE 2022, à 14 heures, Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, en charge du rapport, et Madame Fanny CHENOT, Conseiller, ont entendu les avocats des parties en leurs plaidoiries, avec leur accord, par application de l'article 805 et 907 du code de procédure civile. Après délibéré au cours duquel Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel D'ORLEANS, et Madame Fanny CHENOT, Conseiller, ont rendu compte à la collégialité des débats à la Cour composée de : Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, Madame Fanny CHENOT, Conseiller, Madame Ferréole DELONS, Conseiller, Greffier : Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier lors des débats et du prononcé, Prononcé publiquement par arrêt contradictoire le JEUDI 01 DECEMBRE 2022 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE Par jugement du 7 juillet 2020, le tribunal de commerce de Tours a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société JCJ Compo Gravure, qui exerce une activité de photogravure et des travaux de composition, impression numérique et façonnage. La Selarl [F]-Florek représentée par Maître [X] [F] a été désignée en qualité de mandataire judiciaire. L'URSSAF a adressé le 30 juillet 2020 à la Selarl [F]-Florek, ès qualités de mandataire judiciaire de la société JCL Compo gravure, un courriel indiquant transmettre sa "déclaration de créance à titre provisionnel" et comportant en pièce jointe, une "notification suite à déclaration de créance" et un "bordereau de déclaration de créance" établi le 23 juillet 2021 au titre des cotisations dues par cette société, pour un montant total de 345.211,95 €, dont 214.386€ au titre d'une régularisation pour délais-congés, AGS, TR, régularisations diverses et le surplus pour la période allant de décembre 2019 à juillet 2020. L'URSSAF a ensuite adressé à la SELARL [F]-Florek ès qualités un courriel du 22 février 2021 indiquant transmettre "la déclaration définitive de la SARL JCL Compo" et comportant en pièce jointe une "notification suite à déclaration de créance définitive" et un second "bordereau de déclaration de créance" pour un montant de cotisations de 80.305,15€ relatif à la période de décembre 2019 à juillet 2020. Par ordonnance en date du 14 janvier 2022, le juge-commissaire a : - constaté, en application de l'article L.622-27 du Code de commerce, l'existence d'une contestation sur la créance déclarée par l'URSSAF à hauteur de 345.211,95€, - décidé que l'URSSAF Centre Val de Loire, créancier, ne sera pas admis conformément à sa déclaration au passif de la procédure collective de la SARL [Adresse 5], et prononcé le rejet de la somme de 264.906,76 €, Privilège Caisses Sociales décembre 2019, février à juin 2020, juillet 2020 Rectif du 22 février 2021. L'URSSAF Centre Val de Loire a relevé appel de la décision par déclaration du 31 janvier 2022, en intimant la SARL JCJ Compo Gravure, la Selarl [F]-Florek ès qualité de mandataire judicaiire de la SARL JCJ Compo Gravure et la Selarl [F]-Florek ès qualité de commissaire à l'exécution du plan de la SARL JCJ Compo Gravure, et en critiquant tous les chefs de l'ordonnance. Dans ses conclusions du 30 août 2022, elle demande à la cour de : - annuler l'ordonnance du juge-commissaire en date du 14 janvier 2022 en toutes ses dispositions, Subsidiairement et si par extraordinaire, la Cour entend évoquer ce litige, - fixer la créance de l'URSSAF au passif du redressement de la SARL JCJ Compo Gravure à hauteur de 116.786,83 €, - débouter la SARL JCJ Compo Gravure et Maître [X] [F] de la Selarl [F]-Florek, ès qualités de mandataire judiciaire de la SARL JCJ Compo Gravure suivant jugement du 3 juillet 2020, et ès qualité de commissaire à l'exécution du plan de la SARL JCJ Compo Gravure suivant jugement du 21 décembre 2021, de l'intégralité de leurs demandes, - laisser les dépens à la charge du redressement de la SARL JCJ Compo Gravure. Elle fait valoir qu'il résulte des articles L.622-27 et R.624-1 du Code de commerce que lorsqu'il y a discussion sur tout ou partie d'une créance, le mandataire judiciaire doit en aviser par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, le créancier intéressé qui dispose alors d'un délai de 30 jours pour formuler ses éventuelles observations, qu'en l'espèce, alors que sa créance déclarée a fait l'objet d'une contestation par le débiteur, elle n'a pas été informée de l'existence d'une procédure en contestation de créance, de sorte qu'elle n'a pu valablement faire valoir ses observations devant le juge-commissaire, dont l'ordonnance doit dès lors être annulée. Au surplus, elle ajoute que compte tenu des dernières régularisations effectuées postérieurement au redressement par la SARL JCJ Compo Gravure au titre des congés payés, c'est une somme de 116.786,83 € qu'il convient d'admettre au passif, suivant déclaration actualisée en date du 20 janvier 2022. Elle explique que s'agissant d'un système déclaratif, c'est l'entreprise qui effectue elle-même ses déclarations et calcule le montant des cotisations dont elle est redevable et qu'en l'espèce, même après l'expiration du délai ouvert pour lui permettre de déclarer sa créance définitive, la SARL JCJ Compo Gravure a continué de déclarer des congés payés acquis avant redressement judiciaire, mais pris après redressement judiciaire, empêchant ainsi l'URSSAF de disposer de l'ensemble des éléments utiles dans les délais. Elle souligne qu'elle ne disposait pas de tous les éléments utiles au 7 juillet 2021 car après cette date, elle a continué à recevoir des AGS portant sur des congés payés acquis avant redressement judiciaire. La SARL JCJ Compo Gravure, la Selarl [F]-Florek ès qualité de mandataire judiciaire de la SARL JCJ Compo Gravure et la Selarl [F]-Florek ès qualité de commissaire à l'exécution du plan de la SARL JCJ Compo Gravure, par dernières conclusions du 12 septembre 2022, demandent à la cour de : Vules dispositions des articles L.622-24 et suivants du Code de commerce, Vu les dispositions des articles L.624-1 et suivants du Code de commerce, - juger n'y avoir lieu à annulation de l'ordonnance de M. le juge commissaire en date du 14 janvier 2022, - confirmer en tous ses points l'ordonnance rendue par M. le juge commissaire en date du 14 janvier 2022, - débouter l'URSSAF de toutes ses demandes, fins et conclusions, - rectifier l'ordonnance de M. le juge commissaire en date du 14 janvier 2022 en admettant la créance de l'URSSAF au passif de la société JCJ Compo Gravure à hauteur de la somme de 80.305,19 €, - débouter l'URSSAF de toutes ses demandes, fins et conclusions, A titre subsidiaire, - si par impossible la cour procédait à l'annulation de l'ordonnance de M. le juge commissaire en date du 14 janvier 2022, évoquer l'instance et en conséquence : o fixer la créance de l'URSSAF au passif de la société JCJ Compo Gravure à hauteur de la somme de 80.305,19 €, o débouter l'URSSAF de toutes ses demandes, fins et conclusions, En tout état de cause, - condamner l'URSSAF à payer à la société JCJ Compo Gravure la somme de 3.000€ par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, - condamner l'URSSAF aux entiers dépens dont distraction au profit de la Selarl Walter & Garance Avocat, avocat aux offres de droit, conformément à l'article 699 du Code de procédure civile. Les intimées font valoir à titre liminaire qu'elles n'ont pas contesté la créance définitive déclarée par l'URSSAF le 22 février 2021 à hauteur de la somme de 80.305,19 €, que le juge-commissaire n'a en réalité été saisi que de l'admission au passif de la créance définitive déclarée par l'URSSAF, que dès lors, faute de contestation, il n'y avait pas lieu de convoquer l'URSSAF à une quelconque audience de contestation de créance. Elles ajoutent qu'une erreur de forme contenue dans une décision de justice, en l'espèce, la mention "il existe une contestation" ne fait pas naître à l'égard d'une partie des droits inexistants, que le processus de déclaration et d'admission au passif des créances publiques est un processus particulier se décomposant en plusieurs étapes qui, une fois révolues, ne peuvent plus donner lieu à contestation. Ils soulignent que quand bien même il serait considéré qu'il s'agissait d'une procédure de contestation de créance, l'URSSAF, régulièrement convoquée, n'aurait pas pu faire une déclaration de créances complémentaire ou supplémentaire, le jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ayant fixé au 7 juillet 2021, la date limite pour l'établissement du passif. Ils ajoutent que l'URSSAF connaissait la difficulté qu'elle dénonce depuis au moins le mois de juin 2021 ce qui résulte de ses propres pièces et qu'elle pouvait au besoin solliciter un relevé de forclusion s'il s'imposait et/ou maintenir sa déclaration provisionnelle pour des quantums plus élevés. Ils en déduisent que même à supposer que la cour annule l'ordonnance, l'URSSAF ne peut en aucun cas voir fixer au passif sa créance à hauteur de 116.786,83€ puisqu'elle n'a pas procédé à une déclaration de créances complémentaire et à une demande en relevé de forclusion. L'affaire a été fixée à l'audience du 29 septembre 2022 en application des dispositions de l'article 905 du code de procédure civile. Il est expressément référé aux écritures des parties pour plus ample exposé des faits ainsi que de leurs moyens et prétentions. La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 15 septembre 2022. MOTIFS DE LA DÉCISION Sur la demande d'annulation de l'ordonnance La cour rappelle à titre liminaire qu'en application des articles L 622-24, L622-27, L 624-1, L624-2, R 624-1, R 624-2, R 624-3 et R624-4 du Code de commerce, les principales règles en lien avec le présent litige, relatives à la déclaration de créance et à la vérification et l'admission des créances sont les suivantes : - les créanciers déclarent leurs créances selon les modalités prévues par l'article L622-4 du Code de commerce, - au terme de l'article L622-27, "s'il y a discussion sur tout ou partie d'une créance autre que celles mentionnées à l'article L625-1, le mandataire judiciaire en avise le créancier intéressé, en l'invitant à faire connaître ses explications. Le défaut de réponse dans le délai de trente jours interdit toute contestation ultérieure de la proposition du mandataire judiciaire, à moins que la discussion ne porte sur la régulartié de la déclaration de créances.", - au terme de l'article L624-1, "dans le délai fixé par le tribunal, le mandataire judiciaire établit après avoir sollicité les observations du débiteur, la liste des créances déclariées avec ses propositions d'admission, de rejet, ou de renvoi devant la juridiction compétente. Il transmet cette liste au juge-commissaire. Les observations du débiteur sont faites dans un délai fixé par décret en Conseil d'Etat" (délai de trente jours selon l'article R 624-1) - lorsque la créance n'est pas contestée par le débiteur en temps utile, il suffit pour le juge-commissaire de parapher les créances figurant sur la liste établie par le mandataire judiciaire (article R624-3) et cette signature vaut décision d'admission, - lorsqu'une créance est contestée, le juge-commissaire doit statuer par décision motivée en faisant convoquer les parties (article R624-4 alinéas 1 et 2). En l'espèce, dans l'ordonnance dont appel, le premier juge commence par viser la liste des créances déposées par le mandataire judiciaire puis relève que l'URSSAF a déclaré sa créance pour la somme de 345.211,95€ et que le mandataire judiciaire propose le rejet de la créance suivant les termes repris ce-dessous. Après avoir ensuite rappelé que le juge-commissaire décide au vu des propositions du mandataire judiciaire de l'admission ou du rejet des créances ou constate soit qu'une instance est en cours, soit que la contestation n'est pas de sa compétence, il relève expressément : "en l'espèce il existe une contestation" puis statue, en rejetant la créance à hauteur de 264.906,76€, après avoir constaté une seconde fois, juste après le "par ces motifs", "qu'il a existé une contestation sur la créance déclarée". L'URSSAF ne cite pas de texte à l'appui de sa demande d'annulation de cette ordonnance mais invoque la méconnaisance du principe du contradictoire, expliquant ne pas avoir été informée de la procédure ayant donné lieu à l'ordonnance et n'avoir pu faire valoir ses explications. Les intimés soutiennent que le juge commissaire n'était en l'espèce pas saisi d'une contestation de créance mais uniquement d'une admission de la créance de l'URSSAF à hauteur du montant déclaré par elle-même et que la mention "existence d'une contestation" résulte d'une simple erreur dans la rédaction de l'ordonnance, la procédure étant donc régulière et l'URSSAF n'ayant pas à être informée d'une contestation de créance inexistante. Aux termes de l'article 14 du code de procédure civile, nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée. L'article 16 du même code dispose en outre que le juge doit en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe du contradictoire, étant rappelé que selon l'article R. 662-1-1o du code de commerce, les règles du code de procédure civile doivent recevoir application devant le tribunal de commerce, à moins qu'il n'en soit disposé autrement dans le livre VI dudit code. Les intimés, parmi lesquels la débitrice elle-même soutiennent qu'ils n'ont jamais contesté la créance déclarée par l'URSSAF, d'abord à titre provisionnel le 20 juillet 2020 (bordereau du 23 juillet 2020) puis "à titre définitif" le 22 février 2021 (bordereau du 19 février 2021), à hauteur de 80.305,19€. Il est exact qu'aucun courrier de contestation de la créance, émanant notamment de la débitrice n'est versé aux débats. La cour observe d'ailleurs que sur la liste réduite des créances antérieures établie par le mandataire judiciaire le 17 septembre 2020 (pièce 4 produite par les intimés), il n'est pas fait état d'une contestation de la créance de l'URSSAF, que sur l'état des créances, il est mentionné, au sujet de la créance de l'URSSAF dans la colonne "contesté : "0,00", et enfin que la décision proposée par le mandataire sur la liste des créances et arrêtée par le juge-commissaire dans l'ordonnance dont appel correspond au montant déclaré par l'URSSAF dans sa déclaration de créance dite "définitive" transmise le 22 février 2021. Les intimés versent en outre aux débats l'état des créances constitué, qui admet la créance de l'URSSAF à hauteur de la somme de 80.305,19 € et qui a été signé par le juge commissaire en date du 14 janvier 2022. Néanmoins, il ressort des termes de l'ordonnance querellée précédemment rappelés que le premier juge a expressément retenu qu'une contestation avait été formée concernant la créance déclarée par l'URSSAF. En conséquence, même à supposer qu'il se soit trompé sur ce point, il devait néanmoins, dès lors qu'il retenait expressément l'existence d'une contestation de la créance, faire observer et observer lui-même le principe du contradictoire en s'assurant que le mandataire judiciaire avait respecté l'article L622-27 du Code de commerce en avisant le créancier de la contestation, et surtout en tranchant la contestation après un débat contradictoire. Outre le fait que le mandataire judiciaire ne prétend pas avoir avisé l'URSSAF d'une contestation par lettre recommandée avec avis de réception, lui permettant de formuler ses observations dans un délai de 30 jours, la cour observe que le juge-commissaire a pris une décision de rejet partiel de la créance sans convocation préalable des parties. Le principe du contradictoire a donc été méconnu et il convient en conséquence d'annuler l'ordonnance. Il n'y a pas lieu d'évoquer le litige alors que la saisine du premier juge n'apparaît pas régulière et que l'URSSAF n'a pas été régulièrement appelée devant le premier juge, sauf à la priver d'un double degré de juridiction. Il convient d'employer les dépens en frais privilégiés de procédure collective. L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS - ANNULE l'ordonnance du juge commissaire du tribunal de commerce de Tours en date du 14 janvier 2022 ; - DIT n'y avoir lieu à évoquer le litige et à statuer sur les demandes formées à titre subsidiaire par les intimés ; - REJETTE la demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; - DIT que les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure collective. Arrêt signé par Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
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REPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COUR D'APPEL DE SAINT DENIS DE LA REUNION L. 340-1 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile No RG 22/01350 - No Portalis DBWB-V-B7G-FYHO No de MINUTE : ORDONNANCE DU 26 Septembre 2022 Décision déférée : ordonnance rendue le 21 septembre 2022 rectifiée le 22 septembre 2022 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Saint-Denis Nous, Jacques ROUSSEAU, conseiller délégué par le premier président par ordonnance no 2022/156 du 8 juillet 2022, assisté de Nadia HANAFI, greffier aux débats et au prononcé de l'ordonnance. APPELANT : M. [X] [O] X SE DISANT [G] [S] Zone d'attente [Adresse 3] [Localité 2]) né le [Date naissance 1] 1984 à CHILAW SRI LANKA de nationalité Sri lankaise Assisté de la SELARL SANDBERG AVOCATS, avocats au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION Monsieur le Commissaire de la direction départementale de la Police de l'Air et des Frontières de la Réunion, représenté par Maître Nicolas RANNOU, avocat au barreau de Paris Madame la procureure générale près la Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, représentée par Monsieur [I] [U], avisé de la date et de l'heure de l'audience EN PRESENCE DE Madame [F] [M], interprète en langue cingalaise, serment préalablement prêté conformément à la loi, par moyen d'audioconférence, ORDONNANCE : - contradictoire - prononcée en audience publique FAITS ET PROCÉDURE : Vu les articles L 341-3, R 341-1, R 342-2, R 342-4 à R 342-9 du CESEDA, R 342-18 du même code au visa des articles 640 et 642 du code de procédure civile, Vu l'appel formé par [X] [O] X SE DISANT [G] [S] à l'encontre de l'ordonnance de maintien en zone d'attente, première prolongation, du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Saint-Denis en date du 21 septembre 2022, Vu l'ordonnance de rectification d'erreur matérielle, Vu les débats en audience publique tenus le 23 septembre 2022 dans l'enceinte de la Cour d'Appel de Saint-Denis de la Réunion, Vu la comparution de [X] [O] X SE DISANT [G] [S] qui a pu s'exprimer et répondre aux questions de la Cour, ayant été préalablement informé qu'il était en droit de ne pas faire de déclarations, assisté d'un interprète en langue cingalaise, serment préalablement prêté conformément à la loi, Vu l'impossibilité d'obtenir l'assistance d'un traducteur en langue cingalaise à la Réunion ou à Mayotte, aucun n'étant disponible, la Cour a été placée dans la situation incontournable de faire appel aux services d'un interprète par communication téléphonique, les parties n'ont pas fait d'observations particulières, la communication s'est déroulée sans incident, Vu les exceptions in limine litis soutenues par Maître Xavier BELLIARD, Maître Nacima DJAFOUR et Maître Ludivine CRAUSTE, après débat contradictoire entre les parties, les incidents ont été joints au fond, Vu la plaidoirie de la défense, Vu les observations du conseil de la Police de l'Air et des Frontières qui a produit plusieurs pièces, Vu la plaidoirie de Maître Yannick MARDENALOM pour l'ensemble des appelants, Vu les observations de Monsieur l'Avocat Général, A la fin des débats, en application des articles R 342-18 du CESEDA, 640 et 642 du code de procédure civile, le président, délégué de Monsieur le Premier Président de la Cour d'Appel a informé les parties que la décision serait prononcée publiquement le 26 septembre 2022 à 14h00. Les éléments de procédure Le 20 septembre 2022, le STPAF a déposé une requête aux fins de prolongation du maintien en zone d'attente au-delà du délai de 96 heures de [X] [O] X SE DISANT [G] [S], transmise au greffe du juge des libertés et de la détention de Saint-Denis, La demande de prolongation étant motivée par une procédure pendante devant l'OFPRA, Plusieurs juges des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Saint-Denis ont été régulièrement saisis, l'examen des dossiers a été appelé à l'audience du mercredi 21 septembre 2022 ; [X] [O] X SE DISANT [G] [S] était arrivé sur le territoire national sur un navire avec de nombreuses personnes de même nationalité au PORT, il avait immédiatement sollicité l'asile politique, Il a bénéficié des droits prévus par la loi et reconnus par les conventions internationales auxquelles la France a adhéré, et a été placé en zone d'attente le 17 septembre 2022. Après débats, le juge des libertés et de la détention a ordonné la prolongation du maintien en zone d'attente de [X] [O] X SE DISANT [G] [S] pour une durée maximale de 08 jours à compter du 21 septembre 2022, [X] [O] X SE DISANT [G] [S] a été informé de sa possibilité de faire appel devant Monsieur le Premier Président de la Cour d'Appel de Saint-Denis ou de son délégué dans un délai de 24 heures à compter du prononcé de l'ordonnance, et a rappelé que le recours n'était pas suspensif. Sur l'appel Il a été fait dans les formes et les délais prévus par les textes, il sera déclaré recevable. Sur le moyen de nullité relatif à la non communication de l'arrêté portant création d'une zone d'attente Si c'est à bon droit que le premier juge a rappelé qu'il appartient au juge administratif de contrôler la régularité des actes administratifs de l'Etat en matière de maintien en zone d'attente, ainsi que l'appréciation de la légalité de l'arrêté préfectoral délimitant la zone d'attente, et son existence ou son inexistence, domaine qui ne relèverait pas de la compétence du juge judiciaire, Il appert qu'en application des dispositions de l'article 342-2 du CESEDA, la requête de l'administration doit être datée, signée et accompagnée de toutes pièces justificatives notamment du registre prévu au second alinéa de l'article 341-2 du même code, La requête, ainsi que les pièces jointes, dès leur arrivée au tribunal sont mises à la disposition de l'avocat du migrant, qui peut lui même les consulter éventuellement assisté d'un interprète, le législateur a tenu à souligner l'importance de la communication des pièces justificatives, dans le cadre du débat contradictoire et le droit pour le migrant et son conseil de les consulter préalablement au débat devant le juge judiciaire, En l'espèce, l'ordonnance querellée fait état que la requête transmise au juge des libertés et de la détention ne comportait pas l'arrêté portant création d'une zone d'attente dans l'hôtel dans lequel se trouvait [X] [O] X SE DISANT [G] [S], cette pièce n'était pas jointe à la procédure en dépit d'une requête formulée dans ce sens par écrit du 20 septembre 2022, ce que la défense était en droit d'interpréter comme une absence de décision administrative, la pièce ayant été communiquée ultérieurement, Il ne saurait être sérieusement contesté qu'une telle pièce, non jointe à la requête, constituait une pièce justificative au sens de l'article 342-2 du CESEDA, et que sa présentation au moment de la requête saisissant le juge constituait une formalité substantielle, Il ressort des pièces de la procédure que la pièce manquante, l'arrêté de création d'une zone d'attente, peut comprendre une zone qui, selon les circonstances, peut être élargie et peut englober tous les lieux dans lesquels le migrant est susceptible de se rendre dans le cadre de la procédure, Enfin, le maintien en zone d'attente a été strictement encadré par le législateur, en l'espèce la privation fondamentale d'aller et venir, si elle est motivée par la nécessité de contrôler les flux migratoires, pèse sur une personne non délinquante sur le territoire national, Ainsi, si le juge judiciaire n'a aucune compétence pour apprécier la régularité des conditions de placement et de maintien en zone d'attente, ni pour analyser la légalité de la mesure, l'article L 342-9 du CESEDA stipule qu'une irrégularité portant sur des formalités substantielles ne pourrait entraîner la mainlevée de la mesure que dans l'hypothèse d'une atteinte aux droits de l'étranger et si cette atteinte lui a causé un préjudice, En l'espèce, force est de constater que le droit de se défendre de [X] [O] X SE DISANT [G] [S], assisté d'un conseil, a fait l'objet d'une atteinte irréparable, en raison de l'absence dans le dossier déposé par l'administration auprès du juge judiciaire, d'une pièce justificative et du non respect d'une formalité substantielle prévue par la loi, Le migrant arrivé sur le territoire national, devant être informé de l'intégralité des éléments du dossier établi par l'administration à son encontre afin d'assurer sa défense dans les conditions les plus efficaces, le non respect de ce principe du droit positif a causé à [X] [O] X SE DISANT [G] [S] un préjudice personnel et direct, Sans avoir besoin d'examiner les autres moyens soulevés, avant dire droit ou au fond, il y aura lieu de dire que l'appel de [X] [O] X SE DISANT [G] [S] est recevable, qu'il est fondé et qu'il conviendra par conséquent d'infirmer la décision querellée, Les dépens de l'instance resteront à la charge de l'Etat, PAR CES MOTIFS Nous, Jacques ROUSSEAU, conseiller, délégué de Monsieur le Premier Président de la Cour d'Appel de Saint Denis, Disons l'appel de [X] [O] X SE DISANT [G] [S] recevable Le disons fondé, Infirmons la décision de prolongation de maintien en zone d'attente de [X] [O] X SE DISANT [G] [S] pour une durée maximale de 8 jours en date du 21 septembre 2022, Informons les parties que la présente décision est susceptible d'un pourvoi en cassation Laissons les dépens de l'instance à la charge de l'Etat Fait à Saint-Denis de la Réunion, le 26 Septembre 2022 à 14 H 00 LE GREFFIER LE CONSEILLER DELEGUE REÇU NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE ET DE L'EXERCICE DES VOIES DE RECOURS : Pour information : L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition. Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou la rétention et au ministère public. Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification. Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat-greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'Etat ou à la Cour de cassation constitué par le demandeur. Décision notifiée le 26 septembre 2022 à : - Monsieur le Préfet de la Réunion - Monsieur le Commissaire de la Direction Départementale de la PAF - Madame la procureure générale - Greffe du JLD du TJ de Saint-Denis Reçu notification et copie de la présente ordonnance le 26 septembre 2022 à : L'intéressé assisté de l'interprète Le Conseil , Le Greffier, par audioconférence,
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REPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COUR D'APPEL DE SAINT DENIS DE LA REUNION L. 340-1 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile No RG 22/01371 - No Portalis DBWB-V-B7G-FYI2 No de MINUTE : ORDONNANCE DU 26 Septembre 2022 Décision déférée : ordonnance rendue le 21 septembre 2022 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Saint-Denis Nous, Jacques ROUSSEAU, conseiller délégué par le premier président par ordonnance no 2022/156 du 8 juillet 2022, assisté de Nadia HANAFI, greffier aux débats et au prononcé de l'ordonnance. APPELANT : M. [T] [D] X SE DISANT [O] [R] Zone d'attente [Adresse 2] [Adresse 2] (REUNION) né le [Date naissance 1] 1974 à [Localité 3] SRI LANKA de nationalité Sri lankaise Assisté de Me Ludivine CRAUSTE, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION Monsieur le Commissaire de la direction départementale de la Police de l'Air et des Frontières de la Réunion, représenté par Maître Nicolas RANNOU, avocat au barreau de Paris Madame la procureure générale près la Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, représentée par Monsieur [M] [B], avisé de la date et de l'heure de l'audience EN PRESENCE DE Madame [E] [L], interprète en langue cingalaise, serment préalablement prêté conformément à la loi, par moyen d'audioconférence, ORDONNANCE : - contradictoire - prononcée en audience publique FAITS ET PROCÉDURE : Vu les articles L 341-3, R 341-1, R 342-2, R 342-4 à R 342-9 du CESEDA, R 342-18 du même code au visa des articles 640 et 642 du code de procédure civile, Vu l'appel formé par [T] [D] X SE DISANT [O] [R] à l'encontre de l'ordonnance de maintien en zone d'attente, première prolongation, du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Saint-Denis en date du 21 septembre 2022, Vu les débats en audience publique tenus le 23 septembre 2022 dans l'enceinte de la Cour d'Appel de Saint-Denis de la Réunion, Vu la comparution de [T] [D] X SE DISANT [O] [R] qui a pu s'exprimer et répondre aux questions de la Cour, ayant été préalablement informé qu'il était en droit de ne pas faire de déclarations, assisté d'un interprète en langue cingalaise, serment préalablement prêté conformément à la loi, Vu l'impossibilité d'obtenir l'assistance d'un traducteur en langue cingalaise à la Réunion ou à Mayotte, aucun n'étant disponible, la Cour a été placée dans la situation incontournable de faire appel aux services d'un interprète par communication téléphonique, les parties n'ont pas fait d'observations particulières, la communication s'est déroulée sans incident, Vu les exceptions in limine litis soutenues par Maître Xavier BELLIARD, Maître Nacima DJAFOUR et Maître Ludivine CRAUSTE, après débat contradictoire entre les parties, les incidents ont été joints au fond, Vu la plaidoirie de la défense, Vu les observations du conseil de la Police de l'Air et des Frontières qui a produit plusieurs pièces, Vu la plaidoirie de Maître Yannick MARDENALOM pour l'ensemble des appelants, Vu les observations de Monsieur l'Avocat Général, A la fin des débats, en application des articles R 342-18 du CESEDA, 640 et 642 du code de procédure civile, le président, délégué de Monsieur le Premier Président de la Cour d'Appel a informé les parties que la décision serait prononcée publiquement le 26 septembre 2022 à 14h00. Les éléments de procédure Le 20 septembre 2022, le STPAF a déposé une requête aux fins de prolongation du maintien en zone d'attente au-delà du délai de 96 heures de [T] [D] X SE DISANT [O] [R], transmise au greffe du juge des libertés et de la détention de Saint-Denis, La demande de prolongation étant motivée par une procédure pendante devant l'OFPRA, Plusieurs juges des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Saint-Denis ont été régulièrement saisis, l'examen des dossiers a été appelé à l'audience du mercredi 21 septembre 2022 ; [T] [D] X SE DISANT [O] [R] était arrivé sur le territoire national sur un navire avec de nombreuses personnes de même nationalité au [Localité 4], il avait immédiatement sollicité l'asile politique, Il a bénéficié des droits prévus par la loi et reconnus par les conventions internationales auxquelles la France a adhéré, et a été placé en zone d'attente le 17 septembre 2022. Après débats, le juge des libertés et de la détention a ordonné la prolongation du maintien en zone d'attente de [T] [D] X SE DISANT [O] [R] pour une durée maximale de 08 jours à compter du 21 septembre 2022, [T] [D] X SE DISANT [O] [R] a été informé de sa possibilité de faire appel devant Monsieur le Premier Président de la Cour d'Appel de Saint-Denis ou de son délégué dans un délai de 24 heures à compter du prononcé de l'ordonnance, et a rappelé que le recours n'était pas suspensif. Sur l'appel Il a été fait dans les formes et les délais prévus par les textes, il sera déclaré recevable. Sur le moyen de nullité relatif à la non communication de l'arrêté portant création d'une zone d'attente Si c'est à bon droit que le premier juge a rappelé qu'il appartient au juge administratif de contrôler la régularité des actes administratifs de l'Etat en matière de maintien en zone d'attente, ainsi que l'appréciation de la légalité de l'arrêté préfectoral délimitant la zone d'attente, et son existence ou son inexistence, domaine qui ne relèverait pas de la compétence du juge judiciaire, Il appert qu'en application des dispositions de l'article 342-2 du CESEDA, la requête de l'administration doit être datée, signée et accompagnée de toutes pièces justificatives notamment du registre prévu au second alinéa de l'article 341-2 du même code, La requête, ainsi que les pièces jointes, dès leur arrivée au tribunal sont mises à la disposition de l'avocat du migrant, qui peut lui même les consulter éventuellement assisté d'un interprète, le législateur a tenu à souligner l'importance de la communication des pièces justificatives, dans le cadre du débat contradictoire et le droit pour le migrant et son conseil de les consulter préalablement au débat devant le juge judiciaire, En l'espèce, l'ordonnance querellée fait état que la requête transmise au juge des libertés et de la détention ne comportait pas l'arrêté portant création d'une zone d'attente dans l'hôtel dans lequel se trouvait [T] [D] X SE DISANT [O] [R], cette pièce n'était pas jointe à la procédure en dépit d'une requête formulée dans ce sens par écrit du 20 septembre 2022, ce que la défense était en droit d'interpréter comme une absence de décision administrative, la pièce ayant été communiquée ultérieurement, Il ne saurait être sérieusement contesté qu'une telle pièce, non jointe à la requête, constituait une pièce justificative au sens de l'article 342-2 du CESEDA, et que sa présentation au moment de la requête saisissant le juge constituait une formalité substantielle, Il ressort des pièces de la procédure que la pièce manquante, l'arrêté de création d'une zone d'attente, peut comprendre une zone qui, selon les circonstances, peut être élargie et peut englober tous les lieux dans lesquels le migrant est susceptible de se rendre dans le cadre de la procédure, Enfin, le maintien en zone d'attente a été strictement encadré par le législateur, en l'espèce la privation fondamentale d'aller et venir, si elle est motivée par la nécessité de contrôler les flux migratoires, pèse sur une personne non délinquante sur le territoire national, Ainsi, si le juge judiciaire n'a aucune compétence pour apprécier la régularité des conditions de placement et de maintien en zone d'attente, ni pour analyser la légalité de la mesure, l'article L 342-9 du CESEDA stipule qu'une irrégularité portant sur des formalités substantielles ne pourrait entraîner la mainlevée de la mesure que dans l'hypothèse d'une atteinte aux droits de l'étranger et si cette atteinte lui a causé un préjudice, En l'espèce, force est de constater que le droit de se défendre de [T] [D] X SE DISANT [O] [R], assisté d'un conseil, a fait l'objet d'une atteinte irréparable, en raison de l'absence dans le dossier déposé par l'administration auprès du juge judiciaire, d'une pièce justificative et du non respect d'une formalité substantielle prévue par la loi, Le migrant arrivé sur le territoire national, devant être informé de l'intégralité des éléments du dossier établi par l'administration à son encontre afin d'assurer sa défense dans les conditions les plus efficaces, le non respect de ce principe du droit positif a causé à [T] [D] X SE DISANT [O] [R] un préjudice personnel et direct, Sans avoir besoin d'examiner les autres moyens soulevés, avant dire droit ou au fond, il y aura lieu de dire que l'appel de [T] [D] X SE DISANT [O] [R] est recevable, qu'il est fondé et qu'il conviendra par conséquent d'infirmer la décision querellée, Les dépens de l'instance resteront à la charge de l'Etat, PAR CES MOTIFS Nous, Jacques ROUSSEAU, conseiller, délégué de Monsieur le Premier Président de la Cour d'Appel de Saint Denis, Disons l'appel de [T] [D] X SE DISANT [O] [R] recevable, Le disons fondé, Infirmons la décision de prolongation de maintien en zone d'attente de [T] [D] X SE DISANT [O] [R] pour une durée maximale de 8 jours en date du 21 septembre 2022, Informons les parties que la présente décision est susceptible d'un pourvoi en cassation, Laissons les dépens de l'instance à la charge de l'Etat. Fait à Saint-Denis de la Réunion, le 26 Septembre 2022 à 14 H 00 LE GREFFIER LE CONSEILLER DELEGUE REÇU NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE ET DE L'EXERCICE DES VOIES DE RECOURS : Pour information : L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition. Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou la rétention et au ministère public. Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification. Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat-greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'Etat ou à la Cour de cassation constitué par le demandeur. Décision notifiée le 26 septembre 2022 à : - Monsieur le Préfet de la Réunion - Monsieur le Commissaire de la Direction Départementale de la PAF - Madame la procureure générale - Greffe du JLD du TJ de Saint-Denis Reçu notification et copie de la présente ordonnance le 26 septembre 2022 à : L'intéressé assisté de l'interprète Le Conseil , Le Greffier, par audioconférence,
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REPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COUR D'APPEL DE SAINT DENIS DE LA REUNION L. 340-1 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile No RG 22/01574 - No Portalis DBWB-V-B7G-FYVJ No de MINUTE : Décision déférée : ordonnance rendue le 01er novembre 2022 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Saint-Denis Ordonnance du 4 novembre 2022 Nous, Patrick CHEVRIER, président de chambre délégué par le premier président par ordonnance no 2022/ 258 du 2 novembre 2022, assisté de Marina BOYER, greffier aux débats et au prononcé de l'ordonnance. APPELANT : M. [W] [V] [Adresse 7] [Adresse 7] né le [Date naissance 1] 1982 à SRI LANKA de nationalité Sri lankaise Assisté de Me Zeïneb DRIDI, avocate au barreau de Saint Denis de la Réunion, substituée par Me Xavier BELLIARD, Monsieur le Commissaire de la direction départementale de la Police de l'Air et des Frontières de la Réunion, Représenté par M. [C] [B] Monsieur le préfet de [Localité 5], Non représenté Madame la procureure générale près la Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, représentée par Madame Emmanuelle BARRE, avocate générale, avisée de la date et de l'heure de l'audience EN PRESENCE DE Madame [U] [J], interprète en langue tamoule, serment préalablement prêté conformément à la loi, DEBATS : audience publique du 3 novembre 2022 à 11h Président : M. Patrick CHEVRIER, délégué par le premier président par ordonnance no2022/258 du 2 novembre 2022 Greffier : Marina BOYER ORDONNANCE prononcée publiquement le 4 novembre 2022 à 11 h FAITS ET PROCÉDURE : Vu les articles L 341-3, L. 342-2, R 341-1, R 342-2, R 342-4 à R 342-9, R 342-18 du CESEDA; Vu l'appel formé par l'intéressé M. [V] [W], né le [Date naissance 2]/1982 au Sri-Lanka, de nationalité sri lankaise, à l'encontre de l'ordonnance de seconde prolongation du placement en zone d'attente, du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Saint-Denis en date du 1er novembre 2022 ; Vu les débats en audience publique tenus le 3 novembre 2022 dans l'enceinte de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, Vu la comparution de l'intéressé qui a pu s'exprimer et répondre aux questions du délégué du premier président de la cour, ayant été préalablement informé qu'il était en droit de ne pas faire de déclarations, assisté d'un interprète en langue tamoule, serment préalablement prêté conformément à la loi, selon les dispositions de l'article Entendues les observations du Ministère public, Entendues les observations du commandant de la Police de l'Air et des Frontières ; Entendue la plaidoirie de l'avocat de l'appelant ; A la fin des débats, en application des articles R 342-18 du CESEDA, 640 et 642 du code de procédure civile, le président, délégué du premier président de la cour d'appel a informé les parties que la décision serait rendue le 4 novembre 202 à 11 h 00. Sur les éléments de procédure : Le 20 octobre 2022, à 17 heures 55, le bateau immatriculé [Immatriculation 4] accoste à la darse Sud [Localité 6] OUEST sur la commune du [Localité 6] accompagné par un zodiac de la gendarmerie maritime. A son bord se trouvaient trois femmes, un enfant et treize hommes, soit un total de dix-sept personnes. L'ensemble de ces personnes font savoir qu'elles veulent demander l'asile. La décision de placement de l'étranger en zone d'attente a été prise le 20 octobre 2022 à 22 heures 28, compte tenu de la volonté exprimée par l'intéressé de présenter une demande d'asile. Par ordonnance en date du 24 octobre 2022, le juge des libertés et de la détention du tribunal judicaire de Saint-Denis a autorisé la prolongation du maintien en zone d'attente de l'étranger pour une durée maximale de huit jours ; Par décision en date du 26 octobre 2022, la demande d'entrée en France au titre de l'asile de Monsieur [V] [W] a été rejetée par l'OFPRA. Sa requête en annulation de cette décision présentée a été rejetée par jugement du tribunal administratif en date du 31 octobre 2022. Selon requête adressée au juge des libertés et de la détention du tribunal judicaire de Saint-Denis, le Cheffe du Service Territorial de la Police Aux Frontières a sollicité la prolongation du maintien en zone d'attente de Monsieur [V] [W]. Par ordonnance du 1er novembre 2022, notifiée à l'intéressé le même jour, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Saint-Denis a statué en ces termes : Rejetons les nullités de procédure soulevées ; Ordonnons la SECONDE PROLONGATION du MAINTIEN de M. [V] [W] pour une durée maximale de huit jours ; L'avocat de l'intéressé a interjeté appel de la décision par déclaration déposée au greffe de la cour le 2 novembre 2022 à 14 heures 00. Aux termes de ses conclusions d'appel, le requérant demande de : INFIRMER l'ordonnance attaquée en date du 24 octobre 2022 ; FAIRE droit au moyen d'irrecevabilité invoqué ; REJETER toutes conclusions contraires comme étant infondées ORDONNER la mainlevée de la mesure de maintien en Zone d'attente et la remise en liberté du concluant. L'appelant fait valoir l'irrecevabilité de la requête aux fins de prolongation du maintien en zone d'attente par application des articles L. 342-2 et R. 342-2 du CESEDA en l'absence de motivation individualisée de cette demande. Selon l'appelant, l'administration n'expose pas dans sa saisine le délai nécessaire pour assurer le départ de l'intéressé de la zone d'attente, se bornant à exposer les raisons pour lesquelles les étrangers n'ont pu être rapatriés, sans référence au délai de réacheminement de l'intéressé. L'appelant invoque aussi le fait que le premier juge n'a pas répondu au grief tiré de l'absence d'individualisation de la requête de l'administration en nouvelle prolongation de la mesure de maintien en zone d'attente de l'étranger en cause alors que la requête était nominative et que les pièces annexées à la requête concernaient spécifiquement ce dernier. L'appelant plaide que la sanction prévue par la loi en cas de défaut de motivation est l'irrecevabilité de la requête. Cette fin de non-recevoir doit être accueillie sans que celui qui l'invoque ait à justifier d'un grief, conformément à l'article 124 du code de procédure civile. La procureure générale conclut en premier lieu à l'irrecevabilité de l'appel en ce qu'il vise une ordonnance en date du 24 octobre 2022. Subsidiairement, elle conclut à la confirmation de l'ordonnance entreprise. Le représentant de l'administration, réplique que la requête est motivée, individualisée et donc régulière alors que les pièces annexées corroborent le bien fondé de la demande de prolongation exceptionnelle. Monsieur [V] [W] s'est exprimé à la fin de l'audience, soulignant les difficultés personnelles rencontrées au Sri Lanka, durant le voyage maritime et depuis son placement en zone d'attente.*** Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il convient de se reporter à leurs écritures ci-dessus visées, figurant au dossier de la procédure, auxquelles il est expressément référé en application de l'article 455 du code de procédure civile. Sur la recevabilité de l'appel : Vu les articles L 342-12 et R 342-10, R 342-11, R 342-18 du CESEDA ; Même si le dispositif de la déclaration d'appel tend à l'infirmation d'une ordonnance du 24 octobre 2022, il y a lieu de considérer cette mention comme constituant une simple erreur matérielle, l'ordonnance entreprise ayant été rendue en réalité le 1er novembre 2022. En effet, la simple lecture des motifs de la déclaration d'appel établit qu'elle évoque la demande de seconde prolongation du maintien en zone d'attente de l'étranger en cause tandis que la seule pièce jointe à l'acte d'appel est l'ordonnance du JLD en date du 1er novembre 2022. En outre, aucun préjudice résultant de cette erreur n'est démontré. L'ordonnance querellée a été notifiée à l'intéressé le 01 novembre 2022. La déclaration d'appel, motivé, a été déposée au greffe de la cour dans les 24 heures. L'appel est donc recevable. Sur les fins de non-recevoir : L'article L. 342-2 du CESEDA prévoit que la requête aux fins de maintien en zone d'attente expose les raisons pour lesquelles l'étranger n'a pu être rapatrié ou, s'il a demandé l'asile, admis, et le délai nécessaire pour assurer son départ de la zone d'attente. Selon l'article R. 342-2 du même code, à peine d'irrecevabilité, la requête est motivée, datée, signée et accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment d'une copie du registre prévu au second alinéa de l'article L. 341-2. L'appelant fait grief à l'ordonnance querellée d'avoir accueilli la requête de l'administration alors que celle-ci est irrecevable pour défaut de motivation individualisée tandis que le premier juge n'aurait pas répondu à cette fin de non-recevoir. En l'espèce, la requête datée du 31 octobre 2022, ayant pour objet d'obtenir du JLD l'autorisation de maintenir pour la seconde fois l'étranger appelant dans la zone d'attente, rappelle l'identité déclarée de l'intéressé, reprend les conditions de son arrivée par la mer près des côtes françaises, rappelle le jour et l'heure de son placement en zone d'attente ainsi que le sort de sa demande d'asile. La requête énonce deux motifs justifiant la demande de prolongation exceptionnelle du maintien en zone d'attente : 1/ L'exercice du droit de recours pour l'ensemble des étrangers qui ont été concernés par leur transport et leur arrivée près du territoire national, au nombre de treize ; 2/ Les difficultés de réacheminement de chacun des étrangers, compte tenu de leur nombre et des contraintes inhérentes à l'organisation de ces vols, compte tenu des possibilités limitées des compagnies aériennes localement et de la nécessaire mobilisation d'un effectif important de policiers pour assurer un retour sécurisé tout en prenant en compte les efforts diplomatiques en cours avec les autorités Sri Lankaises. Ainsi, contrairement à ce qu'évoque l'appelant, la requête est motivée en fait et en droit, sans préjudice de son bienfondé. Elle s'applique individuellement à l'appelant, même si le sort des douze autres personnes étrangères avec qui il a voyagé en bateau jusqu'au 20 octobre 2022 présente de nombreuses similitudes, ce qui ne peut être interprété comme une absence d'individualisation de la motivation de la requête alors que tous les passagers du bateau par lequel est arrivé l'appelant disposent du même statut administratif au regard de leur droit d'entrée sur le territorie national tandis que chacun reste libre de repartir vers la destination de son choix. La fin de non-recevoir tirée de l'insuffisance de la motivation de la requête en prolongation exceptionnelle du maintien en zone d'attente de l'appelant doit être écartée. Le défaut prétendu de motivation de l'ordonnance querellée n'emporte aucun effet en cause d'appel compte tenu des moyens invoqués par l'appelant alors que les griefs exposés le sont pour soutenir une fin de non-recevoir tirée d'un défaut de motivation et non pour critiquer au fond les circonstances alléguées par l'administration. Aucun moyen de fond n'est soulevé par l'appelant. L'ordonnance querellée sera donc confirmée au fond par adoption de motifs. Les dépens de l'instance resteront à la charge de l'Etat, PAR CES MOTIFS Nous, Patrick CHEVRIER, délégué de Monsieur le premier président de la Cour d'appel de Saint-Denis, statuant publiquement, par ordonnance rendue réputé contradictoire , DECLARONS l'appel recevable ; ECARTONS la fin de non-recevoir tirée de l'insuffisance de la motivation de la requête en prolongation exceptionnelle du maintien en zone d'attente ; CONFIRMONS l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ; LAISSONS les dépens de l'instance à la charge de l'Etat Informons les parties que la présente décision est susceptible d'un pourvoi en cassation Fait à Saint-Denis de la Réunion, le 04 novembre 2022 à 11 H 00 LE GREFFIER LE PRESIDENT DE CHAMBRE DELEGUE REÇU NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE ET DE L'EXERCICE DES VOIES DE RECOURS : Pour information : L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition. Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou la rétention et au ministère public. Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification. Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat-greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'Etat ou à la Cour de cassation constitué par le demandeur. DECISION NOTIFIEE LE 04 NOVEMBRE 2022 A 11 H - Monsieur le Préfet de la Réunion - Monsieur le Commissaire de la Direction Départementale de la PAF - Madame la procureure générale - Greffe du JLD du TJ de Saint-Denis Reçu notification et copie de la présente ordonnance le 4 novembre 2022 : L'intéressé assisté de l'interprète L'interprète L'avocat
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N No RG 22/01421 - No Portalis DBWB-V-B7G-FYL3 du 30/09/2022 ------------------------ COUR D'APPEL DE SAINT-DENIS O R D O N N A N C E en date du 30 Septembre 2022 à 15h00 APPELANT : M. [H] X SE DISANT [B] ZONE D'ATTENTE [Adresse 6] [Localité 4]) né le [Date naissance 1] 1997 à [Localité 7] SRI LANKA de nationalité Sri lankaise Comparant en personne Assisté de Me Louis WEINLING GAZE, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION Madame LA PROCUREURE GENERALE PRES LA COUR D'APPEL [Adresse 2] [Localité 3] Comparante en personne MONSIEUR LE COMMISSAIRE DE LA POLICE DE L'AIR ET DES FRONTIERES [Adresse 8] [Localité 5] Représenté par M. CHESAN et assisté de Maître Nicolas RANNOU, avocat au barreau de Paris En présence de : Mme [Z] [J], interprète en langue Tamoul, serment préalablement prêté CONSEILLER DELEGUE : Patrick CHEVRIER, désigné par ordonnance no 2022/229 du 29 septembre 2022 pour remplacer le Premier Président empêché. GREFFIERE :Delphine GRONDIN DEBATS : à l'audience publique du 30 Septembre 2022 à 09h00 ORDONNANCE : mise en délibéré le 30 Septembre 2022 à 15h00 Le greffier Delphine GRONDIN Le président Décision notifiée le 30/09/2022 à : - L'intéressé(e) - Monsieur le Préfet de la Réunion - Monsieur le Commissaire de la Direction Départementale de la PAF - Monsieur le procureur général - Greffe du Juge des libertés et de la détention de SAINT-DENIS DE LA REUNION
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REPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COUR D'APPEL DE SAINT DENIS DE LA REUNION L. 340-1 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile No RG 22/01570 - No Portalis DBWB-V-B7G-FYVA No de MINUTE : 22/ ORDONNANCE DU 04 Novembre 2022 Décision déférée : ordonnance no22/913 rendue le 01 Novembre 2022 par le Juge des libertés et de la détention de SAINT-DENIS DE LA REUNION Nous, Patrick CHEVRIER, conseiller délégué par le premier président par ordonnance no 2022/258 du 02 novembre 2022, assisté de Marina BOYER, greffier aux débats et au prononcé de l'ordonnance. APPELANT : M. [J] [N] Actuellement maintenu en zone d'attente Aeroport [5] [Localité 3] (REUNION) né le [Date naissance 1] 1979 à SRI LANKA de nationalité Sri lankaise Assisté de Me Louis LAI-KANE-CHEONG, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION Monsieur le Commissaire de la [Adresse 6], Représenté par M. [F] [U] Monsieur le préfet de LA REUNION, Non représenté Madame la procureure générale près la Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, représentée par Madame Emmanuelle BARRE,avocate généale avisé de la date et de l'heure de l'audience EN PRESENCE DE Madame [R] [G], interprète en langue tamoule, serment préalablement prêté conformément à la loi, DEBATS : audience publique du 3 novembre 2022 à 11h Président : M. Patrick CHEVRIER, délégué par le premier président par ordonnance no2022/258 du 2 novembre 2022 Greffier : Marina BOYER ORDONNANCE prononcée publiquement le 4 novembre 2022 à 11 h Faits et procédure : Vu les articles L 341-3, L. 342-2, R 341-1, R 342-2, R 342-4 à R 342-9, R 342-18 du CESEDA; Vu l'appel formé par l'intéressé M. [N] [J], né le [Date naissance 2] 1979 au Sri-Lanka, de nationalité sri lankaise, à l'encontre de l'ordonnance de seconde prolongation du placement en zone d'attente, du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Saint-Denis en date du 01 novembre 2022 ; Vu les débats en audience publique tenus le 3 novembre 2022 dans l'enceinte de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, Vu la comparution de l'intéressé qui a pu s'exprimer et répondre aux questions du délégué du premier président de la cour, ayant été préalablement informé qu'il était en droit de ne pas faire de déclarations, assisté d'un interprète en langue tamoule, serment préalablement prêté conformément à la loi. Vu la comparution de l'intéressé qui a pu s'exprimer et répondre aux questions du délégué du premier président de la cour, ayant été préalablement informé qu'il était en droit de ne pas faire de déclarations, assisté d'un interprète en langue tamoule, serment préalablement prêté conformément à la loi. Entendues les observations de l'Avocat de l'appelant, au soutien de l'appel ; Entendues les observations du commandant de la Police de l'Air et des Frontières ; Entendues les observations du Ministère public ; A la fin des débats, en application des articles R 342-18 du CESEDA, 640 et 642 du code de procédure civile, le président, délégué du premier président de la cour d'appel a informé les parties que la décision serait rendue le 4 novembre 2022 à 11 h 00. Sur les éléments de procédure : Le 20 octobre 2022, à 17 heures 55, le bateau immatriculé [Immatriculation 7] accoste à la [Adresse 4] sur la commune du [Localité 8] accompagné par un zodiac de la gendarmerie maritime. A son bord se trouvaient trois femmes, un enfant et treize hommes, soit un total de dix-sept personnes. L'ensemble de ces personnes font savoir qu'elles veulent demander l'asile. La décision de placement de l'étranger en zone d'attente a été prise le 21 octobre 2022 à 2 heures 13, compte tenu de la volonté exprimée par l'intéressé(e) de présenter une demande d'asile. Par ordonnance en date du 24 octobre 2022, le juge des libertés et de la détention du tribunal judicaire de Saint-Denis a autorisé la prolongation du maintien en zone d'attente de l'étranger pour une durée maximale de huit jours ; Par décision en date du 26 octobre 2022, la demande d'entrée en France au titre de l'asile de Monsieur [N] [J] a été rejetée par l'OFPRA. Sa requête en annulation de cette décision présentée a été rejetée par jugement du tribunal administratif en date du 2 novembre 2022 selon les déclarations de l'autorité admininstrative à l'audience. Selon requête adressée au juge des libertés et de la détention du tribunal judicaire de Saint-Denis, le Commissaire de Police, Cheffe du Service Territorial de la Police Aux Frontières a sollicité la prolongation du maintien en zone d'attente de Monsieur [N] [J]. Par ordonnance du 01 novembre 2022, notifiée à l'intéressée le même jour, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Saint-Denis a statué en ces termes : Rejetons les nullités de procédure soulevées ; Ordonnons la SECONDE PROLONGATION du MAINTIEN de M. [N] [J] pour une durée maximale de huit jours ; L'avocat de l'intéressé a interjeté appel de la décision par déclaration déposée au greffe de la cour le 2 novembre 2022 à 13 heures 50. Aux termes de ses conclusions d'appel, le requérant demande de : INFIRMER l'ordonnance attaquée en date du 24 octobre 2022 ; FAIRE droit au moyen d'irrecevabilité invoqué ; REJETER toutes conclusions contraires comme étant infondées ORDONNER la mainlevée de la mesure de maintien en Zone d'attente et la remise en liberté du concluant L'appelant fait valoir l'irrecevabilité de la requête aux fins de prolongation du maintien en zone d'attente par application des articles L. 342-2 et R. 342-2 du CESEDA en l'absence de motivation individualisée de cette demande. Selon l'appelant, l'administration n'expose pas dans sa saisine le délai nécessaire pour assurer le départ de l'intéressé de la zone d'attente, se bornant à exposer les raisons pour lesquelles les étrangers n'ont pu être rapatriés, sans référence au délai de réacheminement de l'intéressé. L'appelant invoque aussi le fait que le premier juge n'a pas répondu au grief tiré de l'absence d'individualisation de la requête de l'administration en nouvelle prolongation de la mesure de maintien en zone d'attente de l'étranger en cause alors que la requête était nominative et que les pièces annexées à la requête concernaient spécifiquement ce dernier. L'appelant plaide que la sanction prévue par la loi en cas de défaut de motivation est l'irrecevabilité de la requête. Cette fin de non-recevoir doit être accueillie sans que celui qui l'invoque ait à justifier d'un grief, conformément à l'article 124 du code de procédure civile. La procureure générale conclut en premier lieu à l'irrecevabilité de l'appel en ce qu'il vise une ordonnance en date du 24 octobre 2022. Subsidiairement, elle conclut à la confirmation de l'ordonnance entreprise. Le représentant de l'administration, réplique que la requête est motivée, individualisée et donc régulière alors que les pièces annexées corroborent le bien fondé de la demande de prolongation exceptionnelle. Monsieur [N] [J] s'est exprimé à la fin de l'audience, soulignant les difficultés personnelles rencontrées au Sri Lanka, durant le voyage maritime et depuis son placement en zone d'attente. Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il convient de se reporter à leurs écritures ci-dessus visées, figurant au dossier de la procédure, auxquelles il est expressément référé en application de l'article 455 du code de procédure civile. Sur la recevabilité de l'appel : Vu les articles L 342-12 et R 342-10, R 342-11, R 342-18 du CESEDA ; Même si le dispositif de la déclaration d'appel tend à l'infirmation d'une ordonnance du 24 octobre 2022, il y a lieu de considérer cette mention comme constituant une simple erreur matérielle, l'ordonnance entreprise ayant été rendue en réalité le 1er novembre 2022. En effet, la simple lecture des motifs de la déclaration d'appel établit qu'elle évoque la demande de seconde prolongation du maintien en zone d'attente de l'étranger en cause tandis que la seule pièce jointe à l'acte d'appel est l'ordonnance du JLD en date du 1er novembre 2022. En outre, aucun préjudice résultant de cette erreur n'est démontré. L'ordonnance querellée a été notifiée à l'intéressé le 01 novembre 2022. La déclaration d'appel, motivé, a été déposée au greffe de la cour dans les 24 heures. L'appel est donc recevable. Sur les fins de non-recevoir : L'article L. 342-2 du CESEDA prévoit que la requête aux fins de maintien en zone d'attente expose les raisons pour lesquelles l'étranger n'a pu être rapatrié ou, s'il a demandé l'asile, admis, et le délai nécessaire pour assurer son départ de la zone d'attente. Selon l'article R. 342-2 du même code, à peine d'irrecevabilité, la requête est motivée, datée, signée et accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment d'une copie du registre prévu au second alinéa de l'article L. 341-2. L'appelant fait grief à l'ordonnance querellée d'avoir accueilli la requête de l'administration alors que celle-ci est irrecevable pour défaut de motivation individualisée tandis que le premier juge n'aurait pas répondu à cette fin de non-recevoir. En l'espèce, la requête datée du 31 octobre 2022, ayant pour objet d'obtenir du JLD l'autorisation de maintenir pour la seconde fois l'étranger appelant dans la zone d'attente, rappelle l'identité déclarée de l'intéressé, reprend les conditions de son arrivée par la mer près des côtes françaises, rappelle le jour et l'heure de son placement en zone d'attente ainsi que le sort de sa demande d'asile. La requête énonce deux motifs justifiant la demande de prolongation exceptionnelle du maintien en zone d'attente : 1/ L'exercice du droit de recours pour l'ensemble des étrangers qui ont été concernés par leur transport et leur arrivée près du territoire national, au nombre de treize ; 2/ Les difficultés de réacheminement de chacun des étrangers, compte tenu de leur nombre et des contraintes inhérentes à l'organisation de ces vols, compte tenu des possibilités limitées des compagnies aériennes localement et de la nécessaire mobilisation d'un effectif important de policiers pour assurer un retour sécurisé tout en prenant en compte les efforts diplomatiques en cours avec les autorités Sri Lankaises. Ainsi, contrairement à ce qu'évoque l'appelant, la requête est motivée en fait et en droit, sans préjudice de son bienfondé. Elle s'applique individuellement à l'appelant, même si le sort des douze autres personnes étrangères avec qui il a voyagé en bateau jusqu'au 20 octobre 2022 présente de nombreuses similitudes, ce qui ne peut être interprété comme une absence d'individualisation de la motivation de la requête alors que tous les passagers du bateau par lequel est arrivé l'appelant disposent du même statut administratif au regard de leur droit d'entrée sur le territorie national tandis que chacun reste libre de repartir vers la destination de son choix. La fin de non-recevoir tirée de l'insuffisance de la motivation de la requête en prolongation exceptionnelle du maintien en zone d'attente de l'appelant doit être écartée. Le défaut prétendu de motivation de l'ordonnance querellée n'emporte aucun effet en cause d'appel compte tenu des moyens invoqués par l'appelant alors que les griefs exposés le sont pour soutenir une fin de non-recevoir tirée d'un défaut de motivation et non pour critiquer au fond les circonstances alléguées par l'administration. Aucun moyen de fond n'est soulevé par l'appelant. L'ordonnance querellée sera donc confirmée au fond par adoption de motifs. Les dépens de l'instance resteront à la charge de l'Etat, PAR CES MOTIFS Nous, Patrick CHEVRIER, délégué de Monsieur le premier président de la Cour d'appel de Saint-Denis, statuant publiquement, par ordonnance rendu par décision réputée contradictoire, DECLARONS l'appel recevable ; ECARTONS la fin de non-recevoir tirée de l'insuffisance de la motivation de la requête en prolongation exceptionnelle du maintien en zone d'attente ; CONFIRMONS l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ; LAISSONS les dépens de l'instance à la charge de l'Etat Fait à Saint-Denis de la Réunion, le 04 novembre 2022 à 11 H 00 LE GREFFIER LE PRESIDENT DE CHAMBRE DELEGUE REÇU NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE ET DE L'EXERCICE DES VOIES DE RECOURS : Pour information : L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition. Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou la rétention et au ministère public. Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification. Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat-greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'Etat ou à la Cour de cassation constitué par le demandeur. DECISION NOTIFIEE LE 04 NOVEMBRE 2022 A 11 H - Monsieur le Préfet de la Réunion - Monsieur le Commissaire de la Direction Départementale de la PAF - Madame la procureure générale - Greffe du JLD du TJ de Saint-Denis Reçu notification et copie de la présente ordonnance le 4 novembre 2022 : L'intéressé assisté de l'interprète L'interprète L'avocat
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COUR D'APPEL DE Saint-Denis Chambre des Libertés Individuelles Soins Psychiatriques sous contrainte ORDONNANCE DU 22/04/2022 ------------- République Française Au nom du Peuple Français No RG : No RG 22/00449 - No Portalis DBWB-V-B7G-FVSW No MINUTE : Appel de l'ordonnance rendue le 08 Avril 2022 par le juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Juge des libertés et de la détention de SAINT-DENIS DE LA REUNION APPELANT : Monsieur MONSIEUR LE PRÉFET DE LA RÉGION RÉUNION, [Adresse 3] [Adresse 12] [Localité 9] Non comparant Monsieur [R] [E] [Adresse 1] [Adresse 11] [Localité 7] comparant assisté de Me ASERVADOMPOULE Laure Marina, avocat au barreau de SAINT DENIS DE LA REUNION En présence de Madame [I], infirmière et de [W] [M], aide-soignant ETABLISSEMENT PUBLIC DE SANTE MENTALE DE LA REUNION (EPSMR) [Adresse 6] [Localité 10] non comparant Ministère Public Madame le Procureur Général absent, ayant été régulièrment avisé Madame Nathalie LECLERC'H, substitut général ,ayant déposé des observations écrites le 21 avril 2022 ; PRESIDENT DE CHAMBRE : Patrick CHEVRIER, déléguée par le premier président par ordonnance du 20 avril 2022 no2022/79 GREFFIER : Véronique FONTAINE DÉBATS : A l'audience publique du 22 Avril 2022, les parties comparantes ayant été avisées à l'issue des débats que l'ordonnance sera prononcée le 22/04/2022 à 15h00 et leur sera immédiatement notifiée ; ORDONNANCE prononcée par mise à disposition au greffe le 22/04/2022 à 15h00et signée par Patrick CHEVRIER, Président de chambre déléguée par le premier président, et Véronique FONTAINE, greffière ; EXPOSE DE LA PROCEDURE: Vu la Loi no 2011-803 du 5 Juillet 2011 ; Vu les décrets 2011-846 et 201 1-847 du 18 Juillet 2011 ; Vu l'ordonnance du juge des libertés et de la détention en date du 8 avril 2022 ayant ordonné le maintien de la mesure d'hospitalisation complète de : M. [X] [E] Né le [Date naissance 5] 1980 à [Localité 13] Demeurant [Adresse 4] [Localité 8] Vu la déclaration d'appel en date du 15 avril 2022 présentée par le Préfet de la Réunion au motif que l'ordonnance est établie à une identité erronée du patient concerné, celui-ci se prénommant en réalité [R], étant né le [Date naissance 2] 1982 à [Localité 15] et demeurant [Adresse 1]) ; Vu les convocations à l'audience du 22 avril 2022 à 10 h30, adressées le 20 avril 2022 : - Au procureur général près la cour d'appel ; - Au Préfet de la Réunion ; - Au directeur de l'établissement de santé de [Localité 14] ; - A Monsieur [E] ; - A Maître Laure-Marina ASERVADOMPOULE, Avocate de Monsieur [R] [E]; Entendu, Monsieur [E] ainsi que son Conseil, Maître ASERVADOMPOULE, avocat de permanence ayant pu consulter le dossier de la procédure, s'entretenir avec l'appelant et présenter ses observations ; Sur la recevabilité de l'appel : Aux termes de l'article R. 3211-18 du code de la santé publique, l'ordonnance est susceptible d'appel devant le premier président de la cour d'appel ou son délégué, dans un délai de dix jours à compter de sa notification. Le ministère public peut, dans tous les cas, interjeter appel dans le même délai. En l'espèce, l'ordonnance querellée a été rendue et notifiée au Préfet de la Réunion le 7 avril 2022. Ainsi, son appel formé le 19 avril 2022 est recevable. Sur la demande de rectification d'erreur matérielle : Aux termes de l 'article 462 du code de procédure civile, les erreurs et omissions matérielles qui affectent un jugement, même passé en force de chose jugée, peuvent toujours être réparées par la juridiction qui l'a rendu ou par celle à laquelle il est déféré, selon ce que le dossier révèle ou, à défaut, ce que la raison commande. Le juge est saisi par simple requête de l'une des parties, ou par requête commune ; il peut aussi se saisir d'office. Le juge statue après avoir entendu les parties ou celles-ci appelées. Toutefois, lorsqu'il est saisi par requête, il statue sans audience, à moins qu'il n'estime nécessaire d'entendre les parties. La décision rectificative est mentionnée sur la minute et sur les expéditions du jugement. Elle est notifiée comme le jugement. En l'espèce, il est certain que l'ordonnance dont appel contient quelques erreurs matérielles relatives au prénom du patient, à sa date de naissance, à son lieu de naissance et à son domicile alors que l'état civil complet et correct de Monsieur [E] figure bien sur l'ensemble des documents préparatoires à l'ordonnance querellée. En conséquence, il convient de faire droit à la demande de rectification d'erreur matérielle. Sur le périmètre de l'appel : La décision entreprise n'est nullement contestée sur le fond. Il convient donc de la confirmer en toutes ses dispositions. PAR CES MOTIFS, Nous, Patrick CHEVRIER, Conseiller délégué par ordonnance du premier président de la cour d'appel de Saint-Denis, assisté de Véronique FONTAINE, greffière, statuant publiquement par ordonnance réputée contradictoire, DECLARE RECEVABLE l'appel du Préfet de la réunion ; ORDONNE la rectification des erreurs matérielles contenues dans l'ordonnance entreprise s'agissant de l'état civil de l'intimé ; DIT que les mentions suivantes en en-tête de l'ordonnance et le prénom de l'intéressé dans les motifs et le dispositif : " M. [X] [E] Né le [Date naissance 5] 1980 à [Localité 13] Demeurant [Adresse 4] [Localité 8] " Doivent être remplacées par : M. [R] [E] Né le [Date naissance 2] 1982 à [Localité 15] Demeurant : [Adresse 1] Saint-Denis (97400) ; CONFIRME l'ordonnance du juge des libertés et de la détention en toutes ses dispositions ; Le greffier, Véronique FONTAINE Le conseiller délégué, Patrick CHEVRIER
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COUR D'APPEL DE Saint-Denis Chambre des Libertés Individuelles Soins Psychiatriques sous contrainte ORDONNANCE du 07/01/2022 ------------- République Française Au nom du Peuple Français No RG : 21/02212 - No Portalis DBWB-V-B7F-FUXR No MINUTE : 22/3 Appel de l'ordonnance rendue le 30 décembre 2021 par le juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de SAINT PIERRE APPELANT : Monsieur [F] [G] [K] né le [Date naissance 1] 1999 à [Localité 7] - MADAGASCAR [Adresse 2] [Localité 3] Actuellement hospitalisé au CHU- Groupe Hospitalier [6] comparant en personne, assistée de Me Julie RAMSAMY, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION Ministère Public En la personne de Madame la procureure générale près la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion Non comparant Monsieur le Directeur du Groupe Hospitalier [6] [Adresse 5] [Localité 4] Non comparant Monsieur [C] [G] [N] [K] [Adresse 2] [Localité 3] Non comparant LE CONSEILLER DELEGUE : Michel CARRUE, délégué par le premier président par ordonnance du 06 décembre 2021 no 2021/268 GREFFIER : Monique LEBRUN DÉBATS : A l'audience publique du 06 janvier 2022, les parties comparantes ont été avisées à l'issue des débats que l'ordonnance sera prononcée le 07 janvier 2022 à 10h00 et leur sera immédiatement notifiée ; ORDONNANCE prononcée par mise à disposition au greffe le 07 janvier 2022 à 10h00 et signée par Michel CARRUE, conseiller délégué par le premier président, et Monique LEBRUN, greffier Le 28 décembre 2021, le directeur du GHSR saisissait le juge des libertés et de la détention pour qu'il soit statué sur la poursuite éventuelle de l'hospitalisation complète de Monsieur [F] [G] [K]. Par ordonnance du 30 décembre 2021, le juge des libertés et de la détention du Tribunal Judiciaire de Saint-Pierre de la Réunion constatait la régularité de la procédure, ce qui n'est pas contesté à l'audience de ce jour, avec la présence des certificats des 24 et 72 heures ainsi que celui aux fins de saisine du juge des libertés et de la détention du Tribunal Judiciaire de Saint-Pierre de la Réunion, considérait au regard des certificats médicaux produits de la nécessité de soins immédiats assortis d'une surveillance médicale complète et maintenait la décision d'hospitalisation complète de Monsieur [F] [G] [K] . Par courrier du 31 décembre 2021, Monsieur [F] [G] [K], a interjeté appel de cette décision. Les parties et le Minsitère public étaient avisés le 3 janvier 2022 de la fixation de l'audience le 6 janvier 2022 à 10 heures 30 minutes. Le certificat médical exigé par les dispsositions de l'article L 3211-12-4 du Code de la santé publique a été adressé au greffe de la cour le 5 janvier 2022. Par avis du 4 janvier 2022, le ministère public a requis la confirmation de la décision déférée. A l'audience , Monsieur [F] [G] [K] comparant et son avocat ont été entendus et la personne hospitalisée a eu la parole en dernier. Il a été indiqué aux parties que la décision était mise en délibéré au 7 janvier 2022 à 10 heures. Il résulte des pièces de la procédure que Monsieur [F] [G] [K] a fait l'objet le 21 décembre 2021, d'une décision d'admission en soins psychiatriques à la demande d'un tiers, en urgence à la suite de la demande de soins formulés par son père en raison de troubles nécessitant des soins immédiats assortis d'une surveillance médicale constante. Les certificats médicaux initiaux faisaient état d'une admission suite à une décompensation psychiatrique chronique, que lors de l'entretien initial, il présentait un tableau de désorganisation massif, que l'observation montrait un vécu de persécution interprétatif et intuitif, avec une conscience des troubles très partielle. Il s'agit d'un patient connu pour trouble psychiatrique chronique hopitalisé suite à une décompensation dans un contexte de rupture thérapeutique, dont l'état ne lui permet pas de consentir à la forme de soins appropriés. Le certificat médical produit conformément aux dispsositions de l'article L 3211-12-4 du Code de la santé publique note que si l'hospitalisation et les soins ont permis une amélioraiton de son état, celle-ci est relative car persiste, une discordance psycho-affective, des éléments de surexitation psychique et thymique relevés dans une familiarité inadaptée, des persévérations dans ses demandes et des thématiques spontanées d'un discours inadapté à la limite de l'érotomanie. Le psychiatre mentionne que le patient ne critique pas son état antérieur, n'a pas conscience du caractère pathologique de ses troubles qu'il continue de banaliser et de minimiser. Il indique que son acceptation des soins est passive et ambivalente et envisage d'encadrer la sortie de Monsieur [K] par un programme de soins, et confirme la nécessité de poursuivre les soins en hospitalisation complète. Il y a donc lieu d'autoriser la poursuite de l'hospitalisation complète afin de garantir l'accès aux soins et de confirmer la décision déférée. PAR CES MOTIFS Nous Michel CARRUE, conseiller délégué par Monsieur le premier président, assisté de Madame Monique LEBRUN, greffier, statuant publiquement par ordonnance réputée contradictoire, Confirmons la décision d'autoriser la poursuite de l'hospitalisation complète de Monsieur [F] [G] [K] afin de garantir son accès aux soins ; Disons que Monsieur le Directeur du Groupe Hospitalier [6] sera avisé de la présente décision ; Disons que la présente décision sera communiquée au ministère public ; Mettons les frais et dépens de première instance et d'appel à la charge du Trésor public. Le greffier, Monique LEBRUN Le conseiller délégué, Michel CARRUE
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ARRÊT No22/ R.G : No RG 20/00715 - No Portalis DBWB-V-B7E-FLTB S.A.S. GRUES LEVAGES ET INVESTISSEMENTS (GLI) S.A. ALLIANZ COUR D'APPEL DE SAINT - DENIS ARRÊT DU 23 MARS 2022 Chambre commerciale Appel d'une décision rendue par le TRIBUNAL MIXTE DE COMMERCE DE SAINT-DENIS en date du 16 DECEMBRE 2019 suivant déclaration d'appel en date du 15 MAI 2020 RG no 2018J04608 APPELANTE : S.A.S. GRUES LEVAGES ET INVESTISSEMENTS (GLI) [Adresse 1] [Localité 3] Représentant : Me Guillaume jean hyppo DE GERY de la SELARL GERY-SCHAEPMAN, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION S.A. ALLIANZ [Adresse 2] [Localité 4] Représentant : Me François AVRIL, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION DATE DE CLÔTURE : 20/09/2021 DÉBATS : en application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 01 décembre 2021 devant Madame PIEDAGNEL Sophie, Conseillère, qui en a fait un rapport, assistée de Madame Nathalie BEBEAU, Greffière, les parties ne s'y étant pas opposées. Ce magistrat a indiqué, à l'issue des débats, que l'arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 09 mars 2022 prorogé par avis au 23 mars 2022. Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Président : Madame Sophie PIEDAGNEL, Conseillère Conseiller : Madame Pauline FLAUSS, Conseillère Conseiller : Madame Magali ISSAD, Conseillère Qui en ont délibéré Arrêt : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 23 mars 2022. La SAS Grues Levage et Investissements (société GLI)a souscrit un contrat d'assurance responsabilité civile auprès de la SA Allianz IARD (Allianz). Le 28 septembre 2016, lors d'une opération de montage d'une grue à Mayotte, un sinistre est intervenu impliquant les sociétés STEMH et STRL2, actionnaires de la société GLI. La société GLI a déclaré le sinistre auprès d'Allianz qui a mandaté un expert qui a retenu la responsabilité de la société STRL2, a indemnisé le maître de l'ouvrage, la société GTA Mayotte, mais a refusé d'indemniser la société STRL2. Par ordonnance de référé en date du 26 juin 2017, le président du tribunal mixte de commerce de Saint Denis de la Réunion a ordonné une expertise relative au sinistre du 28 septembre 2016 et désigné pour y procéder M. [Z] [L] aux fins de déterminer les dommages subis par les différents intervenants, se prononcer sur les responsabilités encourues, préconiser l'ensemble des travaux et mesures propres à remédier aux désordres occasionnés et donner tous éléments de nature à déterminer les préjudices subis. L'expert judiciaire a rendu son rapport le 30 août 2018. Par acte d'huissier en date du 30 octobre 2018, la société GLI, agissant pour le compte des sociétés STEMH et STRL2, a fait assigner Allianz devant le tribunal mixte de commerce de Saint Denis de la Réunion aux fins de condamnation de son assureur à la garantir des dommages occasionnés à la SNC 3B Construction et à lui verser les sommes de 190.000 euros au titre de la réparation du camion grue, 9.000 euros au titre de la location de grues mobiles de remplacement, 101.500 euros au titre des pertes d'exploitation, (soit 300.500 euros au total) et 10.000 euros au titre des frais irrépétibles. Allianz a soulevé l'irrecevabilité tiré du défaut de qualité à agir de la société GLI. Subsidiairement, elle a conclu au débouté des prétentions de la société GLI et sollicité en tout état de cause une indemnité de procédure de 3.500 euros. C'est dans ces conditions que, par jugement rendu le 16 décembre 2019, le tribunal mixte de commerce de Saint Denis de la Réunion a : -déclaré la SAS GLI irrecevable en sa demande -l'a condamné à payer à la compagnie d'assurances Allianz IARD la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile -laissé les dépens à sa charge, dont frais de greffe taxés et liquidés à la somme de 66,21 euros TTC. Par déclaration au greffe en date du 15 mai 2020, les sociétés GLI, SRTL2 et STEMH ont interjeté appel de cette décision. Dans leurs dernières conclusions transmises par voie électronique le 14 avril 2021, les sociétés GLI, SRTL2 et STEMH demandent à la cour, au visa des articles 1134, 1147 et 1170 (ancien) du code civil et de l'expertise judiciaire déposé le 30 août 2018 par M. [L], de : -dire et juger les sociétés GLI, STEMH et SRTL2, recevables et fondée en leur appel -infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a : . déclaré la demande de la SAS GLI irrecevable . condamné la SAS GLI à payer la compagnie d'assurances Allianz IARD la somme de 2.000 euros sur le fondement des disposition de l'article 700 du code de procédure civile . laissé les dépens à la charge de la SAS GLI, dont frais de greffe taxés et liquidés à la somme de 66,27 € TTC -débouter par conséquent la SAS GLI de ses demandes tendant à : . dire et juger la société GLI recevable et fondée en son action . homologuer le rapport d'expertise judiciaire rendu le 30 août 2018 par M. [L] En conséquence .condamner Allianz à indemniser la société GLI à hauteur de 300.500 euros au titre de sa garantie En tout état de cause, . débouter Allianz de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions plus amples et contraires . ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir . condamner Allianz à payer à la société GLI la somme de 70.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile . condamner Allianz aux entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL Géry - Schwartz - Schaepman Et statuant à nouveau -juger la société GLI et ses filiales, les sociétés STEMH et SRTL2, recevables et fondées en leur appel -homologuer le rapport d'expertise judiciaire rendu le 30 août 2018 par M. [L] En conséquence -condamner Allianz à indemniser les sociétés GLI et ses filiales STEMH et SRTL2, à hauteur de 300.500 euros au titre de sa garantie En tout état de cause -débouter Allianz de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions plus amples et contraires -ordonner l'exécution provisoire de l'arrêt à intervenir -condamner Allianz à payer à la société GLI et ses filiales STEMH et SRTL2 la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile -condamner Allianz aux entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL Géry - Schaepman. Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 6 novembre 2020, Allianz demande à la cour de : -voir constater que les STEMH et SRTL2 ne sont pas appelantes comme n'ayant pas interjeté appel et n'ayant d'ailleurs pas été parties à la procédure de première instance -voir en conséquence confirmer en toutes ses dispositions le jugement de première instance qui à bon droit a jugé que la demande de GLI est irrecevable par défaut de qualité à agir, nul ne plaidant par procureur, étant précisé que l'irrecevabilité est double tant vis-à-vis des sociétés SRTL2 et STEMH qui n'ont subi aucun préjudice que la société 3B Construction dont elle réclame le préjudice subi par elle seule -voir dire et juger qu'au surplus la Cie Allianz soulève à bon droit une exclusion de garantie contenue dans sa police d'assurance concernant «Les dommages dans la réalisation desquels est impliqué un véhicule terrestre à moteur soumis à assurance obligatoire » -voir condamner la STE GLI à verser la somme de 8.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens. Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux conclusions des parties, visées ci-dessus, pour l'exposé de leurs prétentions et moyens. L'ordonnance de clôture est intervenue le 20 septembre 2021 et l'affaire a reçu fixation pour être plaidée à l'audience rapporteur du 1er décembre 2021.Le prononcé de l'arrêt, par mise à disposition du greffe, a été fixé au 9 mars 2022 prorogé au 23 mars 2022. SUR CE, LA COUR A titre liminaire D'une part, il y a lieu de préciser qu'il sera fait application des dispositions du code civil dans leur version antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance no2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve de l'obligation dans la mesure où le contrat d'assurance a été conclu avant l'entrée en vigueur de la réforme. D'autre part, il sera rappelé qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile «la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif», et que les demandes de «constater», «donner acte» ou «dire et juger» ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions au sens des articles 4, 5, 31 et 954 du code de procédure civile, mais des moyens ou arguments au soutien des prétentions. Sur la fin de non recevoir tirée du défaut de qualité à agir Il convient d'ores et déjà de relever qu'Allianz n'a jamais entendu soulever une exception de procédure, en l'occurrence un vice de forme, qui vise exclusivement à l'annulation d'un acte de procédure, étant remarqué que la règle « nul ne plaide par procureur » concerne bien la fin de non recevoir tirée du défaut de droit d'agir et non une exception de procédure. D'une part, Il résulte des dispositions des articles 122 et suivant du code procédure civile que "constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée". Les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause. Elles doivent être accueillies sans que celui qui les invoque ait à justifier d'un grief et alors même que l'irrecevabilité ne résulterait d'aucune disposition expresse. Elles doivent être relevées d'office lorsqu'elles ont un caractère d'ordre public, notamment lorsqu'elles résultent de l'inobservation des délais dans lesquels doivent être exercées les voies de recours ou de l'absence de voie de recours. Le juge peut relever d'office la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt, du défaut de qualité ou de la chose jugée (article 126) Enfin, dans les cas où la situation donnant lieu à fin de non-recevoir est susceptible d'être régularisée, l'irrecevabilité est écartée si sa cause a disparu au moment où le juge statue. Il en est de même lorsque, avant toute forclusion, la personne ayant qualité pour agir devient partie à l'instance. D'autre part, Aux termes de l'article 66 du code de procédure civile « Constitue une intervention la demande dont l'objet est de rendre un tiers partie au procès engagé entre les parties originaires. Lorsque la demande émane d'un tiers, l'intervention est volontaire ; l'intervention est forcée lorsque le tiers est mis en cause par une partie. » En principe, le sort de l'intervention est lié à celui de l'action principe, sauf lorsque l'intervenant exerce un droit propre. Il résulte des dispositions de l'article 546 alinéa 1er du code de procédure civile, que " Le droit d'appel appartient à toute partie qui y a intérêt, si elle n'y a pas renoncé". L'article 547 alinéa 1er du même code précise que : « En matière contentieuse, l'appel ne peut être dirigé que contre ceux qui ont été parties en première instance. Tous ceux qui ont été parties peuvent être intimés. » . Cependant, conformément aux dispositions de l'article 554, « Peuvent intervenir en cause d'appel dès lors qu'elles y ont intérêt les personnes qui n'ont été ni parties, ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité », à condition que l'intervention se rattache aux prétentions des parties par un lien suffisant. L'appréciation de l'intérêt à agir de l'intervenant volontaire et du lien suffisant qui doit exister entre ses demandes et les prétentions originaires relève du pouvoir souverain des juges du fond. L'article 554 ne permet pas à l'intervenant en cause d'appel de soumettre un litige nouveau et de demander des condamnations personnelles n'ayant pas subi l'épreuve du premier degré de juridiction. Le litige n'est pas nouveau lorsque la défense procède directement de la demande originale et tend aux mêmes fins. L'intervention volontaire en cause d'appel est subordonnée à la seule existence d'un intérêt pour celui qui la forme et d'un lien suffisant avec les prétentions originaires. 1o) concernant la société GLI Allianz soutient en substance que : -la société GLI reconnaît agir pour le compte de deux autres personnes morales et non à titre propre -la règle «nul ne plaide par procureur » trouve à s'appliquer dans le cas d'espèce par les sociétés. Les sociétés GLI, SRTL2 et STEMH font valoir pour l'essentiel que : -la règle « nul ne plaide par procureur » est sanctionnée, non par une fin de non-recevoir, mais par une exception de nullité (vice de forme) à laquelle il n'est fait droit que sur la justification d'un grief -en tout état de cause, et même en cas d'acte irrégulier causant grief, la nullité ne sera pas prononcée si une régularisation intervient à temps, c'est la raison pour laquelle, les conclusions mentionnent expressément leur qualité d'appelantes, aux côtés de la société GLI, ses filiales STEMH et SRTL2. En l'espèce, suivant « convention relative à l'exploitation d'une grue mobile et à sa maintenance et réparation », en date du 30 novembre 2013, la société 3 B Construction a donné en location à la SAS SRTL2 une grue mobile de marque TEREX PPM type AC55L de capacité 60 tonnes. Le 2 septembre 2015, la société GLI « agissant tant pour son compte que pour celui des sociétés filiales STEMH et SRTL2 » a souscrit auprès de la compagnie d'assurance Allianz un contrat de responsabilité civile des activités de services à compter du 1er juillet 2015 moyennant une cotisation annuelle de 37.208,84 euros TTC garantisant les activités professionnelles de chacun des sociétés. Elle a également souscrit une garantie supplémentaire, à savoir la responsabilité civile professionnelle des professionnels du transport et de la logistique garantissant les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile encourue en raison de dommages corporels, matériels, immatériels consécutifs ou non causés à autrui survenues pendant l'exécution ou après l'achèvement de prestations ou travaux et résultant de fautes professionnelles commises par l'assuré ou les personne dont elle doit répondre, tels que ses sous-traitants. Il n'est pas discuté par les parties que, par acte sous signature privée en date du 21 septembre 2016, l'entreprise de gros oeuvre GTA Mayotte a confié à la SAS STEMH le montage et le démontage d'une grue à tour de marque POTAIN type NDP 248 et que c'est la société SRTL2 qui a réalisé l'opération de montage en utilisant le camion-grue loué auprès de la SNC 3B Construction. Le 28 septembre 2016, les salariés de la société SRTL2 aux commandes du camion grue ont procédé au levage de la flèche de la grue à tour à l'aide du bras télescopique du camion sur une hauteur d'environ 10 mètres. Le bras télescopique a cédé brutalement, se sectionnant en deux en son milieu, et a entraîné dans sa chute la flèche de la grue qui s'est effondrée sur le chantier de l'entreprise GTA. L'expert judiciaire désigné suivant ordonnance de référé du 26 juin 2017 a rendu son rapport le 30 août 2018 et évalué le montant des préjudice subis par la société STRL2 à la somme de 300.500 euros. Il n'est pas discuté que la SAS GLI, qui ne produit ni extrait K bis ni statuts, a pour actionnaires les SAS SRTL2 et STEMH, qu'elle présente comme ses filiales. Le sinistre subi par la société GTA Mayotte a été pris en charge par la compagnie d'assurance Allianz mais cette dernière a refusé de garantir les dommages causés au camion grue, appartenant à la SNC 3B Construction mais dont les réparations étaient contractuellement à la charge de l'exploitant, à savoir la SAS SRTL2. Il résulte de ce qui précède que si, tant la société GLI et que les sociétés SRTL2 et STEMH ont la qualité d'assuré auprès d'Allianz, il n'en demeure pas moins que : -elles ont chacune la personnalité morale -la société GLI ne justifie pas avoir mandat pour représenter les sociétés SRTL2 et STEMH -la société GLI n'est en rien concernée par le sinistre dont la garantie est discutée puisque celui-ci est survenu lors de relations contractuelles entre les sociétés GTA Mayotte, STEMH et SRTL2. Dans ces conditions, la société GLI ne rapporte pas le preuve ni d'un intérêt ni d'une qualité à agir. Le jugement sera par conséquent confirmé en ce qu'il a déclaré la SAS GLI irrecevable en sa demande. 2o) concernant les sociétés SRTL2 et STEMH Allianz soutient en substance que : -les sociétés SRTL2 et STEMH n'étaient pas parties en première instance. -en vertu de la règle « nul ne plaide par procureur », une partie ne peut pas soumettre au juge une demande qui n'a pas vocation à satisfaire un droit qui lui est propre ; de la même manière, « nul ne peut en plus interjeter appel par procureur » -les sociétés SRTL2 et STEMH ne sont pas appelantes car : elles ne figuraient pas dans l'assignation introductive d'instance ni dans les dernières conclusions de première instance, or, ne sont qualifiées de parties que les personnes physiques ou morales qui ont pris l'initiative d'exercer l'action en justice ou contre lesquelles un acte introductif d'instance a été dirigé et elles ne figurent pas non plus dans le jugement frappé d'appel en qualité de partie à l'instance et dans l'acte d'appel. Les sociétés GLI, SRTL2 et STEMH font valoir pour l'essentiel qu'elles étaient bien représentées à l'instance : l'assignation en date du 30 octobre 2018 visait en effet la société GLI « prise en la personne de son président en exercice, agissant tout pour son compte que pour celui des sociétés filiales STEMH et SRTL2 », de sorte que la société GLI n'a jamais entendu ni prétendu « plaider par procureur ». En l'espèce, il y a lieu de considérer que les sociétés STEMH et SRTL2 sont intervenues volontairement à l'instance et ce, dès les premières conclusions d'appel de la société GLI, ce qu'elles ont parfaitement le droit de faire dans la mesure où elles n'étaient pas parties ni représentées en première instance. Néanmoins, seule la société SRTL25 a intérêt à agir, car mise en cause dans le sinistre objet du litige et déclarée responsable, formant des prétentions qui lui sont propres et son intervention se rattachant aux prétentions des parties par un lien suffisant, l'assureur intimé lui ayant refusé sa garantie. Dans ces conditions, il y a lieu de déclarer : -la société SRTL2 recevable en son intervention volontaire, celle-ci exerçant un droit propre -la société STEMH irrecevable en son intervention volontaire. Sur le fond Selon les appelants la garantie de l'assurance « responsabilité professionnelle » est applicable. Ils soutiennent en substance que : -le contrat d'assurance responsabilité civile professionnelle conclu le 2 septembre 2015 auprès d'Allianz s'applique également aux filiales du groupe, soit la société SRTL2 et STEMH -par courrier en date du 28 septembre 2016, la société GLI a dûment déclaré le sinistre à son assureur, la compagnie Allianz IARD, suite à l'accident survenu le 21 septembre 2016 sur un chantier de Mayotte, et impliquant une grue mobile utilisée par la société SRTL2 suivant contrat d'exploitation avec la société 3B Construction, ainsi qu'une grue à tour appartenant à la société GTA Mayotte -elles sollicitent la condamnation d'Allianz à les garantir des dommages occasionnés par elles, ou l'une d'elles, à un tiers, la société 3B Construction -elles ne sollicitent pas leur propre indemnisation au titre de dommages matériels ou immatériels qu'elles auraient personnellement subis, mais bien au titre de dommages qu'elles ont occasionnés dans l'exercice de leur activité professionnelle -les conditions de la responsabilité civile professionnelle sont réunies : un des dommages matériels occasionnés par GLI ou une de ses filiales (au cas d'espèce la société SRTL2) à un tiers, la société 3B Construction, dans le cadre de l"exécution de la prestation de l'assuré Les appelants considèrent que les exclusions de garanties figurant au 1.4.3 et 1.4.7 des conditions générales du contrat opposées par Allianz à titre subsidiaire ne sont pas valables. Ils font valoir pour l'essentiel que, d'une part, les clauses litigieuses ne sont ni formelles ni limitées, que, d'autre part, elles ont pour objet de priver de substance le contrat et qu'enfin, par son comportement, Allianz a renoncé à se prévaloir des exclusions de garantie : -les clauses litigieuses ne sont pas précises, sont rédigées de manière générale et ne détaillent pas l'ensemble des situations dans lesquelles l'exclusion doit s'appliquer -les clauses litigieuses sont sujettes à interprétation et donc ne peuvent être considérées comme étant formelles et limitées -les clauses litigieuses ont pour objet de priver de substance le contrat d'assurance responsabilité civile professionnelle souscrit par GLI, dans la mesure où l'activité de GLI consiste à livrer des prestations de levage, négoce et location de grues mobiles (avec opérateur) et à tour (sans opérateur), montage et dépannage de grues (mobiles et à tour), or, la grue est un véhicule terrestre à moteur soumis à assurance obligatoire. -l'objet du contrat d'assurance souscrit est conforté par les clauses du contrat d'exploitation conclu avec la société 3B Construction le 30 novembre 2013 qui stipule expressément que le matériel loué est sous la responsabilité de l'exploitant et que « tous les dégâts occasionnés au matériel durant son exploitation seront couverts par l'assurance exploitation et responsabilité civile de l'exploitant si ces dégâts ont pour origine une mauvaise utilisation du matériel de la part de l'exploitant », ce qui est le cas en l'espèce puisque les dégâts occasionnés au matériel loué durant son exploitation ont pour origine une mauvaise utilisation du matériel par un préposé de SRTL2, comme le confirme le rapport d'expertise -Allianz n'a jamais jusqu'à présent remis en cause le principe de sa garantie -Allianz a acquiescé à la demande d'expertise judiciaire formulée devant le juge des référés sans évoquer une quelconque exclusion de garantie, voire le principe même de l'application de l'assurance responsabilité civile professionnelle aux faits en cause -Allianz n'a formulé aucun dire à l'attention de l'expert judiciaire en vue d'apporter de telles précisions ou remettre en question son analyse sur la cause des dommages et le principe de la responsabilité de la société SRTL2 -la jurisprudence considère que la participation d'un assureur à une expertise peut en l'absence de réserve, impliquer une renonciation de sa part à se prévaloir des exclusions de garantie. Allianz fait valoir pour l'essentiel que le contrat a vocation à garantir le préjudice causé «à autrui» et non les propres dommages de la société GLI pris sous toutes ses formes et donc provenant ou imputables aux filiales qui ont toutes deux la qualité d'assuré en responsabilité civile et qu'en tout état de cause, le contrat contient des clauses d'exclusion de garantie applicable au litige, notamment celle prévue au paragraphe 1.4.3 concernant les dommages dans la réalisation desquels est impliqué un véhicule terrestre à moteur soumis à assurance obligatoire, telle la grue impliqué dans le sinistre. D'une part, Il ressort des dispositions de l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance no 2016-131 du 10 février que : "Les conventions tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que leur consentement mutuel ou pour des causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi." D'autre part, Aux termes de l'article L113-1 du code des assurances : « Les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police. Toutefois, l'assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré. » La clause d'exclusion doit être claire et précise. Elle ne doit pas prêter à interprétation, avoir un contenu parfaitement déterminé et ne pas vider la garantie de sa substance. Pour rappel, aux termes de l'article 1315 du code civil devenu l'article 1353 à compter du 1er octobre 2016 : "Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui se prétend libéré, doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation." C'est au défendeur d'apporter la preuve des faits qu'il invoque à titre d'exception. L'incertitude et le doute subsistant à la suite de la production d'une preuve doivent nécessairement être retenus au détriment de celui qui avait la charge de cette preuve. En l'espèce, suivant « convention relative à l'exploitation d'une grue mobile et à sa maintenance et réparation », en date du 30 novembre 2013, la société 3 B Construction a donné en location à la SAS SRTL2 une grue mobile de marque TEREX PPM type AC55L de capacité 60 tonnes no de série 271109 située sur l'île de Mayotte pour une durée de 8 ans moyennant un loyer semestriel de 12.500 euros HT, avec rachat à l'issue de la location pour 1 euro. L'exploitant s'engageait à utiliser le matériel en « bon père de famille » et le conserver dans un état correspondant à un bon usage et un bon entretien du matériel. Le contrat stipulait que l'exploitant supporterait les coûts de l'entretien courant, du carburant, du conducteur grutier, des agrées nécessaires aux levages, des pneumatiques et des assurances d'exploitation et responsabilité civiles ainsi que les réparations lourdes dans le cadre de son assurance bris de machine ou toutes autres dispositions équivalentes. La convention stipulait en son article 6 (responsabilité et assurances) que le matériel était sous la responsabilité de l'exploitant, que tous les dégâts occasionnés au matériel durant son exploitation seraient couverts par l'assurance exploitation et responsabilité civile de l'exploitant si ces dégâts avaient pour origine une mauvaise utilisation du matériel de la part de l'exploitant et que les défaillances techniques du matériel étaient couvertes par l'assurance de bris de machine ou toutes autres dispositions de l'exploitant. Le 2 septembre 2015, la société GLI « agissant tant pour son compte que pour celui des sociétés filiales STEMH et SRTL2 » a souscrit auprès de la compagnie d'assurance Allianz un contrat de responsabilité civile des activités de services à compter du 1er juillet 2015 moyennant une cotisation annuelle de 37.208,84 euros TTC, garantissant les activités professionnelles suivantes « sachant que les sociétés GLI, STEMH et SRTL2 disposent toutes de la qualité d'assuré » : -GLI : location de grues à tour et accessoires (rails, systèmes d'interférence) aux GAT -SRTL2 : levage/manutention, location de grues mobiles avec ou sans opérateur, transports accessoires des charges levées, manutentionnées -STEMH : montage/démontage/dépannage de grues, transports d'éléments de grue à tour avant montage/dépannage du dépôt jusqu'au chantier, transport d'éléments de grue à tour et d'outillage après démontage/dépannage du chantier vers un point quelconque. Elle a également souscrit une garantie supplémentaire, à savoir la responsabilité civile professionnelle des professionnels du transports et de la logistique, garantissant les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile encourue en raison de dommages corporels, matériels, immatériels consécutifs ou non causés à autrui : -survenues pendant l'exécution ou après l'achèvement de prestations ou travaux, y compris après livraison des produits, réalisées dans le cadre des activités déclarées aux dispositions particulières -et résultant de fautes professionnelles (telles que erreurs de fait ou de droit, fausses interprétation de textes légaux ou réglementation, omissions, inexactitudes, négligences, inobservations de formalités ou délais imposés par les lois et règlements et décret en vigueur) commises par l'assuré ou les personnes dont elle doit répondre, tels que ses sous-traitants ; Ainsi que les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile encourue en cas de détournement d'information ou de fonds commis au préjudices d'autrui par ses préposés à l'occasion de leur fonction ou par des tiers, à condition qu'une plaine soit déposée contre eux. Il ressort des dispositions particulières de l'assurance « responsabilité civile des activités de services » que la société GLI « agissant tant pour son compte que pour celui des sociétés filiales STEMH et SRTL2 » a souscrit auprès de la compagnie d'assurance Allianz un contrat d'assurance à compter du 1er juillet 2015 moyennant une cotisation annuelle de 37.208,84 euros TTC et dans lequel sont garanties les activités professionnelles suivantes « sachant que les sociétés GLI, STEMH et SRTL2 disposent toutes de la qualité d'assuré » : -GLI : location de grues à tour et accessoires (rails, systèmes d'interférence) aux GAT -SRTL2 : levage/manutention, location de grues mobiles avec ou sans opérateur, transports accessoires des charges levées, manutentionnées -STEMH : montage/démontage/dépannage de grues, transports d'éléments de grue à tour avant montage/dépannage du dépôt jusqu'au chantier, transport d'éléments de grue à tour et d'outillage après démontage/dépannage du chantier vers un point quelconque. Aux termes du paragraphe « 1.2 Ce que nous garantissons » figurant dans les conditions générales du contrat « responsabilité civile activités de services » : « Nous garantissons les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile que vous pouvez encourir en raison des dommages corporels, matériels, immatériels consécutifs ou non, causés à autrui, y compris vos clients, à l'occasion des activités de votre entreprise, telles qu'elles sont déclarées aux dispositions particulières, y compris dans les cas exceptionnels de vente ou de location des biens immobiliers servant à l'exploitation de votre entreprise. La garantie de ces dommages s'applique quelle que soit la nature de la responsabilité engagé, et pour toutes les causes et tous les événements non expressément exclus aux § 1.4 et 3. » Aux termes du paragraphe « 1.4 Ce que nous ne garantissons pas », outre les cas prévues au § 3 (ce qui n'est pas garant d'une manière générale) : 3 Les dommages dans la réalisation desquels est impliqué un véhicule terrestre à moteur soumis à assurance obligatoire ou une remorque ou semi-remorque assujettie à immatriculation spécifique (ou toute autre remorque ou appareil, attelé à ce véhicule) dont vous avez la conduite ou la garde, en qualité de propriétaire, locataire (y compris en cas de location-vente) ou détenteur à quelque titre que ce soit. Toutefois, si votre responsabilité civile n'est pas couverte par le contrat d'assurance souscrit pour l'utilisation dudit véhicule, nous garantissons les dommages : . causés par tout véhicule appartenant à vos préposés et utilisés par ceux-ci pour les besoins du service, lorsque votre responsabilité est engagée en qualité de commettant. Cependant, s'il s'agit d'une utilisation habituelle du véhicule par vos préposés, notre garantie ne joue pas si ledit contrat comporte une clause d'usage non conforme à cette utilisation .causé ou subis par tout véhicule terrestre à moteur appartenant à un tiers, que vos préposés ou vous-même devez déplacer pour supprimer la gêne qu'il occasionne dans l'exercice de vos activités .causé par tout engin de chantier ou d'entreprise automoteur, dont vous n'êtes pas propriétaire, lorsque ledit engin est immobilisé en poste fixe pur son activité de travail, et que sa fonction outil est la cause exclusive du dommages-ouvrage.causé par un matériel automoteur de jardinage d'une puissance maximum de 20 CV utilisé par vous ou une personne dont vous êtes civilement responsable pour l'entretien de vos cours, jardins, terrains, parc, et circulant dans l'enceinte de votre entreprise .subis par les biens remis du fait de leur transport, dès lors qu vous n'intervenez pas au titre d'un contrat de transport, en qualité de transporteur. 7 Les dommages subis par les biens utilisés pour exécuter votre prestation. Il n'est pas discuté par les parties que, par acte sous signature privée en date du 21 septembre 2016, l'entreprise de gros oeuvre GTA Mayotte a confié à la SAS STEMH le montage et le démontage d'une grue à tour de marque POTAIN type NDP 248 et que c'est la société SRTL2 qui a réalisé l'opération de montage en utilisant le camion-grue loué auprès de la SNC 3B Construction. Le 28 septembre 2016, les salariés de la société SRTL2 aux commandes du camion grue ont procédé au levage de la flèche de la grue à tour à l'aide du bras télescopique du camion sur une hauteur d'environ 10 mètres. Le bras télescopique a cédé brutalement, se sectionnant en deux en son milieu, et a entraîné dans sa chute la flèche de la grue qui s'est effondrée sur le chantier de l'entreprise GTA. L'expert judiciaire désigné suivant ordonnance de référé du 26 juin 2017 a rendu son rapport le 30 août 2018. Il a relevé les désordres suivants : détérioration de la flèche de la grue à tour de l'entreprise GTA, détérioration du bras hydraulique de la grue mobile TEREX de 3 B Construction, détérioration du panneau de chantier et d'un container de GTA ayant pour origine la chute de la partie de flèche de 11,9 tonnes, chute consécutive à la quasi rupture du bras hydraulique de la grue mobile TEREX et due à une mauvaise manipulation de la grue mobile TEREX : lors de la manipulation de la flèche de la grue à tour, la charge étant de 11.970 kg, cette charge ne peut être admise par la grue mobile (suivant abaque du constructeur) qu'avec un bras hydraulique déployé au maximum de 31.2m, or, au moment de la rupture, le bras était déployé à 40.10 : le bras était alors en surcharge et il est probable qu'un freinage trop rapide du mouvement de rotation de la grue a entraîné un effet de ballant conduisant à la rupture brusque du bras hydraulique et à al chute des éléments de la flèche. Il a estimé que la société GTA Mayotte avait subi un dommage consistant en la détérioration de la grue à tour, dont la flèche principale, le chariot de flèche et le treuil de distribution et que la société 3 B Construction a subi un dommage consistant en la détérioration du bras hydraulique. Il a considéré que la société STEMH n'avait subi aucun dommage. S'agissant des responsabilités encourues, il a relevé que la grue mobile TEREX liée par convention par la société STEMH auprès de la société 3 B Construction était conduite par un ouvrier de la société STLI2 et que le sinistre était consécutif à une erreur de manipulation de l'ouvrier qui manipulait la grue et en déduit que l'entreprise STLI2 était responsable du sinistre. Il a évalué le montant des préjudices subis par la société SRTL2 à la somme de 300.500 euros se décomposant comme suit : -réparation de la flèche TEREX AC 60L 190.000 euros -location de grues mobiles en remplacement 9.000 euros -perte d'exploitation 101.500 euros Il ressort des éléments du dossier, étant rappelé que les sociétés GTI et STEMH ont été déclarées irrecevables en leurs demandes, que : -la société SRTL2 a la qualité d'assurée auprès d'Allianz, dans le cadre du contrat d'assurance « responsabilité civile des activités de services » dans le cadre de leurs activités professionnelles, à savoir, pour la société SRTL2 le levage/manutention, la location de grues mobiles avec ou sans opérateur, les transports accessoires des charges levées, manutentionnées -sont garantis les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile susceptible d'être encourue en raison des dommages corporels, matériels, immatériels consécutifs ou non, causés à autrui, y compris les clients de l'assuré, à l'occasion des activités de l'assuré, telles qu'elles sont déclarées aux dispositions particulières, y compris dans les cas exceptionnels de vente ou de location des biens immobiliers servant à l'exploitation de votre entreprise : il s'agit ici du levage/manutention, de la location de grues mobiles avec ou sans opérateur, des transports accessoires des charges levées, manutentionnées -le sinistre est dû à une mauvaise manipulation de la grue, utilisée par les préposés de la société SRTL2, exploitée par la société SRTL2 et louée auprès de la société 3 B construction suivant contrat du 30 novembre 2013. Sont exclus de la garantie, notamment, les dommages dans la réalisation desquels est impliqué un véhicule terrestre à moteur soumis à assurance obligatoire dont l'assuré a la conduite ou la garde, en qualité de propriétaire, locataire (y compris en cas de location-vente) ou détenteur à quelque titre que ce soit. Or, la grue dont la manipulation est à l'origine du sinistre est un véhicule terrestre à moteur soumis à assurance obligatoire. Les appelants considèrent que les clauses figurant aux paragraphes 1.4.3 et 1.4.7 ne sont ni formelles ni limitées. La cour relève que la référence à la clause 1.4.7 est ici sans objet, l'indemnité sollicitée ne concernant pas les dommages subis par les biens utilisés pour exécuter la prestation mais concerne au contraire les dommages subis par les sociétés GTA Mayotte et 3 B Construction, tiers au contrat. S'agissant de la clause § 1.4.3, force est de constater qu'elle manque de précision, faisant référence aux « dommages dans la réalisation desquels est impliqué un véhicule terrestre à moteur soumis à assurance obligatoire » sans autre précision, ce qui en permet pas à l'assuré de savoir dans quels cas et conditions il n'est pas garanti. Par ailleurs, compte tenu de l'activité de l'assuré précisée dans les conditions particulières du contrat d'assurance et élément essentiel du contrat, il y a lieu de considérer que cette clause vide la garantie de sa substance, l'activité consistant à livrer des prestations de levage, manutention, et location de grues alors que les grues sont précisément des véhicules terrestres à moteur soumis à assurances obligatoires. Ainsi, cette clause d'exclusion viole l'article L113-1 du code des assurances et n'a donc pas à s'appliquer. Dans ces conditions, Allianz doit sa garantie à son assurée, la société SRTL2 et il convient en conséquence de condamner Allianz à indemniser la société SRTL2, à hauteur de 300.500 euros au titre de sa garantie dans les limites des franchises et plafond contractuels applicables. Sur l'homologation du rapport d'expertise La cour rappelle qu'il ne peut y avoir lieu à homologation d'un rapport d'expertise, qui constitue seulement un élément de preuve, le technicien étant commis pour éclairer le juge sur une question de fait et ses constatations ou ses conclusions ne liant pas celui-ci. Dans ces conditions, la demande formée par les appelants tendant à l'homologation du rapport d'expertise judiciaire rendu le 30 août 2018 par M. [L] ne peut qu'être rejetée. Sur l'exécution provisoire La demande des appelants tendant à voir prononcer l'exécution provisoire en appel étant inopérante, elle sera rejetée. Sur les dépens et les frais irrépétibles Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement sur les dépens et les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Cependant, Allianz partie perdante pour l'essentiel, elle ne saurait prétendre à l'allocation de frais irrépétibles et doit supporter les dépens d'appel. Il sera alloué à la société SRTL2 une indemnité au titre des frais irrépétibles d'un montant de 6.000 euros mise à la charge d'Allianz. PAR CES MOTIFS La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort, en matière commerciale, par mise à disposition conformément à l'article 451 alinéa 2 du code de procédure civile ; CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le le 16 décembre 2019 par le tribunal mixte de commerce de Saint Denis de la Réunion ; , Y ajoutant DECLARE la SAS STEMH irrecevable en son intervention volontaire ; DECLARE la SAS STRL2 recevable en son intervention volontaire ; CONDAMNE la SA Allianz IARD à indemniser la SAS SRTL2 à hauteur de 300.500 euros au titre de sa garantie dans les limites des franchises et plafond contractuels applicables ; DEBOUTE la SAS SRTL2 de sa demande d'homologation du rapport d'expertise judiciaire ; DIT n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire ; DEBOUTE la SA Allianz IARD de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile; CONDAMNE la SA Allianz IARD à payer à la SAS SRTL2 la somme de 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; LA CONDAMNE aux dépens d'appel recouvrés au profit de la SELARL Géry - Schaepman, avocat, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. Le présent arrêt a été signé par Madame Sophie PIEDAGNEL, Conseillère, et par Madame Nathalie BEBEAU, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. LA GREFFIÈRE SIGNE LA PRÉSIDENTE
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ARRÊT No22/ R.G : No RG 21/00320 - No Portalis DBWB-V-B7F-FQG7 S.A.R.L. REUNIONBALI.COM RG 1ERE INSTANCE : 2020/03687 COUR D'APPEL DE SAINT - DENIS ARRÊT AVANT DIRE DROIT DU 09 NOVEMBRE 2022 Chambre commerciale Appel d'une décision rendue par le TRIBUNAL MIXTE DE COMMERCE DE SAINT PIERRE en date du 08 FEVRIER 2021 RG no 2020/03687 suivant déclaration d'appel en date du 19 FEVRIER 2021 APPELANTE : S.A.R.L. REUNIONBALI.COM [Adresse 1] [Localité 3] Représentant : Me Aude CAZAL de la SELARL CAZAL - SAINT-BERTIN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION Madame [H] [P] [Adresse 2] [Adresse 2] [Localité 3] Représentant : Me Iqbal AKHOUN de la SELARL IAVOCATS & PARTNERS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION CLOTURE LE : 31/01/2022 DÉBATS : En application des dispositions de l'article 785 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 06 avril 2022 devant la cour composée de : Président : Madame Sophie PIEDAGNEL, Conseillère Conseiller : Madame Magali ISSAD, Conseillère Conseiller : Madame Pauline FLAUSS, Conseillère Qui en ont délibéré après avoir entendu les avocats en leurs plaidoiries. A l'issue des débats, la présidente a indiqué que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition le 06 juillet 2022 prorogé par avis au 09 novembre 2022. Greffiere lors des débats et de la mise à dispositiion : Madame Nathalie BEBEAU, Greffière. ARRÊT : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 09 novembre 2022. Mme [H] [K] [C] [P], exerçant à l'enseigne Génésis, a travaillé de manière indépendante pour la SARL Réunionbali.com, qui commercialise des meubles et objets importés de Bali. Une promesse de cession de parts sociales pour un montant de 50.000 euros a été signée entre les parties le 23 juin 2020, laquelle devait être transformée en août 2020 en une vente du fonds de commerce. En prévision de la réalisation de ce projet, Mme [P] a financé pour un montant de 9.400 euros l'achat de meubles en provenance de Bali qui ont été mis en vente au show-room de la société Réunionbali.com. En janvier 2020, Mme [P] et l'un des gérants de la SARL Réunionbali.com se sont rendus à Bali afin de permettre à Mme [P] de se former et de rencontrer les fournisseurs de la société dont elle envisageait d'acquérir les parts sociales. Se plaignant du non respect de l'accord de cession de parts, par acte en date du 29 septembre 2020, Mme [P], exerçant à l'enseigne Génésis, a assigné la SARL Réunionbali.com devant le tribunal mixte de commerce de Saint-Pierre de la Réunion aux fins d'obtenir le remboursement de la somme de 9.400 euros au titre de l'avance pour l'achat de meubles, le paiement des sommes de 252,07 euros et 2.077,07 euros au titre de commissions pour les mois de juillet et août 2020, 1.000 euros au titre de son préjudice moral, 600 euros pour le remboursement de ses frais de conseil, 468 euros pour le remboursement des frais engagés au titre de la consultation de l'expert-comptable et de 1.500 euros au titre des frais d'avocat. La société Réunionbali.com a conclu au débouté des prétentions de Mme [P] et sollicité à titre reconventionnel le paiement des sommes de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts et 3.000 euros au titre des frais irrépétibles, outre la condamnation de la défenderesse à une amende civile de 3.000 euros. C'est dans ces conditions que, par jugement rendu le 8 février 2021, le tribunal mixte de commerce de Saint Denis de la Réunion a : -condamné la SARL Réunionbali.com à payer à Mme [P] : .une somme de 3.797,50 euros au titre du remboursement de l'avance pour l'achat des meubles .une somme de 2.329,14 euros au titre des commissions de juillet et août 2020 -débouté les parties du surplus de leurs demandes -condamné la SARL Réunionbali.com à payer à Mme [P] une somme de 900 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile -condamné la SARL Réunionbali.com aux entiers dépens de la présente instance, y compris les frais de greffe taxés et liquidés à hauteur de 66,22 euros -rappelé que la présente décision est de droit assortie de l'exécution provisoire en toutes ses dispositions. Par déclaration au greffe en date du 19 février 2021, la société Réunionbali.com a interjeté appel de cette décision. Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 14 octobre 2021, la société Réunionbali.com demande à la cour de : -infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SARL Réunionbali.com à payer à Mme [P] les sommes de : .3.797,50 euros au titre du remboursement de l'avance pour l'achat des meubles (le container) ; .2.329,14 euros au titre des commissions de juillet et août 2020 ; .900 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; Et aux entiers dépens dont frais de greffe à hauteur de 66,22 euros -infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la SARL Réunionbali.com de ses demandes au titre de la réparation de son préjudice et de la procédure abusive En conséquence -dire et juger que la SARL Réunionbali.com n'est redevable à l'égard de Mme [P] que de la somme de 5.602,50 euros -constater le versement de cette somme par la SARL Réunionbali.com à Mme [P] par virement bancaire en date du 5 octobre 2020 -constater l'impossibilité de la SARL Réunionbali.com de verser à Mme [P] ses commissions des mois de juillet et août 2020 en l'absence des facturiers et bons de commande pour les périodes concernées -enjoindre Mme [P] à restituer à la SARL Réunionbali.com les facturiers et bons de commandes des mois de juillet et août 2020 sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à venir -enjoindre Mme [P] à restituer à la SARL Réunionbali.com les noms et coordonnées des clients ayant conclu des ventes avec la société en juillet et août 2020 sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à venir -dire et juger que Mme [P] s'est rendue coupable d'agissements fautifs en ce qu'elle a brutalement rompu des négociations avancées, indûment conservé des documents comptables appartenant à la SARL Réunionbali.com et exercé des actes de concurrence déloyale au détriment de cette dernière; -dire et juger que les agissements fautifs de Madame [H] [P] ont causé un préjudice direct et incertain à la SARL REUNIONBALI En conséquence -condamner Madame [H] [P] à verser à la SARL REUNIONBALI la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts ; -dire et juger que l'action introduite par Madame [H] [P] est abusive En conséquence -condamner Madame [H] [P] à une amende civile de 3000 euros En tout état de cause : -débouter Madame [H] [P] de l'ensemble de ses demandes -condamner Madame [H] [P] à verser à la SARL REUNIONBALI la somme de 4000 euros au titre des frais irrépétibles non compris dans les dépens -condamner Madame [H] [P] aux entiers frais et dépens, dont distraction au profit de la SELARL CAZAL-SAINT-BERTIN pour ceux dont elle aura fait l'avance Pour le surplus -confirmer la décision attaquée en toutes ses autres dispositions. Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 11 janvier 2022, Mme [P] demande à la cour de : -dire l'appel recevable mais mal fondé, -confirmer le jugement ce qu'il a : .condamné la SARL Réunionbali.com à payer à Mme [P] : Une somme de 3.797,50 euros au titre du remboursement de l'avance pour l'achat des meubles Une somme de 2.329,14 euros au titre des commissions de juillet et août 2020 .condamné la SARL Réunionbali.com à payer à Mme [P] une somme de 900 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile .condamné la SARL Réunionbali.com aux entiers dépens de la présente instance, y compris les frais de greffe taxés et liquidés à hauteur de 66,22 euros. -infirmer le jugement en ce qu'il a : .débouté les parties du surplus de leurs demandes Statuant à nouveau -débouter la société Réunionbali.com de toutes ses demandes, fins et conclusions -condamner la société Réunionbali.com à payer à Mme [P] la somme de 5.000 euros à titre de dommage intérêts, au titre du préjudice moral. -condamner la société Réunionbali.com à payer à Mme [P] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile -débouter l'appelante de l'ensemble de ses demandes fins et prétentions qui sont contestées dans le principe et dans le quantum, toute sur les demandes principales, que sur les demandes accessoires. Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux conclusions des parties, visées ci-dessus, pour l'exposé de leurs prétentions et moyens. L'ordonnance de clôture est intervenue le 31 janvier 2022 et l'affaire a reçu fixation pour être plaidée à l'audience collégiale du 6 avril 2022. Le prononcé de l'arrêt, par mise à disposition du greffe, a été fixé au 6 juillet 2022 prorogé au 9 novembre 2022. SUR CE, LA COUR Vu les articles 8, 13 et 16 du code de procédure civile ; Vu les articles L442-6 devenu L442-1 et D442-3 du code de commerce ; La cour sollicite les observations des parties sur la recevabilité du moyen et des demandes formulées en cause d'appel par la société Réunionbali.com concernant les agissements fautifs dont se serait rendu coupable Mme [P] en qu'elle a, notamment, « exercé des actes de concurrence déloyale au détriment » de la société Réunionbali.com. PAR CES MOTIFS La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par arrêt avant dire droit, en matière commerciale, par mise à disposition au greffe conformément à l'article 451 alinéa 2 du code de procédure civile ; REVOQUE l'ordonnance ce clôture ; ORDONNE la réouverture des débats : SOLLICITE les observations des parties sur la recevabilité du moyen et des demandes formulées en cause d'appel sur les dispositions de l'article L442-6 devenu L442-1 du code de commerce au regard des dispositions de l'article D442-3 du même code et ce, avant le 30 janvier 2023, sous peine de radiation ; RENVOIE à l'audience de mise en état du 20 février 2023 à 14 heures (audience dématérialisée) ; RESERVE les dépens. Le présent arrêt a été signé par Madame Sophie PIEDAGNEL, Conseillère, et par Madame Nathalie BEBEAU, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. LA GREFFIÈRE SIGNE LA PRÉSIDENTE
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Ordonnance n° 149 ------------------------- 22 Novembre 2022 ------------------------- No RG 22/01550 - No Portalis DBV5-V-B7G-GSFU ------------------------- [Y] [R] épouse [L] ------------------------- Ordonnance notifiée aux parties le :R E P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COUR D'APPEL DE POITIERS ORDONNANCE DE LA PREMIERE PRESIDENTE Recours en matière d'aide juridictionnelle Nous, Gwenola JOLY-COZ, Première Présidente de la Cour d'appel, Vu la loi no91-647 du 10 Juillet 1991 et son décret d'application no2020-1717 du 28 Décembre 2020, Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle de Niort du 8 juin 2022 noBAJ : 2022/003725 (aide juridictionnelle 25%), notifiée à date inconnue, à Madame [Y] [R] épouse [L], demeurant [Adresse 1], dans le cadre d'une procédure de divorce par consentement mutuel, Vu le recours formé le 16 juin 2022 par Madame [Y] [R] épouse [L] contre cette décision, Vu le dossier transmis par le bureau d'aide juridictionnelle de Niort, Vu les moyens présentés à l'appui du recours et les documents et renseignements complémentaires fournis à l'appui du recours ; Sur la recevabilité : Le recours a été introduit dans le délai légal ; Sur le bien fondé de la demande : Le 15 décembre 2021, Madame [Y] [R] épouse [L] a déposé une demande d'aide juridictionnelle dans le cadre d'une procédure de divorce par consentement mutuel. Par décision en date du 8 juin 2022, le bureau d'aide juridictionnelle de Niort a fait droit à sa demande lui allouant l'aide juridictionnelle à hauteur de 25%. Il a été retenu un revenu mensuel équivalent à 1 313 euros et déduit des correctifs familiaux à hauteur de 169 euros. Madame [Y] [R] épouse [L] a formé un recours à l'encontre de cette décision le 16 juin 2022. Elle expose percevoir un revenu équivalent au SMIC et avoir deux enfants à sa charge. L'aide juridictionnelle est accordée aux personnes physiques dont les ressources sont insuffisantes pour faire valoir leurs droits en justice. Il est tenu compte du revenu fiscal de référence ainsi que de la valeur du patrimoine mobilier et immobilier du foyer fiscal du demandeur. Conformément à l'article 5 de la loi no91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, il n'est pas tenu compte des ressources du conjoint ou des personnes vivant au même foyer, si la procédure au fond les oppose au demandeur ou s'il existe entre eux, eu égard à l'objet du litige, une divergence d'intérêt rendant nécessaire une appréciation distincte des ressources. Madame [Y] [R] épouse [L] sollicitant le bénéfice de l'aide juridictionnelle dans le cadre d'une procédure de divorce, il convient de prendre en compte ses seules ressources. Madame [Y] [R] épouse [L] produit, à l'appui de son recours, son avis d'imposition 2021 sur les revenus 2020. Par conséquent, en 2020, année de référence, il convient de retenir un montant de ressources annuelles de 14 955 euros avec deuxenfants fant à charge. Ainsi, au regard des éléments du dossier, il convient de constater que Madame [Y] [R] épouse [L] se trouve dans une situation financière justifiant l'octroi de l'aide juridictionnelle totale. La décision du bureau d'aide juridictionnelle de Niort contestée ne sera donc pas confirmée et l'aide juridictionnelle totale sera accordée à Madame [Y] [R] épouse [L]. PAR CES MOTIFS : Déclarons le recours recevable et bien fondé en conséquence : Infirmons la décision du bureau d'aide juridictionnelle de Niort en date du 8 juin 2022 ; STATUANT A NOUVEAU : Accordons l'aide juridictionnelle totale ; dans la procédure suivante : procédure de divorce par consentement mutuel contre [V] [L], devant notaire ; Fixons la contribution à la charge de l'Etat à 100 %; Constatons que Maître Franck David, demeurant [Adresse 2], avocate au barreau des Deux-Sèvres, qui a accepté de prêter son concours à la requérante, assistera ou représentera la bénéficiaire ; Rappelons que la présente ordonnance n'est pas susceptible de recours ; A Poitiers, le 22 novembre 2022 La Première Présidente de la Cour d'Appel, Gwenola JOLY-COZ
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Ordonnance n° 159 ------------------------- 22 Novembre 2022 ------------------------- No RG 22/02088 - No Portalis DBV5-V-B7G-GTSI ------------------------- ------------------------- Ordonnance notifiée aux parties le :R E P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COUR D'APPEL DE POITIERS ORDONNANCE DE LA PREMIERE PRESIDENTE Recours en matière d'aide juridictionnelle Nous, Gwenola JOLY-COZ, Première Présidente de la Cour d'appel, Vu la loi no91-647 du 10 Juillet 1991 et son décret d'application no2020-1717 du 28 Décembre 2020, Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle de Poitiers du 21 juillet 2022 no BAJ : 2022/004193 (rejet), notifiée à la date du 27 juillet 2022 à Monsieur [W] [L], demeurant [Adresse 2], dans le cadre d'une procédure d'adoption simple d'un jeune majeur devant le tribunal judiciaire de Poitiers, Vu le recours formé le 30 juillet 2022 par Monsieur [W] [L] contre cette décision, Vu le dossier transmis par le bureau d'aide juridictionnelle de Poitiers, Vu les moyens présentés à l'appui du recours et les documents et renseignements complémentaires fournis à l'appui du recours ; Sur la recevabilité : Le recours a été introduit dans le délai légal ; Sur le bien fondé de la demande : Le 30 juin 2022, Monsieur [W] [L] a déposé une demande d'aide juridictionnelle dans le cadre d'une procédure d'adoption simple d'un jeune majeur devant le tribunal judiciaire de Poitiers. Par décision en date du 21 juillet 2022, le bureau d'aide juridictionnelle de Poitiers a rejeté sa demande. Il a été retenu un revenu mensuel moyen équivalent à 2 934 euros et déduit 348 euros de correctifs familiaux. Monsieur [W] [L] a formé un recours à l'encontre de cette décision. Il ne conteste pas le revenu mensuel retenu par le bureau d'aide juridictionnelle de Poitiers, mais indique devoir faire face à d'importantes charges mensuelles. L'aide juridictionnelle est accordée aux personnes physiques dont les ressources sont insuffisantes pour faire valoir leurs droits en justice. Il est tenu compte du revenu fiscal de référence ainsi que de la valeur du patrimoine mobilier et immobilier du foyer fiscal du demandeur. Il convient de rappeler qu'il n'est pas tenu compte des charges liées aux dépenses de la vie courante du foyer. Conformément à l'article 6 de la loi no 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, l'aide juridictionnelle peut, à titre exceptionnel, être accordée aux personnes ne remplissant pas les conditions fixées à l'article 4 de cette même loi lorsque leur situation apparaît particulièrement digne d'intérêt au regard de l'objet du litige ou des charges prévisibles du procès. Au regard des éléments du dossier, il convient de constater que Monsieur [W] [L] sollicite l'aide juridictionnelle dans le cadre d'une procédure d'adoption simple d'un jeune majeur dont il a eu la charge dans le cadre de son bénévolat de famille d'accueil de mineurs non accompagnés. Par conséquent, il convient de considérer que la situation de [W] [L] est digne d'intérêt au regard de l'objet du litige. La décision du bureau d'aide juridictionnelle de Poitiers ne sera pas confirmée et l'aide juridictionnelle totale lui sera accordée. PAR CES MOTIFS : Déclarons le recours recevable et bien fondé et en conséquence : Infirmons la décision du bureau d'aide juridictionnelle de Poitiers en date du 21 juillet 2022 ; STATUANT A NOUVEAU : Accordons l'aide juridictionnelle totale ; pour la procédure suivante : procédure d'adoption simple d'un jeune majeur devant le tribunal judiciaire de Poitiers ; Fixons la contribution à la charge de l'Etat à 100 % ; Constatons que Maître Hélène Mérade, demeurant [Adresse 1], avocate au barreau de Poitiers, qui a accepté de prêter son concours au requérant, assistera ou représentera le bénéficiaire ; Rappelons que la présente ordonnance n'est pas susceptible de recours ; A Poitiers, le 22 novembre 2022 La Première Présidente de la Cour d'Appel, Gwenola JOLY-COZ
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AFFAIRE : No RG 21/01365 - No Portalis DBWB-V-B7F-FS64 Code Aff. : ARRÊT N AP ORIGINE :JUGEMENT du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAINT DENIS en date du 25 Juin 2021, rg no F 19/00400 COUR D'APPEL DE SAINT-DENIS DE LA RÉUNION CHAMBRE SOCIALE ARRÊT DU 17 NOVEMBRE 2022 APPELANTE : Madame [L] [H] [I] [Adresse 1] [Localité 3] Représentant : Me Isabelle LAURET, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/005914 du 13/10/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Saint-Denis) S.A.S. HOTEL LE RECIF prise en la personne de son représentant légal en exercice [Adresse 2] [Localité 4] Représentant : Me Guillaume jean hyppo DE GERY de la SELARL GERY-SCHAEPMAN, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION Clôture : 2 mai 2022 DÉBATS : En application des dispositions de l'article 804 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 13 Septembre 2022 devant la cour composée de : Président : M. Alain Lacour Conseiller : M. Laurent Calbo Conseiller : Mme Aurélie Police Qui en ont délibéré après avoir entendu les avocats en leurs plaidoiries. A l'issue des débats, le président a indiqué que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition le 17 Novembre 2022. ARRÊT : mis à disposition des parties le 17 Novembre 2022 Greffier lors des débats : Mme Delphine Grondin Exposé du litige : Mme [I] a été embauchée par la société Le Récif, selon contrat à durée indéterminée du 20 juin 2005, modifié par avenant du 1er janvier 2007, aux termes duquel la salariée a été promue au poste de demi chef de rang. Par un nouvel avenant du 28 novembre 2008, Mme [I] a de nouveau été promue au poste de chef de rang. Par avenant du 29 mai 2015, la durée mensuelle de travail a été fixée à 121,33 heures pour la période comprise entre le 1er juin 2015 et le 31 mai 2016, suite à un retour de congé maternité. Suite aux avis d'inaptitude à occuper son poste des 26 mars et 26 juin 2018, en raison d'une tendinite du poignet gauche, Mme [I] a été reclassée au poste d'hôtesse d'accueil au service réception et séminaires à compter du 25 juillet 2018. Réclamant la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur, en raison d'un manquement à l'obligation de sécurité et de faits de harcèlement moral et sollicitant l'indemnisation de ses préjudices, Mme [I] a saisi le conseil de prud'hommes de Saint-Denis de la Réunion qui a, par jugement du 25 juin 2021 : - débouté Mme [I] de l'ensemble de ses demandes indemnitaires, - débouté Mme [I] de sa demande de résiliation judiciaire aux torts de la société Hôtel Le Récif, - ordonné la poursuite du contrat de travail aux conditions en vigueur, - dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile, - condamné Mme [I] aux dépens, - débouté la société Hôtel Le Récif de ses demandes. Appel de cette décision a été interjeté par Mme [I] le 22 juillet 2021 ; Vu les conclusions notifiées par Mme [I] le 21 octobre 2021 ; Vu les conclusions notifiées par la société Le Récif le 10 janvier 2022 ; La clôture a été prononcée par ordonnance du 2 mai 2022. Pour plus ample exposé des moyens des parties, il est expressément renvoyé, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions susvisées ainsi qu'aux développements infra. Sur le harcèlement moral Selon l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. En application de l'article L. 1154-1 du même code, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. En l'espèce, Mme [I] fait valoir que son chef de service et son adjoint lui ont tenu des propos humiliants, en public, quant à ses capacités à exercer ses fonctions et lui ont fait des reproches incessants et infondés, ce qui a eu pour effet de faire naître un état dépressif et une souffrance au travail. Pris dans leur ensemble, ces éléments laissent supposer l'existence d'un harcèlement. Il incombe par conséquent à la société de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. S'agissant des propos humiliants tenus par M. [Z], supérieur hiérarchique direct de Mme [I], et son adjoint, la société souligne que la salariée dénonce un fait qui se serait déroulé le 21 juillet 2018, alors que la salariée n'avait pas encore intégré son nouveau service, et qui n'est corroboré par aucun autre élément que ses propres affirmations. Dans un courrier du 2 août 2018, Mme [I] indique en effet : « je suis en regret de vous informer que j'ai subit en ce jour le vendredi 21. 07. 2018 des agissements provoquant une altération de mes conditions de travail de la part de collègue supérieur hiérarchique [E] [Z] et son Assistant [D] [X]. En effet ''si je ne pouvais pas faire une tâche demander qu'est ce que je fais ici dans le service, et que je peux rien faire, si je te demande une chose simple comme débarrasser une table va revoir la médecine du travail pour te mettre inapte à tous les postes ou sinon demande d'indemnisation'' se sont leurs mots. ''L'assistante [D] dit [E] [H] refuse de la table et de faire un rapport sur elle''avec une voix mécontent. Extrêmement affectée par ces agissements, je n'ai pas dormir de la nuit, et stressée de revenir à mon boulot le lendemain matin à ce jour je vous informe que je ne supporterais pas d'autres réflexions à chaque que fois que rendrais à mon travail. ». Dans un courriel du 27 juillet 2018, Monsieur [Z] faisait auprès de la directrice des ressources humaines le bilan des deux premières journées de Mme [I] au sein de son service. Il indiquait avoir constaté un manque de fiabilité, relatant qu'il lui avait demandé de porter un verre et non un plateau, et, en conclusion, qu'elle ne « fait que de l'accompagnement ». Il ajoutait : « Ne pas pouvoir compter sur quelqu'un, c'est épuisant au quotidien. Prendre sur soi est contre-productif. Comment crever l'abcès de manière constructive. Merci d'élaborer rapidement une fiche de poste pour elle qu'on regardera ensemble. ». Il apparaît donc qu'un incident est effectivement survenu quant aux missions pouvant être accomplies par Mme [I]. Pour autant, la teneur exacte des propos tenus n'est rapportée par aucun autre élément que les propres allégations de la salariée. Il convient également de relever que la société, ainsi alertée de l'incident, a interrogé le médecin du travail quant à compatibilité du poste à son état de santé, notamment quant à sa capacité à porter un verre, étant donné que sa maladie professionnelle ne concernait que son poignet gauche. Par courriel en réponse du 13 août 2018, le médecin du travail indique : « Suite à notre entretien de ce jour en compagnie de Mr [Z] P, chef de réception sur site et mes observations en particulier des contraintes physiques liées au ''pot d'Accueil'', je vous confirme que le poste d'hôtesse d'accueil réception/séminaires proposé comme poste de reclassement est adapté à l'état de santé de Mme [I] R. déclaré inapte au poste de chef de rang. ». Il est donc établi que l'employeur a légitimement demandé à la salariée d'accomplir les fonctions d'hôtesse d'accueil, aucune adaptation n'étant recommandée par le médecin du travail. Les remarques faites par la société à la salariée quant aux missions à accomplir dans le cadre de son poste relèvent ainsi du strict pouvoir de direction de l'employeur de sorte que la société justifie que ses décisions sont exemptes de tout harcèlement. S'agissant des reproches réitérés formés par le supérieur hiérarchique direct de Mme [I] et son adjoint, la société relève que les faits dénoncés ne sont pas circonstanciés. Il apparaît en effet que par courrier du 18 juillet 2018, Mme [I] a manifesté son accord pour être reclassée sur un poste d'hôtesse d'accueil au service réception et séminaires, que celle-ci a débuté ses nouvelles fonctions le 25 juillet 2018 et dénonçait avoir subi des pressions dans un courrier du 6 août 2018, soit quelques jours seulement après avoir pris ses fonctions. Ces griefs ne sont toutefois ni datés ni précis, de sorte qu'il y a lieu de relever qu'ils ne sont pas caractérisés, qu'en outre aucun lien ne peut être établi entre l'élection de Mme [I] en qualité de représentante du personnel et les pressions qu'elle dit avoir subies et qu'en conséquence, la société établit que les agissements de la supérieure hiérarchique de Mme [I] sont étrangers à tout harcèlement. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme [I] de sa demande tendant à voir reconnaître un harcèlement moral à son encontre. Sur l'obligation de sécurité L'article L. 4121-1 du code du travail dispose que l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent : 1o Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l'article L. 4161-1 ; 2o Des actions d'information et de formation ; 3o La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes. L'article L. 4121-2 du même code ajoute que l'employeur met en oeuvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants : 1o Éviter les risques ; 2o Évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ; 3o Combattre les risques à la source ; 4o Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ; 5o Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ; 6o Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ; 7o Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1, ainsi que ceux liés aux agissements sexistes définis à l'article L. 1142-2-1 ; 8o Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ; 9o Donner les instructions appropriées aux travailleurs. En l'espèce, Mme [I] soutient que l'employeur n'a pris aucune mesure pour faire cesser les atteintes à sa dignité et les reproches infondés malgré les courriers destinés à l'alerter de la situation. Elle souligne avoir refusé de participer à la réunion proposée par la direction, aux motifs qu'elle serait alors confrontée aux supérieurs dont elle dénonçait les agissements et qu'aucune solution concrète n'était proposée. Il convient toutefois de relever que la société a agi avec diligence, invitant Mme [I], par courriers des 9 et 13 août 2018, à participer à une réunion de travail le 17 août 2018 dans l'objectif de trouver des solutions pour que le travail puisse s'exécuter au mieux. En refusant toute participation, Mme [I] a placé l'employeur dans l'impossibilité de mettre en place des mesures pour éviter toute situation éventuelle de conflit. La société ne s'est en outre pas contentée de proposer une réunion de travail, elle a également interrogé le médecin du travail, par courriel du 7 août 2018, sur la compatibilité du poste de reclassement au vu des difficultés rencontrées, ce qui a été confirmé par le médecin du travail. La société a également saisi le comité social et économique qui conclut que : « Suite à l'enquête menée, concernant les relations directes entre Madame [H] [I] et ses collègues sur les postes de serveuses et d'hôtesses d'accueil réceptions et séminaires, il nous a été remonté que le premier jour de son intégration, aux postes cités ci-dessus, ses responsables directs n'étaient pas au courant de son handicap. Mais dès que Madame [H] les a avertis (le jour même) ils ont pris les mesures nécessaires pour aménager son poste de travail. Sa relation avec ses collègues s'est bien passée, suite à notre enquête on n'a pas retenu d'harcèlement ou de moqueries de la part de ses collègues. ». Eu égard à l'ensemble de ces éléments, il apparaît que Mme [I] échoue à démontrer que l'employeur lui aurait fait prendre un risque en laissant perdurer une situation conflictuelle, toutes les mesures pour déterminer ce qui s'était passé et trouver d'éventuelles solutions ayant été prises. En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a considéré que la société Le Récif a respecté son obligation de sécurité. Sur la demande de résiliation judiciaire Selon l'article L1231-1 du code du travail, le contrat de travail à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié, ou d'un commun accord, dans les conditions prévues par les dispositions du présent titre. Tout salarié peut demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail en cas d'inexécution par l'employeur de ses obligations contractuelles. Il appartient au salarié de rapporter la preuve des faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur à l'appui de sa demande et les manquements de l'employeur à ses obligations doivent être d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail. Mme [I] sollicite la résiliation judiciaire du contrat travail en reprochant à l'employeur des agissements de harcèlement moral et de manquement à son obligation de sécurité. Mais la cour n'a pas retenu que Mme [I] aurait été victime des faits allégués, de sorte que le jugement doit être confirmé en ce qu'il l'a déboutée de ce chef de demande. Sur la demande de dommages et intérêts au titre du harcèlement moral et du manquement à l'obligation de sécurité Aucun des manquements n'ayant été reconnu, il a y lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [I] de sa demande indemnitaire à ce titre. Sur la demande d'indemnité pour licenciement nul Vu l'article L. 1235-3-1 du code du travail ; Mme [I] sollicite que la résiliation judiciaire produise les effets d'un licenciement nul et qu'elle en soit indemnisée. À défaut de rupture du contrat de travail, cette demande ne peut qu'être rejetée et le jugement confirmé de ce chef. Sur la demande d'indemnité légale de licenciement, d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés sur préavis Vu les articles L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ; À défaut de rupture du contrat de travail, il ne peut être fait droit à aucune demande indemnitaire au titre de l'indemnité légale de licenciement ou du préavis, ainsi que l'a retenu à raison le conseil de prud'hommes. Sur la demande de remise des documents conformes Au vu de ce qui précède, il convient de débouter Mme [I] de cette demande. PAR CES MOTIFS : Statuant publiquement, contradictoirement, Confirme le jugement rendu le 25 juin 2021 par le conseil de prud'hommes de Saint-Denis-de-la-Réunion en toutes ses dispositions ; Vu l'article 700 du code de procédure civile ; Condamne Mme [I] à payer à la société Le Récif la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; Condamne Mme [I] aux dépens d'appel. Le présent arrêt a été signé par M. Lacour, président, et par Mme Grondin, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. La greffière Le président
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No RG 22/07240 - No Portalis DBVX-V-B7G-OSXY Nom du ressortissant : PRÉFET DU RHÔNE COUR D'APPEL DE LYON JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT ORDONNANCE DU 01 NOVEMBRE 2022 statuant en matière de Rétentions Administratives des Etrangers Nous, Isabelle OUDOT, conseiller à la cour d'appel de Lyon, déléguée par ordonnance du premier président de ladite Cour en date du 1er septembre 2022 pour statuer sur les procédures ouvertes en application des articles L.342-7, L. 342-12, L. 743-11 et L. 743-21 du code d'entrée et de séjour des étrangers en France et du droit d'asile, Assistée de Nathalie ADRADOS, greffier, En l'absence du ministère public, En audience publique du 1er novembre 2022 dans la procédure suivie entre : APPELANT : M. [Z] [K] né le [Date naissance 2] 1994 à [Localité 4] (ALGÉRIE) de nationalité algérienne Actuellement retenu au centre de rétention administrative de [6] Comparant et assisté de Maître Anne-Julie HMAIDA, avocat au barreau de LYON commis d'office M. LE PRÉFET DU RHÔNE [Adresse 1] [Localité 3] Non comparant, régulièrement avisé, représenté par Me Morgane MORISSON-CARDINAUD agissant pour la SELARL SERFATY VENUTTI CAMACHO & CORDIER, avocats au barreau de l'AIN, Avons mis l'affaire en délibéré au 1er novembre 2022 à 16h30 et à cette date et heure prononcé l'ordonnance dont la teneur suit : FAITS ET PROCÉDURE Le 28 octobre 2019, une obligation de quitter le territoire français sans délai et avec interdiction de retour pendant 18 mois a été notifiée à [Z] [K] par le préfet du Rhône. Le 18 avril 2021, une obligation de quitter le territoire français sans délai et avec interdiction de retour pendant 36 mois a été notifiée à [Z] [K] par le préfet du Rhône. Par arrêté du 18 août 2021 le préfet du Rhône a assigné à résidence [Z] [K]. Suivant procès-verbal en date du 31 août 2021, les services de police ont relevé que [Z] [K] ne s'était pas présenté les 23 et 25 août 2021. Le 23 mai 2022, une obligation de quitter le territoire français sans délai et avec interdiction de retour pendant 36 mois a été notifiée à [Z] [K] par le préfet du Rhône, décision non contestée devant le tribunal administratif. Par arrêté du même jour, soit le 23 mai 2022, le préfet du Rhône a assigné à résidence [Z] [K]. Suivant procès-verbal en date du 1er juin 2022, les services de police ont relevé que [Z] [K] ne s'était pas présenté les 26 et 30 mai 2022. Par décision en date du 18 août 2022, l'autorité administrative a ordonné le placement de [Z] [K] en rétention dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire afin de permettre l'exécution de l'arrêté du préfet du Rhône. Par ordonnance du 18 août 2022, confirmée en appel le 22 août 2022, et par ordonnance du 15 septembre confirmée en appel le 16 septembre 2022, le juge des libertés et de la détention a prolongé la rétention administrative de [Z] [K] pour des durées de vingt-huit et trente jours. Par ordonnance du 15 octobre 2022 confirmée en appel le 17 octobre 2022, le juge des libertés et de la détention a prolongé la rétention administrative de [Z] [K] pour une durée de quinze jours. Suivant requête du 29 octobre 2022, le préfet du Rhône a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon aux fins de voir ordonner une nouvelle prolongation exceptionnelle de la rétention pour une durée de quinze jours. Dans son ordonnance du 30 octobre 2022, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon a fait droit à cette requête. Par déclaration au greffe le 31 octobre 2022 à 11 heures 06, [Z] [K] a interjeté appel de cette ordonnance en faisant valoir qu'aucun des critères définis par le CESEDA n'est réuni et que la quatrième prolongation de sa rétention administrative est impossible en ce qu'il n'a pas fait obstruction à son éloignement et que l'autorité administrative n'établit pas la délivrance à bref délai d'un document de voyage. [Z] [K] a demandé l'infirmation de l'ordonnance déférée et sa remise en liberté. Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience du 1er novembre 2022 à 11 heures 30. [Z] [K] a comparu et a été assisté de son avocat. Le conseil de [Z] [K] a été entendu en sa plaidoirie pour soutenir les termes de la requête d'appel. Elle fait valoir que le seul courrier du consulat d'Algérie du 15 septembre 2022 est insuffisant pour démontrer la délivrance à bref délai du laissez-passer. Le préfet du Rhône, représenté par son conseil, a demandé la confirmation de l'ordonnance déférée. [Z] [K] a eu la parole en dernier. Il explique qu'il a fait de son mieux pour respecter l'obligation de pointage qui était sur [Localité 5] alors qu'il vivait à [Localité 7]. Il explique que la vie au centre de rétention est par trop difficile et qu'il n'en peut plus. Il aspire à retrouver la liberté. MOTIVATION Sur la procédure et la recevabilité de l'appel Attendu que l'appel de [Z] [K] relevé dans les formes et délais légaux est recevable ; Sur le bien-fondé de la requête Attendu que l'article L. 741-3 du CESEDA rappelle qu'un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que le temps strictement nécessaire à son départ et que l'administration doit exercer toute diligence à cet effet ; Attendu que l'article L. 742-5 du même code dispose que «A titre exceptionnel, le juge des libertés et de la détention peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l'article L. 742-4, lorsqu'une des situations suivantes apparaît dans les quinze derniers jours : 1o L'étranger a fait obstruction à l'exécution d'office de la décision d'éloignement ; 2o L'étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d'éloignement : a) une demande de protection contre l'éloignement au titre du 9o de l'article L. 611-3 ou du 5o de l'article L. 631-3 ; b) ou une demande d'asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ; 3o La décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé et qu'il est établi par l'autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai» Qu‘in fine, l'article mentionne que si l'une des circonstances mentionnées aux 1o, 2o ou 3o survient au cours de la prolongation exceptionnelle ordonnée en application du huitième alinéa, elle peut être renouvelée une fois, dans les mêmes conditions, et que la durée maximale de la rétention n'excède alors pas quatre-vingt-dix jours ; Attendu que le conseil de [Z] [K] soutient que les conditions de ce texte ne sont pas réunies en ce que sa situation ne répond aux conditions de la quatrième prolongation ; Attendu que l'autorité administrative fait valoir dans sa requête que : - [Z] [K] a déjà fait l'objet de trois obligations de quitter le territoire français les 28 octobre 2019, 18 avril 2021 et 23 mai 2022 et qu'il s'est maintenu sur le territoire en dépit de ces décisions et en toute connaissance de cause , - [Z] [K] n'a pas déféré aux obligations de pointage qui pesaient sur lui lorsqu'il a été assigné à résidence les 18 août 2021 et 25 mai 2022, - [Z] [K] est connu des services de police et a été condamné le 13 octobre 2021 pour des faits de violences perpétrées sur conjoint, vol, recel de vol, faux document administratif, - dés le 17 août 2022, les autorités consulaires algériennes ont été saisies afin d'obtenir la délivrance d'un laissez-passer pour [Z] [K] qui circulait sans document d'identité ou de voyage, - la fiche dactyloscopique et un jeu de photographies ont été envoyés au consulat d'Algérie, à la demande de ce dernier, - des courriers de relance aux autorités consulaires avaient été adressés les 02 et 12 septembre 2022, - le 15 septembre 2022, les autorités consulaires ont indiqué avoir entrepris une démarche pour l'identification de l'intéressé, son identité n'ayant pu être confirmée à ce jour, - des courriers de relance ont été adressés les 23 septembre, 04 octobre, 14 et 24 octobre 2022 ; Qu'en dépit des démarches multiples engagées, la préfecture du Rhône reste sans réponse des autorités algériennes depuis le 15 septembre dernier ; Que, face au silence du consulat d'Algérie depuis plus d'un mois et à défaut d'autres éléments assurant l'identification de l'intéressé, la préfecture du Rhône n'établit pas que le laissez-passer consulaire peut intervenir dans le bref délai de la rétention administrative qui subsiste ; Qu'en conséquence, les conditions d'une quatrième prolongation ne sont pas réunies et la prolongation exceptionnelle de la rétention ne pouvait pas intervenir ; Qu'en conséquence, l'ordonnance entreprise est infirmée dans les termes du dispositif ; PAR CES MOTIFS Déclarons recevable l'appel formé par [Z] [K] , Infirmons l'ordonnance déférée. Statuant à nouveau, Rejetons la requête en quatrième prolongation de la rétention de [Z] [K], En tant que de besoin ordonnons la mise en liberté de [Z] [K], Rappelons à [Z] [K] qu'il fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai et avec interdiction de retour pendant 36 mois ordonnée le 23 mai 2022 par le préfet du Rhône Le greffier, Le conseiller délégué, Nathalie ADRADOS Isabelle OUDOT
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No RG 21/00084 NoPortalis DBWA-V-B7F-CGRH S.A.S. NACC M. [K] [A] COUR D'APPEL DE FORT DE FRANCE CHAMBRE CIVILE ARRET DU 15 NOVEMBRE 2022 Décision déférée à la cour : Jugement du Juge de l'Exécution, près le Tribunal Judiciaire, de Fort de France, en date du 26 Janvier 2021, enregistré sous le no 19/02668 ; APPELANTE : S.A.S. NACC, prise en le personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège [Adresse 3] [Localité 6] Représentée par Me Romain PREVOT, avocat postulant, au barreau de MARTINIQUE Me Pierre-Yves CERATO, de la SPE IMPLID AVOCATS, avocat plaidant, au Barreau de LYON, Monsieur [K] [V] [A] [Adresse 1] [Adresse 1] [Localité 4] Représenté par Me Moïse CARETO de la SELARL D'AVOCATS MOÏSE CARETO, avocat au barreau de MARTINIQUE COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 16 Septembre 2022, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Claire DONNIZAUX, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte dans le délibéré de la cour, composée de : Présidente : Mme Christine PARIS, Présidente de chambre Assesseur : Mme Claire DONNIZAUX, Conseillère Assesseur : M. Thierry PLUMENAIL, Conseiller Greffière lors des débats : Mme Micheline MAGLOIRE, Les parties ont été avisées, dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, de la date du prononcé de l'arrêt fixée au 15 Novembre 2022 ; ARRÊT : Contradictoire Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. EXPOSÉ DU LITIGE Par acte authentique des 16 novembre et 6 décembre 1989 la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE LA MARTINIQUE a consenti à Madame [S] [A] deux prêts de 434 000 francs au taux de 16,6%, remboursables en 15 ans. Par jugement du 21 octobre 2008, le tribunal d'instance de LE LAMENTIN a conféré force exécutoire aux mesures recommandées par la commission de surendettement du 29 juin 2005, prévoyant un plan d'apurement des sommes dues au Crédit Agricole d'une durée de 79 mois. Madame [S] [A] est décédée le [Date décès 2] 2013 et a laissé pour lui succéder Madame [L] [A] et Monsieur [K] [A]. Par acte du 17 mars 2014, la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE LA MARTINIQUE a cédé des créances impayées à la SAS NACC. En exécution de l'acte authentique de prêt, la SAS NACC a fait procéder, par acte d"huissier en date du 28 octobre 2019, à une saisie-attribution sur le compte bancaire ouvert au nom de Monsieur [K] [A] auprès de la CAISSE D'EPARGNE, pour obtenir le règlement de la somme de 61 279,45 euros, en principal, intérêts et frais. Cette saisie-attribution a été dénoncée à Monsieur [K] [A] par acte d'huissier en date du 31 octobre 2019. Selon acte d'huissier en date du 2 décembre 2019, Monsieur [K] [A] a donné assignation à la SAS NACC devant le juge de l'exécution du tribunal de FORT-DE-France en contestation de la saisie-attribution. Par jugement rendu le 26 janvier 2021, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Fort-de-France a statué comme suit : - Dit la demande Monsieur [K] [A] recevable et bien fondée ; - Dit que l'action en recouvrement de la SAS NACC à son encontre sur le fondement de l'acte notarié en date des 16 novembre et 06 décembre 1989 est prescrite, En conséquence, - Annule la saisie-attribution pratiquée à l'encontre de Monsieur [K] [A], à la requête de la SAS NACC le 28 octobre 2019, entre les mains de la Caisse d'Epargne, par la SCP [Y] [B] [P], et à lui dénoncée le 31 octobre 2019, en vertu d'un acte notarié reçu les 16 novembre et 06 décembre 1989 par Maître [N] [F], notaire associé de la SCP TEANOR ET [F] à [Localité 5], - Ordonne la mainlevée de cette saisie-attribution, - Condamne la SAS NACC à verser à Monseur [K] [A] la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire, - Déboute la SAS NACC de l'ensemble de ses demandes, - Condamne la SAS NACC aux entiers dépens comprenant les frais de la saisie-attribution et de sa mainlevée, - Rappelle que les décisions du juge de l'exécution sont exécutoires à titre provisoire de plein droit. Par déclaration enregistrée au greffe de la cour le 08 février 2021, la société NACC a critiqué tous les chefs de jugement, hormis les dispositions sur l'exécution provisoire. Dans ses conclusions d'appelant no 7 en date du 17 mai 2022, la société NACC demande à la cour d'appel de : INFIRMER le jugement du 26 janvier 2021 du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Fort-de-France en ce qu'il a : - dit la demande Monsieur [K] [A] recevable et bien fondée, - dit que l'action en recouvrement de la SAS NACC à son encontre sur le fondement de l'acte notarié en date des 16 novembre et 06 décembre 1989 est prescrite, - annulé la saisie-attribution pratiquée à l'encontre de Monsieur [K] [A], à la requête de la SAS NACC le 28 octobre 2019, entre les mains de la Caisse d'Epargne, par la SCP [Y] [B] [P], et à lui dénoncée le 31 octobre 2019, en vertu d'un acte notarié reçu les 16 novembre et 06 décembre 1989 par Maître [N] [F], notaire associé de la SCP TEANOR ET [F] à [Localité 5], - ordonné la mainlevée de cette saisie-attribution, - condamné la SAS NACC à verser à Monseur [K] [A] la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire, - débouté la SAS NACC de l'ensemble de ses demandes, - condamné la SAS NACC aux entiers dépens comprenant les frais de la saisie-attribution et de sa mainlevée. Statuant à nouveau : A titre principal, - REJETER les contestations de Monsieur [K] [A] comme étant irrecevables ; - DECLARER caduque l'assignation. A titre subsidiaire, - JUGER que les décisions rendues à l'encontre de Madame [L] [A] concernant la prescription ont autorité de chose jugée à l'encontre de Monsieur [K] [A] compte tenu du caractère indivisible de la créance de la société NACC, - REJETER la fin de non-recevoir tirée de la prescription invoquée par Monsieur [K] [A] comme se heurtant à la chose jugée du jugement rendu par le tribunal judiciaire de La Roche-Sur-Yon et de l'arrêt de la Cour d'appel de Poitiers ayant retenu l'absence de prescription de la créance indivisible de la société NACC à la date du 5 novembre 2019, - VALIDER en conséquence la saisie attribution du 28 octobre 2019 en son intégralité et lui donner plein effet. A titre très subsidiaire, - DEBOUTER [K] [A] de l'ensemble de ses prétentions. - VALIDER en conséquence la saisie attribution du 28 octobre 2019 en son intégralité et lui donner plein effet. En tout état de cause, - JUGER que l'action de la société NACC à l'encontre de Monsieur [K] [A] n'est pas prescrite ; - CONDAMNER [K] [A] à payer à la société NACC la somme de 3 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; - CONDAMNER [K] [A] aux entiers dépens de l'instance. La société NACC expose que son appel tend à l'infirmation du jugement de première instance pour voir débouter Monsieur [K] [A] de ses contestations, de sorte qu'il n'y aura pas nullité de la saisie. Elle soutient que ses conclusions d'appel ont été notifiées conformément aux dispositions des articles 905-2 et 911-2 du code de procédure civile. Elle prétend en outre que les contestations du débiteur relatives à la saisie sont irrecevables au motif que Monsieur [K] [A] ne rapporte pas la preuve que ces contestations aient été dénoncées à l'huissier de justice instrumentaire. Dans ses conclusions d'intimé, en réponse no 3, en date du 13 mai 2022, Monsieur [K] [A] demande à la cour d'appel de: Confirmer le jugement en toutes ses dispositions : - Relever que la cour n'est saisie d'aucune prétention relative à l'acte d'exécution annulé. Additionnellement : - Déclarer irrecevables les prétentions nouvellement formées par l'appelante au sein de conclusions no2, remises au Greffe le 26 avril 2021, prétentions non formées dans les conclusions visées à l'article 905-2 du Code de Procédure Civile, et marquées d'un trait en marge ; - Juger par voie de confirmation que la créance acquise par la société NACC, venant aux droits de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE LA MARTINIQUE ET DE LA GUYANE, dont le siège social est [Adresse 7], suivant acte de cession de créances du 17 mars 2014, est prescrite ; - Ordonner par voie de confirmation par conséquent mainlevée de la saisie attribution pratiquée le 28 octobre 2019 sur le compte ouvert dans les livres de la Caisse d'Epargnc au nom de Monsieur [K] [A] ; - CONDAMNER additionnellement la SAS NACC à verser à Monsieur [K] [A] la somme de 20.000€ à titre de dommages intérêts pour procédure abusive et vexatoire ; CONDAMNER additionnement la SAS NACC à verser à Monsieur [K] [A] la somme de 10.000€ à titre de dommages intérêts pour préjudice moral ; - CONDAMNER additionnement la SAS NACC à payer à Monsieur [K] [A] la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens, en ce compris le coût de l'acte de mainlevée la saisie ainsi que de sa mainlevée à intervenir. Monsieur [K] [A] expose que, si le dispositif des conclusions d'appel de la société NACC contient effectivement une demande d'infirmation, en revanche il ne comporte absolument aucune prétention relative à l'acte d'exécution lui-même. Il soutient que les demandes de l'appelante tendant à faire déclarer irrecevables les contestations ne constituent pas des prétentions mais des moyens, de sorte que la cour n'est pas saisie sur ce point. Monsieur [K] [A] prétend également que l'obligation entre l'intimé et Madame [L] [A] est divisible puisque chaque héritier n'est redevable que d'une partie des dettes qui correspond à sa part successorale. Il ajoute qu'aucune chose jugée ne peut être prise de la décision rendue le 08 février 2021 par le juge de l'exécution près le tribunal judiciaire de la Roche-sur-Yon à l'encontre de Madame [L] [A], ni de celle de la cour d'appel de Poitiers en date du 14 décembre 2021 qui, du reste, n'a pas tranché la question de la prescription. Par ailleurs, Monsieur [K] [A] expose que la créance de la société NACC est prescrite au regard de la prescription biennale. Il fait valoir que le créancier, qui avait connaissance de l'identité des héritiers, était tenu d'assigner en temps utile les successibles en délivrance forcée d'un acte de notoriété et d'interrompre ainsi le délai de prescription. L'ordonnance de clôture est intervenue le 19 mai 2022. Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, il sera fait expressément référence à la décision déférée à la cour et aux dernières conclusions déposées. L'affaire a été plaidée le 16 septembre 2022. La décision a été mise en délibéré au 15 novembre 2022. MOTIFS DE LA DECISION Sur les conclusions d'appel. Monsieur [K] [A] prétend que la seule véritable prétention dont soit saisie la cour demeure une demande de réformation du jugement de première instance présentée par l'appelante dans ses conclusions d'appel, sans aucune prétention relative à l'acte d'exécution lui-même, de sorte que les prétentions nouvellement formées par la société NACC seront déclarées irrecevables. En l'espèce, il résulte du dispositif des conclusions de la société NACC en date du 23 mars 2021 que l'appelante demande notamment à la cour de : - INFIRMER le jugement du 26 janvier 2021 du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Fort-de-France ; - DIRE ET JUGER les contestations de Monsieur [K] [A] irrecevables ; - DECLARER caduque l'assignation ; - DEBOUTER [K] [A] de l'ensemble de ses prétentions ; - JUGER que l'action de la société NACC à l'encontre de Monsieur [K] [A] n'est pas prescrite. Dans des nouvelles conclusions en date du 23 avril 2021, la société NACC demande notamment à la cour de : INFIRMER le jugement du 26 janvier 2021 du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Fort-de-France en ce qu'il a : - dit la demande Monsieur [K] [A] recevable et bien fondée, - dit que l'action en recouvrement de la SAS NACC à son encontre sur le fondement de l'acte notarié en date des 16 novembre et 06 décembre 1989 est prescrite, - annulé la saisie-attribution pratiquée à l'encontre de Monsieur [K] [A], à la requête de la SAS NACC le 28 octobre 2019, entre les mains de la Caisse d'Epargne, par la SCP [Y] [B] [P], et à lui dénoncée le 31 octobre 2019, en vertu d'un acte notarié reçu les 16 novembre et 06 décembre 1989 par Maître [N] [F], notaire associé de la SCP TEANOR ET [F] à [Localité 5], - ordonné la mainlevée de cette saisie-attribution, - condamné la SAS NACC à verser à Monseur [K] [A] la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire, - débouté la SAS NACC de l'ensemble de ses demandes, - condamné la SAS NACC aux entiers dépens comprenant les frais de la saisie-attribution et de sa mainlevée. Statuant à nouveau : A titre principal, - REJETER les contestations de Monsieur [K] [A] comme étant irrecevables ; - DECLARER caduque l'assignation. A titre subsidiaire, - DEBOUTER [K] [A] de l'ensemble de ses prétentions ; - VALIDER en conséquence la saisie attribution du 28 octobre 2019 en son intégralité et lui donner plein effet. En tout état de cause, - JUGER que l'action de la société NACC à l'encontre de Monsieur [K] [A] n'est pas prescrite ; - CONDAMNER [K] [A] à payer à la société NACC la somme de 3 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; - CONDAMNER [K] [A] aux entiers dépens de l'instance. Il est de jurisprudence constante que les conclusions d'appelant exigées par l'article 905-2 du code de procédure civile sont toutes celles remises au greffe et notifiées dans les délais prévus par ce texte, qui déterminent l'objet du litige porté devant la cour d'appel. De surcroît, le respect de la diligence impartie par l'article 905-2 du code de procédure civile est nécessairement apprécié en considération des prescriptions de l'article 954 du code de procédure civile. En l'espèce, la société NACC a remis ses conclusions au greffe les 23 mars 2021 et 23 avril 2021, alors que la présidente de la chambre civile et commerciale de la cour d'appel de Fort-de-France avait avisé les parties le 25 février 2021 que l'affaire était fixée à bref délai. Toutefois, la société NACC, dont le siège social est fixé à [Localité 6], disposait d'un délai supplémentaire d'un mois pour transmettre ses conclusions au greffe de la cour, en application de l'article 911-2 du code de procédure civile. Dans ces conditions, les prétentions formées par la société NACC dans ses conclusions en date du 23 avril 2021, qui ont été transmises dans les délais impartis, seront déclarées recevables. Dès lors, la cour est saisie de l'ensemble des demandes formulées par la société NACC dans ses conclusions du 23 avril 2021 et reprises dans ses conclusions d'appelant no 7. Sur l'irrecevabilité des contestations. Il résulte des dispositions de l'article R. 211-11 du code des procédures civiles d'exécution qu'à peine d'irrecevabilité, les contestations relatives à la saisie sont formées dans le délai d'un mois à compter de la dénonciation de la saisie au débiteur et que sous la même sanction, elles sont dénoncées le même jour ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, à l'huissier de justice qui a procédé à la saisie. L'intimé produit les deux correspondances adressées par Maître [C] [O], huissier de justice, à l'huissier saisissant et au tiers saisi. Si le courrier adressé à Maître [P] fait référence à l'envoi d'une lettre recommandée avec accusé de réception datée du 02 décembre 2019, le récépissé relatif à l'envoi de cette lettre recommandée avec accusé de réception n'est pas versé aux débats. Nonobstant l'assignation que le débiteur a fait délivrer au créancier dans le délai prévu par l'article R. 211-11 du code des procédures civiles d'exécution, la cour relève que Monsieur [K] [A] ne rapporte pas la preuve que les contestations relatives à la saisie-attribution ont été dénoncées le même jour, ou au plus tard le premier jour ouvrable suivant, soit le 02 décembre 2019, à l'huissier de justice qui a procédé à la saisie-attribution. La société NACC déclare également ne jamais avoir pris connaissance de l'accusé de réception dont il est fait état dans le jugement de première instance et qui aurait été signé le 04 décembre 2019 par l'huissier de justice saisissant. En cause d'appel, Monsieur [K] [A] ne produit pas cette pièce. Dès lors et en l'absence du récepissé attestant de l'envoi, dans les délais requis, de la lettre recommandée à Maître [P], huissier de justice instrumentaire, ou d'un justificatif émanant des services de La Poste ( numéro du recommandé et sa date), le débiteur ne justifie pas avoir informé l'huissier de justice qui a procédé à la saisie-attribution de sa contestation, et ce alors que cette formalité a pour but de mettre en mesure l'officier public d'apprécier s'il peut ou non délivrer le certificat de non-contestation prévu par l'article R.211-6 du code des procédures civiles d'exécution, l'huissier saisissant devant être informé avec certitude de l'existence effective de la contestation. Dès lors, il convient de réformer le jugement déféré et de déclarer irrecevable la contestation exercée par Monsieur [K] [A] par acte extra-judiciaire en date du 02 décembre 2019 et relative à la saisie-attribution pratiquée le 28 octobre 2019 à la demande de la société NACC. Le jugement de première instance sera infirmé sur ce point. Sur les autres demandes. La société NACC sollicite que soit déclarée caduque l'assignation qui lui a été délivrée le 02 décembre 2019. Or, la caducité de l'assignation n'est prononcée, en application du second alinéa de l'article R. 211-11 du code des procédures civiles d'exécution, que si l'auteur n'a pas remis une copie de l'assignation, au plus tard le jour de l'audience, au greffe du juge de l'exécution. En l'espèce, tant en première instance qu'en cause d'appel, la société NACC ne soutient que Monsieur [K] [A] aurait omis de se conformer aux dispositions précitées. En conséquence, l'appelante sera déboutée de ce chef de demande. L'exercice de l'appelante n'ayant présenté aucun caractère fautif, le jugement de première instance sera infirmé en ce qu'il a condamné la SAS NACC à payer à Monsieur [K] [A] la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire. Les contestations relatives à la saisie-attribution ayant été déclarées irrecevables, la saisie-attribution à laquelle la société NACC a fait procéder le 28 octobre 2019 sur le compte bancaire dont est titulaire Monsieur [K] [A] auprès de la CAISSE D'EPARGNE a repris son plein et entier effet, de sorte qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les autres moyens et prétentions des parties. Sur les demandes accessoires. Les dispositions du jugement déféré sur les frais irrépétibles et les dépens seront infirmées. Au vu des circonstances de la cause, de la solution apportée au litige et de la situation des parties, il convient de rejeter les demandes présentées respectivement par Monsieur [K] [A] et la société NACC sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, tant en première instance qu'en cause d'appel. Succombant, Monsieur [K] [A] sera condamné aux dépens de première instance et d'appel. PAR CES MOTIFS Statuant par arrêt contradictoire et par mise à disposition au greffe, DÉCLARE recevable les prétentions formées par la société NACC dans ses conclusions en date du 23 avril 2021 et reprises dans ses conclusions d'appelant no 7 ; DÉCLARE irrecevable la contestation exercée par Monsieur [K] [A] par acte extra-judiciaire en date du 02 décembre 2019 et relative à la saisie-attribution pratiquée le 28 octobre 2019 à la demande de la société NACC ; INFIRME le jugement rendu le 26 janvier 2021 par le juge de l'exécution près le tribunal judiciaire de Fort-de-France dans toutes ses dispositions ; Statuant à nouveau, DÉCLARE que la saisie-attribution pratiquée à l'encontre de Monsieur [K] [A], à la requête de la SAS NACC le 28 octobre 2019, entre les mains de la CAISSE D'EPARGNE, par la SCP [Y] [B] [P], et à lui dénoncée le 31 octobre 2019 a repris son plein et entier effet ; Y ajoutant, DÉBOUTE les parties de leurs plus amples demandes ; CONDAMNE Monsieur [K] [A] aux dépens de première instance et d'appel. Signé par Mme Christine PARIS, Présidente de Chambre et Mme Béatrice PIERRE-GABRIEL, Greffière, lors du prononcé à laquelle la minute a été remise. LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,
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COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE Chambre 1-9 ARRÊT AU FOND DU 17 NOVEMBRE 2022 No 2022/759 Rôle No RG 21/13818 - No Portalis DBVB-V-B7F-BIEWI S.C.I. DELTA Syndic. de copro. [Adresse 4] S.A.R.L. SAZO Copie exécutoire délivrée Me MARCHESE Décision déférée à la Cour : Jugement du Juge de l'exécution de Toulon en date du 07 Septembre 2021 enregistré (e) au répertoire général sous le no 19/01447. S.C.I. DELTA, demeurant [Adresse 1] représentée par Me Christophe MACONE, avocat au barreau de TOULON, plaidant Syndicat de copropriété de la Résidnece [Adresse 4] [Adresse 5] pris en la personne de son Syndic en exercice, le Centre de Gestion Immobilière - CGI - SAS au capital de 59.250€, immatriculée au RCS de TOULON sous le numéro B 326 700 648, dont le siège social est : [Adresse 3], pris en la personne de son représentant légal, demeurant de droit audit siège social. représentée par Me Sophie MARCHESE de la SCP IMAVOCATS, avocat au barreau de TOULON S.A.R.L. SAZO demeurant [Adresse 2]/FRANCE conclusions déclarées irrecevable par ordonnance d'incident du 7/06/22, représentée par Me Arnaud LUCIEN, avocat au barreau de TOULON COMPOSITION DE LA COUR L'affaire a été débattue le 15 Septembre 2022 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Dominique TATOUEIX, Magistrat honoraire, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries. La Cour était composée de : Madame Agnès DENJOY, Président Madame Pascale POCHIC, Conseiller Monsieur Dominique TATOUEIX, Magistrat honoraire qui en ont délibéré. Greffier lors des débats : Madame Ingrid LAVALLEE. Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 17 Novembre 2022. Contradictoire, Prononcé par mise à disposition au greffe le 17 Novembre 2022, Signé par Madame Agnès DENJOY, Président et Madame Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. FAITS ET PROCÉDURE Par ordonnance en date du 13 mars 2018, le juge des référés du tribunal de Grande instance de Toulon a condamné in solidum la SCI DELTA et la SARL SAZO : - à effectuer les réparations préconisées par l'expert judiciaire dans son rapport du 25 juillet 2017 afin de mettre un terme aux infiltrations provenant du local de la SCI DELTA dans un délai d'un mois à compter de la signification de la présente ordonnance sous astreinte de 100 € par jour de retard, - à remettre en état la dalle haute des garages en rebouchant le trou et en la nettoyant dans un délai d'un mois à compter de la signification de la présente ordonnance sous astreinte de 100 € par jour de retard. Par exploits en date des 14 mars et 20 mars 2019, le syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 4] a fait assigner la SCI DELTA et la SARL SAZO devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Toulon aux fins de liquidation de l'astreinte et condamnation in solidum des requises au paiement d'une somme de 2500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Par jugement du 7 septembre 2021 dont appel du 29 septembre 2021, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Toulon s'est déclaré incompétent pour statuer sur la demande de dommages et intérêts présentée par la SARL SAZO, a fixé le montant des deux astreintes à la somme de 170 000 € sur la période du 29 avril 2018 au 1er juin 2021 et a condamné in solidum la SCI DELTA et la SARL SAZO au paiement de cette somme, outre 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens. Le juge de l'exécution énonce en ses motifs : - le juge de l'exécution n'est pas matériellement compétent pour statuer sur les demandes en dommages et intérêts de la SARL SAZO relatives à des désordres provenant d'une terrasse partie commune située au-dessus du local qu'elle exploite, - le syndicat des copropriétaires se désiste de ses demandes au motif que la SARL SAZO justifie de la réalisation des travaux de remise en état par la production d'un procès-verbal de constat du 3 avril 2019 mais la SARL SAZO reconnaît expressément avoir effectué postérieurement à la condamnation du 13 mars 2018 de nouveaux travaux de percement de la dalle et de mise en place de nouvelles canalisations, sans aucune autorisation, - la SCI DELTA et la SARL SAZO ne rapportent pas la preuve de l'exécution des obligations mises à leur charge par l'ordonnance du 13 mars 2018 ni d'un quelconque retard dû à une cause étrangère, - il convient toutefois de modérer les astreintes et de tenir compte de l'imprécision des termes de l'ordonnance du 13 mars 2018 s'agissant de l'obligation tendant à remettre en état la dalle haute des garages et en la nettoyant, à défaut de précision sur le trou à reboucher et sur les modalités de remise en état de la dalle. Vu les dernières conclusions déposées le 24 juin 2022 par la SCI DELTA, appelante, aux fins de voir infirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il s'est déclaré incompétent pour statuer sur la demande de dommages et intérêts de la SARL SAZO et statuant à nouveau, ordonner une expertise afin de déterminer si les travaux ne peuvent être terminés du fait des infiltrations provenant de la terrasse située au premier étage, à défaut, débouter le syndicat des copropriétaires de l'ensemble de ses demandes, et condamner ce dernier au paiement d'une somme de 2500 € titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens. La SCI DELTA fait valoir : - que le constat d'huissier du 3 mai 2018 produit par le syndicat des copropriétaires ne peut fonder une quelconque absence de travaux dans la mesure où il n'a pas été pris au contradictoire, qu'il se borne à faire état de photographies et à reprendre les dires d'un copropriétaire, qu'il ne relate pas une situation proche de la date de délivrance de l'assignation et qu'il est contredit par le constat d'huissier du 3 avril 2019 produit par la SARL SAZO, - qu'une expertise doit être ordonnée afin de déterminer que si les travaux ne sont pas terminés, cela pourrait provenir des infiltrations provenant de la terrasse située au premier étage, ce qui a déjà été soutenu en première instance mais il ne peut s'agir d'une demande nouvelle en appel, - que la SARL SAZO a apporté la preuve que les travaux ont commencé avant la délivrance de l'assignation, ce que reconnaît la copropriété qui s'était désistée de ses demandes devant le juge des référés, - que la dalle haute des garages a été rebouchée et nettoyée comme cela résulte du PV de constat du 3 avril 2019. Vu les dernières conclusions déposées le 27 juin 2022 par le syndicat des copropriétaires de la Résidence [Adresse 4], intimé, aux fins de voir confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions, déclarer irrecevable la demande d'expertise présentée par la SCI DELTA et subsidiairement l'en débouter et, en tout état de cause, condamner la SCI DELTA au paiement d'une somme de 3500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens. Le syndicat des copropriétaires de la Résidence [Adresse 4] fait valoir : - que la demande d'expertise est irrecevable comme nouvelle dès lors que la SCI DELTA soutenait déjà devant le premier juge que les travaux n'avaient pu être terminés à cause d'infiltrations provenant de la terrasse située au premier étage, aucun fait nouveau n'étant par ailleurs survenu depuis le jugement dont appel, - subsidiairement, que cette demande est infondée dès lors qu'une expertise judiciaire a déjà été ordonnée et que l'expert y rejette ce moyen, comme le juge des référés dans les ordonnances des 13 mars 2018 et 15 novembre 2019 qui sont définitives, - que la SCI DELTA, sur laquelle repose la charge de la preuve, ne justifie pas de l'exécution des travaux, ce que le syndicat des copropriétaires confirme par procès-verbal de constat du 1er octobre 2019, postérieur aux procès-verbaux des 3 avril 2019 et 26 août 2019 dressés à la requête de la SARL SAZO, - que la SCI DELTA tente de tromper la religion de la Cour en se prévalant d'un désistement du syndicat des copropriétaires qui ne concerne pas les travaux objet de la présente instance mais des travaux non autorisés réalisés ultérieurement, qui ont obligé le syndicat des copropriétaires à saisir à nouveau le juge des référés de demandes dont il s'est toutefois désisté dans la mesure où la remise en état a été effectuée postérieurement à la délivrance des assignations en référé, comme cela résulte d'une ordonnance en date du 15 novembre 2019. Par ordonnance d'incident en date du 7 juin 2022, les conclusions de la SARL SAZO en date du 27 décembre 2021 ont été déclarées irrecevables. Vu l'ordonnance de clôture du 28 juin 2022. MOTIFS DE LA DÉCISION La demande d'expertise formée aux fins de déterminer si les travaux ne peuvent être terminés du fait des infiltrations provenant de la terrasse du premier étage est recevable en ce qu'elle constitue le complément, au sens de l'article 566 du code de procédure civile, de la demande, soumise au premier juge, tendant au rejet de la demande de liquidation de l'astreinte. Toutefois, la question a déjà été posée à l'expert dans le cadre de la procédure de référé. Comme cela résulte du rapport du 25 juillet 2017, le conseil de la SARL SAZO y évoquait une forte humidité imbibant les murs de la cuisine et des toilettes liée à un défaut d'étanchéité de la terrasse du premier étage mais l'expert, auquel le problème a donc été soumis, ne fait aucun lien entre les infiltrations au sous-sol des garages, dont il attribue la cause aux désordres constatés dans la partie restaurant, et le défaut d'étanchéité au niveau de la baignoire de l'appartement du premier étage, qu'il a constaté lui-même et décrit en détail dans son rapport mais en ne retenant à ce titre que des dégradations sur les embellissements du restaurant, dont il a d'ailleurs fait une estimation du coût de remise en état. À l'issue de ses constatations, l'expert ne retient en effet, quant à l'origine des infiltrations au sous-sol, qu'une détérioration de l'étanchéité de base sous le carrelage de la cuisine à la suite des différentes interventions chroniques sur le réseau d'évacuation des eaux usées et eaux vannes de l'établissement et l'engorgement de l'évacuation du bac de légumerie du fait d'une section trop faible, du dépôt d'impuretés et d'une pente insuffisante, relevant d'ailleurs que les traces d'infiltrations au plafond du garage se situent à proximité du passage des canalisations du restaurant. Et la SCI DELTA ne produit aucune pièce de nature à remettre en cause les conclusions de l'expert, au regard notamment d'éléments nouveaux, de sorte que la demande d'expertise doit être rejetée et si le PV de constat du 3 avril 2019 établi à la requête de la SARL SAZO, dont la SCI DELTA se prévaut en le versant aux débats, atteste que des travaux ont certes été réalisés au niveau des canalisations, il résulte du PV de constat établi le 1er octobre 2019 à la requête du syndicat des copropriétaires que des gouttes d'eau perlent du plancher haut et tombent sur le sol, qu'un liquide noirâtre s'écoule d'une évacuation en PVC et se répand sur la canalisation principale. Il est par ailleurs relevé qu'alors que les préconisations de l'expert supposent une intervention au niveau du carrelage de la cuisine, que ce soit dans le cadre de l'option avec démolition du carrelage existant comme dans le cadre de l'option sans démolition avec alors application notamment de couches de résine, la SCI DELTA ne verse aucune pièce démontrant qu'elle a satisfait sur ce point aux préconisations de l'expert. Par ailleurs, comme cela résulte des termes de l'ordonnance de référé du 15 novembre 2019 versée aux débats par le syndicat des copropriétaires, le désistement de ce dernier évoqué par la SCI DELTA concerne uniquement la remise en état de nouveaux percements de la dalle commune. Il y a ainsi lieu à liquidation de l'astreinte mais il convient de tenir compte d'une exécution partielle de l'obligation puisque des tuyaux ont été remplacés et de tenir compte également de l'imprécision des termes de l'ordonnance du 13 mars 2018 que le premier juge a relevée à juste titre, ne serait-ce que par rapport aux conclusions de l'expert, de sorte que l'astreinte doit être liquidée à la somme de 100 000 € pour les deux obligations. PAR CES MOTIFS La Cour, statuant par arrêt contradictoire, Infirme le jugement dont appel, mais seulement en ce qu'il déclaré la demande d'expertise irrecevable et en ce qu'il a liquidé l'astreinte à la somme de 170 000 € et condamné in solidum la SCI DELTA et la SARL SAZO au paiement de cette somme, Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés, Déclare recevable la demande d'expertise formée par la SCI DELTA mais la rejette ; Liquide l'astreinte fixée par l'ordonnance de référé du 13 mars 2018 à la somme de 100 000 € pour les deux obligations ; Condamne en conséquence in solidum la SCI DELTA et la SARL SAZO au paiement au syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 4] de la somme de 100 000 € (cent mille euros) ; Confirme le jugement pour le surplus ; Y ajoutant, Vu l'article 700 du code de procédure civile, Condamne la SCI DELTA à payer au syndicat des copropriétaires de la Résidence [Adresse 4] la somme de 2 000 € (deux mille euros) ; Déboute les parties de leurs demandes autres ou plus amples ; Condamne la SCI DELTA aux dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile. LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
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COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE Chambre 1-9 ARRÊT AU FOND DU 17 NOVEMBRE 2022 No 2022/753 Rôle No RG 21/08996 - No Portalis DBVB-V-B7F-BHUUD [T] [YM] DECEDEE [W] épouse [F] [S] [UB] [F] DECEDE Société SERVICE DES DOMAINES [SS], [OP] [M] DIVORCEE [IV] divorcée [IV] [B], [JM] [Z] [A], [I], [DE], [N] [H] épouse [C] [RR], [K], [LN] [KW] épouse [R] [AG], [X] [Z] [PH], [P], [V], [KE] [D] épouse [FT] [FB], [AP], [ZW] [O] divorcée [VK] S.A. BANQUE NATIONALE DE PARIS Société LA CONGREGATION DENOMMEE LES PETITES SOEURS DES PAUVRES Copie exécutoire délivrée Me ERMENEUX Décision déférée à la Cour : Jugement du Juge de l'exécution du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 17 Mars 2017 enregistré (e) au répertoire général sous le no 14/8628. Société SERVICE DES DOMAINES, en la personne de Monsieur le Directeur départemental des finances publiques des ALPES MARITIME, service de la gestion des patrimoines privés, pris en sa qualité de curateur à la succession vacante de Madame [T] [YM] [W] épouse de Monsieur [S] [UB] [F], décédée le [Date décès 11] 2018, nommé à cette fonction suivant ordonnance de Mme [G], juge au tribunal judiciaire de Draguignan en date du 28 août 2020, domicilié en cette qualité au siège sis assigné en intervention forcée le 4 juin 2021 à personne habilitée demeurant [Adresse 10] Société SERVICE DU DOMAINE, en la personne de Monsieur le Directeur départemental des finances publiques des ALPES MARITIME, service de la gestion des patrimoines privés, pris en sa qualité de curateur à la succession vacante de Monsieur [S] [UB] [F], décédé le [Date décès 5] 2019, nommé à cette fonction suivant ordonnance de Mme [G], juge au tribunal judiciaire de Draguignan en date du 22 janvier 2021, domicilié en cette qualité au siège sis assigné en intervention forcée le 4 juin 2021 à personne habilitée, demeurant [Adresse 9] Madame [SS], [OP] [OP] [M] divorcée [IV] née le [Date naissance 2] 1962 à [Localité 23], (34), demeurant [Adresse 18] Monsieur [B], [JM] [Z] époux de Madame [L] [E], né le [Date naissance 15] 1968 à [Localité 32] (SUISSE), demeurant [Adresse 8] Madame [A], [I], [DE], [N] [H] épouse [C] , née le [Date naissance 1] 1976 à [Localité 25], demeurant [Adresse 22] Madame [RR], [K], [LN] [KW] épouse [R] née le [Date naissance 13] 1962 à [Localité 27] (01), demeurant [Adresse 17] Monsieur [AG], [X] [Z] époux de Madame [NY] [XV], né le [Date naissance 7] 1962 à [Localité 32] (SUISSE), demeurant [Adresse 26] (ALLEMAGNE) Madame [PH], [P], [V], [KE] [D] épouse [FT] née le [Date naissance 14] 1964 à [Localité 30], (13), demeurant [Adresse 4] - (AUSTRALIE) Madame [FB], [AP], [ZW] [O] divorcée [VK] née le [Date naissance 3] 1969 à [Localité 28], (62), demeurant [Adresse 16] Société LA CONGREGATION DENOMMEE LES PETITES SOEURS DES PAUVRES demeurant [Adresse 31] Tous représentés par Me Agnès ERMENEUX de la SCP ERMENEUX-CAUCHI & ASSOCIES, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE, plaidant, assistés de Me Daniel VERSTRAETE de la SELARL VERSTRAETE ET ASSOCIES, avocat au barreau de GRASSE S.A. BANQUE NATIONALE DE PARIS, demeurant [Adresse 12] assignée le 1er juillet 2021 à personne habilitée défaillante COMPOSITION DE LA COUR L'affaire a été débattue le 15 Septembre 2022 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Dominique TATOUEIX, Magistrat honoraire, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries. La Cour était composée de : Madame Agnès DENJOY, Président Madame Pascale POCHIC, Conseiller Monsieur Dominique TATOUEIX, Magistrat honoraire qui en ont délibéré. Greffier lors des débats : Madame Ingrid LAVALLEE. Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 17 Novembre 2022. Réputé contradictoire, Prononcé par mise à disposition au greffe le 17 Novembre 2022, Signé par Madame Agnès DENJOY, Président et Madame Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. FAITS ET PROCÉDURE Mme [SS] [M], M. [B] [Z], Mme [A] [H] épouse [C], Mme [RR] [KW] épouse [R], M. [X] [Z], Mme [PH] [D] épouse [FT], Mme [FB] [O] et le service des Domaines, ès-qualités de curateur à la succession vacante de M. [UT] [Y] poursuivent à l'encontre de Mme [T] [W] épouse [F] suivant commandement en date du 23 juin 2014 publié le 20 août 2014 prorogé le 24 juin 2016, la vente de biens et droits immobiliers sis à [Adresse 24] » cadastré section I no [Cadastre 6] pour 34 ca, [Cadastre 19] pour 11 a 31ca, [Cadastre 20] pour 31 ca et [Cadastre 21] pour 60 ca, pour paiement d'une somme totale de 183 845,25 € arrêtée au 2 juin 2014 en vertu de la copie exécutoire d'un acte reçu le 10 octobre 2011 par Me [GK] [CM], notaire associé à [Localité 29] (06) contenant reconnaissance de dette et affectation hypothécaire. Par jugement d'orientation du 17 mars 2017 dont appel du 6 juin 2017, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Draguignan a : - Validé les conclusions valant dire de formalités déposées par Me [U] [J] au nom de ses mandants le 15 décembre 2014 concernant l'existence de servitudes et dit qu'elles feront partie intégrante du cahier des conditions de vente, - Dit n'y avoir lieu de surseoir à statuer dans l'attente du résultat de la procédure devant le tribunal de grande instance de Draguignan statuant au fond (assignation du 22 juin 2015), - Rejeté la demande de nullité pour insanité d'esprit du prêt souscrit par Mme [T] [F] le 10 octobre 2011, - Rejeté les demandes d'expertise psychiatrique et d'audition de médecins, - Constaté que la créance des créanciers poursuivants à l'encontre de Mme [T] [F] n'est pas prescrite, - Dit que la créance pour laquelle Mme [SS] [M], M. [B] [Z], Mme [A] [H] épouse [C], Mme [RR] [KW] épouse [R], M. [X] [Z], Mme [PH] [D] épouse [FT] et Mme [FB] [O], le SERVICE DES DOMAINES poursuivent la saisie immobilière au préjudice de Mme [T] [W] épouse [F] est liquide et exigible et doit être fixée à la somme de 183 845,25 € arrêtée au 2 juin 2014 sans préjudice des intérêts postérieurs au taux de 14,02% l'an jusqu'à parfait paiement, - Ordonné la vente forcée des biens et droits immobiliers saisis, - Rejeté l'ensemble des autres demandes. Mme [T] [W] épouse [F] et son époux [S] [F], tous deux décédés depuis, ont interjeté appel de ce jugement. Par ordonnance en date du 21 août 2017, la présidente chargée de la mise en état a constaté le dessaisissement partiel de la Cour concernant le service des Domaines, ès-qualités de curateur à la succession vacante de M. [UT] [Y], lequel a déclaré par courrier du 28 juillet 2017 avoir été déchargé de la gestion de cette succession. Par arrêt en date du 25 janvier 2018, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a : - Débouté les parties de leurs demandes portant sur l'acquisition de la prescription de l'action des créanciers poursuivants et de la contestation de la validité de l'acte authentique de prêt au regard de l'article 1304 du Code civil, - Rejeté l'exception d'irrecevabilité de la demande d'annulation du contrat pour dol soulevée sur le fondement de l'article R 311-5 du code des procédures civiles d'exécution, - Ordonné le sursis à statuer sur les autres demandes jusqu'à ce que ce soit rendue une décision définitive dans le cadre de l'instance actuellement en cours devant le tribunal de grande instance de Draguignan aux fins de voir annuler tant l'acte de prêt litigieux du 10 octobre 2011 que les actes sous-seing privé des 26 septembre 2011 et 10 octobre 2011, - Ordonné, dans l'attente, la radiation de la procédure qui sera reprise à la demande de la partie la plus diligente et a réservé les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile. Par mémoire en date du 10 juin 2021, le Directeur départemental des Finances Publiques des Alpes-Maritimes chargé du service du Domaine, ès-qualités de curateur aux successions vacantes de [T] [W] épouse [F] et de [S] [F], dispensé du ministère d'avocat par application de l'article R 2331-10 du code général de la propriété des personnes publiques, déclare s'en rapporter à justice. Vu les dernières conclusions déposées le 14 février 2022 par la congrégation LES PETITES SOEURS DES PAUVRES, Mme [SS] [M], M. [B] [Z], Mme [A] [H] épouse [C], Mme [RR] [KW] épouse [R], M. [X] [Z], Mme [PH] [D] épouse [FT] et Mme [FB] [O] intimés, aux fins de voir: - Dire et juger recevable et bien fondée l'assignation en intervention forcée à l'encontre du service du Domaine pris ès-qualités de curateur au deux successions vacantes de [T] et [S] [F], appelants décédés, - Confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions, - Renvoyer le concluant devant le juge de l'exécution aux fins de fixation du jour de la vente forcée par adjudication, A titre infiniment subsidiaire et pour le cas où par extraordinaire la Cour considérerait qu'elle reste saisie des demandes des appelants du chef de la nullité du prêt pour insanité d'esprit et du chef de la demande de substitution du taux légal au taux conventionnel, Statuant sur ces deux demandes, - Dire et juger l'appel mal fondé en toutes ses dispositions et rejeter toutes les demandes des appelants; - Dire et juger en tout état de cause irrecevables et à tout le moins mal fondés toutes les demandes, fins, moyens et prétentions qui pourraient être formulés par le service du Domaine agissant ès qualités, - Confirmer en toutes ses dispositions le jugement en date du 17 mars 2017, - Renvoyer le concluant devant le juge de l'exécution aux fins de fixation du jour de la vente forcée par adjudication, - Dire et juger que les entiers dépens seront compris dans les frais de vente soumis à taxe dont distraction en ce qui la concerne au profit de Me ERMENEUX, Avocat au barreau d'Aix-en-Provence. La congrégation LES PETITES SOEURS DES PAUVRES, Mme [SS] [M], M. [B] [Z], Mme [A] [H] épouse [C], Mme [RR] [KW] épouse [R], M. [X] [Z], Mme [PH] [D] épouse [FT] et Mme [FB] [O] font valoir : - que par jugement du 29 novembre 2018, le tribunal de grande instance de Draguignan a rejeté la demande de nullité des actes pour dol et a déclaré irrecevable la demande de juger prescrite l'action en paiement des intimés, - que le courrier du curateur à la succession vacante des époux [F] en date du 10 juin 2021, qui vaut conclusions au sens des dispositions du code de procédure civile sur la procédure devant la cour d'appel, témoigne de la volonté de son auteur de se conformer à la décision qui sera rendue, sans reprendre pour son compte les écritures des débiteurs décédés, de sorte qu'il y a lieu de confirmer purement et simplement la décision entreprise dans toutes ses dispositions, - à titre subsidiaire, que Mme [F] n'a rapporté la preuve d'aucune insanité d'esprit de nature à abolir son discernement au moment de l'acte du 10 octobre 2011 et s'agissant de la demande de substitution du taux d'intérêt légal au taux conventionnel, l'expert qui a établi le rapport produit par les époux [F] a calculé le TEG selon la méthode d'équivalence définie par la formule figurant en annexe du code de la consommation alors que cette méthode n'est pas applicable aux prêts professionnels conformément aux dispositions de l'article R 313-1 IIIo du même code. La BANQUE NATIONALE DE PA RIS, à laquelle la déclaration d'appel et les conclusions ont été signifiées par exploit en date du 1er juillet 2021 délivré à personne se déclarant habilitée à recevoir l'acte, n'a pas comparu. MOTIFS DE LA DÉCISION Dans le cadre de leur appel du jugement d'orientation, les époux [F] ont invoqué, à titre principal, la nullité de la reconnaissance de dette et de l'acte de prêt du 10 octobre 2021, pour insanité d'esprit d'une part et pour dol d'autre part, ont sollicité, à titre subsidiaire, qu'il soit sursis à statuer en l'attente de la décision à intervenir du tribunal de grande instance de Draguignan saisi de leur demande tendant à voir prononcer la nullité pour dol de l'acte de prêt et à titre infiniment subsidiaire, ont conclu à la requalification du contrat de prêt en invoquant la prescription biennale des poursuites et à la substitution du taux légal au taux conventionnel du fait du caractère erroné du TEG. Les intimés ont opposé en défense, la prescription de la contestation de la validité de l'acte de prêt et par application de l'article R 311-5 du code des procédures civiles d'exécution, l'irrecevabilité de la demande d'annulation du prêt pour dol. Par arrêt avant dire droit en date du 25 janvier 2018, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a rejeté la demande des époux [F] relative à la prescription de l'action des créanciers poursuivants et la demande des créanciers poursuivants relative à la prescription de la contestation de la validité de l'acte de prêt ainsi que l'irrecevabilité soulevée par ces derniers sur le fondement de l'article R 311-5 du code des procédures civiles d'exécution et la Cour a sursis à statuer sur les autres demandes jusqu'à ce que soit rendu une décision définitive sur l'instance au fond tendant à l'annulation de l'acte de prêt du 10 octobre 2021 et des actes sous seing privé des 26 septembre 2011 et 10 octobre 2011. Par jugement en date du 29 novembre 2018, le tribunal de grande instance de Draguignan a rejeté la demande tendant à voir prononcer la nullité des actes pour dol et a déclaré irrecevable la demande tendant à voir déclarer prescrit l'action au paiement des intimés. Sur les demandes dont la Cour a été saisie sur l'appel des époux [F], il n'a donc pas été statué sur la demande tendant à voir prononcer la nullité de l'acte de prêt pour insanité d'esprit de l'emprunteur, Mme [F], et sur la demande de substitution du taux légal au taux conventionnel du fait du caractère erroné du TEG. A la suite du décès en cours de procédure de Mme [F], le [Date décès 11] 2018, et de M. [F], le [Date décès 5] 2019, le Directeur départemental des Finances Publiques des Alpes maritimes chargé du service du Domaine est intervenu dans la procédure ès-qualités de curateur des successions laissées vacantes par [T] et [S] [F] et a conclu par lettre du 10 juin 2021 qui vaut mémoire dès lors qu'aucun formalisme n'est requis et que le service du Domaine y forme expressément une demande dans le cadre de la présente instance. Aux termes de ce mémoire, qui vaut conclusions par application de l'article R 2331-10 du code général de la propriété des personnes publiques duquel il résulte que l'instruction devant le tribunal judiciaire des instances auxquelles l'État est partie se fait par simple mémoire avec dispense du ministère d'avocat, le Directeur départemental des Finances Publiques des Alpes maritimes chargé du service du Domaine, ès-qualités, déclare s'en rapporter à justice. Conformément à l'article 954 du code de procédure civile, les parties doivent reprendre, dans leurs dernières écritures, les prétentions et moyens précédemment présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et la cour d'appel ne statue que sur les dernières conclusions déposées. Il en résulte ainsi l'abandon par le Directeur départemental des Finances Publiques des Alpes maritimes chargé du service du Domaine, ès-qualités, des demandes initialement formulées par les époux [F] et la Cour, saisie d'une simple déclaration de rapport à justice, laquelle constitue certes une contestation au fond mais qui n'est fondée sur aucun moyen ou quelconque élément ou pièce, ne peut que confirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel. PAR CES MOTIFS La Cour, par arrêt réputé contradictoire, Confirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions ; Renvoie l'affaire devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Draguignan aux fins de fixation de la date de l'audience d'adjudication et de poursuite de la procédure de saisie immobilière ; Dit que les dépens seront compris dans les frais de vente soumis à taxe dont distraction en ce qui la concerne au profit de Me ERMENEUX, Avocat au barreau d'Aix-en-Provence. LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
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Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées aux parties le : République française Au nom du Peuple français COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 4 - Chambre 9 - B ARRET DU 24 Novembre 2022 (no 231 , pages) Numéro d'inscription au répertoire général : S No RG 22/00062 - No Portalis 35L7-V-B7G-CFMC6 Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 21 Janvier 2022 par le tribunal de proximité de VILLEJUIF RG no 11-19-002047 Monsieur [H] [J] [X] [Adresse 6] [Adresse 6] comparant en personne et assisté de M. [N] [M] [S] (Curateur) en vertu d'un pouvoir général SIP [Localité 8] [Adresse 5] [Adresse 5] non comparante SIP [Localité 7] [Adresse 2] [Adresse 2] non comparante CAUTIONNEMENT MUTUEL DE L'HABITAT Service Contentieux [Adresse 3] [Adresse 3] non comparante CAISSE D'EPARGNE COTE D'AZUR Chez Neuilly Contentieux [Adresse 4] [Adresse 4] non comparante S.D.C. représenté par son SYNDIC SARL LP GESTION [Adresse 1] [Adresse 1] non comparante COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Octobre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Fabienne TROUILLER, conseillère chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Mme Muriel DURAND, présidente Mme Fabienne TROUILLER, conseillère Mme Laurence ARBELLOT, conseillère Greffière : Mme Ekaterina RAZMAKHNINA, lors des débats - RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Madame Muriel DURAND, présidente et par Madame Ophanie KERLOC'H, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES M. [H] [J] [X] a saisi la commission de surendettement du Val-de-Marne. Par jugement du 8 février 2019, le tribunal d'instance de Villejuif a déclaré sa demande recevable. Le 23 août 2019, la commission a imposé le rééchelonnement des créances sur une durée de 24 mois sans intérêts et moyennant des mensualités d'un montant de 456,02 euros. Ces mesures étaient destinées à permettre la vente du bien immobilier estimé à une valeur de 20 000 euros. M. [J] [X] a contesté les mesures recommandées le 1er octobre 2019. Par jugement contradictoire en date du 21 janvier 2022, le tribunal de proximité de Villejuif a : - déclaré recevable le recours de M. [J] [X], - rejeté le recours de M. [J] [X], - déclaré M. [J] [X] irrecevable en sa demande de traitement de sa situation de surendettement. La juridiction a estimé que les ressources de M. [J] [X] s'élevaient à la somme de 1 773,59 euros, ses charges à la somme de 699 euros et qu'il disposait ainsi d'une capacité de remboursement de 456,02 euros, le maximum légal de remboursement étant de 456,02 euros. La juridiction a relevé que M. [J] [X], placé sous curatelle renforcée le 16 décembre 2021, était ouvrier de travaux publics, et qu'il n'avait aucun enfant à charge. Il a estimé qu'il ne rapportait pas la preuve de son surendettement. Le jugement a été notifié à M. [J] [X] le 1er février 2022 (AR signé le 2 février 2022). Par un courrier adressé au greffe le 25 février 2022, M. [N] [M] [S], curateur de M. [J] [X], a interjeté appel du jugement. Les parties ont été appelées à l'audience du 11 octobre 2022. À cette audience, M. [J] [X] a comparu en personne, accompagné de son curateur, M. [S]. Questionné sur la recevabilité de son appel, il a déclaré qu'il s'en rapportait. Il a précisé qu'il était en arrêt maladie et qu'il allait passer en invalidité. Aucun créancier n'a comparu. Par courrier reçu au greffe le 17 août 2022, le SIP de Créteil a indiqué que M. [J] [X] était à jour de ses impositions. MOTIFS DE LA DÉCISION Il convient d'indiquer à titre liminaire que l'appel en matière de procédure de surendettement des particuliers, est formé, instruit et jugé selon les règles de la procédure sans représentation obligatoire figurant aux articles 931 à 949 du code de procédure civile. La procédure applicable devant la cour d'appel est donc la procédure orale de droit commun dans laquelle la prise en considération des écrits d'une partie par la cour est subordonnée à l'indication orale à l'audience par cette partie ou son représentant qu'elle se réfère à ses écritures. Dès lors, la cour ne peut prendre en compte les demandes ou observations présentées par écrit par les parties non comparantes. En application des articles R.722-2 et R.713-5 du code de la consommation et 607 du code de procédure civile, les jugements statuant sur la recevabilité ou l'irrecevabilité de la procédure de surendettement sont rendus en dernier ressort, et sont susceptibles d'un pourvoi en cassation en cas d'irrecevabilité puisqu'ils mettent fin à l'instance. En l'espèce, la cour constate que la mention "en premier ressort" a été portée par erreur sur le jugement contesté, qui n'était en réalité susceptible que d'un pourvoi en cassation. Il s'ensuit que l'appel interjeté par erreur le 25 février 2022, sur un jugement rendu en dernier ressort sera nécessairement déclaré irrecevable. PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire rendu en dernier ressort et par mise à disposition au greffe, Déclare irrecevable la déclaration d'appel formée le 25 février 2022 par M. [H] [J] [X], accompagné de son curateur, M. [N] [M] [S] à l'encontre du jugement rendu le 21 janvier 2022 par le tribunal de proximité de Villejuif ; Laisse les éventuels dépens à la charge de l'appelant ; Dit que le présent arrêt sera notifié par lettre simple à la commission de surendettement et par lettre recommandée avec avis de réception aux parties. LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
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No RG 22/07246 - No Portalis DBVX-V-B7G-OSYO Nom du ressortissant : LE PRÉFET DU RHÔNE COUR D'APPEL DE LYON JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT ORDONNANCE DU 01 NOVEMBRE 2022 statuant en matière de Rétentions Administratives des Etrangers Nous, Isabelle OUDOT, conseiller à la cour d'appel de Lyon, déléguée par ordonnance du premier président de ladite Cour en date du 1er septembre 2022 pour statuer sur les procédures ouvertes en application des articles L.342-7, L. 342-12, L. 743-11 et L. 743-21 du code d'entrée et de séjour des étrangers en France et du droit d'asile, Assistée de Nathalie ADRADOS, greffier, En l'absence du ministère public, En audience publique du 1er novembre 2022 dans la procédure suivie entre : APPELANT : M. [G] [L] né le [Date naissance 2] 2003 à [Localité 4] -ALGÉRIE de nationalité algérienne Actuellement retenu au centre de rétention administrative de [Localité 5] Comparant et assisté de Maître Anne-Julie HMAIDA, avocat au barreau de LYON commis d'office M. LE PREFET DU RHÔNE [Adresse 1] [Localité 3] Non comparant, régulièrement avisé, représenté par Me Morgane MORISSON-CARDINAUD agissant pour la SELARL SERFATY VENUTTI CAMACHO & CORDIER, avocats au barreau de l'AIN, Avons mis l'affaire en délibéré au 01 novembre 2022 à 17h30 et à cette date et heure prononcé l'ordonnance dont la teneur suit : FAITS ET PROCÉDURE Le 27 février 2022, une obligation de quitter le territoire français sans délai et avec interdiction de retour pendant 2 ans a été notifiée à [G] [L] par le préfet des Bouches du Rhône, décision non contestée devant le tribunal administratif. Par décision du 31 août 2022, l'autorité administrative a ordonné le placement de [G] [L] en rétention dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire. Par ordonnances des 02 septembre et 30 septembre 2022, le juge des libertés et de la détention a prolongé la rétention administrative de [G] [L] pour des durées de vingt-huit et trente jours. Suivant requête du 29 octobre 2022, le préfet du Rhône a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon aux fins de voir ordonner une nouvelle prolongation exceptionnelle de la rétention pour une durée de quinze jours. Dans son ordonnance du 30 octobre 2022, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon a fait droit à cette requête. Par déclaration au greffe le 31 octobre 2022 à 14 heures 26, [G] [L] a interjeté appel de cette ordonnance en faisant valoir qu'aucun des critères définis par le CESEDA n'est réuni et que la troisième prolongation de sa rétention administrative est impossible en ce qu'il n'a pas fait obstruction à son éloignement et que l'autorité administrative n'établit pas la délivrance à bref délai d'un document de voyage. [G] [L] a demandé l'infirmation de l'ordonnance déférée et sa remise en liberté. Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience du 01 novembre 2022 à 11 heures 30. [G] [L] a comparu et a été assisté d'un interprète et de son avocat. Le conseil de [G] [L] a été entendu en sa plaidoirie pour soutenir les termes de la requête d'appel. Le préfet du Rhône, représenté par son conseil, a demandé la confirmation de l'ordonnance déférée. [G] [L] a eu la parole en dernier. Il explique qu'il est né en 2005 et pas en 2003. Il soutient qu'il est né en Algérie mais a vécu en Espagne et dispose de papiers Suisse. En réalité, il soutient qu'il est algérien/marocain mais qu'il est aussi de nationalité espagnole et suisse. MOTIVATION Sur la procédure et la recevabilité de l'appel Attendu que l'appel de [G] [L] relevé dans les formes et délais légaux est recevable ; Sur le bien-fondé de la requête Attendu que l'article L. 741-3 du CESEDA rappelle qu'un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que le temps strictement nécessaire à son départ et que l'administration doit exercer toute diligence à cet effet ; Attendu que l'article L. 742-5 3o du même code dispose que la troisième prolongation n'est possible qu‘à titre exceptionnel et si, dans les derniers 15 jours, il apparaît que la mesure d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé et qu'il est établi par l'autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai ; Attendu quel'article L. 742-5 du même code dispose que «A titre exceptionnel, le juge des libertés et de la détention peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l'article L. 742-4, lorsqu'une des situations suivantes apparaît dans les quinze derniers jours : 1o L'étranger a fait obstruction à l'exécution d'office de la décision d'éloignement ; 2o L'étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d'éloignement : a) une demande de protection contre l'éloignement au titre du 9o de l'article L. 611-3 ou du 5o de l'article L. 631-3 ; b) ou une demande d'asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ; 3o La décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé et qu'il est établi par l'autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai» Attendu que le conseil de [G] [L] soutient que les conditions de ce texte ne sont pas réunies en ce que sa situation ne répond aux conditions de la troisième prolongation ; Attendu que l'autorité administrative fait valoir dans sa requête que : - [G] [L] circulait sans document de voyage et que les autorités consulaires algériennes ont été saisies en vue de la délivrance d'un laissez-passer consulaire dés le 01 septembre 2022, des courriers de relance ayant été adressés les 15, 26 septembre, 06, 17 et 27 octobre 2022 ; - par courrier daté du 21 octobre 2022 et reçu à la préfecture le 28 octobre 2022, le consulat d'Algérie a indiqué que l'intéressé n'était pas de nationalité algérienne, - la fausse identité déclarée de [G] [L] caractérise une obstruction délibérée à son éloignement, - dés le 28 octobre 2022 les autorités consulaires marocaines et tunisiennes ont été saisies d'une demande d'identification et la préfecture est dans l'attente d'une réponse ; Attendu que, dans son courrier du 21 octobre 2022 reçu à la préfecture le 28 octobre, le consulat d'Algérie indique que [G] [L] n'est pas de nationalité algérienne ; qu'au jour de l'audience, [G] [L] ne dément pas cette réalité mais se perd dans des propos farfelus dans lesquels il invoque une nationalité en fonction des pays qu'il a pu traverser et se dit ainsi algérien/marocain puis espagnol/suisse ; Attendu que non seulement [G] [L] est dépourvu de tout document de voyage en violation de l'obligation qui lui est faite par l'article L 812-1 du CESEDA mais qu'il a livré une fausse identité de façon délibérée, ceci s'analysant comme une obstruction au sens des dispositions légales, ce mensonge étant destiné à berner l'autorité administrative et a empêché l'exécution de la mesure d'éloignement ; Que la manoeuvre mise en place par M. [L] qui relève d'un acte d'obstruction n'a été dévoilée que par le courrier du consulat d'Algérie daté du 21 octobre et reçu le 28, soit dans les 15 derniers jours et que ceci permettait la prolongation de la rétention de l'intéressé ainsi que l'a retenu le premier juge ; Qu'en conséquence, l'ordonnance entreprise est confirmée ; PAR CES MOTIFS Déclarons recevable l'appel formé par [G] [L], Confirmons l'ordonnance déférée. Le greffier, Le conseiller délégué, Nathalie ADRADOS Isabelle OUDOT
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No RG 22/07517 - No Portalis DBVX-V-B7G-OTKJ Nom du ressortissant : PREFET DE LA LOIRE COUR D'APPEL DE LYON JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT ORDONNANCE DU 14 NOVEMBRE 2022 statuant en matière de Rétentions Administratives des Etrangers Nous, Marie CHATELAIN, conseiller à la cour d'appel de Lyon, déléguée par ordonnance du premier président de ladite Cour en date du 1er septembre 2022 pour statuer sur les procédures ouvertes en application des articles L.342-7, L. 342-12, L. 743-11 et L. 743-21 du code d'entrée et de séjour des étrangers en France et du droit d'asile, Assistée de Manon CHINCHOLE, greffier, En l'absence du ministère public, En audience publique du 14 Novembre 2022 dans la procédure suivie entre : APPELANT : M. [V] [I] né le [Date naissance 1] 1986 à [Localité 4] (TUNISIE) de nationalité Tunisienne Actuellement retenu au centre de rétention administrative de [5] comparant assisté de Maître Nathalie CHRISTOPHE-MONTAGNON, avocat au barreau de LYON avec le concours de Madame [F] [X], interprète en langue arabe experte près la cour d'appel de LYON, M. LE PREFET DE LA LOIRE [Adresse 2] [Localité 3] non comparant, régulièrement avisé, représenté par la SELARL SERFATY VENUTTI CAMACHO & CORDIER, avocats au barreau de l'AIN, Avons mis l'affaire en délibéré au 14 Novembre 2022 à 16h00 et à cette date et heure prononcé l'ordonnance dont la teneur suit : FAITS ET PROCÉDURE Par décision en date du 11 octobre 2022, l'autorité administrative a ordonné le placement de [V] [I] en rétention dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire afin de permettre l'exécution de l'arrêté du préfet de la Loire notifiée le 7 avril 2022 portant obligation pour [V] [I] de quitter le territoire français sans délai avec interdiction du territoire pour une durée de un an. Le préfet de la Loire a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon aux fins de voir ordonner la prolongation de la rétention pour une durée de vingt-huit jours. Par ordonnance du 13 octobre 2022,le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon a prolongé la rétention administrative de [V] [I] pour une durée de vingt-huit jours. Suivant requête du 9 novembre 2022, le préfet de la Loire a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon aux fins de voir ordonner une nouvelle prolongation de la rétention pour une durée de trente jours. Le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon, dans son ordonnance du 10 novembre 2022 à 10 heures 52 a fait droit à cette requête. Par déclaration au greffe le 13 novembre 2022 à 11 heures 24, [V] [I] a interjeté appel de cette ordonnance dont il demande l'infirmation outre sa remise en liberté. Il fait valoir que la préfecture n'a pas effectué les diligences nécessaires afin d'organiser son départ pendant le temps de sa première prolongation. Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience du 14 novembre 2022 à 10 heures 30. [V] [I] a comparu et a été assisté d'un interprète et de son avocat. Le conseil de [V] [I] a été entendu en sa plaidoirie pour soutenir les termes de la requête d'appel qu'il a confirmés. Le préfet de la Loire, représenté par son conseil, demande la confirmation de l'ordonnance déférée. [V] [I] a eu la parole en dernier. Il explique qu'il doit s'occuper de sa femme, handicapée, qui vit en étage, qu'il souhaite une nouvelle chance et qu'il a donné sa véritable identité. MOTIVATION Sur la recevabilité de l'appel Attendu que l'appel de [V] [I] relevé dans les formes et délais légaux est recevable ; Sur le bien-fondé de la requête Attendu que l'article L. 741-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile rappelle qu'un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que le temps strictement nécessaire à son départ et que l'administration doit exercer toute diligence à cet effet ; Attendu que l'article L. 742-4 du même code dispose que « Le juge des libertés et de la détention peut, dans les mêmes conditions qu'à l'article L.742-1, être à nouveau saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de trente jours, dans les cas suivants : 1o En cas d'urgence absolue ou de menace d'une particulière gravité pour l'ordre public ; 2o Lorsque l'impossibilité d'exécuter la décision d'éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l'intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l'obstruction volontaire faite à son éloignement ; 3o Lorsque la décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison : a) du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé ou lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement pour procéder à l'exécution de la décision d'éloignement ; b) de l'absence de moyens de transport. L'étranger peut être maintenu à disposition de la justice dans les conditions prévues à l'article L. 742-2. Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l'expiration de la précédente période de rétention et pour une nouvelle période d'une durée maximale de trente jours. La durée maximale de la rétention n'excède alors pas soixante jours. » ; Attendu que [V] [I] soutient dans sa requête en appel que la préfecture n'a pas effectué les diligences nécessaires durant la première période de prolongation de sa rétention administrative ; Attendu toutefois que dans sa requête en prolongation de la durée de la rétention de [V] [I], l'autorité préfectorale fait valoir qu'elle a sollicité les autorités tunisiennes dès le 11 octobre 2022 afin de procéder à l'identification de l'intéressé et d'obtenir un laissez-passer, que le 8 novembre 2022, le consulat de la Tunisie a indiqué que les empreintes digitales de [V] [I] avaient été transmises en Tunisie aux fins d'identification; Qu'il ne peut donc être valablement soutenu que les diligences utiles n'ont pas été engagées, le moyen n'étant pas sérieusement soutenu ; Attendu en conséquence que l'ordonnance entreprise est confirmée en toutes ses dispositions ; PAR CES MOTIFS Déclarons recevable l'appel formé par [V] [I], Confirmons l'ordonnance déférée. Le greffier, Le conseiller délégué, Manon CHINCHOLE Marie CHATELAIN
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No RG 22/07540 No Portalis DBVX-V-B7G-OTMM Nom du ressortissant : PRÉFET DU RHÔNE COUR D'APPEL DE LYON JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT ORDONNANCE DU 15 NOVEMBRE 2022 statuant en matière de Rétentions Administratives des Etrangers Nous, Pierre BARDOUX, conseiller à la cour d'appel de Lyon, délégué par ordonnance du premier président de ladite Cour en date du 1er septembre 2022 pour statuer sur les procédures ouvertes en application des articles L.342-7, L. 342-12, L. 743-11 et L. 743-21 du code d'entrée et de séjour des étrangers en France et du droit d'asile, Assisté de Manon CHINCHOLE, greffier, En l'absence du ministère public, Statuant en notre cabinet, APPELANT : M. [G] [S] né le [Date naissance 1] 2000 à [Localité 5] Actuellement retenu au centre de rétention administrative de [3] représenté par Maître Wilfried GREPINET, avocat au barreau de LYON, commis d'office M. M. PREFET DU RHONE [Adresse 4] [Localité 2] représenté par la SELARL SERFATY VENUTTI CAMACHO & CORDIER, avocats au barreau de l'AIN, Avons mis l'affaire en délibéré au 15 Novembre 2022 à 15 heures 00 et à cette date et heure prononcé l'ordonnance dont la teneur suit : FAITS ET PROCÉDURE Vu la déclaration d'appel de M. [G] [S] portant sur une ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon prononcée le 13 novembre 2022 à 11 heures 40 qui a fait droit à la requête du préfet du Rhône de prolongation de sa rétention administrative pour une durée de vingt-huit jours, reçue par courriel le 14 novembre 2022 à 12 heures 49 ; Vu la transmission aux parties, effectuée par courriel adressé le 14 novembre 2022 à 17 heures 04 les informant que le magistrat délégué par le premier président envisage de faire application des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 743-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) et les invitant à faire part, le 15 novembre 2022 à 9 heures au plus tard, de leurs observations éventuelles sur l'absence de circonstance nouvelle de fait ou de droit depuis le placement en rétention administrative, ou sur l'absence d'éléments fournis à l'appui de la requête d'appel permettant de justifier qu'il soit mis fin à la rétention ; Vu les observations du conseil du préfet du Rhône, reçues par courriel le 15 novembre 2022 avant 9 heures tendant au prononcé de l'irrecevabilité de l'appel formé par M. [G] [S] qu'il considère comme étant non motivé ; MOTIVATION Attendu que contrairement à ce que soutient le préfet du Rhône, l'appel formé par M. [G] [S] est motivé, en ce qu'il vise l'absence de diligences, l'appréciation de la pertinence de cette motivation ne pouvant être réalisée pour conditionner la recevabilité du recours ; Que l'appel de M. [G] [S] est déclaré recevable ; Attendu qu'aux termes de l'alinéa 2 de l'article L. 743-23 du CESEDA, le premier président ou son délégué peut lorsqu'il est saisi d'un appel contre une décision rendue par le juge des libertés et de la détention dans les cas prévus aux articles L. 741-10 et L. 742-8, rejeter la déclaration d'appel sans avoir préalablement convoqué les parties s'il apparaît qu'aucune circonstance nouvelle de fait ou de droit n'est intervenue depuis le placement en rétention administrative ou son renouvellement, ou que les éléments fournis à l'appui de la demande ne permettent manifestement pas de justifier qu'il soit mis fin à la rétention ; Attendu qu'en l'espèce, dans l'ordonnance entreprise la prolongation de la rétention administrative a été prononcée sans que M. [G] [S] ne relève une difficulté sur la diligence de l'autorité administrative à organiser son éloignement ; Que cet argument est opposé pour la première fois dans sa requête d'appel alors que le faible délai de moins de 48 heures dont dispose l'autorité préfectorale avant de saisir le juge des libertés et de la détention d'une requête en prolongation, ne lui permettait pas d'engager d'autres diligences utiles que celles dont elle fait état dans sa requête et qui sont justifiées dans le dossier de la procédure ; Attendu que M. [G] [S] ne fait pas état dans sa requête d'appel d'une quelconque circonstance nouvelle et n'a pas plus entendu se prévaloir d'éléments permettant de justifier qu'il soit mis à sa rétention administrative ; Attendu que son appel doit dès lors être rejeté sans audience et l'ordonnance entreprise est confirmée ; PAR CES MOTIFS Déclarons recevable l'appel formé par M. [G] [S], Confirmons en toutes ses dispositions l'ordonnance déférée. Le greffier, Le conseiller délégué, Manon CHINCHOLE Pierre BARDOUX
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No RG 22/07478 - No Portalis DBVX-V-B7G-OTIC Nom du ressortissant : PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE DE LYON COUR D'APPEL DE LYON JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT ORDONNANCE SUR APPEL AU FOND EN DATE DU 10 NOVEMBRE 2022 statuant en matière de Rétentions Administratives des Etrangers Nous, Marie CHATELAIN, Vice -présidente placée à la cour d'appel de Lyon, déléguée par ordonnance du premier président de ladite Cour en date du 1er septembre 2022 pour statuer sur les procédures ouvertes en application des articles L.342-7, L. 342-12, L. 743-11 et L. 743-21 du code d'entrée et de séjour des étrangers en France et du droit d'asile, Assistée de Sandra BOUSSARIE, greffier, En présence du ministère public, représenté par Jean- Daniel REGNAULD, Avocat général, près la cour d'appel de Lyon, En audience publique du 10 novembre 2022 dans la procédure suivie entre : APPELANT : Monsieur le Procureur de la République près le tribunal de judiciaire de Lyon représenté par le parquet général de Lyon pris en la personne de Monsieur Jean- Daniel REGNAULD, Avocat général, près la cour d'appel de Lyon, Mme [O] [H] née le [Date naissance 1]1987 à [Localité 2] - RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO Actuellement maintenue en zone d'attente comparante assistée de Maître Sandrine RODRIGUE, avocat du barreau de Lyon, commis d'office avec le concours de Madame [B] [C], interprète en langue lingala, inscrite sur la liste CESEDA, assermentée à l'audience M. LE COMMANDANT DE POLICE, CHEF DU SPAF non comparant, réguliérement avisé représenté par Maître IRIRIRA NGANGA Dan, avocat au barreau de Lyon, pour la SELARL SERFATY VENUTTI CAMACHO & CORDIER, avocats au barreau de l'AIN Avons mis l'affaire en délibéré au 10 novembre 2022 à 17 heures et à cette date et heure prononcé l'ordonnance dont la teneur suit : FAITS ET PROCÉDURE Le 29 octobre 2022, [O] [H], de nationalité congolaise arrivée à l'aéroport de [3] en provenance de la Grèce accompagnée de ses trois enfants âgés de 10, 3 et 1 ans, s'est vue refuser l'entrée sur le territoire français au motif qu'elle n'était pas détentrice des documents attestant du but et des conditions de son séjour, qu'elle ne disposait pas de moyens de subsistance suffisants et qu'elle était considérée comme représentant un danger pour l'ordre public, la sécurité intérieure, la santé publique ou les relations internationales d'un ou plusieurs membres de l'Union Européenne. Ce même jour, M. le chef du service du contrôle de l'immigration de l'aéroport de [3] a notifié à [O] [H] une décision de maintien en zone d'attente pour une durée de quatre jours. Saisi par requête de M. le chef du service du contrôle de l'immigration de l'aéroport de [3] aux fins de voir ordonner la prolongation du maintien en zone d'attente pour une durée de huit jours, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon, dans son ordonnance du 1er novembre 2022,a fait droit à cette requête. Suivant requête du 8 novembre 2022, M. le chef du service du contrôle de l'immigration de l'aéroport de [3] a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon aux fins de voir ordonner une nouvelle prolongation du maintien en zone d'attente pour une durée de huit jours. Par ordonnance du 9 novembre 2022 à 13 heures 44, juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon a rejeté la requête. Par déclaration du 9 novembre 2022 reçue au greffe de la cour d'appel à 16 heures 23, le ministère public a interjeté appel de cette ordonnance avec demande d'effet suspensif. Par ordonnance du 9 novembre 2022 à 18 heures 30, la conseiller délégué par ordonnance du premier président de la cour d'appel a déclaré recevable l'appel du procureur de la République et l'a déclaré suspensif. Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience du 10 novembre 2022 à 10 heures 30. [O] [H] a comparu, assistée de son avocate et sur interrogation de la vice-présidente déléguée, a indiqué qu'elle souhaitait être assistée d'un interprète. Le Ministère public s'est opposé à cette demande. Après en avoir délibéré, la vice-présidente déléguée a fait droit à la demande d'interprétariat. [O] [H] a été assistée d'une interprète en langue lingala, inscrite sur la liste CESEDA, jointe par téléphone, et à laquelle il a été fait prêter serment. Le Ministère a demandé l'infirmation de l'ordonnance déférée exposant : - que le juge des libertés et de la détention a statué ultra petita en jugeant qu'il n'y avait pas de volonté délibéré de [O] [H] de faire échec à son réacheminement, - que [O] [H] a toujours indiqué comprendre le français et n'a jamais sollicité l'assistance d'un interprète, - que s'agissant de la présence d'enfants en zone d'attente, la procédure est courte et ne s'est poursuivie qu'en raison du refus de l'intéressée de se présenter à l'embarquement, - que [O] [H] ne présente pas de garanties de représentation, - que la présence au dossier d'un rapport établi par l'Anafé pose question dès lors que cette association qui est autorisée à intervenir en zone d'attente n'a pas capacité à ester en justice pour assister [O] [H] L'avocat du Commandant de Police, Chef du SPAF a été entendu en sa plaidoirie au terme de laquelle, il a repris les moyens soutenus par le ministère public, après avoir relevé qu'il n'avait pas été sollicité pour faire des observations sur la demande d'interprète. Il souligne qu'il ne ressort à aucun moment de la procédure que l'intéressée aurait rencontré des difficultés à s'exprimer ou à comprendre. Il reprend à son compte les observations du ministère public sur la présence du rapport de l'Anafé au dossier. Il ajoute que les conditions d'accueil en zone d'attente dénoncées par l'avocate de [O] [H] ne sont étayées d'aucun élément sérieux. Il sollicite l'infirmation de l'ordonnance déférée et le maintien de l'intéressée en zone d'attente. L'avocate de [O] [H] a été entendue en sa plaidoirie aux termes de laquelle elle sollicite la confirmation de l'ordonnance du 9 novembre 2022 en faisant valoir que le refus d'embarquement reproché à [O] [H] devait être rapproché de sa mauvaise compréhension de la langue française, puisqu'elle n'a été assistée d'un interprète à aucun moment de la procédure depuis son placement en zone d'attente et que dans ces conditions, il n'était pas possible de déterminer si elle avait parfaitement compris les enjeux d'un refus d'embarquement. Elle ajoute que l'administration n'est pas en mesure de justifier d'une possibilité d'éloignement de l'intéressée dans la durée des huit jours de son éventuel maintien en zone d'attente dès lors qu'il est établi que les vols organisés par la compagnie empruntée par [O] [H] pour venir en France étaient suspendus. Elle ajoute que le maintien des trois enfants de cette dernière en zone d'attente depuis douze jours constitue une atteinte à leurs droits garantis par les articles 3 et 8 de la CESDH, disproportionnée au but poursuivi par les autorités, l'éloignement de [O] [H]. [O] [H] a eu la parole en dernier, elle indique qu'elle avait sollicité un interprète, et qu'il lui avait été répondu qu'aucun n'était disponible. Elle ajoute qu'elle avait compris qu'on lui demandait de repartir en Grèce, mais qu'elle ne souhaite pas repartir dans ce pays dans lequel elle a rencontré des conditions de vie très difficiles. MOTIVATION Sur la procédure et la recevabilité de l'appel Attendu que l'appel du Ministère public a été relevé dans les formes et délais légaux est recevable ; Sur l'intervention de l'Anafé à la procédure En vertu de l'article L343-1 du CESEDA, l'étranger placé en zone d'attente est informé, dans les meilleurs délais, qu'il peut demander l'assistance d'un interprète et d'un médecin, communiquer avec un conseil ou toute personne de son choix et quitter à tout moment la zone d'attente pour toute destination située hors de France. Il est également informé des droits qu'il est susceptible d'exercer en matière de demande d'asile. Ces informations lui sont communiquées dans une langue qu'il comprend. Mention en est faite sur le registre mentionné au second alinéa de l'article L. 341-2, qui est émargé par l'intéressé. Attendu que comme l'a justement relevé le juge des libertés et de la détention, l'Anafé figure sur la liste des associations habilitées à proposer des représentants en vue d'accompagner le demandeur d'asile à l'entretien mené par l'OFPRA, et que le soutien de cette association auprès de [O] [H] apparaît régulier ; Que si le ministère public comme le conseil du Commandant de Police, Chef du SPAF s'étonnent de la présence d'un rapport de cette association au dossier en soulignant l'impossibilité pour elle de représenter [O] [H], ni l'un ni l'autre ne tire de conséquence juridique de cette considération, de sorte que la présente juridiction n'est saisie d'aucune demande ; Sur la prolongation du maintien en zone d'attente Attendu qu'il résulte des dispositions de l'article L. 341-1 du CESEDA que l'étranger qui arrive en France par la voie ferroviaire, maritime ou aérienne et qui n'est pas autorisé à entrer sur le territoire français peut être placé dans une zone d'attente située dans une gare ferroviaire ouverte au trafic international figurant sur une liste définie par voie réglementaire, dans un port ou à proximité du lieu de débarquement ou dans un aéroport, pendant le temps strictement nécessaire à son départ ; Que l'article L. 341-2 du même code précise que le placement en zone d'attente est prononcé pour une durée qui ne peut excéder quatre jours par une décision écrite et motivée d'un agent relevant d'une catégorie fixée par voie réglementaire ; Cette décision est inscrite sur un registre mentionnant l'état civil de l'intéressé et la date et l'heure auxquelles la décision de placement lui a été notifiée. Elle est portée sans délai à la connaissance du procureur de la République ; Qu'en vertu de l'article L342-1 du même code, le maintien en zone d'attente au-delà de quatre jours à compter de la décision de placement initiale peut être autorisé, par le juge des libertés et de la détention statuant sur l'exercice effectif des droits reconnus à l'étranger, pour une durée qui ne peut être supérieure à huit jours ; Que l'article L342-3 du même code précise qu'à titre exceptionnel ou en cas de volonté délibérée de l'étranger de faire échec à son départ, le maintien en zone d'attente au-delà de douze jours peut être renouvelé, dans les conditions prévues au présent chapitre, par le juge des libertés et de la détention, pour une durée qu'il détermine et qui ne peut être supérieure à huit jours; Toutefois, lorsque l'étranger dont l'entrée sur le territoire français a été refusée dépose une demande d'asile dans les six derniers jours de cette nouvelle période de maintien en zone d'attente, celle-ci est prorogée d'office de six jours à compter du jour de la demande. Cette décision est mentionnée sur le registre prévu au second alinéa de l'article L. 341-2 et portée à la connaissance du procureur de la République dans les conditions prévues au même article. Le juge des libertés et de la détention est informé immédiatement de cette prorogation. Il peut y mettre un terme; Attendu qu'il résulte de la procédure que [O] [H] s'est soustraite à deux reprises à l'exécution de la mesure de refus d'entrée sur le territoire national, en refusant le 5 novembre 2022 de monter à bord du vol V7 2018 à destination d'Athènes et le 6 novembre 2022 à bord du vol V7 2019 également à destination d'Athènes, ces refus étant consignés par procès-verbal; que contrairement à ce qui est soutenu par son conseil, le réacheminement vers la Grèce de l'intéressée n'est pas compromis par la fin des rotations de la compagnie Voltéa pour la saison, celle-ci s'étant tournée vers la compagnie Onet pour y procéder ainsi qu'il résulte d'un mail du 7 novembre 2022; Attendu que si [O] [H] n'était pas assistée d'un interprète lors de ces refus, elle a confirmé à l'audience du 10 novembre 2022, assistée cette fois d'un interprète et la question lui étant posée explicitement, qu'elle avait bien compris qu'il lui était demandé de repartir en Grèce et qu'elle avait bien refusé l'embarquement. Au cours de cette audience, elle a de nouveau manifesté son souhait de ne pas y retourner compte tenu des conditions difficiles de vie qu'elle y avait rencontrées; Qu'il y a donc lieu de constater que la volonté délibérée de [O] [H] de faire échec à son départ est caractérisée et justifie qu'il soit fait droit à la demande de maintien en zone d'attente pour une durée de huit jours ; Attendu que si les locaux d'une zone d'attente ne constituent pas un lieu adapté pour de jeunes enfants, il n'est pas démontré dans le cas d'espèce que ces conditions d'accueil porteraient atteinte à leurs droits fondamentaux au sens de la CESDH ou la convention internationale des droits de l'enfant; qu'il a en outre été souligné à juste titre par le ministère public que la mesure en cause est de courte durée et qu'elle a été prolongée du fait du refus de [O] [H] d'embarquer à destination de la Grèce à plusieurs reprises ; Que dans ces conditions, le moyen tiré de la violation de ces conventions internationales ne saurait prospérer ; Attendu qu'en conséquence il y a lieu, par infirmation de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de faire droit à la requête tendant au maintien en zone d'attente de [O] [H] pour une durée de huit jours; PAR CES MOTIFS DÉCLARONS recevable l'appel formé par le ministère public, INFIRMONS en toutes ses dispositions l'ordonnance déférée; ORDONNONS le maintien en zone d'attente de [O] [H] pour une durée de huit jours. Le greffier, Le magistrat délégué, Sandra BOUSSARIE Marie CHATELAIN
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No RG 22/07326 No Portalis DBVX-V-B7G-OS6K Nom du ressortissant : PRÉFET DU RHÔNE COUR D'APPEL DE LYON JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT ORDONNANCE DU 06 NOVEMBRE 2022 statuant en matière de Rétentions Administratives des Etrangers Nous, Antoine-Pierre D'USSEL, conseiller à la cour d'appel de Lyon, délégué par ordonnance de madame la première présidente de ladite Cour en date du 5 octobre 2022 pour statuer sur les procédures ouvertes en application des articles L.342-7, L. 342-12, L. 743-11 et L. 743-21 du code d'entrée et de séjour des étrangers en France et du droit d'asile, Assisté de Nathalie ADRADOS, greffier, En l'absence du ministère public, En audience publique du 06 Novembre 2022 dans la procédure suivie entre : APPELANT : M. [M] [T] né le [Date naissance 1] 1996 à [Localité 4] (ALGERIE) de nationalité Algérienne Actuellement retenu au centre de rétention administrative de [Localité 3] [Localité 5] Comparant, assisté de Maître Nadir OUCHIA, avocat au barreau de LYON, commis d'office et avec le concours de Madame [S] [U] interprète en langue arabe expert près la cour d'appel de Lyon M. PRÉFET DU RHÔNE [Adresse 2] [Localité 3] non comparant, régulièrement avisé, représenté par Me CAMACHO agissant pour la SELARL SERFATY VENUTTI CAMACHO & CORDIER, avocats au barreau de l'AIN, Avons mis l'affaire en délibéré au 06 Novembre 2022 à ***** et à cette date et heure prononcé l'ordonnance dont la teneur suit : Le greffier, Le conseiller délégué, Nathalie ADRADOS Antoine-Pierre D'USSEL
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS No RG 19/03788 - No Portalis DBVH-V-B7D-HQC6 CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'ALES 20 septembre 2019 RG :18/00139 Association VIVADOM Grosse délivrée COUR D'APPEL DE NÎMES CHAMBRE CIVILE 5ème chambre sociale PH ARRÊT DU 15 NOVEMBRE 2022 Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ALES en date du 20 Septembre 2019, No18/00139 COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS : Madame Leila DAFRE, Vice-présidente placée, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré. COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère Madame Leila DAFRE, Vice-présidente placée GREFFIER : Madame Emmanuelle BERGERAS, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision A l'audience publique du 07 Septembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 15 Novembre 2022. Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel. APPELANTE : Madame [L] [I] épouse [H] née le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 6] [Adresse 5] [Localité 3] Représentée par Me Camille ANDRE, avocat au barreau de NIMES Association VIVADOM [Adresse 2] [Localité 4] Représentée par Me Sylvie SERGENT de la SCP DELRAN-BARGETON DYENS-SERGENT- ALCALDE, avocat au barreau de NIMES susbtituée par Me Vincent VINOT, avocat au barreau de NÎMES ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 23 Août 2022 Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 15 Novembre 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS : Mme [L] [I] épouse [H] a été engagée à compter du 15 novembre 1987 suivant contrat à durée indéterminée à temps partiel par l'ANADA, devenue l'association Vivadom Autonomie, en qualité d'auxiliaire de vie sociale. A compter du 16 juillet 2015, Mme [H] était placée en arrêt de travail pour maladie. Le 22 août 2016, l'assurance maladie notifiait à Mme [H] la reconnaissance du caractère professionnel de sa maladie. Le 31 juillet 2017, le médecin du travail, dans le cadre d'une visite de reprise, déclarait Mme [H] inapte à son poste d'auxiliaire de vie sociale, mais "apte à un travail à temps partiel sans transfert et sans ports de charges trop lourdes ex : agent à domicile ou agent d'accueil". Par courrier du 24 août 2017, l'association Vivadom proposait à Mme [H] un poste d'agent à domicile qu'elle a refusé par courrier du 12 septembre 2017. Mme [H] était convoquée à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement fixé le 5 octobre 2017. Par courrier recommandé du 10 octobre 2017, Mme [H] était licenciée pour inaptitude d'origine non professionnelle et impossibilité de reclassement. Postérieurement à cette notification, Mme [H] demandait à l'association Vivadom de modifier le fondement du licenciement afin de tenir compte de l'origine professionnelle de son inaptitude laquelle, a refusé. En l'absence de modification de sa position par l'employeur, le 27 juin 2018, Mme [H] saisissait le conseil de prud'hommes d'Alès en paiement d'indemnités de rupture pour licenciement sans cause réelle et sérieuse lequel, par jugement contradictoire du 20 septembre 2019, a : - débouté Mme [L] [I] épouse [H] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions, - condamné Mme [L] [I] épouse [H] à payer à l'association Vivadom Autonomie, prise en la personne de son représentant légal, la somme de 50 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, - l'a condamnée aux entiers dépens - débouté l'association Vivadom Autonomie de ses autres ou plus amples demandes, fins et prétentions. Par acte du 01 octobre 2019, Mme [H] a régulièrement interjeté appel de cette décision. Aux termes de ses dernières conclusions en date du 17 mars 2020, Mme [L] [I] épouse [H] demande à la cour de : - réformer le jugement attaqué en toutes ses dispositions, Statuant de nouveau, - dire et juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse du fait du manquement de l'employeur à son obligation de reclassement, - condamner l'association "Vivadom Autonomie" à lui verser la somme de 32 524,80 euros (20 mois) à titre de dommages et intérêts, En toutes hypothèses, - condamner l'association "Vivadom Autonomie" à lui verser la somme de : * 3252,48 euros au titre de l'indemnité de préavis, outre 325,24 euros au titre des congés payés afférents * 11 714,89 euros au titre de l'indemnité spéciale de licenciement pour inaptitude d'origine professionnelle ; - la condamner à lui verser la somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Elle soutient que : - l'association Vivadom a manqué à son obligation de reclassement en lui proposant un poste « d'agent à domicile » qui nécessite de mobiliser le dos de façon régulière pour accomplir les tâches requises, alors que son inaptitude résulte de l'impossibilité pour elle de porter des charges. De surcroît, les délégués du personnel se sont déclarés défavorables à la proposition de reclassement formulée par l'employeur. Elle avance par ailleurs que, la seule circonstance que le médecin de travail ait donné un avis favorable pour un poste d'agent à domicile ne suffit pas à caractériser une proposition de reclassement valable. - l'avis du médecin du travail prévoyait également son aptitude au poste d'agent d'accueil, l'employeur aurait donc dû tout mettre en oeuvre pour lui proposer un tel poste. - son licenciement l'a placée dans une situation extrêmement difficile. Elle n'a pas retrouvé d'emploi, et elle bénéficie comme revenu des indemnités Pôle Emploi, ce qui occasionne une baisse de ses ressources. - elle n'a pas bénéficié des indemnités relatives aux licenciements pour inaptitude professionnelle alors que son inaptitude est sans conteste d'origine professionnelle. Elle expose que, au moment de son licenciement elle était en arrêt de travail depuis le 25 janvier 2016 ; elle souffre de lombalgies chroniques liées à une hernie discale L4-L5, cette maladie a été reconnue comme maladie professionnelle à compter du 25 janvier 2016, et le 22 août 2016 la CPAM a reconnu le caractère professionnel de sa maladie. - c'est à tort que premiers juges ont rejeté sa demande en se fondant sur l'existence d'un avis du médecin du travail faisant état d'une maladie non-professionnelle. Cet avis ne remettrait pas en cause l'origine professionnelle de sa maladie. - dans l'avis du 31 juillet 2017, lequel l'a déclarée inapte, le médecin du travail a coché par erreur la case « maladie ou accident non professionnel », puisqu'il a spontanément rectifié son erreur en dressant un avis d'inaptitude rectificatif. L'employeur ne peut donc lui faire grief de ne pas avoir contesté judiciairement l'avis initial. En l'état de ses dernières écritures en date du 17 mars 2020, l'association Vivadom Autonomie a sollicité la confirmation du jugement et la condamnation de Mme [L] [H] au paiement de la somme de 3500,00 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Elle fait valoir que : - la demande de Mme [H] de bénéficier des indemnités relatifs aux licenciements pour inaptitude professionnelle ne saurait prospérer en raison du caractère définitif de la décision du médecin du travail, du 1er août 2017, qui n'a fait l'objet d'aucun recours dans le délai légal par la salariée. - Mme [H] n'ayant pas exercé de recours à l'encontre de l'avis du médecin du travail, son inaptitude est bien d'origine non professionnelle. Elle explique que, ce n'est pas parce que le salarié a été en accident du travail, ou en situation de maladie professionnelle qu'automatiquement l'inaptitude prononcée aura une origine professionnelle. - au jour du licenciement, Mme [H] ne lui avait communiqué aucun avis différent de celui communiqué à l'occasion de son inaptitude. Ainsi, la cour ne peut se fonder sur les éléments postérieurs à la rupture du contrat de travail. - par courrier du 17 novembre 2017, le médecin du travail confirmera bel et bien que l'inaptitude de Mme [H] est d'origine non professionnelle. - elle a mis en oeuvre, loyalement, des recherches de reclassement et cela en relation étroite avec le médecin du travail. C'est en parfait accord avec le médecin du travail qu'elle avait proposé à Mme [H] une affectation sur un poste d'aide à domicile, qu'elle a refusé. - il n'y avait plus de postes d'accueil disponible comme le démontre les registres du personnel. Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures. Par ordonnance en date du 26 avril 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 23 août 2022. L'affaire a été fixée à l'audience du 07 septembre 2022. Sur le caractère professionnel de l'origine de inaptitude Les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l'employeur a connaissance de l'origine professionnelle de la maladie ou de l'accident et même si, au jour du licenciement, l'employeur a été informé d'un refus de prise en charge au titre du régime des accidents du travail ou des maladies professionnelles. La décision de reconnaissance d'une maladie professionnelle par la caisse primaire d'assurance maladie est sans incidence sur l'appréciation par le juge prud'homal de l'origine professionnelle ou non de l'inaptitude. Mme [L] [I] épouse [H] fait observer que dès le 25 janvier 2016 ses arrêts de travail étaient prescrits en raison d'une maladie professionnelle, que le 22 août 2016 l'assurance maladie lui a notifié la reconnaissance du caractère professionnel de sa maladie, ce que l'employeur ne pouvait ignorer, cette reconnaissance ayant d'une part donné lieu à enquête de la part de la Caisse, d'autre part ayant été nécessairement notifiée à l'employeur. Dès lors peu importe les mentions erronées portées par le médecin du travail sur l'avis d'inaptitude, lequel avis ne s'impose pas au juge quant à l'origine professionnelle ou non de l'inaptitude. En effet, l'article L.4624-7 dans sa rédaction applicable au litige prévoyait que «le salarié ou l'employeur peut saisir le conseil de prud'hommes selon la procédure accélérée au fond d'une contestation portant sur les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail reposant sur des éléments de nature médicale en application des articles L. 4624-2, L. 4624-3 et L. 4624-4....» Il ne peut être reproché au salarié de ne pas avoir exercé un recours contre l'avis d'inaptitude du médecin du travail qui n'a pas précisé l'origine de cette inaptitude alors qu'un tel recours ne peut concerner que les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail reposant sur des éléments de nature médicale en application des articles L. 4624-2, L. 4624-3 et L. 4624-4. En effet, l'examen médical d'aptitude permet de s'assurer de la compatibilité de l'état de santé du travailleur avec le poste auquel il est affecté, afin de prévenir tout risque grave d'atteinte à sa santé ou à sa sécurité et l'article L.4624-4 prévoit qu'après avoir procédé ou fait procéder par un membre de l'équipe pluridisciplinaire à une étude de poste et après avoir échangé avec le salarié et l'employeur, le médecin du travail qui constate qu'aucune mesure d'aménagement, d'adaptation ou de transformation du poste de travail occupé n'est possible et que l'état de santé du travailleur justifie un changement de poste déclare le travailleur inapte à son poste de travail. L'avis d'inaptitude rendu par le médecin du travail est éclairé par des conclusions écrites, assorties d'indications relatives au reclassement du travailleur. Il en résulte que le recours que pouvait exercer le salarié ne pouvait pas porter sur l'origine professionnelle ou non de l'inaptitude, ce qui doit être discuté dans le cadre du débat judiciaire portant sur l'application ou non des règles protectrices du salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle comme en l'espèce. Dès lors l'argumentation développée à ce titre par l'employeur doit être écartée. Dès lors que l'employeur ayant connaissance de l'origine professionnelle, au moins pour partie, de l'inaptitude déclarée de Mme [I] épouse [H], les dispositions de l'article L1226-14 du code du travail devaient recevoir application Mme [I] épouse [H] est donc en droit de percevoir une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L. 1234-5, soit la somme de 3252,48 euros, étant rappelé que cette indemnité n'a pas la nature d'une indemnité de préavis et n'ouvre pas droit à congés payés, ainsi qu'à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l'indemnité prévue par l'article L. 1234-9 soit la somme de 11 714,89 euros, sommes non contestées en leur quantum ne serait-ce qu'à titre subsidiaire par l'employeur. Sur le reclassement Selon l'article L.1226-10 du code du travail tel qu'issu de la loi no2016-1088 du 8 août 2016 «Lorsque le salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté. L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail». L'article L1226-12 poursuit : «Lorsque l'employeur est dans l'impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent au reclassement. L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi. L'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail. S'il prononce le licenciement, l'employeur respecte la procédure applicable au licenciement pour motif personnel prévue au chapitre II du titre III.» Sauf recours exercé dans les conditions rappelées plus avant contre l'avis du médecin du travail, ledit avis s'impose aux parties comme au juge. Le 31 juillet 2017, le médecin du travail a établi un « avis d'aptitude médicale » lequel a déclaré Mme [I] épouse [H] inapte à son poste d'auxiliaire de vie sociale, tout en la déclarant apte au poste d'agent à domicile agent d'accueil : « Apte à un travail à temps partiel sans transfert et sans ports de charges trop lourdes ex : agent à domicile ou agent d'accueil ». L'employeur a proposé à Mme [I] épouse [H] un poste d'agent à domicile pour lequel le médecin du travail à écrit à l'association intimée le 17 août 2017 qu'il «devrait convenir». Le délégué du personnel a été associé aux recherches de reclassement. Mme [I] épouse [H] a refusé cette proposition de poste qu'elle considérait incompatible avec son état de santé en dépit de l'approbation donnée par le médecin du travail à cette proposition de reclassement. L'association Vivadom verse aux débats la copie de son registre du personnel confirmant l'absence de poste disponible compatible avec les restrictions exprimées par le médecin du travail. C'est à juste titre que les premiers juges ont débouté Mme [I] épouse [H] de ses prétentions au titre de la rupture de son contrat de travail L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner l'association Vivadom à payer à Mme [I] épouse [H] la somme de 1.500,00 euros à ce titre. PAR CES MOTIFS Par arrêt contradictoire, rendu publiquement en dernier ressort - Réforme le jugement déféré en ce qu'il a : -débouté Mme [L] [I] épouse [H] de ses demandes en paiement d'une indemnité compensatrice et du solde de son indemnité de licenciement qui devait être doublée, - condamné Mme [L] [I] épouse [H] à payer à l'association Vivadom Autonomie, prise en la personne de son représentant légal, la somme de 50 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, - l'a condamnée aux entiers dépens, - Statuant à nouveau de ces chefs réformés, - Condamne l'association Vivadom à payer à Mme [I] épouse [H] les sommes de 3252,48 euros à titre d'indemnité compensatrice et celle de 11 714,89 euros au titre du solde l'indemnité spéciale de licenciement, - Déboute l'association Vivadom de l'ensemble de ses demandes, - Confirme le jugement pour le surplus, - Y ajoutant, - Condamne l'association Vivadom à payer à Mme [I] épouse [H] la somme de 1.500,00 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, - Condamne l'association Vivadom aux dépens de première instance et d'appel. Arrêt signé par le président et par la greffiere. LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS No RG 19/04040 - No Portalis DBVH-V-B7D-HQYN CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'AVIGNON 04 septembre 2019 RG :F 17/00380 S.A.R.L. URGENCES LIAISONS SERVICES LINE Grosse délivrée COUR D'APPEL DE NÎMES CHAMBRE CIVILE 5ème chambre sociale PH ARRÊT DU 15 NOVEMBRE 2022 Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AVIGNON en date du 04 Septembre 2019, NoF 17/00380 COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS : Madame Leila REMILI, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré. COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président Madame Leila REMILI, Conseillère M. Michel SORIANO, Conseiller GREFFIER : Mme Emmanuelle BERGERAS, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision A l'audience publique du 08 Septembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 15 Novembre 2022. Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel. APPELANTE : S.A.R.L. URGENCES LIAISONS SERVICES LINE [Adresse 4] [Localité 5] Représentée par Me Delphine BOISANFRAY de la SELARL DELPHINE BOISANFRAY AVOCAT, avocat au barreau de ROUEN substituée par Me Eve SOULIER, avocat au barreau de NIMES Monsieur [R] [G] né le [Date naissance 1] 1986 à [Localité 6] [Adresse 3] [Localité 11] Représenté par Me Thierry COSTE, avocat au barreau d'AVIGNON ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 25 Août 2022 Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 15 Novembre 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS : M. [R] [G] a été engagé à compter du 7 juillet 2014 par le société ULS en qualité de chauffeur livreur suivant contrat de travail à durée déterminée puis contrat de travail à durée indéterminée à compter du 2 août 2014. Par contrat de travail à durée indéterminée du 1er avril 2015, M. [R] [G] a été transféré au sein de la société ULS Line. Le 4 avril 2017, il a été déclaré inapte puis licencié le 12 mai 2017. Le 2 août 2017, il a saisi le conseil de prud'hommes d'Avignon pour licenciement abusif. Par jugement du 4 septembre 2019, le conseil de prud'hommes a : -Dit que le licenciement de M. [G] en date du 12 mai 2017 est intervenu sans cause réelle et sérieuse. -Condamné les sociétés ULS Line et ULS au paiement des sommes suivantes : -13 229,92 euros bruts à titre de rappel sur heures supplémentaires, ULS à hauteur de 5425,71 euros seulement; -1126,12 euros bruts à titre de rappel sur les repos compensateurs incidents, ULS à hauteur de 511,87 euros seulement; -112,61 euros bruts à titre de rappel incident sur congés payés, ULS à hauteur de 593,65 euros seulement; -5299,54 euros bruts à titre de rappel sur prime de nuit, ULS à hauteur de 1492,19 euros seulement; -2452,68 euros bruts au titre des repos compensateurs incidents, ULS à hauteur de 738,49 euros seulement; -500 euros en réparation des pauses quotidiennes non prises; -500 euros en réparation de la dégradation des conditions de travail; -Condamné la société ULS Line à verser à M. [R] [G] avec intérêt au taux légal à compter de la convocation à l'audience de conciliation et capitalisation des intérêts échus depuis une année : -5000 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis; -1619,05 euros bruts à titre de rappel sur indemnité compensatrice de congés payés; -Condamné la société ULS Line à verser à M. [G] : -30 000 euros au titre de la non consultation des délégués du personnel; -15 000 euros en réparation des préjudices causés par le licenciement injustifié; -750 euros au titre des frais irrépétibles. -Condamné les sociétés ULS Line et ULS à délivrer à M. [R] [G] un bulletin de salaire rectifié et conforme au présent jugement, sous astreinte de 5 euros par jour de retard et par document à compter du jour suivant la notification de la présente décision et jusqu'à la délivrance de la totalité des documents, le bureau de jugement se réservant le pouvoir de liquider ladite astreinte sur demande chiffrée de M. [G]. -Rappelé que le présent jugement en application des dispositions de l'article R. 1454-28 du code du travail, bénéficie de l'exécution provisoire de droit dans les limites définies par ce texte. -Constaté que la moyenne des trois derniers mois de salaire s'élève à la somme de 2500 euros. -Dit que les sommes à caractère alimentaire allouées au titre des rémunérations et indemnités mentionnées à l'article R. 1454-14 et 15 du code du travail porteront intérêts au taux légal à compter du 11 octobre 2017 (date de récépissé de la convocation au bureau de conciliation) avec capitalisation des intérêts échus. -Dit que les sommes à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du jour du jugement avec capitalisation des intérêts échus. -Débouté M. [G] du surplus de ses demandes. -Débouté les sociétés ULS Line et ULS de l'ensemble de leurs demandes. -Mis les dépens de l'instance ainsi que les éventuels frais d'exécution à la charge des sociétés ULS Line et ULS. Par acte du 14 octobre 2019, la SARL ULS Line a régulièrement interjeté appel de ce jugement. Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 17 juin 2020, la SARL ULS Line demande à la cour de : - A titre principal : réformer intégralement le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Avignon le 4 septembre 2019 débouter M. [R] [G] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions. -A titre subsidiaire : réduire le montant des sommes qui seraient accordées à M. [R] [G] à de plus justes et raisonnables proportions. -En tout état de cause : condamner M. [R] [G] à payer à la société ULS Line la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Elle conteste le temps de travail prétendu par M. [R] [G] qui, sans preuve, déclare qu'il était sur la brèche de 18h45 à plus de 7 heures du matin sans pause. Elle explique réaliser pour le compte de Chronopost un certain nombre de tournées dont une assurée par M. [R] [G] qui réalisait, selon l'itinéraire Mappy et via Michelin, 10 heures 10 de temps de conduite avec 60 minutes de pause, ce qui est parfaitement conforme à la réglementation. Elle conteste les termes d'un courrier du médecin du travail du 7 janvier 2016 qui expose selon elle une vision laconique et subjective de l'activité du salarié. Elle a fait état des incohérences du temps de travail estimé par M. [R] [G] qui a tenté de rallonger artificiellement son parcours et son temps de route. Sur la dégradation des conditions de travail, elle fait valoir que les arrêts de travail de M. [R] [G] n'étaient absolument pas liés à son activité professionnelle et que le salarié n'a pas tenté de faire reconnaître la faute inexcusable de l'employeur à l'occasion de son accident de la route, démontrant par la même que l'employeur n'était en rien responsable de son accident de la circulation et que ses conditions de travail étaient parfaitement normales. S'agissant du travail dissimulé, l'appelante fait valoir qu'elle a toujours appliqué les dispositions légales et conventionnelles en matière de durée du travail, qu'elle a toujours réglé les heures supplémentaires déclarées par M. [R] [G], qu'elle n'avait avant la présente procédure été informée d'aucune réclamation financière et qu'il existe en l'espèce aucune intention de dissimuler un emploi salarié. Elle fait valoir ensuite que le conseil de prud'hommes a décidé à tort que l'employeur était responsable de la détérioration de la santé du salarié de sorte que son licenciement pour inaptitude physique devait être requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse, dès lors qu'elle démontre parfaitement que les temps de travail étaient respectés et que le salarié n'a subi aucune dégradation de ses conditions de travail. Elle conteste le caractère professionnel de l'inaptitude et la compétence de la cour d'appel de Nîmes. Sur la consultation des délégués du personnel, l'appelante prétend qu'elle n'avait aucune obligation en la matière et qu'elle n'était tenue de verser aucune somme à M. [R] [G] à ce titre. Subsidiairement, sur le quantum des sommes accordées, elle fait valoir que M. [R] [G] ne démontre pas l'existence d'un préjudice particulier et qu'il ne peut prétendre à plus de six mois de salaire. En l'état de ses dernières écritures du 9 juin 2020, contenant appel incident, M. [R] [G] sollicite : Confirmer le jugement déféré excepté pour ULS LINE au sujet : - Du montant de l'indemnisation de l'absence de pause ; - Du montant de l'indemnisation de la dégradation des conditions de travail ; - Du travail dissimulé ; - Du montant de l'indemnisation de la non consultation des délégués du personnel à l'occasion du licenciement ; - De l'indemnité compensatrice de préavis - De l'indemnité spéciale de licenciement ; - Des frais irrépétibles. Condamner la Société ULS LINE à verser à Monsieur [G] - 16.358,64 € au titre du travail dissimulé ; - 4.500 € en réparation des pauses quotidiennes non prises ; - 15.000 € en réparation de la dégradation des conditions de travail ; Condamner la Société ULS LINE à verser à Monsieur [G] avec intérêt au taux légal à compter de la convocation à l'audience de conciliation et capitalisation des intérêts échus depuis une année : - 5.452,88 € bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis ; - 1.807,47 € à titre de rappel sur indemnité spéciale de licenciement ; Condamner la Société ULS LINE à verser à Monsieur [G] : - 32.717 € au titre de la non consultation des délégués du personnel; - 5.000 € au titre des frais irrépétibles. Faire injonction à ULS LINE d'établir et porter, sous astreinte de 15 € par document et par jour de retard un mois après la notification de la décision à intervenir un bulletin de régularisation ; Infirmer en conséquence la décision. Concernant son temps de travail, M. [R] [G] détaille la tournée régulière qu'il effectuait, précisant qu'il était sur la brèche de 18 heures 45 à plus de 7 heures du matin, comme ses collègues. Il déclare que les employeurs imposaient ainsi à leurs chauffeurs plus de douze heures de conduite quotidiennes auxquelles s'ajoutaient les temps de chargement et déchargement à [Localité 11] et [Localité 10] ainsi que les temps d'attente à [Localité 9] et à [Localité 10]. Il ajoute avoir effectué de telles tournées cinq jours par semaine, du lundi soir au samedi matin, jusqu'en août 2015 et, au-delà, quatre jours par semaine, du lundi soir au vendredi matin. Il fait état de la violation des règles impératives en matière de temps de travail alors en outre que les jours fériés, il oeuvrait plus de 13 heures ce qui le privait de son droit à repos quotidien de 11 heures. Il ajoute qu'il n'avait pas le temps de prendre les pauses obligatoires prévues par le code des transports et estime que les 500 euros alloués par le conseil de prud'hommes ne sont en rapport ni avec le temps gagné par l'entreprise ni avec la fatigue causée. Sur la dégradation de ses conditions de travail, il fait valoir que l'employeur a nié l'évidence et a maintenu son organisation malgré l'interpellation par le médecin du travail et malgré l'accident de la circulation en 2015 et les malaises des 22 novembre 2016 et 11 janvier 2017 dont il a été victime. S'agissant du travail dissimulé, l'intimé indique que l'employeur a dissimulé une grande partie du travail réalisé et que son intention était certaine car, interpellé par le médecin du travail, le gérant a poursuivi de la même manière. Il fait valoir ensuite que l'inaptitude est manifestement la conséquence des conditions de travail qui lui ont été imposées, comme cela ressort de l'avis d'inaptitude, peu important que les arrêts de travail antérieurs n'aient pas été officiellement motivés par un accident de travail ou une maladie professionnelle. M. [R] [G] considère que la SARL ULS Line aurait dû consulter les délégués du personnel et que le défaut de consultation doit être sanctionné par une indemnité équivalant à 12 mois de salaire. Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures. Par ordonnance en date du 17 mai 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 25 août 2022. Sur le temps de travail et les rappels de salaires Aux termes de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Selon le mécanisme probatoire institué, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. M. [R] [G] explique qu'il se présentait chez Chronopost à [Localité 11] à 18h45, chargeait son véhicule durant 30 minutes et l'amenait jusqu'à la sortie no 16 de l'autoroute A6, où il l'échangeait avec celui d'un collègue qui venait de [Localité 8]. Il allait ensuite à l'agence Chronopost de [Localité 10] située [Adresse 2] où il devait arriver avant 6h20 afin d'éviter une trop grande affluence. Il attendait son tour, déchargeait et rentrait chez lui à [Localité 11], après 7 heures. À l'appui de ses déclarations, le salarié produit : –Le courrier de la médecine du travail du 7 janvier 2016 –Les attestations de M. [D] [E] chauffeur régulateur, M. [T] [S] chauffeur livreur et agent de tri, M. [U] [F] chauffeur livreur, qui déclarent avoir vu tous les soirs de la semaine M. [R] [G] charger son camion à 18h45 –Les attestations de [R] [B] et M. [C] [A], anciens collègues de travail , qui déclarent avoir réalisé, dans les mêmes conditions, les mêmes horaires entre 18h45 et 7h10 –Des fiches de liaison routière – l'attestation de M. [V] [Z], chef d'agence Chronopost ,qui déclare « M. [R] [G] qui acheminait du fret sur l'agence de [Localité 10] le matin (arrivée vers six heures) assurait l'essentiel du déchargement de son véhicule. En effet, s'il nous arrivait de lui apporter une aide pour gagner du temps lors du déchargement, il assurait le plus souvent lui-même le déchargement de son véhicule » –Les itinéraires Mappy –L'annexe contractuelle no 2 au contrat d'acheminement entre Chronopost et la SARL ULS Line. Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre. La SARL ULS Line fait valoir, pour sa part, qu'il était prévu avec le client Chronopost, selon les temps de route habituels calculés par Mappy ou ViaMichelin que M. [R] [G] se rendrait du lundi au jeudi au dépôt de Chronopost à [Localité 11], situé à cinq minutes de son domicile, à 19h15 pour que les services de Chronopost puissent charger son véhicule ; après un temps de chargement, non réalisé par lui et estimé à 30 minutes, il quitterait le dépôt à 19h45 pour se rendre à la sortie 16 de l'autoroute A6 afin d'échanger son camion avec celui de son collègue ; toujours selon le temps de route habituel, M. [R] [G] devait atteindre cette sortie d'autoroute à 0h45; après une pause de 30 minutes, il reprendrait son nouveau camion à 1h15 pour rejoindre l'agence de Chronopost situé à [Localité 10] pour 6h25. A l'appui de ses affirmations, la SARL ULS Line produit : –La réponse adressée au médecin du travail. –Des itinéraires Mappy. –Les annexes contractuelles 5 et 6 au contrat d'acheminement avec Chronopost. –Les données de géolocalisation des véhicules 335 et 336 pour les journées des 20 et 21 mars 2017. –un tableau comparatif entre la théorie et la pratique sur la ligne [Localité 11], [Localité 9], [Localité 10] les 20 et 21 mars 2017. –L'attestation de M. [X] [I], responsable exploitation de la SARL ULS Line depuis le 29 juin 2012, qui déclare que M. [R] [G] n'avait jamais besoin de repasser à Chronopost à [Localité 11] après avoir fini sa mission à Chronopost à [Localité 10], d 'autant que celui-ci repartait à vide de [Localité 10]; que l'intéressé était autorisé à rester chez lui directement avec le véhicule de la société ce qu'il faisait bien chaque jour et qu'il était impossible pour le personnel Chronopost d'avoir vu leur salarié partir et aussi revenir à Chronopost [Localité 11] car les agents de quai du soir et matin ne sont pas les mêmes. –Des avis de contravention,le listing des véhicules ayant dépassé les 130 km/h, un tableau récapitulatif des excès de vitesse, l'attestation de la société Normandie distribution qui déclare que tous les véhicules de type Fiat Ducato livrés à la société ULS sont bridés à 130 km/h . Or, il ressort bien de l'examen des éléments produits et notamment des attestations versées par le salarié, que ce dernier débutait et terminait son travail par le chargement du véhicule, soit deux fois 30 minutes. L'employeur, dans ses conclusions, estimant lui-même à 30 minutes le temps d'un chargement. Par ailleurs, l'appelante ne peut prétendre que M. [R] [G] ne réalisait qu'un temps de conduite de 5 heures à l'aller et 5 h10 au retour, soit un total de 10 h 10 alors que les itinéraires Mappy produits font état pour les trajets les plus rapides de 5 heures 25 et 5 heures 40, soit à minima 11 h 05. Les données de géolocalisation sur une seule tournée, les 20 et 21 mars 2017, de même que les excès de vitesse du salarié ne démontrent pas les temps de route réellement accomplis par celui-ci sur toute la période de juillet 2014 à mai 2017. Il doit être relevé en outre que l'employeur qui produit deux avis de contraventions des 22 juillet et 31 octobre 2014 et qui était parfaitement informé par le logiciel Ornicar n'a « attiré » l'attention du salarié sur une vitesse excessive qu'en avril 2016 puis en juin et juillet 2016. Quant au débridage du véhicule que l'employeur impute à M. [R] [G], il ressort du listing des véhicules ayant dépassé les 130 km/h entre le 1er juin 2015 et le 11 septembre 2017 que d'autres salariés étaient également en excès de vitesse donc utilisaient un véhicule débridé (notamment en juin 2017 après le licenciement de M. [R] [G]). Dès lors et même en déduisant le temps de parcours jusqu'au domicile, M. [R] [G] effectuait plus de douze heures de travail par jour. Le salarié a donc bien droit aux heures supplémentaires effectuées et qui n'ont pas été rémunérées. Il convient en conséquence, par ces motifs substitués, de confirmer le jugement en ce qu'il a octroyé la somme de 13 229,92 euros au titre des heures supplémentaires, dont 7804,21 euros à la charge de la SARL ULS Line. Enfin, par de justes motifs, que la cour adoptera, le conseil de prud'hommes a condamné l'employeur au titre des repos compensateurs et de la prime de nuit. Sur les pauses et le temps de repos Aux termes de l'article L. 3312-2 du code des transports, le personnel salarié roulant des entreprises de transport routier, autres que les entreprises de transport sanitaire ou de transport de fonds et valeurs, et à l'exception du personnel roulant des entreprises de transport routier de personnes affecté à des services réguliers dont le parcours de la ligne ne dépasse pas 50 kilomètres, ne travaille en aucun cas pendant plus de six heures consécutives sans pause. Le temps de travail quotidien est interrompu par une pause d'au moins trente minutes lorsque le total des heures de travail est compris entre six et neuf heures, et d'au moins quarante-cinq minutes lorsque le total des heures de travail est supérieur à neuf heures. Les pauses peuvent être subdivisées en périodes d'une durée d'au moins quinze minutes chacune. La preuve du respect des temps de pause incombe à l'employeur. Il résulte suffisamment de ce qui précède que l'employeur, qui considère comme temps de pause les temps de déchargement effectué par M. [R] [G], ne rapporte pas cette preuve. Les dispositions légales précitées ont un caractère impératif, ayant pour finalité la protection du droit au repos et à la santé des salariés, de sorte que leur méconnaissance cause nécessairement un préjudice à ces derniers. En l'espèce, le non respect des temps de pause légaux a privé le salarié d'un repos minimum pour lutter contre la fatigue, portant ainsi atteinte à sa sécurité et à sa santé, lui ayant causé, de ce seul fait, un préjudice. La cour estime en conséquence que ce préjudice sera réparé par l'allocation d'une somme de 3000 euros. Le jugement sera donc réformé sur ce point. Sur le reliquat de congés payés L'appelante ne développe ici aucun moyen au soutien de sa demande de réformation du jugement. Le conseil de prud'hommes a justement condamné la société ULS Line à payer la somme de 1619,05 euros au titre du reliquat de congés payés, dans la mesure où le salaire aurait dû être recalculé en tenant compte des heures supplémentaires. Il convient donc de confirmer le jugement déféré sur ce point. Sur le travail dissimulé Selon l'article L. 8221-5, 2o du code du travail, est notamment réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur de "mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre 1er de la troisième partie". En application de l'article L.8223-1 du code du travail, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire. Pour allouer au salarié cette indemnité pour travail dissimulé, les juges du fond doivent rechercher le caractère intentionnel de la dissimulation. L'élément moral de l'infraction résulte en l'espèce de ce que l'employeur, notamment interpellé par le médecin du travail, n'ignorait pas l'amplitude du travail de son salarié. Il convient donc d'infirmer le jugement déféré et d'octroyer à M. [R] [G] la somme de 16 358,64 euros (2726,44 euros X 6). Sur l'indemnisation au titre de la dégradation des conditions de travail Par courrier du 7 janvier 2016, le médecin du travail écrivait à la SARL ULS Line en ces termes : « Dans le cadre de l'article L. 4624-3 du code du travail, je vous alerte sur les conditions de travail dangereuses pour la santé de M. [R] [G] chauffeur VL détaché chez Chronopost à [Localité 11] (84 700). En effet, selon ses dires, ses horaires de travail dépassent une amplitude de 12 heures par jour dont la majorité de nuit (18h45 – 7h du matin), 4 nuits par semaine. Il s'agit là des horaires réels et non des horaires prescrits, de conduite selon le circuit [Localité 11] – relais [Localité 9] – [Localité 10] – [Localité 11], sans pause conséquente lui permettant une récupération. Cette situation est tellement dangereuse pour sa santé qu'elle a déjà été à l'origine d'un accident de la circulation sur l'autoroute en été 2005. Vu ces conditions de travail, un accident de la route grave, sinon mortel, pourrait se produire et en tant que chef d'entreprise, votre responsabilité serait engagée. En conséquence, je vous demande de modifier ses horaires de travail et de ce chauffeur VL. Vous pourriez les aligner sur la réglementation des chauffeurs PL, ce qui serait compatible avec une meilleure santé et sécurité ». L'employeur n'a pas modifié l'organisation du travail malgré l'alerte de la médecine du travail. Il n'est pas contesté pourtant qu'un accident de la circulation est intervenu à l'été 2015 et le fait que M. [R] [G] n'ait pas tenté de faire reconnaître la faute inexcusable de l'employeur à l'occasion de cet accident ne saurait démontrer, comme le soutient l'appelante, que les conditions de travail étaient parfaitement normales. Comme cela ressort du propre courrier de la SARL ULS Line du 11 janvier 2017, M. [R] [G] a été pris de malaises dans la nuit du 10 au 11 janvier 2017 sur l'aire d'autoroute « La Biche » sur l'A6 à proximité d'[Localité 7], le salarié étant transporté par les pompiers à l'Hôpital d'[Localité 7], ce que confirme le certificat de passage produit. Il résulte de ce même courrier que le salarié a été pris de fatigue le 22 novembre 2016 et s'est endormi après s'être arrêté. Or, par ce même courrier, l'employeur qui relevait pourtant un malaise et un état de fatigue, a adressé à son salarié un rappel à l'ordre au motif qu'il n'avait pas averti son responsable d'exploitation. Plusieurs proches de M. [R] [G] confirment son état de grande fatigue. L'employeur n'a donc pas assuré la protection de la sécurité et de la santé de son salarié qui en outre étant un travailleur de nuit bénéficiait d'une surveillance médicale renforcée. Il a donc manqué à son obligation de sécurité. La cour estime que le conseil a justement accordé la somme de 500 euros à titre d'indemnisation. Sur le licenciement sans cause réelle et sérieuse Le licenciement pour inaptitude physique est dépourvu de cause réelle et sérieuse lorsqu'il est démontré que l'inaptitude est consécutive à un manquement préalable de l'employeur qui l'a provoquée. Il ressort suffisamment de ce qui précède que l'employeur est à l'origine de la dégradation des conditions de travail et de l'état de santé de M. [R] [G] qui sera finalement déclaré inapte à son emploi de chauffeur livreur par le médecin du travail en ces termes précis : «Suite à l'alerte (L. 4624-3 ) du 7/01/2016 et aux accidents du travail du 06/15 et du 13/01/17, l'état de santé de ce salarié sera déclaré inapte et fera obstacle à tout reclassement, après concertation avec l'employeur ». Le conseil de prud'hommes a justement considéré que le licenciement pour inaptitude devait être requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse. La SARL ULS Line fait certes justement valoir que M. [R] [G] ne justifie d'aucun préjudice permettant de lui accorder davantage que six mois de salaire, conformément à l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa version applicable. Pour autant, le salaire qu'aurait dû percevoir M. [R] [G] s'élevant à 2726,44 euros mensuels, le conseil en accordant la somme de 15 000 euros se trouvait en deçà du minimum légal. En l'absence d'appel incident sur ce point, il convient donc de confirmer le jugement. Sur l'origine professionnelle de l'inaptitude Le fait que les arrêts de travail n'aient pas été officiellement motivés par un accident du travail ou une maladie professionnelle n'exclut pas la reconnaissance du caractère professionnel de l'inaptitude. Il sera rappelé également que le refus de prise en charge de la CPAM ne dispense pas le juge d'apprécier l'origine professionnelle de l'inaptitude. En l'espèce, l'inaptitude du salarié est manifestement la conséquence des conditions de travail imposées au salarié dont les horaires dépassaient une amplitude journalière de 12 heures dont la majorité la nuit, quatre jours par semaine, alors que victime d'un accident de la circulation à l'été 2015, d'un excès de fatigue en novembre 2016 puis d'un malaise sur la route nécessitant sa conduite à l'hôpital en janvier 2017, il a poursuivi son activité professionnelle sur le même rythme. L'inaptitude de M. [R] [G] doit donc être qualifiée de professionnelle. Les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent en l'espèce. L'employeur avait bien connaissance de l'origine professionnelle de l'inaptitude, en l'état même des mentions précises de l'avis d'inaptitude, du courrier reçu de la médecine du travail un an plus tôt, des malaises et de l'accident de la circulation subis par son salarié. Sur la consultation des délégués du personnel En l'espèce, cependant, le médecin du travail ayant expressément mentionné dans son avis d'inaptitude « ce salarié sera déclaré inapte et fera obstacle à tout reclassement », l'employeur qui n'était pas tenu de rechercher un reclassement, n'avait pas l'obligation de consulter les délégués du personnel comme le prévoyait l'article L. 1226-10 du code du travail dans sa version applicable. La SARL ULS Line ne doit donc pas être condamnée à une indemnité sur le fondement de l'article L. 1226-15 du même code. Il convient donc d'infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la SARL ULS Line au paiement de la somme de 30 000 euros. Sur le préavis et l'indemnité de licenciement Le salarié ne peut prétendre au paiement d'une indemnité pour un préavis qu'il est dans l'impossibilité physique d'exécuter en raison d'une inaptitude à l'emploi. Cependant, il a droit, en vertu de l'article L. 1226-14 du code du travail, d'une part, à une indemnité compensatrice d'un montant égal à l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L. 1234-5, d'autre part, à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables non invoquées, est égale au double de l'indemnité légale de licenciement. M. [R] [G] a donc droit à une indemnité compensatrice d'un montant égal à une indemnité compensatrice de préavis, soit 5452,88 euros ainsi qu'à une indemnité légale doublée, soit en l'espèce à un rappel de 1807,47 euros. Le jugement sera donc réformé sur ce point. Sur la remise d'un bulletin de régularisation Il convient de faire droit à la demande mais l'astreinte n'est pas nécessaire. Sur les frais irrépétibles et les dépens Le jugement sera confirmé en ce qui concerne les dépens et les frais irrépétibles. Les dépens d'appel seront mis à la charge de la SARL ULS Line mais il n'est pas inéquitable de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de M. [R] [G]. PAR CES MOTIFS Par arrêt contradictoire, rendu publiquement en dernier ressort - Confirme le jugement rendu le 4 septembre 2019 par le conseil de prud'hommes d'Avignon sauf : -en ce qui concerne la condamnation de la SARL ULS Line aux sommes suivantes : - 500 euros en réparation des pauses quotidiennes non prises - 5000 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis - 30 000 euros au titre de la non consultation des délégués du personnel Et en ce qu'il a rejeté la demande au titre de l'indemnité spéciale de licenciement et au titre du travail dissimulé, Et statuant à nouveaux sur ces chefs infirmés et y ajoutant: - condamne la SARL ULS Line à payer à M. [R] [G] : - 16 358,64 euros au titre du travail dissimulé - 3000 euros en réparation des pauses quotidiennes non prises - 5452,88 euros au titre de l'indemnité compensatrice - 1807,47 euros à titre de rappel sur indemnité spéciale de licenciement - Rappelle que les intérêts au taux légal courent sur les sommes à caractère salarial à compter de la réception par l'employeur de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation, et à défaut de demande initiale, à compter de la date à laquelle ces sommes ont été réclamées, que s'agissant des créances salariales à venir au moment de la demande, les intérêts moratoires courent à compter de chaque échéance devenue exigible, et qu'ils courent sur les sommes à caractère indemnitaire, à compter du jugement déféré sur le montant de la somme allouée par les premiers juges et à compter du présent arrêt pour le surplus ; - Ordonne la capitalisation des intérêts, laquelle prend effet à la date à laquelle les intérêts sont dus pour la première fois pour une année entière, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil, - Condamne la SARL ULS Line à délivrer à M. [R] [G] un bulletin de paie rectifié conformément au présent arrêt, dans les deux mois de la notification du présent arrêt, - Rejette le surplus des demandes, - Dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, - Condamne la SARL ULS Line aux dépens d'appel. Arrêt signé par le président et par la greffiere. LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS No RG 19/04054 - No Portalis DBVH-V-B7D-HQZL CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE D'AUBENAS 20 septembre 2019 RG :F17/103 E.A.R.L. [Localité 7] S.A.R.L. ARDECHE BIO Grosse délivrée COUR D'APPEL DE NÎMES CHAMBRE CIVILE 5ème chambre sociale PH ARRÊT DU 15 NOVEMBRE 2022 Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage d'Aubenas en date du 20 Septembre 2019, NoF17/103 COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS : Madame Leila REMILI, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré. COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président Madame Leila REMILI, Conseillère M. Michel SORIANO, Conseiller GREFFIER : Mme Emmanuelle BERGERAS, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision A l'audience publique du 08 Septembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 15 Novembre 2022. Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel. APPELANTE : Madame [V] [H] née le [Date naissance 5] 1966 à [Localité 8] [Adresse 6] [Localité 1] Représentée par Me Serge DESMOTS de la SELEURL SERGE DESMOTS AVOCAT, avocat au barreau de NIMES (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/619 du 26/02/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Nîmes) INTIMÉES : E.A.R.L. [Localité 7] [Adresse 9] [Localité 2] Représentée par Me Guillaume TUMERELLE de la SELARL CABINET TUMERELLE, avocat au barreau de DRAGUIGNAN S.A.R.L. ARDECHE BIO [Adresse 4] [Localité 3] Représentée par Me Guillaume TUMERELLE de la SELARL CABINET TUMERELLE, avocat au barreau de DRAGUIGNAN ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 25 Août 2022 Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 15 Novembre 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS Mme [V] [H] a été engagée à compter du 15 juin 1992 successivement par l'EARL [Localité 7] qui produit des fruits (essentiellement des pommes et des kiwis) et l'EURL Ardèche bio, commercialisant ces mêmes produits. Mme [V] [H] a été engagée dans le cadre de plusieurs contrats de travail « saisonniers » à durée déterminée soumis à la convention collective des exploitations agricoles du Gard. Par courrier du 29 mars 2017, l'EARL [Localité 7] a notifié à Mme [V] [H] la rupture de son contrat de travail pour faute grave. Par ordonnances du 13 juillet 2017, le conseil des prud'hommes d'Aubenas, saisi par Mme [V] [H] de deux requêtes en référé du 28 juin 2017, a notamment ordonné, à titre provisionnel: - à l'EARL [Localité 7] de verser à Mme [V] [H] la somme de 704,51 euros à titre de complément de salaire pour le mois de novembre 2015 et la somme de 70,45 euros à titre des congés payés afférents; - à la SARL Ardèche BIO de verser à Mme [V] [H] la somme de 802,82 euros au titre du complément de salaire pour le mois de mai 2016; 704,52 euros à titre de complément de salaire pour le mois d'août 2016; 792,99 euros au titre du complément de salaire pour le mois de septembre 2016; 230,03 euros à titre des congés payés y afférents et 300 euros à titre des frais irrépétibles. Le 11 septembre 2017, Mme [V] [H] a saisi au fond le conseil de prud'hommes d'Aubenas. Un procès verbal de partage des voix a été établi le 4 juin 2018. Par jugement de départage du 16 novembre 2018, le conseil de prud'hommes d'Aubenas a ordonné la réouverture des débats en invitant Mme [V] [H] à préciser quelle partie de ses demandes est concernée par chaque chef de demande. Après un premier renvoi de l'affaire à l'audience du 15 février 2019, l'affaire a été retenue et plaidée à l'audience du 21 juin 2019. Le juge départiteur du conseil de prud'hommes, par jugement contradictoire du 20 septembre 2019 : - déclare Mme [V] [H] recevable en ses demandes. - déboute Mme [V] [H] de l'intégralité de ses demandes, - déboute la SARL Ardèche bio de sa demande reconventionnelle en remboursement des sommes allouées à Mme [V] [H] par ordonnance de référé du 13 juillet 2017, - condamne Mme [V] [H] à verser à l'EARL l'Iles des grandes jasses et à la SARL Ardèche bio la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, - condamne Mme [V] [H] aux dépens. - dit n'y avoir lieu à exécution provisoire, - rejette les demandes plus amples ou contraires. Par acte du 21 octobre 2019 Mme [V] [H] a régulièrement interjeté appel de cette décision. Aux termes de ses dernières conclusions en date du 20 juin 2022, Mme [V] [H] demande à la cour de : - infirmer le jugement de départage du conseil de prud'hommes d'Aubenas en date du 20 septembre 2019 en ce qu'il a : - Débouté Mme [V] [H] de l'intégralité de ses demandes, - Condamné Mme [V] [H] à verser à l'EARL [Localité 7] et à la SARL Ardèche bio la somme de 1.200 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, - Condamné Mme [V] [H] aux dépens. Statuant à nouveau, - condamner la SARL Ardèche bio à payer à Mme [V] [H] la somme de : - 308,63 euros bruts au titre de la prime d'ancienneté de septembre 2014 à février 2015, - 572,37 euros bruts au titre de la prime d'ancienneté de décembre 2015 à décembre 2016, - 3.676,42 euros bruts au titre du rappel de salaires de février, mai, août et septembre 2016, - 367,64 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés y afférente, - 110,29 euros bruts au titre de la prime d'ancienneté y afférente, - condamner l'EARL [Localité 7] à payer à Mme [V] [H] les sommes de : - 120,59 euros bruts au titre de la prime d'ancienneté de mars à mai 2015, - 156,53 euros bruts au titre de la prime d'ancienneté d'août à novembre 2015, - 130,42 euros bruts au titre de la prime d'ancienneté de janvier à mars 2017. - 580,80 euros bruts au titre du rappel de salaire de novembre 2015, - 58,08 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés y afférente, - 17,42 euros bruts au titre de la prime d'ancienneté y afférente, - requalifier en contrat de travail à durée indéterminée les contrats de travail à durée déterminée : - du 20 août au 30 novembre 2015 avec l'EARL [Localité 7] - du 2 décembre 2015 au 31 décembre 2016 avec la SARL Ardèche bio - du 1er janvier au 29 mars 2017 avec l'EARL [Localité 7] - condamner l'EARL [Localité 7] à payer à Mme [V] [H] au titre du contrat du 20 août au 30 novembre 2015 la somme de : - 48,50 euros bruts au titre du rappel de salaire relatif à la mensualisation, - 1,45 euros bruts au titre de la prime d'ancienneté y afférente, - 1.700 euros nets au titre de l'indemnité de requalification, - 1.600 euros nets au titre de l'indemnité pour inobservation de la procédure de licenciement, - 1.686,69 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, - 168,67 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés y afférente, - 2.300 euros nets au titre de l'indemnité pour licenciement abusif, - condamner la SARL Ardèche bio à payer à Mme [V] [H] au titre du contrat du 2 décembre 2015 au 31 décembre 2016 la somme de : - 177,37 euros bruts au titre du rappel de salaire relatif à la mensualisation, - 5,32 euros bruts au titre de la prime d'ancienneté y afférente, - 1.900 euros nets au titre de l'indemnité de requalification, - 1.800 euros nets au titre de l'indemnité pour inobservation de la procédure de licenciement, - 1.819,52 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, - 181,95 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés y afférente, - 394,23 euros nets au titre de l'indemnité légale de licenciement, - 6.600 euros nets au titre de l'indemnité pour licenciement abusif, - condamner l'EARL l'Iles des grandes jasses à payer à Mme [V] [H] au titre du contrat du 1er janvier au 29 mars 2017 la somme de : - 91,81 euros bruts au titre du rappel de salaire relatif à la mensualisation, - 2,75 euros bruts au titre de la prime d'ancienneté y afférente, - 1.900 euros nets au titre de l'indemnité de requalification, - condamner solidairement l'EARL [Localité 7] et la SARL Ardèche bio à payer 24.000 euros nets au titre des dommages et intérêts pour leur manquement à l'obligation de prévention et de sécurité notamment en termes de harcèlement moral et sexuel, - dire et juger nulle la rupture du contrat de travail en date du 29 mars 2017, - condamner l'EARL [Localité 7] à payer à Mme [V] [H] la somme de : - 684,86 euros bruts au titre de la mise à pied conservatoire, - 1.801,42 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, - 248,63 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés y afférente, - 74,59 euros bruts au titre de la prime d'ancienneté correspondante, - 11.000 euros nets au titre de la nullité de la rupture, - confirmer le jugement de départage du conseil de prud'hommes d'Aubenas en date du 20 septembre 2019 en ce qu'il a débouté la SARL Ardèche bio de sa demande reconventionnelle en remboursement des sommes allouées à Mme [V] [H] par ordonnance de référé du 13 juillet 2017, - condamner solidairement l'EARL [Localité 7] et la SARL Ardèche bio à payer à [W] [D] la somme de 2.500 euros HT au titre des frais irrépétibles, - condamner solidairement l'EARL [Localité 7] et la SARL Ardèche bio aux entiers dépens. Mme [V] [H] soutient que : - sur la recevabilité de ses demandes : elle ne forme pas de nouvelles demandes dans le cadre de l'appel. Ainsi : * les demandes de rappels de salaires et de primes d'ancienneté ne constituent pas des demandes nouvelles dans la mesure où il était formulé, dès les requêtes introductives d'instance, des demandes de rappels de salaire et de primes d'ancienneté. * les demandes relatives à la rupture des contrats de travail figuraient dans les requêtes initiales car il était demandé à l'une et à l'autre des entreprises d'être condamnées au paiement des indemnités de licenciement sans cause réelle et sérieuse et des indemnités légales de licenciement. * les demandes de paiement d'indemnités de requalification constituent des demandes additionnelles qui sont recevables dans la mesure où elles se rattachent directement aux prétentions originaires de demande de requalification. - concernant la prime d'ancienneté : la salariée produit des tableaux établissant son temps de présence au sein des deux sociétés. Elle relève qu'elle peut bénéficier, après cinq années de présence, d'une prime au taux de 3%, peu importe que les contrats soient requalifiés ou non en contrat de travail à durée indéterminée dans la mesure où cette prime récompense la « présence sur l'exploitation ». La salariée soutient que la convention collective exige une présence sur l'exploitation et non une présence continue, prenant ainsi en compte les travailleurs saisonniers. La salariée réfute la condition ajoutée par les employeurs relative à la conclusion d'une clause de reconduction dans les contrats saisonniers pour bénéficier de la prime d'ancienneté. La salariée ajoute que l'argument adverse selon lequel elle a reçu d'autres primes ne concerne pas la prime d'ancienneté. - sur les rappels de salaires : la salariée soutient qu'elle a été engagée dans le cadre de contrats de travail à temps complet mais n'a pas perçu l'intégralité de son salaire à temps complet (en l'espèce pour le mois de novembre 2015 par l'EARL [Localité 7] et pour les mois de février, mai, août et septembre 2016 par la SARL Ardèche bio). La salariée estime que les employeurs ne rapportent pas la preuve du fait qu'ils lui auraient fourni du travail et qu'elle ne l'aurait pas exécuté ou ne se serait pas tenue à leur disposition. La salariée relève que les attestations produites par l'employeur pour démontrer qu'elle ne se serait pas présentée à son poste sont vagues et ne comportent aucune date, sont écrites dans des termes proches, rédigées à deux jours d'intervalle, 9 mois après les soi-disant faits, dont une a été faite par M. [K] contre qui elle a gagné une procédure devant le conseil de prud'hommes pour harcèlement moral et sexuel. L'appelante souligne que les décomptes produits par les intimées pour la première fois 6 à 7 ans après les faits ne sont pas signés et pas nominatifs, comportant l'insuffisante mention manuscrite « [V] ». Elle ajoute que ces décomptes sont inopérants dans la mesure où ils ne démontrent pas que la salariée ne se serait pas tenue à la disposition de ses employeurs. Subsidiairement, l'appelante sollicite que les employeurs soient déboutés de leur demande tendant au remboursement des sommes versées suite aux procédures de référé. - concernant la requalification des contrats de travail à durée déterminée en contrats de travail à durée indéterminée : -la relation de travail du 20 août au 30 novembre 2015 avec l'EURL [Localité 7] n'a fait l'objet d'aucun écrit et encore moins de la fixation d'un terme précis ou d'une durée minimale. -la relation de travail avec la SARL Ardèche bio s'est déroulée du 2 décembre 2015 au 31 décembre 2016; en raison de sa durée supérieure à un an, le contrat visait à pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise et ne correspondait pas à l'exécution d'une tâche précise et temporaire et encore moins saisonnière. -s'agissant de sa relation de travail avec l'EARL [Localité 7], elle ne pouvait correspondre à un contrat de travail à durée déterminée dans la mesure où le contrat lui a été remis le 18 janvier 2017 et n'a, de surcroît, pas été signé par l'employeur. - concernant les conséquences des requalifications en contrat à durée indéterminée : la salariée estime qu'elles ouvrent droit chacune au paiement d'une indemnité de requalification. La salariée ajoute qu'en l'absence de notification de motifs de rupture, les termes des contrats de travail du 20 août au 30 novembre 2015 avec l'EARL l'Ile des grandes jasse et du 02 décembre 2015 au 31 décembre 2016 avec la SARL Ardèche bio ne peuvent justifier la rupture des contrats de travail à durée déterminée requalifiés en contrats de travail à durée indéterminée. Elle conclut que cette requalification lui ouvre le droit au paiement des indemnités relatives à une rupture abusive. - concernant les manquements à l'obligation de prévention et de sécurité, la salariée produit des pièces pour établir qu'elle a été victime d'harcèlement moral et sexuel par M. [K] : des attestations d'anciens collègues de travail, des SMS envoyés par M. [K] en août 2012, entre 2014 et 2016, le refus de M. [K] concernant la lettre de mise en garde lui ayant été adressée par la salariée, la lettre de l'employeur à la salariée après s'être entretenu avec M. [K]. Elle précise que M. [K] a été condamné pour ces faits par la cour d'appel de Nîmes. Elle fait valoir que les employeurs n'ont pas pris de mesure de prévention des actes de harcèlement moral ou sexuel dans leur entreprise, que l'employeur avait connaissance des faits, même avant sa lettre de plainte du 10 novembre 2016, et qu'il en avait officiellement connaissance à partir de novembre 2016. La salariée indique que M. [K] n'a finalement écopé que d'un avertissement, alors qu'elle a, elle-même, reçu un avertissement pour avoir amené deux fois son chien sur son lieu de travail, alors qu'elle a toujours travaillé avec celui-ci. La salariée prétend que cet avertissement concernant son chien n'était qu'un prétexte pour lui mettre la pression concernant ses plaintes à propos du comportement de son collègue. La salariée ajoute que l'employeur et M. [K] ont été aperçus en dehors des heures de travail ensemble et se côtoient ainsi en dehors des heures de travail. - concernant la nullité de la rupture du contrat de travail en date du 29 mars 2017 : la salariée rappelle les griefs qui lui étaient reprochés : * elle n'aurait pas « taillé le haut des arbres depuis l'automotrice de taille » alors que, si l'employeur établit une telle faute, celle-ci ne constitue en rien un fait d'une gravité telle que serait justifiée la rupture pour faute grave. * elle a continué de travailler en présence de son chien malgré les injonctions contraires de son employeur alors que cela avait été autorisé pendant des années et que ce reproche n'est qu'une mesure de rétorsion consécutive à la visite de l'inspecteur du travail initiée par la salariée. * elle refuse de prendre ses pauses en même temps que les autres salariés alors que, d'une part, ce grief n'a pas été évoqué lors de l'entretien préalable, comme le révèle la convocation circonstanciée à l'entretien préalable, et, d'autre part, ce reproche ne peut pas constituer un motif de rupture pour faute grave. En l'état de leurs dernières écritures du 22 avril 2022 contenant appel incident, l'EARL [Localité 7] et l'EURL Ardèche bio ont sollicité : - confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Aubenas en date du 20 septembre 2019, en ce qu'il a débouté Mme [H] de l'intégralité de ses demandes et l'a condamné à régler la somme de 1200 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, - débouter Mme [H] de l'intégralité de ses demandes, - déclarer irrecevables comme étant des demandes nouvelles, les prétentions suivantes de Mme [H] - 203.10 euros à titre de rappel de salaire de septembre à février 2015 outre conges payés 3 853.79 euros à titre de rappel de salaire de décembre 2015 à décembre 2016, outre congés payés - 953.58 euros à titre de rappel de salaire de mars à mai 2015, outre congés payés - 629.30 euros à titre de rappel de salaire d'août à novembre 2015, outre congés payés - 91.81 euros à titre de rappel de salaire de janvier à mars 2017, outre congés payés - 1 700.00 euros au titre d'indemnité de requalification s'agissant du contrat d'août 2015, l'ayant liée à l'EARL [Localité 7] - 1 900.00 € au titre d'indemnité de requalification au titre du contrat de décembre 2015, l'ayant liée à Ardèche bio - 1 900.00 € à titre d'indemnité de requalification s'agissant du contrat du 1er janvier 2017 l'ayant liée à [Localité 7] - 1 600.00 euros à titre d'indemnité pour inobservation de la procédure de licenciement - 1 686.69 euros outre congés payés à titre d'indemnité de préavis - 50.60 euros au titre de la prime d'ancienneté - 2 300.00 euros au titre de l'indemnité pour licenciement abusif - 1 800.00 euros à titre d'indemnité pour inobservation de la procédure de licenciement - 1 819.52 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre congés payés - 54.59 euros brut au titre de la prime d'ancienneté - 394.23 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement - 6 600.00 euros au titre de l'indemnité pour licenciement abusif. - Retenant que le comportement de Mme [H] justifiait son licenciement pour faute grave par l'EARL [Localité 7] - Retenant qu'il n'y a pas lieu de requalifier les relations contractuelles - Retenant que l'absence de continuité des contrats de travail ne permet pas à Mme [H] de réclamer une prime d'ancienneté - Retenant que le caractère saisonnier de la relation contractuelle ne lui permet pas de bénéficier des dispositions relatives à la mensualisation - déclarer recevable l'appel incident de la société Ardèche bio et le déclarer bien fondé, -condamner Mme [H] à rembourser les sommes suivantes aux deux intimés : - 802.82 euros au titre du mois de mai 2016 - 704.52 euros au titre du mois d'ao0t 2016 - 792.99 euros au titre du mois de septembre 2016 - 230.03 euros au titre des congés payés afférents En tout état de cause -condamner Mme [H] à régler aux intimés la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile - la condamner aux dépens avec distraction au profit de Me [E] dans son affirmation de droit. L'EARL [Localité 7] et l'EURL Ardèche bio font valoir que : - sur l'irrecevabilité des demandes nouvelles: - les demandes de rappel de salaire concernant Ardèche bio ne sont pas les mêmes dans la requête introductive d'instance et dans les nouvelles conclusions. En tout état de cause, si les demandes de rappel de salaire étaient recevables, les heures de travail ont été payées à la salariée en fonction des heures qu'elle a elle-même comptabilisées. - les demandes de requalification sont nouvelles par rapport à celles initialement formulées lors de la saisine du conseil de prud'hommes . - s'agissant du rejet de la demande de requalification des contrats de travail : elles étaient liées à la salariée par des contrats saisonniers successifs, séparés par des périodes de carence. Elles précisent qu'il ne s'agit pas, sous couvert de contrats saisonniers de faire occuper par la salariée un poste permanent dans l'entreprise. Les contrats n'ont pas été détournés de leur objet. - sur le bien fondé du licenciement : la salariée a amené son chien sur le lieu de travail, ce qui contrevenait aux consignes d'hygiène et de sécurité. - sur le prétendu harcèlement moral émanant d'un autre salarié et le manquement à l'obligation de sécurité : les sociétés expliquent avoir respecté la réglementation dès qu'elles ont eu connaissance d'un harcèlement à l'égard de Mme [H] par M. [K]. Elles ajoutent cependant que les torts entre les deux salariés étaient partagés. - sur l'absence de nullité du licenciement : les sociétés soulignent que la lettre de licenciement de Mme [H] ne contient aucun grief concernant les faits de harcèlement moral qu'elle a dénoncés. Elles ajoutent que ce n'est pas le motif du licenciement qui résulte des actes d'insubordination. - sur la prime d'ancienneté : les sociétés soutiennent que la salariée ayant renoncé à la demande formée initialement, de paiement des salaires pour les périodes interstitielles séparant deux contrats, ses demandes relatives au paiement d'une prime d'ancienneté sont dénuées de fondement. Elles ajoutent que la salariée reçoit également d'autres primes, dont certaines sont versées en fonction du résultat de l'employeur. - sur le paiement du salaire du mois de février 2016 à hauteur de 1600 euros et la demande reconventionnelle : les sociétés expliquent que la salariée a été payée à hauteur de ses heures de présence. - sur le bénéfice de la mensualisation : les sociétés font valoir que les dispositions des règles de mensualisation ne s'appliquent pas aux contrats saisonniers. - sur l'appel incident : elles sollicitent le remboursement des sommes qu'elles ont versées à Mme [H] en exécution de la décision du bureau des référés du conseil de prud'hommes. Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures. Par ordonnance en date du 16 mai 2022 , le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 25 août 2022. Sur la recevabilité des demandes Il est constant que la requête initiale a été formée après la disparition du principe d'unicité de l'instance, de sorte que les demandes nouvelles doivent, pour être recevables, se rattacher aux prétentions originaires par un lien suffisant, conformément aux dispositions de l'article 70 du code de procédure civile. Dans sa requête initiale, Mme [V] [H] sollicitait une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, une indemnité légale de licenciement, un rappel de salaire pour le mois de février 2016, des rappels de salaire pour la période de mars 2014 à mars 2017, des indemnités de congés payés afférents à cette période, une prime d'ancienneté pour la période de mars 2014 à mars 2017 et des congés payés afférents. Elle formait encore une demande de requalification de contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée. Si la demande au titre de la période de mars 2014 à mars 2017 concernait uniquement les périodes interstitielles et si dans ses conclusions ultérieures Mme [V] [H] ne réclamait plus de sommes à ce titre mais le paiement de salaires sur d'autres périodes, au titre du non respect de la règle de la mensualisation, ces demandes présentent un lien suffisant avec les prétentions originaires dans la mesure où il s'agit dans l'un et l'autre cas de rappels de salaire réclamés à l'employeur, quel que soit le fondement de la demande. Les demandes de paiement d'indemnités de requalification pour des contrats précis se rattachent bien par un lien suffisant aux prétentions originaires visant à la requalification de l'ensemble des deux relations contractuelles. Enfin, il en est de même des demandes relatives à l'échéance des contrats à durée déterminée analysée comme des licenciements abusifs avec la demande initiale d'indemnités de licenciement à l'égard des deux sociétés suite à la rupture anticipée du dernier contrat de travail à durée déterminée notifiée le 29 mars 2017. Il convient donc, par ces motifs ajoutés, de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit Mme [V] [H] recevable en ses demandes. Sur la prime d'ancienneté L'article 23 de la convention collective concernant les exploitations agricoles, les entreprises de travaux agricoles et les coopératives d'utilisation de matériel agricole de l'Ardèche du 20 décembre 1983 stipule qu'une prime d'ancienneté est attribuée aux salariés sous contrat de travail à durée déterminée ou indéterminée, après cinq ans de présence sur l'exploitation. Cette prime d'ancienneté est calculée sur la base du salaire brut mensuel correspondant aux heures de travail réellement accomplies, heures supplémentaires comprises, à raison de "3% après 5 ans de présence sur l'exploitation". Ni la convention collective, ni la loi ne fixent de condition tenant à l'existence d'une clause de reconduction. Si l'article L. 1244-2 du code du travail vise la "clause de reconduction", il n'en fait pas une condition d'application s'agissant du calcul de l'ancienneté. Le fait que Mme [V] [H] ait renoncé à sa demande de paiement des salaires au titre des périodes interstitielles et qu'elle ait perçu d'autres primes, dont certaines en fonction du résultat de l'employeur, ne saurait la priver du règlement de la prime d'ancienneté. Enfin, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, la convention collective ne prévoit pas de "continuité de service" pendant cinq ans mais une "présence sur l'exploitation" qui, après cinq ans, ouvre droit au paiement de la prime d'ancienneté. Or, en l'espèce, Mme [V] [H] démontre un temps de présence au sein des exploitations de 6,97 années pour l'EARL [Localité 7] et de 7,74 années pour l'EURL Ardèche bio. Le jugement sera donc infirmé et il sera fait droit à la demande de paiement des primes d'ancienneté dans les termes du dispositif du présent arrêt. Sur les rappels de salaires Mme [V] [H] ne fonde pas sa demande sur le non respect des règles de mensualisation, ni sur l'existence du nombre d'heures travaillées dont le régime probatoire est prévu par l'article L. 3171-4 du code du travail mais sur l'absence de rémunération des heures convenues au contrat de travail. Or, il appartient à l'employeur de fournir du travail au salarié, conformément aux dispositions contractuelles et de justifier du paiement du salaire. Il lui revient également d'apporter la preuve que le salarié ne se serait pas tenu à sa disposition. Les décomptes manuscrits produits par les intimées dans le cadre de leurs seules conclusions du 22 avril 2022 devant cette cour ne présentent aucune valeur probante. Outre qu'ils ne sont pas signés et qu'ils indiquent simplement "[V]", ils ne démontrent pas que la salariée ne se serait pas tenue à la disposition de ses employeurs pour être privée d'une partie de sa rémunération. Au contraire, la lecture de ces décomptes montre que la salariée a effectué des temps complets mais que l'employeur a unilatéralement soustrait des heures sans que la cour puisse y comprendre quelque chose. En outre, les deux attestations de collègues de travail produites pour tenter de démontrer que la salariée ne se serait pas présentée à son poste de travail en 2016 ne sont pas précises, ne comportent aucune date, sont écrites dans des termes quasiment identiques, rédigées à deux jours d'intervalle en juillet 2017. En outre, l'une d'entre elles a été établie par M. [K] qui sera plus tard condamné pour des faits de harcèlement moral et sexuel à l'égard de l'appelante. Force est donc de constater que les intimées ne justifient nullement les absences prétendues de leur salariée. Ainsi, les sociétés employeurs qui n'ont pas fourni les heures de travail contractuellement prévues et ne rapportent pas la preuve que la salariée ne se serait pas tenue à leur disposition, sont redevables des rappels de salaires réclamés par l'appelante correspondant aux salaires contractuellement dus. Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il débouté Mme [V] [H] de l'ensemble de ses demandes à ce titre mais confirmé en ce qu'il a débouté l'EURL Ardèche bio de sa demande reconventionnelle en remboursement des provisions accordées par l'ordonnance de référé du 13 juillet 2017. Sur la requalification des contrats de travail à durée déterminée en contrats de travail à durée indéterminée - S'agissant de la relation de travail du 20 août au 30 novembre 2015 avec l'EARL [Localité 7] Elle n'a fait l'objet d'aucun contrat écrit. Or, en application de l'article L. 1242-12 du code du travail, est réputé à durée indéterminée le contrat conclu sans qu'un écrit ne soit établi. Il s'agit d'une présomption irréfragable et la seule constatation de l'absence d'écrit, quel que soit le secteur dans lequel le contrat est conclu, permet au salarié de solliciter la requalification en contrat de travail à durée indéterminée. Ainsi, l'employeur ne peut en l'espèce opposer la saisonnalité de la cueillette des kiwis et des pommes. Le jugement sera donc infirmé et il sera fait droit à la requalification de ce contrat. - S'agissant de la relation de travail du 2 décembre 2015 au 31 décembre 2016 avec l'EURL Ardèche bio L'article L.1242-1 du code du travail dispose que « un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise ». Aux termes de l'article L. 1242-2 « Sous réserve des dispositions de l'article L. 1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas suivants 1o Remplacement d'un salarié en cas : a) D'absence ; b) De passage provisoire à temps partiel, conclu par avenant à son contrat de travail ou par échange écrit entre ce salarié et son employeur ; c) De suspension de son contrat de travail ; d) De départ définitif précédant la suppression de son poste de travail après consultation du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, s'il en existe ; e) D'attente de l'entrée en service effective du salarié recruté par contrat à durée indéterminée appelé à le remplacer ; 2o Accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise ; 3o Emplois à caractère saisonnier, dont les tâches sont appelées à se répéter chaque année selon une périodicité à peu près fixe, en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs ou emplois pour lesquels, dans certains secteurs d'activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois ; (...) En cas de litige sur le motif du recours à un contrat de travail à durée déterminée, il incombe à l'employeur de rapporter la preuve de la réalité du motif énoncé dans le contrat. Le "contrat de travail saisonnier à temps complet sans terme précis" par lequel Mme [V] [H] a été engagée pour exercer les fonctions d'ouvrière polyvalente indique "L'Eurl Ardèche Bio engage Madame [H] [V] pour la durée de la saison. Le présent contrat est conclu pour une durée minimale de 13 mois, à partir du 2 décembre 2015. Si la saison se prolongeait au-delà de cette durée, pour se terminer au plus tard le 31 décembre 2016, votre engagement se poursuivrait jusqu'à l'achèvement de la saison pour se finir avec elle. La date exacte d'achèvement de la saison sera portée à la connaissance du personnel huit jours à l'avance par note affichée dans l'établissement". Les intimées expliquent que l'EURL Ardèche bio effectue le conditionnement, le calibrage, l'emballage et la commercialisation des pommes et des kiwis produits par l'EARL [Localité 7] . Le fait que Mme [V] [H] occupait deux emplois, l'un consacré à la taille des arbres et cueillette des fruits et l'autre à leur commercialisation, conditionnement et emballage ne permet pas de déduire la réalité de l'emploi saisonnier à ce titre, contrairement à ce qui soutenu. Les intimées indiquent encore que les kiwis arrivent à maturité à l'été et sont récoltés entre octobre et novembre selon la douceur du climat tandis que les pommes sont récoltées d'août à octobre, selon la variété. Elles précisent encore que ces fruits se conservent assez longtemps, si bien que leur conditionnement peut se faire pendant une longue période, raison pour laquelle les contrats de travail pouvaient avoir une périodicité différente, selon la quantité de la récolte, ce qui a une incidence sur la charge de travail concernant leur conditionnement et leur commercialisation. Le caractère saisonnier de la cueillette des pommes et des kiwis n'est pas sérieusement contestable, s'agissant de tâches appelées à se répéter chaque année selon une périodicité à peu près fixe et directement en lien avec le rythme des saisons. En revanche, ces caractéristiques ne sont pas démontrées s'agissant des activités de la société Ardèche Bio consistant au conditionnement, calibrage, emballage et commercialisation de ces fruits. Selon le "détail des contrats souscrits", Mme [V] [H] a occupé un emploi auprès de Ardèche Bio comme suit : -du 2 décembre 2015 au 31 décembre 2016, -du 18 août 2014 au 28 février 2015, -du 6 août 2012 au 30 juin 2013, -du 1er février 2011 au 30 septembre 2011, -du 10 janvier 2010 au 30 août 2010, -du 6 janvier 2009 au 30 septembre 2009, -du 3 janvier 2008 au 30 juin 2008, -du 17 août 2007 au 28 décembre 2007, -du 15 janvier 2007 au 30 juin 2007, -du 4 janvier 2006 au 20 décembre 2006, -du 6 janvier 2005 au 30 juin 2005, -du 1er novembre 2004 au 24 décembre 2004, -du 1er mars 2004 au 31 mars 2004, Il ressort manifestement de ces éléments que les activités de la société Ardèche Bio se font tout au long de l'année, avec un échelonnement dans le temps lié à la longue conservation des fruits. Il s'agit donc d'une activité normale et permanente de l'entreprise et non d'une activité saisonnière. Ainsi, comme le soutient l'appelante, le contrat de travail du 2 décembre 2015 conclu pour une durée de 13 mois visait en réalité à pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise. Le contrat de travail a donc été conclu en méconnaissance des dispositions des articles L. 1242 - 1 et L. 1242 - 2 du code du travail, la requalification sollicitée est donc justifiée en application de l'article L. 1245-1. Le jugement sera infirmé encore sur ce point. - S'agissant de la relation de travail du 1er janvier au 29 mars 2017 avec l'EARL l'Iles des grandes jasses L'article L. 1242-13 du code du travail dispose que « le contrat de travail est transmis au salarié, au plus tard, dans les deux jours ouvrables suivant l'embauche », la transmission tardive du contrat de travail à durée déterminée pour signature équivaut à une absence d'écrit qui entraîne requalification de la relation en contrat de travail à durée indéterminée en application de l'article L. 1245-1 du même code, dans sa rédaction applicable en l'espèce. En l'espèce, le contrat débutait le 1er janvier 2017 et il n'a été remis au salarié que le 18 janvier 2017. Il encourt donc la requalification, le jugement étant également ici infirmé. Sur les indemnités de requalification Conformément à l'article L. 1245-2 du code du travail, lorsque le conseil de prud'hommes fait droit à la demande de requalification d'un contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée, il accorde au salarié une indemnité, à la charge de l'employeur, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire. L'indemnité ne peut être inférieure au dernier salaire mensuel perçu au sein de l'entreprise qui a conclu le contrat de travail à durée déterminée. Mme [V] [H] réclame trois indemnités de requalification. Toutefois, la salariée est réputée avoir occupé un emploi à durée indéterminée au sein de l'EARL [Localité 7] depuis le jour de son engagement par un contrat de travail à durée déterminée irrégulier. Elle ne peut donc réclamer qu'une seule indemnité de requalification à cette entreprise. Il convient donc de fixer les indemnités de requalification à hauteur de 1788,77 euros à l'égard de l'EARL [Localité 7] et de 1814,08 euros à l'égard de l'EURL Ardèche bio. Sur la rupture des contrats de travail - Concernant l'EURL Ardèche bio L'attestation destinée à Pôle emploi et le reçu pour solde de tout compte font mention d'une fin d'activité au 31 décembre 2016. Cette rupture s'analyse en un licenciement compte tenu de la requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée. En l'absence de respect de la procédure de licenciement, ce dernier est dénué de cause réelle et sérieuse. Mme [V] [H] a donc droit aux indemnités découlant d'un tel licenciement. Au 31 décembre 2016, Mme [V] [H] avait 13 mois d'ancienneté. En application de l'article L. 1235-5 du code du travail, dans sa rédaction applicable en l'espèce, les dommages et intérêts sont évalués en fonction du préjudice subi. La cour estime à 500 euros l'indemnité à même de réparer intégralement le préjudice subi, l'appelante ne produisant aucun élément permettant de lui accorder la somme réclamée. Mme [V] [H] a également droit à une indemnité légale de licenciement qui sera fixée à la somme de 394,23 euros, outre une indemnité compensatrice de préavis de 1819,52 euros bruts et 181,95 euros au titre des congés payés afférents. Cependant, Mme [V] [H] ne démontre ni même n'allègue aucun préjudice résultant du non-respect de la procédure de licenciement. La demande d'indemnité à hauteur de 1800 euros nets au titre de l'inobservation de la procédure de licenciement doit donc être rejetée. Le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu'il a débouté Mme [V] [H] de l'ensemble de ses demandes au titre de la rupture contractuelle. - Concernant l'EARL [Localité 7] La relation contractuelle a pris fin le 29 mars 2017. Il sera rappelé que la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. La charge de la preuve de la gravité de la faute privative des indemnités de préavis et de licenciement incombe à l'employeur débiteur qui prétend en être libéré. La lettre de rupture pour faute grave est ainsi rédigée : "Pour faire suite à l'entretien préalable que nous avons eu le 22 mars 2017. J'ai le regret de mettre fin à votre contrat de taille de fruitiers, peu de temps avant la fin de celui-ci. Ainsi que je vous l'ai exposé les motifs sont : insubordination. Je vous ai expliqué que le haut des pommiers était le seul endroit qui ne pouvait être taillé mécaniquement. Je vous ai donc demandé de tailler le haut des arbres depuis l'automotrice de taille. Chaque matin, si je suis absent pour vous rappeler la consigne, vous effectuez la taille du bas des arbres. Vous faites monter votre chien sur l'automotrice alors que je vous l'ai interdit, ceci à plusieurs reprises. Vous refusez de prendre le temps de pose avec les autres salariés, ce qui est néfaste à votre santé et induit un climat détestable au sein de l'entreprise. Je vous précise à cet égard qu'en raison de la gravité des faits vous étant reprochés, le salaire correspondant à la période pendant laquelle vous avez fait l'objet d'une mise à pied à titre conservatoire ne vous sera pas versé. (...). Par courrier du 20 décembre 2016, l'employeur indiquait déjà à sa salariée : "le 8 décembre 2016, je vous ai dit qu'il était interdit qu'un chien, en l'occurrence le vôtre, soit dans les locaux d'emballage. Le 9 décembre 2016, je trouve votre chien couché sur la calibreuse, à côté de vous. Je ne peux tolérer que vous passiez outre à une règle d'hygiène. Ainsi je suis au regret de vous notifier un avertissement pour votre comportement. J'espère pouvoir compter sur vous pour que de tels faits ne se reproduisent pas à l'avenir." Le 20 décembre 2016, la salariée reconnaissait que son chien était couché sur la calibreuse, rectifiant seulement la date (13 décembre au lieu du 9 décembre). Par lettre du 16 mars 2017, l'employeur reprochait encore à sa salariée "le 14 mars 2017, vous avez eu un comportement que je ne peux admettre. Je vous ai donné comme consigne de tailler le haut des pommiers depuis l'automotrice de taille. Je vous ai interdit de faire monter votre chien sur l'automotrice, il entrave la circulation sur celle-ci, c'est dangereux, ce n'est pas sa place. Le 15 mars au matin, je vous ai rappelé la consigne, à 10 h, je repasse et je trouve votre chien royalement installé, sur votre veste, sur l'automotrice". Cette situation est confirmée par les attestations produites aux débats par l'intimée, étant relevé qu'elles sont conformes aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile et ne sauraient être écartées du seul fait qu'il existe un lien de subordination entre les témoins et l'employeur, l'article 199 du code de procédure civile exigeant comme seule condition pour apprécier la qualité de l'auteur de l'attestation, la connaissance personnelle des faits, ce qui est le cas en l'espèce. Mme [T] [N] déclare ainsi « suite à la visite de l'inspection du travail, Mr [C] [A] a dit qu'il n'était plus possible de tolérer la présence du chien de Mme [H] [V] dans le hangar (par mesure d'hygiène) et sur l'automotrice (par mesure de sécurité). A partir de ce jour, Mme [H] [V] n'a plus rien fait, n'a pas respecté les horaires, a même saboté le travail, ne faisant que ce qu'elle avait envie. Le lendemain, elle s'entêtait à faire à nouveau rentrer son chien pour je cite "tester Mr [C] [A]". Elle se vantait qu'elle cherchait à se faire licencier (...) ». M. [M] indique quant à lui "Monsieur [C] nous dit qu'il était urgent de tailler le haut des arbres du haut de l'automotrice et de ne pas tailler la partie basse, car il pouvait le faire mécaniquement. Il a aussi interdit à Madame [H] de faire monter son chien sur l'automotrice. Mme [H] ne suit pas les consignes de Monsieur [C], si elle taille du haut de l'automotrice, elle fait monter son chien, sinon elle va tailler le bas des arbres. Le 15 mars 2017 Monsieur [C] lui redit de tailler le haut des arbres et pas de chien sur l'automotrice. En milieu de matinée je lui dit qu'il vaudrait mieux qu'elle fasse descendre son chien de l'automotrice. Elle ne m'écoute pas. Peu de temps après Mr [C] passa et trouva le chien sur l'automotrice." Mme [V] [H] produit l'attestation de M. [R] [Y] qui déclare que Madame [N] emmenait son chien sur le lieu de travail en 2011, 2012 et 2013 avec l'accord de l'employeur. Or celle-ci, par attestation du 8 octobre 2017 indique n'avoir amené son chien sur son lieu de travail uniquement les hivers 2010/2011 et 2011/2012, certains après-midi. Le fait en tout état de cause que l'employeur ait pu dans les années précédentes ne pas « contester » ou « se plaindre » de la présence de chiens, comme le relèvent M. [U] [F] et M. [B] [O] [Z], n'empêche pas celui-ci, dans le cadre de son pouvoir de direction, de fixer de nouvelles consignes d'hygiène et de sécurité, notamment en l'espèce, à la suite de la visite de l'inspecteur du travail au début du mois de décembre 2016. Or, manifestement, la salariée ne respectait pas volontairement les consignes données et répétées, tant en ce qui concerne la taille des arbres qu'en ce qui concerne la présence de son chien, ce qui constituait une faute suffisamment grave et rendait impossible son maintien dans l'entreprise. Au vu de l'ensemble de ces éléments et par motifs ajoutés, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme [V] [H] de sa demande au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Sur le harcèlement moral et le manquement à l'obligation de sécurité Les faits de harcèlement moral et sexuel de M. [K] à l'égard de Mme [H] ont été admis par cette cour dans un arrêt du 29 juin 2021, confirmant la condamnation de celui-ci en première instance à 5000 euros de dommages et intérêts. Il n'y a donc pas lieu d'y revenir, seule étant en débat la question du manquement par l'employeur à son obligation de prévention et de sécurité. Les éléments produits ne permettent pas de confirmer que l'employeur était informé de ces faits avant le mois de novembre 2016. Or, après s'être entretenu avec les deux salariés et avoir recueilli des informations, il a adressé à M. [K] un avertissement le 12 décembre 2016 en ces termes "je vous demande donc de cesser immédiatement votre comportement. Une telle attitude est inacceptable et intolérable au sein de mon entreprise. Je ne peux tolérer de tels faits et compte tenu de la gravité des faits reprochés, la présente constitue un avertissement qui sera versé à votre dossier personnel. J'espère pouvoir compter sur vous pour que de tels faits ne se renouvellent pas à l'avenir". L'employeur n'était pas obligé de procéder au licenciement de M. [K]. En effet, l'obligation qui lui est faite de prendre toutes les dispositions nécessaires en vue de prévenir ou de faire cesser les agissements de harcèlement n'implique pas par elle-même la rupture immédiate du contrat de travail d'un salarié à l'origine d'une situation susceptible de caractériser des faits de harcèlement. Au demeurant, l'appelante ne fait état d'aucun fait qui aurait été commis postérieurement à la réception de l'avertissement. Il convient donc, par ces motifs en partie substitués, de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté Mme [V] [H] de sa demande de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de prévention et de sécurité. Sur les dépens et les frais irrépétibles Le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné Mme [V] [H] à payer 1200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens. Les dépens de première instance et d'appel seront mis à la charge des intimées mais l'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de l'appelante. PAR CES MOTIFS Par arrêt contradictoire, rendu publiquement en dernier ressort -Confirme le jugement rendu le 20 septembre 2019 par le conseil de prud'hommes de Nîmes en ce qu'il a déclaré Mme [V] [H] recevable en ces demandes, débouté Mme [V] [H] de sa demande au titre de la rupture contractuelle du 29 mars 2017 et au titre du manquement à l'obligation de sécurité, débouté l'EURL Ardèche bio de sa demande reconventionnelle en remboursement des sommes allouées à Mme [V] [H] par ordonnance de référé du 13 juillet 2017, condamné Mme [V] [H] aux dépens -L'infirme pour le surplus, -Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés : -Condamne l'EURL Ardèche bio à payer à Mme [V] [H] les sommes de - 308,63 euros bruts au titre de la prime d'ancienneté de septembre 2014 à février 2015, - 572,37 euros bruts au titre de la prime d'ancienneté de décembre 2015 à décembre 2016, - 3 676,42 euros bruts au titre du rappel de salaires de février, mai, août et septembre 2016, - 367,64 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés y afférente, - 110,29 euros bruts au titre de la prime d'ancienneté y afférente, - Condamne l'EARL [Localité 7] à payer à Mme [V] [H] les sommes de : - 120,59 euros bruts au titre de la prime d'ancienneté de mars à mai 2015, - 156,53 euros bruts au titre de la prime d'ancienneté d'août à novembre 2015, - 130,42 euros bruts au titre de la prime d'ancienneté de janvier à mars 2017. - 580,80 euros bruts au titre du rappel de salaire de novembre 2015, - 58,08 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés y afférente, - 17,42 euros bruts au titre de la prime d'ancienneté y afférente, -Requalifie en contrats de travail à durée indéterminée les contrats de travail à durée déterminée : - du 20 août au 30 novembre 2015 avec l'EARL [Localité 7] , - du 2 décembre 2015 au 31 décembre 2016 avec l'EURL Ardèche bio , - du 1er janvier au 29 mars 2017 avec l'EARL [Localité 7] , - Condamne l'EARL [Localité 7] à payer à Mme [V] [H] au titre du contrat du 20 août au 30 novembre 2015 la somme de : - 48,50 euros bruts au titre du rappel de salaire relatif à la mensualisation, - 1,45 euros bruts au titre de la prime d'ancienneté y afférente, - Condamne l'EURL Ardèche bio à payer à Mme [V] [H] au titre du contrat du 2 décembre 2015 au 31 décembre 2016 les sommes de : - 177,37 euros bruts au titre du rappel de salaire relatif à la mensualisation, - 5,32 euros bruts au titre de la prime d'ancienneté y afférente, - 1 814,08 euros nets au titre de l'indemnité de requalification, - 1 819,52 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, - 181,95 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés y afférente, - 394,23 euros nets au titre de l'indemnité légale de licenciement, - 500 euros nets au titre de l'indemnité pour licenciement abusif, - Condamne l'EARL l'Iles des grandes jasses à payer à Mme [V] [H] au titre du contrat du 1er janvier au 29 mars 2017 la somme de : - 91,81 euros bruts au titre du rappel de salaire relatif à la mensualisation, - 2,75 euros bruts au titre de la prime d'ancienneté y afférente, - 1788,77 euros nets au titre de l'indemnité de requalification, -Rejette le surplus des demandes, - Rappelle que les intérêts au taux légal courent sur les sommes à caractère salarial à compter de la réception par l'employeur de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation, et à défaut de demande initiale, à compter de la date à laquelle ces sommes ont été réclamées, que s'agissant des créances salariales à venir au moment de la demande, les intérêts moratoires courent à compter de chaque échéance devenue exigible, et qu'ils courent sur les sommes à caractère indemnitaire, à compter du jugement déféré sur le montant de la somme allouée par les premiers juges et à compter du présent arrêt pour le surplus ; - Dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, - Condamne in solidum l'EARL [Localité 7] et l'EURL Ardèche bio aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. Arrêt signé par le président et par la greffiere. LE GREFFIER, PRÉSIDENT,
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No RG 19/04221 - No Portalis DBVH-V-B7D-HRHP CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'ORANGE 02 octobre 2019 RG :F 18/00144 S.A. ORANO DS DEMANTELEMENT ET SERVICES COUR D'APPEL DE NÎMES CHAMBRE CIVILE 5ème chambre sociale PH ARRÊT DU 15 NOVEMBRE 2022 APPELANTE : SA ORANO DS DEMANTELEMENT ET SERVICES [Adresse 2] [Localité 5] Représentée par Me Vincent VINOT de la SELARL SYNAPSE AVOCATS, avocat au barreau de NIMES Représentée par Me Sylvie SERGENT de la SCP DELRAN-BARGETON DYENS-SERGENT- ALCALDE, avocat au barreau de NIMES Monsieur [Y] [C] né le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 6] [Adresse 3] [Localité 4] Représenté par Me Romain LEONARD, avocat au barreau de NIMES ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 18 Août 2022 COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS : Monsieur Michel SORIANO, Conseiller, a entendu les plaidoiries, en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré. COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président M. Michel SORIANO, Conseiller Madame Leila REMILI, Conseillère GREFFIER : Mme Emmanuelle BERGERAS, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision A l'audience publique du 01 Septembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 15 Novembre 2022. Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel. Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 15 Novembre 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES : M. [Y] [C] a été engagé par la société STMI (Société de Travaux en Milieu Ionisant) à compter du 24 septembre 1979 suivant contrat à durée indéterminée à temps complet, en qualité de technicien de niveau II, échelon 3 et coefficient 240. Il exerçait ses fonctions sur le site Areva NC de [Localité 7]. En 2018, la société STMI changeait de dénomination et absorbait les sociétés Amalis, MSIS Assistance et Polinorsud l'entité se dénommant désormais la SA Orano Démantèlement et Services (ODS). En juin 2014, la société Orano DS décidait de transférer définitivement à la société Amalis l'ensemble des activités réalisées sur le site de [Localité 7]. Elle procédait donc au reclassement des 44 salariés présents sur le site. Certains d'entre eux sont transférés à la société Amalis et les autres sont reclassés sur le site de Marcoule. M. [C] n'était pas transféré. En janvier 2014, M. [C] est reconnu travailleur handicapé. À partir de février 2014, M. [C] est régulièrement placé en arrêt maladie. Le 01 novembre 2017, il est placé en invalidité catégorie II. Le 06 novembre 2017, il est déclaré inapte définitivement à son poste de travail par la médecine du travail. Par lettre en date du 08 décembre 2017, la société Orano DS convoquait M. [C] à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement, fixé le 15 décembre 2017. Par lettre en date du 18 décembre 2017, la société Orano DS notifiait à M. [C] son licenciement pour inaptitude médicale et impossibilité de reclassement. Contestant la légitimité de la mesure prise à son encontre, le 08 août 2018, M.[C] saisissait le conseil de prud'hommes d'Orange en paiement d'indemnités de rupture et de diverses sommes, lequel, par jugement contradictoire du 2 octobre 2019, a : - fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire à la somme de 2429,36 euros bruts - condamné la SA Orano Demantèlement et Services à payer à M. [C] [Y] la somme de 29148 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat - dit qu'à défaut de règlement spontané, l'exécution devra être réalisée par huissier dont les frais devront être supportés par la SAS Orano Demantèlement et Services - condamné la SA Orano Demantèlement et Services à payer à M. [C] [Y] la somme de 800 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile - débouté les parties du surplus de leurs demandes - ordonné l'exécution provisoire - condamné la SA Orano Demantèlement et Services aux entiers dépens de l'instance. Par acte du 31 octobre 2019, la société Orano Demantèlement et Services a régulièrement interjeté appel de cette décision. Aux termes de ses dernières conclusions en date du 30 juillet 2020, elle demande à la cour de : A titre principal : - infirmer la décision de première instance en ce qu'elle l'a condamnée à payer à M. [C] la somme de 29148 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail, - dire et juger que la demande de M. [C] est irrecevable au titre de l'exécution fautive du contrat de travail parce que couverte par la prescription, - débouter en tout état de cause M. [Y] [C] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions. A titre reconventionnel : - condamner M. [C] à lui payer une indemnité de 3200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à assumer les entiers dépens de première instance et d'appel. Elle soutient que : - la demande de M. [C] au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail est prescrite. Le délai de prescription ne commence pas à courir à compter du licenciement comme l'a retenu le conseil mais à compter de l'arrêt maladie du 14 juin 2015 de M. [C] puisque ce dernier considère que sa maladie est l'une des premières conséquences des manquements de l'employeur. M. [C] disposait d'un délai jusqu'au 14 juin 2017 pour faire valoir sa demande au titre de l'exécution déloyale, or il a saisi le conseil de prud'hommes le 8 août 2018. - la demande de M. [C] au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail est en tout état de cause infondée car il ne saurait lui être fait grief d'avoir tenu compte des restrictions médicales pour limiter les fonctions de M. [C] à des tâches essentiellement administratives, s'agissant d'un aménagement de poste imposé dans le cadre d'une aptitude avec réserves, et non d'une inaptitude. Le salarié n'a fait l'objet d'aucune mise à l'écart, comme le démontrent les éléments versés aux débats. - M. [C] ne démontre pas en quoi sa dépression est en lien avec sa situation dans l'entreprise. - le témoignage de M. [U] [R], l'étude comparative des rémunérations qui avait été soumise à M.[C] et l'aveu judiciaire de ce dernier démontrent que le salarié avait refusé d'être affecté sur le site de Marcoule. - M. [C] ne saurait remettre en cause le caractère non professionnel de son inaptitude car ses arrêts de travail étaient d'origine non professionnelle et il n'a pas entendu contester l'avis du médecin du travail ni solliciter que soit reconnu le caractère professionnel de son affection. - le salarié ne prouve pas en quoi elle aurait commis une faute dans l'exécution du contrat de travail. Elle a géré la situation d'aptitude avec réserves de M. [C], conformément aux préconisations médicales qui s'imposaient à elle. Le fait qu'elle n'ait pas immédiatement trouvé une solution pérenne à la situation du salarié ne saurait être source de reproche, alors même que le salarié était par périodes en maladie, ce qui rendait toute solution pérenne plus difficile. En l'état de ses dernières écritures en date du 30 avril 2020, contenant appel incident , M. [Y] [C] demande à la cour de : - confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit et jugé que la société Orano DS, anciennement STMI, a exécuté de manière fautive le contrat de travail, - confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Orano DS au paiement de la somme de 29148 euros de dommages et intérêts au titre de l'exécution fautive du contrat de travail, - confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Orano DS au paiement de la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance, - réformer le jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de sa demande de requalification du licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse, - réformer le jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, - réformer le jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de sa demande d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés sur préavis, Statuant à nouveau, - condamner la société Orano DS au paiement de la somme de 48 587 euros de dommages et intérêts nets de toutes charges sociales de quelque nature que ce soit au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, - condamner la société Orano DS au paiement de la somme de 4858.72 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, - condamner la société Orano DS au paiement de la somme de 485.87 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis, - dire et juger qu'à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées dans le jugement à intervenir, l'exécution forcée devra être réalisée par l'intermédiaire d'un huissier et le montant des sommes de l'article 10 du décret du 8 mars 2001 portant modification du décret du 12 décembre 1996 no 96/1080 (tarif des huissiers) devra être supporté par le débiteur en sus de l'application de l'article 700 du code de procédure civile, - condamner la société Orano DS au paiement de la somme de 3600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel. Il fait valoir que : - son employeur a exécuté de manière déloyale le contrat de travail qui les liait, et ce jusqu'à son terme. Cette déloyauté s'est matérialisée par le fait que la société Orano DS a refusé de procéder au transfert de son contrat de travail, il a dû rester sur le site de [Localité 7], sans activité, alors que tous les autres salariés de la structure avaient été transférés sur le site de Marcoule. Ce refus l'a conduit à une « mise au placard » qui a eu un impact sur son état de santé. - la société Orano DS avait la possibilité de l'affecter sur le site de Marcoule (celui sur lequel ses collègues de travail on été reclassés en 2014), mais elle ne l'a jamais fait jusqu'à ce qu'il soit déclaré inapte et en invalidité. C'est suite à son licenciement, par lettre du 19 décembre 2017, que la société Orano lui annonçait qu'il était affecté aux équipes de la direction des opérations sur le site de Marcoule. Ce courrier confirme que l'employeur aurait pu, s'il avait exécuté loyalement le contrat de travail, l'affecter sur le site de Marcoule. - du fait de la déloyauté de la société Orano, qui s'est poursuivie postérieurement à la rupture du contrat de travail, la prescription ne peut lui être opposée qu'à compter du 19 décembre 2017, date à laquelle il a eu réellement connaissance du manquement de l'employeur. - la société Orano DS ne produit aucun justificatif de son refus d'être affecté sur le site de Marcoule et n'apporte pas la preuve de la proposition de reclassement. - son inaptitude résulte d'une faute de son employeur. Elle trouve sa cause dans sa « mise au placard » qu'il a subie de juillet 2014 au terme de son contrat de travail. Cette « mise au placard » a eu pour conséquence d'aggraver son état de santé. Dûment informée de la fragilité de son état de santé, la société Orano DS aurait donc dû faire preuve de précaution à son égard et ne pas le placer dans une situation ayant pour conséquence d'aggraver son état de santé mentale. Il ressort du suivi de la médecine du travail que la privation réitérée de travail imposée par l'employeur a indéniablement dégradé son état de santé. De ce fait, son licenciement doit être requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse. Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures. Par ordonnance en date du 30 mai 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 18 août 2022. L'affaire a été appelée à l'audience du 01 septembre 2022. Sur la demande au titre de l'exécution du contrat de travail Aux termes de l'article L.1222-1 du code du travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi. Il en résulte qu'un salarié peut engager la responsabilité contractuelle de son employeur lorsque ce dernier a manqué à son obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail. La bonne foi contractuelle étant présumée, il incombe au salarié de rapporter la preuve que les faits qu'il allègue sont exclusifs de la bonne foi contractuelle. Dès lors qu'un salarié recherche la responsabilité de son employeur pour exécution déloyale du contrat de travail, il lui incombe de préciser et d'établir les griefs au soutien de sa prétention d'une part et de prouver le préjudice qui en est résulté d'autre part. L'employeur soulève la prescription des demandes présentées à ce titre. L'article L.1471-1 du code du travail dispose : « Toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit. » M. [C] reproche à l'employeur sa "mise au placard" à compter de 2014 : il indique avoir été privé de toute activité et mis à l'écart de l'ensemble des salariés avec lesquels il a travaillé de nombreuses années. Il n'est pas contestable que le salarié a été placé en arrêt maladie à compter du 14 juin 2015 jusqu'à la rupture du contrat de travail pour inaptitude et impossibilité de reclassement. Il en résulte que l'exécution du contrat de travail liant les parties a été suspendue à compter du 14 juin 2015. En effet, pendant la période de suspension, les obligations contractuelles des parties sont également suspendues . Il appartient en conséquence au salarié de rapporter la preuve d'actes déloyaux de l'employeur pendant la suspension du contrat de travail ou de démontrer qu'il a eu connaissance des faits lui permettant d'exercer son droit dans les deux années précédant la saisine du conseil de prud'hommes. La révélation suppose que soient remis au salarié des éléments probants soit par une autorité tierce et objective, telle que l'inspection du travail , soit par l'employeur. M. [C] soutient avoir eu réellement connaissance du caractère fautif et déloyal de l'attitude de la société ODS lorsqu'il a reçu la lettre RAR du 19 décembre 2017 l'informant de son affectation à Marcoule ; ce courrier confirmant que l'employeur aurait pu, s'il avait exécuté loyalement le contrat de travail, l'affecter sur le site de Marcoule comme l'ont été tous ses collègues de travail. M. [C] soutient en page 12 de ses écritures que la déloyauté de l'employeur s'est matérialisée par une "mise au placard" puisqu'il est resté sur le site de [Localité 7] sans activité (la société ODS n'ayant elle-même plus d'activité sur ce site) alors que tous les autres salariés avaient été transférés sur le site de Marcoule. L'appelant se fonde ainsi sur les conséquences du transfert de tous les salariés sauf lui sur le site de Marcoule et non sur le transfert en lui-même, de sorte qu'il disposait de tous les éléments permettant d'invoquer les griefs tenant à sa mise au placard et à l'absence de toute activité, et ce jusqu'au 14 juin 2015, date à laquelle il a fait l'objet d'un arrêt de travail pour cause de maladie. Le contrat de travail étant par la suite suspendu jusqu'à sa rupture (M. [C] ayant été licencié sans avoir repris ses fonctions), le point de départ du délai de prescription court à compter du 14 juin 2015 jusqu'au 14 juin 2017. M. [C] ayant saisi le conseil de prud'hommes par requête du 25 juillet 2018, son action fondée sur l'exécution déloyale du contrat de travail se trouve prescrite. Le jugement querellé sera réformé en ce sens. Sur le licenciement M. [C] soutient que son inaptitude physique est la conséquence des agissements fautifs de l'employeur, lesquels n'ont pas été abordés tenant la prescription des demandes présentées à ce titre. Il est constant que si l'inaptitude médicalement constatée d'un salarié trouve son origine dans un ou plusieurs manquements de l'employeur à son obligation de sécurité, le licenciement intervenu pour inaptitude et impossibilité de reclassement est sans cause réelle et sérieuse. L'inaptitude physique ne peut en effet légitimer un licenciement lorsqu'elle résulte d'un manquement de l'employeur à son obligation générale de sécurité. En l'espèce, M. [C] produit de nombreuses pièces médicales dont la lecture ne permet en aucun cas de retenir un quelconque lien entre l'inaptitude du salarié et la relation de travail ou un manquement de l'employeur à ses obligations contractuelles. La cour relève en effet que le salarié a été reconnu travailleur handicapé au mois de janvier 2014 et que ses arrêts de travail ont débuté au mois de février 2014, soit antérieurement au transfert de l'activité et des salariés de la société intimée sur le site de Marcoule. En outre, le docteur [P] [X] indique le 24 octobre 2017 que M. [C] est suivi depuis plusieurs mois pour un état dépressif majeur, évoluant sur une personnalité fragile émotionnellement, laquelle était ainsi pré-existante à l'état dépressif constaté. La chronologie des pièces médicales montre que l'état de santé psychologique et/ou psychiatrique du salarié a évolué défavorablement à compter de sa reconnaissance de travailleur handicapé en janvier 2014, sans qu'un lien avec son activité professionnelle ne soit établi. Bien plus, il résulte des propres pièces produites par l'appelant que l'employeur a respecté les préconisations de la médecine du travail après les différents avis d'aptitude avec réserves. Il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement critiqué en ce qu'il a débouté M. [C] de ses demandes au titre du licenciement. Sur les demandes accessoires La réformation du jugement entrepris s'impose concernant les dispositions rendues sur les frais irrépétibles et les dépens. L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en l'espèce. PAR CES MOTIFS Par arrêt contradictoire, rendu publiquement en dernier ressort Confirme le jugement rendu le 2 octobre 2019 par le conseil de prud'hommes d'Orange en ce qu'il a débouté M. [Y] [C] de ses demandes au titre du licenciement, Le réforme pour le surplus, et statuant à nouveau, Dit que l'action en dommages et intérêts fondée sur l'exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur est prescrite, Déboute M. [Y] [C] de toutes ses demandes, Dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, Condamne M. [Y] [C] aux dépens de première instance et d'appel, Arrêt signé par le président et par la greffiere. LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
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COUR D'APPEL D'ORLÉANS CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE GROSSES + EXPÉDITIONS : le 17/11/2022 Me Alexis DEVAUCHELLE la SCP SOREL & ASSOCIES ARRÊT du : 17 NOVEMBRE 2022 No : 180 - 22 No RG 22/00013 No Portalis DBVN-V-B7G-GPZK DÉCISION ENTREPRISE : Arrêt de la Cour de Cassation en date du 2 Juin 2021 PARTIES EN CAUSE APPELANT :- Timbre fiscal dématérialisé No: -/- Monsieur [S] [W] [Adresse 3] [Localité 1] / France Ayant pour avocat Maître Alexis DEVAUCHELLE, Avocat au barreau d'ORLÉANS D'UNE PART INTIMÉE : - Timbre fiscal dématérialisé No: -/- S.A. BANQUE CIC OUEST Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège [Adresse 2] [Localité 4] Ayant pour avocat Me Franck SILVESTRE, membre de la SCP SOREL & ASSOCIES, Avocat au barreau d'ORLEANS D'AUTRE PART DÉCLARATION D'APPEL en date du : 4 Janvier 2022 ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 7 Juillet 2022 COMPOSITION DE LA COUR Lors des débats à l'audience publique du JEUDI 15 SEPTEMBRE 2022, à 14 heures, Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, en charge du rapport, et Madame Fanny CHENOT, Conseiller, ont entendu les avocats des parties en leurs plaidoiries, avec leur accord, par application de l'article 805 et 907 du code de procédure civile. Après délibéré au cours duquel Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel D'ORLEANS, et Madame Fanny CHENOT, Conseiller, ont rendu compte à la collégialité des débats à la Cour composée de : Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, Madame Fanny CHENOT, Conseiller, Madame Ferréole DELONS, Conseiller, Greffier : Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier lors des débats et du prononcé, Prononcé publiquement par arrêt contradictoire le JEUDI 17 NOVEMBRE 2022 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE Par acte sous-seing privé en date du 7 novembre 2008, la banque CIC Ouest a consenti a l'EURL Châteauroux Or, ayant pour gérant M. [S] [W], un prêt d'un montant de 230.000 € au taux nominal de 5,35 % l'an, remboursable en 84 mensualités. Le même jour, par acte joint au prêt, M. [W] s'est porté caution personnelle et solidaire des engagements de la société Châteauroux Or, dans la limite de 138.000 €. Par jugement du 5 décembre 2012, la société Châteauroux Or a été placée en redressement judiciaire, converti en liquidation judiciaire par jugement du 21 aout 2013. Après vaines mises en demeure et suite à une requête en injonction de payer présentée devant le président du tribunal de commerce de Châteauroux, M. [W] a été condamné par ordonnance du 29 janvier 2014 à payer à la société CIC Ouest, la somme de 61 858,74 € majorée des intérêts. Il a formé opposition à cette ordonnance. Par jugement du 6 juin 2016, le tribunal de commerce de Châteauroux a : - Reçu l'opposition à l'ordonnance portant injonction de payer en date du 29 janvier 2014, l'a dite mal fondée, en a debouté le demandeur, - Dit et jugé l'acte de cautionnement régulier, - Dit et jugé l'acte de cautionnement non manifestement disproportionné, - Dit et jugé que Mme [W] a consenti à l'acte de cautionnement de son mari, - Confirmé en tous points l'ordonnance portant injonction de payer en date du 29 janvier 2014 et par conséquent, - Condamné M. [W] à payer au CIC la somme de 61.858,74 €, somme majorée des intérêts au taux contractuel de 5,35 % à compter du 5 septembre 2013, date de la mise en demeure, jusqu'à parfait paiement, - Dit et jugé que l'exécution pourra s'exercer sur les biens communs avec son épouse, - Condamné M. [W] à verser au CIC la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, taxés et liquidés concernant les frais de greffe à la somme de 70,20 €. Le tribunal a relevé que sur l'acte détenu par le CIC, les mentions manuscrites sont complètes et ne présentent aucune rature, correction ou irrégularité, qu'en revanche, le mot caution est absent sur l'exemplaire de M. [W] mais qu'il s'agit manifestement d'une erreur matérielle ; qu'en outre, Mme [W] a paraphé chaque page du contrat de prêt détenu par le CIC et signé la mention manuscrite requise, de sorte que son consentement concernant l'engagement de caution ne peut être remis en question. Il a en outre relevé qu'au vu des éléments contenus dans la fiche de renseignement signé de M [W], son engagement de caution n'était pas manifestement disproportionné à ses revenus et biens et que le CIC produisait les copies des lettres d'information annuelles. M. [W] a interjeté appel de cette décision le 18 juillet 2016. Par arrêt du 1er juin 2017, la cour d'appel de Bourges a confirmé en toutes ses dispositions le jugement entrepris, et a condamné M. [W] aux dépens et à verser à la société CIC Ouest la somme de 1.000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile. M. [W] a formé un pourvoi devant la Cour de Cassation contre l'arrêt rendu. Par arrêt du 3 avril 2019, la Cour de Cassation a cassé et annulé en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 1er juin 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Bourges et renvoyé la cause et les parties devant la cour d'appel de Limoges. Après avoir cité l'article L341-2 du Code de la consommation applicable à la cause et relevé que selon l'arrêt de la cour d'appel, M. [W] avait rédigé la mention manuscrite prévue par ce texte en omettant le mot "caution" mais que le surplus de cette mention était conforme aux exigences de cet article et qu'il avait en outre renoncé au bénéfice de discussion, de sorte que cette omission procédait d'une erreur de plume purement matérielle n'ayant pu empêcher M. [W] de prendre conscience de la nature et de la teneur de son engagement, la Cour de cassation a retenu qu'en statuant ainsi, alors que l'omission du mot "caution" dans la mention manuscrite légale affecte le sens et la portée de celle-ci et justifie, dès lors, l'annulation de l'acte de cautionnement, la cour d'appel a violé le texte susvisé. M. [W] a saisi la cour d'appel de Limoges le 8 avril 2019. Par arrêt du 5 novembre 2019, la cour d'appel de Limoges a : Statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort, par mise a disposition au greffe, après en avoir delibéré conformément à la loi ; Statuant dans les limites de la saisine découlant de l'arrêt de renvoi ; - Infirmé le jugement rendu le 8 juin 2016 par le tribunal de commerce de Châteauroux ; Statuant a nouveau et y ajoutant ; - Déclaré recevable l'opposition formée par la banque CIC Ouest à l'encontre de l'ordonnance portant injonction de payer en date du 29 janvier 2014 ; - Mis à néant l'ordonnance portant injonction de payer en date du 29janvier 2014 ; - Prononcé la nullité de 1'acte de cautionnement du 8 novembre 2008 dont se prévaut la banque CIC Ouest à l'encontre de M. [W] ; - Débouté la baque CIC Ouest de l'ensemble de ses demandes ; - Condamné la banque CIC Ouest à payer à M. [W] la somme de 4.000€ sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; - Condamné la banque CIC Ouest aux dépens de première instance, d'appel et accordé, pour les dépens d'appel devant la cour de renvoi, à Maître Chabaud le bénéfice de l'article 699 du Code de procédure civile. La société Banque CIC a formé un pourvoi contre cet arrêt. Par arrêt du 2 juin 2021, la Cour de Cassation a cassé, sauf en ce qu'il a déclaré recevable l'opposition formée par la société Banque CIC Ouest contre l'ordonnance portant injonction de payer du 29 janvier 2014, l'arrêt rendu le 5 novembre 2019 par la cour d'appel de Limoges et remis, sauf sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel d'Orléans. La Cour de Cassation a déclaré le moyen recevable, notamment en relevant que lors du premier pourvoi, elle n'avait pas été saisie de l'existence de deux exemplaires originaux de l'acte de cautionnement. Sur le fond, au visa de l'article L.341-2 du Code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016, elle a considéré qu'en retenant que l'omission du mot "caution" dans l'acte produit par M. [W] affectait le sens et la portée de la mention manuscrite, peu important que la banque détienne un autre exemplaire de l'acte qui comporte cette fois, l'intégralité de la mention légale, alors que le cautionnement étant un contrat unilatéral, un seul original était requis, et que M. [W] ne contestait pas avoir écrit de sa main les mentions conformes aux prescriptions légales sur l'exemplaire original détenu par le créancier, la cour a violé le texte susvisé. M. [S] [W] a saisi la cour d'appel d'Orléans par déclaration du 4 janvier 2022, à l'encontre de la Banque CIC ouest et demande à la cour d'appel d'Orléans par dernières conclusions du 8 février 2022, de : Vu l'arrêt rendu par la Cour de Cassation (pourvoi no20-10690), le 2 juin 2021, Vu l'arrêt no291 rendu par la cour d'appel de Limoges le 5 novembre 2019, Vu l'arrêt rendu par la Cour de Cassation le 3 avril 2019 (pourvoi no17-22501), Vu l'arrêt no417 rendu le 1er juin 2017 par la chambre civile de la cour d'appel de Bourges, Vu le jugement rendu le 8 juin 2016 par le tribunal de commerce de Châteauroux, - Infirmer et réformer intégralement le jugement du tribunal de commerce de Châteauroux en date du 8 juin 2016 notamment en ce qu'il a : ? Reçu l'opposition à l'ordonnance portant injonction de payer en date du 29 janvier 2014, la dit mal fondée, en a débouté le concluant, ? Dit et jugé l'acte de cautionnement régulier, ? Dit et jugé l'acte de cautionnement non manifestement disproportionné, ? Dit et jugé que Mme [W] a consenti à l'acte de cautionnement de son mari, ? Confirmé en tous points l'ordonnance portant injonction de payer en date du 29 janvier 2014 et par conséquent, ? Condamné M. [W] [S] à payer au CIC la somme de 61.858,74 €, somme majorée des intérêts au taux contractuel de 5,35% à compter du 5 septembre 2013, date de la mise en demeure, jusqu'à parfait paiement, ? Dit et jugé que l'exécution pourra s'exercer sur les biens communs avec son épouse, ? Condamné M. [W] [S] à verser au CIC la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens Statuant à nouveau : - Débouter intégralement la Société CIC Ouest de l'ensemble de ses demandes et les déclarer mal fondées, - Déclarer nul et de nul effet le cautionnement de M. [S] [W], et mettre à néant subséquemment l'ordonnance portant injonction de payer en date du 29 janvier 2014, Subsidiairement, - Juger que le créancier ne pourra poursuive que les biens propres du débiteur, - Juger la garantie donnée disproportionnée et que la banque ne peut s'en prévaloir, Subsidiairement encore, - Prononcer la déchéance du droit aux intérêts en l'absence d'information donnée à la caution, En toutes hypothèses : - Condamner la société CIC Ouest à payer à M. [S] [W] une indemnité de 15.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, - Condamner la même aux entiers dépens de l'ensemble de la procédure, - Juger qu'à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par l'arrêt à intervenir et en cas d'exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par l'huissier instrumentaire, en application des dispositions de l'article 10 du décret du 8 mars 2021 devront être supportées par le CIC, en plus de l'indemnité mise à sa charge, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile. Il fait valoir que la mention manuscrite exigée par l'article L341-2 du Code de la consommation est incomplète sur l'exemplaire original qu'il produit, qui doit seul être pris en considération. Il en déduit que faute de comporter cette mention déterminante, la mention manuscrite de la caution ne lui a pas permis de prendre la pleine mesure ni de la nature, ni de la teneur de son engagement, et est donc vidée de toute portée. Il estime qu'il appartenait au prêteur de relire attentivement l'acte qu'il faisait dresser afin de vérifier que l'ensemble des termes utiles avait bien été retranscrit. Il considère que la Cour de Cassation dans son arrêt du 2 juin 2021 a pris en compte l'acte de cautionnement produit par la banque, du fait d'une manoeuvre astucieuse provoquée par cette dernière, mais que le document produit par la banque, non conforme à l'original produit par ses soins, est dénué de valeur probante, n'étant même pas daté. A titre subsidiaire, il ajoute que Mme [W], son épouse, faute d'avoir été valablement appelée à la cause devant le tribunal de commerce, ne pouvait être condamnée. Il rappelle qu'en application de l'article 1415 du code civil, le créancier ne peut poursuivre les biens communs hors le consentement exprès donné par l'époux, qu'en tout état de cause, le cautionnement de son épouse est nul pour irrespect des dispositions de l'article L.341-2 du code de la consommation. Il indique ensuite que ses revenus mentionnés dans l'acte d'engagement n'étant que des extrapolations de revenus potentiels et futurs à hauteur de 18.000 € annuels, et son patrimoine n'étant constitué que d'un immeuble valorisé à 240.000 € sur lequel deux emprunts couraient avec des mensualités de 675,46 € + 58,37 €, et qui appartenait, de surcroît, pour moitié à son épouse, c'est à tort que le premier juge a considéré qu'il n'était pas établi que son engagement de caution était disproportionné lors de son engagement. La Banque CIC Ouest, par dernières conclusions du 2 mars 2022, demande à la cour, au visa de l'article L.341-2 du Code de la consommation, de l'arrêt de la Cour de Cassation du 2 juin 2021 et de l'acte de cautionnement qu'elle produit, de : - Rejeter l'appel formé par M. [W] et le dire non fondé et l'en débouter, - Confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, - Condamner M. [W] au paiement d'une indemnité de 3.500 € sur le fondement de l'article 700 ainsi qu'aux entiers dépens. Elle fait valoir que M. [W] ne peut sérieusement conclure que seul le document qu'il produit doit être pris en considération, que l'exemplaire produit par la banque est conforme aux dispositions légales, et que dès lors que l'acte de cautionnement peut se prouver par la production d'un seul exemplaire, il importe peu que le mot caution soit absent de la mention manuscrite de l'acte produit par M. [W], et que la durée de l'engagement figurant sur chacun des actes soit différente, les deux actes étant par ailleurs datés du 7 novembre 2008. Elle ajoute que M. [W] étant marié sous le régime de la communauté, le consentement express donné par son épouse, Mme [W], permet au créancier de poursuivre les biens communs peu important que son consentement express au cautionnement ne respecte pas les dispositions de l'article L.341-2 du Code de la consommation qui ne sont applicables qu'à l'acte de cautionnement lui-même et Mme [W] n'ayant pas été recherchée en qualité de caution. Elle soutient que les établissements bancaires ne sont pas tenus de vérifier les capacités financières de la caution lors de son engagement, qu'au contraire, c'est à la caution de supporter la charge de la disproportion qu'elle invoque. Elle estime qu'en l'espèce, M. [W] ne démontre pas l'existence d'une disproportion manifeste entre le montant de son engagement de caution et ses revenus au jour où l'engagement a été pris, qu'en outre, s'agissant du cautionnement d'un époux marié sous le régime légal de la communauté réduite aux acquêts, la proportionnalité de l'engagement de la caution doit être appréciée tant au regard de ses biens et revenus propres que de ceux de la communauté, incluant les salaires de son époux. La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 7 juillet 2022. Il est expressément référé aux écritures des parties pour plus ample exposé des faits ainsi que de leurs moyens et prétentions. MOTIFS DE LA DÉCISION Sur la demande de nullité du cautionnement Au terme de l'article L. 341-2 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable en la cause, antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016 : « Toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci : "En me portant caution de X..., dans la limite de la somme de... couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de..., je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X... n'y satisfait pas lui-même. » Ces dispositions n'exigent pas que le cautionnement soit établi en plusieurs exemplaires. Il est constant qu'en l'espèce, le cautionnement a été établi le même jour que le prêt souscrit par la débitrice principale et à la suite de ce prêt qui a été établi en deux exemplaires et que par suite, les parties produisent chacune en copie un exemplaire du prêt comportant, joint au prêt, l'acte de cautionnement avec la mention manuscrite remplie par M. [W]. Il ressort de l'examen de ces deux exemplaires que sur l'exemplaire produit par M. [W], il manque, dans la formule manuscrite copiée et signée par ce dernier, le mot "caution" au début de la première phrase de la mention manuscrite, puisqu'il est écrit : "En me portant de l'EURL Chateauroux Or, dans la limite de 138.000€ (cent trente huit mille euros) couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de 104 mois + un mois de franchise, je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si l'EURL Châteauroux Or n'y satisfait pas elle-même.", alors que sur l'exemplaire produit par le CIC, la mention manuscrite dont M. [W] ne conteste pas qu'elle est bien de sa main, est totalement identique à la formule exigée par l'article L341-2 du Code de la consommation précité puisqu'il est écrit : "En me portant caution de l'EURL Chateauroux Or, dans la limite de 138.000€ (cent trente huit mille euros) couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de 104 mois + un mois de franchise, je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si l'EURL Châteauroux Or n'y satisfait pas elle-même." Contrairement à ce que soutient M. [W], la présence ou l'omission du mot "caution" est la seule différence entre les deux exemplaires, qui comportent notamment la même précision de date ("le 7.11.2008") en page 7. M. [W] prétend que l'exemplaire qu'il produit doit seul être pris en considération et que faute de comporter cette mention déterminante qu'est le mot "caution", la mention manuscrite de la caution ne lui a pas permis de prendre la pleine mesure ni de la nature, ni de la teneur de son engagement, et est donc vidée de toute portée. Néanmoins, le cautionnement étant un contrat unilatéral, ainsi que l'a rappelé la Cour de cassation dans son arrêt du 2 juin 2021, un seul original était requis. Or, M. [W] ne conteste pas avoir écrit de sa main les mentions conformes aux prescriptions légales sur l'exemplaire original détenu par le créancier. Par suite, les dispositions prévues par l'article L341-2 du Code de la consommation précité ont été respectées et la nullité ne peut être encourue de ce chef. M. [W] ne démontre pas, dans ces circonstances, en quoi il n'aurait pas pu prendre la pleine mesure de la ntaure et de la teneur de son engagement alors qu'il a parfaitement copié la mention manuscrite exigée sur l'original détenu par la banque. Le jugement du tribunal de commerce de Châteauroux en date du 8 juin 2016 sera donc confirmé en ce qu'il a dit et jugé l'acte de cautionnement régulier. La demande de nullité du cautionnement et de l'ordonnance d'injonction de payer doit être rejetée. Sur les chefs du jugement concernant le consentement de Mme [W] et l'exécution du jugement L'article 1415 du code civil dispose : « Chacun des époux ne peut engager que ses biens propres et ses revenus, par un cautionnement ou un emprunt, à moins que ceux-ci n'aient été contractés avec le consentement exprès de l'autre conjoint qui, dans ce cas, n'engage pas ses biens propres ». Le cautionnement souscrit par M. [W] comporte expressément en page 8 le consentement donné an nom de Mme [W] [V], ainsi libellé : "bon pour accord au présent cautionnement". Pour autant, Mme [W] n'est pas à la cause et elle peut juridiquement contester la réalité de la mention, voire sa signature ou encore la validité du consentement ainsi donné. Il ne peut donc en son absence être jugé qu'elle a consenti à l'acte de cautionnement, ni, pour la même raison, que l'exécution pourra s'exercer sur les biens communs. Le jugement sera infirmé sur ces chefs. Pour autant, il n'y a pas non plus lieu de dire que le créancier ne pourra poursuivre que les biens propres du débiteur, compte tenu de l'acte de cautionnement versé aux débats qui, sauf contestation ultérieure de Mme [W] notamment lors d'un acte d'exécution portant sur les biens communs, porte mention de son accord au cautionnement. Cette demande formée par M. [W] sera rejetée. Sur la disproportion du cautionnement L'article L341-4 devenu l'article L332-1 du Code de la Consommation dispose : "Un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation." Au sens de ces dispositions, la disproportion s'apprécie, lors de la conclusion du contrat de cautionnement, au regard du montant de l'engagement ainsi souscrit et des biens et revenus de la caution, en prenant en considération son endettement global dont le créancier avait ou pouvait avoir connaissance, y compris l'endettement résultant d'autres engagements de caution. La charge de la preuve du caractère disproportionné du cautionnement au moment de sa souscription pèse sur la caution. Le créancier professionnel n'est donc pas tenu, par les dispositions susvisées, de vérifier la situation financière de la caution lors de son engagement, mais s'il le fait, il est en droit de se fier aux informations communiquées par la caution, sauf anomalies apparentes. Le prêteur peut en outre démontrer que le patrimoine de la caution lui permettait au moment où elle est appelée en paiement, de faire face à son obligation. En l'espèce, la banque verse aux débats une fiche de "renseignements complémentaires concernant la caution", que M. [W] ne conteste pas avoir renseignée et signée, sa signature étant en outre précédée de la mention "certifie sur l'honneur l'exactitude des renseignements donnés et ne pas avoir d'autres engagements que ceux-ci". M. [W] a indiqué sur cette fiche qu'il était marié sous le régime matrimoial de communauté. Par suite, doivent être pris en considération tant les biens propres et les revenus de la caution que les biens comuns, incluant les revenus de son épouse (cf pour exemple Com 15 novembre 2017 pourvoi no 16-10504). Il a mentionné sur cette fiche en face de la mention "salaire net annuel" : 18.000€. Il ne peut se prévaloir à bon droit dans ses écritures de ce que ce revenu de 18.000€ aurait été tiré de la seule profession objet du prêt garanti, qu'en réalité il avait pour tout revenu en novembre 2008, un reliquat d'allocation servi par Pôle emploi, et qu'il a perçu en 2009 un revenu brut total de 6971€. En effet, dès lors qu'il a certifié sur la fiche de renseignemets susvisée, percevoir un salaire net annuel de 18.000€, et qu'il ne fait valoir aucune anomalie résultant de cette mention, la banque étant fondée à prendre en considération les éléments donnés par M. [W] lui-même. Il a aussi indiqué sur cette fiche dans la colonne "patrimoine immobilier" : résidence principale, d'une valeur vénale de 240.000€, acquise en novembre 2005. Il a précisé avoir souscrit un emprunt immobilier auprès du Crédit immobilier, remboursé à hauteur de 675€ par mois, avec un "montant d'engagement de 115.000€". La fiche de renseignement étant fournie trois ans après la date d'acquisition de la maison, et les renseignements donnés sur ce point ne recélant aucune anomalie particulière, le CIC était fondé, au vu de cette fiche, à considérer que le capital restant dû afférent au prêt immobilier grevant l'immeuble était inférieur au "montant de l'engagement" souscrit et que la valeur nette du patrimoine immobilier était donc nécessairement supérieure à 125.000€ (240.000-115.000). La cour ne peut donc tenir compte des deux prêts immobiliers que M. [W] justifie avoir souscrits et pour lesquels le capital restant dû en novembre 2008 étaient de 113.681,03€ et 16.769,35€ (soit 130.450,38€), avec des mensualités d'un total sur les deux prêts de 733,83€. Il lui appartenait en effet de mentionner les éléments relatifs à ces deux prêts sur la fiche de renseignement fournie par la banque. Par suite, et en tenant d'une valeur nette de patrimoine supérieure à 125.000€ et du revenu annuel déclaré à hauteur de 18.000€, il convient de retenir que M. [W] ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de ce que le cautionnement souscrit le 7 novembre 2008 à hauteur de 138.000€ était à cette date manifestement disproportionné à ses revenus et biens. Sur l'information annuelle de la caution Par ailleurs, l'article L 313-22 du code monétaire et financier dispose : "Les établissements de crédit ou les sociétés de financement ayant accordé un concours financier à une entreprise sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement. Si l'engagement est à durée indéterminée, ils rappellent la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée. Le défaut d'accomplissement de cette formalité emporte, dans les rapports entre la caution et l'établissement tenu à cette formalité, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information. Les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés dans les rapports entre la caution et l'établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette". En application de ces dispositions, il incombe à l'établissement de crédit de démontrer par tous moyens qu'il a effectivement adressé à la caution l'information requise. En revanche, il n'a pas à établir que celle-ci l'a effectivement reçue et l'envoi de l'information par lettre recommandée avec avis de réception n'est aucunement pas exigé. C'est donc à tort que M. [W] sollicite la déchéance du droit aux intérêts "en l'absence de justification de réception de cette information". La banque produit la copie de 4 courriers adressés à M. [W] les 17 février 2010, 16 février 2011, 16 février 2012 et 18 février 2013, dont il n'est pas contesté que les informations correspondent aux mentions exigées par l'article L313-22 du Code monétaire et financier susvisé. M. [W] ne caractérise pas en quoi, l'information ne serait pas donnée pour ces quatre années. En revanche, il ne ressort d'aucune pièce que l'information a été donnée postérieurement au 18 février 2013, alors que l'exigence d'information persiste jusqu'à extinction de l'obligation garantie par le cautionnement. La banque CIC est donc déchue du droit aux intérêts au taux contractuel depuis la précédente information donnée le 18 février 2013, soit à compter du 19 février 2013. Au vu du décompte de créance du 5 septembre 2013, le capital restant dû arrêté au 7 janvier 2013 est de 55.974,03€. La banque a donc droit aux intérêts au taux contractuel sur cette somme jusqu'au 18 février 2013. Elle peut ensuite prétendre aux intérêts au taux légal à compter du 7 septembre 2013 date de la présentation de la mise en demeure. Sur les autres demandes La banque CIC obtient gain de cause en sa demande, sur le principe et pour partie sur le quantum. Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles et il convient de condamner M. [W] aux entiers dépens d'appel et au versement à l'intimée d'une somme de 2500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. M. [W] sera débouté de sa propre demande sur ce fondement. PAR CES MOTIFS - Infirme le jugement déféré en ce qu'il a : * dit et jugé que Mme [W] a consenti à l'acte de cautionnement de son mari, * condamné M. [W] à payer au CIC la somme de 61.858,74 €, somme majorée des intérêts au taux contractuel de 5,35 % à compter du 5 septembre 2013, date de la mise en demeure, jusqu'à parfait paiement, * dit et jugé que l'exécution pourra s'exercer sur les biens communs avec son épouse, Statuant à nouveau sur les seuls chefs infirmés, - Rejette les demandes tendant à dire et juger que Mme [W] a consenti à l'acte de cautionnement de son mari et que l'exécution pourra s'exercer sur les biens communs avec son épouse ; - Dit que la banque CIC Ouest est déchue du droit aux intérêts contractuels à compter du 19 février 2013 ; - Condamne M. [S] [W] à payer à la banque CIC Ouest la somme de 55.974,03€ avec intérêts sur cette somme au taux contractuel jusqu'au 18 février 2013 puis au taux légal à compter du 7 septembre 2013 ; - Confirme le jugement en toutes ses autres dispositions critiquées ; Y ajoutant, - Rejette la demande subsidiaire formée par M. [S] [W] tendant à juger que le créancier ne pourra poursuivre que les biens propres du débiteur ; - Condamne M. [S] [W] à verser à la banque CIC Ouest une indemnité de 2500 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, - Condamne M. [S] [W] aux dépens exposés devant la cour. Arrêt signé par Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS No RG 20/00079 - No Portalis DBVH-V-B7E-HTMU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE NIMES 03 décembre 2019 RG :F 17/00864 ORGANISME DE GESTION D'ENSEIGNEMENT CATHOLIQUE SAN CTA MARIA Grosse délivrée COUR D'APPEL DE NÎMES CHAMBRE CIVILE 5ème chambre sociale PH ARRÊT DU 22 NOVEMBRE 2022 Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NIMES en date du 03 Décembre 2019, NoF 17/00864 COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS : Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré. COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président Madame Evelyne MARTIN, Conseillère Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère GREFFIER : Madame Delphine OLLMANN, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision A l'audience publique du 13 Septembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 22 Novembre 2022. Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel. APPELANTE : ORGANISME DE GESTION D'ENSEIGNEMENT CATHOLIQUE SANCTA MARIA [Adresse 1] [Localité 3] Représentée par Me Vincent VINOT de la SELARL SYNAPSE AVOCATS, avocat au barreau de NIMES Représentée par Me Sylvie SERGENT de la SCP DELRAN-BARGETON DYENS-SERGENT- ALCALDE, avocat au barreau de NIMES Madame [M] [I] née le [Date naissance 2] 1990 à [Localité 6] [Adresse 4] [Localité 5] Représentée par Me Nadia EL BOUROUMI de la SELAS PRAETEOM AVOCATS, avocat au barreau D'AVIGNON (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/696 du 26/02/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Nîmes) ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 30 Août 2022 Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 22 Novembre 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS DES PARTIES Mme [M] [I] a été engagée par l'association Organisme de gestion d'enseignement catholique ( OGEC) Sancta Maria dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée, dans le cadre d'un emploi d'avenir, pour la période du 17 avril 2013 au 16 avril 2016, à temps plein avec modulation, pour tenir compte du calendrier scolaire, en qualité d'employée des services supports de vie scolaire et d'éducation par contrat d'avenir, ses principales attributions étant "ménage et service auprès des enseignants" . Un second contrat était conclu dans les mêmes conditions, le 17 avril 2016, pour une durée de 12 mois. Par requête en date du 30 novembre 2017, Mme [M] [I] a saisi le conseil de prud'hommes de Nîmes au motif qu'elle avait eu connaissance de l'existence d'un poste vacant au sein de l'OGEC Sancta Maria , identique à celui qu'elle occupait avant le terme de son contrat et que ce poste ne lui avait pas été proposé. Le conseil de prud'hommes de Nîmes, par jugement du 3 décembre 2019, a : - dit que 1'OGEC Sancta Maria n'a pas respecté son obligation de réembauchage en conséquence condamné l'OGEC Sancta Maria à verser à Mme [M] [I] la somme de 7 635,05 euros au titre de licenciement sans cause réelle et sérieuse, - débouté Mme [M] [I] de sa demande au titre des heures supplémentaires, - condamné l'OGEC Sancta Maria à verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure pénale. - débouté l'OGEC Sancta Maria de sa demande reconventionnelle ; - dit que la moyenne des trois derniers mois de salaire s'établit à la somme de 1527euros; - ordonné le remboursement par l'emp1oyeur à Pole Emploi de 4 500 euros au titre des indemnités de chômage payées au salarié (article L 1235-4 du code du travail). - dit qu'une copie du présent jugement serait transmise à Pole Emploi par les soins du greffe. - dit que les dépens seraient supportés par le défendeur. Par acte du 9 janvier 2020, l'OGEC Sancta Maria a régulièrement interjeté appel de cette décision. Par ordonnance en date du 13 juin 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 30 août 2022 à 16 heures. L'examen de l'affaire a été fixé à l'audience du 13 septembre 2022 à 14 heures. Aux termes de ses dernières conclusions en date du 30 avril 2020, l'OGEC Sancta Maria demande à la cour de : -accueillir l'appel interjeté, - le dire recevable et bien fondé, -infirmer la décision de première instance en ce qu'elle a condamné l'OGEC Sancta Maria à la somme de 7.635,05 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; - infirmer la décision de première instance en ce qu'elle a condamné l'OGEC Sancta Maria à la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile - confirmer la décision de première instance en ce qu'elle a déclaré irrecevable la demande de Mme [M] [I] sur les heures supplémentaires, et en toute hypothèse la débouter de toute demande à ce titre, - débouter Mme [M] [I] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions. En toute hypothèse - condamner Mme [M] [I] à la somme de 3.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. - la condamner aux entiers dépens de l'instance, tant de première instance que d'appel. L'OGEC Sancta Maria soutient que : - les postes n'étaient ni disponibles, ni ouverts à la priorité de réembauchage, dès lors qu'il s'agissait de contrats aidés qui n'ayant pas été accueillis par l'Administration ont été transformés en contrat de travail à durée indéterminée, - le poste revendiqué par Mme [M] [I] était un poste d'ASEM qui n'était pas compatible avec sa qualification, puisqu'il est soumis à la détention d'un CAP Petite enfance auquel elle a échoué, l'attestation de stage qu'elle verse aux débats ne pouvant se substituer au diplôme, en l'absence également d'expérience dans ce domaine, - Mme [M] [I] opère une confusion dans ses demandes entre l'obligation de reclassement imposée à l'employeur, pendant le contrat de travail, en préalable à un licenciement pour inaptitude ou pour motif économique, laquelle lorsqu'elle n'est pas respectée produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et la priorité de réembauchage, postérieure à la rupture du contrat de travail, dont le non respect est sanctionné par une indemnité, - la demande relative aux heures supplémentaires doit être déclarée irrecevable puisqu'elle ne présente pas de lien suffisant avec la demande initiale, à savoir la condamnation de l'employeur pour non-respect de la priorité d'embauche. - à titre subsidiaire, une partie des prétentions de Mme [I] se heurte à la prescription triennale, le contrat de travail de la salariée est arrivé à échéance le16 avril 2017, toutes les prétentions portant sur des salaires antérieurs au 16 avril 2014 sont donc prescrites et sur le fond, elle soutient avoir déjà réglé à la salariée l'ensemble des pauses au titre de la régularisation, que concernant la majoration, aux termes de la convention collective, les pauses sont décomptées comme du temps de travail effectif, et donc rémunérées en conséquence et donc pas au titre des heures supplémentaires. En l'état de ses dernières écritures en date du 31 juillet 2020 , Mme [M] [I] demande à la cour de : - débouter l'OGEC Sancta Maria de toutes ses demandes, - confirmer partiellement le jugement rendu en ce qu'il a constaté le non-respect de l'obligation de réembauchage, Par voie de conséquence, -condamner l'OGEC Sancta Maria à lui verser les sommes suivantes : - 7.635,05 euros au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse - 1.500,00 euros au titre de l'application de l'article 700 du code de procédure civile - le réformer pour le surplus et statuant à nouveau, - condamner OGEC au paiement des heures supplémentaires effectuées, soit une somme équivalente à 2096,32 euros au titre des heures supplémentaires, En tout état de cause, - condamner l'OGEC au paiement de la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais engagés pour la procédure d'appel. Mme [M] [I] fait valoir que : - elle a été informée par ses collègues de l'existence d'un poste au sein de l'OGEC Sancta Maria ainsi qu'en atteste le procès-verbal du comité d'entreprise du 25 septembre 2017 qu'elle verse aux débats, - elle a sollicité son employeur pour l'informer de l'intérêt qu'elle portait à ce poste, - contrairement à ce que soutient l'OGEC Sancta Maria , elle avait les compétences nécessaires pour prétendre à un poste d'ASEM puisqu'elle avait suivi une formation " module qualifiant ASEM" et que les fonctions qu'elle exerçait ainsi que cela ressort de son entretien annuel pour 2015 et ses plannings démontrent ses compétences dans ce domaine, - le non-respect de l'obligation de ré-embauchage constitue un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et qu'en raison de son ancienneté et de l'effectif de l'OGEC Sancta Maria elle peut prétendre à une indemnité équivalente à 5 mois de salaires, - elle apporte la preuve des heures supplémentaires travaillées qui doivent être indemnisées par une somme de 2.096,32 euros, Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs écritures déposées et soutenues à l'audience. * sur la recevabilité des demandes relatives au rappel de salaire au titre d'heures supplémentaires Par application des dispositions de l'article 70 du code de procédure civile, les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant. Toutefois, la demande en compensation est recevable même en l'absence d'un tel lien, sauf au juge à la disjoindre si elle risque de retarder à l'excès le jugement sur le tout. En l'espèce, la requête de Mme [M] [I] aux fins de saisine du conseil de prud'hommes de Nîmes en date du 30 novembre 2017 ne vise qu'une demande relative au non-respect de la priorité de réembauchage après l'arrivée du terme de son contrat de travail. La demande en paiement d'heures supplémentaires formulées postérieurement à cette saisine, qui constitue une demande additionnelle, ne présente aucun lien avec la demande originaire, la seconde étant relative à l'exécution du contrat de travail quand la première concerne la période postérieure à la rupture du contrat de travail. En conséquence, c'est à juste titre que les premiers juges ont déclaré la demande relative au paiement d'heures supplémentaires irrecevable et leur décision sera confirmée. * sur la priorité de réembauchage. Par application des dispositions de l'article L 5134-115 du code du travail, le bénéficiaire d'un emploi d'avenir en contrat de travail à durée déterminée bénéficie d'une priorité d'embauche durant un délai d'un an à compter du terme de son contrat. L'employeur l'informe de tout emploi disponible et compatible avec sa qualification ou ses compétences. Le salarié ainsi recruté est dispensé de la période d'essai mentionnée à l'article L 1221-19. La mise en oeuvre de la priorité de réembauchage suppose que le poste soit compatible avec le niveau de qualification de l'ancien salarié La priorité de réembauche ne s'applique pas dès lors que l'emploi en cause nécessite, après réaménagement, des qualités professionnelles différentes de celles qui étaient reconnues à l'intéressé et un effort d'adaptation excédant le niveau de responsabilités et de capacités inhérent au poste anciennement occupé par le salarié. En l'espèce, Mme [M] [I] a été recrutée dans le cadre d'un contrat d'avenir pour exercer les fonctions d'employée des services support et d'éducation et vie scolaire. Le premier contrat de travail, pour la période du 17 avril 2013 au 16 avril 2016 mentionne comme fonction principale ménage et nettoyage, et comme activités annexes : - service auprès des enseignants, - sécurisation simple, - prise en charge d'un groupe d'élèves, - plonge et nettoyage. Le second contrat, pour la période du 17 avril 2016 au 16 avril 2017 mentionne comme fonction employée vie scolaire et des services supports. Il mentionne les attributions suivantes: - service auprès des enseignants, - sécurisation simple, - prise en charge d'un groupe d'élèves, - ménage et nettoyage, - plonge et nettoyage, - restauration. Ce second contrat a été autorisé pour permettre à Mme [M] [I] d'achever une formation professionnelle de type VAE ( validation des acquis d'expérience ), ainsi qu'en attestent les justificatifs de la Mission locale d'[Localité 5] produits par l'OGEC Sancta Maria . L'entretien annuel de Mme [M] [I] pour 2015 confirme cette perspective professionnelle d'obtenir à terme un emploi d'ASEM au sein de l'OGEC Sancta Maria . Le compte-rendu de la réunion du comité d'entreprise de l'OGEC Sancta Maria en date du 25 septembre 2017 sur lequel Mme [M] [I] fonde sa demande mentionne que le recrutement des trois ASEM en contrat de travail à durée indéterminée est la conséquence du refus par Pôle emploi des aides financières pour des recrutements en contrats aidés. Par ailleurs ces recrutements s'adressaient à des personnes titulaires du CAP Petite enfance, condition non remplie par Mme [M] [I] qui ne justifie que d'un stage " Module qualifiant ASEM : accompagner les activités scolaires en classe de maternelle sous l'impulsion et le contrôle de l'enseignant", effectué sur la première année de son premier contrat de travail sur une durée de 4 jours, mais qui malgré la prolongation d'une année de son contrat aidé n'a pas validé ce CAP. Au surplus, les attributions de Mme [M] [I] pendant la durée de ses deux contrats de travail ne permettent pas de considérer qu'elle aurait acquis une expérience permettant de passer outre l'absence du CAP Petite enfance, l'absence de validation des acquis d'expérience démontrant qu'elle ne disposait pas d'une expérience suffisante dans ce domaine. Ainsi, en raison des modalités de recrutement des personnes sur des postes d'ASEM après le terme du contrat de travail de Mme [M] [I] et des conditions de diplôme requises sur les dits postes, aucun manquement de l'employeur à la priorité de réembauchage n'est établi. Mme [M] [I] sera en conséquence déboutée de la demande présentée de ce chef et des demandes indemnitaires subséquentes. PAR CES MOTIFS La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort ; Infirme le jugement rendu le 3 décembre 2019 par le conseil de prud'hommes de Nîmes, Et statuant à nouveau, Déclare Mme [M] [I] irrecevable en sa demande relative au paiement d'heures supplémentaires, Déboute Mme [M] [I] de sa demande relative au non-respect par l'OGEC Sancta Maria de la priorité de réembauchage, Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, Rejette les demandes plus amples ou contraires, Rappelle en tant que de besoin que le présent arrêt infirmatif tient lieu de titre afin d'obtenir le remboursement des sommes versées en vertu de la décision de première instance assortie de l'exécution provisoire ; Condamne Mme [M] [I] aux dépens de première instance et de la procédure d'appel. Arrêt signé par le président et par la greffiere. LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS No RG 20/00119 - No Portalis DBVH-V-B7E-HTP2 CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE NIMES 20 décembre 2019 RG :F18/00055 S.A.S. CLINIQUE [6] Grosse délivrée COUR D'APPEL DE NÎMES CHAMBRE CIVILE 5ème chambre sociale PH ARRÊT DU 22 NOVEMBRE 2022 Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NIMES en date du 20 Décembre 2019, NoF18/00055 COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS : Madame Evelyne MARTIN, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré. COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président Madame Evelyne MARTIN, Conseillère Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère GREFFIER : Madame Delphine OLLMANN, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision A l'audience publique du 20 Septembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 22 Novembre 2022. Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel. APPELANTE : S.A.S. CLINIQUE [6] [Adresse 4] [Localité 2] Représentée par Me Jean-pascal PELLEGRIN de la SELARL CABINET PELLEGRIN AVOCAT-CONSEIL, avocat au barreau de NIMES Représentée par Me Emmanuelle POURRAT, avocat au barreau de TOURS Monsieur [B] [L] né le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 5] [Adresse 7] [Adresse 7] [Localité 3] Représenté par Me Guilhem NOGAREDE de la SELARL GN AVOCATS, avocat au barreau de NIMES ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 06 Septembre 2022 Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 22 Novembre 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES M. [B] [L] a été engagé par la Sas Clinique [6] à compter du 28 janvier 1991 suivant contrat de travail à durée indéterminée en qualité de responsable administratif de la Clinique. Dans le dernier état de la relation contractuelle, M. [B] [L] occupait un poste de musicothérapeute, statut cadre. A compter du 21 mars 2017, M. [B] [L] a été en arrêt maladie. Une visite de reprise auprès de la médecine du travail a été organisée le 02 mai 2017, à la suite de laquelle le médecin du travail a rendu un avis d'inaptitude : " Inapte. L'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'entreprise ". Le 11 mai 2017, M. [B] [L] a établi une déclaration d'accident de travail qui serait survenu le 14 mars 2017 à 14h30 sur son lieu de travail à l'occasion d'un entretien, dans les circonstances suivantes :"propos insultants et dégradants par le PDG du groupe VP Investissement (M. [A] [G])"; la déclaration mentionne concernant le siège des lésions "psychique" et la nature des lésions "décompensation anxio-dépressive". Par courrier en date du 24 mai 2017, la Sas Clinique [6] a convoqué M. [B] [L] à un entretien préalable fixé au 06 juin 2017 en vue d'un éventuel licenciement, auquel il ne s'est pas présenté. Le 09 juin 2017, M. [B] [L] a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement. Par courrier du 08 août 2017, la caisse primaire d'assurance maladie a notifié la Sas Clinique [6] et M. [B] [L] sa décision de reconnaissance du caractère professionnel de l'accident déclaré par le salarié. Le 30 janvier 2018, M. [B] [L] a saisi le conseil de prud'hommes de Nîmes pour qu'il soit dit et jugé que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et pour voir son employeur condamné à lui verser diverses sommes indemnitaires. Par jugement du 20 décembre 2019, le conseil de prud'hommes de Nîmes a : - jugé que le licenciement de M. [B] [L] est sans cause réelle et sérieuse, - condamné la Sas Clinique [6] à lui verser les sommes de : * 5 359,08 euros à titre de préavis, * 535,92 euros au titre des congés payés afférents, * 9 300,39 euros à titre de complément d'indemnité de licenciement, - débouté M. [B] [L] de l'ensemble de ses autres demandes, - condamné la Sas Clinique [6] à verser à M. [B] [L] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, - condamné la Sas Clinique [6] aux entiers dépens. Par acte du 06 janvier 2020, M. [B] [L] a régulièrement interjeté appel de cette décision. Par acte du 10 janvier 2020, la société Clinique la Camargue a régulièrement interjeté appel de cette décision. Par ordonnance en date du 13 juin 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 06 septembre 2022. L'affaire a été fixée à l'audience du 20 septembre 2022 à laquelle elle a été retenue. Aux termes de ses dernières conclusions, la Sas Clinique [6] demande à la cour de : - déclarer recevable et bien fondé son appel, - infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a considéré que M. [B] [L] avait été victime d'un accident du travail le 14 mars 2017 et que l'employeur en avait connaissance au moment du licenciement, - infirmer le jugement rendu le 19 décembre 2019 par le conseil de prud'hommes de Nîmes en ce qu'il l'a condamnée à régler à M. [B] [L] les sommes de 9 300,39 euros à titre de complément d'indemnité de licenciement outre 5 359,08 euros au titre de l'indemnité de préavis ainsi que les congés payés induits, - confirmer le jugement déféré en ce qu'il a considéré qu'elle était dispensée de toute recherche de reclassement et de consulter les délégués du personnel, - confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. [B] [L] de sa demande de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, - condamner M. [B] [L] à lui régler la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles. Elle fait valoir que : - la connaissance du caractère professionnel de l'accident allégué par M. [B] [L] ne reposerait que sur sa simple déclaration faite manifestement dans une préoccupation purement stratégique, que le salarié n'a pas été victime d'un accident du travail le 14 mars 2017 et qu'elle n'a jamais eu connaissance du moindre fait accidentel survenu sur le lieu de travail ce jour là, - c'est à bon droit que les premiers juges ont relevé qu'elle n'avait pas manqué à son obligation de reclassement dès lors qu'elle en était dispensée, et qu'elle n'avait pas davantage à consulter les délégués du personnel. En l'état de ses dernières écritures contenant appel incident, M. [B] [L] demande à la cour de : Sur la demande de sursis : - confirmer le jugement rendu le 20 décembre 2019 par le conseil de prud'hommes de Nîmes en ce qu'il a : * débouté la Sas Clinique [6] de sa demande tendant au sursis à statuer de l'instance prud'homale dans l'attente de la décision définitive de son recours en contestation de l'origine professionnelle de l'accident dont il a été victime en mars 2017, devant les juridictions de la sécurité sociale, Sur l'indemnité de licenciement, de préavis et de congés payés sur préavis : - confirmer le jugement rendu le 20 décembre 2019 par le conseil de prud'hommes de Nîmes en ce qu'il a : * jugé que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse et à ce titre, a condamné la Sas Clinique la Camargue-Mont Duplan à lui verser les sommes de : o 5 359,08 euros à titre de préavis, o 535,92 euros au titre des congés payés afférents, o9300,39 euros à titre de complément d'indemnité de licenciement, * condamné la Sas Clinique la Camargue-Mont Duplan aux entiers dépens, Sur les dommages et intérêts sollicités : - réformer le jugement rendu le 20 décembre 2019 par le conseil de prud'hommes de Nîmes en ce qu'il : * l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, * l'a débouté en conséquence de sa demande en paiement à l'encontre de la Sas Clinique la Camargue-Mont Duplan de la somme de 21 436,32 euros nets au titre de l'indemnité spécifique de 12 mois de salaire pour licenciement prononcé en violation des règles afférentes à la consultation des délégués du personnel et méconnaissance du périmètre de reclassement, * l'a débouté de sa demande de voir condamner la Sas Clinique [6] au paiement des intérêts légaux sur l'ensemble des condamnations depuis la date de l'acte introductif d'instance et jusqu'à parfait paiement, outre capitalisation en application des dispositions de l'article 1154 du code civil, * limité la demande de condamnation de la Sas Clinique la Camargue-Mont Duplan à lui payer la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, alors qu'il était demandé la somme de 2 500 euros, Statuant à nouveau, - juger que le licenciement est sans cause réelle ni sérieuse, - condamner l'employeur à lui porter et payer 21 436,32 euros nets au titre de l'indemnité pour licenciement abusif, - ordonner la remise de l'attestation Assedic rectifiée et des bulletins de salaire correspondants, - condamner l'employeur au paiement des intérêts légaux sur l'ensemble des condamnations depuis la date de l'acte introductif d'instance et jusqu'à parfait paiement, outre capitalisation en application des dispositions de l'article 1154 du code civil, Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile : - condamner l'employeur aux entiers dépens, outre paiement de la somme de 2 500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Il soutient que : - les instances pendantes devant la cour, enrôlées sous les numéros de RG 20/00035 et 20/00119, doivent êtres jointes dans la mesure où elles ont pour objet le même jugement et concernent les mêmes parties, - les premiers juges ont reconnu que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse mais ont omis d'allouer des dommages et intérêts à ce titre, - il n'a pas bénéficié de la législation protectrice applicable aux salariés victimes de maladie professionnelle alors que son employeur avait parfaitement connaissance de l'origine professionnelle de son inaptitude lors de la notification du licenciement, qu'il importe peu que la Caisse primaire d'assurance maladie ait notifié la reconnaissance de l'origine professionnelle de l'accident postérieurement au licenciement, - il a été agressé verbalement par le Président directeur général de la Clinique, que malgré l'existence de risques psycho-sociaux très élevés, l'employeur n'a mis en place aucune mesure de prévention ni de protection et que le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité est à l'origine de son inaptitude, de sorte que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, que l'employeur a refusé de déclarer son accident de travail de sorte qu'il s'est retrouvé dans l'obligation de le faire lui même, - la clinique de [6] n'a pas respecté la procédure de licenciement dans la mesure où elle n'a procédé à aucune recherche de reclassement et n'a pas consulté les délégués du personnel. Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures. En premier lieu, il convient, pour une bonne administration de la justice, d'ordonner la jonction des procédures enregistrées sous les numéros RG 20/00035 et RG 20/00119. Sur le licenciement pour inaptitude : Les règles particulières relatives à la protection des accidentés du travail doivent recevoir application dès lors que l'inaptitude du salarié a au moins partiellement pour origine un accident du travail ou une maladie professionnelle. Dès lors que l'employeur a antérieurement au licenciement été averti de l'introduction par le salarié d'une demande en reconnaissance d'une maladie professionnelle, les règles protectrices du salarié victime d'un accident de travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent. Le juge prud'homal n'est pas lié par les décisions des organismes de sécurité sociale relatives à la prise en charge des accidents ou des maladies professionnels. En l'espèce, la lettre de licenciement datée du 09 juin 2017 qui fixe les limites du litige, expose les motifs du licenciement : "(...) Nous vous rappelons que vous avez été placé en arrêt maladie à compter du 21 mars 2017, lequel arrêt a été renouvelé jusqu'au 1er mai. Le 2 mai, vous avez rencontré le médecin du travail qui vous a déclaré inapte en précisant que votre état de santé faisait obstacle à tout reclassement. Aucun reclassement ne peut donc être recherché, de sorte que nous n'avons d'autre choix que de procéder à la rupture de votre contrat de travail, votre licenciement étant motivé par la présente pour inaptitude médicalement constatée et impossibilité de reclassement, lequel prendra effet à la première présentation de cette lettre (...)". La Sas Clinique [6] conteste avoir été informée de la survenue d'un accident de travail dont M. [B] [L] aurait été victime le 14 mars 2017, indique qu'elle a été surprise de recevoir début avril 2017 une prolongation d'arrêt maladie faisant état d'un accident de travail en date du 21 mars 2017 alors que l'arrêt initial était un arrêt de maladie ordinaire et de recevoir ultérieurement un certificat médical initial faisant état d'un accident de travail du 14 mars 2017, et fait observer que le docteur [T] [W] qui a établi ces certificats médicaux a été condamné par la chambre disciplinaire de l'Ordre des médecins pour avoir rédigé des certificats médicaux de complaisance. La Sas Clinique [6] produit aux débats à l'appui de sa contestation : - une décision de la chambre disciplinaire nationale de l'Ordre des médecins du 18 juin 2021 prononçant à l'encontre du docteur [W] une interdiction d'exercer la médecine pendant deux mois dont un mois assorti du sursis rendue consécutivement à deux plaintes que la clinique avait déposées, qui est motivée par le fait que, s'il n'est pas contesté que le médecin a reçu en consultation M. [B] [L] le 21 mars 2017 au vu d'une lettre du médecin du travail de la clinique de la Camargue lui demandant "de l'arrêter pour un syndrome anxio-dépressif réactionnel dû à des problèmes liés au travail", cependant : - il a fixé dans son certificat médical du 27 avril 2017 la date du fait générateur au 14 mars 2017 alors qu'il n'avait pas reçu en consultation M. [B] [L] ce jour et n'avait donc pas pu faire l'objet d'aucune constatation médicale à cette date, se bornant nécessairement à reprendre à son compte les déclarations de son patient sur un incident dont il n'était pas en mesure de constater la réalité ni mesurer la portée sur l'état de son patient, - les certificats médicaux des 31 mars 2017 et 27 avril 2017 et les prolongations d'arrêt de travail qui ont suivi ne satisfont pas aux conditions de constatations personnelles et objectives auxquelles doit répondre tout certificat médical, - un courriel de Mme [I] [R] du 28 juin 2017 dans lequel elle relate le déroulement d'un entretien entre M. [A] [G] et M. [B] [L] le 14 mars 2016, M. [B] [L] soutient qu'au jour de son licenciement, le 09 juin 2017, la clinique ne pouvait pas ignorer l'origine professionnelle de son accident de travail dans la mesure où les avis d'arrêts de travail et l'avis d'inaptitude mentionnent qu'ils ont été rendus par suite d'un accident du travail, que peu importe que la décision de prise en charge ait été notifiée postérieurement au licenciement, dès lors que la clinique était parfaitement informée de sa demande de reconnaissance professionnelle de son accident et que son inaptitude résulte des agissements fautifs de l'employeur. M. [B] [L] produit aux débats au soutien de ses prétentions : - un courriel envoyé le 23 mai 2017 par le médecin du travail, M. [M] [X], à la clinique "...je vous informe que ce monsieur est effectivement inapte à travailler dans votre établissement ainsi que dans tout autre établissement dépendant du même groupe. Il est par ailleurs apte à travailler dans tout autre établissement", - un courrier de M. [A] [G] du 26 mai 2017 adressé à l'Ordre des médecins dans lequel il indique déposer plainte à l'encontre du docteur [T] [W] évoquant notamment le fait que la clinique a reçu le 03 avril une prolongation d'arrêt consécutif à un accident du travail qui aurait eu lieu le 21 mars 2017, lequel a été rédigé le 31 mars 2017, et que le 27 avril 2017 M. [B] [L] a fait parvenir à la clinique 3 nouveaux certificats médicaux rédigés par le même médecin, - un courrier de M. [P], directeur de la clinique, adressé à la caisse primaire d'assurance maladie du Gard auquel est joint un avis d'arrêt de travail établi consécutivement à un accident du travail initial de M. [B] [L] en date du 02 mai 2017, et qui indique qu'à cette date, aucun accident de travail n'a été porté à sa connaissance, - un courrier de la caisse primaire d'assurance maladie du Gard adressé à M. [B] [L] le 05 mai 2017 dans lequel elle précise qu'il appartenait à l'employeur de procéder à la déclaration de tout accident dont il a eu connaissance dans les 48 heures et que la déclaration ne lui est toujours pas parvenue, elle l'invite à se rapprocher de son employeur pour régulariser la situation et l'informe qu'en cas de refus, il devra remplir lui-même l'imprimé de déclaration, - un courrier daté du 15 mars 2017 signé par une quinzaine de salariés de la clinique parmi lesquels M. [B] [L], qui fait état de l'inquiétude du personnel concernant l'absence de la directrice pour maladie depuis le 14 mars 2017 alors qu'elle avait "su remobiliser et motiver les salariés autour de plusieurs actions", l'absence de consultation des salariés depuis 4 mois et l'absence de délégué du personnel ; les salariés invitent enfin la direction à prendre les mesures qui s'imposent, - des courriers et courriels rédigés par la Mme [I] [R], directrice de la clinique: - dans une attestation elle certifie que le 14 mars 2017 un entretien a eu lieu dans son bureau entre M. [B] [L] et M. [A] [G] qui devait porter sur l'élaboration d'un protocole de la prise en charge des risques suicidaires, que M. [A] [G] a évoqué les ateliers thérapeutiques de la clinique de jour, qu'il a employé à son égard des propos insultants et dégradants, a remis en question le professionnalisme de M. [B] [L] et le bien fondé de ses ateliers en le regardant "froidement et fixement dans les yeux avec insistance", que M. [B] [L] semblait "abattu", son "visage est devenu tout blanc et ses mains tremblaient", qu'il a quitté son "bureau les larmes aux yeux et en état de choc" , - un courriel du 28 juin 2017 : "...il ( M. [G] ) s'est adressé à M. [B] [L] en haussant la voix de manière sèche et autoritaire pour lui dire qu' "il n'y avait pas à travailler sur les protocoles...que les ateliers thérapeutiques qu'il réalisait avec les patients ne servaient à rien"... M. [G] a eu une attitude brutale vis-à-vis de M. [B] [L] . Il s'agit à mon sens d'un excès d'autoritarisme insultant et dégradant de la part de M. [G] vis-à-vis de M. [B] [L] ( qui n'avait pas l'habitude de communiquer directement avec le PDG ..)", - un courriel du 1er mars 2017 pour informer la clinique du courriel qu'elle a envoyé à M. [A] [G] : "le Docteur [Z] a souhaité me rencontrer...pour m'annoncer son souhait de quitter l'établissement...il m'a fait part des raisons qui ont motivé son départ: manque de personnel soignant..manque de temps de psychologue, manque d'organisation au sein de l'équipe soignante, les médecins généralistes sont trop peu présents sur site...le souhait d'avoir une vie plus équilibrée...", - un courriel du 16 mars 2017 : "...le médecin du travail a déclenché une alerte aujourd'hui pour mise en danger collective des salariés et a imposé une enquête RPS au PDG. Il a également associé l'inspection du travail à sa démarche et invite les salariés à prendre rendez-vous pour témoigner : conditions de travail, non-respect des droits des salariés ...Si c'est [B] qui est à l'initiative du courrier, il ne faut surtout par le dire ( pour le protéger). Le PDG est capable de tout, [E] [F] aussi...", - une décision de la chambre disciplinaire de première instance de l'Ordre des médecins du 04 janvier 2010 prononçant à l'encontre de M. [A] [G] un avertissement suite à une plainte d'un médecin : "il résulte de l'instruction...et ...il n'est pas sérieusement contesté que le comportement de M. [G] vis-à-vis de son confrère...ainsi qu'à l'égard d'autres médecins se caractérise par une grande agressivité verbale ainsi que des mesures matérielles vexatoires...le docteur M. [G] a méconnu ses obligations déontologiques ...", - une décision de la chambre disciplinaire de première instance de l'Ordre des médecins du 31 octobre 2014 prononçant à l'encontre de M. [A] [G] un avertissement, suite à une plainte déposée par un médecin, au motif qu'il a manqué à son obligation de confraternité et à d'assistance dans l'adversité, - des échanges de courriels entre M. [B] [L] et le médecin du travail : les 18 et 20 avril 2017: * le docteur [X] : "ce n'est pas l'employeur qui décide s'il s'agit d'un accident de travail ou non mais la sécurité sociale", * M. [B] [L] le 17 avril 2017 : "j'ai donc vu monsieur [H] ce matin qui m'a établi un certificat médical que je vous mets en pièce jointe..", le 23 mars 2017 : * M. [B] [L] : "... j'ai appris ...que M. [G] devait se rendre sur le site de la clinique ce jeudi afin de "liquider" ceux qui ont signé le courrier de la semaine dernière adressé à l'ARS, l'inspection du travail et la médecine du travail. Une lettre d'excuse est demandée aux salariés signataires sous peine de sanction. De plus, un discours diffamatoire est délivré par Mme [F] à mon égard...", - des échanges de textos non datés et dont les auteurs ne peuvent pas être identifiés, - un écran de capture concernant la situation financière de la clinique envoyé par courriel le 07 mars 2019, - un certificat médical initial se rapportant à un accident du travail survenu le 14 mars 2017 établi par le docteur [T] [W] le 21 mars 2017 qui mentionne : "décompensation anxio dépressive en rapport avec les conditions de travail difficiles et particulièrement le 14 mars date à laquelle ont été tenus des propos insultants et dénigrants à son égard par son supérieur hiérarchique" ; des certificats médicaux de prolongation établis les 31 mars 2017, 27 avril 2017, 02 mai 2017 et 1er juin 2017, - une fiche de visite médicale établie le 21 mars 2017 par le médecin du travail à l'occasion d'une visite d'information et de prévention périodique qui mentionne :"le salarié n'est pas en mesure d'assurer son poste de travail. Avis spécialisé demandé en vue d'une inaptitude", - un certificat médical établi le 18 avril 2017 par le docteur [Y] [H] qui atteste avoir constaté "un syndrome dépressif ?? À des difficultés rencontrées sur son lieu de travail, un syndrome d'épuisement professionnel", - un avis d'inaptitude rendu par le médecin du travail le 02 mai 2017 qui a coché au titre de la nature de l'examen "visite de reprise" et "accident du travail", et qui mentionne "inapte, l'état de santé de M. [B] [L] fait obstacle à tout reclassement dans l'entreprise". Il résulte des éléments ainsi produits qu'à l'issue d'un entretien entre M. [B] [L] et M. [A] [G] le 14 mars 2017, le salarié a exprimé une vive émotion et un mal être important et soudain suite aux propos péjoratifs et dénigrants tenus à son encontre par le Président de la Sas la clinique de [6], qu'un peu plus d'un mois après cet entretien, le médecin traitant, le docteur [Y] [H], dont il n'est pas établi qu'il ait fait l'objet d'une quelconque mesure disciplinaire, a relevé un syndrome anxio-dépressif et un syndrome d'épuisement manifestement liés à la dégradation brutale des conditions de travail, ce qui est corroboré notamment par la pétition signée par une quinzaine de salariés de la clinique le lendemain du fait accidentel allégué. Aucun élément ne permet d'établir que M. [B] [L] avait eu des antécédents médicaux de même nature avant le 14 mars 2017. Il s'en déduit que l'inaptitude médicale constatée par le médecin du travail le 02 mai 2017 a une origine professionnelle. Par ailleurs, il résulte des pièces communiquées par les parties, plus particulièrement du courrier de M. [A] [G] du 26 mai 2017 et de l'avis d'inaptitude sur lequel le médecin du travail a coché la case "accident du travail", que l'employeur était informé avant la procédure de licenciement, que M. [B] [L] avait sollicité la caisse primaire d'assurance maladie pour voir reconnaître le caractère professionnel de son arrêt maladie, de sorte que les règles protectrices du salarié victime d'un accident de travail s'appliquent bien en l'espèce, peu importe que la procédure en matière de sécurité sociale relative sur cet accident ne soit pas, à ce jour, définitive. L'inaptitude de M. [B] [L] résulte directement du comportement fautif de son employeur, en la personne de M. [A] [G], président de la Sas Clinique de Camargue Mont Duplan, lequel a nécessairement manqué à son obligation de sécurité, de sorte que le licenciement prononcé pour inaptitude est dénué de cause réelle et sérieuse, sans qu'il soit utile de répondre au moyen relatif au manquement de l'employeur à son obligation de reclassement. Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point. Sur les conséquences financières : L'article L1226-14 du code du travail dispose que la rupture du contrat de travail dans les cas prévus au deuxième alinéa de l'article L. 1226-12 ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L1234-5 ainsi qu'à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l'indemnité prévue par l'article L1234-9. Toutefois, ces indemnités ne sont pas dues par l'employeur qui établit que le refus par le salarié du reclassement qui lui est proposé est abusif. Les dispositions du présent article ne se cumulent pas avec les avantages de même nature prévus par des dispositions conventionnelles ou contractuelles en vigueur au 7 janvier 1981 et destinés à compenser le préjudice résultant de la perte de l'emploi consécutive à l'accident du travail ou à la maladie professionnelle. En l'espèce, en application de ces dispositions légales, M. [B] [L] est en droit de solliciter la somme de 5 359,08 euros à titre d'indemnité compensatrice laquelle ne peut pas générer une indemnité de congés payés. Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce sens. Par ailleurs, tenant compte, au moment de la rupture de la relation contractuelle, d'une ancienneté du salarié de 26 ans et 05 mois et de son âge, 48 ans, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé à 9 300,39 euros la somme complémentaire due à M. [B] [L] au titre de l'indemnité spéciale qui a été calculée sur la base d'une rémunération brute mensuelle de 1 834,13 euros dont le montant n'est pas sérieusement discuté par la société. En outre, le licenciement pour inaptitude étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, il convient de faire droit à la demande d'indemnisation présentée par M. [B] [L] à ce titre à hauteur de la somme de 18 000 euros, au regard notamment de sa situation professionnelle postérieure à son licenciement, le salarié justifiant avoir perçu une allocation d'aide au retour à l'emploi jusqu'au 31 juillet 2018 et s'être inscrit à une formation en master 1 à compter du 25 septembre 2017. Enfin, la demande de M. [B] [L] tendant à obliger l'employeur à lui fournir une attestation Pôle emploi rectifiée et les bulletins de salaires conformes à la présente décision est fondée de sorte qu'il y a lieu d'y faire droit. En application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, il est rappelé que les condamnations portent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes pour les créances salariales et, s'agissant des créances indemnitaires, à compter du présent arrêt. La capitalisation des intérêts est ordonnée conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil. Au vu de l'ensemble de ces considérations, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que le licenciement de M. [B] [L] est sans cause réelle et sérieuse, a condamné la Sas Clinique [6] à lui verser la somme due à titre de complément d'indemnité de licenciement et au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'au paiement des dépens, et de l'infirmer pour le surplus. PAR CES MOTIFS : La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière prud'homale et en dernier ressort ; Ordonne la jonction des procédures enregistrées sous les numéros RG 20/00035 et RG 20/00119, Confirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nîmes le 20 décembre 2019 en ce qu'il a : - jugé que le licenciement de M. [B] [L] est sans cause réelle et sérieuse, - condamné la Sas Clinique [6] à verser à M. [B] [L] la somme de 9 300,39 euros à titre de complément d'indemnité de licenciement, - condamné la Sas Clinique [6] à verser à M. [B] [L] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, - condamné la Sas Clinique [6] aux entiers dépens. L'infirme pour le surplus, Statuant sur les dispositions réformées, Et y ajoutant, Condamne la Sas Clinique [6] à payer à M. [B] [L] la somme de 5 359,08 euros à titre d'indemnité compensatrice, Condamne la Sas Clinique [6] à payer à M. [B] [L] la somme de 18 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, Ordonne à la Sas Clinique [6] à communiquer à M. [B] [L] l'attestation Pôle emploi rectifiée et les bulletins de salaires conformes au dispositif du présent arrêt, Rappelle que les condamnations portent intérêts au taux légal à compter de la réception par la Sas Clinique [6] de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes pour les créances salariales et, pour les créances indemnitaires, à compter du présent arrêt, Ordonne la capitalisation des intérêts selon les modalités de l'article 1343-2 du code civil, Condamne la Sas Clinique [6] à payer à M. [B] [L] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, Rejette les demandes plus amples ou contraires, Condamne la Sas Clinique [6] aux dépens de la procédure d'appel. Arrêt signé par le président et par la greffiere. LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS No RG 19/04291 - No Portalis DBVH-V-B7D-HRPA CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'AVIGNON 15 octobre 2019 RG :18/00466 S.A.S. [U] DISTRIBUTION Grosse délivrée COUR D'APPEL DE NÎMES CHAMBRE CIVILE 5ème chambre sociale PH ARRÊT DU 15 NOVEMBRE 2022 Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AVIGNON en date du 15 Octobre 2019, No18/00466 COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS : M. Michel SORIANO, Conseiller, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré. COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président M. Michel SORIANO, Conseiller Madame Leila REMILI, Conseillère GREFFIER : Mme Emmanuelle BERGERAS, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision A l'audience publique du 01 Septembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 15 Novembre 2022. Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel. APPELANTE : Madame [F] [G] née le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 8] [Adresse 2] [Localité 5] Représentée par Me Anne-france BREUILLOT de la SELARL BREUILLOT & AVOCATS, avocat au barreau de CARPENTRAS SAS [U] DISTRIBUTION [Adresse 3] [Localité 4] Représentée par Me Stéphanie ROUSSEL, avocat au barreau de NIMES Représentée par Me Rajaa TOUIJER, avocat au barreau de MARSEILLE ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 18 Août 2022 Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 15 Novembre 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS Mme [F] [G] a été engagée à compter du 1er septembre 2006 selon contrat de travail à durée indéterminée, en qualité d'adjointe au directeur d'exploitation, par la SAS [U] Distribution. Par avenant au contrat de travail du 25 septembre 2007, Mme [G] était promue au poste de directrice d'exploitation, classification cadre niveau 8. Le 02 octobre 2010, une altercation a eu lieu entre Mme [G] et M. [B], le directeur commercial. Du 13 au 31 décembre 2010, Mme [G] était placée en arrêt maladie. Le 3 juin 2011, une nouvelle altercation a eu lieu entre Mme [G] et Mme [N], salariée du service comptable. Par lettre recommandée du 18 juillet 2011, Mme [G] était convoquée à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement. Le 25 août 2011, elle recevait un avertissement suite aux faits du 3 juin 2011, accompagné d'un nouveau contrat de travail. Par courrier du 25 septembre 2011, Mme [G] contestait cet avertissement et refusait de signer le nouveau contrat de travail. Le 24 août 2011, Mme [G] était victime d'un accident de la circulation entraînant un nouvel arrêt maladie. Le 31 août 2012, Mme [G] était hospitalisée pendant 7 jours et arrêtée jusqu'au 2 décembre 2012. Le 30 octobre 2013, Mme [G] était arrêtée par son médecin traitant jusqu'au 13 novembre 2013, puis prolongé jusqu'au 13 décembre 2013. Par lettre recommandée avec accusé réception du 20 janvier 2014, Mme [G] était convoquée à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement pour le 30 janvier 2014, assortie d'une mise à pied à titre conservatoire. Mme [G] adressait un courrier de contestation le 27 janvier 2014. Par lettre recommandée avec accusé de réception du 28 février 2014, la société [U] Distribution notifiait à Mme [F] [G] son licenciement pour faute grave dans les termes suivants : "Embauchée par notre société le 4 septembre 2006, vous exercez actuellement les fonctions de directrice d'exploitation. À ce titre, vous avez sous votre autorité l'ensemble des services de l'entreprise ce qui inclut notamment l'informatique, l'entrepôt, l'administratif, la logistique, etc. Nonobstant le poste stratégique que vous occupez au sein de notre entreprise, vous devez, malgré tout, rendre compte de votre activité à ses mandataires sociaux. Ce lien de subordination justifie d'ailleurs que nous puissions vous demander certaines informations et explications notamment d'ordre comptable et financier. Or, et depuis de nombreux mois, les marges réalisées par notre entreprise sur certains de nos produits posent difficultés, ce qui n'est pas d'ailleurs sans conséquence sur le résultat technique que nous générons. Or, et au vu du poste que vous occupez, vous n'êtes pas sans savoir l'importance que revêt ces questions notamment pour le devenir de notre société. À ce titre, il vous a été demandé, de manière verbale et à plusieurs reprises, de nous fournir certaines explications à ce sujet. Nous avons même ensemble rencontré notre expert-comptable pour en discuter. Malgré cela, l'ensemble de nos demandes sont restées vaines. Face à votre absence de réaction, il a été décidé de vous faire la demande par écrit. Une première lettre vous a donc été adressée le 21 août 2013 afin d'obtenir certaines explications sur la marge obtenue au cours des trois précédents exercices sur le secteur dont vous aviez personnellement la charge (secteur pénitentiaire) et plus particulièrement « les doses » avec les variations de marge et l'impact sur la gestion des contrats en cours écoulés. Pour toute réponse et malgré l'importance de notre requête, vous nous avez déclaré par courrier du 1er septembre 2013, que vous ne disposiez plus, dans l'application informatique, de ces données ce qui s'avère totalement erroné. Vous avez, en outre déclaré que notre demande était trop vague et vous ne disposiez pas du temps nécessaire pour effectuer un tel travail en raison de votre retour de congés payés. Malgré les explications supplémentaires qui vous ont été fournies ainsi qu'un délai plus important pour y répondre, notre demande est restée sans réponse. Vous avez, en d'autres termes, considéré qu'il était de votre droit le plus strict de n'y apporter aucune explication. Vous n'avez d'ailleurs pris aucune mesure en ce sens ; aucun de vos collaborateurs n'a d'ailleurs été missionné sur ce point. Concomitamment à notre requête, M. [R] [U], Président de la société, devait à son tour, vous demander, par courrier du 20 septembre 2013, des explications notamment sur les marges du produit lacté arôme cacao OKAKAO » et ce, afin de comprendre la cohérence existante entre le prix entré en informatique (27,43 euros) et le prix réellement facturé (28,37 euros) laissant apparaître une absence de marge de 3 409 €. Dans votre courrier du 30 septembre 2013, outre le fait de lui avoir déclaré que ses calculs concernant le transport étaient erronés, tout en l'informant que vous n'étiez pas vous-même chargé de « rentrer » les prix dans le système informatique alors qu'en votre qualité de directrice d'exploitation, vous supervisez le service, vous lui avez expliqué que le prix facturé était bien de 28,37 euros le carton auquel devait être ajouté une remise marché de 4,68% et de 5%, soit une remise globale de 9.68%. Au vu de la teneur de votre lettre, le Président de la société devait vous informer par courrier de son étonnement d'apprendre que l'entreprise bénéficiait d'une telle remise alors qu'elle ne figurait en aucun cas sur les comptes fournisseurs. Il s'étonnait d'ailleurs que la facture d'avoir « fournisseurs » régularisant ladite remise marché était arrivée, comme par un fait exprès, le jour même de la remise de la lettre du 20 septembre 2013 et ce directement à votre domicile. De plus, celui-ci vous faisait part de sa surprise sur le fait qu'il ait fallu attendre deux ans pour faire entrer ces sommes enregistrées en comptabilité uniquement après renvoi dudit courrier. Enfin, une question demeurait toujours en suspens : pourquoi le prix informatique du produit mentionné était resté inchangé et ce malgré les demandes de la direction notamment dans son courrier du 20 septembre 2013 ? De nouveau, nous nous sommes heurtés à votre mutisme. Là encore, les questions qui vous ont été posées demeurent sans réponse. Une telle attitude est pour nous inqualifiable sachant qu'elle peut avoir pour conséquence de mettre en péril notre société. Soit, votre mutisme a pour origine votre incompétence soit, et ce qui est plus grave, il existe une réelle volonté de votre part de vouloir porter préjudice aux intérêts de notre société. Malheureusement, tout porte à croire, au vu des dires de certains de vos collaborateurs qui se sont « libérés » depuis votre absence, que votre attitude n'avait rien d'involontaire. Outre les propos inqualifiables que vous avez tenus à l'encontre d'une collaboratrice de notre cabinet d'expertise comptable courant décembre 2013, certains salariés de notre entreprise nous ont informés de votre comportement tant à leur égard (dissimulations d'informations, absence de communication, volonté de créer des conflits au sein des différentes équipes,...) qu'à l'égard de la gouvernance de l'entreprise. Nous avons, en effet, été informés de l'utilisation de propos dénigrants à notre encontre portant notamment sur notre compétence, ce que nous ne pouvons tolérer. Dès lors, la décision a été prise de vous convoquer à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement le 20 janvier 2014 pour le 30 janvier 2014. Lors de l'entretien, vous ne vous êtes pas présentée. Il nous a semblé malgré tout logique de connaître vos explications sur les faits qui vous sont reprochés. C'est en ce sens qu'un courrier en date du 12 février 2014 vous a été envoyé. Pour toute réponse, vous vous justifiez en prétextant avoir fourni l'ensemble des explications demandées de manière verbale, ce qui est pour le moins étrange lorsque les demandes sont-elles même formulées par écrit. Par ailleurs, si ces faits avaient été matériellement erronés comme vous le prétendez pourquoi ne pas avoir, sans votre courrier, officialisé les erreurs que nous aurions commises ce qui nous aurait sûrement permis de résoudre bien des questions qui se posent encore à nous. En conséquence et au vu des explications fournies, la décision a été prise de vous licencier pour faute grave compte tenu de votre comportement. Votre licenciement deviendra effectif à la date d'envoi de la présente lettre, sans préavis ni indemnité de rupture. Nous vous informons que vous avez acquis 120 heures au titre du droit individuel à la formation (DIF). Nous vous rappelons qu'à compter de la rupture de votre contrat de travail, vous pouvez conserver le bénéfice des régimes de prévoyance en vigueur au sein de notre entreprise, aux conditions qui vous seront détaillées par courrier séparé. Votre solde de tout compte, votre certificat de travail ainsi que l'attestation employeur destinée à Pôle Emploi vous seront envoyés au plus vite à votre domicile par courrier recommandé avec accusé de réception. Enfin, et malgré votre licenciement pour faute grave, il a toutefois été décidé de vous rémunérer la période de votre mise à pied à titre conservatoire. (?)". Contestant la légitimité de la mesure prise à son encontre, le 28 septembre 2018, Mme [G] saisissait le conseil de prud'hommes d'Avignon en paiement d'indemnités de rupture pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de diverses sommes, lequel, par jugement contradictoire du 15 octobre 2019, a : - déclaré que le licenciement de Mme [G] repose sur une faute grave ; - dit que Mme [G] a été intégralement remplie de ses droits financiers et de ses droits de prévoyance ; En conséquence, - débouté Mme [G] de l'ensemble de ses demandes ; - condamné Mme [G] à payer à la société [U] Distribution la somme de 700 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ; - condamné Mme [G] aux entiers dépens. Par acte du 10 novembre 2019, Mme [G] a régulièrement interjeté appel de cette décision. Aux termes de ses dernières conclusions en date du 27 juin 2022, Mme [F] [G] demande à la cour de : - infirmer en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud'hommes d'Avignon, dont appel et notamment en ce qu'il a déclaré que son licenciement reposait sur une faute grave, l'a déboutée en conséquence de toutes ses demandes et de sa demande de reconnaissance d'un harcèlement moral ; - dire nul et en tout état de cause sans cause réelle et sérieuse, le licenciement dont elle a fait l'objet de la part de la société [U] Distribution le 28 février 2014. En conséquence, - condamner la société [U] Distribution à lui payer les sommes suivantes : * 80 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; * 9.995,02 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ; * 8 710,26 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ; * 871,03 euros à titre de congés payés y afférents ; * 5 000,00 euros à titre de licenciement vexatoire et abusif ; * 15 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral ; * 10 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation de portabilité des garanties complémentaires santé et prévoyance ; * 18 324,38 euros à titre de rappel de salaires sur les heures supplémentaires non payées du 28 février 2011 au 28 février 2013 ; * 32,43 euros au titre des congés payés correspondants, * intérêts au taux légal à compter de la saisine ; - ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir pour tous les chefs qui n'en bénéficieraient pas de droit ; - condamner la société [U] Distribution à lui payer la somme de 4000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; - condamner la société [U] Distribution aux entiers dépens. Elle soutient que : - les faits fautifs invoqués à son encontre, à savoir l'absence d'explications sur les marges obtenues sur les 3 exercices précédents, l'absence de réponse quant au changement du prix informatique du produit "lacté arôme cacao Okako", et son comportement à l'égard de ses collègues, sont prescrits et ne peuvent fonder son licenciement pour faute grave. - les reproches qui lui sont faits concernant la qualité de son travail et le caractère "insuffisant" de ses réponses relèvent de l'insuffisance professionnelle et non du droit disciplinaire. - les griefs concernant son "comportement" et ses "propos dénigrants" ne peuvent valablement être invoqués pour fonder son licenciement pour faute grave. Courant décembre 2013, elle était en arrêt maladie en raison d'une dépression réactionnelle dont elle a été victime du fait du comportement de son employeur, son contrat de travail était suspendu, par conséquent rien ne saurait justifier une sanction disciplinaire. Elle n'a eu aucun propos susceptible de revêtir un caractère disciplinaire et par ailleurs, aucune preuve n'est versée par l'employeur. - son licenciement est, en réalité, le résultat d'une stratégie programmée de longue date pour se débarrasser d'elle à peu de frais. La société [U] avait déjà prévu, dès janvier 2014, de la licencier ; pour preuve, son salaire de janvier 2014 a été viré à partir du fichier de paye de [Localité 7] et non de paye de [Localité 6]. Elle conteste l'argument de l'employeur selon lequel il dispose de deux comptes bancaires et organise sa trésorerie en conséquence. - contrairement à ce que prétend l'employeur, elle ne s'est pas terrée dans le silence et a répondu à chacun de ses courriers. Elle a bien démontré à l'employeur qu'il ne manquait aucune marge concernant le prix d'achat du lacté cacao et elle n'a commis aucune erreur sur le prix d'achat informatique. Le prix d'achat informatique était bien celui de 2012, également valable pour 2013 (en l'absence de modification) et n'était nullement celui de 2008 comme le prétend l'employeur. - le grief tiré des propos inqualifiables qu'elle aurait tenus à l'encontre d'une collaboratrice du cabinet d'expertise comptable courant décembre 2013 et le grief tiré de son comportement fautif à l'égard d'autres salariés et à l'égard de la gouvernance de l'entreprise, ne sont ni datés, ni circonstanciés, ni éclairés par une situation concrète. - ni la faute grave, ni la simple faute disciplinaire ne peut être retenue à son encontre, son licenciement est donc sans cause réelle et sérieuse. - elle a subi un préjudice moral du fait de son licenciement pendant son arrêt maladie, sans préavis ni indemnité, sans voiture. Elle s'est retrouvée avec de graves problèmes de santé et financiers. - son licenciement a été abusif et vexatoire : elle a subi une mise à pied conservatoire dans des conditions brutales et humiliantes puis a été licenciée sans pouvoir effectuer son préavis. - concernant le harcèlement moral : Le conseil de prud'hommes a commis une erreur de droit en lui reprochant de ne pas " démontrer l'existence d'un harcèlement moral" alors que la charge de la preuve ne lui incombe pas. Elle a été victime d'agissements de harcèlement moral de la part de son directeur commercial : elle a subi des insultes, des manipulations, des agressions verbales quotidiennes sans que la direction ne fasse quoi que ce soit, une procédure disciplinaire injustifiée, l'employeur cherchait à déceler la moindre erreur de sa part, la submergeant de travail, elle venait travailler alors qu'elle était en congés ou en arrêt maladie, l'employeur a refusé de lui donner le document de prise en charge des soins médicaux, il l'a mise à l'écart de toute information et réunion concernant l'entreprise, il lui envoyait successivement des demandes par courriers vagues et contradictoires. Elle a été placée à de nombreuses reprises en arrêt de travail à cause du comportement harceleur de son employeur et le harcèlement a continué bien au delà de son licenciement. - l'employeur a manqué à son obligation de portabilité des garanties complémentaires santé et prévoyance. Il a procédé unilatéralement à la radiation de son contrat de prévoyance collective obligatoire, au moment de son licenciement, de sorte qu'il l'a privée du bénéfice des garanties complémentaires santé et prévoyance. - elle a effectué de nombreuses heures supplémentaires au-delà des 35 heures hebdomadaires prévues dans son contrat de travail et qui ne lui ont jamais été payées. Elle verse au débat un tableau détaillé des heures qu'elle a effectuées quotidiennement. En l'état de ses dernières écritures en date du 06 mai 2020, contenant appel incident, la SAS [U] Distribution demande à la cour de : - confirmer le jugement de première instance en toutes ses dispositions - rejeter toutes les demandes, fins et conclusions de Mme [J] [G] Par conséquent, * sur le licenciement pour faute grave - dire et juger que le licenciement notifié à Mme [J] [G] le 28 février 2014 est fondé sur une faute grave - par conséquent, débouter Mme [J] [G] de l'ensemble de ses demandes indemnitaires * sur les dommages et intérêts pour licenciement brusque et vexatoire - dire et juger que le licenciement n'est pas intervenu dans des conditions brutales et vexatoires - par conséquent, débouter Mme [J] [G] de l'ensemble de ses demandes indemnitaires * sur les dommages et intérêts pour harcèlement moral - constater l'absence de harcèlement moral - dire et juger que la salariée n'a subi aucun agissement susceptible de constituer un harcèlement moral - par conséquent, débouter Mme [J] [G] de l'ensemble de ses demandes indemnitaires * sur la portabilité des droits "prévoyance" - constater les démarches réalisées par l'employeur en matière de portabilité des droits "prévoyance" - constater la carence de la salariée en la matière - constater l'absence de préjudice au cours des 9 mois de portabilité - dire et juger que Mme [J] [G] a été intégralement remplie de ses droits financiers et en terme de portabilité de ses droits "prévoyance". - par conséquent, débouter Mme [J] [G] de l'ensemble de ses demandes indemnitaires * sur les heures supplémentaires - dire et juger que Mme [J] [G] n'a effectué aucune heure supplémentaire - par conséquent, débouter Mme [J] [G] de l'ensemble de ses demandes de paiement au titre des heures supplémentaires * sur les autres demandes - débouter Mme [J] [G] de l'ensemble de ses demandes -condamner Mme [J] [G] à lui payer la somme de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile - condamner Mme [J] [G] aux entiers dépens. Elle fait valoir que : - les derniers faits reprochés à Mme [G], à savoir la tenue de propos inqualifiables à l'égard d'une collaboratrice du cabinet d'expertise médicale, ont été découverts en décembre 2013, soit moins d'un mois avant la notification de la convocation à l'entretien préalable, ils ne sont donc pas prescrits. Les faits de septembre 2013 ont été évoqués à l'appui des faits découverts en décembre 2013 puisqu'ils procédaient d'un même comportement. - elle a licencié la salariée pour faute grave en raison de son comportement fautif et déloyal. Concernant les prix de revient, la salariée s'est terrée dans le silence alors que la viabilité de l'entreprise était en cause ; Mme [G] faisait preuve d'insubordination constante et refusait de répondre à ses demandes d'explications. Celle-ci a tenu des propos inqualifiables à l'égard de ses collègues de travail et à l'encontre de la direction de la société et faisait régner une pression tant verbale que comportementale. Ces faits sont d'une extrême gravité et ce, d'autant plus en raison de son statut de cadre de l'entreprise et de son ancienneté. - la salariée ne justifie d'aucune faute qu'elle aurait commise dans le licenciement, d'aucun préjudice, ni d'aucun lien de causalité entre les deux. Au contraire, elle a fait preuve de délicatesse à l'égard de la salariée. Alors que cette dernière ne s'est pas présentée à l'entretien préalable, elle lui a transmis les griefs qui lui étaient reprochés et lui a demandé d'apporter des explications. Elle lui a rémunéré sa mise à pied à titre conservatoire alors que Mme [G] était en arrêt maladie. - Mme [G] n'établit aucun fait et ne produit aucune pièce probante permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral. Aucun élément circonstancié ne vient étayer la matérialité des insultes ou agressions perpétrées par M. [B]. - à supposer que l'incident que rapporte Mme [G] concernant la journée du 2 décembre 2010 soit avéré, la cour constatera qu'il s'agit d'un seul acte isolé de sorte qu'il ne peut être constitutif de harcèlement moral. - les fonctions de Mme [G] n'ont pas été modifiées. Le projet de modification du contrat de travail qui lui a été soumis le 26 août 2011 avait seulement pour objectif de récapituler par écrit les fonctions dévolues à la salariée et sa rémunération. Ce nouveau contrat contenait une simple régularisation sur l'assiette de calcul de sa prime sur marge. - l'accident de la circulation de la salariée survenu le 24 août 2011 était sans rapport avec la signature de son contrat de travail, puisque ce dernier lui a été adressé le lendemain, soit le 25 août 2011. - dès janvier 2014, elle n'avait pas prévu de licencier la salariée comme cette dernière tente de le faire croire. La raison du virement de son salaire sur le compte du magasin relève d'une question de trésorerie et non d'une logique de départ de la salariée. - Mme [G] venait travailler de sa propre initiative, pendant ses périodes d'arrêt maladie ou de congés, et cela sans l'en informer. La salariée n'a subi aucune dégradation de ses conditions de travail ni aucun autre événement susceptible de porter atteinte à sa dignité. Les arrêts maladies dont elle a fait l'objet étaient sans rapport avec une quelconque situation de harcèlement moral. - Mme [G] a bénéficié de la portabilité de ses droits "prévoyance" puisque celle-ci avait reçu une carte mutuelle valable jusqu'au 30 novembre 2014. La salariée ne démontre pas avoir payé sa quote-part de cotisation à compter du 28 février 2014, ni qu'elle a informé l'organisme assureur et l'employeur qu'elle bénéficiait bel et bien d'une indemnité chômage . Par conséquent, elle ne peut lui reprocher de ne pas avoir bénéficié de la portabilité de ses droits "prévoyance" si elle n'a pas rempli ses obligations. - les heures accomplies entre 35 et 39 heures ont fait l'objet de RTT selon l'accord conclu avec les délégués du personnel, de sorte que Mme [G] n'a pas réalisé d'heures supplémentaires. De surcroît, Mme [G] ne lui a fait aucune demande pour l'accomplissement d'heures supplémentaires. Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures. Par ordonnance en date du 31 mai 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 18 août 2022. L'affaire a été fixée à l'audience du 01 septembre 2022. Dans la mesure où Mme [G] sollicite de voir prononcer la nullité du licenciement, et en tout état de cause sans cause réelle et sérieuse, il convient d'apprécier dans un premier temps si le harcèlement moral invoqué par la salariée est avéré. Sur le harcèlement moral Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. En application de l'article L. 1154-1 du même code, lorsque le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement. Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer ou laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. M. [G] invoque les faits suivants, constitutifs, selon elle, d'actes de harcèlement : - elle a subi de la part du directeur commercial des insultes, des manipulations, des agressions verbales quotidiennes sans que la direction ne fasse quoi que ce soit pour y mettre un terme, - elle a fait l'objet d'une procédure disciplinaire injustifiée, - par le comportement de l'employeur qui a cherché à déceler la moindre erreur de sa part, la submergeant de travail, lui donnant des directives contradictoires, transformant ses propos, lui reprochant tout et son contraire, lui demandant de travailler alors qu'elle avait planifié des congés ou un simple pont? - l'employeur l'a obligée à venir travailler alors qu'elle était en congés ou en arrêt maladie ou en lui adressant ses directives par courrier recommandé alors qu'elle était en congé. - l'employeur a refusé de lui donner le document de prise en charge des soins médicaux en cas d'accident de travail. - elle a été mise à l'écart de toute information et réunion concernant l'entreprise auxquels elle avait accès auparavant, notamment la réunion de bilan qui s'est déroulée fin juillet/début août 2012. - l'employeur a tout mis en oeuvre pour créer de toute pièce un contexte négatif à son égard en faisant courir des « bruits » comme quoi elle ne donnait pas les informations qu'on lui demandait, ce qui était totalement faux, ou alors qu'on ne lui avait jamais demandé, montant ainsi une partie du personnel contre elle, n'hésitant pas par exemple à dire à certains salariés qu'elle les avait dénigrés. - l'employeur lui envoyait successivement des demandes par courrier qui n'avaient aucun sens, toujours vagues et contradictoires, lui demandant de répondre à une lettre de 4 pages en 72 heures alors qu'elle était en arrêt maladie et que parallèlement, l'employeur coupait son accès à sa boite mail. Pour étayer ses affirmations, Mme [G] produit les éléments suivants : * Les insultes, les manipulations, les agressions verbales quotidiennes de la part du directeur commercial sans que la direction ne fasse quoique ce soit pour y mettre un terme en dépit de ses nombreuses plaintes L'article 954 précise, en son alinéa 1, que les conclusions doivent " formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation." Au soutien de sa prétention, l'appelante n'a visé aucune pièce , et ce en contradiction avec les dispositions de l'article 954 du code de procédure civile sus-cité, ne permettant pas à la cour de vérifier le bien fondé de ses prétentions et faisant obstacle à la nécessité d'un débat loyal. * La procédure disciplinaire injustifiée La salariée a fait l'objet d'un avertissement par courrier recommandé avec accusé de réception du 25 août 2011 à la suite d'une altercation avec Mme [N]. Elle le contestera par courrier du 25 septembre 2011 en indiquant avoir été victime de violence de la part de Mme [N]. * L'absence de réaction de l'employeur malgré les demandes réitérées de la salariée d'intervenir afin de mettre un terme aux agissements du directeur commercial à son égard L'article 954 précise, en son alinéa 1, que les conclusions doivent " formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation." Au soutien de sa prétention, l'appelante n'a visé aucune pièce , et ce en contradiction avec les dispositions de l'article 954 du code de procédure civile sus-cité, ne permettant pas à la cour de vérifier le bien fondé de ses prétentions et faisant obstacle à la nécessité d'un débat loyal. * Le comportement de l'employeur qui a cherché à déceler la moindre erreur de sa part, la submergeant de travail, lui donnant des directives contradictoires, transformant ses propos, lui reprochant tout et son contraire, lui demandant de travailler alors qu'elle avait planifié des congés ou un simple pont? "A titre d'exemple, l'employeur lui demandait d'envoyer des informations au comptable, M. [L], toujours vers 12 heures ou à la fermeture" : la salariée produit à ce titre un courriel qu'elle a adressé à "aec-tourbillon" le 12 avril 2011 à 18h25 La cour relève que l'appelante ne produit pas le mèl de l'employeur lui demandant d'envoyer les informations au comptable, de sorte qu'il est impossible de déterminer s'il s'agit d'un email tardif de celui-là ou d'un traitement tardif du courriel par la salariée. "De même, elle était contrainte de prendre 4 jours de congés du mardi 5 au vendredi 8 juillet 2011, de revenir travailler une semaine, pour repartir 4 jours (du mardi 19 au vendredi 22 juillet 2011)" : la salariée produit à ce titre son bulletin de salaire du mois de juillet 2011 mentionnant les jours de congés pris, à savoir du 5 au 9 et du 19 au 23 juillet. L'attribution des congés relevant du pouvoir de direction de l'employeur, aucune faute ne peut être relevée à son encontre, aucun abus à ce titre n'étant démontré par la salariée. * L'employeur l'a obligée à venir travailler alors qu'elle était en congés ou en arrêt maladie ou en lui adressant ses directives par courrier recommandé alors qu'elle était en congé L'article 954 précise, en son alinéa 1, que les conclusions doivent " formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation." Au soutien de sa prétention, l'appelante n'a visé aucune pièce , et ce en contradiction avec les dispositions de l'article 954 du code de procédure civile sus-cité, ne permettant pas à la cour de vérifier le bien fondé de ses prétentions et faisant obstacle à la nécessité d'un débat loyal. * L'employeur a refusé de lui donner le document de prise en charge des soins médicaux en cas d'accident de travail La salariée vise dans ses écritures la pièce no56 constituée par ses arrêts de travail du 11 janvier 2014 au 2 mai 2014, lesquels ne permettent en aucun cas de démontrer le grief reproché à l'employeur. * La mise à l'écart de toute information et réunion concernant l'entreprise auquel elle avait accès auparavant, notamment la réunion de bilan qui s'est déroulée fin juillet/début août 2012 L'appelante ne vise aucune pièce à l'appui du grief susvisé. L'article 954 précise, en son alinéa 1, que les conclusions doivent " formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation." Au soutien de sa prétention, l'appelante n'a visé aucune pièce , et ce en contradiction avec les dispositions de l'article 954 du code de procédure civile sus-cité, ne permettant pas à la cour de vérifier le bien fondé de ses prétentions et faisant obstacle à la nécessité d'un débat loyal. * L'employeur a tout mis en oeuvre pour créer de toute pièce un contexte négatif à son égard en faisant courir des « bruits » comme quoi elle ne donnait pas les informations qu'on lui demandait, ce qui était totalement faux, ou alors qu'on ne lui avait jamais demandé, montant ainsi une partie du personnel contre elle, n'hésitant pas par exemple à dire à certains salariés qu'elle les avait dénigrés. L'appelante ne vise aucune pièce à l'appui du grief susvisé. L'article 954 précise, en son alinéa 1, que les conclusions doivent " formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation." Au soutien de sa prétention, l'appelante n'a visé aucune pièce , et ce en contradiction avec les dispositions de l'article 954 du code de procédure civile sus-cité, ne permettant pas à la cour de vérifier le bien fondé de ses prétentions et faisant obstacle à la nécessité d'un débat loyal. * L'employeur lui a successivement envoyé des demandes par courrier qui n'avaient aucun sens, toujours vagues et contradictoires, lui demandant de répondre à une lettre de 4 pages en 72 heures alors qu'elle était en arrêt maladie et que parallèlement, l'employeur coupait son accès à sa boite mail. L'appelante ne vise aucune pièce à l'appui du grief susvisé. L'article 954 précise, en son alinéa 1, que les conclusions doivent " formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation." Au soutien de sa prétention, l'appelante n'a visé aucune pièce , et ce en contradiction avec les dispositions de l'article 954 du code de procédure civile sus-cité, ne permettant pas à la cour de vérifier le bien fondé de ses prétentions et faisant obstacle à la nécessité d'un débat loyal. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que les pièces produites ne constituent pas des éléments de nature à laisser présumer l'existence d'un harcèlement faute pour la salariée de rapporter l'existence d'agissements répétés ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Le harcèlement moral n'étant pas constitué, Mme [G] doit être déboutée de sa demande en dommages et intérêts pour harcèlement ainsi que de sa demande en nullité du licenciement motivée par des faits de harcèlement moral, le jugement critiqué méritant confirmation de ces chefs. Sur le licenciement pour faute grave * Sur la prescription de la faute Aux termes de l'article L 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de 2 mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance et l'employeur, qui a déjà sanctionné le salarié pour des faits fautifs, ne peut plus s'appuyer ensuite sur des faits antérieurs non sanctionnés. Ce délai de deux mois commence à courir à compter du moment où l'employeur a une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés au salarié. Il appartient à l'employeur d'apporter la preuve de la date à laquelle il a eu connaissance des faits sanctionnés. Lorsqu'une enquête interne est diligentée aux fins de mesurer l'ampleur des fautes commises par un salarié, c'est la date à laquelle les résultats de l'enquête sont connus qui marque le point de départ du délai de deux mois L'appelante soulève dans un premier temps la prescription des faits fautifs. Elle soutient qu'elle était en absence pour maladie depuis plus de 2 mois lorsque l'employeur l'a convoquée à l'entretien préalable au licenciement, celui-ci se référant "presque exclusivement à des réponses prétendument insatisfaisantes données à la suite de ses courriers en août et septembre 2013." Il n'est pas contestable que l'appelante a fait l'objet d'un arrêt de travail pour cause de maladie à compter du 30 octobre 2013, la rupture du contrat de travail étant intervenue alors que cet arrêt de travail était toujours en cours. L'employeur soutient que les derniers faits ont été découverts en décembre 2013, soit moins d'un mois avant la notification de la convocation à l'entretien préalable, s'agissant de "propos inqualifiables que [vous] tenus à l'encontre d'une collaboratrice de notre cabinet d'expertise comptable courant décembre 2013..." Pour en justifier, la société intimée produit l'attestation de M. [I] ainsi libellée : "Je soussigné [E] [I] atteste par la présente avoir été informé par Monsieur [H] [S] du cabinet d'expertise comptable [S] EXPERTISE de l'existence d'une altercation en décembre 2013 entre Madame [J] [G] et Madame PORTALIS collaboratrice du cabinet à propos des payes du mois de décembre." L'employeur a convoqué la salariée à un entretien préalable par courrier du 20 janvier 2014, soit dans le délai de deux mois de l'incident rapporté par M. [I], la prescription de ce fait n'est donc pas acquise. Pour les fautes reprochées à la salariée dont la dernière, à la lecture de la lettre de licenciement, est du 20 septembre 2013, l'employeur considère qu'une faute prescrite peut être invoquée à l'appui d'un nouveau fait fautif. Cependant, pour pouvoir invoquer des faits prescrits à l'appui d'une nouvelle faute, il est nécessaire qu'il y ait un lien entre ces faits fautifs successifs, qu'ils soient de même nature. Autrement dit, ils doivent procéder d'un comportement identique, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. En effet, les faits ayant donné lieu aux courriers des mois d'août et septembre 2013 concernent des demandes d'explications et d'informations de l'employeur notamment d'ordre comptable et financier, demandes non satisfaites, alors que le fait de décembre 2013 concerne une altercation et des propos "inqualifiables" qui auraient été tenus par l'appelante à l'encontre d'une collaboratrice du cabinet comptable de l'entreprise, faits n'ayant aucun lien entre eux. Les griefs tenant aux courriers des mois d'août et septembre 2013 sont dès lors prescrits et ne peuvent être invoqués par l'employeur pour justifier le licenciement pour faute grave de la salariée. * Sur le fond La faute grave résulte de tout fait ou ensemble de faits imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail et des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible son maintien dans l'entreprise et exige son départ immédiat, ce, même pendant la durée du préavis. Il incombe à l'employeur qui l'invoque d'en rapporter la preuve. La lettre de rupture vise les faits suivants non prescrits : - les propos inqualifiables tenus à l'encontre d'une collaboratrice du cabinet comptable de la société - comportement à l'égard de certains salariés : dissimulation d'informations, absence de communication, volonté de créer des conflits au sein des différentes équipes,... - comportement à l'égard de la gouvernance de l'entreprise : propos dénigrants portant sur la compétence de cette dernière. Les propos inqualifiables tenus à l'encontre d'une collaboratrice du cabinet comptable de la société Pour démontrer ce grief, l'employeur produit l'attestation de M. [I] reprise supra laquelle est imprécise dans la mesure où les propos reprochés ne sont pas rapportés de sorte que ce grief ne sera pas retenu. De plus, M. [I] n'a pas été témoin direct des faits reprochés. Le comportement à l'égard de certains salariés : dissimulation d'informations, absence de communication, volonté de créer des conflits au sein des différentes équipes,... Pour démontrer ce grief, l'employeur produit les éléments suivants : - l'attestation de Mme [C] [X] ainsi libellée : "... Mme [J] ne répondait jamais à mes attentes. Elle se substituait à ses obligations vis à vis de l'équipe commerciale. Elle écoutait passivement mes questions sur le travail, telles que les demandes spécifiques de devis. Elle perdait fréquemment des documents et oubliait souvent mes fiches de paie. L'indépendance de mon travail m'écartait de plus en plus de cette personne que je considérais incompétente. L'arrivée de Mr [B] [P] a été très bénéfique pour l'entreprise. Mes complications ont été résolues et j'ai pu ainsi évoluer dans mon travail." Il s'agit d'une appréciation subjective de Mme [C] sur les compétences de l'appelante, les griefs invoqués n'étant pas datés, lesquels ne sauraient, en toute hypothèse, constituer une faute. - le courrier de Mme [N] adressé à l'employeur le 16 octobre 2013 à la suite de sa convocation à un entretien préalable à licenciement, ainsi libellé : Car je vous rappelle, même si au moment des faits vous avez voulu l'ignorer, que Mme [F] [J]-[G] est totalement responsable de l'état de santé dans lequel je me trouve depuis. Que malgré ma volonté et mon courage à exécuter mon travail avec le sérieux et les compétences que vous connaissez, je n'ai pas pu résister plus longtemps aux conséquences psychologiques suite à l'agression physique de cette personne. De ce fait la Médecine du travail a donc prononcé mon inaptitude à tout poste de travail dans votre entreprise. La salariée appelante a, à ce titre, fait l'objet d'un avertissement par courrier recommandé avec accusé de réception du 25 août 2011 à la suite de l'altercation avec Mme [N]. Elle le contestera par courrier du 25 septembre 2011 en indiquant avoir été victime de violence de la part de cette dernière. Il s'agit de faits de 2011 et en l'absence de démonstration des causes de l'inaptitude de Mme [N], celle-ci ne saurait être imputée à Mme [G], alors qu'elle intervient plus de deux ans après les faits reprochés par la première à la seconde. - la lettre de M. [B], directeur commercial, du 28 janvier 2014, dont le destinataire n'est pas mentionné, ainsi libellée : "Monsieur et Madame, Je suis présent au sein de la société [U] SA depuis avril 2008 au service des achats et à la direction commerciale, j'ai constaté avec regret que Madame [F] [J] [G] responsable au même titre que moi n'a jamais essayer de collaborer afin de faire progresser la société et en permanence faisait tout pour mettre des obstacles sur le plan humain et commercial, dissimulation d'information etc... Madame [F] [J] faisait tout pour créer des conflits au sein de l'équipe et lors des différentes conversations avec le personnel, j'ai entendu plusieurs fois Madame [J] critiquer voir insulter la direction et moi même de vive vois sans aucunes hésitations. De plus je me suis aperçu que Madame [F] [J] pendant son arrêt de travail venait entre midi et 14h au bureau alors que le personnel était parti déjeuner. Cela est arrivé plusieurs fois pendant la durée de son arrêt." M. [B] ne fait état d'aucun fait précis matériellement vérifiable de sorte que son témoignage ne sera pas retenu. - l'attestation de Mme [A], ainsi libellée : "Madame [F] [G] faisait régner une pression tant verbale que comportementale dure sur les employés de l'entreprise, et personnellement, elle m'humiliait avec des phrases du type "vous n'êtes bonne qu'à travailler chez [U], vous êtes incompétente. Je venais travailler chaque matin la boule au ventre avec un stress fort. J'en ai alerté Mr [U] [O] début décembre 2013 car la situation était devenue insoutenable." Mme [G] conteste ladite attestation aux motifs que les faits relatés ne sont ni datés, ni circonstanciés, ni éclairés par une situation concrète. Elle produit une plainte adressée en recommandé avec accusé de réception au parquet d'Avignon le 15 février 2017, contre X pour fausse attestation, mais ne donne aucune précision sur la suite qui y aurait été donnée. Les attestations produites par la salariée témoignent en termes positifs de son comportement au travail et sont de nature à démentir qu'elle ait pu tenir de tels propos : - attestation de M. [D] : "J'ai travaillé pendant 34 ans comme chauffeur livreur chez [U] SA et depuis son arrivée jusqu'à son départ avec Mme [G]. J'avais de très bons rapports avec elle, elle savait écouter et traitait les gens avec respect, elle était exigeante mais toujours juste..." - attestation de Mme [Z] : "J'ai travaillé en étroite collaboration avec Mme [G]... Elle était très impliquée dans son travail et faisait en sorte que tout ce passe bien. Nos relations étaient bonnes elle nous a même fait envoyer des fleurs pour la fête des secrétaires. Je ne l'ai jamais entendu dénigrer quelqu'un et encore moins la direction." - attestation de M. [Y] : "C'était un plaisir de travailler avec [F] [G] car elle était toujours à l'écoute, positive, agréable et très efficace. Chaque fois que je l'appelais pour n'importe quel problème elle le solutionnait immédiatement. Je ne l'ai jamais entendu dénigrer la direction ou tenir des propos blessants envers quiconque..." - attestation de Mme [W] : "Employée par la société [U] pendant 39 ans en tant qu'agent administrative, j'ai travaillé avec Mme [G] depuis son arrivée dans l'entreprise jusqu'à mon départ à la retraite. Nos relations de travail ont toujours été bonnes, nous n'avons jamais eu d'altercation. Mme [G] a toujours été correcte dans ses propos et ne m'a jamais insultée ni manquée de respect durant ces années..." - attestation de Mme [K] : "J'ai travaillé pendant 18 ans en tant que employée commerciale dans l'entreprise SA [U] et avec Madame [G] [F] depuis son arrivée en 1996 jusqu'à son départ en maladie en novembre 2013. Elle m'a toujours traitée avec respect et gentillesse, même lorsqu'elle m'a sanctionnée une fois en ne me donnant pas de prime, elle a pris la peine de me convoquer pour m'expliquer les raisons, pour que je rectifie le tir et c'est ce que j'ai fait. Je ne l'ai jamais entendu dénigrer la direction ni qui que soit d'autres." - attestation de M. [M] : "J'ai apprécié travailler avec Me [G] ... elle n'a jamais critiqué la direction, au contraire elle faisait tout son possible pour motiver le personnel et que tout se passe bien dans l'entreprise. D'ailleur j'‘étais très motivé de travailler dans ce climat de respect et de confiance, ce qui n'a plus été le cas après son départ." Bien plus, pour illustrer ce grief, la lettre de licenciement parle d'un comportement à l'égard de plusieurs salariés alors qu'un seul exemple est cité dans les conclusions de l'employeur, fermement contesté par la salariée. Enfin, les faits dénoncés par Mme [A] ne sont ni datés ni circonstanciés et insuffisamment précis pour permettre à la salariée de répondre utilement. Le grief n'est dès lors pas établi. Le comportement à l'égard de la gouvernance de l'entreprise : propos dénigrants portant sur la compétence de cette dernière Pour démontrer ce grief, l'employeur invoque dans ses écritures : - l'attestation de M. [T] qui indique : "J'ai souvent été choqué du dénigrement de Mme [G] vis à vis de la direction et des altercations et injures entre les 2 cadres de l'entreprise, elle-même et M. [B]. Ce que je trouvais déplacé vis à vis des employés de l'entreprise. J'en ai alerté Monsieur [O] [U] en décembre 2013." Le témoignage de M. [T] ne contient aucun fait précis matériellement vérifiable de sorte qu'il ne sera pas retenu. - la lettre de M. [B] reprise ci-dessus et qui n'a pas été retenue dans la mesure où M. [B] ne fait état d'aucun fait précis matériellement vérifiable. Il résulte de l'ensemble de l'argumentation développée supra que le licenciement pour faute grave prononcé à l'encontre de Mme [G] n'est pas justifié et devra être, dans ces circonstances, déclaré sans cause réelle et sérieuse. Le jugement querellé devra ainsi être réformé sur les demandes afférentes au licenciement sans cause réelle et sérieuse et les demandes financières subséquentes. Sur les conséquences financières du licenciement sans cause réelle et sérieuse Mme [G] peut prétendre à une indemnité compensatrice de préavis de deux mois dont le montant et le mode de calcul ne sont pas discutés par l'employeur, d'un montant de 8710,26 euros bruts, outre les congés payés afférents à hauteur de 871,03 euros bruts. L'employeur ne conteste pas plus le montant et le mode de calcul de l'indemnité de licenciement réclamée par la salariée d'un montant de 9995,02 euros. L'article L1235-3 du code du travail dans sa version applicable au litige prévoit que : "Si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l'une ou l'autre des parties refuse, le juge octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité, à la charge de l'employeur, ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Elle est due sans préjudice, le cas échéant, de l'indemnité de licenciement prévue à l'article L. 1234-9." Ce faisant, compte tenu des éléments d'appréciation dont dispose la cour et notamment l'âge de Mme [G] lors de la notification de son licenciement (50 ans 7 mois) et de son ancienneté de service (7 ans et 7 mois), et en l'absence de toute explication et pièces sur la situation actuelle de l'appelante, la cour retient que l'indemnité à même de réparer intégralement son préjudice doit être évaluée à la somme de 30000 euros, la cour relevant qu'aucun élément ne permet de rattacher l'état de santé de la salariée à ses conditions de travail, de sorte que seul le prejudice causé par la rupture est indemnisé au vu des pièces produites. Le licenciement étant sans cause réelle et sérieuse, il y a lieu, en application des dispositions de l'article L 1235-4 du code du travail, d'ordonner à l'employeur de rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage versées au salarié, dans la limite de la somme de 6 mois. Sur le licenciement vexatoire et abusif L'appelante sollicite la somme de 5000 euros à ce titre soutenant avoir subi une mise à pied conservatoire dans des conditions humiliantes et brutales puis licenciée sans pouvoir effectuer son préavis après plus de 7 ans de "bons et loyaux services". Il n'est démontré aucun abus de l'employeur dans l'utilisation de la mise à pied conservatoire infligée à la salariée, cette dernière n'ayant en effet pu effectuer son préavis dans la mesure où elle était en arrêt maladie. Mme [G] sera dans ces circonstances déboutée de ce chef de demande, le jugement déféré étant confirmé à ce titre. Sur le non respect par l'employeur de son obligation de portabilité des garanties complémentaires santé et prévoyance Les parties conviennent que la durée de la portabilité est de 9 mois à compter de la rupture du contrat de travail, en application de l'article 14 de l'accord national interprofessionnel du 11 janvier 2018 et de son avenant no 3 du 18 mai 2009 sur la modernisation du marché du travail, soit jusqu'au 28 novembre 2014. L'employeur a rempli son devoir d'information à ce titre dans la lettre de licenciement, puis par courriers du 24 mars 2014 et a procédé à la déclaration de portabilité auprès de l'organisme concerné. Toutefois, pour bénéficier de la portabilité, la salariée devait fournir à l'employeur le justificatif de sa prise en charge par l'assurance chômage, ce qui n'a pas été le cas en l'espèce, la salariée ayant bénéficié d'un arrêt de travail pour maladie jusqu'au 15 mai 2015 et ne démontrant pas avoir adressé un justificatif de prise en charge par Pôle emploi avant le 27 juin 2014, date de son courrier dans lequel elle adresse à l'employeur ledit document pour une prise en charge à compter du 16 mai 2014. La salariée recevra ensuite sa carte mutuelle le 22 juillet 2014. Les pièces ainsi produites ne permettent ni de retenir avec certitude la responsabilité de l'employeur dans le retard invoqué, ni de caractériser le préjudice certain qui serait né de ce manquement, étant rappelé que la salariée a adressé les justificatifs de prise en charge par Pôle emploi le 27 juin 2014. Le premier jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de ce chef. Sur les heures supplémentaires Aux termes de l'article L3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable. En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. À défaut d'éléments probants fournis par l'employeur, les juges se détermineront au vu des seules pièces fournies par le salarié Après analyses des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant. Il appartient à la juridiction de vérifier si les heures supplémentaires revendiquées ont été rendues nécessaires par le travail confié au salarié, l'opposition à l'exécution de celle-ci de l'employeur se trouvant alors indifférente. Le salarié peut revendiquer le paiement d'heures supplémentaires à raison de l'accord tacite de l'employeur. Cet accord tacite peut résulter de la connaissance par l'employeur de la réalisation d'heures supplémentaires par le biais de fiche de pointage et l'absence d'opposition de l'employeur à la réalisation de ces heures. En l'espèce, Mme [G] produit les éléments suivants : - les tableaux des temps de travail pour les années 2011 à 2013, pour chaque semaine - le courrier adressé à l'employeur le 25 septembre 2011 (en réponse à la sanction disciplinaire précédemment infligée) et dans lequel elle indique ne jamais avoir récupéré une seule heure, alors qu'elle venait travailler le week end, restait entre 12h et 14h et le soir quand il le fallait. La salariée produit ainsi des éléments suffisamment précis permettant à l'employeur d'y répondre utilement. En défense, l'employeur produit les éléments suivants : - un bon de commande du 8 février 2010 auprès de la société Bodet pour l'achat d'un "Dongle BT50 32P (A7) France", l'employeur rajoutant qu'il s'agit d'une pointeuse. L'employeur indique que la salariée s'abstiendra de pointer ses heures de travail, sans pour autant lui adresser le moindre courrier de rappel à l'ordre à ce titre. - un échange de courriels entre l'appelante et le cabinet comptable de l'entreprise démontrant que Mme [G] avait notamment pour mission de transmettre à ce dernier chaque mois les éléments nécessaires à l'établissement des paies. L'employeur indique fort justement que Mme [G] n'a jamais fait état dans ces documents, sur lesquels son nom était mentionné, d'heures supplémentaires qu'elle aurait réalisées. La cour relève encore que l'appelante a fait l'objet d'un arrêt de travail pour maladie du 31 octobre 2012 au 2 décembre 2012, son décompte faisant pourtant apparaître sur ladite période des heures travaillées et des heures supplémentaires. Enfin, il n'est pas justifié par l'appelante qu'elle aurait accompli ces heures supplémentaires avec l'accord, même implicite, de l'employeur, ni que ces heures de travail réclamées étaient nécessaires en raison des tâches confiées à Mme [G]. Tenant l'ensemble de ces éléments, le jugement querellé mérite confirmation en ce qu'il a débouté Mme [G] de sa demande au titre des heures supplémentaires. Sur les demandes accessoires L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'appelante, le jugement critiqué étant réformé sur ce point ainsi que sur les dépens, lesquels seront laissés à la charge de la SAS [U] Distribution. PAR CES MOTIFS Par arrêt contradictoire, rendu publiquement en dernier ressort, Confirme le jugement rendu le 15 octobre 2019 par le conseil de prud'hommes d'Avignon en ce qu'il a débouté Mme [F] [G] de : - ses demandes fondées sur le harcèlement moral, - sa demande au titre de la portabilité des droits prévoyance santé, - sa demande au titre des heures supplémentaires, - sa demande au titre du licenciement vexatoire et abusif, Le réforme pour le surplus Et statuant à nouveau, Dit le licenciement de Mme [F] [G] dépourvu de cause réelle et sérieuse, Condamne la SAS [U] Distribution à payer à Mme [F] [G] les sommes suivantes : - 8710,26 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 871,03 euros bruts à titre de congés payés afférents, - 9995,02 euros à titre d'indemnité de licenciement, - 30000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, Rappelle que les intérêts au taux légal courent sur les sommes à caractère salarial à compter de la réception par l'employeur de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation, et à défaut de demande initiale, à compter de la date à laquelle ces sommes ont été réclamées, que s'agissant des créances salariales à venir au moment de la demande, les intérêts moratoires courent à compter de chaque échéance devenue exigible, et qu'ils courent sur les sommes à caractère indemnitaire, à compter du jugement déféré sur le montant de la somme allouée par les premiers juges et à compter du présent arrêt pour le surplus, Déboute les parties du surplus de leurs demandes, Ordonne le remboursement par l'employeur aux organismes concernés de tout ou partie des indemnités de chômage payées au salarié licencié du jour de son licenciement au jour du prononcé de la présente décision, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage, et dit qu'une copie certifiée conforme de la présente sera adressée à ces organismes conformément aux dispositions de l'article L 1235-4 du code du travail, Condamne la SAS [U] Distribution à payer à Mme [F] [G] la somme de 1000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, Condamne la SAS [U] Distribution aux dépens d'appel, Arrêt signé par le président et par la greffiere. LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
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ARRÊT No22/ R.G : No RG 20/02116 - No Portalis DBWB-V-B7E-FOOY S.A. BANQUE FRANCAISE COMMERCIALE OCEAN INDIEN COUR D'APPEL DE SAINT - DENIS ARRÊT DU 12 OCTOBRE 2022 Chambre commerciale Appel d'une décision rendue par le TRIBUNAL MIXTE DE COMMERCE DE SAINT-PIERRE DE LA REUNION en date du 16 NOVEMBRE 2020 suivant déclaration d'appel en date du 01 DECEMBRE 2020 RG no 2020001325 APPELANTE : S.A. BANQUE FRANCAISE COMMERCIALE OCEAN INDIEN [Adresse 1] [Adresse 1] Représentant : Me Cécile BENTOLILA de la SCP CANALE-GAUTHIER-ANTELME-BENTOLILA, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION Madame [P] [M] [Adresse 2] [Adresse 2] [Adresse 2] Représentant : Me Isabelle SIMON, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION DATE DE CLÔTURE : 15/11/2021 DÉBATS : en application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 06 avril 2022 devant Madame PIEDAGNEL Sophie, Conseillère, qui en a fait un rapport, assistée de Madame Nathalie BEBEAU, Greffière, les parties ne s'y étant pas opposées. Ce magistrat a indiqué, à l'issue des débats, que l'arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 06 juillet 2022 prorogé par avis au 12 octobre 2022. Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Président : Madame Sophie PIEDAGNEL, Conseillère Conseiller : Madame Pauline FLAUSS, Conseillère Conseiller : Madame Magali ISSAD, Conseillère Qui en ont délibéré Arrêt : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 12 octobre 2022. Suivant contrat de prêt professionnel no65950 du 27 février 2016, la SA Banque Française Commerciale Océan Indien (la BFCOI ou la banque) a consenti à la SARL Odalyna Beauty dont la gérante est Mme [P] [M] un prêt professionnel d'un montant de 62.000 euros remboursable en 84 mensualités d'un montant de 861,81 euros hors assurance et assorti d'un TEG de 6,3 % destiné à financer l'acquisition de matériel pour son activité de bar à ongles. Suivant acte sous seing privé du 8 avril 2016, Mme [P] [M] s'est portée caution solidaire dans la limite de la somme de 35.200 euros couvrant le paiement du principal, des intérêts et le cas échéant des pénalités ou intérêts de retard pour la durée de sept ans. Suivant jugement du tribunal mixte de commerce de Saint-Pierre du 22 mai 2019, la SARL Odalyna Beauty a été placée en sauvegarde, convertie en liquidation judiciaire le 7 novembre 2019. La BFC OI a déclaré sa créance à hauteur de la somme de 45.676,13 euros le 3 décembre 2019 auprès du liquidateur. Suivant lettre recommandée avec accusé de réception reçue le 14 décembre 2019, la caution de Mme [M] a été actionnée par la BFCOI. Par acte d'huissier en date du 3 mars 2020, la BFCOI a fait assigner Mme [M] devant le tribunal mixte de commerce de Saint Pierre de la Réunion aux fins de condamnation à lui payer les sommes de 35.200 euros majorées des intérêts de retard au taux légal à compter de la mise en demeure du 10 décembre 2019 et 2.500 euros au titre des frais irrépétibles. Mme [M] a conclu au débouté des prétentions de la BFCOI et sollicité, à titre reconventionnel la condamnation de cette dernière à lui verser les sommes de 1.000 euros à titre de dommages-intérêts et 3.000 euros au titre des frais irrépétibles. C'est dans ces conditions que, par jugement rendu le 16 novembre 2020, le tribunal mixte de commerce de Saint Pierre de la Réunion a : -débouté la SA Banque Française Commerciale Océan Indien (BFCOI) de sa demande en paiement dirigée contre Mme [P] [M] -débouté Mme [P] [M] de sa demande de dommages et intérêts -condamné la SA Banque Française Commerciale Océan Indien (BFCOI) à payer à Mme [P] [M] la somme de 1.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile -condamné la SA Banque Française Commerciale Océan Indien (BFCOI) aux dépens de l'instance, y compris les rais de greffe taxés et à liquides à hauteur de 66,22 euros. Par déclaration au greffe en date du 1er décembre 2020, la BFC OI a interjeté appel de cette décision. Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 7 juillet 2021, la BFCOI demande à la cour, au visa des articles 1103, 1221, 1231-6 et 2288 du code civil et 15, 16 et 673 du code de procédure civile, de : A titre principal -annuler le jugement entrepris -condamner Mme [M] à verser à la BFCOI la somme de 35.200 euros en exécution de son engagement de caution du 8 avril 2016, majorée des intérêts de retard au taux légal à compter de la mise en demeure du 10 décembre 2019 A titre subsidiaire -infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la BFCOI de ses demandes, condamné la BFCOI à payer à Mme [M] la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamné la BFCOI aux dépens -condamner, en conséquence, Mme [M] à verser à la BFCOI la somme de 35.200 euros en exécution de son engagement de caution du 8 avril 2016, majorée des intérêts de retard au taux légal à compter de la mise en demeure du 10 décembre 2019 En tout état de cause -débouter Mme [M] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions -condamner Mme [M] à verser à la BFCOI la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile -condamner Mme [M] aux dépens de la première instance et de l'appel. Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 28 juin 2021, Mme [M] demande à la cour de : Rejetant toutes conclusions contraires comme injustes ou mal fondées -statuer ce que de droit sur la recevabilité de l'appel -débouter la BFCOI de l'ensemble de ses demandes relatives à la nullité du jugement de première instance -confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions Y Ajoutant, -condamner la BFCOI au paiement de la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens. Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux conclusions des parties, visées ci-dessus, pour l'exposé de leurs prétentions et moyens. L'ordonnance de clôture est intervenue le 15 novembre 2021 et l'affaire a reçu fixation pour être plaidée à l'audience rapporteur du 6 avril 2022. Le prononcé de l'arrêt, par mise à disposition du greffe, a été fixé au 6 juillet 2022 prorogé au 12 octobre 2022. SUR CE, LA COUR A titre liminaire D'une part, il y a lieu de préciser qu'il sera fait application des dispositions du code civil dans leur version antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance no2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve de l'obligation dans la mesure où l'engagement de caution a été pris avant l'entrée en vigueur de la réforme. D'autre part, le jugement déféré doit être d'ores et déjà confirmé en ce qu'il a débouté Mme [M] de sa demande de dommages et intérêts, cette disposition n'étant pas discutée en cause d'appel par l'intéressée qui a conclu à la confirmation dudit jugement en toutes ses dispositions. Sur l'annulation du jugement sollicitée par la banque Selon la banque le principe du contradictoire consacré par les articles 15 et 16 du code de procédure civile et les exigences de l'article 673 du même code ont été violés et, par conséquence, la cour doit annuler le jugement dont appel et trancher l'ensemble du litige conformément à l'effet dévolutif de l'appel prévu à l'article 562 du même code. Elle soutient qu'en cours de première instance, elle n'a été destinataire que d'un seul jeu de conclusions de Mme [M], à savoir ses conclusions no1 notifiées le 22 juin 2020 car dûment remises à la barre, lors de l'audience et datées et signées à cette occasion par son conseil et accompagnées de ses pièces numérotées de 1 à 7. Elle fait valoir qu'elle n'a jamais reçu en première instance les conclusions no2 de Mme [M] ni ses nouvelles pièces numérotées de 8 à 22. Elle considère que l'intimée méconnaît manifestement l'article 673 du code de procédure civile lequel régit précisément la notification directe des actes entre avocats, à savoir la remise de conclusions et pièces contre décharge qui est une obligation légale tendant notamment au respect du contradictoire. Elle précise que l'adresse « [Courriel 4] » n'est pas l'adresse mail professionnelle de Me [B] [V], associée de la SCP Canale Gauthier Antelme [V] Clotagatide : les adresses mail de Me [V] et de la SCP Canale sont inchangées depuis de nombreuses années à savoir [Courriel 3] et [Courriel 5]. Elle soutient encore que l'oralité des débats devant le tribunal mixte de commerce de Saint-Pierre ne saurait effacer l'absence de notification des conclusions no2 de Mme [M] et de ses pièces no8 à 22 et ajoute qu'il n'y a pas eu de plaidoirie de sorte qu'elle n'a pas eu connaissance des arguments développées dans les conclusions no 2 de Mme [M], ni de ses quinze nouvelles pièces et n'a pas été en mesure d'y répliquer. Enfin, elle argue que le code de procédure civile n'effectue pas de distinction entre les procédures orales et écrites s'agissant des notifications entre avocats. Selon Mme [M], ses conclusions no2 et les pièces visées ont bien été communiquées à la banque et le principe du contradictoire n'a pas été violé : elles ont été adressées à l'adresse « [Courriel 4] » qui était l'adresse enregistrée dans le logiciel du cabinet dans la mesure où elle avait été utilisée dans de précédentes affaires et utilisée pour l'envoi des premières conclusions. Elle fait valoir que le principe d'oralité consiste à exiger des parties qu'elles présentent leurs prétentions oralement à l'audience, que l'oralité touche toutes les demandes susceptibles d'être formulées par les plaideurs et que le juge ne peut statuer que sur les demandes qui ont été formulées oralement. Elle considère que dans la mesure où il est constant que l'affaire a été débattue oralement en audience publique et que chaque partie a pu exposer ses arguments et discuter des arguments et pièces adverses, le principe du contradictoire a été respecté. Elle ajoute qu'aucune disposition du code de procédure civile n'impose aux parties de s'échanger leurs conclusions contre décharge signée, les parties devant uniquement respecter le principe du contradictoire. Elle soutient que les articles 671 et suivants visés par l'établissement bancaire visent uniquement les modalités de communications applicables à la procédure écrite et non la procédure orale, dans le cadre de laquelle la communication des écritures et pièces se fait par tout moyen, or, il a parfaitement été démontré que les conclusions no2 et les pièces visées ont été communiquées sur la même adresse électronique que les conclusions no1 que la banque reconnaît avoir reçu. D'une part, Aux termes de l'article 542 du code de procédure civile modifié par le décret no2017-891 du 6 mai 2017 : "L'appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d'appel." L'appel-annulation ne peut sanctionner qu'une irrégularité dans la procédure d'élaboration du jugement. Il est soumis au droit commun de l'appel. Il sanctionne une irrégularité caractérisée et particulièrement grave de la part de la juridiction tels que le non-respect des droits de la défense ou la méconnaissance de l'étendue de son pouvoir de juger. Il n'est possible que sur démonstration d'un excès de pouvoir du juge. D'autre part, Dans les procédures écrites avec représentation obligatoire, les conclusions sont notifiées par « acte du palais », c'est-à-dire dans la forme des notifications entre avocats (articles 815 et 961 du code de procédure civile). Aux termes des articles 671 et 674 du même code, les notifications entre avocats se font, soit par signification, soit par notification directe. Selon l'article 672 du même code : « La signification est constatée par l'apposition du cachet et de la signature de l'huissier de justice sur l'acte et sa copie avec l'indication de la date et du nom de l'avocat destinataire ». Selon l'article 673 du même code : « La notification directe s'opère par la remise de l'acte en double exemplaire à l'avocat destinataire, lequel restitue aussitôt à son confrère l'un des exemplaires après l'avoir daté et visé ». En dehors des procédures écrites où la notification des conclusions est réglementée, elles peuvent être communiquées par tout moyen, notamment par courrier ou par télécopie, voire par courrier électronique. En l'espèce, il n'est pas contesté que les conclusions no2 ainsi que les pièces ont été communiquées le 6 avril 2020 par courriel à l'adresse personnelle de Me [V], avocate de la banque, comme l'avait été les premières conclusions qui, certes, avaient été en outre déposées et visées par le greffe, étant remarqué que : -la procédure est orale devant le tribunal mixte de commerce -l'audience s'est tenue le 5 octobre 2020 -le jugement mentionne bien les demandes et moyens de chaque partir dans l'exposé du litige, même s'il renvoie « pour plus ample exposé des faits, des prétentions et moyens des parties » « aux écritures régulièrement déposées au greffe et auxquelles elles se sont référées lors de l'audience des débats, conformément à l'article 455 du code de procédure civile » -les parties n'ont pas sollicité l'autorisation de formuler les prétentions et les moyens par écrit prévue à l'article 861 du code de procédure civile impliquant une communication par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par notification entre avocats. Dans ces conditions, Mme [M] établissant la communication desdites conclusions et pièces, et ce, bien avant la date de l'audience publique, la demande tendant à annuler le jugement dont appel ne pourra qu'être rejetée. Sur la demande principale Selon la banque, l'ensemble des sommes dues au titre du prêt professionnel no65950 sont devenues exigibles au jour du jugement de conversion de la procédure de sauvegarde de l'EURL Odalyna Beauty en liquidation judiciaire rendu le 7 novembre 2019, outre une indemnité forfaitaire contractuelle égale à 7% du capital restant dû, soit la somme totale de 45.676,13 euros se décomposant comme suit : -4.423,75 euros correspondant aux cinq échéances de remboursement des mois de juin à octobre 2019 -46,36 euros au titre des intérêts de retard -38.510,30 euros correspondant au capital restant dû au 07 novembre 2019 -2.695,72 euros (7% x 35.510,30) au titre de l'indemnité forfaitaire contractuelle. Elle soutient que, conformément à l'article 1103 du code civil, Mme [M] est dans l'obligation de régler ses dettes et ce, dans la limite de la somme de 35.200 euros. S'agissant de l'absence de disproportion du cautionnement, la banque fait valoir que conformément à la jurisprudence constante de la Cour de cassation, le créancier est en droit de se fier aux informations qui lui sont fournies par la caution sur sa situation patrimoniale ; il n'est pas tenu de les vérifier en l'absence d'anomalies apparentes, or, en l'espèce, Mme [M] a signé une fiche de renseignements, en faisant précéder sa signature de la mention manuscrite suivante : « Je certifie sincères et exacts les renseignements fournis sur les deux pages » dans laquelle elle indique posséder un placement auprès du Crédit Agricole d'un montant de 16.318 euros et des valeurs mobilières d'un montant de 35.000 euros, soit un patrimoine mobilier d'un montant total de 51.318 euros et n'avoir aucune charge. Elle dément avoir eu connaissance du fait que les placements de Mme [M] étaient affectés à la création de son entreprise au jour de la souscription du cautionnement et du fait que la valeur mobilière déclarée consistait en un véhicule automobile. Elle ajoute que, dans le cadre d'un virement, l'établissement bancaire destinataire des fonds n'a pas connaissance du type de compte bancaire sur lequel se trouvait initialement les fonds et que, la voiture étant un élément du patrimoine, sa dépréciation ultérieure importe peu puisque, conformément à l'article L332-1 du code de la consommation, la disproportion alléguée s'apprécie à la valeur des biens de la caution au jour de la signature de son engagement. Elle fait encore valoir que Mme [M] ne produit à aucun moment un état de ses placements auprès du Crédit Agricole qui démontrerait que ceux-ci étaient réduits à néant le 8 avril 2016, jour de la souscription de son engagement de caution et qu'elle ne démontre pas non plus que ses valeurs mobilières déclarées pour un montant 35.000 euros n'existaient plus au jour de son engagement de caution et en déduit qu'elle pouvait valablement se fonder sur les déclarations de l'intimée pour retenir qu'au regard du montant des placements et valeurs mobilières déclarés pour un montant total de 51.318 euros, le cautionnement souscrit dans la limite de la somme de 35.200 euros n'apparaissait pas, au jour de sa signature, disproportionné. Mme [M] considère qu'elle rapporte la preuve de la disproportion de son engagement de caution par rapport à ses revenus et ses biens au moment de son engagement et de l'insuffisance de son patrimoine lorsqu'elle a été recherchée par le créancier. Elle fait valoir que, s'agissant du placement auprès du Crédit Agricole d'un montant de 16.318,00 euros, cette somme a servi à régler le montant du capital social s'élevant à 10.000 euros, ainsi que les frais liés au début d'activité de la société et notamment les frais administratifs, honoraires de constitution de la société, frais d'architecte, de licence de marque « BEAUTYBAR ONE», etc. , or, la banque ne pouvait l'ignorer dans la mesure elle a communiqué ces éléments à la gestionnaire du dossier de prêt :« Pour la licence et les redevances en PJ la facture Proforma.», de sorte que ces sommes ne pouvaient légitimement être considérées comme un élément de son patrimoine Elle soutient que concernant les valeurs mobilières d'un montant de 35.000 euros, elles correspondaient à la valeur de son véhicule de marque Toyota RAV4 à la date de souscription de l'engagement de caution, acquis un an plus tôt par le couple, or, elle avait interrogé l'établissement de crédit sur ce point, dans la mesure où le questionnaire de solvabilité de la caution manquait de clarté, de sorte que la banque ne pouvait ignorer qu'elle avait reporté la valeur de son véhicule, à cette époque, sur la fiche de renseignement de la caution et compte tenu de la forte décote d'un véhicule automobile, la banque ne pouvait valablement considérer qu'il s'agit d'un élément de patrimoine permettant de garantir l'engagement de caution. Elle ajoute qu'à ce jour, sa situation ne s'est pas améliorée : sa société a été liquidée et elle est actuellement en contentieux avec le bailleur du local commercial ; elle perçoit des allocations Pôle Emploi à hauteur de 1.071 euros par mois, augmentées d'une contribution à l'entretien et à l'éducation de ses enfants à hauteur de 400 euros ainsi que des allocations CAF d'un montant de 546,55 euros ; elle est séparée de son compagnon et a la résidence principale de ses deux enfants ; ses charges mensuelles s'élèvent à 2.327 euros. Pour rappel, dans la mesure où la BFC OI est un créancier professionnel, les dispositions du code de la consommation sont applicables à l'engagement de caution de Mme [M]. Il résulte des dispositions de l'article 2296 alinéa 1er (ancien) du même code civil que : « La solvabilité d'une caution ne s'estime qu'eut égard à ses propriétés foncières, excepté en matière de commerce ou lorsque la dette est modique. On n'a point égard aux immeubles litigieux ou dont la discussion deviendrait trop difficile par l'éloignement de leur situation. » Par ailleurs, en vertu des dispositions des articles L332-1 et L343-4 du code de la consommation (aujourd'hui abrogés par l'ordonnance du 15 septembre 2021 et intégrés au code civil) « Un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation. » Ces dispositions s'appliquent à toutes les cautions, averties ou non, à condition qu'elle soit une personne physique, au cautionnement présentant un caractère commercial et à tout créancier professionnel. La disproportion manifeste du cautionnement s'apprécie au regard de la capacité de la caution à faire face, avec ses biens et revenus, non à l'obligation garantie, selon les modalités de paiement propres à celle-ci, c'est à dire aux mensualités des prêts, mais au montant de son propre engagement. Il est tenu compte de l'endettement global de la caution y compris celui résultant d'engagements de caution, quand bien même ces engagements de caution auraient été déclarés disproportionnés, à condition qu'il s'agisse de cautionnements antérieurement souscrits mais il ne peut être tenu compte d'un cautionnement antérieur que le juge déclare nul et qui est ainsi anéanti rétroactivement. C'est la caution qui supporte la charge de la preuve de démontrer que son engagement de caution était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, le code de la consommation n'imposant pas au créancier professionnel de vérifier la situation financière de la caution lors de son engagement. La caution qui a rempli, à la demande de la banque, une fiche de renseignements relative à ses revenus et charges annuels et à son patrimoine, dépourvue d'anomalies apparentes sur les informations déclarées, ne peut, ensuite, soutenir que sa situation financière était en réalité moins favorable que celle qu'elle a déclarée au créancier. Ainsi, la banque n'a pas de vérification à faire sur les informations données par la caution dans une fiche que la caution certifiée exacte et signée en l'absence d'anomalies apparentes et peut les opposer sauf à intégrer des charges qu'elle ne pouvait ignorer. La sanction du caractère manifestement disproportionné de l'engagement de la caution est l'impossibilité pour le créancier professionnel de se prévaloir de cet engagement. Il incombe au créancier professionnel qui entend se prévaloir d'un contrat de cautionnement manifestement disproportionné lors de la conclusion aux biens et revenus de la caution, personne physique, d'établir que, au moment où il l'appelle, le patrimoine de celle-ci lui permet de faire face à ses obligations. En l'espèce, selon « contrat de prêt professionnel no65950 » du 27 février 2016, la BFCOI a consenti à la SARL Odalyna Beauty un prêt d'un montant de 62.000 euros au taux nominal fixe de 4,5% l'an (TEG 6,3%) remboursable en 84 mensualités pour financer partiellement des travaux et acquérir du matériel pour la création d'un bar à ongle d'un coût total de 117.000 euros, garantie par un nantissement du fonds de commerce et un cautionnement personnel, solidaire et indivisible de Mme [M], gérant de la société Odalyna Beauty. Selon « cautionnement solidaire et indivisible », paraphé, signé et portant les mentions manuscrites légales, Mme [M] s'est porté caution de la société Odalyna Beauty à hauteur de 35.200 euros sur 7 ans. La société Odalyna Beauty a été placé en sauvegarde par jugement en date du 22 mai 2019. Le 24 juillet 2019, la BFCOI a déclaré sa créance auprès de la SELARL Franklin Bach pour un montant de 45.057,30 euros. Par jugement en date du 7 novembre 2019, la procédure de sauvegarde a été convertie en liquidation judiciaire et la BFCOI a déclaré sa créance auprès du liquidateur pour un montant de 45.676,13 euros le 3 décembre 2019. Par courrier recommandé avec demande d'avis de réception daté du 10 décembre 2019 (pli non réclamé), la BFCOI a actionné Mme [M] en sa qualité de caution de la société Odalyna Beauty et mis en demeure Mme [M] de régler la somme de 35.200 euros sous quinzaine. La BFCOI verse au débats les « renseignements confidentiels sur personne physique appelée à donner une caution » signée par Mme [M] le 9 septembre 2015 et portant la mention manuscrite « je certifie sincères et exacts les renseignements fournis sur les deux pages » dont il ressort qu'à la rubrique « patrimoine mobilier » il est indiqué : -placement 16.318€ CA -valeur mobilière 35.000€ -la case « revenu mensuel du travail » est laissée blanche -le « passif » ne comporte aucun élément. Mme [M] produit au dossier, notamment : -les statuts de la société -les justificatifs de la libération du capital social effectuée auprès de la BFCOI -le relevé de compte société -la facture pour la licence de marque Beautybar One : 11.400 euros -le virement architecte auprès du Crédit Agricole : 1.500 euros -la facture d'annonce légale : 67,05 euros -courriels de Mme [M] donnant ordre au Crédit Agricole de procéder au virement de la somme de 2.000 euros auprès de la BFCOI les 10, 16 et 18 mars 2016 -courriel du 9 septembre 2015 dans lequel Mme [M] demande à sa conseillère BFCOI, notamment : « Pour la fiche caution, je suis désolée mais je ne sais pas si elle est correctement remplie en particulier la partie « sûreté » où je ne vois pas vraiment ce que demandez, s'agit-il de mes biens personnels ? Véhicules ?. ? » -la carte grise du véhicule automobile Toyota Rava S'agissant de sa situation socio-profesionnelle, Mme [M] verse aux débats, notamment : -une attestation de paiement Pôle Emploi du 13 novembre 2015 faisant état, notamment d'une allocation d'aide au retour à l'emploi (ARE) de 1.307,61 euros au 5 mai 2015 -un justificatif d'impôt sur le revenu (impôt 2015 sur les revenus 2014) faisant mention de traitement et salaire pour 18.011 euros (soit 1.500,92 euros par mois) -un avis de situation déclaration à l'impôt sur le revenu 2017 (revenus 2016) ne faisant état d'aucun revenu -une ouverture de droit à l'allocation ARE du 30 juillet 2020 à raison de 35,70 euros net par jour pendant 215 jours -une attestation de la caisse d'allocation familiale (CAF) du 14 mars 2020 faisant état d'une allocation de logement versées à la SEM Aménage dévelop équipe pour 425 euros et des allocations familiales sous conditions de ressources de 131,55 euros pour [E] et [T] [F] ainsi qu'une retenue de 49 euros -un appel de charges de copropriété de 653,77 euros pour le premier trimestre 2020 -frais de garde d'enfant pour 352 euros pour le mois de février 2020. En l'espèce, rien ne permet d'affirmer, comme le fait Mme [M], que la banque était informée de ce que la somme mentionnée dans la fiche de renseignements comme « placement » auprès du Crédit Agricole était consacrée à la création de la société ni que la « valeur mobilière » reportée à la rubrique « valeur mobilière » correspondait à un véhicule, le courriel du 9 septembre 2015 n'étant suivi d'aucune réponse de la part de la banque Par ailleurs, si Mme [M] n'a reporté aucune somme au titre des revenus mensuels du travail, force est de constater que le justificatif d'impôt relatif aux revenus 2014) faisait mention de traitement et salaire pour 18.011 euros (soit 1.500,92 euros par mois). Enfin, Mme [M] fait état d'un loyer de 850 euros par mois alors qu'elle verse aux débats un appel de charge de copropriété. En tout état de cause, Mme [M] qui a indiqué dans la fiche de renseignement, dépourvue de toute anomalie apparente, détenir un patrimoine mobilier d'un montant total de 51.315 euros (16.318 + 35.000) lui laissant un actif net disponible de 51.315 euros, tandis que son engagement de caution s'élevait à une somme bien inférieure de 35.200 euros et ce, en dépit du fait qu'elle ne faisait état d'aucun revenu, étant remarqué qu'elle ne faisait pas davantage référence à la moindre charge. Dans ces conditions Mme [M] échoue à rapporter la preuve de l'existence d'une disproportion manifeste par rapport à ses biens et revenus lors de la souscription de son engagement de caution. En conséquence, le jugement déféré doit être infirmé en ce qu'il a débouté la SA Banque Française Commerciale Océan Indien (BFCOI) de sa demande en paiement dirigée contre Mme [P] [M]. Dans ces conditions, il convient, statuant à nouveau, de condamner Mme [M] à verser à la BFCOI la somme de 35.200 euros en exécution de son engagement de caution du 8 avril 2016, majorée des intérêts de retard au taux légal à compter de la mise en demeure du 10 décembre 2019. Sur les dépens et les frais irrépétibles Compte tenu de l'infirmation totale du jugement dont appel, il convient de condamner Mme [M] aux dépens de première instance et d'appel et de la débouter de sa demande au titre des frais irrépétibles pour la procédure d'appel. Le jugement sera également infirmé en ce qu'il a condamné la banque à payer à Mme [M] la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles. Pour autant, aucun élément de la cause tiré de l'équité ou de la situation économique des parties ne commande qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, que ce soit en première instance comme en appel. PAR CES MOTIFS La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, en matière commerciale, par mise à disposition au greffe conformément à l'article 451 alinéa 2 du code de procédure civile ; DEBOUTE la SA Banque Française Commerciale Océan Indien de sa demande tenant à voir annuler le jugement rendu le 16 novembre 2020 par le tribunal mixte de commerce de Saint Pierre de la Réunion ; INFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 16 novembre 2020 par le tribunal mixte de commerce de de Saint Pierre de la Réunion ; Et statuant à nouveau CONDAMNE Mme [P] [M] à verser à la SA Banque Française Commerciale Océan Indien la somme de 35.200 euros en exécution de son engagement de caution du 8 avril 2016, majorée des intérêts de retard au taux légal à compter de la mise en demeure du 10 décembre 2019 ; Y ajoutant DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; CONDAMNE Mme [P] [M] aux dépens de première instance et d'appel. Le présent arrêt a été signé par Madame Sophie PIEDAGNEL, Conseillère, et par Madame Nathalie BEBEAU, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. LA GREFFIÈRESIGNELA PRÉSIDENTE
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ARRÊT No22/ R.G : No RG 19/00561 - No Portalis DBWB-V-B7D-FEWI S.A.R.L. AUTOPROLOCATION S.A. CREDIT MODERNE OCEAN INDIEN COUR D'APPEL DE SAINT - DENIS ARRÊT AVANT DIRE DROIT DU 12 OCTOBRE 2022 Chambre commerciale Appel d'une décision rendue par le TRIBUNAL MIXTE DE COMMERCE DE SAINT-DENIS en date du 04 MARS 2019 suivant déclaration d'appel en date du 03 AVRIL 2019 RG no APPELANTS : Monsieur [G] [L] [D] [Adresse 2] [Adresse 2] [Adresse 2] [Localité 4] Représentant : Me Vincent RICHARD, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION Madame [Z] [U] [F] [D] [Adresse 2] [Adresse 2] [Adresse 2] [Localité 4] Représentant : Me Vincent RICHARD, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION S.A.R.L. AUTOPROLOCATION [Adresse 3] [Localité 4] Représentant : Me Vincent RICHARD, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION S.A. CREDIT MODERNE OCEAN INDIEN [Adresse 1] [Localité 5] Représentant : Me Dominique LAW WAI, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION DATE DE CLÔTURE : 31/01/2022 DÉBATS : en application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 06 avril 2022 devant Madame PIEDAGNEL Sophie, Conseillère, qui en a fait un rapport, assistée de Madame Nathalie BEBEAU, Greffière, les parties ne s'y étant pas opposées. Ce magistrat a indiqué, à l'issue des débats, que l'arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 06 juillet 2022 prorogé par avis au 12 octobre 2022. Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Président : Madame Sophie PIEDAGNEL, Conseillère Conseiller : Madame Pauline FLAUSS, Conseillère Conseiller : Madame Magali ISSAD, Conseillère Qui en ont délibéré Arrêt : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 12 octobre 2022. Dans le cadre d'une opération de défiscalisation, et suivant trois offres de crédit du 31 août 2015 la SA Crédit Moderne Océan Indien (le CMOI ou la banque) a consenti à la SNC Salazie Location 137, trois crédits destinés à l'acquisition de trois véhicules automobiles de marque Peugeot en vue de leur location auprès de la SARL Autoprolocation, dirigée par Mme [Z] [U] [F] [E] épouse [D], chacun des prêts comprenant une clause de réserve de propriété au profit de la banque. Le même jour, ont été conclus : -trois contrats de location entre les SNC Salazie Location et la société Autoprolocation, avec promesse irrévocable de rachat pour chacun d'entre eux -trois conventions tripartites de délégation et de mandat entre la SNC, la société Autoprolocation et le CMOI, aux termes desquelles l'emprunteur déléguait au CMOI le montant total des loyers et de toute somme dont la locataire pourrait être redevable résultant des contrats de locations consentis (pour assurer le remboursement du capital et des intérêts des prêts) et lui donnait mandat d'agir en ses lieu et place pour assurer la conservation des biens financés -les actes de cautions solidaires et indivisibles de M. [G] [L] [D] et son épouse dans la limite de la somme de 14.222,80 euros pour chacun des trois contrats de prêt conclus entre la banque et la SNC Salazie Location 137. A la suite de la défaillance de la société Autoprolocation dans le paiement des loyers, par lettre recommandée avec avis de réception en date du 6 mars 2017, la banque a notifié à la société débitrice la déchéance du terme des trois contrats de location et réclamé à la locataire et aux cautions le paiement des sommes lui restant dues et ce, en vain. Par actes d'huissier en date du 24 juillet 2017, le CMOI a fait assigner la société Autoprolocation ainsi que M. et Mme [D] devant le tribunal mixte de commerce de Saint Denis de la Réunion aux fins de condamnation à lui payer les sommes de 11.297,52 euros au titre du contrat no 275124, 11.297,52 euros au titre du contrat no 275125, 11.297,52 euros au titre du contrat no 275126 et 3.500 euros au titre des frais irrépétibles, la restitution des véhicules, sous astreinte, ainsi que la condamnation à lui payer la somme de 260,81 euros par mois en cas de restitution tardive jusqu'à restitution effective, et ce sous le bénéfice de l'exécution provisoire. Les défendeurs ont conclu au débouté des prétentions de la banque, sollicité en tout état de cause des délais de paiements ainsi qu'une indemnité de procédure de 3.000 euros. C'est dans ces conditions que, par jugement rendu le 4 mars 2019, le tribunal mixte de commerce de Saint Denis de la Réunion a : -déclaré la société CMOI recevable et bien fondée en ses demandes -condamné solidairement la SARL Autoprolocation et les époux [D] à payer à la société CMOI les sommes suivantes, déduction à faire de la somme de 7.250 euros : .11.297,52 euros au titre du contrat no 275124, .11.297,52 euros au titre du contrat no 275125, .11.297,52 euros au titre du contrat no 275126, et ce, avec les intérêts au taux légal sur la somme due en principal, à compter du premier impayé du mois de septembre 2016 jusqu'au règlement effectif des sommes dues -ordonné la restitution immédiate des trois véhicules Peugeot immatriculés [Immatriculation 6], [Immatriculation 8] et [Immatriculation 7] dans un lieu indiqué par la société CMOI, et ce, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du huitième jour suivant la signification de la présente décision -autorisé la société CMOI à appréhender les véhicules en quelque lieu et quelques mains qu'ils se trouvent et à les faire conduire dans le garage de son choix aux frais du débiteur, et ce, le cas échéant, avec l'assistance de la force publique -condamné solidairement la SARL Autoprolocation et les époux [D] à payer à la société CMOI la somme de 260,81 euros en cas de restitution tardive, par mois et pour chacun des véhicules jusqu'à leur restitution effective, -condamné la SARL Autoprolocation et les époux [D] à payer à la société CMOI la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile -autorisé les défendeurs à s'acquitter de leur dette en principal, intérêts et frais en 24 mensualités égales, et ce, à compter du premier jour ouvrable du mois suivant celui de la signification de la présente décision -dit qu'à défaut de règlement d'une seule échéance à sa date, l'entier solde sera exigible et les poursuites pourront être reprises -dit n'y avoir lieu à exécution provisoire -condamné les défendeurs aux dépens. Par déclaration au greffe en date du 3 avril 2019, la société Autoprolocation ainsi que M. et Mme [D] ont interjeté appel de cette décision. Par arrêt avant dire droit en date du 23 août 2021, la cour a invité les parties à mettre leurs écritures en conformité avec la situation juridique telle qu'elle ressort des pièces produites (les parties évoquant dans leurs conclusions indistinctement les contrats de prêts et les contrats de location, M. et Mme [D] n'est pas, a priori, caution de la société Autoprolocation au titre des contrats de location et la société Autoprolocation n'est pas, a priori, caution de la SNC Salazie Location 137 au titre des contrats de prêts), et à présenter toutes observations utiles, ordonné le rabat de l'ordonnance de clôture, renvoyé le dossier à l'audience de mise en état du 18 octobre 2021 et réservé l'ensemble des demandes et des dépens. Dans leurs dernières conclusions transmises par voie électronique le 3 juillet 2019, la société Autoprolocation et M. et Mme [D] demandent à la cour, au visa des articles (version applicable au présent litige) 1134, 1152, 1231, 1250 et 1147 du code civil et L341-4 du code de la consommation, de : -dire et juger recevable l'appel interjeté -réformer le jugement entrepris Statuant à nouveau -dire et juger que la société Autoprolocation a de bonne foi réglé en partie la dette contractuelle découlant des contrats litigieux -dire et juger que les clauses relatives à l'indemnité de résiliation doivent être qualifiées de clause pénale -dire et juger que le montant réclamé au titre de la clause pénale figurant dans les offres de crédit et dans les contrats de location, délégation et mandat, est manifestement excessif et doit être réduit dans des proportions substantielles et équitables au regard du montant des sommes réclamées et du montant de la dette réelle -dire et juger que les demandes présentées contre M. et Mme [D] à la fois au titre des contrats de crédit puis des contrats de location, délégation et mandat ne sont pas justifiées au regard de la qualité mise en cause et des montants réclamés, -dire et juger que la société CMOI ne peut valablement réclamer à la fois l'ensemble du paiement des loyers, la restitution des véhicules ainsi que le montant des clauses pénales sans violer le principe de réparation intégrale du préjudice -annuler la clause autorisant la société CMOI à intervenir par subrogation auprès de la société Autoprolocation -dire et juger irrecevable la demande en restitution immédiate des véhicules sur le fondement de la subrogation dont entend se prévaloir la société CMOI -dire et juger disproportionnés les engagements de caution souscrits par M. et Mme [D] au titre des contrats de crédit, location, délégation ou mandat, au jour de l'assignation délivrée par la société CMOI -prononcer la mise hors de cause de M. et Mme [D] au titre de tout engagement de caution relatif à l'offre de crédit de la société CMOI -dire et juger les engagements de caution inopposables à l'égard de M. et Mme [D] et prononcer la déchéance desdits engagements à l'égard de M. et Mme [D] En conséquence -rejeter la demande en restitution des véhicules au profit de la société CMOI -rejeter les demandes en paiement formées à l'égard de la société Autoprolocation et de M. et Mme [D] telles qu'elles sont libellées par la société CMOI et dans les montants sollicités, et à quelque titre que ce soit En toute hypothèse -en cas de condamnation des défendeurs à l'égard de la société CMOI, quel qu'en soit le montant, accorder un délai de grâce de 24 mois eu égard aux difficultés financières de la société Autoprolocation et des tentatives régulières de la société de régler une part de la dette dans la mesure de ses possibilités -condamner la société CMOI à verser à la société Autoprolocation la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 15 octobre 2021, la banque demande à la cour de : -dire et juger l'appel de la SARL Autoprolocation et de M. et Mme [D] recevable -le dire et juger toutefois mal fondé -débouter la SARL Autoprolocation et M. et Mme [D] de toutes leurs demandes, fins et prétentions -confirmer en toutes ses dispositions le jugement entre pris -condamner, solidairement la SARL Autoprolocation et M. et Mme [D] à payer à la SA CMOI la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel dont il conviendra de faire masse et dont distraction au profit de Me D. Law-Wai qui pourra les recouvrer, conformément à l'article 699 du code de procédure civile. Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux conclusions des parties, visées ci-dessus, pour l'exposé de leurs prétentions et moyens. L'ordonnance de clôture est intervenue le 31 janvier 2022 et l'affaire a reçu fixation pour être plaidée à l'audience rapporteur du 6 avril 2022. Le prononcé de l'arrêt, par mise à disposition du greffe, a été fixé au 6 juillet 2022 prorogé au 12 octobre 2022. SUR CE, LA COUR Vu l'article 954 du code de procédure civile ; Vu les articles 13 et 16 du code de procédure civile ; Dans leurs dernières conclusions, les appelants demandent à la cour, notamment, de : -annuler la clause autorisant la société CMOI à intervenir par subrogation auprès de la société Autoprolocation -dire et juger irrecevable la demande en restitution immédiate des véhicules sur le fondement de la subrogation dont entend se prévaloir la société CMOI. Pour autant, ils ne précisent pas le fondement de ces demandes Dans ces conditions, il convient de rouvrir les débats afin d'inviter M. et Mme [D] et la société Autoprolocation de préciser le fondement juridique desdites demandes et permettre au CMOI de faire toutes observations utiles. PAR CES MOTIFS La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par arrêt avant dire droit, en matière commerciale, par mise à disposition au greffe, conformément à l'article 451 alinéa 2 du code de procédure civile ; REVOQUE l'ordonnance de clôture ; ORDONNE la réouverture des débats afin d'inviter M. [G] [L] [D], Mme [Z] [U] [F] [E] épouse [D] et la SARL Autoprolocation de préciser le fondement juridique de leur demande tendant à voir annuler la clause autorisant la SA Crédit Moderne Océan Indien (la société CMOI) à intervenir par subrogation auprès de la société Autoprolocation et dire et juger irrecevable la demande en restitution immédiate des véhicules sur le fondement de la subrogation dont entend se prévaloir la société CMOI et permettre à cette dernière de faire toutes observations utiles, et ce, avant le 7 novembre 2022, sous peine de radiation ; RENVOIE l'affaire à l'audience de mise en état du 21 novembre 2022 à 14 heures (audience dématérialisée) ; RESERVE les dépens. Le présent arrêt a été signé par Madame Sophie PIEDAGNEL, Conseillère, et par Madame Nathalie BEBEAU, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. LA GREFFIÈRESIGNELA PRÉSIDENTE
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COUR D'APPEL DE NOUMÉA Numéro de répertoire général: No RG 20/00128 - No Portalis DBWF-V-B7E-RS2 Date de la saisine: 16 Décembre 2020 Date de la décision attaquée:30 Juin 2020 Origine décision attaquée:Tribunal mixte de Commerce de NOUMEA LISTE DES PARTIES ET AVOCATS DU DOSSIER S.E.L.A.R.L. [J] [M] [E] MANDATAIRE JUDICIAIRE, ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL PROMOCAL, représentée par sa gérante en exercice Me [J] [M] [E], demeurant [Adresse 4] - [Localité 3] S.A.S. BATICAL, demeurant [Adresse 2] - [Localité 3] Représentée par Me Yann BIGNON de la SARL LEXCAL, avocat au barreau de NOUMEA S.A.R.L. MENPOSE, demeurant [Adresse 1] - [Localité 3] Représentée par Me Yann BIGNON de la SARL LEXCAL, avocat au barreau de NOUMEA ORDONNANCE IRRECEVABILITE Nous, Philippe ALLARD, président de chambre, désigné par le premier président de la cour d'appel de Nouméa ; Vu le jugement rendu le 30 juin 2020 par le tribunal mixte de commerce de Nouméa dans une instance opposant les sociétés Batical et Menpose à la société Promocal, Vu la requête d'appel déposée le 16 décembre 2020 par la selarl [E], agissant ès qualités de mandataire liquidateur de la société Promocal, Attendu qu'il résulte de l'article 899-2 du code de procédure civile que lorsque la constitution d'avocat est obligatoire, l'appelant qui n'a pas constitué avocat dans sa requête d'appel est tenu d'y procéder à peine d'irrecevabilité de la requête dans le délai d'un mois à compter du dépôt de celle-ci ; que l'article 899-4 du code de procédure civile précise qu'en cas de de non constitution d'avocat dans le délai prescrit, l'irrecevabilité est constatée d'office par le premier président ou le magistrat désigné par lui sans prorogation de délai possible ; Attendu que cette obligation a été rappelée à la selarl [E] dans l'avis à appelant qui lui a été adressé ; Attendu que la selarl [E] n'ayant pas constitué avocat dans le délai prescrit, l'appel doit être déclaré irrecevable ; PAR CES MOTIFS : Déclarons la requête d'appel irrecevable ; Constatons le dessaisissement de la cour ; Condamnons l'appelante aux dépens d'appel. Nouméa, le 29 Janvier 2021 M. Philippe ALLARD, président de chambre
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Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées aux parties le :République française Au nom du Peuple français COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 4 - Chambre 9 - B ARRET DU 20 Octobre 2022 (no 184 , pages) Numéro d'inscription au répertoire général : S No RG 20/00243 - No Portalis 35L7-V-B7E-CCQPY Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 09 Septembre 2020 par le tribunal judiciaire de Melun RG no 20/00481 Madame [G] [N] (débitrice) [Adresse 5] [Localité 7] comparante en personne Monsieur [X] [N] (prêt familial) [Adresse 2] [Localité 8] non comparant Madame [F] [T] (créancière-bailleresse) [Adresse 3] [Localité 6] non comparante BNP PARIBAS CHEZ EFFICO-SORECO (00058/00309970/X000050535; 00058/00309970/X000050533) Service surendettement [Adresse 1] [Localité 4] non comparante COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 septembre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Laurence ARBELLOT conseillère, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Mme Muriel DURAND, présidente Mme Laurence ARBELLOT, conseillère Mme Fabienne TROUILLER, conseillère Greffière : Mme Alexandra AUBERT, lors des débats - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Madame Muriel DURAND, présidente et par Madame Alexandra AUBERT, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES Le 24 octobre 2019, la commission de surendettement des particuliers de Seine-et-Marne a déclaré recevable la demande présentée par Mme [G] [N] aux fins de bénéficier de mesures propres au traitement de sa situation de surendettement. Le 30 décembre 2019, la commission a imposé un rééchelonnement de tout ou d'une partie des créances sur une durée de 78 mois au taux de 0,87%. Le 27 janvier 2020, Mme [N] a contesté les mesures recommandées en réclamant une diminution de sa mensualité de remboursement qu'elle considère trop élevée pour lui permettre de se reloger. Par jugement rendu par défaut le 9 septembre 2020, le tribunal judiciaire de Meaux a : –déclaré recevable le recours, –fixé à 386,35 euros la contribution mensuelle de Mme [N] affectée à l'apurement du passif, –dit que Mme [N] s'acquittera de ses dettes par un échelonnement sur 84 mois avec un remboursement maximal mensuel de 381,26 euros, La juridiction a relevé que le passif s'élevait à la somme de 31 827,11 euros et a retenu des ressources de 2 123,35 euros par mois soit 1 785 euros de salaire et 338,35 euros de prestations familiales pour des charges de 1 737 euros par mois avec une capacité de remboursement réelle fixée à 386,35 euros par mois. La décision a été notifiée à Mme [N] par courrier du 09 septembre 2020. Par déclaration adressée le 18 septembre 2020 au greffe de la cour d'appel Paris, Mme [N] a interjeté appel du jugement en indiquant que sa situation financière avait changé, qu'elle ne percevait plus de la caisse d'allocations familiales que la somme de 67 euros et qu'elle ne bénéficiait plus des aides au logement. Elle précisait demander un effacement total de ses dettes voire une diminution significative du remboursement. Les parties ont été convoquées à l'audience du 13 septembre 2022. Mme [N] est présente et explique ne pas avoir respecté la décision compte tenu de son appel. Elle indique ne pouvoir payer les mensualités et solliciter une baisse de son remboursement à 100 euros ou un effacement de ses dettes. Elle explique qu'il ne lui reste que 200 euros par mois pour vivre et que la dette de loyers était celle de son ancien compagnon. Elle explique être aide-soignante en CDI et gagner 1 890 euros par mois. Elle indique avoir un enfant à charge de 7 ans, être séparée du père de l'enfant sans aucune pension alimentaire et sans aide au logement. Elle ajoute ne percevoir que 122 euros d'allocation de soutien familial. Elle précise être en colocation avec sa s?ur et payer la moitié du loyer soit environ 700 euros par mois. Elle ne conteste pas le montant des charges retenu sauf son loyer qui a augmenté de 30 euros environ. Aucun créancier n'a comparu. MOTIFS DE LA DÉCISION Il convient d'indiquer à titre liminaire que l'appel en matière de procédure de surendettement des particuliers, est formé, instruit et jugé selon les règles de la procédure sans représentation obligatoire figurant aux articles 931 à 949 du code de procédure civile. La procédure applicable devant la cour d'appel est donc la procédure orale de droit commun dans laquelle la prise en considération des écrits d'une partie par la cour est subordonnée à l'indication orale à l'audience par cette partie ou son représentant qu'elle se réfère à ses écritures. Dès lors, la cour ne peut prendre en compte les demandes ou observations présentées par écrit par les parties non comparantes. Sur la recevabilité du recours En l'absence de tout élément de nature à contredire le jugement sur ce point, la décision entreprise sera confirmée en ce qu'elle a déclaré recevable le recours. La bonne foi de Mme [N] n'est pas contestée et n'est pas susceptible d'être remise en cause au vu des éléments dont la cour dispose. Il n'y a donc pas lieu de statuer spécialement sur ce point. Sur les mesures Aux termes de l'article L.733-1 du code de la consommation, en l'absence de mission de conciliation ou en cas d'échec de celle-ci, la commission peut, à la demande du débiteur et après avoir mis les parties en mesure de fournir leurs observations, imposer tout ou partie des mesures suivantes : 1o Rééchelonner le paiement des dettes de toute nature, y compris, le cas échéant, en différant le paiement d'une partie d'entre elles, sans que le délai de report ou de rééchelonnement puisse excéder sept ans ou la moitié de la durée de remboursement restant à courir des emprunts en cours ; en cas de déchéance du terme, le délai de report ou de rééchelonnement peut atteindre la moitié de la durée qui restait à courir avant la déchéance ; 2o Imputer les paiements, d'abord sur le capital ; 3o Prescrire que les sommes correspondant aux échéances reportées ou rééchelonnées porteront intérêt à un taux réduit qui peut être inférieur au taux de l'intérêt légal sur décision spéciale et motivée et si la situation du débiteur l'exige. Quelle que soit la durée du plan de redressement, le taux ne peut être supérieur au taux légal; 4o Suspendre l'exigibilité des créances autres qu'alimentaires pour une durée qui ne peut excéder deux ans. Sauf décision contraire de la commission, la suspension de la créance entraîne la suspension du paiement des intérêts dus à ce titre. Durant cette période, seules les sommes dues au titre du capital peuvent être productives d'intérêts dont le taux n'excède pas le taux de l'intérêt légal. L'article L.733-3 du même code énonce que la durée totale des mesures mentionnées à l'article L. 733-1 ne peut excéder sept années. Aux termes de l'article R. 731-1 du code de la consommation : « Pour l'application des dispositions des articles L. 732-1, L. 733-1 et L. 733-4, la part des ressources mensuelles du débiteur à affecter à l'apurement de ses dettes est calculée, dans les conditions prévues aux articles L. 731-1, L.731-2 et L. 731-3, par référence au barème prévu à l'article R. 3252-2 du code du travail. Toutefois, cette somme ne peut excéder la différence entre le montant des ressources mensuelles réelles de l'intéressé et le montant forfaitaire du revenu de solidarité active mentionné au 2o de l'article L. 262-2 du code de l'action sociale et des familles applicable au foyer du débiteur ». L'article R. 731-2 précise : « La part de ressources réservée par priorité au débiteur est déterminée au regard de l'ensemble des dépenses courantes du ménage, qui intègre les dépenses mentionnées à l'article L. 731-2 ». Enfin selon l'article R.731-3 : « Le montant des dépenses courantes du ménage est apprécié par la commission, soit pour leur montant réel sur la base des éléments déclarés par le débiteur, soit en fonction du barème fixé par son règlement intérieur et prenant en compte la composition de la famille. Le règlement intérieur précise à quelles conditions et selon quelles modalités les dépenses sont prises en compte pour leur montant réel ou selon le barème. Lorsque la commission prend en compte des dépenses courantes du ménage pour leur montant réel, elle peut demander au débiteur d'en fournir des justificatifs. Si le débiteur ne les fournit pas, les dépenses concernées sont appréciées selon le barème susvisé ». En vertu des dispositions de l'article L.724-1 du code de la consommation, le débiteur qui se trouve dans une situation irrémédiablement compromise, caractérisée par l'impossibilité manifeste de mettre en oeuvre les mesures de traitement prévues par les articles L.732-1, L.733-1, L.733-7 et L.733-8 du même code, est éligible à la procédure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire s'il est constaté qu'il ne possède que des biens meublants nécessaires à la vie courante et des biens non professionnels indispensables à l'exercice de son activité professionnelle ou que l'actif est constitué de biens dépourvus de valeur marchande ou dont les frais de vente seraient manifestement disproportionnés au regard de leur valeur vénale. En application de ces textes, il incombe au juge de se référer aux éléments objectifs qui lui sont soumis, c'est-à-dire le rapport entre le montant des dettes et les revenus disponibles ou ceux prévisibles et de déterminer la part des revenus que le débiteur peut affecter au paiement de ses dettes au regard des éléments dont il dispose, en prenant en compte l'évolution prévisible des revenus du débiteur. Par ailleurs, il convient de rappeler que la situation n'est pas irrémédiablement compromise dès lors qu'elle est susceptible d'évoluer, du fait de l'âge du débiteur, de sa qualification et de sa situation personnelle. En l'espèce, le passif est non contesté à hauteur de 31 827,11 euros. Si le premier juge a retenu des ressources de 2 123,35 euros par mois constituées pour 1 785 euros de salaire et 338,35 euros de prestations familiales, Mme [N] justifie être employée en qualité d'aide-soignante à durée indéterminée au salaire de 1 890 euros net par mois selon bulletin de salaire d'août 2022 et ne percevoir de la caisse d'allocation familiale qu'une somme de 122,93 euros au titre de l'allocation de soutien familial sans aide au logement (attestation CAF du 8 septembre 2022). Ses ressources ont donc diminué à 2 012 euros par mois soit une baisse d'un peu plus de 100 euros par mois. Elle justifie d'un enfant de 7 ans à charge et ne conteste pas le montant évalué de ses charges à la somme de 1 737 euros par mois. Elle justifie toutefois de frais de cantine et de garde d'enfant lesquels n'avaient pas été pris en compte par le premier juge et qui peuvent être évalués à 80 euros par mois. La somme pouvant être affectée au remboursement des créanciers ne dépasse pas 195 euros par mois. Compte tenu de la situation de Mme [N], elle sera fixée à la somme de 100 euros par mois. Il s'en suit qu'il convient d'infirmer le jugement et de prévoir le remboursement des créances par un rééchelonnement sur une durée de 84 mois, période au cours de laquelle le taux des intérêts sera réduit à 0% selon les modalités suivantes : du 1er décembre 2022 au 1er novembre 2029, 100 euros par mois répartis de la façon suivante et dans les termes du dispositif : -60 euros à [F] [T], -10 euros à [X] [N], -30 euros à BNP Paribas avec effacement partiel des dettes à l'issue. Chaque partie supportera ses éventuels dépens d'appel. PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, par arrêt par défaut et en dernier ressort rendu par mise à disposition au greffe : Infirme le jugement sauf en ce qu'il a déclaré recevable le recours, Statuant de nouveau et y ajoutant, Fixe la capacité mensuelle de remboursement Mme [G] [N] à la somme de 100 euros à compter de décembre 2022 ; Dit que les dettes sont rééchelonnées sur une durée de 84 mois, à compter de décembre 2022 ; Dit que le taux d'intérêt des créances est réduit à 0%, et que les dettes reportées ou rééchelonnées ne produisent pas d'intérêt ; Dit qu'à défaut de paiement d'une seule de ces échéances à son terme, l'ensemble du plan est de plein droit caduc 15 jours après une mise en demeure adressée à Mme [N] d'avoir à exécuter ses obligations restées infructueuses ; Dit que les dettes de Mme [G] [N] sont remboursées de la façon suivante, à compter de décembre 2022 : 84 mensualités au taux d'intérêt de 0% de 100 euros chacune réparties de la façon suivante : -60 euros à [F] [T], -30 euros à BNP Paribas (créances 00058/00309970/X000050535 et 00058/00309970/X000050533) -10 euros à [X] [N] ; Dit que le solde des dettes de [F] [T], de la BNP Paribas et de M. [X] [N] sera effacé à l'issue du plan ; Rappelle qu'il appartiendra à Mme [N] en cas de changement significatif de ses conditions de ressources à la hausse comme à la baisse, de ressaisir la commission de surendettement d'une nouvelle demande ; Laisse à la charge de chaque partie les éventuels dépens d'appel exposés par elle ; Dit que l'arrêt sera notifié par lettre simple à la commission de surendettement et aux parties par lettre recommandée avec accusé de réception. LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
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ARRÊT No22/ R.G : No RG 21/00064 - No Portalis DBWB-V-B7F-FPTF S.E.L.A.R.L. SELARL [C] [N] S.C.P. SCP BARET / ETHEVE / VALERY / RIVIERE / BOST-BENCH AA / GILLOT / KIN SIONG-LAW KOUN COUR D'APPEL DE SAINT - DENIS ARRÊT DU 12 OCTOBRE 2022 Chambre commerciale Appel d'une décision rendue par le TRIBUNAL MIXTE DE COMMERCE DE SAINT-PIERRE en date du 09 NOVEMBRE 2020 suivant déclaration d'appel en date du 14 JANVIER 2021 RG no 2018003422 APPELANTE : S.E.L.A.R.L. [C] [N] [Adresse 8] [Localité 12] Représentant : Me Eric LEBIHAN de la SAS G&P LEGAL, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION INTIMÉES : Madame [W] [R] [Adresse 9] [Localité 13] Représentant : Me Laurent LABONNE, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION Madame [F] [T] [Adresse 9] [Localité 13] Madame [D] [I] [Adresse 9] [Localité 13] Madame [A] [I] [Adresse 10] [Localité 13] S.C.P. SCP BARET / ETHEVE / VALERY / RIVIERE / BOST-BENCH AA / GILLOT / KIN SIONG-LAW KOUN [Adresse 7] [Localité 12] Représentant : Me Abdoul karim AMODE de la SELARL AMODE & ASSOCIES (SELARL), avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION DATE DE CLÔTURE : 15/11/2021 DÉBATS : en application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 06 avril 2022 devant Madame PIEDAGNEL Sophie, Conseillère, qui en a fait un rapport, assistée de Madame Nathalie BEBEAU, Greffière, les parties ne s'y étant pas opposées. Ce magistrat a indiqué, à l'issue des débats, que l'arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 06 juillet 2022 prorogé par avis au 12 octobre 2022. Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Président : Madame Sophie PIEDAGNEL, Conseillère Conseiller : Madame Pauline FLAUSS, Conseillère Conseiller : Madame Magali ISSAD, Conseillère Qui en ont délibéré Arrêt : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 12 octobre 2022. Par acte notarié en date du 18 septembre 2017, Mme [W] [M] [R] (Mme [R]) a fait donation en nue-propriété à sa fille, Mme [F] [G] [T] et ses petites-filles [A] [I] et [D] [I], de deux immeubles cadastrés section EK no[Cadastre 4] et [Cadastre 5] et section BW no[Cadastre 3] commune du [Localité 13]. Par jugement en date du 31 octobre 2017, le tribunal mixte de commerce de Saint Pierre de la Réunion a prononcé la liquidation judiciaire de Mme [R] et fixé la cessation des paiements au 1er juin 2017. Par actes d'huissier en date du 26 octobre 2018, la SELARL [C] [N], es qualité de liquidateur de Mme [R] exerçant sous l'enseigne « Chez [W] » (le liquidateur) a fait assigner Mme [R] et la SCP Michel Baret - Jean-François Thève - Jacques Valéry – Anne Rivière – Anne Bost-Benchaa - Pascal Gillot - Dorine Kin Siong-Law Koun, notaires associés (la SCP) devant le tribunal mixte de commerce de Saint Pierre de la Réunion statuant aux fins de voir prononcer la nullité de la donation intervenue le 18 septembre 2017. Par actes d'huissier en date du 18 avril 2019, le liquidateur a fait assigner en intervention forcée Mmes [T] et [I]. Par jugement mixte en date du 17 août 2020, le tribunal mixte de commerce de Saint Pierre de la Réunion a déclaré l'action des parties demanderesses recevable et ordonné la réouverture des débats afin de permettre la comparution personnelle des parties. C'est dans ces conditions que, par jugement rendu le 9 novembre 2020, le tribunal mixte de commerce de Saint Pierre de la Réunion a : -débouté la SELARL [C] [N] prise en la personne de Me [C] [N] es qualité de liquidateur de Mme [G] [K] [R] de sa demande de nullité de la donation intervenue le 18 septembre 2017 aux termes de laquelle Mme [W] [M] [R] faisait donation en nu-propriété à sa fille, Mme [F] [G] [T] et ses petites-filles, [A] [G] [P] [I] et [D] [I] de deux immeubles cadastrés section EK no[Cadastre 4] et [Cadastre 5] et section BW no[Cadastre 3] commune du [Localité 13] (974) -dit n'y avoir lieu à déclarer le jugement opposable à la SCP Michel Baret - Jean-François Thève - Jacques Valéry - Anne Rivière - Anne Bost-Benchaa - Pascal Gillot - Dorine Kin Siong-Law Koun, notaires associés -condamné la SELARL [C] [N] prise en la personne de Me [C] [N] es qualité de liquidateur de Mme [G] [K] [R] aux dépens de l'instance, y compris les frais de greffe taxés et liquidés à hauteur de 234,27 euros -dit n'y avoir lieu à exécution provisoire. Par déclaration au greffe en date du 14 janvier 2021, le liquidateur a interjeté appel de cette décision. Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 8 avril 2021, le liquidateur demande à la cour de : -dire et juger l'appel de la SELARL [C] [N] recevable et bien fondé En conséquence -réformer en toutes ses dispositions le jugement entrepris Statuant à nouveau Vu l'article L632-1 1o du code de commerce -constater que la période suspecte de la liquidation judiciaire de l'entreprise individuelle [W] [M] [R] s'étend du 1er juin 2017 au 31 octobre 2017 -constater que la donation dressée aux bons soins de la SCP est intervenue à la date du 18 septembre 2017, soit pendant la période suspecte -en conséquence, la nullité étant de plein droit -dire et juger comme nulle et de nullité absolue la donation précitée -dire et juger que le présent jugement sera opposable à la SCP -dire n'y avoir lieu à frais irrépétibles -statuer ce que de droit quant aux dépens, dont distraction au profit de l'Avocat aux offres de droit. Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 14 juin 2021, Mme [R] demande à la cour de : -confirmer le jugement querellé dans toutes ses dispositions -condamner la SELARL [N] à payer à Mme [R] la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens de l'appel. Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 02 juillet 2021, la SCP demande à la cour de : Vu les articles 910-4 alinéa 1 et 562 du code de procédure civile, de : -constater que la cour d'appel ne fut saisie d'aucun chef du jugement entrepris -dire et juger que la cour d'appel n'a pas été saisie de l'appel du jugement du tribunal mixte de commerce de Saint-Pierre du 9 novembre 2020 (RG no 2018/003422). A titre subsidiaire D'une part Vu les articles L632-1-I et L.632-4 du code de commerce Vu l'article 122 du code de procédure civile ; D'autre part Vu l'article 55 de la constitution ; Vu l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (Droit au respect de la vie privée et familiale : « l. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale ») Vu l'article 1er du protocole additionnel no1 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (Protection de la propriété : «Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. ») Vu la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme sur le principe de proportionnalité Vu la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne sur le principe de proportionnalité Vu la jurisprudence de la Cour de cassation sur le contrôle de proportionnalité -confirmer le entrepris dans toutes ses dispositions -condamner la SELARL [C] [N], en son nom propre, à verser 7.000 euros à la SCP Baret – Ethève – Valéry – Rivière – Bost Benchaa – Gillot – Kin Siong-Law Koun, aujourd'hui dénommée SELAS Les Notaires du front de mer, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers frais et dépens d'appel. Mmes [T] et [I] auxquelles la déclaration d'appel et les conclusions d'appelante ont été signifiées suivant actes en date du 12 avril 2021 (remis à personne), n'ont pas constitué avocat. Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux conclusions des parties, visées ci-dessus, pour l'exposé de leurs prétentions et moyens. L'ordonnance de clôture est intervenue le 15 novembre 2021 et l'affaire a reçu fixation pour être plaidée à l'audience rapporteur du 6 avril 2022. Le prononcé de l'arrêt, par mise à disposition du greffe, a été fixé au 6 juillet 2022 prorogé au 12 octobre 2022. SUR CE, LA COUR A titre liminaire Il convient de rappeler qu'en application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne doit statuer que sur les prétentions énoncées au dispositif. Ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile les demandes des parties tendant à voir "constater" ou "donner acte" ou encore "considérer que" voire "dire et juger que" et la cour n'a dès lors pas à y répondre. Sur l'absence d'effet dévolutif La SCP soutient en substance que la déclaration d'appel du liquidateur ne respecte pas les exigences de l'article 910-4, alinéa 1, du code de procédure civile en ce que le liquidateur se borne à mentionner les motifs du jugement attaqué, qu'aucune régularisation n'est aujourd'hui possible, et, qu'en application de l'article 562 du même code, la dévolution n'a pas opéré. Le liquidateur ne fait valoir aucune observation. La SCP se fonde, notamment, sur l'article 910-4 du code de procédure civile aux termes duquel : « A peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. L'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures. Néanmoins, et sans préjudice de l'alinéa 2 de l'article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait. » La cour constate que cet article concerne la recevabilité des conclusions et non la déclaration d'appel. En tout état de cause, Aux termes de l'article 901 du code de procédure civile : La déclaration d'appel est faite par acte, comportant le cas échéant une annexe, contenant, outre les mentions prescrites par les 2o et 3o de l'article 54 et par le cinquième alinéa de l'article 57, et à peine de nullité : 1o La constitution de l'avocat de l'appelant ; 2o L'indication de la décision attaquée ; 3o L'indication de la cour devant laquelle l'appel est porté ; 4o Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible. Elle est signée par l'avocat constitué. Elle est accompagnée d'une copie de la décision. Elle est remise au greffe et vaut demande d'inscription au rôle. Selon l'article 562 du même code : « L'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent. La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible. » Il en résulte que les mentions prévues par l'article 901, 4o, du code de procédure civile doivent figurer dans la déclaration d'appel, laquelle est un acte de procédure se suffisant à lui seul. Aux termes de l'article 542 du même code : « L'appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d'appel. » Il en résulte que : -lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement critiqués -l'effet dévolutif n'opère pas en l'absence d'énonciation expresse des chefs de jugement critiqués dans la déclaration d'appel qui sollicite seulement la réformation -la cour d'appel n'est saisie d'aucun litige et n'a pas à confirmer la décision attaquée, sauf indivisibilité de l'objet du litige. En l'espèce, l' « objet/portée de l'appel » la déclaration d'appel est ainsi rédigé : « Appel à l'encontre du Jugement rendu par le TMC de Saint Pierre le 9 novembre 2020 ; en ce qu'il a considéré, au visa de l'article L631-1 du Code de Commerce qu'une donation intervenue en période suspecte peut faire l'objet d'une annulation alors qu'elle doit faire l'objet d'une annulation, s'agissant en effet d'une nullité de droit obligatoire et non pas une nullité facultative ; En ayant refusé d'annuler une donation en période suspecte alors qu'il n'avait pas la faculté d'appréciation à ce titre, le Premier Juge a violé l'article L631-1 précisé. En ce qu'il ne pas ordonné la suspension de la procédure en cours jusqu'à la vente parfaire du bien immobilier pour lequel Mme [A] [I] a déclaré vouloir se rendre acquéreur, ainsi que le versement des fonds à la SELARL [N] en déboutant d'office le demandeur de son action, en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à déclarer le jugement non opposable à la SCP BARET en ce qu'il a condamné la Selarl [N] aux dépens et frais d'instance. » Ainsi, la déclaration d'appel est conforme aux dispositions de l'article 901 du code de procédure civile en ce qu'elle comporte « les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité », en ce que le jugement rendu par le TMC de Saint Pierre le 9 novembre 2020 a débouté « d'office le demandeur de son action », « dit n'y avoir lieu à déclarer le jugement non opposable à la SCP BARET » et « condamné la Selarl [N] aux dépens et frais d'instance ». La déclaration d'appel de la société Foncière 2001 visant les différents chefs de jugement qu'elle entend critiquer, la cour en est saisie. Dans ces conditions, la SCP ne pourra qu'être déboutée de sa demande tendant à voir constater que la cour n'est saisie d'aucun chef du jugement entrepris. Sur la nullité de la donation du 18 septembre 2017 en période suspecte Le liquidateur soutient en substance que la donation a été consentie en période suspecte et que la nullité est de droit et non pas simplement facultative : elle s'impose en conséquence au juge sans que ce dernier n'ait de faculté d'appréciation en ce domaine. Mme [R] expose qu'elle n'a jamais voulu soustraire un élément d'actif à la liquidation judiciaire puisque lorsque le dossier de donation a été ouvert à l'étude du Notaire elle ignorait qu'elle serait amenée à déposer une déclaration de cessation des paiements et à solliciter la liquidation judiciaire. En réalité, elle a fait un AVC en 2015 et souffre depuis d'une « maladie grave et invalidante » qui nécessite « plusieurs hospitalisations » ainsi qu'un suivi spécialisé régulier tous les 2 à 3 mois, avec régulièrement des examens d'imagerie (justifié par un certificat médical du docteur [L] daté du 6 octobre 2018). Voyant son état de santé décliner la concluante a pensé à ses petites filles, qui sont sans emploi, et à sa fille, qui est femme de ménage, et a consulté la SCP de Notaires pour avoir une estimation du montant des droits de succession à régler en cas de décès. Elle a constaté que sa fille et ses petites filles n'auraient jamais eu les moyens de régler les droits de succession (plus de 75.000 euros) et, sur les conseils de son notaire, elle a opté pour une donation de son vivant en réglant elle-même, avec ses maigres économies, les droits de mutation. Parallèlement son état de santé l'empêchait de travailler et les deux salariés de son « snack-bar », avec lesquels elle était en conflit pour avoir été violentée par eux, en ont profité pour se servir tant dans la caisse que dans le stock. Sur les conseils de son avocat elle a déposé une déclaration de cessation des paiements. Elle est toujours propriétaire d'une maison à usage d'habitation située à [Localité 14] valorisée par le notaire à 285.000 euros. Elle a proposé la vente de cette maison au liquidateur, sa valeur étant largement supérieure au passif de liquidation ce qui permet de désintéresser intégralement les créanciers et de payer les frais de procédure. Cela permet aussi de mettre sa fille et ses petites-filles à l'abri de la tourmente. Si Mme [R] ne nie pas le caractère impératif de l'article L632-1 du code de commerce, pour autant, elle soutient que dans l'arrêt [Z] contre [H] du 15 juillet 1964, la CJUE a déclaré que le droit issu des institutions européennes s'intègre aux systèmes juridiques des États membres qui sont obligés de le respecter : ainsi le droit européen a alors la primauté sur les droits nationaux de sorte que si une règle nationale est contraire au droit européen, les autorités des États membres doivent appliquer le droit européen ; cette primauté du droit européen sur les droits nationaux est absolue. Mme [R] considère qu'avec la vente de son bien immobilier situé à [Localité 14], le liquidateur dispose d'une procédure plus proportionnée et adaptée pour parvenir à son objectif, à savoir, désintéresser les créanciers. Elle estime que c'est à juste titre que le tribunal a considéré que le droit européen devait primer sur le droit national dès lors qu'il était démontré que la vente de sa maison était en cours et que le prix proposé permettait non seulement au liquidateur de désintéresser tous les créanciers mais aussi de laisser un reliquat pouvant être récupéré par elle. Mme [R] ajoute que l'annulation des donations aurait des conséquences manifestement excessives sur la situation de ses enfants et petits enfants puisque la succession a été volontairement partagée de son vivant, car ceux-ci ne pourront jamais s'acquitter des droits de succession après dévolution successorale, ses dernières économies ayant permis de payer les droits de mutation. Elle fait encore remarquer que la liquidation judiciaire de son entreprise est totalement impécunieuse alors qu'une annulation des donations supposerait, outre les frais de publicité foncière, l'exercice d'une procédure de licitation vente à la barre du juge de l'exécution statuant en matière de saisie immobilière, procédure particulièrement coûteuse, de l'ordre de 6.000 à 10.000 euros, somme dont le liquidateur ne dispose pas. La SCP argue principalement que la sanction prévue à l'article L632-1-I du code de commerce doit céder au principe de proportionnalité consacré par la cour de justice de l'union européenne, sauf à porter une atteinte excessive au droit au respect de la vie privée et familiale et au respect des biens. D'une part, Il résulte de l'article L632-1 du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'article 56 de l'ordonnance no2014-326 du 12 mars 2014 que : « I. -Sont nuls, lorsqu'ils sont intervenus depuis la date de cessation des paiements, les actes suivants : 1o Tous les actes à titre gratuit translatifs de propriété mobilière ou immobilière; 2o Tout contrat commutatif dans lequel les obligations du débiteur excédent notablement celles de l'autre partie ; 3o Tout paiement, quel qu 'en ait été le mode, pour dettes non échues au jour du paiement ; 4o Tout paiement pour dettes échues, fait autrement qu 'en espèces, effets de commerce, virements, bordereaux de cession visés par la loi no 81-1 du 2 janvier 1981 facilitant le crédit aux entreprises ou tout autre mode de paiement communément admis dans les relations d'affaires ; 5o Tout dépôt et toute consignation de sommes effectués en application de l'article 2075-1 du code civil (1), a défaut d'une décision de justice ayant acquis force de chose jugée ; 6o Toute hypothèque conventionnelle, toute hypothèque judiciaire ainsi que l'hypothèque légale des époux et tout droit de nantissement ou de gage constitués sur les biens du débiteur pour dettes antérieurement contractées ; 7o Toute mesure conservatoire, à moins que l'inscription ou l'acte de saisie ne soit antérieur à la date de cessation de paiement ; 8o Toute autorisation et levée d 'options définies aux articles L225-177 et suivants du présent code ; 9o Tout transfert de biens ou de droits dans un patrimoine fiduciaire, à moins que ce transfert ne soit intervenu à titre de garantie d'une dette concomitamment contractée ; 10o Tout avenant d'un contrat de fiducie affectant des droits ou biens déjà transférés dans un patrimoine fiduciaire à la garantie de dettes contractées antérieurement à cet avenant ; 11 o Lorsque le débiteur est un entrepreneur individuel à responsabilité limitée, toute affectation ou modification dans l'affectation d'un bien, sous réserve du versement des revenus mentionnés à l'article L526-18, dont il est résulté un appauvrissement du patrimoine visé par la procédure au bénéfice d'un autre patrimoine de cet entrepreneur ; 12o La déclaration d'insaisissabilité faite par le débiteur en application de l'article L526-1. II. -Le tribunal peut, en outre, annuler les actes a titre gratuit visés au 1 o du I et la déclaration visée au 12o faits dans les six mois précédant la date de cessation des paiements ». Ainsi, l'article L632-1, I 1o du code de commerce sanctionne par la nullité de plein droit les libéralités intervenues entre la cessation des paiements et l'ouverture de la procédure. Ce sont tous les actes à titre gratuit qui sont annulables, y compris le cautionnement, la résiliation volontaire, et surtout la remise de dette. Les nullités de droit sont obligatoires pour le juge et leurs causes sont limitativement énumérées. Dès lors que l'acte rentre dans l'énumération de l'article L632-1 du code de commerce, il doit être annulé par le tribunal. Cette sanction se justifie par la nature de l'acte commis qui est présumé fait en fraude des droits des créanciers et de l'entreprise. Outre les actes annulables de plein droit, peuvent être annulées les libéralités consenties dans les six mois précédant la cessation des paiements. (article L632-1 II) : cela concerne tous les actes à titre gratuit translatifs de propriété mobilière ou immobilière ainsi que la déclaration d'insaisissabilité faite par le débiteur en application de l'article L526-1. Par ailleurs, aux termes de l'article L632-2 du même code : dans sa rédaction issue de l'article 89 de l'ordonnance no2008-1345 du 18 décembre 2008 : « Les paiements pour dettes échues effectués à compter de la date de cessation des paiements et les actes à titre onéreux accomplis à compter de cette même date peuvent être annulés si ceux qui ont traité avec le débiteur ont eu connaissance de la cessation des paiements. Tout avis à tiers détenteur, toute saisie attribution ou toute opposition peut également être annulé lorsqu'il a été délivré ou pratiqué par un créancier à compter de la date de cessation des paiements et en connaissance de celle-ci. » Peuvent ainsi également être annulés les paiements pour dettes échues, les actes à titre onéreux et les avis à tiers détenteur, saisies-attribution ou oppositions, dès lors que le tiers était au courant de la cessation des paiements de leur débiteur. L'existence d'un préjudice causé au débiteur et aux créanciers n'est pas une condition nécessaire ; pour autant, le liquidateur doit justifier d'un intérêt pour agir et que cet intérêt est exprimé par la finalité donnée par la loi à l'action en nullité : la reconstitution du patrimoine du débiteur. La période suspecte est celle qui s'étend de la date de la cessation des paiements jusqu'à celle du jugement d'ouverture et, très précisément, à partir de la première heure du jour où est fixée la date de la cessation des paiements. La date de la cessation des paiements est fixée provisoirement par le tribunal qui a ouvert la procédure après avoir sollicité les observations du débiteur et ne peut être antérieure de plus de 18 mois à la date du jugement, conformément aux dispositions de l'article L631-8. L'article L632-4 du même code précise que « L'action en nullité est exercée par l'administrateur, le mandataire judiciaire, le commissaire à l'exécution du plan ou le ministère public. Elle a pour effet de reconstituer l'actif du débiteur. » L'action du liquidateur n'est soumise à aucun droit de prescription. D'autre part, Le principe de proportionnalité repose sur l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen suivant lequel la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires. À côté du respect de la vie privée, du domicile et de la correspondance, le respect des biens est aussi assuré par le protocole no 1 amendé par le protocole no 11 de la Convention européenne, au profit des personnes physiques ou morales. À ce titre est interdite la privation du droit de propriété pour une autre cause que l'utilité publique et dans des conditions prévues par la loi et par les principes généraux du droit international. Il en résulte la nécessité d'assurer un équilibre entre les besoins de l'intérêt général et les droits privés des individus et, en conséquence, de veiller au rapport proportionné entre les moyens employés et le but poursuivi. L'importance du principe de proportionnalité permet au juge judiciaire d'écarter des dispositions légales jugées contraires à l'exigence de proportionnalité dont la valeur est supérieure. Le code de commerce distingue les actes et les paiements conclus ou effectués pendant la période suspecte, en prévoyant la nullité de droit des actes et des paiements irréguliers par nature, et l'annulation facultative des actes et des paiements réguliers, si ceux qui ont traité avec le débiteur ont eu connaissance de la cessation des paiements (article L632-2). Ces dispositions sont justifiées par la nécessité d'annuler les actes et les paiements ayant appauvri le patrimoine du débiteur qui se trouvait déjà en cessation des paiements et par le principe d'égalité des créanciers et ce, en vu de reconstituer le patrimoine. Pour la Cour de cassation, cette action n'est pas contraire aux principes ayant valeur constitutionnelle tels que l'égalité devant la loi, la responsabilité, le respect des droits et de la liberté contractuelle, la clarté et l'intelligibilité de la loi ou encore la protection du droit de propriété. En l'espèce, par acte notarié en date du 18 septembre 2017, Mme [W] [M] [R] a consenti au profit de Mme [F] [G] [T], Mme [A] [G] [P] [I] et Mme [D] [I] (mineure au moment de la donation pour être née le [Date naissance 1] 2004) les donations suivantes en nue-propriété : -à concurrence de droits indivis pour 13/20èmes au profit de Mme [T] et pour 13/20ème au profit de Mme [D] [I] : un terrain sur lequel est édifié une maison d'habitation situé [Adresse 9] au [Localité 13] cadastrée section EK no[Cadastre 4] et [Cadastre 5], d'une valeur en toute propriété de 130.000 euros -à concurrence de droits indivis pour 13/20èmes au profit de Mme [T] et pour 13/20ème au profit de Mme [A] [I] : un terrain sur lequel sont édifiées deux maisons d'habitation situé [Adresse 11] [Adresse 9] au [Localité 13] cadastrées section BW no2309, d'une valeur en toute propriété de 290.000 euros. La nullité sollicitée par la SELARL [C] [N], es qualité de liquidateur de Mme [R], est une nullité de plein droit, s'agissant d'une donation en nue-propriété. La SCP produit au dossier, notamment, les échanges de courriels entre l'étude notariale et le liquidateur dont il ressort que : -le liquidateur a indiqué être favorable à la proposition d'achat d'un des biens appartenant à Mme [R] par sa petite-fille pour un prix de 100.000 euros (mail du 30 septembre 2020) la SCP indiquant : « cette vente permettrait de clôturer le dossier d'endettement de Madame [R], qui est une personne âgée et ayant une santé fragile ». -le compromis de vente lui a été transmis le 1er octobre 2020 -à la demande du liquidateur, l'étude notariale a établi un avenant faisant mention des conditions suspensives de l'obtention de l'avis favorable du parquet et de l'autorisation du juge-commissaire ainsi qu'une procuration au nom de la SELARL [C] [N], représentée par [C] [N], mandataire judiciaire. Enfin, Mme [R] verse aux débats, notamment, le compromis de vente en date du 1er octobre 2020 par lequel elle vend, sous réserve de l'accomplissement des conditions stipulées dans l'acte à Mme [A] [G] [P] [I] une parcelle de terrain sur lequel sont édifiées deux maisons d'habitation, située [Adresse 6]) cadastré section HM no[Cadastre 2], actuellement loué à Mme [V] [Y] pour trois ans moyennant un loyer mensuel hors charge de 550 euros, au prix de 100.000 euros En l'état, comme le relève à juste titre les premiers juges, il est constant que : -l'acte de donation est intervenu le 18 septembre 2017 alors que la liquidation judiciaire de Mme [R] pour son activité de restauration rapide était prononcée le 31 octobre 2017 avec une cessation des paiements fixée au 1er juin 2017 -le placement du débiteur en liquidation judiciaire emporte son dessaisissement au profit du liquidateur -il appartient au liquidateur de reconstituer l'actif du débiteur au besoin en utilisant la voie judiciaire et en engageant des procédures en annulation -la donation litigieuse est intervenue en période suspecte. La cour constate que : -aucun des éléments produits ne permet d'établir que Mme [R] a engagé des démarches dès 2016 en vue de répartir son patrimoine -ladite donation en nue-propriété à ses fille et petites filles concerne deux terrains situés au [Localité 13] sur lesquels sont édifiées trois maisons d'habitation ; elle a été consentie le 18 septembre 2017, soit, non seulement en pleine période suspecte, mais surtout moins deux mois avant le prononcé de la liquidation judiciaire -le compromis de vente produit au dossier concerne un troisième terrain sur lequel est édifiées deux maisons d'habitation situé sur la commune de [Localité 14] et est soumis l'obtention de l'avis favorable du parquet et de l'autorisation du juge-commissaire. La cour relève également que Mme [R] n'invoquent aucun principe de droit fondamental, son argumentation relevant davantage de l'opportunité et qu'en tout état de cause, elle aurait pu faire valoir ses droits en critiquant la décision, tant en ce qui concerne la date de la cessation des paiements que du prononcé de la liquidation judiciaire. Par ailleurs, comme le relève à bon droit le liquidateur, la vente du bien proposé en alternative de l'annulation de la donation n'a pas encore été autorisée par le juge-commissaire et sa réalisation concrète et effective comprenant le versement du prix entre les mains de la liquidation judiciaire. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la disposition légale n'était pas proportionnée à son objectif. En conséquence, le jugement déféré doit être infirmé en ce qu'il a : -débouté la SELARL [C] [N] prise en la personne de Me [C] [N] es qualité de liquidateur de Mme [G] [K] [R] de sa demande de nullité de la donation intervenue le 18 septembre 2017 aux termes de laquelle Mme [W] [M] [R] faisait donation en nu-propriété à sa fille, Mme [F] [G] [T] et ses petites-filles, [A] [G] [P] [I] et [D] [I] de deux immeubles cadastrés section EK no[Cadastre 4] et [Cadastre 5] et section BW no[Cadastre 3] commune du [Localité 13] (974) -dit n'y avoir lieu à déclarer le jugement opposable à la SCP Michel Baret - Jean-François Thève - Jacques Valéry - Anne Rivière - Anne Bost-Benchaa - Pascal Gillot - Dorine Kin Siong-Law Koun, notaires associés. Dans ces conditions, il convient, statuant à nouveau, d'annuler la donation intervenue le 18 septembre 2017 aux termes de laquelle Mme [W] [M] [R] faisait donation en nu-propriété à sa fille, Mme [F] [G] [T] et ses petites-filles, [A] [G] [P] [I] et [D] [I] de deux immeubles cadastrés section EK no[Cadastre 4] et [Cadastre 5] et section BW no[Cadastre 3] commune du [Localité 13] (974) et déclarer l'arrêt opposable à la SCP Michel Baret - Jean-François Thève - Jacques Valéry - Anne Rivière - Anne Bost-Benchaa - Pascal Gillot - Dorine Kin Siong-Law Koun, notaires associés. Sur les dépens et les frais irrépétibles Le jugement entrepris sera réformé en ses dispositions relatives aux dépens de première instance, en ce qu'il condamné la SELARL [C] [N] prise en la personne de Me [C] [N] es qualité de liquidateur de Mme [R] aux dépens de l'instance, y compris les frais de greffe taxés et liquidés à hauteur de 234,27 euros. Compte tenu de la nature de la procédure, aucune équité ne justifie d'allouer à l'une ou l'autre des parties une indemnité par application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens de première instance et d'appel seront supportés par Mme [W] [M] [R]. PAR CES MOTIFS La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort, en matière commerciale, par mise à disposition au greffe conformément à l'article 451 alinéa 2 du code de procédure civile ; INFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 9 novembre 2020 par le tribunal mixte de commerce de Saint Pierre de la Réunion ; Et statuant à nouveau PRONONCE la nullité de la donation intervenue le 18 septembre 2017 aux termes de laquelle Mme [W] [M] [R] faisait donation en nu-propriété à sa fille, Mme [F] [G] [T] et ses petites-filles, [A] [G] [P] [I] et [D] [I] de deux immeubles cadastrés section EK no[Cadastre 4] et [Cadastre 5] et section BW no[Cadastre 3] commune du [Localité 13] (974) ; DECLARE l'arrêt opposable à la SCP Michel Baret - Jean-François Thève - Jacques Valéry - Anne Rivière - Anne Bost-Benchaa - Pascal Gillot - Dorine Kin Siong-Law Koun, notaires associés ; Y ajoutant DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; CONDAMNE Mme [W] [M] [R] aux dépens de première instance et d'appel. Le présent arrêt a été signé par Madame Sophie PIEDAGNEL, Conseillère, et par Madame Nathalie BEBEAU, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. LA GREFFIÈRESIGNELA PRÉSIDENTE
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COUR D'APPEL de CAEN Juridiction du Premier Président Contentieux des personnes hospitalisées sans leur consentement. ORDONNANCE DU 26 Juillet 2016 ------------- CONTRÔLE DE PLEIN DROIT DE L'HOSPITALISATION No RG : 16/ 02775 No MINUTE : 16/ 38 Appel de l'ordonnance rendue le 11 Juillet 2016 par le Juge des libertés et de la détention de CHERBOURG APPELANT : Monsieur Jurgurtha X... né le 04 Septembre 1993 à TIZI OIZOU (ALGÉRIE) 50130 CHERBOURG-OCTEVILLE Comparant, assisté de Me Julie SPILLEBOUT, avocat au barreau de CAEN, commise d'office PARTIES INTERVENANTES : - Le Directeur du CHS-Fondation du Bon Sauveur 50360 PICAUVILLE Non comparant ni représenté LE MINISTÈRE PUBLIC : En l'absence du Ministère Public auquel l'affaire a été régulièrement communiquée, Devant Nous, Pascal BRILLET, conseiller, délégué par ordonnance du premier président en date du 25 juillet 2016, assistée de Ghislaine LEPELLEY, greffière DÉBATS à l'audience publique du 26 Juillet 2016 ; Les parties comparantes ayant été avisées à l'issue des débats que l'ordonnance sera prononcée le même jour et leur sera immédiatement notifiée ; ORDONNANCE prononcée publiquement le 26 Juillet 2016 et signée par Pascal BRILLET, conseiller, délégué par le premier président, et Ghislaine LEPELLEY, greffière ; Nous, Pascal BRILLET, magistrat délégué, Vu les articles L. 3211 – 1 et suivants, R. 3211 – 1 et suivants du code de la santé publique et R. 91, R. 93 (- 2o), R. 93-2 et R. 117 (- 9o) du code de procédure pénale ; Vu l'ordonnance du 11 Juillet 2016 du Juge des libertés et de la détention de CHERBOURG qui a maintenu l'hospitalisation complète de Jurgurtha X..., hospitalisé dans le cadre de la procédure de péril imminent au CHS Fondation Bon Sauveur La Glacerie-50360 PICAUVILLE depuis le 1er juillet 2016 ; Vu la notification de cette ordonnance le 11 juillet 2016 à la personne hospitalisée ; Vu l'appel de cette ordonnance interjeté par cette personne le 13 Juillet 2016 ; Vu les avis adressés le 19 juillet 2016 aux parties et au ministère public les informant de la tenue de l'audience le 26 Juillet 2016 ; Vu les pièces du dossier ; Vu l'avis écrit du Ministère Public, qui conclut au maintien de la mesure d'hospitalisation ; Vu le certificat médical de situation établi par le Docteur Mireille Y...le 22 juillet 2016 ; Jurgurtha X...et son avocat ayant été entendus et la personne hospitalisée ou son avocat ayant eu la parole en dernier ; DÉCISION : M. Jugurtha X... a, sur décision du directeur de l'établissement en date du 2 juillet 2016, été admis en hospitalisation complète au centre hospitalier spécialisé de La Glacerie selon la procédure de péril imminent, la décision visant : - un certi cat médical du Docteur A..., du service des urgences du CH de Cherbourg, en date du 1er juillet 2016 mentionnant « un discours délirant à thème mystique avec trouble du comportement ayant entraîné l'intervention des forces de l'ordre – Patient inaccessible au raisonnement – Il refuse les soins et au vu de son état, l'hospitalisation est indispensable », - un certificat médical du docteur B..., du centre hospitalier spécialisé de La Glacerie, en date du 2 juillet 2016 mentionnant : « M. Jugurtha X... a été admis cette nuit pour un état délirant et troubles du comportement ayant nécessité l'intervention des forces de l'ordre. Ce patient est connu pour une psychose chronique et il est sorti du service mercredi. À l'entretien, ce jour, il se montre calme et il n'exprime pas spontanément de thème délirant mais son adhésion aux soins reste peu fiable. Une observation clinique est indispensable pour permettre la réadaptation du traitement et la surveillance constante. » Dans les 72 heures qui ont suivi son admission, deux certificats médicaux ont relevé la persistance de troubles mentaux rendant impossible son consentement et impliquant le maintien d'une hospitalisation complète ; Par requête enregistrée le 7 juillet 2016, Monsieur le directeur de la Fondation BON-SAUVEUR a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Cherbourg aux ns de voir statuer sur la poursuite de l'hospitalisation complète de M. Jugurtha X.... Par ordonnance du 11 juillet 2016, le juge des libertés et de la détention de Cherbourg a maintenu la mesure d'hospitalisation complète de M. Jugurtha X..., au delà du douzième jour. M. Jugurtha X... a interjeté appel de l'ordonnance par lettre reçue au greffe le 13 juillet 2016. Interjetés dans les formes et délais réglementairement prévus, l'appel est recevable. En application de l'article L. 3212-12 du code de la santé publique, le directeur de l'établissement prononce la décision d'admission en soins psychiatriques prenant la forme d'une hospitalisation complète d'une personne atteinte de troubles mentaux lorsque ses troubles mentaux rendent impossible son consentement et que son état mental impose des soins immédiats assortis soit d'une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète. En l'espèce, il résulte du certificat médical des 72 heures établi par le docteur C...que M. Jugurtha X... souffre d'un trouble schizo affectif. Il était en rupture de soins qui ont été repris à l'occasion d'une précédente hospitalisation s'étant terminée le 29 juin 2016. Ce même certificat fait état d'insomnies rebelles sur plusieurs nuits, des troubles du comportement (facilités par la prise d'alcool), une certaine discordance dans le discours avec une tendance à l'interprétation et la présence des éléments délirants mystiques. M. Jugurtha X... et dans le déni complet des troubles initiaux ayant justifié sa réhospitalisation. Un certificat médical du 7 juillet 2016 établi par le docteur D...précise que M. Jugurtha X... est suivi pour cette pathologie schizophrène évolutive depuis deux ans, cette pathologie se manifestant par une grande instabilité, des comportements avec mise en danger de lui-même ou des autres (comportement hétéro agressifs, clastiques et auto agressifs) ayant déclenché récemment des situations médico-légales à la suite de plaintes des voisins et de la famille. Ce même certificat fait état d'une grande désorganisation de la pensée, une aboulie, une incapacité de mettre une structure, du cadre dans le quotidien, ce qui détermine une forme d'errance. Il n'existe aucune critique de ces comportements, aucune prise de conscience, un refus des soins dernièrement et un discours de compromis superficiel et factice à but utilitaire. Un certificat médical établi le 22 juillet 2016 par le docteur Y...indique que M. Jugurtha X... présente sur le plan clinique une instabilité dans son comportement. Il y a une semaine, il était plus compliant aux soins et son traitement, associant plusieurs psychotropes, avait été très légèrement diminué. Depuis le jour, il présente une exacerbation psychomotrice, il supporte mal les frustrations de sorte que le traitement existant avant cette diminution a été repris. Il n'y a pas de délit a exprimé mais il est à la ligne des interprétations délirantes de nature consécutive. Le docteur Y...précise que « cette année, les hospitalisations se sont reproduites, toujours dans le même contexte d'arrêt du traitement et de reprise de cannabis. Il affirme que cette fois-ci, il ne reconsommera pas de cannabis mais son comportement nous montre tout autre chose, de plus le traitement devra associer un traitement retard, (sous forme d'une injection à faire toutes les quatre semaines) et un traitement en comprimé ». A l'audience de ce jour, M. Jugurtha X... a indiqué être guéri et n'avoir besoin d'aucun traitement. Amené à réagir sur les termes des certificats médicaux contenus dans le dossier, il a affirmé que les médecins se trompaient. Il s'évince de l'ensemble des éléments de nature médicale concordants du dossier que M. Jugurtha X... souffre d'un trouble mental en évolution depuis plusieurs années, lequel justifie des soins lourds et durables dont seule une mesure d'hospitalisation complète parvient à garantir le caractère pérenne. En effet, du fait même de sa pathologie, dans le déni duquel il se trouve, il n'est pas en capacité de s'installer durablement dans une démarche de soins adaptée hors de l'hôpital, n'ayant pas pleinement conscience de son état. M. Jugurtha X... a ainsi été de nouveau hospitalisé alors que la précédente période d'hospitalisation s'était terminée le 29 juin 2016, démontrant ainsi l'impossibilité actuelle d'envisager des soins hors une hospitalisation complète. En conséquence, c'est d'une manière justifiée que le premier juge a maintenu la mesure de soins psychiatriques prenant la forme d'une hospitalisation complète. PAR CES MOTIFS : Statuant publiquement par ordonnance, Confirmons l'ordonnance entreprise ; Disons que la présente ordonnance sera notifiée à M. Jugurtha X..., son conseil Maître Julie SPILLEBOUT, Monsieur le Directeur du CHS Fondation du Bon Sauveur à Picauville Disons que la présente décision sera communiquée au ministère public ; Laissons les dépens à la charge de l'Etat. Disons qu'ils seront recouvrés selon les règles de l'aide juridictionnelle ; La greffière Le conseiller, délégué Ghislaine LEPELLEY Pascal BRILLET
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COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE CHAMBRE SOCIALE ARRÊT No 95 DU DEUX MAI DEUX MILLE SEIZE AFFAIRE No : 13/ 01704 Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes BASSE-TERRE du 15 octobre 2013- Section Activités Diverses- RG F 11/ 00307. Madame Caroline X... 97100 BASSE-TERRE Représentée par Me Johann EUGENE-ADOLPH, avocat au barreau de GUADELOUPE (TOQUE 90), substitué par Me Pascal NEROME, avocat au barreau de GUADELOUPE. Monsieur Gilbert Y... 97100 BASSE-TERRE Représenté par Me Roland EZELIN, avocat au barreau de GUADELOUPE (TOQUE 96). COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, L'affaire a été débattue le 22 Février 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, chargé d'instruire l'affaire. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, Président, Mme Marie-Josée BOLNET, Conseillère, Mme Françoise GAUDIN, Conseillère. Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 02 mai 2016 GREFFIER : Lors des débats : Madame Valérie SOURIANT, greffière. Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, Président, et par Mme Yolande MODESTE, Greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire. Faits et procédure : Par contrat de travail à durée indéterminée, Mme X...était engagée à compter du 1er février 2007, en qualité de secrétaire informatique, par M. Y...exploitant le bureau d'études « Etude-Service-Aménagement ». La durée hebdomadaire de travail stipulé était de 27 heures. A partir de 2008, cet horaire de travail passait à 35 heures. Il ressort d'un courrier du 9 février 2011 adressé par Mme X...à M. Y..., que celui-ci a réuni le personnel le jour même, et a fait savoir qu'il entendait licencier Madame X...pour faute grave, cette dernière contestant dans le courrier suscité, les accusations portées à son encontre. Par courrier recommandé avec avis de réception en date du 10 mars 2011, Mme X...était convoquée à un entretien préalable fixé au 22 mars 2011. Par courrier remis en main propre le 11 avril 2011, Mme X...se voyait notifier une lettre de licenciement pour faute grave. Le 13 décembre 2011, Mme X...saisissait le conseil de prud'hommes de Basse-Terre aux fins d'obtenir paiement d'indemnités de rupture du contrat de travail ainsi que des dommages-intérêts pour la réparation du préjudice moral résultant d'un harcèlement moral. Par jugement du 15 octobre 2013, la juridiction prud'homale déboutait Mme X...de l'ensemble de ses demandes. Le 2 décembre 2013, Mme X...interjetait appel de cette décision qui lui avait été notifiée le jour même. Par conclusions notifiées à la partie adverse le 9 janvier 2015, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, Mme X...entend voir constater que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse, et sollicite paiement des sommes suivantes : -7062, 90 euros pour rupture abusive du contrat de travail, -10 000 euros pour la réparation du préjudice moral inhérent au harcèlement moral, -4500 euros pour le paiement de sa formation, -2354, 30 euros pour non-respect de la procédure de licenciement, -1300 euros au titre de l'accord BINO, -3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. À l'appui de ses demandes, Mme X...qui explique que la relation de travail s'est détériorée lorsqu'elle a décidé de suivre une formation intitulée " Jeunes dirigeants du BTP ", qui devait débuter le 25 novembre 2011 et s'achever le 1er avril 2011. Elle indique qu'avant le début la formation elle a appris avec surprise de la part de l'AGEFOSPME que son employeur n'était pas à jour de ses cotisations et qu'en conséquence cet organisme ne pouvait prendre en charge sa formation. Elle ajoute que le 9 février 2011, lors d'une réunion avec l'ensemble du personnel de l'entreprise, elle a appris avec surprise qu'elle allait être licenciée pour des faits qui auraient eu lieu en 2010, ce qu'elle qualifie de mensongers et vexatoires. Par conclusions notifiées à la partie adverse le 11 mai 2015, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, M. Y...sollicite la confirmation du jugement entrepris et le rejet de l'ensemble des demandes de Mme X.... Il réclame paiement de la somme de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. M. Y...conteste la prescription des faits fautifs que la salariée invoque, en expliquant que rien ne démontre qu'il avait connaissance des faits reprochés avant le 9 février 2010, relevant que l'attestation du responsable du Conseil Régional à Marie-Galante, qu'il produit au débat, est du 4 février 2011. En ce qui concerne les faits reprochés, M. Y...expose que Mme X...a utilisé le nom du collègue chargé du suivi des chantiers à Marie-Galante pour faire signer une réception de travaux, lesquels n'étaient pas terminés, ceci afin de faire liquider ces chantiers au profit de l'artisan qui est son compagnon. Motifs de la décision : Sur le motif du licenciement : Dans sa lettre de licenciement date du 11 avril 2011, M. Y...expose de la façon suivante les motifs de sa décision de licenciement : " 1. a. de vous êtes rendue, de votre propre initiative, à Grand Bourg de Marie-Galante chez Mme B...et lui avoir fait signer, sans qu'elle s'en rende compte, une réception de travaux non encore réalisés, ceci dans le but de faire mandater en faveur de l'entreprise COMBAT le montant de la subvention allouée ; b. d'avoir utilisé le nom de votre collègue de travail, sur le formulaire de « réception de travaux » (lui seul étant habilité à procéder à la réception des travaux effectués à Marie-Galante) c. d'avoir fourni à la comptabilité une fausse réception de travaux et une fausse facture, 2. de vous être rendue à Saint-Louis de Marie-Galante chez Mme C...Théodore, accompagné de l'artisan responsable de l'entreprise COMBAT qui devait effectuer les travaux, pour réclamer de l'argent afin de commencer lesdits travaux. Ces faits constituant une faute grave, d'autant que vous êtes employée en qualité de secrétaire et non comme technicien chargé de contrôler les travaux sur le terrain, je vous informe donc par la présente de votre licenciement sans préavis ni indemnité... » L'entreprise de M. Y... travaillait en partenariat avec la société d'économie mixte SEMSAMAR, afin de mettre en oeuvre des opérations d'amélioration de l'habitat, notamment de personnes âgées, grâce à des fonds de la Région Guadeloupe. Mme C..., attributaire d'une subvention pour l'amélioration de son logement, écrivait au directeur de la société d'économie mixte SEMSAMAR, que la Région Guadeloupe lui avait accordé une subvention de 12 000 euros pour effectuer des travaux d'amélioration de sa maison. Elle expliquait qu'elle avait signé le devis qui avait été établi pour les travaux à réaliser correspondant au montant de la subvention, mais qu'elle avait été très surprise qu'une des employés du bureau d'études accompagnée de l'entrepreneur, soit venue réclamer de l'argent pour commencer les travaux ; elle avait donc refusé parce que ce n'était pas les conditions prévues. Elle ajoutait qu'elle trouvait que ce n'était pas très honnête et demandait de changer d'entrepreneur. Mme B...écrivait le 15 novembre 2010 au responsable de la société d'économie mixte SEMSAMAR, en rappelant qu'elle avait appelé la veille pour se plaindre au sujet des travaux d'amélioration de sa maison, ayant été très surprise de savoir qu'elle avait signé une réception de travaux. Elle faisait savoir qu'elle était très en colère car les travaux avaient à peine commencé. Elle expliquait que fin octobre 2010 une dame était venue la voir au nom de la SEMSAMAR pour lui faire signer plusieurs documents afin que les travaux de sa maison démarrent. Elle était très contente mais avouait qu'elle ne s'était pas aperçue qu'elle avait également signé une réception de travaux. Elle avait contacté la Région pour leur signaler les faits. Elle tenait à dire que cette dame qui s'était présentée au nom de la société d'économie mixte SEMSAMAR, était malhonnête et avait profité de son ignorance pour lui faire signer un faux document. Elle se réservait le droit de porter plainte si cela était nécessaire. Elle demandait en conséquence de faire un contrôle par un technicien, et demandait que ces travaux se terminent dans les meilleurs délais. Dans un courrier du 4 février 2011, le responsable de l'antenne du Conseil Régional à Marie-Galante, certifie avoir réceptionné trois chantiers en présence de M. D..., M. E...François et Mme F..., mais que concernant le chantier de Mme B...et de l'entreprise COMBAT, il n'avait jamais été réceptionné. Il déclinait toute responsabilité dans cette affaire. Il précisait que Mme X...et son compagnon avait réceptionné ce chantier. Il ressort de l'ensemble de ces courriers, émanant de tiers, que Mme X...s'est notamment présentée, avec son compagnon exploitant l'entreprise COMBAT, chez Mme B...afin de faire signer à cette dernière une réception de travaux, et solliciter de sa part le versement de fonds. Il en résulte que Mme X..., qui n'exerçaient que des fonctions de secrétaire informatique, a largement outrepassé son domaine de compétence, en faisant signer une réception de travaux par l'attributaire d'une subvention du Conseil Régional, ladite réception de travaux ne correspondant pas à l'état d'avancement de travaux. En outre l'examen de cette réception de travaux en date du 28 octobre 2010 fait apparaître que Mme X...a fait figurer le nom d'un de ses collègues en qualité de représentant de la SEMSAMAR, en l'occurrence Rony D.... L'employeur fait savoir au demeurant que les agents qui avaient pour tâche d'aller sur le terrain et de procéder aux opérations d'ouverture et de réception de chantier étaient : M. D...Rony (spécialement chargé des communes de Marie-Galante), M. G...Fabrice M. H...Paul M. I...Denis. Ainsi Mme X...a utilisé le nom d'un de ses collègues pour établir une réception de travaux, qui ne correspondait pas à la réalité, afin de permettre à son compagnon qui exploitait l'entreprise COMBAT de se voir remettre des fonds. Il ressort du courrier de Mme C..., que Mme X...s'est livrée aux mêmes agissements à son égard. Dans ces conditions, le comportement de Mme X...qui outrepassait son domaine de compétence et établissait des faux documents de réception de travaux afin de permettre à son compagnon de recevoir des fonds, rendait impossible le maintien de la salariée dans l'entreprise, sous peine de voir celle-ci poursuivie pour faux en écritures commerciales. En conséquence le licenciement de Mme X...pour faute grave est justifié. Elle sera déboutée de ses demandes tendant à obtenir indemnisation pour rupture abusive de son contrat travail. Sur la prescription des faits fautifs : Il y a lieu de relever que les courriers de novembre 2010 de Mesdames C...et B..., ont été adressés directement à la direction de la société d'économie mixte SEMSAMAR, et non au bureau d'études de M. Y... . Le seul document qui montre que ce dernier a été mis au courant des agissements de Mme X...est un courrier du 4 février 2011 émanant du responsable de l'antenne du Conseil Régional à Marie-Galante. Ainsi, si l'employeur a eu connaissance des faits qu'il reproche à Mme X..., le 4 février 2011, le délai de prescription de deux mois prévu par l'article L. 1332-4 du code du travail, qui a débuté le 4 février 2011, date à laquelle l'employeur a eu connaissance des agissements de Mme X..., a été interrompu par l'engagement de la procédure de licenciement le 10 mars 2011, date de la convocation à l'entretien préalable au licenciement. En conséquence le moyen tiré de la prescription des faits fautifs doit être écarté. Sur la demande de réparation du préjudice moral inhérent à un harcèlement moral : Selon les dispositions de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteint à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Par ailleurs l'article L. 1154-1 du code du travail édicte que lorsque survient un litige relatif notamment à l'application de l'article L. 1152-1 du code du travail, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, et au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, le juge formant sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. En l'espèce Mme X...fait état de brimades consistant de la part de l'employeur à lui adresser en février 2010 un avertissement pour absence. Elle cite par ailleurs une diminution de son salaire pour le mois de janvier 2011. Toutefois dans un courrier adressé le 25 février 2010, en réponse à l'avertissement qui lui a été notifié, Mme X...reconnaît qu'elle a modifié ses congés et que cette modification n'avait pas été acceptée par l'employeur. En ce qui concerne la diminution de son salaire du mois de janvier 2011, l'intéressée s'abstient de produire la fiche de paye correspondante ainsi que la fiche de paye précédente afin de pouvoir constater la baisse de rémunération et le cas échéant les raisons de cette baisse. Ainsi les seuls faits allégués par Mme X...ne suffisent pas à établir des éléments permettant de présumer des faits de harcèlement. Il ne peut donc être fait droit à sa demande d'indemnisation de son préjudice moral pour harcèlement moral. Sur la demande d'indemnisation pour le caractère vexatoire du licenciement : À l'appui de cette demande Mme X...fait valoir qu'elle a appris quelles serait licenciée pour des motifs fallacieux lors d'une réunion devant l'ensemble du personnel. Toutefois il résulte des explications qui précèdent, que les motifs de son licenciement ne sont pas fallacieux, et qu'il importait de rappeler à l'ensemble du personnel les limites de leurs compétences et de stigmatiser un comportement abusif qui doit être qualifié de frauduleux. Ainsi le comportement de l'employeur ne peut être considéré comme fautif et donner droit à versement d'une indemnisation pour caractère vexatoire du licenciement. Sur le non-respect de l'accord BINO : L'accord interprofessionnel signé le 26 février 2009, ayant fait l'objet d'un arrêté d'extension du 3 avril 2009 prévoit le versement à compter du 1er mars 2009, d'une prime de 200 euros au salarié dont la rémunération mensuelle ne dépasse pas 1, 4 fois le SMIC, 50 euros étant à la charge de l'employeur. Pour justifier sa demande, Mme X..., qui reconnaît que le montant de la prime BINO figurait sur ses bulletins de salaire, produit les fiches de paie de juin et d'octobre 2010 qui font apparaître le versement de la prime BINO et verse au débat les copies des chèques établis à son ordre par l'employeur, le 7 juin 2010 et le 16 octobre 2010, faisant ressortir des montants nets inférieurs à ceux figurant dans lesdits bulletins de salaire. Toutefois il est bien certain que le chèque du 7 juin 2010 ne peut correspondre au montant net du salaire dû à la salariée au titre du mois de juin 2010, et le chèque du 16 octobre 2010 ne peut correspondre au salaire net dû à la salariée au titre du mois d'octobre 2010. Ainsi les pièces versées aux débats par Mme X...sont inopérants pour démontrer le bien-fondé de sa demande. Sur le non-respect de la procédure de licenciement : Il est reproché à l'employeur de ne pas avoir mentionné sur la convocation à l'entretien préalable au licenciement l'adresse de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, ni l'adresse de la mairie du domicile du salarié. En l'espèce, dans la lettre de convocation du 10 mars 2011, l'employeur a précisé que la liste des conseillers établie par le préfet pouvait être communiquée à Mme X...à l'inspection du travail à Bisdary, commune de Gourbeyre, ainsi qu'à la mairie de Basse-Terre, ces mentions étant suffisantes pour informer la salariée de la localisation des services auprès desquelles elle pouvait se procurer la liste préfectorale, il ne peut être reproché aucun manquement à ce titre à l'employeur. Par ailleurs la lettre de licenciement n'a pas été adressée par lettre recommandée avec avis de réception à Mme X..., mais lui a été remise en main propre, l'intéressé en ayant accusé de réception par mention sur ladite lettre, à savoir : « remise en main propre le 11/ 02/ 2011 à 15 : 20 », cette mention étant suivie de la signature de Mme X.... Cette modalité de remise de la lettre de licenciement, présentant autant de garantie que l'envoi par courrier recommandé avec avis de réception, ne peut caractériser une irrégularité de la procédure de licenciement pouvant donner lieu à indemnisation. En conséquence Mme X...sera déboutée sur ce chef de demande. Sur la demande de paiement relative à la formation de la salariée : Les pièces versées au débat montre que Mme X...devait participer à un formation " JEUNES DIRIGEANTS " dont le début a été reporté au 25 novembre 2010, mais il ne résulte d'aucun des éléments communiqués que ce stage a dû être financé par la mère de la salariée comme le prétend celle-ci, en raison d'un défaut de paiement de cotisations de l'employeur auprès de l'AGEFOS PME. En conséquence Mme X...sera déboutée sa demande de paiement de la somme de 4 500 euros. Le jugement déféré sera donc que confirmer en toutes ses dispositions. L'équité n'implique pas qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Par ces motifs, La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, Confirme le jugement du 15 octobre 2013 en toutes ses dispositions, Dit que les entiers dépens sont à la charge de Mme X..., Déboute les parties de toutes conclusions plus amples ou contraires. Le Greffier, Le Président,
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RG N : 15/ 00765 M. Pascal X... COMMUNE DE SENS-BEAUJEU J. P/ E. A demande en bornage ou en cloture saisine sur renvoi de cassation Grosse délivrée à Me VALIERE-VIALEIX, Me CHABAUD, avocats COUR D'APPEL DE LIMOGES CHAMBRE CIVILE --- = = oOo = =--- ARRET DU 04 MAI 2016 --- = = = oOo = = =--- Le QUATRE MAI DEUX MILLE SEIZE la CHAMBRE CIVILE a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à la disposition du public au greffe : Monsieur Pascal X... de nationalité Française né le 13 Février 1974 à LONGJUMEAU (91000), demeurant ...-18300 SENS BEAUJEU représenté par Me Jean VALIERE-VIALEIX, avocat au barreau de LIMOGES, SCP ROUAUD CHAZAT RATEAU SALSAC BREUGNOT DEBORD, avocat à BOURGES APPELANT d'un jugement rendu le 10 novembre 2011 par le tribunal de grande instance de Bourges COMMUNE DE SENS-BEAUJEU, demeurant MAIRIE-18300 SENS BEAUJEU représentée par Me Philippe CHABAUD de la SELARL MAURY CHAGNAUD CHABAUD, avocat au barreau de LIMOGES, Me JAMET, avocat à BOURGES --- = = oO § Oo = =--- Sur renvoi de cassation : jugement du tribunal de grande instance de Bourges en date du 10 novembre 2011- arrêt de la cour d'appel de Bourges en date du 09 janvier 2014- arrêt de la cour de Cassation en date du 19 mai 2015 L'affaire a été fixée à l'audience du 16 mars 2016, après ordonnance de clôture rendue le 03 février 2016, la Cour étant composée de Madame PERRIER, Président de chambre, de Monsieur PUGNET et de Monsieur SOURY, Conseillers, assistés de Madame AZEVEDO, Greffier. A cette audience, Madame PERRIER a été entendu en son rapport oral, l'avocat des parties est intervenu au soutien des intérêts de son client. Puis Madame PERRIER, Président de chambre, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 04 mai 2016 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi. --- = = oO § Oo = =--- --- = = oO § Oo = =--- Au grief pris d'un empiétement par la pose d'une palissade et de thuyas sur un chemin rural dit des Chênes, la commune de Sens-Beaujeu (18300) a introduit une action judiciaire contre monsieur Pascal X..., lequel s'est porté demandeur reconventionnel en libération par la commune d'une partie d'une ancienne fumière et des franges des parcelles cadastrées sous les numéros 40, 41, 42 et 43 et bordant ce même chemin. Par jugement du 10 novembre 2011, le tribunal de grande instance de Bourges a : - rejeté la demande de la commune de Sens-Beaujeu en arrachage des thuyas ; - a condamné monsieur Pascal X... sous une astreinte de 50 euros par jour de retard à défaut d'exécution volontaire dans les deux mois suivant la signification du jugement, à retirer la partie de la clôture qui empiète sur le chemin rural ; - a condamné la commune de Sens-Beaujeu sous la même astreinte de 50 euros par jour de retard à défaut d'exécution volontaire dans les deux mois suivant la signification du jugement, à libérer une partie de l'ancienne fumière, d'une superficie de 9m ², et les franges des parcelles litigieuses, telles que matérialisées en rouge sur le plan dressé par le géomètre-expert monsieur A...; - rejeté la demande de monsieur Pascal X... en revendication de la totalité de la fermière ; - a rejeté les demandes en dommages et intérêts ; - a mis les dépens par moitié à la charge des parties, et dit qu'elles conserveront la charge de leurs frais irrépétibles. Par un arrêt en date du 09 janvier 2014, la cour d'appel de Bourges, après avoir organisé un transport sur les lieux, a, notamment sur la base du rapport du géomètre-expert monsieur A...: - confirmé la décision du premier juge ayant dit que la commune de Sens-Beaujeu ne justifie pas d'une prescription acquisitive sur l'ancienne fumière de 9 m ², - l'a infirmé relativement aux franges des parcelles cadastrées sous les numéros 40, 42 et 43 et dit que la commune de Sens-Beaujeu en est propriétaire par prescription acquisitive pour les avoir intégrées à l'emprise du chemin depuis plus de trente années. Cet arrêt a été frappé de pourvoi par monsieur Pascal X... et, par un arrêt en date du 19 mai 2015, la Cour de cassation, au visa de l'article 2261 du Code civil, a cassé et annulé l'arrêt de la cour d'appel de Riom en toutes ses dispositions. La Cour de cassation a fait grief aux juges d'appel d'avoir accueilli la demande de la commune de Sens-Beaujeu en revendication de la propriété des franges des parcelles en litige sans caractériser des actes de possession matériels accomplis par elle sur l'emprise du chemin empiétant sur le fonds de monsieur Pascal X... et d'avoir ainsi privé leur décision de base légale. L'ordonnance de clôture est intervenue le 03 février 2016. Par ses dernières conclusions déposées le 24 novembre 2015, la commune de Sens-Beaujeu demande à la cour de Limoges, cour de renvoi, sur le fondement des articles 544 et suivants du Code civil et 2255 et suivants du Code de procédure civile : 1) de confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Bourges en ce qu'il a : - condamné monsieur Pascal X... sous une astreinte de 50 euros par jour de retard à défaut d'exécution volontaire dans les deux mois suivant la signification du jugement, à retirer la partie de la clôture qui empiète sur le chemin rural dit des Chênes ; - rejeté la demande de monsieur Pascal X... en revendication de la totalité de la fermière ; 2) le réformant pour le surplus : - de constater que la prescription trentenaire lui est acquise pour ce qui est des franges des parcelles cadastrées sous les numéros 40, 41, 42 et 43, ainsi que pour l'ancienne fumière de 9m ² ; - de débouter monsieur Pascal X... de ses demandes reconventionnelles et de le condamner à lui payer la somme de 1. 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et celle de 2. 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; - de condamner monsieur Pascal X... aux entiers dépens, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile par maître Chabaud, avocat. La commune de Sens-Beaujeu entend rapporter la preuve par témoignages de riverains, d'employés communaux et de personnes originaires de la commune que le chemin a toujours été délimité de la même manière, y compris au gré des travaux de réfection de son revêtement.- goudronnage en 1971 et restauration de l'enrobé en 2003- et elle fait valoir que sa possession liée à ces actes matériels d'occupation s'est conservée tant que son cours n'a pas été suspendu ou interrompu par un acte ou un fait contraire. Par ses dernières conclusions déposées le 22 septembre 2015, monsieur Pascal X... demande à la cour, au visa des articles 545 et 2261 du Code civil : - de réformer en partie le jugement du tribunal de grande instance de Bourges en date du 10 novembre 2011 ; - de rejeter les demandes de la commune de Sens-Beaujeu ; - de condamner la commune de Sens-Beaujeu, sous une astreinte de 100 euros par jour de retard à défaut d'exécution volontaire dans les deux mois suivant la signification du " jugement ", à cesser tout empiètement sur les franges des parcelles litigieuses, telles que matérialisées en rouge sur le plan dressé par le géomètre-expert monsieur A...; - de condamner la commune de Sens-Beaujeu sous la même astreinte à libérer une partie de l'ancienne fumière et les franges des parcelles 40, 41, 42 et 43. - de dire qu'il est propriétaire de la totalité de l'ancienne fumière de 12m ² jouxtant sa parcelle no41 ; - de condamner la commune de Sens-Beaujeu à lui payer la somme de 1. 000 euros à titre de dommages et intérêts, et celle de 1. 800 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; - de condamner la commune de Sens-Beaujeu aux entiers dépens, en ce compris les honoraires de l'expert géomètre, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile par la SCP Rouaud-Chazat Rateau-Salsac-Breugnot-Debord Guy, avocat. Il expose que : - selon le rapport A..., il empiéterait de 8m ² seulement sur la propriété de la commune alors qu'elle empiète pour plus de 60 m ² sur sa propriété ; - le constat produit par la commune de Sens-Beaujeu et dressé par un huissier de justice ne peut venir contre l'avis d'un géomètre expert ; - le chemin des Chênes a été refait en 2000 et, avant cette réfection, il était beaucoup plus petit -les témoignages produits par la commune de Sens-Beaujeu, émanant pour la plupart d'employés communaux actuels ou anciens, sont de complaisance et ne font pas la preuve d'une possession trentenaire interrompue par des actes matériels ; - la seule occupation du bien est insuffisante à caractère cette possession. Attendu qu'il convient de constater que le jugement du tribunal de grande instance de Bourges en date du 10 novembre 2011 n'est pas critiqué en cause d'appel en ce qu'il a débouté la commune de sa demande en arrachage de thuyas ; Attendu, bien que le rapport du géomètre-expert monsieur A...du10 juillet 2009 ait été établi à la demande de monsieur Pascal X... et donc non contradictoirement à la commune, cette dernière n'en remet pas en cause, si ce n'est les conclusions, du moins les indications résultant de la superposition au plan des lieux par les données cadastrales anciennes et nouvelles, qui ont été soumises à la discussion des parties ; Attendu qu'il en résulte qu'une ancienne fumière située en bordure du chemin rural dit des Chênes, d'une superficie totale de 12m ², accolée à la propriété bâtie de monsieur Pascal X... et qui, pour une superficie de 9 m ² telle que matérialisée en rouge sur le plan A..., était incluse dans l'assiette de sa parcelle no 41, a été, par erreur annexée au domaine privé de la commune lors de la rénovation cadastrale ; que la commune ne produit aucune pièce justifiant qu'elle aurait exercé sur cette partie de l'ancienne fumière des actes de possession publique, non équivoque et continue, à titre de propriétaire pendant plus de trente années, lui permettant de se prévaloir de la perscitption acquisitive de l'article 2272 du Code civil ; que monsieur Pascal X... ne justifie pas davantage avoir accompli des actes de même nature sur la partie revendiquée de cette ancienne fumière de 3 m ² telle que matérialisée en bleue sur le plan A...; que le jugement déféré sera donc confirmé de ces chefs ; Attendu qu'il résulte également du rapport de monsieur A...que le chemin rural empiète légèrement sur la propriété de monsieur Pascal X... en bordure de ses parcelles numéros 40, 42 et 43 ; que la commune justifie avoir réalisé le goudronnage du chemin en 1971, un relevé de son état en 1978, la réfection de son enrobé en 2003 et, aux termes des multiples témoignages apportés par des employés municipaux mais aussi par des voisins ayant toujours connu les lieux, qu'aucune modification de l'emprise du chemin notamment en sa largeur n'est intervenue entre 1971 et 2003 contrairement à l'affirmation non étayée de monsieur Pascal X... ; que l'emprise actuelle du chemin remontant à bien plus de trente années est ainsi attestée par madame B..., âgée de 89 ans, par madame C..., âgée de 72 ans, par madame D..., âgé de 66 ans ou par monsieur E..., âgé de 81 ans ; que le goudronnage du chemin et sa réfection ont constitué autant d'actes matériels de possession ayant présenté un caractère public, continu et non équivoque ; que ces actes matériels, complétés par des actes de surveillance et par une affectation du chemin à l'usage du public résultant de ces mêmes témoignages, établissent la volonté de la commune de se comporter en tant que propriétaire de l'assiette du chemin depuis plus de trente ans, ce qui autorise à faire droit à sa revendication de propriété ; Que le jugement déféré sera donc infirmé de ce chef ; Attendu que le rapport A...a enfin mis en exergue des empiétements sur le chemin rural par la palissade de monsieur Pascal X... en bordure de la parcelle 41 et que le jugement dont appel doit être confirmé en ce que ce dernier a été condamné à y remédier ; Attendu que le prononcé d'une astreinte à la charge de chacune des parties, nécessaire à l'exécution de la présente décision, sera maintenu ; Attendu que la décision déférée sera également confirmée en ce qu'elle a rejeté la demande de Monsieur Pascal X... en dommages et intérêts ; Attendu que convient au regard de la nature du litige, de dire que chacune des paries conservera la charge de ses propres frais et dépens et n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile ; --- = = oO § Oo = =--- PAR CES MOTIFS --- = = oO § Oo = =--- Statuant par décision contradictoire rendue par mise à disposition au greffe, sur renvoi de cassation, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Bourges en date du 10 novembre 2011, sauf en ce qu'il a condamné la commune de Sens-Beaujeu à libérer les franges des parcelles numéros 40, 42 et 43, propriété de monsieur Pascal X... ; L'infirmant de ce chef et statuant à nouveau, Dit que la commune de Sens-Beaujeu est propriétaire par prescription acquisitives des franges des parcelles 40, 42 et 43 ; Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ; Dit que chaque partie conserve la charge de ses propres frais et dépens et n'y avoir lieu à l'application de l'article 699 du code de procédure civile. LE GREFFIER, LE PRESIDENT, E. AZEVEDO. J. PERRIER. RG : 15/ 765
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COUR D'APPEL DE TOULOUSE O R D O N N A N C E L'an DEUX MILLE SEIZE et le 04 mai - 11 heures Nous M. REGALDO SAINT-BLANCARD, Président de la Chambre de l'instruction délégué par ordonnance du premier président en date du 18 décembre 2015 pour connaître des recours prévus par les articles L 552-9 et L 222-6, R.552.12 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Vu l'ordonnance rendue le 30 Avril 2016 à 15H50 par le juge des libertés et de la détention au tribunal de grande instance de Toulouse ordonnant le maintien au centre de rétention de - Natalia X... EPOUSE Y... née le 05 Août 1983 à ODESA de nationalité Ukrainienne Vu l'appel formé, par télécopie, le 02/05/2016 à 14 h 32 par Natalia X... EPOUSE Y... A l'audience publique du 03 mai 2016 - 13 heures 30, assisté de I. BACOU, greffier, avons entendu - Natalia X... EPOUSE Y... - assisté de Me SYLVAIN LASPALLES, avocat commis d'office - avec le concours de Gaïa Z..., interprète en langue russe, qui a eu la parole en dernier. En l'absence du représentant du Ministère public, régulièrement avisé ; En présence du représentant de la PREFECTURE DE LA VIENNE avons rendu l'ordonnance suivante : Vu l'arrêté de Madame la Préfète de la Vienne en date du 26 avril 2016 portant remise aux autorités polonaises, responsables de l'examen de sa demande d'asile, pris à l'encontre de Natalia X..., épouse Y..., née le 5 août 1983 à Odessa (Ukraine), de nationalité ukrainienne, Vu la notification de cet arrêté à l'intéressée le même jour, Vu la décision de Madame la Préfète de la Vienne en date du 26 avril 2016, de placement en rétention de Natalia X..., épouse Y... dans un local ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, Vu la notification de cette décision le même jour, Vu la requête de Madame la Préfète de la Vienne en prolongation de rétention en date du 29 avril 2016, Vu l'ordonnance de prolongation de rétention pendant 20 jours rendue par le juge des libertés et de la détention de Toulouse le 30 avril 2016, à 15 H 50 et l'exposé des faits qu'elle contient auquel il est expressément renvoyé, Vu la déclaration d'appel reçue le 2 mai 2016 à 14 H 32, Natalia X..., épouse Y... fait valoir, dans son acte d'appel, les arguments suivants : - Elle est entrée en France avec son époux, après un simple transit en Pologne, pour y demander l'asile. Elle est en danger en Pologne et ne saurait y être renvoyée. - elle a fait l'objet d'une convocation déloyale, ayant été arrêtée alors qu'elle se rendait à une convocation au titre de l'asile. Elle conclut donc à l'infirmation de l'ordonnance dont appel et demande que soit ordonnée sa remise en liberté. A l'audience, le conseil de Natalia X..., épouse Y... a développé les moyens contenus dans son acte d'appel. Il a justifié, par la production d'une attestation, de ce que la personne concernée bénéficiait d'un hébergement d'urgence à la Croix-Rouge depuis le 10 février 2016. Madame la Préfète de la Vienne conclut à la confirmation de l'ordonnance attaquée. Sur le refus exprimé de l'intéressée d'être dirigée vers la Pologne : Il n'appartient pas au juge judiciaire de connaître d'une contestation sur une décision de réadmission vers un Etat membre de l'UE susceptible d'être désigné, en application du règlement UE 604/2013, comme responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite en France. La Pologne ayant accepté le 26 février 2016 la demande de transfert de responsabilité de la demande d'asile, la décision de transfert, qui résulte du règlement Dublin III, ne saurait être remise en cause devant le juge judiciaire, et n'aurait pu l'être qu'au travers d'éventuels recours administratifs ou à destination des juridictions administratives. Sur la loyauté de la procédure suivie : A la suite du dépôt de demande d'asile réalisé par Natalia X..., épouse Y... le 9 février 2016 les autorités polonaises, qui avaient délivré à l'intéressée un visa de court séjour, ont été interrogées sur un éventuel accord pour prendre en charge la demande de protection au titre des règles du règlement européen 604/2013 dit Dublin III. Lorsque Natalia X..., épouse Y... a été convoquée pour se rendre à la Préfecture le 26 avril dernier, elle savait parfaitement qu'une procédure tendant à transférer à la Pologne la prise en charge de sa demande de protection était en cours. L'objet de la convocation était explicitement mentionné comme: "Demande d'asile - Procédure de détermination de l'Etat membre responsable". Natalia X..., épouse Y... et son époux avaient d'ailleurs adressé à la Préfète de la Vienne un courrier daté du 25 mars 2016 argumentant sur leur souhait de ne pas être renvoyés en Pologne, arguments dont Madame la Préfète, dans son arrêté portant remise aux autorités polonaises, responsables de l'examen de la demande d'asile d'Natalia X..., épouse Y..., indique qu'ils ne sont pas accompagnés d'éléments de preuve convaincants. On note certes que, dès le 26 février 2016, les autorités polonaises avaient fait connaître leur accord pour prendre en charge la demande de protection de l'intéressée, ce que ne mentionne pas, et on peut le regretter, la convocation adressée le 12 avril pour le 26 avril. Cependant, la lettre de convocation n'était pas de nature à induire l'intéressée en erreur sur l'objet de la convocation et sur le fait qu'une réponse positive de la Pologne était susceptible de lui être annoncée, qui aurait d'ailleurs pu arriver en Préfecture entre l'envoi de la convocation et le jour prévu pour le rendez-vous, avec toutes les suites éventuelles qui pouvaient en découler. Cette lettre de convocation informait expressément Natalia X..., épouse Y..., dans un paragraphe spécial, qu'elle était susceptible de se voir notifier, lors ce cette convocation, un arrêté de réadmission ainsi qu'un arrêté de placement en rétention administrative dans le cadre de l'application de cette procédure dite de réadmission. Dès lors la procédure suivie ne peut être considérée comme déloyale de manière à vicier la procédure . Sur le fond, il convient de retenir que la personne retenue est dépourvue de toute garantie de représentation au sens de la loi, c'est à dire propre à prévenir le risque qu'il se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français. Elle a exprimé son refus d'être réadmise en Pologne, ne justifie que d'un hébergement d'urgence sociale et n'a aucun revenu en France. Elle ne peut donc prétendre à bénéficier d'une mesure d'assignation à résidence. La décision du juge des libertés et de la détention sera en conséquence confirmée. PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, par ordonnance mise à disposition au greffe après avis aux parties, Déclarons l'appel recevable ; CONFIRMONS l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de TOULOUSE le 30 avril 2016, Prolongeons en conséquence le placement de Natalia X..., épouse Y... dans les locaux du centre de rétention administrative, ne dépendant pas de l'administration pénitentiaire, Disons que l'application de ces mesures prendra fin au plus tard à l'expiration d'un délai de 20 jours à compter de l'expiration du délai de 5 jours suivant la décision initiale de placement en rétention. Disons que la présente ordonnance sera notifiée à la PREFECTURE DE LA VIENNE, service des étrangers , à Natalia X... EPOUSE Y..., ainsi qu'à son conseil et communiquée au Ministère Public. LE GREFFIER P/ LE PREMIER PRESIDENT Isabelle BACOU Michel REGALDO SAINT-BLANCARD
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RG N : 15/ 00694 GFA DU MOULIN DE L'HUMEAU pris en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège. M. Christian X..., SAFER POITOU CHARENTES G. S/ A. E demande en nullité de la vente ou d'une clause de la vente COUR D'APPEL DE LIMOGES CHAMBRE CIVILE --- = = oOo = =--- ARRET DU 04 MAI 2016 --- = = = oOo = = =--- Le QUATRE MAI DEUX MILLE SEIZE la CHAMBRE CIVILE a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à la disposition du public au greffe : GFA DU MOULIN DE L'HUMEAU pris en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège. Dont le siège social est La Gaudière-86120 BOURNAND représentée par Me Philippe CLERC, avocat au barreau de LIMOGES, Me GENDREAU, avocat au barreau de POITIERS APPELANTE d'un jugement rendu le 10 septembre 2012 par le tribunal de grande instance de Poitiers Monsieur Christian X... de nationalité Française né le 28 Février 1953 à TOURS (37) Profession : Exploitant agricole, demeurant ...-86200 LOUDUN représenté par Me Mathieu PLAS, avocat au barreau de LIMOGES, Me PLAT, avocat au barreau de POITIERS SAFER POITOU CHARENTES dont le siège social est 347 avenue de Limoges-79005 NIORT représentée par Me Philippe PASTAUD, avocat au barreau de LIMOGES, Me MASSON, avocat au barreau des DEUX SEVRES --- = = oO § Oo = =--- Sur renvoi de cassation : jugement du tribunal de grande instance de Poitiers en date du 10 septembre 2012- arrêt de la cour d'appel de Poitiers en date du 16 octobre 2013- arrêt de la cour de cassation en date du 12 mai 2015. L'affaire a été fixée à l'audience du 16 mars 2016 par avis de fixation du Conseiller de la mise en état avec arrêt rendu le 04 mai 2016, après ordonnance de clôture rendue le 17 février 2016, la Cour étant composée de Madame PERRIER, Président de chambre, de Monsieur PUGNET et de Monsieur SOURY, Conseillers, assistés de Madame AZEVEDO, Greffier. A cette audience, Monsieur SOURY a été entendu en son rapport oral, les avocats sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients. Puis Madame PERRIER, Président de chambre, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 04 mai 2016 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi. --- = = oO § Oo = =--- --- = = oO § Oo = =--- FAITS et PROCÉDURE Le 15 février 2010, la SAFER Poitou Charente (la SAFER) a acquis à l'amiable des époux A... un ensemble de terrains composés de bois et taillis. Souhaitant les rétrocéder, elle a passé un appel à candidature. M. Christian X... et le GFA du Moulin de l'Humeau (le GFA) ont chacun fait acte de candidature et la SAFER a retenu celle de M. X.... Le GFA a assigné la SAFER et M. X... devant le tribunal de grande instance de Poitiers pour voir, sur le fondement des articles L. 141-1 et suivants du code rural et 1382 du code civil, prononcer la nullité de la décision de rétrocession et obtenir la réparation de ses préjudices. Par jugement du 10 septembre 2012, le tribunal de grande instance a débouté le GFA de son action. Le GFA ayant relevé appel, la cour d'appel de Poitiers, par arrêt du 16 octobre 2013, a confirmé le jugement du tribunal de grande instance et rejeté la demande de dommages-intérêts de M. X... pour appel abusif. Le GFA a formé un pourvoi et, par arrêt du 12 mai 2015, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a cassé en toutes ses dispositions l'arrêt rendu par la cour d'appel de Poitiers pour violation des articles L. 143-3 et R. 142-1 du code rural et de la pêche maritime. La Cour de cassation a reproché à la cour d'appel de n'avoir pas contrôlé si la motivation de la SAFER permettait de vérifier la réalité des objectifs poursuivis conformément aux exigences de la loi. Les parties ont été renvoyées devant la cour d'appel de Limoges. MOYENS et PRÉTENTIONS Le GFA conclut à l'annulation de la décision de rétrocession au profit de M. X..., à l'organisation d'une expertise aux fins d'évaluer son préjudice matériel et à la condamnation de M. X... à lui payer des dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral. Le GFA expose que M. X... a usé de manoeuvres dolosives pour obtenir de la SAFER la rétrocession des terrains en se prévalant d'un projet de gestion et d'exploitation forestière fictif alors que sa motivation réelle était de retrouver un droit de chasse dans le bois rétrocédé. M. X... conclut à la confirmation du jugement et à la condamnation du GFA à lui payer des dommages-intérêts pour appel abusif. La SAFER conclut à la confirmation du jugement. Attendu que l'article L. 141-1, II, du code rural et de la pêche maritime prévoit, au titre des missions dévolues aux SAFER, notamment celle d'acquérir, dans le but de les rétrocéder, des biens ruraux, des terres, des exploitations agricoles ou forestières ; que cette acquisition peut se faire par préemption ou à l'amiable et la rétrocession des biens est, dans tous les cas, régie par les articles L. 143-3 et R. 142-1 et suivants du même code ; que l'article L. 143-3 précité dispose notamment que la SAFER doit motiver sa décision de rétrocession ; que l'article R. 124-4 précise qu'elle doit tenir les candidats non retenus informés des motifs qui ont déterminé son choix à peine de nullité de la rétrocession. Attendu qu'en l'occurrence, l'ensemble immobilier en cause a été acquis par la SAFER dans le cadre d'une négociation amiable avant d'être rétrocédé à M. X.... Attendu que si la rétrocession par une SAFER de biens acquis à l'amiable doit se faire dans le respect des objectifs définis par l'article L. 141-1 du code rural, cette rétrocession n'a pas à répondre à ceux fixés par l'article L. 143-2 du même code dont les dispositions ne sont applicables que dans l'hypothèse de l'exercice par la SAFER de son droit de préemption ; que le contrôle opéré par le juge judiciaire sur la motivation de la rétrocession se limite à un contrôle de légalité, sans s'étendre à l'opportunité de cette rétrocession. Attendu que, par courrier du 14 juin 2010 portant notification de sa décision de rétrocession, la SAFER a fait savoir au GFA que sa candidature à la rétrocession de l'ensemble immobilier en cause n'avait pas été retenue et que ce bien avait été " attribué à M. X... dans le cadre de son projet de gestion et d'exploitation forestière, en lien avec la coopérative Coforouest ". Attendu que ce motif tiré de la gestion et de l'exploitation d'un bien forestier entre dans le cadre de la mission de la SAFER telle que définie au I de l'article L. 141-1 du code rural qui vise notamment l'amélioration des structures foncières, le maintien des exploitations forestières et la mise en valeur des sols. Attendu que, pour soutenir le caractère fictif du projet forestier de M. X... et le dol commis par ce dernier, le GFA fait valoir : - que la rétrocession de l'ensemble immobilier a été consentie à M. X... personnellement alors que c'est sa société, la SAS X..., qui prétendait avoir un projet de gestion et d'exploitation du bois, - que la coopérative Coforouest n'est pas associée à ce projet, - que la motivation réelle de M. X... était de retrouver un droit de chasse dans le bois rétrocédé. Mais attendu que M. X... s'est porté candidat à titre personnel à la rétrocession ainsi que cela résulte expressément du protocole de candidature du 9 mars 2010 qu'il a adressé à la SAFER ; que s'il explicite sa candidature dans un courrier du 26 avril 2010, certes rédigé sur le papier professionnel de sa société, la SAS X..., il y fait état de son expérience personnelle dans le domaine forestier, notamment en sa qualité de dirigeant de cette société et de ses relations d'affaires avec la coopérative Coforouest, et insiste sur le contexte économique local et sa situation de riverain pour soutenir le projet professionnel qu'il apparaît poursuivre en son nom propre, sans jamais faire état d'une association de la coopérative Coforouest à ce projet, même si cette dernière peut, de fait, s'y trouver impliquée à raison de leurs relations d'affaires ; Et attendu qu'il n'est pas démontré que la convention de chasse conclue le 2 décembre 2010 entre l'ACCA du Bournand et M. X... serait de nature à remettre en cause le projet de gestion et d'exploitation forestière de ce dernier. Qu'il s'ensuit que le GFA ne rapporte la preuve ni du caractère fictif du projet de M. X... ni des manoeuvres frauduleuses imputées à celui-ci ; que le jugement déboutant le GFA de son action en nullité de la rétrocession sera confirmé. Attendu que, même si elle s'avère non fondée, l'action du GFA ne présente pas de ce seul fait un caractère abusif ; que le rejet de la demande de M. X... en paiement de dommages-intérêts de ce chef sera confirmé. --- = = oO § Oo = =--- PAR CES MOTIFS --- = = oO § Oo = =--- Statuant par décision contradictoire rendue par mise à disposition au greffe, sur renvoi de cassation, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Vu l'arrêt rendu le 12 mai 2015 par la troisième chambre civile de la Cour de cassation, CONFIRME le jugement rendu le 10 septembre 2012 par le tribunal de grande instance de Poitiers ; CONDAMNE le GFA du Moulin de l'Humeau à payer à M. Christian X... une somme de 2 000 euros (deux mille euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile ; CONDAMNE le GFA du Moulin de l'Humeau aux dépens et DIT qu'il sera fait application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. LE GREFFIER, LE PRESIDENT, E. AZEVEDO. J. PERRIER.
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RG N : 15/ 01159 M. François X..., Mme Marie-Odile Y..., SELARL MANDATUM SELARL MANDATUM prise en la personne de Me Raphaël C..., es qualité de mandataire judiciaire de Monsieur François Z... M. Jean-Claude A..., Mme Chantal B... épouse A... J. P/ E. A demande en paiement du prix tendant à faire sanctionner le non paiement du prix. renvoi de cassation Grosse délivrée à Me OLIVE, avocat COUR D'APPEL DE LIMOGES CHAMBRE CIVILE ARRET DU 04 MAI 2016 Le QUATRE MAI DEUX MILLE SEIZE la CHAMBRE CIVILE a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à la disposition du public au greffe : Monsieur François X... de nationalité Française né le 11 Octobre 1951 à VILLA DEL RIO (espagne), demeurant... représenté par Me Philippe BOISSIER, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND, Me Jean VALIERE-VIALEIX, avocat au barreau de LIMOGES Madame Marie-Odile Y... de nationalité Française née le 16 Juillet 1954 à CHAMALIERES (63400), demeurant... représentée par Me Philippe BOISSIER, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND, Me Jean VALIERE-VIALEIX, avocat au barreau de LIMOGES SELARL MANDATUM prise en la personne de Me Raphaël C..., es qualité de mandataire judiciaire de Monsieur François Z... Mandataire judiciaire, dont le siège social est 29, boulevard Berthelot-63400 CHAMALIERES représentée par Me Philippe BOISSIER, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND, Me Jean VALIERE-VIALEIX, avocat au barreau de LIMOGES APPELANTS d'un jugement rendu le 11 septembre 2012 par le Tribunal de Grande Instance de CLERMONT FERRAND Monsieur Jean-Claude A... de nationalité Française né le 27 Juin 1946 à CLERMONT-FERRAND (63) Profession : Directeur Commercial, demeurant... représenté par Me Frédéric OLIVE, avocat au barreau de LIMOGES Madame Chantal B... épouse A... de nationalité Française née le 14 Janvier 1957 à CLERMONT-FERRAND (63) Profession : Gestionnaire, demeurant... représentée par Me Frédéric OLIVE, avocat au barreau de LIMOGES --- = = oO § Oo = =--- Sur renvoi de cassation : jugement du Tribunal de grande instance de Clermont Ferrand en date du 12 septembre 2012- arrêt de la cour d'appel de Riom en date du 07 avril 2014- arrêt de la cour de cassation en date du 09 juillet 2015. L'affaire a été fixée à l'audience du 16 Mars 2016, après ordonnance de clôture rendue le 17 février 2016, la Cour étant composée de Mme Johanne PERRIER, Président de chambre, de Monsieur Pierre-Louis PUGNET et de Monsieur Gérard SOURY, Conseillers, assistés de Madame Elysabeth AZEVEDO, Greffier. A cette audience, Madame PERRIER a été entendu en son rapport oral,. Puis Mme Johanne PERRIER, Président de chambre, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 04 Mai 2016 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi. --- = = oO § Oo = =--- --- = = oO § Oo = =--- En suite de deux actes notariées passés les 12 juillet 2000 et 22 juin 2007, les époux Francisco X...- Marie-Odile Y... se sont reconnus débiteurs envers les époux Jean-Claude A...- Chantal B... d'une somme de 250. 000 euros, stipulée remboursable au taux de 7, 28 % l'an (taux effectif global de 7, 755 % l'an) en 84 mensualités, dont 12 mois de différé à compter du 28 juillet 2007, soit en 12 mensualités de 1. 516, 66 euros en intérêts exclusivement, et 72 mensualités de 4. 295, 94 euros en capital et intérêts. Par jugement du 11 septembre 2012, le tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand a condamné les époux X... à payer aux époux A... : - la somme de 256. 015, 96 euros au titre du remboursement du capital de 250. 000 euros et des intérêts échus et impayés, avec intérêts au taux légal à compter du 24 octobre 2008 et capitalisables annuellement ; - la somme de 5. 536, 25 euros au titre de la pénalité contractuelle ; - la somme de 1. 200 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile. Par un arrêt en date du 07 avril 2014, la cour d'appel de Riom, réformant partiellement ce jugement, a condamné solidairement les époux X... à payer aux époux A... : - la somme en principal de 250. 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 24 octobre 2008, et capitalisés conformément aux dispositions de l'article 1144 du Code civil -la somme de 62. 341 euros au titre des intérêts prévus au tableau d'amortissement et non réglés ; - la somme de 15. 558, 90 euros au titre de la clause pénale, ainsi qu'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile Cet arrêt a été frappé de pourvoi par les époux X... et, par un arrêt en date du 09 juillet 2015, la Cour de cassation, au visa des articles 1134 et 1905 du Code civil, a cassé et annulé l'arrêt de la cour d'appel de Riom, mais seulement en ce qu'il a condamné les époux X... à payer aux époux A... la somme de 62. 341 euros au titre des intérêts conventionnels. La Cour de cassation a fait grief aux juges d'appel d'avoir condamné les époux X... d'une part au paiement des intérêts sur la somme de 250. 000 euros au taux légal capitalisables annuellement à compter du 24 octobre 2008, et d'‘ autre part au paiement des intérêts prévus au tableau d'amortissement pour la période allant du 28 juillet 2007 au 28 juin 2014 pour un montant de 77. 507, 60 euros dont à déduire une somme de 15. 166, 60 euros réglée par les débiteurs, alors qu'ayant constaté que la déchéance du terme était intervenue le 24 octobre 2008, seuls les intérêts conventionnels échus à cette date étaient exigibles. En cours d'instance et par jugement du tribunal de commerce de Clermont-Ferrand du 25 avril 2014, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte en faveur de monsieur Fransisco X... et un plan de continuation comprenant la réalisation de ses actifs immobiliers a été adopté le 13 janvier 2016. Antérieurement à ce jugement, le juge-commissaire au redressement judiciaire avait, par ordonnance en date du 06 janvier 2016, fixé la créance des époux A... aux sommes de 250. 000 euros en principal outre intérêts au taux légal à compter du 24 octobre 2008 et capitalisables conformément à l'article 1144 du Code civil, de 15. 558, 90 euros au titre de la clause pénale et de 3. 200 euros au titre des frais irrépétibles, et constaté qu'une instance est en cours pour la somme de 62. 431 euros. La Selarl Mandatum, prise en la personne de maître C..., ès qualités de mandataire de monsieur X..., est intervenu volontairement à l'instance aux côtés de ce dernier. L'ordonnance de clôture est intervenue le 17 février 2016. Par leurs dernières conclusions respectives en date des 02 décembre 2015 pour les époux A... et 1 er février 2016 pour les époux X... et la Selarl Mandatum prise en la personne de maître C..., les parties s'accordent sur un montant d'intérêts conventionnels non réglés au 28 octobre 2008 de 7. 532, 62 euros. Par ces dernières conclusions, les époux X... et la Selarl Mandatum prise en la personne de maître C... demandent à la cour : - de fixer la créance de monsieur X... au passif de la procédure collective ; - de dire irrecevable la demande des époux A... de voir assortir la somme de 7. 532, 62 euros d'intérêts conventionnels au taux de 7, 28 % l'an et capitalisables à compter du 24 octobre 2008 ; - de dire irrecevable comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée la demande d'application du taux conventionnel au capital de 250. 000 euros ; - de condamner les époux A... à leur payer la somme de 3. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile. Les époux A... demandent à la cour : - de dire que la somme de 7. 532, 62 euros portera elle-même intérêts au taux conventionnel de 7, 28 % l'an à compter du 24 octobre 2008, et capitalisables annuellement ; - de juger que la somme de 250. 000 euros est porteuse d'intérêts à ce même taux de 7, 28 % l'an à compter du 24 octobre 2008, capitalisables annuellement, et dont à déduire l'intérêt au taux légal auquel les débiteurs ont déjà été condamnés ; - de condamner les époux X... au paiement d'une indemnité de 6. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; - de condamner la Selarl Mandatum, prise en la personne de maître C..., ès qualités de mandataire judiciaire de monsieur X..., à leur payer ces mêmes sommes solidairement avec ce dernier et de dire qu'ils bénéficient de la qualité de créancier privilégié au passif du redressement judiciaire de monsieur X.... Attendu qu'en raison de la cassation partielle de l'arrêt de la cour d'appel de Riom et des énonciations de l'arrêt de la Cour de cassation, la cour de renvoi n'est saisie que du litige qui subsiste quant à la créance des époux A... au titre des intérêts au taux conventionnel exigibles au 28 octobre 2008 ; que l'arrêt de la cour d'appel de Riom est en effet définitif en ce qu'il a condamné solidairement les époux X... à payer aux époux A... la somme de 250. 000 euros avec intérêts au taux légal capitalisables annuellement à compter du 24 octobre 2008 ; qu'au regard de l'autorité de la chose jugée s'y attachant, les époux A... sont irrecevables à demander que cette somme de 250. 000 euros soit désormais assortie à compter de cette même date du 28 octobre 2008 d'intérêts au taux conventionnel de 7, 28 % l'an, sauf à en déduire leur créance au titre des intérêts au taux légal ; Attendu que les parties s'accordent pour dire que les intérêts aux taux conventionnel échus au 28 octobre 2008 et restant dus sous déduction des versements de 15. 166, 60 euros, représentent une somme de 7. 532, 62 euros ; que l'acte de prêt du 12 juillet 2000, non modifié en cette stipulation par son avenant en date du 22 juin 2007, a expressément prévu que les intérêts échus non payés se capitaliseront et produiront de nouveaux intérêts au même taux que le principal à compter du jour où ils seront échus, sans mise en demeure préalable ; que l'arrêt de la Cour de cassation n'a pas prohibé l'application d'une telle clause d'anatocisme prévue par l'article 1154 du Code civil, mais le cumul des intérêts au taux légal réclamés par les époux A... sur la somme due en principal de 250. 000 euros et des intérêts dus sur cette même somme au taux conventionnel pour la période postérieure à la déchéance du terme ; que les époux A... avaient déjà demandé devant le juge du premier degré que les intérêts échus et non réglés soient assortis d'intérêts capitalisables et qu'l convient pat suite de faire droit à leur demande de voir fixer leur créance à la somme de 7. 532, 62 euros majorée des intérêts au taux conventionnel de 7, 28 % l'an capitalisables à compter du 28 octobre 2008 ; Attendu que cette créance, antérieure à l'ouverture de la procédure collective concernant monsieur X..., doit seulement figurer à son passif sans qu'il n'y ait lieu au prononcé d'une condamnation solidaire du débiteur et de son mandataire et qu'il n'appartient d'aucune façon à la cour de se prononcer sur le caractère privilégié ou non de leur créance ; Attendu que les époux A... qui succombent pour l'essentiel, supporteront les dépens de la présente instance d'appel et qu'il convient de dire n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile ; PAR CES MOTIFS Statuant par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe sur renvoi après cassation et en dernier ressort, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Vu la cassation partielle de l'arrêt de la cour d'appel de Riom du 07 avril 2014, Dit les époux Jean-Claude A...- Chantal B... irrecevables en leurs demande relative à l'application au capital de 250. 000 euros (deux cent cinquante mille euros) d'un intérêt au taux conventionnel ; Infirme le jugement du tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand en date du 11 septembre 2012 en ce qu'il a condamné les époux X... à payer aux époux A... la somme de 6. 015, 96 euros (six mille quinze euros et quatre vingt six centimes) au titre des intérêts échus et impayés, avec intérêts au taux légal à compter du 24 octobre 2008 et capitalisables annuellement ; Statant à nouveau de ce chef, Condamne madame Marie-Odile Y... épouse X... à payer aux époux Jean-Claude A...- Chantal B... au titre des intérêts échus au 24 octobre 2008 la somme de 7. 532, 62 euros (sept mille cinq cent trente deux euros et soixante deux centimes), avec intérêts au taux conventionnel de 7, 28 % l'an capitalisables annuellement ; Fixe la créance des époux Jean-Claude A...- Chantal B... à figurer au passif du redressement judiciaire de monsieur François X... à la somme de 7. 532, 62 euros (sept mille cinq cent trente deux euros et soixante deux centimes), avec intérêts au taux conventionnel de 7, 28 % l'an capitalisables annuellement ; Déboute les époux Jean-Claude A...- Chantal B... de leurs plus amples demandes ; Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ; Condamne les époux Jean-Claude A...- Chantal B... aux dépens de la première instance ; LE GREFFIER, LE PRESIDENT, E. AZEVEDO. J. PERRIER.
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COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE CHAMBRE SOCIALE ARRÊT No 92 DU DEUX MAI DEUX MILLE SEIZE AFFAIRE No : 13/ 01145 Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes POINTE A PITRE du 27 juin 2013- section Commerce-RG no F 10/ 00050. AGS CGEA DE FORT DE FRANCE 10 rue des Arts et Métiers Lotissement Dillon Stade 97200 FORT DE FRANCE Représentée par Me Frederic FANFANT, avocat au barreau de GUADELOUPE (TOQUE 67). Madame Juliette X... 97170 PETIT-BOURG Non comparante. Représentée par Me Pascal BICHARA-JABOUR, avocat au barreau de GUADELOUPE (TOQUE 14), substitué par Me Jan-Marc FERLY, avocat au barreau de GUADELOUPE. (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2014/ 000415 du 29/ 04/ 2014 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BASSE-TERRE) Maître Marie-Agnès Y...ès-qualités de mandataire judiciaire de la SARL ASED 97190 GOSIER Représentée par Me Frederic FANFANT, avocat au barreau de GUADELOUPE (TOQUE 67). COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, L'affaire a été débattue le 22 Février 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, chargé d'instruire l'affaire. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, Président, Mme Marie-Josée BOLNET, Conseillère, Mme Françoise GAUDIN, Conseillère. Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 02 mai 2016 GREFFIER : Lors des débats : Madame Valérie SOURIANT, greffière. Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, et par Mme Yolande MODESTE, Greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire. Faits et procédure : Mme Juliette X...a été embauchée par la Société ASED à compter du 1er septembre 1991 en qualité de caissière vendeuse. Le 28 janvier 2010, Mme X...saisissait le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre aux fins d'obtenir paiement d'un rappel de salaires d'octobre, novembre et décembre 2009 ainsi que paiement d'indemnités de rupture du contrat travail. Le contrat de travail de Mme X...a pris fin le 9 juillet 2010, suite à un licenciement pour motif économique. Par jugement du 17 mars 2011, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l'égard de la Société ASED, Maître Marie-Agnès Y...ayant été désignée mandataire judiciaire, puis mandataire liquidateur. Par jugement du 27 juin 2013, la juridiction prud'homale constatant que les salaires réclamés avaient été régularisés dans le cadre de la procédure collective, condamnait cependant Maître Marie-Agnès Y..., en sa qualité de mandataire liquidateur de la Société ASED à payer à Mme X...la somme de 4163, 18 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par le paiement tardif des salaires. Le 23 juillet 2013, l'AGS interjetait appel de cette décision. Par conclusions notifiées aux autres parties le 30 mai 2014, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, l'AGS sollicite l'infirmation du jugement déféré en expliquant que les salaires et accessoires et indemnités de Mme X...ont été pris en charge par l'AGS à l'ouverture de la procédure collective et que dès lors aucun retard de paiement ne saurait lui être opposé, ajoutant que les dommages-intérêts sollicités pour paiement tardif ne rentrent pas dans le champ de sa garantie. Par conclusions notifiées aux parties adverses le 9 janvier 2015, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, Mme X...sollicite la confirmation du jugement entrepris et le rejet des demandes de l'AGS. Elle réclame paiement de la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. A l'appui de sa demande elle explique qu'elle n'a perçu aucun salaire ni aucune indemnité pendant de nombreux mois, et qu'elle s'est retrouvée dans une situation extrêmement difficile ne pouvant faire face à ses nombreuses échéances, se trouvant en situation d'impayé vis-à-vis de nombreux créanciers, ses prélèvements sur compte bancaire étant souvent rejetés et non régularisés. Maître Y..., es qualités de liquidateur de la SARL ASED a adressé des conclusions au greffe de la Cour, par l'intermédiaire de son conseil, Me WERTER, mais n'était pas représentée lors de l'audience des débats et n'a pas demandé à être dispensée de comparaître. En raison du principe de l'oralité des débats, ses conclusions écrites ne peuvent être retenues. Le renvoi de l'affaire à l'audience des débats ayant été contradictoire à l'égard de Me Y..., qui était alors représentée par Me WERTER, le présent arrêt est réputé contradictoire. Motifs de la décision : Les salaires d'octobre à décembre 2009 n'ont été payés à Mme X...que dans le cadre de l'ouverture de la procédure collective dont a fait l'objet son employeur, c'est-à-dire à compter de mars 2011, il en est résulté pour la salariée un préjudice financier et matériel certain. Toutefois il résulte des dispositions de l'article 1153 du code civil, que dans les obligations qui se bornent au paiement d'une certaine somme, les dommages intérêts résultant du retard dans l'exécution ne consistent jamais que dans la condamnation aux intérêts au taux légal. Ces dommages-intérêts ne sont dus que du jour de la sommation de payer ou d'un autre acte équivalent s'il en ressort une interpellation suffisante. En l'espèce les intérêts au taux légal, en l'absence de mise en demeure préalable, sont dus à Mme X...à compter du 16 mars 2010, date à laquelle l'affaire a été appelée devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes auprès duquel les parties ont fait valoir réciproquement leurs prétentions. Il résulte du même article que ce n'est que lorsque le débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, que le créancier peut obtenir des dommages-intérêts distincts des intérêts moratoires de la créance. En l'espèce il n'est pas démontré que la créancière ait subi, en raison de la mauvaise foi de son employeur, un préjudice indépendant du retard de paiement de ses salaires. En conséquence les dommages-intérêts auxquels peut prétendre Mme X...correspondent aux intérêts au taux légal qui ont couru à compter du 16 mars 2010 jusqu'au versement par l'AGS des salaires qui étaient restés impayés. Ces dommages-intérêts étant directement liée à l'exécution du contrat de travail, puisque afférents aux manquements de l'employeur à son obligation de payer les salaires, lesdits dommages-intérêts entre le champ de la garantie de l'AGS. Le jugement sera donc réformé en ce sens. La créance de Mme X...étant fondée en son principe, et entrant dans le champ de garantie de l'AGS, les dépens seront mis à la charge de cette dernière. Toutefois l'équité n'implique pas qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Par ces motifs, La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Réforme le jugement déféré, Et statuant à nouveau, Dit qu'il doit être inscrit au passif de la Société ASED, les intérêts au taux légal qui ont couru à compter du 16 mars 2010 sur le montant des salaires d'octobre à décembre 2009 et les congés payés afférents, Y ajoutant, Dit que le montant de ces intérêts au taux légal entrent dans le champ de garantie de l'AGS, Dit que l'AGS ne prendra en charge la créance totale de Mme X...que dans la limite de sa garantie telle que prévue par les articles L. 3253-17 et D. 3253-5 du code du travail, Dit que les dépens sont à la charge de l'AGS, Déboute les parties de toutes conclusions plus amples ou contraires. Le Greffier, Le Président,
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RG N : 15/ 00853 M. Victor Manuel X... Mme Sarah Z... demande de modification de l'exercice de l'autorité parentale ou de la résidence habituelle des enfants mineurs Grosse délivrée à Me DESBLE, et Me BRU SERVANTIE, avocats COUR D'APPEL DE LIMOGES CHAMBRE CIVILE --- = = oOo = =--- ARRET DU 02 MAI 2016 --- = = = oOo = = =--- Le DEUX MAI DEUX MILLE SEIZE la CHAMBRE CIVILE a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à la disposition des parties au greffe : Monsieur Victor Manuel X... de nationalité Française né le 22 Octobre 1976 à TULLE (19000) Profession : Contrôleur automobile, demeurant...-19330 SAINT MEXANT représenté par Me Carole DESBLE de la SCP GOUT MARTINE-ERIC DIAS ET ASSOCIES, avocat au barreau de TULLE APPELANT d'un jugement rendu le 10 FEVRIER 2015 par le JUGE AUX AFFAIRES FAMILIALES DE TULLE Madame Sarah Z... de nationalité Française née le 16 Février 1986 à BRIVE (19100) Profession : Monteur (se) sur presse, demeurant...-19100 BRIVE-LA-GAILLARDE représentée par Me Marie BRU-SERVANTIE, avocat au barreau de TULLE --- = = oO § Oo = =--- Communication a été faite au Ministère Public le 29 février 2016 et visa de celui-ci a été donné le 29 février 2016. Selon avis de fixation du Conseiller de la Mise en Etat, l'affaire a été fixée à l'audience du 21 mars 2016 pour plaidoirie avec arrêt rendu le 18 avril 2016. L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 février 2016. A l'audience de plaidoirie du 21 mars 2016, la Cour étant composée de Madame PERRIER, Président de chambre, de Monsieur PUGNET et de Madame DE LA CHAISE, Conseillers, assistés de Madame AZEVEDO, Greffier. A cette audience, en chambre du conseil, Madame DE LA CHAISE a été entendu en son rapport, les avocats sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients. Puis Madame PERRIER, Président de chambre, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 02 mai 2016 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi. --- = = oO § Oo = =--- --- = = oO § Oo = =--- Des relations de Madame Sarah Z... et Monsieur Victor X... est né un enfant, Maël, le 19 août 2012 à Brive-la-Gaillarde. Monsieur Victor X... a interjeté appel du jugement rendu le 10 février 2015 par le Juge aux affaires Familiales de Tulle ayant notamment : - ordonné la jonction des procédures numéros 14/ 00310 et 14/ 00311 sous le numéro 14/ 00310, - constaté que les parties exercent en commun l'autorité parentale sur l'enfant, - fixé la résidence habituelle de l'enfant au domicile de la mère, - organisé le droit de visite et d'hébergement du père, - fixé la contribution alimentaire du père à l'entretien et l'éducation de l'enfant à la somme mensuelle indexée de 120 €. Vu les dernières conclusions no 2 de Monsieur Victor X... en date du 03 février 2016, tendant, par la réformation du jugement attaqué, à voir : - fixer la résidence de l'enfant alternativement une semaine sur deux au domicile respectif des parents du dimanche 18 h au dimanche suivant 18 h y compris pendant les vacances scolaires, - dire que la totalité des frais relatifs à l'enfant sera prise en charge par moitié par chaque parent, les frais exceptionnels étant pris en charge par moitié sous réserve d'un engagement en commun et de justificatifs, - subsidiairement, si la résidence de l'enfant restait fixée chez la mère, organiser le droit de visite et d'hébergement du père hors périodes scolaires du vendredi soir au lundi matin et du mardi soir au mercredi matin, ainsi que la moitié des vacances scolaires avec fractionnement par quinzaine des vacances d'été, - fixer la part contributive du père à la somme mensuelle de 100 €, - condamner la mère au paiement d'une indemnité de 3. 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile Il soutient à titre principal que l'organisation d'une résidence alternée de l'enfant âgé de 3 ans et demi et scolarisé depuis septembre 2015 est possible en raison de la proximité des domiciles parentaux ; qu'il réside toujours chez ses parents, sa mère étant la nourrice de l'enfant depuis sa naissance ; qu'il a eu beaucoup de mal à connaître la nouvelle adresse de la mère qui a inscrit l'enfant en classe sans l'en informer ; qu'elle souhaite exclure le père de la vie de son fils ; que la mésentente des parents ne constitue pas un obstacle à la résidence alternée, pas plus que le jeune âge de l'enfant. Vu les dernières conclusions N o 3 de Madame Sarah Z... en date du 09 février 2016, tendant à voir confirmer le jugement entrepris. Elle soutient que l'organisation d'une résidence alternée de l'enfant aux domiciles parentaux parait contraire à ses intérêts en raison de son jeune âge, de son besoin de stabilité alors qu'il a été témoin des violences de l'intimé à son égard et de l'accord des parties sur la résidence de Maël au domicile de la mère et l'accueil chez le père. Elle affirme que le père connaît son adresse et a été informé de l'inscription de son fils à l'école ; qu'il ne réside plus chez ses parents sans que son nouveau domicile ne soit connu ; que les horaires professionnels du père ne sont pas compatibles avec la scolarisation de l'enfant ; que le père est peu investi dans la vie de son fils ; elle demande que la résidence de l'enfant soit fixée à son domicile avec organisation d'un droit de visite et d'hébergement au profit du père. Au regard des revenus et charges des parties elle demande que le montant de la contribution du père à l'entretien et l'éducation de l'enfant soit fixé à la somme mensuelle de 250 €. Une ordonnance de clôture a été rendue le 10 février 2016. DISCUSSION Les mesures prononcées par le premier Juge que nul ne conteste doivent d'ores et déjà être confirmées. Sur la résidence de l'enfant Concernant le lieux de résidence des parents : Les documents produits établissent que Madame Z... est locataire d'un logement à Brive-la-Gaillarde-contrat de location du 22 mai 2015 et quittances de loyer des mois de décembre 2015, janvier et février 2016- et que Monsieur X... réside chez ses parents à Saint Mexant-attestation d'hébergement rédigée le 29 janvier 2016 par Madame Maria X.... La visite chez le médecin et à la pharmacie de Beynat le 12 septembre 2015 a été liée à une visite amicale et Madame E... atteste le 01 février 2016 avoir seulement invité l'appelant et son fils à déjeuner sans que leur adresse ait changé. Concernant les violences : Madame Z... affirmant que l'enfant a été témoin des violences exercées sur elle par le père, produit un certificat médical du 07 octobre 2014 faisant état d'excoriations et ecchymoses et un avis à victime pour l'audience du 23 janvier 2015. Monsieur X... produit un avis à victime pour la même audience et une convocation devant le délégué du procureur en vue d'une médiation pénale à laquelle il a été procédé. La demande de résidence alternée du père ne peut être rejetée en raison de violences dans lesquelles chacun des parents a sa part de responsabilité. Concernant les facultés éducatives et la disponibilité des parents : Chacun des père et mère produit des attestations relatives à son amour pour Maël et sa capacité à s'en occuper. L'attachement de Maël à sa mère attesté par Madame Elodie F... n'est pas contesté. Les horaires professionnels de Monsieur X... n'apparaissent pas incompatibles avec sa possibilité d'accompagner et de venir rechercher l'enfant à l'école d'autant que la grand mère maternelle qui a été sa nourrice pendant une année peut ponctuellement se charger de ces trajets. En outre, l'organisation de l'accueil du père tel que sollicité par la mère qui conduirait Monsieur X... a amener son fils à l'école et à venir l'y rechercher trois fois par semaine ne permettrai pas de préserver l'enfant d'une fatigue liée à l'amplitude horaire de présence et de 20 minutes de trajets, tout en limitant de manière excessive le droit d'accueil de l'appelant. En conséquence, devant la nécessité de permettre à ce jeune enfant, âgé de trois ans et demi, d'entretenir des relations de qualité avec chacun d'eux, la résidence de Maël sera fixée alternativement aux domiciles des père et mère une semaine sur deux tel qu'il sera dit au dispositif de l'arrêt et la décision du 10 février 2015 sera infirmée. Sur la contribution alimentaire Monsieur Victor X... perçoit un salaire mensuel de 1. 470 € et fait face à des charges d'un montant de 829 € en ce compris le remboursement des mensualités de l'emprunt, les assurances et taxes lié à l'immeuble commun. Il est logé gracieusement chez ses parents. Madame Sarah Z... perçoit une aide de retour à l'emploi d'un montant mensuel moyen de 926, 90 € outre une allocation logement de 353 €, soit un total de 1. 279, 90 €. Elle s'acquitte d'un loyer de 660 € outre des charges de tout foyer. Aucune contribution alimentaire ne sera mise à la charge de Monsieur X..., chacun des parents assurant la charge de l'enfant pendant les périodes d'accueil à son domicile en résidence alternée et le père s'acquittant en sus des frais de mutuelle pour Maël pour lequel aucune charge particulière n'est justifiée par Madame Z.... Le jugement déféré sera infirmé de ce chef. Sur les autres demandes Le jugement du 10 février 2015 sera infirmé en ce qu'il à laissé à chacune des parties la charge de ses dépens. Les dépens de première instance et d'appel seront laissés à la charge de Madame Sarah Z... et seront recouvrés en tant que de besoin conformément aux dispositions de la loi sur l'aide juridictionnelle étant précisé qu'elle bénéficie de l'aide juridictionnelle totale. Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais engagés par elles et non compris dans les dépens. --- = = oO § Oo = =--- PAR CES MOTIFS --- = = oO § Oo = =--- Statuant par décision contradictoire, rendue par mise à disposition des parties au greffe, après débats en chambre du conseil et en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Confirme le jugement du juge aux affaire familiales de Limoges en date du 10 février 2015 sauf en ce qu'il a fixé la résidence de l'enfant au domicile de la mère, mis à la charge du père le paiement d'une contribution à l'entretien et l'éducation de l'enfant mineur, dit que chacune des parties conservera la charge de ses dépens ; Statuant à nouveau, Fixe la résidence de l'enfant alternativement une semaine sur deux aux domiciles de ses parents du dimanche 18 h au dimanche suivant 18 h, y compris pendant les vacances scolaires, à charge pour le parent n'ayant pas eu l'enfant la semaine de venir le chercher chez l'autre parent ; Dit que chacun des parents prendra en charge les frais de l'enfant lors de son accueil à son domicile et que les frais exceptionnels seront pris en charge par moitié sous réserve d'un engagement en commun et de justificatifs ; Dit n'y avoir pour Monsieur X... à paiement entre les mains de Madame Z... d'une contribution pour l'entretien et l'éducation de l'enfant ; Condamne Madame Z... aux dépens de première instance lesquels seront recouvrés en tant que de besoin conformément aux dispositions de la loi sur l'aide juridictionnelle étant précisé que Sarah Z... bénéficie de l'aide juridictionnelle. Y ajoutant, Dit n'y avoir lieu a application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Condamne Madame Z... aux dépens d'appel lesquels seront recouvrés en tant que de besoin conformément aux dispositions de la loi sur l'aide juridictionnelle étant précisé que Sarah Z... bénéficie de l'aide juridictionnelle. LE GREFFIER, LE PRESIDENT, E. AZEVEDO. J. PERRIER.
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RG N : 15/ 01388 M. Cédric X... Mme Yolande Y...veuve Z...assistée de l'UDAF de la CORREZE BP 120 19000 TULLE es qualité de curateur 512, Association UDAF DE LA CORREZE demande relative à l'exercice de l'autorité parentale, de la fixation de la résidence habituelle des enfants mineurs, ou du droit de visite-parents non mariés Grosse délivrée à Me BRU SERVANTIE, avocat COUR D'APPEL DE LIMOGES CHAMBRE CIVILE --- = = oOo = =--- ARRET DU 02 MAI 2016 --- = = = oOo = = =--- Le DEUX MAI DEUX MILLE SEIZE la CHAMBRE CIVILE a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à la disposition aux parties au greffe : Monsieur Cédric X... de nationalité Française né le 16 Août 1976 à BRIVE, demeurant ... représenté par Me Audrey PRADIER, avocat au barreau de TULLE (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2015/ 6545 du 03/ 12/ 2015 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Limoges) APPELANT d'un jugement rendu le 19 OCTOBRE 2015 par le JUGE AUX AFFAIRES FAMILIALES DE TULLE Madame Yolande Y...veuve Z...assistée de l'UDAF de la CORREZE BP 120 19000 TULLE es qualité de curateur de nationalité Française née le 22 Août 1978 à PARIS, demeurant ... représentée par Me Marie BRU-SERVANTIE, avocat au barreau de TULLE (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2015/ 6615 du 03/ 12/ 2015 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Limoges) Association UDAF DE LA CORREZE dont le siège social est Place Martial Brigouleix BP 120-19003 TULLE --- = = oO § Oo = =--- Communication a été faite au Ministère Public le 29 février 2016 et visa de celui-ci a été donné le même jour. Selon calendrier de procédure du Conseiller de la Mise en Etat, l'affaire a été fixée à l'audience du 21 mars 2016 pour plaidoirie avec arrêt rendu le 16 avril 2016. A l'audience de plaidoirie du 21 mars 2016, la Cour étant composée de Madame PERRIER, Président de chambre, de Monsieur PUGNET et de Madame DE LA CHAISE, Conseillers, assistés de Madame AZEVEDO, Greffier. A cette audience, en chambre du conseil, Monsieur PUGNET a été entendu en son rapport, les avocats sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients. Puis Madame PERRIER, Président de chambre, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 02 mai 2016 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi. --- = = oO § Oo = =--- --- = = oO § Oo = =--- Faits, procédure De l'union entre Cédric X...et Yolande Y...épouse Z...est issu un enfant, Emilien, né le 22 décembre 2009 et reconnu par son père le 29 décembre 2009. Par jugement du 7 juillet 2011 le juge aux affaires familiales au Tribunal de Grande instance de Brive a notamment fixé la résidence habituelle de l'enfant au domicile de la mère avec un accueil paternel toutes les 1ères, 3èmes et 5èmes fins de semaine de chaque mois du samedi 10 h au dimanche 17 h ainsi que la moitié des vacances scolaires, les trajets étant partagés entre les parents et a dit n'y avoir lieu à contribution paternelle à l'entretien et à l'éducation de l'enfant. Invoquant l'existence d'une tentative de suicide de la mère, Monsieur X...a saisi en référé le juge aux affaires familiales au Tribunal de grande instance de Tulle sollicitant le transfert de résidence de l'enfant à son domicile, l'octroi à la mère d'un droit d'accueil de l'enfant selon les modalités classiques en la matière et le constat de son impécuniosité. Par ordonnance du 19 octobre 2015 le juge des référés a débouté Monsieur X...de sa demande, a dit que la résidence habituelle de l'enfant mineur commun demeure fixée au domicile maternel et a dit n'y avoir lieu à ordonner avant-dire-droit une enquête sociale ou un bilan psycho-social ; Vu l'appel interjeté par Cédric X...le 6 novembre 2015 ; Vu les conclusions communiquées par courriel au greffe le 8 décembre 2015 pour Monsieur X...lequel demande à la Cour d'infirmer l'ordonnance déférée, de fixer la résidence habituelle de l'enfant à son domicile, d'accorder à la mère un droit d'accueil à mutuelle convenance ou à défaut en la forme habituelle, subsidiairement d'ordonner une mesure d'expertise et un bilan psychologique et social afin de déterminer les capacités matérielles, morales et éducatives de chacun des parents et dans l'attente de fixer la résidence habituelle de l'enfant de façon alternée à raison d'une semaine chez chacun des parents ; Discussion Attendu que pour obtenir le transfert à son domicile de la résidence de leur enfant Emilien, M. X...fonde l'essentiel de son argumentation sur l'incapacité de Mme Z...à le prendre en charge compte tenu de la tentative de suicide qu'elle a effectuée au mois de juillet 2015 ; Mais attendu que c'est en ayant fait une exacte appréciation de l'intérêt de l'enfant Emilien et par de justes motifs que le premier juge, après avoir constaté que le Docteur A..., psychiatre, attestait de la stabilisation sous traitement de l'état de Mme Z...et de son suivi, que Mme Z...justifiait d'une situation matérielle stable et de son recrutement dans un ESAT en atelier cuisine, qu'il résultait de plusieurs attestations qu'elle s'occupait bien de son enfant et que lors de dernière décision du juge aux affaires familiales il existait un accord des parents pour fixer la résidence habituelle de l'enfant chez sa mère, a débouté M. X...de sa demande et a dit n'y avoir lieu à ordonner avant-dire-droit une enquête sociale ou un bilan psycho-social ; Attendu que l'état de Mme Z..., dont les difficultés sont anciennes et ont justifié son placement sous curatelle renforcée depuis le 19 décembre 2005, n'a jamais empêché la prise en charge de l'enfant à son domicile, avec l'accord de M. X..., et la tentative de suicide n'a pas eu lieu devant l'enfant ; Qu'en outre M. X...présente lui-même de sérieuse difficultés en raison de son addiction alcoolique qui fut à l'origine de son incarcération et a justifié une nouvelle hospitalisation au Centre hospitalier de Tulle le 11 décembre 2015 et son transfert au CHU de Limoges le 16 décembre 2015 et qu'il doit être constaté qu'il n'a jamais exercé son droit d'accueil de l'enfant sur de longues périodes durant les vacances scolaires ; Qu'il y a donc lieu de confirmer dans toutes ses dispositions l'ordonnance déférée ; --- = = oO § Oo = =--- PAR CES MOTIFS --- = = oO § Oo = =--- Statuant par décision contradictoire, rendue par mise à disposition des parties au greffe, après débats en chambre du conseil et en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ; CONFIRME dans toutes ses dispositions l'ordonnance de référé entreprise rendue le 19 octobre 2015 par le juge aux affaires familiales du Tribunal de Grande Instance de Tulle ; Y ajoutant ; DIT que chaque partie supportera la charge de ses dépens d'appel ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes en paiement ; LE GREFFIER, LE PRESIDENT, E. AZEVEDO. J. PERRIER.
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RG N : 13/ 00981 Mme Anne-Sophie X...divorcée Y... M. Michel Y... P-L. P/ E. A demande de modification de l'exercice de l'autorité parentale ou de la résidence habituelle des enfants mineurs Grosse délivrée à Me FAURE ROCHE et Me BEAUDRY PAGES, avocats COUR D'APPEL DE LIMOGES CHAMBRE CIVILE --- = = oOo = =--- ARRET DU 02 MAI 2016 --- = = = oOo = = =--- Le DEUX MAI DEUX MILLE SEIZE la CHAMBRE CIVILE a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à la disposition des parties au greffe : Madame Anne-Sophie X...divorcée Y... de nationalité Française née le 19 Mai 1974 à BRIVE (19) Profession : Assistante Administrative, demeurant ... représentée par Me Anne DEBERNARD-DAURIAC de la SELARL LEXAVOUE, avocat au barreau de LIMOGES, Me Isabelle FAURE-ROCHE, avocat au barreau de CORREZE APPELANTE d'un jugement rendu le 05 JUIN 2013 par le JUGE AUX AFFAIRES FAMILIALES DE BRIVE Monsieur Michel Y... de nationalité Française né le 29 Janvier 1974 à BRIVE Profession : VRP, demeurant ... représenté par Me Francine BEAUDRY-PAGES, avocat au barreau de CORREZE --- = = oO § Oo = =--- Communication a été faite au Ministère Public le 29 février 2016 et visa de celui-ci a été donné le 29 février 2016. Selon calendrier de procédure du Conseiller de la Mise en Etat, l'affaire a été fixée à l'audience du 21 mars 2016 pour plaidoirie avec arrêt rendu le 18 avril 2016. L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 février 2016. A l'audience de plaidoirie du 21 mars 2016, la Cour étant composée de Madame PERRIER, Président de chambre, de Monsieur PUGNET et de Madame DE LA CHAISE, Conseillers, assistés de Madame AZEVEDO, Greffier. A cette audience, en chambre du conseil, Monsieur PUGNET a été entendu en son rapport, les avocats sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients. Puis Madame PERRIER, Président de chambre, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 02 mai 2016 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi. --- = = oO § Oo = =--- --- = = oO § Oo = =--- Faits, procédure Michel Y...et Anne-Sophie X...ont contracté mariage le 10 juillet 1999. Deux enfants sont issus de leur union, Théo né le 26 décembre 2001 et Emma née le 26 juin 2004. Par jugement du 14 janvier 2010 le juge aux affaires familiales au Tribunal de grande instance de Brive a prononcé leur divorce par consentement mutuel et a fixé la résidence habituelle des enfants de manière alternée au domicile de chaque parent. Les consorts X...-Y...ont repris la vie commune en mars 2010, ont acquis un bien en indivision le 7 juin 2010 avant de se séparer à la fin du mois d'octobre 2011. Par requête reçue au greffe le 23 novembre 2012 Anne-Sophie X...a sollicité une modification des modalités de la résidence alternée aux fins notamment de fixer la résidence des enfants à son domicile lorsque Monsieur Y...est en séminaire ou déplacement professionnel durant au moins 24 heures. Par jugement du 5 juin 2013, le juge aux affaires familiales au Tribunal de grande instance de Brive a, notamment, maintenu la résidence alternée des enfants à raison d'une semaine chez chaque parent. Madame X...a déclaré interjeter appel le 22juillet 2013. Vu l'arrêt avant-dire-droit rendu le 19 mai 2014 par la présente Cour d'appel, ordonnant une enquête sociale confiée à Madame Z...laquelle a déposé son rapport le 30 septembre 2014 ; Vu les conclusions communiquées par courriel au greffe le 3 février 2016 pour Madame X...laquelle demande à la Cour de constater l'accord des parties sur la fixation de la résidence des enfants à son domicile, en accordant au père un droit de visite et d'hébergement durant la moitié des vacances scolaires, les frais de transport étant supportés par le père, ainsi qu'un week-end par mois (le 3ème) du vendredi soir sortie des classes au dimanche soir 18 h 30, de fixer à la charge du père une contribution mensuelle à l'entretien et l'éducation des enfants d'un montant de 300 euros par mois, soit 600 euros au total, de dire que les enfant seront rattachés administrativement et fiscalement à la mère qui sera désignée en qualité de responsable financière des enfants auprès des établissements scolaires et de dire que chacun des parents participera à hauteur de 80 % pour M. Y...à tous les frais exceptionnels inhérents aux enfant après accord préalable et présentation de justificatifs ; Vu les conclusions communiquées par courriel au greffe le 26 janvier 2016 pour Michel Y...lequel demande à la Cour de fixer la résidence des enfants au domicile de la mère, de fixer son droit de visite et d'hébergement la dernière fin de semaine de chaque mois du vendredi soir sortie des classes au lundi matin rentrée des classes, la moitié des vacances scolaires, lui-même prenant en charge les frais de trajet et de fixer à la somme mensuelle de 150 euros par enfant, le montant de sa part contributive à l'entretien et à l'éducation des enfants ; Vu l'ordonnance de clôture rendue le 17 février 2016 et la fixation de l'affaire à l'audience du 21 mars 2016 ; Discussion Attendu qu'en cause d'appel, et eu égard à la mutation professionnelle de M. Y...à Toulouse à compter du 1er janvier 2016, ce dernier accepte que la résidence des deux enfants Théo et Emma soit fixée chez leur mère et les parties sont d'accord pour que M. Y...bénéficie d'un droit de visite et d'hébergement la moitié des vacances scolaires, première moitié les années impaires, deuxième moitié les années paires, les frais de transport étant supportés par le père ; Que les parents sont également d'accord pour l'exercice par M. Y...d'un droit de visite et d'hébergement un week-end par mois, ce qui est effectivement essentiel pour maintenir de véritables relations entre les enfants et leur père ; qu'il y a lieu de dire que ce droit s'exercera, comme le propose le père, la dernière fin de semaine de chaque mois du vendredi soir sortie des classes au lundi matin rentrée des classes et non au dimanche soir 18 h 30 comme le demande Mme X..., ce qui serait contraire à l'intérêt des enfants car limiterait considérablement les possibilités d'activités dominicales avec leur père dans le contexte d'un droit de visite et d'hébergement déjà restreint ; Attendu que les prétentions doivent être récapitulées sous forme de dispositif et la Cour ne doit statuer que sur celles qui y sont énoncées ; Qu'il sera constaté que dans le dispositif de ses conclusions Mme X...ne présente aucune demande induite par la mise en cause de la nouvelle compagne de M. Y..., Mme A...; Attendu que Mme X...demande à la Cour de fixer à la somme mensuelle de 300 euros par enfant le montant de la contribution de M. Y...à l'entretien et à l'éducation de chacun des deux enfants alors que ce dernier propose qu'elle s'élève à la somme de 150 euros par enfant ; Attendu que M. Y..., employé en qualité de responsable de secteur par la SAS Brunel Chimie Développement perçoit un salaire net mensuel de 1 711 euros ainsi que des commissions sur objectifs de 1 080 euros par mois en moyenne, soit 2 791 euros au total ; que selon son avis d'imposition 2015 il a perçu en 2014 une rémunération mensuelle moyenne de 3 034 euros ; qu'il s'acquitte d'un loyer mensuel à Toulouse de 850 euros et rembourse par des mensualités de 1 341, 28 euros le prêt immobilier du bien indivis pour en éviter la saisie ; qu'il partage ses charges de la vie courante avec Mme A...laquelle est sans emploi depuis leur déménagement à Toulouse ; Attendu que Mme X...exerce l'activité professionnelle d'assistante administrative et a perçu en moyenne en 2014 une rémunération mensuelle de 1 790 euros selon l'avis d'impôt 2015 alors que la moyenne mensuelle de la rémunération qu'elle a perçu au cours des 10 premiers mois de l'année 2015 s'élève à 1 658 euros ; qu'elle s'acquitte d'un loyer mensuel de 608 euros et vit seule ; Attendu que les deux enfants Théo et Emma sont respectivement âgés de 15 ans et 11 ans ; Attendu qu'eu égard à l'ensemble de ces éléments, considération prise des besoins des enfants et des ressources de chaque parent, étant précisé que la contribution des parents à l'entretien et à l'éducation des enfants est prioritaire, il y a lieu de faire droit à la demande présentée par la mère et de fixer à la somme de 300 euros par enfant soit 600 euros au total la contribution de cette nature mise à la charge du père ; Attendu qu'il appartiendra au père de prendre en charge à hauteur de 80 % les frais exceptionnels inhérents aux enfants après accord préalable et présentation de justificatifs ; Attendu qu'en l'absence de tout litige entre les parents la Cour n'a pas à statuer sur le rattachement administratif et fiscal des enfants à leur mère ; Attendu que M. Y...sera débouté de sa demande en paiement de la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts dont il ne précise pas le fondement alors qu'en outre c'est l'intérêt des enfants qui est l'objet du litige ; Que chaque partie supportera la moitié des dépens et sera déboutée de sa demande en paiement d'une indemnité identique de 5 500 euros présentées sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; --- = = oO § Oo = =--- PAR CES MOTIFS --- = = oO § Oo = =--- Statuant par décision contradictoire, rendue par mise à disposition des parties au greffe, après débats en chambre du conseil et en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ; CONFIRME le jugement rendu le 5 juin 2013 par le juge aux affaires familiales au Tribunal de Grande Instance de Brive sauf en ce qui concerne la résidence habituelle des enfants mineurs, la contribution à leur entretien et éducation et les dépens ; LE REFORME de ces chefs ; Statuant à nouveau ; FIXE la résidence habituelle des enfants Théo et Emma au domicile de leur mère ; FIXE le droit de visite et d'hébergement du père, la dernière fin de semaine de chaque mois du vendredi soir sortie des classes au lundi matin rentrée des classes ainsi que la moitié des vacances scolaires, 1ère moitié les années impaires et deuxième moitié les années paires, M. Y...prenant en charge les frais du trajet ; CONDAMNE Michel Y...à payer à Anne-Sophie X...une contribution mensuelle à l'entretien et à l'éducation de leurs enfants Théo et Emma d'un montant total de 600 euros (six cent euros), soit 300 euros (trois cent euros) par enfant ; DIT que les sommes versées au titre de cette contribution alimentaire seront indexées à la diligence du débiteur sur l'indice des prix à la consommation-France entière ensemble des ménages-Hors tabac-publié par l'INSEE ; DIT que la première revalorisation s'effectuera le 1er avril de chaque année sur la base du dernier indice publié à cette date, selon le calcul suivant : Pension actuellement versée X valeur du nouvel indice publié au 1er avril -------------------------------------------------------------------------- Valeur de l'indice publié au 1er avril de l'année précédente (pour la première revalorisation prendre le montant de l'indice en vigueur au jour de la décision) DIT que la première revalorisation interviendra le 1er avril 2017 ; RAPPELLE que le débiteur de la contribution alimentaire doit calculer et appliquer l'indexation lui-même et qu'il peut prendre connaissance de l'indice applicable pour effectuer la revalorisation des façons suivantes : par téléphone au ... ou sur internet http :// www. insee. fr ou http :// www. service-public. fr ou informations dans les mairies ; RAPPELLE que la contribution alimentaire est due en totalité tous les mois sans exception et ce, même lorsque les enfants sont en vacances chez le parent débiteur de la pension ; DIT que cette contribution est due au delà de la majorité, tant que les enfants ne sont pas en état de subvenir eux-mêmes à leurs besoins, et poursuivent des études sérieuses étant précisé que le parent qui en assume la charge devra justifier régulièrement de la situation des enfants auprès de l'autre parent ; RAPPELLE conformément aux dispositions de l'article 465-1 du Code de Procédure Civile en cas de défaillance dans le règlement des sommes dues : 1) le créancier peut en obtenir le paiement forcé en utilisant à son choix une ou plusieurs des voies d'exécution suivantes : * saisie-attribution entre les mains d'un tiers, * autres saisies, * paiement direct entre les mains de l'employeur, * recouvrement public par l'intermédiaire du Procureur de la République, 2) le débiteur encourt les peines prévues par les articles 227-3 et 227-29 du Code Pénal à savoir : * 2 ans d'emprisonnement et 15. 000 euros d'amende, * interdiction des droits civils, civiques et de famille, * interdiction de quitter le territoire national, * suspension ou annulation du permis de conduire ; DEBOUTE les parties de leurs plus amples demandes ; Y ajoutant ; FAIT masse des dépens de première instance et d'appel qui seront supportés à hauteur de la moitié par chaque partie ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, DEBOUTE les parties de leurs demandes en paiement ; LE GREFFIER, LE PRESIDENT, E. AZEVEDO. J. PERRIER.
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COUR D'APPEL DE LIMOGES CHAMBRE SPECIALE DES MINEURS --- = = oOo = =--- ARRET DU 02 MAI 2016 --- = = = oOo = = =--- RG N : 15/ 141-15/ 145 M. Alain X... Mme Nicole Y... DIRECTION DE LA SOLIDARITE, M. Z... ASSISTANCE EDUCATIVE Le DEUX MAI DEUX MILLE SEIZE, l'arrêt suivant a été rendu par mise à disposition des parties au greffe, sur les appels formés les 14 et 22 décembre 2015 contre une décision prononcée le 1er DECEMBRE 2015, par le JUGE DES ENFANTS DE GUERET. --- = = oO § Oo = =--- COMPOSITION DE LA COUR En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Avril 2016, en audience en chambre du conseil, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Luc SARRAZIN, Conseiller, ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de : PRESIDENT : Luc SARRAZIN, Conseiller, délégué à la Protection de l'enfance ; CONSEILLERS : Gérard SOURY et Sabine de LA CHAISE, MINISTERE PUBLIC : Jean-Michel DESSET, Avocat Général, GREFFIER : Marie-Christine MANAUD, Le Président et les Conseillers sus-désignés en ayant seuls délibérés conformément à la Loi ; --- = = oO § Oo = =--- PARTIES DEVANT LA COUR Monsieur Alain X..., demeurant... NON COMPARANT Madame Nicole Y..., demeurant... NON COMPARANTE DIRECTION DE LA SOLIDARITE, demeurant 13, Rue Joseph Ducouret-BP 59-23011 GUERET CEDEX représentée par Monsieur A... ; EN PRESENCE DE : Monsieur le PROCUREUR GENERAL, --- = = oO § Oo = =--- DEROULEMENT DES DEBATS A l'audience du 04 Avril 2016, en Chambre du Conseil ; Monsieur le Président a été entendu en son rapport ; Monsieur A... a été entendu en ses observations ; Le Ministère Public a été entendu en ses réquisitions ; Puis, à l'issue des débats, avis a été donné aux parties par Monsieur le Président que la décision serait rendue le 02 Mai 2016, par mise à disposition au greffe de la COUR. --- ooOoo--- La Cour statue sur les appels régulièrement relevés les 14 et 22 décembre 2015 par Monsieur Alain X... de l'ordonnance rendue le 1er décembre 2015 par la juge des enfants du Tribunal de Grande Instance de GUERET qui a, avec exécution provisoire suspendu le droit de visite d'Alain X... à l'égard de Z..., B... et C... ; Attendu qu'il existe un lieu entre les instances enrôlées sous les numéros 15/ 141 et 15/ 145 ; qu'il convient dès lors d'en ordonner la jonction conformément aux dispositions de l'article 367 du Code de procédure civile ; Attendu que Monsieur X... et Madame Y... ont eu ensemble trois enfants : - Z..., né le 18 juin 2002, - B..., née le 28 septembre 2004, - C..., né le 30 août 2005 ; Attendu que le 19 Juin 2013, une ordonnance aux fins de placement provisoire des trois mineurs a été prise en urgence ; Attendu que le placement a été maintenu le 24 Juin 2013 puis renouvelé les 27 janvier 2014 et 6 février 2015 ; Attendu que c'est à bon droit et pour des motifs clairs et précis adoptés par la Cour que le premier juge a ordonné la suspension du droit de visite du père ; Attendu au surplus qu'aucun élément récent ne justifie une quelconque modification de la décision déférée ; --- ooOoo--- PAR CES MOTIFS -- = oO § Oo =-- après accomplissement des formalités de convocation prévues par l'article 1195 du code de procédure civile, statuant par mise à disposition au greffe et après en avoir délibéré conformément à la loi ; ORDONNE la jonction des instances enrôlées sous les numéros 15/ 141 et 15/ 145 ; DECLARE les appels recevables ; CONFIRME la décision déférée en toutes ses dispositions ; LAISSE les dépens à la charge du Trésor Public. LE GREFFIER, LE PRESIDENT, Marie-Christine MANAUD. Luc SARRAZIN.
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COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE CHAMBRE SOCIALE ARRÊT No 90 DU DEUX MAI DEUX MILLE SEIZE AFFAIRE No : 13/ 01083 Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes POINTE A PITRE du 27 juin 2013- section Commerce-RG no F 12/ 00179. Association AGS CGEA DE FORT DE FRANCE 10, rue des Arts et Métiers-Lotissement Dillon Stade 97200 FORT DE FRANCE Représentée par Me Frederic FANFANT, avocat au barreau de GUADELOUPE (TOQUE 67) Madame Sulize X... 97160 MOULE Représentée par Me Pascal BICHARA-JABOUR, avocat au barreau de GUADELOUPE (TOQUE 14), substitué par Me Jan-Marc FERLY, avocat au barreau de GUADELOUPE. (bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2014/ 001436 du 10/ 09/ 2014 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BASSE-TERRE) Maître Marie-Agnès Y...ès-qualités de mandataire judiciaire de la SARL AZUR 97190 GOSIER Représentée par Me Frederic FANFANT, avocat au barreau de GUADELOUPE (TOQUE 67). COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, L'affaire a été débattue le 22 Février 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, chargé d'instruire l'affaire. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, Président, Mme Marie-Josée BOLNET, Conseillère, Mme Françoise GAUDIN, Conseillère. Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 02 mai 2016 GREFFIER : Lors des débats : Madame Valérie SOURIANT, greffière. Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, et par Mme Yolande MODESTE, Greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire. Faits et procédure : Il résulte des explications fournies par les parties et des pièces de la procédure que Mme Sulize X...a été embauchée par la Société AZUR à compter du 10 octobre 1999 en qualité de vendeuse. Le 22 mars 2012, Mme X...saisissait le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre aux fins d'obtenir paiement, dans un premier temps d'indemnités de rupture, puis ensuite d'un rappel de salaires d'octobre, novembre et décembre 2009. Le contrat de travail de Mme X...a pris fin le 22 août 2010, suite à un licenciement pour motif économique. Par jugement du 13 mars 2011, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l'égard de la Société AZUR, Maître Marie-Agnès Y...ayant été désignée mandataire judiciaire, puis mandataire liquidateur lorsque la procédure collective a été convertie en liquidation judiciaire le 29 novembre 2012.. Par jugement du 27 juin 2013, la juridiction prud'homale constatant que les salaires réclamés avaient été régularisés dans le cadre de la procédure collective, condamnait cependant Maître Marie-Agnès Y..., en sa qualité de mandataire liquidateur de la Société AZUR à payer à Mme X...la somme de 4158, 18 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par le paiement tardif des salaires. Le 12 juillet 2013, l'AGS interjetait appel de cette décision. Par conclusions notifiées aux autres parties le 15 janvier 2014, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, l'AGS sollicite l'infirmation du jugement déféré en expliquant que les salaires et accessoires et indemnités de Mme X...ont été pris en charge par l'AGS à l'ouverture de la procédure collective et que dès lors aucun retard de paiement ne saurait lui être opposé, ajoutant que les dommages-intérêts sollicités pour paiement tardif ne rentrent pas dans le champ de sa garantie. Par conclusions notifiées aux parties adverses le 9 janvier 2015, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, Mme X...sollicite la confirmation du jugement entrepris et le rejet des demandes de l'AGS. Elle réclame paiement de la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. A l'appui de sa demande elle explique qu'elle n'a perçu aucun salaire ni aucune indemnité pendant de nombreux mois, et qu'elle s'est retrouvée dans une situation extrêmement difficile ne pouvant faire face à ses nombreuses échéances, se trouvant en situation d'impayé vis-à-vis de nombreux créanciers, ses prélèvements sur compte bancaire étant souvent rejetés et non régularisés. Maître Y..., ès qualités de liquidateur de la SARL AZUR a été convoquée par lettre recommandée dont l'avis de réception a été retourné signé par son destinataire, mais n'a pas comparu ni n'était pas représentée. Le présent arrêt est donc réputé contradictoire. Motifs de la décision : Les salaires d'octobre à décembre 2009 n'ont été payés à Mme X...que dans le cadre de l'ouverture de la procédure collective dont a fait l'objet son employeur, c'est-à-dire à compter de mars 2011, il en est résulté pour la salariée un préjudice financier et matériel certain. Toutefois il résulte des dispositions de l'article 1153 du code civil, que dans les obligations qui se bornent au paiement d'une certaine somme, les dommages intérêts résultant du retard dans l'exécution ne consistent jamais que dans la condamnation aux intérêts au taux légal. Ces dommages-intérêts ne sont dus que du jour de la sommation de payer ou d'un autre acte équivalent s'il en ressort une interpellation suffisante. En l'espèce les intérêts au taux légal, en l'absence de mise en demeure préalable, sont dus à Mme X...à compter du 10 mai 2012, date de l'audience à laquelle le liquidateur a été convoqué pour la première fois et a pu connaître les prétentions de la salariée. Il résulte du même article que ce n'est que lorsque le débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, que le créancier peut obtenir des dommages-intérêts distincts des intérêts moratoires de la créance. En l'espèce il n'est pas démontré que la créancière ait subi, en raison de la mauvaise foi de son employeur, un préjudice indépendant du retard de paiement de ses salaires. En conséquence les dommages-intérêts auxquels peut prétendre Mme X...correspondent aux intérêts au taux légal qui ont couru à compter du 10 mai 2012 jusqu'au versement par l'AGS des salaires qui étaient restés impayés. Ces dommages-intérêts étant directement liés à l'exécution du contrat de travail, puisque afférents aux manquements de l'employeur à son obligation de payer les salaires, lesdits dommages-intérêts entre le champ de la garantie de l'AGS. Le jugement sera donc réformé en ce sens. La créance de Mme X...étant fondée en son principe, et entrant dans le champ de garantie de l'AGS, les dépens seront mis à la charge de cette dernière. Toutefois l'équité n'implique pas qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Par ces motifs, La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Réforme le jugement déféré, Et statuant à nouveau, Dit qu'il doit être inscrit au passif de la Société AZUR, au profit de Mme X...les intérêts au taux légal qui ont couru à compter du 10 mai 2012 sur le montant des salaires d'octobre à décembre 2009, Y ajoutant, Dit que le montant de ces intérêts au taux légal entrent dans le champ de garantie de l'AGS, Dit que l'AGS ne prendra en charge la créance totale de Mme X...que dans la limite de sa garantie telle que prévue par les articles L. 3253-17 et D. 3253-5 du code du travail, Dit que les dépens sont à la charge de l'AGS, Déboute les parties de toutes conclusions plus amples ou contraires. Le Greffier, Le Président,
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COUR D'APPEL DE POITIERS Chambre Sociale ARRÊT DU 04 MAI 2016 ARRET No 392 R.G : 15/04170 Association ADAPEI 79 Numéro d'inscription au répertoire général : 15/04170 Décisions déférées à la Cour : - Jugement au fond du 02 octobre 2015 rendu par le Conseil de prud'hommes de THOUARS - Jugement rectificatif du 05 octobre 2015 rendu par le Conseil de prud'hommes de THOUARS APPELANTE : Association ADAPEI 79 14 bis rue d'Inkerman 79061 NIORT CEDEX 9 Représentée par Me François-Xavier CHEDANEAU de la SCP D'AVOCATS TEN FRANCE, avocat au barreau de POITIERS Monsieur Mathieu X... né le 19 Décembre 1975 à VIRE (14500) de nationalité Française 79200 VIENNAY Représenté par Me Ludovic PAIRAUD, avocat au barreau de DEUX-SEVRES COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 09 Mars 2016, en audience publique, devant la Cour composée de : Monsieur Eric VEYSSIERE, Président Monsieur Jean-Paul FUNCK-BRENTANO, Conseiller Monsieur Jean-Michel AUGUSTIN, Conseiller qui en ont délibéré GREFFIER, lors des débats : Madame Christine PERNEY - CONTRADICTOIRE - Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, - Signé par Monsieur Eric VEYSSIERE, Président, et par Madame Christine PERNEY, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. EXPOSE DU LITIGE M. Mathieu X... a été engagé par l'association Adapei 79 le 8 février 1999 par contrat de travail à durée déterminée jusqu'au 15 février 1999. Un contrat de travail à durée indéterminée a été conclu par les parties le 4 mars 1999 pour l'exercice des fonctions d'aide médico-psychologique à compter du 8 mars 1999 sur le site du Cat A. Rousseau à Bressuire. Le 7 juin 2007 un nouveau contrat a été régularisé par les parties pour l'exercice des fonctions de moniteur-éducateur 2ème catégorie. Le 12 août 2013, M. Mathieu X... a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement avec mise à pied conservatoire. Le 23 août 2013, il a été licencié pour faute grave pour avoir tenu des propos présentant un caractère humiliant lors d'une conversation sur Facebook avec un résident souffrant d'un handicap mental dont il avait la charge en tant qu'éducateur professionnel. Contestant ce licenciement, il a saisi le 25 avril 2014 le conseil de prud'hommes de Thouars de demandes en paiement de rappel de salaires et d'indemnités de rupture. Par jugement rendu le 2 octobre 2015, le conseil de prud'hommes de Thouars statuant en formation de départage a requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse et a condamné l'association Adapei 79 à payer à M. Mathieu X... : • 1.012,55 euros à titre de rappel de salaire correspondant à la mise à pied outre les congés payés afférents, • 40.000 euros nets à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, • 4.289,04 euros nets au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, • 12.488,34 euros à titre d'indemnité pour inobservation de la procédure de licenciement, • 1.500 euros net au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Le conseil de prud'hommes a condamné l'association Adapei 79 à rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage payées à M. Mathieu X... dans la limite de 1 mois maximum et il a ordonné l'exécution provisoire de l'intégralité de sa décision. Par jugement rendu le 5 octobre 2015, le conseil de prud'hommes de Thouars, rectifiant une erreur matérielle affectant le jugement rendu entre les parties le 2 octobre 2015 a dit que la somme de 12.488,34 euros était due au titre de l'indemnité légale de licenciement et non à titre de dommages intérêts pour non-respect de la procédure. L'association Adapei 79 a régulièrement relevé appel de ces jugements. Les deux procédures ont été jointes par ordonnance du 4 novembre 2015. Par conclusions déposées le 11 février 2016, développées oralement à l'audience de plaidoiries, l'association Adapei 79 demande à la cour de réformer le jugement déféré, de débouter M. Mathieu X... de ses demandes en le condamnant à lui payer 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Par conclusions déposées le 22 février 2016, développées oralement à l'audience de plaidoiries, M. Mathieu X... demande à la cour d'infirmer partiellement le jugement déféré en jugeant son licenciement sans cause réelle et sérieuse et en condamnant l'association Adapei 79 à lui payer 40.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions, il y a lieu de se référer au jugement déféré et aux écritures déposées, oralement reprises. MOTIFS DE L'ARRÊT La lettre de licenciement pour faute grave qui fixe les limites du litige est ainsi rédigée : " Vous avez tenu à Mr Z..., personne souffrant d'un handicap mental, accueillie au foyer d'hébergement du Complexe André Rousseau à Bressuire et dont vous êtes l'un des éducateurs, à l'occasion d'une conversation sur Facebook des propos : 1) visant à faire croire à ce dernier, que s'il faisait voir à votre collègue les photos que vous aviez prises et mises sur Facebook, vous lui feriez manger des haricots verts pendant 6 mois : «Si tu lui fais voir les photos, je te fais manger durant 6 mois que des haricots verts», 2) consistant en des menaces : «j'en parlerais à ton médecin qui t'a mis au régime. On t'enverra en centre pour te mettre un anneau gastrique. Tu finiras comme Christiane P. ... Sous oxygène et à l'hôpital.» 3) affirmant que vous aviez, comme les autres éducateurs, le dossier médical de Monsieur Z..., ce qui est complétement faux: «Nous avons tous un dossier médical des personnes accueillies.»(...) «Rien n'est personnel à l'ESAT». Le contenu de l'échange entre vous et Mr Z... a eu pour effet de créer un réel mal être chez Mr Z..., puisque celui-ci a déclaré au directeur de l'établissement Mr A... «ces propos m'ont fait un noeud au ventre (...) j'étais inquiet que tout le monde voit mon dossier médical». Et même un sentiment de peur, Mr Z... déclarant à Mr A... « je n'ai plus envie d'être en face de lui. J'ai peur de ce qu'il peut me dire» ; «je suis inquiet, parce que je ne veux pas qu'il m'arrive quelque chose comme Christiane». Lors de cet échange sur Facebook, vous décidez de fixer des objectifs à Mr Z... : «Objectif pour septembre : Te laver 3 fois par jour, te raser tous les jours... Changer de vêtements tous les jours et surtout ton slip... Arrêter de fumer... Te laver les dents 3 fois par jour... Mettre du parfum... Et me présenter ton esthéticienne pour que je l'invite au restaurant.», procédé que celui-ci a ressenti et qualifié de chantage de votre part, à son égard. L'ensemble de vos propos présente en outre, tant dans la forme que sur le fond, un caractère particulièrement humiliant que nous ne pouvons pas accepter. Lors de cet entretien du 20/08/2013, Mme B... a recueilli vos explications : vous avez un humour noir et ne pensiez pas à mal ; vous n'aviez pas l'intention de nuire ; vous avez pris conscience que vous aviez vexé et blessé Mr Z... et vous vous en excusez ; ..... Mais ces explications ne sont pas de nature à modifier notre appréciation des faits et sur le caractère fautif de vos comportements et propos à l'égard de Mr Z..., alors que vous êtes un professionnel diplômé. Tenir ces propos et avoir ce comportement en tant qu'éducateur diplômé, vis-à-vis d'une personne accueillie, dont vous avez la charge, personne vulnérable qui est nécessairement dans une position d'infériorité et de dépendance vis-à-vis de vous, constitue pour le moins une violence morale et donc un acte de maltraitance, ce qui est inacceptable. Nous vous rappelons par ailleurs que si ces faits ne se sont pas produits pendant le temps de travail et sur le lieu de travail, o ils relèvent juridiquement de la vie professionnelle, puisqu' il s'adresse à une personne accueillie dont vous avez la charge en tant que personnel de l'ADAPEI79 ; o ils constituent un manquement grave à vos obligations professionnelles en tant qu'éducateur, obligations professionnelles interdisant tout acte de maltraitance physique ou morale à l'égard d'une personne accueillie ; de plus alors que la Charte des Droits et Libertés de la Personne Accueillie impose le respect de la dignité de la personne accueillie (en l'occurrence Mr Z...) vos échanges et propos avec lui ont un caractère particulièrement humiliant, qui ne peut pas être accepté ; o ils sont de nature à mettre en cause la responsabilité de l'ADAPEI79, puisque nous sommes notamment en présence d'un acte de maltraitance à l'égard d'un usager de l'ADAPEI79, de la part d'un personnel de l'ADAPEI79 exerçant au sein de l'entreprise une fonction éducative, ce qui a justifié un signalement auprès des autorités, comme vous l'a dit Mme B... ; o ils ont des répercussions sur le fonctionnement de l'établissement A. Rousseau, compte tenu de votre fonction et de la finalité de l'établissement. Aussi au terme de cet entretien du 20/08/2013 et du délai de réflexion que nous avons pris, nous vous notifions par la présente, la rupture de votre contrat de travail pour faute grave pour les différentes raisons mentionnées plus haut ; celles-ci mettent en cause la bonne marche de l'établissement A. Rousseau et plus largement le bon fonctionnement de l'entreprise, les explications que vous avez fournies lors de l'entretien préalable du 20/08/2013 ne permettant pas de modifier notre appréciation sur l'ensemble de vos propos et comportement à l'égard de Mr Z... et sur leur gravité. Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien dans l'entreprise, même pendant la durée réduite du préavis, s'avère impossible..." M. Mathieu X... fait d'abord valoir le caractère illicite du mode de preuve utilisé par l'employeur pour établir la réalité des propos incriminés qui fondent son licenciement. En l'espèce, il ressort des captures d'écran produits aux débats que les propos reprochés à M. Mathieu X... ont été recueillis sur le réseau social Facebook et que seuls MM. Z... et X... avaient accès à ces messages via leurs profils dont l'accès est sécurisé par un mot de passe, ainsi que l'employeur le reconnaît lui-même dans ses écritures (page 12 de ses conclusions). Il s'agissait donc d'une conversation privée échangée entre deux utilisateurs du réseau Facebook, qui n'était pas accessible à des tiers. Même si par son contenu, cette conversation pouvait se rattacher à la sphère professionnelle, sa divulgation, quelqu'en soit l'auteur, était de nature à porter atteinte à la vie privée et à violer le secret des correspondances. Le droit à la preuve ne peut justifier la production d'éléments portant atteinte à la vie privée et au secret des correspondances qu'à la condition que cette production soit indispensable à l'exercice de ce droit et que l'atteinte soit proportionnée au but poursuivi. En l'espèce, l'atteinte était proportionnée au but poursuivi qui est, pour un employeur, dont la fonction est la prise en charge de personnes handicapées afin de leur permettre d'exercer une activité dans un milieu protégé, d'assurer la protection d'un résident souffrant d'une déficience mentale et physique et bénéficiant d'un statut de majeur protégé contre les agissements d'un moniteur-éducateur salarié susceptibles de constituer des actes de maltraitance. M. Mathieu X... conteste ensuite avoir eu un comportement fautif vis à vis de M. Z... ainsi que la gravité de la faute qui fonde son licenciement. La cour retient que les propos incriminés visés dans la lettre de licenciement, qui présentent un caractère humiliant, ainsi que l'a ressenti celui qui en était l'objet, par ailleurs exclusif de la part de leur auteur d'une volonté de maltraitance mais aussi d'une volonté d'entrer dans une dynamique de dérision prétendument éducative, caractérise, de la part d'un moniteur-éducateur investi d'une mission éducative auprès de personnes vulnérables, un comportement fautif justifiant un licenciement. Cependant l'employeur a pu avoir une entière connaissance des faits qui ont fondé le licenciement de M. Mathieu X... le 11 juillet 2013 alors que celui-ci n'a pas été empêché d'effectuer l'accompagnement éducatif mensuel de M. Z... le week end du 13 et 14 juillet 2013. De plus la lettre de convocation à l'entretien préalable à un éventuel licenciement assortie d'une mise à pied conservatoire ne lui a été remise que le 12 août 2013 soit plus de 30 jours après que l'employeur ait eu connaissance des faits ce qui démontre que la poursuite de l'exécution du contrat de travail pendant la durée du préavis qui caractérise une faute grave n'était pas impossible d'autant que M. Mathieu X... a démontré par le comportement qu'il a adopté à la suite de la révélation des faits qu'il n'était pas susceptible de réitérer un comportement similaire. Enfin et surtout M. Mathieu X..., qui exerçait son activité professionnelle au sein de l'Esat A. Rousseau depuis plus de 14 ans, n'avait jamais été sanctionné et il démontre au surplus par de nombreuses pièces (pièces 12 à 26, 51) qu'il était reconnu pour ses qualités professionnelles. En l'absence d'existence d'une faute grave et de prononcé préalable d'une sanction disciplinaire exigée par l'article 33 de la convention collective des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées qui régit le contrat de travail de M. Mathieu X..., les conditions prévues par cette convention pour licencier un salarié, qui constituent pour ceux-ci une garantie de fond, n'étaient pas remplies de telle sorte que le licenciement de M. Mathieu X... est abusif. Compte tenu de l'ancienneté dans l'entreprise de M. Mathieu X... (14 ans), de son âge et de sa rémunération à la date du licenciement (2.145 euros) et au vu des pièces produites pour justifier du préjudice que lui a causé la perte de son emploi (pièces 45 à 50 et 58), il y a lieu de fixer le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 30.000 euros. Le jugement déféré sera réformé en ce sens. En raison du caractère abusif de la rupture par l'employeur de son contrat de travail, le salarié a droit au rappel de salaire correspondant à la mise à pied conservatoire, à l'indemnité conventionnelle de licenciement, à l'indemnité compensatrice de préavis ainsi qu'aux congés payés afférents qu'il réclame. Le jugement déféré sera confirmé sur ces dispositions. Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de M. Mathieu X... la totalité de ses frais irrépétibles. Il lui sera alloué la somme de 1.800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. La charge des dépens incombe à la partie perdante, en l'espèce l'association Adapei 79. PAR CES MOTIFS Infirme le jugement déféré mais seulement sur le montant alloué à M. Mathieu X... au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et statuant à nouveau de ce chef : Condamne l'association Adapei 79 à payer à M. Mathieu X... la somme de 30.000 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, Confirme le jugement déféré pour le surplus, Déboute pour le surplus, Condamne l'association Adapei 79 à payer à M. Mathieu X... la somme de 1.800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, Condamne l'association Adapei 79 aux dépens de première instance et d'appel.
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COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE CHAMBRE SOCIALE ARRÊT No 93 DU DEUX MAI DEUX MILLE SEIZE AFFAIRE No : 13/ 01146 Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes POINTE A PITRE du 27 juin 2013- Section Commerce-RG F 10/ 00049. Association AGS CGEA DE FORT DE FRANCE 10, rue des Arts et Métiers-Lotissement Dillon Stade 97200 FORT DE FRANCE Représentée par Me Frederic FANFANT, avocat au barreau de GUADELOUPE (TOQUE 67). Madame Gladys X...ÉPOUSE Y... 97170 PETIT-BOURG Non comparante. Représentée par Me Pascal BICHARA-JABOUR, avocat au barreau de GUADELOUPE (TOQUE 14), substitué par Me Jan-Marc FERLY, avocat au barreau de GUADELOUPE. Maître Marie-Agnès Z...ès-qualités de mandataire judiciaire de la sarl ASED 97190 GOSIER Représentée par Me Frederic FANFANT, avocat au barreau de GUADELOUPE (TOQUE 67). COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, L'affaire a été débattue le 22 Février 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, chargé d'instruire l'affaire. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, Président, Mme Marie-Josée BOLNET, Conseillère, Mme Françoise GAUDIN, Conseillère. Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 02 mai 2016 GREFFIER : Lors des débats : Madame Valérie SOURIANT, greffière. Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, Président, et par Mme Yolande MODESTE, Greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire. Faits et procédure : Il résulte des explications fournies par les parties que Mme Gladys X...épouse Y...a été embauchée par la Société ASED à compter du 1er novembre 2006 en qualité d'assistante de direction. Le 28 janvier 2010, Mme X...saisissait le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre aux fins d'obtenir paiement d'un rappel de salaires d'octobre, novembre et décembre 2009 ainsi que paiement d'indemnités de rupture du contrat travail. Le contrat de travail de Mme X...a pris fin le 9 juillet 2010, suite à un licenciement pour motif économique. Par jugement du 17 mars 2011, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l'égard de la Société ASED, Maître Marie-Agnès Z...ayant été désignée mandataire judiciaire, puis mandataire liquidateur. Par jugement du 27 juin 2013, la juridiction prud'homale constatant que les salaires réclamés avaient été régularisés dans le cadre de la procédure collective, condamnait cependant Maître Marie-Agnès Z..., en sa qualité de mandataire liquidateur de la Société ASED à payer à Mme X...la somme de 8326, 36 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par le paiement tardif des salaires. Le 23 juillet 2013, l'AGS interjetait appel de cette décision. Par conclusions, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, l'AGS sollicite l'infirmation du jugement déféré en expliquant que les salaires et accessoires et indemnités de Mme X...ont été pris en charge par l'AGS à l'ouverture de la procédure collective et que dès lors aucun retard de paiement ne saurait lui être opposé, ajoutant que les dommages-intérêts sollicités pour paiement tardif ne rentrent pas dans le champ de sa garantie. Par conclusions notifiées aux parties adverses le 9 janvier 2015, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, Mme X...sollicite la confirmation du jugement entrepris et le rejet des demandes de l'AGS. Elle réclame paiement de la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. A l'appui de sa demande elle explique qu'elle n'a perçu aucun salaire ni aucune indemnité pendant de nombreux mois, et qu'elle s'est retrouvée dans une situation extrêmement difficile ne pouvant faire face à ses nombreuses échéances, se trouvant en situation d'impayé vis-à-vis de nombreux créanciers, ses prélèvements sur compte bancaire étant souvent rejetés et non régularisés. Maître Z..., es qualités de liquidateur de la SARL ASED a adressé des conclusions au greffe de la Cour, par l'intermédiaire de son conseil, Me WERTER, mais n'était pas représentée lors de l'audience des débats et n'a pas demandé à être dispensée de comparaître. En raison du principe de l'oralité des débats, ses conclusions écrites ne peuvent être retenues. Le renvoi de l'affaire à l'audience des débats ayant été contradictoire à l'égard de Me Z..., qui était alors représentée par Me WERTER, le présent arrêt est réputé contradictoire. Motifs de la décision : Les salaires d'octobre à décembre 2009 n'ont été payés à Mme X...que dans le cadre de l'ouverture de la procédure collective dont a fait l'objet son employeur, c'est-à-dire à compter de mars 2011, il en est résulté pour la salariée un préjudice financier et matériel certain. Toutefois il résulte des dispositions de l'article 1153 du code civil, que dans les obligations qui se bornent au paiement d'une certaine somme, les dommages intérêts résultant du retard dans l'exécution ne consistent jamais que dans la condamnation aux intérêts au taux légal. Ces dommages-intérêts ne sont dus que du jour de la sommation de payer ou d'un autre acte équivalent s'il en ressort une interpellation suffisante. En l'espèce les intérêts au taux légal, en l'absence de mise en demeure préalable, sont dus à Mme X...à compter du 16 mars 2010, date à laquelle l'affaire a été appelée devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes auprès duquel les parties ont fait valoir réciproquement leurs prétentions. Il résulte du même article que ce n'est que lorsque le débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, que le créancier peut obtenir des dommages-intérêts distincts des intérêts moratoires de la créance. En l'espèce il n'est pas démontré que la créancière ait subi, en raison de la mauvaise foi de son employeur, un préjudice indépendant du retard de paiement de ses salaires. En conséquence les dommages-intérêts auxquels peut prétendre Mme X...correspondent aux intérêts au taux légal qui ont couru à compter du 16 mars 2010 jusqu'au versement par l'AGS des salaires qui étaient restés impayés. Ces dommages-intérêts étant directement liée à l'exécution du contrat de travail, puisque afférents aux manquements de l'employeur à son obligation de payer les salaires, lesdits dommages-intérêts entre le champ de la garantie de l'AGS. Le jugement sera donc réformé en ce sens. La créance de Mme X...étant fondée en son principe, et entrant dans le champ de garantie de l'AGS, les dépens seront mis à la charge de cette dernière. Toutefois l'équité n'implique pas qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Par ces motifs, La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Réforme le jugement déféré, Et statuant à nouveau, Dit qu'il doit être inscrit au passif de la Société ASED, au profit de Mme X..., les intérêts au taux légal qui ont couru à compter du 16 mars 2010 sur le montant des salaires d'octobre à décembre 2009 et les congés payés afférents, Y ajoutant, Dit que le montant de ces intérêts au taux légal entrent dans le champ de garantie de l'AGS, Dit que l'AGS ne prendra en charge la créance totale de Mme X...que dans la limite de sa garantie telle que prévue par les articles L. 3253-17 et D. 3253-5 du code du travail, Dit que les dépens sont à la charge de l'AGS, Déboute les parties de toutes conclusions plus amples ou contraires. Le Greffier, Le Président,