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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 4 juin 2020 Rejet M. PIREYRE, président Arrêt n° 534 F-P+B+I Pourvoi n° 19-24.598 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 4 JUIN 2020 Mme S... Q..., épouse L..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° 19-24.598 contre l'arrêt rendu le 19 septembre 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 2-3), dans le litige l'opposant au procureur général près la cour d'appel d'Aix-en-Provence, domicilié en son parquet général, Palais Montclar, rue Peyresc, 13100 Aix-en-Provence, défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Lemoine, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme Q..., et l'avis de M. Girard, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 mars 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Lemoine, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 19 septembre 2019), Mme Q... a relevé appel, le 29 novembre 2018, du jugement d'un tribunal de grande, puis sollicité, le 17 janvier 2019, le bénéfice de l'aide juridictionnelle, qui lui a été accordée le 13 février 2019. 2. Elle a déféré à la cour d'appel l'ordonnance du conseiller de la mise en état ayant prononcé la caducité de sa déclaration d'appel en application de l'article 905-1 du code de procédure civile, à défaut d'avoir signifié la déclaration d'appel dans les dix jours de la réception de l'avis de fixation de l'affaire à bref délai qui lui a été adressé par le greffe le 9 janvier 2019. Examen du moyen Enoncé du moyen 3. Mme Q... fait grief à l'arrêt de prononcer la caducité de la déclaration d'appel qu'elle a formée alors : « 1°/ que le dépôt d'une demande d'aide juridictionnelle interrompt tous les délais de procédure ; qu'en retenant, pour prononcer la caducité de la déclaration d'appel formée par Mme Q..., que le dépôt de sa demande d'aide juridictionnelle était sans effet sur le délai de dix jours imparti pour signifier la déclaration d'appel, prévu à l'article 905-1 du code de procédure civile, la cour d'appel a violé l'article 38 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1999 relative à l'aide juridique ; 2°/ que les justiciables doivent disposer d'un droit d'accès au tribunal concret et effectif ; qu'en retenant, pour prononcer la caducité de la déclaration d'appel formée par Mme Q..., que le délai prévu à l'article 905-1 du code de procédure civile, qui impose la signification de la déclaration d'appel à l'intimé dans un délai de dix jours à compter de l'avis de fixation, n'était pas valablement interrompu par sa demande formée dans ce délai auprès du bureau d'aide juridictionnelle, qui lui avait accordé l'aide juridictionnelle totale au regard de ses revenus, privant ainsi Mme Q... de la possibilité d'exercer effectivement son recours, la cour d'appel a porté une atteinte disproportionnée son droit d'accès au juge en violation des dispositions de l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme. » Réponse de la Cour 4. Il résulte de l'article 38 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, qui a rétabli, pour partie, le dispositif prévu par l'article 38-1 du décret du 19 décembre 1991 abrogé par le décret n° 2016-1876 du 27 décembre 2016, que le point de départ d'un délai de recours est reporté, au profit de celui qui demande le bénéfice de l'aide juridictionnelle avant l'expiration de ce délai, au jour de la notification de la décision statuant définitivement sur cette demande ou, en cas d'admission, à la date, si elle est plus tardive, du jour de la désignation d'un auxiliaire de justice en vue d'assister ou de représenter le bénéficiaire de cette aide pour l'exercice de ce recours. Le point de départ des délais impartis pour conclure ou former appel incident est reporté de manière identique au profit des parties à une instance d'appel sollicitant le bénéfice de l'aide juridictionnelle au cours des délais mentionnés aux articles 905-2, 909 et 910 du code de procédure civile. 5. Ces règles, qui ne prévoient pas, au profit de l'appelant, un report du point de départ du délai pour signifier la déclaration d'appel, en application de l'article 905-1 du code de procédure civile, poursuivent néanmoins un but légitime au sens de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en l'occurrence la célérité de la procédure et une bonne administration de la justice. Elles sont, en outre, accessibles et prévisibles, et ne portent par une atteinte disproportionnée au droit d'accès au juge d'appel, un rapport raisonnable de proportionnalité existant entre les moyens employés et le but visé. 6. En effet, en se conformant à l'article 38 du décret, la partie qui entend former un appel avec le bénéfice de l'aide juridictionnelle est mise en mesure, de manière effective, par la désignation d'un avocat et d'autres auxiliaires de justice, d'accomplir l'ensemble des actes de la procédure. 7. Ce dispositif, dénué d'ambiguïté pour un avocat, professionnel du droit, permet de garantir un accès effectif au juge d'appel au profit de toute personne dont la situation pécuniaire la rend éligible au bénéfice d'une aide juridictionnelle au jour où elle entend former un appel. 8. La cour d'appel ayant constaté que Mme Q... n'avait pas procédé à la signification de la déclaration d'appel dans le délai de dix jours à compter de l'avis de fixation de l'affaire à bref délai, réceptionné par son avocat le 9 janvier 2019, c'est dès lors sans encourir les griefs du moyen qu'elle a prononcé la caducité de la déclaration d'appel. 9. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne Mme Q... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme Q... ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du quatre juin deux mille vingt, et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour Mme Q... Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR prononcé la caducité de la déclaration d'appel formée Mme Q... ; AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article 905-1 du code de procédure civile, lorsque l'affaire est fixée à bref délai par le président de la chambre, l'appelant signifie la déclaration d'appel dans les dix jours de la réception de l'avis de fixation qui lui est adressé par le greffe à peine de caducité de la déclaration d'appel relevée d'office par le président de la chambre ou le magistrat désigné par le premier président ; cependant, si, entre-temps, l'intimé a constitué avocat avant signification de la déclaration d'appel, il est procédé par voie de notification à son avocat ; qu'en l'espèce, l'affaire a fait l'objet d'une fixation à bref délai conformément aux dispositions de l'article 905 du code de procédure civile par ordonnance du président de la chambre en date du 9 janvier 2019 ; que l'avis de fixation de l'affaire à bref délai transmis par le greffe de la cour par voie électronique a été réceptionné par le conseil de l'appelante le 9 janvier 2019 ; que l'appelante n'a pas procédé à la signification de la déclaration d'appel dans le délai de 10 jours à compter de l'avis du greffe imparti par l'article 905-1du code de procédure civile ; que son conseil fait valoir qu'il était dans l'attente de la décision sur sa demande d'aide juridictionnelle qu'il avait présentée le 17 janvier 2019, qui lui a été accordée le 13 février 2019, et de la désignation d'un huissier de justice par le Bureau d'Aide Juridictionnelle qu'il avait sollicitée par lettre recommandée avec avis de réception le 14 février 2019 ; que l'article 38 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-547 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique issu du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 dispose : « Lorsqu'une action en justice ou un recours doit être intenté avant l'expiration d'un délai devant les juridictions de première instance ou d'appel, l'action ou le recours est réputé avoir été intenté dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai et si la demande en justice ou le recours est introduit dans un nouveau délai de même durée à compter : a) De la notification de la décision d'admission provisoire ; b) De la notification de la décision constatant la caducité de la demande ; c) De la date à laquelle le demandeur à l'aide juridictionnelle ne peut plus contester la décision d'admission ou de rejet de sa demande en application du premier alinéa de l'article 56 et de l'article 160 ou, en cas de recours de ce demandeur, de la date à laquelle la décision relative à ce recours lui a été notifiée ; d) Ou, en cas d'admission, de la date, si elle est plus tardive, à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné ; que lorsque la demande d'aide juridictionnelle est déposée au cours des délais impartis pour conclure ou former appel incident, mentionnés aux articles 905-2, 909 et 910 du code de procédure civile, ces délais courent dans les conditions prévues aux b, c et d ; que par dérogation aux premier et sixième alinéas du présent article, les délais mentionnés ci-dessus ne sont pas interrompus lorsque, à la suite du rejet de sa demande d'aide juridictionnelle, le demandeur présente une nouvelle demande ayant le même objet que la précédente » ; qu'il en résulte que la demande d'aide juridictionnelle interrompt pour l'appelante le délai d'appel mais non les délais pour signifier la déclaration d'appel ; qu'ainsi, le dépôt d'une demande d'aide juridictionnelle interrompt le délai pour faire appel mais est sans effet sur le délai de dix jours imparti pour signifier la déclaration d'appel qui court à compter de l'avis de fixation ; qu'en l'espèce, la déclaration d'appel est caduque en ce qu'elle n'a pas été signifiée à l'intimé dans le délai de 10 jours à compter de l'avis de fixation adressé par le greffe du 9 janvier 2019, conformément aux dispositions de l'article 905-1 du code de procédure civile ; que c'est en vain que l'appelante fait valoir qu'elle n'a obtenu l'aide juridictionnelle que le 13 février 2019, à la suite de sa demande déposée le 17 janvier 2019, et que la signification de sa déclaration d'appel ne pouvait intervenir qu'à compter la désignation d'un huissier de justice dans le cadre de l'aide juridictionnelle ; qu'en effet, l'article 910-3 du code de procédure civile, qui permet d'écarter les sanctions prévues quant au formalisme de la déclaration d'appel, en cas de force majeure, ne vise pas celles prévues à l'article 905-1 ; qu'il convient donc de constater en application des dispositions de l'article 905-1 du code de procédure civile précité, la caducité de la déclaration d'appel faute de signification à l'intimé de cette déclaration d'appel dans le délai de dix jours à compter de la réception par l'appelante de l'avis de fixation ; qu'il convient en conséquence de confirmer l'ordonnance entreprise qui a prononcé la caducité de la déclaration d'appel ; 1°) ALORS QUE le dépôt d'une demande d'aide juridictionnelle interrompt tous les délais de procédure ; qu'en retenant, pour prononcer la caducité de la déclaration d'appel formée par Mme Q..., que le dépôt de sa demande d'aide juridictionnelle était sans effet sur le délai de dix jours imparti pour signifier la déclaration d'appel, prévu à l'article 905-1 du code de procédure civile, la cour d'appel a violé l'article 38 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1999 relative à l'aide juridique ; 2°) ALORS QUE les justiciables doivent disposer d'un droit d'accès au tribunal concret et effectif ; qu'en retenant, pour prononcer la caducité de la déclaration d'appel formée par Mme Q..., que le délai prévu à l'article 905-1 du code de procédure civile, qui impose la signification de la déclaration d'appel à l'intimé dans un délai de 10 jour à compter de l'avis de fixation, n'était pas valablement interrompu par sa demande formée dans ce délai auprès du bureau d'aide juridictionnelle, qui lui avait accordé l'aide juridictionnelle totale au regard de ses revenus, privant ainsi Mme Q... de la possibilité d'exercer effectivement son recours, la cour d'appel a porté une atteinte disproportionnée son droit d'accès au juge en violation des dispositions de l'article 6 § 1er de la Convention européenne des droits de l'Homme.
Il résulte de l'article 38 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, que le point de départ d'un délai de recours est reporté, au profit de celui qui demande le bénéfice de l'aide juridictionnelle avant l'expiration de ce délai, au jour de la notification de la décision statuant définitivement sur cette demande ou, en cas d'admission, à la date, si elle est plus tardive, du jour de la désignation d'un auxiliaire de justice en vue d'assister ou de représenter le bénéficiaire de cette aide pour l'exercice de ce recours. Le point de départ des délais impartis pour conclure ou former appel incident est reporté de manière identique au profit des parties à une instance d'appel sollicitant le bénéfice de l'aide juridictionnelle au cours des débats mentionnés aux articles 905-2, 909 et 910 du code de procédure civile. C'est dès lors à bon droit, et sans méconnaître les dispositions de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qu'une cour d'appel qui constate que l'appelant n'a pas procédé à la signification de la déclaration d'appel dans le délai de dix jours à compter de l'avis de fixation à bref délai, prononce sa caducité nonobstant le dépôt d'une demande d'aide juridictionnelle postérieurement à cette déclaration d'appel
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 4 juin 2020 Cassation M. PIREYRE, président Arrêt n° 535 F-P+B+I Pourvoi n° U 19-10.443 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 4 JUIN 2020 M. B... E..., domicilié [...] ), a formé le pourvoi n° U 19-10.443 contre l'ordonnance rendue le 20 décembre 2018 par la première présidente de la cour d'appel de Riom, dans le litige l'opposant : 1°/ au procureur général près la cour d'appel de Riom, domicilié en son parquet général, [...], 2°/ à M. T... M... R..., domicilié [...] , défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Jollec, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de M. E..., et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 11 mars 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Jollec, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre. la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'ordonnance attaquée d'une première présidente de cour d'appel (Riom, 20 décembre 2018), la Direction nationale d'enquêtes fiscales a été autorisée par une ordonnance du 15 novembre 2017 rendue par M. R..., juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Cusset, à procéder à des visites et saisies domiciliaires dans les locaux occupés par M. E... sur le fondement des articles L. 16 B et R. 16 B-1 du livre des procédures fiscales. 2. Par assignation en date du 7 juin 2018, le comptable du pôle de recouvrement spécialisé de l'Allier a assigné M. E... devant le tribunal de grande instance de Cusset en paiement d'une certaine somme sur le fondement des articles L. 267 et R. 267-1 du livre des procédures fiscales. 3. M. R... a été chargé d'instruire et de statuer dans cette affaire. 4. M. E... a déposé une requête aux fins de récusation de M. R.... Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 5. M. E... fait grief à l'ordonnance de rejeter la requête en récusation de M. R..., président du tribunal de grande instance de Cusset, chargé d'instruire et de statuer dans le cadre de l'instance pendante devant lui et enrôlée sous le n° RG 18/731, alors « qu'en s'abstenant, en toute hypothèse, de vérifier si le fait que M. R..., en qualité de président du tribunal de grande instance de Cusset, soit chargé d'instruire et de statuer dans une procédure fiscale dirigée contre M. E..., après avoir, en qualité de juge des libertés et de la détention de ce même tribunal, autorisé des visites domiciliaires dans plusieurs lieux susceptibles d'être occupés par ce dernier et aux saisies nécessitées par la recherche de la preuve d'une fraude fiscale présumée, n'était pas de nature à constituer une cause permettant à M. E... de douter de l'impartialité de celui-ci, la première présidente de la cour d'appel de Riom a privé sa décision de base légale au regard des articles 341 du code de procédure civile, L. 111-6 du code de l'organisation judiciaire et 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 111-6 du code de l'organisation judiciaire, 341 du code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 6. Il résulte de ces textes, d'une part, que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial, cette exigence devant s'apprécier objectivement, et, d'autre part, que la récusation d'un juge est admise s'il a précédemment connu de l'affaire. 7. Pour rejeter la requête en récusation, l'ordonnance retient que l'autorisation d'effectuer une visite domiciliaire donnée par un magistrat agissant en qualité de juge des libertés et de la détention n'empêche pas ce même magistrat, qui n'a pas pris parti au fond et qui est saisi ensuite d'une procédure de nature fiscale, de conserver son impartialité dans le cadre de cette seconde procédure et qu'à cet égard, dans le cadre du litige fiscal, le magistrat en cause a fait droit à la demande de réouverture des débats de M. E..., mesure favorable à ce dernier. 8. En se déterminant ainsi, sans rechercher si les fonctions successives du même juge, d'abord en qualité de juge des libertés et de la détention ayant autorisé l'administration fiscale à procéder à une visite domiciliaire et des saisies sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, puis en qualité de président de la formation de jugement, l'amenaient à connaître des mêmes faits ce qui était de nature à constituer une cause permettant de douter de l'impartialité du juge, la première présidente, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a privé sa décision de base légale. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du moyen : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 20 décembre 2018, entre les parties, par la première présidente de la cour d'appel de Riom ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cette ordonnance et les renvoie devant la juridiction du premier président de cour d'appel de Riom, autrement composée ; Laisse les dépens à la charge du Trésor public ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du quatre juin deux mille vingt, et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour M. E... Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'AVOIR rejeté la requête en récusation de M. T... M... R..., président du tribunal de grande instance de Cusset, chargé d'instruire et de statuer dans le cadre de l'instance pendante devant lui et enrôlée sous le n° RG 18/731 ; AUX MOTIFS QUE l'autorisation d'effectuer une visite domiciliaire donnée par un magistrat agissant en qualité de juge des libertés et de la détention n'empêche pas ce même magistrat, qui n'a pas pris parti au fond et qui est saisi ensuite d'une procédure de nature fiscale, de conserver son impartialité dans le cadre de cette seconde procédure ; Que l'on relèvera à cet égard que dans le cadre du litige fiscal, le magistrat en cause a fait droit à la demande de réouverture des débats de M. B... X... E..., mesure favorable à ce dernier ; 1/ ALORS QUE Mme la première présidente de la Cour d'appel de RIOM a constaté que M. R..., en qualité de Président du tribunal de grande instance de CUSSET, est chargé d'instruire et de statuer dans une procédure fiscale dirigée contre M. E..., après avoir , en qualité de juge des libertés et de la détention de ce même tribunal, autorisé des visites domiciliaires dans plusieurs lieux susceptibles d'être occupés par ce dernier et aux saisies nécessitées par la recherche de la preuve d'une fraude fiscale présumée ; qu'en s'abstenant de tirer les conséquences de ses constatations, d'où il résultait que M. R... avait eu à connaître précédemment de l'affaire et devait être récusé, elle a violé les articles 341 du Code de procédure civile, L. 111-6 5° du Code de l'organisation judiciaire et 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 2/ ALORS QU'en s'abstenant, en toute hypothèse de vérifier si le fait que M. R..., en qualité de Président du tribunal de grande instance de CUSSET, soit chargé d'instruire et de statuer dans une procédure fiscale dirigée contre M. E..., après avoir , en qualité de juge des libertés et de la détention de ce même tribunal, autorisé des visites domiciliaires dans plusieurs lieux susceptibles d'être occupés par ce dernier et aux saisies nécessitées par la recherche de la preuve d'une fraude fiscale présumée, n'était pas de nature à constituer une cause permettant à M. E... de douter de l'impartialité de celui-ci, la première présidente de la Cour d'appel de RIOM a privé sa décision de base légale au regard des articles 341 du Code de procédure civile, L. 111-6 du Code de l'organisation judiciaire et 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La juridiction du premier président, saisie d'une requête en récusation formée à l'encontre d'un juge, doit rechercher si les fonctions successives de ce juge, d'abord en qualité de juge des libertés et de la détention ayant autorisé l'administration fiscale à procéder à une visite domiciliaire et des saisies sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, puis en qualité de président de la formation de jugement, l'amenaient à connaître des mêmes faits ce qui était de nature à constituer une cause permettant de douter de l'impartialité du juge
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SOC. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 3 juin 2020 Rejet M. CATHALA, président Arrêt n° 410 FS-P+B Pourvoi n° C 18-21.993 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 3 JUIN 2020 La société ISS propreté, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [...], ayant un établissement [...], a formé le pourvoi n° C 18-21.993 contre l'arrêt rendu le 29 juin 2018 par la cour d'appel de Douai (chambre sociale, prud'hommes), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. T... G..., domicilié [...], 2°/ à Pôle emploi des Hauts-de-France, dont le siège est [...], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Ricour, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société ISS propreté, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. G..., et l'avis de M. Desplan, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 mars 2020 où étaient présents M. Cathala, président, M. Ricour, conseiller rapporteur, Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen, M. Pion, Mmes Van Ruymbeke, Capitaine, Gilibert, conseillers, MM. Silhol, Duval, Mmes Valéry, Pecqueur, conseillers référendaires, M. Desplan, avocat général, et Mme Lavigne, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Sur le moyen unique : Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 29 juin 2018), que M. G... a été engagé le 28 avril 1998 par la société ISS propreté en qualité d'agent d'entretien au sein de l'[...] ; que le 15 juin 2010 il a été placé en arrêt de travail suite à un accident dont le caractère professionnel a été ultérieurement reconnu par la caisse primaire d'assurance maladie ; que le 24 décembre 2010, il a été reconnu travailleur handicapé ; qu'après avoir été déclaré inapte le 7 avril 2015, il a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement ; Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt d'annuler le licenciement du salarié en raison de la discrimination liée à son état de santé et son handicap et, en conséquence, de le condamner à lui verser diverses sommes à titre d'indemnité de préavis et congés payés afférents, et de dommages-intérêts pour licenciement nul alors, selon le moyen : 1°/ qu'interdiction est faite au juge de dénaturer les documents de la cause ; que parmi les courriels adressés entre le 23 et le 30 avril 2015 par Mme W... E..., figuraient des courriels adressés à d'autres sociétés du groupe telles que les sociétés ISS logistique et production et Channel Passengers Services, sans que la recherche de reclassement sollicitée par ISS propreté n'ait été restreinte à une activité de nettoyage ; qu'en affirmant que la société ISS propreté justifiait par ces courriels avoir adressé une demande de reclassement aux autres agences régionales de la société mais pas avoir recherché le reclassement du salarié au sein du groupe parmi les activités autorisant la permutation des personnels dans les autres domaines d'activité que le nettoyage, la cour d'appel a dénaturé lesdits courriels, en violation du principe susvisé ; 2°/ qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que M. G... avait, par courrier du 30 mars 2015, déclaré s'opposer à un reclassement au-delà de la commune urbaine de Lille ; que dès lors en reprochant à la société d'avoir adressé à ses agences régionales un courrier stéréotypé de pure forme, de ne pas justifier avoir adressé ce courrier à toutes ses agences régionales, et de ne pas produire toutes les réponses de celles-ci, lorsqu'en l'état de la volonté clairement manifestée de l'intéressé de n'être reclassé que dans le périmètre de la communauté urbaine de Lille, il ne pouvait lui être reproché de ne pas avoir recherché le reclassement du salarié sur tout le territoire national, cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations en violation de l'article L. 1226-10 du code du travail ; 3°/ que l'obligation de reclassement s'effectue conformément aux préconisations du médecin du travail et en concertation avec ce dernier ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que postérieurement à l'avis d'inaptitude, par courrier du 8 avril 2015, la société avait sollicité le médecin du travail aux fins notamment de savoir « quel type de taches M. G... pourrait éventuellement effectuer sans que cela ne soit préjudiciable à sa santé » et en particulier si celui-ci devait « impérativement être reclassé sur un poste sédentaire », la société se tenant à la disposition du médecin du travail pour toute visite à l'agence afin d'envisager toute possibilité de reclassement, et que ce dernier avait, par courrier du 13 avril 2015, refusé de lui apporter la moindre réponse en se retranchant derrière son avis d'inaptitude ; que dès lors en reprochant à la société de ne pas justifier d'études de postes ou de recherches d'aménagement du poste de travail du salarié conformes aux préconisations du médecin du travail, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations desquelles il résultait l'impossibilité pour l'employeur d'envisager un aménagement du poste compte tenu du refus du médecin du travail de coopérer avec elle, en violation de l'article L. 1226-10 du code du travail ; 4°/ qu'aucune disposition n'impose à l'employeur qui envisage le licenciement pour inaptitude d'un salarié handicapé de saisir le SAMETH dans le cadre de son obligation de reclassement ; qu'en jugeant en l'espèce que le défaut de saisine de cet organisme en dépit de la demande du salarié caractérisait un manquement de la société à son obligation de reclassement, la cour d'appel a violé l'article L. 1226-10 du code du travail ; 5°/ que le licenciement du salarié déclaré régulièrement inapte à son poste de travail n'est pas prononcé à raison de l'état de santé du salarié ; que le manquement de l'employeur à son obligation de reclassement a pour seule conséquence de priver le licenciement de cause réelle et sérieuse ; que dès lors en jugeant que l'inexécution par la société ISS propreté de son obligation de reclassement avait fait du salarié une victime de discrimination liée à son état de santé et à son handicap rendant son licenciement nul, la cour d'appel a violé les articles L. 1132-1, L. 1133-1, L. 1132-4, L. 5213-6 et L. 1226-10 du code du travail ; Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel a estimé, par une appréciation souveraine des éléments de preuve qui lui étaient soumis, hors toute dénaturation, que l'employeur n'avait pas exécuté sérieusement et loyalement son obligation de reclassement ; Attendu, ensuite, que si le manquement de l'employeur à son obligation de reclassement a pour conséquence de priver de cause réelle et sérieuse le licenciement prononcé pour inaptitude et impossibilité de reclassement, l'article L. 5213-6 du code du travail dispose qu'afin de garantir le respect du principe d'égalité de traitement à l'égard des travailleurs handicapés, l'employeur prend, en fonction des besoins dans une situation concrète, les mesures appropriées pour leur permettre d'accéder à un emploi ou de conserver un emploi correspondant à leur qualification, de l'exercer ou d'y progresser ou pour qu'une formation adaptée à leurs besoins leur soit dispensée, que ces mesures sont prises sous réserve que les charges consécutives à leur mise en oeuvre ne soient pas disproportionnées, compte tenu de l'aide prévue à l'article L. 5213-10 qui peut compenser en tout ou partie les dépenses supportées à ce titre par l'employeur, et que le refus de prendre ces mesures peut être constitutif d'une discrimination au sens de l'article L. 1133-3 ; Et attendu que la cour d'appel, qui a constaté que l'employeur, nonobstant l'importance de ses effectifs et le nombre de ses métiers, ne justifiait pas d'études de postes ni de recherche d'aménagements du poste du salarié, et qu'il n'avait pas consulté le Service d'appui au maintien dans l'emploi des travailleurs handicapés (SAMETH), bien qu'il y ait été invité à deux reprises par le salarié, a pu en déduire qu'il avait refusé de prendre les mesures appropriées pour permettre à ce dernier de conserver un emploi, ce dont il résultait que le licenciement constitutif d'une discrimination à raison d'un handicap était nul ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ; PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société ISS propreté aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société ISS propreté et la condamne à payer à M. G... la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois juin deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société ISS propreté. IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR annulé le licenciement de M. G... en raison de la discrimination liée à son état de santé et son handicap et d'AVOIR en conséquence condamné la société ISS Propreté à verser à M.G... diverses sommes à titre d'indemnité de préavis et congés payés afférents, et de dommages-intérêts pour licenciement nul, outre 1200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile AUX MOTIFS QUE « les éléments chronologiques pertinents sont les suivants: -24/12/2010 reconnaissance de travailleur handicapé -15/612012 consolidation de l'état de santé suite à l'accident du travail -18/3/2014 lettre du médecin du travail à l'employeur préconisant une reprise à mi-temps thérapeutique sans distances importantes à parcourir ni port ou manipulation de charges lourdes - 4/9/2014 lettre de M.G... à la SASU ISS PROPRETE lui suggérant de consulter le Service d'Appui au Maintien dans l'Emploi des Travailleurs Handicapés (SAMETH) -3/3/2015 lettre de M.G... à la SASU ISS PROPRETE l'informant qu'il souhaite reprendre le travail - 20/3/2015 première visite de reprise -24/3/2015 lettre de la SASU ISS PROPRETE à M.G... sollicitant son degré de mobilité ainsi que des informations sur son niveau de formation et ses diplômes pour faciliter son reclassement -30/3/2015 réponse de M.G... l'informant qu'il n'a aucun diplôme ni formation et qu'il ne souhaite pas un emploi au-delà de la communauté urbaine de Lille - 7/4/2015 second avis d'inaptitude - 8/4/2015 lettre de la SASU ISS PROPRETE interrogeant le médecin du travail sur le point de savoir quelles tâches pourraient être confiées à M.G..., s'il doit être reclassé sur un poste sédentaire et si compte tenu des activités du groupe il peut y être reclassé sans dommage pour sa santé -13 avril 2015 réponse du médecin du travail faisant savoir qu'il se borne à citer les contre-indications et qu'il n'a pas à formaliser de proposition de reclassement - 8/6/2015 convocation à l'entretien préalable à l'éventuel licenciement - 2/6/2015 consultation des délégués du personnel -4/6/2015 lettre de la SASU ISS PROPRETE à M.G... l'informant des raisons rendant impossible son reclassement - 26/6/2015 licenciement pour inaptitude d'origine professionnelle Il ressort des justificatifs produits aux débats que les possibilités de reclasser M.G... n'étaient pas nulles mais fortement limitées en raison de sa quasi impossibilité de mouvoir son bras droit constatée dans les divers avis médicaux. Pour autant, l'employeur, aux effectifs nombreux n'étant pas taus affectés au nettoyage, avait l'obligation de procéder à une recherche sérieuse de reclassement pour ce salarié dont il connaissait le statut de travailleur handicapé. A la lecture de l'extrait K bis produit aux débats il appert et il n'est pas contesté que la SASU ISS PROPRETE est membre d'un groupe de sociétés dirigées par ISS HOLDING et qu'elle comportait au moment du licenciement plusieurs activités de service aux entreprises détaillées dans sa lettre au médecin du travail le 8/4/2015 sous les rubriques: nettoyage, manutention, maintenance et autres opérations en milieu industriel, désinfection, dératisation, désinsectisation, lesquelles permettaient la permutation de tout ou partie des personnels. La SASU ISS PROPRETE justifie de courriels adressés entre le 23 et le 30 avril 2015 par une dénommée W... E..., stagiaire ressources humaines au sein de la division propreté de la direction régionale Nord Est à Nancy, aux autres directions régionales mais il n'en résulte pas la preuve que des recherches de reclassement aient été effectuées au sein du groupe parmi les activités autorisant la permutation des personnels dans les autres domaines d'activité que le nettoyage. La Cour constate par ailleurs que 1'employeur ne produit pas toutes les réponses des agences contactées par la stagiaire et qu'il ne justifie pas d'études de postes ou de recherches d'aménagement du poste de travail de M.G... conformes aux préconisations médicales. Il sera ajouté que les courriels stéréotypés et de pure forme adressés aux agences, dont il n'est pas justifié qu'il s'agissait des seules agences susceptibles d'être interrogées, n'ont donné lieu à aucune exploitation sérieuse et à aucune demande d'informations complémentaires ce qui ne permet pas de retenir une réelle volonté de l'employeur de conserver M. G... parmi ses effectifs. Il appert en outre qu'invité à deux reprises par le salarié à consulter le SAMETH, service chargé de prévenir la perte d'emploi des travailleurs handicapés, afin de trouver une solution permettant le maintien de son emploi l'employeur n'a pas accompli une telle démarche et qu'il a ainsi fait perdre à M.G... une chance de conserver son emploi. S'il est exact qu'aucune disposition légale n'obligeait la SASU ISS PROPRETE à prendre l'attache dudit service son refus d'y procéder malgré les demandes pressantes du salarié révèle une exécution défaillante de l'obligation de reclassement dans la mesure où il a négligé un moyen parmi d'autres d'y parvenir. Il sera ajouté que l'article L 1133-3 du code du travail prévoit que les différences de traitement fondées sur l'inaptitude constatée par le médecin du travail en raison de l'état de santé ou du handicap ne constituent pas une différence de traitement lorsqu'elles sont objectives, nécessaires et appropriées, l'article L 5213-6 dudit code prévoyant que le refus de l'employeur de prendre les mesures appropriées permettant au travailleur handicapé de conserver son emploi constitue une discrimination au sens de l'article L 1133-3. En l'espèce, force est de constater que nonobstant l'importance de ses effectifs et le nombre de ses métiers l'employeur ne justifie d'aucune étude de poste ou d'aménagement du poste de travail du travailleur déclaré inapte, qu'il n'a pas consulté l'organisme susceptible de l'aider à trouver une solution de reclassement et que de manière générale il n'a pas sérieusement exécuté son obligation de reclassement. Il en résulte, en application des textes susvisés, que M.G... a été victime de discrimination liée à son état de santé et à son handicap. Le licenciement sera donc annulé en application de l'article L1132-4 du code du travail. Les conséquences financières Il appert qu'à l'occasion de la rupture le salarié a perçu une indemnité compensatrice de préavis sur la base de 2 mois de salaires alors que son licenciement étant nul il avait droit à doublement dans la limite de 3 mois en sa qualité de travailleur handicapé. Le jugement entrepris, lui ayant alloué la somme de 1616,40 euros et les congés payés afférents, sera donc confirmé. En réparation de son préjudice du fait de son licenciement nul il sera tenu compte de son âge (57 ans), de son ancienneté dans l'entreprise (17 ans), de ses rémunérations de référence non discutées, de ses qualifications, de ses difficultés à retrouver un emploi et du préjudice moral causé par la perte de celui-ci. Il justifie être actuellement bénéficiaire d'une rente mensuelle d'invalidité de 942 euros. La Cour dispose, vu les justificatifs versés aux débats, d'éléments suffisants pour chiffrer l'indemnisation à la somme de 22 000 euros. » 1/ ALORS QU'interdiction est faite au juge de dénaturer les documents de la cause ; que parmi les courriels adressés entre le 23 et le 30 avril 2015 par Mme W... E..., figuraient des courriels adressés à d'autres sociétés du groupe telles que les sociétés ISS Logistique et Production et Channel Passengers Services, sans que la recherche de reclassement sollicitée par ISS Propreté n'ait été restreinte à une activité de nettoyage ; qu'en affirmant que la société ISS PROPRETE justifiait par ces courriels avoir adressé une demande de reclassement aux autres agences régionales de la société mais pas avoir recherché le reclassement du salarié au sein du groupe parmi les activités autorisant la permutation des personnels dans les autres domaines d'activité que le nettoyage, la cour d'appel a dénaturé lesdits courriels, en violation du principe susvisé ; 2/ ALORS QU'il résulte des propres constatations de l'arrêt que M. G... avait, par courrier du 30 mars 2015, déclaré s'opposer à un reclassement au-delà de la commune urbaine de Lille ; que dès lors en reprochant à la société d'avoir adressé à ses agences régionales un courrier stéréotypé de pure forme, de ne pas justifier avoir adressé ce courrier à toutes ses agences régionales, et de ne pas produire toutes les réponses de celles-ci, lorsqu'en l'état de la volonté clairement manifestée de l'intéressé de n'être reclassé que dans le périmètre de la communauté urbaine de Lille, il ne pouvait lui être reproché de ne pas avoir recherché le reclassement du salarié sur tout le territoire national, cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations en violation de l'article L 1226-10 du code du travail ; 3/ ALORS QUE l'obligation de reclassement s'effectue conformément aux préconisations du médecin du travail et en concertation avec ce dernier ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que postérieurement à l'avis d'inaptitude, par courrier du 8 avril 2015, la société avait sollicité le médecin du travail aux fins notamment de savoir « quel type de taches M. G... pourrait éventuellement effectuer sans que cela ne soit préjudiciable à sa santé » et en particulier si celui-ci devait « impérativement être reclassé sur un poste sédentaire », la société se tenant à la disposition du médecin du travail pour toute visite à l'agence afin d'envisager toute possibilité de reclassement, et que ce dernier avait, par courrier du 13 avril 2015, refusé de lui apporter la moindre réponse en se retranchant derrière son avis d'inaptitude ; que dès lors en reprochant à la société de ne pas justifier d'études de postes ou de recherches d'aménagement du poste de travail du salarié conformes aux préconisations du médecin du travail, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations desquelles il résultait l'impossibilité pour l'employeur d'envisager un aménagement du poste compte tenu du refus du médecin du travail de coopérer avec elle, en violation de l'article L 1226-10 du code du travail ; 4/ ALORS QU'aucune disposition n'impose à l'employeur qui envisage le licenciement pour inaptitude d'un salarié handicapé de saisir le SAMETH dans le cadre de son obligation de reclassement ; qu'en jugeant en l'espèce que le défaut de saisine de cet organisme en dépit de la demande du salarié caractérisait un manquement de la société à son obligation de reclassement, la cour d'appel a violé l'article L 1226-10 du code du travail ; 5/ ALORS QUE le licenciement du salarié déclaré régulièrement inapte à son poste de travail n'est pas prononcé à raison de l'état de santé du salarié ; que le manquement de l'employeur à son obligation de reclassement a pour seule conséquence de priver le licenciement de cause réelle et sérieuse ; que dès lors en jugeant que l'inexécution par la société ISS Propreté de son obligation de reclassement avait fait du salarié une victime de discrimination liée à son état de santé et à son handicap rendant son licenciement nul, la cour d'appel a violé les articles L 1132-1, L 1133-1, L 1132-4, L 5213-6 et L 1226-10 du code du travail.
Si le manquement de l'employeur à son obligation de reclassement a pour conséquence de priver de cause réelle et sérieuse le licenciement prononcé pour inaptitude et impossibilité de reclassement, l'article L. 5213-6 du code du travail dispose qu'afin de garantir le respect du principe d'égalité de traitement à l'égard des travailleurs handicapés, l'employeur prend, en fonction des besoins dans une situation concrète, les mesures appropriées pour leur permettre d'accéder à un emploi ou de conserver un emploi correspondant à leur qualification, de l'exercer ou d'y progresser ou pour qu'une formation adaptée à leurs besoins leur soit dispensée, que ces mesures sont prises sous réserve que les charges consécutives à leur mise en oeuvre ne soient pas disproportionnées, compte tenu de l'aide prévue à l'article L. 5213-10 qui peut compenser en tout ou partie les dépenses supportées à ce titre par l'employeur, et que le refus de prendre ces mesures peut être constitutif d'une discrimination au sens de l'article L. 1133-3
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SOC. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 3 juin 2020 Cassation partielle sans renvoi M. CATHALA, président Arrêt n° 423 FS-P+B sur le moyen unique du pourvoi principal Pourvoi n° U 18-16.810 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 3 JUIN 2020 1°/ la société Keolis Lyon, société anonyme, dont le siège est [...], 2°/ la société Keolis, société anonyme, dont le siège est [...], ont formé le pourvoi n° U 18-16.810 contre l'arrêt rendu le 27 mars 2018 par la cour d'appel de Grenoble (chambre sociale, section A), dans le litige les opposant au syndicat CGT des employés et ouvriers des TCL, dont le siège est [...], défendeur à la cassation. Le syndicat CGT des employés et ouvriers des TCL a formé un pourvoi incident contre le même arrêt. Les demanderesses au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Mariette, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Keolis Lyon et de la société Keolis, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat du syndicat CGT des employés et ouvriers des TCL, et l'avis de Mme Grivel, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 mars 2020 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Mariette, conseiller rapporteur, M. Schamber, conseiller doyen, Mmes Aubert-Monpeyssen, Cavrois, Monge, MM. Sornay, Rouchayrole, conseillers, M. David, Mmes Ala, Prieur, Thomas-Davost, conseillers référendaires, Mme Grivel, avocat général, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué, (Grenoble, 27 mars 2018), rendu sur renvoi après cassation (Soc., 14 décembre 2016, pourvoi n° 14-26.227), depuis le 9 décembre 2007, la société Keolis s'est vu confier, par le Syndicat mixte des transports pour le Rhône et l'agglomération lyonnaise, l'exploitation du réseau des transports en commun lyonnais. 2. A la suite de la dénonciation durant l'été 2008 de l'ensemble du statut collectif des salariés et de l'échec de la négociation collective qui s'en est suivie, elle a mis en place unilatéralement, à compter du 1er janvier 2010, de nouvelles règles applicables à l'organisation et au décompte du temps de travail. 3. Contestant ces nouvelles mesures, le syndicat CGT des employés et ouvriers des transports en commun lyonnais (le syndicat), a saisi le tribunal de grande instance de diverses demandes. Examen des moyens Sur le second moyen du pourvoi incident du syndicat, ci-après annexé : 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen du pourvoi incident du syndicat : Enoncé du moyen 5. Le syndicat fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement en ce qu'il le déboute de ses demandes tendant à voir dire que l'organisation du travail sous forme de cycles mise en place par la société est illicite, alors : « 1°/ qu'il résulte des article 2 et 3 du décret n° 2000-118 du 14 février 2000 que, pour les salariés des entreprises de transport public urbain de voyageurs, la durée hebdomadaire du travail d'une durée de trente-cinq heures peut être calculée en moyenne sur un cycle d'organisation du travail dont la durée ne saurait excéder douze semaines ; que si l'article 3 de ce décret prévoit que la répartition de la durée du travail ne doit pas nécessairement se répéter à l'identique d'un cycle à l'autre, il ne permet pas à l'employeur de faire varier discrétionnairement les horaires et les repos en cours de cycle ; qu'un tel système de régulation du temps de travail s'analyse en une modulation, qui ne peut être mise en place que par un accord de branche étendu ou un accord d'entreprise ou d'établissement, en application de l'article 4 du même décret ; qu'en énonçant que le syndicat ne pouvait valablement soutenir que l'organisation du travail mise en place dans l'entreprise imposait la conclusion d'un accord collectif, tout en constatant que l'employeur imposait des ajustements en cours de cycle en modifiant la programmation des horaires et des repos, ce dont il résultait que cette organisation constituait un dévoiement du cycle et s'analysait en une modulation du temps de travail qui ne pouvait être mise en place de manière unilatérale, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation des articles 2, 3 et 4 du décret n° 2000-118 du 14 février 2000 ; 2°/ que les cycles d'organisation du travail visés par les articles 2 et 3 du décret n° 2000-118 du 14 février 2000 sont régis par le principe de l'horaire collectif ; que l'individualisation de l'horaire en dehors du cadre hebdomadaire n'est possible que dans le système de modulation ; qu'en énonçant que le syndicat ne pouvait valablement soutenir que l'organisation du travail mise en place dans l'entreprise imposait la conclusion d'un accord collectif, tout en constatant que cette organisation aboutissait, par l'utilisation des journées dites « décalées », à des changements d'horaires individuels, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé derechef les articles 2, 3 et 4 du décret n° 2000-118 du 14 février 2000 ; 3°/ que le système de journées « décalées » n'est pas plus favorable aux salariés que les prescriptions de l'article 3 du décret n° 2000-118 du 14 février 2000, qui prévoient un délai de prévenance de sept jours sauf cas d'urgence ; qu'en jugeant le contraire par motifs éventuellement adoptés, la cour d'appel a violé cet article. » Réponse de la Cour 6. Le décret du 14 février 2000 relatif à la durée du travail dans les entreprises de transport public urbain de voyageurs prévoit, en ses articles 2 et 3 que l'organisation du travail dans le cadre d'un cycle de douze semaines ne nécessite pas d'accord d'entreprise et peut tenir compte des différents niveaux d'activités de l'entreprise tels que périodes scolaires ou vacances, ce qui justifie que la répartition de la durée du travail ne se répète pas à l'identique d'un cycle à l'autre. 7. Il résulte ensuite de l'article 5 de ce texte que l'organisation par cycle n'interdit pas que celle-ci comporte pour chaque cycle des heures supplémentaires programmées par avance sous réserve de ne pas dépasser la moyenne de 42 heures sur le cycle de douze semaines et 46 heures dans une même semaine, ce qui justifie la possibilité de cycles dépassant la moyenne de 35 heures et comportant par avance des heures supplémentaires. 8. Enfin, il résulte des articles 3, relatif à la mise en place du cycle d'organisation du travail et 9, relatif au repos hebdomadaire, d'une part, que les horaires de travail du salarié peuvent être modifiés en cas d'urgence sans qu'il soit besoin pour l'employeur de respecter le délai de prévenance prévu par le premier de ces articles, et d'autre part, que la nécessité de remplacer un salarié absent ou l'existence d'un surcroît d'activité constituent des « circonstances exceptionnelles » justifiant que l'employeur puisse déroger à l'obligation d'informer à l'avance le salarié de la date de son repos hebdomadaire afin d'être en mesure d'assurer la continuité du service public. 9. La cour d'appel a d'abord retenu que les dispositions de l'article 3 in fine du décret, en ce qu'elles prévoient, sauf en cas d'urgence, un délai de prévenance de sept jours en cas de changement d'horaires significatif ne régissaient que les changements d'horaires collectifs affectant l'ensemble d'une catégorie de personnel et n'avaient pas vocation à réglementer les changements d'horaires individuels affectant un salarié dans le cadre d'une journée de travail « décalée ». Elle a ensuite relevé que les salariés connaissaient, en début de chaque cycle, les jours dont l'amplitude horaire était susceptible d'être modifiée à la diligence de l'employeur, ces modifications horaires étant annoncées dans un délai de prévenance suffisant de 48 à 72 heures compatible avec le respect au droit à la vie privée et familiale des salariés. Elle a enfin énoncé que l'octroi de jours de repos supplémentaires en cours de cycle avait pour objet d'éviter la réalisation d'heures supplémentaires à l'intérieur du cycle mis en oeuvre par l'employeur conformément à l'article 3 du décret du 14 février 2000. 10. Elle en a exactement déduit, d'une part, que le syndicat ne pouvait contester l'organisation mise en oeuvre par la société Keolis au motif que la répartition des jours et horaires de travail varierait à l'intérieur d'un cycle et d'un cycle à l'autre et d'autre part, que cette organisation de la durée de travail par cycles, permettant un ajustement du temps de travail fluctuant même en cours de cycle, dont il ressort qu'elle ne remet pas en cause le calcul de la durée du travail et le décompte des heures supplémentaires sur un cycle de douze semaines, était conforme aux dispositions du décret du 14 février 2000. 11. Le moyen, inopérant en sa troisième branche en ce qu'il critique des motifs des premiers juges non repris par la cour d'appel, n'est donc pas fondé. Mais sur le moyen unique du pourvoi principal de l'employeur pris en sa première branche Enoncé du moyen 12. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire que le personnel roulant doit bénéficier, lorsque son temps de travail quotidien est supérieur à 6 heures, d'une coupure de 20 minutes minimum qui soit unique, bien que diversement composée ou, à défaut, en cas de raisons techniques d'exploitation, d'une période équivalente de repos compensateur attribuée au plus tard avant la fin de la journée suivante, de dire que l'organisation mise en place prévoyant que la pause quotidienne du personnel roulant est sécable, est illicite, et de le condamner à payer au syndicat CGT des employés et ouvriers des TCL la somme de 10 000 euros de dommages-intérêts en réparation de l'atteinte à l'intérêt collectif des salariés alors « que selon l'article 10 du décret n° 2000-118 du 14 février 2000 relatif à la durée du travail dans les entreprises de transport public urbain de voyageurs, le personnel dont le temps de travail quotidien est supérieur à six heures bénéficie d'une coupure d'au moins vingt minutes et que cette coupure est constituée, notamment, des temps de repas, des temps de disponibilité, des temps d'attente dans les terminus et des différents temps d'inactivité ou d'interruption déjà prévus ou intégrés dans les différentes organisations du travail d'une durée d'au moins cinq minutes consécutives ; qu'il résulte de ce texte que le temps de pause quotidien de vingt minutes est sécable en plusieurs périodes d'inactivité dès lors que ces périodes sont d'une durée minimale de cinq minutes ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé le texte susvisé. » Réponse de la Cour Vu l'article 10 § 1 du décret n° 2000-118 du 14 février 2000 relatif à la durée du travail dans les entreprises de transport public urbain de voyageurs : 13. Selon ce texte, qui concerne le régime des coupures des personnels roulants, tout salarié dont le temps de travail quotidien est supérieur à 6 heures bénéficie d'une coupure d'au moins 20 minutes. Cette coupure est constituée, notamment, des temps de repas, des temps de disponibilité, des temps d'attente dans les terminus et des différents temps d'inactivité ou d'interruption déjà prévus ou intégrés dans les différentes organisations du travail d'une durée d'au moins cinq minutes consécutives. Pour des raisons techniques d'exploitation, la période de coupure peut être remplacée par une période équivalente de repos compensateur attribuée au plus tard avant la fin de la journée suivante. 14. Il résulte de ces dispositions que la coupure d'une durée de 20 minutes prévue pour les salariés dont le temps de travail quotidien est supérieur à 6 heures peut être fractionnée en plusieurs périodes d'inactivité dès lors que ces périodes sont d'une durée minimale de 5 minutes. 15. Pour dire que le système mis en oeuvre par la société Keolis pour le personnel roulant, de fractionnement de la pause de 20 minutes est contraire à l'article 10 du décret du 14 février 2000, l'arrêt énonce que s'il ressort de l'article 10 de ce décret que la coupure du personnel roulant peut être constituée de l'addition de divers temps (temps de repas, temps de disponibilité, temps d'attente ou autres temps d'inactivité), la formulation de ce texte, marqué par l'emploi du terme « coupure » au singulier ne permet pas que cette coupure puisse être scindée en plusieurs séquences dont la durée cumulée ne peut être inférieure à 20 minutes. 16. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Portée et conséquences de la cassation 17. La cassation à intervenir sur le moyen unique du pourvoi de l'employeur entraîne, par voie de conséquence, la cassation du chef de dispositif se rapportant à la condamnation de la société Keolis aux dépens et à l'allocation au syndicat d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 18. En application de l'article 1015 du code de procédure civile, avis a été donné aux parties qu'il est fait application des articles L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 19. En effet, la Cour de cassation est en mesure de mettre fin au litige, la cassation encourue n'impliquant pas qu'il soit à nouveau statué sur le fond, de sorte qu'il n'y a pas lieu à renvoi. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE mais seulement en ce qu'il : 1° / dit que le personnel roulant de la société Keolis doit bénéficier, lorsque son temps de travail quotidien est supérieur à six heures, d'une coupure de 20 minutes minimum qui soit unique bien que diversement composée ou à défaut, en cas de raisons techniques d'exploitation, d'une période équivalente de repos compensateur attribuée au plus tard avant la fin de la journée suivante, 2°/ dit que l'organisation mise en place par la société Keolis, prévoyant que la pause quotidienne du personnel roulant est sécable est illicite, 3°/ condamne la société Keolis à payer au syndicat CGT la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts, 4°/ condamne la société Keolis aux dépens et à payer au syndicat CGT la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 27 mars 2018, entre parties, par la cour d'appel de Grenoble ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; Déboute le syndicat CGT des employés et ouvriers des transports en commun lyonnais de ses demandes relatives au temps de pause ; Condamne le syndicat CGT des employés et ouvriers des transports en commun lyonnais aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, signé et prononcé par le président et par Mme Pontonnier, greffier de chambre, en l'audience publique du trois juin deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Keolis Lyon et la société Keolis. Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que le personnel roulant doit bénéficier, lorsque son temps de travail quotidien est supérieur à 6 heures, d'une coupure de 20 minutes minimum qui soit unique, bien que diversement composée ou, à défaut, en cas de raisons techniques d'exploitation, d'une période équivalente de repos compensateur attribuée au plus tard avant la fin de la journée suivante, d'avoir dit que l'organisation mise en place par la société Keolis prévoyant que la pause quotidienne du personnel roulant est sécable, est illicite, et d'avoir condamné la société Keolis à payer au syndicat CGT des employés et ouvriers des TCL la somme de 10.000 € de dommages-intérêts en réparation de l'atteinte à l'intérêt collectif des salariés ; AUX MOTIFS QUE « l'organisation du système de pause mise en place unilatéralement par la société Keolis au sein de l'entreprise se caractérise par: - l'attribution au profit du personnel non-roulant d'une pause de vingt minutes au moins dès que le temps de travail quotidien est supérieur à six heures continues, - l'attribution au profit du personnel roulant d'une pause d'au moins vingt minutes dès que le temps de travail est supérieur à six heures étant précisé que cette pause, en fonction des conditions d'exploitation, est scindable en période minimale de 5 minutes lesquelles peuvent être notamment constituées des temps de repas, des temps d'attente dans les terminus et des différents temps d'inactivité ou d'interruption déjà prévus ou intégrés dans les différentes organisations du travail, que la pause pourra être positionnée sur les temps de battement étant précisé qu'ils constituent du temps de travail effectif, que la direction ne souhaite pas remplacer cette pause par une période de repos équivalente attribuée au plus tard avant la fin de la journée suivante. Il n'est pas justifié par le syndicat CGT que durant les temps de battement, considérés comme du temps de travail effectif pour la rémunération et le décompte du temps de travail, les salariés doivent se tenir à la disposition de l'employeur et ne peuvent vaquer à leurs obligations personnelles. Dès lors, le syndicat CGT ne peut contester l'organisation du temps de pause par l'employeur à raison de l'intégration de ces temps de battement dans le temps de pause. L'article 10 du décret du 14 février 2000 prévoit: - que les personnels roulants dont le temps de travail quotidien est supérieur à six heures bénéficient d'une coupure d'au moins vingt minutes, que cette coupure est constituée, notamment, des temps de repas, des temps d'indisponibilité, des temps d'attente dans les terminus et des différents temps d'inactivité ou d'interruption déjà prévus ou intégrés dans les différentes organisations du travail d'une durée d'au moins cinq minutes consécutives et que pour des raisons techniques d'exploitation, la période de coupure peut être remplacée par une période équivalente de repos compensateur attribuée au plus tard avant la fin de la journée suivante, - que le régime des coupures des personnels autres que les personnels roulants est fixé par l'article L. 220-2 du code du travail (devenu l'article L. 3121-16 du code du travail suite à la loi 2016-1088 du 8 août 2016). Il s'ensuit que les personnels non-roulants bénéficient, sans aucune dérogation, d'un temps de pause d'une durée minimale de vingt minutes consécutives dès que le temps de travail quotidien atteint six heures alors qu'il peut être dérogé au principe du temps de pause pour les personnels roulants, pour des raisons techniques d'exploitation, et à la condition que la période de coupure soit remplacée par une période équivalente de repos compensateur attribuée au plus tard avant la fin de la journée suivante. Par ailleurs, s'il en ressort que la coupure du personnel roulant peut être constituée de l'addition de divers temps (temps de repas, des temps de disponibilité, des temps d'attente ou autres temps d'inactivité ou d'interruption), il ne résulte pas de la formulation de l'article 10 précité, marquée par l'emploi du terme « coupure » au singulier, et qui ne comprend aucune indication expresse ou implicite autorisant la scission de cette pause, que la coupure du personnel roulant peut être scindée en plusieurs pauses dont la durée cumulée ne peut être inférieure à 20 mn. De surcroît, si la directive du 2003/88/CE du Parlement et du Conseil concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail prévoit, en son article 17, qu'il peut être dérogé aux prescriptions de l'article 4 relatif journalier, dans les entreprises de transport de voyageurs sur les services de transports urbains réguliers à condition que soit accordée des périodes équivalentes de repos compensateur ou, dans des cas exceptionnels, une protection appropriée et renvoie aux conventions collectives ou accords conclus entre partenaires sociaux ou, à défaut, par la législation nationale pour définir la durée et les conditions d'octroi de la pause quotidienne, les conditions de mise en oeuvre de cette pose journalière doivent s'interpréter à la lumière du texte et de la finalité de la directive. En l'espèce, la directive en question rappel en son préambule que l'amélioration de la sécurité, de l'hygiène et de la santé au travail représente un objectif qui ne saurait être subordonné à des considérations économiques et que tous les salariés heures doivent disposer de périodes de repos suffisantes. Le fractionnement en plusieurs temps de pause de la pause quotidienne due au personnel roulant ne leur permet pas de bénéficier d'un temps de repos suffisant garantissant la santé et leur sécurité. L'interprétation du décret du 14 février 2000 proposée par la société Keolis et qui permettrait, selon elle, de scinder le temps de pause quotidien plusieurs coupures apparaît au contraire à la lumière du texte et de la finalité de la directive. Dès lors, l'organisation du temps de pause adoptée par la société Keolis, en ce qu'elle prévoit que la pause quotidienne de 20 mn prévue au bénéfice des personnels roulants est sécable, est illicite. L'atteinte causée à l'intérêt collectif des salariés sera justement indemnisée en allouant au syndicat CFDT la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts » ; 1. ALORS QUE selon l'article 10 du décret n°2000-118 du 14 février 2000 relatif à la durée du travail dans les entreprises de transport public urbain de voyageurs , le personnel dont le temps de travail quotidien est supérieur à six heures bénéficie d'une coupure d'au moins vingt minutes et que cette coupure est constituée, notamment, des temps de repas, des temps de disponibilité, des temps d'attente dans les terminus et des différents temps d'inactivité ou d'interruption déjà prévus ou intégrés dans les différentes organisations du travail d'une durée d'au moins cinq minutes consécutives ; qu'il résulte de ce texte que le temps de pause quotidien de vingt minutes est sécable en plusieurs périodes d'inactivité dès lors que ces périodes sont d'une durée minimale de cinq minutes ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé le texte susvisé ; 2. ALORS QUE l'article 4 de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail impose aux Etats membres de prendre des mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie, au cas où le temps de travail est supérieur à six heures, « d'un temps de pause dont les modalités, et notamment la durée et les conditions d'octroi, sont fixées par des conventions collectives [ ] ou, à défaut, par la législation nationale » ; qu'il résulte de l'article 17 du même texte qu'il peut être dérogé à l'article 4 par voie législative, réglementaire ou administrative ou, par voie conventionnelle, « pour les activités caractérisées par la nécessité d'assurer la continuité du service ou de la production, notamment lorsqu'il s'agit [ ] des travailleurs concernés par le transport de voyageurs sur des services de transport urbain régulier » ; que l'article 10 du décret du 14 février 2000 prévoit que les personnels roulants dont le temps de travail quotidien est d'au moins six heures bénéficient d'une coupure d'au moins 20 minutes et précise que cette coupure est « constituée, notamment des temps de repas, des temps de disponibilité, des temps d'attente dans les terminus et des différents temps d'inactivité ou d'interruption déjà prévus ou intégrés dans les différentes organisations du travail d'une durée d'au moins cinq minutes » ; que ce texte précise, enfin, que « pour des raisons techniques, la coupure peut être remplacée par une période équivalente de repos compensateur » ; qu'il résulte de ces dispositions que la directive 2003/88/CE n'a pas d'effet direct sur les modalités, notamment la durée de la pause quotidienne, et que les personnels roulants des entreprises de transport public urbain de voyageurs sont soumis à un régime spécifique d'organisation du temps de pause en vertu duquel la coupure de 20 minutes peut être scindée et résulter de l'addition de coupures d'une durée minimum de 5 minutes ; que le droit à la santé et la sécurité des travailleurs est préservé dès lors que les temps pris en compte pour la détermination de pause quotidienne doivent être d'une durée minimale de cinq minutes, ce qui permet d'éviter une dilution excessive des temps de pause et d'assurer que les salariés bénéficient de manière régulière de d'un temps d'arrêt significatif pour se reposer entre deux périodes de travail ; qu'en affirmant de manière péremptoire que le fractionnement de la pause quotidienne ne permettrait pas aux personnels roulants de bénéficier d'un temps de repos quotidien garantissant leur santé et leur sécurité et serait donc contraire à la directive 2003/88/CE, la cour d'appel a violé l'article 10 du n°2000-118 du 14 février 2000, ensemble le préambule et les articles 4 et 17 de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 ; 3. ALORS QU'en se bornant à procéder par voie d'affirmation pour énoncer que le fractionnement de la pause quotidienne ne permettrait pas aux personnels roulants de bénéficier d'un temps de repos quotidien garantissant leur santé et leur sécurité, sans exposer notamment en quoi plusieurs pauses quotidiennes d'une durée d'au moins cinq minutes seraient moins bénéfiques en terme de repos qu'une pause de 20 minutes prise en fin service ou d'un repos compensateur d'une durée équivalente pris le lendemain, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des articles 10 du n°2000-118 du 14 février 2000, du préambule et les articles 4 et 17 de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003. Moyens produits au pourvoi incident par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour le syndicat CGT des employés et ouvriers des TCL. PREMIER MOYEN DE CASSATION Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il a débouté le syndicat de ses demandes tendant à voir dire que l'organisation du travail sous forme de cycles mise en place par la société est illicite, à voire dire qu'à défaut d'accord collectif, la société ne peut mettre en place un mode d'organisation du temps de travail que sur des cycles de 12 semaines où les salariés travaillent 35 heures en moyenne par semaine sans pouvoir par avance programmer un temps de travail supérieure, à voir juger illicite la programmation de journées décalées ainsi que la régulation du temps de travail par l'attribution de journées de repos supplémentaires, et d'AVOIR débouté le syndicat de sa demande tendant à voir dire et juger que la programmation de journées décalées et la régulation du temps de travail par l'attribution de journées de repos supplémentaires sont illicites, en ce qu'elles caractérisent une modulation qui ne peut être instituée que par accord collectif. AUX MOTIFS propres QUE il ressort des articles 2 et 3 du décret 2000-118 du 14 février 2000 que, pour les salariés des entreprises de transport public urbain de voyageurs, la durée hebdomadaire du travail d'une durée de trente-cinq heures peut être calculée en moyenne sur un cycle d'organisation du travail dont la durée ne saurait excéder douze semaines ; qu'il ressort expressément de l'article 3 dudit décret que ces cycles correspondent aux différents niveaux d'activité de l'entreprise, telles que périodes scolaires ou vacances et, qu'en conséquence, la répartition de la durée du travail à l'intérieur d'un cycle ne se répète pas à l'identique d'un cycle à l'autre ; qu'il en résulte en conséquence que la répartition des jours de travail en semaine peut être différente d'un cycle sur l'autre et que le syndicat CGT ne peut contester l'organisation mise en place par la société Keolis au motif que la répartition des jours et horaires de travail varierait à l'intérieur d'un cycle et d'un cycle à l'autre ; que par ailleurs, les dispositions de l'article 3 in fine du décret, en ce qu'elles prévoient, sauf en cas d'urgence, un délai de prévenance de sept jours en cas de changement d'horaires significatifs ne régit que les changements d'horaires collectifs affectant l'ensemble d'une catégorie de personnel et n'ont pas vocation à réglementer les changements d'horaires individuels affectant un salarié dans le cadre d'une journée de travail « décalée » ; qu'il ressort de l'organisation mise en place par la société Keolis que les salariés connaissent, en début de chaque cycle, les jours dont l'amplitude horaire est susceptible d'être modifiée à la diligence de l'employeur, que par ailleurs, il ressort des conclusions du syndicat requérant que ces modifications horaires sont annoncées dans un délai de 48 à 72 heures ; que dès lors, le personnel de la société Keolis a connaissance au début de chaque cycle de douze semaines des jours dont la prise de service est susceptible d'être modifiée et sont avisés dans un délai de prévenance suffisant ; qu'une telle organisation apparaît compatible avec le respect au droit à la vie privée et familiale des salariés garanti par l'article L. 1121-1 du code du travail et l'article 8 de la Convention européenne des Droits de l'Homme ; que d'autre part, l'octroi de jours de repos supplémentaires en cours de cycle a pour objet d'éviter la réalisation d'heures supplémentaires à l'intérieur du cycle mis en oeuvre par l'employeur conformément à l'article 4 du décret du 14 février 2000 ; que le syndicat CGT ne peut en conséquence valablement soutenir que la mise en oeuvre d'une telle organisation imposait la conclusion d'un accord collectif ; que le jugement déféré en ce qu'il a dit que l'organisation du temps de travail sous forme de cycle mise en place par la société Keolis était illicite, qu'à défaut d'accord collectif, la société Keolis ne pouvait mettre en place un mode d'organisation du temps de travail que sur des cycles de 12 semaines où les salariés travaillaient 35 heures en moyenne par semaine, sans pouvoir programmer par avance un temps de travail qui serait supérieur et jugé illicite la programmation de journées décalées ainsi que la régulation du temps de travail par l'attribution de journées de repos supplémentaires, sera en conséquence infirmé. AUX MOTIFS adoptés QUE aucun texte n'interdit que des heures supplémentaires soient effectuées dans le cadre de cycles ; qu'au contraire l'accord de branche et l'article 11 du décret GAYSSOT du 14/ 2/ 2000 réglementant les cycles dans les entreprises de transport public urbain de voyageurs contiennent des dispositions relatives aux heures supplémentaires qui sont définies comme les heures dépassant la moyenne du temps de travail fixée à 35 heures et calculée en moyenne sur la période définie et pour lesquelles les dispositions du code du travail sont applicables ; qu'à défaut de dispositions légales l'interdisant, il ne peut être reproché à la société KEOLIS de prévoir la réalisation d'heures supplémentaires dès le début du cycle, dans la mesure où cette pratique demeure limitée à quelques heures sur le cycle comme c'est le cas en l'espèce ; qu'en application de l'article 3 du décret du 14/ 2/ 2000, les salariés doivent être prévenus 7 jours à l'avance sauf cas d'urgence de toute modification de leur horaire de travail ; que le système mis en place par la société KEOLIS de jours marqués XX est plus favorable aux salariés prévenus plus de 7 jours à l'avance de variations éventuelles de leurs horaires. 1° ALORS QU'il résulte des article 2 et 3 du décret n° 2000-118 du 14 février 2000 que, pour les salariés des entreprises de transport public urbain de voyageurs, la durée hebdomadaire du travail d'une durée de trente-cinq heures peut être calculée en moyenne sur un cycle d'organisation du travail dont la durée ne saurait excéder douze semaines ; que si l'article 3 de ce décret prévoit que la répartition de la durée du travail ne doit pas nécessairement se répéter à l'identique d'un cycle à l'autre, il ne permet pas à l'employeur de faire varier discrétionnairement les horaires et les repos en cours de cycle ; qu'un tel système de régulation du temps de travail s'analyse en une modulation, qui ne peut être mise en place que par un accord de branche étendu ou un accord d'entreprise ou d'établissement, en application de l'article 4 du même décret ; qu'en énonçant que le syndicat ne pouvait valablement soutenir que l'organisation du travail mise en place dans l'entreprise imposait la conclusion d'un accord collectif, tout en constatant que l'employeur imposait des ajustements en cours de cycle en modifiant la programmation des horaires et des repos, ce dont il résultait que cette organisation constituait un dévoiement du cycle et s'analysait en une modulation du temps de travail qui ne pouvait être mise en place de manière unilatérale, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation des articles 2, 3 et 4 du décret n° 2000-118 du 14 février 2000. 2° ALORS QUE les cycles d'organisation du travail visés par les articles 2 et 3 du décret n° 2000-118 du 14 février 2000 sont régis par le principe de l'horaire collectif ; que l'individualisation de l'horaire en dehors du cadre hebdomadaire n'est possible que dans le système de modulation ; qu'en énonçant que le syndicat ne pouvait valablement soutenir que l'organisation du travail mise en place dans l'entreprise imposait la conclusion d'un accord collectif, tout en constatant que cette organisation aboutissait, par l'utilisation des journées dites « décalées », à des changements d'horaires individuels, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé derechef les articles 2, 3 et 4 du décret n° 2000-118 du 14 février 2000. 3° Et ALORS QUE le système de journées « décalées » n'est pas plus favorable aux salariés que les prescriptions de l'article 3 du décret n° 2000-118 du 14 février 2000, qui prévoient un délai de prévenance de sept jours sauf cas d'urgence ; qu'en jugeant le contraire par motifs éventuellement adoptés, la cour d'appel a violé cet article. SECOND MOYEN DE CASSATION Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté le syndicat de sa demande tendant à voir dire et juger qu'à défaut pour la société Kéolis de rapporter la preuve que le personnel roulant bénéficie effectivement d'une coupure conforme au décret Perben, l'organisation mise en place pour les pauses est illicite. AUX MOTIFS inexistants. ALORS QUE le juge est tenu de motiver sa décision ; que dans ses conclusions d'appel, le syndicat soutenait qu'aucun contrôle n'était assuré par la société pour vérifier que les salariés bénéficient bien d'une pause de vingt minutes ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen péremptoire, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
Il résulte l'article 10, § 1, du décret n° 2000-118 du 14 février 2000 relatif à la durée du travail dans les entreprises de transport public urbain de voyageurs, concernant le régime des temps de pause des personnels roulants, que la coupure d'une durée de vingt minutes prévue pour les salariés dont le temps de travail quotidien est supérieur à six heures peut être fractionnée en plusieurs périodes d'inactivité dès lors que ces périodes sont d'une durée minimale de cinq minutes. Doit en conséquence être cassé l'arrêt qui retient que les cinq minutes consécutives des différents temps doivent s'additionner sans interruption pour atteindre le seuil de vingt minutes et déclare illicite le système de fractionnement de la pause mis en oeuvre par une entreprise de transport urbain de voyageurs pour le personnel roulant
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SOC. LG COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 3 juin 2020 Rejet M. CATHALA, président Arrêt n° 425 FS-P+B Pourvoi n° M 18-24.945 Aide juridictionnelle totale en demande au profit de Mme U... . Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 18 octobre 2018. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 3 JUIN 2020 M. W... U... , domicilié [...] , a formé le pourvoi n° M 18-24.945 contre l'arrêt rendu le 22 septembre 2017 par la cour d'appel de Lyon (chambre sociale B), dans le litige l'opposant à la société Sofres Lyon, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Ala, conseiller référendaire, les observations de Me Isabelle Galy, avocat de M. U... , et l'avis de Mme Grivel, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 mars 2020 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Ala, conseiller référendaire rapporteur, M. Schamber, conseiller doyen, Mmes Aubert-Monpeyssen, Cavrois, Monge, M. Rouchayrole, Mme Mariette, conseillers, M. David, Mmes Prieur, Thomas-Davost, conseillers référendaires, Mme Grivel, avocat général, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 22 septembre 2017), M. U... a été engagé le 1er juillet 1999 par la société Sofres Lyon en qualité de chargé d'enquête intermittent à garantie annuelle. L'annexe enquêteurs du 16 décembre 1991 attachée à la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987 dite Syntec s'appliquait à la relation de travail. 2. Après autorisation de l'inspecteur du travail sollicitée en raison de sa qualité de salarié protégé, M. U... a été licencié le 29 octobre 2009. 3. Il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes. Examen du moyen Sur le moyen pris en ses trois dernières branches, ci-après annexé 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui, en sa quatrième branche est irrecevable et, en ses deuxième et troisième branches, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 5. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de requalification du contrat de travail d'enquêteur intermittent à durée indéterminée en un contrat de travail à temps complet à durée indéterminée alors « que l'absence de mention dans le contrat de travail intermittent des dispositions d'adaptation prévues par voie d'accord collectif, lorsque les périodes travaillées ne peuvent être définies, doit entraîner la requalification du contrat intermittent en contrat à durée indéterminée de droit commun à temps plein ; que la cour d'appel a constaté que l'annexe enquêteurs du 16 décembre 1991 à la convention collective nationale des bureaux d'études techniques prévoit que les périodes de travail n'étant pas définies au contrat, l'employeur doit respecter un délai de prévenance de trois jours, et que le contrat de travail de M. U... ne comportait pas l'ensemble des mentions imposées par l'article 8 de cette annexe et notamment le délai de prévenance de trois jours ; qu'en retenant que cette omission ne créait qu'une présomption simple de travail à temps complet, l'employeur étant admis à rapporter la preuve contraire, quand cette omission devait entraîner la requalification du contrat de travail intermittent en contrat de travail à temps plein, la cour d'appel a violé les articles 3 et 8 de l'annexe susvisée, ensemble l'article L. 212-4-9 ancien et les articles L. 3123-34 et L. 3123-38 du code du travail. » Réponse de la Cour 6. Il résulte de l'article L. 212-4-9 du code du travail, applicable au litige, que dans les cas où la nature de l'activité ne permet pas de fixer avec précision les périodes de travail et la répartition des périodes de travail au sein de ces périodes, la convention ou l'accord collectif étendu détermine les adaptations nécessaires et notamment les conditions dans lesquelles le salarié peut refuser les dates et les horaires de travail qui lui sont proposés. 7. En application de ces dispositions, l'article 3 de l'annexe enquêteurs du 16 décembre 1991 attachée à la convention Syntec, dans sa partie applicable aux chargés d'enquête intermittents à garantie annuelle, intitulé conditions d'accès, prévoit que les périodes de travail n'étant pas définies au contrat, l'employeur devra respecter un délai de prévenance de trois jours ouvrables, que toutefois, l'employeur pourra faire appel aux chargés d'enquêtes intermittents à garantie annuelle pour toutes les enquêtes qui ne permettent pas le respect de ce délai, mais dans ces cas, la non-acceptation du salarié ne pourra pas être considérée comme un refus de travail et sera sans conséquence sur la relation contractuelle entre le salarié et son employeur, et l'article 8 de ce même texte se rapportant à la forme du contrat prévoit que l'engagement du chargé d'enquête précise le délai de prévenance de trois jours ouvrables prévu à l'article 3 de la présente annexe. 8. La cour d'appel, après avoir constaté que le contrat de travail ne comportait pas de mention du délai de prévenance, a exactement retenu que l'omission d'une telle mention créée une présomption simple de travail à temps complet que l'employeur peut renverser en rapportant la preuve que le salarié n'avait pas à se tenir en permanence à sa disposition. 9. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. U... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. U... ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par le président et le conseiller le plus ancien en ayant délibéré conformément aux dispositions articles 452 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, et par Mme Pontonnier, greffier de chambre en son audience publique du trois juin deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par Me Isabelle Galy, avocat aux Conseils, pour M. U... Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. U... de sa demande de requalification du contrat de travail d'enquêteur intermittent à durée indéterminée en un contrat de travail à temps complet à durée indéterminée, AUX MOTIFS QUE « l'ordonnance n° 86-948 du 11 août 1986 a introduit dans les articles L. 212-4-8 et L. 212-4-9 du code du travail les dispositions suivantes : Article L. 212-4-8 Dans les entreprises, professions ou organismes mentionnés à l'article L. 212-4-1 pour lesquels une convention ou un accord collectif étendu le prévoit, des contrats de travail intermittent peuvent être conclus afin de pourvoir les emplois permanents, définis par cette convention ou cet accord, qui par nature comportent une alternance de périodes travaillées et de périodes non travaillées. Article L. 212-4-9 Le contrat de travail intermittent est un contrat à durée indéterminée. Ce contrat doit être écrit. Il mentionne notamment 1° La qualification du salarié, 2° Les éléments de la rémunération, 3° La durée annuelle minimale de travail du salarié, 4° Les périodes pendant lesquelles celui-ci travaille, 5° La répartition des heures de travail à l'intérieur de ces périodes. Les heures dépassant la durée annuelle minimale fixée au contrat ne peuvent excéder le quart de cette durée. Dans les cas où la nature de l'activité ne permet pas de fixer avec précision les périodes de travail et la répartition des heures de travail au sein de ces périodes, la convention ou l'accord collectif étendu détermine les adaptations nécessaires et notamment les conditions dans lesquelles le salarié peut refuser les dates et les horaires de travail qui lui sont proposés. Que les articles L. 212-4-8 et L. 212-4-9 du code du travail ont été abrogés par la loi n° 93-1313 du 20 décembre 1993, dont l'article 43 a cependant maintenu en vigueur les dispositions des conventions ou accords collectifs conclus en application des articles L. 2124-8 et suivants ; Attendu que l'annexe enquêteurs du 16 décembre 1991 à la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, étendue par arrêté du 27 avril 1995, a défini le statut des chargés d'enquête intermittents à garantie annuelle dont l'activité s'exerçait dans le cadre du travail intermittent tel qu'il était défini aux articles L. 212-4-8 et suivants du code du travail ; que selon l'accord du 16 décembre 1991, la nature des activités d'enquête et de sondage ne permet pas de connaître avec précision les périodes de travail et la répartition des heures de travail au sein de ces périodes ; que les périodes de travail n'étant pas définies au contrat, l'employeur doit respecter un délai de prévenance de trois jours ouvrables, l'enquêteur ayant la faculté d'accepter ou de refuser chacune des enquêtes qui lui sont proposées, sous réserve des dispositions de l'article 25 ; que l'engagement d'un chargé d'enquête intermittent à garantie annuelle doit être constaté par un écrit faisant référence aux dispositions de la convention et précisant notamment la qualification du salarié, les éléments de sa rémunération, le montant de sa garantie annuelle, le délai de prévenance de trois jours ouvrables prévus à l'article 3 de l'annexe ; Qu'en l'espèce, se fondant sur les articles L. 3123-31 et suivants du code du travail postérieurs à la période couverte par le litige, et sur trois arrêts rendus par la Cour d'appel de Versailles le 17 décembre 2013, dont il omet de préciser qu'ils ont été cassés par des arrêts de la Cour de cassation du 17 septembre 2015, W... U... sollicite la requalification de son contrat de travail en contrat à durée indéterminée à temps complet de droit commun aux motifs que le contrat de travail du 15 juillet 1999 ne contient aucune répartition des horaires de travail et ne rappelle pas le délai de prévenance de trois jours prévu par l'article 8 de l'annexe enquêteurs ; qu'il ajoute que la S.A.R.L. SOFRES LYON n'a pas davantage respecté l'article 10 de l'annexe selon lequel le chargé d'enquête intermittent à garantie annuelle dispose d'une certaine liberté pour effectuer sa tâche ; que l'absence de mention de la répartition des horaires ne saurait cependant entraîner la requalification du contrat de travail intermittent au regard des dispositions légales et conventionnelles rappelées ci-dessus ; que la nature de l'activité ne permettant pas de fixer avec précision les périodes de travail et la répartition des heures de travail au sein de ces périodes, l'accord du 16 décembre 1991 (annexe enquêteurs) a déterminé, conformément aux prescriptions de l'article L. 212-4-9 du code du travail, alors applicables, les conditions dans lesquelles le salarié peut refuser les dates et les horaires de travail qui lui sont proposés et fait obligation à l'employeur de mentionner dans le contrat de travail le délai de prévenance de trois jours ouvrables prévu à l'article 3 de l'annexe ; que la lecture du contrat intermittent de W... U... permet de constater que la S.A.R.L SOFRES LYON a omis d'y faire figurer l'ensemble des mentions imposées par l'article 8 de cette annexe et notamment le délai de prévenance ; que cette omission ne créée cependant qu'une présomption simple de travail à temps complet, l'employeur étant admis à rapporter la preuve contraire ; que pour ce faire, la S.A.R.L. SOFRES LYON se réfère aux missions communiquées par le salarié (pièces n° 3) pour y rechercher la preuve de ce qu'un contrat d'enquête spécifique était délivré pour chaque mission, au moins trois jours à l'avance, au salarié qui avait la possibilité de refuser celle-ci que l'examen des contrats d'enquête confirme que les propositions étaient transmises à W... U... plus de trois jours et jusqu'à dix jours à l'avance et qu'en cas d'acceptation, le salarié devait remplir et signer un exemplaire du contrat ; qu'il restait donc libre de refuser, ce qu'il a d'ailleurs fait à plusieurs reprises en 2007 ; qu'il n'était donc pas tenu de rester en permanence à la disposition de son employeur pour l'accomplissement d'une prestation de travail ; qu'enfin, le non-respect éventuel de l'article 10 de l'annexe enquêteurs, concernant les conditions d'exécution des travaux, n'est pas davantage susceptible d'entraîner la requalification du contrat de travail intermittent ; qu'au demeurant, l'appelant ne démontre pas qu'il était placé sous la surveillance permanente de superviseurs. Qu'en conséquence, W... U... doit être débouté de sa demande de rappel de salaire sur la base d'un temps plein de juin 2004 à mai 2007 et d'indemnité de congés payés afférente » (arrêt p. 4-6), 1°) ALORS QUE l'absence de mention dans le contrat de travail intermittent des dispositions d'adaptation prévues par voie d'accord collectif, lorsque les périodes travaillées ne peuvent être définies, doit entraîner la requalification du contrat intermittent en contrat à durée indéterminée de droit commun à temps plein ; que la cour d'appel a constaté que l'annexe enquêteurs du 16 décembre 1991 à la convention collective nationale des bureaux d'études techniques prévoit que les périodes de travail n'étant pas définies au contrat, l'employeur doit respecter un délai de prévenance de trois jours, et que le contrat de travail de M. U... ne comportait pas l'ensemble des mentions imposées par l'article 8 de cette annexe et notamment le délai de prévenance de trois jours ; qu'en retenant que cette omission ne créait qu'une présomption simple de travail à temps complet, l'employeur étant admis à rapporter la preuve contraire, quand cette omission devait entraîner la requalification du contrat de travail intermittent en contrat de travail à temps plein, la cour d'appel a violé les articles 3 et 8 de l'annexe susvisée, ensemble l'article L. 212-4-9 ancien et les articles L. 3123-34 et L. 3123-38 du code du travail ; 2°) ALORS QU'en outre, l'article 3 de l'annexe enquêteurs du 16 décembre 1991 à la convention collective nationale de bureaux d'études techniques dispose que « les périodes de travail n'étant pas définies au contrat, l'employeur devra respecter un délai de prévenance de trois jours ouvrables. Toutefois, l'employeur pourra faire appel aux chargés d'enquêtes intermittents à garantie annuelle pour toutes les enquêtes qui ne permettent pas le respect de ce délai, mais dans ces cas la non acceptation du salarié ne pourra être considérée comme un refus de travail et sera sans conséquence sur la relation contractuelle entre le salarié et son employeur » ; que l'article 25 dispose que « le fait d'avoir refusé ou de ne pas avoir exécuté des travaux représentant au total un montant équivalent à la moitié de la garantie minimum par période définie à l'article 5, sur une période de douze mois consécutifs, exception faite des travaux refusés au cours des périodes de congés et de maladie ou d'accident, sera considérée comme la manifestation de la volonté du salarié de ne plus exécuter les obligations résultant du contrat de travail. Il peut constituer par là-même une faute grave entraînant la rupture sans indemnité du contrat de travail » ; qu'il résulte de ces dispositions que le refus du salarié d'accepter une enquête proposée avec un délai de préavis de trois jours est considéré comme un refus de travail pouvant entraîner son licenciement pour faute grave ; que la cour d'appel a constaté elle-même que l'autorisation du licenciement de M. U... par l'inspection du travail était motivée par son refus de reprendre son activité professionnelle depuis le 21 mai 2007 ; qu'en retenant, pour rejeter la demande de M. U... en requalification de son contrat de travail, que les propositions d'enquête lui étaient transmises plus de trois jours à l'avance, que M. U... était libre de refuser ce qu'il avait d'ailleurs fait à plusieurs reprises en 2007, et qu'il n'était donc pas tenu de rester en permanence à la disposition de son employeur, la cour d'appel a violé les dispositions susvisées, ensemble l'article L. 212-4-9 ancien et les articles L. 3123-34 et L. 3123-38 du code du travail ; 3°) ALORS QUE comme le faisait valoir M. U... dans ses conclusions d'appel, son contrat de travail intermittent stipulait : « vous vous engagez à accepter indifféremment des études de journée, du soir et du samedi », ce dont il résultait qu'il était tenu de se tenir constamment à la disposition de son employeur ; qu'en retenant que le salarié restait libre de refuser les missions d'enquête qui lui étaient proposées et qu'il n'était donc pas tenu de rester en permanence à la disposition de son employeur, la cour d'appel a dénaturé la clause précitée claire et précise du contrat de travail de M. U... , et a violé l'article 1134 du code civil en sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ; 4°) ALORS QUE le contrat de travail intermittent doit faire mention de la durée annuelle du travail, l'adaptation à laquelle il peut être procédé par voie d'accord collectif en application de l'article L. 212-4-9 alinéa 2 du code du travail en sa rédaction applicable en l'espèce, ne portant que sur les périodes de travail et la répartition des heures de travail au sein de ces périodes ; qu'en l'espèce, M. U... soutenait que son contrat de travail intermittent ne mentionnait pas la durée annuelle du travail ; que pour le débouter de sa demande de requalification, la cour d'appel a retenu que son contrat de travail intermittent ne comportait pas le délai de prévenance de trois jours prévu par l'annexe enquêteurs du 16 décembre 1991 à la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, que cette omission ne créait cependant qu'une présomption simple de travail à temps complet et que l'examen des contrats d'enquête confirmait que les propositions lui étaient transmises plus de trois jours à l'avance ; qu'en statuant ainsi, sans qu'il résulte de ses constatations que l'employeur établissait la durée annuelle minimale du travail convenue, la cour d'appel a violé les textes susvisés, ensemble les articles L. 3123-34 et L. 3123-38 du code du travail.
Le défaut de mention, dans le contrat de travail d'un salarié engagé en qualité de chargé d'enquête intermittent à garantie annuelle, du délai de prévenance de trois jours ouvrables prévu par les dispositions de l'article 3 de l'annexe 4-2 de l'annexe enquêteurs du 16 décembre 1999 attachée à la convention collective nationale des bureaux d'étude techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987, crée une présomption simple de travail à temps complet que l'employeur peut renverser en rapportant la preuve que le salarié n'avait pas à se tenir en permanence à sa disposition
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SOC. LG COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 3 juin 2020 Cassation partielle M. CATHALA, président Arrêt n° 426 FS-P+B sur le moyen unique du pourvoi n° Z 18-19.391 Pourvois n° W 18-18.836 Z 18-19.391 JONCTION R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 3 JUIN 2020 I. Mme G... M..., domiciliée [...], a formé le pourvoi n° W 18-18.836 contre un arrêt rendu le 25 avril 2018 par la cour d'appel de Bastia (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Arcosur, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...], prise en son établissement secondaire, sis [...], défenderesse à la cassation. II. La Société Arcosur, société à responsabilité limitée, a formé le pourvoi n° Z 18-19.391 contre le même arrêt rendu entre les mêmes parties, dans le litige l'opposant : 1°/ à Mme G... M..., 2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [...], défendeurs à la cassation. La demanderesse au pourvoi n° W 18-18.836 invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. La demanderesse au pourvoi n° Z 18-19.391 invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation également annexés au présent arrêt. Les dossiers ont été communiqués au procureur général. Sur le rapport de Mme Prieur, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme M..., de la SARL Meier-Bourdeau Lécuyer et associés, avocat de la société Arcosur, et l'avis de Mme Grivel, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 mars 2020 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Prieur, conseiller référendaire rapporteur, M. Schamber, conseiller doyen, Mmes Aubert-Monpeyssen, Cavrois, Monge, MM. Sornay, Rouchayrole, Mme Mariette, conseillers, M. David, Mmes Ala, Thomas-Davost, conseillers référendaires, Mme Grivel, avocat général, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Jonction En raison de leur connexité, les pourvois n° 18-18.836 et 18-19.391 sont joints ; Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme M... a été engagée par la société Méditerranéenne de sécurité, devenue Arcosur, en qualité d'agent d'exploitation de sûreté aéroportuaire ; que la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité du 15 février 1985 était applicable à la relation de travail ; que la salariée a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ; Sur le premier moyen du pourvoi de la salariée : Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires liées au temps de travail réalisé pendant ses pauses journalières et des congés payés afférents, alors, selon le moyen : 1°/ qu'aux termes de l'article L. 3121-1 du code du travail, constitue du temps de travail effectif, le temps pendant lequel le salarié est tenu de rester sur le lieu de travail, en tenue de travail, afin de répondre à toute nécessité d'intervention, de telle sorte qu'il ne peut vaquer librement à des occupations personnelles ; que Mme M... exposait dans ses écritures d'appel qu'elle devait rester sur son lieu de travail et en tenue pendant le temps de pause, et qu'elle pouvait être appelée à tout moment, en raison notamment de l'arrivée retardée d'un avion ou de celle d'un collègue de travail ; qu'il s'en déduisait qu'elle se tenait à disposition de l'employeur pendant le temps de pause, lequel devait nécessairement être qualifié de temps de travail effectif ; qu'en énonçant dès lors que « pendant leur temps de pause, les salariés sont libres de rester dans le local de pause ou d'aller où bon leur semble et sont dans la seule obligation de présenter un comportement irréprochable et de rester en tenue de travail pour évoluer dans l'enceinte de l'aéroport » pour en déduire que « c'est à juste titre que le jugement entrepris a considéré que la salariée ne restait pas à la disposition de l'employeur et que les pauses ne devaient pas s'entendre comme du temps de travail effectif », sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si la salariée était susceptible d'être appelée à tout moment pendant le temps de pause, de sorte qu'elle se tenait en réalité à la disposition de son employeur, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 3121-1 du code du travail ; 2°/ que constitue du temps de travail effectif, le temps pendant lequel le salarié est tenu de rester sur le lieu de travail, en tenue de travail, afin de répondre à toute nécessité d'intervention, de telle sorte qu'il ne peut vaquer librement à des occupations personnelles ; que la salariée démontrait que pendant les pauses, elle était tenue de rester dans l'enceinte de l'aéroport en uniforme et était soumise à des contrôles inopinés de l'employeur au cours desquels était inspectée « la tenue durant les pauses à la vue des usagers (vestimentaire, comportement) », de sorte qu'elle ne pouvait vaquer librement à ses occupations personnelles ; qu'en décidant néanmoins, pour débouter la salariée de ses demandes, que cette dernière ne restait pas à la disposition de l'employeur et que les pauses ne devaient pas s'entendre comme du temps de travail effectif, sans rechercher si, pendant la durée de la pause quotidienne et malgré les contrôles inopinés, la salariée retrouvait sa liberté de vaquer à ses occupations personnelles, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 3121-1 du code du travail ; 3°/ que si la pause s'analyse en un arrêt de travail de courte durée sur le lieu de travail ou à proximité et ne constitue pas a priori un temps de travail effectif, le fait d'être expressément assujetti à un contrôle de l'employeur pendant ce laps de temps s'oppose à la qualification de temps de pause, le salarié restant dès lors à la disposition de l'employeur ; que précisément, la salariée faisait observer que lors de la pause, elle était soumise à des contrôles inopinés de l'employeur au cours desquels « la tenue durant les pauses à la vue des usagers (vestimentaire, comportement) » était inspectée et produisait en ce sens des documents de contrôle émanant de l'employeur, lesquels envisageaient des « mesures correctives » ; qu'il en ressortait que la salariée était soumise à un contrôle effectif pendant le temps de pause, et restait dès lors à la disposition de l'employeur ; qu'en ne répondant pas à ces conclusions pourtant déterminantes du litige, et en décidant que la salariée ne restait pas à la disposition de l'employeur de sorte que les pauses ne devaient pas s'entendre comme du temps de travail effectif, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ; Mais attendu qu'ayant constaté que pendant ses temps de pause la salariée était libre de rester dans le local prévu à cet effet ou d'aller où bon lui semblait et que pesait sur elle la seule obligation de présenter un comportement irréprochable et de rester en tenue de travail pour évoluer au sein de l'aéroport, la cour d'appel, qui n'était tenue de procéder ni à une recherche qui ne lui était pas demandée ni à une recherche que ses constatations rendait inopérante, a pu en déduire que la salariée ne se trouvait pas, pendant son temps de pause, à la disposition de l'employeur ; que le moyen, qui en sa troisième branche manque par le fait qui lui sert de base, n'est pas fondé ; Sur le second moyen du pourvoi de la salariée : Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ; Mais sur le moyen unique du pourvoi de l'employeur : Vu l'article 7.01, alinéa 4, de la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité du 15 février 1985 étendue, relatif au travail les dimanches et les jours fériés ; Attendu, selon ce texte, qu'en raison du caractère spécifique de la sécurité et de la continuité de ses obligations, les parties reconnaissent la nécessité d'assurer un service de jour comme de nuit, quels que soient les jours de la semaine, que les repos hebdomadaires des salariés à temps plein sont organisés de façon à laisser deux dimanches de repos par mois, en moyenne sur une période de trois mois, les dimanches étant accolés soit à un samedi, soit à un lundi de repos ; Attendu que pour condamner l'employeur à payer à la salariée des dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par le repos hebdomadaire non pris, l'arrêt retient que la salariée devait bénéficier a minima obligatoirement de vingt-quatre dimanches de repos sur l'année et en moyenne de six week-ends par trimestre, qu'elle produit ses plannings, le récapitulatif de ses repos hebdomadaires et le décompte de ses congés payés sur la période considérée, que contrairement à ce que prétend l'employeur, son décompte modifié établi à partir de ses plannings ne comprend pas les dimanches pendant ses absences, périodes de congés ou arrêts de travail, et il en ressort qu'elle n'a pu prendre cinquante-trois dimanches de repos auxquels elle avait droit, ceci lui ouvrant droit en conséquence à des dommages-intérêts ; Qu'en statuant ainsi, alors qu'en application des dispositions conventionnelles le repos hebdomadaire dont bénéficie le salarié doit être apprécié sur une période de trois mois sans qu'il en résulte l'existence d'un contingent annuel de dimanches de repos, la cour d'appel a violé le texte susvisé ; PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Arcosur à payer à Mme M... la somme de 1 590 euros à titre de dommages-intérêts pour repos hebdomadaire non pris, l'arrêt rendu le 25 avril 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Condamne Mme M... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, signé et prononcé par le président et par Mme Pontonnier, greffier de chambre, en l'audience publique du trois juin deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez,, avocat aux Conseils, pour Mme M..., demanderesse au pourvoi n° W 18-18.836 PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué, d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les salariés de leur demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires liées au temps de travail réalisé pendant ses pauses journalières et des congés payés afférents, Aux motifs que aux termes de l'article L. 3121-33 du Code du travail, dès que le temps de travail quotidien atteint six heures, le salarié bénéficie d'un temps de pause d'une durée minimale de vingt minutes ; que des dispositions conventionnelles plus favorables peuvent fixer un temps de pause supérieur ; que le temps de pause s'analyse en un arrêt de travail de courte durée sur le lieu de travail ou à proximité ; que ce temps consacré aux pauses est considéré comme du temps de travail effectif lorsque le salarié est à la disposition de son employeur et doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ; que les seules circonstances que le salarié soit astreint au port d'une tenue de travail durant la pause ou qu'il ne puisse quitter l'établissement à cette occasion ne permet pas de considérer que ce temps constitue un temps de travail effectif ; que lorsque les salariés interviennent effectivement pendant leur temps de pause, ils ne bénéficient pas, pour ces jours-là, de leur pause, et ce temps doit être comptabilisé et payé comme travail effectif ; que le fait de rester à la disposition de l'employeur s'oppose à la qualification de temps de pause ; que en l'espèce, il ressort que pendant leur temps de pause, les salariés sont libres de rester dans le local de pause ou d'aller où bon leur semble et sont dans la seule obligation de présenter un comportement irréprochable et de rester en tenue de travail pour évoluer dans l'enceinte de l'aéroport ; que dès lors, c'est à juste titre que le jugement entrepris a considéré que la salariée ne restait pas à la disposition de l'employeur et que les pauses ne devaient pas s'entendre comme du temps de travail effectif, et le jugement sera en conséquence confirmé sur ce point ; Alors, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 3121-1 du Code du travail, constitue du temps de travail effectif, le temps pendant lequel le salarié est tenu de rester sur le lieu de travail, en tenue de travail, afin de répondre à toute nécessité d'intervention, de telle sorte qu'il ne peut vaquer librement à des occupations personnelles ; que Madame M... exposait dans ses écritures d'appel qu'elle devait rester sur son lieu de travail et en tenue pendant le temps de pause, et qu'elle pouvait être appelée à tout moment, en raison notamment de l'arrivée retardée d'un avion ou de celle d'un collègue de travail; qu'il s'en déduisait qu'elle se tenait à disposition de l'employeur pendant le temps de pause, lequel devait nécessairement être qualifié de temps de travail effectif ; qu'en énonçant dès lors que « pendant leur temps de pause, les salariés sont libres de rester dans le local de pause ou d'aller où bon leur semble et sont dans la seule obligation de présenter un comportement irréprochable et de rester en tenue de travail pour évoluer dans l'enceinte de l'aéroport » pour en déduire que « c'est à juste titre que le jugement entrepris a considéré que la salariée ne restait pas à la disposition de l'employeur et que les pauses ne devaient pas s'entendre comme du temps de travail effectif », sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si la salariée était susceptible d'être appelée à tout moment pendant le temps de pause, de sorte qu'elle se tenait en réalité à la disposition de son employeur, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 3121-1 du Code du travail ; Alors, d'autre part, que constitue du temps de travail effectif, le temps pendant lequel le salarié est tenu de rester sur le lieu de travail, en tenue de travail, afin de répondre à toute nécessité d'intervention, de telle sorte qu'il ne peut vaquer librement à des occupations personnelles ; que la salariée démontrait que pendant les pauses, elle était tenue de rester dans l'enceinte de l'aéroport en uniforme et était soumise à des contrôles inopinés de l'employeur au cours desquels était inspectée « la tenue durant les pauses à la vue des usagers (vestimentaire, comportement) », de sorte qu'elle ne pouvait vaquer librement à ses occupations personnelles; qu'en décidant néanmoins, pour débouter la salariée de ses demandes, que cette dernière ne restait pas à la disposition de l'employeur et que les pauses ne devaient pas s'entendre comme du temps de travail effectif, sans rechercher si, pendant la durée de la pause quotidienne et malgré les contrôles inopinés, la salariée retrouvait sa liberté de vaquer à ses occupations personnelles, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 3121-1 du Code du travail ; Alors, enfin, en tout état de cause, que si la pause s'analyse en un arrêt de travail de courte durée sur le lieu de travail ou à proximité et ne constitue pas a priori un temps de travail effectif, le fait d'être expressément assujetti à un contrôle de l'employeur pendant ce laps de temps s'oppose à la qualification de temps de pause, le salarié restant dès lors à la disposition de l'employeur ; que précisément, la salariée faisait observer que lors de la pause, elle était soumise à des contrôles inopinés de l'employeur au cours desquels « la tenue durant les pauses à la vue des usagers (vestimentaire, comportement) » était inspectée et produisait en ce sens des documents de contrôle émanant de l'employeur, lesquels envisageaient des « mesures correctives »; qu'il en ressortait que la salariée était soumise à un contrôle effectif pendant le temps de pause, et restait dès lors à la disposition de l'employeur ; qu'en ne répondant pas à ces conclusions pourtant déterminantes du litige, et en décidant que la salariée ne restait pas à la disposition de l'employeur de sorte que les pauses ne devaient pas s'entendre comme du temps de travail effectif, la Cour d'appel a violé les dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile. SECOND MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les salariés de leur demande en paiement d'un rappel de salaire pour inégalité de traitement et de congés payés afférents, Aux motifs propres qu'en application de la règle « à travail égal, salaire égal », l'employeur est tenu d'assurer l'égalité de la rémunération entre tous les salariés placés dans une situation identique ; qu'il ressort que Mesdames N..., T... et I... exerçaient toutes trois des fonctions au sein des services administratifs de l'entreprise ; que l'employeur justifie avoir affecté Mesdames T... et I... sur le site de l'aéroport d'Ajaccio à compter du 31 mars 2008 et à compter du 16 septembre 2010 pour Madame N... compte tenu de la situation économique précaire de la société et des impératifs de réduction des coûts de structure et de la nécessité de procéder à la réorganisation du service administratif ; que les pièces de la procédure établissent effectivement que Mesdames I... et T... ont vu leur qualification professionnelle modifiée à partir de la paye du mois d'avril 2008, ainsi que leur rémunération maintenue ; que Madame I... a continué de percevoir jusqu'en octobre 2011 une prime en raison de la sujétion liée à l'entretien des locaux du siège social de l'entreprise ; que Madame N... exerçait des fonctions de secrétaire au sein de la SARL Archoholding et a accepté le transfert de son contrat de travail suite à une réorganisation des services administratifs dans le cadre de la procédure de sauvegarde en cours ; qu'il convient ainsi de constater que l'employeur justifie la différence de rémunération du fait que Madame M... n'était pas placée dans une situation identique avec les salariés auxquels elle se compare, la différence résultant de ce que l'employeur a maintenu après la réorganisation le salaire antérieur lié aux fonctions précédemment occupées avant leur affectation sur le site de l'aéroport ; que c'est donc à juste titre que le conseil de prud'hommes a retenu que les parcours des salariés étaient totalement différents suite aux contraintes économiques ayant conduit l'employeur à modifier les contrats de travail et les fonctions exercées par les salariés en les affectant sur site, sans pratique discriminatoire ; que en conséquence, il convient de constater que Madame M..., qui ne démontre pas être dans une situation identique ou similaire à celles des trois autres salariées, n'est pas fondée à se prévaloir d'une disparité de traitement avec ces dernières, et ce qu'elles que soient les tâches auxquelles elles ont été effectivement affectées ; que le jugement entrepris sera ainsi confirmé en ce qu'il a débouté Madame M... de sa demande à ce titre ; Et aux motifs non contraires réputés adoptés que le Conseil des prud'hommes au terme du jugement ayant dire droit notifié le 8 avril 2012 demandait que soient communiqués les 60 bulletins de paye de Mesdames I..., T... et N...; qu'il résulte des documents transmis qu'à partir de la paye du mois d'avril 2008 Mesdames I... et T... voyaient leur qualification professionnelle modifiée et leur salaire maintenu ; que Madame I... continuait de percevoir jusqu'au mois d'octobre 2011 une prime en raison de la sujétion liée à l'entretien des locaux du siège social de l'entreprise ; que Madame N... exerçait à compter du mois de juillet des fonctions de secrétaire au sein de la SARL ARCOHOLDING ; qu'il était à nouveau décidé en raison d'une nouvelle restructuration des services administratifs, et dans le cadre de la procédure de sauvegarde toujours en cours, du transfert de son contrat de travail et de son affectation sur site à compter du mois de septembre 2010, contrat de transfert régularisé, après accord de l'employée, au 6 septembre 2010 ; que les parcours professionnels des salariés sont totalement différents suite aux contraintes économiques ayant conduit l'employeur à modifier les contrats de travail et les fonctions exercées par les salariés en les affectant sur site ; qu'aucune pratique discriminatoire ne peut être opposée à l'employeur ; Alors, d'une part, qu'il résulte du principe « à travail égal, salaire égal », énoncé par l'article L. 3221-2 du Code du travail, que l'employeur doit assurer l'égalité de rémunération entre tous les salariés de l'un ou l'autre sexe, pour autant que les salariés en cause sont placés dans une situation identique ou similaire; qu'aux termes de l'article L. 3221-4 du même code, sont considérés comme ayant une valeur égale, les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l'expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse; que pour débouter la salariée de sa demande, la Cour d'appel a décidé que la salariée ne démontrait pas avoir été dans une situation identique ou similaire à celles des trois autres salariées, quelles que soient les tâches auxquelles elles avaient été effectivement affectées, de sorte qu'elle n'était pas fondée à se prévaloir d'une disparité de traitement avec ces dernières ; qu'en se prononçant en ce sens, sans se livrer à une analyse comparée, des fonctions et des responsabilités de l'intéressée avec celles des autres salariées qui étaient toutes affectées à l'aéroport d'Ajaccio en qualité d'opérateurs de sûreté aéroportuaire au coefficient 160, et sans rechercher, comme il lui était demandé, si les fonctions respectivement exercées par chacune d'entre elles n'étaient pas de valeur égale à celles de l'intéressée, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 3221-2 et L. 3221-4 du Code du travail ; Alors, d'autre part, qu'il résulte du principe « à travail égal, salaire égal », énoncé par l'article L. 3221-2 du Code du travail, que l'employeur doit assurer l'égalité de rémunération entre tous les salariés de l'un ou l'autre sexe, pour autant que les salariés en cause sont placés dans une situation identique ou similaire; qu'aux termes de l'article L. 3221-4 du même code, sont considérés comme ayant une valeur égale, les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l'expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse; qu'en énonçant que l'employeur justifie la différence de rémunération du fait que Madame M... n'était pas placée dans une situation identique avec les salariés auxquels elle se compare, la différence résultant de ce que l'employeur a maintenu après la réorganisation le salaire antérieur lié aux fonctions précédemment occupées avant leur affectation sur le site de l'aéroport, la Cour d'appel s'est prononcée par des motifs inopérants, en violation de l'article L. 3221-2 du Code du travail ; Alors, en tout état de cause, qu'il résulte du principe « à travail égal, salaire égal », énoncé par l'article L. 3221-2 du Code du travail, que l'employeur doit assurer l'égalité de rémunération entre tous les salariés de l'un ou l'autre sexe, pour autant que les salariés en cause sont placés dans une situation identique ou similaire; qu'aux termes de l'article L. 3221-3 du Code du travail, constitue une rémunération au sens de ce principe, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum et tous les autres avantages et accessoires payés, directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au salarié en raison de l'emploi de ce dernier; que pour décider que Madame M... n'était pas fondée à se prévaloir d'une disparité de traitement, la Cour d'appel a énoncé que la différence de rémunération entre Madame M... et Madame I... résultait de ce que l'employeur avait maintenu, après la réorganisation, le salaire antérieur de cette dernière lié aux fonctions précédemment occupées avant son affectation sur le site de l'aéroport; qu'en se prononçant en ce sens, sans répondre aux conclusions de la salariée (p. 9 et 10) qui démontrait que Madame I... avait bénéficié dès son affectation au service de la sûreté portuaire, à compter du 31 mars 2008, d'une augmentation de son salaire horaire brut de base passé de 11,64 euros à 12,66 euros, d'une prime mensuelle de 130 euros, d'une prime diverse en avril 2008 de 1065 euros et d'une prime exceptionnelle en mars 2009 de 530 euros, et avait réalisé un nombre si élevé d'heures supplémentaires qu'il avait dépassé le seuil conventionnel de 321 heures au-delà duquel une autorisation de l'inspection du travail était obligatoire, ce dont il résultait qu'il existait une disparité de traitement avec Madame M..., agent aéroportuaire depuis 2003, qui percevait en dernier lieu un salaire horaire brut de 11,16 euros, la Cour d'appel a privé sa décision de motifs, en violation de l'article 455 du Code de procédure civile ; Alors, enfin, en tout état de cause, qu'ayant constaté que Madame N... exerçait des fonctions de secrétaire au sein de la SARL ARCOHOLDING et avait accepté le transfert de son contrat de travail à la suite d'une réorganisation des services administratifs dans le cadre de la procédure de sauvegarde en cours, la Cour d'appel a estimé que l'employeur justifiait la différence de rémunération du fait que Madame M... n'était pas placée dans une situation identique avec les salariées auxquelles elle se comparait, la différence résultant de ce que l'employeur avait maintenu, après la réorganisation, le salaire antérieur lié aux fonctions précédemment occupées avant leur affectation sur le site de l'aéroport ; qu'en se prononçant en ce sens, sans répondre aux conclusions d'appel de Madame M... (p. 10), qui démontrait que le salaire de base de Madame N... avait régulièrement augmenté pour atteindre en juin 2011 un taux horaire brut de 11,17 euros contre 10,48 à cette même date pour la salariée, qu'elle avait perçu une prime mensuelle conjoncturelle de 100 euros, passée à 104,50 euros en août 2009, outre des primes de 800 euros en mars 2009, de 570 euros en avril 2009 et de 96 euros en décembre , ce dont il résultait qu'il existait une disparité de traitement avec Madame M..., agent aéroportuaire depuis 2003, et qui percevait en dernier lieu un salaire horaire brut de 11,16 euros, la Cour d'appel a derechef privé sa décision de motifs, en violation de l'article 455 du Code de procédure civile. Moyen produit par la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat aux Conseils, pour la société Arcosur, demanderesse au pourvoi n° Z 18-19.391 IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la société Arcosur à payer à chacun des salariés une certaine somme à titre de dommages et intérêts pour repos hebdomadaire non pris ; AUX MOTIFS QUE Sur le repos hebdomadaire il est établi que les entreprises de prévention et de sécurité bénéficient d'une dérogation permanente au droit au repos dominical ; qu'aux termes des dispositions de l'article 7.01 de la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité applicable en l'espèce, « les repos hebdomadaires des salariés à temps plein sont organisés de façon à laisser deux dimanches de repos par mois en moyenne sur une période de trois mois, les dimanches étant accolés soit à un samedi, soit à un lundi de repos » ; qu'il résulte de ces dispositions que le salarié doit bénéficier a minima obligatoirement de vingt-quatre dimanches de repos sur l'année et en moyenne six week-ends par trimestre ; que les congés payés débutent le premier jour où le salarié aurait dû normalement travailler et les repos hebdomadaires ne pouvant être inclus dans les congés payés ; que Mme U... produit ses plannings, le récapitulatif de ses repos hebdomadaires et le décompte de ses congés payés sur la période considérée ; que contrairement à ce que prétend l'employeur, son décompte modifié établi à partir de ses plannings ne comprend pas les dimanches pendant ses absences, périodes de congés ou arrêts de travail, et il ressort qu'elle n'a pas pu prendre 36 dimanches de repos auxquels elle avait droit, ceci lui ouvrant droit en conséquence à des dommages et intérêts ; qu'en l'absence d'autres éléments justifiant le préjudice subi qui découle nécessairement du fait de ne pas avoir pu prendre ses repos hebdomadaires, il convient de condamner l'employeur à lui payer la somme de 1 080 euros à titre de dommages et intérêts (30 euros par jour) en réparation du préjudice subi, le jugement étant ainsi infirmé ; 1°) ALORS QU'aux termes des dispositions de l'article 7.01 de la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité, « les repos hebdomadaires des salariés à temps plein sont organisés de façon à laisser deux dimanches de repos par mois en moyenne sur une période de trois mois, les dimanches étant accolés soit à un samedi, soit à un lundi de repos » ; qu'en appliquant ces dispositions, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée par l'employeur, si les salariés concernés exerçaient bien un emploi à temps plein, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 7.01 de la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité ; 2°) ALORS QU'aux termes des dispositions de l'article 7.01 de la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité, « les repos hebdomadaires des salariés à temps plein sont organisés de façon à laisser deux dimanches de repos par mois en moyenne sur une période de trois mois, les dimanches étant accolés soit à un samedi, soit à un lundi de repos » ; qu'en jugeant qu'il résulte de ces dispositions que le salarié doit bénéficier a minima obligatoirement de vingt-quatre dimanches de repos sur l'année et en moyenne six week-ends par trimestre et que les congés payés débutent le premier jour où le salarié aurait dû normalement travailler et les repos hebdomadaires ne pouvant être inclus dans les congés payés, lorsque ce texte n'octroie nullement au salarié un contingent annuel de dimanches de repos, la cour d'appel a manifestement violé l'article 7.01 de la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité ; 3°) ALORS QU'EN TOUT ETAT, il appartient au salarié de démontrer tant l'existence que l'étendue de son préjudice résultant de la privation de ses repos hebdomadaires ; qu'en jugeant dès lors qu'en l'absence d'autres éléments justifiant le préjudice subi qui découle nécessairement du fait de ne pas avoir pu prendre ses repos hebdomadaires, il convient de condamner l'employeur à lui payer une certaine somme à titre de dommages et intérêts, sur la base de 30 euros par jour, en réparation du préjudice subi, la cour d'appel a violé les articles L. 3132-12 et R. 3132-5 du code du travail, ensemble l'article 7.01 de la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité.
Selon l'article 7.01, alinéa 4, de la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité du 15 février 1985 étendue, relatif au travail les dimanches et les jours fériés, en raison du caractère spécifique de la sécurité et de la continuité de ses obligations, les parties reconnaissent la nécessité d'assurer un service de jour comme de nuit, quels que soient les jours de la semaine. Les repos hebdomadaires des salariés à temps plein sont organisés de façon à laisser deux dimanches de repos par mois, en moyenne sur une période de trois mois, les dimanches étant accolés soit à un samedi, soit à un lundi de repos. Il s'ensuit qu'en application de ces dispositions conventionnelles dérogatoires au repos dominical, le repos hebdomadaire dont bénéficie le salarié doit être apprécié sur une période de trois mois, sans qu'il en résulte l'existence d'un contingent annuel de dimanches de repos
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SOC. LG COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 3 juin 2020 Rejet M. CATHALA, président Arrêt n° 427 FS-P+B Pourvoi n° K 18-13.628 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 3 JUIN 2020 L'association Nancy Volley Ball, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° K 18-13.628 contre l'arrêt rendu le 17 janvier 2018 par la cour d'appel de Nancy (chambre sociale), dans le litige l'opposant à M. L... E..., domicilié [...] , défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ; Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Prieur, conseiller référendaire, les observations de la SCP Spinosi et Sureau, avocat de l'association Nancy Volley Ball, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. E..., et l'avis de Mme Grivel, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 mars 2019 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Prieur, conseiller référendaire rapporteur, M. Schamber, conseiller doyen, Mmes Aubert-Monpeyssen, Cavrois, Monge, MM. Sornay, Rouchayrole, Mme Mariette, conseillers, M. David, Mmes Ala, Thomas-Davost, conseillers référendaires, Mme Grivel, avocat général, Mme Jouanneau, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Sur le moyen unique : Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 17 janvier 2018), que M. E... a été engagé par l'association Nancy Volley Ball selon contrat à durée déterminée du 25 mai 2011 pour une durée du 1er septembre 2011 au 30 juin 2013 en qualité de joueur de volley-ball, puis, par avenant du 20 août 2011 pour une durée jusqu'au 30 juin 2014 en qualité d'entraîneur-joueur ; que le 21 mars 2013, il a saisi la juridiction prud'homale de demandes en résiliation de son contrat de travail aux torts de l'employeur et en paiement de dommages-intérêts ; qu'ayant signé le 17 mai 2013 un contrat de travail avec un autre club professionnel de volley-ball, le salarié a ''pris acte'' de la rupture de son contrat de travail par lettre du 27 mai 2013 ; Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de juger que le contrat de travail le liant au salarié a été rompu le 27 mai 2013 à ses torts, dire que le salarié avait le statut de cadre, et le condamner en conséquence au paiement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail, alors, selon le moyen : 1° / que sauf accord des parties, le contrat à durée déterminée ne peut être rompu avant l'échéance du terme qu'en cas de faute grave, de force majeure ou d'inaptitude constatée par le médecin du travail ; que le salarié, qui rompt le contrat à durée déterminée sans l'accord de son employeur et sans se prévaloir de l'une des causes de rupture anticipées, en s'engageant au cours de l'exécution de celui-ci avec un nouvel employeur dans le cadre d'un autre contrat à durée déterminée, manifeste sa volonté de mettre fin de manière anticipée au contrat ; qu'en l'état de cette démission, la prise d'acte ultérieure de la rupture du contrat aux torts de l'employeur est sans effet ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui a considéré que le contrat à durée déterminée a été rompu par la prise d'acte du salarié le 27 mai 2013, tout en ayant constaté que celui-ci a signé antérieurement un contrat de travail avec un autre employeur le 17 mai 2013, de sorte que la prise d'acte ultérieure était nécessairement inopérante, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation des articles L. 1243-1, L. 1243-3 et L. 1243-4 du code du travail ; 2° / qu'en estimant que les manquements de l'employeur étaient antérieurs à la décision du salarié de s'engager auprès d'un nouvel employeur et que cette décision ne constitue pas un manquement grave du salarié, quand celui-ci avait pourtant mis fin de manière anticipée au contrat à durée déterminée sans notifier le moindre grief à son employeur et qu'il était indifférent que son comportement n'ait pas revêtu un caractère de gravité, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs inopérants et a violé articles L. 1243-1, L. 1243-3 et L. 1243-4 du code du travail ; Mais attendu, d'abord, qu'ayant constaté que l'engagement du salarié par un autre club sportif avait été précédé de la saisine, par l'intéressé, de la juridiction prud'homale en vue de la résiliation du contrat de travail en raison des manquements qu'il imputait à l'employeur, la cour d'appel a fait ressortir que cet engagement ne pouvait être considéré comme la manifestation par le salarié d'une volonté claire et non équivoque de rompre le contrat de travail ; Attendu, ensuite, que sans se déterminer par des motifs inopérants, la cour d'appel qui, prenant en considération les manquements invoqués par le salarié tant à l'appui de la demande de résiliation judiciaire devenue sans objet qu'à l'appui de la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée et analysant cette rupture anticipée à l'initiative du salarié au regard des dispositions de l'article L. 1243-1 du code du travail, a pu décider, peu important qu'elle l'ait improprement qualifiée de prise d'acte, qu'elle était justifiée par les manquements de l'employeur dont elle a fait ressortir qu'ils constituaient une faute grave ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ; PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne l'association Nancy Volley Ball aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'association Nancy Volley Ball et la condamne à payer à M. E... la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, signé et prononcé par le président et par Mme Pontonnier, greffier de chambre, en son audience publique du trois juin deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour l'association Nancy Volley Ball Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir jugé que le contrat de travail liant M. E... à l'association NANCY VOLLEY BALL a été rompu le 27 mai 2013 aux torts de cette dernière, dit que le salarié avait le statut de cadre et d'avoir en conséquence condamné l'association NANCY VOLLEY BALL au paiement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail ; Aux motifs que « s'il est vrai que M. E... a signé un contrat de travail avec un autre club le 17 mai 2013, soit avant l'envoi à l'association CLUB NANCY VOLLEY MAXEVILLE JARVILLE de sa lettre de prise d'acte de son contrat à durée déterminée, il s'avère que les manquements de l'association étaient bien antérieurs et que la décision de M. E... de s'engager dans un autre club ne constitue pas un manquement grave puisqu'il était évident que l'association CLUB NANCY VOLLEY MAXEVILLE JARVILLE n'ayant pas mis M. E... en mesure de bénéficier de la formation DESJEPS, obérait, à l'évidence, toute possibilité pour M. E... d'assumer ses fonctions d'entraîneur pour la saison 2013/2014 au sein de l'association CLUB NANCY VOLLEY MAXEVILLE JARVILLE. Le jugement entrepris est donc infirmé de ce chef » ; Alors, d'une part, que, sauf accord des parties, le contrat à durée déterminée ne peut être rompu avant l'échéance du terme qu'en cas de faute grave, de force majeure ou d'inaptitude constatée par le médecin du travail ; que le salarié, qui rompt le contrat à durée déterminée sans l'accord de son employeur et sans se prévaloir de l'une des causes de rupture anticipées, en s'engageant au cours de l'exécution de celui-ci avec un nouvel employeur dans le cadre d'un autre contrat à durée déterminée, manifeste sa volonté de mettre fin de manière anticipée au contrat ; qu'en l'état de cette démission, la prise d'acte ultérieure de la rupture du contrat aux torts de l'employeur est sans effet ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel, qui a considéré que le contrat à durée déterminée a été rompu par la prise d'acte du salarié le 27 mai 2013, tout en ayant constaté que celui-ci a signé antérieurement un contrat de travail avec un autre employeur le 17 mai 2013, de sorte que la prise d'acte ultérieure était nécessairement inopérante, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation des articles L. 1243-1, L. 1243-3 et L. 1243-4 du code du travail ; Alors, d'autre part, qu'en estimant que les manquements de l'employeur étaient antérieurs à la décision du salarié de s'engager auprès d'un nouvel employeur et que cette décision ne constitue pas un manquement grave du salarié, quand celui-ci avait pourtant mis fin de manière anticipée au contrat à durée déterminée sans notifier le moindre grief à son employeur et qu'il était indifférent que son comportement n'ait pas revêtu un caractère de gravité, la Cour d'appel s'est prononcée par des motifs inopérants et a violé articles L. 1243-1, L. 1243-3 et L. 1243-4 du code du travail. Le greffier de chambre
Selon l'article L. 1243-1, alinéa 1, du code du travail, sauf accord des parties, le contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant l'échéance du terme qu'en cas de faute grave, de force majeure ou d'inaptitude constatée par le médecin du travail. Une cour d'appel qui, prenant en considération les manquements invoqués par le salarié tant à l'appui de la demande de résiliation judiciaire devenue sans objet qu'à l'appui de la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée et analysant cette rupture anticipée à l'initiative du salarié au regard des dispositions de l'article L. 1243-1 du code du travail, peut décider, peu important qu'elle l'ait improprement qualifiée de prise d'acte, qu'elle était justifiée par les manquements de l'employeur dont elle a fait ressortir qu'ils constituaient une faute grave
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CIV. 2 CF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 4 juin 2020 Rejet M. PIREYRE, président Arrêt n° 531 F-D Pourvois n° S 18-23.248 T 18-23.249 JONCTION R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 4 JUIN 2020 I - La Société Dynamics Films Library, société anonyme, dont le siège est [...] ), a formé le pourvoi n° S 18-23.248 contre un arrêt n° RG : 17/14032 rendu le 29 mars 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 9), dans le litige l'opposant : 1°/ à Mme N... I..., domiciliée [...] ), 2°/ à Mme A... S..., domiciliée [...] , prise en qualité de liquidateur de la société Filmedis, 3°/ à la société Labrador film, dont le siège est [...] ), 4°/ à la société Intercop - International Corporate Activities, société anonyme, dont le siège est [...] ), défenderesses à la cassation. II - La Société Dynamics Films Library, société anonyme, a formé le pourvoi n° T 18-23.249 contre un arrêt n° RG : 17/09469 rendu le 19 octobre 2017 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 9), dans le litige l'opposant : 1°/ à Mme A... S..., prise en qualité de liquidateur judiciaire de la société Filmedis, 2°/ à la société Labrador film, 3°/ à la société Intercop - International Corporate Activities, société anonyme, 4°/ à Mme N... I..., défenderesses à la cassation. Mme S..., ès qualités, a formé un pourvoi incident éventuel contre l'arrêt n° RG : 17/09469. La société Intercop - International Corporate Activities et Mme I... ont formé un pourvoi incident éventuel préalable contre l'arrêt n° RG : 17/09469. La demanderesse au pourvoi n° S 18-23.248 invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. La demanderesse au pourvoi principal n° T 18-23.249 invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. La demanderesse au pourvoi incident éventuel n° T 18-23.249 invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Les demandeurs au pourvoi incident éventuel préalable n° T 18-23.249 invoquent, à l'appui de leur recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. de Leiris, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de la société Dynamics Films Library, de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de Mme I... et de la société Intercop - International Corporate Activities, de Me Bertrand, avocat de Mme S..., ès qualités, et l'avis de M. Girard, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 mars 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, M. de Leiris, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre. la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; En raison de leur connexité, les pourvois n° T 18-23.249 et n° S 18-23.248 sont joints. Faits et procédure 2. Selon les arrêts attaqués (Paris, 19 octobre 2017 et 23 mars 2018) et les productions, à la suite de l'ouverture, le 16 avril 2012, d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Filmedis, le tribunal de commerce en charge de cette procédure a prononcé, sur le fondement de l'article L. 632-2 du code de commerce, la nullité d'un acte du 25 janvier 2012, par lequel cette société, ultérieurement placée en liquidation judiciaire, avait apporté la totalité de ses actifs à une société de droit luxembourgeois Dynamics Films Library (la société DFL). 3. La société DFL a formé, le 3 août 2016, un premier appel de ce jugement, intimant Mme S..., en qualité de liquidateur judiciaire de la société Filmedis, la société Labrador Films et la société Intercorp International Corporate Activities, puis un second appel, le 5 août 2016, intimant, outre ces mêmes parties, Mme I.... 4. Par le premier arrêt attaqué, la cour d'appel a confirmé une ordonnance du conseiller de la mise en état ayant prononcé la caducité de la première déclaration d'appel, faute de conclusions dans le délai de l'article 908 du code de procédure civile. Par le second arrêt attaqué, la cour d'appel a déclaré irrecevable, comme tardif, le déféré formé par la société DFL contre une ordonnance du conseiller de la mise en état ayant prononcé la caducité de la seconde déclaration d'appel, à l'égard de Mme S..., ès qualités, et de la société Labrador Film et de la société Intercop - International Corporate Activities. Examen des moyens Sur le moyen du pourvoi principal de l'affaire n° T 18-23.249, dirigé contre l'arrêt du 19 octobre 2017 Enoncé du moyen 5. la société DFL fait grief à l'arrêt de rejeter l'ensemble des demandes formées dans son intérêt et, par voie de confirmation, de constater la caducité de la déclaration d'appel du 3 août 2016, alors « que la garantie du droit d'accès au juge ne saurait être limitée que si l'atteinte n'est pas disproportionnée au but poursuivi ; qu'en l'espèce, la société DFL soutenait qu'elle avait été mise dans l'impossibilité d'accomplir les diligences requises dans le cadre de l'appel en raison de la rétention d'information de son ancien avocat et de Mme S... qui avait fait preuve de déloyauté procédurale en n'informant pas le conseiller de la mise en état de l'existence de deux procédures parallèles et de la constitution d'un nouveau conseil dans l'instance connexe ; qu'elle en déduisait que la caducité constituait une atteinte disproportionnée dès lors qu'elle venait sanctionner une partie empêchée d'accomplir les actes de procédure lui incombant en raison de l'inertie de son avocat et de la mauvaise foi de son adversaire ; qu'en conséquence, en se bornant, pour retenir que la société DFL n'a pas été privée de son droit d'accès au juge, que « la caducité de la déclaration d'appel résultant de ce que ses conclusions n'ont pas été remises au greffe dans le délai imparti par la loi ne constitue pas une sanction disproportionnée au but d'assurer l'efficacité de la procédure d'appel » sans répondre aux conclusions de la société DFL soutenant que le défaut de diligences ne lui était aucunement imputable, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 6. Le moyen de l'appelante pris d'un défaut de diligence de l'avocat de l'intimé était inopérant, comme se prévalant d'une circonstance qui, à la supposer exacte, était postérieure à l'expiration du délai qui lui était imparti pour conclure, de sorte que la cour d'appel n'avait pas à y répondre. 7. Ayant relevé que l'avocat que la société DFL avait constitué au titre de son premier appel n'avait pas cessé ses fonctions et ne s'était pas trouvé dans l'une des hypothèses interruptives d'instance énumérées à l'article 369 du code de procédure civile, faisant ainsi ressortir que l'appelante ne s'était pas heurtée à un cas de force majeure, c'est par une décision motivée qu'elle a constaté la caducité de la déclaration d'appel faute de conclusions remises au greffe par l'appelante, établie au Luxembourg, dans un délai de cinq mois suivant sa déclaration d'appel. 8. Le moyen ne peut donc pas être accueilli. Sur le moyen du pourvoi n° S 18-23.248, dirigé contre l'arrêt du 23 mars 2018 Enoncé du moyen 9. la société DFL fait grief à l'arrêt de dire irrecevable comme tardif le déféré formé le 11 juillet 2017 à l'encontre de l'ordonnance du 8 juin 2017, alors : « 1°/ que les augmentations de délais prévues en raison de la distance s'appliquent dans tous les cas où il n'y est pas expressément dérogé ; que par ailleurs, la règle issue d'une décision postérieure à l'appel formé par une partie et conduisant à rendre cet appel irrecevable ne peut s'appliquer dès lors qu'elle aboutit à priver celle-ci d'un procès équitable ; qu'en l'espèce, la requête en déféré de l'ordonnance du conseiller de la mise en état statuant sur la recevabilité de l'appel, formée par la société DFL devait, à défaut de texte spécifique l'excluant, bénéficier du délai de distance et non être soumise au délai de quinzaine à compter du prononcé de cette ordonnance ; qu'en effet, ce n'est que le 21 mars 2018, soit postérieurement au déféré formé le 11 juillet 2017, que la Cour de cassation a tranché la question en excluant l'allongement des délais de distance en matière de déféré pour les sociétés ayant leur siège social à l'étranger ; que cette nouvelle règle, conduisant à retenir l'irrecevabilité de l'appel formé devant la cour d'appel de Paris, ne pouvait être appliquée à la présente instance en ce qu'elle privait la société DFL d'un procès équitable ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles 643 et 645 du code de procédure civile ; 2°/ que le déféré est un recours qui doit, en tant que tel, bénéficier du délai de distance prévu à l'article 643 du code de procédure civile ; qu'en décidant le contraire, motif pris de ce que « la requête en déféré est un acte de procédure qui s'inscrit dans le déroulement de la procédure d'appel et n'ouvre pas une instance autonome », la cour d'appel a derechef violé les articles 643 et 645 du code procédure civile. » Réponse de la Cour 10. Il résulte de l'article 916 du code de procédure civile que la requête en déféré est un acte de procédure, accompli par un avocat constitué pour la procédure d'appel, qui s'inscrit dans le déroulement de cette procédure et n'ouvre pas une instance autonome. Il s'en déduit que l'article 643 du code de procédure civile, qui prévoit l'augmentation des délais prévus, au profit des personnes domiciliées à l'étranger, des délais de comparution, d'appel, d'opposition, de tierce opposition, de recours en révision et de pourvoi en cassation, n'est pas applicable à cette requête. 11. Il résulte de ce qui précède que l'application à la requête en déféré de la société DFL de cette règle, fût-elle affirmée par un arrêt rendu postérieurement à cette requête (2e Civ., 11 janvier 2018, pourvoi n° 16-23.992, Bull. 2018, II, n° 3), n'était pas imprévisible pour l'appelante, représentée par un avocat, professionnel avisé, de sorte que celle-ci n'a pas été privée de son droit d'accès au juge, ni du droit à un procès équitable. 12. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, et sans s'il y ait lieu de statuer sur les pourvois incidents formés dans l'affaire n° T 18-23.249, qui sont éventuels, la Cour : REJETTE les pourvois de la société Dynamics Films Library ; La condamne aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Dynamics Films Library et la condamne à payer à Mme S..., en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Filmedis, la somme de 3 000 euros, et à la société Intercop - International Corporate Activities et à Mme I..., la somme globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du quatre juin deux mille vingt, et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyen produit au pourvoi n° S 18-23.248 par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour la société Dynamics Films Library Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit irrecevable come tardif le déféré formé le 11 juillet 2017 à l'encontre de l'ordonnance du 8 juin 2017 ; AUX MOTIFS QUE la société DFL soutient qu'ayant son siège social à l'étranger, au Luxembourg, elle bénéficie de la prorogation de deux mois prévue à l'article 643 du code de procédure civile pour régulariser un déféré contre l'ordonnance du 8 juin 2017, et que son déféré du 11 juillet 2017 est donc recevable ; que cependant et comme l'oppose Me S... èsqualités, la requête en déféré est un acte de procédure qui s'inscrit dans le déroulement de la procédure d'appel et n'ouvre pas une instance autonome de sorte que ne s'applique pas à ladite requête l'augmentation de délais prévue à l'article 643 du code de procédure civile pour les personnes domiciliées à l'étranger, lorsque la demande est portée devant une juridiction dont le siège est situé en France métropolitaine ; que dès lors et sans qu'il y ait lieu à plus amples développements, la requête en déféré doit être jugée irrecevable pour avoir été formée plus de quinze jours après la date de l'ordonnance du conseiller de la mise en état, en violation des dispositions de l'article 916 du code de procédure civile ; 1°) ALORS QUE les augmentations de délais prévues en raison de la distance s'appliquent dans tous les cas où il n'y est pas expressément dérogé ; que par ailleurs, la règle issue d'une décision postérieure à l'appel formé par une partie et conduisant à rendre cet appel irrecevable ne peut s'appliquer dès lors qu'elle aboutit à priver celle-ci d'un procès équitable ; qu'en l'espèce, la requête en déféré de l'ordonnance du conseiller de la mise en état statuant sur la recevabilité de l'appel, formée par la société DFL devait, à défaut de texte spécifique l'excluant, bénéficier du délai de distance et non être soumise au délai de quinzaine à compter du prononcé de cette ordonnance ; qu'en effet, ce n'est que le 21 mars 2018, soit postérieurement au déféré formé le 11 juillet 2017, que la Cour de cassation a tranché la question en excluant l'allongement des délais de distance en matière de déféré pour les sociétés ayant leur siège social à l'étranger ; que cette nouvelle règle, conduisant à retenir l'irrecevabilité de l'appel formé devant la cour d'appel de Paris, ne pouvait être appliquée à la présente instance en ce qu'elle privait la société DFL d'un procès équitable ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles 643 et 645 du code de procédure civile ; 2°) ALORS QU'en toute hypothèse, le déféré est un recours qui doit, en tant que tel, bénéficier du délai de distance prévu à l'article 643 du code de procédure civile ; qu'en décidant le contraire, motif pris de ce que « la requête en déféré est un acte de procédure qui s'inscrit dans le déroulement de la procédure d'appel et n'ouvre pas une instance autonome », la cour d'appel a derechef violé les articles 643 et 645 du code procédure civile. Moyen produit au pourvoi principal n° T 18-23.249 par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour la société Dynamics Films Library Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté l'ensemble des demandes formées dans l'intérêt de la société DFL et d'AVOIR, par voie de confirmation, constaté la caducité de la déclaration d'appel du 3 août 2016 ; AUX MOTIFS QUE la société DFL expose que la SCP [...] s'est constituée en lieu et place de me E... le 3 novembre 2016 dans la seconde procédure d'appel 06/17229 et le 9 mai 2017 dans l'instance initiale 16/16981 dont elle ignorait auparavant l'existence ; que c'est dans ce contexte qu'elle entend voir juger qu'à partir de la constitution en lieu et place du 3 novembre 2016, Me E... avait perdu tout pouvoir pour accomplir et recevoir des actes en son nom ; que selon elle, cette constitution emportait ses effets sur les deux procédures ; que dès et toujours selon elle, Me E... devant être considérée comme ayant cessé ses fonctions au sens de l'article 369 du code de procédure civile, l'instance se serait trouvée interrompue au profit de la société DFL à l'égard de laquelle aucune décision ne pouvait plus intervenir conformément à l'article 372 du même code ; que cependant aux termes de l'article 472, alinéa 2 du code de procédure civile, l'avocat en peut se décharger de son mandat de représentation tant qu'il n'est pas remplacé par un nouveau représentant effectivement constitué en ses lieu et place ; que la société DFL a été représentée dans l'instance relative à la première déclaration d'appel jusqu'au 9 mai 2017 par Me G... E..., puis à compter de cette date, par la SELARL [...] ; que la constitution en lieu et place dans l'instance 16/17229 n'a pas eu pour effet d'interrompre l'instance 16/16981 présentement en cause et dont elle était indépendante ; que pour les mêmes motifs, les dispositions de l'article 414 du code de procédure civile aux termes desquelles un partie n'est admise à se faire représenter par un seul avocat n'ont pas plus vocation à s'appliquer ; qu'enfin, Me E... ne s'étant pas trouvée dans une des hypothèses interruptives d'instance énumérées à l'article 369 du code de procédure civile, et n'ayant pas cessé ses fonctions, les délais impartis à l'appelante pour conclure se sont poursuivis jusqu'à leur terme ; que contrairement à ce que voudrait voir juger la société DFL, la caducité de la déclaration d'appel résultant de ce que ses conclusions n'ont pas été remises au greffe dans le délai imparti par la loi ne constitue pas une sanction disproportionnée au but d'assurer l'efficacité de la procédure d'appel ; que la société DFL n'a pas été privée de son droit d'accès au juge ; qu'en conséquence des développements qui précèdent, l'appel formé le 3 août 2016 enrôlé sous le n° 16/16481 doit être déclaré caduc, l'ordonnance déféré rendue le 3 février 2017 étant confirmée et les demandes de la société DFL rejetées ; ALORS QUE la garantie du droit d'accès au juge ne saurait être limitée que si l'atteinte n'est pas disproportionnée au but poursuivi ; qu'en l'espèce, la société DFL soutenait qu'elle avait été mise dans l'impossibilité d'accomplir les diligences requises dans le cadre de l'appel en raison de la rétention d'information de son ancien avocat et de Me S... qui avait fait preuve de déloyauté procédurale en n'informant pas le conseiller de la mise en état de l'existence de deux procédures parallèles et de la constitution d'un nouveau conseil dans l'instance connexe ; qu'elle en déduisait que la caducité constituait une atteinte disproportionnée dès lors qu'elle venait sanctionner une partie empêchée d'accomplir les actes de procédure lui incombant en raison de l'inertie de son avocat et de la mauvaise foi de son adversaire ; qu'en conséquence, en se bornant , pour retenir que la société DFL n'a pas été privée de son droit d'accès au juge, que « la caducité de la déclaration d'appel résultant de ce que ses conclusions n'ont pas été remises au greffe dans le délai imparti par la loi ne constitue pas une sanction disproportionnée au but d'assurer l'efficacité de la procédure d'appel » sans répondre aux conclusions de la société DFL soutenant que le défaut de diligences ne lui était aucunement imputable, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. Moyen produit au pourvoi incident éventuel n° T 18-23.249 par Me Bertrand, avocat aux Conseils, pour Mme S..., ès qualités Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré recevable le déféré introduit par la société Dynamics Films Library à l'encontre de l'ordonnance du 23 février 2017 ; AUX MOTIFS QUE le déféré formé à l'encontre d'une décision de caducité prononcée par le conseiller de la mise en état constitue un recours, peu important que celui-ci ne soit pas visé à l'article 643 du code de procédure civile dont les dispositions conformément à l'article 645 du même code ne sont pas limitatives et alors qu'aucune disposition expresse ne déroge à cette augmentation du délai en cas d'éloignement. Aussi, la société DFL dont le siège social est au Luxembourg bénéficiait-elle de la prorogation de deux mois prévue audit article 643 pour régulariser un déféré contre l'ordonnance du 23 février 2017, soit jusqu'au 10 mai 2017. Est à cet égard sans incidence le fait que la société DFL ait été représentée par un avocat du ressort de la cour d'appel de Paris (arrêt attaqué p. 5) ; ALORS QUE la requête en déféré est un acte de procédure qui s'inscrit dans le déroulement de la procédure d'appel et n'ouvre pas une instance autonome, de sorte que l'augmentation de délais prévue par l'article 643 du code de procédure civile pour les personnes domiciliées à l'étranger, lorsque la demande est portée devant une juridiction qui a son siège en France métropolitaine, ne s'applique pas à cette requête ; qu'en jugeant que la société Dynamics Films Library, dont le siège social est au Luxembourg, bénéficiait de la prorogation de deux mois prévue à l' article 643 pour régulariser un déféré contre l'ordonnance du 23 février 2017, la cour d'appel a méconnu le principe susvisé et a violé les articles 643 et 645 du code de procédure civile. Moyen produit au pourvoi incident éventuel préalable n° T 18-23.249 par la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat aux Conseils, pour Mme I... et la société Intercop - International Corporate Activities Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit recevable le déféré introduit par la société DFL à l'encontre de l'ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 23 février 2017 ; Aux motifs que Maître S... ès-qualités et la société Intercorp soutiennent que, conformément aux dispositions de l'article 916 du code de procédure civile, le déféré devait être formé dans un délai de 15 jours à compter de la date de l'ordonnance du 23 février 2017, soit au plus tard le 10 mars 2017 ; qu'elles entendent ainsi voir juger que la prorogation de deux mois de l'article 643 du code de procédure civile ne s'applique qu'aux délais accordés aux défendeurs résidant à l'étranger pour comparaître, et non pas au déféré qui devrait s'analyser comme « un acte de procédure fait subséquemment dans le cadre de l'appel et non comme une voie de recours », les seules prorogations de ces délais de procédure étant celles retenues à l'article 911-2 du code de procédure civile qui ne prévoit pas de prorogation pour le délai de déféré, que maître S... ajoute que la société DFL était représentée par un avocat du ressort de la cour d'appel de Paris ; que cependant, comme l'oppose la société DFL, il y a lieu au contraire de retenir que le déféré formé à l'encontre d'une décision de caducité prononcée par le conseiller de la mise en état constitue un recours, peu important que celui-ci ne soit pas visé à l'article 643 du code de procédure civile dont les dispositions, conformément à l'article 645 du même code, ne sont pas limitatives et alors qu'aucune disposition expresse ne déroge à cette augmentation du délai en cas d'éloignement ; qu'aussi, la société DFL dont le siège social est au Luxembourg bénéficiait-elle de la prorogation de deux mois prévue audit article 643 pour régulariser un déféré contre l'ordonnance du 23 février 2017, soit jusqu'au 10 mai 2017 ; qu'est à cet égard sans incidence le fait que la société DFL ait été représentée par un avocat du ressort de la cour d'appel de Paris ; que le déféré daté du 9 mai 2017 est en conséquence recevable pour avoir été formé dans le délai imparti par les textes ; (arrêt attaqué, p. 5) Alors que la requête en déféré est un acte de procédure qui s'inscrit dans le déroulement de la procédure d'appel et n'ouvre pas une instance autonome, de sorte que l'augmentation de délais prévue par l'article 643 du code de procédure civile pour les personnes domiciliées à l'étranger, lorsque la demande est portée devant une juridiction qui a son siège en France métropolitaine, ne s'applique pas à ladite requête ; qu'en décidant que la société DFL, dont le siège social est au Luxembourg, bénéficiait de la prorogation de deux mois prévue audit article 643 pour régulariser un déféré contre l'ordonnance du 23 février 2017, soit jusqu'au 10 mai 2017, la cour d'appel a violé ce texte, ensemble les articles 527 et 645 du code de procédure civile.
Il résulte de l'article 916 du code de procédure civile que la requête en déféré est un acte de procédure, accompli par un avocat constitué pour la procédure d'appel, qui s'inscrit dans le déroulement de cette procédure et n'ouvre pas une instance autonome. Il en découle que l'article 643 du code de procédure civile, qui prévoit l'augmentation des délais prévus, au profit des personnes domiciliées à l'étranger, des délais de comparution, d'appel, d'opposition, de tierce opposition, de recours en révision et de pourvoi en cassation, n'est pas applicable à cette requête
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N° H 20-81.736 P+B+I N° 979 EB2 4 JUIN 2020 CASSATION SANS RENVOI M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 4 JUIN 2020 CASSATION sur le pourvoi formé par le procureur général près la cour d'appel de Paris contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de ladite cour, en date du 26 février 2020, qui, dans l'information suivie contre M. Y... C... et autres, des chefs d'infraction à la législation sur les stupéfiants et association de malfaiteurs, a ordonné sa mise en liberté et l'a placé sous contrôle judiciaire. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de Mme Issenjou, conseiller, et les conclusions de Mme Zientara-Logeay, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 mai 2020 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Issenjou, conseiller rapporteur, M. Moreau, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. M. C... a été mis en examen le 18 septembre 2019, notamment des chefs de transport, détention, offre ou cession, acquisition sans autorisation administrative d'une substance ou plante classée comme stupéfiant, participation à un groupement formé ou une entente établie en vue de la préparation d'un ou plusieurs délits punis de dix ans d'emprisonnement, puis placé en détention provisoire. 3. Le 28 janvier 2020, une demande de mise en liberté de M. C... a été formalisée par le greffe de l'établissement pénitentiaire qui y a joint le courrier manuscrit de la personne mise en examen dans lequel celle-ci a visé l'article 148-4 du code de procédure pénale en précisant qu'elle n'avait toujours pas été entendue par le juge. 4. La demande de mise en liberté a été transmise le jour même au greffe du juge d'instruction désigné dans la déclaration signée par M.C... comme destinataire de la demande, cette déclaration mentionnant également que l'intéressé sollicitait sa comparution devant la chambre de l'instruction. 5. A réception de cette demande, le juge d'instruction a ensuite saisi le juge des libertés et de la détention, qui, par ordonnance du 3 février 2020, a rejeté la demande de mise en liberté. 6. Le 12 février 2020, M. C... a formé appel de cette ordonnance. 7. Son avocat a soutenu dans un mémoire déposé devant la chambre de l'instruction que la demande de mise en liberté, transmise par erreur au juge d'instruction qui n'était pas compétent pour la traiter, avait été réceptionnée tardivement au greffe de la chambre, au delà du délai de vingt jours dont le point de départ devait être fixé au « 31 janvier 2020 ». Examen du moyen Enoncé du moyen 8. Le moyen, pris de la violation ou fausse application des articles 148-7, 186 et 194 du code de procédure pénale, fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir remis en liberté M. C... et de l'avoir placé sous contrôle judiciaire alors « que le requérant a signé une déclaration de demande de mise en liberté qui a été transmise sans délai au greffier de la juridiction saisie du dossier, conformément à l'article 148-7 du code de procédure pénale, que la chambre de l'instruction, saisie de l'appel de l'ordonnance rejetant cette demande, devait statuer sur la recevabilité et le fondement de ce recours, conformément aux articles 186 et 194 du code de procédure pénale, et que la chambre de l'instruction n'a pas tiré les conséquences de ses constatations selon lesquelles les actes émanant du juge d'instruction et du juge des libertés et de la détention étaient sans existence juridique. » Réponse de la Cour Vu les articles 148, 148-4 et 148-7 du code de procédure pénale : 9. Il se déduit de ces textes que le délai prévu par l'article 148, dernier alinéa, du code de procédure pénale ne peut être considéré comme ayant été dépassé lorsque c'est en raison de mentions incomplètes quant à la juridiction destinataire que la demande de mise en liberté formée et signée par la personne mise en examen a été adressée au greffier de la juridiction saisie du dossier. 10. Pour décider la mise en liberté de M. C... et son placement sous contrôle judiciaire, l'arrêt attaqué énonce que la demande de mise en liberté de la personne mise en examen, enregistrée au greffe de l'établissement pénitentiaire, pourtant univoque, a été transmise par erreur au juge d'instruction, en lieu et place de la chambre de l'instruction. 11. Les juges relèvent que les actes du juge d'instruction et du juge des libertés et de la détention, non régulièrement saisis, doivent être considérés comme étant sans existence légale. 12. Les juges ajoutent qu'il résulte des dispositions combinées des articles 148 et 148-4 du code de procédure pénale que, en cas de saisine directe sur le fondement de ce dernier texte, la chambre de l'instruction se prononce dans les vingt jours de sa saisine faute de quoi la personne est mise d'office en liberté. 13. Ils en concluent que, la saisine étant du 28 janvier 2020, la cour n'a pu se prononcer dans les vingt jours de la saisine directe et que M. C... devait, en conséquence, être remis en liberté. 14. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu les textes et principes susvisés. 15. En effet, selon la déclaration formalisée le 28 janvier 2020 et dûment signée par M. C... qui en a validé le contenu, la demande de mise en liberté a été faite au juge d'instruction saisi du dossier et transmise aussitôt au greffe de ce dernier, ainsi régulièrement saisi. 16. En raison de l'effet dévolutif de l'appel formé contre l'ordonnance de rejet de demande de mise en liberté rendue par le juge des libertés et de la détention, régulièrement saisi par le juge d'instruction, il revenait à la chambre de l'instruction d'examiner le bien fondé de la détention provisoire de la personne mise en examen et de statuer sur la nécessité ou non du maintien de cette mesure au regard des énonciations de l'article 144 du code de procédure pénale. 17. La chambre de l'instruction ne pouvait ainsi fonder sa décision de mise en liberté sur le constat du dépassement du délai de vingt jours imparti par application de l'article 148-4 du code de procédure pénale, faute pour elle d'avoir été saisie, dans les formes exigées par l'article 148-7 du code de procédure pénale, d'une demande directe de mise en liberté. 18.La cassation est en conséquence encourue de ce chef. 19. N'impliquant pas qu'il soit à nouveau statué sur le fond, la cassation aura lieu sans renvoi, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 26 février 2020. DIT n'y avoir lieu à renvoi ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quatre juin deux mille vingt.
Le délai prévu par l'article 148 dernier alinéa du code de procédure pénale ne peut être considéré comme dépassé lorsque cest en raison de mentions incomplètes quant à la juridiction destinataire que la demande de mise en liberté formée et signée par la personne mise en examen a été adressée au greffe du juge d'instruction saisi du dossier. Méconnaît, en conséquence, les dispositions des articles 148, 148-4 et 148-7 du code de procédure pénale la chambre de l'instruction qui, saisie de l'appel formé contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention, ordonne la mise en liberté de la personne détenue en raison du dépassement du délai de 20 jours prévu par les articles 148 et 148-4 dudit code, faute pour elle d'avoir été saisie, dans les formes exigées par l'article 148-7 du code de procédure pénale, de la demande directe de mise en liberté
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N° J 20-81.738 F-P+B+I N° 980 SM12 4 JUIN 2020 CASSATION SANS RENVOI M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 4 JUIN 2020 CASSATION sur le pourvoi formé par le procureur général près la cour d'appel de Paris contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de ladite cour, 6e section, en date du 27 février 2020, qui, dans la procédure suivie contre M. O... M..., notamment des chefs d'escroquerie et vols aggravés, a constaté la mainlevée de son contrôle judiciaire. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. Turbeaux, conseiller, et les conclusions de Mme Zientara-Logeay, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 mai 2020 où étaient présents M. Soulard, président, M. Turbeaux, conseiller rapporteur, M. Moreau, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Dans le cadre de l'information suivie contre M. O... M... des chefs de vols aggravés, le juge des libertés et de la détention, saisi aux fins de prolongation de la détention provisoire, a, par ordonnance du 31 octobre 2019, ordonné la mise en liberté de l'intéressé et l'a placé sous contrôle judiciaire. 3. Le procureur de la République a fait appel de cette décision. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. Le moyen critique l'arrêt attaqué pour avoir statué ainsi qu'il est dit plus haut, alors « que les dispositions de l'article 194 du code de procédure pénale n'imposent pas un délai de deux mois à la chambre de l'instruction pour statuer en cas d'appel du ministère public d'une ordonnance de non prolongation de détention provisoire, de mise en liberté et de placement sous contrôle judiciaire. » Réponse de la Cour Vu l'article 194 alinéa 3 du code de procédure pénale : 5. Il se déduit de ce texte que les dispositions de l'alinéa 3 ne s'appliquent pas en cas d'appel interjeté par le ministère public d'une décision de refus de prolongation de la détention provisoire, la chambre de l'instruction statuant alors en matière de détention provisoire et non de contrôle judiciaire. 6. Pour constater l'acquisition de plein droit de la mainlevée du contrôle judiciaire auquel était astreint M. M..., l'arrêt attaqué énonce que la cour n'a pas été appelée à statuer dans le délai de deux mois, prévu par l'article 194, alinéas 2 et 3, du code de procédure pénale, soit au plus tard le 5 janvier 2020, et que la tardiveté de l'audiencement ne trouve pas son explication dans des circonstances imprévisibles, insurmontables et extérieures au service public de la justice qui ressortiraient de la procédure. 7. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé. 8. La cassation est par conséquent encourue. Portée et conséquences de la cassation : 9. Les délais du dernier alinéa de l'article 194 du code de procédure pénale n'ayant pas été respectés, l'intéressé se trouve à bon droit remis en liberté ; la cassation aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 27 février 2020. DIT n'y avoir lieu à renvoi ; CONSTATE la mise en liberté de M. O... M..., lequel est resté placé sous les obligations du contrôle judiciaire ordonné par le juge des libertés et de la détention le 31 octobre 2019 ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quatre juin deux mille vingt.
Méconnaît les dispositions de l'article 194 du code de procédure pénale la chambre de l'instruction qui, saisie de l'appel formé par le ministère public contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de refus de prolongation de la mesure de détention provisoire et de placement sous contrôle judiciaire, fait application du délai prévu à l'alinéa 3, en matière de contrôle judiciaire, et non de celui visé au dernier alinéa en matière de détention provisoire
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SOC. CH.B COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 27 mai 2020 Rejet M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 455 F-P+B Pourvoi n° G 18-26.483 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 27 MAI 2020 Le comité social et économique de l'établissement distinct Val de Loire, venant aux droits du comité d'établissement de l'établissement Auchan Olivet, dont le siège est [...], a formé le pourvoi n° G 18-26.483 contre l'arrêt rendu le 24 octobre 2018 par la cour d'appel d'Orléans (chambre des urgences), dans le litige l'opposant à la société Auchan hypermarché, société par actions simplifiée, dont le siège est [...], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Pécaut-Rivolier, conseiller, les observations de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat du comité social et économique de l'établissement distinct Val de Loire, de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de la société Auchan hypermarché, après débats en l'audience publique du 11 mars 2020 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Pécaut-Rivolier, conseiller rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 24 octobre 2018), statuant en référé, la société Auchan a convoqué le 13 juin 2017 le comité d'établissement Auchan Olivet et le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail du même établissement pour les consulter sur le projet d'ouverture du magasin le dimanche matin. La société a mis en place l'ouverture du magasin le dimanche matin à compter du 17 septembre 2017. 2. Le 5 octobre 2017, le comité d'établissement a saisi le juge des référés d'une demande tendant à ce qu'il soit constaté que la société Auchan hypermarché s'était délibérément soustraite à l'obligation d'information et de consultation du comité d'établissement concernant la mise en oeuvre de l'ouverture du magasin Auchan Olivet les dimanches matin et ordonné la suspension de la procédure d'ouverture du magasin les dimanches matin. 3. En cours de procédure, le comité social et économique (CSE) de l'établissement distinct « Val de Loire » a indiqué venir aux droits du comité d'établissement de l'établissement Auchan Olivet. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. Le CSE fait grief à l'arrêt de dire n'y avoir lieu à référé sur sa demande tendant à voir juger que la société Auchan hypermarché n'avait pas respecté son obligation d'information et de consultation pour l'ouverture du magasin le dimanche matin, que soit en conséquence ordonnée la suspension de cette ouverture et que la procédure d'information et de consultation soit mise en oeuvre, alors : « 1°/ que dans l'exercice de ses attributions consultatives, le comité d'entreprise doit disposer d'un délai d'examen suffisant pour émettre son avis, à l'expiration duquel il est réputé avoir été consulté et avoir émis un avis négatif ; que ce délai commence à courir à compter de la communication par l'employeur d'informations précises et écrites lui permettant de formuler un avis motivé ; qu'ainsi, le point de départ du délai préfix peut être reporté, nonobstant la possibilité pour le comité d'entreprise, s'il estime les informations insuffisantes, de saisir le juge des référés pour qu'il ordonne la communication par l'employeur des éléments manquants ; qu'en l'espèce, le comité d'établissement soutenait que la simple remise d'un document ne présentant, nonobstant son nombre de pages, aucune information économique fiable justifiant le projet d'ouverture du magasin le dimanche matin, aucune information précise sur les conséquences de ce projet, sur l'organisation du travail, son impact sur l'emploi, pas plus que sur les modalités des nouvelles embauches projetées, ne pouvait être assimilée à la remise précise écrite prescrite par le code du travail, en conséquence de quoi le délai de trois mois pour émettre son avis n'avait pas commencé à courir ; qu'en décidant le contraire aux motifs que le comité d'établissement avait la possibilité de saisir le juge des référés, la cour d'appel a violé les articles L. 2323-1, L. 2323-2, L. 2323-3, L. 2323-4, L. 2323-7-1 et L. 2323-7-2 dans leur rédaction alors applicable, l'article R. 2323-1 du code du travail et l'article 809 du code de procédure civile ; 2°/ que le délai préfix dans lequel le comité d'entreprise doit être consulté commence à courir à compter de la communication par l'employeur d'informations précises et écrites lui permettant de formuler un avis motivé ; qu'en l'espèce, pour juger que le délai avait commencé à courir à compter de l'envoi, par la société Auchan, de la note intitulée « projet d'ouverture dimanche matin Auchan Olivet », la cour d'appel a relevé que « les informations ont été données par l'employeur dans un document de pages et que, même si ce document ne comporte pas précisément le détail des modalités pratiques de l'ouverture le dimanche rayon par rayon, ni l'ensemble des horaires, la société Auchan le considère comme complet et donnant une information suffisante » ; qu'en statuant ainsi, par des motifs insuffisants à caractériser la précision de l'information écrite donnée par la société Auchan, en conséquence de quoi le document litigieux remis par l'employeur ne permettait pas au comité d'établissement d'apprécier l'importance de l'opération envisagée, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 2323-1, L. 2323-2, L. 2323-3, L. 2323-4, L. 2323-7-1 et L. 2323-7-2 dans leur rédaction alors applicable, l'article R. 2323-1 du code du travail et l'article 809 du code de procédure civile ; 3°/ que pour juger que le délai avait commencé à courir à compter de l'envoi, par la société Auchan, de la note intitulée « projet d'ouverture dimanche matin Auchan Olivet », la cour d'appel a, par adoption de motifs, relevé que la note d'information précédemment communiquée par l'employeur avait été débattue lors de la réunion du 13 juin 2017 ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser l'information écrite telle qu'exigée par la loi, la cour d'appel n'a pas donnée de base légale à sa décision au regard des articles L. 2323-1, L. 2323-2, L. 2323-3, L. 2323-4, L. 2323-7-1 et L. 2323-7-2 dans leur rédaction alors applicable, l'article R. 2323-1 du code du travail, et l'article 809 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 5. En application des articles L. 2323-3, L. 2323-4 et R. 2323-1 du code du travail alors applicables, dans l'exercice de ses attributions consultatives, le comité d'entreprise émet des avis et voeux, et dispose pour ce faire d'un délai d'examen suffisant fixé par accord ou, à défaut, par la loi ; lorsque les éléments d'information fournis par l'employeur ne sont pas suffisants, les membres élus du comité peuvent saisir le président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés pour qu'il ordonne la communication par l'employeur des éléments manquants ; cependant lorsque la loi ou l'accord collectif prévoit la communication ou la mise à disposition de certains documents, le délai de consultation ne court qu'à compter de cette communication. 6. Il en résulte qu'en application de l'article L. 2323-4 du code du travail alors applicable, interprété conformément aux articles 4 § 3 et 8 § 1 et § 2 de la directive 2002/14/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2002 établissant un cadre général relatif à l'information et la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne, la saisine du président du tribunal de grande instance avant l'expiration des délais dont dispose le comité d'entreprise pour rendre son avis permet au juge, dès lors que celui-ci retient que les informations nécessaires à l'institution représentative du personnel et demandées par cette dernière pour formuler un avis motivé n'ont pas été transmises ou mises à disposition par l'employeur, d'ordonner la production des éléments d'information complémentaires et, en conséquence, de prolonger ou de fixer le délai de consultation tel que prévu par l'article R. 2323-1-1 du code du travail à compter de la communication de ces éléments complémentaires. 7. En l'espèce, la cour d'appel a constaté que le comité d'établissement, auquel l'employeur avait remis dans le cadre de la consultation un document de cinquante-neuf pages intitulé « projet d'ouverture dimanche matin Auchan Olivet », avait saisi le juge des référés alors que le délai de consultation était expiré. 8. Dès lors, le moyen, qui reproche au juge des référés, saisi au titre d'un trouble manifestement illicite après l'expiration du délai de consultation, de ne pas avoir vérifié que les informations fournies étaient suffisantes, est inopérant. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne le comité social et économique de l'établissement distinct Val de Loire aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept mai deux mille vingt. Le conseiller rapporteur le president Le greffier de chambre MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour le comité social et économique de l'établissement distinct Val de Loire. IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir dit n'y avoir lieu à référé sur la demande du comité d'établissement Auchan Olivet tendant à voir juger que la société Auchan Hypermarché n'avait pas respecté son obligation d'information et de consultation pour l'ouverture du magasin le dimanche matin, que soit en conséquence ordonnée la suspension de cette ouverture et que la procédure d'information et de consultation soit mise en oeuvre ; AUX MOTIFS QUE la société Auchan Hypermarché prétend, pour invoquer l'irrecevabilité de la demande, que l'instance en référé a été introduite après l'expiration des délais de consultation légalement impartis au comité d'établissement et au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de l'établissement, pour formuler un avis sur le projet d'ouverture du magasin le dimanche matin ; que la demande a été formée sur le fondement de l'article 809 du code de procédure civile, le principal reproche formé à l'encontre de la société Auchan réside dans le fait qu'elle se serait soustraite, selon la partie appelante, à son obligation d'information et de consultation du comité d'établissement ; que le délai instauré par l'article L. 2323-3 du code du travail en son 3e alinéa court, selon les dispositions de l'article R. 2323-1 du même code, à compter de la communication par l'employeur des informations prévues pour la consultation ; que les informations ont été données par l'employeur dans un document de 59 pages, et que, même si ce document ne comporte pas précisément le détail des modalités pratiques de l'ouverture le dimanche rayon par rayon, ni l'ensemble des horaires, la société Auchan le considère comme complet et donnant une information suffisante ; que le comité d'établissement disposait de la possibilité de saisir le président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés pour obtenir des informations complémentaires, ce qu'il n'a pas fait ; que l'expiration des délais préfix a pour effet de régulariser l'ensemble de la procédure antérieure ; qu'en présence de dispositions législatives imposant de considérer que la procédure a été menée à son terme à compter du 8 septembre 2017, et qui permettent d'estimer qu'il n'y a pas lieu à reprise de la procédure de consultation après expiration des délais imposés au comité d'établissement, c'est à bon droit et par des motifs pertinents que le juge des référés a considéré que la mise en oeuvre du projet d'ouverture le dimanche du magasin Auchan d'Olivet ne peut être considérée comme un trouble manifestement illicite ; que la partie appelante prétend que le délai préfix n'a pu commencer à courir, en invoquant le fait que la simple remise d'un document ne présentant aucune information économique fiable justifiant le projet d'ouverture du magasin le dimanche matin, aucune information précise sur les conséquences de ce projet, sur l'organisation du travail, son impact sur l'emploi pas plus que sur les modalités des nouvelles embauches projetées, ne peut être assimilée à la remise d'informations précises écrites prescrite par le code du travail, prétendant que, si tel est le cas, cela reviendrait à admettre que la remise par l'employeur d'un dossier sans fond ni pertinence, suffirait à considérer qu'il a rempli ses obligations en matière d'information-consultation et à faire peser sur le comité d'entreprise la responsabilité de la bonne fin du processus d'information et de consultation ; qu'une telle argumentation n'est pas pertinente, en présence de la possibilité d'une procédure devant le président du tribunal de grande instance statuant en référé, procédure que le comité d'établissement d'Auchan n'a pas engagée ; que la partie appelante prétend encore que le délai préfix n'aurait pu commencer à courir faute par l'employeur de lui avoir transmis l'avis du CHSCT ; que le premier juge a considéré que la réalité de la réunion du 13 juin 2017, au cours de laquelle aucun avis n'a été émis, était suffisante pour qu'il soit considéré que la procédure était régulière ; que le fait que le CHSCT n'a émis aucun avis au cours de cette réunion ne relève que de sa seule responsabilité, la possibilité de développer une argumentation, ou de solliciter des documents lui ayant été donnés ; que toute décision contraire aboutirait à autoriser un tel organisme à bloquer indéfiniment une procédure relative à un projet de l'employeur, ce qui évidemment n'est pas la volonté du législateur ; que le surplus de l'argumentation de la partie appelante est inopérant ; qu'il y a lieu de confirmer dans son intégralité la décision querellée ; ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QU' aux termes de l'article 809 alinéa 1 du code de procédure civile, le président peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé toutes les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; qu'en l'espèce, le comité d'établissement du magasin Auchan d'Olivet soutient l'existence d'un trouble manifestement illicite qu'il convient de faire cesser au motif que la société Auchan France qui a pris la décision d'ouvrir son magasin sis à Olivet le dimanche matin s'est soustraite à l'obligation d'information et de consultation prévue notamment aux articles L. 2323-1 et suivants du code du travail ; que dans sa rédaction issue de la loi du 14 juin 2013 dite « loi de sécurisation de l'emploi », l'article L. 2323-3 du code de travail dispose « Dans l'exercice de ses attributions consultatives, définies aux articles L. 2323-6 à L. 2323-60, le comité d'entreprise émet des avis et voeux. Il dispose d'un délai d'examen suffisant. Sauf dispositions législatives spéciales, un accord entre l'employeur et le comité d'entreprise ou, le cas échéant, le comité central d'entreprise, adopté à la majorité des membres titulaires élus du comité, ou à défaut d'accord, un décret en Conseil d'État fixe les délais dans lesquels les avis du comité d'entreprise sont rendus dans le cadre des consultations prévues aux articles L. 2323-6 à L. 2323-60, ainsi qu'aux articles L. 2281-12, L. 2323-72 et L. 3121-11. Ces délais, qui ne peuvent être inférieurs à quinze jours, doivent permettre au comité d'entreprise d'exercer utilement sa compétence, en fonction de la nature et de l'importance des questions qui lui sont soumises et, le cas échéant, de l'information et de la consultation du ou des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail. A l'expiration de ce délai ou du délai mentionné au dernier alinéa de l'article L. 2323-4, le comité d'entreprise est réputé avoir été consulté et avoir rendu un avis négatif. L'employeur rend compte, en la motivant, de la suite donnée à ses avis et voeux » ; que l'article L. 2323-4 dispose que « Pour lui permettre de formuler un avis motivé, le comité d'entreprise dispose d'informations précises et écrites transmises par l'employeur dans un délai d'examen suffisant et de la réponse motivée de l'employeur à ses propres observations. Les membres élus du comité peuvent, s'ils estiment ne pas disposer d'éléments suffisants, saisir le président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés, pour qu'il ordonne la communication par l'employeur des éléments manquants. Le juge statue dans un délai de huit jours. Cette saisine n'a pas pour effet de prolonger le délai dont dispose le comité pour rendre son avis. Toutefois, en cas de difficultés particulières d'accès aux informations nécessaires à la formulation de l'avis motivé du comité d'entreprise, le juge peut décider la prolongation du délai prévu à l'article L. 2323-3 » ; qu'aux termes de l'article R. 2323-1 du code du travail, le délai de consultation du comité d'entreprise court à compter de la communication par l'employeur des informations prévues par le code du travail pour la consultation ; qu'en application des dispositions de l'article R. 2323-2 du code du travail à défaut d'accord, le comité d'entreprise est réputé avoir été consulté et avoir rendu un avis négatif à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la date de remise par l'employeur des informations prévues pour la consultation, ce délai étant porté à deux mois en cas d'intervention d'un expert, et à trois mois en cas de saisine par l'employeur ou le comité d'entreprise d'un ou plusieurs CHSCT ; qu'en l'espèce, par convocation du 30 mai 2017, la société Auchan France a convoqué les membres du CHSCT et les membres du comité d'établissement à une réunion exceptionnelle commune fixée au 30 juin 2017 avec pour ordre du jour « Information et consultation sur le projet d'ouverture du magasin Auchan Olivet les dimanches matins » ; qu'il est établi qu'à ces convocations envoyées par lettre recommandée avec accusé de réception, était joint un document de 59 pages intitulé « Projet d'ouverture dimanche matin Auchan Olivet » ; qu'en application des dispositions précitées de l'article R. 2323-1 du code du travail fixant le point de départ du délai de consultation à compter de la communication par l'employeur des informations prévues par le code du travail pour la consultation, le point de départ du délai, de trois mois en l'espèce puisque l'avis du CHSCT a été sollicité, est fixé soit au 30 mai 2017, soit au 8 juin 2017 selon que ce point de départ est fixé à la date d'envoi de la note d'information sur le projet ou à la date de réception la plus tardive de la convocation à laquelle cette note d'information était jointe ; qu'il ressort du procès-verbal de la réunion exceptionnelle du 13 juin 2017 au cours de laquelle la note d'information précédemment communiquée a fait l'objet d'un débat que le CHSCT a refusé d'émettre un avis sur le projet d'ouverture du magasin le dimanche matin ; que le comité d'établissement s'est quant à lui également abstenu d'émettre un avis indiquant attendre les résultats de l'expertise décidée par le comité d'établissement au terme d'une résolution du 8 juin 2017 ; que néanmoins, par lettre du 14 juin 2017 remise à la secrétaire du comité d'établissement, la société Auchan a informé le comité d'établissement de la saisine du tribunal de grande instance en vue de contester l'expertise celui-ci n'ayant pas qualité pour voter le recours à une telle mesure, seul le comité central d'entreprise ayant qualité au sens de l'article L. 2325-35 du code du travail pour recourir à une expertise ; que l'assignation a été délivrée le 24 juillet 2017 ; qu'en suite de cette information le comité d'établissement n'a pris aucune initiative alors même qu'en application des dispositions de l'article L. 2323-4 du code du travail il avait la possibilité de saisir le président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés afin qu'il ordonne la communication par l'employeur des éléments qu'il estimait lui manquer pour donner un avis éclairé ; que c'est ainsi que le délai préfixe de trois mois a continué à courir, le comité d'établissement étant réputé, au terme de ce délai, avoir émis un avis négatif ; que ce délai s'étant achevé le 30 août ou, au plus tard, le 8 septembre 2017, la société Auchan a convoqué les membres du comité d'établissement à une réunion fixée au 9 septembre 2017 pour l'informer de la date d'ouverture du magasin le dimanche matin ; que le comité d'entreprise soutient l'irrégularité de la procédure d'information-consultation au motif que l'information qui lui a été délivrée ne peut être considérée comme correspondant à l'information précise et écrite prévue par les textes ce qui aurait pour conséquence que le délai préfixe n'a pu commencer à courir et que de surcroît l'employeur n'a pas transmis l'avis du CHSCT ; que cependant, outre que lors de la réunion du 13 juin 2017 le CHSCT a refusé d'émettre un avis, ce que le comité d'établissement ne pouvait ignorer puisqu'il était présent à cette réunion, il y a lieu d'indiquer qu'en application des dispositions de l'article R. 4614-5-3 du code du travail le CHSCT est réputé avoir été consulté et avoir rendu un avis négatif à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la communication par l'employeur des informations prévues pour la consultation dont il a été saisi ; qu'en l'espèce ce délai courant à compter du 30 mai 2017 ou du 8 juin 2017, le CHSCT est réputé avoir rendu un avis négatif le 30 juin 2017 ou le 8 juillet 2017 ; que par ailleurs une note d'information écrite débattue ultérieurement ayant été annexée à la convocation adressée aux membres du comité d'établissement pour la réunion du 13 juin 2017, le comité d'établissement ne peut valablement soutenir que la procédure d'information-consultation n'a pas été menée ; que dans l'hypothèse où il estimait cette information insuffisante, il lui appartenait pendant le délai préfixe de saisir le président du tribunal de grande instance statuant la forme des référés, celui-ci devant statuer dans le délai de huit jours, afin d'obtenir la communication des éléments complémentaires qui lui apparaissaient nécessaires, le juge ayant en outre la possibilité de proroger le délai ; qu'en l'absence d'initiative du comité d'établissement la procédure d'information-consultation est réputée avoir été menée à son terme au plus tard le 8 septembre 2017, et la mise en oeuvre du projet d'ouverture du magasin Auchan d'Olivet le dimanche matin à compter du 17 septembre 2017 ne peut, au regard des dispositions de l'article 809 alinéa 2 du code de procédure civile, être considérée comme constituant un trouble manifestement illicite ; qu'il convient en conséquence de dire n'y a lieu à référé ; 1°) ALORS QUE dans l'exercice de ses attributions consultatives, le comité d'entreprise doit disposer d'un délai d'examen suffisant pour émettre son avis, à l'expiration duquel il est réputé avoir été consulté et avoir émis un avis négatif ; que ce délai commence à courir à compter de la communication par l'employeur d'informations précises et écrites lui permettant de formuler un avis motivé ; qu'ainsi, le point de départ du délai préfix peut être reporté, nonobstant la possibilité pour le comité d'entreprise, s'il estime les informations insuffisantes, de saisir le juge des référés pour qu'il ordonne la communication par l'employeur des éléments manquants ; qu'en l'espèce, le comité d'établissement soutenait que la simple remise d'un document ne présentant, nonobstant son nombre de pages, aucune information économique fiable justifiant le projet d'ouverture du magasin le dimanche matin, aucune information précise sur les conséquences de ce projet, sur l'organisation du travail, son impact sur l'emploi, pas plus que sur les modalités des nouvelles embauches projetées, ne pouvait être assimilée à la remise précise écrite prescrite par le code du travail, en conséquence de quoi le délai de trois mois pour émettre son avis n'avait pas commencé à courir ; qu'en décidant le contraire aux motifs que le comité d'établissement avait la possibilité de saisir le juge des référés (arrêt, p. 5 § 9), la cour d'appel a violé les articles L. 2323-1, L. 2323-2, L. 2323-3, L. 2323-4, L. 2323-7-1 et L. 2323-7-2 dans leur rédaction alors applicable, l'article R. 2323-1 du code du travail et l'article 809 du code de procédure civile ; 2°) ALORS QUE le délai préfix dans lequel le comité d'entreprise doit être consulté commence à courir à compter de la communication par l'employeur d'informations précises et écrites lui permettant de formuler un avis motivé ; qu'en l'espèce, pour juger que le délai avait commencé à courir à compter de l'envoi, par la société Auchan, de la note intitulée « projet d'ouverture dimanche matin Auchan Olivet », la cour d'appel a relevé que « les informations ont été données par l'employeur dans un document de pages et que, même si ce document ne comporte pas précisément le détail des modalités pratiques de l'ouverture le dimanche rayon par rayon, ni l'ensemble des horaires, la société Auchan le considère comme complet et donnant une information suffisante » (arrêt, p. 5 § 4) ; qu'en statuant ainsi, par des motifs insuffisants à caractériser la précision de l'information écrite donnée par la société Auchan, en conséquence de quoi le document litigieux remis par l'employeur ne permettait pas au comité d'établissement d'apprécier l'importance de l'opération envisagée, la cour d'appel n'a pas donnée de base légale à sa décision au regard des articles L. 2323-1, L. 2323-2, L. 2323-3, L. 2323-4, L. 2323-7-1 et L. 2323-7-2 dans leur rédaction alors applicable, l'article R. 2323-1 du code du travail et l'article 809 du code de procédure civile ; 3°) ALORS QUE pour juger que le délai avait commencé à courir à compter de l'envoi, par la société Auchan, de la note intitulée « projet d'ouverture dimanche matin Auchan Olivet », la cour d'appel a, par adoption de motifs, relevé que la note d'information précédemment communiquée par l'employeur avait été débattue lors de la réunion du 13 juin 2017 (ord., p. 9 § 2 et 10) ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser l'information écrite telle qu'exigée par la loi, la cour d'appel n'a pas donnée de base légale à sa décision au regard des articles L. 2323-1, L. 2323-2, L. 2323-3, L. 2323-4, L. 2323-7-1 et L. 2323-7-2 dans leur rédaction alors applicable, l'article R. 2323-1 du code du travail, et l'article 809 du code de procédure civile.
En application des articles L. 2323-3, L. 2323-4 et R. 2323-1 du code du travail alors applicables, dans l'exercice de ses attributions consultatives, le comité d'entreprise émet des avis et voeux, et dispose pour ce faire d'un délai d'examen suffisant fixé par accord ou, à défaut, par la loi ; lorsque les éléments d'information fournis par l'employeur ne sont pas suffisants, les membres élus du comité peuvent saisir le président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés pour qu'il ordonne la communication par l'employeur des éléments manquants ; cependant lorsque la loi ou l'accord collectif prévoit la communication ou la mise à disposition de certains documents, le délai de consultation ne court qu'à compter de cette communication. Il en résulte qu'en application de l'article L. 2323-4 du code du travail alors applicable, interprété conformément aux articles 4, § 3, et 8, § 1 et § 2, de la directive 2002/14/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2002 établissant un cadre général relatif à l'information et la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne, la saisine du président du tribunal de grande instance avant l'expiration des délais dont dispose le comité d'entreprise pour rendre son avis permet au juge, dès lors que celui-ci retient que les informations nécessaires à l'institution représentative du personnel et demandées par cette dernière pour formuler un avis motivé n'ont pas été transmises ou mises à disposition par l'employeur, d'ordonner la production des éléments d'information complémentaires et, en conséquence, de prolonger ou de fixer le délai de consultation tel que prévu par l'article R. 2323-1-1 du code du travail à compter de la communication de ces éléments complémentaires. Statue en conséquence à bon droit la cour d'appel qui, saisie après l'expiration du délai de consultation du comité d'entreprise à qui avait été remis un document de cinquante-neuf pages sur le projet objet de la consultation, dit n'y avoir lieu à référé sur le trouble illicite qui résulterait d'une information insuffisante du comité
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N° 18-84.307 FS-P+B+I N° 554 CK 11 MARS 2020 CASSATION PARTIELLE M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 11 MARS 2020 CASSATION PARTIELLE sur les pourvois formés par M. U... I... , M. J... S... W... , et M. G... E... contre l'arrêt de la cour d'appel de Nouméa, chambre correctionnelle, en date du 5 juin 2018, qui, pour infractions à la législation sur les stupéfiants et importation en contrebande, les a condamnés, le premier, à neuf ans d'emprisonnement et dix ans d'interdiction du territoire français, le deuxième, à sept ans d'emprisonnement et dix ans d'interdiction du territoire français, le troisième, à sept ans d'emprisonnement, et a prononcé sur les demandes de l'administration des douanes. Les pourvois sont joints en raison de la connexité. Des mémoires, en demande et en défense, et des observations complémentaires, ont été produits. Sur le rapport de M. de Larosière de Champfeu, conseiller, les observations de la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de M. J... S... W... et de M. G... E..., les observations de la la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. U... I..., les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la Direction régionale des douanes de Nouvelle-Calédonie, et les conclusions de Mme Zientara-Logeay, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 février 2020 où étaient présents M. Soulard, président, M. de Larosière de Champfeu, conseiller rapporteur, M. Moreau, Mmes Drai, Slove, M. Guéry, Mme Issenjou, M. Turbeaux, conseillers de la chambre, Mmes Carbonaro, Barbé, M. Mallard, conseillers référendaires, Mme Zientara-Logeay, avocat général, et Mme Lavaud, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Les trois demandeurs constituaient l'équipage du voilier C... N..., battant pavillon britannique. 3. Le 17 octobre 2017, les autorités françaises, suspectant un transport de stupéfiants, ont demandé aux autorités britanniques, Etat du pavillon, conformément à l'article 17.3 de la Convention des Nations unies contre le trafic de stupéfiants et de substances psychotropes conclue à Vienne, le 20 décembre 1988, de confirmer l'immatriculation du voilier et d'autoriser que soient prises les mesures appropriées à son égard. Cette autorisation a été donnée le lendemain, 18 octobre 2017, par les autorités britanniques. 4. Le 20 octobre 2017, l'équipage du bâtiment de la marine nationale d'Entrecasteaux a arraisonné le voilier, dans la zone économique exclusive de la Nouvelle-Calédonie, et, sans le fouiller de manière approfondie ni y découvrir de drogue, l'a dérouté vers le port de Nouméa, pour qu'il soit procédé à des investigations plus complètes. Conformément aux articles L. 1521-11 et suivants du code de la défense, les membres de l'équipage du voilier ont fait l'objet de mesures de privation de liberté, décidées par le commandant du bâtiment d'Entrecasteaux, à compter du 20 octobre à 5 heures 15, puis prolongées par le juge des libertés et de la détention, par ordonnance du 21 octobre 2017, à compter du 22 octobre 2017 à 5 heures 15, et pour une durée de quatre jours. 5. A l'accostage à la base navale de Nouméa, le 23 octobre 2017 à 10 heures 25, les mesures privatives de liberté prises à l'égard des membres de l'équipage du voilier ont été levées, et les demandeurs ont été remis, sur instruction du procureur de la République, aux fonctionnaires de l'administration des douanes. Ceux-ci ont fouillé le voilier, y ont découvert, dissimulée derrière une cloison, une quantité de 575 kg de cocaïne, puis ont placé les membres de l'équipage en rétention douanière le même jour, à 12 heures 40. 6. Le 24 octobre 2017 à 10 heures 15, les fonctionnaires de l'administration des douanes ont remis les membres de l'équipage aux gendarmes de la section de recherches de Nouméa, qui leur ont notifié une mesure de garde à vue, prenant effet depuis le début de la rétention douanière. 7. Le 25 octobre 2017, au cours de la matinée, les demandeurs ont été conduits devant le juge des libertés et de la détention, qui a prolongé leur garde à vue pour une durée de quarante-huit heures, à compter du même jour à 12 heures 40. 8. Le 27 octobre 2017, il a été mis fin à la garde à vue, et les membres de l'équipage du voilier ont été déférés devant le procureur de la République puis traduits devant le tribunal correctionnel de Nouméa, qui a décidé leur placement en détention provisoire et renvoyé le jugement de l'affaire au 19 janvier 2018. 9. Par jugement prononcé à cette dernière date, le tribunal correctionnel a rejeté les exceptions de nullité soulevées par les prévenus, déclaré ceux-ci coupables et les a condamnés à des peines d'emprisonnement et d'interdiction du territoire, la confiscation de la drogue et du voilier étant ordonnée, sur l'action publique. Le tribunal a statué sur les demandes de l'administration des douanes. 10. Les demandeurs ont relevé appel de cette décision, et le ministère public a formé appel incident. Examen des moyens Sur le premier moyen présenté pour M. S... W... et M. E... Et sur le même moyen, repris pour M. I... Enoncé des moyens 11. Les moyens sont pris de la violation des articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 17-3 de la Convention des Nations unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes, 113-1, 113-3 et 113-12 du code pénal, 111 de l'ordonnance de Villers-Cotterêts du 25 août 1539, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale. 12. Les moyens critiquent l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté les exceptions de nullité d'actes à l'origine de la compétence des juridictions françaises soulevées par les prévenus alors : « 1°/ que la seule langue de procédure admise devant les juridictions françaises étant la langue française, le juge ne peut fonder sa décision sur des actes rédigés en langue étrangère ; qu'en affirmant, pour écarter l'exception de nullité d'actes fondant la compétence des juridictions françaises, que la demande des autorités françaises du 17 octobre 2017 et la réponse britannique, rédigées en anglais et non traduites, n'étaient pas des actes de poursuite puisqu'ils ne définissaient pas les préventions sous lesquelles les prévenus avaient été renvoyés devant les juridictions pénales et que le défaut de traduction ne causait aucun grief aux appelants, quand ces deux actes, dont il n'était pas possible de s'assurer avec certitude de leur sens ni de leur portée, avaient fondé la compétence de la juridiction française, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ; 2°/ que la signature d'un acte pris au nom d'une autorité publique constitue une formalité indispensable en ce qu'elle permet notamment de s'assurer que l'acte émane bien de la personne habilitée à se prononcer compétemment au nom de l'autorité publique étrangère ; qu'en affirmant que la réponse britannique du 18 octobre 2017 n'était pas un acte d'enquête ou d'instruction au sens du code de procédure pénale et que la régularité de cette autorisation émanant d'une autorité étrangère n'était pas soumise à l'exigence de signature posée par l'article 107 du code de procédure pénale, cependant que la signature de cette réponse constituait néanmoins une formalité indispensable, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ; 3°/ que ce n'est que si l'immatriculation du navire est confirmée par l'Etat du pavillon que la demande d'autorisation de prendre les mesures adéquates à l'égard de ce navire peut être sollicitée ; qu'en affirmant, pour écarter l'exception de nullité, qu'aucune disposition conventionnelle n'imposait aux parties de suivre une procédure particulière et qu'une requête unique du ministère des affaires étrangères était suffisante cependant que l'article 17-3 de la Convention de Vienne signée le 20 décembre 1988 distingue clairement entre la phase d'identification du navire et celle de l'autorisation de son interception, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision. » Réponse de la Cour 13. Les moyens sont réunis. Sur le premier moyen, pris en sa première branche 14. Les prévenus ont soutenu, devant les juges du fond, que la procédure était irrégulière car la demande adressée par les autorités françaises aux autorités britanniques, le 17 octobre 2017, sur le fondement de l'article 17.3 de la Convention de Vienne du 19 décembre 1988, et la réponse de celles-ci étaient rédigées en anglais, et figuraient au dossier de la procédure sans traduction en français. 15. Pour rejeter cette exception, l'arrêt attaqué énonce que ces documents ne sont pas des actes de poursuite, car ils ne définissent pas la prévention sous laquelle les intéressés sont renvoyés devant la juridiction de jugement. Les juges ajoutent que le défaut de traduction de ces documents n'a causé aucun grief aux prévenus, qui, invoquant, dans leurs conclusions, la violation, par les autorités françaises, des termes de l'autorisation donnée par les autorités britanniques, laissent entendre qu'ils en ont compris le sens. 16. En prononçant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision pour les raisons suivantes : 17. En premier lieu, ces documents ne sont pas des actes d'enquête, ayant pour but de constater une infraction et d'en identifier les auteurs, ni des actes de poursuite, manifestant l'intention du ministère public de traduire les auteurs d'une infraction devant une juridiction pénale. Ils s'inscrivent seulement dans la relation bilatérale entre le gouvernement français et celui d'un Etat étranger, portent sur l'application d'une convention internationale et n'obéissent donc pas au formalisme prévu par le code de procédure pénale. 18. En deuxième lieu, les prévenus n'ont pas demandé, dans leurs conclusions devant la cour d'appel, l'organisation d'un supplément d'information afin que ces documents soient traduits, ce qu'ils pouvaient faire. 19. En troisième lieu, une analyse et une traduction de ces documents figurent dans les conclusions des demandeurs. Ceux-ci ne démontrent l'existence d'aucun grief résultant pour eux de cette absence de traduction et ne peuvent donc obtenir l'annulation de la procédure pour ce motif. 20. Le grief ne peut donc être admis. Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche 21. Les demandeurs ont prétendu, devant les juridictions du fond, que la procédure devait être annulée, la réponse des autorités britanniques à la demande des autorités françaises n'étant pas signée. 22. Pour écarter cette exception, l'arrêt attaqué énonce que cette réponse n'est pas un acte d'enquête ou d'instruction, qui serait soumis à l'exigence de signature posée par l'article 107 du code de procédure pénale, et que cette réponse contient l'identité de son auteur, et vise son appartenance au "Border Force", service britannique dont les autres documents de la procédure établissent qu'il était compétent pour intervenir dans l'arraisonnement du voilier C... N.... 23. En prononçant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision pour les raisons suivantes : 24. En premier lieu, l'article 107 du code de procédure pénale régit la nullité des procès-verbaux dressés au cours de l'instruction. Tel n'est pas le cas d'un acte établi par une autorité étrangère, qui n'est pas régi par les formes prévues par le code de procédure pénale, et s'inscrit dans une relation bilatérale, présentant les caractéristiques décrites au paragraphe 17 précité. 25. En deuxième lieu, l'article 17 de la Convention de Vienne ne soumet les échanges entre les pays signataires à aucun formalisme particulier, en particulier lorsqu'un Etat autorise la prise des mesures appropriées qu'il énumère, parmi lesquelles l'arraisonnement, la visite du navire et la privation de liberté des membres de son équipage. Il en résulte que l'autorisation des autorités britanniques, dont l'existence a été constatée par la cour d'appel, laquelle a relevé qu'elle émanait d'un service compétent pour la délivrer, ne peut être annulée. 26. En troisième lieu, les demandeurs n'indiquent pas en quoi le défaut de signature invoqué aurait porté atteinte à leurs intérêts. 27. Le grief ne peut donc être admis. Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche 28. Les demandeurs ont prétendu, devant la juridiction du fond, que la procédure était irrégulière, les autorités françaises ayant demandé aux autorités britanniques, dans un même document, la confirmation de l'immatriculation de leur voilier, ainsi que l'autorisation de prendre des mesures appropriées à son égard. Ils soutiennent que la demande d'autorisation de prendre de telles mesures ne pouvait être présentée qu'après avoir obtenu la confirmation de l'immatriculation du navire. 29. Pour écarter cette exception, la cour d'appel énonce que la Convention de Vienne n'impose pas aux parties de se soumettre à un formalisme particulier, les modalités de la mise en oeuvre de la coopération contre le trafic illicite de stupéfiants relevant de la responsabilité des Etats souverains. 30. En prononçant ainsi, la cour d'appel n'a pas encouru le grief allégué, pour les raisons suivantes : 31. En premier lieu, l'article 17.3 de la Convention de Vienne prévoit : "une Partie qui a des motifs raisonnables de soupçonner qu'un navire exerçant la liberté de navigation conformément au droit international et battant le pavillon d'une autre partie se livre au trafic illicite peut le notifier à l'Etat du pavillon, demander confirmation de l'immatriculation et, si celle-ci est confirmée, demander l'autorisation à cet Etat de prendre les mesures appropriées à l'égard de ce navire". Cette règle vise seulement à empêcher qu'un Etat, partie à la Convention, ne prenne des mesures envers un navire battant pavillon d'un autre Etat, sans l'autorisation de ce dernier. Mais elle n'institue pas un formalisme imposant deux demandes distinctes et successives, l'une, sollicitant la confirmation de l'immatriculation du navire, puis, une fois celle-ci obtenue, une demande différente tendant à être autorisé à prendre des mesures. 32. En second lieu, l'arraisonnement du voilier n'est intervenu qu'après l'autorisation des autorités britanniques, et il est établi que le navire arraisonné est bien celui visé par cette autorisation. 33. Les moyens ne peuvent donc être admis. Sur le deuxième moyen présenté par M. S... W... et M. E... Et sur le même moyen, repris pour M. I... Enoncé des moyens 34. Les moyens sont pris de la violation des articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 17-4 de la Convention des Nations unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale. 35. Les moyens critiquent l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande de nullité des autorisations d'arraisonnement, de déroutement du navire et d'arrestation de l'équipage, alors « que l'Etat du pavillon ne peut autoriser l'Etat requérant à prendre les mesures appropriées à l'égard du navire, des personnes qui se trouvent à bord et de la cargaison que si des preuves de participation à un trafic illicite sont découvertes ; qu'en l'espèce, bien que le Royaume-Uni ait autorisé l'autorité compétente française à perquisitionner le navire battant pavillon britannique uniquement dans les eaux internationales et dans la seule hypothèse où la preuve d'une implication dans le trafic de drogue illicite serait trouvée, les autorités françaises ont néanmoins décidé d'arraisonner puis de dérouter vers un port français un navire britannique sans jamais avoir eu la preuve d'une quelconque infraction ; qu'en se fondant, pour écarter l'exception d'irrégularité du déroutement tenant à un excès de pouvoir des autorités françaises, sur la circonstance que le Royaume-Uni n'avait émis aucune protestation lorsqu'il avait été avisé que le voilier était dérouté sur le port de Nouméa pour une fouille complète par le service de douanes bien que son interlocuteur français ne fasse pas état de la découverte préalable de stupéfiants et que les prévenus n'avaient pas qualité à se plaindre d'un prétendu dévoiement de l'autorisation donnée en l'absence de remarque de l'Etat dont le navire arraisonné arborait le pavillon, la cour d'appel, qui a statué par un motif inopérant, impropre à écarter la violation par les autorités de poursuite de la procédure qui leur était applicable, n'a pas légalement justifié sa décision. » Réponse de la Cour 36. Les moyens sont réunis. 37. Devant les juges du fond, les demandeurs ont soutenu que l'arraisonnement de leur voilier et son déroutement vers Nouméa ont été accomplis de manière irrégulière, sans que leur participation à un trafic de stupéfiants soit établie, cette preuve n'ayant été acquise que lors de la découverte de la drogue à l'arrivée à Nouméa, alors que les autorités britanniques n'avaient autorisé la prise de mesures à l'égard du voilier que s'il était impliqué dans un trafic de stupéfiants. 38. Pour rejeter cette exception, l'arrêt attaqué retient que les autorités françaises ont informé les autorités britanniques, le 20 octobre 2017, de l'arraisonnement du voilier, et de son déroutement vers Nouméa pour une fouille complète, et que les autorités britanniques, dans une réponse du lendemain, n'ont formé aucune objection à ce déroutement, après avoir été informées qu'il intervenait en l'absence de découverte préalable de drogue à bord. 39. En l'état de ces motifs, la cour d'appel a souverainement apprécié le contenu et la portée des documents soumis à la discussion contradictoire des parties et en a déduit que les mesures prises envers le navire arraisonné avaient été autorisées par les autorités britanniques. Elle a donc justifié sa décision sans encourir le grief allégué. 40. Les moyens seront donc écartés. Sur le troisième moyen présenté par M. S... W... et M. E... Et sur le même moyen, repris pour M. I... Enoncé des moyens 41. Les moyens sont pris de la violation des articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 17-4 de la Convention des Nations unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes, L. 1521-16 du code de la défense, des articles préliminaire, 591, 593, 803-5 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale. 42. Les moyens critiquent l'arrêt attaqué en ce qu'il a a rejeté les exceptions de nullité soulevées par MM. S... W..., E... et I... à l'encontre des mesures privatives ou restrictives liberté, alors « que l'ordonnance du juge des libertés statuant sur la prolongation éventuelle des mesures de restriction ou de privation de liberté mentionnées à l'article L. 1521-12 du code de la défense doit être transmise dans les plus brefs délais par le procureur de la République au préfet maritime ou, Outre-Mer, au délégué du gouvernement pour l'action de l'Etat en mer, à charge pour celui-ci de la faire porter à la connaissance de la personne intéressée dans une langue qu'elle comprend ; qu'en se fondant, pour écarter la nullité des mesures de rétention infligées aux prévenus, sur la circonstance que ceux-ci n'avaient pas subi de grief car l'ordonnance n'était pas susceptible de recours, la cour d'appel qui a statué par un motif inopérant, totalement impropre à écarter l'existence d'un grief, s'agissant d'une décision portant atteinte à la liberté de l'individu, n'a pas légalement justifié sa décision. » Réponse de la Cour 43. Les moyens sont réunis. 44 Les demandeurs ont fait l'objet, chacun, d'une mesure de privation de liberté, décidée par le commandant du navire qui a arraisonné le voilier à bord duquel ils naviguaient, à compter de son arraisonnement, le 20 octobre 2017 à 5 heures 15. Ces mesures ont été prolongées par le juge des libertés et de la détention, par ordonnance du 21 octobre 2017, à compter du 22 octobre 2017 à 5 heures 15, et pour une durée de quatre jours. 45 Les prévenus ont soulevé la nullité de la procédure au motif que cette ordonnance n'avait pas été portée à leur connaissance dans une langue qu'ils comprennent. 46. Pour rejeter cette exception, la cour d'appel, après avoir constaté qu'il n'est pas démontré que l'ordonnance du juge des libertés et de la détention, prolongeant leur privation de liberté, ait été portée à la connaissance des prévenus, énonce que le code de la défense ne sanctionne pas l'inobservation de cette formalité par la nullité. L'arrêt ajoute que, cette décision n'étant pas susceptible de recours, aucun grief ne résulte de l'omission critiquée, les prévenus n'ayant pas été privés d'un droit. 47. En prononçant ainsi, dès lors que l'existence et la régularité des ordonnances en cause ne sont pas contestées, et que les demandeurs ne soutiennent pas qu'ils ignoraient les raisons de leur arrestation et de leur retenue à bord d'un bâtiment de la marine nationale, la cour d'appel a justifié sa décision. 48. Ainsi, les moyens ne peuvent être accueillis. Mais sur le moyen additionnel présenté par M. S... W... et M. E... Et sur le même moyen, repris pour M. I... Enoncé des moyens 49. Les moyens sont pris de la violation des articles 5, § 3, de la Convention européenne des droits de l'homme, L. 1521-18 du code de la défense, préliminaire, 591, 593, du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale. 50. Les moyens critiquent l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté les exceptions de nullité des rétentions douanières notifiées le 23 octobre 2017 et des gardes à vue ultérieures soulevées par MM. S... W... et E... et I... , alors « que les personnes qui font l'objet d'une mesure privative de liberté à leur arrivée sur le sol français doivent être présentées dans les plus brefs délais soit au juge des libertés et de la détention, soit au juge d'instruction ; qu'à leur arrivée sur le sol français, le 23 octobre 2017, à 10 heures15, M. S... W..., M. E... et M. I... ont été placés en rétention douanière à compter de 12 heures 40 et ont été transférés à la gendarmerie le 24 octobre 2017 à 10 heures15 où ils se sont vus notifier leur placement en garde à vue ; que le 24 octobre, entre 12 heures 10 et 12 heures 30, ils ont été présentés devant le procureur de la République qui a autorisé la prolongation de la garde à vue pour un nouveau délai de 24 heures et n'ont été présentés devant le juge des libertés et de la détention que le 25 octobre entre 10 heures 30 et 12 heures ; qu'en se fondant, pour refuser d'annuler la rétention douanière et la garde à vue de M. S... W..., de M. E... et de M. I... , sur la circonstance que la coercition avait été rompue à la descente du bateau cependant que les suspects avaient fait l'objet d'une retenue douanière puis d'une mesure de garde à vue à leur arrivée sur le sol français et qu'ils avaient été présentés au juge des libertés et de la détention plus de 48 heures après leur arrivée, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision. » Réponse de la Cour 51. Les moyens sont réunis. Vu les articles 5, § 3, de la Convention européenne des droits de l'homme et L. 1521-18 du code de la défense : 52. Selon le premier de ces textes, toute personne arrêtée ou détenue doit être aussitôt traduite devant un juge ou un autre magistrat habilité à exercer des fonctions judiciaires. 53. En application de ce texte, la Cour européenne des droits de l'homme a condamné la France à trois reprises car des personnes, arrêtées en haute mer et transférées en France, n'avaient pas été présentées à un juge au moment de leur arrivée en France, mais deux jours plus tard (CEDH 27 juin 2013, Vassis et autres c/France, n° 62736/09, § 58 et 59 ; CEDH 4 décembre 2014, P... A... et autres c/France, n° 17110/10 et 17301/10, § 55 à 59 ; CEDH 4 décembre 2014, n° Hassan et autres c/France, n° 46695/10 et 54588/10, § 99 à 103). 54. Selon le texte susvisé du code de la défense, dès leur arrivée sur le sol français, les personnes faisant l'objet de mesures de coercition sur un bâtiment de l'Etat, en application des articles L. 1521-11 et suivants de ce code, sont mises à la disposition de l'autorité judiciaire. Si elles font l'objet d'une mesure de garde à vue, elles sont présentées dans les plus brefs délais, soit, à la requête du procureur de la République, au juge des libertés et de la détention, soit au juge d'instruction, qui peuvent ordonner leur remise en liberté. 55. Devant les juges du fond, les prévenus ont soutenu que la procédure était irrégulière, car ils n'avaient pas été présentés au juge des libertés et de la détention, à leur arrivée à Nouméa, le 23 octobre 2017. 56. Pour rejeter cette exception, la cour d'appel énonce qu'à leur arrivée à Nouméa, ils n'ont pas été soumis à un régime coercitif, mais qu'ils ont procédé, comme tout étranger entrant en Nouvelle-Calédonie, aux formalités douanières, et qu'ils n'ont fait l'objet d'une nouvelle mesure coercitive, une retenue douanière, qu'à compter de la découverte de produits stupéfiants dans le voilier, puis d'une garde à vue, et qu'ils ont été présentés au juge des libertés et de la détention, le 25 octobre 2017, aucune présentation devant le juge des libertés et de la détention n'ayant été nécessaire à leur arrivée sur le sol français, en l'absence de placement en garde à vue à ce moment. 57. En se déterminant ainsi, alors que les demandeurs, privés de liberté depuis l'arraisonnement, intervenu le 20 octobre 2017, ont été remis, par l'autorité navale, aux fonctionnaires de l'administration des douanes, le 23 octobre 2017, à leur arrivée à Nouméa, puis placés en rétention douanière et en garde à vue sans avoir été présentés au juge des libertés et de la détention, la cour d'appel a méconnu les textes précités. 58. La cassation est, en conséquence, encourue. Portée de la cassation 59. La cassation sera limitée aux dispositions de l'arrêt ayant rejeté l'exception de nullité prise du défaut de comparution des prévenus devant le juge des libertés et de la détention à leur arrivée à Nouméa ainsi que, par voie de conséquence, aux dispositions relatives aux déclarations de culpabilité et aux peines prononcées. Les dispositions de l'arrêt attaqué, rejetant les exceptions de nullité visées par les trois premiers moyens de cassation, sont maintenues. PAR CES MOTIFS, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de cassation proposés, la Cour : CASSE et ANNULE, en ses seules dispositions relatives à l'exception de nullité prise du défaut de comparution des prévenus devant le juge des libertés et de la détention à leur arrivée à Nouméa, aux déclarations de culpabilité et aux peines, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Nouméa, en date du 5 juin 2018, les autres dispositions de l'arrêt demeurant expressément maintenues ; Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée, RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, à ce désignée par délibération prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Nouméa, et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le onze mars deux mille vingt.
Selon l'article 5, § 3, de la Convention européenne des droits de l'homme, toute personne arrêtée ou détenue doit être aussitôt traduite devant un juge ou un autre magistrat habilité à exercer des fonctions judiciaires. Selon l'article L. 1521-18 du code de la défense, dès leur arrivée sur le sol français, les personnes faisant l'objet de mesures de coercition sur un bâtiment de la Marine nationale, en application des articles L. 1521-11 et suivants du même code, sont mises à la disposition de l'autorité judiciaire. Si elles font l'objet d'une mesure de garde à vue, elles sont présentées dans les plus brefs délais, soit, à la requête du procureur de la République, au juge des libertés et de la détention, soit au juge d'instruction, qui peuvent ordonner leur mise en liberté. Encourt la cassation l'arrêt qui écarte l'exception de nullité, soulevée par les membres de l'équipage d'un navire arraisonné en haute-mer, qui, privés de liberté sur un bâtiment de la Marine nationale, ont été placés, dès leur arrivée au port, en rétention douanière puis à l'issue, en garde à vue sans avoir été présentés immédiatement au juge des libertés et de la détention ou au juge d'instruction
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N° W 20-81.910 FS-P+B+I N° 974 CG10 26 MAI 2020 CASSATION M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 26 MAI 2020 CASSATION sur le pourvoi formé par M. H... Y... contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 8e section, en date du 8 avril 2020, qui, dans la procédure suivie contre lui des chefs d'assassinat, infractions à la législation sur les stupéfiants et association de malfaiteurs, a dit sans objet sa saisine aux fins de prolongation de la détention provisoire . Un mémoire a été produit. Sur le rapport de Mme Labrousse, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. H... Y... , et les conclusions de M. Desportes, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 19 mai 2020 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Durin-Karsenty, M. Bonnal, Mme Ménotti, M. Maziau, Mme Labrousse, M. Seys, conseillers de la chambre, M. Barbier, M. Violeau, conseillers référendaires, M. Desportes, premier avocat général, et Mme Guichard, greffier de chambre , la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Le 12 avril 2019, M. Y... , placé en détention provisoire, a été mis en accusation devant la cour d'assises des chefs précités. 3. Par requête en date du 27 février 2020, le procureur général a saisi la chambre de l'instruction afin de voir prolonger les effets du mandat de dépôt pour une durée de six mois, en application de l'article 181 du code de procédure pénale, le titre de détention de l'accusé expirant le 22 avril 2020. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a constaté que la saisine de la cour d'appel, sur requête du parquet du 27 février 2020 en vue de la prolongation de la détention provisoire, sur le fondement de l'article 181 du code de procédure pénale, est devenue sans objet, le délai dans lequel doit intervenir l'audience de jugement étant de plein droit prorogé de six mois par l'effet de l'article 16 de l'ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020, alors : « 1°/ que l'article 16 de l'ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 ne prolonge de plein droit que le délai maximum de la détention provisoire ; qu'en l'espèce la durée de la détention de monsieur Y... mis en accusation par une ordonnance du 19 avril 2019 était encore prorogeable de six mois en application de l'article 181 du code de procédure pénale en sorte que l'article 16 de l'ordonnance était inapplicable ; que dès lors l'arrêt attaqué a violé l'article 16 de l'ordonnance n° 2020-303 par fausse application et les articles 144 et 181 du code de procédure pénale par refus d'application ; 2°/ que l'article 16 de l'ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 qui allonge le délai maximum de la détention provisoire n'a pas exclu que le juge se prononce dans chaque cas sur la nécessité de cette prolongation ; qu'au contraire les articles 18 et 19 de l'ordonnance qui respectivement allonge les délais pour statuer impartis à la chambre de l'instruction sur tout recours en matière de détention provisoire et aménage une procédure écrite et contradictoire devant le juge des libertés et de la détention pour la prolongation de la détention ont expressément laissé les prolongations de la détention au contrôle du juge ; que dès lors la chambre de l'instruction, régulièrement saisie par une requête du parquet général, ne pouvait refuser de se prononcer sur le maintien en détention pour une nouvelle durée de six mois de Monsieur Y... ; que l'arrêt attaqué a ainsi violé l'article 16 susvisé de l'ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020, les articles préliminaire, 144 et 181 du code de procédure pénale, 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 16 de la Déclaration des droits de l'homme et 66 de la Constitution de 1958 ; 3°/ qu'à supposer que l'on puisse interpréter l'article 16 de l'ordonnance 2020-303 du 25 mars 2020 comme ayant prolongé de plein droit tous les titres de détention en cours ou délivrés pendant l'état d'urgence, il excède la loi d'habilitation n° 2020-290 du 23 mars 2020 dont l'article 11 I 2°) n'a pas autorisé le gouvernement à prolonger lui-même, sans contrôle du juge, la durée des détentions provisoires ; qu'il sera donc déclaré illégal et son application écartée ; 4°/ qu'à supposer que l'article 11 I 2°) de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 puisse se lire comme ayant autorisé le gouvernement à prolonger lui-même automatiquement pour des durées allant jusqu'à six mois les détentions provisoires sans aucun contrôle du juge judiciaire il est contraire à l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme de 1789 et à l'article 66 de la Constitution ; 5°/ que dans ces mêmes hypothèses et pour ces mêmes raisons l'article 16 de l'ordonnance du 25 mars 2020 et l'article 11 I 2°) de la loi du 23 mars 2020 sont contraires aux articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme les atteintes qu'ils portent aux droits fondamentaux protégés par ces textes étant manifestement disproportionnées au regard des contraintes liées à l'état d'urgence sanitaire ; que leur application sera donc écartée ; 6°/ que les mesures exceptionnelles et dérogatoires résultant de l'ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 ont pour seules fins de limiter la propagation de l'épidémie de covid-19 parmi les personnes participant aux procédures ; qu'en l'espèce l'audience s'est tenue en présence de l'intéressé, extrait de la maison d'arrêt, de ses avocats, des magistrats composant la chambre de l'instruction, de l'avocat général et du greffier ; que dès lors l'examen au fond par la chambre de l'instruction de la nécessité et l'opportunité de prolonger la détention de monsieur Y... ne faisait courir aucun risque sanitaire supplémentaire ; qu'en refusant dans ces conditions de se prononcer au fond sur la nécessité de prolonger la détention pour une durée de six mois, la chambre de l'instruction, méconnaissant et excédant ses propres pouvoirs, a porté une atteinte manifestement disproportionnée au droit à la liberté individuelle et aux droits de la défense tels qu'ils sont protégés par la Constitution de 1958, notamment l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et l'article 66 de la Constitution, et violé les articles préliminaire, 144, 181 du code de procédure pénale et les articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. » Réponse de la Cour Sur le moyen pris en sa quatrième branche 5. Par arrêt de ce jour, la chambre criminelle a renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité relative à l'article 11, I, 2°, d) de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020. 6. L'article 23-5, alinéa 4, de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel dispose que lorsque le Conseil constitutionnel a été saisi, le Conseil d'Etat ou la Cour de cassation sursoit à statuer jusqu'à ce qu'il se soit prononcé. Il en va autrement quand l'intéressé est privé de liberté à raison de l'instance et que la loi prévoit que la Cour de cassation statue dans un délai déterminé. 7. Tel est le cas en l'espèce. 8. Il est rappelé que, dans sa décision n° 2009-595 DC du 3 décembre 2009, le Conseil constitutionnel a jugé que si l'alinéa 4 de l'article précité peut conduire à ce qu'une décision définitive soit rendue dans une instance à l'occasion de laquelle le Conseil constitutionnel a été saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité et sans attendre qu'il ait statué, dans une telle hypothèse, ni cette disposition ni l'autorité de la chose jugée ne sauraient priver le justiciable de la faculté d'introduire une nouvelle instance pour qu'il puisse être tenu compte de la décision du Conseil constitutionnel. Sur le moyen pris en ses première et deuxième branches 9. L'article 16 de l'ordonnance n°2020-303 du 25 mars 2020, prise en application de l'article 11 de la loi du 23 mars 2020 précité, dispose : « En matière correctionnelle, les délais maximums de détention provisoire ou d'assignation à résidence sous surveillance électronique, prévus par les dispositions du code de procédure pénale, qu'il s'agisse des détentions au cours de l'instruction ou des détentions pour l'audiencement devant les juridictions de jugement des affaires concernant des personnes renvoyées à l'issue de l'instruction, sont prolongés de plein droit de deux mois lorsque la peine d'emprisonnement encourue est inférieure ou égale à cinq ans et de trois mois dans les autres cas, sans préjudice de la possibilité pour la juridiction compétente d'ordonner à tout moment, d'office, sur demande du ministère public ou sur demande de l'intéressé, la mainlevée de la mesure, le cas échéant avec assignation à résidence sous surveillance électronique ou sous contrôle judiciaire lorsqu'il est mis fin à une détention provisoire. Ce délai est porté à six mois en matière criminelle et, en matière correctionnelle, pour l'audiencement des affaires devant la cour d'appel. Les prolongations prévues à l'alinéa précédent sont applicables aux mineurs âgés de plus de seize ans, en matière criminelle ou s'ils encourent une peine d'au moins sept ans d'emprisonnement. Les prolongations prévues par le présent article ne s'appliquent qu'une seule fois au cours de chaque procédure». 10. Pour faire face au risque sanitaire majeur provoqué par l'épidémie de covid-19, le Gouvernement a adopté, par décrets, plusieurs mesures afin de limiter sa propagation, dont une mesure de strict confinement de la population. L'article 4 de la loi du 23 mars 2020, précitée, a déclaré l'état d'urgence sanitaire pour une durée de deux mois sur l'ensemble du territoire national. Par un nouveau décret, les mesures prises antérieurement ont été réitérées. C'est dans ce contexte qu'a été adoptée l'ordonnance du 25 mars 2020, dont l'article 16 doit être interprété. 11. Il convient de déterminer si l'expression « délais maximums de détention provisoire » désigne la durée totale de la détention susceptible d'être subie après l'ultime prolongation permise par le code de procédure pénale ou si elle désigne la durée au terme de laquelle le titre de détention cesse de produire effet en l'absence de décision de prolongation. 12. Dès l'entrée en vigueur du texte, cette question a suscité des difficultés majeures d'interprétation, qui ont entraîné des divergences d'analyse par les juridictions de première instance comme d'appel. 13. L'expression «délais maximums de détention provisoire», mentionnée à l'article 16 de l'ordonnance, ne figure pas aux articles 145-1, 145-2, 179, 181, 509-1 et 380-3-1 du code de procédure pénale prévoyant la prolongation de la détention provisoire. Les termes « durée maximale » ou « délai maximal » de la détention provisoire apparaissent dans la jurisprudence de la Cour de cassation et désignent alors la durée totale de la détention. Mais, à l'inverse, les articles 145-1 et 145-2 précités énoncent des maximums de détention provisoire dans des hypothèses où la détention peut être prolongée au-delà de ces maximums. 14. Les autres dispositions de l'article 16 ou les autres articles de l'ordonnance ne permettent pas davantage d'interpréter de façon évidente, dans un sens ou dans l'autre, les termes de « délais maximums ». Ainsi l'alinéa 3 de l'article 16, aux termes duquel « Les prolongations prévues par le présent article ne s'appliquent qu'une seule fois au cours de chaque procédure » garde son utilité même si l'on interprète l'expression « délais maximums » comme visant la durée totale de la détention puisqu'il implique alors que si la prolongation de droit a été appliquée pour augmenter la durée totale de la détention provisoire pendant l'instruction, elle ne peut plus l'être à nouveau pour augmenter la durée totale de la détention provisoire pour l'audiencement. 15. A l'inverse, l'article 19 de l'ordonnance, qui permet au juge, sous certaines conditions, d'organiser un débat sans comparution de la personne détenue et selon une procédure écrite ne suffit pas à exclure l'interprétation selon laquelle l'ordonnance aurait prévu de différer les débats institués par le code de procédure pénale en vue de la prolongation de la détention provisoire. En effet, en application de l'article 16, la prolongation de plein droit ne peut intervenir qu'à une reprise dans chaque procédure, de sorte qu'en raison de l'incertitude sur la durée de l'état d'urgence sanitaire, il pouvait apparaître nécessaire de prévoir une procédure simplifiée de prolongation pour les détentions provisoires dont le terme aurait déjà fait l'objet d'une prolongation de plein droit. 16. Dès lors, l'expression « délais maximums de détention provisoire » ne permet pas, à elle seule, de déterminer la portée de l'article 16. 17. En revanche, il convient d'observer que la prolongation de « plein droit » des délais maximums de détention provisoire ne peut être interprétée que comme signifiant l'allongement de ces délais, pour la durée mentionnée à l'article 16, sans que ne soit prévue l'intervention d'un juge. 18. Or, il serait paradoxal que l'article 16 ait prévu que l'allongement de la durée totale de la détention s'effectue sans intervention judiciaire tandis que l'allongement d'un titre de détention intermédiaire serait subordonné à une décision judiciaire. 19. Il convient d'en déduire que l'article 16 s'interprète comme prolongeant, sans intervention judiciaire, pour les durées qu'il prévoit, tout titre de détention venant à expiration, mais à une seule reprise au cours de chaque procédure. 20. Au surplus, cette lecture de l'article 16 n'est pas en contradiction avec l'article 1er, III, 2°, de la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 qui a introduit un article 16-1 dans l'ordonnance mettant fin aux prolongations de plein droit prévues à l'article 16 et dont il résulte que celles-ci s'appliquaient soit à une échéance intermédiaire, soit à la dernière échéance possible de la détention provisoire. 21. Dès lors, les deux premières branches du moyen ne sont pas fondées. Sur le moyen pris en sa troisième branche 22. Il y a lieu d'examiner si, ainsi interprété, l'article 16 excède les limites de l'article 11, I, 2°) d) de la loi d'habilitation du 23 mars 2020. 23. Afin, d'une part, de faire face aux conséquences de la propagation de l'épidémie de covid-19 et de tenir compte des mesures prises pour limiter cette propagation, d'autre part, de limiter la propagation de l'épidémie parmi les personnes participant aux procédures en cause, l'article 11 précité a autorisé le Gouvernement à adapter le déroulement et la durée des détentions provisoires pour permettre l'allongement des délais de détention et la prolongation de ces mesures selon une procédure écrite. 24. Il s'ensuit que le Gouvernement a pu prévoir, sans excéder les limites de la loi d'habilitation, la prolongation de plein droit des titres de détention au cours de l'instruction ou lors de l'audiencement, à une reprise, pour les durées prévues à l'article 16. 25. Le grief n'est dès lors pas fondé. Sur le moyen pris en sa quatrième branche 26. L'ordonnance précitée a prévu l'allongement des délais de détention sur le fondement de l'article 11 de la loi du 23 mars 2020. 27. Par arrêt de ce jour, la chambre criminelle a renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité relative à cet article. 28. En conséquence, il n'appartient pas à la Cour de cassation d'apprécier la conformité à la Constitution de l'article 16 de l'ordonnance prise en application de ladite loi. 29. Cette branche est dès lors irrecevable. Mais sur le moyen pris en ses cinquième et sixième branches Vu les articles 5 de la Convention européenne des droits de l'homme et 181 du code de procédure pénale : 30. Il résulte du premier de ces textes que lorsque la loi prévoit, au-delà de la durée initiale qu'elle détermine pour chaque titre concerné, la prolongation d'une mesure de détention provisoire, l'intervention du juge judiciaire est nécessaire comme garantie contre l'arbitraire. 31. Selon le second, l'accusé détenu en raison des faits pour lesquels il est renvoyé devant la cour d'assises est immédiatement remis en liberté s'il n'a pas comparu devant celle-ci à l'expiration d'un délai d'un an à compter soit de la date à laquelle la décision de mise en accusation est devenue définitive s'il était alors détenu, soit de la date à laquelle il a été ultérieurement placé en détention provisoire. Toutefois, si l'audience sur le fond ne peut débuter avant l'expiration de ce délai, la chambre de l'instruction peut, à titre exceptionnel, par une décision rendue conformément à l'article 144 du code de procédure pénale et mentionnant les raisons de fait ou de droit faisant obstacle au jugement de l'affaire, ordonner la prolongation de la détention provisoire pour une nouvelle durée de six mois. 32. Il convient de s'interroger sur le point de savoir si les dispositions de l'article 16 de l'ordonnance sont conformes à l'article 5 de la Convention européenne des droits de l'homme, étant rappelé qu'à ce jour, la France n'a pas exercé le droit de dérogation, prévu à l'article 15 de ladite Convention. 33. D'une part, l'article 16 maintient, de par le seul effet de la loi et sans décision judiciaire, des personnes en détention, au delà de la durée du terme fixé dans le mandat de dépôt ou l'ordonnance de prolongation, retirant ainsi à la juridiction compétente le pouvoir d'apprécier, dans tous les cas, s'il y avait lieu d'ordonner la mise en liberté de la personne détenue. 34. D'autre part, ce même texte conduit à différer, à l'égard de tous les détenus, l'examen systématique, par la juridiction compétente, de la nécessité du maintien en détention et du caractère raisonnable de la durée de celle-ci. 35. Or, l'exigence conventionnelle d'un contrôle effectif de la détention provisoire ne peut être abandonnée à la seule initiative de la personne détenue ni à la possibilité pour la juridiction compétente d'ordonner, à tout moment, d'office ou sur demande du ministère public, la mainlevée de la mesure de détention. 36. Aussi l'article 16 de l'ordonnance ne saurait-il être regardé comme compatible avec l'article 5 de la Convention européenne des droits de l'homme et la prolongation qu'il prévoit n'est-elle régulière que si la juridiction qui aurait été compétente pour prolonger la détention rend, dans un délai rapproché courant à compter de la date d'expiration du titre ayant été prolongé de plein droit, une décision par laquelle elle se prononce sur le bien-fondé du maintien en détention. 37. Même en tenant compte des circonstances de fait exceptionnelles résultant du contexte épidémique, lorsque la personne n'a pas encore été jugée en première instance, un tel délai, au sens de l'article 5 précité, ne peut être supérieur à un mois en matière délictuelle et à trois mois en matière criminelle. Après une condamnation en première instance, cette limite est portée à trois mois en matière tant correctionnelle que criminelle, les faits reprochés à l'intéressé ayant alors déjà été examinés au fond par une juridiction. 38. Dans cet office, il appartient au juge d'exercer le contrôle qui aurait été le sien s'il avait dû statuer sur la prolongation de la détention provisoire, et ce dans le cadre d'un débat contradictoire tenu, le cas échéant, selon les modalités prévues par l'article 19 de l'ordonnance. 39. Ce contrôle judiciaire a eu lieu lorsque, en première instance ou en appel, la juridiction compétente, saisie de la question de la prolongation de plein droit de la détention provisoire, a, dans le respect de l'article 5 de la Convention européenne des droits de l'homme et dans le plein exercice de son office de gardien de la liberté individuelle, statué sur la nécessité de cette mesure dans le délai visé au paragraphe 37. 40. Il doit être considéré également que ce contrôle a eu lieu lorsque, dans le délai visé au paragraphe 37, la juridiction compétente a statué sur la nécessité de la détention, d'office ou lors de l'examen d'une demande de mise en liberté. 41. Dans les autres cas, si l'intéressé n'a pas, entre-temps, fait l'objet d'un nouveau titre de détention, il incombe au juge d'effectuer ce contrôle dans les délais énoncés au paragraphe 37, à moins que, dans ce délai, il n'ait déjà exercé son contrôle en application de l'article 16-1, alinéa 5, de l'ordonnance du 25 mars 2020, introduit par la loi du 11 mai 2020. 42. A défaut d'un tel contrôle et sauf s'il est détenu pour autre cause, l'intéressé doit être immédiatement remis en liberté. 43. En l'espèce, l'arrêt, après avoir relevé qu'il n'y avait pas lieu d'examiner le bien-fondé de la prolongation de la détention, énonce que la saisine de la chambre de l'instruction est devenue sans objet, le délai de comparution devant la cour d'assises ayant été prolongé de six mois de plein droit. 44. En prononçant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés. 45. En effet, saisie par requête du procureur général aux fins de prolongation de la détention provisoire, il lui appartenait de statuer sur la nécessité du maintien en détention de l'accusé, qui sollicitait d'ailleurs sa mise en liberté dans son mémoire. 46. La cassation est dès lors encourue. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 8 avril 2020, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ; RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; DIT que la chambre de l'instruction de renvoi devra statuer dans le délai prévu au paragraphe 37 du présent arrêt ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en audience publique du vingt-six mai deux mille vingt.
1. L'article 16 de l'ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 s'interprète comme prolongeant, sans intervention judiciaire, pour les durées qu'il prévoit, tout titre de détention venant à expiration, mais à une seule reprise au cours de chaque procédure. 2. L'article 16 précité n'excède pas les limites de la loi d'habilitation n° 2020-290 du 23 mars 2020. 3. Il résulte de l'article 5 de la Convention européenne des droits de l'homme que lorsque la loi prévoit, au-delà de la durée initiale qu'elle détermine pour chaque titre concerné, la prolongation d'une mesure de détention provisoire, l'intervention du juge judiciaire est nécessaire comme garantie contre l'arbitraire. Dès lors, l'article 16 précité de l'ordonnance n'est compatible avec l'article 5 de cette convention et la prolongation qu'il prévoit régulière que si la juridiction qui aurait été compétente pour prolonger la détention rend une décision par laquelle elle se prononce sur le bien-fondé du maintien en détention, dans le cadre d'un débat contradictoire tenu, le cas échéant, selon les modalités prévues par l'article 19 de l'ordonnance. Cette décision doit intervenir dans un délai qui court à compter de la date d'expiration du titre ayant été prolongé de plein droit et qui ne peut être supérieur d'une part, à un mois en matière délictuelle, d'autre part, à trois mois en matière criminelle ainsi qu'en cas d'appel de la condamnation prononcée en première instance. Une telle décision ne s'impose pas lorsqu'en première instance ou en appel, la juridiction compétente, saisie de la question de la prolongation de plein droit de la détention provisoire, a statué sur la nécessité de cette mesure dans le délai précité. Elle ne s'impose pas non plus si la juridiction compétente a statué sur la nécessité de la détention, d'office ou lors de l'examen d'une demande de mise en liberté, toujours dans le délai précité. Dans les autres cas, si l'intéressé n'a pas, entre-temps, fait l'objet d'un nouveau titre de détention, il incombe au juge d'effectuer ce contrôle dans les délais précités, à moins que, dans ce délai, il n'ait déjà exercé son contrôle en application de l'article 16-1, alinéa 5, de l'ordonnance du 25 mars 2020, introduit par la loi du 11 mai 2020. A défaut d'un tel contrôle et sauf s'il est détenu pour autre cause, l'intéressé doit être immédiatement remis en liberté. Encourt dès lors la cassation l'arrêt qui, après avoir relevé que le délai de comparution devant la cour d'assises avait été prolongé de six mois de plein droit, énonce que la saisine de la chambre de l'instruction est devenue sans objet, alors qu'il appartenait à cette juridiction de statuer sur la nécessité du maintien en détention de l'accusé, qui sollicitait d'ailleurs sa mise en liberté dans son mémoire
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N° N 20-81.971 FS-P+B+I N° 977 CG10 26 MAI 2020 CASSATION M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 26 MAI 2020 CASSATION sur les pourvois formés par M. G... R... contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Grenoble, en date du 14 avril 2020, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de tentative de meurtre en bande organisée, recel et destruction aggravée d'un bien appartenant à autrui, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention constatant la prolongation de plein droit de la détention provisoire. Les pourvois sont joints en raison de la connexité. Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits. Sur le rapport de Mme Labrousse, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. G... R..., et les conclusions de M. Desportes, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 19 mai 2020 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Durin-Karsenty, M. Bonnal, Mme Ménotti, M. Maziau, M. Seys, conseillers de la chambre, M. Barbier, M. Violeau, conseillers référendaires, M. Desportes, premier avocat général, et Mme Guichard, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Le 4 avril 2019, M. R..., mis en examen des chefs susvisés, a été placé en détention provisoire. 3. Le 17 mars 2020, le juge d'instruction a saisi le juge des libertés et de la détention aux fins de prolongation de cette mesure, le titre de détention de la personne mise en examen expirant le 3 avril 2020. 4. Par ordonnance en date du 30 mars 2020, le juge des libertés et de la détention a constaté que la détention provisoire de M. R... était prolongée de plein droit pour une durée de six mois, en application de l'article 16 de l'ordonnance du 25 mars 2020. 5. M. R... a relevé appel de cette ordonnance. Examen de la recevabilité du pourvoi formé le 17 avril 2020 6.Le demandeur, ayant épuisé par sa déclaration en date du 15 avril 2020 son droit de se pourvoir en cassation, le pourvoi formé le 17 avril 2020 est irrecevable. Examen du moyen Enoncé du moyen 7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté l'exception d'illégalité de l'article 16 de l'ordonnance n° 2020/303 du 25 mars 2020, et a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du 30 mars 2020 ayant dit n'y avoir lieu à débat contradictoire et ayant constaté la prolongation de plein droit pour une durée de six mois de la détention provisoire de M. R..., alors : « 1°/ que l'article 16 de l'ordonnance n° 2020/303 du 25 mars 2020 ne prévoit une prolongation « de plein droit » que pour les délais maximums de détention provisoire, c'est-à-dire lorsque les ultimes prolongations légales sont atteintes ; que tel n'est pas le cas lors du premier renouvellement d'un mandat criminel, qui doit être renouvelé d'abord dans les conditions de l'article 145-2 al. 1 du code de procédure pénale, avant d'avoir éventuellement recours à la dernière prolongation ouverte par l'article 16 précité ; qu'en faisant application de ce texte lors du premier renouvellement du mandat criminel délivré lors de l'instruction, la chambre de l'instruction a violé ledit article 16 par fausse application ; 2°/ qu'il résulte des articles 16 et 19 de l'ordonnance 2020/303 du 25 mars 2020, que les prolongations envisagées par l'article 16 ne peuvent être prises qu'après un débat contradictoire, éventuellement écrit comme prévu à l'article 19 de la même ordonnance ; qu'en affirmant que ce dernier texte n'était applicable qu'au moment où « le délai de la détention augmenté de 2, 3 ou 6 mois sera arrivé à sera arrivé à son terme et qu'un débat contradictoire devra être organisé afin de statuer sur une éventuelle prorogation », et en validant une ordonnance rendue sans débat contradictoire sur le fond, la chambre de l'instruction a violé ces textes ; 3°/ qu'aux termes de l'article 111-5 du code pénal, les juridictions pénales sont compétentes pour interpréter les actes administratifs réglementaires ou individuels, et pour en apprécier la légalité lorsque, de cet examen, dépend la solution du procès pénal qui leur est soumis ; que la prolongation de la détention ordonnée de plein droit n'étant possible qu'aux termes de l'article 16 de l'ordonnance n° 2020/303 du 25 mars 2020 – texte de nature réglementaire en l'état –, la chambre de l'instruction avait le pouvoir de contrôler sa légalité ; qu'en se déclarant incompétente pour le faire, la chambre de l'instruction a violé l'article 111-5 du code pénal précité et méconnu l'étendue de ses pouvoirs ; 4°/ que l'article 11.I.2.d de la loi d'urgence n° 2020-290 du 23 mars 2020 autorisait le gouvernement à adopter par ordonnance des règles relatives au déroulement et à la durée des détentions provisoires et des assignations à résidence sous surveillance électronique, pour permettre l'allongement des délais au cours de l'instruction et en matière d'audiencement, pour une durée proportionnée à celle de droit commun (... et la prolongation de ces mesures au vu des seules réquisitions écrites du parquet et des observations écrites de la personne et de son avocat » ; que ce texte ayant pour unique objectif (« aux seules fins ») de « limiter la propagation de l'épidémie de Covid 19 parmi les personnes participant à ces procédures », se bornait à remplacer tout débat oral par un débat écrit, et à autoriser la prolongation des délais, de détention notamment, sans supprimer pour autant l'imperium du juge et son appréciation de la nécessité de mettre en oeuvre la possibilité de prolongation prévue par le texte ; qu'en édictant des prolongations « de plein droit » non prévues par l'ordonnance, l'article 16 précité excède les limites de l'habilitation législative et est entaché d'excès de pouvoir ; 5°/ qu'à supposer que l'article 16 de l'ordonnance n° 2020/303 du 25 mars 2020 ait entendu créer une prolongation de détention de plein droit et systématique, sans permettre au juge d'apprécier sa nécessité au fond, notamment à l'occasion d'un débat contradictoire fût-il écrit, ce texte est contraire aux articles 66 et 16 de la Constitution de 1958, qui confère au juge judiciaire la protection de la liberté individuelle et impose en la matière un recours effectif au juge ; 6°/ qu'un tel texte, à l'interpréter de la sorte, en faisant échapper une possible prolongation de la détention provisoire au contrôle du juge, est contraire aux dispositions de l'article 5 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 7°/ qu'à supposer que l'article 11.I.2.d de la loi d'urgence n° 2020-290 du 23 mars 2020 ait entendu créer une prolongation de détention de plein droit et systématique, sans permettre au juge d'en apprécier la nécessité au fond, ce texte est contraire à la Constitution, ce que ne manquera pas de constater le Conseil constitutionnel à la suite de la question prioritaire de constitutionnalité soumise à la Cour de cassation par mémoire spécial et motivé – et notamment contraire aux articles 66 et 16 de la Constitution de 1958 qui confèrent au juge judiciaire la protection de la liberté individuelle et imposent son intervention pour vérifier si une prolongation de détention provisoire est nécessaire et utile ; que la déclaration d'inconstitutionnalité de ce texte entrainera la nullité de l'arrêt attaqué et que la cassation interviendra sans renvoi. » Réponse de la Cour Sur le moyen pris en sa septième branche 8. Par arrêt de ce jour, la chambre criminelle a renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité relative à l'article 11, I, 2°, d) de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020. 9. L'article 23-5, alinéa 4, de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel dispose que lorsque le Conseil constitutionnel a été saisi, le Conseil d'Etat ou la Cour de cassation sursoit à statuer jusqu'à ce qu'il se soit prononcé. Il en va autrement quand l'intéressé est privé de liberté à raison de l'instance et que la loi prévoit que la Cour de cassation statue dans un délai déterminé. 10. Tel est le cas en l'espèce. 11. Il est rappelé que, dans sa décision n° 2009-595 DC du 3 décembre 2009, le Conseil constitutionnel a jugé que si l'alinéa 4 de l'article précité peut conduire à ce qu'une décision définitive soit rendue dans une instance à l'occasion de laquelle le Conseil constitutionnel a été saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité et sans attendre qu'il ait statué, dans une telle hypothèse, ni cette disposition ni l'autorité de la chose jugée ne sauraient priver le justiciable de la faculté d'introduire une nouvelle instance pour qu'il puisse être tenu compte de la décision du Conseil constitutionnel. Sur le moyen pris en sa troisième branche 12. Contrairement à ce qui est soutenu, la chambre de l'instruction ne s'est pas déclarée incompétente pour contrôler la légalité de l'ordonnance du 25 mars 2020 sur le fondement de l'article 111-5 du code pénal mais s'est bornée à énoncer qu'en cas d'illégalité, elle ne pourrait annuler celle-ci mais seulement en écarter l'application dans la procédure en cours. 13. Dès lors, cette branche du moyen manque en fait. Sur le moyen pris en ses première et deuxième branches 14. L'article 16 de l'ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020, prise en application de l'article 11 de la loi du 23 mars 2020 précité, dispose : « En matière correctionnelle, les délais maximums de détention provisoire ou d'assignation à résidence sous surveillance électronique, prévus par les dispositions du code de procédure pénale, qu'il s'agisse des détentions au cours de l'instruction ou des détentions pour l'audiencement devant les juridictions de jugement des affaires concernant des personnes renvoyées à l'issue de l'instruction, sont prolongés de plein droit de deux mois lorsque la peine d'emprisonnement encourue est inférieure ou égale à cinq ans et de trois mois dans les autres cas, sans préjudice de la possibilité pour la juridiction compétente d'ordonner à tout moment, d'office, sur demande du ministère public ou sur demande de l'intéressé, la mainlevée de la mesure, le cas échéant avec assignation à résidence sous surveillance électronique ou sous contrôle judiciaire lorsqu'il est mis fin à une détention provisoire. Ce délai est porté à six mois en matière criminelle et, en matière correctionnelle, pour l'audiencement des affaires devant la cour d'appel. Les prolongations prévues à l'alinéa précédent sont applicables aux mineurs âgés de plus de seize ans, en matière criminelle ou s'ils encourent une peine d'au moins sept ans d'emprisonnement. Les prolongations prévues par le présent article ne s'appliquent qu'une seule fois au cours de chaque procédure». 15. Pour faire face au risque sanitaire majeur provoqué par l'épidémie de covid-19, le Gouvernement a adopté, par décrets, plusieurs mesures afin de limiter sa propagation, dont un strict confinement de la population. L'article 4 de la loi du 23 mars 2020, précitée, a déclaré l'état d'urgence sanitaire pour une durée de deux mois sur l'ensemble du territoire national. Par un nouveau décret, les mesures prises antérieurement ont été réitérées. C'est dans ce contexte qu'a été adoptée l'ordonnance du 25 mars 2020, dont l'article 16 doit être interprété. 16. Il convient de déterminer si l'expression « délais maximums de détention provisoire » désigne la durée totale de la détention susceptible d'être subie après l'ultime prolongation permise par le code de procédure pénale ou si elle désigne la durée au terme de laquelle le titre de détention cesse de produire effet en l'absence de décision de prolongation. 17. Dès l'entrée en vigueur du texte, cette question a suscité des difficultés majeures d'interprétation, qui ont entraîné des divergences d'analyse par les juridictions de première instance comme d'appel. 18. L'expression «délais maximums de détention provisoire», mentionnée à l'article 16 de l'ordonnance, ne figure pas aux articles 145-1, 145-2, 179, 181, 509-1 et 380-3-1 du code de procédure pénale prévoyant la prolongation de la détention provisoire. Les termes « durée maximale » ou « délai maximal » de la détention provisoire apparaissent dans la jurisprudence de la Cour de cassation et désignent alors la durée totale de la détention. Mais, à l'inverse, les articles 145-1 et 145-2 précités énoncent des maximums de détention provisoire dans des hypothèses où la détention peut être prolongée au-delà de ces maximums. 19. Les autres dispositions de l'article 16 ou les autres articles de l'ordonnance ne permettent pas davantage d'interpréter de façon évidente, dans un sens ou dans l'autre, les termes de « délais maximums ». Ainsi l'alinéa 3 de l'article 16, aux termes duquel « Les prolongations prévues par le présent article ne s'appliquent qu'une seule fois au cours de chaque procédure » garde son utilité même si l'on interprète l'expression « délais maximums » comme visant la durée totale de la détention puisqu'il implique alors que si la prolongation de droit a été appliquée pour augmenter la durée totale de la détention provisoire pendant l'instruction, elle ne peut plus l'être à nouveau pour augmenter la durée totale de la détention provisoire pour l'audiencement. 20. A l'inverse, l'article 19 de l'ordonnance, qui permet au juge, sous certaines conditions, d'organiser un débat sans comparution de la personne détenue et selon une procédure écrite ne suffit pas à exclure l'interprétation selon laquelle l'ordonnance aurait prévu de différer les débats institués par le code de procédure pénale en vue de la prolongation de la détention provisoire. En effet, en application de l'article 16, la prolongation de plein droit ne peut intervenir qu'à une reprise dans chaque procédure, de sorte qu'en raison de l'incertitude sur la durée de l'état d'urgence sanitaire, il pouvait apparaître nécessaire de prévoir une procédure simplifiée de prolongation pour les détentions provisoires dont le terme aurait déjà fait l'objet d'une prolongation de plein droit. 21. Dès lors, l'expression « délais maximums de détention provisoire » ne permet pas, à elle seule, de déterminer la portée de l'article 16. 22. En revanche, il convient d'observer que la prolongation de « plein droit » des délais maximums de détention provisoire ne peut être interprétée que comme signifiant l'allongement de ces délais, pour la durée mentionnée à l'article 16, sans que ne soit prévue l'intervention d'un juge. 23. Or, il serait paradoxal que l'article 16 ait prévu que l'allongement de la durée totale de la détention s'effectue sans intervention judiciaire tandis que l'allongement d'un titre de détention intermédiaire serait subordonné à une décision judiciaire. 24. Il convient d'en déduire que l'article 16 s'interprète comme prolongeant, sans intervention judiciaire, pour les durées qu'il prévoit, tout titre de détention venant à expiration, mais à une seule reprise au cours de chaque procédure. 25. Au surplus, cette lecture de l'article 16 n'est pas en contradiction avec l'article 1er, III, 2° de la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 qui a introduit un article 16-1 dans l'ordonnance mettant fin aux prolongations de plein droit prévues à l'article 16 et dont il résulte que celles-ci s'appliquaient soit à une échéance intermédiaire, soit à la dernière échéance possible de la détention provisoire. 26. Dès lors, les deux premières branches du moyen ne sont pas fondées. Sur le moyen pris en sa quatrième branche 27. Il y a lieu d'examiner si, ainsi interprété, l'article 16 excède les limites de l'article 11, I, 2°, d) de la loi d'habilitation du 23 mars 2020. 28. Afin, d'une part, de faire face aux conséquences de la propagation de l'épidémie de covid-19 et de tenir compte des mesures prises pour limiter cette propagation, d'autre part, de limiter la propagation de l'épidémie parmi les personnes participant aux procédures en cause, l'article 11 précité a autorisé le Gouvernement à adapter le déroulement et la durée des détentions provisoires pour permettre l'allongement des délais de détention et la prolongation de ces mesures selon une procédure écrite. 29. Il s'ensuit que le Gouvernement a pu prévoir, sans excéder les limites de la loi d'habilitation, la prolongation de plein droit des titres de détention au cours de l'instruction ou lors de l'audiencement, à une reprise, pour les durées prévues à l'article 16. 30. Le grief n'est dès lors pas fondé. Sur le moyen pris en sa cinquième branche 31. L'ordonnance précitée a prévu l'allongement des délais de détention sur le fondement de l'article 11 de la loi du 23 mars 2020. 32. Par arrêt de ce jour, la chambre criminelle a renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité relative à cet article. 33. En conséquence, il n'appartient pas à la Cour de cassation d'apprécier la conformité à la Constitution de l'article 16 de l'ordonnance prise en application de ladite loi. 34. Cette branche est dès lors irrecevable. Mais sur le moyen pris en sa sixième branche Vu les articles 5 de la Convention européenne des droits de l'homme et 145-2 du code de procédure pénale : 35. Il résulte du premier de ces textes que lorsque la loi prévoit, au-delà de la durée initiale qu'elle détermine pour chaque titre concerné, la prolongation d'une mesure de détention provisoire, l'intervention du juge judiciaire est nécessaire comme garantie contre l'arbitraire. 36. Selon le second, en matière criminelle, la personne mise en examen ne peut être maintenue en détention au-delà d'un an. Toutefois, sous réserve des dispositions de l'article 145-3 du code de procédure pénale, le juge des libertés et de la détention peut, à l'expiration de ce délai, prolonger la détention pour une durée qui ne peut être supérieure à six mois par une ordonnance motivée conformément aux dispositions de l'article 137-3 dudit code et rendue après un débat contradictoire. 37. Il convient de s'interroger sur le point de savoir si les dispositions de l'article 16 de l'ordonnance sont conformes à l'article 5 de la Convention européenne des droits de l'homme, étant rappelé qu'à ce jour, la France n'a pas exercé le droit de dérogation, prévu à l'article 15 de ladite Convention. 38. D'une part, l'article 16 maintient, de par le seul effet de la loi et sans décision judiciaire, des personnes en détention, au delà de la durée du terme fixé dans le mandat de dépôt ou l'ordonnance de prolongation, retirant ainsi à la juridiction compétente le pouvoir d'apprécier, dans tous les cas, s'il y avait lieu d'ordonner la mise en liberté de la personne détenue. 39. D'autre part, ce même texte conduit à différer, à l'égard de tous les détenus, l'examen systématique, par la juridiction compétente, de la nécessité du maintien en détention et du caractère raisonnable de la durée de celle-ci. 40. Or, l'exigence conventionnelle d'un contrôle effectif de la détention provisoire ne peut être abandonnée à la seule initiative de la personne détenue ni à la possibilité pour la juridiction compétente d'ordonner, à tout moment, d'office ou sur demande du ministère public, la mainlevée de la mesure de détention. 41. Aussi l'article 16 de l'ordonnance ne saurait-il être regardé comme compatible avec l'article 5 de la Convention européenne des droits de l'homme et la prolongation qu'il prévoit n'est-elle régulière que si la juridiction qui aurait été compétente pour prolonger la détention rend, dans un délai rapproché courant à compter de la date d'expiration du titre ayant été prolongé de plein droit, une décision par laquelle elle se prononce sur le bien-fondé du maintien en détention. 42. Même en tenant compte des circonstances de fait exceptionnelles résultant du contexte épidémique, lorsque la personne n'a pas encore été jugée en première instance, un tel délai, au sens de l'article 5 précité, ne peut être supérieur à un mois en matière délictuelle et à trois mois en matière criminelle. Après une condamnation en première instance, cette limite est portée à trois mois en matière tant correctionnelle que criminelle, les faits reprochés à l'intéressé ayant alors déjà été examinés au fond par une juridiction. 43. Dans cet office, il appartient au juge d'exercer le contrôle qui aurait été le sien s'il avait dû statuer sur la prolongation de la détention provisoire, et ce dans le cadre d'un débat contradictoire tenu, le cas échéant, selon les modalités prévues par l'article 19 de l'ordonnance. 44. Ce contrôle judiciaire a eu lieu lorsque, en première instance ou en appel, la juridiction compétente, saisie de la question de la prolongation de plein droit de la détention provisoire, a, dans le respect de l'article 5 de la Convention européenne des droits de l'homme et dans le plein exercice de son office de gardien de la liberté individuelle, statué sur la nécessité de cette mesure dans le délai visé au paragraphe 42. 45. Il doit être considéré également que ce contrôle a eu lieu lorsque, dans le délai visé au paragraphe 42, la juridiction compétente a statué sur la nécessité de la détention, d'office ou lors de l'examen d'une demande de mise en liberté. 46. Dans les autres cas, si l'intéressé n'a pas, entre-temps, fait l'objet d'un nouveau titre de détention, il incombe au juge d'effectuer ce contrôle dans les délais énoncés au paragraphe 42, à moins que, dans ce délai, il n'ait déjà exercé son contrôle en application de l'article 16-1, alinéa 5, de l'ordonnance du 25 mars 2020, introduit par la loi du 11 mai 2020. 47. A défaut d'un tel contrôle et sauf s'il est détenu pour autre cause, l'intéressé doit être immédiatement remis en liberté. 48. En l'espèce, pour confirmer l'ordonnance du juge des libertés et de la détention, l'arrêt, après avoir rejeté l'exception d'illégalité de l'article 16 de l'ordonnance, énonce, sans autre analyse, que le juge n'a pu que constater que la détention provisoire de M.R... a été prolongée de plein droit pour une durée de six mois. 49. En prononçant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés. 50. En effet, saisie de la question de la prolongation de la détention provisoire, il lui appartenait de statuer sur la nécessité du maintien en détention de la personne mise en examen, qui sollicitait d'ailleurs sa mise en liberté dans son mémoire. 51. La cassation est dès lors encourue. PAR CES MOTIFS, la Cour : Sur le pourvoi formé le 17 avril 2020 Le DÉCLARE IRRECEVABLE ; Sur le pourvoi formé le 15 avril 2020 CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Grenoble, en date du 14 avril 2020, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ; RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Grenoble, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil. DIT que la chambre de l'instruction de renvoi devra statuer dans le délai prévu par le paragraphe 42 du présent arrêt, ce délai ne s'imposant que si entre-temps le juge des libertés et de la détention saisi par le juge d'instruction n'a pas lui-même statué sur la nécessité du maintien en détention provisoire ; auquel cas, la chambre de l'instruction devra statuer dans le délai prévu à l'article 194-1 du code de procédure pénale ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Grenoble et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-six mai deux mille vingt.
1. L'article 16 de l'ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 s'interprète comme prolongeant, sans intervention judiciaire, pour les durées qu'il prévoit, tout titre de détention venant à expiration, mais à une seule reprise au cours de chaque procédure. 2. L'article 16 précité n'excède pas les limites de la loi d'habilitation n°2020-290 du 23 mars 2020. 3. Il résulte de l'article 5 de la Convention européenne des droits de l'homme que lorsque la loi prévoit, au-delà de la durée initiale qu'elle détermine pour chaque titre concerné, la prolongation d'une mesure de détention provisoire, l'intervention du juge judiciaire est nécessaire comme garantie contre l'arbitraire. Dès lors, l'article 16 précité de l'ordonnance n'est compatible avec l'article 5 de cette convention et la prolongation qu'il prévoit régulière que si la juridiction qui aurait été compétente pour prolonger la détention rend une décision par laquelle elle se prononce sur le bien-fondé du maintien en détention, dans le cadre d'un débat contradictoire tenu, le cas échéant, selon les modalités prévues par l'article 19 de l'ordonnance. Cette décision doit intervenir dans un délai qui court à compter de la date d'expiration du titre ayant été prolongé de plein droit et qui ne peut être supérieur d'une part, à un mois en matière délictuelle, d'autre part, à trois mois en matière criminelle ainsi qu'en cas d'appel de la condamnation prononcée en première instance. Une telle décision ne s'impose pas lorsqu'en première instance ou en appel, la juridiction compétente, saisie de la question de la prolongation de plein droit de la détention provisoire, a statué sur la nécessité de cette mesure dans le délai précité. Elle ne s'impose pas non plus si la juridiction compétente a statué sur la nécessité de la détention, d'office ou lors de l'examen d'une demande de mise en liberté, toujours dans le délai précité. Dans les autres cas, si l'intéressé n'a pas, entre-temps, fait l'objet d'un nouveau titre de détention, il incombe au juge d'effectuer ce contrôle dans les délais précités, à moins que, dans ce délai, il n'ait déjà exercé son contrôle en application de l'article 16-1, alinéa 5, de l'ordonnance du 25 mars 2020, introduit par la loi du 11 mai 2020. A défaut d'un tel contrôle et sauf s'il est détenu pour autre cause, l'intéressé doit être immédiatement remis en liberté. Encourt dès lors la cassation l'arrêt, qui, pour confirmer l'ordonnance du juge des libertés et de la détention ayant constaté la prolongation de plein droit de la détention provisoire de la personne mise en examen, énonce que ce juge n'a pu que constater cette prolongation, alors qu'il appartenait à la chambre de l'instruction de statuer sur la nécessité du maintien en détention de la personne mise en examen, qui sollicitait d'ailleurs sa mise en liberté dans son mémoire
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CIV. 2 FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 28 mai 2020 Rejet M. PIREYRE, président Arrêt n° 449 FS-P+B+R+I Pourvoi n° Q 18-26.512 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 MAI 2020 La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Loire-Atlantique, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° Q 18-26.512 contre le jugement rendu le 8 novembre 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Nantes, dans le litige l'opposant à Mme E... D..., domiciliée [...] , défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Vigneras, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de Loire-Atlantique, et l'avis de M. Gaillardot, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 4 mars 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Vigneras, conseiller référendaire rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, Mmes Vieillard, Taillandier-Thomas, Coutou, Renault-Malignac, M. Rovinski, conseillers, Mmes Brinet, Palle, Le Fischer, M. Gauthier, Mme Dudit, conseillers référendaires, M. Gaillardot, premier avocat général, et Mme Szirek, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon le jugement attaqué (tribunal des affaires de sécurité sociale de Nantes, 8 novembre 2018), rendu en dernier ressort, la caisse primaire d'assurance maladie de Loire-Atlantique (la caisse) a réclamé, les 5 septembre 2014 et 9 juillet 2015, à Mme D... (l'assurée), le remboursement de deux indus de pension d'invalidité. 2. La commission de recours amiable de la caisse ayant rejeté sa demande de remise de dette, l'assurée a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale. Examen du moyen Enoncé du moyen 3. La caisse fait grief au jugement d'accorder à l'assurée la remise gracieuse de la totalité des indus de pension d'invalidité litigieux, et de débouter les parties de toutes leurs demandes, alors que « seul l'organisme social, à l'exclusion du juge du contentieux général de la sécurité sociale, dispose de la faculté de remettre ou de réduire, en cas de précarité de la situation du débiteur, le montant de sa créance ; qu'en accordant à l'assurée la remise totale de sa dette, les juges du fond ont violé l'article L. 256-4 du code de la sécurité sociale. » Réponse de la Cour 4. Selon l'article L. 256-4 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017, applicable au litige, sauf en ce qui concerne les cotisations et majorations de retard, les créances des caisses nées de l'application de la législation de sécurité sociale peuvent être réduites en cas de précarité de la situation du débiteur par décision motivée de la caisse. 5. Il entre dans l'office du juge judiciaire de se prononcer sur le bien-fondé de la décision administrative d'un organisme de sécurité sociale déterminant l'étendue de la créance qu'il détient sur l'un de ses assurés, résultant de l'application de la législation de sécurité sociale. 6. Dès lors qu'il est régulièrement saisi d'un recours contre la décision administrative ayant rejeté en tout ou partie une demande de remise gracieuse d'une dette née de l'application de la législation de sécurité sociale au sens du texte susmentionné, il appartient au juge d'apprécier si la situation de précarité du débiteur justifie une remise totale ou partielle de la dette en cause. 7. Pour accorder à l'assurée la remise totale de deux indus de pension d'invalidité, le jugement retient que celle-ci fait valoir qu'elle ne dispose d'aucun salaire, qu'elle est bénéficiaire de l'allocation aux adultes handicapés depuis une reconnaissance de la maison départementale des personnes handicapées en 2016, que le montant de sa retraite à compter du mois de janvier 2019 s'élèvera à 550 euros par mois, qu'il y a lieu, en conséquence, compte tenu de la situation de précarité de la débitrice, dont au surplus la bonne foi n'est pas remise en question, de lui accorder une remise totale de sa dette. 8. De ces constatations procédant de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve débattus devant lui, le tribunal a pu décider que la situation de précarité de l'assurée justifiait la remise de sa dette. 9. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Condamne la caisse primaire d'assurance maladie de Loire-Atlantique aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la caisse primaire d'assurance maladie de Loire-Atlantique ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mai deux mille vingt, et signé par lui et M. Prétot, conseiller doyen, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452, 456 et 1021 du code de procédure civile, et par Mme Caratini, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de l'arrêt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie de Loire-Atlantique. Le jugement attaqué encourt la censure ; EN CE QU' il a reçu Mme D... en ses recours, accordé à Mme D... une remise gracieuse de la totalité de l'indu de pension d'invalidité perçue pour les mois de juillet 2014 et mai 2015 pour un total de 493,24 euros et rejeté la demande reconventionnelle de la Caisse ; AUX MOTIFS QUE « Madame D... ne conteste pas le caractère indu, en application de l'article R.341-15 du Code de la sécurité sociale, des prestations de sa pension d'invalidité versées entre le 1er et le 31 juillet 2014 puis entre le 1 er et le 31 mai 2015. Aux termes de l'article L.256-4 du Code de la sécurité sociale dans sa version modifiée par la loi n°88-16 du 5 janvier 1988 : Sauf en ce qui concerne les cotisations et majorations de retard, les créances des caisses nées de l'application de la législation de sécurité sociale, notamment dans des cas mentionnés aux articles L. 244-8, L 374-1, L. 376-1 à L. 376-3, L. 452-2 à L. 452-6, L. 454-1 et L. 811-6, peuvent être réduites en cas de précarité de la situation du débiteur par décision motivée par la caisse. » Ce même texte dans sa version résultant de la loi n°2017-1836 du 30 décembre 2017 en vigueur depuis le 1er janvier 2018 dispose : « A l'exception des cotisations et majorations de retard, les créances des caisses nées de l'application de la législation de sécurité sociale, notamment dans des cas mentionnés aux articles L. 244-8, L. 374-1, L. 376-1 à L. 376-3, L. 452-2 à L. 452-5, L. 454-1 et L. 811-6, peuvent être réduites en cas de précarité de la situation du débiteur par décision motivée par la caisse, sauf en cas de manoeuvre frauduleuse ou de fausses déclarations. » Aux termes de l'article L.142-1 du Code de la sécurité sociale : « Il est institué une organisation du contentieux général de la sécurité sociale. Cette organisation règle les différends auxquels donnent lieu l'application des législations et réglementations de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole, et qui ne relèvent pas, par leur nature, d'un autre contentieux, ainsi que le recouvrement mentionné au 5° de l'article L. 213-1 » Aux termes de l'article L.142-2 du même Code : « Le tribunal des affaires de sécurité sociale connaît en première instance des litiges relevant du contentieux général de la sécurité sociale, de ceux relatifs à l'application de l'article L. 4162-13 du Code du travail ainsi que de ceux relatifs au recouvrement des contributions, versements et cotisations mentionnés aux articles L. 143-11-6, L. 1233-66, L. 1233-69, L. 351-3-1 et L. 351-14 du Code du travail. La Cour d'appel statue sur les appels interjetés contre les décisions rendues par le tribunal des affaires de sécurité sociale. » Aux termes de l'article L.142-3 du même Code, les dispositions de l'article L. 142-2 ne sont pas applicables : 1°) aux contestations régies par l'article L. 143-1 ; 2°) au contrôle technique exercé à l'égard des praticiens ; 3°) aux recours formés contre les décisions des autorités administratives ou tendant à mettre en jeu la responsabilité des collectivités publiques à raison de telles décisions ; 4°) aux poursuites pénales engagées en application des législations et réglementations de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole. » Aux termes de l'article R. 142-1 du même Code, dans sa version modifiée par décret n°2016-941 du 8 juillet 2016 : « Les réclamations relevant de l'article L.142-1 formées contre les décisions prises par les organismes de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole de salariés ou de non-salariés sont soumises à une commission de recours amiable composée et constituée au sein du conseil d'administration de chaque organisme. Cette commission doit être saisie dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision contre laquelle les intéressés entendent former une réclamation. La forclusion ne peut être opposée aux intéressés que si cette notification porte mention de ce délai. » Ainsi, dès lors que les dispositions du Code de la sécurité sociale ouvrent à l'assuré, contre la décision de la Commission de recours amiable ayant rejeté sa demande de remise d'un indu, et à la condition préalable de cette saisine de la Commission, la possibilité d'un recours devant le Tribunal des affaires de sécurité sociale, elles attribuent nécessairement compétence à cette juridiction pour se prononcer sur la demande de l'assuré, y compris lorsque cette demande tend exclusivement à la remise de sa dette en raison de sa situation de précarité alléguée. Il convient en outre de noter que le Conseil d'Etat admet le contrôle par les juridictions administratives, compétentes en matière de contentieux relatif au RSA, de la décision préalable sur la remise de dette (CE, avis, 23 mai 2011, req n°344970). Il est constant en l'espèce que la Commission de recours amiable, dont les notifications de décisions par courriers des 13 novembre 2014 et 27 août 2015 ont expressément informé Madame D... des délai et voie de recours devant la présente juridiction que lui ouvrait la notification de chacune de ces décisions, n'était saisie que d'une demande de remise de sa dette par l'intéressée, laquelle n'a jamais contesté le caractère indu des sommes réclamées par la Caisse. La demande de Madame D... devant ce Tribunal est donc recevable, et ce Tribunal compétent pour statuer. En l'espèce Madame DU VAL fait valoir : - qu'elle ne dispose actuellement d'aucun salaire, - qu'elle est bénéficiaire de l'Allocation Adulte Handicapé depuis une reconnaissance de la MDPH en 2016, - que le montant de sa retraite à compter du mois de janvier 2019 s'élèvera à 550 euros par mois. Il y a lieu en conséquence, compte tenu de la situation de précarité de la débitrice, dont au surplus la bonne foi n'est pas remise en question, de lui accorder une remise totale de sa dette. Il ne sera en conséquence pas fait droit à la demande reconventionnelle de la Caisse. » ; ALORS QUE seul l'organisme social, à l'exclusion du juge du contentieux général de la sécurité sociale, dispose de la faculté de remettre ou de réduire, en cas de précarité de la situation du débiteur, le montant de sa créance ; qu'en accordant à l'assurée la remise totale de sa dette, les juges du fond ont violé l'article L. 256-4 du code de la sécurité sociale.
Dès lors qu'il est régulièrement saisi d'un recours contre la décision administrative ayant rejeté en totalité ou en partie une demande de remise gracieuse d'une dette née de l'application de la législation de sécurité sociale au sens de l'article L. 256-4 du code de la sécurité sociale, il entre dans l'office du juge d'apprécier si la situation de précarité du débiteur justifie une remise totale ou partielle de la somme litigieuse
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CIV. 2 FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 28 mai 2020 Rejet M. PIREYRE, président Arrêt n° 457 F-P+B+I Pourvoi n° K 19-11.815 Aide juridictionnelle totale en demande au profit de M. N.... Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 15 novembre 2018. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 MAI 2020 M. D... N..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° K 19-11.815 contre l'arrêt rendu le 15 février 2018 par la cour d'appel de Colmar (chambre sociale, section SB), dans le litige l'opposant à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Haut-Rhin, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation. La caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin a formé un pourvoi incident contre le même arrêt. Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Renault-Malignac, conseiller, les observations de la SCP Richard, avocat de M. N..., de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 mars 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Renault-Malignac, conseiller rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Szirek, greffier de chambre. la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 15 février 2018), en exécution du jugement d'un tribunal des affaires de sécurité sociale du 21 novembre 2011 ayant jugé que l'accident du travail dont M. N... (la victime) avait été victime le 18 janvier 2001, était dû à la faute inexcusable de son employeur et ayant fixé au maximum la majoration de la rente attribuée à la victime, la caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin (la caisse) a versé à cette dernière, à ce titre, une certaine somme. 2. Ayant constaté une erreur dans le calcul de la majoration de la rente, la caisse a informé la victime d'un trop-perçu d'un certain montant dont elle lui a demandé le remboursement. 3. Après rejet de son recours amiable, la victime a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale . Examen des moyens Sur le moyen du pourvoi principal, pris en ses deux premières branches Enoncé du moyen 4. La victime fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande tendant à voir annuler la décision de la caisse lui imposant le remboursement d'un trop-perçu de rente d'accident du travail d'un certain montant, alors : « 1° / que l'action en recouvrement de prestations indues s'ouvre par l'envoi au débiteur, par le directeur de l'organisme compétent, d'une notification de payer le montant réclamé ; qu'à l'expiration du délai de forclusion prévu par l'article R. 142-1 du code de la sécurité sociale ou après notification de la décision de la commission de recours amiable, ainsi qu'à défaut de paiement du débiteur, le directeur de l'organisme compétent adresse au débiteur une mise en demeure de payer, à défaut de quoi, la procédure de recouvrement est irrégulière ; qu'en décidant néanmoins que la procédure de recouvrement de l'indu poursuivie par la caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin était régulière, après avoir pourtant constaté que l'organisme de sécurité sociale n'avait pas adressé à M. N... une notification de payer, puis à défaut de paiement de ce dernier, une mise en demeure de payer, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé les articles L. 133-4-1 et R. 133-9-2 du code de la sécurité sociale, celui-ci dans sa rédaction antérieure au décret n° 2012-1032 du 7 septembre 2012. 2°/ que l'action en recouvrement de prestations indues s'ouvre par l'envoi au débiteur, par le directeur de l'organisme compétent, d'une notification de payer le montant réclamé ; qu'à l'expiration du délai de forclusion prévu par l'article R. 142-1 du code de la sécurité sociale ou après notification de la décision de la commission de recours amiable, ainsi qu'à défaut de paiement du débiteur, le directeur de l'organisme compétent adresse au débiteur une mise en demeure de payer, à défaut de quoi, la procédure de recouvrement est irrégulière ; qu'en affirmant néanmoins qu'aucun texte ne prévoyait de sanction en cas de méconnaissance des prescriptions édictées par l'article R. 133-9-2 du code de la sécurité sociale, la cour d'appel a violé l'article R. 133-9-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2012-1032 du 7 septembre 2012. » Réponse de la Cour 5. L'arrêt relève, par motifs propres et adoptés, qu'il est établi que par un courrier du 4 décembre 2012, la caisse a informé la victime de l'existence d'un trop-perçu de rente d'accident du travail résultant d'une erreur dans la détermination du calcul de la majoration de la rente et l'a invitée à lui rembourser une certaine somme au titre de l'indu dans un certain délai et que la seule mention manquante concerne la possibilité de récupérer cette somme par retenues sur les prestations. 6. Il relève encore que la caisse justifie de l'envoi de ce courrier de notification, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception , qui n'a pu être remise au destinataire en raison de la carence de ce dernier, la lettre ayant été retournée à l'expéditeur avec la mention "non réclamé". 7. De ces constatations, procédant de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve produits devant elle, la cour d'appel, qui était saisie d'un recours contre la décision de la commission de recours amiable formé à la suite de la notification de payer, a pu déduire que la procédure de recouvrement de l'indu était régulière, peu important l'absence de délivrance par la caisse d'une mise en demeure. 8. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. Sur le moyen du pourvoi principal, pris en ses deux dernières branches Enoncé du moyen 9. La victime fait le même grief à l'arrêt , alors : « 1°/ que les rentes d'accident du travail attribuées aux assurés sont incessibles et insaisissables, de sorte que l'organisme de sécurité sociale ne peut en retenir le versement afin de compenser le montant de la rente avec l'une de ses créances ; qu'en affirmant néanmoins que la caisse était bien fondée à procéder à une retenue de la rente d'accident du travail, de sorte que M. N... ne pouvait prétendre au rétablissement de cette rente à compter du 1er avril 2013, bien que le caractère insaisissable ait fait échec à une quelconque compensation, la cour d'appel a violé l'article L. 434-18 du code de la sécurité sociale. 2°/ que, subsidiairement, en s'abstenant de répondre aux conclusions de M. N..., qui soutenait que les sommes ne pouvaient être retenues que dans les mêmes conditions et limites que les salaires, telles que prévues par les articles L. 3252-1 et suivants du code de travail, dont il résulte qu'une fraction des sommes détenues par le débiteur doit être laissée à sa disposition afin de lui permettre de satisfaire aux besoins de la vie courante, de sorte que la caisse ne pouvait retenir la totalité du montant de la rente depuis le mois d'avril 2013, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 10. Selon l'article L. 434-18 du code de la sécurité sociale, les rentes servies en vertu du livre IV, relatif aux accidents du travail et maladies professionnelles, sont incessibles et insaisissables. 11. Selon l'article L. 133-4-1, alinéa 1er, du même code, dans sa rédaction modifiée par la loi n° 2004-1370 du 20 décembre 2004, applicable au litige, en cas de versement indu d'une prestation, l'organisme chargé de la gestion d'un régime d'accidents du travail récupère l'indu correspondant auprès de l'assuré dans les cas et selon les modalités qu'il précise ; il peut, sous réserve que ce dernier n'en conteste pas le caractère indu, être récupéré par un ou plusieurs versements ou par retenue sur les prestations à venir en fonction de la situation sociale du ménage. 12. Il résulte de la combinaison de ces textes que le principe de l'incessibilité et de l'insaisissabilité des rentes d'accidents du travail ne fait pas obstacle au recouvrement, dans les conditions fixées par le second, de l'indu afférent à leur versement. 13. La cour d'appel n'avait pas, en outre, à répondre à un moyen inopérant car fondé sur un texte inapplicable. 14. Le moyen, qui est inopérant en sa première branche, est , dès lors, mal fondé pour le surplus. Sur le moyen du pourvoi incident Enoncé du moyen 15. La caisse fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la victime une certaine somme en réparation d'un préjudice moral, alors : « 1°/ qu' aucune faute ne peut résulter d'une application de la législation de sécurité sociale par la caisse ; que le seul fait pour un organisme social d'avoir initialement commis une erreur dans le calcul d'une rente d'accident du travail, la règle de calcul applicable fût-elle ancienne, et que les montants versés à l'assuré que celui-ci est contraint de rembourser soient importants ne suffit pas, en l'absence de tout abus, à caractériser une faute de cet organisme social justifiant l'octroi de dommages-intérêts en raison d'un préjudice moral que celle-ci aurait entraîner ; qu'en se bornant à retenir, pour condamner la caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin à verser des dommages-intérêts à M. N... à titre de réparation d'un préjudice moral, que l'erreur qui avait été commise par cet organisme social en ce qui concerne le calcul, pourtant complexe, des montants devant être versés à ce dernier au titre de la rente d'accident du travail avait les caractéristiques d'une faute révélant un défaut de professionnalisme, que la lettre ministérielle du 10 mars 2005 sur les accidents de travail successifs précisant les majorations de calcul de la majoration de rente pour faute inexcusable était suffisamment ancienne pour que la caisse procède à un calcul exact et que le versement de la somme indue était importante, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à caractériser une faute de la caisse de nature à entraîner un préjudice moral pour M. N..., a violé l'article 1382 du code civil. 2°/ que tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; que le juge ne saurait procéder par voie de simple affirmation ; qu'en se contentant de relever que la seconde faute commise par la caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin à l'égard de M. N... consistait en le non-respect par cette dernière de l'entière procédure prévue à l'article R. 133-9-2 du code de la sécurité sociale dont elle a seulement rappelé la teneur sans autrement expliquer sur ce point, la cour d'appel a procédé par voie de simple affirmation et violé l'article 455 du code de procédure civile. 3°/ que dans ses conclusions d'appel , l'exposante avait fait valoir que dès qu'elle s'était rendue compte que, malgré la « mise en veilleuse », par le secrétariat de la commission de recours amiable, de sa créance à l'encontre de M. N... afin de faire cesser les retenues sur prestations, ces retenues avaient cependant été opérées, elle avait fait en sorte qu'il soit procédé, le 22 mai 2014, au reversement des sommes retenues dans l'attente de l'issue de la procédure ; qu'en reprochant à la caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin d'avoir commis une faute en suspendant sans avertissement préalable le versement de la rente d'accident du travail à M. N... et en omettant de rétablir immédiatement le paiement après le recours formé par l'assuré sans rechercher si, comme elle y avait été expressément invitée, le reversement à ce dernier des sommes retenues dans l'attente de l'issue de la procédure n'était pas de nature à ôter tout caractère fautif à cette attitude de la caisse et empêchait l'assuré de se prévaloir de l'existence d'un préjudice moral, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil. » Réponse de la Cour 16. Ayant relevé que la caisse avait suspendu sans avertissement préalable le versement à la victime de la rente d'accident du travail, sans en rétablir immédiatement le paiement après le recours formé par celle-ci, le 8 août 2013, auprès de la commission de recours amiable , l'arrêt retient que cette retenue intempestive de la totalité de la rente de la victime lui a causé un préjudice moral. 17. De ces constatations et énonciations, la cour d'appel, qui a ainsi caractérisé une faute de la caisse et qui n'était pas tenue de procéder à des recherches que ses constatations rendaient inopérantes, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE les pourvois ; Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par les parties ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mai deux mille vingt, et signé par lui et M. Prétot, conseiller doyen, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452, 456 et 1021 du code de procédure civile, et par Mme Caratini, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de l'arrêt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Richard, avocat aux Conseils, pour M. N.... IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur D... N... de sa demande tendant à voir annuler la décision de la Caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin lui imposant le remboursement de la somme de 34.548,19 euros à titre de trop-perçu de la rente d'accident du travail ; AUX MOTIFS PROPRES QUE Monsieur D... N... oppose en premier lieu le non-respect de la procédure de notification de l'indu, en faisant valoir que c'est par lettre simple du 7/12/2012, intitulée « signalement de créance », qu'il a été informé du versement « par erreur » en cause ; que cependant, la caisse justifie de sa notification par lettre recommandée avec accusé de réception, qui n'a pas été remise à Monsieur D... N... en raison de sa carence au vu de la mention portée « non réclamé » (...) ; qu'à ce stade, la Cour constate que Monsieur D... N... ne conteste pas l'indu réclamé par la caisse qui en justifie le bien fondé au vu de la lettre ministérielle du 10/3/2005 précisant les modalités de calcul de la majoration de rente en cas de faute inexcusable et du taux d'IPP utile à retenir, avec production d'un tableau « 2'" calcul » qui est conforme ; que le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de Monsieur D... N... de rétablissement du service de la rente accident du travail à compter du 1/4/2013 et confirmé la décision de la commission de recours amiable du 25/9/2013 ( ) ; que Monsieur N... oppose en dernier lieu la faute de la caisse et sollicite à titre de dommages-intérêts la somme de 34.548,16 euros, à compenser avec la somme réclamée au titre de la répétition de l'indu ; que la caisse a présentement commis deux fautes ; que la première faute résulte de son versement d'une somme indue importante à Monsieur N... entre juin et novembre 2012, étant observé que la lettre ministérielle du 10/3/2005 était suffisamment ancienne pour qu' elle procède à un calcul exact ; que cette faute a engendré un préjudice moral pour celui-ci qui a pu croire qu'il pouvait en disposer jusqu'à la notification qui lui a été faite de la demande de remboursement de la caisse, le 12/12/2012 date de présentation de la lettre recommandée, respectivement à la réception de la lettre simple de rappel du 8/3/2013 ; que la seconde faute consiste au non-respect par la caisse de l'entière procédure prévue à l'article R.133-9-2, selon lequel l'action en recouvrement de prestations indues s'ouvre par l'envoi au débiteur d'une notification de payer, par tous moyens permettant de rapporter la preuve de sa date de réception, avec mention du délai de deux mois pour acquittement des sommes réclamées et des modalités permettant de récupérer les indus, et avec indication des voies et délai de recours ; qu'elle a ensuite suspendu sans avertissement préalable le versement de la rente, sans en rétablir immédiatement le paiement après le recours formé par Monsieur N..., sans qu'elle puisse minimiser sa faute sur le défaut de « mise en veilleuse » qu'elle avait cru être en place lorsque qu'elle a eu connaissance de la saisine par M. D... N... le 8/8/2013 de la commission de recours amiable ; que cette retenue intempestive de la totalité de la rente de Monsieur N... lui a également causé un préjudice moral ; que toutefois, Monsieur N... ne justifie pas d'un préjudice financier ni dans son principe ni dans son quantum alors que ses pièces justificatives sont constituées de relevés bancaires de février à mai 2013 et qu'ils font apparaître des soldes positifs ; qu'au vu de ces éléments, le préjudice moral sera justement réparé par l'allocation de la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts ; ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE, sur la régularité de la procédure de recouvrement d'un indu, selon l'article R. 133-9-2 du Code de la sécurité sociale, l'action en recouvrement de prestations indues s'ouvre par l'envoi au débiteur par le directeur de l'organisme compétent d'une notification de payer le montant réclamé par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception ; que cette lettre précise le motif, la nature et le montant des sommes réclamées et la date du ou des versements donnant lieu à répétition; qu'elle mentionne l'existence d'un délai de deux mois imparti au débiteur pour s'acquitter des sommes réclamées et les modalités selon lesquelles les indus de prestations pourront être récupérés, le cas échéant, par retenues sur les prestations à venir; qu'elle indique en outre les voies et délais de recours ainsi que les conditions dans lesquelles le débiteur peut, dans le délai mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 142-1, présenter ses observations écrites ou orales ; qu'en l'espèce, la Caisse ne produit pas le courrier de mise en demeure prévu par la procédure ; que les pièces produites par Monsieur D... N... comportent néanmoins un courrier daté du 4 décembre 2012 dans lequel elle invite Monsieur D... N... à lui rembourser la somme de 34.548,19 euros au titre d'un indu de pension accident du travail ; que la seule mention manquante concerne la possibilité de récupérer ces sommes par retenues sur les prestations ; que cependant aucun texte ne prévoit de sanction en cas de méconnaissance de ces règles de forme; que leur non-respect ne peut donc pas entraîner l'annulation de la créance réclamée ( ) ; que, sur les montants indûments versés à Monsieur D... N..., si Monsieur D... N... fait valoir qu'il ne reconnaît pas devoir les sommes réclamées, il n'explique cependant pas en quoi les montants que la Caisse primaire d'assurance maladie indique avoir indûment versés seraient erronés ; qu'ainsi, il y a lieu de rejeter la demande de Monsieur D... N... tendant à rétablir le service de la rente accident du travail; qu'au surplus, il ressort des dernières écritures de la Caisse que le versement aurait d'ores et déjà été rétabli ; 1°) ALORS QUE l'action en recouvrement de prestations indues s'ouvre par l'envoi au débiteur, par le directeur de l'organisme compétent, d'une notification de payer le montant réclamé ; qu'à l'expiration du délai de forclusion prévu par l'article R. 142-1 du Code de la sécurité sociale ou après notification de la décision de la commission de recours amiable, ainsi qu'à défaut de paiement du débiteur, le directeur de l'organisme compétent adresse au débiteur une mise en demeure de payer, à défaut de quoi, la procédure de recouvrement est irrégulière ; qu'en décidant néanmoins que la procédure de recouvrement de l'indu poursuivie par la Caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin était régulière, après avoir pourtant constaté que l'organisme de sécurité sociale n'avait pas adressé à Monsieur N... une notification de payer, puis à défaut de paiement de ce dernier, une mise en demeure de payer, la Cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé les articles L.133-4-1 et R. 133-9-2 du Code de la sécurité sociale, celui-ci dans sa rédaction antérieure au décret n° 2012-1032 du 7 septembre 2012 ; 2°) ALORS QUE l'action en recouvrement de prestations indues s'ouvre par l'envoi au débiteur, par le directeur de l'organisme compétent, d'une notification de payer le montant réclamé ; qu'à l'expiration du délai de forclusion prévu par l'article R. 142-1 du Code de la sécurité sociale ou après notification de la décision de la commission de recours amiable, ainsi qu'à défaut de paiement du débiteur, le directeur de l'organisme compétent adresse au débiteur une mise en demeure de payer, à défaut de quoi, la procédure de recouvrement est irrégulière ; qu'en affirmant néanmoins qu'aucun texte ne prévoyait de sanction en cas de méconnaissance des prescriptions édictées par l'article R. 133-9-2 du Code de la sécurité sociale, la Cour d'appel a violé l'article R. 133-9-2 du Code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2012-1032 du 7 septembre 2012 ; 3°) ALORS QUE les rentes d'accident du travail attribuées aux assurés sont incessibles et insaisissables, de sorte que l'organisme de sécurité sociale ne peut en retenir le versement afin de compenser le montant de la rente avec l'une de ses créances ; qu'en affirmant néanmoins que la caisse était bien fondée à procéder à une retenue de la rente d'accident du travail, de sorte que Monsieur N... ne pouvait prétendre au rétablissement de cette rente à compter du 1er avril 2013, bien que le caractère insaisissable ait fait échec à une quelconque compensation, la Cour d'appel a violé l'article L. 434-18 du Code de la sécurité sociale ; 4°) ALORS QUE, subsidiairement, en s'abstenant de répondre aux conclusions de Monsieur N..., qui soutenait que les sommes ne pouvaient être retenues que dans les mêmes conditions et limites que les salaires, telles que prévues par les articles L.3252-1 et suivants du Code de travail, dont il résulte qu'une fraction des sommes détenues par le débiteur doit être laissée à sa disposition afin de lui permettre de satisfaire aux besoins de la vie courante, de sorte que la Caisse ne pouvait retenir la totalité du montant de la rente depuis le mois d'avril 2013, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile. Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin. Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné la Caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin à payer à M. D... N... la somme de 1 000 € à titre de préjudice moral. AUX MOTIFS PROPRES QUE M. D... N... oppose en dernier lieu la faute de la caisse et sollicite à titre de dommages-intérêts la somme de 34 548,16 euros, à compenser avec la somme réclamée au titre de la répétition de l'indu ; que la caisse a présentement commis deux fautes ; que la première faute résulte de son versement d'une somme indue importante à M. D... N... entre juin et novembre 2012, étant observé que la lettre ministérielle du 10/3/2005 était suffisamment ancienne pour qu'elle procède à un calcul exact ; que cette faute a engendré un préjudice moral pour celui-ci qui a pu croire qu'il pouvait en disposer jusqu'à la notification qui lui a été faite de la demande de remboursement de la caisse, le 12/12/2012 date de présentation de la lettre recommandée, respectivement à la réception de la lettre simple de rappel du 8/3/2013 ; que la seconde faute consiste au non-respect par la caisse de l'entière procédure prévue à l'article R 133-9-2, selon lequel l'action en recouvrement de prestations indues s'ouvre par l'envoi au débiteur d'une notification de payer, par tous moyens permettant de rapporter la preuve de sa date de réception, avec mention du délai de deux mois pour acquittement des sommes réclamées et des modalités permettant de récupérer les indus, et avec indication des voies et délai de recours ; qu'elle a ensuite suspendu sans avertissement préalable le versement de la rente, sans en rétablir immédiatement le paiement après le recours formé par M. D... N..., sans qu'elle puisse minimiser sa faute sur le défaut de « mise en veilleuse» qu'elle avait cru être en place lorsque qu'elle a eu connaissance de la saisine par M. D... N... le 8/8/20 13 de la commission de recours amiable ; que cette retenue intempestive de la totalité de la rente de M. D... N... lui a également causé un préjudice moral ; mais que M. D... N... ne justifie pas d'un préjudice financier ni dans son principe ni dans son quantum alors que ses pièces justificatives sont constituées de relevés bancaires de février à mai 2013 et qu'ils font apparaître des soldes positifs ; qu'au vu de ces éléments, le préjudice moral sera justement réparé par l'allocation de la somme de 1.000 € à titre de dommages et intérêts. ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE sur la responsabilité de la Caisse, qu'en application de l'article 1382 du Code civil, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ; qu'en l'espèce, la Caisse reconnaît avoir commis une erreur dans le calcul des montants devant être versés à Monsieur D... N... au titre de la rente accident du travail ; que cette erreur a les caractéristiques d'une faute relevant un défaut de professionnalisme ; qu'elle a également commis une autre faute en suspendant sans avertissement préalable le versement de ladite rente et en ne rétablissant pas le paiement de celle-ci immédiatement après le recours formé. 1) ALORS QU'aucune faute ne peut résulter d'une application de la législation de sécurité sociale par la caisse ; que le seul fait pour un organisme social d'avoir initialement commis une erreur dans le calcul d'une rente d'accident du travail, la règle de calcul applicable fût-elle ancienne, et que les montants versés à l'assuré que celui-ci est contraint de rembourser soient importants ne suffit pas, en l'absence de tout abus, à caractériser une faute de cet organisme social justifiant l'octroi de dommages et intérêts en raison d'un préjudice moral que celle-ci aurait entraîner ; qu'en se bornant à retenir, pour condamner la Caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin à verser des dommages et intérêts à M. N... à titre de réparation d'un préjudice moral, que l'erreur qui avait été commise par cet organisme social en ce qui concerne le calcul, pourtant complexe, des montants devant être versés à ce dernier au titre de la rente d'accident du travail avait les caractéristiques d'une faute révélant un défaut de professionnalisme, que la lettre ministérielle du 10 mars 2005 sur les accidents de travail successifs précisant les majorations de calcul de la majoration de rente pour faute inexcusable était suffisamment ancienne pour que la Caisse procède à un calcul exact et que le versement de la somme indue était importante, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à caractériser une faute de la Caisse de nature à entraîner un préjudice moral pour M. N..., a violé l'article 1382 du code civil. 2) ALORS QUE tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; que le juge ne saurait procéder par voie de simple affirmation ; qu'en se contentant de relever que la seconde faute commise par la Caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin à l'égard de M. N... consistait en le non-respect par cette dernière de l'entière procédure prévue à l'article R 133-9-2 du code de la sécurité sociale dont elle a seulement rappelé la teneur sans autrement expliquer sur ce point, la cour d'appel a procédé par voie de simple affirmation et violé l'article 455 du code de procédure civile. 3) ALORS QUE dans ses conclusions d'appel (p.8), l'exposante avait fait valoir que dès qu'elle s'était rendue compte que, malgré la « mise en veilleuse », par le secrétariat de la commission de recours amiable, de sa créance à l'encontre de M. N... afin de faire cesser les retenues sur prestations, ces retenues avaient cependant été opérées, elle avait fait en sorte qu'il soit procédé, le 22 mai 2014, au reversement des sommes retenues dans l'attente de l'issue de la procédure ; qu'en reprochant à la Caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin d'avoir commis une faute en suspendant sans avertissement préalable le versement de la rente d'accident du travail à M. N... et en omettant de rétablir immédiatement le paiement après le recours formé par l'assuré sans rechercher si, comme elle y avait été expressément invitée, le reversement à ce dernier des sommes retenues dans l'attente de l'issue de la procédure n'était pas de nature à ôter tout caractère fautif à cette attitude de la Caisse et empêchait l'assuré de se prévaloir de l'existence d'un préjudice moral, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil.
Il résulte de la combinaison des articles L. 434-18 et L. 133-4-1 du code de la sécurité sociale que le principe de l'incessibilité et de l'insaisissabilité des rentes d'accidents du travail prévu par le premier ne fait pas obstacle au recouvrement, dans les conditions fixées par le second, de l'indu afférent à leur versement
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CIV. 2 FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 28 mai 2020 Cassation partielle M. PIREYRE, président Arrêt n° 463 F-P+B+I Pourvoi n° G 19-11.744 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 MAI 2020 La Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse (CIPAV), dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° G 19-11.744 contre le jugement rendu le 10 décembre 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Saint-Etienne, dans le litige l'opposant à Mme Q... C..., domiciliée [...] , défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Gauthier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 mars 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Gauthier, conseiller référendaire rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Szirek, greffier de chambre. la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1.Selon le jugement attaqué (tribunal des affaires de sécurité sociale de Saint-Etienne, 10 décembre 2018), rendu en dernier ressort, la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse (la CIPAV) a décerné à Mme C..., le 28 janvier 2015, une contrainte au titre de cotisations dues pour les années 2011 à 2013. 2. Mme C... a formé opposition devant une juridiction de sécurité sociale. Sur le moyen relevé d'office 3. Conformément aux articles 620, alinéa 2, et 1015 du code de procédure civile, avis a été donné aux parties. Vu les articles R. 133-3, R. 133-4 et R. 641-5 du code de la sécurité sociale, le premier et le troisième en leurs rédactions alors applicables, le second en sa rédaction alors en vigueur : 4. Il résulte du deuxième de ces textes que la contrainte doit être signée par le directeur de l'organisme de recouvrement ou son délégataire. 5. Pour annuler la contrainte litigieuse, le jugement a retenu que la signature apposée sur celle-ci était une signature scannée et non pas une signature électronique au sens de l'article 1316-4 du code civil et que cette signature scannée ne permet pas de déterminer l'identité de la personne ayant apposé cette signature sur la contrainte. Il énonce que, par application des articles D. 253-4 et D. 253-6 du code de la sécurité sociale, le directeur de la CIPAV a seul qualité pour émettre les ordres de recettes et de dépenses et est seul chargé des poursuites à l'encontre des débiteurs de l'organisme et peut déléguer, à titre permanent, sa signature au directeur adjoint de la caisse voir un ou plusieurs agents de l'organisme. Il ajoute qu'en l'espèce, il n'est justifié d'aucune délégation et constate qu'il est bien précisé, sous la signature litigieuse, l'identité du directeur de la CIPAV. Il retient que si la signature n'est pas une formalité substantielle, la qualité de la personne qui décerne la contrainte est une formalité substantielle de cet acte et que l'apposition d'une signature scannée ne permet pas d'établir quel est le signataire réel de la contrainte, et donc ne permet pas de vérifier la qualité de la personne ayant décerné cette contrainte. 6. En statuant ainsi, alors que l'apposition sur la contrainte d'une image numérisée d'une signature manuscrite ne permet pas, à elle seule, de retenir que son signataire était dépourvu de la qualité requise pour décerner cet acte, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Saint-Etienne a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a déclaré l'opposition recevable, le jugement rendu le 10 décembre 2018, entre les parties, par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Saint-Etienne ; Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Lyon ; Condamne Mme C... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse. Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mai deux mille vingt, et signé par lui et M. Prétot, conseiller doyen, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452, 456 et 1021 du code de procédure civile, et par Mme Caratini, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de l'arrêt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat aux Conseils, pour la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse. Le moyen reproche au jugement attaqué d'AVOIR dit recevable l'opposition formée par Madame Q... C... à la contrainte qui lui a été signifiée le 27 janvier 2016 à la demande de la Caisse Interprofessionnelle de Prévoyance et d'Assurance Vieillesse (CIPAV) afin d'obtenir paiement des cotisations et majorations restant dues au titre des années 2011 à 2013, d'AVOIR constaté que la signature apposée sur la contrainte est une signature scannée qui ne justifie donc pas de la qualité de la personne ayant signé cette contrainte, d'AVOIR annulé la contrainte décernée le 28 janvier 2015 au nom du directeur de la CIPAV et d'AVOIR condamné la CIPAV à payer à Madame C... la somme de 1.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile; AUX MOTIFS QUE « 1°) Sur la validité de la contrainte : que l'ancien article 1316-4 du Code civil, applicable à la date de la signature de la contrainte dispose : ‘La signature nécessaire à la perfection d'un acte juridique identifie celui qui l'appose. Elle manifeste le consentement des parties aux obligations qui découlent de cet acte. Quand elle est apposée par un officier public, elle confère l'authenticité à l'acte. Lorsqu'elle est électronique, elle consiste en l'usage d'un procédé fiable d'identification garantissant son lien avec l'acte auquel elle s'attache. La fiabilité de ce procédé est présumée, jusqu'à preuve contraire, lorsque la signature électronique est créée l'identité du signataire assurée et l'intégrité de l'acte garantie, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.' qu'en l'espèce il n'est pas contesté que la signature apposée sur la contrainte du 28 janvier 2015 est une signature scannée et non pas une signature électronique, qu'il n'est pas justifié de la création d'une signature électronique dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, que cette signature scannée ne permet donc pas de déterminer l'identité de la personne ayant apposé cette signature sur la contrainte. que par application des articles D. 253-4 et D. 253-6 du code de la sécurité sociale, le directeur de la CIPAV a seul qualité pour émettre les ordres de recettes et de dépenses et il est seul chargé des poursuites à l'encontre des débiteurs de l'organisme, qu'il peut déléguer, à titre permanent, sa signature au directeur adjoint de la caisse voire à un ou plusieurs agents de l'organisme, qu'en l'espèce, il n'est justifié d'aucune délégation et il est bien précisé sous la signature l'identité du directeur de la CIPAV ; que si la signature n'est pas une formalité substantielle, la qualité de la personne qui décerne la contrainte est une formalité substantielle de cet acte ; que l'apposition d'une signature scannée ne permet pas d'établir quel est le signataire réel de la contrainte, et donc ne permet pas de vérifier la qualité de la personne ayant décerné cette contrainte ; qu'il y a donc lieu d'annuler la contrainte décernée le 28 janvier 2015 au nom du directeur de la CIPAV. . 3°) Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile : qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de Madame Q... C... les sommes exposées par elle pour les besoins de sa défense en justice, que la CIPAV doit être condamnée à lui payer la somme de 1.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. » ALORS D'UNE PART QUE pour être régulière, la contrainte doit être signée par le directeur de l'organisme social émetteur ou son délégataire ; que cette régularité n'est pas remise en cause par l'apposition d'une signature scannée dès lors qu'elle est lisible et permet d'identifier l'identité et la qualité du signataire ; qu'en l'espèce, le tribunal a constaté que la contrainte litigieuse avait été émise avec, « sous la signature l'identité du directeur de la CIPAV » ; qu'en retenant néanmoins, pour annuler la contrainte litigieuse, que l'apposition de cette signature scannée ne permettait pas d'identifier le signataire réel de la contrainte et de vérifier l'identité et la qualité de la personne ayant décerné cette contrainte, le tribunal a violé par fausse application les articles D. 253-4 et D. 253-6 du code de la sécurité sociale ; ALORS D'AUTRE PART ET SUBSIDIAIREMENT QU'aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public, et à charge pour celui qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité ; qu'en décidant d'annuler la contrainte litigieuse sans avoir constaté que l'apposition d'une signature scannée aurait causé un grief à la cotisante, le tribunal n'a pas justifié sa décision au regard de l'article 114 du code de procédure civile.
Il résulte de l'article R. 133-4 du code de la sécurité sociale, en sa rédaction alors en vigueur, que la contrainte doit être signée par le directeur de l'organisme de recouvrement ou son délégataire. Encourt dès lors la cassation le jugement ayant annulé une contrainte en raison de ce que la signature figurant sur le document était scannée alors que l'apposition sur la contrainte d'une image numérisée d'une signature manuscrite ne permet pas, à elle seule, de retenir que son signataire était dépourvu de la qualité requise pour décerner cet acte
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 28 mai 2020 Cassation M. PIREYRE, président Arrêt n° 465 F-P+B+I Pourvoi n° 19-10.029 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 MAI 2020 M. Y... L..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° 19-10.029 contre l'arrêt rendu le 30 octobre 2018 par la cour d'appel de Besançon (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Saône, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Vigneras, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Briard, avocat de M. L..., de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Saône, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 mars 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Vigneras, conseiller référendaire rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Szirek, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Besançon, 30 octobre 2018), M. L... (la victime), salarié de la société PSA automobiles, a perçu, dans le cadre d'un accord d'entreprise sur le dispositif d'accompagnement du projet de réorganisation industrielle et de réduction des effectifs de deux sites de la société, une prime d'installation au cours du mois d'avril 2014, puis une prime de mobilité au cours du mois de décembre 2015. 2. Il a bénéficié d'arrêts de travail du 14 mai 2014 au 15 avril 2015, puis du 8 janvier au 30 avril 2016, au titre de la rechute d'un accident du travail du 15 décembre 2009. 3. Contestant le refus de la caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Saône (la caisse) de prendre en compte les deux primes précitées dans la base de calcul des indemnités journalières qui lui étaient versées, la victime a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches Enoncé du moyen 4. M. L... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de réintégration des deux primes perçues dans la base de calcul des indemnités journalières alors : « 1°/ qu'en vertu de l'article R. 436-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2014-953 du 20 août 2014, le salaire servant de base au calcul de l'indemnité journalière et des rentes par application des articles L. 433-2 et L. 434-15 s'entend des rémunérations, au sens du chapitre II du titre IV du livre II du présent code, servant au calcul des cotisations dues au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles et afférentes à la période à considérer dans chacun des cas prévus aux articles R. 433-4 et R. 434-29 ; que le renvoi ainsi opéré visant l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, aux termes duquel, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail, sont prises en compte pour le calcul des indemnités journalières non seulement les sommes versées en contrepartie du travail, mais également celles qui le sont à l'occasion du travail, à l'exclusion des remboursements de frais professionnels, non soumis à cotisation de sécurité sociale, en vertu des articles L. 242-1 et R. 242-1 du code ; qu'en l'espèce, en se fondant sur la circonstance que les sommes en cause constituent des revenus professionnels soumis à l'impôt et aux cotisations sociales mais ne sont en revanche pas la contrepartie du travail effectué par le salarié, si bien qu'elles ne peuvent recevoir la qualification d'accessoires de salaire, la cour d'appel a commis une erreur de droit au regard des dispositions susvisées. 2°/ qu'en vertu de l'article R. 436-1 du code de la sécurité sociale, le salaire servant de base au calcul de l'indemnité journalière et des rentes par application des articles L. 433-2 et L. 434-15 s'entend des rémunérations, au sens du chapitre II du titre IV du livre II du présent code, servant au calcul des cotisations dues au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles et afférentes à la période à considérer dans chacun des cas prévus aux articles R. 433-4 et R. 434-29, soit toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail, de sorte que sont prises en compte pour le calcul des indemnités journalières non seulement les sommes versées en contrepartie du travail, mais également celles que le sont à l'occasion du travail, à l'exclusion des remboursements de frais professionnels, non soumis à cotisation de sécurité sociale, en vertu des articles L. 242-1 et R. 242-1 du code ; qu'en l'espèce, en retenant que les sommes en cause constituent ainsi des revenus professionnels soumis à l'impôt et aux cotisations sociales mais en se fondant sur la circonstance qu'elles ne sont en revanche pas la contrepartie du travail effectué par le salarié si bien qu'elles ne peuvent recevoir la qualification d'accessoires de salaire, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et commis une erreur de droit au regard des dispositions susvisées. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 433-2, R. 433-4 et R. 436-1 du code de la sécurité sociale, le dernier dans ses rédactions antérieure au décret n° 2014-953 du 20 août 2014, et issue de ce dernier, successivement applicables au litige : 5. ll résulte du dernier de ces textes, dans sa rédaction issue du décret susvisé, que le salaire servant de base au calcul de l'indemnité journalière par application du premier, s'entend des rémunérations, au sens de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, versées au travailleur en contrepartie ou à l'occasion du travail, et afférentes à la période à considérer dans chacun des cas prévus du deuxième. 6. Pour débouter la victime de son recours, l'arrêt relève que celui-ci a perçu, suite à son affectation sur le site de Vesoul, une prime d'installation versée sur le bulletin de paie du mois d'avril 2014 puis une prime de mobilité versée sur le bulletin de paie du mois de décembre 2015. Ces primes n'ont été versées qu'une seule fois et pour indemniser le salarié des frais et des désagréments engendrés par un déménagement à plusieurs centaines de kilomètres de son ancien domicile. Si elles constituent ainsi des revenus professionnels soumis à l'impôt et aux cotisations sociales, elles ne sont en revanche pas la contrepartie du travail effectué par le salarié si bien qu'elles ne peuvent recevoir la qualification d'accessoires de salaire. 7. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser, pour chacune des primes litigieuses, les éléments de nature à justifier leur prise en compte dans la base de calcul du salaire de référence retenu pour la détermination des indemnités journalières litigieuses, la cour d'appel a privé sa décision de base légale. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre branche du moyen, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 octobre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Dijon ; Condamne la caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Saône aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mai deux mille vingt, et signé par lui et par M. Pretot, conseiller doyen, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile et par Mme Caratini, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de l'arrêt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SARL Cabinet Briard, avocat aux Conseils, pour M. L... Le moyen fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir rejeté la demande de M. L..., relative à l'intégration des sommes de 9 114 € et de 5 903 € dans la base de calcul de ses indemnités journalières, Aux motifs qu'aux termes de l'article R. 436-1 du code de la sécurité sociale, le salaire servant de base au calcul de l'indemnité journalière s'entend des rémunérations, au sens du chapitre II du titre IV du livre II de ce code, servant au calcul des cotisations dues au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles ; qu'en l'espèce, il est constant que M. Y... L..., qui était affecté sur le site de Rennes de la S.A. PSA Automobiles, a souhaité bénéficier de l'accord d'entreprise sur le dispositif d'accompagnement du projet de réorganisation industrielle et de réduction des effectifs des sites de Rennes et d'Aulnay-sous-Bois ; qu'il a ainsi perçu, suite à son affectation sur le site de Vesoul, une prime d'installation d'un montant de 9 114 € qui a été versée sur le bulletin de paye du mois d'avril 2014, puis une prime de mobilité d'un montant de 5 903 € versée avec le salaire du mois de décembre 2015 ; que force est de constater que ces primes n'ont été versées qu'une seule fois et pour indemniser le salarié des frais et des désagréments engendrés par un déménagement à plusieurs centaines de kilomètres de son ancien domicile ; que si elles constituent ainsi des revenus professionnels soumis à l'impôt et aux cotisations sociales, elles ne sont en revanche pas la contrepartie du travail effectué par le salarié si bien qu'elles ne peuvent recevoir la qualification d'accessoires de salaire ; qu'en conséquence, c'est à juste titre que le premier jugement a dit que la prime d'installation et la prime de mobilité, à défaut d'être des rémunérations au sens du texte susvisé, ne pouvaient entrer dans l'assiette de calcul des indemnités journalières perçues par M. Y... L... suite à la rechute de son accident du travail ; Et aux motifs éventuellement adoptés qu'au vu des éléments du dossier, le Tribunal constate que l'employeur de M. L... a adressé à la CPAM des déclarations de salaires sur lesquelles celle-ci s'est fondée pour verser à M. L... les indemnités journalières comme fixé à l'article R. 441-4 du code de la sécurité sociale, qu'en l'espèce, les primes de mobilités versées par l'employeur à M. L... ne sont pas prises en compte pour le calcul des indemnités journalières, comme fixé à l'article R. 433-5 du Code de la Sécurité Sociale ; Alors d'une part qu 'en vertu de l'article R. 436-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2014-953 du 20 août 2014, le salaire servant de base au calcul de l'indemnité journalière et des rentes par application des articles L. 433-2 et L. 434-15 s'entend des rémunérations, au sens du chapitre II du titre IV du livre II du présent code, servant au calcul des cotisations dues au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles et afférentes à la période à considérer dans chacun des cas prévus aux articles R. 433-4 et R. 434-29 ; que le renvoi ainsi opéré visant l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, aux termes duquel, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail, sont prises en compte pour le calcul des indemnités journalières non seulement les sommes versées en contrepartie du travail, mais également celles qui le sont à l'occasion du travail, à l'exclusion des remboursements de frais professionnels, non soumis à cotisation de sécurité sociale, en vertu des articles L. 242-1 et R. 242-1 du code ; qu'en l'espèce, en se fondant sur la circonstance que les sommes en cause constituent des revenus professionnels soumis à l'impôt et aux cotisations sociales mais ne sont en revanche pas la contrepartie du travail effectué par le salarié, si bien qu'elles ne peuvent recevoir la qualification d'accessoires de salaire, la Cour d'appel a commis une erreur de droit au regard des dispositions susvisées ; Alors d'autre part qu'en vertu de l'article R. 436-1 du code de la sécurité sociale, le salaire servant de base au calcul de l'indemnité journalière et des rentes par application des articles L. 433-2 et L. 434-15 s'entend des rémunérations, au sens du chapitre II du titre IV du livre II du présent code, servant au calcul des cotisations dues au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles et afférentes à la période à considérer dans chacun des cas prévus aux articles R. 433-4 et R. 434-29, soit toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail, de sorte que sont prises en compte pour le calcul des indemnités journalières non seulement les sommes versées en contrepartie du travail, mais également celles que le sont à l'occasion du travail, à l'exclusion des remboursements de frais professionnels, non soumis à cotisation de sécurité sociale, en vertu des articles L. 242-1 et R. 242-1 du code ; qu'en l'espèce, en retenant que les sommes en cause constituent ainsi des revenus professionnels soumis à l'impôt et aux cotisations sociales mais en se fondant sur la circonstance qu'elles ne sont en revanche pas la contrepartie du travail effectué par le salarié si bien qu'elles ne peuvent recevoir la qualification d'accessoires de salaire, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et commis une erreur de droit au regard des dispositions susvisées ; Alors enfin que les juges du fond doivent motiver leur décision et ne peuvent statuer par voie de simple affirmation ; qu'en l'espèce, l'accord d'entreprise de février 2013 sur la base duquel ont été versées à M. L... les primes de mobilité et d'installation prévoyait, outre leur assujettissement à cotisations de sécurité sociale et leur intégration dans l'assiette de l'impôt sur le revenu, qu'elles étaient versées indépendamment du remboursement de frais de déménagement ; qu' en énonçant péremptoirement que les primes d'installation et de mobilité n'ont été versées qu'une seule fois et pour indemniser le salarié des frais et des désagréments engendrés par un déménagement à plusieurs centaines de kilomètres de son ancien domicile, la cour d'appel, qui a statué par voie de simple affirmation, sans préciser sur quelle pièce elle se fondait, n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, et a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Il résulte de l'article R. 436-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2014-953 du 20 août 2014, que le salaire servant de base au calcul de l'indemnité journalière par application de l'article L. 433-2 du même code, s'entend des rémunérations, au sens de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, versées au travailleur en contrepartie ou à l'occasion du travail, et afférentes à la période à considérer dans chacun des cas prévus de l'article R. 433-4 du code de la sécurité sociale
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CIV. 2 LG COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 28 mai 2020 Cassation partielle M. PIREYRE, président Arrêt n° 467 F-P+B+I Pourvoi n° W 19-14.010 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 MAI 2020 La caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° W 19-14.010 contre le jugement rendu le 3 décembre 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Chambéry, dans le litige l'opposant à Mme Q... T..., domiciliée [...] , défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Dudit, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 mars 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Dudit, conseiller référendaire rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Szirek, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon le jugement attaqué (tribunal des affaires de sécurité sociale de Chambéry, 3 décembre 2018), rendu en dernier ressort, la caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie (la caisse) a notifié à Mme T... (l'assurée) une pénalité de 500 euros. 2. L'assurée a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale. Examen du moyen Enoncé du moyen 3. La caisse fait grief au jugement d'annuler l'indu, alors : « 1°/ que le prononcé d'une sanction financière à l'encontre de l'assuré qui a mené une activité non autorisée rémunérée, quand il percevait des indemnités journalières, n'est pas subordonné à la démonstration de son intention frauduleuse ; qu'en annulant la pénalité financière au motif que la preuve de l'intention frauduleuse de l'assurée n'était pas rapportée, les juges du fond ont violé l'article L. 323-6 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue, ensemble l'article L. 114-17-1 du même code. 2°/ que le prononcé d'une sanction financière à l'encontre de l'assuré qui a mené une activité non autorisée rémunérée, quand il percevait des indemnités journalières, n'est pas subordonné à la démonstration de son intention frauduleuse ; qu'en annulant la pénalité financière au motif que la preuve de l'intention frauduleuse de Mme T... n'était pas rapportée, les juges du fond ont violé l'article L. 323-6 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article L. 162-1-14 du même code. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 162-1-14, II, devenu L. 114-17-1, II, et L. 323-6 du code de la sécurité sociale, ce dernier dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-594 du 20 décembre 2010, applicable au litige : 4. Selon le premier de ces textes, la pénalité qu'il prévoit est due, notamment, pour toute inobservation des règles du code de la sécurité sociale, du code rural et de la pêche maritime ou du code de l'action sociale et des familles ayant abouti à une demande, une prise en charge ou un versement indu d'une prestation en nature ou en espèces par l'organisme local d'assurance maladie. 5. Pour annuler la pénalité, le jugement, ayant constaté que l'assurée ne conteste pas avoir travaillé auprès de l'un de ses deux employeurs alors qu'elle se trouvait en arrêt maladie, relève néanmoins qu'étant salariée, elle n'était pas rompue à la gestion des arrêts maladie et qu'elle se trouvait dans un cas particulier, dans la mesure où elle travaillait pour deux employeurs. Il ajoute que ni les emplois exercés ni son niveau d'études ne lui permettaient d'avoir des connaissances particulières en matière de sécurité sociale, étant précisé qu'elle n'était pas connue pour d'autres faits qui seraient survenus antérieurement. Il en déduit que si l'assurée a commis une erreur, ce qu'elle reconnaît tout à fait, aucun élément du dossier ne permet de démontrer qu'elle aurait agi avec une intention frauduleuse. 6. En statuant ainsi, alors que la pénalité n'est pas subordonnée à l'intention frauduleuse de l'assuré, le tribunal a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare le recours recevable, le jugement rendu le 3 décembre 2018, entre les parties, par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Chambéry ; Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire d'Annecy ; Condamne Mme T... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mai deux mille vingt, et signé par lui et M. Prétot, conseiller doyen, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile, et par Mme Caratini, greffier de chambre qui a assisté au prononcé de l'arrêt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie Le jugement attaqué encourt la censure ; EN CE QU' il a déclaré bien-fondé le recours de Mme T..., annulé la pénalité financière de 500 euros prononcée par la Caisse à son encontre et débouté la Caisse de l'ensemble de ses demandes ; AUX MOTIFS QU' « Au terme de L'article L. 323-6 du code de ta sécurité sociale, le service de l'indemnité journalière est subordonné notamment à l'obligation pour le bénéficiaire de s'abstenir de toute activité non autorisée. L'incapacité physique de l'assuré de reprendre le travail s'analyse non pas dans l'inaptitude de l'assuré à remplir son emploi, mais dans celle d'exercer une activité salariée quelconque (Cour de cassation sociale 02 juillet 1998). Dès lors que l'état de santé de l'assuré lui permet de reprendre une activité professionnelle, peu important que ce ne puisse être son emploi antérieur, cet assuré ne se trouve pas dans l'incapacité physique de reprendre le travail (Cour de cassation sociale 22 octobre 1998). Par ailleurs, l'activité non autorisée s'entend « des tâches administratives inhérentes aux fonctions de gérant » (Cour de cassation 11 juin 2009). Il résulte également des articles L. 114-17-1 et R. 147-11 du code de la sécurité sociale, que peuvent faire l'objet d'une pénalité prononcée par le Directeur de ['organisme local d'assurance maladie, les bénéficiaires des régimes obligatoires des assurances maladie, maternité, invalidité, décès, accident du travail et maladie professionnelle. La pénalité est due pour toute inobservation des règles du présent code, ayant abouti à une demande, une prise en charge ou un versement indu d'une prestation en nature ou en espèce, par l'organisme local d'assurance maladie. En outre, sont qualifiés de fraude, les faits commis dans le but d'obtenir ou de faire obtenir un avantage ou le bénéfice d'une prestation injustifiée au préjudice d'un organisme d'assurance maladie, (...) ['établissement ou l'usage de faux, la notion de faux appliquée au présent chapitre étant caractérisée par toute altération de la vérité sur toute pièce justificative, ordonnance, feuille de soins ou autre support de facturation, attestation ou certificat, déclaration d'accident du travail ou de trajet, sous forme écrite ou électronique, ayant pour objet ou pouvant avoir pour effet de permettre l'obtention do l'avantage ou de la prestation en nature. En l'espèce, Madame Q... T... ne conteste pas avoir travaillé auprès de L'un de ses deux employeurs alors qu'elle se trouvait en arrêt maladie. Toutefois, le tribunal relève que Madame Q... T... est une salariée, qu'elle est donc non rompue à la gestion des arrêts Maladie, qu'elle se trouve dans un cas particulier, dans la mesure où elle travaille pour deux employeurs. En outre, ni les emplois qu'elle exerce ni son niveau d'études ne lui permettent d'avoir des connaissances particulières en matière de sécurité sociale. Il ressort également des éléments fournis par la caisse, que Madame Q... T... n'est pas connue pour d'autres faits qui seraient survenus antérieurement. Dès lors, le tribunal retient que si Madame Q... T... a commis une erreur, ce qu'elle reconnaît tout à fait, aucun élément du dossier ne permet de démontrer qu'elle aurait agi avec une intention frauduleuse. En conséquence, le recours de Madame Q... T... sera déclaré bien fondé et la pénalité financière de 500 euros sera annulée. » ; ALORS QUE, premièrement, le prononcé d'une sanction financière à l'encontre de l'assuré qui a mené une activité non autorisée rémunérée, quand il percevait des indemnités journalières, n'est pas subordonné à la démonstration de son intention frauduleuse ; qu'en annulant la pénalité financière au motif que la preuve de l'intention frauduleuse de Mme T... n'était pas rapportée, les juges du fond ont violé l'article L. 323-6 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue, ensemble l'article L. 114-17-1 du même code ; ALORS QUE, deuxièmement, le prononcé d'une sanction financière à l'encontre de l'assuré qui a mené une activité non autorisée rémunérée, quand il percevait des indemnités journalières, n'est pas subordonné à la démonstration de son intention frauduleuse ; qu'en annulant la pénalité financière au motif que la preuve de l'intention frauduleuse de Mme T... n'était pas rapportée, les juges du fond ont violé l'article L. 323-6 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article L. 162-1-14 du même code.
La pénalité prévue à l'article L. 162-1-14, II, devenu L. 114-17-1, II, du code de la sécurité sociale n'est pas subordonnée à l'intention frauduleuse de l'assuré
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CIV. 2 LG COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 28 mai 2020 Cassation M. PIREYRE, président Arrêt n° 468 F-P+B+I Pourvoi n° G 19-12.503 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 MAI 2020 La Caisse autonome de retraite des médecins de France, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° G 19-12.503 contre l'arrêt rendu le 18 décembre 2018 par la cour d'appel de Limoges (chambre sociale), dans le litige l'opposant à Mme R... I... Z..., domiciliée [...] , défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Dudit, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la Caisse autonome de retraite des médecins de France, de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme I... Z..., et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 mars 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Dudit, conseiller référendaire rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Szirek, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Limoges, 18 décembre 2018), après mises en demeure notifiées les 4 janvier et 7 décembre 2016, la Caisse autonome de retraite des médecins de France (la caisse) a décerné à Mme I... Z... (la cotisante) deux contraintes aux fins de recouvrement des cotisations dues au titre de l'assurance vieillesse des années 2015 et 2016. 2. La cotisante a formé opposition devant une juridiction de sécurité sociale. Examen des moyens Sur les deux moyens réunis Enoncé du moyen 3. La caisse fait grief à l'arrêt d'annuler les contraintes, alors : « 1°/ que propre aux cotisations afférentes au régime social des indépendants, lequel gère l'assurance maladie et l'assurance maternité, l'article R. 612-9 du code de la sécurité sociale est inapplicable aux cotisations dues, au titre de l'assurance vieillesse, aux caisses de retraite gérant l'assurance vieillesse des professions libérales, et notamment la caisse de retraite des médecins ; que les juges du fond ont violé, par fausse application, l'article R. 612-9 du code de la sécurité sociale. 2°/ qu'en refusant d'appliquer l'article R. 244-1 du code de la sécurité sociale, seul applicable à la mise en demeure émise par la caisse de retraite des médecins, les juges du fond ont en tout état de cause violé l'article R. 244-1 du code de la sécurité sociale. 3°/ que l'absence de réception de la mise en demeure n'affecte pas la régularité de la mise en demeure pas plus que la régularité de la contrainte qui fait suite ; qu'a fortiori, l'irrégularité qui peut affecter la mise en demeure, à raison de son contenu, ne peut affecter la régularité de la contrainte ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les articles L. 244-2 et R. 244-1 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article R. 612-9 du même code. 4°/ que, dès lors que la mise en demeure identifie l'objet et le fondement de la créance, la mise en demeure doit être regardée comme régulière et l'absence de mention concernant les voies de recours, dans le corps de la mise en demeure sans affecter sa régularité, a pour seul effet de ne pas déclencher le délai de recours ouvert à l'égard de la mise en demeure ; que par suite, et à supposer même que les mises en demeure n'aient pas précisé au cas d'espèce les voies et délais de recours, cette circonstance ne pouvait affecter la régularité des contraintes ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les articles L. 244-2 et R. 244-1 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article R. 612-9 du même code. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 244-2 du code de la sécurité sociale, rendu applicable à l'organisation autonome d'assurance vieillesse des professions libérales par l'article L. 623-1, devenu l'article L. 642-6 du même code : 4. Selon ce texte, seul applicable au recouvrement des cotisations dues au titre de l'assurance vieillesse des professions libérales, toute action ou poursuite en vue du recouvrement de celles-ci est précédée d'une mise en demeure, laquelle précise, à peine de nullité, la nature et le montant des cotisations réclamées, et la période à laquelle elles se rapportent. 5. Pour annuler les contraintes, l'arrêt retient que les mises en demeure litigieuses, si elles mentionnaient la nature des cotisations, le montant réclamé, en principal et majorations, ainsi que la période à laquelle correspondent les cotisations appelées, ne comportaient en revanche, ni au recto ni au verso, les mentions prévues aux dispositions de l'article R. 612-9 du code de la sécurité sociale. Il ajoute que compte tenu de son caractère imprécis, la mention au verso des mises en demeure litigieuses ainsi rédigée '' nous ajoutons, à toutes fins utiles, que si, à l'expiration du délai d'un mois imparti par le présent avis, vous ne vous étiez pas acquittés intégralement de la somme sus indiquée, ou si, dans le cas où vous contesteriez les cotisations, vous n'aviez pas saisi, dans le même délai, la commission de recours amiable, nous nous verrions, à notre regret, dans l'obligation, en application des textes auxquels nous sommes assujettis'', ne permet pas de satisfaire aux exigences formelles des dispositions en question, causant un grief à la cotisante, en ce qu'elle a été privée d'une voie de recours à ce stade des poursuites. 6. En statuant ainsi, sur le fondement d'un texte inapplicable au litige, et alors que l'absence de mention ou la mention insuffisante ou erronée, sur la notification de la mise en demeure, de la voie de recours ouverte, de son délai ou de ses modalités, a pour seul effet de ne pas faire courir le délai de recours, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 décembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Limoges ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel Poitiers ; Condamne Mme I... Z... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme I... Z... et la condamne à payer à la Caisse autonome de retraite des médecins de France la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mai deux mille vingt, et signé par lui et M. Prétot, conseiller doyen, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile, et par Mme Caratini, greffier de chambre qui a assisté au prononcé de l'arrêt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la caisse autonome de retraite des médecins de France PREMIER MOYEN DE CASSATION L'arrêt infirmatif attaqué encourt la censure ; EN CE QU' il a annulé la contrainte du 9 mars 2016, délivrée pour un montant de 30.347,63 euros, et la contrainte du 14 février 2017, délivrée pour un montant de 31.274,61 euros ; AUX MOTIFS QU' « En vertu des dispositions de l'article L. 244-2 du code de la sécurité sociale toute action ou poursuite de la part de l'organisme de sécurité sociale doit être précédée de l'envoi d'une mise en demeure répondant aux exigences de l'article R. 244-1 du même code notamment en ce qu'elle « précise la cause, la nature et le montant des sommes réclamées ainsi que la période à laquelle elles se rapportent ». Par ailleurs en application de l'article R612-9 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable à l'espèce, la mise en demeure donne le détail des sommes réclamées au titre des cotisations, des majorations et des pénalités mentionnées à l'article R. 612-20 ou dues en cas de non acquittement des cotisations à l'échéance. Elle précise que la dette peut être contestée dans un délai d'un mois par une réclamation adressée à la commission de recours amiable est accompagnée de la mise en demeure. Elle indique l'adresse de ladite commission. En l'espèce, si les mises en demeure litigieuses mentionnaient que les cotisations réclamées concernaient les cotisations vieillesse (base et complémentaire), et invalidité décès, visaient expressément le montant réclamé, en principal et majorations, et la période à laquelle correspondent les cotisations appelées, en revanche elles ne comportaient, ni au recto ni au verso, les mentions prévues aux dispositions de l'article R. 612-9 du code de la sécurité sociale. En effet la seule mention au verso des mises en demeure du 4 janvier 2016 et du 7 décembre 2016, « nous ajoutons, à toutes fins utiles, que si, à l'expiration du délai d'un mois imparti par le présent avis, vous ne vous étiez pas acquittés intégralement de la somme sus indiquées, ou si, dans le cas où vous contesteriez les cotisations, vous n'aviez pas saisi, dans le même délai, la commission de recours amiable, nous nous verrions, à notre regret, dans l'obligation, en application des textes auxquels nous sommes assujettis : (..) », compte tenu de son caractère imprécis ne permet pas de satisfaire aux exigences formelles des dispositions en question. II s'ensuit que les mises en demeure sont affectées d'une irrégularité causant un grief à Mme R... Wolf Bourgninaud, en ce qu'elle a été privée d'une voie de recours à ce stade des poursuites, et que par voie de conséquence elles doivent être annulées. Dans ces conditions les contraintes du 9 mars 2016 et du 14 février 2017 n'ayant pas été précédées d'une mise en demeure valable, conformément aux dispositions de l'article L. 244-2 du code de la sécurité sociale, elles doivent également être annulées. » ; ALORS QUE, premièrement, propre aux cotisations afférentes au régime social des indépendants, lequel gère l'assurance maladie et l'assurance maternité, l'article R. 612-9 du code de la sécurité sociale est inapplicable aux cotisations dues, au titre de l'assurance vieillesse, aux caisses de retraite gérant l'assurance vieillesse des professions libérales, et notamment la caisse de retraite des médecins ; que les juges du fond ont violé, par fausse application, l'article R. 612-9 du code de la sécurité sociale ; ALORS QUE, deuxièmement, en refusant d'appliquer l'article R. 244-1 du code de la sécurité sociale, seul applicable à la mise en demeure émise par la caisse de retraite des médecins, les juges du fond ont en tout état de cause violé l'article R. 244-1 du code de la sécurité sociale. SECOND MOYEN DE CASSATION L'arrêt infirmatif attaqué encourt la censure ; EN CE QU' il a annulé la contrainte du 9 mars 2016, délivrée pour un montant de 30.347,63 euros, et la contrainte du 14 février 2017, délivrée pour un montant de 31.274,61 euros ; AUX MOTIFS QU' « En vertu des dispositions de l'article L. 244-2 du code de la sécurité sociale toute action ou poursuite de la part de l'organisme de sécurité sociale doit être précédée de l'envoi d'une mise en demeure répondant aux exigences de l'article R. 244-1 du même code notamment en ce qu'elle « précise la cause, la nature et le montant des sommes réclamées ainsi que la période à laquelle elles se rapportent ». Par ailleurs en application de l'article R. 612-9 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable à l'espèce, la mise en demeure donne le détail des sommes réclamées au titre des cotisations, des majorations et des pénalités mentionnées à l'article R. 612-20 ou dues en cas de non acquittement des cotisations à l'échéance. Elle précise que la dette peut être contestée dans un délai d'un mois par une réclamation adressée à la commission de recours amiable est accompagnée de la mise en demeure. Elle indique l'adresse de ladite commission. En l'espèce, si les mises en demeure litigieuses mentionnaient que les cotisations réclamées concernaient les cotisations vieillesse (base et complémentaire), et invalidité décès, visaient expressément le montant réclamé, en principal et majorations, et la période à laquelle correspondent les cotisations appelées, en revanche elles ne comportaient, ni au recto ni au verso, les mentions prévues aux dispositions de l'article R. 612-9 du code de la sécurité sociale. En effet la seule mention au verso des mises en demeure du 4 janvier 2016 et du 7 décembre 2016, « nous ajoutons, à toutes fins utiles, que si, à l'expiration du délai d'un mois imparti par le présent avis, vous ne vous étiez pas acquittés intégralement de la somme sus indiquées, ou si, dans le cas où vous contesteriez les cotisations, vous n'aviez pas saisi, dans le même délai, la commission de recours amiable, nous nous verrions, à notre regret, dans l'obligation, en application des textes auxquels nous sommes assujettis : (..) », compte tenu de son caractère imprécis ne permet pas de satisfaire aux exigences formelles des dispositions en question. II s'ensuit que les mises en demeure sont affectées d'une irrégularité causant un grief à Mme R... Wolf Bourgninaud, en ce qu'elle a été privée d'une voie de recours à ce stade des poursuites, et que par voie de conséquence elles doivent être annulées. Dans ces conditions les contraintes du 9 mars 2016 et du 14 février 2017 n'ayant pas été précédées d'une mise en demeure valable, conformément aux dispositions de l'article L. 244-2 du code de la sécurité sociale, elles doivent également être annulées. » ; ALORS QUE, premièrement, l'absence de réception de la mise en demeure n'affecte pas la régularité de la mise en demeure pas plus que la régularité de la contrainte qui fait suite ; qu'a fortiori, l'irrégularité qui peut affecter la mise en demeure, à raison de son contenu, ne peut affecter la régularité de la contrainte ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les articles L. 244-2 et R. 244-1 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article R. 612-9 du même code ; ALORS QUE, deuxièmement, et en tout cas, dès lors que la mise en demeure identifie l'objet et le fondement de la créance, la mise en demeure doit être regardée comme régulière et l'absence de mention concernant les voies de recours, dans le corps de la mise en demeure sans affecter sa régularité, a pour seul effet de ne pas déclencher le délai de recours ouvert à l'égard de la mise en demeure ; que par suite, et à supposer même que les mises en demeure n'aient pas précisé au cas d'espèce les voies et délais de recours, cette circonstance ne pouvait affecter la régularité des contraintes ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les articles L. 244-2 et R. 244-1 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article R. 612-9 du même code.
Selon l'article L. 244-2 du code de la sécurité sociale, rendu applicable à l'organisation autonome d'assurance vieillesse des professions libérales par l'article L. 623-1, devenu l'article L. 642-6 du même code, seul applicable au recouvrement des cotisations dues au titre de l'assurance vieillesse des professions libérales, toute action ou poursuite en vue du recouvrement des cotisations dues au titre de l'assurance vieillesse des professions libérales est précédée d'une mise en demeure, laquelle précise, à peine de nullité, la nature et le montant des cotisations réclamées, et la période à laquelle elles se rapportent. L'absence de mention ou la mention insuffisante ou erronée, sur la notification de la mise en demeure, de la voie de recours ouverte, de son délai ou de ses modalités, a pour seul effet de ne pas faire courir le délai de recours
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CIV. 2 LG COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 28 mai 2020 Cassation partielle M. PIREYRE, président Arrêt n° 469 F-P+B+I Pourvoi n° H 19-12.962 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 MAI 2020 La caisse primaire d'assurance maladie de la Manche, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° H 19-12.962 contre le jugement rendu le 14 décembre 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Coutance, dans le litige l'opposant à M. H... D..., domicilié [...] , défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Dudit, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de la Manche, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 mars 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Dudit, conseiller référendaire rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Szirek, greffier de chambre. la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon le jugement attaqué (tribunal des affaires de sécurité sociale de Coutances, 14 décembre 2018), rendu en dernier ressort, dans le cadre de contrôles organisés par l'URSSAF les 25 janvier, 13 février et 4 avril 2014, M. D... (l'assuré), en arrêt de travail depuis le 5 avril 2012, a été vu en situation de travail, sur son lieu de travail. 2. Destinataire de cette information, la caisse primaire d'assurance maladie de la Manche (la caisse) lui a notifié un indu d'indemnités journalières, pour la période du 25 janvier au 16 février 2014 et du 4 au 16 avril 2014. 3. L'assuré a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. La caisse fait grief au jugement d'accueillir partiellement le recours de l'assuré, alors « qu'il résulte de l'article L. 323-6 du code de la sécurité sociale issu de la loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010 que le service de l'indemnité journalière est subordonné à l'obligation de s'abstenir de toute activité non autorisée ; qu'en cas d'inobservation volontaire de cette obligation, les indemnités journalières cessent d'être dues ; que la caisse est donc fondée à suspendre leur versement et à recouvrer, directement auprès de l'assuré, le montant de la totalité des indemnités journalières éventuellement versées après le constat de ce manquement peu important que la preuve d'une rémunération versée par l'employeur pendant l'arrêt de travail n'ait pas été rapportée ; qu'en décidant que le droit à répétition des indemnités journalières ne pouvait concerner que les indemnités journalières correspondant aux jours du manquement, le tribunal des affaires de sécurité sociale a violé l'article L. 323-6 du code de la sécurité sociale. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 323-6 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-594 du 20 décembre 2010, applicable au litige : 5. Selon ce texte, en cas d'inobservation volontaire des obligations qu'il fixe, et au respect desquelles le service de l'indemnité journalière de l'assurance maladie est subordonné, le bénéficiaire restitue à la caisse les indemnités versées correspondantes. 6. Pour réduire le montant de l'indu à trois fois le montant journalier des indemnités, le jugement constate que l'assuré a exercé une activité non autorisée durant trois journées, puis retient que l'article L. 323-6 du code de la sécurité sociale, en ce qu'il évoque le "service de l'indemnité journalière" et précise qu'en cas de manquement le bénéficiaire restitue à la caisse "les indemnités versées correspondantes", ne vise que le jour du manquement. 7. En statuant ainsi, alors que l'exercice par l'assuré d'une activité non autorisée faisant disparaître l'une des conditions d'attribution ou de maintien des indemnités journalières, la caisse était en droit d'en réclamer la restitution depuis la date du manquement, le tribunal a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a déclaré le recours recevable, le jugement rendu le 14 décembre 2018, entre les parties, par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Coutances ; Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Caen ; Condamne M. D... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la caisse primaire d'assurance maladie de la Manche ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mai deux mille vingt, et signé par lui et M. Prétot, conseiller doyen, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile, et par Mme Caratini, greffier de chambre qui a assisté au prononcé de l'arrêt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie de la Manche Il est fait grief à la décision attaquée d'AVOIR condamné M. D... à payer à la CPAM de la Manche la somme de 83,28 euros et d'AVOIR débouté la CPAM de la Manche du surplus de ses demandes ; AUX MOTIFS QUE selon les dispositions de l'article L. 323-6 du code de la sécurité sociale, le service de l'indemnité journalière est subordonné à l'obligation de s'abstenir de toute activité non autorisée, en cas d'inobservation volontaire de ces obligations, le bénéficiaire restitue à la caisse les indemnités versées correspondantes ; qu'en outre si l'activité a donné lieu à une rémunération, à des revenus ou des gains, il peut être prononcé une sanction financière dans les conditions de l'article L. 162-1-14 du code de la sécurité sociale (devenu L. 114-17-1) ; que Monsieur D... ne conteste pas avoir été trouvé les 25 janvier 2014 à 2h35 derrière le bar, le 13 février au soir et le 4 avril 2014 à 2h15 du matin, mais conteste avoir été en situation de travail ; que s'il ne résulte pas des pièces communiquées par la CPAM à qui incombe cette preuve que soit établies les conditions du travail dissimulé (rémunération, subordination activité effective), en revanche, la présence à des heures tardives derrière le bar de la société qui le salarie et dans laquelle il indique être associé, caractérise sans ambiguïté l'activité non autorisée de Monsieur D... ; qu'il résulte au demeurant du procès-verbal de constat établi par l'URSSAF le 2 juillet 2014 que l'employeur Monsieur A... reconnaît pour la nuit du 25 janvier avoir sollicité Monsieur D... pour un « coup de main ponctuel » ; qu'en application des dispositions de l'article L. 323-6 du css le bénéficiaire doit restituer à la caisse l'indemnité journalière correspondante ; que le montant journalier net est de 27,76 € ; que Monsieur D... est condamné à verser 27,76 € X 3 : indemnités correspondant aux trois journées d'activité constaté ; que la CPAM soutient être en droit de réclamer les indemnités journalières afférentes à la période au cours de laquelle le manquement a été constaté et ce à titre de sanction ; qu'or l'article L. 323-6 du css évoque le « service de l'indemnité journalière» et précise qu'en cas de manquement le bénéficiaire « restitue à la caisse les indemnités versées correspondantes » ce qui ne vise que le jour du manquement ; que ce n'est que si l'infraction mentionnée au 4ème de cette disposition a donné lieu à rémunération que la caisse est, alors, en droit de prononcer une sanction financière ; qu'or la CPAM n'apporte pas la preuve de la rémunération ; qu'en conséquence la demande de la CPAM de se voir restituer la somme de 999 € est rejetée ; ALORS QU'il résulte de l'article L. 323-6 du code de la sécurité sociale issu de la loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010 que le service de l'indemnité journalière est subordonné à l'obligation de s'abstenir de toute activité non autorisée ; qu'en cas d'inobservation volontaire de cette obligation, les indemnités journalières cessent d'être dues ; que la caisse est donc fondée à suspendre leur versement et à recouvrer, directement auprès de l'assuré, le montant de la totalité des indemnités journalières éventuellement versées après le constat de ce manquement peu important que la preuve d'une rémunération versée par l'employeur pendant l'arrêt de travail n'ait pas été rapportée ; qu'en décidant que le droit à répétition des indemnités journalières ne pouvait concerner que les indemnités journalières correspondant aux jours du manquement, le tribunal des affaires de sécurité sociale a violé l'article L. 323-6 du code de la sécurité sociale.
Selon l'article L. 323-6 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010, en cas d'inobservation volontaire des obligations qu'il fixe, et au respect desquelles le service de l'indemnité journalière de l'assurance maladie est subordonné, le bénéficiaire restitue à la caisse les indemnités versées correspondantes. L'exercice par l'assuré d'une activité non autorisée faisant disparaître l'une des conditions d'attribution ou de maintien des indemnités journalières, la caisse est en droit d'en réclamer la restitution depuis la date du manquement
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CIV. 3 IK COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 28 mai 2020 Rejet M. CHAUVIN, président Arrêt n° 339 FS-P+B+I Pourvoi n° H 19-14.089 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 MAI 2020 Mme B... R..., domiciliée chez Mme D... Y..., [...], a formé le pourvoi n° H 19-14.089 contre l'arrêt rendu le 19 février 2019 par la cour d'appel de Versailles (1re chambre, 2e section), dans le litige l'opposant à la société Ratp habitat, anciennement dénommée Logis transports, société anonyme, dont le siège est [...], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Collomp, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de Mme R..., de Me Haas, avocat de la société Ratp habitat, et l'avis de Mme Valdès Boulouque, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 10 mars 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Collomp, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, M. Parneix, Mmes Dagneaux, Provost-Lopin, MM. Barbieri, Jessel, conseillers, M. Beghin, Mme Schmitt, conseillers référendaires, Mme Valdès Boulouque, premier avocat général, Mme Besse, greffier de chambre. la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 19 février 2019), la société UAP a donné à bail à Mme R... et à P... T..., à compter du 15 juillet 1981, un appartement à usage d'habitation. 2. Le 2 juillet 2001, la société anonyme d'habitations à loyer modéré Logis transports a acquis ce logement au moyen d'un prêt locatif intermédiaire (PLI). 3. Le 17 mai 2007, les parties ont signé un nouveau contrat de bail intitulé "contrat de location d'un logement PLI". 4. Le 18 mars 2015, P... T... étant décédé, la société Logis transports, après avoir signifié à Mme R... plusieurs offres de relogement qu'elle n'a pas acceptées, lui a notifié un congé pour démolir demeuré infructueux, puis l'a assignée en expulsion. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris ses deuxième à cinquième branches, ci-après annexé 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 6. Mme R... fait grief à l'arrêt de dire que le bail est régi par la législation sur les habitations à loyer modéré, alors « qu'en cas de cession d'un immeuble faisant l'objet d'un bail d'habitation de droit commun à un organisme d'habitation à loyer modéré, le bail en cause demeure jusqu'à son expiration soumis à la législation de droit commun et se poursuit aux conditions existant avant la cession ; qu'il en résulte que pour pouvoir soumettre ce bail à la législation sur les habitations à loyer modéré, le bailleur doit délivrer au locataire un congé selon les formes et conditions prévues aux articles 10 et 15 de la loi du 6 juillet 1989, l'article 40 de cette loi, qui prévoit l'inapplicabilité de ses dispositions relatives notamment à la tacite reconduction du bail, ne s'appliquant pas aux contrats en cours lors de la cession de l'immeuble (Cass. 3e Civ., 18 février 2009, Bull. n° 39) ; que, pour dire que le bail soumis au droit commun des baux d'habitation conclu en septembre 1978 par Mme R... avec la société UAP, et transmis à la société Logid transports qui avait acquis l'immeuble par acte du 2 juillet 2001, était régi par la législation sur les habitations à loyer modéré, la cour d'appel a retenu qu'en application de l'article 40 de la loi du 6 juillet 1989, le bail secteur libre de Mme R... n'avait pu être tacitement reconduit et qu'il était arrivé à expiration à la fin de la période triennale achevée le 30 septembre 2003, sans que la société Logis transports n'ait à s'opposer par une quelconque action à la tacite reconduction du contrat ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a violé les articles 1134 (devenu 1103) et 1743 du code civil, ensemble l'article L. 411-3 du code de la construction et de l'habitation, et les articles 10, 15 et 40 de la loi du 6 juillet 1989. » Réponse de la Cour 7. Les baux portant sur des logements appartenant à des organismes HLM sont régis par des dispositions dérogatoires au droit commun des baux d'habitation et, notamment, pour les logements ne faisant pas l'objet d'une convention passée en application de l'article L. 351-2 du code de la construction et de l'habitation, tels ceux acquis au moyen d'un prêt locatif intermédiaire, par l'article 40, I de la loi du 6 juillet 1989 qui leur déclare inapplicables certains articles de cette loi et, en particulier, les dispositions de l'article 15 relatives au congé délivré par le bailleur. 8. La cour d'appel a retenu à bon droit que les dispositions propres aux logements appartenant à des organismes HLM ne faisant pas l'objet d'une convention ne sont pas applicables aux baux en cours lors de l'acquisition de ces logements par l'organisme HLM, mais que, les baux reconduits étant de nouveaux baux, ceux-ci ne peuvent, lors de leur reconduction, demeurer régis par les dispositions de droit commun des baux d'habitation auxquelles ils étaient initialement soumis. 9. Ayant relevé que le logement donné à bail à Mme R... avait été acquis par une société d'habitations à loyer modéré au moyen d'un prêt locatif intermédiaire et que le bail, venu à expiration le 14 juillet 2002, s'était trouvé reconduit à compter du 15 juillet 2002, la cour d'appel en a exactement déduit que, peu important la conclusion ou non par la locataire d'un contrat de location d'un logement PLI, la société Logis transports avait pu faire application, à compter de cette date, de la législation applicable aux logements non conventionnés appartenant à un organisme d'habitation à loyers modérés et que Mme R... ne bénéficiait donc pas, lors de la délivrance du congé, du droit de préemption prévu par l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989, mais d'un droit au maintien dans les lieux. 10. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le second moyen Enoncé du moyen 11. Mme R... fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes tendant à l'annulation et subsidiairement à l'inopposabilité à son égard des offres de relogement qui lui ont été notifiées, alors : « 1°/ que pour dire que le bail de Mme R... était régi par la législation sur les habitations à loyer modéré, dire que cette dernière ne disposait pas d'un droit de préemption sur le fondement de l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989, et rejeter comme inopérant le moyen développé à ce titre par Mme R... pour conclure à la nullité des offres de renouvellement qui lui avaient été notifiées sur le fondement de la législation HLM, la cour d'appel s'est référée aux motifs par lesquels elle a jugé que le bail de l'exposante était soumis à la législation sur les habitations à loyer modéré ; que la cassation qui interviendra sur le premier moyen de cassation, qui fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir jugé que la législation applicable au bail de Mme R... était la législation sur les habitations à loyer modéré et non la législation de droit commun des baux d'habitation du secteur privé, entraînera par voie de conséquence la cassation de l'arrêt attaqué, en ce qu'il a rejeté la demande de Mme R... tendant à voir prononcer la nullité des offres de renouvellement qui lui avaient été notifiées sur le fondement de la législation sur les habitations à loyer modéré à raison de l'existence d'un droit de préemption dont elle disposait sur le fondement de l'article 624 du code de procédure civile ; 2°/ alors que la personne morale assujettie à l'obligation d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés ne peut opposer aux tiers les actes qu'elle n'y a pas préalablement fait publier ; qu'il en résulte qu'est privé de tout effet à l'égard des tiers l'acte accompli au nom d'une personne morale assujettie à l'obligation d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés, par une personne physique dont l'acte la désignant comme représentant de cette entité n'a pas été publié ; qu'en jugeant qu'aussi longtemps que la délibération du conseil d'administration du 28 juin 2013 désignant Mme G... comme directrice générale de la société Logis transports n'avait pas été déposée au greffe du tribunal de commerce, la société ne pouvait opposer aux tiers la nomination de Mme G... en qualité de directrice générale de la société mais que pour autant, le retard dans le dépôt de la délibération du 28 juin 2013 désignant Mme G... comme représentante de la société Logis transports au greffe du tribunal de commerce était sans incidence et ne saurait entraîner la nullité des actes accomplis par Mme G... qui avait été régulièrement désignée en qualité de directrice générale, fonction qui recouvre le pouvoir non limité de représenter et engager la société, la cour d'appel a violé l'article L. 123-9 du code de commerce ; 3°/ alors qu'est inopposable aux tiers l'acte accompli au nom d'une personne morale assujettie à l'obligation d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés, par une personne physique dont l'acte la désignant comme représentant de cette entité n'a pas été publié ; qu'en se bornant à retenir que le retard dans le dépôt de la délibération du 28 juin 2013 désignant Mme G... comme représentante de la société Logis transports au greffe du tribunal de commerce était sans incidence et ne saurait entraîner la nullité des actes accomplis par Mme G... qui avait été régulièrement désignée en qualité de Directrice générale, fonction qui recouvre le pouvoir non limité de représenter et engager la société, quand l'absence de publication de l'acte de désignation de Mme G... rendait les actes accomplis par cette dernière au nom de la société Logis transports inopposables aux tiers, la cour d'appel a encore méconnu l'article L. 123-9 du code de commerce ; 4°/ alors qu'en se contentant de retenir que le retard dans la publication de la délibération du 28 juin 2013 désignant Mme G... comme représentante de la société Logis transports n'était pas de nature à entraîner la nullité des actes accomplis par cette dernière au nom de cette société, sans répondre au moyen de l'exposante faisant valoir que ces actes lui étaient à tout le moins inopposables, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. » Réponse au moyen 12. La cassation n'étant pas prononcée sur le premier moyen, le grief tiré d'une annulation par voie de conséquence est devenu sans portée. 13. La cour d'appel a relevé, par motif adopté, que la nomination de Mme G... avait été publiée le 13 octobre 2014. 14. Le moyen, ne désignant ni ne datant les actes dont la validité et l'opposabilité sont contestées, est donc inopérant. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne Mme R... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, signé par M. Echappé, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller empêché, et signé et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mai deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour Mme R... PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR confirmé le jugement du tribunal d'instance de COURBEVOIE du 27 février 2018, en toutes ses dispositions, sauf à préciser que le bail initial consenti le 10 juin 1981 à effet au 15 juin 1981 pour une durée de trois ans par l'UAP à Madame R... était venu à expiration le 14 juillet 2002 et que la disposition relative à l'expulsion était devenue sans objet dès lors qu'elle était intervenue le 29 août 2018, en conséquence D'AVOIR dit que le bail applicable n'était pas soumis aux dispositions de la loi du 6 juillet 1989 en ce qui concerne la fixation du loyer, mais aux dispositions d'ordre public applicables en matière de bail PLI, D'AVOIR dit que la locataire ne bénéficiait pas d'un droit de préemption mais d'un droit au maintien dans les lieux, ce qui lui avait permis de voir appliquer les dispositions des articles L. 443-15-1 et L. 442-6 du code de la construction et de l'habitation et 13 bis de la loi du 1er septembre 1948, D'AVOIR dit que les offres de relogement signifiées les 12 mars 2014 et 18 mars 2015 étaient conformes aux caractéristiques énumérées à l'article 13 bis de la loi du 1er septembre 1948, applicable au bail PLI, D'AVOIR constaté le refus de Madame R... d'être relogée, D'AVOIR dit que Madame R... était déchue du droit au maintien dans les lieux et par conséquent, était occupante sans droit ni titre de son logement depuis le 19 septembre 2015, D'AVOIR constaté que Madame R... avait déjà bénéficié d'un délai de plus de 28 mois pour se maintenir indûment dans les locaux donnés à bail, D'AVOIR débouté Madame R... de toute demande de délai pour se maintenir dans les lieux, D'AVOIR ordonné son expulsion immédiate et sans délai et celle de tous occupants de son chef, en la forme ordinaire, avec l'assistance d'un serrurier et avec l'aide de la force publique si besoin est, dans les conditions prévues par les articles 61 et suivants de la loi du 9 juillet 1991, D'AVOIR autorisé la société LOGIS TRANSPORTS à faire transporter et entreposer les meubles et objets mobiliers garnissant les lieux, dans tout garde-meuble de son choix, aux frais et risques de qui il appartiendrait (articles L. 433-1 et L. 433-2 du code des procédures civiles d'exécution), D'AVOIR condamné Madame R... à payer mensuellement à la société LOGIS TRANSPORTS une indemnité d'occupation égale au montant du loyer contractuel, taxes et charges en sus, à compter du 19 septembre 2015 et jusqu'à libération effective des lieux donnés à bail, et D'AVOIR rejeté toute autre demande de Madame R... ; AUX MOTIFS PROPRES QUE « Sur l'appel de Mme R... : Au soutien de son appel, Mme R... qui, suivant acte sous seing privé du 17 mai 2007 à effet au 1er juillet 2007, a signé avec M. T... depuis décédé, un bail PLI, fait grief au premier juge d'avoir considéré que le bail applicable n'est pas soumis aux dispositions de la loi du 6 juillet 1989 mais à celles d'ordre public applicables en matière de bail d'HLM PLI, d'avoir jugé que la locataire ne bénéficie pas d'un droit de préemption mais d'un droit au maintien dans les lieux, et d'avoir dit que les offres de relogement signifiées les 12 mars 2014 et 18 mars 2015 étaient régulières, ne contestant toutefois pas leur conformité aux caractéristiques énumérées à l'article 13 bis de la loi du 1er septembre 1948 applicable au bail HLM PLI. 1) Sur la détermination de la loi applicable et sur le devenir des baux en cours lors de l'acquisition par la société Logis-Transports des immeubles de la résidence .... ( ) Sur ce : La société Logis-Transports qui a fait l'acquisition de l'immeuble le 2 juillet 2001, se trouve aux lieu et place du bailleur initial envers les locataires en place, et sa qualité de bailleur ne peut plus être remise en cause : en effet, par arrêt rendu le 30 juin 2016, la cour de céans a déclaré prescrite l'action en contestation de la régularité de l'acquisition de la résidence ... par la société Logis-Transports initiée par l'association Vivre à la Défense et plusieurs occupants des immeubles les Damiers, la Cour de Cassation ayant, par arrêt rendu le 28 février 2018, rejeté le pourvoi formé par l'association Vivre à la Défense et plusieurs locataires, confirmant ainsi la prescription de leur action. L'article 411-3 du code de la construction et de l'habitation prévoit que les dispositions du présent article sont d'ordre public et sont applicables aux logements appartenant ou ayant appartenu aux organismes d'habitation à loyer modéré dès lors que ces logements ont été construits, acquis ou améliorés par lesdits organismes en vue de leur location avec le concours financier de l'état, (logements non conventionnés dont PLI : bâtiments Anjou et Bretagne) ou qu'ils ont ouvert droit à l'aide personnalisée au logement en application d'une convention prévue à l'article L. 353-14 conclue entre lesdits organismes et l'état (logements conventionnés PLS : bâtiment Infra). L'article 40 de la loi du 6 juillet 1989 dispose en son premier alinéa que : "les 4°, 7'à 9°et le dernier alinéa de l'article 3, l'article 3-1, le H de l'article 5, les articles 8, 8-1, 10 à 12, 15 à 18, le 1 le alinéa de l'article 20, les cinq premiers alinéas de l'article 23, et les articles 25-3 à 25-11 ne sont pas applicables aux logements appartenant aux organismes d'habitation à loyer modéré et ne faisant pas l'objet d'une convention passée en application de l'article L. 351-2 du code de la construction et de l'habitation (....). En l'espèce d'une part, Mme R... ne peut, sans se contredire, prétendre que le bail initial soumis aux dispositions de la loi du 6 juillet 1989 a été tacitement reconduit, alors même qu'elle a accepté de signer le 17 mai 2007 un nouveau contrat de bail "PLI" d'une durée de trois mois renouvelable par tacite reconduction, avec effet au 1" juillet 2007 que lui a proposé la société Logis-Transport, nouveau bail dont il y a lieu de constater qu'aux termes du dispositif de ses conclusions, elle n'en demande pas l'annulation pour dol. D'autre part, peu important que la locataire ait accepté de signer ou non le bail qui lui a été consenti par la société Logis-Transport dans la mesure où : * aucune violation de la subrogation conventionnelle ou légale n'est démontrée : la société Logis-Transports a maintenu les baux en cours le 2 juillet 2001 en n'expulsant aucun locataire à la suite de son acquisition, sans pour autant déroger aux dispositions d'ordre public s'imposant à elle, compte tenu des conditions de financement de l'acquisition des bâtiments Anjou et Bretagne, * elle a régularisé les situations locatives des locataires qui en étaient d'accord à l'expiration des baux UAP/AXA, situations locatives qui se sont poursuivies sous le régime du livre IV du Code de la construction et de l'habitation, * s'agissant en l'espèce d'un bail PLI, il appartenait au bailleur d'attendre l'expiration du bail en cours, avant de considérer que la législation HLM était pleinement applicable ; la société Logis-Transport établit, ainsi qu'elle le soutient, avoir attendu que l'intégralité des baux conclus par la société UAP/AXA arrive à expiration, après le terme fixé par les baux initiaux éventuellement renouvelés, pour proposer la conclusion d'un bail PLI et facturer le loyer PLI correspondant ; dès lors que les dispositions de la loi de 1989 n'étaient plus applicables, elle n'était pas tenue de délivrer un congé avant l'arrivée du terme, * le bail secteur libre ne peut être tacitement reconduit, compte tenu des dispositions de l'article 40 de la loi précitée, * il s'ensuit qu'il n'incombait pas à la société Logis-Transports par une quelconque action, de s'opposer à la tacite reconduction du bail. Il y a lieu de relever enfin que la société bailleresse, en consentant à Mme R... un nouveau bail relevant de la législation HLM, a répondu strictement aux recommandations de la Mission interministérielle d'inspection du logement social (MILOS) qui a émis une recommandation à destination de la société Logis-Transports concernant ..., lui rappelant qu'en cas d'acquisition du patrimoine privé occupé : * les dispositions relatives aux logements conventionnés (PLS), s'appliquent immédiatement dès l'entrée en vigueur de la convention, * les dispositions relatives aux logements non conventionnés (PLI), s'appliquent de plein droit à l'expiration du bail initial, secteur libre. Pour toutes ces raisons, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a considéré que les baux en cours étaient pleinement soumis à la législation HLM. 2) Sur le droit de préemption : Mme R... dont le bail est soumis à la législation HLM n'est pas fondée à se prévaloir d'un droit de préemption sur le fondement des dispositions de l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989.En outre, l'intention de démolir du bailleur social, ainsi que les autorisations administratives obtenues à cet effet, permettent également d'écarter l'application des dispositions de l'article L 443-11 du code de la construction et de l'habitation relatives à l'exercice du droit de préemption du locataire ;l'économie de l'opération de rénovation urbaine ayant pour vocation la démolition préalable des logements avant toute cession, Mme R... ne peut invoquer utilement le bénéfice d'un droit de préemption sur ce fondement » ET AUX MOTIFS SUPPOSEMENT ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE « Sur la validité du congé délivré : Par arrêté préfectoral DRIHL92-SHRU n°2014-04 du 27 janvier 2014, le Préfet des Hauts de Seine a autorisé la démolition du Bâtiment [...], sur le fondement de l'article L 443-15-1 du CCH qui prévoit que « sans préjudice des dispositions du titre III du livre IV du Code de l'Urbanisme, un bâtiment à usage d'habitation appartenant à un organisme d'habitations à loyer modéré et construit avec l'aide de l'Etat, ne peut être démoli sans l'accord préalable du représentant de l'Etat dans le département » . L'article L 442-6 II du Code de la Construction et de l'Habitation prévoit « En cas d'autorisation de démolir visée par l'article L 443-15-1, le locataire ayant refusé trois offres de relogement respectant les conditions prévues à l'article 13 bis de la loi N° 481360 du 1" septembre 1948 précitée ne bénéficie plus du maintien dans les lieux. A l'expiration d'un délai de 6 mois à compter de la notification de la 3ème offre de relogement, le locataire est déchu de tout titre d'occupation des locaux loués ». L'article 13 bis de la loi du le Ie septembre 1948 prévoit « le local mis à disposition des personnes évincées, en application des articles 11 et 12, doit être en bon état d'habitation, remplir les conditions d'hygiène normales et correspondre à leurs besoins personnels ou familiaux et le cas échéant, professionnels et à leurs possibilités. Il doit en outre être situé - dans le même arrondissement ou les arrondissements limitrophes de l'arrondissement où se trouve le local, objet de la reprise, si celui-ci est situé dans une commune divisée en arrondissements ; - dans le même canton ou dans les cantons limitrophes de ce canton inclus dans la même commune ou dans les communes limitrophes de ce canton si la commune est divisée en cantons ; - dans les autres cas sur le territoire de la même commune ou d'une commune limitrophe, sans pouvoir être éloigné de plus de 5 Km ». En l'espèce, les communes limitrophes sont : Puteaux, Nanterre, la Garenne-Colombes et Neuilly sur Seine ; LOGIS-TRANSPORTS, ayant fait l'acquisition de l'immeuble le. 2 juillet 2001, a été subrogée dans les droits et actions du bailleur initial envers les locataires en place et sa qualité de propriétaire bailleur ne peut plus être remise en cause. Le bail conclu entre l'UAP et Monsieur T... et Madame R... le 10 juin 1981, à effet au 15 juillet 1981, est venu à expiration le 14 juillet 2002. A compter de cette date, la législation HLM PLI est devenue pleinement applicable. Il est établi que Monsieur P... T... et Madame B... R... ont signé avec LOGIS-TRANSPORTS, selon acte du 17 mai 2007 à effet au 1er juillet 2007, un bail PLI (ayant entrainé une augmentation de de loyer) et se trouvant sous le statut FILM, et ont eu droit au maintien dans les lieux et à l'application des articles précités tendant à leur relogement. Aucune manoeuvre dolosive lors de la signature de ce contrat n'est caractérisée en défense et l'application de la loi du 6 juillet 1989 en ce qui concerne les modalités de congé ne peut être soutenue. L'article L 411-3 du Code de la construction et de l'habitation prévoit que : « les dispositions du présent article sont d'ordre public et sont applicables aux logements appartenant ou ayant appartenu aux organismes d'habitation à loyer modéré. Dès lors que ces logements ont été construits, acquis ou acquis et améliorés par lesdits organismes en vue de leur location, avec le concours financier de l'Etat (Logements non conventionnés =PLI) ou qu'ils ont ouvert droit à l'aide personnalisée au logement, en application d'une convention prévue à l'article L 353-14 conclue entre lesdits organismes et l'Etat (Logements conventionnés =PLS). Les baux conclus par les organismes FILM sont soumis, en partie, aux dispositions de la loi du 6 juillet 1989. L'article 40 de la loi du 6 juillet 1989 prévoit expressément les dispositions non applicables aux logements non conventionnés (PLI) et conventionnés (PLS) : « I -Les dispositions des articles 8, 10 à 12, 15 à 19 du premier alinéa de l'article 20, du premier alinéa de l'article 22, des 5 premiers alinéas de l'article 23 ne sont pas applicables aux logements appartenant aux organismes d'habitations à loyer modéré et ne faisant pas l'objet d'une convention passée en application de l'article L 351-2 du code de la Construction et de l'Habitation... III —Les disposition des articles 8, 10 à 12, 15, du paragraphe e de l'article 17 et du premier alinéa de l'article 22 ne sont pas applicables aux logements régis par une convention conclue en application de l'article L 351-2 du Code de la Construction et de l'Habitation ». Il s'ensuivait qu'à l'expiration des baux conclus et renouvelés par UAP ou AXA, le bail PLI s'imposait aux locataires, qu'ils signent un avenant ou pas. En l'espèce, ils l'ont signé. LOGIS-TRANSPORTS a fait signifier à Monsieur T... et Madame R... une première offre de relogement le 12 mars 2014 ; d'autres offres de relogement ont été faites les 11 et 25 avril, 5 mai, 16 juin, 21 et 31 juillet, 16 septembre, 9 octobre 2014, mais à Monsieur P... T... seul. C'est dans ces conditions que les 2ème et 3ème offres de relogement ont été signifiées le 18 mars 2015, la 3ème portant indication qu'à l'expiration d'un délai de 6 mois, le congé produirait pleinement ses effets. Les offres de relogement ont été notifiées à la requête de LOGIS-TRANSPORTS, prise en la personne de sa directrice générale, Madame W... G..., qui occupe régulièrement ses fonctions depuis le 28 juin 2013, date à laquelle le conseil d'administration de LOGIS-TRANSPORTS l'y a nommée. Madame W... G... pouvait valablement représenter et engager LOGIS-TRANSPORTS à compter de sa nomination, et ainsi lors de la délivrance des offres et congé, peu important que la publication de cette nomination ne soit intervenue que le 13 octobre 2014. Les trois offres (décrites précisément aux pages 2 et 3 de ce jugement), répondaient aux critères légaux, proposant des logements de trois à 5 pièces situés dans la commune de Courbevoie, Nanterre ou la Garenne Colombes, de surface équivalente ou légèrement supérieure, pour un loyer équivalent et la 3ème offre valant congé signifiée le 18 mars 2015 à effet au 19 septembre 2015 est régulière en la forme et au fond. Le logement est occupé par Madame R... seule, depuis le décès de Monsieur T.... De nombreuses propositions ont été faites dans le courant des années 2014 et 2015, auxquelles Monsieur T... et Madame R... n'ont pas répondu favorablement. Le congé pour démolir en date du 18 mars 2015 a pris effet le 19 septembre 2015 et Monsieur P... T... et Madame B... y étaient depuis cette date occupants sans droit ni titre. Suite au décès de Monsieur P... T... et à défaut de départ volontaire dans les deux mois de la signification d'un commandement de quitter les lieux, de Madame B... R..., son expulsion et celle de tous occupants de son chef pourra intervenir avec l'assistance de la Force Publique et d'un serrurier si besoin était. LOGIS-TRANSPORTS sera autorisée à procéder à l'appréhension du mobilier trouvé dans les lieux dans les conditions prévues aux articles L. 433-1 et L. 433-2 CPCE. L'indemnité d'occupation due depuis le 19 septembre 2015 et jusqu'au départ effectif des lieux loués, sera fixée à une somme égale à celle qui aurait été due en cas de continuation du bail » 1°) ALORS QU' en cas de cession d'un immeuble faisant l'objet d'un bail d'habitation de droit commun à un organisme d'habitation à loyer modéré, le bail en cause demeure jusqu'à son expiration soumis à la législation de droit commun et se poursuit aux conditions existant avant la cession ; qu'il en résulte que pour pouvoir soumettre ce bail à la législation sur les habitations à loyer modéré, le bailleur doit délivrer au locataire un congé selon les formes et conditions prévues aux articles 10 et 15 de la loi du 6 juillet 1989, l'article 40 de cette loi, qui prévoit l'inapplicabilité de ses dispositions relatives notamment à la tacite reconduction du bail, ne s'appliquant pas aux contrats en cours lors de la cession de l'immeuble (Cass. 3ème Civ., 18 février 2009, Bull. n°39) ; que, pour dire que le bail soumis au droit commun des baux d'habitation conclu en juin 1981 par Madame R... avec la société UAP, et transmis à la société LOGIS TRANSPORTS qui avait acquis l'immeuble par acte du 2 juillet 2001, était désormais régi par la législation sur les habitations à loyer modéré, la cour d'appel a retenu qu'en application de l'article 40 de la loi du 6 juillet 1989, le bail secteur libre de Madame R... n'avait pu être tacitement reconduit et qu'il était arrivé à expiration à la fin de la période triennale achevée le 14 juillet 2002, sans que la société LOGIS TRANSPORTS n'ait à s'opposer par une quelconque action à la tacite reconduction du contrat (arrêt, p. 11) ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a violé les articles 1134 (devenu 1103) et 1743 du code civil, ensemble l'article L. 411-3 du code de la construction et de l'habitation, et les articles 10, 15 et 40 de la loi du 6 juillet 1989 ; 2°) ALORS QU' en cas de cession d'un immeuble faisant l'objet d'un bail d'habitation de droit commun à un organisme d'habitation à loyer modéré, le bail en cause demeure jusqu'à son expiration soumis à la législation de droit commun et se poursuit aux conditions existant avant la cession ; qu'il en résulte que pour pouvoir soumettre ce bail à la législation sur les habitations à loyer modéré, le bailleur doit délivrer au locataire un congé selon les formes et conditions prévues aux articles 10 et 15 de la loi du 6 juillet 1989 ; que pour dire que le bail liant Madame R... à la société LOGIS TRANSPORTS était arrivé à expiration le 14 juillet 2002 et juger que la société LOGIS TRANSPORTS avait pu régulariser la situation en faisant conclure à sa locataire un nouveau bail PLI le 17 mai 2007, sans avoir à faire délivrer de congé à sa locataire, la cour d'appel a retenu que Madame R... avait signé ce bail dont elle ne sollicitait pas l'annulation dans le dispositif de ses conclusions ; qu'en statuant par ce motif inopérant, la cour d'appel a encore méconnu les articles 1134 (devenu 1103) et 1743 du code civil, ensemble l'article L. 411-3 du code de la construction et de l'habitation, et les articles 10, 15 et 40 de la loi du 6 juillet 1989 ; 3°) ALORS EN TOUT ETAT DE CAUSE QU' ainsi que Madame R... le faisait valoir et que l'a constaté la cour d'appel (arrêt, p. 3, 6ème §), dans un jugement collectif du 27 février 2018 concernant l'ensemble des locataires en litige avec la société LOGIS TRANSPORTS, le tribunal d'instance de COURBEVOIE avait statué sur la législation applicable aux baux en cause, ainsi que sur le dol invoqué par les locataires ayant signé un nouveau bail PLI avec la société LOGIS TRANSPORTS ; que Madame R... soulignait qu'elle avait fait appel de ce jugement et que la procédure était pendante devant la cour d'appel ; qu'en jugeant que Madame R... ne pouvait, sans se contredire, prétendre que le bail initial soumis aux dispositions de la loi du 6 juillet 1989 avait été tacitement reconduit, alors même qu'elle a accepté de signer le 17 mai 2007 un nouveau contrat de bail PLI que lui a proposé la société LOGIS TRANSPORTS, dont elle ne demandait pas l'annulation pour dol, quand Madame R... contestait la validité de ce contrat dans le cadre de l'appel contre le jugement collectif du 27 février 2018, la cour d'appel a méconnu les termes du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ; 4°) ALORS QUE dans ses conclusions d'appel (spéc. p. 16 ; p. 18), Madame R... faisait valoir que le bail qu'elle avait signé le 17 mai 2007 avait été obtenu par les manoeuvres dolosives de la société LOGIS TRANSPORTS, qui lui avait faussement présenté la conclusion de ce contrat comme un simple « renouvellement » de son bail en cours, contestant ainsi le jugement entrepris qui avait écarté le dol ; que dans le dispositif de ses conclusions, elle demandait à la cour d'appel d' « infirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal d'instance de COURBEVOIE en date du 27 février 2018 et statuant à nouveau, de (...) dire que le bail applicable aux rapports locatifs avec LOGIS TRANSPORTS [était] ledit bail conclu le 10 juin 1981 avec l'UAP » et de « dire que ce bail [était] soumis à la législation des baux d'habitation du secteur privé marché libre et singulièrement aux dispositions d'ordre public de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 » ; qu'en se bornant à retenir que dans le dispositif de ses conclusions d'appel, Madame R... ne sollicitait pas l'annulation du bail PLI signé en 2007, sans se prononcer sur l'exception de nullité de ce contrat invoquée par Madame R... sur le fondement du dol, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 du code civil (devenu l'article 1137 du code civil) ; 5°) ALORS EN TOUTE HYPOTHESE QU' en retenant qu'en procédant comme elle l'avait fait, la société LOGIS TRANSPORTS s'était conformée à la recommandation de la mission interministérielle d'inspection du logement social (MILOS) « qui avait émis une recommandation (...) lui rappelant qu'en cas d'acquisition du patrimoine privé occupé (...) les dispositions relatives aux logements non conventionnés (PLI), s'appliquent de plein droit à l'expiration du bail initial, secteur libre », la cour d'appel, qui s'est fondée sur une considération inopérante, a derechef violé les articles 1134 (devenu 1103) et 1743 du code civil, ensemble l'article L. 411-3 du code de la construction et de l'habitation, et les articles 10, 15 et 40 de la loi du 6 juillet 1989. SECOND MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR dit que les offres de relogement signifiées les 12 mars 2014 et 18 mars 2015 étaient conformes, D'AVOIR rejeté les demandes de Madame R... tendant à l'annulation, et subsidiairement à l'inopposabilité à son égard, des offres de relogement notifiées à la requête de la société LOGIS TRANSPORTS « prise en la personne de Mme W... G..., en qualité de Directrice Générale», et D'AVOIR en conséquence constaté le refus de Madame R... d'être relogée, D'AVOIR dit que Madame R... était déchue du droit au maintien dans les lieux et par conséquent, était occupante sans droit ni titre de son logement depuis le 19 septembre 2015, D'AVOIR constaté que Madame R... avait déjà bénéficié d'un délai de plus de 28 mois « pour se maintenir indûment dans les locaux donnés à bail », D'AVOIR ordonné son expulsion immédiate et sans délai et celle de tous occupants de son chef, en la forme ordinaire, avec l'assistance d'un serrurier et avec l'aide de la force publique si besoin est, dans les conditions prévues par les articles 61 et suivants de la loi du 9 juillet 1991, D'AVOIR autorisé la société LOGIS TRANSPORTS à faire transporter et entreposer les meubles et objets mobiliers garnissant les lieux, dans tout garde-meuble de son choix, aux frais et risques de qui il appartiendrait (articles L. 433-1 et L. 433-2 du code des procédures civiles d'exécution), D'AVOIR condamné Madame R... à payer mensuellement à la société LOGIS TRANSPORTS une indemnité d'occupation égale au montant du loyer contractuel, taxes et charges en sus, à compter du 19 septembre 2015 et jusqu'à libération effective des lieux donnés à bail, et D'AVOIR rejeté toute autre demande de Madame R... ; AUX MOTIFS PROPRES QUE « 3) Sur l'absence alléguée d'effectivité des offres de relogement pour cause de nullité, subsidiairement d'inopposabilité. Au soutien de son appel de ce chef, Mme R... fait valoir que les diverses offres de relogement, dont celle supposée valoir congé, sont entachées de nullité pour cause d'absence d'applicabilité de la législation HLM, de violation de la législation régissant les actes d'huissier de justice et d'inopposabilité des fonctions de Directrice Générale de la société Logis-Transports de Mme G.... - sur l'inapplication de la législation HLM invoquée par Mme R.... Pour les motifs ci-dessus exposés, la cour a retenu que la législation HLM était bien applicable au bail consenti initialement à Mme R... qui ne bénéficiait d'aucun droit de préemption sur le logement, de sorte que ce moyen développé pour conclure à la nullité des offres de relogement est inopérant. Sur la violation de la législation régissant les actes d'huissiers de justice : absence d'identification du titulaire de l'office d'huissiers de justice instrumentaire. (...) Sur ce, L'article 648 du code de procédure civile dispose que : « la nullité des actes d'huissier de justice est régie par les dispositions qui gouvernent la nullité des actes de procédure". L'article 144 du même code dispose que, s'agissant de vices de forme des actes de procédure : "aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public. La nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief qui lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public". En l'espèce, l'absence de précision, dans les actes contestés, de la forme de la structure sous laquelle la société civile professionnelle exerce son activité constitue bien une irrégularité de forme qui, à l'évidence, ne cause aucun grief à Mme R..., dès lors que cette étude d'huissiers de justice est nettement identifiable, "ayant pignon sur rue". - sur la nullité des offres de relogement alléguée pour cause d'inopposabilité des fonctions de directrice générale de Mme G... au sein de la société Logis-Transports. Mme R... invoque encore sur le fondement de l'article L. 123-9 du code de commerce, la nullité des offres de relogement motif pris qu'elles ont été notifiées par huissier de justice à la requête de la société Logis-Transports prise en la personne de Mme G... en qualité de Directrice Générale, désignée à ces fonctions selon délibération du Conseil d'administration du Logis-Transports du 28 juin 2013, alors même que cette nomination n'a été régularisée auprès du greffe du tribunal de commerce que le 13 octobre 2014. ( ) Sur ce, Aux termes de l'article L. 123-9 du code de commerce, « la personne assujettie à immatriculation ne peut, dans l'exercice de son activité, opposer ni aux tiers, ni aux administrations publiques qui peuvent toujours s'en prévaloir, les faits et actes sujets à mention que si ces derniers ont été publiés au registre. En outre, la personne assujettie à un dépôt d'actes ou de pièces en annexe au registre ne peut les opposer aux tiers ou aux administrations que si la formalité correspondante a été effectuée. Toutefois, les tiers ou administrations peuvent se prévaloir de ces actes ou pièces (...) ». Force est de constater que Mme R... fait une mauvaise interprétation des textes dont elle se prévaut à l'appui de sa demande de nullité des offres de relogement qui lui ont été notifiées par la société Logis-Transports. En effet, aussi longtemps que la délibération du conseil d'administrations du 28 juin 2013 n'a pas été déposée au greffe du tribunal de commerce, la société Logis-Transports ne pouvait opposer aux tiers la nomination de Mme G... en qualité de Directrice générale de la société. Pour autant, le retard dans le dépôt de la délibération du 28 juin 2013 au greffe du Tribunal de commerce est sans incidence et ne saurait entraîner la nullité des actes accomplis par Mme G... qui a été régulièrement désignée en qualité de Directrice générale, fonction qui recouvre le pouvoir non limité de représenter et engager la société. Ce moyen doit être écarté comme non pertinent. Tant aux termes des motifs que du dispositif de ses conclusions, Mme R... ne conteste pas le dispositif du jugement qui a retenu que les offres de relogement notifiées à la requête de la société Logis-Transports répondaient aux critères de l'article 13 bis de la loi du 1" septembre 1948, et que la troisième offre valant congé signifiée le 18 mars 2015 à effet au 19 septembre 2015 est régulière au fond. En conséquence, le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a retenu que le congé pour démolir en date du 18 mars 2015 ayant pris effet le 19 septembre 2015, Mme R... est depuis cette date occupante sans droit ni titre, ainsi qu'en toutes ses autres dispositions, étant observé que celle relative à l'expulsion est devenue sans objet dans la mesure où, après qu'un commandement d'avoir à quitter les lieux au plus tard le 9 mai 2018 ait été délivré à Mme M... (sic) par acte d'huissier de justice en date du 9 mars 2018, il a été procédé à son expulsion effective le 29 août 2018 » ET AUX MOTIFS, A LES SUPPOSER ADOPTES DES PREMIERS JUGES, QUE « LOGIS-TRANSPORTS a fait signifier à Monsieur T... et Madame R... une première offre de relogement le 12 mars 2014 ; d'autres offres de relogement ont été faites les 11 et 25 avril, 5 mai, 16 juin, 21 et 31 juillet, 16 septembre, 9 octobre 2014, mais à Monsieur P... T... seul. C'est dans ces conditions que les 2eme et 3ème offres de relogement ont été signifiées le 18 mars 2015, la 3ème portant indication qu'à l'expiration d'un délai de 6 mois, le congé produirait pleinement ses effets. Les offres de relogement ont été notifiées à la requête de LOGIS-TRANSPORTS, prise en la personne de sa directrice générale, Madame W... G..., qui occupe régulièrement ses fonctions depuis le 28 juin 2013, date à laquelle le conseil d'administration de LOGIS-TRANSPORTS l'y a nommée. Madame W... G... pouvait valablement représenter et engager LOGIS-TRANSPORTS à compter de sa nomination, et ainsi lors de la délivrance des offres et congé, peu important que la publication de cette nomination ne soit intervenue que le 13 octobre 2014. Les trois offres (décrites précisément aux pages 2 et 3 de ce jugement), répondaient aux critères légaux, proposant des logements de trois à 5 pièces situés dans la commune de Courbevoie, Nanterre ou la Garenne Colombes, de surface équivalente ou légèrement supérieure, pour un loyer équivalent et la 3ème offre valant congé signifiée le 18 mars 2015 à effet au 19 septembre 2015 est régulière en la forme et au fond. Le logement est occupé par Madame R... seule, depuis le décès de Monsieur T.... De nombreuses propositions ont été faites dans le courant des années 2014 et 2015, auxquelles Monsieur T... et Madame R... n'ont pas répondu favorablement. Le congé pour démolir en date du 18 mars 2015 a pris effet le 19 septembre 2015 et Monsieur P... T... et Madame B... y étaient depuis cette date occupants sans droit ni titre. Suite au décès de Monsieur P... T... et à défaut de départ volontaire dans les deux mois de la signification d'un commandement de quitter les lieux, de Madame B... R..., son expulsion et celle de tous occupants de son chef pourra intervenir avec l'assistance de la Force Publique et d'un serrurier si besoin était. LOGIS-TRANSPORTS sera autorisée à procéder à l'appréhension du mobilier trouvé dans les lieux dans les conditions prévues aux articles L. 433-1 et L. 433-2 CPCE. L'indemnité d'occupation due depuis le 19 septembre 2015 et jusqu'au départ effectif des lieux loués, sera fixée à une somme égale à celle qui aurait été due en cas de continuation du bail » 1°) ALORS QUE pour dire que le bail de Madame R... était régi par la législation sur les habitations à loyer modéré, dire que cette dernière ne disposait pas d'un droit de préemption sur le fondement de l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989, et rejeter comme inopérant le moyen développé à ce titre par Madame R... pour conclure à la nullité des offres de renouvellement qui lui avaient été notifiées sur le fondement de la législation HLM, la cour d'appel s'est référée aux motifs par lesquels elle a jugé que le bail de l'exposante était soumis à la législation sur les habitations à loyer modéré (arrêt, p. 12, dernier §) ; que la cassation qui interviendra sur le premier moyen de cassation, qui fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir jugé que la législation applicable au bail de Madame R... était la législation sur les habitations à loyer modéré et non la législation de droit commun des baux d'habitation du secteur privé, entraînera par voie de conséquence la cassation de l'arrêt attaqué, en ce qu'il a rejeté la demande de Madame R... tendant à voir prononcer la nullité des offres de renouvellement qui lui avaient été notifiées sur le fondement de la législation sur les habitations à loyer modéré à raison de l'existence d'un droit de préemption dont elle disposait sur le fondement de l'article 624 du code de procédure civile ; 2°) ALORS QUE la personne morale assujettie à l'obligation d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés ne peut opposer aux tiers les actes qu'elle n'y a pas préalablement fait publier ; qu'il en résulte qu'est privé de tout effet à l'égard des tiers l'acte accompli au nom d'une personne morale assujettie à l'obligation d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés, par une personne physique dont l'acte la désignant comme représentant de cette entité n'a pas été publié ; qu'en jugeant qu'aussi longtemps que la délibération du conseil d'administration du 28 juin 2013 désignant Madame G... comme Directrice Générale de la société LOGIS TRANSPORTS n'avait pas été déposée au greffe du tribunal de commerce, la société ne pouvait opposer aux tiers la nomination de Mme G... en qualité de Directrice générale de la société mais que pour autant, le retard dans le dépôt de la délibération du 28 juin 2013 désignant Madame G... comme représentante de la société LOGIS TRANSPORTS au greffe du tribunal de commerce était sans incidence et ne saurait entraîner la nullité des actes accomplis par Mme G... qui avait été régulièrement désignée en qualité de Directrice générale, fonction qui recouvre le pouvoir non limité de représenter et engager la société, la cour d'appel a violé l'article L. 123-9 du code de commerce ; 3°) ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QU' est inopposable aux tiers l'acte accompli au nom d'une personne morale assujettie à l'obligation d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés, par une personne physique dont l'acte la désignant comme représentant de cette entité n'a pas été publié ; qu'en se bornant à retenir que le retard dans le dépôt de la délibération du 28 juin 2013 désignant Madame G... comme représentante de la société LOGIS TRANSPORTS au greffe du tribunal de commerce était sans incidence et ne saurait entraîner la nullité des actes accomplis par Mme G... qui avait été régulièrement désignée en qualité de Directrice générale, fonction qui recouvre le pouvoir non limité de représenter et engager la société, quand l'absence de publication de l'acte de désignation de Madame G... rendait les actes accomplis par cette dernière au nom de la société LOGIS TRANSPORTS inopposables aux tiers, la cour d'appel a encore méconnu l'article L. 123-9 du code de commerce ; 4°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT QU' en se contentant de retenir que le retard dans la publication de la délibération du 28 juin 2013 désignant Madame G... comme représentante de la société LOGIS TRANSPORTS n'était pas de nature à entraîner la nullité des actes accomplis par cette dernière au nom de cette société, sans répondre au moyen de l'exposante faisant valoir que ces actes lui étaient à tout le moins inopposables, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
Les dispositions régissant les baux portant sur des logements appartenant à des organismes d'habitations à loyer modéré et ne faisant pas l'objet d'une convention passée en application de l'article L. 351-2 du code de la construction et de l'habitation sont applicables, en cas d'acquisition de logements faisant l'objet de baux d'habitation de droit commun, à compter de la reconduction de ces baux
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CIV. 3 FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 28 mai 2020 Rejet M. CHAUVIN, président Arrêt n° 345 FS-P+B+I Pourvoi n° F 18-26.366 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 MAI 2020 La Ville de Paris, agissant par son maire en exercice, domicilié en cette qualité Hôtel de ville, 75004 Paris, a formé le pourvoi n° F 18-26.366 contre l'arrêt rendu le 24 octobre 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 3), dans le litige l'opposant à Mme A... I..., domiciliée [...], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Collomp, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la Ville de Paris, de la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat de Mme I..., et l'avis de Mme Valdès Boulouque, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 10 mars 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Collomp, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, M. Parneix, Mmes Dagneaux, Provost-Lopin, MM. Barbieri, Jessel, conseillers, M. Béghin, Mme Schmitt, conseillers référendaires, Mme Valdès Boulouque, premier avocat général, et Mme Besse, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 24 octobre 2018), la Ville de Paris a assigné en la forme des référés Mme I..., propriétaire d'un appartement situé à Paris, en paiement d'une amende civile sur le fondement de l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation, pour avoir donné en location ce local de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage, en contravention avec les dispositions de l'article L. 631-7 du même code. Examen des moyens Sur le premier moyen, ci-après annexé 2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le second moyen Enoncé du moyen 3. La Ville de Paris fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors « que le local doit être considéré comme étant à usage d'habitation, non seulement dans l'hypothèse où il était affecté à l'habitation le 1er janvier 1970, mais également dans l'hypothèse où, postérieurement à cette date, il a été affecté à l'usage d'habitation, sachant que dans cette hypothèse, il est considéré comme étant à usage d'habitation dès qu'il reçoit cette affectation ; qu'en décidant qu'il n'était pas établi que le local ait eu un usage d'habitation quand ils constataient que l'acte de vente du 2 avril 1980 mentionnait expressément que le bien vendu était à usage d'habitation, les juges du fond ont violé l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation. » Réponse de la Cour 4. Aux termes de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, un local est réputé à usage d'habitation au sens de ce texte s'il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970. 5. Il en résulte que la preuve que le local a été affecté à un usage d'habitation postérieurement à cette date est inopérante. 6. La cour d'appel, appréciant la valeur et la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis, a retenu, souverainement, que les éléments produits par la Ville de Paris ne permettaient pas d'établir que le local était à usage d'habitation au 1er janvier 1970 et, à bon droit, que la preuve d'un usage d'habitation lors de l'acquisition par Mme I... de son appartement le 2 avril 1980 était inopérante. 7. Elle en a exactement déduit que la Ville de Paris ne pouvait se prévaloir d'un changement d'usage illicite au sens de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation. 8. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la Ville de Paris aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la Ville de Paris et la condamne à payer à Mme I... une somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, signé par M. Echappé, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller empêché, et signé et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mai deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la Ville de Paris. PREMIER MOYEN DE CASSATION L'arrêt infirmatif attaqué encourt la censure ; EN CE QU'il a rejeté la demande de la VILLE DE PARIS visant à faire constater l'existence d'une infraction tendant à l'application d'une peine d'amende, outre une injonction adressée au propriétaire d'avoir à réaffecter les lieux à l'habitation ; AUX MOTIFS PROPRES QUE « l'article 631-7 du code de la construction et de l'habitation prévoit que, dans les communes de plus de 200 000 habitants et celles des départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne, le changement d'usage des locaux destinés à l'habitation est, dans les conditions fixées par l'article L. 631-7-1, soumis à autorisation préalable ; Qu'il définit comme suit les locaux destinés à l'habitation : « Constituent des locaux destinés à l'habitation toutes catégories de logements et leurs annexes, y compris les logements-foyers, logements de gardien, chambres de service, logements de fonction, logements inclus dans un bail commercial, locaux meublés donnés en location dans les conditions de l'article L. 632-1. Pour l'application de la présente section, un local est réputé à usage d'habitation s'il était affecté à cet usage au 1 er janvier 1970. Cette affectation peut être établie par tout mode de preuve » Considérant qu'en l'espèce pour rapporter la preuve de l'affectation du local dont s'agit, la ville de Paris produit aux débats un relevé de propriété mentionnant Mme I... comme propriétaire avec une affectation d'habitation et comme date de l'acte l'année 1989; qu'elle verse encore la Déclaration Récapitulative modèle "R" datée du 20 novembre 1970 qui ne contient cependant aucune information sur l'usage du bien à cette date ; qu'elle soutient que la preuve de l'usage d'habitation du local résulte encore du règlement de copropriété du 24 février 1955 comprenant l'état descriptif de division qui mentionne les lots à usage professionnel et ceux à usage d' "appartement" ainsi que de l'acte d'acquisition du local par Mme I... qui porte mention du fait que les locaux vendus constituent une unité d'habitation et que l'acquéreur déclare que les droits et biens immobiliers sont actuellement à usage d'habitation ; Considérant que force est de constater que l'ensemble de ces éléments ne permettent pas d'établir que le local en cause appartenant actuellement à Mme I... était à usage d'habitation au 1" janvier 1970, l'usage des lieux ayant pu subir des modifications depuis la division de l'immeuble intervenu en 1955 jusqu'au jour de son acquisition par l'intimée, cette dernière n'en devenant propriétaire qu'au cours de l'année 1980, son acte d'acquisition datant du 2 avril 1980; Que faute pour la ville de Paris de prouver l'affectation du bien appartenant à Mme I... à l'usage d'habitation au 1" janvier 1970 elle n'est pas fondée à invoquer un changement d'usage illicite au sens de l'article L 661-7 du code de la construction et de l'habitation ; que l'ordonnance entreprise doit donc être confirmée en ce qu'elle l'a déboutée de ses réclamations par substitution de motifs » ; ALORS QUE, PREMIEREMENT, l'affectation d'un local à un usage d'habitation peut être établie par tout mode de preuve ; qu'au cas d'espèce, la déclaration récapitulative modèle R, faite auprès de l'administration fiscale pour l'établissement des impôts fonciers, mentionnait sous une rubrique intitulée « Logement ou appartement » l'appartement situé au premier étage de l'immeuble sis [...] appartenant à la SCI GRENETA, auteur de Madame I... ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur cet élément, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article L. 631-7 du Code de la construction et de l'habitation ; ALORS QUE, DEUXIEMEMENT, l'affectation d'un local à un usage d'habitation peut être établie par tout mode de preuve ; qu'au cas d'espèce, la VILLE de PARIS produisait le règlement de copropriété de l'immeuble, daté du 24 février 1955 et l'acte de vente de l'appartement en date du 2 avril 1980, lesquels mentionnaient tous deux que l'appartement était à usage d'habitation ; que pour dire que la VILLE de PARIS ne démontrait pas qu'à la date du 1er janvier 1970, l'appartement était affecté à un usage d'habitation, la Cour d'appel a retenu que l'usage de l'appartement avait pu être modifié entre ces deux dates ; qu'en statuant ainsi sans s'expliquer sur les mentions de l'acte de vente qui, se référant exclusivement au règlement de copropriété de l'immeuble en date du 24 février 1955, excluaient qu'une modification de cet acte, et partant de l'usage du bien, soit intervenue, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article L. 631-7 du Code de la construction et de l'habitation ; ET ALORS QUE, TROISIEMEMENT, l'affectation d'un local à un usage d'habitation peut être établie par tout mode de preuve ; qu'en application de l'ordonnance n°45-2394 du 11 octobre 1945, et notamment des articles L. 631-7 et L. 631-7-1 du Code de la construction et de l'habitation, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n°2005-655 du 8 juin 2005, un bien était réputé à usage d'habitation dès lors qu'il avait eu un tel usage à un moment où à un autre, sachant que l'usage habitation, une fois acquis, ne pouvait être modifié sans autorisation ; qu'au cas d'espèce, Madame I... n'invoquait à aucun moment qu'une autorisation ait pu être délivrée ; que dès lors qu'elle constatait qu'aux termes du règlement de copropriété, l'appartement était à usage d'habitation en 1955, la Cour d'appel ne pouvait que constater qu'il était réputé avoir cet usage au 1er janvier 1970 ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé l'article L. 631-7 du Code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n°2005-655 du juin 2005, ensemble les articles L. 631-7 et L. 631-7-1 du Code de la construction et de l'habitation, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n°2005-655 du 8 juin 2005. SECOND MOYEN DE CASSATION L'arrêt infirmatif attaqué encourt la censure ; EN CE QU'il a rejeté la demande de la VILLE DE PARIS visant à faire constater l'existence d'une infraction tendant à l'application d'une peine d'amende, outre une injonction adressée au propriétaire d'avoir à réaffecter les lieux à l'habitation ; AUX MOTIFS PROPRES QUE « l'article 631-7 du code de la construction et de l'habitation prévoit que, dans les communes de plus de 200 000 habitants et celles des départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne, le changement d'usage des locaux destinés à l'habitation est, dans les conditions fixées par l'article L. 631-7-1, soumis à autorisation préalable ; Qu'il définit comme suit les locaux destinés à l'habitation : « Constituent des locaux destinés à l'habitation toutes catégories de logements et leurs annexes, y compris les logements-foyers, logements de gardien, chambres de service, logements de fonction, logements inclus dans un bail commercial, locaux meublés donnés en location dans les conditions de l'article L. 632-1. Pour l'application de la présente section, un local est réputé à usage d'habitation s'il était affecté à cet usage au 1 er janvier 1970. Cette affectation peut être établie par tout mode de preuve » Considérant qu'en l'espèce pour rapporter la preuve de l'affectation du local dont s'agit, la ville de Paris produit aux débats un relevé de propriété mentionnant Mme I... comme propriétaire avec une affectation d'habitation et comme date de l'acte l'année 1989; qu'elle verse encore la Déclaration Récapitulative modèle "R" datée du 20 novembre 1970 qui ne contient cependant aucune information sur l'usage du bien à cette date ; qu'elle soutient que la preuve de l'usage d'habitation du local résulte encore du règlement de copropriété du 24 février 1955 comprenant l'état descriptif de division qui mentionne les lots à usage professionnel et ceux à usage d' "appartement" ainsi que de l'acte d'acquisition du local par Mme I... qui porte mention du fait que les locaux vendus constituent une unité d'habitation et que l'acquéreur déclare que les droits et biens immobiliers sont actuellement à usage d'habitation ; Considérant que force est de constater que l'ensemble de ces éléments ne permettent pas d'établir que le local en cause appartenant actuellement à Mme I... était à usage d'habitation au 1" janvier 1970, l'usage des lieux ayant pu subir des modifications depuis la division de l'immeuble intervenu en 1955 jusqu'au jour de son acquisition par l'intimée, cette dernière n'en devenant propriétaire qu'au cours de l'année 1980, son acte d'acquisition datant du 2 avril 1980; Que faute pour la ville de Paris de prouver l'affectation du bien appartenant à Mme I... à l'usage d'habitation au 1" janvier 1970 elle n'est pas fondée à invoquer un changement d'usage illicite au sens de l'article L 661-7 du code de la construction et de l'habitation ; que l'ordonnance entreprise doit donc être confirmée en ce qu'elle l'a déboutée de ses réclamations par substitution de motifs » ; ALORS QUE, PREMIEREMENT, le local doit être considéré comme étant à usage d'habitation, non seulement dans l'hypothèse où il était affecté à l'habitation le 1er janvier 1970, mais également dans l'hypothèse où, postérieurement à cette date, il a été affecté à l'usage d'habitation, sachant que dans cette hypothèse, il est considéré comme étant à usage d'habitation dès qu'il reçoit cette affectation ; qu'en décidant qu'il n'était pas établi que le local ait eu un usage d'habitation quand ils constataient que l'acte de vente du 2 avril 1980 mentionnait expressément que le bien vendu était à usage d'habitation, les juges du fond ont violé l'article L. 631-7 du Code de la construction et de l'habitation.
Un local est réputé à usage d'habitation au sens de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation s'il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970, la preuve d'une affectation de fait à cet usage postérieurement à cette date étant inopérante
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CIV. 3 FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 28 mai 2020 Cassation M. CHAUVIN, président Arrêt n° 346 FS-P+B+I Pourvoi n° E 19-14.156 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 MAI 2020 M. A... U..., domicilié [...], agissant en son nom propre et en qualité de représentant de l'indivision U..., a formé le pourvoi n° E 19-14.156 contre l'arrêt rendu le 11 janvier 2019 par la cour d'appel de Rennes (2e chambre), dans le litige l'opposant au groupement foncier agricole des Rouges Terres de la Forêt, dont le siège est [...], défendeur à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Barbieri, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de M. U..., de la SCP Didier et Pinet, avocat du groupement foncier agricole des Rouges Terres de la Forêt, après débats en l'audience publique du 10 mars 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Barbieri, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, M. Parneix, Mmes Dagneaux, Provost-Lopin, M. Jessel, conseillers, Mme Collomp, M. Béghin, Mme Schmitt, conseillers référendaires, et Mme Besse, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes,11 janvier 2019), par acte du 20 juin 1983, le groupement foncier agricole des Rouges Terres de la Forêt (le GFA) a pris à bail des terres dont M. U... et sa soeur sont indivisaires. 2. Plusieurs instances ont opposé M. U... au GFA sur la détermination du prix du fermage et sur son paiement, ainsi que sur la consistance du vignoble. Un précédent arrêt a ainsi condamné le GFA à remettre en état une parcelle et a ordonné une astreinte. 3. Par assignation du 26 janvier 2017, M. U... a saisi le juge de l'exécution en liquidation de l'astreinte et en prononcé d'une nouvelle. Examen du moyen Sur le moyen unique, pris en sa première branche Enoncé du moyen 4. M. U... fait grief à l'arrêt de déclarer ses demandes irrecevables, alors « que tout indivisaire peut prendre seul les mesures nécessaires à la conservation des biens indivis même si elles ne présentent pas un caractère d'urgence ; que constitue un acte conservatoire l'action tendant à la liquidation d'une astreinte avec obligation de remise en état du bien indivis ; qu'en jugeant que M. U... ne pouvait prétendre agir seul en liquidation de l'astreinte dont était assortie la condamnation du GFA des Rouges Terres à replanter les parcelles indivises, la cour d'appel a violé l'article 815-2 du code civil. » Réponse de la Cour Vu l'article 815-2, alinéa 1, du code civil : 5. Aux termes de ce texte, tout indivisaire peut prendre les mesures nécessaires à la conservation des biens indivis, même si elles ne présentent pas un caractère d'urgence. 6. Pour déclarer irrecevables les prétentions de M. U..., l'arrêt retient qu'un indivisaire peut effectuer seul les actes d'administration relatifs aux biens indivis s'il est titulaire d'au moins deux tiers des droits indivis ou s'il bénéficie d'un mandat tacite après avoir pris en main la gestion des biens indivis au su des autres et sans opposition de leur part et relève que M. U... ne justifie pas d'un tel mandat en vue d'exercer des mesures d'exécution forcée relatives aux biens indivis. 7. En statuant ainsi, alors que l'action engagée, en ce qu'elle avait pour objet la liquidation d'une astreinte prononcée en vue d'assurer la remise en état de biens indivis, constituait un acte conservatoire que tout indivisaire peut accomplir seul, la cour d'appel a violé le texte susvisé, par refus d'application. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 janvier 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ; Condamne le GFA des Rouges Terres de la Forêt aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande du GFA des Rouges Terres de la Forêt et le condamne à payer à M. U... la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, signé par M. Echappé, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller empêché, et signé et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mai deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour M. U.... Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR déclaré M. A... U... irrecevable en toutes ses prétentions ; AUX MOTIFS QUE reprenant la fin de non-recevoir qu'il avait développée devant le premier juge, le GFA des Rouges Terres soutient, au visa de l'article 32 du code de procédure civile, que M. U... ne justifie pas de sa qualité à représenter l'indivision successorale constituée entre lui et sa soeur, Mme I... U..., et dont dépendent les terres litigieuses ; que l'appelant souligne notamment que M. U... ne peut se prévaloir d'un mandat tacite au sens de l'article 815-3 du code civil et invoque à cet égard la décision rendue le 20 mars 2017 par le tribunal paritaire des baux ruraux de Nantes qui a déclaré celui-ci irrecevable en sa demande en paiement des fermages pour défaut de qualité à agir ; que M. U... conclut à la confirmation de la décision attaquée en ce qu'elle l'a déclaré recevable en sa demande après avoir retenu qu'il était fondé, par application de l'article 815-3 alinéa 4 du code civil, à se prévaloir d'un mandat tacite couvrant les actes d'administration effectués dans l'intérêt de l'indivision ; qu'ainsi que l'a énoncé exactement le premier juge, il résulte des dispositions de l'article L. 111-9 du code des procédures civiles d'exécution que l'exercice d'une mesure d'exécution forcée est considéré comme un acte d'administration ; que selon les dispositions de l'article 815-3 du code civil, un indivisaire peut effectuer seul les actes d'administration relatifs aux biens indivis s'il est titulaire d'au moins deux tiers des droits indivis ou, en application du dernier alinéa, s'il justifie avoir pris en main la gestion des biens indivis au su des autres et néanmoins sans opposition de leur part, bénéficiant ainsi d'un mandat tacite ; qu'il est constant que M. U... n'étant propriétaire indivis qu'à hauteur de 50%, il ne peut prétendre agir seul en liquidation de l'astreinte dont est assortie la condamnation du GFA des Rouges Terres à replanter les parcelles indivises qu'à charge pour lui de démontrer qu'il a reçu mandat de sa soeur, coïndivisaire, pour exercer cette action ; que contrairement à ce qui a été jugé en première instance, la qualité de mandataire de M. U... ne saurait se déduire des décisions antérieurement rendues entre les mêmes parties dès lors que cette question n'avait pas été soumise aux juridictions statuant en matière de baux ruraux et que les décisions du juge de l'exécution du 24 juillet 2017, dont le jugement attaqué, ne sont pas définitives ; que par ailleurs, M. U... ne produit aucune pièce démontrant que sa soeur était informée des différentes procédures concernant les biens indivis qu'il avait lui-même engagées ou dans lesquelles il avait défendu et, en particulier, de l'action faisant l'objet de la présente instance ; que le seul document évoquant la position de Mme I... U... est constitué par un courrier rédigé en son nom par son notaire le 21 août 1997, adressé à M. A... U..., aux termes duquel elle s'interrogeait sur l'opportunité d'agir contre le GFA des Rouges Terres pour avoir paiement des fermages impayés et précisait que l'accord de son frère serait nécessaire pour engager une procédure de recouvrement ; qu'il ne ressort nullement de cette correspondance que Mme I... U... était informée d'éventuelles actions exercées par M. U... contre le preneur, sa teneur démontrant à l'inverse qu'elle n'en savait rien ; que le courrier daté du 27 septembre 2006 et adressé par le conseil de M. U... à l'avocat de Mme I... U... n'est pas plus probant dès lors qu'il ne suffit pas à établir la connaissance que cette dernière avait des procédures en cours ni, surtout, l'absence de toute opposition de sa part ; qu'il doit être relevé que Mme I... U... n'est intervenue dans aucune des procédures antérieures dont il est justifié devant la cour, que ce soit volontairement ou après mise en cause, et qu'il en est de même dans le cadre de la présente instance ; que par conséquent et à défaut de justifier de l'existence d'un mandat donné par son coïndivisaire aux fins de l'autoriser à exercer des mesures d'exécution forcée relatives aux biens indivis, M. U... doit être déclaré irrecevable en toutes ses prétentions ; que le jugement dont appel sera donc infirmé ; 1) ALORS QUE tout indivisaire peut prendre seul les mesures nécessaires à la conservation des biens indivis même si elles ne présentent pas un caractère d'urgence ; que constitue un acte conservatoire l'action tendant à la liquidation d'une astreinte avec obligation de remise en état du bien indivis ; qu'en jugeant que M. U... ne pouvait prétendre agir seul en liquidation de l'astreinte dont était assortie la condamnation du GFA des Rouges Terres à replanter les parcelles indivises, la cour d'appel a violé l'article 815-2 du code civil ; 2) ALORS QUE l'astreinte n'est pas une mesure d'exécution forcée ; qu'en l'espèce, l'action diligentée par M. U... tendait à la liquidation d'une astreinte et au prononcé d'une nouvelle astreinte ; qu'en affirmant que cette action constituait une mesure d'exécution forcée considérée comme un acte d'administration, pour en déduire qu'elle ne pouvait être exercée sans l'accord des autres indivisaires, la cour d'appel a violé les articles 815-2 du code civil et L. 111-9 du code des procédures civiles d'exécution ; 3) ALORS, en toute hypothèse, QUE l'autorité de la chose jugée est attachée à ce que le jugement a tranché dans son dispositif ; que par un jugement du 30 septembre 2010, devenu définitif, le tribunal paritaire des baux ruraux de Nantes a condamné M. U... « représentant l'indivision U... » à payer au GFA des Rouges Terres la somme de 27.165,65 euros au titre des sommes restant dues après déduction des fermages versés et de la provision de 41.926,88 euros ; qu'en affirmant que M. U... ne détenait pas de mandat pour procéder au nom de l'indivision à une action aux fins de liquidation d'astreinte et de prononcé d'une nouvelle astreinte, la cour d'appel qui a méconnu l'autorité de chose jugée attachée au jugement du 30 septembre 2010, a violé les articles 1351, devenu 1355, du code civil et 480 du code de procédure civile ; 4) ALORS QUE l'autorité de la chose jugée est attachée à ce que le jugement a tranché dans son dispositif ; que par un jugement du 24 juillet 2017, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Nantes a déclaré M. U..., « ès qualités de représentant de l'indivision U..., recevable en ses demandes » de moratoire et de compensation au titre de la somme de 27.165,65 euros restant due après déduction des fermages versés ; qu'en affirmant que M. U... ne détenait pas de mandat pour procéder au nom de l'indivision à une action aux fins de liquidation d'astreinte et de prononcé d'une nouvelle astreinte, la cour d'appel qui a méconnu l'autorité de chose jugée attachée au jugement du 24 juillet 2017, a violé les articles 1351, devenu 1355, du code civil et 480 du code de procédure civile ; 5) ALORS QUE la connaissance d'un acte par un avocat dans le cadre de l'exercice de son mandat, suffit à établir que son mandant en a eu personnellement connaissance ; que par lettre du 27 septembre 2006 adressée à Me Y..., avocat de Mme U..., Me H..., avocat de M. U... (pièce n° 26), a confirmé que son client agissait pour le compte de l'indivision U... pour faire respecter devant les tribunaux les obligations nées du bail consenti au GFA des Rouges Terres ; qu'en affirmant que le courrier du 27 septembre 2006, adressé par le conseil de M. U... à l'avocat de Mme U... n'établissait pas la preuve que cette dernière avait connaissance des procédures en cours ni l'absence de toute opposition de sa part, la cour d'appel a violé l'article 1998 du code civil, ensemble l'article 815-3 du même code.
L'action ayant pour objet la liquidation d'une astreinte prononcée en vue d'assurer la remise en état de biens indivis constitue un acte conservatoire que tout indivisaire peut accomplir seul
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CIV. 3 FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 28 mai 2020 Cassation partielle M. CHAUVIN, président Arrêt n° 347 FS-P+B+I Pourvoi n° Y 19-15.001 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 MAI 2020 La société Open sud gestion, société anonyme, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° Y 19-15.001 contre l'arrêt rendu le 7 février 2019 par la cour d'appel de Pau (2e chambre, section 1), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. D... R..., 2°/ à Mme P... H..., domiciliés [...] ), défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Corbel, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Open sud gestion, de la SCP Colin-Stoclet, avocat de M. R... et de Mme H..., et l'avis de Mme Valdès Boulouque, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 10 mars 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Corbel, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen M. Parneix, Mmes Dagneaux, Provost-Lopin, MM. Barbieri, Jessel, conseillers, Mme Collomp, M. Béghin, Mme Schmitt, conseillers référendaires, Mme Valdès Boulouque, premier avocat général, et Mme Besse, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 7 février 2019), le 9 mai 2008, M. R... et Mme H... ont donné à bail à la société anonyme Open sud gestion (la société), pour une durée de neuf années entières, une villa meublée avec terrain, terrasse et piscine, destinée à une activité d'exploitation hôtelière et/ou para-hôtelière consistant en la sous-location meublée de locaux situés dans le même ensemble immobilier avec mise à disposition de services ou prestations para-hôtelière à la clientèle. 2. Le 3 novembre 2016, M. R... et Mme H... ont délivré à la société un congé avec refus de renouvellement et offre d'indemnité d'éviction pour le 27 mai 2017. 3. Puis, déniant à la locataire le droit à indemnité d'éviction pour défaut d'immatriculation régulière au registre du commerce et des sociétés à l'adresse du bien loué, ils l'ont assignée en validation du congé et en expulsion. Examen des moyens Sur le premier moyen, ci-après annexé 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation . Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 5. La société fait grief à l'arrêt de juger qu'elle ne bénéficie pas du droit au renouvellement du bail, en conséquence, de rejeter sa demande d'indemnité d'éviction, d'ordonner son expulsion et de la condamner à verser à M. R... et à Mme H... une certaine somme au titre d'une indemnité d'occupation, alors « que le juge ne peut pas dénaturer les termes clairs et précis des contrats ; qu'en l'espèce, l'acte en date du 9 mai 2008 signé entre la société Open sud gestion et les consorts R... H... stipule à son article 2 que « les soussignés affirment et déclarent leur intention expresse de soumettre la présente convention au statut des baux commerciaux, tel qu'il résulte des articles L. 145-1 du code de commerce et des textes subséquents ; et ce même si toutes les conditions d'application de ce statut ne sont pas remplies ou ne le sont que pour partie, en sorte qu'il y aura éventuellement extension conventionnelle du champ d'application dudit statut » ; qu'en affirmant, pour refuser le droit à une indemnité d'éviction du preneur, qu'il n'est pas stipulé au contrat de bail que le bailleur accepte de façon non équivoque de dispenser le preneur « du défaut d'immatriculation » (sic) au RCS, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de l'article 2 de l'acte du 9 mai 2008 et a violé l'article 1134, devenu 1192, du code civil. » Réponse de la Cour Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis : 6. Pour rejeter la demande de la société en paiement d'une indemnité d'éviction, l'arrêt retient qu'il n'est pas stipulé au bail que le bailleur accepte de façon non équivoque de dispenser le preneur « du défaut d'immatriculation » au registre du commerce et des sociétés, de sorte que cette condition était requise à la date du congé. 7. En statuant ainsi, alors que le bail stipulait que les parties déclaraient « leur intention expresse de soumettre la présente convention au statut des baux commerciaux, tel qu'il résulte des articles L. 145-1 du code de commerce et des textes subséquents, et ce même si toutes les conditions d'application de ce statut ne sont pas remplies ou ne le sont que pour partie, en sorte qu'il y aura éventuellement extension conventionnelle du champ d'application de ce statut », la cour d'appel, qui a dénaturé cette convention claire et précise, dont il résulte que le bailleur avait renoncé à se prévaloir de la condition d'immatriculation, a violé le principe susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il valide le congé, l'arrêt rendu le 7 février 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ; Condamne M. R... et Mme H... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. R... et Mme H... et les condamne à payer à la société Open sud gestion la somme globale de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, signé par M. Echappé, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller empêché, et signé et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mai deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société Open Sud gestion. PREMIER MOYEN DE CASSATION IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir, par confirmation du jugement entrepris, validé le congé délivré par M. D... R... et Mme P... H... à la SA Open Sud Gestion par acte d'huissier du 3 novembre 2016, d'avoir dit que la société Open Sud Gestion ne bénéficie pas du droit au renouvellement du bail, de l'avoir déboutée de sa demande d'indemnité d'éviction, d'avoir ordonné son expulsion et celle de tout occupant de son chef de la villa située dans l'ensemble immobilier dénommé [...] [...] et de l'avoir condamnée à verser à M. R... et à Mme H... la somme de 15 000 euros à titre d'indemnité d'occupation ; AUX MOTIFS QUE Vu la requête du 25 avril 2018 et leS conclusions notifiées le 22 juin 2018 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation de la Sa Open Sud gestion ( ) ; ALORS QUE s'il n'expose pas succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens, le juge, qui ne peut statuer que sur les dernières conclusions déposées, doit viser celles-ci avec l'indication de leur date ; qu'en l'espèce, la société Open Sud Gestion a déposé ses dernières conclusions d'appel le 2 novembre 2019 ; qu'en statuant au visa des conclusions déposées le 22 juin 2018 de la société Open sud Gestion, sans avoir exposé, fût-ce succinctement, ses moyens, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir, par confirmation du jugement entrepris, validé le congé délivré par M. D... R... et Mme P... H... à la SA Open Sud Gestion par acte d'huissier du 3 novembre 2016, d'avoir dit que la société Open Sud Gestion ne bénéficie pas du droit au renouvellement du bail, de l'avoir déboutée de sa demande d'indemnité d'éviction, d'avoir ordonné son expulsion et celle de tout occupant de son chef de la villa située dans l'ensemble immobilier dénommé [...] [...] et de l'avoir condamnée à verser à M. R... et à Mme H... la somme de 15 000 euros à titre d'indemnité d'occupation ; AUX MOTIFS PROPRES QUE pour bénéficier du droit au renouvellement du bail, le locataire doit satisfaire à l'ensemble des conditions générales d'application du statut, telles que définies à l'article L 145-1 du code de commerce, notamment l'immatriculation du propriétaire du fonds au Registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers. La condition d'immatriculation, en tant que condition du droit au renouvellement et partant, comme condition du droit au paiement de l'indemnité d'éviction, s'apprécie à la date de la délivrance du congé ou de la demande de renouvellement. Le bailleur peut invoquer une cause d'inapplicabilité du statut des baux commerciaux pour refuser le renouvellement lors du congé ou en réponse à une demande de renouvellement, mais également à tout moment de la procédure de renouvellement. Il lui est donc reconnu un droit de rétracter son offre sans payer d'indemnité d'éviction s'il établit que les conditions d'application du statut ne sont pas remplies. Pour apprécier la validité du congé, le juge doit vérifier si, à la date du congé, la locataire était immatriculée au Registre du commerce et des sociétés à l'adresse des locaux donnés à bail. La SA Open sud gestion invoque la soumission conventionnelle du contrat de bail au statut des baux commerciaux pour s'exonérer de son obligation d'immatriculation à a date du congé mais, à cette fin, il faut que le juge caractériser la renonciation non équivoque du bailleur à se prévaloir des conditions d'application du statut. En l'espèce, il n'est pas stipulé au contrat de bail que le bailleur accepte de façon non équivoque de dispenser le preneur du défaut d'immatriculation au RCS. La condition d'immatriculation de la SA Open sud gestion, preneur, à la date du congé, est donc requise pour solliciter le versement d'une indemnité d'éviction. De plus, la SA Open sud gestion conteste le défaut de son immatriculation allégué par les bailleurs à la date du congé le 3 novembre 2016. Les consorts O... H... produisent l'extrait Kbis de la SA Sud gestion à jour au 23 octobre 2016 qui mentionne un siège social transféré le 16 mars 2002 depuis [...] au [...] puis [...] le 23 octobre 2003, avec mention d'un établissement principal hors ressort au RCS de Dax, sans autre précision. L'immatriculation de l'établissement secondaire de la [...] n'apparaît au Registre du commerce et des sociétés qu'à partir du 22 mai 2017. S'agissant des immatriculations des établissements secondaires, il ressort de l'article 1er du décret du 30 septembre 1953 et des articles 9 et 20 du décret du 30 mai 1984 relatif au Registre du commerce et des sociétés que toute personne morale immatriculée qui ouvre un établissement secondaire doit, selon le cas, demander une immatriculation secondaire ou une inscription complémentaire dans les conditions prévues à l'article 9 du décret du 30 mai 1984. La Cour de cassation a admis que l'immatriculation de la société locataire devait concerner le fonds de commerce exploité dans les lieux, même si la société était par ailleurs régulièrement immatriculée au lieu de son siège social. Cette exigence ne porte pas sur un local accessoire. Les articles R 123-31 et suivants du code de commerce, et notamment lorsque le commerçant est une personne morale au visa des articles R 123-63 dudit code de commerce, obligent tout commerçant immatriculé qui ouvre un établissement secondaire à demander une inscription complémentaire ou une immatriculation secondaire. La Cour de cassation a rappelé que l'immatriculation secondaire n'est requise que pour un local constituant un établissement permanent, selon la définition donnée par l'article R 123-40 du code de commerce : il s'agit de « ( ) tout établissement permanent, distinct du siège social ou de l'établissement principal et dirigé par la personne tenue de l'immatriculation, un préposé ou une personne ayant le pouvoir de lier des rapports juridiques avec les tiers ». Si l'immatriculation doit comporter l'adresse de l'établissement, il n'est pas exigé de précision complémentaire comme, par exemple, le bâtiment ou l'étage, mais l'immatriculation ne doit pas comporter d'erreur de numérotation. L'immatriculation doit viser l'adresse des locaux donnés à bai et le bénéfice du statut peut être refusé à un local abritant un établissement secondaire en cas de défaut d'immatriculation à la date à laquelle ce statut est revendiqué. Pour justifier du respect de ses obligations d'immatriculation de l'établissement de [...] à la date du congé, la SA Open sud gestion produit en cause d'appel une pièce 27 correspondant à l'évolution du Siret pour chaque établissement de la société. La villa [...] des consorts R... H... est située dans l'ensemble immobilier la [...] à [...] selon le contrat de bail commercial. Concernant l'établissement hôtel du Golf, [...], l'établissement de la Sa Open Sud gestion est immatriculé depuis le 17 mai 1994. Concernant l'établissement de la [...], [...] à [...], l'établissement a été rattaché à la Sa Open sud gestion, entrepris répertoriée depuis le 17 mai 1994 au RCS de Dax, mais l'établissement n'a été créé que le 22 mai 2017. Il ressort de ces mentions que l'établissement « la [...] », qui constitue un fonds de commerce permanent de tourisme hôtelier comportant plusieurs villas à louer, n'était pas immatriculé comme établissement distinct au RCS de Dax avant le 22 mai 2017. Le seul établissement déclaré au RCS de Dax avant le 22 mai 2017 était l'hôtel du Golf [...] qui n'est pas situé dans l'ensemble immobilier de la [...]. Dès lors, c'est à bon droit que le premier juge a retenu, par des motifs précis et pertinents, que la villa [...] située dans l'ensemble immobilier de la [...] n'était pas immatriculée au RCS de Dax à la date du congé délivré par les consorts R... H... le 3 novembre 2016. La Sa Open sud gestion ne peut donc pas solliciter le paiement d'une indemnité d'éviction après le congé délivré par les bailleurs ; ALORS D'UNE PART QUE le juge ne peut pas dénaturer les termes clairs et précis des contrats ; qu'en l'espèce, l'acte en date du 9 mai 2008 signé entre la société Open sud gestion et les consorts R... H... stipule à son article 2 que « les soussignés affirment et déclarent leur intention expresse de soumettre la présente convention au statut des baux commerciaux, tel qu'il résulte des articles L 145-1 du code de commerce et des textes subséquents ; et ce même si toutes les conditions d'application de ce statut ne sont pas remplies ou ne le sont que pour partie, en sorte qu'il y aura éventuellement extension conventionnelle du champ d'application dudit statut » ; qu'en affirmant, pour refuser le droit à une indemnité d'éviction du preneur, qu'il n'est pas stipulé au contrat de bail que le bailleur accepte de façon non équivoque de dispenser le preneur « du défaut d'immatriculation » (sic) au RCS, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de l'article 2 de l'acte du 9 mai 2008 et a violé l'article 1134, devenu 1192, du code civil ; ALORS D'AUTRE PART QU'en cas de soumission volontaire au statut des baux commerciaux, l'immatriculation du preneur au Registre du commerce et des sociétés n'est pas une condition impérative de son droit au renouvellement ; qu'en l'espèce, où l'acte en date du 9 mai 2008 stipulait expressément la soumission volontaire du bail au statut des baux commerciaux, y compris si toutes les conditions d'application du statut ne sont pas remplies, la cour d'appel qui s'est fondée sur l'absence d'immatriculation au Registre du commerce et des sociétés du preneur au titre du local donné à bail pour lui refuser le paiement d'une indemnité d'éviction après le congé délivré par les bailleurs, a violé l'article 1134, devenu 1103 et 1104 du code civil, ensemble l'article L 145-14 du code de commerce. TROISIEME MOYEN DE CASSATION IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir, par confirmation du jugement entrepris, validé le congé délivré par M. D... R... et Mme P... H... à la SA Open Sud Gestion par acte d'huissier du 3 novembre 2016, d'avoir dit que la société Open Sud Gestion ne bénéficie pas du droit au renouvellement du bail, de l'avoir déboutée de sa demande d'indemnité d'éviction, d'avoir ordonné son expulsion et celle de tout occupant de son chef de la villa située dans l'ensemble immobilier dénommé [...] [...] et de l'avoir condamnée à verser à M. R... et à Mme H... la somme de 15 000 euros à titre d'indemnité d'occupation ; AUX MOTIFS PROPRES QUE pour bénéficier du droit au renouvellement du bail, le locataire doit satisfaire à l'ensemble des conditions générales d'application du statut, telles que définies à l'article L 145-1 du code de commerce, notamment l'immatriculation du propriétaire du fonds au Registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers. La condition d'immatriculation, en tant que condition du droit au renouvellement et partant, comme condition du droit au paiement de l'indemnité d'éviction, s'apprécie à la date de la délivrance du congé ou de la demande de renouvellement. Le bailleur peut invoquer une cause d'inapplicabilité du statut des baux commerciaux pour refuser le renouvellement lors du congé ou en réponse à une demande de renouvellement, mais également à tout moment de la procédure de renouvellement. Il lui est donc reconnu un droit de rétracter son offre sans payer d'indemnité d'éviction s'il établit que les conditions d'application du statut ne sont pas remplies. Pour apprécier la validité du congé, le juge doit vérifier si, à la date du congé, la locataire était immatriculée au Registre du commerce et des sociétés à l'adresse des locaux donnés à bail. La SA Open sud gestion invoque la soumission conventionnelle du contrat de bail au statut des baux commerciaux pour s'exonérer de son obligation d'immatriculation à a date du congé mais, à cette fin, il faut que le juge caractériser la renonciation non équivoque du bailleur à se prévaloir des conditions d'application du statut. En l'espèce, il n'est pas stipulé au contrat de bail que le bailleur accepte de façon non équivoque de dispenser le preneur du défaut d'immatriculation au RCS. La condition d'immatriculation de la SA Open sud gestion, preneur, à la date du congé, est donc requise pour solliciter le versement d'une indemnité d'éviction. De plus, la SA Open sud gestion conteste le défaut de son immatriculation allégué par les bailleurs à la date du congé le 3 novembre 2016. Les consorts O... H... produisent l'extrait Kbis de la SA Sud gestion à jour au 23 octobre 2016 qui mentionne un siège social transféré le 16 mars 2002 depuis [...] au [...] puis [...] le 23 octobre 2003, avec mention d'un établissement principal hors ressort au RCS de Dax, sans autre précision. L'immatriculation de l'établissement secondaire de la [...] n'apparaît au Registre du commerce et des sociétés qu'à partir du 22 mai 2017. S'agissant des immatriculations des établissements secondaires, il ressort de l'article 1er du décret du 30 septembre 1953 et des articles 9 et 20 du décret du 30 mai 1984 relatif au Registre du commerce et des sociétés que toute personne morale immatriculée qui ouvre un établissement secondaire doit, selon le cas, demander une immatriculation secondaire ou une inscription complémentaire dans les conditions prévues à l'article 9 du décret du 30 mai 1984. La Cour de cassation a admis que l'immatriculation de la société locataire devait concerner le fonds de commerce exploité dans les lieux, même si la société était par ailleurs régulièrement immatriculée au lieu de son siège social. Cette exigence ne porte pas sur un local accessoire. Les articles R 123-31 et suivants du code de commerce, et notamment lorsque le commerçant est une personne morale au visa des articles R 123-63 dudit code de commerce, obligent tout commerçant immatriculé qui ouvre un établissement secondaire à demander une inscription complémentaire ou une immatriculation secondaire. La Cour de cassation a rappelé que l'immatriculation secondaire n'est requise que pour un local constituant un établissement permanent, selon la définition donnée par l'article R 123-40 du code de commerce : il s'agit de « ( ) tout établissement permanent, distinct du siège social ou de l'établissement principal et dirigé par la personne tenue de l'immatriculation, un préposé ou une personne ayant le pouvoir de lier des rapports juridiques avec les tiers ». Si l'immatriculation doit comporter l'adresse de l'établissement, il n'est pas exigé de précision complémentaire comme, par exemple, le bâtiment ou l'étage, mais l'immatriculation ne doit pas comporter d'erreur de numérotation. L'immatriculation doit viser l'adresse des locaux donnés à bai et le bénéfice du statut peut être refusé à un local abritant un établissement secondaire en cas de défaut d'immatriculation à la date à laquelle ce statut est revendiqué. Pour justifier du respect de ses obligations d'immatriculation de l'établissement de [...] à la date du congé, la SA Open sud gestion produit en cause d'appel une pièce 27 correspondant à l'évolution du Siret pour chaque établissement de la société. La villa [...] des consorts R... H... est située dans l'ensemble immobilier la [...] à [...] selon le contrat de bail commercial. Concernant l'établissement hôtel du Golf, [...], l'établissement de la Sa Open Sud gestion est immatriculé depuis le 17 mai 1994. Concernant l'établissement de la [...], [...] à [...], l'établissement a été rattaché à la Sa Open sud gestion, entrepris répertoriée depuis le 17 mai 1994 au RCS de Dax, mais l'établissement n'a été créé que le 22 mai 2017. Il ressort de ces mentions que l'établissement « la [...] », qui constitue un fonds de commerce permanent de tourisme hôtelier comportant plusieurs villas à louer, n'était pas immatriculé comme établissement distinct au RCS de Dax avant le 22 mai 2017. Le seul établissement déclaré au RCS de Dax avant le 22 mai 2017 était l'hôtel du Golf [...] qui n'est pas situé dans l'ensemble immobilier de la [...]. Dès lors, c'est à bon droit que le premier juge a retenu, par des motifs précis et pertinents, que la villa [...] située dans l'ensemble immobilier de la [...] n'était pas immatriculée au RCS de Dax à la date du congé délivré par les consorts R... H... le 3 novembre 2016. La Sa Open sud gestion ne peut donc pas solliciter le paiement d'une indemnité d'éviction après le congé délivré par les bailleurs ; ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « La SA OPEN SUD GESTION verse au dossier plusieurs extraits K bis et des catalogues portant sur les locations saisonnières proposées (pièces n° 2, 3, 4, 24 et 25 du dossier du conseil de la SA OPEN SUD GESTION). Il ressort de ces documents que la SA OPEN SUD GESTION était inscrite au jour du congé au registre du commerce et des sociétés de Chambéry au titre de son siège et, hors de ce ressort, au registre du commerce et des sociétés de Dax au titre d'un "établissement principal situé "Hôtel du Golf 40 660 [...]", qu'elle disposait alors de plusieurs bâtiments de résidences de vacances sur la commune de [...]. ([...] ; [...] et [...] dont dépend la propriété des demandeurs), que la SA OPEN SUD GESTION a procédé en date du 22 mai 2017 à une inscription au registre du commerce et des sociétés de Dax sous la forme d'établissements distincts de chacune de ces résidences dont "[...]" avec mention d'une "exploitation d'une résidence avec prestation immobilière sous l'enseigne [...] dans les villas ... [...]..." et que la villa [...] correspond à la propriété des demandeurs. Si la SA OPEN SUD GESTION affirme que l'immatriculation au registre du commerce et des sociétés de Dax de son activité en établissements distincts au 22 mai 2017 correspond à une restructuration juridique et à une scission de son fonds de commerce, il n'en demeure pas moins qu'elle n'en rapporte pas la preuve. En outre, il n'est nullement établi que, au jour de la délivrance du congé, le lieu d'exploitation de l'activité de résidences de vacances de "[...]" dépendait d'une unité économique et géographique justifiant son absence d'immatriculation alors méme qu'elle disposait d'une adresse "[...]" distincte du seul établissement immatriculé au registre du commerce et des sociétés de Dax à l'adresse "Hôtel du Golf'. Il ressort de l'ensemble de ces éléments que la SA OPEN SUD GESTION ne justifie d'une immatriculation au registre du commerce et des sociétés de Dax au jour de la délivrance du congé au titre de son activité d'exploitation de la résidence dénommée "[...] " dont dépend la propriété des demandeurs de sorte qu'elle ne peut prétendre ni au renouvellement du bail ni à une indemnité d'éviction » (jugement entrepris p. 4 & 5) ; ALORS QUE les articles R 123-31 et suivants du code de commerce n'imposent pas, en cas d'exercice de l'activité du propriétaire du fonds dans des locaux formant une unité économique et géographique d'exploitation, que l'immatriculation soit prise pour chacun des locaux ; que la société Open Sud Gestion faisait valoir (conclusions d'appel p. 10 à 15), que les différents immeubles qu'elle exploitait à Moliets étaient tous situés dans le même ensemble immobilier édifié sur une ZAC, et que l'établissement déclaré au RCS de Dax depuis le 17 mai 1994 intitulé Hôtel du Golf et qui ne portait pas d'adresse précise, exploitait tous les locaux situés dans la ZAC, y compris la villa désignée sous le n° [...] ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher si cette villa n° [...] ne relevait pas de l'unité exploité par l'établissement Hôtel du Golf de Moliets, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés.
La condition tenant à l'immatriculation du preneur pour bénéficier du statut des baux commerciaux n'est pas exigée en cas de soumission volontaire des parties à ce statut, même si le preneur est commerçant
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CIV. 3 FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 28 mai 2020 Rejet M. CHAUVIN, président Arrêt n° 348 FS-P+B+I Pourvoi n° Y 19-10.056 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 MAI 2020 La société Ocean, société par actions simplifiée, dont le siège est [...], a formé le pourvoi n° Y 19-10.056 contre l'arrêt rendu le 27 septembre 2018 par la cour d'appel de Rouen (chambre de la proximité), dans le litige l'opposant à la société LT, société civile immobilière, dont le siège est [...], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Corbel, conseiller référendaire, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société Ocean, de la SARL Cabinet Briard, avocat de la société LT, et l'avis de Mme Valdès Boulouque, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 10 mars 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Corbel, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, M. Parneix, Mmes Dagneaux, Provost-Lopin, MM. Barbieri, Jessel, conseillers, Mme Collomp, M. Béghin, Mme Schmitt, conseillers référendaires, Mme Valdès Boulouque, premier avocat général, et Mme Besse, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Sur le moyen unique, ci-après annexé : Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 27 septembre 2018), que la société Ocean a acquis le fonds de commerce de la société Prestor en vertu d'un jugement du 7 janvier 2014 ayant ordonné à son profit la cession partielle des actifs de cette société, dont la procédure de redressement judiciaire avait été ouverte le 29 janvier 2013, ainsi que le transfert du bail commercial que lui avait consenti la SCI LT le 10 janvier 2008 sans contrat écrit ; que la SCI LT a assigné la société Ocean en paiement d'une somme au titre de la taxe foncière pour les années 2014 à 2017 ; Attendu que la société Ocean fait grief à l'arrêt d'accueillir cette demande ; Mais attendu qu'ayant retenu à bon droit qu'en présence d'un bail verbal, il convenait de rechercher l'existence d'un accord des parties sur le transfert au preneur de la charge de la taxe foncière et relevé qu'il était établi que la société Prestor avait réglé à la SCI LT la taxe foncière jusqu'en 2011, que la taxe 2012 avait fait l'objet d'une déclaration de créance admise par le juge commissaire et que l'administrateur judiciaire avait validé le paiement de la taxe 2013, la cour d'appel, qui a souverainement constaté l'accord des parties au bail initial sur ce point, antérieurement à l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire du preneur, en a exactement déduit que la société Ocean était tenue de prendre en charge les taxes foncières après la cession du bail ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ; PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Ocean aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Ocean et la condamne à payer à la SCI LT la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, signé par M. Echappé, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller empêché, et signé et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mai deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour la société Ocean. Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Ocean à payer à la SCI LT la somme de 16 838,66 euros au titre de la taxe foncière pour les années 2014 et 2015 et la somme de 9 974,86 euros au titre la taxe foncière 2016 et 2017 avec intérêts au taux légal à compter du 23 février 2018, AUX MOTIFS QUE « cette vérification ne peut en réalité s'opérer qu'en prenant en compte la manière dont la SCI LT et la société Prestor ont exécuté sur ce point le bail verbal qui les liait, en particulier l'existence d'un accord des parties sur la prise en charge par cette dernière de la taxe foncière ; qu'en effet, s'agissant d'un bail verbal, aucune clause expresse mettant à la charge du preneur un impôt dont est redevable le bailleur ne peut par définition exister ; Qu'en l'espèce, comme l'a relevé le premier juge, la SCI LT a adressé à la société Prestor le 30 septembre 2013 la facture pour la taxe foncière 2013 pour un montant de 11 331,56 € TTC, facture réglée par virement le 14 octobre suivant, qui a été validé par Me L..., administrateur ; Que la facture pour la taxe foncière du 1er octobre 2012 adressée à la société Prestor pour un montant total de 21 580,88 € TTC incluant « la Toque d'or » a été inscrite en débit du compte client au 31 janvier 2013 ; que cette somme a été incluse dans la déclaration de créance effectuée le 6 mars 2013 auprès de Me K..., représentant des créanciers, et a été admise par le juge-commissaire le 27 février 2014 ; Qu'il est par ailleurs produit aux débats : - la facture du 1er décembre 2011 émise à la société Prestor pour la taxe foncière 2011 de 21 014,92 € incluant celle due pour la Toque d'or inscrite en débit du grand livre de compte clients de la société au 31 décembre 2011 ; - la facture du 16 septembre 2010 adressée à la société Prestor pour la taxe foncière 2010 de 23 617,89 € incluant celle due pour « la Toque d'or » a été réglée par cette dernière par virement du 13 octobre 2010, opération inscrite au débit du grand livre comptes clients au 31 décembre 2010, - l'avis de loyer du 1er octobre 2009 pour un montant total de 34 834,94 € TTC adressé à la société Prestor incluant la taxe foncière pour « la Toque d'or » inscrite au débit du grand livre de compte clients au 31 décembre 2019, - la facture du 11 janvier 2008 adressée à la société Prestor pour la taxe foncière 2008 pour un montant total de 20 169,48 € incluant celle due pour « la Toque d'or » inscrite au débit du grand livre compte clients de la société au 11 janvier 2008 ; Attendu que l'ensemble de ces éléments établit que la société Prestor réglait à la SCI LT la taxe foncière des lieux loués, démontrant l'accord des parties sur ce point, si bien que la taxe foncière doit également être à la charge de la société Ocean ; Qu'en ce qui concerne le montant des sommes dues au titre des taxes foncières 2014 et 2015, la SCI LT produit aux débats les avis d'imposition taxes foncières pour ces deux années, et un calcul explicatif de la répartition de cette taxe en fonction des millièmes occupés par le restaurant « la Toque d'or » au 9 et 11 place du vieux marché à Rouen et en fonction des frais de gestion, les modalités de calcul n'étant pas utilement contredites, desquelles il résulte que la taxe foncière 2014 et 2015 s'élève chacune à la somme de 8 419, 33 € soit la somme totale de 16 838,66 € ; que le montant fixé par le premier juge doit être confirmé, l'erreur commise concerne le montant de la taxe 2015 mentionné à 7 419,33 € au lieu de 8 419,33 € ; Qu'en cause d'appel, la SCI LT demande le paiement de la taxe foncière 2016 et 2017 en produisant les avis d'imposition correspondant et le justificatif de la répartition pour les lieux occupés par le restaurant « la Toque d'or », soit la somme de 3 509,28 € pour la taxe foncière 2016 et celle de 6 465,58 €, dont le montant n'est pas utilement contredit ; », ET AUX MOTIFS ADOPTES DES PREMIERS JUGES QU' « il convient en conséquence de reconduire les modalités d'exécution du bail verbal au jour de l'ouverture de la procédure et dès lors de vérifier si, à cette date, outre le loyer courant, les parties avaient convenu que restaient à la charge du preneur la taxe foncière ainsi que les provisions sur charges mensuelles. Il résulte des pièces versées au dossier que la procédure collective relative à la SAS Prestor est intervenue suivant jugement du 29 janvier 2013 ; Avant que n'intervienne la cession des actifs de la société Prestor à la société Ocean, la société LT a adressé à la société Prestor la facture relative à la taxe foncière 2013. Me L... es qualité d'administrateur judiciaire a validé le virement opéré au titre de cette taxe foncière par la société Prestor, considérant en conséquence par cette validation que la société Prestor, en redressement judiciaire, était bien redevable de cette taxe foncière pour l'intégralité de l'année 2013. Antérieurement à l'année 2013 et donc au bail écrit du 11 février 2013 prévoyant la prise en charge de cette taxe et des charges provisionnelles par le preneur, la société LT verse aux débats une facture adressée à la société Prestor au titre de la taxe foncière 2012, pour un montant global de 21 580,88 € dont 9 920,58 € concernant la Toque d'or objet de la reprise partielle par la société Ocean. Elle verse également la déclaration de créance effectuée et admise au passif du redressement judiciaire de la société Prestor, incluant la taxe foncière 2012. Pour l'année 2011, la société LT verse aux débats la facture émise à l'égard de la société Prestor au titre de la taxe foncière 2011 pour une somme de 21 014,92 € dont 9 586 € concernant la Toque d'or, ainsi que le grand livre compte client de la société LT au 31 décembre 2011 faisant apparaître la comptabilisation de la facture taxe foncière pour son montant de 21 014,92 € à la date d'émission de la facture le 1er décembre 2011. Il en résulte qu'au jour de l'ouverture de la procédure collective, la taxe foncière était bien à la charge du preneur, de sorte qu'elle doit continuer de l'être à l'égard de la société Ocean. A ce titre, la société LT est fondée à obtenir le remboursement de la taxe foncière pour l'année 2014 et 2015 soit la somme de 8 419,33 € pour 2014 et 7 419,33 € pour 2014 soit encore au total la somme de 16 838,66 € », 1°) ALORS QUE le bailleur ne peut transférer au locataire le paiement de la charge de la taxe foncière que par une clause expresse prévue dans le bail commercial ; qu'en constatant qu'un bail verbal liait les sociétés LT et Prestor et que « s'agissant d'un bail verbal, aucune clause expresse mettant à la charge du preneur un impôt dont est redevable le bailleur ne peut par définition exister », la cour n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 applicable au litige. 2°) ALORS QUE le bailleur ne peut transférer au locataire le paiement de la charge de la taxe foncière que par une clause expresse prévue dans le bail commercial ; qu'en constatant, pour condamner la société Ocean au paiement de la taxe foncière au titre des années 2014 à 2017, que les éléments de preuve produits aux débats établissent « que la société Prestor réglait à la SCI LT la taxe foncière des lieux loués, démontrant l'accord des parties sur ce point, si bien que la taxe foncière doit également être à la charge de la société Ocean », la cour a statué par un motif inopérant et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 applicable au litige. 3°) ALORS QU' en tout état de cause, nul ne peut se constituer un titre à soi-même ; qu'en se fondant exclusivement sur le règlement par la société Prestor des factures établies unilatéralement par la société LT au titre de la taxe foncière 2008, 2009, 2010, 2011, 2012 et 2013, pour en déduire l'accord des parties sur le règlement par la locataire de la taxe foncière, la cour a violé l'article 1315 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 applicable au litige.
Dans un bail commercial verbal, le transfert au preneur de la charge de la taxe foncière résulte de l'accord des parties dont l'existence est souverainement constatée par les juges du fond
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SOC. CM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 27 mai 2020 Rejet Mme LEPRIEUR, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 441 F-P+B Pourvoi n° M 18-24.531 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 27 MAI 2020 L'association Institut national de l'hygiène et du nettoyage, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° M 18-24.531 contre l'arrêt rendu le 19 septembre 2018 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre sociale, section A), dans le litige l'opposant à Mme U... V..., domiciliée [...] , défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Le Lay, conseiller, les observations de Me Bertrand, avocat de l'association Institut national de l'hygiène et du nettoyage, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme V..., et après débats en l'audience publique du 10 mars 2020 où étaient présents Mme Leprieur, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Le Lay, conseiller rapporteur, M. Pietton, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 19 septembre 2018) et les productions, Mme V... a été engagée par l'association Institut national de l'hygiène et du nettoyage industriel (INHNI) à compter du 9 novembre 1998 en qualité d'enseignant formateur. 2. Par lettre du 11 juin 2013, l'employeur a proposé à la salariée une modification de son contrat de travail pour motif économique sur le fondement de l'article L.1222-6 du code du travail, proposition que celle-ci a refusée le 3 juillet suivant. Le 30 juillet 2013, l'employeur a soumis à la salariée deux nouvelles propositions de modification de son contrat de travail que celle-ci a refusées le 15 août 2013. 3. La salariée a été convoquée le 7 octobre 2013 à un entretien préalable à son licenciement pour motif économique et a accepté le 24 octobre 2013 le contrat de sécurisation professionnelle qui lui avait été remis le 22 octobre 2013. 4. Contestant le motif économique du licenciement, la salariée a saisi la juridiction prud'homale. Examen du moyen Enoncé du moyen 5. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la salariée diverses sommes au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors : « 1°/ que si le salarié doit être informé par écrit des motifs de son licenciement avant la date de l'acceptation de son contrat de sécurisation professionnelle, cette information écrite peut être délivrée avant même que soit engagée la procédure de licenciement ; qu'en considérant que l'association INHNI ne pouvait avoir valablement informé Mme V... du motif économique de son licenciement par le courrier adressé à celle-ci le 30 juillet 2013, au motif que ce courrier avait été remis à la salariée "avant la procédure de licenciement", la cour d'appel s'est déterminée par un motif erroné et a violé les articles L.1233-3, L.1233-16 et L.1233-67 du code du travail ; 2°/ que les juges du fond doivent analyser les éléments de preuve produits sur lesquels ils fondent leur décision ; qu'étaient versés aux débats un courrier de l'INHNI du 11 juin 2013 qui précisait les conséquences économiques sur le poste de Mme V... de la modification du référentiel du ministère de l'éducation nationale, ainsi que la lettre de réponse du 3 juillet 2013 dans laquelle Madame V... indiquait avoir conscience du fait que son refus de toute proposition "pourrait entraîner un licenciement pour motif économique" et remettait en cause ce motif en ce termes : "pourquoi ce motif économique ?" ; que ces courriers, qui démontraient que l'employeur avait satisfait à son obligation d'information de la salariée sur le motif du licenciement, étaient spécialement invoqués par l'INHNI dans ses conclusions d'appel et étaient versés aux débats par Mme V... ; qu'en affirmant que Mme V... n'avait pas été avertie des motifs de son licenciement avant le 24 octobre 2013, date de l'acceptation de son contrat de sécurisation professionnelle, sans examiner, même sommairement, les courriers des 11 juin et 3 juillet 2013 qui démontraient le contraire, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 3°/ que dans ses conclusions d'appel, l'INHNI invoquait son courrier du 11 juin 2013 et le courrier en réponse de la salariée du 3 juillet 2013, dont la teneur démontrait que Mme V... avait, en temps utile, été informée du motif économique de son licenciement, ce qu'elle admettait expressément dans sa lettre ; qu'en laissant sans réponse ces écritures, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 6. La rupture du contrat de travail résultant de l'acceptation par le salarié d'un contrat de sécurisation professionnelle doit avoir une cause économique réelle et sérieuse. L'employeur est en conséquence tenu d'énoncer la cause économique de la rupture du contrat dans un écrit remis ou adressé au salarié au cours de la procédure de licenciement et au plus tard au moment de l'acceptation du contrat de sécurisation professionnelle par le salarié, afin qu'il soit informé des raisons de la rupture lors de son acceptation. 7. La cour d'appel a constaté qu'aucun écrit énonçant la cause économique de la rupture n'avait été remis ou adressé à la salariée au cours de la procédure de licenciement, les lettres des 11 juin et 30 juillet 2013 ayant été adressées à celle-ci lors de la procédure spécifique de modification de son contrat de travail. Elle en a exactement déduit que l'employeur n'avait pas satisfait à son obligation légale d'informer la salariée du motif économique de la rupture et que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse. 8. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne l'association Institut national de l'hygiène et du nettoyage industriel aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne l'association Institut national de l'hygiène et du nettoyage industriel à payer à Mme V... la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, signé par Mme Leprieur, conseiller doyen faisant fonction de président en ayant délibéré en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 1021 du code de procédure civile et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept mai deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par Me Bertrand, avocat aux Conseils, pour l'association Institut national de l'hygiène et du nettoyage Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir décidé que le licenciement de Mme V... était dépourvu de cause réelle et sérieuse, condamné l'association INHNI à lui payer les sommes de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 6.423,60 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 642,36 euros au titre des congés payés afférents et ordonné le remboursement par l'association INHNI à Pôle Emploi des indemnités de chômage susceptibles d'avoir été perçues par Mme V... dans la limite de trois mois ; AUX MOTIFS QU' en application de l'article L.1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ; la lettre de licenciement qui fixe les termes du litige doit énoncer de façon précise les motifs du licenciement ainsi que les démarches entreprises en vue du reclassement du salarié ; lorsque le contrat de travail est rompu du commun accord des parties du fait de l'adhésion du salarié à un contrat de sécurisation professionnelle en application de l'article L. 233-67 du code du travail, l'exigence tenant à l'information du salarié des motifs précis de son licenciement demeure et cette information doit prendre la forme d'un document écrit remis au salarié au plus tard au moment de l'acceptation de la convention ; l'absence de toute information formalisée dans un écrit remis au salarié quant aux motifs de son licenciement préalablement à l'acceptation du contrat de sécurisation professionnelle ne peut être régularisée ultérieurement ; en effet, le salarié doit être en mesure de prendre la décision d'adhérer ou non au contrat en parfaite connaissance des motifs de son licenciement qui doivent être définitivement fixés dans un document écrit ; il appartient en conséquence à l'employeur de justifier qu'il a porté à la connaissance de son salarié les motifs précis de son licenciement économique, les répercussions de ces difficultés sur son emploi et les démarches entreprises en vue de son reclassement avant l'acceptation par le salarié du contrat de sécurisation professionnelle ; à défaut, le licenciement du salarié est dénué de cause réelle et sérieuse ; lorsqu'un document écrit a été remis au salarié lors de la procédure spécifique de modification de son contrat de travail, précisant le motif économique de cette modification, mais qu'aucun écrit énonçant la cause économique de la rupture ne lui a été remis ou adressé au cours de la procédure de licenciement et avant son acceptation du CSP, le licenciement est également dépourvu de cause réelle et sérieuse ; en l'espèce, ni la convocation à l'entretien préalable du 22 octobre 2013, ni la proposition d'adhésion au contrat de sécurisation professionnelle signée le 24 octobre 2013 ne porte à la connaissance de Mme U... V... les motifs de son licenciement avant son acceptation du contrat de sécurisation professionnelle ; les éléments contenus dans le courrier de proposition du 30 juillet 2013, remis avant la procédure de licenciement, ne sont pas suffisants et ne permettent pas à l'employeur de répondre à son obligation d'information de la cause économique de la rupture du contrat de travail ; au surplus, le seul procès-verbal du comité d'entreprise extraordinaire du 2 juillet 2013 versé au débat et pour lequel Mme G... K..., directrice du CFA, atteste de sa remise à Mme U... V... lors de l'entretien, est insuffisant pour permettre de porter à la connaissance de la salariée les motifs précis et individualisés de son licenciement économique et les répercussions de ces difficultés sur son emploi ; les explications verbales échangées lors de l'entretien préalable ne peuvent suppléer à l'exigence d'un écrit qui au surplus fixe définitivement les motifs du licenciement entre l'employeur et le salarié ; il en est de même pour les écrits remis au salarié postérieurement à l'acceptation du contrat de sécurisation professionnelle, y compris pendant le délai de réflexion, de sorte que le mail de Mme S... N..., directrice des ressources humaines, du 5 novembre 2013, adressé à Mme U... V... ne peut être recevable en ce qu'il est postérieur à l'acceptation par la salariée du contrat de sécurisation professionnelle survenu le 24 octobre 2013 ; en conséquence, la cour constate que lors de l'adhésion de Mme U... V... au contrat de sécurisation professionnelle, il n'avait pas été satisfait à l'exigence de motivation spécifique du licenciement dans aucun des documents remis à la salariée au cours de la procédure de licenciement, ni d'ailleurs auparavant, au stade de la seule modification du contrat de travail ; dès lors, et sans qu'il soit nécessaire d'apprécier les moyens tirés de la réalité et du sérieux des motifs du licenciement économique de Mme U... V... et du non-respect de l'obligation de reclassement par l'employeur, la cour juge, par infirmation du jugement du conseil de prud'hommes, que le licenciement de Mme U... V... est dépourvu de cause réelle et sérieuse faute de document contenant l'énonciation des motifs du licenciement économique remis avant ou concomitamment à l'acceptation du contrat de sécurisation professionnelle par la salariée (arrêt attaqué pp. 4-5-6) ; ALORS, d'une part, QUE si le salarié doit être informé par écrit des motifs de son licenciement avant la date de l'acceptation de son contrat de sécurisation professionnelle, cette information écrite peut être délivrée avant même que soit engagée la procédure de licenciement ; qu'en considérant que l'association INHNI ne pouvait avoir valablement informé Mme V... du motif économique de son licenciement par le courrier adressé à celle-ci le 30 juillet 2013, au motif que ce courrier avait été remis à la salariée « avant la procédure de licenciement», la cour d'appel s'est déterminée par un motif erroné et a violé les articles L.1233-3, L.1233-16 et L.1233-67 du code du travail ; ALORS, d'autre part, QUE les juges du fond doivent analyser les éléments de preuve produits sur lesquels ils fondent leur décision ; qu'étaient versés aux débats un courrier de l'INHNI du 11 juin 2013 qui précisait les conséquences économiques sur le poste de Mme V... de la modification du référentiel du ministère de l'éducation nationale, ainsi que la lettre de réponse du 3 juillet 2013 dans laquelle Madame V... indiquait avoir conscience du fait que son refus de toute proposition « pourrait entraîner un licenciement pour motif économique » et remettait en cause ce motif en ce termes : « pourquoi ce motif économique ? » ; que ces courriers, qui démontraient que l'employeur avait satisfait à son obligation d'information de la salariée sur le motif du licenciement, étaient spécialement invoqués par l'INHNI dans ses conclusions d'appel (p. 9) et étaient versés aux débats par Mme V... (production n° 4 : bordereau des pièces communiquées par la salariée) ; qu'en affirmant que Mme V... n'avait pas été avertie des motifs de son licenciement avant le 24 octobre 2013, date de l'acceptation de son contrat de sécurisation professionnelle, sans examiner, même sommairement, les courriers des 11 juin et 3 juillet 2013 qui démontraient le contraire, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; ALORS, enfin, QUE dans ses conclusions d'appel (p. 9), l'INHNI invoquait son courrier du 11 juin 2013 et le courrier en réponse de la salariée du 3 juillet 2013, dont la teneur démontrait que Mme V... avait, en temps utile, été informée du motif économique de son licenciement, ce qu'elle admettait expressément dans sa lettre ; qu'en laissant sans réponse ces écritures, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
La rupture du contrat de travail résultant de l'acceptation par le salarié d'un contrat de sécurisation professionnelle doit avoir une cause économique réelle et sérieuse. L'employeur est en conséquence tenu d'énoncer la cause économique de la rupture du contrat dans un écrit remis ou adressé au salarié au cours de la procédure de licenciement et au plus tard au moment de l'acceptation du contrat de sécurisation professionnelle par le salarié, afin qu'il soit informé des raisons de la rupture lors de son acceptation. Une cour d'appel qui constate qu'aucun écrit énonçant la cause économique de la rupture n'avait été remis ou adressé au salarié au cours de la procédure de licenciement, peu important les écrits adressés lors de la procédure spécifique de modification du contrat de travail, en déduit exactement que l'employeur n'avait pas satisfait à son obligation légale d'informer le salarié du motif économique de la rupture et que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse
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SOC. CM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 27 mai 2020 Cassation partielle Mme LEPRIEUR, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 444 F-P+B Pourvoi n° Y 19-12.471 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 27 MAI 2020 La société [...], société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° Y 19-12.471 contre l'arrêt rendu le 21 novembre 2018, rectifié le 20 mars 2019, par la cour d'appel de Lyon (chambre sociale A), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société [...], société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , anciennement dénommée société Recours automobile et fiscal RAF, 2°/ à la société [...] , société civile professionnelle, mandataires judiciaires associés, dont le siège est [...] , prise en la personne de M. X... O..., lui-même pris en qualité de liquidateur judiciaire de la société [...], 3°/ à M. L... B..., domicilié [...] , défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Depelley, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société [...], de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. B..., et après débats en l'audience publique du 10 mars 2020 où étaient présents Mme Leprieur, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Depelley, conseiller référendaire rapporteur, M. Pietton, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 21 novembre 2018), rectifié par arrêt du 20 mars 2019 et les pièces de la procédure, M. B..., chirurgien spécialisé, a réalisé des expertises depuis avril 1992 pour la société Le recours automobile et fiscal dans le cadre de son activité d'assistance aux victimes d'accident. 2. Par protocole de vente du 1er octobre 2007, le fonds de commerce de la société Le recours automobile et fiscal immatriculée n° 960500387 a été cédé, à effet au 1er janvier 2008, à la société Recours automobile et fiscal (RAF), société en cours de formation, puis immatriculée n° 501051197, et aux droits de laquelle est venue la société [...]. La société RAF a repris, par application des dispositions de l'article L.1224-1 du code du travail, les salariés de la société Le recours automobile et fiscal , dont la liste figurait en annexe du protocole de vente. 3. Par décision du 24 juin 2008, la société Le recours automobile et fiscal immatriculée n° 960500387 a été dissoute, avec transmission universelle de son patrimoine à la société [...] à effet rétroactif au 1er janvier 2008. 4. Se prévalant d'un contrat de travail, M. B... a saisi la juridiction prud'homale le 3 mai 2011 de demandes dirigées contre la société J.Pauget consultant venant aux droits de la société Le recours automobile et fiscal, et contre la société RAF, devenue la société [...]. 5. Retenant l'existence d'un lien de subordination de M. B... à l'égard de ces sociétés, la cour d'appel, par arrêt du 6 septembre 2013, statuant sur contredit, a déclaré le conseil de prud'hommes compétent pour connaître du litige. 6. Par un jugement du 9 janvier 2019, le tribunal de commerce a prononcé la liquidation judiciaire de la société [...], et désigné la SCP [...] ès-qualités de liquidateur. Examen du moyen Enoncé du moyen 7. La société [...] fait grief à l'arrêt de la condamner in solidum avec la société [...] à payer à M. B... les sommes de 41799,90 euros à titre de rappel de salaires et 4179,99 euros à titre d'indemnité de congés payés afférents, alors : « 1°/ que la solidarité ne se présume pas ; que si les deux employeurs successifs peuvent être tenus solidairement des obligations liées à l'exécution du contrat de travail antérieurement à la date du transfert du contrat de travail, l'ancien employeur ne peut être condamné solidairement avec le nouvel employeur, seul débiteur des obligations résultant du contrat à compter de cette date, au paiement des salaires et indemnités de congés payés échus postérieurement à la date de la modification juridique ; qu'en condamnant en l'espèce les sociétés [...] et [...] in solidum à payer à M. B... les sommes de 41.799,90 euros à titre de salaires et 4.179,99 euros à titre d'indemnité de congés payés afférents pour la période du 1er juillet 2006 au 31 décembre 2008, quand elle constatait expressément que la société Le recours automobile et fiscal, aux droits de laquelle se trouve désormais la société [...], n'avait été employeur que jusqu'au 31 décembre 2007, ce dont il se déduisait que seule la société [...], nouvel employeur, était débitrice des salaires et indemnités de congés payés échus postérieurement à la date du transfert du contrat de travail, le 1er janvier 2008, et que la société [...] ne pouvait être condamnée à garantir le nouvel employeur pour le paiement de ces sommes, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a en conséquence violé les articles L.1224-1 et L.1224-2 du code du travail, ensemble l'article 1202 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 1er octobre 2016 ; 2°/ que dans ses conclusions d'appel, la société [...] soutenait que la demande de rappel de salaire formulée par M. B... à son encontre était nécessairement erronée dès lors qu'elle allait au-delà de la cession du fonds de commerce à la société RAF, dénommée [...], qui a pris effet le 1er janvier 2008 ; qu'en condamnant in solidum la société exposante et la société [...] à payer à M. B... un rappel de salaire et congés payés afférents pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2008, sans répondre à ce moyen soulevé dans les conclusions d'appel de l'exposante, la cour d'appel a méconnu les dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile ; 3°/ que plusieurs débiteurs ne peuvent être engagés in solidum que si l'obligation de chacun est identique à celles des autres et que sa pleine exécution peut être réclamée par le créancier indifféremment à l'un et à l'autre ; qu'il ne peut y avoir d'obligation in solidum entre employeurs successifs s'agissant de sommes d'argent correspondant à des salaires et indemnités de congés payés incombant exclusivement au nouvel employeur ; qu'en condamnant au cas présent la société [...] à garantir la société [...] pour le paiement des salaires et congés payés correspondant à la période postérieure au transfert du contrat de travail du salarié, du 1er janvier au 31 décembre 2018, cependant que la part de chacun des employeurs était précisément déterminée et que l'ancien employeur ne pouvait être tenu à la part de salaires et congés payés due par le nouvel employeur, la cour d'appel a violé l'article L.1224-1 du code du travail, ensemble les principes régissant l'obligation in solidum. » Réponse de la Cour Vu les articles L.1224-1 et L.1224-2 du code du travail : 8. Il se déduit de ces articles que, sauf collusion frauduleuse entre les employeurs successifs, seul le nouvel employeur est tenu envers le salarié aux obligations et au paiement des créances résultant de la poursuite du contrat de travail après le transfert. 9. Pour condamner la société [...] in solidum avec la société [...] à payer à M. B... les sommes de 41 799,90 euros à titre de rappel de salaires et 4 179,99 euros à titre d'indemnité de congés payés afférents, correspondant à un rappel de salaires sur la période du 1er juillet 2006 jusqu'au 31 décembre 2008, date de la rupture du contrat de travail, la cour d'appel a relevé que la société Le recours automobile et fiscal aux droits de laquelle se trouve désormais la société [...] et la société RAF devenue la société [...] ont, la première jusqu'au 31 décembre 2007, la seconde jusqu'au 31 décembre 2008, été les employeurs de M. B.... Elle a précisé que M. B... ne pouvait figurer sur la liste des salariés transférés puisqu'à la date de la cession, il ne bénéficiait pas d'un contrat de travail en bonne et dûe forme et que le litige sur la nature de la relation de travail a été introduit trois ans après ladite cession. Elle a ajouté que dans leurs rapports entre elles, les sociétés assumeront chacune la part de salaire et d'indemnité de congés payés correspondant à la période pendant laquelle elle était l'employeur de M. B... (18 mois pour la première, 12 mois pour la seconde). 10. En statuant ainsi, alors que seule la société [...], nouvel employeur, pouvait être tenue envers le salarié au paiement des créances de salaires et congés payés nées postérieurement à la date du transfert du contrat de travail, en sorte que la société [...] ne pouvait être condamnée in solidum avec la société [...] à payer au salarié la somme correspondant aux salaires et congés payés afférents pour la période comprise entre le 1er janvier 2008 et le 31 décembre 2008, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 11. En application de l'article 625, alinéa 2 du code de procédure civile, la cassation de l'arrêt du 21 novembre 2018 du chef de dispositif attaqué entraîne, par voie de conséquence, celle du chef de l'arrêt du 20 mars 2019 qui l'a rectifié et a condamné la société [...], in solidum avec la société [...], à payer à M. B... la somme de 51 799,80 euros à titre de rappel de salaires et celle de 5 179,98 euros à titre d'indemnité de congés payés afférents. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société [...], in solidum avec la société [...], à payer à M. B... la somme de 51 799,80 euros à titre de rappel de salaires et celle de 5 179,98 euros à titre d'indemnité de congés payés afférents, l'arrêt rendu le 21 novembre 2018, rectifié par arrêt du 20 mars 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ; Condamne la société [...] en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société [...] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept mai deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Célice, Texidor Périer, avocat aux Conseils, pour la société [...] Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné in solidum la société [...] et la société [...] à payer à M. B... les sommes de 41.799,90 euros à titre de rappel de salaires et 4.179,99 euros à titre d'indemnité de congés payés afférents ; AUX MOTIFS QUE « M. B... sollicite un rappel de salaire pour la période du 1er juillet 2006 au 22 janvier 2009 qui sera ramenée à la période du 1er juillet 2006 au 31 décembre 2008, sur la base de la moyenne des trois derniers mois de salaire de 2006 ; cette moyenne s'élève à 1.393,33 euros bruts (avril 2006 : 2.050 euros, mai 2006 : 1.930 euros, juin 2006 : 1.200 euros) ; le rappel auquel M. B... a le droit de prétendre est donc de 41.799,90 euros (30 mois x 1.393,33 euros), outre l'indemnité de congés payés afférents, soit 4.179,99 euros ; dans la mesure où le contentieux sur l'existence d'un contrat de travail n'a été formé que bien postérieurement à la cessation de la relation entre les parties et que la société RECOURS AUTOMOBBILE ET FISCAL a pu de bonne foi considérer qu'elle ne pouvait pas rémunérer M. B... tant qu'il ne justifiait pas auprès d'elle de ses missions et du nombre d'heures effectuées, l'intention frauduleuse de la société de dissimuler l'emploi de M. B... n'est pas caractérisée et la demande de dommages et intérêts pour travail dissimulé doit être rejetée ; M. B... invoque une exécution déloyale par la société RECOURS AUTOMOBILE ET FISCAL de son contrat de travail, au motif qu'elle ne lui a pas versé ses salaires et primes correspondant aux prestations de travail qu'il a effectuées ; toutefois, il ne justifie pas d'un préjudice distinct de celui qui se trouve réparé par l'allocation des rappels de salaires et des intérêts de retard au taux légal ; cette demande sera rejetée ; il est établi que la société LE RECOURS AUTOMOBILE ET FISCAL a cessé à compter du 1er janvier 2009 de fournir du travail à M. B... puisqu'elle ne lui a plus confié de missions ; c'est à juste titre en conséquence que le conseil de prud'hommes, après avoir relevé que la démission ne se présumait pas, a dit que la rupture devait être prononcée aux torts exclusifs de l'employeur ; l'article R.1234-1 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige énonce que l'indemnité de licenciement ne peut être intérieure à un cinquième mois de salaire par année d'ancienneté, auquel s'ajoutent deux quinzièmes de mois par année au-delà de dix ans d'ancienneté ; M. B... avait 16 ans et 9 mois d'ancienneté ; les indemnité consécutives au licenciement seront fixées ainsi qu'il suit : - indemnité légale de licenciement : 5.921,64 euros (1.393,33/5 x 16,75) + (1.393,33 x 2/15 x 6,75) ; - indemnité compensatrice de préavis de trois mois : 4.179,99 et indemnité de congés payés afférents : 417,99 euros ; ces sommes étant augmentées des intérêts au taux légal à compter du 7 juillet 2015 date de réception par la société [...] de la convocation devant le conseil de prud'hommes statuant après contredit ; au regard des circonstances de la rupture du contrat, de l'ancienneté du salarié (16 ans et 9 mois) et de son âge (64 ans) à la date de celle-ci, mais en considération du caractère accessoire de l'activité exercée par M. B... pour le compte de la société LE RECOURS AUTOMOBILE ET FISCAL, ce dernier exposant dans ses conclusions qu'il avait une activité à temps partiel de chef de service adjoint au [...], de chargé d'enseignement clinique à la faculté de médecine, de coordonnateur du département de chirurgie orthopédique et traumatologique de l'adulte et de l'enfant, de chef de service et de président de la commission médicale d'établissement, il convient d'évaluer le préjudice résultant pour M. B... de la perte de cet emploi à la somme de 10.000 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt fixant la créance indemnitaire ; il résulte des extraits du registre du commerce et des sociétés et des actes versés aux débats : - que, le 1er octobre 2007, le fonds de commerce de la société LE RECOURS AUTOMOBILE ET FISCAL n°960 500 387 a été cédé à la SAS RAF en cours de formation représentée par Mme U... A... et M. H... A..., à effet du 1er janvier 2008, ; - que, le 6 décembre 2007, a été immatriculée la SAS RECOURS AUTOMOBILE ET FISCAL, en abrégé RAF n°501 051 197 dont le président est Mme U... D... A... , ; - que par décision du 24 juin 2008, la dissolution de la SAS LE RECOURS AUTOMOBILE ET FISCAL n° 960 500 387 avec transmission universelle de son patrimoine à la société [...] a été prononcée, à effet au 1er janvier 2008 ; tous les documents ci-dessus examinés sont à en-tête du RECOURS AUTOMOBILE ET FISCAL ; il apparaît ainsi que la société [...] et la société RAF devenue société [...] ont, la première jusqu'au 31 décembre 2007, la seconde jusqu'au 31 décembre 2008, été les employeurs de M. B... ; M. B... ne pouvait figurer sur la liste des salariés transférés puisqu'à la date de la cession, il ne bénéficiait pas d'un contrat de travail en bonne et due forme et que le litige sur la nature de la relation de travail a été introduit trois ans après ladite cession ; il convient en conséquence d'infirmer le jugement et de condamner in solidum la société J.PAUGET CONSULTANT et la société [...] à payer à M. B... les sommes ci-dessus déterminées qui seront reprises au dispositif du présent arrêt ; dans leurs rapports entre elles, les sociétés assumeront chacune la part de salaire et d'indemnité de congés payés correspondant à la période pendant laquelle elle était l'employeur de M. B... (18 mois pour la première, 12 mois pour la seconde), ainsi que la moitié des autres sommes au paiement desquelles elles sont condamnées par le présent arrêt ; il y a lieu d'ordonner la capitalisation des intérêts dans les conditions prévues par l'article 1154 ancien du code civil applicable au présent litige introduit antérieurement au 1er octobre 2016 ; compte-tenu de la solution apportée au présent litige, il convient de condamner in solidum les sociétés [...] et [...] aux dépens d'appel ainsi qu'à payer à M. B... la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel » ; 1°) ALORS QUE la solidarité ne se présume pas ; que si les deux employeurs successifs peuvent être tenus solidairement des obligations liées à l'exécution du contrat de travail antérieurement à la date du transfert du contrat de travail, l'ancien employeur ne peut être condamné solidairement avec le nouvel employeur, seul débiteur des obligations résultant du contrat à compter de cette date, au paiement des salaires et indemnités de congés payés échus postérieurement à la date de la modification juridique ; qu'en condamnant en l'espèce les sociétés [...] et [...] in solidum à payer à M. B... les sommes de 41.799,90 euros à titre de salaires et 4.179,99 euros à titre d'indemnité de congés payés afférents pour la période du 1er juillet 2006 au 31 décembre 2008, quand elle constatait expressément que la société Le recours automobile et fiscal, aux droits de laquelle se trouve désormais la société [...], n'avait été employeur que jusqu'au 31 décembre 2007, ce dont il se déduisait que seule la société [...], nouvel employeur, était débitrice des salaires et indemnités de congés payés échus postérieurement à la date du transfert du contrat de travail, le 1er janvier 2008, et que la société [...] ne pouvait être condamnée à garantir le nouvel employeur pour le paiement de ces sommes, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a en conséquence violé les articles L.1224-1 et L.1224-2 du code du travail, ensemble l'article 1202 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 1eroctobre 2016 ; 2°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE dans ses conclusions d'appel (p. 22), la société [...] soutenait que la demande de rappel de salaire formulée par M. B... à son encontre était nécessairement erronée dès lors qu'elle allait au-delà de la cession du fonds de commerce à la société RAF, dénommée [...], qui a pris effet le 1er janvier 2008 ; qu'en condamnant in solidum la société exposante et la société [...] à payer à M. B... un rappel de salaire et congés payés afférents pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2008, sans répondre à ce moyen soulevé dans les conclusions d'appel de l'exposante, la cour d'appel a méconnu les dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile ; 3°) ALORS QUE plusieurs débiteurs ne peuvent être engagés in solidum que si l'obligation de chacun est identique à celles des autres et que sa pleine exécution peut être réclamée par le créancier indifféremment à l'un et à l'autre ; qu'il ne peut y avoir d'obligation in solidum entre employeurs successifs s'agissant de sommes d'argent correspondant à des salaires et indemnités de congés payés incombant exclusivement au nouvel employeur ; qu'en condamnant au cas présent la société [...] à garantir la société [...] pour le paiement des salaires et congés payés correspondant à la période postérieure au transfert du contrat de travail du salarié, du 1er janvier au 31 décembre 2018, cependant que la part de chacun des employeurs était précisément déterminée et que l'ancien employeur ne pouvait être tenu à la part de salaires et congés payés due par le nouvel employeur, la cour d'appel a violé l'article L.1224-1 du code du travail, ensemble les principes régissant l'obligation in solidum.
Il se déduit des articles L. 1224-1 et L. 1224-2 du code du travail que, sauf collusion frauduleuse entre les employeurs successifs, seul le nouvel employeur est tenu envers le salarié aux obligations et au paiement des créances résultant de la poursuite du contrat de travail après le transfert
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SOC. CM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 27 mai 2020 Rejet Mme LEPRIEUR, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 450 F-P+B Pourvois n° C 18-20.153 G 18-20.158 JONCTION R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 27 MAI 2020 La société Go Plast, société par actions simplifiée, dont le siège est [...], a formé les pourvois n° C 18-20.153 et G 18-20.158 contre les arrêts rendus le 6 juin 2018 par la cour d'appel de Poitiers (chambre sociale), dans les litiges l'opposant respectivement à : 1°/ à Mme J... O..., domiciliée [...], 2°/ à M. P... I..., domicilié [...], 3°/ à la société Actis mandataires judiciaires, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, prise en la personne de M. G... X..., commissaire à l'exécution du plan de la société Go Plast, dont le siège est [...] , 4°/ à M. E... Q..., domiciliée [...] , prise en qualité d'administrateur judiciaire de la société Go Plast, 5°/ à l'UNEDIC délégation AGS CGEA de Bordeaux, dont le siège est [...], défendeurs à la cassation. La demanderesse au pourvoi n° C 18-20.153 et G 18-20.158 invoque, à l'appui de chacun de ses recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Les dossiers ont été communiqués au procureur général. Sur le rapport de Mme Marguerite, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gouz-Fitoussi, avocat de la société Go Plast, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme O... et de M. I..., de Me Bertrand, avocat de la société Actis mandataires judiciaires, de M. Q..., ès qualités et après débats en l'audience publique du 10 mars 2020 où étaient présents Mme Leprieur, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Marguerite, conseiller référendaire rapporteur, M. Pietton, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Vu la connexité, joint les pourvois n° 18-20.153 et 18-20.158 ; Donne acte à la société Actis mandataires judiciaires, prise en la personne de M. G..., agissant en qualité de commissaire à l'exécution du plan, et à M. Q..., agissant en qualité d'administrateur judiciaire, de ce qu'ils s'associent aux pourvois principaux ; Attendu, selon les arrêts attaqués, que Mme O... et M. I... ont été respectivement engagés par la société Go Plast le 15 janvier 2007 et le 28 juin 1999 ; que la société a été placée en redressement judiciaire le 3 mars 2014, M. Q... étant désigné en qualité d'administrateur judiciaire ; que, le 5 mai 2014, l'administrateur a remis aux salariés le document de contrat de sécurisation professionnelle accompagné d'une note ; que le 7 mai 2014, le juge-commissaire a autorisé l'administrateur à procéder au licenciement économique de quinze salariés ; que M. I..., le même jour, et Mme O..., le 13 mai 2014, ont adhéré au contrat de sécurisation professionnelle puis ont reçu le 15 mai 2014 une lettre de licenciement ; Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche : Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur la seconde branche du moyen, ci-après annexée, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ; Sur le moyen unique, pris en sa première branche : Attendu que la société fait grief aux arrêts de juger les licenciements sans cause réelle et sérieuse, de fixer la créance de chaque salarié à la procédure collective de la société à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de dire que la société et M. Q... sont redevables envers chaque salarié de diverses sommes à titre d'indemnité de préavis et des congés payés afférents, de fixer la moyenne des trois derniers mois de salaire à une certaine somme, d'ordonner le remboursement par la société des indemnités de chômage payées et d'ordonner la remise des documents de fin de contrat rectifiés alors, selon le moyen, que la note qui est communiquée au salarié au moment de la proposition du contrat de sécurisation professionnelle et qui mentionne, après avoir précisé que l'entreprise a été placée en redressement judiciaire, qu'elle connaît des difficultés économiques dues à une baisse des commandes et une baisse des prix moyens de vente nécessitant une restructuration de l'entreprise et la suppression de postes répond aux exigences de motivation requise par les articles L. 1233-3 et L. 1233-16 du code du travail ; qu'en l'espèce, la note contrat de sécurisation professionnelle adressée à la salariée indiquait que : « la société Go Plast est placée en procédure de redressement judiciaire par décision du tribunal de commerce de Niort du 3 mars 2014 ; qu'elle connaît une conjoncture économique difficile puisqu'elle fait face à une baisse des commandes et une baisse des prix moyens de vente ; que cette baisse a engendré un sureffectif de personnel obligeant l'entreprise à se restructurer et à envisager la suppression de quinze postes sur un effectif de quatre-vingt-cinq salariés »; que cette note qui énonçait à la fois les raisons économiques du licenciement (les difficultés économiques et la nécessité d'une restructuration) et leur incidence sur l'emploi du salarié (la suppression de quinze postes) répondait aux exigences légales de motivation et informait suffisamment la salariée ; qu'en décidant néanmoins que la salariée n'avait pas reçu une information suffisante sur le motifs de la rupture, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-3, L. 1233-16, L. 1233-67 et L. 235-1 du code du travail ;. Mais attendu d'abord que, lorsque la rupture du contrat de travail résulte de l'acceptation par le salarié d'un contrat de sécurisation professionnelle, l'employeur doit en énoncer le motif économique soit dans le document écrit d'information sur ce dispositif remis obligatoirement au salarié concerné par le projet de licenciement, soit dans la lettre qu'il est tenu d'adresser au salarié lorsque le délai de réponse expire après le délai d'envoi de la lettre de licenciement imposé par les articles L. 1233-15 et L. 1233-39 du code du travail, soit encore, lorsqu'il n'est pas possible à l'employeur d'envoyer cette lettre avant l'acceptation par le salarié du contrat de sécurisation professionnelle, dans tout autre document écrit, porté à sa connaissance au plus tard au moment de son acceptation ; Attendu ensuite, que lorsque l'administrateur procède au licenciement d'un salarié d'une entreprise en redressement judiciaire, en application de l'ordonnance du juge-commissaire autorisant des licenciements économiques présentant un caractère urgent, inévitable et indispensable et fixant le nombre des licenciements ainsi que les activités et les catégories professionnelles concernées, la lettre de licenciement que l'administrateur est tenu d'adresser au salarié doit comporter le visa de cette ordonnance ; qu'à défaut, le licenciement est réputé sans cause réelle et sérieuse ; Et attendu qu'il résulte des constatations de la cour d'appel que la « note contrat de sécurisation professionnelle », seul document écrit remis aux salariés antérieurement à leur acceptation du contrat de sécurisation professionnelle, ne visait pas l'ordonnance du juge-commissaire; que le moyen, qui critique des motifs surabondants, ne saurait dès lors être accueilli ; PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE les pourvois ; Condamne la société Go Plast aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Go Plast et la condamne à payer à M. I... et à Mme O... la somme de 1 500 euros chacun ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept mai deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyen produit au pourvoi n° C 18-20.153 par la SCP Gouz-Fitoussi, avocat aux Conseils, pour la société Go Plast, la société Go Plast Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir dit le licenciement de Mme O... sans cause réelle et sérieuse, d'avoir fixé la créance de Mme O... à la procédure collective de la société Go Plast à la somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'avoir dit que la société Go Plast et Maître Q... étaient redevables envers Mme O... d'un montant de 5 398,02 euros à titre d'indemnité de préavis et la somme de 539,80 euros au titre des congés payés afférents, d'avoir fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire à 1 756,08 euros bruts, d'avoir ordonné le remboursement par la société Go Plast des indemnités de chômage payées, d'avoir ordonné la remise des documents de fin de contrat rectifiés ; Aux motifs qu' il est constant que lorsque la rupture du contrat de travail résulte de l'acceptation par le salarié d'un contrat de sécurisation professionnelle, l'employeur doit en énoncer le motif économique soit dans le document écrit d'information sur le contrat de sécurisation professionnelle remis obligatoirement au salarié concerné par le projet de licenciement, soit dans la lettre qu'il est tenu d'adresser au salarié lorsque le délai de réponse expire après le délai d'envoi de la lettre de licenciement imposé par les articles L. 1233-15 et L. 1233-39 du code du travail ; que, lorsqu'il n'est pas possible à l'employeur d'envoyer cette lettre avant l'acceptation par le salarié de la proposition de contrat de sécurisation professionnelle, il suffit que le motif économique soit énoncé dans tout autre document écrit remis ou adressé à celui-ci au plus tard au moment de son acceptation ; que l'article L. 631-17 du code de commerce dispose que lorsque des licenciements pour motif économique présentent un caractère urgent, inévitable et indispensable pendant la période d'observation, l'administrateur peut être autorisé par le juge-commissaire à procéder à ces licenciements ; que l'obligation d'information du motif économique du licenciement subsiste même lorsque le licenciement est prononcé dans le cadre de la procédure collective dont fait l'objet l'employeur ; qu'en l'espèce, il est établi que Mme O... a été destinataire d'une « note contrat de sécurisation professionnelle » remise en main propre le 5 mai 2014 ; que l'ordonnance du juge commissaire autorisant le licenciement de quinze salariés dont celui de Mme O... a été rendue le 7 mai 2014 ; que Mme O... qui a adhéré le 13 mai 2014 au contrat de sécurisation professionnelle a été licencié par lettre du 15 mai 2014 sans qu'elle ne vise l'ordonnance précitée du juge commissaire ; que l'administrateur ne peut prononcer de licenciement qu'après avoir été expressément autorisé à le faire par la décision du juge commissaire, quand bien même peut-il mettre en oeuvre la procédure avant le prononcé de cette décision, le licenciement ne résultant nullement de la décision du juge commissaire qui ne fixe que le nombre de salariés dont le licenciement est autorisé et les activités et catégories professionnelles concernées, mais seulement de la lettre de rupture adressée par le mandataire judiciaire ; qu'il n'en demeure pas moins que Mme O... devait recevoir notification des motifs de son licenciement préalablement à son acceptation du contrat de sécurisation professionnelle entraînant la rupture de son contrat de travail, étant précisé que la proposition d'un contrat de sécurisation professionnelle manifeste la volonté de mettre fin au contrat de travail puisque ce dispositif a été prévu pour faciliter le retour à l'emploi des salariés touchés par un licenciement économique ; qu'or, il résulte de la 'note contrat de sécurisation professionnelle' que « la société Go Plast est placée en procédure de redressement judiciaire par décision du tribunal de commerce de Niort du 3 mars 2014 ; qu'elle connaît une conjoncture économique difficile puisqu'elle fait face à une baisse des commandes et une baisse des prix moyens de vente ; que cette baisse a engendré un sureffectif de personnel obligeant l'entreprise à se restructurer et à envisager la suppression de quinze postes sur un effectif de quatre-vingt-cinq salariés » ; qu'il en résulte que Mme O... n'a pas reçu une information suffisante sur le motif de la rupture, la preuve de la réalité des difficultés économiques invoquées n'étant pas rapportée ; qu'il n'est pas établi qu'il s'agit de fluctuations normales ou non, étant précisé que la baisse des commandes et du prix moyen de ventes est insuffisante à établir la réalité des difficultés économiques ; que de plus, la lettre de licenciement du 15 mai 2014 est encore plus laconique que la 'note contrat de sécurisation professionnelle' du 5 mai 2014 puisque l'administrateur, qui par ailleurs ne vise pas l'ordonnance d'autorisation des licenciements du juge commissaire, mentionne que la société Go Plast a fait l'objet d'une décision du redressement judiciaire et que 'l'entreprise doit procéder à une réorganisation interne et réduire ses charges de structure afin d'adapter les effectifs au niveau de la production et du volume d'activité actuellement réalisé ; que la mise en place de ces mesures rend nécessaire la suppression de votre poste de travail', ce qui équivaut à une absence totale de motif économique ; que force est par ailleurs de constater que la société Go Plast fait partie d'un groupe comme le mentionne le dossier d'information et de consultation à destination de la délégation unique du personnel sur le projet de licenciement économique collectif et qu'il n'est apporté aucun élément économique pour permettre une appréciation des difficultés économiques au niveau du groupe ; qu'en conséquence, le licenciement de Mme O... se trouve dépourvu de cause réelle et sérieuse sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens concernant la saisine de la commission paritaire de l'emploi et l'ordre des licenciements ; que sur les conséquences indemnitaires : que sur l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents: il convient d'attribuer la somme de 3 512,16 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis à Mme O..., celle-ci ne l'ayant pas exécuté compte tenu de son acceptation du contrat de sécurisation professionnelle, la somme réclamée n'étant pas discutée par les appelants ; qu'il est octroyé à Mme O... la somme de 351,22 euros au titre des congés payés afférents ; que sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : compte tenu des motifs retenus par la cour pour dire le licenciement de Mme O... sans cause réelle et sérieuse, de l'âge du salarié au moment du licenciement, de son salaire de référence au moment du licenciement et de son ancienneté, la cour s'estime suffisamment informée pour limiter à la somme de 15 000 euros la réparation de son préjudice consécutif à la perte d'emploi ; ( ) ; que sur la remise des documents de fin de contrat : la Selarl Actis Mandataires Judiciaires venant aux droits de la Selarl V... C... en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société Go Plast et maître Q... en qualité d'administrateur judiciaire sont tenus de remettre à Mme O... les documents de fin de contrat rectifiés sans qu'il soit nécessaire de prononcer une astreinte ; que sur la garantie de l'Unédic AGS CGEA de Bordeaux : la présente décision est opposable à l'Unédic AGS CGEA qui devra sa garantie dans les conditions et limites légales ; Alors 1°) que la note qui est communiquée au salarié au moment de la proposition du contrat de sécurisation professionnelle et qui mentionne, après avoir précisé que l'entreprise a été placée en redressement judiciaire, qu'elle connaît des difficultés économiques dues à une baisse des commandes et une baisse des prix moyens de vente nécessitant une restructuration de l'entreprise et la suppression de postes répond aux exigences de motivation requise par les articles 1233-3 et L.1233-16 du code du travail ; qu'en l'espèce, la note contrat de sécurisation professionnelle adressée au salarié indiquait que : « la société Go Plast est placée en procédure de redressement judiciaire par décision du tribunal de commerce de Niort du 3 mars 2014 ; qu'elle connaît une conjoncture économique difficile puisqu'elle fait face à une baisse des commandes et une baisse des prix moyens de vente ; que cette baisse a engendré un sureffectif de personnel obligeant l'entreprise à se restructurer et à envisager la suppression de quinze postes sur un effectif de quatre-vingt-cinq salariés » ; que cette note qui énonçait à la fois les raisons économiques du licenciement (les difficultés économiques et la nécessité d'une restructuration) et leur incidence sur l'emploi du salarié (la suppression de quinze postes) répondait aux exigences légales de motivation et informait suffisamment la salariée ; qu'en décidant néanmoins que la salariée n'avait pas reçu une information suffisante sur le motifs de la rupture, la cour d'appel a violé les articles L.1233-3, L.1233-16, L.1233-67 et L.1235-1 du code du travail ; Alors 2°) que le juge, doit en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut à ce titre, relever un moyen d'office sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations ; que, dans ses conclusions d'appel, Mme O... ne soutenait pas, devant la cour d'appel, qu'il n'existait pas de difficultés économiques au niveau du groupe ; qu'en relevant d'office le moyen selon lequel la société Go Plast n'apportait aucun élément économique pour apprécier les difficultés au niveau du groupe, sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations sur ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile. Moyen produit au pourvoi n° G 18-20.158 par la SCP Gouz-Fitoussi, avocat aux Conseils, pour la société Go Plast, la société Go Plast Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir dit le licenciement de M. I... sans cause réelle et sérieuse, d'avoir fixé la créance de M. I... à la procédure collective de la société Go Plast à la somme de 40 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'avoir dit que la société Go Plast et Maître Q... étaient redevables envers M. I... d'un montant de 5 398,02 euros à titre d'indemnité de préavis et 539,80 euros à titre de congés payés afférents, d'avoir fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire à 2 699,01 euros bruts, d'avoir ordonné le remboursement par la société Go Plast des indemnités de chômage payées, d'avoir ordonné la remise des documents de fin de contrat rectifiés ; Aux motifs qu' il est constant que lorsque la rupture du contrat de travail résulte de l'acceptation par le salarié d'un contrat de sécurisation professionnelle, l'employeur doit en énoncer le motif économique soit dans le document écrit d'information sur le contrat de sécurisation professionnelle remis obligatoirement au salarié concerné par le projet de licenciement, soit dans la lettre qu'il est tenu d'adresser au salarié lorsque le délai de réponse expire après le délai d'envoi de la lettre de licenciement imposé par les articles L. 233-15 et L.1233-39 du code du travail ; que, lorsqu'il n'est pas possible à l'employeur d'envoyer cette lettre avant l'acceptation par le salarié de la proposition de contrat de sécurisation professionnelle, il suffit que le motif économique soit énoncé dans tout autre document écrit remis ou adressé à celui-ci au plus tard au moment de son acceptation ; que l'article L 631-17 du code de commerce dispose que lorsque des licenciements pour motif économique présentent un caractère urgent, inévitable et indispensable pendant la période d'observation, l'administrateur peut être autorisé par le juge-commissaire à procéder à ces licenciements ; que l'obligation d'information du motif économique du licenciement subsiste même lorsque le licenciement est prononcé dans le cadre de la procédure collective dont fait l'objet l'employeur ; qu'en l'espèce, il est établi que M. I... a été destinataire d'une « note contrat de sécurisation professionnelle » remise en main propre le 5 mai 2014 ; que l'ordonnance du juge commissaire autorisant le licenciement de quinze salariés dont celui de Mme I... a été rendue le 7 mai 2014 ; que M. I... lui a adhéré le 7 mai 2014 au contrat de sécurisation professionnelle a été licencié par lettre du 15 mai 2014 sans qu'elle ne vise l'ordonnance précitée du juge commissaire ; que l'administrateur ne peut prononcer de licenciement qu'après avoir été expressément autorisé à le faire par la décision du juge commissaire, quand bien même peut-il mettre en oeuvre la procédure avant le prononcé de cette décision, le licenciement ne résultant nullement de la décision du juge commissaire qui ne fixe que le nombre de salariés dont le licenciement est autorisé et les activités et catégories professionnelles concernées, mais seulement de la lettre de rupture adressée par le mandataire judiciaire ; qu'il n'en demeure pas moins que M. I... devait recevoir notification des motifs de son licenciement préalablement à son acceptation du contrat de sécurisation professionnelle entraînant la rupture de son contrat de travail, étant précisé que la proposition d'un contrat de sécurisation professionnelle manifeste la volonté de mettre fin au contrat de travail puisque ce dispositif a été prévu pour faciliter le retour à l'emploi des salariés touchés par un licenciement économique ; qu'or, il résulte de la 'note contrat de sécurisation professionnelle' que « la société Go Plast est placée en procédure de redressement judiciaire par décision du tribunal de commerce de Niort du 3 mars 2014 ; qu'elle connaît une conjoncture économique difficile puisqu'elle fait face à une baisse des commandes et une baisse des prix moyens de vente ; que cette baisse a engendré un sureffectif de personnel obligeant l'entreprise à se restructurer et à envisager la suppression de quinze postes sur un effectif de quatre-vingt-cinq salariés » ; qu'il en résulte que M. I... n'a pas reçu une information suffisante sur le motif de la rupture, la preuve de la réalité des difficultés économiques invoquées n'étant pas rapportée ; qu'il n'est pas établi qu'il s'agit de fluctuations normales ou non, étant précisé que la baisse des commandes et du prix moyen de ventes est insuffisante à établir la réalité des difficultés économiques ; que de plus, la lettre de licenciement du 15 mai 2014 est encore plus laconique que la 'note contrat de sécurisation professionnelle' du 5 mai 2014 puisque l'administrateur, qui par ailleurs ne vise pas l'ordonnance d'autorisation des licenciements du juge commissaire, mentionne que la société Go Plast a fait l'objet d'une décision du redressement judiciaire et que 'l'entreprise doit procéder à une réorganisation interne et réduire ses charges de structure afin d'adapter les effectifs au niveau de la production et du volume d'activité actuellement réalisé ; que la mise en place de ces mesures rend nécessaire la suppression de votre poste de travail', ce qui équivaut à une absence totale de motif économique ; que force est par ailleurs de constater que la société Go Plast fait partie d'un groupe comme le mentionne le dossier d'information et de consultation à destination de la délégation unique du personnel sur le projet de licenciement économique collectif et qu'il n'est apporté aucun élément économique pour permettre une appréciation des difficultés économiques au niveau du groupe ; qu'en conséquence, le licenciement de M. I... se trouve dépourvu de cause réelle et sérieuse sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens concernant la saisine de la commission paritaire de l'emploi et l'ordre des licenciements ; que sur les conséquences indemnitaires : que sur l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents: il convient d'attribuer la somme de 5 398,02 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis à M. I..., celui-ci ne l'ayant pas exécuté compte tenu de son acceptation du contrat de sécurisation professionnelle, la somme réclamée n'étant pas discutée par les appelants ; qu'il est octroyé à M. I... la somme de 539,80 euros au titre des congés payés afférents ; que sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : compte tenu des motifs retenus par la cour pour dire le licenciement de M. I... sans cause réelle et sérieuse, de l'âge du salarié au moment du licenciement, de son salaire de référence au moment du licenciement et de son ancienneté, la cour s'estime suffisamment informée pour limiter à la somme de 40 000 euros la réparation de son préjudice consécutif à la perte d'emploi ; ( ) ; que sur la remise des documents de fin de contrat : la Selarl Actis Mandataires Judiciaires venant aux droits de la Selarl V... C... en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société Go Plast et maître Q... en qualité d'administrateur judiciaire sont tenus de remettre à M. I... les documents de fin de contrat rectifiés sans qu'il soit nécessaire de prononcer une astreinte ; que sur la garantie de l'Unédic AGS CGEA de Bordeaux : la présente décision est opposable à l'Unédic AGS CGEA qui devra sa garantie dans les conditions et limites légales ; Alors 1°) que la note qui est communiquée au salarié au moment de la proposition du contrat de sécurisation professionnelle et qui mentionne, après avoir précisé que l'entreprise a été placée en redressement judiciaire, qu'elle connaît des difficultés économiques dues à une baisse des commandes et une baisse des prix moyens de vente nécessitant une restructuration de l'entreprise et la suppression de postes répond aux exigences de motivation requise par les articles 1233-3 et L.1233-16 du code du travail ; qu'en l'espèce, la note contrat de sécurisation professionnelle adressée au salarié indiquait que : « la société Go Plast est placée en procédure de redressement judiciaire par décision du tribunal de commerce de Niort du 3 mars 2014 ; qu'elle connaît une conjoncture économique difficile puisqu'elle fait face à une baisse des commandes et une baisse des prix moyens de vente ; que cette baisse a engendré un sureffectif de personnel obligeant l'entreprise à se restructurer et à envisager la suppression de quinze postes sur un effectif de quatre-vingt-cinq salariés » ; que cette note qui énonçait à la fois les raisons économiques du licenciement (les difficultés économiques et la nécessité d'une restructuration) et leur incidence sur l'emploi du salarié (la suppression de quinze postes) répondait aux exigences légales de motivation et informait suffisamment le salarié ; qu'en décidant néanmoins que le salarié n'avait pas reçu une information suffisante sur le motifs de la rupture, la cour d'appel a violé les articles L.1233-3, L.1233-16, L.1233-67 et L.1235-1 du code du travail ; Alors 2°) que le juge, doit en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut à ce titre, relever un moyen d'office sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations ; que, dans ses conclusions d'appel, M. I... ne soutenait pas devant la cour d'appel qu'il n'existait pas de difficultés économiques au niveau du groupe ; qu'en relevant d'office le moyen selon lequel la société Go Plast n'apportait aucun élément économique pour apprécier les difficultés au niveau du groupe, sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations sur ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile.
Lorsque la rupture du contrat de travail résulte de l'acceptation par le salarié d'un contrat de sécurisation professionnelle proposé par un administrateur judiciaire procédant en application de l'ordonnance du juge-commissaire autorisant des licenciements économiques, le document écrit énonçant le motif économique et porté à la connaissance du salarié au plus tard au moment de son acceptation du contrat doit comporter le visa de cette ordonnance. A défaut, la rupture est dépourvue de cause réelle et sérieuse
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N° D 19-83.339 FS-P+B+I N° V 18-82.844 N° 522 EB2 19 MAI 2020 ANNULATION SANS RENVOI M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 19 MAI 2020 ANNULATION SANS RENVOI sur les pourvois formés par M. N... M... et la société [...] contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Montpellier, en date du 29 mars 2018, qui, sur renvoi après cassation (Crim, 14 novembre 2017, pourvoi n° 17-81.688), dans l'information suivie contre eux des chefs d'infractions au code du travail et blanchiment, a prononcé sur une requête en annulation de pièces de la procédure. L'URSSAF de Midi-Pyrénées, partie civile, a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Toulouse, en date du 18 avril 2019, qui, sur saisine du juge d'instruction dans ladite information, a prononcé sur une requête en annulation de pièces de la procédure. Par ordonnance en date du 3 juillet 2019, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi formé contre l'arrêt du 18 avril 2019. Par ordonnance en date du 14 octobre 2019, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat des pourvois formés contre l'arrêt du 29 mars 2018 et a joint les pourvois. Des mémoires et des observations complémentaires ont été produits, en demande et en défense. Sur le rapport de M. Barbier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF de Midi-Pyrénées, les observations de la SCP Spinosi et Sureau, avocat de M. N... M... et la SAS [...] et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 février 2020 où étaient présents M. Soulard, président, M. Barbier, conseiller rapporteur, Mme Durin-Karsenty, M. Bonnal, Mme Ménotti, M. Maziau, Mme Labrousse, M. Seys, conseillers de la chambre, Mme de Lamarzelle, M. Violeau, conseillers référendaires, M. Lagauche, avocat général, et M. Maréville , greffier de chambre , la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. A la suite d'un contrôle réalisé le 5 septembre 2012 dans les locaux de la société [...], par des agents de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL), cette administration a adressé des rapports datés des 25 février 2013 et 2 avril 2014 au procureur de la République appelant son attention sur l'importance prise, dans cette entreprise de transport routier de marchandises, par le recours à la sous-traitance auprès de sociétés de pays d'Europe de l'Est. 3. Après que le procureur de la République eut ordonné une enquête, le président du tribunal de grande instance, saisi de sa requête, a autorisé par ordonnance en date du 13 novembre 2014, prise sur le fondement de l'article L. 8271-13 du code du travail, une perquisition au sein des locaux professionnels de la société [...], qui a été réalisée le 26 novembre 2014. 4. Une information a ensuite été ouverte auprès du juge d'instruction de Toulouse, qui, le 25 mars 2016, a mis en examen la société [...] et M. M... des chefs, notamment, de travail dissimulé, par dissimulation d'emplois salariés et d'activité, marchandage, blanchiment. 5. Sur requête en annulation des intéressés en date du 21 septembre 2016, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Toulouse a prononcé l'annulation de certaines pièces de la procédure par un arrêt du 23 février 2017. 6. Par ailleurs, le juge d'instruction avait émis trois commissions rogatoires internationales adressées en Bulgarie, Lettonie et Lituanie et datées des 1er, 3 et 11 décembre 2015, qui n'avaient pas été versées au dossier de la procédure. Ces actes et leurs pièces d'exécution, cotés D 9954 à D 10440, l'ont été le 23 août 2017. 7. Les personnes mises en examen ont formé un pourvoi contre l'arrêt du 23 février 2017, dont le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat. La chambre criminelle a cassé la décision déférée en toutes ses dispositions par arrêt du 14 novembre 2017, et renvoyé l'affaire à la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Montpellier. 8. Cet arrêt a de nouveau fait l'objet de pourvois de la part de M. M... et de la société éponyme, dont le président de la chambre criminelle n'a pas autorisé l'examen immédiat, par ordonnance du 29 juin 2018. 9. Par requête en date du 24 décembre 2018, le juge d'instruction a saisi la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Toulouse, primitivement saisie, aux fins que celle-ci statue sur la validité des cotes D 9954 à D 10440. Examen des moyens Sur les troisième, cinquième et septième moyens proposés par M. M... et la société [...] contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Montpellier du 29 mars 2018 10. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le quatrième moyen proposé par M. M... et la société [...] contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Montpellier du 29 mars 2018 Enoncé du moyen 11. Le moyen est pris de la violation des articles L. 3241-4 du code des transports, 802 et 593 du code de procédure pénale. 12. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il n'a pas prononcé la nullité du contrôle du 5 septembre 2012, alors : « 1°/ que les dispositions de l'article L. 3241-4 du code des transports, qui imposent de recueillir l'avis préalable du procureur de la République à l'occasion d'un contrôle en entreprise, et qui touchent ainsi à la compétence d'un magistrat, sont d'ordre public, de sorte qu'il est indifférent que la personne concernée puisse se prévaloir d'un grief ; que, dès lors, en énonçant, pour refuser d'annuler le contrôle en entreprise réalisé le 5 septembre 2012 sans que le procureur de la République n'en ait été préalablement avisé, que la défense n'explicitait pas en quoi cette absence d'avis préalable lui ferait grief et affecterait de nullité le contrôle opéré, la chambre de l'instruction a violé le texte susvisé ainsi que les articles 802 et 593 du code de procédure pénale ; 2°/ que la méconnaissance des dispositions de l'article L. 3241-4 du code des transports, dont la finalité est de permettre au procureur de la République de contrôler la nécessité et la proportionnalité du contrôle en entreprise, qui constitue une ingérence dans le droit au respect de la vie privée, fait nécessairement grief à la personne concernée ; que, dès lors, en se fondant sur l'absence de grief allégué par les requérants pour refuser d'annuler le contrôle en entreprise opéré le 5 septembre 2012 sans que le procureur de la République n'en ait été préalablement avisé, la chambre de l'instruction a violé le texte susvisé ainsi que les articles 802 et 593 du code de procédure pénale ; 3°/ que en affirmant, pour retenir que l'absence de l'avis préalable du procureur de la République n'était pas de nature à vicier le contrôle intervenu le 5 septembre 2012, que les opérations envisagées n'avaient pas été conduites sous le contrôle du procureur de la République, la chambre de l'instruction s'est fondée sur des motifs inopérants, la nullité dudit contrôle résultant du seul constat de l'absence d'avis préalable du procureur ; qu'elle a ainsi de nouveau violé l'article L. 3241-4 du code des transports et les articles 802 et 593 du Code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 13. Pour écarter le moyen de nullité pris de ce que les agents de la DREAL ont procédé à un contrôle au sein de la société [...] sans en avoir avisé préalablement le procureur de la République, l'arrêt attaqué énonce qu'il est exact que, contrairement aux dispositions de l'article L. 3241-4 du code des transports, le procureur de la République n'a pas été préalablement avisé des opérations envisagées, mais que l'absence de l'avis préalable n'est pas de nature à vicier le contrôle intervenu le 5 septembre 2012 dès lors que les opérations envisagées n'ont pas à être conduites sous le contrôle de ce magistrat. 14. Les juges ajoutent que ce contrôle n'est pas assimilable à une visite domiciliaire ou à une perquisition, lesquelles sont strictement encadrées, ne revêt aucun caractère coercitif et ne conduit à aucune saisie de pièces, qu'aucune disposition légale ou conventionnelle n'exige que ce contrôle en entreprise soit réalisé en présence d'un conseil ou précédé d'une autorisation délivrée par un juge, enfin que l'agent de la DREAL a avisé les dirigeants de l'entreprise de la réalisation du contrôle et de sa date, en sorte qu'ils ont été mis en mesure de se préparer. 15. En l'état de ces énonciations, et dès lors que les requérants n'établissent ni même n'allèguent l'existence d'un grief, l'arrêt n'encourt pas la censure. 16. Ainsi, le moyen doit être écarté. Sur le sixième moyen proposé par M. M... et la société [...] contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Montpellier du 29 mars 2018 Enoncé du moyen 17. Le moyen est pris de la violation de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme. 18. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il n'a pas prononcé la nullité du contrôle du 5 septembre 2012, alors : « 1°/ que constitue une ingérence dans le droit au respect de la vie privée et du domicile le fait, pour des agents publics, de pénétrer dans les locaux d'une société et de se faire remettre des pièces relatives à son activité lorsque celle-ci ne peut légalement s'y opposer ; que, dès lors, en retenant que le contrôle opéré par les agents de la DREAL le 5 septembre 2012 au sein de la société [...] sur le fondement de l'article L. 3241-3 du code des transports ne constituait pas une ingérence dans le droit de cette société au respect de son domicile, la chambre de l'instruction a méconnu le sens et la portée de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ; 2°/ que en énonçant, pour retenir que le contrôle diligenté par les agents de la DREAL au sein de la société [...] sur le fondement de l'article L. 3241-3 du code des transports ne caractérisait pas une ingérence dans le droit de cette société au respect de son domicile, qu'il ne revêtait aucun caractère coercitif et ne conduisait à aucune saisie de pièces, lorsqu'elle constatait que l'obstruction à un tel contrôle était pénalement réprimée (arrêt, p. 7, § 3), la chambre de l'instruction n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a méconnu de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ; 3°/ que toute ingérence dans le droit au respect de la vie privée et du domicile doit être nécessaire et proportionnée ; que tel n'est le cas que si elle est entourée de garanties adéquates contre les abus ; que, dès lors, en retenant que le contrôle opéré au sein de la société [...] était proportionné à l'objectif recherché, lorsque cette mesure n'avait fait l'objet d'aucun contrôle judiciaire, les agents de la DREAL ayant agi sans autorisation d'un juge et sans en avoir préalablement averti le procureur de la République comme l'exige pourtant l'article L. 3241-4 du code des transports, et que son exécution n'avait pu être contrôlée par la défense, faute pour celle-ci d'avoir pu être assistée d'un d'avocat et d'avoir été informée des motifs réels du contrôle qui, bien qu'opéré sur le fondement de l'article L. 3241-3 du code des transports, visait en réalité à rechercher des infractions à la législation du travail, la chambre de l'instruction a méconnu l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ; 4°/ que en énonçant, pour retenir que le contrôle litigieux était proportionné à l'objectif recherché, que les missions de la DREAL sont conduites sous l'autorité du ministre chargé des transports et qu'elles s'inscrivent dans le cadre de la vérification d'une mise en concurrence équilibrée et loyale, lorsque, d'une part, ni la nécessité ni la proportionnalité du contrôle opéré n'a été vérifiée par ce ministre, et que, d'autre part, son caractère proportionné ne pouvait être déduit de la seule légitimité du but recherché, la chambre de l'instruction a méconnu l'article 8 de la Convention européenne.» Réponse de la Cour 19. Pour écarter le moyen de nullité pris de ce que le contrôle a contrevenu au droit de la société [...] à la protection de son domicile, l'arrêt relève que ledit contrôle en entreprise tel que fixé par l'article L. 3241-3 du code des transports est proportionné à l'objectif recherché, les missions de la DREAL conduites sous l'autorité du ministre chargé des transports s'inscrivant dans le cadre de la vérification d'une mise en concurrence équilibrée et loyale, et que les conditions dans lesquelles est intervenu l'opération ne caractérisent donc pas une ingérence dans le droit de la société au respect de son domicile. 20. En prononçant ainsi, et dès lors que les dispositions des articles L. 1451-1, L. 3241-3 et L. 3241-4 du code des transports, qui autorisent les fonctionnaires ou agents de l'Etat chargés du contrôle des transports terrestres à accéder aux locaux de l'entreprise, à l'exception des locaux d'habitation, entre 8 heures et 20 heures, répondent, sans disproportion, à l'objectif d'établir une concurrence libre et non faussée, en assurant des garanties suffisantes aux parties, et ne méconnaissent pas les dispositions de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, la chambre de l'instruction a justifié sa décision. 21. Dès lors, le moyen ne saurait être admis. Sur le premier moyen proposé par M. M... et la société [...] contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Montpellier du 29 mars 2018 Enoncé du moyen 22. Le moyen est pris de la violation des articles 174 et 609-1 du code de procédure pénale. 23. Le moyen critique l'arrêt attaqué "en ce qu'il a prononcé sur le dossier de la procédure arrêtée à la cote D 10 450, alors que la chambre de l'instruction statuant sur renvoi après cassation ne peut se prononcer que sur la régularité des actes qui figuraient au dossier de la procédure soumis à la chambre de l'instruction primitivement saisie ; qu'en l'espèce, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Montpellier, statuant sur renvoi après cassation d'un arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Toulouse, s'est prononcé sur le dossier de la procédure arrêtée à la cote D10450, c'est-à-dire dans l'état d'avancement où il se trouvait au jour de sa saisine ; qu'en statuant ainsi sur la régularité d'actes qui ne figuraient pas au dossier soumis à la chambre de l'instruction initialement saisie, la chambre de l'instruction a méconnu les articles 174 et 609-1 du code de procédure pénale et a excédé ses pouvoirs." Réponse de la Cour 24. Aux termes de l'article 609-1, alinéa 2, du code de procédure pénale, lorsque la Cour de cassation annule un arrêt de chambre de l'instruction statuant en matière de nullité, la compétence de la chambre de l'instruction de renvoi est limitée, sauf s'il en est décidé autrement, à la solution du contentieux qui a motivé sa saisine. 25. En application de l'article 174, alinéa 2, du même code, il appartient à la chambre de l'instruction qui annule une pièce de procédure d'annuler également, au besoin d'office, ceux des actes postérieurs dont cette pièce est le support exclusif et nécessaire. 26. Il résulte de ces deux textes que la chambre de l'instruction de renvoi qui, prononçant sur la requête en nullité initialement soumise à la juridiction primitivement saisie, annule une pièce de procédure, doit procéder également aux annulations de conséquence qui s'imposent, peu important que les pièces concernées n'aient pas été, le cas échéant, versées au dossier soumis à la précédente juridiction. 27. Il lui appartient en effet d'examiner le dossier dans l'état où il est mis à disposition des avocats des parties en application des dispositions de l'article 197, alinéa 3, du code de procédure pénale. 28. Cet examen par la chambre de l'instruction de renvoi ne prive pas les parties, le témoin assisté ou le juge d'instruction du droit de soulever la nullité d'actes viciés en eux-même devant la chambre de l'instruction primitivement saisie dans le cadre d'une autre requête en nullité régulièrement déposée dans les conditions prévues par l'article 173 du code de procédure pénale. 29. Après avoir constaté, dans les motifs de l'arrêt, l'irrégularité d'une ordonnance autorisant des perquisitions, et ordonné l'annulation par voie de conséquence ou la cancellation de diverses pièces jusqu'à la cote D 9225, la chambre de l'instruction a précisé, dans le dispositif de sa décision, avoir « vu le dossier de la procédure arrêtée à la cote D 10450 ». 30. Il résulte de ce qui précède que la chambre de l'instruction a examiné, comme elle le devait sous le seul angle des nullités de conséquence, et sans excéder l'étendue de sa saisine, le dossier de la procédure dans l'état où il se trouvait devant elle. 31. En conséquence, le moyen ne saurait être accueilli. Sur le deuxième moyen proposé par M. M... et la société [...] contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Montpellier du 29 mars 2018 Enoncé du moyen 32. Le moyen est pris de la violation de l'article 174 du code de procédure pénale. 33. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il s'est abstenu de prononcer l'annulation des cotes D 9954 à D 10440, alors «que qu'à supposer que la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Montpellier, bien que statuant sur renvoi après cassation, était saisie du dossier jusqu'à la côte D 10 440, elle a méconnu les dispositions de l'article 174 du code de procédure pénale en s'abstenant de prononcer l'annulation des côtes D9954 à D10440 correspondant aux commissions rogatoires internationales adressées en Bulgarie, Lettonie et Lituanie, dès lors que ces pièces trouvaient leur support nécessaire dans les perquisitions et saisies annulées du 26 novembre 2014, ainsi que l'a jugé, sur requête du magistrat instructeur, la chambre de l'instruction de Toulouse dans son arrêt du 18 avril 2018 qui fait l'objet d'un pourvoi connexe (n°D1983339), après avoir constaté à juste titre que ces commissions rogatoires internationales « n'auraient jamais été mises en oeuvre sans autres vérifications préalables sur la seule base des éléments figurant encore au dossier en tant que pièces non annulées, qui se limitaient pour l'essentiel à un rapport de la DREAL établi au titre de l'article 40 du code de procédure pénale, et donc à une enquête non judiciaire » (arrêt, p. 5). » Réponse de la Cour 34. Les demandeurs ne sauraient reprocher à la chambre de l'instruction d'avoir procédé à des annulations et cancellations jusqu'à la seule cote D 9225, dès lors que la Cour de cassation est en mesure de s'assurer, par l'examen des pièces de la procédure, que les pièces cotées D 9954 à D 10440 ne trouvent pas un fondement exclusif et nécessaire dans les pièces annulées par ladite juridiction. 35. Le moyen ne peut qu'être rejeté. Sur le moyen relevé d'office contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Toulouse du 18 avril 2019, ce moyen ayant été évoqué au rapport Vu les articles 174, alinéa 2, et 609-1, alinéa 2, du code de procédure pénale : 36. Il résulte de ces deux textes combinés qu'après que la juridiction de renvoi a annulé les pièces de procédure selon ce que commande la solution du litige dont elle est saisie, la chambre de l'instruction primitivement saisie ne peut, à l'occasion de l'examen d'une nouvelle requête en nullité, prononcer sans excéder ses pouvoirs l'annulation de pièces au motif qu'elles trouveraient leur fondement exclusif et nécessaire dans des pièces annulées par la cour de renvoi. 37. Elle a en revanche le pouvoir soit d'annuler des actes viciés en eux-mêmes, quand bien même les pièces concernées auraient été, le cas échéant, versées au dossier soumis à la juridiction de renvoi, lorsque les lesdites nullités sont étrangères à la solution du contentieux dont la juridiction de renvoi était saisie, soit de prononcer la nullité de pièces qui n'avaient pas encore été versées au dossier de cette juridiction de renvoi, mais ont les actes initialement annulés par celle-ci comme fondement nécessaires et exclusif. 38. Saisie de la requête du juge d'instruction aux fins que celle-ci statue sur la validité des cotes D 9954 à D 10440, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Toulouse retient que les commissions rogatoires internationales et leurs pièces d'exécution ont pour support nécessaire des pièces annulées par la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Montpellier. 39. En faisant droit à la requête du juge d'instruction tendant à voir étendre par voie de conséquence aux pièces cotées D 9954 à D 10440, l'annulation des actes et pièces prononcée par l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Montpellier du 29 mars 2018 statuant sur renvoi après cassation, la chambre de l'instruction a excédé ses pouvoirs. 40. Il en résulte que l'arrêt devra être annulé sans qu'il y ait lieu d'examiner les moyens de cassation proposés par l'URSSAF de Midi-Pyrénées. 41. N'impliquant pas qu'il soit à nouveau statué sur le fond, la cassation aura lieu sans renvoi, ainsi que le permet l'article L.411-3 du code de l'organisation judiciaire. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE les pourvois contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de Montpellier du 29 mars 2018 ; ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Toulouse, en date du 18 avril 2019 ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur le registre du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Toulouse et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix-neuf mai deux mille vingt.
Aux termes de l'article 609-1, alinéa 2, du code de procédure pénale, lorsque la Cour de cassation annule un arrêt de chambre de l'instruction statuant en matière de nullité, la compétence de la chambre de l'instruction de renvoi est limitée, sauf s'il en est décidé autrement, à la solution du contentieux qui a motivé sa saisine. En application de l'article 174, alinéa 2, du même code, il appartient à la chambre de l'instruction qui annule une pièce de procédure d'annuler également, au besoin d'office, ceux des actes postérieurs dont cette pièce est le support exclusif et nécessaire. Il résulte de ces deux textes que la chambre de l'instruction de renvoi qui, prononçant sur la requête en nullité initialement soumise à la juridiction primitivement saisie, annule une pièce de procédure, doit procéder également aux annulations de conséquence qui s'imposent, peu important que les pièces concernées n'aient pas été, le cas échéant, versées au dossier soumis à la précédente juridiction. Il lui appartient en effet d'examiner le dossier dans l'état où il est mis à disposition des avocats des parties en application des dispositions de l'article 197, alinéa 3, du code de procédure pénale. Cet examen par la chambre de l'instruction de renvoi ne prive pas les parties, le témoin assisté ou le juge d'instruction du droit de soulever la nullité d'actes viciés en eux-même devant la chambre de l'instruction primitivement saisie dans le cadre d'une autre requête en nullité régulièrement déposée dans les conditions prévues par l'article 173 du code de procédure pénale
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CIV. 1 FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 20 mai 2020 Cassation Mme BATUT, président Arrêt n° 315 FS-P+B Pourvoi n° P 19-12.278 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 20 MAI 2020 L'Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie, dont le siège est [...], a formé le pourvoi n° P 19-12.278 contre l'arrêt rendu le 13 décembre 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 2, chambre 2), dans le litige l'opposant à la société Kronenbourg, société par actions simplifiée, dont le siège est [...], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Duval-Arnould, conseiller, les observations de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de l'Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Kronenbourg, et l'avis de M. Chaumont, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 mars 2020 où étaient présents Mme Batut, président, Mme Duval-Arnould, conseiller rapporteur, Mme Kamara, conseiller doyen, M. Girardet, Mme Teiller, MM. Avel, Mornet, Chevalier, Mme Kerner-Menay, conseillers, Mme Canas, M. Vitse, Mmes Dazzan, Le Gall, Kloda, M. Serrier, Mmes Champ, Comte, Robin-Raschel, conseillers référendaires, M. Chaumont, avocat général, et Mme Randouin, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 13 décembre 2018), l'Association nationale de prévention en alcoologie et en addictologie (l'ANPAA), reconnue d'utilité publique, a, par acte du 6 octobre 2015, assigné la société Kronenbourg (la société) afin que soit déclarée illicite la diffusion de deux films intitulés « La légende du Phoenix » et « Les territoires d'une légende », d'un jeu dénommé « Le jeu des territoires » et de publicités comportant le slogan « L'intensité d'une légende » et que soit ordonné leur retrait du site français http://www.grimbergen.fr. Elle a sollicité, en outre, l'allocation de dommages-intérêts. Examen du moyen Sur le moyen unique, pris en sa quatrième branche Enoncé du moyen 2. L'ANPAA fait grief à l'arrêt de rejeter l'ensemble de ses demandes, alors « que la loi indique explicitement les limites auxquelles est soumise la publicité pour les boissons alcooliques pour être licite ; que les indications figurant à l'intérieur de ces limites sont toutes informatives et objectives ; qu'il en est ainsi de l'indication du degré volumique d'alcool, de l'origine, de la dénomination, de la composition du produit, du nom et de l'adresse du fabricant, des agents et des dépositaires ainsi que du mode d'élaboration, des modalités de vente et du mode de consommation du produit, comme aussi, possiblement, des références relatives aux terroirs de production et aux distinctions obtenues, aux appellations d'origine ou aux indications géographiques ainsi qu'aux références objectives relatives à la couleur et aux caractéristiques olfactives et gustatives du produit ; que, pour exclure que l'exigence d'objectivité des indications énumérées par la loi soit générale, comme condition de licéité de la publicité pour les boissons alcooliques, la cour a retenu que « les mentions ne doivent être purement objectives que lorsqu'elles sont relatives à la couleur, aux caractéristiques olfactives et gustatives du produit, ce qui laisse la place à l'imagination des concepteurs des messages publicitaires lorsque la communication porte sur d'autres éléments de communication, tels que l'origine, la dénomination ou la composition du produit » ; que, cependant, en indiquant que les références à la couleur et aux caractéristiques olfactives et gustatives du produit devaient être « objectives », la loi n'a nullement introduit une distinction entre ces références, qui devraient être objectives, et les autres indications ou références qui pourraient ne pas l'être ; qu'elle n'a fait que souligner la nécessité, pour ces références olfactives et gustatives, d'être elles-mêmes objectives, comme les autres, parce qu'elles étaient plus exposées à ne pas l'être ; qu'en se déterminant dès lors comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article L. 3323-4 du code de la santé publique. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 3323-2 et L. 3323-4 du code de la santé publique : 3. Selon le premier de ces textes, la propagande ou la publicité, directe ou indirecte, en faveur des boissons alcooliques dont la fabrication et la vente ne sont pas interdites, sont autorisées sur les services de communications en ligne à l'exclusion de ceux qui, par leur caractère, leur présentation ou leur objet, apparaissent comme principalement destinés à la jeunesse, ainsi que ceux édités par des associations, sociétés et fédérations sportives ou des ligues professionnelles au sens du code du sport, sous réserve que la propagande ou la publicité ne soit ni intrusive ni interstitielle. 4. En application du second, la publicité autorisée pour les boissons alcooliques est limitée à l'indication du degré volumique d'alcool, de l'origine, de la dénomination, de la composition du produit, du nom et de l'adresse du fabricant, des agents et des dépositaires ainsi que du mode d'élaboration, des modalités de vente et du mode de consommation du produit. Cette publicité peut comporter des références relatives aux terroirs de production, aux distinctions obtenues, aux appellations d'origine telles que définies à l'article L. 115-1 du code de la consommation ou aux indications géographiques telles que définies dans les conventions et traités internationaux régulièrement ratifiés. Elle peut également comporter des références objectives relatives à la couleur et aux caractéristiques olfactives et gustatives du produit. 5. Il en résulte que, si la publicité pour les boissons alcooliques est licite, elle demeure limitée aux seules indications et références spécifiées à l'article L. 3323-4 précité, et présente un caractère objectif et informatif (1re Civ., 1er juillet 2015, pourvoi n° 14-17.368, Bull. 2015, I, n° 166), lequel ne concerne donc pas seulement les références relatives à la couleur et aux caractéristiques olfactives et gustatives du produit. 6. Pour rejeter les demandes de l'ANPAA, l'arrêt retient que les mentions ne doivent être purement objectives que lorsqu'elles sont relatives à la couleur, aux caractéristiques olfactives et gustatives du produit, ce qui laisse la place à l'imagination des concepteurs des messages publicitaires lorsque la communication porte sur d'autres éléments, tels que l'origine, la dénomination ou la composition du produit. Il ajoute, lors de l'examen du contenu des films et du jeu litigieux, que la communication sur les origines et la composition du produit n'a nullement à être objective et peut parfaitement être hyperbolique. 7. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 décembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ; Condamne la société Kronenbourg aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Kronenbourg et la condamne à payer à l'Association nationale de prévention en alcoologie et en addictologie la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt mai deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP L. Poulet-Odent, avocat aux Conseils, pour l'Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie Le pourvoi fait grief à l'arrêt informatif attaqué d'AVOIR débouté l'Association Nationale de Prévention en Alcoologie et en Addictologie de ses demandes, AUX MOTIFS QU'il ressort des articles L. 3323-2 et L. 3323-4 du code de la santé publique que la publicité, lorsqu'elle est faite en faveur des boissons alcooliques, est autorisées sous les conditions énoncées ci-dessus ; que la publicité se définissant comme toute forme de communication faite dans le cadre d'une activité commerciale industrielle, artisanale ou libérale dans le but de promouvoir la fourniture de biens ou services, il ne saurait être retenu que la publicité pour l'alcool est illicite au seul motif qu'elle serait attractive ou qu'elle inciterait à l'achat ou à la consommation de boissons alcoolisées, seule l'incitation à une consommation excessive contrevenant à l'objectif de santé publique de lutte contre l'alcoolisme défini par le législateur ; que, s'agissant du contenu du message publicitaire qui, par nature, ne saurait être purement informatif, le texte sus-mentionné, dont il convient de rappeler qu'il constitue une incrimination pénale, n'autorise que l'indication du degré volumique d'alcool, de l'origine, de la dénomination, de la composition du produit, du nom et de l'adresse du fabricant, des agents et des dépositaires ainsi que du mode d'élaboration, des modalités de vente et du mode de consommation du produit, ainsi que des références relative aux terroirs de production et aux distinctions obtenues, aux appellations d'origine ou aux indications géographiques ainsi que des références objectives relatives à la couleur et aux caractéristiques olfactives et gustatives du produit ; qu'il s'ensuit que les mentions ne doivent être purement objectives que lorsqu'elles sont relatives à la couleur, aux caractéristiques olfactives et gustatives du produit, ce qui laisse la place à l'imagination des concepteurs des messages publicitaires lorsque la communication porte sur d'autres éléments de communication, tels que l'origine, la dénomination ou la composition du produit, ainsi que le relève l'appelante ; qu'enfin, l'ouverture des services de communications en ligne à la publicité pour les boissons alcoolisées autorise le recours à toutes les formes de communication possibles sur ce média, à l'exclusion des publicités intrusives ou interstitielles, dès lors que seul le contenu du message est réglementé, ce qui, au surplus, impose qu'il soit construit autour des éléments de communication autorisés ; que l'ANPAA ne peut pas limiter son analyse à des membres de phrases, dont l'un est qualifié de slogan, isolés du texte et du contenu visuel qui leur donnent sens ; qu'elle ne peut pas plus critiquer le fait qu'il s'agisse d'une oeuvre de création et non d'une information objective ; que le film La légen de du phoenix est décrit comme suit, au procès-verbal de constat dressé le 17 septembre 2015 à la demande de l'ANPAA : « Est alors présenté un film d'animation musicale d'une durée de 1,22 mm en sept épisodes à partager sur Facebook avec accès à tweeter et des bonus siglés sous le signe + permettant de découvrir des secrets à travers les civilisations perse, grecque et romaine. Il est fait un parallèle avec l'histoire de l'abbaye de Grimbergen depuis son incendie en 1128, sa destruction en 1566, son démantèlement en 1798 (...). Au fur et à mesure que le film se déroule, sept épisodes sont accessibles en cliquant sur le menu apparaissant. Le texte complet est le suivant : "Le Phoenix a marqué les civilisations à travers les âges" apparition menu épisode I LES PERSES, "les Perses contaient sa longévité légendaire" apparition menu épisode 2 LES GRECS "les Grecs vénéraient sa régénération mythique" apparition menu épisode 3 LES ROMAINS "les romains puisaient dans ses forces infinies" apparition menu épisode 4 1142 "les hommes épris de liberté voyaient en lui la promesse d'une nouvelle vie. Fondée en 1128, l'abbaye de Grimbergen fut ravagée dans un terrible incendie en 1142, puis détruite en 1566". Apparition menu épisode 5 1566 "lors des guerres de religion" et apparition épisode 6 1798 "démantelée en 1798 A chaque destruction elle fut rebâtie. Le Phoenix devint son emblème et lui inspira sa devise « Ardet nec consumitur » (elle brûle mais ne se consume pas) "apparition menu épisode 7+ La bière "Une bière au caractère unique est née de cette abbaye et de son histoire légendaire". Episode 1 LES PERSES. Apparaît après l'introduction un menu épisode 1 intitulé "Les Perses" apparaît, je clique dessus, on accède à un nouveau film d'animation musicale présentant le Phoenix survolant des paysages symbolisant la civilisation perse avec le message vocal suivant : "les Perses croyaient en l'existence d'un oiseau capable de renaître toujours plus fort. Le Phoenix leur donnait l'espoir que chaque jour pouvait être meilleur "Un bandeau indique « Félicitations vous avez découvert 1/7 secret du Phoenix. Épisode 2 LES GRECS Je clique sur "reprendre le film" retournant ainsi sur le film initial la légende du phoenix apparaît alors un menu Episode 2 intitulé "Les Grecs" je clique dessus j'accède à un nouveau film d'animation musicale avec le message vocal suivant : "Pour les Grecs, Seul le Phoenix pouvait vaincre le temps. Selon eux il apportait la renaissance matérielle et spirituelle à qui l'honorait de sa croyance" Un bandeau indique "Félicitations. Vous avez découvert 1/7 secrets du Phoenix" ; que le constat se poursuit par la description des cinq autres épisodes ouverts et fermés ainsi qu'il est indiqué ci-dessus et dont les messages vocaux sont les suivants : - Chez les romains le Phoenix symbolisait les cycles de mort et de résurrection. Il protégeait ainsi les hommes à chaque étape de leur vie (épisode 3) ; - La Guerre de Grimbergen opposant les seigneurs à leur suzerain dura presque 20 ans et s'acheva par la destruction de l'abbaye dans un terrible incendie (épisode 4) ; - Au fil des siècles le calme revint à Grimbergen et l'abbaye fut reconstruite, mais les guerres de religion mirent fin à cette période de prospérité (épisode 5) ; - l'abbaye de Grimbergen fut restaurée et agrandie mais quand les domaines religieux devinrent biens nationaux, les pères durent quitter leur abbaye qui fut démantelée (épisode 6), - la recette de la bière a su elle aussi résister au fil des siècles pour faire ressurgir aujourd'hui encore les saveurs inattendues que l'on découvre à chaque dégustation (épisode 7) ; qu'il convient d'ajouter que ce message prend la forme d'un récit narratif commentant le film dont les premières images consistent en l'ouverture d'un manuscrit enluminé à l'emblème de la brasserie, dont s'envole le phoenix qui va survoler des animations en ombres chinoises évocatrices des civilisations perse, grecque et romaine, les constructions et destructions successives de l'abbaye et la fabrication de la bière ; que ce livre ouvert apparaît lorsque le narrateur évoque la première destruction de l'abbaye, puis le choix de son emblème et il est refermé à la fin du film ; considérant qu'il en ressort que la société Kronenbourg communique, ainsi que le conclut le texte accompagnant son film publicitaire (une bière au caractère unique est née de cette abbaye et de son histoire légendaire), sur l'origine de ses produits, au travers de l'abbaye de Grimbergen dont la devise et l'emblème, le phoenix, sont des éléments distinctifs de sa marque figurant sur son produit sans que l'ANPAA en conteste la légalité ; qu'en effet, l'origine du produit peut être historique ou géographique et ne peut pas être limitée à son territoire actuel de production ; que, contrairement aux allégations de l'ANPAA, l'appelante justifie non seulement des liens historiques de son produit avec l'abbaye Grimbergen, mais également de ses liens actuels, le Père K... N... de l'Abbaye de Grimbergen (pièce 12 de l'appelante) attestant le 18 octobre 2018, qu'une licence de brasseur a été accordée par l'abbaye à la famille X... en 1958, de la transmission de celle-ci, de l'implication des Pères de l'abbaye dans le développement et l'approbation des recettes des bières Grimbergen, et que la bière est brassée conformément aux anciennes recettes de l'abbaye de Grimbergen et sous la supervision de l'abbaye ; que dès lors, le film de la société Kronenbourg ne peut encourir de critique lorsqu'il décrit l'histoire de l'Abbaye de Grimbergen et vient expliciter le choix qu'elle a fait de son emblème et de sa devise, du fait de ses renaissances successives après de multiples destructions ; que le choix de recourir à un récit narratif évoquant, en premier lieu, ce qu'a été, à travers les âges, le phoenix, emblème de la marque et dont la société Kronenbourg peut faire usage dans sa communication, n'altère nullement le fait que le contenu du message porte sur l'origine du produit ; que, contrairement aux allégations de l'ANPAA, le message publicitaire rappelé ci-dessus lorsqu'il évoque le phoenix à travers les âges ne fait référence qu'aux croyances liées à cet animal mythique sans parer la bière Grimbergen des vertus supposées attribuées au Phoenix et rendues ainsi accessibles à celui qui consommera cette bière ni laisser croire que cette boisson alcoolisée est dotée de propriétés thérapeutiques ou améliorant les performances physiques ou psychiques ou intellectuelles en laissant espérer une renaissance matérielle ou spirituelle ; que d'ailleurs, le septième épisode de ce film (intitulé la bière) associe cette notion de renaissance non aux propriétés du produit mais à sa recette qui a su résister au fil des siècles ; que l'ANPAA se contente d'évoquer la notion de message subliminal, c'est à dire conçu pour être perçu à un niveau au-dessous du niveau de conscience, sans développer la moindre argumentation tendant à caractériser l'existence d'un tel message ; qu'enfin, la conclusion de ce message publicitaire : une bière au caractère unique est née de cette abbaye et de son histoire légendaire, qualifiée de slogan, met en avant la spécificité des origines du produit, étant rappelé que la communication sur les origines n'a nullement à être objective et peut parfaitement être hyperbolique ; que la cour ne peut retenir, en l'absence de démonstration pertinente en ce sens, que la formule employée, qui plus est extraite de son contexte, viendrait valoriser la consommation de cette boisson en la présentant comme un mode de vie élitiste lié aux pouvoirs extraordinaires du phoenix ou que cette publicité présente la consommation d'alcool comme une aide pour surmonter la normalité et ses problèmes ; que dès lors, l'ANPAA échoue dans la preuve qui lui incombe de l'illégalité de ce film publicitaire, La légende du phoenix ; que, l'huissier instrumentaire décrit comme suit, le film publicitaire dénommé sur le site Grimbergen - Le film et intitulé par les parties les territoires d'une légende : Ce film d'animation de 57 secondes s'ouvre sur un blason au nom de Grimbergen sur lequel un rapace pose lourdement sa patte. Apparaît en gros plan l'oeil de cet oiseau qui s'envole ait-dessus d 'une carte représentant des territoires. Au fur et à mesure de l'envol de cet oiseau, les décors se construisent les uns à la suite des autres, sous forme de paysage ou de monuments, pour présenter quatre verres de bière de couleurs différentes (rouge, brune, blanche, jaune) portant le blason de Grimbergen agrémenté du phoenix jaune, chacun dans un décor particulier. Un territoire survolé porte le nom de "la cascade blanche". Le film se termine par la sortie de terre de cette abbaye, dans lequel vol un phoenix qui se pose en criant et en déployant ses ailes au pied d'un verre de bière au nom de Grimbergen. La scène finale présente quatre bouteilles de bière blanche, rouge, blonde et ambrée avec un verre empli de bière. Sur le côté apparaissent une bougie et de vieux manuscrits ainsi qu'un appareil astronomique et il est proposé de "tester la bière Grimbergen" ; qu'il convient, au préalable, de relever que l'huissier instrumentaire est peu disert dans sa description, et que la consultation du cd-rom annexé à son procès-verbal permet de constater d'une part, que ce qu'il qualifie dans un premier temps de rapace est l'une représentation traditionnelle du phoenix soit un héron pourpré (la pièce 35 de l'intimée) oiseau pourvu de serres, l'éclat doré lorsqu'une serre vient frapper le blason, puis ce même éclat autour de l'oeil excluant toute confusion entre un rapace et cet animal mythique, emblème de la marque Grimbergen qui se rattache à ses origines et qui s'envole dès la quatrième seconde du film ; que, de même, la description du dernier plan est incomplète, celui-ci, ainsi qu'il ressort de l'arrière-plan et des éléments de décors non cités (fenêtres, rayonnage de livres, plumes et instruments d'écriture), évoque la bibliothèque d'une abbaye, monument qui figure au plan précédent ; qu'il renvoie donc à la contribution monastique dans la conception du produit ; que l'abbaye représentée de manière stylisée dans ce film (sur la carte des territoires puis dans les derniers plans) est, sans contestation possible, celle de l'abbaye Grimbergen ainsi que la cour peut s'en convaincre à l'examen des photographies de l'édifice reproduites dans les conclusions de l'appelante ; que les autres éléments ne sont critiqués par l'ANPAA (la carte représentant les territoires, les décors sous forme de paysage ou monuments, un territoire survolé portant le nom de la cascade blanche) que pour en conclure que le film n'a d'autre objectif que d'inciter le consommateur à croire aux vertus légendaires de la bière Grimbergen en s 'inspirant de la série à succès Game of Thrones ; qu'en conclusion, force est de constater que le film, s'ouvre sur le blason de la marque et l'un de ses éléments distinctifs, le phoenix, suit le vol de celui-ci au-dessus d'une maquette en mouvement sur laquelle figure l'abbaye de Grimbergen, puis des décors et paysages qui se construisent les uns à la suite des autres, autour de certains des ingrédients entrant dans la composition ou venant parfumer les différentes bières ; qu'il ne développe son message qu'autour d'éléments licites : les origines et la composition du produit pour lesquelles aucune objectivité n'est requise ; qu'enfin, l'allégation d'une inspiration tirée du générique d'une série télévisée célèbre, que l'ANPAA n'établit pas, faute d'apporter aux débats des éléments de comparaison, n'est pas, à la supposer prouvée, illicite dès lors que le message publicitaire se rapporte à des contenus autorisés par la loi, qu'il n'incite pas l'internaute à une consommation excessive et qu'il ne s'adresse pas aux mineurs, l'accès au site leur étant refusé ; que le constat du 17 septembre 2015, se poursuit par l'évocation de la vidéo Le jeu des territoires ; qu'il est reproduit une impression d'écran de la carte ouvrant ce message intitulé Grimbergen - les territoires d'une légende sur laquelle figure, entourant l'abbaye du phoenix surmontée de la silhouette de l'abbaye de Grimbergen et du phoenix, son emblème plusieurs "territoires", dont La cascade blanche et La crête enneigée ; que l'huissier écrit je clique sur la Cascade blanche, un bandeau annonce apparaît : comment jouer ? Cliquer sur un maximum de fleurs dans le temps imparti. Je clique sur je joue. Le décor : plusieurs cascades et un verre de bière au milieu de l'écran. Des fleurs apparaissent au fur et â mesure et disparaissent lorsque (je) clique dessus. Un score de points acquis apparaît et on me propose de retenter ma chance pour améliorer mon score. On me propose de m'inscrire pour sauvegarder mon score. Je reviens ensuite sur la carte, je clique sur la "crête enneigée" Apparaît un fond montagneux et au milieu un verre de bière Grimbergen. On me propose d'appuyer le plus vite possible sur la barre espace pour tenter de retire le calice du rocher, Je clique sur "Je joue" et utilise ma barre d 'espacement pour faire monter le verre de bière. On me précise qu'il me reste deux essais que je peux publier sur mon mur Facebook ou découvrir le site Grimbergen ; que les autres décors du jeu ne sont pas décrits au constat d'huissier, mais qu'il ressort des conclusions de l'ANPAA qu'ils s'organisent tous sur un arrière-fond permettant de découvrir, reconstruire des verres de bière ou reconstituer des paires identiques de verres, de bouteilles ou de packs de bières ; que l'ANPAA qui supporte la charge de la preuve de l'illicéité du message, n'apporte aux débats aucun élément permettant de démentir les affirmations de la société Kronenbourg quant à la référence dans les arrières fonds à l'origine, la composition des bières de la gamme Grimbergen ou à leur couleur ou à leur goût ; qu'ainsi qu'il est dit ci-dessus, la forme de la communication en ligne n'est pas réglementée au-delà de certaines formes (publicité intrusive ou interstitielle) et dès lors, il ne peut être fait grief à la société Kronenbourg du caractère ludique de cette communication qui permet seulement au consommateur d'accumuler des points, sans d'autre objectif d'obtenir un ou le meilleur score ; qu'il s'ensuit qu'en l'absence de démonstration de référence subjective aux couleurs ou aux caractéristiques gustatives ou olfactives du produit et dès lors qu'il ne constitue pas une incitation à une consommation excessive d'alcool, le jeu incriminé n'est pas illégal, le fait que la société Kronenbourg ait dénommé ses territoires (la cascade blanche, le plateau de Kriek, c'est-à-dire de bière, la réserve de Grimbergen etc.) n'étant pas suffisant pour constituer l'incitation illicite à la consommation qu'y voit l'ANPAA ; qu'il ressort de ce qui précède que L'ANPAA échoue dans la preuve qui lui incombe du caractère illicite des messages publicitaires qu'elle incrimine, la décision déférée devant être infirmée en ce qu'elle interdit leur usage et en ordonne le retrait ; que l'ANPAA doit également être déboutée de sa demande de voir étendre l'interdiction du slogan l'intensité d'une légende à la presse écrite ; que l'infirmation de la décision dans ses dispositions susmentionnées exclut que l'ANPAA puisse prétendre obtenir des dommages et intérêts du fait de la diffusion des messages incriminés, la décision devant être confirmée en ce qu'elle déboute l'ANPAA de sa demande indemnitaire ; 1° ALORS QUE l'alcoolisme étant la deuxième cause de mortalité évitable en France et ayant un coût social extrêmement élevé, les pouvoirs publics utilisent différents moyens de le combattre, notamment des restrictions légales apportées à la publicité des boissons alcooliques ; que la publicité autorisée pour ces boissons est « limitée à » l'indication du degré volumique d'alcool, de l'origine, de la dénomination, de la composition du produit, du nom et de l'adresse du fabricant, des agents et des dépositaires ainsi que du mode d'élaboration, des modalités de vente et du mode de consommation du produit, encore qu'elle puisse comporter des références relatives aux terroirs de production, aux distinctions obtenues, aux appellations d'origine ou aux indications géographiques, ainsi que des références objectives relatives à la couleur et aux caractéristiques olfactives et gustatives du produit ; qu'ainsi, si la publicité des boissons alcooliques entre dans le genre des formes de communication promotionnelle de biens ou services, elle y est néanmoins soumise à de strictes limitations, déterminées par sa spécificité, pour des raisons de santé publique, comme la publicité pour les armes, en sa propre espèce, est strictement limitée pour des raisons de sécurité publique ; que la publicité pour les boissons alcooliques n'est dès lors légale que si elle se limite aux indications explicitement prévues par la loi, c'est-à-dire si elle a un caractère rigoureusement objectif, informatif et technique ; qu'en jugeant dès lors, d'une part, que le contenu d'un message publicitaire en faveur de ces boissons ne peut pas être purement informatif et, d'autre part, que l'incitation à leur consommation ne suffit pas à rendre le message publicitaire illégal, au motif que cette publicité est une forme comme une autre de communication faite dans le but de promouvoir la fourniture d'un bien, la cour a violé l'article L. 3323-4 du code de la santé publique ; 2° ALORS QUE la finalité poursuivie par les pouvoirs publics dans leur lutte contre l'alcoolisme est de limiter la consommation excessive d'alcool ; que les dispositions relatives à la publicité des boissons alcooliques sont un des « leviers » de cette politique générale, actionné pour agir sur l'environnement publicitaire afin de le rendre cohérent avec l'ensemble des mesures de santé publique mises en oeuvre ; que ces dispositions ont cependant un objet propre, qui n'est pas d'empêcher une consommation excessive d'alcool mais de définir les indications et les références objectives auxquelles est soumise la publicité autorisée en faveur des boissons alcooliques ; que, dès lors, est légale la publicité qui respecte ces critères, pour apporter une information objective et technique sur les boissons promues, et est illégale celle qui les dépasse ou les contourne par différents artifices ; qu'en retenant dès lors que seule l'incitation à une consommation excessive était prohibée par la loi, la cour a violé l'article L. 3323-4 du code de la santé publique ; 3° ALORS QUE la cour a retenu que l'article L. 3323-4 du code de la santé publique, qui « constitue une incrimination pénale, n'autorise que l'indication du degré volumique d'alcool, de l'origine, de la dénomination, de la composition du produit, du nom et de l'adresse du fabricant, des agents et des dépositaires ainsi que du mode d'élaboration, des modalités de vente et du mode de consommation du produit, ainsi que des références relatives aux terroirs de production et aux distinctions obtenues, aux appellations d'origine ou aux indications géographiques ainsi que des références objectives relatives à la couleur et aux caractéristiques olfactives et gustatives du produit » ; qu'en retenant dès lors que « le contenu du message publicitaire (...), par nature, ne saurait être purement informatif », quand tous ces éléments sont informatifs et objectifs, la cour n'a pas tiré les conséquences de ses constatations, en violation du texte susvisé ; 4° ALORS QUE la loi indique explicitement les limites auxquelles est soumise la publicité pour les boissons alcooliques pour être licite ; que les indications figurant à l'intérieur de ces limites sont toutes informatives et objectives ; qu'il en est ainsi de l'indication du degré volumique d'alcool, de l'origine, de la dénomination, de la composition du produit, du nom et de l'adresse du fabricant, des agents et des dépositaires ainsi que du mode d'élaboration, des modalités de vente et du mode de consommation du produit, comme aussi, possiblement, des références relatives aux terroirs de production et aux distinctions obtenues, aux appellations d'origine ou aux indications géographiques ainsi qu'aux références objectives relatives à la couleur et aux caractéristiques olfactives et gustatives du produit ; que, pour exclure que l'exigence d'objectivité des indications énumérées par la loi soit générale, comme condition de licéité de la publicité pour les boissons alcooliques, la cour a retenu que « les mentions ne doivent être purement objectives que lorsqu'elles sont relatives à la couleur, aux caractéristiques olfactives et gustatives du produit, ce qui laisse la place à l'imagination des concepteurs des messages publicitaires lorsque la communication porte sur d'autres éléments de communication, tels que l'origine, la dénomination ou la composition du produit » ; que, cependant, en indiquant que les références à la couleur et aux caractéristiques olfactives et gustatives du produit devaient être « objectives », la loi n'a nullement introduit une distinction entre ces références, qui devraient être objectives, et les autres indications ou références qui pourraient ne pas l'être ; qu'elle n'a fait que souligner la nécessité, pour ces références olfactives et gustatives, d'être elles-mêmes objectives, comme les autres, parce qu'elles étaient plus exposées à ne pas l'être ; qu'en se déterminant dès lors comme elle l'a fait, la cour a violé l'article L. 3323-4 du code de la santé publique ; 5° ALORS QUE la publicité autorisée pour les boissons alcooliques est limitée à l'indication du degré volumique d'alcool, de l'origine, de la dénomination, de la composition du produit, du nom et de l'adresse du fabricant, des agents et des dépositaires ainsi que du mode d'élaboration, des modalités de vente et du mode de consommation du produit ; qu'elle peut comporter des références relatives aux terroirs de production, aux distinctions obtenues, aux appellations d'origine ou aux indications géographiques, et comporter des références objectives relatives à la couleur et aux caractéristiques olfactives et gustatives du produit ; que, pour justifier l'illégalité du film publicitaire intitulé « la légende du phoenix », l'ANPAA avait soutenu que cette publicité exaltait les qualités de la bière par une mise en scène sonore et visuelle qui les associait au renouvellement de différentes civilisations, à l'histoire elle-même renouvelée de l'abbaye de Grimbergen et à la puissance régénératrice du phoenix, faisant ainsi participer le produit promu et sa consommation de cette mythologie et de l'imaginaire ainsi magnifiés ; que cette critique mettait ainsi en évidence que le film publicitaire litigieux utilisait des éléments qui étaient étrangers aux seules énumérations légales ; que, pour écarter cette critique, la cour a retenu, sur le fondement du constat d'huissier du 17 novembre 2015, qui décrit dans trois des films litigieux les croyances de différentes civilisations (grecque, perse, romaine) autour du Phoenix et des pouvoirs qui lui sont prêtés, que le film mis en cause rappelait que le produit avait des liens historiques et actuels avec ladite abbaye, laquelle avait connu des reconstructions successives, et que « le choix de recourir à un récit narratif évoquant ce qu'a été, à travers les âges, le Phoenix, emblème de la marque, et dont la société Kronenbourg peut faire usage dans sa communication n'altère nullement le fait que le contenu du message porte sur l'origine du produit » ; qu'en se déterminant ainsi, quand la mise en scène utilisée dans la publicité animée, qui ne se bornait pas à rappeler les origines historiques du produit, mais qui l'associait aux origines d'une légende entourant un oiseau imaginaire aux vertus mythiques, excédait les critères limités de la loi, la cour a violé l'article L. 3323-4 du code de la santé publique ; 6° ALORS QUE la publicité autorisée pour les boissons alcooliques est limitée à l'indication du degré volumique d'alcool, de l'origine, de la dénomination, de la composition du produit, du nom et de l'adresse du fabricant, des agents et des dépositaires ainsi que du mode d'élaboration, des modalités de vente et du mode de consommation du produit ; qu'elle peut comporter des références relatives aux terroirs de production, aux distinctions obtenues, aux appellations d'origine ou aux indications géographiques, et comporter des références objectives relatives à la couleur et aux caractéristiques olfactives et gustatives du produit ; que, pour justifier la légalité contestée du film publicitaire, la cour a retenu que la société Kronenbourg établissait que la devise de l'abbaye de Grimbergen et son « emblème, le phoenix, sont des éléments distinctifs de sa marque figurant sur son produit », sans que l'ANPAA ne le conteste, et que « le phoenix (est un) emblème de la marque (...) dont la société Kronenbourg peut faire usage dans sa communication » ; qu'en se déterminant ainsi, par des motifs étrangers aux critères légaux et impropres à justifier la légalité de la publicité mise en cause, la cour a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3323-4 du code de la santé publique ; 7° ALORS, en toute hypothèse, QUE la cour a elle-même retenu que la publicité litigieuse, qu'elle a décrit au travers du procès-verbal du 17 septembre 2015, recourait à une mise en scène de la bière liée à la légende du phoenix et à sa puissance « matérielle et spirituelle » traversant les siècles (p. 5) et transposée à sa propre histoire, de reconstruction en reconstruction de l'abbaye de Grimbergen ; qu'elle a également constaté que le film publicitaire mettait en oeuvre « un manuscrit enluminé (...) dont s'envole le phoenix », qui survole tour à tour l'histoire des civilisations, celle de l'abbaye « et la fabrication de la bière », et qu'il était accompagné d'un slogan faisant référence à « une bière au caractère unique (...) née de cette abbaye et de son histoire légendaire » ; qu'il s'ensuivait que la publicité en question, présentant cette bière comme unique, par une mise en scène fantastique destinée à la magnifier aux yeux du consommateur en s'adressant à son imaginaire, utilisait, pour la promotion de ce produit, des éléments étrangers aux seules indications énumérées par l'article L. 3323-4 du code de la santé publique, ce qui en faisait une publicité illégale ; qu'en jugeant le contraire, la cour n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation de ce texte ; 8° ALORS QUE, pour être licite, une publicité pour les boissons alcooliques doit se limiter aux indications objectives définies par la loi ; que, pour juger encore que la publicité du film La légende du phoenix était légale, la cour a considéré que le message publicitaire qui l'accompagnait, « une bière au caractère unique est née de cette abbaye et de son histoire légendaire », faisait uniquement référence aux origines historiques du produit, en concédant implicitement que ce message n'était pas objectif, puisque légendaire, mais en le justifiant au motif que « la communication sur les origines n'a nullement à être objective et peut parfaitement être hyperbolique » ; qu'en se déterminant ainsi, quand le constat du caractère hyperbolique et non objectif de ce slogan aurait dû conduire la cour à constater l'illégalité de la publicité litigieuse, la cour a violé l'article L. 3323-4 du code de la santé publique ; 9° ALORS QUE, pour être licite, une publicité pour les boissons alcooliques doit se limiter aux indications objectives définies par la loi ; que, s'agissant du film d'animation Les territoires d'une légende, la cour a constaté avec l'huissier, tout en relevant qu'elle était incomplète et ornithologiquement inexacte, qu'il mettait en scène le vol d'un rapace s'envolant au-dessus d'une carte représentant des territoires où les paysages successifs, de décor en décor, débouchent sur quatre verres de bières ; qu'elle a relevé que ce film s'achevait sur le vol d'un phoenix déployant ses ailes au pied d'un verre de bière Grimbergen, puis sur la présentation finale de quatre bouteilles de bière et d'un verre empli de cette boisson, avec la proposition de "tester la bière Grimbergen" (arrêt, p. 7, § 4) ; que cette mise en scène, suggestive, qui s'achève sur une invitation explicite à la consommation d'alcool, est étrangère aux seules indications énumérées par l'article L. 3323-4 du code de la santé publique ; qu'en la déclarant pourtant légale, la cour a violé le texte susvisé ; 10° ALORS QUE, pour être licite, une publicité pour les boissons alcooliques doit se limiter aux indications définies par la loi, qui sont toutes objectives ; pour justifier encore la légalité du film publicitaire d'animation Les territoires d'une légende, la cour a admis, implicitement, que les éléments développé dans son message n'étaient pas objectifs ; qu'elle a cependant jugé que cette publicité « ne développe son message qu'autour d'éléments licites : les origines et la composition du produit pour lesquelles aucune objectivité n'est requise » ; qu'en se déterminant ainsi, au motif erroné qu'aucune objectivité ne serait requise par la loi pour les références aux origines et à la composition du produit, la cour a violé l'article L. 3323-4 du code de la santé publique ; 11° ALORS QUE, pour être licite, une publicité pour les boissons alcooliques doit se limiter aux indications définies par la loi, qui sont toutes objectives ; que, s'agissant du jeu Le jeu des territoires, la cour, se rapportant au procès-verbal de l'huissier du 17 septembre 2015, a relevé notamment qu'en cliquant sur la représentation d'une « cascade blanche », le consommateur était invité à cliquer encore sur un maximum de fleurs en un temps imparti, puis qu'un verre de bière apparaissait au milieu de l'écran, puis qu'il était invité à cliquer sur une « crête enneigée », ce qui faisait apparaître un fond montagneux et, au milieu, un verre de bière Grimbergen ; qu'il était ensuite sollicité d'appuyer le plus vite possible sur la barre d'espacement pour tenter de « retirer le calice du rocher », ce qui permettait de faire monter le verre de bière, avant que cette invitation ne soit faite de publier son résultat sur Facebook « ou découvrir le site Grimbergen » ; qu'il résultait de ces constatations que les éléments décrits, tous étrangers aux seules indications prévues par la loi, constituaient une mise en scène instrumentalisant le jeu et l'imaginaire pour focaliser l'attention du consommateur, étape après étape, sur la bière ; qu'en jugeant pourtant que le message publicitaire ainsi délivré était légal, au motif qu'il ne s'agirait que d'une « communication ludique » permettant « seulement au consommateur d'accumuler des points, sans autre objectif que d'obtenir un ou le meilleur score », la cour n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation de l'article L. 3323-4 du code de la santé publique ; 12° ALORS QUE la propagande ou la publicité, directe ou indirecte, en faveur des boissons alcooliques dont la fabrication ou la vente ne sont pas interdites sont autorisées exclusivement, en particulier, sur les services de communication en ligne à l'exclusion de ceux qui, par leur caractère, leur présentation ou leur objet, apparaissent comme principalement destinés à la jeunesse, ainsi que ceux édités par des associations, sociétés et fédérations sportives ou des ligues professionnelles au sens du code du sport, sous réserve que la propagande ou la publicité ne soit ni intrusive ni interstitielle : que la publicité autorisée pour les boissons alcooliques est limitée aux indications objectives énumérées par la loi ; que, pour justifier la publicité faite par le jeu Le jeu des territoires, visible sur internet, la cour a retenu que « la forme de la communication en ligne n'est pas réglementée au-delà de certaines formes (publicité intrusive ou interstitielle) », de sorte que l'ANPAA ne pouvait faire grief au message publicitaire véhiculé par le jeu susvisé de son caractère ludique ; qu'en retenant ainsi erronément que la publicité en ligne avait pour seule limite de ne pas être intrusive ou interstitielle, quand elle est également bornée par les indications objectives qui conditionnent la licéité de toute publicité, la cour a violé les articles L. 3323-2 et L. 3323-4 du code de la santé publique ; 13° ALORS QUE la publicité pour les boissons alcooliques, pour être licite, doit respecter les limites des indications prévues par la loi, qui sont toutes objectives ; que, pour justifier encore la légalité du jeu publicitaire Le jeu des territoires, la cour a retenu que l'ANPAA ne démontrait pas qu'il y eût une référence « subjective aux couleurs ou aux caractéristiques gustatives ou olfactives du produit » ; que, ce faisant, la cour a, à nouveau, fondé sa décision sur cette interprétation erronée selon laquelle les seules indications légales qui devraient être objectives seraient la couleur, le goût et le parfum du produit ; qu'en se déterminant ainsi, elle a violé l'article L. 3323-4 du code de la santé publique par fausse application ; 14° ALORS, enfin, QUE la loi sur la publicité des boissons alcooliques a pour objet propre de définir les éléments objectifs et techniques auxquels cette publicité est soumise pour être licite ; que, pour justifier que le jeu publicitaire Le jeu des territoires était licite, bien qu'il ne comportât aucun élément objectif autorisé par la loi, la cour a retenu que ce jeu n'incitait pas à une consommation excessive de l'alcool ; qu'en se déterminait ainsi, par des motifs impropres à justifier sa décision, la cour a violé l'article L. 3323-4 du code de la santé publique par fausse application.
Si la publicité pour les boissons alcooliques est licite, elle demeure limitée aux seules indications et références spécifiées à l'article L. 3323-4 du code de la santé publique et présente un caractère objectif et informatif, lequel ne concerne pas seulement les références relatives à la couleur et aux caractéristiques olfactives et gustatives du produit
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CIV. 1 CM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 20 mai 2020 Cassation Mme BATUT, président Arrêt n° 316 FS-P+B+I Pourvois n° U 18-25.136 F 19-10.868 JONCTION R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 20 MAI 2020 I. M. D... K..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° U 18-25.136 contre l'arrêt rendu le 21 novembre 2018 par la cour d'appel de Douai (chambre réunies) , dans le litige l'opposant : 1°/ au procureur général près la cour d'appel de Douai, domicilié en son parquet général 1 place de Pollinchove, BP 20705, 59507 Douai cedex, 2°/ à l'ordre des avocats au barreau de Lille, dont le siège est [...] , défendeurs à la cassation. II. L'ordre des avocats au barreau de Lille a formé le pourvoi n° F 19-10.868 contre le même arrêt rendu, dans le litige l'opposant : 1°/ au procureur général près la cour d'appel de Douai, 2°/ à M. D... K..., défendeurs à la cassation. Le demandeur au pourvoi n° U 18.25-136 invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le demandeur au pourvoi n° F 19.10-868 invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Les dossiers ont été communiqués au procureur général. Sur le rapport de Mme Canas, conseiller référendaire, les observations et les plaidoiries de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. K..., de Me Bouthors, avocat de l'ordre des avocats au barreau de Lille, et l'avis de M. Chaumont, avocat général, à la suite duquel le président a demandé aux avocats s'ils souhaitaient présenter des observations complémentaires, après débats en l'audience publique du 10 mars 2020 où étaient présents Mme Batut, président, Mme Canas, conseiller référendaire rapporteur, Mme Kamara conseiller doyen, M. Girardet, Mmes Duval-Arnould, Teiller, MM. Avel, Mornet, Chevalier, Mme Kerner-Menay, conseillers, M. Vitse, Mmes Dazzan, Le Gall, Kloda, M. Serrier, Mmes Champ, Comte, Robin-Raschel, conseillers référendaires, M. Chaumont, avocat général, et Mme Randouin, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Jonction 1. En raison de leur connexité, les pourvois n° U 18-25.136 et F 19-10.868 sont joints. Faits et procédure 2. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 21 novembre 2018), M. T... a relevé appel de la décision d'une cour d'assises le condamnant à vingt-neuf ans de réclusion criminelle pour assassinat. Lors de l'ouverture des débats devant la cour d'assises d'appel, MM. X... et K..., avocats désignés par l'accusé, ont décidé de se retirer de la défense de leur client, en accord avec celui-ci. Après avoir commis d'office M. K..., la présidente de la cour d'assises a, par ordonnance du 14 mai 2014, rejeté les motifs d'excuse et d'empêchement invoqués par ce dernier pour refuser son ministère. M. K... a néanmoins quitté la salle d'audience et les débats se sont déroulés en l'absence de l'accusé et de son avocat commis d'office. Par arrêt du 22 mai 2014, devenu définitif à la suite du rejet du pourvoi formé par M. T... (Crim., 24 juin 2015, pourvoi n° 14-84.221, Bull. Crim. 2015, n° 137), la cour d'assises du Pas-de-Calais a condamné ce dernier à vingt-cinq ans de réclusion criminelle. 3. Reprochant à M. K... de ne pas avoir déféré à la commission d'office, nonobstant la décision de la présidente de la cour d'assises de rejeter ses motifs d'excuse ou d'empêchement, la procureure générale près la cour d'appel de Douai a, le 19 janvier 2017, saisi le conseil régional de discipline des barreaux du ressort de ladite cour aux fins de poursuites disciplinaires. Recevabilité du pourvoi n° F 19-10.868, examinée d'office 4. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles 609 et 611 du même code. 5. Il résulte de ces textes que nul ne peut se pourvoir en cassation contre une décision à laquelle il n'a pas été partie, à moins qu'elle n'ait prononcé une condamnation contre lui. 6. Selon une jurisprudence constante (1re Civ., 3 juillet 2013, pourvoi n° 12-23.553, Bull. 2013, I, n° 143), en matière disciplinaire, l'ordre des avocats n'est pas partie à l'instance. 7. Le pourvoi formé par l'ordre des avocats au barreau de Lille qui n'était pas, ni ne pouvait être, partie à l'instance d'appel, n'est donc pas recevable. Examen des moyens Sur le premier moyen du pourvoi n° U 18-25.136 Enoncé du moyen 8. M. K... fait grief à l'arrêt de dire que son refus de se soumettre à la commission d'office décidée par la présidente d'une cour d'assises caractérise une faute disciplinaire lorsque les motifs d'excuse présentés par l'avocat n'ont pas été retenus par la présidente de la cour d'assises et de prononcer à son encontre la sanction disciplinaire de l'avertissement, alors « qu'en matière disciplinaire, l'arrêt qui se prononce sur des poursuites doit mentionner que la personne poursuivie et son avocat ont eu communication des conclusions écrites du ministère public et ont été mis en mesure d'y répondre utilement ; que l'arrêt attaqué, qui ne comporte pas cette mention, doit être annulé pour violation de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 16 du code de procédure civile et des droits de la défense. » Réponse de la Cour Vu l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les articles 15 et 16 du code de procédure civile : 9. L'arrêt, qui prononce la peine disciplinaire de l'avertissement, mentionne que le ministère public a déposé des conclusions écrites le 14 septembre 2018 et qu'à l'audience du 10 octobre suivant, les parties ont maintenu oralement leurs écritures. 10. En procédant ainsi, sans constater que l'avocat poursuivi avait eu communication des conclusions écrites du ministère public afin d'être mis en mesure d'y répondre utilement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale. Et sur le second moyen, pris en sa première branche, du même pourvoi Enoncé du moyen 11. M. K... fait le même grief à l'arrêt, alors « que la régularité de la décision du président de la cour d'assises n'ayant pas approuvé les motifs d'excuse ou d'empêchement invoqués par l'avocat commis d'office peut être contestée par l'avocat à l'occasion de la procédure disciplinaire ouverte contre son refus de déférer à la décision du président de la cour d'assises ; que le juge disciplinaire exerce dans ce cadre un contrôle autonome, qui lui est propre, distinct de celui exercé dans le cadre du pourvoi formé par l'accusé ou d'une requête en récusation ; qu'en se référant, pour « confirmer la décision de la présidente de la cour d'assises qui n'avait pas retenu les motifs d'excuse présentés par Maître K... », à l'arrêt de la chambre criminelle du 24 juin 2015 ayant validé la procédure et à la décision du 19 mai 2014 ayant rejeté la requête en récusation sans se livrer à sa propre appréciation, la cour d'appel a méconnu son office, en violation de l'article 9 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, et de l'article 62 de la Constitution de 1958. » Réponse de la Cour Vu les articles 62 de la Constitution du 4 octobre 1958, 9 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, et 6, alinéa 2, du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005 relatif aux règles de déontologie de la profession d'avocat : 12. Aux termes du deuxième de ces textes, l'avocat régulièrement commis d'office par le bâtonnier ou le président de la cour d'assises ne peut refuser son ministère sans faire approuver ses motifs d'excuse ou d'empêchement par le bâtonnier ou par le président. 13. Selon le dernier, l'avocat est tenu de déférer aux désignations et commissions d'office, sauf motif légitime d'excuse ou d'empêchement admis par l'autorité qui a procédé à la désignation ou à la commission. 14. Lorsque le président de la cour d'assises constate que l'accusé n'est pas ou plus défendu et lui commet d'office un avocat, en application de l'article 317 du code de procédure pénale, il est seul compétent pour admettre ou rejeter les motifs d'excuse ou d'empêchement invoqués par ce dernier (1re Civ., 9 février 1988, pourvoi n° 86-17.786, Bull. 1988, I, n° 31 ; Crim., 24 juin 2015, pourvoi n° 14-84.221, Bull. Crim. 2015, n° 167). 15. L'avocat qui, malgré la décision du président de la cour d'assises de ne pas approuver les motifs d'excuse ou d'empêchement qu'il a présentés, persiste dans son refus d'exercer la mission qui lui a été confiée, peut être sanctionné disciplinairement (1re Civ., 15 novembre 1989, pourvoi n° 88-11.413, Bull. 1989, I, n° 347 ; 1re Civ., 2 mars 1994, pourvoi n° 92-15.363). 16. Toutefois, saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité posée à l'occasion de la présente instance, le Conseil constitutionnel, dont les décisions s'imposent à toutes les autorités juridictionnelles, a retenu que, si le refus du président de la cour d'assises de faire droit aux motifs d'excuse ou d'empêchement invoqués par l'avocat commis d'office n'est pas susceptible de recours, la régularité de ce refus peut être contestée par l'accusé à l'occasion d'un pourvoi devant la Cour de cassation, et par l'avocat à l'occasion de l'éventuelle procédure disciplinaire ouverte contre son refus de déférer à la décision du président de la cour d'assises (décision n° 2018-704 QPC du 4 mai 2018, § 9). 17. Il s'ensuit qu'il incombe au juge, saisi de poursuites disciplinaires contre l'avocat qui n'a pas déféré à une commission d'office, de se prononcer sur la régularité de la décision du président de la cour d'assises rejetant les motifs d'excuse ou d'empêchement qu'il avait présentés pour refuser son ministère et, par suite, de porter une appréciation sur ces motifs. 18. Pour prononcer la sanction disciplinaire de l'avertissement contre M. K..., après avoir relevé que celui-ci avait invoqué, notamment, l'animosité de l'avocat général occupant le siège du ministère public, un calendrier de procédure établi sans consultation préalable des avocats de la défense et la volonté de la présidente de la cour d'assises d'éviter la présence des deux avocats choisis, l'arrêt retient que ces arguments ont déjà été rejetés par l'arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 24 juin 2015, qui a validé la procédure à l'égard de l'accusé, de sorte qu'il y a lieu de confirmer la décision de la présidente de la cour d'assises de ne pas retenir les motifs d'excuse présentés par M. K.... 19. En statuant ainsi, alors que, pour apprécier le caractère fautif du refus de l'avocat de déférer à la commission d'office, il lui incombait de procéder elle-même à l'examen des motifs d'excuse ou d'empêchement invoqués par ce dernier, la cour d'appel a méconnu son office et violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du second moyen du pourvoi n° U 18-25.136, la Cour : DÉCLARE irrecevable le pourvoi n° F 19-10.868 formé par l'ordre des avocats au barreau de Lille ; CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris ; Laisse les dépens à la charge du Trésor public ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. K... ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt mai deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits au pourvoi n° U 18-25.136 par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. K... PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR INFIRME la décision du conseil régional de discipline des barreaux du ressort de la cour d'appel de Douai en date du 5 juillet 2018, DIT que le refus de Maître D... K... de se soumettre à la commission d'office décidée par la présidente d'une cour d'assises caractérise une faute disciplinaire lorsque les motifs d'excuse présentés par l'avocat n'ont pas été retenus par la présidente de la cour d'assises et PRONONCE à l'encontre de Maître D... K... la sanction disciplinaire de l'avertissement, ALORS QU'en matière disciplinaire, l'arrêt qui se prononce sur des poursuites doit mentionner que la personne poursuivie et son avocat ont eu communication des conclusions écrites du ministère public et ont été mis en mesure d'y répondre utilement ; que l'arrêt attaqué, qui ne comporte pas cette mention, doit être annulé pour violation de l'article 6 §1 de la convention européenne des droits de l'homme, de l'article 16 du code de procédure civile et des droits de la défense. SECOND MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR INFIRME la décision du conseil régional de discipline des barreaux du ressort de la cour d'appel de Douai en date du 5 juillet 2018, DIT que le refus de Maître D... K... de se soumettre à la commission d'office décidée par la présidente d'une cour d'assises caractérise une faute disciplinaire lorsque les motifs d'excuse présentés par l'avocat n'ont pas été retenus par la présidente de la cour d'assises et PRONONCE à l'encontre de Maître D... K... la sanction disciplinaire de l'avertissement, AUX MOTIFS QUE : «La cour rappelle les ordonnances rendues par la présidente de la cour d'assises le 14 mai 2014.La première ordonnance avait commis d'office Maître K... pour assister son client. Il s'agissait d'une mesure d'administration judiciaire insusceptible de recours et n'ayant aucun caractère juridictionnel. La seconde ordonnance a rejeté les motifs d'excuse invoqués par Maître K... pour ne pas déférer à la désignation de commission d'office. Dans un premier temps Maître K... avait contesté la régularité formelle de l'ordonnance qui avait rejeté les motifs d'excuse lors de la procédure devant la Cour de cassation. L'arrêt de la Cour de cassation en date du 24 juin 2015 avait considéré que les dispositions légales ou conventionnelles avaient été respectées et qu'on ne pouvait pas reprocher à la présidente de la cour d'assises d'avoir ainsi décidé puisqu'elle était seule compétente pour refuser les motifs d'excuse. Le Conseil Constitutionnel a souligné que l'avocat lors d'une procédure disciplinaire avait la possibilité de faire examiner les motifs d'excuse invoqués pour ne pas déférer à la commission d'office. Il a précisé que «si le refus du président de la cour d'assises de faire droit aux motifs d'excuse ou d'empêchement invoqué par l'avocat commis d'office n'est pas susceptible de recours, la régularité de ce refus peut être contestée par l'accusé à l'occasion d'un pourvoi devant la Cour de cassation et par l'avocat à l'occasion de l'éventuelle procédure disciplinaire ouverte contre son refus de déférer à la décision du président de la cour d'assises ». De plus dans un commentaire du Secrétariat Général du Conseil Constitutionnel il est souligné : « le fait que la décision du président de la cour d'assises n'a pas à être motivée ne prive pas d'efficacité ces différentes voies de droit, au cours desquelles l'avocat pourra faire valoir les motifs qu'il avait invoqués en vain pour refuser la commission d'office ». La Cour ajoute que Maître K... a invoqué notamment l'animosité de l'avocat général occupant le siège du ministère public envers Maître X..., un calendrier de procédure sans consultation préalable des avocats de la défense et la volonté de la présidente de la cour d'assises d'éviter la présence des deux avocats choisis. Compte tenu des pièces du dossier, des précisions fournies par les parties et des décisions antérieures la Cour d'appel : - rappelle que les arguments invoqués par Maître K... ont déjà été rejetés par l'arrêt de la chambre criminelle de la Cour de Cassation et que l'arrêt de la chambre criminelle de la Cour de Cassation du 24 juin 2015 a validé la procédure à l'encontre de Monsieur M... T... - souligne que l'ordonnance de la première présidente de la cour d'appel de Douai du 19 mai 2014 saisie par Maîtres X... et K... d'une requête en récusation de la présidente de la cour d'assises avait rejeté les prétentions des avocats - estime que la décision de la présidente de la cour d'assises n'avait pas à être motivée. La Cour d'appel rappelle que le Conseil Constitutionnel dans sa décision du 4 mai 2018 a estimé que l'avocat commis d'office doit assurer la défense de l'accusé tant qu'il n'a pas été relevé de sa mission par le président de la cour d'assises et qu'en application de l'article 274 du code de procédure pénale l'accusé peut à tout moment choisir un avocat ce qui rendrait non avenue la décision effectuée par la présidente de la cour d'assises. De plus la Cour d'Appel estime ainsi : - qu'il y a lieu de confirmer la décision de la présidente de la cour d'assises qui n'avait pas retenu les motifs d'excuse présentés par Maître K... - que l'avocat régulièrement commis d'office par la présidente de la cour d'assises ne peut refuser son ministère sans faire approuver par la présidente de la cour d'assises les motifs d'empêchement et d'excuse - que le refus de l'avocat de se soumettre à la commission d'office de la présidente d'une cour d'assises caractérise une faute disciplinaire lorsque les motifs d'excuse présentés par l'avocat n'ont pas été retenus par la présidente de la Cour d'assises - que Maître K... aurait dû rester présent dans la salle d'audience et observer, le cas échéant, le silence si l'accusé lui avait fait interdiction de demeurer à la barre après avoir renoncé à se défendre. Dans ces conditions compte tenu des pièces du dossier, des précisions fournies par les parties, des diverses décisions antérieures, des pouvoirs de direction des débats par la présidente de la cour d'assises, de l'exercice des droits de la défense et de la continuité du cours de la justice la cour d'appel estime que l'absence volontaire de Maître K... dans la salle d'audience de la cour d'assises tout au long des débats du procès de Monsieur M... T... caractérise une faute disciplinaire. Il y a lieu de rejeter les prétentions de Maître D... K... et de prononcer à l'encontre de Maître D... K... la sanction disciplinaire de l'avertissement. » 1° ALORS QUE la régularité de la décision du président de la cour d'assises n'ayant pas approuvé les motifs d'excuse ou d'empêchement invoqués par l'avocat commis d'office peut être contestée par l'avocat à l'occasion de la procédure disciplinaire ouverte contre son refus de déférer à la décision du président de la cour d'assises (Conseil constitutionnel, 2018-704 QPC du 4 mai 2018) ; que le juge disciplinaire exerce dans ce cadre un contrôle autonome, qui lui est propre, distinct de celui exercé dans le cadre du pourvoi formé par l'accusé ou d'une requête en récusation ; qu'en se référant, pour « confirmer la décision de la présidente de la cour d'assises qui n'avait pas retenu les motifs d'excuse présentés par Maître K... », à l'arrêt de la chambre criminelle du 24 juin 2015 ayant validé la procédure et à la décision du 19 mai 2014 ayant rejeté la requête en récusation sans se livrer à sa propre appréciation, la cour d'appel a méconnu son office, en violation de l'article 9 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, et de l'article 62 de la Constitution de 1958 ; 2° ALORS QUE ne peut être en faute l'avocat ayant présenté des motifs d'excuse pour refuser une commission d'office, dès lors que le président qui l'a désigné n'a pas véritablement statué sur ces motifs ; que M. K... faisait valoir dans ses conclusions que la présidente de la Cour d'assises n'avait pas réellement exercé un contrôle sur son motif essentiel de refus, tiré de son absence d'impartialité – ce qu'avait confirmé la présidente lors de son audition dans l'enquête disciplinaire ; qu'en s'abstenant totalement de répondre à ce moyen qui avait été déterminant de la décision de relaxe de première instance, la Cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 3° ALORS QUE la régularité de la décision du président de la cour d'assises n'ayant pas approuvé les motifs d'excuse ou d'empêchement invoqués par l'avocat commis d'office peut être contestée par l'avocat à l'occasion de la procédure disciplinaire ouverte contre son refus de déférer à la décision du président de la cour d'assises (Conseil constitutionnel, 2018-704 QPC du 4 mai 2018) ; que l'effectivité d'un tel contrôle implique nécessairement la motivation de cette décision ; qu'en estimant que la décision de la présidente de la cour d'assises n'avait pas à être motivée, la cour d'appel a violé l'article 9 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, ensemble l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et l'article 62 de la Constitution de 1958 ; 4° ALORS QU'en ne répondant pas aux écritures de maître K... qui faisait valoir que l'ordonnance par laquelle la présidente de la cour d'assises ayant rejeté ses motifs d'excuse ne comportait qu'une motivation générique et artificielle puisque la présidente de la cour d'assises, lors de son audition par le rapporteur disciplinaire, le 21 avril 2017, avait admis n'avoir opéré aucune appréciation des excuses de Maître K..., la cour d'appel a méconnu l'article 455 du code de procédure civile ; 5° ALORS QUE le refus de l'avocat de se soumettre à la commission d'office de la présidente d'une cour d'assises ne caractérise pas nécessairement et automatiquement une faute disciplinaire lorsque les motifs d'excuse présentés par l'avocat n'ont pas été retenus par la présidente de la Cour d'assises ; qu'en retenant que « le refus de l'avocat de se soumettre à la commission d'office de la présidente d'une cour d'assises caractérise une faute disciplinaire lorsque les motifs d'excuse présentés par l'avocat n'ont pas été retenus par la présidente de la Cour d'assises » (motifs, p. 9) ou encore que « le refus de maître D... K... de se soumettre à la commission d'office décidée par la présidente d'une cour d'assises caractérise une faute disciplinaire lorsque les motifs d'excuse présentés par l'avocat n'ont pas été retenus par la présidente de la cour d'assises » (dispositif, p. 10), la cour d'appel a violé l'article 9 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, ensemble l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme ; 6° ALORS QUE ne commet pas une faute disciplinaire l'avocat qui, à l'occasion d'une première demande de renvoi de l'affaire, apprend que le président de la Cour d'assises a « préparé » sans en référer à quiconque la commission d'office d'un autre conseil, non choisi par l'accusé ; qui, sur cet élément, invoque le défaut d'impartialité du président en formulant une nouvelle demande de renvoi devant la Cour, laquelle la rejette sans examiner le fond du grief ; qui décide en conscience et d'accord avec son client de quitter la barre ce dont la Cour lui a donné acte ; et qui, alors commis d'office par le président, quitte la barre nonobstant le rejet par le président de ses motifs d'excuse sans trancher le grief tiré de sa propre partialité ; que la Cour d'appel a violé l'article 9 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ; 7° ALORS QUE la sanction disciplinaire de l'avocat dans de telles conditions qui n'ont au demeurant en rien entravé le cours de la justice, l'audience devant la Cour d'assises s'étant poursuivie sans désemparer dans des conditions validées par la Cour de cassation, ne peut passer pour nécessaire dans une société démocratique ; que la cour d'appel a violé l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. Moyen produit au pourvoi n° F 19-10.868 par Me Bouthors, avocat de l'ordre des avocats au barreau de Lille Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé la décision du conseil régional de discipline des barreaux du ressort de la cour d'appel de Douai en date du 5 juillet 2018, dit que le refus de Me D... K... de se soumettre à la commission d'office décidée par la présidente d'une cour d'assises caractérise une faute disciplinaire lorsque les motifs d'excuse présentés par l'avocat n'ont pas été retenus par la présidente de la cour d'assises et prononce à l'encontre de Me D... K... la sanction disciplinaire de l'avertissement ; aux motifs que la cour rappelle les ordonnances rendues par la présidente de la cour d'assises le 14 mai 2014. La première ordonnance avait commis d'office Me K... pour assister son client. Il s'agissait d'une mesure d'administration judiciaire insusceptible de recours et n'ayant aucun caractère juridictionnel. / La seconde ordonnance a rejeté les motifs d'excuse invoqués par Me K... pour ne pas déférer à la désignation de commission d'office. / Dans un premier temps Me K... avait contesté la régularité formelle de l'ordonnance qui avait rejeté les motifs d'excuse lors de la procédure devant la cour de cassation. L'arrêt de la Cour de cassation en date du 24 juin 2015 avait considéré que les dispositions légales ou conventionnelles avaient été respectées et qu'on ne pouvait pas reprocher à la présidente de la cour d'assises d'avoir ainsi décidé puisqu'elle était seule compétente pour refuser les motifs d'excuse. Le Conseil Constitutionnel a souligné que l'avocat lors d'une procédure disciplinaire avait la possibilité de faire examiner les motifs d'excuse invoqués pour ne pas déférer à la commission d'office. Il a précisé que «si le refus du président de la cour d'assises de faire droit aux motifs d'excuse ou d'empêchement invoqué par l'avocat commis d'office n'est pas susceptible de recours, la régularité de ce refus peut être contestée par l'accusé à l'occasion d'un pourvoi devant la cour de cassation et par l'avocat à l'occasion de l'éventuelle procédure disciplinaire ouverte contre son refus de déférer à la décision du président de la cour d'assises ». De plus dans un commentaire du secrétariat général du Conseil constitutionnel il est souligné : « le fait que la décision du président de la cour d'assises n'a pas à être motivée ne prive pas d'efficacité ces différentes voies de droit, au cours desquelles l'avocat pourra faire valoir les motifs qu'il avait invoqués en vain pour refuser la commission d'office ». La cour ajoute que Me K... a invoqué notamment l'animosité de l'avocat général occupant le siège du ministère public envers Me X..., un calendrier de procédure sans consultation préalable des avocats de la défense et la volonté de la présidente de la cour d'assises d'éviter la présence des deux avocats choisis. Compte tenu des pièces du dossier, des précisions fournies par les parties et des décisions antérieures la cour d'appel : - rappelle que les arguments invoqués par Me K... ont déjà été rejetés par l'arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation et que l'arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 24 juin 2015 a validé la procédure à l'encontre de Monsieur M... T..., - souligne que l'ordonnance de la première présidente de la cour d'appel de Douai du 19 mai 2014 saisie par Mes X... et K... d'une requête en récusation de la présidente de la cour d'assises avait rejeté les prétentions des avocats - estime que la décision de la présidente de la cour d'assises n'avait pas à être motivée. La cour d'appel rappelle que le Conseil constitutionnel dans sa décision du 4 mai 2018 a estimé que l'avocat commis d'office doit assurer la défense de l'accusé tant qu'il n'a pas été relevé de sa mission par le président de la cour d'assises et qu'en application de l'article 274 du code de procédure pénale l'accusé peut à tout moment choisir un avocat ce qui rendrait non avenue la décision effectuée par la présidente de la cour d'assises. De plus la Cour d'Appel estime ainsi : - qu'il y a lieu de confirmer la décision de la présidente de la cour d'assises qui n'avait pas retenu les motifs d'excuse présentés par Me K... - que l'avocat régulièrement commis d'office par la présidente de la cour d'assises ne peut refuser son ministère sans faire approuver par la présidente de la cour d'assises les motifs d'empêchement et d'excuse - que le refus de l'avocat de se soumettre à la commission d'office de la présidente d'une cour d'assises caractérise une faute disciplinaire lorsque les motifs d'excuse présentés par l'avocat n'ont pas été retenus par la présidente de la Cour d'assises - que Me K... aurait dû rester présent dans la salle d'audience et observer, le cas échéant, le silence si l'accusé lui avait fait interdiction de demeurer à la barre après avoir renoncé à se défendre. Dans ces conditions compte tenu des pièces du dossier, des précisions fournies par les parties, des diverses décisions antérieures, des pouvoirs de direction des débats par la présidente de la cour d'assises, de l'exercice des droits de la défense et de la continuité du cours de la justice la cour d'appel estime que l'absence volontaire de Me K... dans la salle d'audience de la cour d'assises tout au long des débats du procès de Monsieur M... T... caractérise une faute disciplinaire. Il y a lieu de rejeter les prétentions de Me D... K... et de prononcer à l'encontre de Me D... K... la sanction disciplinaire de l'avertissement ; alors qu'aux termes de la décision du Conseil constitutionnel n° 2018-704 QPC du 4 mai 2018 (cons. n° 9), le juge disciplinaire doit contrôler la régularité du refus de l'excuse présentée par un avocat commis d'office qui a objecté une atteinte aux droits fondamentaux de la défense et au libre choix par l'accusé de ses défenseurs dans le cadre d'un procès équitable et impartial ; qu'en l'absence du moindre contrôle a posteriori portant sur la légitimité du refus d'acceptation de la commission litigieuse que le commettant lui-même n'avait guère motivé, l'arrêt infirmatif attaqué n'a pu légalement affirmer l'existence d'une faute disciplinaire reprochable à l'avocat, sans méconnaître son office en violation des articles 9 de la loi n° 71-1130, ensemble les articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 62 de la Constitution de 1958.
Ne donne pas de base légale à sa décision, au regard de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et des articles 15 et 16 du code de procédure civile, une cour d'appel qui prononce une sanction contre un avocat poursuivi disciplinairement, sans constater que celui-ci a eu communication des conclusions écrites du ministère public afin d'être mis en mesure d'y répondre utilement
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CIV. 1 FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 20 mai 2020 Cassation Mme BATUT, président Arrêt n° 317 FS-P+B Pourvoi n° V 19-10.559 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 20 MAI 2020 La Mutuelle assurance instituteur France, dont le siège est [...], a formé le pourvoi n° V 19-10.559 contre l'arrêt rendu le 2 octobre 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 2, chambre 5), dans le litige l'opposant à la société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [...], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Duval-Arnould, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la Mutuelle assurance instituteur France, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Axa France IARD, et l'avis de M. Chaumont, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 mars 2020 où étaient présents Mme Batut, président, Mme Duval-Arnould, conseiller rapporteur, Mme Kamara, conseiller doyen, M. Girardet, Mme Teiller, MM. Avel, Mornet, Chevalier, Mme Kerner-Menay, conseillers, Mme Canas, M. Vitse, Mmes Dazzan, Le Gall, Kloda, M. Serrier, Mmes Champ, Comte, Robin-Raschel, conseillers référendaires, M. Chaumont, avocat général, et Mme Randouin, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 octobre 2018), par acte du 5 octobre 2005 intitulé « bail emphytéotique », la commune de Joinville-le-Pont (la commune) a mis à la disposition de l'association Aviron Marne et Joinville (l'association) un ensemble immobilier. A la suite d'un incendie survenu le 25 octobre 2005 ayant détruit le bâtiment objet du bail, la société Axa France IARD (la société Axa), assureur de la commune, a indemnisé celle-ci et, subrogée dans ses droits, a assigné en remboursement la Mutuelle assurance des instituteurs de France (la MAIF), assureur de l'association. Examen du moyen Sur le moyen unique, pris en sa première branche Enoncé du moyen 2. La MAIF fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande de la société Axa, alors « qu'en cas d'utilisation commune d'une chose par le prêteur et l'emprunteur, le risque de perte de la chose ne peut être supporté par l'emprunteur que si la destruction lui en est imputable ; qu'en retenant que la MAIF, assureur de responsabilité civile de l'association, emprunteuse, ne démontrait pas l'usage effectif par la commune, prêteuse, du bien prêté pour faire application de la présomption de responsabilité de l'emprunteur attachée à un usage exclusif de la chose, quand, dès lors que la commune prêteuse s'était contractuellement réservé l'usage du bien prêté en commun avec l'association, cette dernière ne pouvait être présumée responsable du sinistre et n'avait pas à démontrer son absence de faute et, donc, l'utilisation effective du bien prêté par la commune, la cour d'appel a violé l'article 1880 du code civil. » Réponse de la Cour Recevabilité du moyen 3. La recevabilité du moyen est contestée en défense, en raison de sa nouveauté. 4. Le moyen, né de la décision attaqué, est recevable. Bien-fondé du moyen Vu les articles 1315, devenu 1353, 1875 et 1880 du code civil : 5. Aux termes du deuxième de ces textes, le prêt à usage est un contrat par lequel l'une des parties livre une chose à l'autre pour s'en servir, à la charge par le preneur de la rendre après s'en être servi. Selon le troisième, l'emprunteur est tenu de veiller raisonnablement à la garde et à la conservation de la chose prêtée. 6. Il en résulte qu'en cas de dégradation ou de perte de la chose prêtée, l'emprunteur est tenu d'indemniser le prêteur, sauf s'il rapporte la preuve de l'absence de faute de sa part ou d'un cas fortuit (1re Civ., 6 février 1996, pourvoi n° 94-13.388, Bull. I, n° 68 ; 1er mars 2005, pourvoi n° 02-17.537, Bull. I, n° 103). 7. Cependant, cette présomption est écartée lorsque l'emprunteur n'a pas l'usage exclusif de la chose prêtée (1re Civ., 19 mars 1975, pourvoi n° 73-13.436, Bull. I, n° 116 ; 29 avril 1985, pourvoi n° 84-13.286, Bull. I, n° 133). 8. Pour accueillir la demande de la société Axa, après avoir qualifié le contrat de prêt à usage, l'arrêt retient que, faute d'établir que la commune usait du droit que lui reconnaissait la convention d'accéder et d'user des constructions, et donc qu'elle occupait effectivement le bien prêté, l'association ne peut se dégager sa responsabilité qu'en prouvant qu'elle-même n'a commis aucune faute ou qu'il s'agissait d'un cas fortuit. 9. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la commune s'était contractuellement réservé l'usage du bien prêté en commun avec l'association, de sorte que cette dernière ne pouvait être présumée responsable du sinistre survenu et n'était donc pas tenue de prouver qu'elle n'avait pas commis de faute ou la survenue d'un cas fortuit, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 octobre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ; Condamne la société Axa France IARD aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt mai deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la Mutuelle assurance instituteur France. Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la Mutuelle Assurance des instituteurs de France à payer à la société Axa France Iard la somme de 3 671 496 euros avec intérêts au taux légal à compter du 21 décembre 2017 ; AUX MOTIFS QUE la Maif conteste la qualification de bail donnée à l'acte du 5 octobre 2005 rappelant que le juge doit qualifier l'acte sans s'arrêter à la qualification retenue par les parties ; qu'elle dit que l'économie du contrat exclut qu'il puisse être retenu qu'il a été conclu à titre onéreux mais démontre, tout au contraire, la volonté des parties d'en faire un instrument d'aide d'une collectivité publique à une association sportive participant à l'histoire de la commune, le rachat de l'ensemble immobilier puis sa concession à l'association ayant pour objectif de la décharger du coût de son entretien ; qu'elle ajoute que le tribunal des conflits ne s'est pas prononcé sur la qualification exacte du contrat, pour trancher la question de la compétence, au-delà de sa nature de contrat de droit privé ; qu'elle conteste l'existence d'un prix, condition du bail affirmant que le premier juge ne pouvait retenir ce qu'elle qualifie de « minuscules contreparties » et relève que le bailleur a conservé un droit d'accès et d'usage sur la chose louée exclusif de l'application de l'article 1733 du code civil ; qu'à titre subsidiaire, elle affirme que l'incendie est survenu par cas fortuit – s'agissant d'un incendie volontaire – ce qui, en l'absence de toute faute de sa part, doit conduire à écarter la présomption de responsabilité de l'article 1733 du code civil ; que la société Axa France Iard prétend que le tribunal des conflits s'est prononcé sur la qualification du contrat, un bail, disant que la modicité du prix ne permet pas d'écarter cette qualification, seule l'absence de prix ou sa vileté permettant d'exclure cette qualification ; qu'elle ajoute que le prix ne se réduit pas au loyer et peut être trouvé dans des prestations ou charges que le preneur doit supporter, citant les clauses contractuelles s'y rapportant ; qu'elle avance que la qualification de prêt à usage serait sans incidence sur la responsabilité de l'occupant qui, de jurisprudence constante, répond de l'incendie dont l'origine demeure inconnue, à moins qu'il ne prouve l'absence de faute de sa part ou un cas fortuit, qu'elle écarte ; que dans le dispositif de son arrêt du 13 octobre 2014, le tribunal des conflits a tranché la question de la compétence au profit des juridictions de l'ordre judiciaire, annulant l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 1er juin 2010 en ce qu'il a sursis à statuer sur l'action directe engagée par la société Axa France Iard contre la Maif jusqu'à ce que la juridiction administrative ait déterminé qui devait répondre de l'incendie ; que pour ce faire, il retenait que le contrat liant la commune de Joinville-le-Pont à l'association n'était pas un contrat administratif, faute de preuve de l'appartenance de l'ensemble immobilier au domaine public, d'une affectation à l'usage direct du public ou à un service public, l'association Avbiron Marne et Joinville ne pouvant être regardée comme chargée d'une mission de service public et enfin faute de clause exorbitante de droit commun ; qu'il écartait également la qualification de bail emphytéotique administratif dès lors que l'acte ne conférait à l'association aucun droit réel et qu'il n'avait pas été conclu en vue de l'accomplissement, pour le compte de la commune, d'une mission d'intérêt général, l'association se bornant à utiliser le bien mis à sa disposition afin que ses adhérents pratiquent l'aviron et les investissements à réaliser étant exclusivement à la charge de la commune ; qu'il s'ensuit que, contrairement aux allégations de la SA Axa France Iard, le tribunal des conflits ne s'est nullement prononcée sur la qualification de l'acte au regard du droit privé étant par ailleurs relevé que les parties ne remettent pas en cause le constat faite par cette juridiction que le contrat bien que qualifié de bail emphytéotique ne conférait à l'association aucun droit réel, la cour devant ajouter que l'absence de libre cession du bail constitue un obstacle dirimant à cette qualification ; qu'en application de l'article 1709 du code civil l'existence d'un prix même modique ou très modique en contrepartie de la mise à disposition du bien est la condition de l'existence du bail, l'absence de prix ou sa vileté étant un obstacle à la reconnaissance d'un contrat de louage ; qu'en l'espèce, l'acte prévoit une redevance annuelle de 1 euro, soit un versement symbolique ; que certes, les impôts et taxes sont réglés par l'association mais cette charge se limite au paiement de la taxe des ordures ménagères (due par l'occupant) ainsi que de la taxe foncière ; que le fait que l'occupant assume cet impôt incombant normalement au propriétaire est insuffisant pour faire perdre à la convention, sas gratuité, faute de prix ; que ce prix ne peut être recherché ni dans les charges incombant à l'occupant, dès lors que si l'association doit entretenir le bien, elle est, conventionnellement, déchargée de cette obligation en contrepartie d'un libre accès et d'un libre usage des constructions par le bailleur, qu'il s'ensuit que faute de prix, l'acte liant les parties est un prêt à usage et, faute d'établir que la municipalité usait du droit que lui reconnaissait la convention d'accéder et d'user des constructions et donc qu'elle occupait effectivement le bien prêté, l'association doit répondre de l'incendie sauf à dégager sa responsabilité en prouvant qu'elle n'a commis aucune faute ou qu'il s'agit d'un cas fortuit ; que le technicien du laboratoire central de la Préfecture de police de Paris conclut qu'il s'agit d'un incendie dont la cause et le mode d'allumage restent indéterminés et évoque l'hypothèse d'un incendie volontaire dont il dit qu'il est « compatible avec le fait que des jeunes avaient l'habitude d'utiliser le balcon, la nuit, et de s'introduire régulièrement dans le club » ; que nonobstant l'absence de certitude quant à l'origine criminelle de l'incendie, la Maif ne peut pas prétendre que l'association n'a commis aucune faute puisqu'il était notoire que des individus s'introduisant dans le les lieux la nuit, l'un des riverains ayant d'ailleurs témoigné de la fuite d'individus porteurs d'objets ressemblant à des extincteurs (deux heures avant le départ du feu) et qu'il n'est excipé d'aucune mesure de protection pour faire cesser ces intrusions ; que, dès lors, et pour les motifs retenus par la cour, la Maif, assureur de dommages, doit indemniser la SA Axa France Iard, assureur de dommages, la décision déférée devant être confirmée en ce qu'elle entre en voie de condamnation ; 1) ALORS QU'en cas d'utilisation commune d'une chose par le prêteur et l'emprunteur, le risque de perte de la chose ne peut être supporté par l'emprunteur que si la destruction lui en est imputable ; qu'en retenant que la Maif, assureur de responsabilité civile de l'association Aviron Marne, emprunteuse, ne démontrait pas l'usage effectif par la commune de Joinville le Pont, prêteuse, du bien prêté pour faire application de la présomption de responsabilité de l'emprunteur attachée à un usage exclusif de la chose, quand, dès lors que la commune prêteuse s'était contractuellement réservée l'usage du bien prêté en commun avec l'association, cette dernière ne pouvait être présumée responsable du sinistre et n'avait pas à démontrer son absence de faute et, donc, l'utilisation effective du bien prêté par la commune, la cour d'appel a violé l'article 1880 du code civil ; 2) ALORS QU'il appartient au prêteur, qui s'est contractuellement réservé la faculté d'utiliser la chose prêtée en commun avec l'emprunteur et qui se prévaut néanmoins de la présomption de responsabilité de l'emprunteur dans de la destruction de cette chose, attachée à son usage exclusif, de démontrer que, contrairement au contenu du contrat écrit, il a conféré au prêteur l'usage exclusif de la chose ; que la société Axa France Iard, assureur subrogé dans les droits de la commune prêteuse qui s'était contractuellement réservée la jouissance de la chose prêtée en commun avec l'association emprunteuse, exerçait l'action directe à l'encontre de la Maif, assureur de responsabilité civile de l'association emprunteuse ; qu'en retenant néanmoins, pour faire application de la présomption de responsabilité attachée à l'usage exclusif de la chose, qu'il appartenait à la Maif de démontrer que la commune occupait effectivement le bien prêté quand le prêteur s'étant contractuellement réservé l'usage de la chose prêtée devait démontrer qu'il avait en réalité conférée la jouissance exclusive de la chose à l'emprunteur, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé l'article 1315, devenu 1353, du code civil ; 3) ALORS, en toute hypothèse, QUE le juge ne peut relever d'office un moyen tiré d'un fait que les parties n'avaient pas spécialement invoqué au soutien de leurs prétentions sans les avoir invitées, au préalable, à s'expliquer sur ce moyen ; qu'aucun manquement dans la protection des locaux prêtés n'était dans le débat ; qu'en retenant d'office, sans inviter les parties à s'expliquer sur ce point, que la Maif ne justifiait pas de la mise en place de mesures de protection pour faire cesser les intrusions prétendument notoires d'individus dans les lieux la nuit, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ; 4) ALORS, toujours en toute hypothèse, QUE tout jugement doit être motivé et le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; qu'en se bornant à affirmer que le technicien du laboratoire central de la Préfecture de police de Paris concluait que la cause et le mode d'allumage de l'incendie à l'origine de la destruction de la chose prêtée restaient indéterminés et évoquait l'hypothèse d'un incendie volontaire compatible avec la présence habituelle de jeunes la nuit pour exclure le cas fortuit sans répondre aux conclusions opérantes de la Maif (p. 9) faisant valoir, pièces à l'appui, que l'existence d'un cas fortuit résultait du fait que le laboratoire de la préfecture de police avait exclu l'hypothèse d'un départ accidentel et que le caractère criminel de l'incendie était corroborée notamment par les témoignages de Mme O... ayant aperçu le jour du sinistre quatre jeunes courant très vite vers la sortie de l'île après avoir entendu un gros bruit de liquide sous pression, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
Si en cas de dégradation ou de perte du bien faisant l'objet d'un prêt à usage, l'emprunteur est tenu d'indemniser le prêteur, sauf s'il rapporte la preuve de l'absence de faute de sa part ou d'un cas fortuit, cette présomption est écartée lorsque le prêteur s'est contractuellement réservé l'usage de ce bien en commun avec l'emprunteur
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CIV. 1 CM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 20 mai 2020 Rejet Mme BATUT, président Arrêt n° 327 F-P+B Pourvoi n° X 18-23.529 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 20 MAI 2020 1°/ M. D... Y..., 2°/ Mme A... L..., épouse Y..., tous deux domiciliés [...], ont formé le pourvoi n° X 18-23.529 contre l'arrêt rendu le 27 mars 2018 par la cour d'appel d'Amiens (1re chambre civile), dans le litige les opposant : 1°/ à la société BNP Paribas Personal Finance, dont le siège est [...], venant aux droits de la société Sygma banque, 2°/ à M. O... U..., domicilié [...], pris en qualité de liquidateur de la société Compagnie énergie solaire, défendeurs à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Vitse, conseiller référendaire, les observations de Me Occhipinti, avocat de M. et Mme Y..., de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société BNP Paribas Personal Finance, et l'avis de M. Chaumont, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 mars 2020 où étaient présents Mme Batut, président, M. Vitse, conseiller référendaire rapporteur, Mme Kamara, conseiller doyen, et Mme Randouin, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 27 mars 2018), suivant offre acceptée le 7 mai 2013, la société Sygma banque, aux droits de laquelle vient la société BNP Paribas Personal Finance (la banque), a consenti à M. et Mme Y... (les emprunteurs) un prêt de 18 500 euros destiné à financer la vente et la pose de panneaux photovoltaïques par la société Compagnie énergie solaire (le vendeur). 2. Invoquant l'absence de raccordement de l'installation, les emprunteurs ont assigné le vendeur, pris en la personne de son liquidateur judiciaire, et la banque en résolution des contrats et en réparation de leur préjudice. Examen du moyen Enoncé du moyen 3. Les emprunteurs font grief à l'arrêt de les condamner à rembourser à la banque le capital emprunté et de condamner celle-ci à leur payer la seule somme de 9 000 euros à titre de dommages-intérêts, alors « que, dans un contrat de crédit affecté, le prêteur qui commet une faute lors de la libération des fonds ne peut prétendre au remboursement du capital prêté ; que la cour d'appel a constaté que la banque avait commis une faute lors de la libération des fonds, puisqu'aucun contrat n'avait été signé à ce moment ; qu'en condamnant néanmoins les emprunteurs à rembourser le capital, peu important à cet égard leur légèreté prétendue, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant ainsi les articles L. 311-31 et L. 311-32 du code de la consommation dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 et 1184 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. » Réponse de la Cour 4. Après avoir constaté la livraison des panneaux photovoltaïques, mais l'absence de démarches en vue de leur raccordement au réseau, et prononcé en conséquence la résolution du contrat de vente et celle du crédit affecté, ainsi que la déchéance du droit aux intérêts, l'arrêt relève, d'abord, que la banque a libéré les fonds sans s'assurer que les emprunteurs avaient régularisé le contrat principal, lequel a été conclu le 24 octobre 2013, postérieurement au certificat de livraison signé le 6 août 2013 par M. Y... et le 9 octobre suivant par son épouse, et qu'elle a ainsi engagé sa responsabilité. 5. Il retient, ensuite, que les emprunteurs ont eux-mêmes fait preuve de légèreté en acceptant la mise en oeuvre à leur domicile de l'installation, avant même la signature du contrat de vente, et en certifiant, d'une part, l'exécution d'un contrat en réalité inexistant, d'autre part, l'exécution d'une prestation en vérité inachevée. 6. Ayant ainsi déduit de ces constatations que les parties avaient chacune commis une faute, la cour d'appel a pu décider que les emprunteurs étaient tenus de rembourser le capital prêté, sous déduction de la somme de 9 000 euros dont elle a souverainement estimé qu'elle réparerait le préjudice subi par eux du fait de la faute de la banque. 7. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. et Mme Y... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, signé et prononcé par le président, conformément aux dispositions des articles 452, 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller doyen et du conseiller rapporteur empêchés, en son audience publique du vingt mai deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par Me Occhipinti, avocat aux Conseils, pour M. et Mme Y... Il est reproché à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné M. et Mme Y... à payer la société Sygma Banque, aux droits de laquelle vient la société BNP Paribas Personal Finance, la somme de 18 500 €, et d'AVOIR condamné la société BNP Paribas Personal Finance à payer à M. et Mme Y... la seule somme de 9 000 € de dommages-intérêts ; AUX MOTIFS QUE le jugement sera de même conformé en ce qu'il prononce la résolution du crédit affecté à cette opération qui emporte obligation pour l'emprunteur de restituer le capital emprunté sous déduction des échéances versées (inexistantes en l'espèce) sous réserve d'une éventuelle responsabilité du prêteur ; les époux Y... dénoncent les manquements de la société Sygna Banque qui ne s'est pas préoccupée de la nature du contrat principal dont le caractère immobilier justifiait l'application des dispositions de l'article L 312-2 du code de la consommation dans leur version applicable, ni ne s'est assurée de la bonne exécution du contrat principal. La société BNP Paribas Personal Finance se défend de toute faute dès lors que les fonds ont été libérés entre les mains de la société Compagnie Energie Solaire au visa d'un certificat de livraison, signé le 6 août 2013 par le mari et le 9 octobre 2013 par l'épouse, attestant de la pleine exécution du contrat principal, le prêteur n'étant pas tenu, en présence de déclarations explicites des emprunteurs, de vérifier la bonne exécution du contrat principal. La cour observe tout d'abord que le montant du financement sollicité était inférieur au plafond institué à l'article L 312-2 du code de la consommation dans sa version applicable à l'espèce en sorte que le premier moyen invoqué par les époux Y... est inopérant. La cour relève, par contre, que Sygma Banque a accepté en mai 2010 de financer à hauteur de 18 500 € par un crédit expressément intitulé « crédit affecté » l'exécution d'un contrat principal inexistant puisqu'il est avéré que le bon de commande du 3 mai 2010 n'a pas été accepté par les époux Y..., ce dont il se déduit que Sygma Banque n'a, même pas réalisé le contrôle a minima qu'il est légitime d'attendre d'un organisme dispensateur d'un crédit affecté qui est de vérifier... qu'existe bien un contrat principal à financer. N'étant en possession d'aucune justification de ce contrat principal, Sygma Banque aurait dû s'assurer à tout le moins lors de la demande de déblocage des fonds qu'à cette date un contrat principal avait bien été régularisé, ce qui n'était pas le cas puisque les deux contrats signés var les époux Y... datent du 24 octobre 2010 et sont donc postérieurs certificat de livraison signé par les intéressés. Ce contrôle l'aurait nécessairement conduite à plus de prudence dans la libération des fonds et à interpeller au préalable les époux Y... sur la réalité des engagements souscrits envers Compagnie Energie Solaire et l'exécution par du contrat principal qui conditionnait la libération des fonds. La cour estime, dès lors, que la société Sygrna Banque a failli singulièrement à ses obligations et engage sa responsabilité envers les époux Y... dont il convient néanmoins de souligner la légèreté pour avoir accepté la mise en oeuvre à leur domicile d'une installation avant même que n'ait été signé un contrat avec la société Compagnie Energie Solaire et avoir confirmé une "pleine exécution" d'un contrat...inexistant et la réalisation de prestations...inachevées. La cour relève encore que n'est contesté par BNP Paribas Personal Finance le défaut de consultation du FICP avant conclusion du prêt. Il est, par suite, légitime d'indemniser les époux Y... à hauteur de 9 000€ qui viendront en déduction du capital dont ils doivent restitution à BNP Paribas Personal Finance ; ALORS QUE dans un contrat de crédit affecté, le prêteur qui commet une faute lors de la libération des fonds ne peut prétendre au remboursement du capital prêté ; que la cour d'appel a constaté que la société Sygma Banque avait commis une faute lors de la libération des fonds, puisqu'aucun contrat n'avait été signé à ce moment ; qu'en condamnant néanmoins les époux Y... à rembourser le capital, peu important à cet égard leur légèreté prétendue, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant ainsi les articles L 311-31 et L 311-32 du code de la consommation dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 et 1184 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.
Ayant relevé que les parties à un contrat de crédit affecté, dont elle avait prononcé la résolution, avaient chacune commis une faute, une cour d'appel a pu décider que les emprunteurs seraient tenus de rembourser le capital prêté, sous déduction d'une certaine somme dont elle a souverainement estimé qu'elle réparerait le préjudice subi par eux du fait de la faute du prêteur
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CIV. 1 CM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 20 mai 2020 Cassation Mme BATUT, président Arrêt n° 347 F-P+B Pourvoi n° Z 19-13.461 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 20 MAI 2020 La société BNP Paribas, société anonyme, dont le siège est [...], a formé le pourvoi n° Z 19-13.461 contre l'arrêt rendu le 8 janvier 2019 par la cour d'appel de Dijon (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à Mme A... K..., épouse X..., domiciliée [...], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la société BNP Paribas, de Me Le Prado, avocat de Mme K..., et après débats en l'audience publique du 10 mars 2020 où étaient présentes Mme Batut, président, Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire rapporteur, Mme Kamara, conseiller doyen, et Mme Randouin, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 8 janvier 2019), par acte authentique du 8 septembre 2000, la société BNP Paribas (la banque) a consenti un prêt professionnel à M. et Mme X... (les emprunteurs). Puis, suivant actes authentiques des 25 août et 2 octobre 2003, la banque leur a consenti une ouverture de crédit par découvert en compte. 2. Se prévalant d'une créance au titre de ces actes, la banque a engagé une procédure aux fins de saisie des rémunérations de Mme X.... Cette dernière a soulevé la prescription de la demande en application de l'article L. 137-2 du code de la consommation. Examen du moyen Enoncé du moyen 3. La banque fait grief à l'arrêt de déclarer sa demande irrecevable comme prescrite, alors « que l'article L. 137-2, devenu L. 218-2, du code de la consommation qui énonce que "l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans", n'est pas applicable aux prêts "destiné[s] à financer une activité professionnelle, fût-elle accessoire" ; que, lorsqu'un prêt est souscrit par deux époux pour les besoins de l'activité professionnelle de l'un seul d'entre eux, l'autre ne peut pas se prévaloir de la prescription biennale ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que les conventions sur lesquelles la banque fondait sa demande en saisie des rémunérations de Mme X... avaient été conclues "pour les besoins de l'activité professionnelle du mari viticulteur" ; qu'en retenant néanmoins, au prétexte que Mme X..., "agent commercial, était étrangère à cette activité", que l'action de la banque se prescrivait par deux ans en application de l'article L. 137-2, devenu l'article L. 218-2, du code de la consommation, la cour d'appel a violé ce texte par fausse application. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 137-2, devenu L. 218-2 du code de la consommation : 4. Aux termes de ce texte, l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans. Il en résulte que cette prescription ne s'applique pas aux actions fondées sur un prêt consenti pour les besoins d'une activité professionnelle. 5. Pour déclarer prescrite la demande de la banque, après avoir constaté que les actes des 8 septembre 2000, 25 août et 2 octobre 2003 avaient été conclus pour les besoins de l'activité professionnelle de M. X..., viticulteur, et que Mme X... était étrangère à cette activité, l'arrêt retient que celle-ci, intervenue aux actes en tant que consommateur, pouvait se prévaloir des dispositions prévues par l'article L. 137-2, devenu L. 218-2 du code de la consommation. 6. En statuant ainsi, alors qu'est sans effet sur la qualification professionnelle d'un crédit la circonstance qu'un coemprunteur est étranger à l'activité pour les besoins de laquelle il a été consenti, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 janvier 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Besançon ; Condamne Mme X... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt mai deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la société BNP Paribas Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR déclaré la société BNP Paribas irrecevable en sa demande ; AUX MOTIFS QUE BNP Paribas fait valoir des créances, au 15 mai 2013, de 228.866,26 € (solde d'un compte courant en vertu d'un acte notarié des 25 août et 2 octobre 2003) et 15.765,74 € (reste dû d'un prêt professionnel consenti par acte authentique du 8 septembre 2000) ; qu'il est constant que les conventions concernées entre la banque et les époux X... ont été conclues pour les besoins de l'activité professionnelle du mari viticulteur ; qu'il n'est pas contesté que l'épouse, agent commercial, était étrangère à cette activité ; qu'elle est ainsi intervenue aux actes comme simple consommateur, la qualité de professionnel ne pouvant s'acquérir conventionnellement par une extension de la qualification d'un contrat ; que Mme X... est dès lors en droit d'invoquer l'article L 137-2 devenu L 218-2 du code de la consommation, texte créé par la loi du 17 juin 2008 et aux termes duquel l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans; que selon BNP Paribas, la procédure de saisie immobilière s'est poursuivie jusqu'au jugement du 28 octobre 2008 l'ayant radiée ; que cependant cette procédure avait été engagée suivant commandement de payer délivré le 13 août 2007 pour des sommes dues au titre des compte courant et prêt ; qu'en vertu de l'article 32 du décret du 27 juillet 2006 devenu R 321-20 du code des procédures civiles d'exécution, le commandement a cessé de produire effet à défaut, dans les deux ans de sa publication, d'une mention d'un jugement constatant la vente du bien saisi ; que la prescription biennale a en conséquence pris cours deux années après la publicité du commandement, précédant l'assignation le 19 octobre 2007 pour l'audience d'orientation ; qu'elle était donc acquise avant le commandement du 10 juin 2013 dont fait état la banque, lui-même antérieur à la requête du 3 juin 2015 en autorisation de saisie des rémunérations ; qu'il y a lieu par suite de déclarer la société BNP Paribas irrecevable en sa demande; ALORS QUE l'article L. 137-2, devenu L. 218-2, du code de la consommation qui énonce que « l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans », n'est pas applicable aux prêts « destiné[s] à financer une activité professionnelle, fût-elle accessoire » ; que lorsqu'un prêt est souscrit par deux époux pour les besoins de l'activité professionnelle de l'un seul d'entre eux, l'autre ne peut pas se prévaloir de la prescription biennale ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que les conventions sur lesquelles la société BNP Paribas fondait sa demande en saisie des rémunérations de Mme X... avaient été conclues « pour les besoins de l'activité professionnelle du mari viticulteur » ; qu'en retenant néanmoins, au prétexte que Mme X..., « agent commercial, était étrangère à cette activité », que l'action de la société BNP Paribas se prescrivait par deux ans en application de l'article L. 137-2, devenu l'article L. 218-2, du code de la consommation, la cour d'appel a violé ce texte par fausse application.
La prescription biennale prévue à l'article 137-2, devenu L. 218-2 du code de la consommation, ne s'applique pas aux actions fondées sur un prêt consenti pour les besoins d'une activité professionnelle. Est sans effet sur la qualification professionnelle d'un crédit la circonstance qu'un coemprunteur est étranger à l'activité pour les besoins de laquelle il a été consenti
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 20 mai 2020 Rejet M. PIREYRE, président Arrêt n° 417 FS-P+B+I Pourvoi n° N 18-24.095 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 20 MAI 2020 1°/ la société MAAF assurances, dont le siège est [...] , 2°/ Mme L... B..., domiciliée [...] , ont formé le pourvoi n° N 18-24.095 contre l'arrêt rendu le 3 septembre 2018 par la cour d'appel de Bordeaux (1re chambre civile), dans le litige les opposant à M. J... X..., domicilié [...] , défendeur à la cassation. Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Touati, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société MAAF assurances et de Mme B..., de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. X..., et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 février 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Touati, conseiller référendaire rapporteur, Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen, M. Besson, Mme Bouvier, conseillers, Mme Guého, M. Talabardon, Mme Bohnert, M. Ittah, conseillers référendaires, M. Grignon Dumoulin, avocat général, et Mme Cos, greffier de chambre. la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt; Sur le moyen unique : Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 3 septembre 2018), que, le 23 août 2011, M. X..., alors âgé de 56 ans, a été victime d'un accident de la circulation, dans lequel était impliqué le véhicule conduit par Mme B..., assurée auprès de la société MAAF assurances (l'assureur) ; que M. X... se plaignant d'avoir, à la suite de la collision, perçu un « flash » et ressenti des décharges dans les membres inférieur et supérieur droits, a été transporté dans un centre hospitalier où a été diagnostiqué un traumatisme cervical bénin ; que dans les deux jours suivant l'accident, M. X... a présenté des tremblements de la main droite associés à des céphalées ; qu'une scintigraphie cérébrale a mis en évidence un syndrome parkinsonien ; qu'après expertise, M. X... a assigné Mme B... et l'assureur en réparation de ses préjudices, en présence de la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde ; Attendu que Mme B... et l'assureur font grief à l'arrêt de dire que la maladie de Parkinson a été révélée par l'accident en sorte que cette affection lui est imputable et que le droit à réparation de M. X... est intégral et de renvoyer, en conséquence, l'affaire devant le tribunal pour liquidation du préjudice, alors, selon le moyen, que le dommage qui, constituant l'évolution inéluctable d'une pathologie antérieure, se serait manifesté de manière certaine indépendamment de la survenance du fait générateur, n'est pas en relation de causalité avec celui-ci ; qu'en se bornant à retenir, pour condamner Mme B... et l'assureur à indemniser M. X..., victime d'un accident de la circulation, des préjudices résultant d'une maladie de Parkinson dont elle relevait elle-même qu'elle « n'est pas une affection post traumatique dans l'état des avis spécialisés recueillis par » l'expert judiciaire, que cette maladie n'avait été révélée que par le fait dommageable, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si l'affection ne se serait pas nécessairement déclarée à plus ou moins brève échéance, ses conséquences ne pouvant, dès lors, être intégralement mises à la charge du responsable de l'accident et de son assureur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 4 de la loi du 5 juillet 1985 et 1382, devenu 1240 du code civil ; Mais attendu qu'après avoir exactement énoncé que le droit de la victime d'un accident de la circulation à obtenir l'indemnisation de son préjudice corporel ne saurait être réduit en raison d'une prédisposition pathologique lorsque l'affection qui en est résulté n'a été provoquée ou révélée que du fait de l'accident, la cour d'appel a retenu que, selon l'anamnèse de l'état de santé de M. X..., il n'avait été repéré avant l'accident ni tremblements ni maladie de Parkinson, que si la maladie de Parkinson n'était pas d'origine traumatique selon les avis spécialisés recueillis par l'expert, il ressortait de ces mêmes avis que cette maladie était, chez M. X..., un état antérieur méconnu, que selon les conclusions de l'expert il n'était pas possible de dire dans quel délai cette maladie serait survenue, que la pathologie de M. X... ne s'était pas extériorisée avant l'accident sous la forme d'une quelconque invalidité, que cette affection n'avait été révélée que par le fait dommageable, en sorte qu'elle lui était imputable et que le droit à réparation de M. X... était intégral ; qu'ayant ainsi fait ressortir qu'il n'était pas justifié que la pathologie latente de M. X..., révélée par l'accident, se serait manifestée dans un délai prévisible, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à d'autres recherches, a légalement justifié sa décision ; PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société MAAF assurances et Mme B... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société MAAF assurances et Mme B... et les condamne in solidum à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt mai deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour la société MAAF assurances et Mme B... Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la maladie de Parkinson avait été révélée par l'accident de circulation survenu le 23 août 2011 en sorte que cette affection est imputable à l'accident et que le droit à réparation de J... X... est intégral et d'AVOIR renvoyer en conséquence l'affaire devant le tribunal de grande instance de Bordeaux pour liquidation du préjudice de J... X... ; AUX MOTIFS QUE le débat en appel porte sur le fait que, selon l'appelant, le jugement n'aurait pas pris en considération l'état antérieur révélé par l'accident c'est à dire la maladie de Parkinson ; qu'il est constant que le droit de la victime d'un accident de la circulation à obtenir l'indemnisation de son préjudice corporel ne saurait être réduit en raison d'une prédisposition pathologique, lorsque l'affection qui en est issue n'a été provoquée ou révélée que du fait de l'accident ; que le rapport d'expertise est une base valable d'analyse sans qu'il soit besoin pour la cour de "l'homologuer", l'homologation consistant à conférer un effet ou un caractère exécutoire à un acte après un contrôle de légalité ou d'opportunité ; que la cour se bornera à l'entériner et ne fera pas droit à la demande de complément d'expertise dans la mesure où la cour s'estime suffisamment éclairée par le rapport, l'expert judiciaire ayant pris soin de s'adjoindre des sapiteurs ; que dans la présente affaire, la maladie de Parkinson qui est avérée ainsi que le met en exergue le rapport d'expertise, n'a jamais été constatée antérieurement à l'accident ; qu'en effet, dans l'anamnèse de l'état de santé de la victime, il est constant que n'ont pas été repérés de tremblements ou de maladie de Parkinson selon les attestations des médecins traitants ; qu'il n'est justifié d'aucun examen neurologique antérieur au traumatisme ; que s'il est exact que la maladie de Parkinson n'est pas une affection post traumatique dans l'état des avis spécialisés recueillis par le professeur C..., il ressort de ces mêmes avis spécialisés que la maladie de Parkinson était, chez J... X..., un état antérieur méconnu ; que les effets néfastes de cette maladie de Parkinson ne s'étaient pas manifestés avant l'accident ; qu'on ne peut faire fond sur le certificat du professeur D... qui a examiné J... X... en juin 2013 soit deux ans après l'accident et qui classe son patient en stade 2 de Hoen et Yahr qui est une échelle d'évaluation des symptômes de Parkinson qui va de 1 à 5 et en déduire hypothétiquement que la pathologie avait débuté avant l'accident ; qu'en effet, ce professeur neurologue se borne à constater le stade atteint par son malade sans en tirer de conséquences sur le début de la pathologie ; qu'en outre, il ressort des conclusions de l'expert C... qu'il n'est pas possible de dire dans quel délai serait survenue cette maladie ; que de tout cela, la cour déduira que le droit à réparation de J... X... ne peut être réduit dès lors que la pathologie de J... X... ne s'était pas extériorisée avant l'accident par exemple sous la forme d'une quelconque invalidité ; qu'en conséquence, il n'y a pas prise à cantonner l'indemnisation à la seule mise en évidence des signes de la maladie de Parkinson préexistante, à son aggravation transitoire ainsi qu'au traumatisme cervical bénin subi par J... X... ; que la cour dira que l'affection dont souffre effectivement J... X... n'a été révélée que par le fait dommageable en sorte que cette affection est imputable au fait dommageable et que le droit à réparation de J... X... est intégral ; que par conséquent, le jugement sera infirmé sur les chefs du jugement qui ont : - dit que le syndrome parkinsonien n'est pas imputable à l'accident de circulation du 23 août 2011, - dit que seule la mise en évidence des signes de la maladie de Parkinson préexistante, son aggravation transitoire ainsi que le traumatisme cervical bénin subi par J... X... ont un lien de causalité direct et certain avec l'accident et lui sont donc imputables ; que la cour renverra devant le tribunal les parties pour la liquidation du préjudice corporel de manière à ne pas faire perdre aux parties le double degré de juridiction d'autant que les débours définitifs de la CPAM ne sont pas connus et que l'appel dirigé contre la CPAM a été déclaré irrecevable ; ALORS QUE le dommage qui, constituant l'évolution inéluctable d'une pathologie antérieure, se serait manifesté de manière certaine indépendamment de la survenance du fait générateur, n'est pas en relation de causalité avec celui-ci ; qu'en se bornant à retenir, pour condamner Mme B... et la société Maaf Assurances à indemniser M. O..., victime d'un accident de la circulation, des préjudices résultant d'une maladie de Parkinson dont elle relevait elle-même qu'elle « n'est pas une affection post traumatique dans l'état des avis spécialisés recueillis par » l'expert judiciaire (arrêt, p. 6, § 4), que cette maladie n'avait été révélée que par le fait dommageable, sans rechercher, comme il le lui était demandé (conclusions, p. 9, § 1er ; p. 11, § 8 ; p. 17, § 5), si l'affection ne se serait pas nécessairement déclarée à plus ou moins brève échéance, ses conséquences ne pouvant, dès lors, être intégralement mises à la charge du responsable de l'accident et de son assureur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 4 de la loi du 5 juillet 1985 et 1382, devenu 1240 du code civil.
Le droit de la victime d'un accident de la circulation à obtenir l'indemnisation de son préjudice corporel ne saurait être réduit en raison d'une prédisposition pathologique lorsque l'affection qui en est résulté n'a été provoquée ou révélée que du fait de l'accident. Justifie légalement sa décision, sans avoir à procéder à d'autres recherches, une cour d'appel qui, pour juger que la maladie de Parkinson présentée par la victime d'un accident de la circulation a été révélée par cet accident, de sorte qu'elle lui est imputable et que le droit à réparation de la victime est intégral, constate que cette dernière ne présentait antérieurement aucun tremblement, que sa maladie ne s'était pas extériorisée avant l'accident sous la forme d'une quelconque invalidité et que cette affection n'a été révélée que par le fait dommageable, sans qu'il soit possible, selon les conclusions de l'expert, de dire dans quel délai elle serait survenue, faisant ressortir ainsi qu'il n'était pas justifié que la pathologie latente de la victime, révélée par l'accident, se serait manifestée dans un délai prévisible
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 20 mai 2020 Cassation M. PIREYRE, président Arrêt n° 418 FS-P+B+I Pourvoi n° 18-25.440 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 20 MAI 2020 M. S... A..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° 18-25.440 contre l'arrêt rendu le 8 novembre 2018 par la cour d'appel de Lyon (1re chambre civile A), dans le litige l'opposant à la société Crédit foncier de France, société anonyme, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Guého, conseiller référendaire, les observations de la SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, avocat de M. A..., de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Crédit foncier de France, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 février 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Guého, conseiller référendaire rapporteur, Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen, M. Besson, Mme Bouvier, conseillers, Mme Touati, M. Talabardon, Mme Bohnert, M. Ittah, conseillers référendaires, M. Grignon Dumoulin, avocat général, et Mme Cos, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Sur le moyen unique : Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, applicable à la cause ; Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 22 janvier 2007, M. A... a adhéré, pour garantir un prêt immobilier consenti par la société Crédit foncier de France (la banque), au contrat d'assurance de groupe souscrit par cette dernière auprès de la société Axa France vie (l'assureur) afin de couvrir les risques décès, invalidité et incapacité ; que le 14 mars 2008, M. A... a été victime d'un accident du travail ; qu'après avoir pris en charge les échéances du prêt, l'assureur a notifié à M. A... un refus de maintenir la garantie, son taux d'incapacité fonctionnelle ne dépassant pas le minimum contractuel prévu ; que M. A... a assigné la banque en réparation d'un manquement à ses devoirs d'information, de conseil et de mise en garde ; Attendu que pour rejeter cette demande, l'arrêt, après avoir retenu la responsabilité de la banque pour n'avoir pas appelé l'attention sur les limites de la garantie souscrite, énonce que M. A... ne démontre pas que, complètement informé, il aurait contracté une autre assurance qui l'aurait couvert contre l'incapacité de travail qui lui avait été reconnue, ce d'autant que les assurances ne couvrent pas l'incapacité de travail dans les termes de l'incapacité reconnue par la sécurité sociale, et en déduit l'absence de perte de chance de souscrire une assurance lui garantissant le risque d'une incapacité totale de travail ; Qu'en statuant ainsi, alors que toute perte de chance ouvre droit à réparation, la cour d'appel, qui a exigé de l'assuré qu'il démontre que s'il avait été parfaitement informé par la banque sur l'adéquation ou non de l'assurance offerte à sa situation, il aurait souscrit, de manière certaine, un contrat mieux adapté, la cour d'appel a violé le texte susvisé ; PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon autrement composée ; Condamne la société Crédit foncier de France aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Crédit foncier de France et la condamne à payer à M. A... la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt mai deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, avocat aux Conseils, pour M. A... M. A... fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir débouté de sa demande tendant à voir engager la responsabilité du CCF pour manquement à ses devoirs d'information, de conseil et de mise en garde lors de la conclusion du prêt du 22 janvier 2007 ; AUX MOTIFS QUE M. A... soutient que le CFF n'a pas correctement rempli son obligation d'information, la seule remise d'une notice étant insuffisante ; qu'il ne lui a pas clairement exposé les différences entre la notion d'incapacité fonctionnelle et celle d'incapacité professionnelle ; que le CFF n'a pas davantage rempli son devoir de mise en garde en attirant son attention sur le fait que la pondération du taux d'incapacité professionnelle par le taux d'incapacité fonctionnelle dans la détermination du taux contractuel d'incapacité limiterait de manière importante la mise en oeuvre de la garantie ; qu'une assurance ne le garantissant pas du risque d'incapacité professionnelle n'avait pas de sens faute d'objet du contrat ; qu'il est bien fondé à demander son indemnisation résultant de la perte de chance de souscrire une assurance le garantissant pour le risque d'une incapacité totale de travail ; que le CFF conclut avoir correctement rempli ses obligations par la remise d'une notice claire, précise et adaptée à la situation de M. A... ; qu'aucun devoir de mise en garde n'existe dans le cadre d'une assurance de groupe et qu'en tout état de cause, l'assurance proposée à M. A... n'était manifestement pas inadaptée à ses besoins lors de sa souscription ; qu'enfin, il ne rapporte pas la preuve qu'il aurait contracté une autre assurance acceptant de le couvrir contre l'incapacité de travail qui lui a été reconnue pour un montant égal à celui payé à la société Axa France vie ; que le banquier, qui propose à son client auquel il consent un prêt, d'adhérer au contrat d'assurance groupe qu'il a souscrit à l'effet de garantir, en cas de survenance de divers risques, l'exécution de tout ou partie de ses engagements, est tenu de l'éclairer sur l'adéquation des risques couverts à sa situation personnelle d'emprunteur, la seule remise de la notice ne suffisant pas à satisfaire à cette obligation ; que M. A... a adhéré, lors de la souscription du prêt immobilier, à une assurance couvrant les risques décès-invalidité-incapacité ; qu'en l'espèce, M. A... reproche au CFF de ne pas l'avoir informé clairement sur la distinction entre les notions d'incapacité de travail entendue au regard des critères de la sécurité sociale et d'incapacité fonctionnelle entendue au regard des dispositions contractuelles ; que le CFF conclut à juste titre que la notice remise attirait l'attention de l'emprunteur sur ce point en indiquant que : - « L'ATTENTION DES ASSURES EST ATTIRÉE SUR L'ABSENCE DE LIEN ENTRE LES DÉCISIONS DE L'ASSUREUR RELATIVES A L'INCAPACITÉ DE TRAVAIL ET CELLES DE LA SÉCURITÉ SOCIALE » (en lettres capitales dans le texte) ; que la notice poursuit en donnant la définition de l'incapacité de travail et en mentionnant que « l'assureur considère alors en incapacité de travail tout assuré dont le taux contractuel d'incapacité est supérieur ou égal à 66 % » (en gras dans le texte) ; qu'elle donne enfin la définition du taux contractuel d'incapacité avec tableau reprenant les différents taux d'incapacité professionnelle et fonctionnelle faisant apparaître les taux permettant la prise en charge ; que M. A... a souscrit une assurance couvrant à la fois le risque incapacité de travail mais également décès et perte totale et irréversible d'autonomie ; que si cette assurance pouvait être considérée comme adaptée à sa situation de gérant, alors âgé de 31 ans, non salarié, d'une entreprise dans le domaine de l'automobile, le CFF, qui a la charge de la preuve, ne démontre pas avoir rempli correctement son devoir de conseil, par exemple en faisant signer à l'assuré une déclaration selon laquelle il lui avait non seulement remis la notice mais qu'il la lui avait exposée et expliquée en attirant son attention sur les limites de la prise en charge ; qu'il a engagé sa responsabilité de ce fait ; que néanmoins le CFF conclut à juste titre que M. [...] ne démontre pas que complètement informé, il aurait contracté une autre assurance qui l'aurait couvert contre l'incapacité de travail qui lui a été reconnue d'autant que les assurances ne couvrent pas l'incapacité de travail dans les termes de l'incapacité reconnue par la sécurité sociale ; qu'en conséquence, il sera débouté de sa demande en dommages et intérêts, en l'absence de perte de chance de souscrire une assurance lui garantissant le risque d'une incapacité totale de travail ; ALORS QUE lorsque le souscripteur d'un contrat d'assurance groupe n'a pas rempli correctement son devoir de conseil de l'assuré quant aux limites de la prise en charge, il n'appartient pas à ce dernier, pour que la perte de chance de souscrire une garantie plus large soit caractérisée, de démontrer qu'il aurait effectivement pu obtenir d'un autre assureur une garantie non prévue dans le contrat ; qu'en se fondant néanmoins, pour retenir l'absence de perte de chance de souscrire une assurance garantissant le risque d'incapacité totale de travail et débouter, en conséquence, l'exposant de sa demande, sur la circonstance inopérante qu'il ne démontrait pas que complètement informé, il aurait contracté une autre assurance qui l'aurait couvert contre l'incapacité de travail qui lui a été reconnue d'autant que les assurances ne couvrent pas l'incapacité de travail dans les termes de l'incapacité reconnue par la sécurité sociale, circonstance qui n'était pourtant pas de nature à exclure toute probabilité de réalisation de la perte de chance invoquée, la cour d'appel, qui a ainsi exigé de l'exposant qu'il rapporte la preuve, avec certitude, de contracter une assurance garantissant le risque de l'incapacité de travail qui lui avait été reconnu, a violé l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, applicable en la cause.
Toute perte de chance ouvre droit à réparation. Viole l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 une cour d'appel qui, après avoir retenu la responsabilité d'une banque pour ne pas avoir appelé l'attention d'un emprunteur sur les limites de la garantie résultant du contrat d'assurance de groupe qu'elle avait souscrit et auquel il avait adhéré, énonce qu'il ne démontre pas que, complètement informé, il aurait contracté une autre assurance qui aurait couvert l'incapacité de travail qui lui a été reconnue et exige ainsi qu'il prouve que, s'il avait été parfaitement informé par la banque sur l'adéquation ou non de l'assurance offerte à sa situation, il aurait souscrit, de manière certaine, un contrat mieux adapté
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 20 mai 2020 Cassation partielle M. PIREYRE, président Arrêt n° 419 FS-P+B+R+I Pourvoi n° J 19-12.780 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 20 MAI 2020 Le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° J 19-12.780 contre l'arrêt rendu le 10 janvier 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 2), dans le litige l'opposant : 1°/ à Mme S... H..., épouse U..., domiciliée [...] , 2°/ à la Caisse nationale des barreaux français (CNBF), dont le siège est [...] , 3°/ au Régime social des indépendants (RSI), dont le siège est [...] , défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Bouvier, conseiller, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de Mme H..., épouse U..., et l'avis de M. Gaillardot, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 26 février 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Bouvier, conseiller rapporteur, Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen, M. Besson, conseiller, Mmes Touati, Guého, M. Talabardon, Mme Bohnert, M. Ittah, conseillers référendaires, M. Gaillardot, premier avocat général, et Mme Cos, greffier de chambre. la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, Mme Touati, conseiller référendaire étant appelée à compléter la chambre conformément à l'article L. 431-3 du code de l'organisation judiciaire, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 janvier 2019), statuant en matière de référé, rendu sur renvoi après cassation (2e Civ., 8 février 2018, pourvoi n° 17-10.456), à la suite de l'attentat terroriste commis le 9 janvier 2015, dans le magasin Hyper Cacher, situé [...] , durant lequel un homme a pris des clients en otage et tué quatre personnes avant d'être abattu par les forces de l'ordre lorsqu'elles ont donné l'assaut, Mme U... a été inscrite sur la liste unique des victimes d'actes de terrorisme établie par le procureur du République près le tribunal de grande instance de Paris. 2. Mme U..., après avoir reçu des sommes provisionnelles du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (le FGTI), l'a assigné aux fins d'expertise et en paiement d'une provision supplémentaire à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices psychologique et professionnel. Examen du moyen Enoncé du moyen 3. Le FGTI fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à Mme U... une indemnité provisionnelle complémentaire de 15 000 euros alors « que seuls constituent des actes de terrorisme, au sens des articles L. 126-1 et L. 422-1 du code des assurances, les infractions limitativement énumérées aux articles 421-1 et suivants du code pénal ; qu'en jugeant, pour allouer une provision de 15 000 euros à Mme U..., qu'elle n'avait pas à préciser la nature et les éléments matériels de l'infraction terroriste qu'elle retenait comme ayant été commise à son encontre, quand il lui appartenait au contraire, pour caractériser l'existence d'une obligation non sérieusement contestable justifiant l'allocation d'une provision, de motiver tout spécialement sa décision de ce chef, la cour d'appel a violé l'article 809 du code de procédure civile, ensemble les articles L. 126-1 et L. 422-1 du code des assurances et 421-1 à 421-2-6 du code pénal. » Réponse de la Cour Vu l'article 809, alinéa 2, devenu 835, alinéa 2, du code de procédure civile, les articles L. 126-1 et L. 422-1 du code des assurances, en leur rédaction applicable à l'espèce, et l'article 421-1 du code pénal : 4. Il résulte des deuxième et troisième de ces textes que la réparation intégrale des dommages résultant d'une atteinte à la personne subis par les victimes d'infractions constitutives d'actes de terrorisme, visées par le dernier de ces textes, est assurée par l'intermédiaire du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme. 5. L'arrêt, après avoir relevé qu'il est constant que l'attentat commis le 9 janvier 2015 dans le magasin Hyper Cacher à Paris constitue un acte de terrorisme au sens des articles L. 126-1 du code des assurances et 421-1 du code pénal et qu'il incombe à Mme U... de faire la preuve qu'elle est victime de cet attentat, retient d'une part, que celle-ci démontre s'être trouvée dans la zone de danger au moment de l'attentat et d'autre part, que ce dernier lui a causé un traumatisme psychologique d'une exceptionnelle intensité, constaté par l'expert judiciaire, en lien direct, certain et exclusif avec les faits. 6. La décision en déduit que la demanderesse a été, avec l'évidence requise en référé, victime de l'attentat, sans qu'il soit besoin que la juridiction précise la nature et les éléments matériels de l'infraction qu'elle retient comme ayant été commise au préjudice de cette victime, contrairement à ce que le FGTI demande. 7. En se déterminant ainsi, alors qu'il lui appartenait de caractériser une infraction constitutive d'un acte de terrorisme prévue par l'article 421-1 du code pénal, ouvrant droit de manière non sérieusement contestable à l'indemnisation sollicitée du FGTI, la cour d'appel a privé sa décision de base légale. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions à payer à Mme U... une indemnité provisionnelle complémentaire de 15 000 euros, l'arrêt rendu le 10 janvier 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ; Laisse les dépens à la charge du Trésor public ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt mai deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (FGTI) Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné le FGTI à payer à Mme U... une indemnité provisionnelle complémentaire de 15 000 euros ; AUX MOTIFS QUE selon l'article 809, alinéa 2, du code de procédure civile, le juge des référés du tribunal de grande instance peut accorder une provision au créancier lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable ; qu'en vertu de l'article L. 126-1 du code des assurances, les victimes d'actes de terrorisme commis sur le territoire national, les personnes de nationalité française victimes à l'étranger de ces mêmes actes ainsi que leurs ayants droit, quelle que soit leur nationalité, sont indemnisés dans les conditions définies aux articles L. 422-1 à L. 422-3 ; que la réparation peut être refusée ou son montant réduit à raison de la faute de la victime ; que l'article 421-1 du code pénal définit les actes de terrorisme comme les infractions qu'il cite, parmi lesquelles figurent les atteintes volontaires à la vie, les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, l'enlèvement et la séquestration, lorsqu'elles sont intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur ; que l'article L. 422-1 du code des assurances prévoit que, pour l'application de l'article L. 126-1, précité, la réparation intégrale des dommages résultant d'une atteinte à la personne est assurée par l'intermédiaire du FGTI ; que l'article L. 422-2 du même code prévoit : "Le fonds de garantie est tenu, dans un délai d'un mois à compter de la demande qui lui est faite, de verser une ou plusieurs provisions à la victime qui a subi une atteinte à sa personne ou, en cas de décès de la victime, à ses ayants droit, sans préjudice du droit pour ces victimes de saisir le juge des référés. Le fonds de garantie est tenu de présenter à toute victime une offre d'indemnisation dans un délai de trois mois à compter du jour où il reçoit de celle-ci la justification de ses préjudices. Cette disposition est également applicable en cas d'aggravation du dommage" ; que selon l'article L. 422-3 dudit code, en cas de litige, le juge civil, si les faits générateurs du dommage ont donné lieu à des poursuites pénales, n'est pas tenu de surseoir à statuer jusqu'à décision définitive de la juridiction répressive et les victimes des dommages disposent, dans le délai prévu à l'article 2226 du code civil, du droit d'action en justice contre le fonds de garantie ; que pour la mise en oeuvre de ces dispositions, l'article R. 422-6 du code des assurances énonce : "Dès la survenance d'un acte de terrorisme, le procureur de la République ou l'autorité diplomatique ou consulaire compétente informe sans délai le Fonds de garantie des circonstances de l'événement et de l'identité des victimes. En outre, toute personne qui s'estime victime d'un acte de terrorisme peut saisir directement le Fonds de garantie. Le Fonds de garantie assiste les victimes dans la constitution de leur dossier d'indemnisation. Il les informe de toutes les pièces justificatives et renseignements à fournir, qui comprennent notamment l'indication : 1° Des demandes de réparation ou d'indemnité présentées par ailleurs et, en particulier, des actions en dommages et intérêts qui ont été engagées ainsi que des sommes qui leur ont été versées en réparation du préjudice ; 2° Le cas échéant, des organismes publics ou privés dont elles relèvent ou auprès desquels elles sont assurées et qui sont susceptibles de les indemniser de tout ou partie du préjudice subi" ; que dans l'affaire examinée, il est admis par le FGTI dans ses conclusions et il n'est pas contestable que l'attentat commis le 9 janvier 2015 dans le magasin Hyper Cacher de la Porte de Vincennes à Paris à caractère antisémite par un individu se réclamant de l'"état islamique", au cours duquel quatre clients du magasin ont été tués par celui-ci et plusieurs autres séquestrés pendant près de quatre heures, constitue un acte de terrorisme au sens des articles L. 126-1 du code des assurances et L. 421-1 du code pénal ; qu'il incombe à Mme U... de faire la preuve, avec l'évidence requise en référé, qu'elle est victime de cet attentat au sens de l'article L. 126-1, précité ; que comme elle l'admet dans ses écritures, le fait qu'elle a été inscrite sur la liste unique des victimes d'acte de terrorisme établie par le parquet du tribunal de grande instance de Paris et transmise au FGTI en application de l'article R. 422-6 du code des assurances et que cet organisme lui a versé deux provisions en application de l'article L. 422-2 du même code ne suffit pas à rapporter cette preuve dès lors que cet organisme, ainsi qu'il en a la possibilité, a contesté ensuite sa qualité de victime ; que Mme U... démontre avec l'évidence requise en référé qu'elle s'est trouvée dans la zone de danger au moment de l'attentat et que celui-ci lui a causé un traumatisme psychologique important ; qu'elle explique, en effet, que, le 9 janvier 2015, elle s'apprêtait à entrer dans le magasin Hyper Cacher lorsqu'elle a entendu des cris à la suite de la première rafale de tirs et qu'elle s'est réfugiée dans sa voiture stationnée à quelques mètres du magasin ; que ces explications sont confirmées par les attestations régulières en la forme en date des 9 mai et 7 juin 2016 de M. B... F... et de M. Q... O..., fonctionnaires de police arrivés les premiers sur les lieux vers 13h15 avec deux autres agents, selon lesquelles Mme U..., avec huit autres personnes, se trouvaient [...] , dans une voie sans issue, sur le versant gauche de la façade du magasin, en face d'une sortie de celui-ci, et que ces personnes, indique M. F..., n'"avaient pas la possibilité de quitter les lieux sans s'exposer dangereusement aux abords de l'épicerie" ; que M. F... précise que Mme U... était recroquevillée à l'intérieur de son véhicule, à l'arrière de celui-ci aux côtés d'une jeune fille ; qu'il indique les avoir découvertes, alerté par leurs pleurs et les secousses du véhicule, alors qu'il était lui-même dissimulé derrière un autre véhicule garé à proximité ; qu'il précise encore "La zone où elles se trouvaient présentait un réel danger pour leur intégrité physique dans la mesure où un échange de coups de feu entre le terroriste et mon équipage était potentiellement probable" ; qu'il expose que Mme U..., paniquée à l'idée de quitter son véhicule, a finalement accepté d'en sortir, qu'il a pu la mettre en sûreté à l'extrémité de la rue de Lagny avec les huit autres personnes secourues par son équipe et que, arrivée à cet endroit, elle a fait un malaise ; que M. O..., qui décrit de la même manière les conditions dans lesquelles les neuf personnes se trouvant dans, cette voie sans issue ont été secourues, confirme que Mme U... était terrorisée ; que les deux policiers indiquent, enfin, qu'il a été nécessaire de découper un grillage afin de mettre les neuf personnes concernées à l'abri du danger ; qu'il résulte, ensuite, du rapport d'expertise médicale définitif établi par le docteur G... en date du 14 décembre 2016 que Mme U... souffre d'une "symptomatologie anxieuse post-traumatique associée à une symptomatologie dépressive sévère" qui présente un "lien direct, certain et exclusif avec les faits dont [elle] a été victime" ; que l'expert judiciaire expose ainsi que, lorsqu'il a procédé à l'examen de Mme U... le 5 octobre 2016, celle-ci, âgée de 49 ans, présentait une grande fragilité psychique en lien direct avec les faits décrits ci-dessus, fragilité se matérialisant par une "symptomatologie dépressive majeure avec inhibition anxieuse dans le cadre d'un stress post-traumatique encore vif", avec une péjoration de l'avenir, dévalorisation de soi, troubles du sommeil et crises d'angoisse, retentissement important sur sa vie sexuelle, sociale et professionnelle ; que l'expert judiciaire a conclu ainsi son rapport en ce qui concerne la description des préjudices subis par Mme U... : "Pas d'état antérieur ; La consolidation médico-légale n'est pas acquise du fait des conséquences traumatiques d'une exceptionnelle intensité ; Postes de préjudice temporaires : - Déficit fonctionnel temporaire total : absence ; - Déficit fonctionnel temporaire partiel : 25 % du 9 janvier 2015 au 31 janvier 2016 (reprise d'une activité professionnelle partielle) puis d'au moins 15 % actuellement ; - Préjudice professionnel temporaire : incapacité totale à reprendre une activité professionnelle en lien total, direct et exclusif avec les faits traumatiques du 9 janvier au 31 janvier 2016 possibilité de reprendre une activité professionnelle de façon aménagée depuis le 1er février 2016 (équivalent d'un tiers temps, tel qu'effectué depuis le 01/02/2016) ; ce temps partiel est à imputer au dommage et sera évalué par l'expert-comptable ; - Les postes de préjudice tiennent compte des conséquences dommageables sur l'ensemble de la vie de la victime : vie professionnelle, disparition de sa vie sociale avec isolement à domicile, perte de sa place au sein de sa famille, impossibilité d'amener son fils à l'équitation comme elle le faisait précédemment ; - Les souffrances endurées ne sauraient être inférieures à 4 sur une échelle de 7 ; - Préjudice sexuel temporaire : impossibilité d'avoir des rapports sexuels avec son mari par absence de libido et ne partageant plus le lit conjugal." ; qu'il ressort de ces éléments avec l'évidence requise en référé que Mme U... a donc été victime de l'attentat commis le 9 janvier 2015 dans le magasin [...] , cela nonobstant le fait qu'elle ne s'est pas constituée partie civile et sans qu'il soit besoin que la présente juridiction précise la nature et les éléments matériels de l'infraction qu'elle retient comme ayant été commise au préjudice de Mme U..., contrairement à ce que le FGTI demande ; qu'au vu de la description de son préjudice par l'expert judiciaire psychiatre et en l'absence d'éléments comptables précis permettant de connaître le préjudice financier restant à charge de Mme U..., la demande de provision complémentaire présentée par celle-ci s'avère non sérieusement contestable à hauteur de la somme de 15 000 euros ; ALORS QUE seuls constituent des actes de terrorisme, au sens des articles L. 126-1 et L. 422-1 du code des assurances, les infractions limitativement énumérées aux articles 421-1 et suivants du code pénal ; qu'en jugeant, pour allouer une provision de 15 000 euros à Mme U..., qu'elle n'avait pas à préciser la nature et les éléments matériels de l'infraction terroriste qu'elle retenait comme ayant été commise à son encontre, quand il lui appartenait au contraire, pour caractériser l'existence d'une obligation non sérieusement contestable justifiant l'allocation d'une provision, de motiver tout spécialement sa décision de ce chef, la cour d'appel a violé les articles 809 du code de procédure civile, ensemble les articles L. 126-1 et L. 422-1 du code des assurances et 421-1 à 421-2-6 du code pénal.
Il résulte des articles L. 126-1 et L. 422-1 du code des assurances que la réparation intégrale des dommages résultant d'une atteinte à la personne subis par les victimes d'infractions constitutives d'actes de terrorisme, visées par l'article 421-1 du code pénal, est assurée par l'intermédiaire du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme (FGTI). Dès lors, prive sa décision de base légale une cour d'appel, statuant en matière de référé, qui déduit de ses constatations, pour condamner le FGTI à payer une provision à valoir sur l'indemnisation de préjudices d'une personne, que celle-ci a été, avec l'évidence requise en référé, victime de l'attentat, sans qu'il soit besoin que la juridiction précise la nature et les éléments matériels de l'infraction qu'elle retient comme ayant été commise au préjudice de cette victime alors qu'il lui appartenait de caractériser une infraction constitutive d'un acte de terrorisme prévue par l'article 421-1 du code pénal, ouvrant droit de manière non sérieusement contestable, au sens de l'article 809, alinéa 2, devenu 835, alinéa 2, du code de procédure civile, à l'indemnisation sollicitée du FGTI
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CIV. 2 FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 20 mai 2020 Rejet M. PIREYRE, président Arrêt n° 423 F-P+B+I Pourvoi n° 19-10.247 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 20 MAI 2020 La société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° 19-10.247 contre l'arrêt rendu le 1er octobre 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 2, chambre 3), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Avanssur, société anonyme, dont le siège est [...] , 2°/ à M. W... C..., domicilié [...] , 3°/ à Mme K... B..., domiciliée [...] , 4°/ à la société Mutuelle assurance instituteur France (MAIF), société d'assurance mutuelle, dont le siège est [...] , 5°/ à Mme G... A..., épouse U..., domiciliée [...] , 6°/ à la société AIG Europe Limited, société de droit étranger, dont le siège est [...] ), ayant un établissement en France, [...] , 7°/ à la société AIG Europe, société anonyme, société de droit étranger, dont le siège est [...] , ayant un établissement en France tour CB 21, [...] , venant aux droits de la société AIG Europe Limited, 8°/ à Mme L... X..., domiciliée [...] , 9°/ à la société Mutuelle assurance travailleur mutualiste (MATMUT), société d'assurance mutuelle, dont le siège est [...] , 10°/ à la société la Garantie mutuelle des fonctionnaires et employés de l'Etat et des services publics et assimilés, dont le siège est [...] , 11°/ à M. H... I..., 12°/ à Mme D... J..., épouse I..., domiciliés [...] , pris tant en leur nom personnel qu'en leur qualité d'administrateurs légaux de leur fils mineur W... I..., 13°/ à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Val-de-Marne, dont le siège est [...] , 14°/ à la société SIACI Saint-Honoré, société par actions simplifiée, ayant pour enseigne Vivinter, dont le siège est [...] , 15°/ à la société Verspieren, société anonyme, dont le siège est [...] , défendeurs à la cassation. La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation annexés au présent arrêt. La société Mutuelle d'assurance des instituteurs de France, la société Mutuelle d'assurance des travailleurs mutualistes, Mmes B... et X... ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt. Ces demanderesses invoquent à l'appui de leur recours un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. La société AIG Europe et Mme U... ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt. Ces demanderesses invoquent à l'appui de leur recours un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. M. et Mme I... ont formé également un pourvoi incident contre le même arrêt. Ces demandeurs invoquent à l'appui de leur recours un moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Bouvier, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Axa France IARD, de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme U... et de la société AIG Europe, de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de M. et Mme I..., de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la société Avanssur, de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la société Mutuelle d'assurance des instituteurs de France, de la société Mutuelle d'assurance des travailleurs mutualistes et de Mmes B... et X..., de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de la société Garantie mutuelle des fonctionnaires et employés de l'Etat et des services publics et assimilés, après débats en l'audience publique du 26 février 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Bouvier, conseiller rapporteur, Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen, et Mme Cos, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1.Selon l'arrêt attaqué (Paris, 1er octobre 2018), le 3 mars 2007, M. H... I..., conducteur d'un véhicule, assuré auprès de la société Axa France IARD, son épouse Mme D... I... et leur fils W... I... (les consorts I...), alors âgé de 3 mois, ont été victimes d'un accident complexe de la circulation routière dans lequel ont été impliqués les véhicules de M. R..., assuré auprès de la société Avanssur, de Mme B..., assuré auprès de la Maif, de Mme U..., assuré auprès de la société AIG Europe, venant aux droits de la société AIG Europe Limited, de Mme X..., assuré auprès de la Matmut, de Y... F..., non assuré et de M. C..., assuré auprès de la société Garantie Mutuelle des fonctionnaires et employés de l'Etat des services publics (Gmf). 2. La société Axa France IARD a assigné l'ensemble des conducteurs des véhicules impliqués dans l'accident, les assureurs et les consorts I... aux fins de réparation des préjudices subis par ces derniers et de répartition de la dette d'indemnisation. 3. L'action publique engagée à l'encontre de Y... F... notamment pour conduite en état d'ébriété a été éteinte par son décès, survenu le [...]. Examen des moyens Sur la troisième branche du moyen unique du pourvoi incident formé par la Maif, la Matmut, Mme X... et Mme B..., ci-après annexé 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le pourvoi principal Enoncé du moyen 5. La société Axa France IARD fait grief à l'arrêt de fixer la contribution de la société Avanssur à l'ensemble des dettes indemnitaires envers les consorts I... à la proportion de seulement 45 %, de fixer la contribution de la société GMF et de M. C... à l'ensemble des dettes indemnitaires envers les consorts I... à la proportion de seulement 10 % et de la débouter de sa demande tendant à voir condamner in solidum les sociétés Avanssur et GMF à la garantir de toutes les sommes qu'elle a déjà versées et qu'elle pourrait être amenée à verser au titre de l'indemnisation des préjudices des consorts I..., alors : « 1°/ que la contribution à la dette de réparation des dommages causés aux tiers entre les conducteurs de véhicules terrestres à moteur impliqués dans un accident de la circulation et leurs assureurs a lieu en proportion des fautes respectives des conducteurs impliqués ; que, partant, les conducteurs non fautifs et leurs assureurs disposent d'un recours intégral à l'encontre de chacun des conducteurs fautifs et de leurs assureurs ; que la cour d'appel ayant elle-même retenu que M. I..., conducteur du véhicule assuré par l'exposante, n'avait commis aucune faute, contrairement à MM. R... et C..., conducteurs fautifs des véhicules assurés respectivement par les sociétés Avanssur et GMF, il s'en déduisait que ces sociétés devaient être condamnées in solidum à garantir l'exposante de toutes les sommes qu'elle avait versées et qu'elle pourrait être amenée à verser au titre de l'indemnisation des préjudices de M. et Mme I... et de leur fils ; qu'en déboutant l'exposante de cette demande, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres énonciations et a violé les articles 1251 et 1382 du code civil dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ; 2°/ que le décès de l'un des codébiteurs solidaires qui laisse plusieurs héritiers n'efface pas le caractère solidaire de la dette au regard des débiteurs originaires ; qu'en déboutant l'exposante de sa demande tendant à voir condamner in solidum les sociétés Avanssur et GMF à la garantir de toutes les sommes qu'elle avait versées et qu'elle pourrait être amenée à verser au titre de l'indemnisation des préjudices de Mme I... et de son fils, aux motifs qu'il n'existait pas de solidarité dans le régime de la contribution à la dette sauf le cas de l'insolvabilité d'un contributeur qui avait pour effet d'accroître la charge contributive des autres contributeurs et que la dette de contribution incombant à M. F... de son vivant n'avait pas été éteinte par son décès mais avait été transmise passivement à ses héritiers dont il n'était pas allégué qu'ils seraient insolvables, quand les sociétés Avanssur et GMF restaient tenues, in solidum avec les éventuels héritiers de M. F..., de garantir l'exposante de l'intégralité de la dette de réparation des préjudices de M. et Mme I... et de leur fils, la cour d'appel a violé les articles 1213, 1214, 1220, 1234, 1251 et 1382 du code civil dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ; 3°/ que par l'effet de la subrogation, l'assureur d'un véhicule terrestre à moteur impliqué dans un accident de la circulation est, pour le recouvrement des prestations indemnitaires ou de l'avance sur indemnité qu'il a versées au tiers victime de dommages causés par l'accident, investi de l'ensemble des droits et actions dont celui-ci disposait à l'encontre de la personne tenue à réparation ou son assureur ; que, partant, si le tiers victime bénéficiait d'une obligation in solidum à la réparation de son dommage à l'encontre des personnes tenues à réparation et de leurs assureurs, ces personnes et leurs assureurs sont également tenus in solidum envers l'assureur subrogé dans les droits et actions du tiers victime pour le recouvrement des indemnités qu'il a versées ; que la cour d'appel ayant retenu que le droit à indemnisation de M. et Mme I... et leur fils était entier et ayant condamné in solidum les sociétés Avanssur et GMF à les indemniser, il en résultait que par l'effet de la subrogation, l'exposante était, pour le recouvrement des indemnités qu'elle avait versées à M. et Mme I... et leur fils, investie de l'ensemble des droits et actions dont ceux-ci disposaient à l'encontre des sociétés Avanssur et GMF et était par conséquent fondée à solliciter la condamnation in solidum de ces sociétés à la garantir de toutes les indemnités qu'elle avait versées à M. et Mme I... et leur fils ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1251 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble les articles L. 131-2 et L. 211-25 du code des assurances ; 4°/ qu'en toute hypothèse que le juge ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; que pour débouter l'exposante de sa demande tendant à voir condamner in solidum les sociétés Avanssur et GMF à la garantir de toutes les sommes qu'elle avait versées et qu'elle pourrait être amenée à verser au titre de l'indemnisation des préjudices de M. et Mme I... et de leur fils, la cour d'appel ne pouvait relever d'office le moyen de droit tiré de ce qu'il résultait des articles 1213, 1214, 1220 et 1234 du code civil qu'il n'existait pas de solidarité dans le régime de la contribution à la dette sauf le cas de l'insolvabilité d'un contributeur qui avait pour effet d'accroître la charge contributive des autres contributeurs et que la dette de contribution incombant à M. F... de son vivant n'avait pas été éteinte par son décès mais avait été transmise passivement à ses héritiers dont il n'était pas allégué qu'ils seraient insolvables, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur ce moyen ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le principe de la contradiction et l'article 16 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 6. L'arrêt, en dépit de la formule générale du dispositif qui « rejette toutes demandes autres, plus amples ou contraires », n'a pas statué sur le chef de demande de la société Axa France IARD tendant à la condamnation in solidum des sociétés Avanssur et GMF à la garantir de toutes les sommes qu'elle avait déjà versées et pourrait être amenée à verser au titre de l'indemnisation des préjudices des consorts I... dès lors qu'il ne résulte pas des motifs de la décision que la cour d'appel ait examiné cette prétention. 7. L'omission de statuer pouvant être réparée par la procédure prévue à l'article 463 du code de procédure civile, le moyen n'est pas recevable en ses trois premières branches et ne peut être accueilli pour le surplus. Sur les moyens uniques des pourvois incidents formés par la Maif, Mme B..., la Matmut et Mme X..., la société AIG Europe et Mme U..., qui sont similaires Enoncé des moyens 8. Pourvoi formé par la Maif, Mme B..., la Matmut et Mme X... : celles-ci font grief à l'arrêt de limiter à la proportion de 45 % la contribution de la société Avanssur à l'ensemble des dettes indemnitaires envers les consorts I..., de limiter à la proportion de 10 % la contribution de la société GMF et de M. C... à l'ensemble des dettes indemnitaires envers les consorts I... et de rejeter la demande des sociétés Maif et Matmut et de Mmes X... et B... tendant à voir condamner les sociétés Avanssur et GMF à les garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à leur encontre, alors : « 1°/ que le conducteur non fautif d'un véhicule terrestre à moteur impliqué dans un accident de la circulation et son assureur disposent d'un recours en contribution à la dette de réparation des dommages causés aux tiers par cet accident pour le tout à l'encontre de chacun des conducteurs fautifs et leur assureur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé qu'K... B..., conductrice du véhicule assuré par la Maif, et L... X..., conductrice du véhicule assuré par la Matmut, n'avaient commis aucune faute dans l'accident litigieux, contrairement à MM. R... et C..., conducteurs fautifs des véhicules assurés respectivement par les sociétés Avanssur et GMF, et à M. F..., non assuré ; qu'en limitant néanmoins la contribution de la société Avanssur à l'ensemble des dettes indemnitaires des victimes de l'accident à la proportion de 45 %, et celle de la société GMF et de M. C... à 10 %, quand les conductrices non fautives et leur assureur étaient fondées à exercer un recours en contribution pour le tout contre chacun des conducteurs fautifs et leur assureur, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation des articles 1251 et 1382 du code civil dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ; 2°/ que le décès de l'un des codébiteurs in solidum n'efface pas le caractère in solidum de la dette au regard des débiteurs originaires ; qu'en limitant en l'espèce la contribution de la société Avanssur à l'ensemble des dettes indemnitaires des victimes de l'accident à la proportion de 45 %, et celle de la société GMF et de M. C... à 10 %, motifs pris qu'il n'existait pas de solidarité dans le régime de la contribution à la dette sauf le cas de l'insolvabilité d'un contributeur et que la dette de contribution incombant à M. F... de son vivant n'avait pas été éteinte par son décès mais avait été transmise passivement à ses héritiers dont il n'était pas allégué qu'ils seraient insolvables, quand les sociétés Avanssur et GMF restaient tenus, in solidum avec les éventuels héritiers de M. F..., de garantir pour le tout les conductrices non fautives et l'assureur de leur véhicule de la dette de réparation des préjudices subis par les victimes de l'accident litigieux, la cour d'appel a violé les articles 1213, 1214, 1220, 1234, 1251 et 1382 du code civil dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ". 9. Pourvoi formé par la société AIG Europe venant aux droits de la société AIG Europe Limited et Mme U... : ceux-ci font grief à l'arrêt de fixer la contribution de la société Avanssur à l'ensemble des dettes indemnitaires envers les consorts I... à la proportion de 45 %, et celle de la société GMF et de M. C... à 10 % et de rejeter les demandes de Mme U... et de la société AIG Europe tendant à voir dire et juger qu'elles ne supporteront aucune contribution à l'indemnisation des victimes et condamner toutes les parties fautives et leurs assureurs respectifs à la garantir de toutes les condamnations prononcées à leur encontre, alors : « 1°/ que seul le coobligé à la dette peut y contribuer ; qu'en jugeant, pour ne fixer qu'à hauteur de 55 % (à hauteur de 45 % pour la société Avanssur et de 10 % pour la société GMF et M. C...) la charge finale de la dette pesant in solidum sur la société Avanssur, Mme B..., la Maif, Mme U..., la société AIG Europe, Mme X..., la Matmut, la société Axa France IARD, M. R... et M. C..., qu'il existait un autre conducteur fautif, M. F..., qui, « s'il avait été vivant, aurait dû contribuer aux dettes indemnitaires » à hauteur de 45 %, de sorte qu'il y aurait lieu de tenir compte de sa part contributive pour fixer celle des autres conducteurs fautifs quand, ni M. F... ni ses héritiers n'étant obligés à la dette ni même parties à l'instance, aucune contribution à la dette ne pouvait être retenue à leur encontre, la cour d'appel ne pouvant que diviser la charge finale de l'intégralité de la dette entre coobligés fautifs, à charge pour eux d'exercer, le cas échéant, un recours subrogatoire contre les héritiers de M. F..., la cour d'appel a violé les articles 1213 et 1214, devenus 1317, 1251, devenu 1346, et 1382, devenu 1240, du code civil ; 2°/ qu'entre coobligés fautifs, la contribution à la dette a lieu en proportion de la gravité des fautes respectives ; qu'en jugeant, pour fixer à 45 % la contribution à la dette de la société Avanssur et à 10 % pour la société GMF et M. C..., qu'il existait un autre conducteur fautif, M. F..., ni appelé, ni présent, ni représenté à l'instance d'appel mais qui, « s'il avait été vivant, aurait dû contribuer aux dettes indemnitaires » à hauteur de 45 %, la cour d'appel qui, pour fixer la contribution à la dette des coobligés fautifs, a tenu compte, non pas seulement de leurs fautes respectives et de leur gravité, mais également de celle imputée à un tiers à l'instance, a violé les articles 1213 et 1214, devenus 1317, 1251, devenu 1346, et 1382, devenu 1240, du code civil. » Réponse de la Cour 10. Le conducteur d'un véhicule terrestre à moteur impliqué dans un accident de la circulation et son assureur qui a indemnisé les dommages causés à un tiers ne peuvent exercer un recours contre un autre conducteur impliqué que sur le fondement des articles 1382, 1213, 1214 et 1251 du code civil en leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable à la cause. La part contributive respective de chacun des conducteurs fautifs de véhicules impliqués dans l'accident est fixée en proportion de leurs fautes respectives, dont l'appréciation relève du pouvoir souverain des juges du fond. Le codébiteur tenu in solidum, qui a exécuté l'entière obligation, ne peut, comme le codébiteur solidaire, même s'il agit par subrogation, répéter contre les autres débiteurs que les part et portion de chacun d'eux. Si l'un des codébiteurs se trouve insolvable, la perte qu'occasionne son insolvabilité se répartit, par contribution, entre tous les autres codébiteurs solvables et celui qui a fait le paiement. 11. Il résulte des dispositions des articles 1213 et 1214, en leur rédaction applicable à l'espèce, que le décès de l'un des codébiteurs tenu in solidum, comme celui d'un codébiteur solidaire, qui laisse plusieurs héritiers, n'efface pas le caractère solidaire de la dette au regard des débiteurs originaires. Il en modifie seulement les effets pour les héritiers, tenus dans la proportion de leurs parts héréditaires. 12. La cour d'appel, pour rejeter les demandes tendant à ce que les sociétés Avanssur et GMF garantissent les sociétés Maif, Matmut et AIG Europe et leurs assurées respectives de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à leur encontre, après avoir rappelé que la dette de contribution incombant à Y... F... de son vivant n'a pas été éteinte par son décès mais transmise passivement à ses héritiers, dont il n'est pas allégué qu'ils seraient insolvables et que la solution du litige impose de déterminer la part contributive respective de chacun des trois conducteurs fautifs de véhicules impliqués dans l'accident, et ce nonobstant le fait que l'un d'entre eux n'était pas partie en cause d'appel, personnellement ou par représentation, et estimé que la gravité des fautes commises par M. R... et par Y... F... induit leur contribution à la dette indemnitaire à hauteur de 45 % chacun et que les fautes de moindre gravité commises par M. C... induisent sa contribution à la dette à hauteur de 10 %, a légalement justifié sa décision. Et sur le pourvoi incident formé par les consorts I... Enoncé du moyen 13 . M. H... I... et Mme D... I..., agissant tant en leur nom personnel qu'en leur qualité d'administrateurs légaux de leur fils mineur, W... I..., font grief à l'arrêt de débouter M. I... de sa demande tendant à voir condamner Mme B..., Mme U..., Mme X..., Y... F..., M. C..., chacun in solidum avec sa compagnie d'assurance, ainsi que la société Avanssur (assureur de M. R...) à lui verser la somme de 800 000 euros au titre de son préjudice économique par ricochet (sauf à parfaire ou à modifier) alors : « 1°/ que lorsque le parent de la victime d'un accident de la circulation qui était, à la date de l'accident, en période de reconversion professionnelle, décide d'abandonner cette reconversion ou de limiter sa nouvelle activité pour assister son enfant devenu handicapé, il subit un préjudice économique par ricochet qui s'analyse en une perte de chance de percevoir le revenu professionnel qu'il pouvait légitimement espérer tirer de sa nouvelle activité avant l'accident ; que cette perte de chance est actuelle est certaine dès lors qu'il est établi que cette reconversion était en cours et sur le point d'aboutir, peu important qu'à la date de l'accident elle ne se soit pas d'ores et déjà effectivement concrétisée par la conclusion de nouveaux contrats rémunérateurs ; que M. I... faisait valoir que lorsque l'accident s'était produit, le 3 mars 2007, il était en train de développer une nouvelle activité de courtage international en matières premières, dont le succès imposait une longue période d'investissement préalable destinée à lui permettre de mettre en place un réseau dans le monde entier, avant de parvenir à la réalisation des projets et signatures de transactions commerciales sources de revenus, l'essentiel des fruits de son investissement restant donc à venir et s'annonçant, lorsqu'il avait fallu qu'il cesse de s'investir dans cette activité prenante pour s'occuper d'W..., qui avait été grièvement blessé ; qu'en relevant néanmoins que M. I... soutenait qu'il "aurait d'ores et déjà signé de nombreux contrats" pour rechercher, non si sa reconversion professionnelle allait aboutir lorsque l'accident s'était produit, ainsi qu'elle y était invitée, mais si des contrats avaient été effectivement signés et lui avaient procuré des revenus, preuve de ce qu'il avait des chances de réussir sa reconversion à la date de l'accident, la cour d'appel a dénaturé les conclusions d'appel de M. I... et a ainsi violé l'article 4 du code de procédure civile ; 2°/ que lorsque le parent de la victime d'un accident de la circulation qui était, à la date de l'accident, en période de reconversion professionnelle, décide d'abandonner cette reconversion ou de limiter sa nouvelle activité pour assister son enfant devenu handicapé, il subit un préjudice économique par ricochet qui s'analyse en une perte de chance de percevoir le revenu professionnel qu'il pouvait légitimement espérer tirer de sa nouvelle activité avant l'accident ; que cette perte de chance est actuelle est certaine dès lors qu'il est établi que cette reconversion était en cours et sur le point d'aboutir, peu important qu'à la date de l'accident elle ne se soit pas d'ores et déjà effectivement concrétisée par la conclusion de nouveaux contrats rémunérateurs ; qu'en retenant que M. I..., dont elle relevait elle-même qu'il établissait avoir entretenu, en 2005 et 2006, des contacts et/ou des pourparlers dans le domaine du commerce international de matières premières, ne démontrait pas que sa reconversion professionnelle avait effectivement abouti à la conclusion de contrats commerciaux et lui avait procuré des revenus à la date de l'accident, soit le 3 mars 2007, de sorte qu'il ne pouvait être présumé qu'il aurait conservé des chances de réussir, ni s'être exclusivement consacré à l'assistance de son épouse et de son enfant gravement blessés, pour conclure à l'absence de preuve de son préjudice économique, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si cette reconversion ne nécessitait pas un long et patient travail de mise en place de réseaux et de prises de contact avec les acteurs du secteur du commerce international des matières premières et si ce travail n'était pas sur le point d'aboutir à la conclusion de transactions commerciales rémunératrices, lorsque l'accident s'était produit et l'avait contraint à cesser de s'investir dans sa nouvelle activité, à tout le moins suffisamment pour pouvoir réussir, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'ancien article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et du principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime ; 3°/ que lorsque le parent de la victime d'un accident de la circulation qui était, à la date de l'accident, en période de reconversion professionnelle, décide d'abandonner cette reconversion ou de limiter sa nouvelle activité pour assister son enfant devenu handicapé, il subit un préjudice économique qui s'analyse en une perte de chance de percevoir le revenu professionnel qu'il pouvait légitimement espérer tirer de sa nouvelle activité avant l'accident ; que cette perte de chance est actuelle est certaine dès lors qu'il est établi que cette reconversion était en cours et sur le point d'aboutir, sans que cette réussite espérée puisse être remise en cause en raison de la nouvelle reconversion de ce parent, plusieurs années après l'accident, dans un secteur différent de celui initialement envisagé ; qu'en retenant qu'après l'accident du 3 mars 2007, M. I... s'était reconverti dans un secteur différent puisqu'il a créé en 2013 une SARL à associé unique dans le domaine de la construction/rénovation dans le secteur de l'hôtellerie, pour en déduire qu'il ne rapportait pas la preuve du préjudice économique qu'il invoquait, quand cette nouvelle reconversion plusieurs années après l'accident ne pouvait exclure que sa première reconversion dans le domaine du commerce international des matières premières, en cours à la date de l'accident, ait eu des chances de réussite, la cour d'appel a violé l'ancien article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime ; 4°/ que lorsque le parent de la victime d'un accident de la circulation qui était, à la date de l'accident, en période de reconversion professionnelle, décide d'abandonner cette reconversion ou de limiter sa nouvelle activité pour assister son enfant devenu handicapé, il subit un préjudice économique par ricochet qui s'analyse en une perte de chance de percevoir le revenu professionnel qu'il pouvait légitimement espérer tirer de sa nouvelle activité avant l'accident ; qu'en retenant par motifs supposément adoptés que l'expert avait spécifié qu'il n'existait pas de préjudice professionnel pour en déduire que M. I... ne rapportait pas la preuve du préjudice économique qu'il invoquait, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée (conclusions d'appel de M. I..., p. 52, dernier al.), si l'expert n'avait pas conclu à l'absence de préjudice économique directement subi par M. I... du fait de l'accident dont il avait été également personnellement victime, sans examiner si, par ailleurs, il n'avait pas subi un préjudice économique par ricochet en cessant de s'investir dans le projet de reconversion professionnelle qu'il avait entrepris avant cet accident, pour se consacrer à sa famille et à son enfant devenu handicapé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'ancien article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et du principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime. » Réponse de la Cour 14. Pour débouter M. I... de sa demande de condamnation in solidum des autres conducteurs, avec leur assureur respectif, à lui verser une somme au titre de son préjudice économique par ricochet alors qu'il soutenait qu'à la date de l'accident, il avait créé depuis deux ans une entreprise de « trading international en matières premières », l'arrêt relève notamment que M. I... n'a pas fourni d' information précise sur l'évolution de sa situation professionnelle à compter de l'année 2004 jusqu'à l'accident du 3 mars 2007, n'a produit aucune information sur la provenance de ses revenus salariaux sur ces années et aucune pièce justificative à leur égard, que lors de son audition par les enquêteurs de police à la suite de l'accident, il s'est déclaré sans activité professionnelle et sans aucun revenu, que certains courriels, postérieurs au 3 mars 2007, démentent l'affirmation selon laquelle il aurait abandonné son activité de courtage à compter du jour de l'accident pour se consacrer exclusivement à l'assistance de son épouse et de son enfant gravement blessés, que parmi les pièces produites ne figure ni contrat de courtage signé par lui, ni, essentiellement, facture ou note d'honoraire ou de commission établie par lui au nom d'un quelconque mandant ou donneur d'ordre, que cette constatation est corroborée par le fait que, pour les années 2004 à 2007, ses avis d'imposition ne font mention d'aucun revenu non salarial et qu'il ne prouve pas que ses tentatives d'insertion dans le domaine du courtage international de matières premières lui aient procuré de quelconques revenus. 15. En déduisant de ces constatations qu'il n'est pas établi par M. I..., qu'après deux années de tentatives, il aurait conservé des chances de réussir une insertion que l'accident lui aurait fait perdre, la cour d'appel, qui n'a pas dénaturé les conclusions de ce dernier et a procédé à la recherche prétendument omise sur la perte de chance alléguée, a caractérisé, sans encourir les autres griefs du moyen, l'absence de préjudice économique par ricochet invoqué. 16. Le moyen n'est dès lors pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi principal et les pourvois incidents ; Condamne la société Axa France IARD aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par la société Axa France IARD, la société Maif, Mme B..., la société Matmut, Mme X..., la société AIG Europe, venant aux droits de la société AIG Europe Limited, Mme U..., la société Avanssur et la société GMF et condamne la société Axa France IARD à payer à M. H... I... et à Mme D... I..., agissant tant en leur nom personnel qu'en leur qualité d'administrateur légal de leur fils mineur, W... I... la somme globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt mai deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Axa France IARD. Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR fixé la contribution de la société AVANSSUR à l'ensemble des dettes indemnitaires envers les consorts I... à la proportion de seulement 45 %, d'AVOIR fixé la contribution de la société GMF et de M. C... à l'ensemble des dettes indemnitaires envers les consorts I... à la proportion de seulement 10 % et d'AVOIR débouté l'exposante de sa demande tendant à voir condamner in solidum les sociétés AVANSSUR et GMF à la garantir de toutes les sommes qu'elle a déjà versées et qu'elle pourrait être amenée à verser au titre de l'indemnisation des préjudices des consorts I... ; AUX MOTIFS PROPRES QUE « concernant le conducteur Y... F... et les conséquences juridiques de son décès : les sociétés MAIF, AIG EUROPE et MATMUT, assureurs des véhicules impliqués dont les conductrices sont jugées non fautives, soutiennent : - qu'en raison du décès de Y... F..., conducteur co-impliqué fautif, sa part de contribution à la dette devrait accroître celles des autres conducteurs co-impliqués fautifs R... et C..., et qu'il appartiendrait aux victimes d'exercer leur recours à l'encontre de ces deux conducteurs fautifs au regard de la théorie de l'obligation in solidum en vertu de laquelle chacune des fautes qui a contribué à causer un même dommage est censée l'avoir à elle seule causé, - que, corrélativement, la part de contribution qui aurait dû incomber à Y... F... ne saurait rester à la charge des conducteurs non fautifs et à leurs assureurs ; il est établi et non contesté que Y... F... a commis une double faute : - de conduite en état d'ébriété importante (2,42 g/l), - et de défaut de maîtrise de son véhicule en n'ayant pas freiné à l'approche des véhicules précédant le sien, arrêtés après des freinages d'urgence (cf. témoignage circonstancié d'H... I... : ‘je vois alors dans mon rétroviseur intérieur un véhicule de type fourgonnette Mercedes arriver derrière moi à pleine vitesse. ( ) Je me souviens du visage rougeaud du conducteur de la camionnette, affalé sur son volant, le nez dans le pare-brise, hagard') ; ces fautes ont directement concouru aux blessures subies par les consorts I... puisque leur véhicule a été heurté violemment par celui conduit par Y... F... ; ce dernier, s'il était vivant, aurait dû contribuer aux dettes indemnitaires ; les sociétés MAIF, AIG EUROPE et MATMUT commettent une confusion entre les régimes de l'obligation et de la contribution à la dette, en soutenant que le décès d'un contributeur Y... F... accroîtrait la part incombant aux deux autres contributeurs P... R... et W... C... ; si les débiteurs de la dette indemnitaire peuvent être obligés in solidum envers la victime créancière, en revanche, il n'existe pas, en principe, de solidarité dans le régime de la contribution à la dette puisque l'article 1213 du code civil dispose : l'obligation contractée solidairement envers le créancier se divise de plein droit entre les débiteurs, qui n'en sont tenus entre eux que chacun pour sa part et portion ; l'article 1214 alinéa 2 du même code ne prévoit qu'une exception à cette règle, concernant le cas d'insolvabilité d'un contributeur qui a pour effet d'accroître la charge contributive des autres contributeurs ; il résulte des articles 1220 et 1234 (a contrario) combinés du code civil que la dette de contribution incombant à Y... F... de son vivant n'a pas été éteinte par son décès, mais a été transmise passivement à ses héritiers, dont il n'est pas allégué qu'ils seraient insolvables ; en conséquence, la solution du litige impose de déterminer la part contributive respective de chacun des trois conducteurs fautifs de véhicules impliqués dans l'accident, même si l'un d'eux n'est pas partie à l'instance, personnellement ou par représentation ; la gravité des fautes respectivement commises par P... R... dont la conduite a été délibérément dangereuse et par Y... F... dont la conduite en état d'ébriété massive s'est révélée éminemment dangereuse, induit leur contribution à la dette indemnitaire à hauteur de 45 % chacun ; les fautes de moindre gravité commises par W... C... induisent sa contribution à la dette indemnitaire à hauteur de 10 % » ; ET AUX MOTIFS PARTIELLEMENT ADOPTES QUE « sur les recours entre coauteurs : le conducteur d'un véhicule à moteur impliqué dans un accident de la circulation et déclaré tenu d'indemniser l'entier dommage causé à un tiers, ne peut exercer un recours contre un autre conducteur impliqué que sur le fondement des dispositions des articles 1382 et 1251 du code civil ; le recours du conducteur d'un véhicule terrestre à moteur impliqué dans un accident de la circulation ou de son assureur qui a indemnisé les dommages causés à un tiers s'exerce contre le conducteur d'un autre véhicule impliqué sur le fondement des articles 1382 et 1251 du code civil ; la contribution à la dette a lieu en proportion de leurs fautes respectives ou en l'absence de faute prouvée, à parts égales ; la contribution à la dette a lieu en proportion des fautes respectives des conducteurs ; il s'ensuit qu'un conducteur fautif ne peut agir contre un conducteur non fautif ; en l'absence de faute prouvée à la charge des conducteurs impliqués, la contribution à la dette se fait entre eux par parts égales ; en l'espèce, il convient d'examiner les fautes reprochées à chacun des six conducteurs ; M. R... a été condamné par le Tribunal Correctionnel d'Evry pour mise en danger de la vie d'autrui ; la faute civile s'appréciant différemment de la faute pénale, il importe peu de savoir si le jugement est définitif ; il n'y a pas lieu de surseoir à statuer ; les témoignages recueillis par les Services de Police sont unanimes à reconnaître la manoeuvre dangereuse de M. R... ; Mme B... indique dans son audition : un véhicule léger m'a dépassé par la droite, puis s'est rabattu devant moi brutalement, a freiné et stoppé son véhicule ; Mme U... note : tout à coup, nous avons aperçu un véhicule qui circulait devant nous, doubler par la droite le véhicule qui était devant nous et freiner brusquement en lui faisant une queue de poisson ; son époux indique les mêmes faits ; Mme X... explique : je circulais sur la voie de droite je suivais un véhicule qui est parti sur la droite, et j'ai vu deux véhicules freiner ; j'ai freiné brusquement tout en me portant vers la gauche pour éviter le véhicule bleu marine (Mme U...) ; en dépassant par la droite le véhicule de Mme B..., en se rabattant brutalement devant elle, et en freinant devant elle, ce qui l'a obligée à s'arrêter, M. R... a commis une faute ; cette faute a contribué à l'accident ; compte tenu des explications qui suivent, le Tribunal estime que la part de cette faute dans le dommage est de 30 % ; Mme K... B..., qui circulait sur la voie de gauche, suivait le véhicule de M. R... : sa manoeuvre dangereuse l'a contrainte à s'arrêter ; Mme K... B... s'est arrêtée sans causer aucun dommage aux autres véhicules ; aucune faute ne peut lui être reprochée ; Mme U... selon ses indications et celles des autres conducteurs roulait bien sur la voie de gauche, derrière M. R... et Mme K... B... ; elle a réussi également à stopper son véhicule sans dommages ; aucune faute n'est démontrée à son encontre ; il en est de même pour Mme X... ; aucune faute n'est démontrée à son encontre ; les parties sont unanimes à reconnaître que M. F..., en circulant en état d'ébriété, en ne freinant pas, et en ne maitrisant pas son véhicule a commis une faute ; sa part contributive est estimée à 50 % ; il ne peut être contesté que M. C..., qui est arrivé en dernier, n'ait pas pu s'arrêter, alors que les véhicules le précédant (à l'exception de M. F... en état d'ébriété), avaient pu s'immobiliser ; dans son audition, M. C... explique : je circulais à une vitesse d'environ 100 km/h sur la voie de gauche ; arrivé avant l'embranchement A6 sens province, j'ai remarqué que certains véhicules me précédant effectuaient des manoeuvres dangereuses et semblaient vouloir changer de direction pour éviter un choc ; à ce moment-là, j'ai vu une épaisse fumée se répandre sur la chaussée, qui masquait la visibilité ; j'ai commencé à freiner et tout à coup je suis venu percuter l'arrière du véhicule Mercedes ; en voyant devant lui un accident et de la fumée, M. C... aurait dû être vigilant et stopper son véhicule ; M. C... n'a pas réussi à s'arrêter à temps, et le choc de son véhicule contre celui de M. H... I... a projeté celui-ci contre les autres véhicules, qui s'étaient arrêtés sans dommages ; le Tribunal en déduit que M. C... circulait à une vitesse non adaptée, ce qui l'a empêché de s'arrêter ; il a commis une faute ; compte tenu des fautes de M. R... et de M. F..., le Tribunal estime que sa faute a contribué au dommage à hauteur de 20 % ; La société AVANSSUR devra garantir Mme K... B..., la société la MAIF, Mme G... U..., la compagnie AIG EUROPE LIMITED, Mme X..., la société la MATMUT et la compagnie AXA FRANCE IARD à hauteur de 30 % des condamnations mises à leur charge ; M. W... C... et la GMF devront garantir Mme K... B..., la société la MAIF, Mme G... U..., la compagnie AIG EUROPE LIMITED, Mme X..., la société la MATMUT et la compagnie AXA FRANCE IARD à hauteur de 20 % des condamnations mises à leur charge » ; 1. ALORS, D'UNE PART, QUE la contribution à la dette de réparation des dommages causés aux tiers entre les conducteurs de véhicules terrestres à moteur impliqués dans un accident de la circulation et leurs assureurs a lieu en proportion des fautes respectives des conducteurs impliqués ; que, partant, les conducteurs non fautifs et leurs assureurs disposent d'un recours intégral à l'encontre de chacun des conducteurs fautifs et de leurs assureurs ; que la cour d'appel ayant elle-même retenu que M. I..., conducteur du véhicule assuré par l'exposante, n'avait commis aucune faute (arrêt p. 17 § 8), contrairement à MM. R... et C... (arrêt p. 17, 18 et 19), conducteurs fautifs des véhicules assurés respectivement par les sociétés AVANSSUR et GMF, il s'en déduisait que ces sociétés devaient être condamnées in solidum à garantir l'exposante de toutes les sommes qu'elle avait versées et qu'elle pourrait être amenée à verser au titre de l'indemnisation des préjudices de M. et Mme I... et de leur fils ; qu'en déboutant l'exposante de cette demande, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres énonciations et a violé les articles 1251 et 1382 du code civil dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ; 2. ALORS, D'AUTRE PART, QUE le décès de l'un des codébiteurs solidaires qui laisse plusieurs héritiers n'efface pas le caractère solidaire de la dette au regard des débiteurs originaires ; qu'en déboutant l'exposante de sa demande tendant à voir condamner in solidum les sociétés AVANSSUR et GMF à la garantir de toutes les sommes qu'elle avait versées et qu'elle pourrait être amenée à verser au titre de l'indemnisation des préjudices de Mme I... et de son fils, aux motifs qu'il n'existait pas de solidarité dans le régime de la contribution à la dette sauf le cas de l'insolvabilité d'un contributeur qui avait pour effet d'accroître la charge contributive des autres contributeurs et que la dette de contribution incombant à M. F... de son vivant n'avait pas été éteinte par son décès mais avait été transmise passivement à ses héritiers dont il n'était pas allégué qu'ils seraient insolvables (arrêt p. 20), quand les sociétés AVANSSUR et GMF restaient tenues, in solidum avec les éventuels héritiers de M. F..., de garantir l'exposante de l'intégralité de la dette de réparation des préjudices de M. et Mme I... et de leur fils, la cour d'appel a violé les articles 1213, 1214, 1220, 1234, 1251 et 1382 du code civil dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ; 3. ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE par l'effet de la subrogation, l'assureur d'un véhicule terrestre à moteur impliqué dans un accident de la circulation est, pour le recouvrement des prestations indemnitaires ou de l'avance sur indemnité qu'il a versées au tiers victime de dommages causés par l'accident, investi de l'ensemble des droits et actions dont celui-ci disposait à l'encontre de la personne tenue à réparation ou son assureur ; que, partant, si le tiers victime bénéficiait d'une obligation in solidum à la réparation de son dommage à l'encontre des personnes tenues à réparation et de leurs assureurs, ces personnes et leurs assureurs sont également tenus in solidum envers l'assureur subrogé dans les droits et actions du tiers victime pour le recouvrement des indemnités qu'il a versées ; que la cour d'appel ayant retenu que le droit à indemnisation de M. et Mme I... et leur fils était entier et ayant condamné in solidum les sociétés AVANSSUR et GMF à les indemniser, il en résultait que par l'effet de la subrogation, l'exposante était, pour le recouvrement des indemnités qu'elle avait versées à M. et Mme I... et leur fils, investie de l'ensemble des droits et actions dont ceux-ci disposaient à l'encontre des sociétés AVANSSUR et GMF et était par conséquent fondée à solliciter la condamnation in solidum de ces sociétés à la garantir de toutes les indemnités qu'elle avait versées à M. et Mme I... et leur fils ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1251 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble les articles L. 131-2 et L. 211-25 du code des assurances ; 4. ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE le juge ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; que pour débouter l'exposante de sa demande tendant à voir condamner in solidum les sociétés AVANSSUR et GMF à la garantir de toutes les sommes qu'elle avait versées et qu'elle pourrait être amenée à verser au titre de l'indemnisation des préjudices de M. et Mme I... et de leur fils, la cour d'appel ne pouvait relever d'office le moyen de droit tiré de ce qu'il résultait des articles 1213, 1214, 1220 et 1234 du code civil qu'il n'existait pas de solidarité dans le régime de la contribution à la dette sauf le cas de l'insolvabilité d'un contributeur qui avait pour effet d'accroître la charge contributive des autres contributeurs et que la dette de contribution incombant à M. F... de son vivant n'avait pas été éteinte par son décès mais avait été transmise passivement à ses héritiers dont il n'était pas allégué qu'ils seraient insolvables (arrêt p. 20), sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur ce moyen ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le principe de la contradiction et l'article 16 du code de procédure civile. Moyen produit à un pourvoi incident par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la société Mutuelle d'assurance des instituteurs de France, la société Mutuelle d'assurance des travailleurs mutualistes et Mmes B... et X.... Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR limité à la proportion de 45 % la contribution de la société Avanssur à l'ensemble des dettes indemnitaires envers les consorts I..., d'AVOIR limité à la proportion de 10 % la contribution de la société GMF et d'W... C... à l'ensemble des dettes indemnitaires envers les consorts I... et d'AVOIR rejeté la demande des sociétés Maif et Matmut et de Mmes X... et B... tendant à voir condamner les sociétés Avanssur et GMF à les garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à leur encontre ; AUX MOTIFS PROPRES QUE concernant le conducteur Y... F... et les conséquences juridiques de son décès : les sociétés Maif, Aig Europe et Matmut, assureurs des véhicules impliqués dont les conductrices sont jugées non fautives, soutiennent : - qu'en raison du décès de Y... F..., conducteur co-impliqué fautif, sa part de contribution à la dette devrait accroître celles des autres conducteurs co-impliqués fautifs R... et C..., et qu'il appartiendrait aux victimes d'exercer leur recours à l'encontre de ces deux conducteurs fautifs au regard de la théorie de l'obligation in solidum en vertu de laquelle chacune des fautes qui a contribué à causer un même dommage est censée l'avoir à elle seule causé, - que, corrélativement, la part de contribution qui aurait dû incomber à Y... F... ne saurait rester à la charge des conducteurs non fautifs et à leurs assureurs ; il est établi et non contesté que Y... F... a commis une double faute : - de conduite en état d'ébriété importante (2,42 g/l), - et de défaut de maîtrise de son véhicule en n'ayant pas freiné à l'approche des véhicules précédant le sien, arrêtés après des freinages d'urgence (cf témoignage circonstancié d'H... I... : je vois alors dans mon rétroviseur intérieur un véhicule de type fourgonnette Mercedes arriver derrière moi à pleine vitesse. (...) Je me souviens du visage rougeaud du conducteur de la camionnette, affalé sur son volant, le nez dans le pare-brise, hagard) ; ces fautes ont directement concouru aux blessures subies par les consorts I... puisque leur véhicule a été heurté violemment par celui conduit par Y... F... ; ce dernier, s'il était vivant, aurait dû contribuer aux dettes indemnitaires ; les sociétés Maif, Aig Europe et Matmut commettent une confusion entre les régimes de l'obligation et de la contribution à la dette, en soutenant que le décès d'un contributeur Y... F... accroîtrait la part incombant aux deux autres contributeurs P... R... et W... C... ; si les débiteurs de la dette indemnitaire peuvent être obligés in solidum envers la victime créancière, en revanche, il n'existe pas, en principe, de solidarité envers le créancier se divise de plein droit entre les débiteurs, qui n'en sont tenus entre eux que chacun pour sa part et portion ; l'article 1214 alinéa 2 du même code ne prévoit qu'une exception à cette règle, concernant le cas d'insolvabilité d'un contributeur qui a pour effet d'accroître la charge contributive des autres contributeurs ; il résulte des articles 1220 et 1234 (a contrario) combinés du code civil que la dette de contribution incombant à Y... F... de son vivant n'a pas été éteinte par son décès, mais a été transmise passivement à ses héritiers, dont il n'est pas allégué qu'ils seraient insolvables ; en conséquence, la solution du litige impose de déterminer la part contributive respective de chacun des trois conducteurs fautifs de véhicules impliqués dans l'accident, même si l'un d'eux n'est pas partie à l'instance, personnellement ou par représentation ; la gravité des fautes respectivement commises par P... R... dont la conduite a été délibérément dangereuse et par Y... F... dont la conduite en état d'ébriété massive s'est révélée éminemment dangereuse, induit leur contribution à la dette indemnitaire à hauteur de 45 % chacun ; les fautes de moindre gravité commises par W... C... induisent sa contribution à la dette indemnitaire à hauteur de 10 % ; ET AUX MOTIFS PARTIELLEMENT ADOPTES QUE sur les recours entre coauteurs : le conducteur d'un véhicule à moteur impliqué dans un accident de la circulation et déclaré tenu d'indemniser l'entier dommage causé à un tiers, ne peut exercer un recours contre un autre conducteur impliqué que sur le fondement des dispositions des articles 1382 et 1251 du code civil ; le recours du conducteur d'un véhicule terrestre à moteur impliqué dans un accident de la circulation ou de son assureur qui a indemnisé les dommages causés à un tiers s'exerce contre le conducteur d'un autre véhicule impliqué sur le fondement des articles 1382 et 1251 du code civil ; la contribution à la dette a lieu en proportion de leurs fautes respectives ou en l'absence de faute prouvée, à parts égales ; la contribution à la dette a lieu en proportion des fautes respectives des conducteurs ; il s'ensuit qu'un conducteur fautif ne peut agir contre un conducteur non fautif ; en l'absence de faute prouvée à la charge des conducteurs impliqués, la contribution à la dette se fait entre eux par parts égales ; en l'espèce, il convient d'examiner les fautes reprochées à chacun des six conducteurs ; M. R... a été condamné par le Tribunal Correctionnel d'Evry pour mise en danger de la vie d'autrui ; la faute civile s'appréciant différemment de la faute pénale, il importe peu de savoir si le jugement est définitif ; il n'y a pas lieu de surseoir à statuer ; les témoignages recueillis par les Services de Police sont unanimes à reconnaître la manoeuvre dangereuse de M. R... ; Mme B... indique dans son audition : un véhicule léger m'a dépassé par la droite, puis s'est rabattu devant moi brutalement, a freiné et stoppé son véhicule ; Mme U... note : tout à coup, nous avons aperçu un véhicule qui circulait devant nous, doubler par la droite le véhicule qui était devant nous et freiner brusquement en lui faisant une queue de poisson ; son époux indique les mêmes faits ; Mme X... explique : je circulais sur la voie de droite... je suivais un véhicule qui est parti sur la droite, et j'ai vu deux véhicules freiner ; j'ai freiné brusquement tout en me portant vers la gauche pour éviter le véhicule bleu marine (Mme U...) ; en dépassant par la droite le véhicule de Mme B..., en se rabattant brutalement devant elle, et en freinant devant elle, ce qui l'a obligée à s'arrêter, M. R... a commis une faute ; cette faute a contribué à l'accident ; compte tenu des explications qui suivent, le Tribunal estime que la part de cette faute dans le dommage est de 30 % ; Mme K... B..., qui circulait sur la voie de gauche, suivait le véhicule de M. R... : sa manoeuvre dangereuse l'a contrainte à s'arrêter ; Mme K... B... s'est arrêtée sans causer aucun dommage aux autres véhicules ; aucune faute ne peut lui être reprochée ; Mme U... selon ses indications et celles des autres conducteurs roulait bien sur la voie de gauche, derrière M. R... et Mme K... B... ; elle a réussi également à stopper son véhicule sans dommages ; aucune faute n'est démontrée à son encontre ; il en est de même pour Mme X... ; aucune faute n'est démontrée à son encontre ; les parties sont unanimes à reconnaître que M. F..., en circulant en état d'ébriété, en ne freinant pas, et en ne maitrisant pas son véhicule a commis une faute ; sa part contributive est estimée à 50 % ; il ne peut être contesté que M. C..., qui est arrivé en dernier, n'ait pas pu s'arrêter, alors que les véhicules le précédant (à l'exception de M. F... en état d'ébriété), avaient pu s'immobiliser ; dans son audition, M. C... explique : je circulais à une vitesse d'environ 100 km/h sur la voie de gauche ; arrivé avant l'embranchement A6 sens province, j'ai remarqué que certains véhicules me précédant effectuaient des manoeuvres dangereuses et semblaient vouloir changer de direction pour éviter un choc ; à ce moment-là, j'ai vu une épaisse fumée se répandre sur la chaussée, qui masquait la visibilité ; j'ai commencé à freiner... et tout à coup je suis venu percuter l'arrière du véhicule Mercedes ; en voyant devant lui un accident et de la fumée, M. C... aurait dû être vigilant et stopper son véhicule ; M. C... n'a pas réussi à s'arrêter à temps, et le choc de son véhicule contre celui de M. H... I... a projeté celui-ci contre les autres véhicules, qui s'étaient arrêtés sans dommages ; le Tribunal en déduit que M. C... circulait à une vitesse non adaptée, ce qui l'a empêché de s'arrêter ; il a commis une faute ; compte tenu des fautes de M. R... et de M. F..., le Tribunal estime que sa faute a contribué au dommage à hauteur de 20 % ; La société Avanssur devra garantir Mme K... B..., la société la Maif, Mme G... U..., la compagnie AIG Europe Limited, Mme X..., la société la Matmut et la compagnie Axa France Iard à hauteur de 30 % des condamnations mises à leur charge ; M. W... C... et la GMF devront garantir Mme K... B..., la société la Maif, Mme G... U..., la compagnie Aig Europe Limited, Mme X..., la société la Matmut et la compagnie Axa France Iard à hauteur de 20 % des condamnations mises à leur charge ; 1) ALORS QUE le conducteur non fautif d'un véhicule terrestre à moteur impliqué dans un accident de la circulation et son assureur disposent d'un recours en contribution à la dette de réparation des dommages causés aux tiers par cet accident pour le tout à l'encontre de chacun des conducteurs fautifs et leur assureur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé qu'K... B..., conductrice du véhicule assuré par la Maif, et L... X..., conductrice du véhicule assuré par la Matmut, n'avaient commis aucune faute dans l'accident litigieux (p. 16 et 17), contrairement à MM. R... et C... (p. 17 à 19), conducteurs fautifs des véhicules assurés respectivement par les sociétés Avannsur et GMF, et à M. F..., non assuré (p. 19-20) ; qu'en limitant néanmoins la contribution de la société Avanssur à l'ensemble des dettes indemnitaires des victimes de l'accident à la proportion de 45 %, et celle de la société GMF et de M. C... à 10 %, quand les conductrices non fautives et leur assureur étaient fondées à exercer un recours en contribution pour le tout contre chacun des conducteurs fautifs et leur assureur, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation des articles 1251 et 1382 du code civil dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ; 2) ALORS QUE le décès de l'un des codébiteurs in solidum n'efface pas le caractère in solidum de la dette au regard des débiteurs originaires ; qu'en limitant en l'espèce la contribution de la société Avanssur à l'ensemble des dettes indemnitaires des victimes de l'accident à la proportion de 45 %, et celle de la société GMF et de M. C... à 10 %, motifs pris qu'il n'existait pas de solidarité dans le régime de la contribution à la dette sauf le cas de l'insolvabilité d'un contributeur et que la dette de contribution incombant à M. F... de son vivant n'avait pas été éteinte par son décès mais avait été transmise passivement à ses héritiers dont il n'était pas allégué qu'ils seraient insolvables (arrêt, p. 20), quand les sociétés Avanssur et GMF restaient tenus, in solidum avec les éventuels héritiers de M. F..., de garantir pour le tout les conductrices non fautives et l'assureur de leur véhicule de la dette de réparation des préjudices subis par les victimes de l'accident litigieux, la cour d'appel a violé les articles 1213, 1214, 1220, 1234, 1251 et 1382 du code civil dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ; 3) ALORS QUE le juge ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il relève d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; que pour rejeter la demande de la Maif, la Matmut, Mme X... et Mme B... tendant à voir condamner les sociétés Avanssur et GMF à les garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à leur encontre, la cour d'appel a relevé d'office le moyen de droit tiré de ce qu'il résultait des articles 1213, 1214, 1220 et 1234 du code civil qu'il n'existait pas de solidarité dans le régime de la contribution à la dette sauf le cas d'insolvabilité d'un contributeur et que la dette de contribution incombant à M. F... de son vivant n'avait pas été éteinte par son décès mais avait été transmise passivement à ses héritiers dont il n'est pas allégué qu'ils seraient insolvables ; qu'en statuant ainsi, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile. Moyen produit à un pourvoi incident par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour la société AIG Europe et Mme U.... Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR fixé la contribution de la société Avanssur à l'ensemble des dettes indemnitaires envers les consorts I... à la proportion de 45 %, et celle de la société GMF et de M. C... à 10 % et d'AVOIR rejeté les demandes de Mme U... et de la société AIG Europe tendant à voir dire et juger qu'elles ne supporteront aucune contribution à l'indemnisation des victimes et condamner toutes les parties fautives et leurs assureurs respectifs à la garantir de toutes les condamnations prononcées à leur encontre ; AUX MOTIFS QUE concernant G... U..., conductrice du véhicule Renault Scenic assuré par AIG Europe, la société Avanssur fait valoir que cette conductrice aurait commis une faute en ayant arrêté sans motif son véhicule sur la chaussée de l'autoroute et en ayant ainsi bloqué la circulation pour les usagers la suivant, notamment L... X... puis H... I..., étant précisé que l'incident initial entre P... R... et K... B... serait survenu sur la voie de gauche, alors que les enquêteurs auraient relevé que G... U... circulait sur une voie de droite ; que les allégations de la société Avanssur sont démenties par la teneur du procès-verbal de police dès lors : - que le croquis dressé par les enquêteurs a localisé, après les collisions, le véhicule Renault Scenic conduit par G... U... sur la voie de gauche ; - que cette dernière a déclaré qu'elle circulait sur la voie de gauche, et qu'en raison de l'immobilisation, devant elle, de la Toyota conduite par K... B... bloquée par la Peugeot 406 conduite par P... R..., elle a freiné et stoppé son véhicule Renault Scenic, mais n'a pas déclaré avoir obliqué vers la droite au cours de son freinage ; - que la conductrice L... X..., qui suivait la Renault Scenic de couleur rouge (cf. procès-verbal pièce n° 4) conduite par G... U..., n'a pas davantage mentionné un changement de trajectoire de ce véhicule vers la droite puisqu'elle a déclaré : "j'ai vu deux véhicules freiner, un de couleur rouge et l'autre de couleur bleu marine. J'ai freiné brusquement tout en me portant vers la gauche afin d'éviter le véhicule bleu marine pendant qu'il se déportait sur la droite" ; que dès lors qu'aucune faute de conduite n'est établie à l'égard de G... U..., aucune contribution à la dette indemnitaire envers D... I... n'est due par elle et son assureur AIG Europe ; ET QUE, concernant le conducteur Y... F... et les conséquences juridiques de son décès, il est établi et non contesté que Y... F... a commis une double faute, de conduite en état d'ébriété importante (2,42 g/1) et de défaut de maîtrise de son véhicule en n'ayant pas freiné à l'approche des véhicules précédant le sien, arrêtés après des freinages d'urgence (cf. témoignage circonstancié d'H... I... : "je vois alors dans mon rétroviseur intérieur un véhicule de type fourgonnette Mercedes arriver derrière moi à pleine vitesse. (...) Je me souviens du visage rougeaud du conducteur de la camionnette, affalé sur son volant, le nez dans le pare-brise, hagard") ; que ces fautes ont directement concouru aux blessures subies par les consorts I... puisque leur véhicule a été heurté violemment par celui conduit par Y... F... ; que ce dernier, s'il était vivant, aurait dû contribuer aux dettes indemnitaires ; que les sociétés MAIF, AIG Europe et Matmut commettent une confusion entre les régimes de l'obligation et de la contribution à la dette, en soutenant que le décès du contributeur Y... F... accroîtrait la part incombant aux deux autres contributeurs P... R... et W... C... ; que si les débiteurs de la dette indemnitaire peuvent être obligés in solidum envers la victime créancière, en revanche, il n'existe pas, en principe, de solidarité dans le régime de la contribution à la dette puisque l'article 1213 du code civil dispose : l'obligation contractée solidairement envers le créancier se divise de plein droit entre les débiteurs, qui n'en sont tenus entre eux que chacun pour sa part et portion ; que l'article 1214 alinéa 2 du même code ne prévoit qu'une exception à cette règle, concernant le cas d'insolvabilité d'un contributeur qui a pour effet d'accroître la charge contributive des autres contributeurs ; qu'il résulte des articles 1220 et 1234 (a contrario) combinés du code civil que la dette de contribution incombant à Y... F... de son vivant n'a pas été éteinte par son décès, mais a été transmise passivement à. ses héritiers, dont il n'est pas allégué qu'ils seraient insolvables ; qu'en conséquence, la solution du litige impose de déterminer la part contributive respective de chacun des trois conducteurs fautifs de véhicules impliqués dans l'accident, même si l'un d'eux n'est pas partie à l'instance, personnellement ou par représentation ; que la gravité des fautes respectivement commises par P... R... dont la conduite a été délibérément dangereuse et par Y... F... dont la conduite en état d'ébriété massive s'est révélée éminemment dangereuse, induit leur contribution à la dette indemnitaire à hauteur de 45 % chacun ; que les fautes de moindre gravité commises par W... C... induisent sa contribution à la dette indemnitaire à hauteur de 10 % ; 1°) ALORS QUE seul le coobligé à la dette peut y contribuer ; qu'en jugeant, pour ne fixer qu'à hauteur de 55 % (à hauteur de 45 % pour la société Avanssur et de 10 % pour la société GMF et M. C...) la charge finale de la dette pesant in solidum sur la société Avanssur, Mme B..., la Maif, Mme U..., la société AIG Europe, Mme X..., la Matmut, la société Axa France IARD, M. R... et M. C..., qu'il existait un autre conducteur fautif, M. F..., qui, « s'il avait été vivant, aurait dû contribuer aux dettes indemnitaires » à hauteur de 45 % (arrêt, p. 20), de sorte qu'il y aurait lieu de tenir compte de sa part contributive pour fixer celle des autres conducteurs fautifs quand, ni M. F... ni ses héritiers n'étant obligés à la dette ni même parties à l'instance, aucune contribution à la dette ne pouvait être retenue à leur encontre, la cour d'appel ne pouvant que diviser la charge finale de l'intégralité de la dette entre coobligés fautifs, à charge pour eux d'exercer, le cas échéant, un recours subrogatoire contre les héritiers de M. F..., la cour d'appel a violé les articles 1213 et 1214, devenus 1317, 1251, devenu 1346, et 1382, devenu 1240, du code civil ; 2°) ALORS QU'entre coobligés fautifs, la contribution à la dette a lieu en proportion de la gravité des fautes respectives ; qu'en jugeant, pour fixer à 45 % la contribution à la dette de la société Avanssur et à 10 % pour la société GMF et M. C..., qu'il existait un autre conducteur fautif, M. F..., ni appelé, ni présent, ni représenté à l'instance d'appel mais qui, « s'il avait été vivant, aurait dû contribuer aux dettes indemnitaires » à hauteur de 45 % (arrêt, p. 20), la cour d'appel qui, pour fixer la contribution à la dette des coobligés fautifs, a tenu compte, non pas seulement de leurs fautes respectives et de leur gravité, mais également de celle imputée à un tiers à l'instance, a violé les articles 1213 et 1214, devenus 1317, 1251, devenu 1346, et 1382, devenu 1240, du code civil. Moyen produit à un pourvoi incident par la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat aux Conseils, pour M. et Mme I.... Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. I... de sa demande tendant à voir condamner Mme K... B..., Mme G... A... épouse U..., Mme L... X..., M. Y... F..., M. W... C..., chacun in solidum avec sa compagnie d'assurance, ainsi que la société Avanssur (assureur de M. R...) à lui verser la somme de 800.000 euros au titre de son préjudice économique par ricochet (sauf à parfaire ou à modifier) ; AUX MOTIFS QUE H... I... fait valoir : - que, depuis 2004, il aurait travaillé à la création d'une activité de courtage international en matières premières et aurait d'ores et déjà signé de nombreux contrats, - qu'il aurait interrompu cette activité cette activité en cours de développement à compter du jour de l'accident, pour s'occuper totalement de son fils W... gravement blessé (âgé de 3 mois) et de son épouse, blessée également, laquelle n'aurait pas été en mesure d'assumer les multiples rendez-vous et consultations qu'aurait nécessités l'état de santé de leurs fils, - qu'il aurait ainsi subi une perte de chance de gains très importants qu'il chiffre à 800.000 € au vu de la simulation versée aux débats ; Que la société AIG Europe conclut à la confirmation du rejet de cette demande en faisant valoir : - que, l'expert médical ayant relevé que l'accident n'a causé à H... I... aucune incapacité professionnelle, l'arrêt d'activité de ce dernier aurait relevé d'un choix personnel et ne serait donc pas indemnisable, - qu'en outre, H... I... ne prouverait pas l'existence de la perte de chance de gains allégués, dès lors que ses revenus n'auraient été de 25.039 € en 2005 et de 10.528 € en 2006 (année ayant précédé celle de l'accident), sans rapport avec la simulation de chiffre d'affaires de plus de 8 millions d'euros invoquée par l'intéressé ; Que les sociétés Avanssur, MAIF et GMF ont également conclu à la confirmation du rejet de cette demande ; Que H... I... n'a pas fourni d'informations précises sur l'évolution de sa situation professionnelle à compter de l'année 2004 jusqu'à l'accident du 3/03/2007, dès lors que : - il a produit un unique bulletin de paye de décembre 2003 faisant apparaître l'occupation d'un emploi de cadre (responsable développement) au sein de la société CERITEX, moyennant un salaire net de 3.138 € et un salaire imposable mensuel moyen de 3.315 € pour ladite année (pièce n° 5.9 et 5.13) ; - il a produit un curriculum vitae mentionnant, à partir de l'année 2004, « développement de relations internationales dans le trade-secteurs : services financiers, énergie, matières premières » (pièce n° 5.3) ; - il semble s'en déduire que son emploi au service de la société CERITEX a pris fin dans le courant de l'année 2004, mais l'intéressé n'a fourni aucune information sur ce point ; - de manière non corrélative du curriculum vitae précité, H... I... a produit une attestation en date du 2/06/2005 émanant de la directrice d'une association paraissant avoir pour objet l'aide à l'entrepreneuriat, énonçant que l'intéressé l'avait approchée pour un projet de création d'une SARL dont l'objet devait être « le conseil, le portage de négoces, la prestation de service et la formation », et non pas le courtage international de matières premières (pièce n° 5.7) ; - il a produit ses avis d'imposition faisant mention des revenus suivants (pièces n° 5.13) : > 2004 : salaires et autres revenus salariaux : 26.556 € > 2005 : salaires et assimilés : 25.039 € > 2006 : salaires et autres revenus salariaux : 13.584 € > 2007 (année de l'accident) : autres revenus salariaux : 585 € ; - il n'a fourni aucune information sur la provenance de ces revenus salariaux, et n'a produit aucune pièce justificative à leur égard ; - lors de son audition par les enquêteurs de police à la suite de l'accident, il s'est déclaré sans activité professionnelle et sans aucun revenu (procès-verbal, pièce n° 27) ; Que pour le surplus, H... I... a produit de nombreux documents, dont ceux rédigés en langue étrangère ne peut être retenus à titre d'éléments probants ; que les documents rédigés en langue française, notamment des courriels échangés en 2005 et 2006, font apparaître qu'il a entretenu des contacts et/ou des pourparlers dans le domaine du commerce international de matières premières ; que, par ailleurs, certains courriels sont postérieurs au 3/03/2007, et démentent l'affirmation selon laquelle il aurait abandonné son activité de courtage à compter du jour de l'accident pour se consacrer exclusivement à l'assistance de son épouse et de son enfant gravement blessés ; que pour l'essentiel, il doit être relevé : - que parmi les pièces produites, ne figure aucun contrat de courtage signé par H... I..., ni, essentiellement, aucune facture ou note d'honoraire ou de commission établie par lui au nom d'un quelconque mandant ou donner d'ordre, - que cette constatation est corroborée par le fait que, pour les années 2004 à 2007, les avis d'imposition d'H... I... ne font mention d'aucun revenu non salarial ; Qu'il résulte des éléments qui précèdent qu'outre le manque de transparence sur sa situation professionnelle des années 2004 à 2007, H... I... ne prouve pas que ses tentatives d'insertion dans le domaine du courtage international de matières premières aient abouti à la participation et à la conclusion effective de transactions commerciales et lui aient procuré de quelconques revenus, de sorte qu'il ne peut être présumé, de manière grave, précise et concordante, qu'après deux années de tentatives (2005 et 2006), il aurait conservé des chances de réussir une telle insertion, que l'accident du 3/03/2007 lui aurait fait perdre ; qu'au demeurant, après l'accident du 3/03/2007, H... I... s'est reconverti dans un secteur d'activité différent puisqu'il a créé en 2013 une SARL à associé unique dans le domaine de la construction/rénovation dans le secteur de l'hôtellerie (pièces n° 5.18 et 5.20) ; que dès lors qu'H... I... ne rapporte pas la preuve du préjudice économique qu'il invoque, le rejet de sa demande indemnitaire est confirmé ; ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT PARTIELLEMENT ADOPTES QUE, sur le préjudice économique, M. H... I... sollicite à ce titre la somme de 800.000 € ; qu'il explique qu'avant l'accident, il avait démarré un projet d'entreprise de Trading International en matières premières (montage d'un réseau) et que son projet a échoué à cause de l'accident ; qu'ayant dû s'occuper de la rééducation du jeune W..., il a perdu des gains importants ; qu'il a essayé de reprendre une activité de prospection, mais que l'état d'W... s'étant aggravé à cause des crises d'épilepsie, il n'a pu mener à bien ce projet ; qu'il existe donc une perte de chance ; que cependant, le tribunal note que la plupart des documents communiqués sont en langues étrangères (turc ou anglais), ce qui rend impossible toute appréciation du préjudice et d'autre part que M. H... I... ne fournit absolument aucun avis d'imposition ; qu'il est donc impossible d'apprécier la situation financière de M. H... I... avant ou après l'accident ; que par ailleurs, l'expert a précisé qu'il n'existait pas de préjudice professionnel ; que par conséquent la demande d'expertise comptable est inutile et la demande rejetée ; 1) ALORS QUE lorsque le parent de la victime d'un accident de la circulation qui était, à la date de l'accident, en période de reconversion professionnelle, décide d'abandonner cette reconversion ou de limiter sa nouvelle activité pour assister son enfant devenu handicapé, il subit un préjudice économique par ricochet qui s'analyse en une perte de chance de percevoir le revenu professionnel qu'il pouvait légitimement espérer tirer de sa nouvelle activité avant l'accident ; que cette perte de chance est actuelle est certaine dès lors qu'il est établi que cette reconversion était en cours et sur le point d'aboutir, peu important qu'à la date de l'accident elle ne se soit pas d'ores et déjà effectivement concrétisée par la conclusion de nouveaux contrats rémunérateurs ; que M. I... faisait valoir que lorsque l'accident s'était produit, le 3 mars 2007, il était en train de développer une nouvelle activité de courtage international en matières premières, dont le succès imposait une longue période d'investissement préalable destinée à lui permettre de mettre en place un réseau dans le monde entier, avant de parvenir à la réalisation des projets et signatures de transactions commerciales sources de revenus, l'essentiel des fruits de son investissement restant donc à venir et s'annonçant, lorsqu'il avait fallu qu'il cesse de s'investir dans cette activité prenante pour s'occuper d'W..., qui avait été grièvement blessé (v. ses conclusions d'appel, p. 48 et s.) ; qu'en relevant néanmoins que M. I... soutenait qu'il « aurait d'ores et déjà signé de nombreux contrats » pour rechercher, non si sa reconversion professionnelle allait aboutir lorsque l'accident s'était produit, ainsi qu'elle y était invitée, mais si des contrats avaient été effectivement signés et lui avaient procuré des revenus, preuve de ce qu'il avait des chances de réussir sa reconversion à la date de l'accident, la cour d'appel a dénature les conclusions d'appel de M. I... et a ainsi violé l'article 4 du code de procédure civile ; 2) ALORS QUE lorsque le parent de la victime d'un accident de la circulation qui était, à la date de l'accident, en période de reconversion professionnelle, décide d'abandonner cette reconversion ou de limiter sa nouvelle activité pour assister son enfant devenu handicapé, il subit un préjudice économique par ricochet qui s'analyse en une perte de chance de percevoir le revenu professionnel qu'il pouvait légitimement espérer tirer de sa nouvelle activité avant l'accident ; que cette perte de chance est actuelle est certaine dès lors qu'il est établi que cette reconversion était en cours et sur le point d'aboutir, peu important qu'à la date de l'accident elle ne se soit pas d'ores et déjà effectivement concrétisée par la conclusion de nouveaux contrats rémunérateurs ; qu'en retenant que M. I..., dont elle relevait elle-même qu'il établissait avoir entretenu, en 2005 et 2006, des contacts et/ou des pourparlers dans le domaine du commerce international de matières premières, ne démontrait pas que sa reconversion professionnelle avait effectivement abouti à la conclusion de contrats commerciaux et lui avait procuré des revenus à la date de l'accident, soit le 3 mars 2007, de sorte qu'il ne pouvait être présumé qu'il aurait conservé des chances de réussir, ni s'être exclusivement consacré à l'assistance de son épouse et de son enfant gravement blessés, pour conclure à l'absence de preuve de son préjudice économique, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si cette reconversion ne nécessitait pas un long et patient travail de mise en place de réseaux et de prises de contact avec les acteurs du secteur du commerce international des matières premières et si ce travail n'était pas sur le point d'aboutir à la conclusion de transactions commerciales rémunératrices, lorsque l'accident s'était produit et l'avait contraint à cesser de s'investir dans sa nouvelle activité, à tout le moins suffisamment pour pouvoir réussir, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'ancien article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et du principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime ; 3) ALORS QUE lorsque le parent de la victime d'un accident de la circulation qui était, à la date de l'accident, en période de reconversion professionnelle, décide d'abandonner cette reconversion ou de limiter sa nouvelle activité pour assister son enfant devenu handicapé, il subit un préjudice économique qui s'analyse en une perte de chance de percevoir le revenu professionnel qu'il pouvait légitimement espérer tirer de sa nouvelle activité avant l'accident ; que cette perte de chance est actuelle est certaine dès lors qu'il est établi que cette reconversion était en cours et sur le point d'aboutir, sans que cette réussite espérée puisse être remise en cause en raison de la nouvelle reconversion de ce parent, plusieurs années après l'accident, dans un secteur différent de celui initialement envisagé ; qu'en retenant qu'après l'accident du 3 mars 2007, M. I... s'était reconverti dans un secteur différent puisqu'il a créé en 2013 une SARL à associé unique dans le domaine de la construction/rénovation dans le secteur de l'hôtellerie, pour en déduire qu'il ne rapportait pas la preuve du préjudice économique qu'il invoquait, quand cette nouvelle reconversion plusieurs années après l'accident ne pouvait exclure que sa première reconversion dans le domaine du commerce international des matières premières, en cours à la date de l'accident, ait eu des chances de réussite, la cour d'appel a violé l'ancien article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime ; 4) ALORS QUE lorsque le parent de la victime d'un accident de la circulation qui était, à la date de l'accident, en période de reconversion professionnelle, décide d'abandonner cette reconversion ou de limiter sa nouvelle activité pour assister son enfant devenu handicapé, il subit un préjudice économique par ricochet qui s'analyse en une perte de chance de percevoir le revenu professionnel qu'il pouvait légitimement espérer tirer de sa nouvelle activité avant l'accident ; qu'en retenant par motifs supposément adoptés que l'expert avait spécifié qu'il n'existait pas de préjudice professionnel pour en déduire que M. I... ne rapportait pas la preuve du préjudice économique qu'il invoquait, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée (conclusions d'appel de M. I..., p. 52, dernier al.), si l'expert n'avait pas conclu à l'absence de préjudice économique directement subi par M. I... du fait de l'accident dont il avait été également personnellement victime, sans examiner si, par ailleurs, il n'avait pas subi un préjudice économique par ricochet en cessant de s'investir dans le projet de reconversion professionnelle qu'il avait entrepris avant cet accident, pour se consacrer à sa famille et à son enfant devenu handicapé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'ancien article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et du principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime.
Le conducteur d'un véhicule terrestre à moteur impliqué dans un accident de la circulation et son assureur qui a indemnisé les dommages causés à un tiers ne peuvent exercer un recours contre un autre conducteur impliqué que sur le fondement des anciens articles 1382, 1213, 1214 et 1251 du code civil en leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. Le codébiteur tenu in solidum, qui a exécuté l'entière obligation, ne peut comme le codébiteur solidaire, même s'il agit par subrogation, répéter contre les autres débiteurs que les part et portion de chacun d'eux. Le décès de l'un des codébiteurs tenu in solidum, comme celui d'un codébiteur solidaire, qui laisse plusieurs héritiers n'efface pas le caractère solidaire de la dette au regard des débiteurs originaires. Il en modifie seulement les effets pour les héritiers, tenus dans la proportion de leurs parts héréditaires
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CIV. 2 MF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 20 mai 2020 Rejet M. PIREYRE, président Arrêt n° 427 F-P+B+I Pourvoi n° T 19-14.306 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 20 MAI 2020 La société Macif, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° T 19-14.306 contre l'arrêt rendu le 29 novembre 2018 par la cour d'appel de Versailles (3e chambre), dans le litige l'opposant à la société SNCF Mobilités, établissement public à caractère industriel et commercial, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Bouvier, conseiller, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Macif, de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de la société SNCF Mobilités, après débats en l'audience publique du 26 février 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Bouvier, conseiller rapporteur, Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen, et Mme Cos, greffier de chambre. la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 29 novembre 2018), le 5 juillet 2011, un train a percuté Y... R..., à hauteur de Saint-Cyr l'Ecole et a entraîné son décès. 2.L'enquête diligentée a conclu au suicide, Y... R... s'étant jeté sous le train lors de l'arrivée de celui-ci en gare. 3. Cet accident ayant entraîné des dommages matériels et immatériels, L'EPIC SNCF Mobilités (SNCF Mobilités) a sollicité la réparation de son préjudice auprès de la société Macif, assureur de la responsabilité civile de Y... R... (l'assureur). 4. L'assureur ayant refusé sa garantie, la SNCF Mobilités l'a assigné en réparation de ses préjudices. Examen du moyen Sur le moyen unique Enoncé du moyen 5. La société Macif fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la SNCF Mobilités la somme de 62 039,90 euros avec intérêts au taux légal, alors : « 1°/ que constitue une faute dolosive excluant la garantie de l'assureur le comportement délibéré de l'assuré, qui a rend inéluctable la réalisation du dommage et fait disparaître le caractère aléatoire du risque garanti ; qu'en retenant, pour juger que la Macif était tenue de garantir la SNCF des préjudices causés par le suicide de son assuré, que ce dernier n'avait pas volontairement créé le dommage tel qu'il était survenu, de sorte que celui-ci n'avait pas pour origine une faute intentionnelle et dolosive de sa part, et que la discussion relative au caractère alternatif ou cumulatif des fautes intentionnelle et frauduleuse était inopérante, la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances, par fausse interprétation.» 2°/ qu' en toute hypothèse, en s'abstenant de rechercher, comme elle y était invitée (cf. conclusions d'appel de la Macif, p. 4-5), si le comportement de l'assuré ne caractérisait pas une faute dolosive excluant la garantie de l'assureur, dès lors qu'il ne pouvait ignorer que son geste, procédant de la méconnaissance des obligations incombant aux passagers, rendait inéluctable la réalisation du dommage de la SNCF et faisait disparaître le caractère aléatoire du risque garanti, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 113-1 du code des assurances. » Réponse de la Cour 6. Ayant relevé par motifs propres et adoptés, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation de la valeur et de la portée des éléments de preuve, qu'en se jetant sous le train qui arrivait en gare, l'intention de Y... R... était de mettre fin à ses jours et que rien ne permettait de conclure qu'il avait conscience des conséquences dommageables de son acte pour la SNCF, ce dont il se déduisait que l'assurance n'avait pas perdu tout caractère aléatoire, la cour d'appel, qui a caractérisé l'absence de faute dolosive, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Condamne la société Macif aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Macif et la condamne à payer à l'EPIC SNCF Mobilités la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt mai deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour la société Macif. Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR condamné la Macif à payer à la SNCF la somme de 62 039,90 euros avec intérêts au taux légal ; AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article L. 113-1 alinéa 2 du code des assurances, l'assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré ; qu'il est de principe que la faute intentionnelle au sens de l'article précité implique la volonté de causer le dommage tel qu'il est survenu ; qu'il est constant qu'en se jetant sous le train qui arrivait en gare, l'intention de M. R... était de mettre fin à ses jours et non de créer un dommage à la SNCF tel qu'il est survenu ; que dès lors que M. R... n'a pas volontairement créé le dommage tel qu'il est survenu et que celui-ci n'a pas pour origine une faute intentionnelle et dolosive de sa part, la discussion relative au caractère alternatif ou cumulatif des fautes intentionnelle et frauduleuse est inopérante ; [...] que le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a déclaré la société Macif tenue de garantir la SNCF des préjudices subis (arrêt, p. 4) ; 1°) ALORS QUE constitue une faute dolosive excluant la garantie de l'assureur le comportement délibéré de l'assuré, qui a rend inéluctable la réalisation du dommage et fait disparaître le caractère aléatoire du risque garanti ; qu'en retenant, pour juger que la Macif était tenue de garantir la SNCF des préjudices causés par le suicide de son assuré, que ce dernier n'avait pas volontairement créé le dommage tel qu'il était survenu, de sorte que celui-ci n'avait pas pour origine une faute intentionnelle et dolosive de sa part, et que la discussion relative au caractère alternatif ou cumulatif des fautes intentionnelle et frauduleuse était inopérante, la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances, par fausse interprétation ; 2°) ALORS QU'en toute hypothèse, en s'abstenant de rechercher, comme elle y était invitée (cf. conclusions d'appel de la Macif, p. 4-5), si le comportement de l'assuré ne caractérisait pas une faute dolosive excluant la garantie de l'assureur, dès lors qu'il ne pouvait ignorer que son geste, procédant de la méconnaissance des obligations incombant aux passagers, rendait inéluctable la réalisation du dommage de la SNCF et faisait disparaître le caractère aléatoire du risque garanti, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 113-1 du code des assurances.
Justifie légalement sa décision au regard de l'article L. 113-1 du code des assurances et caractérise l'absence de faute dolosive une cour d'appel qui relève qu'en se jetant sous un train arrivant en gare, l'intention d'un assuré était de mettre fin à ses jours et que rien ne permettait de conclure qu'il avait conscience des conséquences dommageables de son acte pour la Société nationale des chemins de fer français (SNCF), ce dont il se déduisait que l'assurance n'avait pas perdu tout caractère aléatoire
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CIV. 2 LG COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 20 mai 2020 Rejet M. PIREYRE, président Arrêt n° 440 F-P+B+I Pourvoi n° 19-11.538 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 20 MAI 2020 La société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° 19-11.538 contre l'arrêt rendu le 5 décembre 2018 par la cour d'appel de Grenoble (2e chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Macif, société anonyme, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Guého, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Axa France IARD, de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Macif, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 février 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Guého, conseiller référendaire rapporteur, Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen, et Mme Cos, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 5 décembre 2018), dans la nuit du ..., un incendie s'est produit dans l'appartement de R... V... et a provoqué le décès de ce dernier ainsi que d'importants dommages à l'immeuble. 2. La société Axa France IARD, assureur de la copropriété, après avoir indemnisé les frais de réparations, s'est retournée contre la société Macif, assureur de R... V..., qui a refusé sa garantie au motif que ce dernier s'était suicidé et avait cherché à causer le dommage à la copropriété. 3. Le 30 janvier 2014, la société Axa France IARD a assigné la société Macif en garantie. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. La société Axa France IARD fait grief à l'arrêt de dire que la faute commise par R... V... est une faute dolosive, de dire que l'exclusion de garantie légale de l'article "L. 113-2, alinéa 2 ", du code des assurances doit s'appliquer et de la débouter de toutes ses demandes, alors : « 1°/ que la faute intentionnelle ou dolosive implique la volonté de créer le dommage tel qu'il est survenu ; qu'en retenant dès lors que M. V... avait commis une faute dolosive inassurable après avoir pourtant constaté que sa motivation première était le suicide et non la destruction des biens, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article L. 113-1 du code des assurances ; 2°/ qu'à supposer que la faute dolosive soit distincte de la faute intentionnelle, la première implique un comportement de son auteur ayant pour effet de rendre inéluctable la réalisation du dommage et de faire disparaître l'aléa attaché à la couverture du risque ; qu'il ne résulte pas des constatations de l'arrêt que la destruction de tout ou partie de l'immeuble était inéluctable lors même que les moyens mis en oeuvre dépassaient largement ce qui était nécessaire à la réalisation du suicide de M. V..., puisque celui-ci ne pouvait d'ailleurs apprécier l'importance réelle et définitive des dommages que son comportement occasionnerait ; d'où il suit que la cour d'appel n'a pas caractérisé la faute dolosive et a privé son arrêt de base légale au regard de l'article L. 113-1 du code des assurances. » Réponse de la Cour 5. Après avoir exactement énoncé que la faute intentionnelle et la faute dolosive, au sens de l'article L. 113-1 du code des assurances, sont autonomes, chacune justifiant l'exclusion de garantie dès lors qu'elle fait perdre à l'opération d'assurance son caractère aléatoire, la cour d'appel a retenu que les moyens employés par R... V..., en installant une cuisinière à gaz et deux bouteilles de gaz dans le séjour, "dépassaient très largement ce qui était nécessaire pour uniquement se suicider" et témoignaient de la volonté de provoquer une forte explosion et que si l'incendie n'avait pas pour motivation principale la destruction de matériels ou de tout ou partie de l'immeuble, celle-ci était inévitable et ne pouvait pas être ignorée de l'incendiaire, même s'il était difficile d'en apprécier l'importance réelle et définitive. 6. De ces constatations et énonciations, la cour d'appel a pu déduire que R... V... avait commis une faute dolosive excluant la garantie de son assureur et a légalement justifié sa décision. 7. Le moyen n'est dès lors pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Condamne la société Axa France IARD aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Axa France IARD et la condamne à payer à la société Macif la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt mai deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat aux Conseils, pour la société Axa France IARD Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement du tribunal de grande instance de Bourgoin-Jallieu du 19 novembre 2015 et, statuant à nouveau, d'AVOIR dit que la faute commise par M. R... V... est une faute dolosive, d'AVOIR dit que l'exclusion de garantie légale de l'article L. 113-2, alinéa 2 du code des assurances doit s'appliquer et d'AVOIR débouté la SA Axa France Iard de toutes ses demandes ; AUX MOTIFS QUE l'article L. 113-1 du code des assurances dispose : « les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police ; toutefois, l'assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré » ; que la faute intentionnelle et la faute dolosive, au sens de ce texte, sont autonomes, chacune justifiant l'exclusion de garantie dès lors qu'elles font perdre à l'opération d'assurance son caractère aléatoire ; que la faute intentionnelle, qui exclut la garantie de l'assureur, implique que l'assuré a voulu non seulement l'action ou l'omission génératrice du dommage mais encore le dommage lui-même tel qu'il est survenu, avec la conscience des conséquences de son acte ; qu'en l'espèce, M. V... a expressément voulu mettre fin à ses jours, ce à quoi il est parvenu ; que la motivation première de l'acte incendiaire est donc bien le suicide et non pas la destruction des biens ; que dès lors, la faute intentionnelle ne peut pas être retenue quant aux conséquences matérielles de l'incendie ; que la faute dolosive, quant à elle, requiert le même élément intentionnel quant au passage à l'acte premier (incendie) mais ne requiert pas la recherche des conséquences dommageables telles qu'elles en ont résulté de l'acte intentionnel initial ; que la prise de risque en ayant manifestement conscience de commettre un dommage suffira à caractériser la faute dolosive ; qu'en l'espèce, s'il est exact que l'incendie n'avait pas pour motivation principale la destruction de matériels ou de tout ou partie de l'immeuble, il n'en demeure pas moins qu'une telle destruction était inévitable et ne pouvait être ignorée de l'incendiaire, même s'il lui était difficile d'en apprécier l'importance réelle et définitive ; que les procès-verbaux d'enquête ont mis en évidence les éléments matériels suivants : - M. V... s'est suicidé dans son appartement, en s'y enfermant et mettant le feu à des carburants (super et gas-oil) ; - il est décédé de brûlures pulmonaires et sur l'ensemble du corps, ces lésions étant incompatibles avec une survie ; - dans l'appartement calciné ont été retrouvées deux bouteilles de gaz avec une cuisinière à gaz au milieu du salon ; - sur le palier se trouvaient des sacs poubelles, partiellement calcinés contenant des bouteilles vides sentant l'essence ; - les vitres de l'appartement ont été partiellement soufflées par une explosion ; Qu'ainsi ces éléments démontrent qu'en se suicidant par asphyxie avec les gaz de combustion et par brûlures sur le corps, M. V... avait également l'intention d'incendier tout l'immeuble ; que les moyens qu'il a déployés dépassent très largement ce qui était nécessaire pour uniquement se suicider ; qu'en effet, il convient de rappeler que M. V... a installé une cuisinière à gaz et deux bouteilles de gaz dans le séjour, qu'il a déversé des carburants et y a mis le feu ; que l'utilisation de bouteilles de gaz pendant un incendie témoigne de la volonté de provoquer une forte explosion dont les conséquences destructrices ne peuvent pas être banalisées, étant rappelé que l'immeuble est habité majoritairement par des personnes âgées à mobilité réduite ; que la faute de M. V... sera qualifiée de dolosive et les conditions requises pour l'application de l'exclusion légale prévue par l'article L. 113-1 du code des assurances réunies ; ALORS DE PREMIERE PART QUE la faute intentionnelle ou dolosive implique la volonté de créer le dommage tel qu'il est survenu ; qu'en retenant dès lors que M. V... avait commis une faute dolosive inassurable après avoir pourtant constaté que sa motivation première était le suicide et non la destruction des biens, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article L. 113-1 du code des assurances ; ALORS DE SECONDE PART QU'à supposer que la faute dolosive soit distincte de la faute intentionnelle, la première implique un comportement de son auteur ayant pour effet de rendre inéluctable la réalisation du dommage et de faire disparaître l'aléa attaché à la couverture du risque ; qu'il ne résulte pas des constatations de l'arrêt que la destruction de tout ou partie de l'immeuble était inéluctable lors même que les moyens mis en oeuvre dépassaient largement ce qui était nécessaire à la réalisation du suicide de M. V..., puisque celui-ci ne pouvait d'ailleurs apprécier l'importance réelle et définitive des dommages que son comportement occasionnerait ; d'où il suit que la cour d'appel n'a pas caractérisé la faute dolosive et a privé son arrêt de base légale au regard de l'article L. 113-1 du code des assurances.
Une cour d'appel énonce exactement que la faute intentionnelle et la faute dolosive au sens de l'article L. 113-1 du code des assurances, sont autonomes, chacune justifiant l'exclusion de garantie dès lors qu'elle fait perdre à l'opération d'assurance son caractère aléatoire. Ayant retenu que le fait pour un assuré de mettre fin à ses jours, en installant une cuisinière à gaz et deux bouteilles de gaz dans un séjour, témoignait de la volonté de provoquer une forte explosion et que si l'incendie n'avait pas pour principale motivation la destruction de tout ou partie de l'immeuble, celle-ci était inévitable et ne pouvait être ignorée de l'incendiaire, la cour d'appel a pu en déduire que celui-ci avait commis une faute dolosive excluant la garantie de son assureur
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CIV. 2 CH.B COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 20 mai 2020 Cassation partielle M. PIREYRE, président Arrêt n° 444 F-P+B+I Pourvoi n° J 19-13.309 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 20 MAI 2020 La Garantie mutuelle des fonctionnaires et employés de l'état et des services publics, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° J 19-13.309 contre l'arrêt rendu le 12 novembre 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 2, chambre 3), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. X... J..., domicilié [...] , 2°/ à Mme I... B..., domiciliée [...] , 3°/ à M. G... J..., 4°/ à Mme R... J..., 5°/ à M. U... J..., 6°/ à M. V... J..., 7°/ à M. A... J..., domiciliés [...] , 8°/ à M. O... E..., domicilié [...] , 9°/ à la mutuelle Mutualité familiale du corps médical français - mutuelle du médecin, dont le siège est [...] , 10°/ à l'établissement public Université Paris Diderot, dont le siège est [...] , 11°/ à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris, dont le siège est [...] , 12°/ à l'établissement Caisse des dépôts et consignations, dont le siège est [...] , 13°/ à l'établissement Assistance publique - Hôpitaux de Paris, dont le siège est [...] , défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Ittah, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de la Garantie mutuelle des fonctionnaires et employés de l'état et des services publics, de la SCP Alain Bénabent, avocat de MM. X..., G... , U..., V..., A... J... et de Mmes B... et J..., de la SCP Didier et Pinet, avocat de l'établissement Assistance publique - Hôpitaux de Paris, et l'avis de M. Grignon-Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 février 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Ittah, conseiller référendaire rapporteur, Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen, et Mme Cos, greffier de chambre. la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 novembre 2018), M. J... a été victime, le 3 mars 2010, d'un accident de la circulation dans lequel était impliqué le véhicule conduit par M. E..., assuré par la société GMF (l'assureur). 2. M. J... a assigné M. E... et l'assureur aux fins d'être indemnisé de l'ensemble de ses préjudices, en présence de l'Assistance publique-hôpitaux de Paris, la caisse primaire d'assurance maladie de Paris, la Caisse des dépôts et consignations, l'établissement public université Paris Diderot et la mutuelle Mutualité familiale du corps médical Français. 3. Plusieurs membres de la famille de M. J... (les consorts J... B...) sont intervenus volontairement à l'instance. 4. L'assureur a adressé en cours de procédure à M. J... une offre d'indemnisation, par lettre du 4 juillet 2012. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche, Enoncé du moyen 5. L'assureur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à M. J... des intérêts au double du taux de l'intérêt légal sur une somme en capital de 242 565,88 euros du 4 novembre 2010 au 4 juillet 2012 alors « que lorsque l'offre n'a pas été faite dans les délais impartis à l'article L. 211-9 du code des assurances, le montant de l'indemnité offerte tardivement par l'assureur à la victime produit intérêt de plein droit au double du taux de l'intérêt légal à compter de l'expiration du délai jusqu'au jour de l'offre ; que si l'assureur a proposé une indemnisation sous la forme d'une rente annuelle viagère, l'assiette de calcul de la sanction du doublement de l'intérêt légal s'applique à la rente et aux arrérages qui auraient été perçus pendant cette période, et non au capital servant de base à la détermination de son montant ; qu'en condamnant dès lors la société GMF assurances à paiement de la somme de 242 565,88 euros au titre du double des intérêts au taux légal, en prenant pour assiette le montant de 202 907,88 euros correspondant au capital constitutif de la rente annuelle viagère offerte par l'assureur au titre de l'assistance tierce personne, quand cette sanction, qui avait en réalité pour assiette la rente annuelle viagère d'un montant de 8 760 euros, devait s'appliquer aux seuls arrérages qui auraient dû être perçus par l'assuré après l'expiration du délai de l'offre jusqu'au jour de celle-ci, la cour d'appel a violé les articles L. 211-9 et L. 211-13 du code des assurances. » Réponse de la Cour Recevabilité du moyen 6. Les consorts J... B... contestent la recevabilité du moyen. Ils soutiennent que la critique de l'assureur est nouvelle, en l'absence d'une discussion engagée devant la cour d'appel sur l'assiette à retenir pour le calcul des intérêts au taux doublé. 7. Cependant, le moyen, qui soutient que la cour d'appel ne pouvait pas légalement calculer les intérêts au taux légal doublé sur le capital constitutif de la rente alors qu'elle avait constaté que l'offre de paiement de l'assureur était constituée d'une rente et non pas d'un capital, ne se prévalant d'aucun fait qui n'ait été constaté par les juges du fond, est de pur droit et, partant, peut être invoqué pour la première fois devant la Cour de cassation. 8. Le moyen est donc recevable. Bien-fondé du moyen Vu les articles L. 211-9 et L. 211-13 du code des assurances : 9. Lorsque l'offre prévue par le premier de ces textes n'a pas été faite dans les délais impartis, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur ou allouée par le juge à la victime produit intérêts de plein droit au double du taux de l'intérêt légal. Si l'assureur offre de payer une rente, le doublement du taux s'applique non pas au capital servant de base à son calcul mais aux arrérages qui auraient été perçus à compter de l'expiration du délai de l'offre jusqu'au jour de celle-ci, si elle intervient, ou jusqu'à la décision définitive. 10. Après avoir constaté que l'offre d'indemnisation de l'assureur comprenait une rente indemnisant le besoin d'assistance par une tierce personne de la victime, après consolidation, la cour d'appel a condamné l'assureur à payer à M. J... les intérêts au double du taux de l'intérêt légal pour la période du 4 novembre 2010 au 4 juillet 2012 sur une somme incluant le capital constitutif de cette rente, d'un montant de 202 907,88 euros ; 11. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la deuxième branche du moyen, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société GMF à payer à M. J... des intérêts au double du taux de l'intérêt légal sur une somme en capital de 242 565,88 euros du 4 novembre 2010 au 4 juillet 2012, l'arrêt rendu le 12 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ; Condamne M. J... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi décidé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du vingt mai deux mille vingt, et signé par lui et Mme Gelbard le Dauphin, conseiller doyen, en remplacement du conseiller rapporteur référendaire empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour la Garantie mutuelle des fonctionnaires et employés de l'état et des services publics. Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société GMF Assurances à payer à M. J... des intérêts au double du taux de l'intérêt légal sur une somme en capital de 242 565,88 euros du 4 novembre 2010 au 4 juillet 2012 ; Aux motifs que, sur le doublement de l'intérêt au taux légal, les parties conviennent unanimement de ce que cette sanction ne peut s'appliquer qu'à l'expiration du délai légal d'offre d'indemnisation de 8 mois à compter de l'accident imparti à l'assureur par l'article L. 211-9 du code des assurances, et non à compter du jour de l'accident ainsi que l'a jugé le tribunal ; que M. J... demande l'application de cette sanction jusqu'au jour de l'arrêt à intervenir, sur l'indemnisation allouée judiciairement ; que la société GMF fait valoir que ladite sanction ne pourrait être applicable que du 3/11/2010 au 4/07/2012, date à laquelle elle a présenté à M. J... une offre d'indemnisation complète, dont le montant devrait constituer l'assiette des intérêts au taux légal doublé ; que la société GMF a adressé à M. J... le 4/07/2012 une offre d'indemnisation d'un montant global de 39 658 euros (outre une rente pour l'indemnisation de l'assistance par tierce personne après consolidation dont le capital constitutif est de 202 907,88 euros), pour les seuls postes n'ouvrant pas droit à recours subrogatoire de la CPAM, dont la créance définitive n'était pas connue, et à l'exclusion de ceux pour lesquels M. J... n'avait pas fourni de justificatifs, représentant 54% de l'indemnisation allouée cidessus par la Cour pour les mêmes postes ; que cette offre, dont le montant n'a pas été manifestement insuffisant, a donc constitué l'assiette (39 658 + 202 907, 88 euros) des intérêts au taux légal doublé et en a arrêté le cours ; que la société GMF est donc débitrice d'intérêts au taux légal doublé sur une somme en capital de 242 565,88 euros n'incluant pas les postes soumis à recours subrogatoire des tiers payeurs, du vendredi 4/11/2010 au 4/07/2012 ; Alors 1°) que, lorsque l'offre n'a pas été faite dans les délais impartis à l'article L. 211-9 du code des assurances, le montant de l'indemnité offerte tardivement par l'assureur à la victime produit intérêt de plein droit au double du taux de l'intérêt légal à compter de l'expiration du délai jusqu'au jour de l'offre ; que si l'assureur a proposé une indemnisation sous la forme d'une rente annuelle viagère, l'assiette de calcul de la sanction du doublement de l'intérêt légal s'applique à la rente et aux arrérages qui auraient été perçus pendant cette période, et non au capital servant de base à la détermination de son montant ; qu'en condamnant dès lors la société GMF Assurances à paiement de la somme de 242 565,88 euros au titre du double des intérêts au taux légal, en prenant pour assiette le montant de 202 907,88 euros correspondant au capital constitutif de la rente annuelle viagère offerte par l'assureur au titre de l'assistance tierce personne, quand cette sanction, qui avait en réalité pour assiette la rente annuelle viagère d'un montant de 8 760 euros, devait s'appliquer aux seuls arrérages qui auraient dû être perçus par l'assuré après l'expiration du délai de l'offre jusqu'au jour de celle-ci, la cour d'appel a violé les articles L. 211-9 et L. 211-13 du code des assurances. Alors 2°) que le juge doit respecter les termes du litige ; que la victime demandait la condamnation de l'assureur à verser au titre de l'assistance par une tierce personne une rente annuelle de 10 950 euros, et non un capital représentatif, et à payer la sanction du doublement des intérêts au taux légal sur le montant des sommes allouées ; que la victime demandait donc nécessairement que l'assiette fût déterminée par les arrérages et non par le capital représentatif de cette rente ; qu'en fixant l'assiette de la pénalité en considération du capital représentatif de la rente, et non des arrérages, la cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile.
En application des articles L. 211-9 et L. 211-13 du code des assurances, lorsque l'offre prévue par le premier de ces textes n'a pas été faite dans les délais impartis, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur ou allouée par le juge à la victime produit les intérêts de plein droit au double du taux de l'intérêt légal et, si l'assureur offre de payer une rente, le doublement du taux s'applique non pas au capital servant de base à son calcul mais aux arrérages qui auraient été perçus à compter de l'expiration du délai de l'offre jusqu'au jour de celle-ci, si elle intervient, ou jusqu'à la décision définitive
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SOC. LG COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 1er avril 2020 Cassation partielle M. CATHALA, président Arrêt n° 412 FS-P+B Pourvoi n° E 18-16.889 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 1er AVRIL 2020 La société La Poste, société anonyme, dont le siège est [...], a formé le pourvoi n° E 18-16.889 contre l'arrêt rendu le 30 mars 2018 par la cour d'appel de Douai (chambre sociale), dans le litige l'opposant à M. N... L..., domicilié [...], défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Duval, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société La Poste, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. L..., et l'avis de M. Desplan, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 mars 2020 où étaient présents M. Cathala, président, M. Duval, conseiller référendaire rapporteur, Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen, MM. Pion, Ricour, Mmes Van Ruymbeke, Capitaine, Gilibert, conseillers, M. Silhol, Mmes Valéry, Pecqueur, conseillers référendaires, M. Desplan, avocat général, et Mme Lavigne, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 30 mars 2018), M. L..., engagé le 6 avril 2006 par la société La Poste en qualité d'opérateur de colis, a été déclaré inapte à son poste par le médecin de travail à l'issue de deux examens des 2 et 20 septembre 2012 après avoir été placé en arrêt de travail, le 10 février 2011, à la suite d'un accident du travail. 2. Le 2 décembre 2013, M. L... a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement. Examen du moyen Enoncé du moyen 3. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et de le condamner au paiement de dommages-intérêts alors : « 1°/ que les lois spéciales dérogent aux lois générales ; qu'il résulte de l'article 31 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 modifiée que les dispositions du code du travail relatives aux délégués du personnel ne sont pas applicables à La Poste ; qu'en conséquence, ne lui sont pas applicables les dispositions de ce code imposant de recueillir l'avis des délégués du personnel en vue de procéder au reclassement d'un salarié inapte en conséquence d'un accident du travail ; qu'en retenant cependant, pour déclarer dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement de M. L... "que les dispositions de l'article L. 1226-10 s'appliquent bien à La Poste, les délégués du personnel étant remplacés dans leur rôle par la commission consultative paritaire", la cour d'appel a violé par fausse application l'article L. 1226-10 du code du travail, ensemble, par refus d'application, les articles 31 de la loi du 2 juillet 1990, et le principe "specialia generalibus derogant" ; 2°/ que l'article 68 de la convention collective commune dispose que "Lorsque le licenciement est envisagé pour insuffisance professionnelle après la période d'essai, pour inaptitude physique constatée par le service médical compétent ou pour toute sanction disciplinaire autre que l'avertissement ou le blâme, la commission consultative paritaire compétente est obligatoirement consultée" ; que cette consultation doit uniquement intervenir "lorsque le licenciement est envisagé", et n'impose pas la consultation de la commission consultative paritaire au cours de la procédure de reclassement qui est préalable, et dont seul l'échec peut conduire l'employeur à envisager le licenciement ni, a fortiori, préalablement à toute proposition de reclassement ; qu'en déclarant dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement de M. L..., motif pris que la consultation de la commission consultative paritaire avait eu lieu postérieurement aux propositions de reclassement, la cour d'appel, qui a ajouté à l'article 68 une condition qu'il ne comporte pas, a violé ce texte par fausse interprétation. » Réponse de la Cour Vu l'article 31 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation des services de la poste et des télécommunications dans sa rédaction issue de loi n° 2010-123 du 9 février 2010 relative à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales et l'article 68, alinéa 1er, de la convention commune La Poste France Telecom : 4. Aux termes du premier de ces textes, l'emploi d'agents soumis au régime des conventions collectives n'a pas pour effet de rendre applicables à La Poste les dispositions du code du travail relatives aux comités d'entreprise, ni celles relatives aux délégués du personnel et aux délégués syndicaux. 5. Selon le second, lorsque le licenciement est envisagé pour insuffisance professionnelle après la période d'essai, pour inaptitude physique constatée par le service médical compétent ou pour toute sanction disciplinaire autre que l'avertissement ou le blâme, la commission consultative paritaire compétente est obligatoirement consultée. 6. Pour dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamner l'employeur au paiement de dommages-intérêts à ce titre, l'arrêt retient que l'article 31 de la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste n'exclut pas l'application des dispositions du code du travail qui imposent à l'employeur, avant tout reclassement d'un salarié déclaré médicalement inapte à son emploi, de recueillir l'avis des délégués du personnel sur les conclusions du médecin du travail et sur les propositions d'emploi destinées au salarié. Il précise qu'aux termes de l'article 8 de la convention commune La Poste France Telecom, les commissions consultatives paritaires existantes sont, dans l'attente de la parution du décret prévu à l'article 7, compétentes pour connaître des cas des personnels relevant de la convention, que l'article 68 de la convention prévoit que lorsque le licenciement est envisagé pour insuffisance professionnelle après la période d'essai, pour inaptitude physique ou pour toute sanction disciplinaire autre que l'avertissement ou le blâme, la commission est obligatoirement consultée. Il en déduit que les dispositions des articles L. 1226-10 et suivants du code du travail s'appliquent bien à la société La Poste, les délégués du personnel étant remplacés dans leur rôle par la commission consultative paritaire, instance propre à cette société, et qu'en l'espèce l'employeur a bien soumis le cas de M. L... à une commission consultative paritaire, en premier lieu au sujet du reclassement et en second lieu du licenciement mais que cette consultation est intervenue à chaque fois a posteriori. 7. En statuant ainsi, alors qu'en vertu de l'article 31 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990, les dispositions du code du travail relatives aux délégués du personnel ne sont pas applicables à la société La Poste, et que l'article 68 de la convention commune La Poste France Telecom qui précise les cas et conditions dans lesquels la commission consultative paritaire doit être consultée en cas de licenciement détermine seul les conditions d'intervention de cette commission, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute M. L... de sa demande dommages-intérêts au titre d'un préjudice distinct, l'arrêt rendu le 30 mars 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai autrement composée ; Condamne M. L... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du premier avril deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour la société La Poste Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement pour inaptitude de M. N... L... et condamné La Poste à verser à ce salarié la somme de 19 052,04 € à titre de dommages et intérêts, outre celle de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; AUX MOTIFS QUE "Le fait que l'article 31 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste, modifié par la loi n° 2005-516 du 20 mai 2005, dispose que l'emploi des agents contractuels soumis au régime des conventions collectives n'a pas pour effet de rendre applicables à La Poste les dispositions du code du travail relatives aux comités d'entreprise, ni celles relatives aux délégués du personnel et aux délégués syndicaux, n'exclut pas l'application des articles de ce code régissant la situation des salariés victimes d'accident du travail dès lors qu'ils ne sont pas en contradiction avec cette réglementation spéciale ; qu'il en est ainsi des dispositions qui imposent à l'employeur, avant tout reclassement d'un salarié déclaré médicalement inapte à son emploi, de recueillir l'avis des délégués du personnel sur les conclusions du médecin du travail et sur les propositions d'emploi destinées au salarié ; QUE l'article L. 1226-10 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, dispose que : « Lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation destinée à lui proposer un poste adapté. L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail » ; QUE la convention commune La Poste France Télécom signée le 4 novembre 1991 fixant les relations contractuelles entre La Poste et ses salariés de droit privé en matière de recrutement, de formation, de promotion, de rémunération et de représentation précise : « Article 7 : principes réglementaires Conformément à l'article 31 de la loi du 2 juillet 1990, un décret en Conseil d'Etat déterminera les conditions dans lesquelles les agents concernés par la présente convention sont représentés dans les instances de concertation chargées d'assurer l'expression collective des salariés. Article 8 : commissions consultatives paritaires Dans l'attente de la parution dudit décret dont la teneur s'imposera aux parties signataires, les commissions consultatives paritaires existantes sont compétentes pour connaître des cas des personnels relevant de la présente convention. (...) Article 68 : procédure de licenciement Lorsque le licenciement est envisagé pour insuffisance professionnelle après la période d'essai, pour inaptitude physique constatée par le service médical compétent ou pour toute sanction disciplinaire autre que l'avertissement ou le blâme, la commission consultative paritaire compétente est obligatoirement consultée (...) » ; QU'en l'espèce, le décret d'application prévu par l'article 7 de cette convention la SA n'était pas paru à la date du licenciement litigieux. ; QU'il s'ensuit que les dispositions des articles L. 1226-10 et suivants du code du travail s'appliquent bien à la SA La poste, les délégués du personnel étant remplacés dans leur rôle par la commission consultative paritaire, instance propre à cette société ; QU'à ce titre, la cour relève que dans son courrier adressé à la DIRECCTE le 4 novembre 2013 en réponse à celui adressé par l'inspection du travail le 10 octobre précédant, la SA La poste précise d'ailleurs, en faisant référence à la commission consultative paritaire que, ''Au sein de la poste, les élus de cette instance peuvent être assimilés aux délégués du personnel (...)'' ; QU'il résulte ainsi de la combinaison des articles L. 1226-10 et suivant du code du travail d'une part avec les articles 8 et 68 de la convention d'autre part, que la commission consultative paritaire existant dans l'entreprise doit obligatoirement être consultée préalablement aux propositions de reclassement faites au salarié et avant l'engagement de la procédure de licenciement pour inaptitude ; QU'en la cause, l'employeur a bien soumis le cas de M. L... à une commission consultative paritaire, en premier lieu au sujet du reclassement, et second lieu au sujet du licenciement ; QUE néanmoins, au regard du dossier, il apparaît que cette consultation est intervenue chaque fois a posteriori : - le 12 septembre 2013 au sujet de propositions de reclassement effectuées les 16 avril et 28 mai précédents, - le 22 novembre 2013 au sujet du licenciement alors que l'entretien préalable s'est tenu le 27 septembre 2013 et qu'a fortiori l'engagement de la procédure de licenciement (par l'envoi de la convocation à cet entretien) est encore antérieur à cette date, QUE l'absence de respect de son obligation de saisine a priori de la commission consultative paritaire ne saurait être palliée par la saisine de la commission de reclassement, de réadaptation et réorientation de la société, présidée par la responsable des ressources humaines et composée en outre d'un médecin, d'une assistante sociale et d'un chargé de développement RH, dont les membres ne sont pas élus et qui ne peut être assimilée aux délégués du personnel ; qu'en tout état de cause, cette commission a également été consultée a posteriori s'agissant des propositions des 16 avril et 28 mai 2013 ; QUE la SA La poste n'a par ailleurs pas soumis à l'avis de la commission consultative ou même de la commission de reclassement, la proposition adressée au salarié le 30 septembre 2013, qui au demeurant a été soumise à ce dernier après son entretien préalable ; QUE dès lors, la SA La Poste ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, de ce qu'elle a respecté les dispositions de l'article L. 1226.10 et de la convention collective précités, s'agissant de l'obligation de consulter les délégués du personnel ou leur équivalent dans la société, préalablement aux propositions de reclassement et au licenciement pour inaptitude consécutive à un accident du travail ou à une maladie professionnelle ; QUE par conséquent, la cour ne peut que constater le défaut de cause réelle et sérieuse du licenciement litigieux, sans même qu'il soit besoin d'examiner ici le sérieux de la recherche de reclassement effectuée par l'employeur au bénéfice de M. L... ; que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a retenu cette absence de cause réelle et sérieuse" ; 1°) ALORS QUE les lois spéciales dérogent aux lois générales ; qu'il résulte de l'article 31 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 modifiée que les dispositions du code du travail relatives aux délégués du personnel ne sont pas applicables à La Poste ; qu'en conséquence, ne lui sont pas applicables les dispositions de ce code imposant de recueillir l'avis des délégués du personnel en vue de procéder au reclassement d'un salarié inapte en conséquence d'un accident du travail ; qu'en retenant cependant, pour déclarer dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement de M. L... "que les dispositions de l'article L. 1226-10 s'appliquent bien à La Poste, les délégués du personnel étant remplacés dans leur rôle par la commission consultative paritaire", la cour d'appel a violé par fausse application l'article L. 1226-10 du code du travail, ensemble, par refus d'application, les articles 31 de la loi du 2 juillet 1990, et le principe "specialia generalibus derogant" ; 2°) ALORS QUE l'article 68 de la convention collective commune dispose que "Lorsque le licenciement est envisagé pour insuffisance professionnelle après la période d'essai, pour inaptitude physique constatée par le service médical compétent ou pour toute sanction disciplinaire autre que l'avertissement ou le blâme, la commission consultative paritaire compétente est obligatoirement consultée" ; que cette consultation doit uniquement intervenir "lorsque le licenciement est envisagé", et n'impose pas la consultation de la commission consultative paritaire au cours de la procédure de reclassement qui est préalable, et dont seul l'échec peut conduire l'employeur à envisager le licenciement ni, a fortiori, préalablement à toute proposition de reclassement ; qu'en déclarant dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement de M. L..., motif pris que la consultation de la commission consultative paritaire avait eu lieu postérieurement aux propositions de reclassement, la cour d'appel, qui a ajouté à l'article 68 une condition qu'il ne comporte pas, a violé ce texte par fausse interprétation.
Aux termes de l'article 31 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications dans sa rédaction applicable en la cause, les dispositions du code du travail relatives aux délégués du personnel ne sont pas applicables à la société La Poste. L'article 68 de la convention commune La Poste France Télécom précise les cas et conditions dans lesquels la commission consultative paritaire doit être consultée en cas de licenciement
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CIV. 1 LG COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 13 mai 2020 Rejet Mme BATUT, président Arrêt n° 290 F-P+B Pourvoi n° F 19-11.374 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 13 MAI 2020 M. L... T..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° F 19-11.374 contre l'arrêt rendu le 27 novembre 2018 par la cour d'appel de Lyon (2e chambre B), dans le litige l'opposant au procureur général près la cour d'appel de Lyon, domicilié en son parquet général, [...], défendeur à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Acquaviva, conseiller, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. T..., après débats en l'audience publique du 3 mars 2020 où étaient présents Mme Batut, président, M. Acquaviva, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 27 novembre 2018), M. T..., se disant né le [...] à Ambagarattour (Inde), s'est vu refuser la délivrance d'un certificat de nationalité française. Il a assigné le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Lyon aux fins de se voir déclarer français par filiation paternelle, sur le fondement de l'article 18 du code civil. Examen du moyen Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche, ci-après annexé 2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur la première branche du moyen Enoncé du moyen 3. M. T... fait grief à l'arrêt de dire qu'il n'est pas français, alors « que pour s'assurer de l'authenticité d'une apostille, la convention de La Haye du 5 octobre 1961 supprimant l'exigence de la légalisation des actes publics étrangers a mis en place un système de contrôle consistant à saisir l'autorité qui a délivré l'apostille pour vérifier si les inscriptions portées sur celle-ci correspondent à celles de son registre ou fichier ; qu'en l'espèce, pour rejeter l'action déclaratoire de nationalité du requérant, l'arrêt infirmatif attaqué a retenu qu'il ne justifiait pas d'un état civil certain pour la raison que la copie de son acte de naissance comportait une apostille non conforme aux exigences de la Convention de La Haye ; qu'en statuant ainsi, sans procéder à toutes les vérifications utiles auprès de l'autorité compétente ayant délivré l'apostille, la cour d'appel a violé les articles 47 du code civil et 7 de la Convention de La Haye du 5 octobre 1961 supprimant l'exigence de la légalisation des actes publics étrangers. » Réponse de la Cour 4. Aux termes de l'article 5, alinéa 2, de la Convention de La Haye du 5 octobre 1961 supprimant l'exigence de la légalisation des actes publics étrangers, l'apostille dûment remplie atteste la véracité de la signature, la qualité en laquelle le signataire de l'acte a agi et, le cas échéant, l'identité du sceau ou timbre dont cet acte est revêtu. 5. Si l'article 7 de ce texte impose la tenue obligatoire d'un registre destiné à permettre un contrôle a posteriori des apostilles délivrées dans chaque Etat partie par l'autorité habilitée, la vérification qu'il autorise revêt un caractère facultatif et vise exclusivement à permettre à l'autorité de l'Etat destinataire de s'assurer, le cas échéant, de l'origine de l'apostille en prenant contact avec l'autorité de l'Etat qui est censée l'avoir émise. 6. Après avoir constaté que l'apostille apposée sur l'acte de naissance produit par M. T..., dont il n'était pas contesté qu'elle émanait de l'autorité indienne compétente, n'authentifiait pas la signature de l'officier de l'état civil qui l'avait établi, mais celle d'un tiers, la cour d'appel, qui n'avait pas à effectuer une vérification inopérante, a retenu, à bon droit, que, faute pour l'apostille de répondre aux exigences de l'article 5, alinéa 2, de la convention précitée, cet acte ne pouvait produire effet en France. 7. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. T... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. T... ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize mai deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. T... Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir décidé que le requérant (M. T..., l'exposant) n'était pas de nationalité française ; AUX MOTIFS QUE, pour justifier de son état civil, M. L... T... produisait la copie délivrée le 14 septembre 2015 de son acte de naissance apostillé et traduit, dressé à Tirnoular (Inde) le 7 novembre 1986, mentionnant qu'il était né le [...] à Ambagarattour (Inde) de T... et de Q... ; qu'aux termes de l'article 5 de la convention de La Haye du 5 octobre 1961 supprimant l'exigence de la légalisation des actes publics étrangers, l'apostille attestait la véracité de la signature, la qualité en laquelle le signataire de l'acte avait agi et, le cas échéant, l'identité du sceau ou timbre dont cet acte était revêtu ; que l'apostille du 29 octobre 2015 mentionnait comme nom de la personne qui avait signé le certificat de naissance susvisé « L. R... N... », quand le nom du signataire apposé sur le document produit par M. L... T... était « R. I... » ; que, de même, la qualité du signataire de l'acte public n'était pas précisée ; que, dès lors, l'acte de naissance produit par M. L... T..., qui comportait une apostille ne répondant pas aux exigences de la convention de La Haye, ne pouvait pas se voir conférer une valeur probante opposable en France ; que M. L... T..., qui ne justifiait pas d'un état civil certain, ne pouvait pas se voir conférer la nationalité française (arrêt attaqué, p. 5, alinéas 8 et 9). ALORS QUE, d'une part, pour s'assurer de l'authenticité d'une apostille, la convention de La Haye du 5 octobre 1961 supprimant l'exigence de la légalisation des actes publics étrangers a mis en place un système de contrôle consistant à saisir l'autorité qui a délivré l'apostille pour vérifier si les inscriptions portées sur celle-ci correspondent à celles de son registre ou fichier ; qu'en l'espèce, pour rejeter l'action déclaratoire de nationalité du requérant, l'arrêt infirmatif attaqué a retenu qu'il ne justifiait pas d'un état civil certain pour la raison que la copie de son acte de naissance comportait une apostille non conforme aux exigences de la convention de La Haye ; qu'en statuant ainsi, sans procéder à toutes les vérifications utiles auprès de l'autorité compétente ayant délivré l'apostille, la cour d'appel a violé les articles 47 du code civil et 7 de la convention de La Haye du 5 octobre 1961 supprimant l'exigence de la légalisation des actes publics étrangers ; ALORS QUE, d'autre part, l'apostille doit être conforme au modèle annexé à la Convention de La Haye du 5 octobre 1961 ; que, dûment remplie, elle atteste la véracité de la signature, la qualité en laquelle le signataire de l'acte a agi et, le cas échéant, l'identité du sceau ou timbre dont cet acte est revêtu ; qu'en l'espèce, en affirmant que l'apostille du 29 octobre 2015 apposée sur l'acte de naissance du requérant ne répondait pas aux exigences de la Convention de La Haye sans caractériser sa non-conformité au modèle annexé à la convention, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 4 et 5 de la convention de La Haye du 5 octobre 1961 supprimant l'exigence de la légalisation des actes publics étrangers.
Si l'article 7 de la Convention de La Haye du 5 octobre 1961 supprimant l'exigence de la légalisation des actes publics étrangers impose la tenue obligatoire d'un registre destiné à permettre un contrôle a posteriori des apostilles délivrées dans chaque État partie par l'autorité habilitée, la vérification qu'il autorise revêt un caractère facultatif et vise exclusivement à permettre à l'autorité de l'État destinataire de s'assurer, le cas échéant, de l'origine de l'apostille en prenant contact avec l'autorité de l'État qui est censée l'avoir émise
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CIV. 1 LG COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 13 mai 2020 Cassation partielle Mme BATUT, président Arrêt n° 291 F-P+B Pourvoi n° T 19-50.025 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 13 MAI 2020 Le procureur général près la cour d'appel de Nancy, domicilié en son parquet général, [...], a formé le pourvoi n° T 19-50.025 contre l'arrêt rendu le 5 mars 2019 par la cour d'appel de Nancy (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à Mme F... M..., domiciliée [...] , défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Acquaviva, conseiller, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de Mme M..., après débats en l'audience publique du 3 mars 2020 où étaient présents Mme Batut, président, M. Acquaviva, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 5 mars 2019), Mme F... H... M... s'est vue délivrer un certificat de nationalité française, comme étant née le [...] à Douala (Cameroun), d'un père français. 2. Soutenant que ce certificat avait été délivré au vu d'un acte de naissance apocryphe, le ministère public l'a assignée, par acte du 22 décembre 2015, devant le tribunal de grande instance pour voir prononcer l'annulation de ce certificat, et constater son extranéité. Examen du moyen Enoncé du moyen 3. Le ministère public fait grief à l'arrêt de déclarer son action prescrite, alors « que l'action négatoire de nationalité française régie par l'article 29-3, alinéa 2, du code civil n'est soumise à aucune prescription ; qu'en décidant que lorsqu'une personne s'est vu délivrer un certificat de nationalité française, l'action du ministère public qui conteste cette nationalité se prescrit dans le délai de cinq ans prévu à l'article 2224 du code civil, la cour d'appel a violé les textes susvisés. » Réponse de la Cour Vu l'article 29-3 du code civil : 4. L'action négatoire de nationalité régie par ce texte n'est soumise à aucune prescription. 5. Pour déclarer irrecevable l'action du ministère public, l'arrêt retient, d'abord, que le code civil ne dispose pas que l'action négatoire de nationalité est imprescriptible, et qu'il y a lieu, dès lors, de se référer au délai de droit commun de la prescription qui était de trente ans avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du17 juin 2008, et a été ramené à cinq ans par cette loi. Il relève, ensuite, que le ministère de la justice ayant été informé, par lettre du 18 octobre 2004, par les autorités consulaires françaises au Cameroun, du caractère apocryphe de l'acte de naissance de Mme M..., le délai de prescription a couru à compter de cette date et que, l'action ayant été introduite le 22 décembre 2015, la prescription est acquise. 6. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable l'action du ministère public, l'arrêt rendu le 5 mars 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nancy autrement composée ; Condamne Mme M... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme M... ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize mai deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par le procureur général près la cour d'appel de Nancy IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Nancy le 25 janvier 2018 et déclaré irrecevable comme prescrite l'action du ministère public : AUX MOTIFS QUE "L'article 26-4 du code civil prévoit que dans le délai de deux ans suivant la date à laquelle il a été effectué, l'enregistrement d'une déclaration de nationalité française peut être contesté par le ministère public si les conditions légales ne sont pas satisfaites; que cet enregistrement peut encore être contesté par le ministère public en cas de mensonge ou de fraude dans le délai de deux ans à compter de leur découverte. Lorsqu'une personne s'est vu délivrer, comme en l'espèce, un certificat de nationalité française, l'action du ministère public qui conteste cette nationalité n'est enfermée dans aucun délai. En effet, selon l'article 29-3 du code civil, toute personne a le droit d'agir pour faire décider qu'elle a ou qu'elle n'a point la qualité de Français, et le procureur de la République a le même droit à l'égard de toute personne sans préciser qu'il doit agir dans un délai particulier. Toutefois, alors que le code civil ne dispose pas que l'action négatoire de nationalité est imprescriptible, il y a lieu de se référer au délai de droit commun de la prescription qui était de trente ans avant ['entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, et qui a été ramené à cinq ans par cette loi. L'article 2224 du code civil, issu de cette loi, dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. En cas de mensonge ou de fraude, le point de départ du délai est reporté au jour de la découverte de ce mensonge ou de cette fraude. En l'espèce, Mme M... a obtenu du greffier en chef du tribunal d'instance de Thann, le 10 mai 2004, un certificat de nationalité française au vu d'un acte de naissance n° 1509/92 établi à Douala, le 30 décembre 1992. Le 18 octobre 2004, le consul général de France à Douala a écrit au ministère de la justice, direction des affaires civiles et du sceau, [...] , pour porter à sa connaissance qu'après vérification trois actes de naissance, parmi lesquels celui portant le numéro 1509/92, n'étaient pas authentiques, ce dernier correspondant en réalité, non à la naissance de F... H... R... ou M..., mais à la naissance d'un enfant de sexe masculin né le [...]. Ainsi, le certificat de nationalité ayant été délivré au vu d'un certificat de naissance mensonger ou frauduleux, il appartenait au ministère public de le contester dans un délai de trente ans à compter du 18 octobre 2004, délai ramené à cinq ans à compter de l'entrée en vigueur de la loi du 18 juin 2008. Le ministère public ayant fait assigner Mme M... en contestation de nationalité par acte du 22 décembre 2015, il y a lieu de constater que son action est irrecevable comme prescrite"; ALORS QUE l'action négatoire de nationalité française régie par l'article 29-3, alinéa 2, du code civil n'est soumise à aucune prescription; qu'en décidant que lorsqu'une personne s'est vu délivrer un certificat de nationalité française, l'action du ministère public qui conteste cette nationalité se prescrit dans le délai de cinq ans prévu à l'article 2224 du code civil, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
L'action négatoire de nationalité régie par l'article 29-3 du code civil n'est soumise à aucune prescription
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CIV. 1 LG COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 13 mai 2020 Cassation partielle Mme BATUT, président Arrêt n° 297 F-P+B Pourvoi n° D 19-13.419 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 13 MAI 2020 Mme U... G... C..., domiciliée [...], a formé le pourvoi n° D 19-13.419 contre l'arrêt rendu le 30 novembre 2018 par la cour d'appel de Nancy (3e chambre civile), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. Q... C..., domicilié [...], 2°/ à Mme H... O..., épouse C..., domiciliée [...], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Azar, conseiller référendaire, les observations de la SCP Spinosi et Sureau, avocat de Mme G... C..., de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. C..., et l'avis de Mme Caron-Deglise, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 mars 2020 où étaient présentes Mme Batut, président, Mme Azar, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 30 novembre 2018), un jugement du 18 décembre 2007 a prononcé l'adoption simple, par M. C..., de Mme G..., née le [...], fille de son épouse. Selon actes notariés du 9 juin 2009, M. et Mme C... ont fait donation à leur fille de plusieurs biens immobiliers. En septembre 2011, M. C... a introduit une requête en divorce. Par acte du 23 septembre, il a assigné Mme G... en révocation de son adoption simple et des donations qu'il lui avait consenties. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche, et le second moyen, ci-après annexés 2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur la première branche du premier moyen Enoncé du moyen 3. Mme G... fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande tendant à la révocation de son adoption simple par M. C..., alors « que, d'une part, s'il est justifié de motifs graves, l'adoption peut être révoquée, lorsque l'adopté est majeur, à la demande de ce dernier ou de l'adoptant ; que l'insanité d'esprit de l'adoptant au moment de l'adoption ne constitue pas un motif grave, lequel ne peut s'entendre que d'un motif survenu postérieurement au jugement d'adoption ; qu'en jugeant que l'insanité d'esprit de M. C... au moment de l'adoption constituait un motif grave justifiant la révocation de l'adoption, cependant que le jugement d'adoption simple avait acquis force de chose jugée, la cour a violé, par fausse application, l'article 370 du code civil. » Réponse de la Cour Vu l'article 353, alinéa 1, ensemble l'article 370, alinéa 1, du code civil, ce dernier dans sa rédaction issue de l'article 32 de la loi n° 2016-297 du 14 mars 2016 : 4. Selon le premier de ces textes, l'adoption est prononcée à la requête de l'adoptant par le tribunal de grande instance qui vérifie dans un délai de six mois à compter de la saisine du tribunal si les conditions de la loi sont remplies et si l'adoption est conforme à l'intérêt de l'enfant. Selon le second, s'il est justifié de motifs graves, l'adoption peut être révoquée, lorsque l'adopté est majeur, à la demande de ce dernier ou de l'adoptant. 5. Il résulte de ces dispositions que l'intégrité du consentement de l'adoptant, en tant que condition légale à l'adoption, est vérifiée au moment où le tribunal se prononce sur celle-ci, de sorte que la contestation ultérieure du consentement de l'adoptant, qui est indissociable du jugement d'adoption, ne peut se faire qu'au moyen d'une remise en cause directe de celui-ci par l'exercice des voies de recours et non à l'occasion d'une action en révocation de cette adoption, laquelle suppose que soit rapportée la preuve d'un motif grave, résidant dans une cause survenue postérieurement au jugement d'adoption. 6. Pour accueillir la demande de révocation de l'adoption, l'arrêt retient que les constatations médicales résultant de l'examen psychiatrique effectué sur l'adoptant démontrent que ce dernier n'était pas sain d'esprit au moment où il a donné son consentement à l'adoption. 7. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que l'arrêt prononce la révocation de l'adoption simple de Mme U... G... C... par M. Q... C..., l'arrêt rendu le 30 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Metz ; Condamne M. C... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. C... et le condamne à payer à Mme G... C... la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize mai deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour Mme G... C... PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir prononcé la révocation de l'adoption simple de Mme U... G... C... par M. Q... C... ; Aux motifs que, « Par jugement en date du 18 décembre 2007, le tribunal de grande instance d'Épinal a : - prononcé avec toutes conséquences de droit l'adoption simple de Mme U... G... par M. Q... C... ; - dit que l'adoptée ajoutera à son nom de famille, celui de l'adoptant pour être désormais dénommée G...-C... ; - constaté que l'adoptée est l'enfant du conjoint de l'adoptant ; - constaté que l'adoptée a expressément consenti à son adoption ; - dit que cette adoption simple produira effet à compter du 6 juillet 2007, jour de dépôt de la requête ; - ordonner la transcription du jugement à la requête du procureur de la république, sur le registre des naissances État civil de la commune d'Épinal ainsi que partout où besoin sera et ce conformément aux dispositions de l'article 362 du Code civil ; Ce jugement était susceptible d'appel ; en l'occurrence, M. C... n'a pas interjeté appel de cette décision. M. C... n'est pas recevable à solliciter la nullité de l'adoption ; cette sanction n'est pas prévue par les dispositions légales en matière d'adoption. En revanche, l'action de M. C... en ce qu'elle se fonde sur les dispositions de l'article 370 du Code civil est recevable. En effet, selon ces dispositions, s'il est justifié de motifs graves, l'adoption peut être révoquée, lorsque l'adopté est majeur, à la demande de ce dernier ou de l'adoptant. Cette action en révocation est indépendante de l'appel susceptible d'être engagé à l'encontre du jugement d'adoption, l'appel n'ayant pour seul but que de revenir sur les conditions légales de l'adoption. L'action en révocation de l'adoption repose sur un autre fondement qui peut être invoqué tant que le délai de prescription de cette action n'est pas acquis. L'action en révocation de l'adoption est donc parfaitement recevable à condition que M. C... démontre l'existence de motifs graves. Sur l'existence de motifs graves Il ressort du rapport d'examen psychiatrique réalisé par le docteur S... le 2 janvier 2017 que : - M. C... a présenté, entre 2003 et 2010, des troubles thymiques entrant probablement dans le cadre d'une pathologie bipolaire se traduisant par un état mixte, associant des troubles maniaques et dépressifs, puis par un état dépressif d'intensité sévère avec symptômes psychotiques ; - ces troubles l'ont progressivement placé en état de vulnérabilité dans la mesure où il était incapable d'exprimer sa volonté ; - ces troubles ne lui permettaient manifestement pas de gérer ses biens au mieux de ses intérêts ; - actifs depuis 2003, ces troubles se sont aggravés pour atteindre leur acmé entre 2007 et 2010 ; Selon l'exploitation du dossier médical de M. C... réalisés par l'expert susnommé, il ressort que : - Le docteur P... a noté en 2004 que M. C... rentrait « en pleine déprime » et n'avait pas envie de quoi que ce soit ; - le docteur V... en avril 2004 parlait de mélancolie délirante (la mélancolie est un état dépressif sévère) et de « troubles bipolaires sévères notamment au cours de l'année 2004 et fin 2006 début 2007 » ; - le docteur V... ajoutait que « le plus inquiétant est la note paranoïaque qui le rend méfiant vis-à-vis des médicaments en général et qui ne permet pas à son épouse, pourtant présente, d'apporter tous les éléments utiles au diagnostic car elle a manifestement bien du mal à se faire entendre » ; Le Docteur S... a également mentionné que des dossiers médicaux et procéduraux, on pouvait retenir que le 17 juillet 2009 Mme C... avait écrit au docteur V... pour lui faire part de l'agressivité de son mari à son encontre de son refus de soins et rapportait également une incurie et un apragmatisme tout en sollicitant une hospitalisation pour son époux. Les constatations médicales sus-indiquées démontrent que M. C... n'était pas sain d'esprit au moment où il a donné son consentement à l'adoption soit le 20 juin 2007 et au moment où il a consenti les donations litigieuses. Ces motifs de nature médicale sont graves et justifient la révocation de l'adoption simple de Mme U... G... par M. Q... C.... Ces motifs justifient également la nullité des donations effectuées le 9 juin 2009 sur le fondement des articles 901 et suivants du Code civil. En effet, pour faire une donation, il faut être sain d'esprit ; or, à la date du 9 juin 2009, M. C... n'était pas sain d'esprit. La sanction de l'acte accompli en état d'insanité d'esprit est la nullité relative. Il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qui concerne l'irrecevabilité de la demande de nullité de l'adoption simple de Mme U... G... par M. Q... C... et statuant à nouveau, il y a lieu de : - prononcer la révocation de l'adoption simple de Mme U... G... par M. Q... C... ; - prononcer la nullité des donations effectuées le 9 juin 2009 par M. Q... C... » ; Alors que, d'une part, s'il est justifié de motifs graves, l'adoption peut être révoquée, lorsque l'adopté est majeur, à la demande de ce dernier ou de l'adoptant ; que l'insanité d'esprit de l'adoptant au moment de l'adoption ne constitue pas un motif grave, lequel ne peut s'entendre que d'un motif survenu postérieurement au jugement d'adoption ; qu'en jugeant que l'insanité d'esprit de M. Q... C... au moment de l'adoption constituait un motif grave justifiant la révocation de l'adoption, cependant que le jugement d'adoption simple avait acquis force de chose jugée, la cour a violé, par fausse application, l'article 370 du code civil ; Alors que, d'autre part, le juge doit observer et observer lui-même le principe du contradictoire ; qu'il ne peut retenir, dans sa décision, les documents produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement ; qu'en l'espèce, par message RVPA adressé le 6 août 2018 à Maître Welzer, conseil de M. Q... C..., Maître Faivre, avocate de Mme U... G..., indiquait ne pas avoir été destinataire du rapport d'expertise du docteur S... (pièce complémentaire n° 64) qui aurait pourtant dû être communiqué le 2 juillet 2018, date de signification des conclusions de M. Q... C... ; qu'aucune communication de la pièce n'est ensuite intervenue, de sorte que Mme U... G... n'a pu ni en avoir connaissance, ni en discuter les conclusions ; qu'en statuant néanmoins en considération de cette expertise qui n'a fait l'objet d'aucun débat contradictoire, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile. SECOND MOYEN DE CASSATION Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir prononcé la nullité des donations en date du 9 juin 2009, consenties par M. Q... C... au bénéfice de Mme U... G... C... ; Aux motifs que, « Par jugement en date du 18 décembre 2007, le tribunal de grande instance d'Épinal a : - prononcé avec toutes conséquences de droit l'adoption simple de Mme U... G... par M. Q... C... ; - dit que l'adoptée ajoutera à son nom de famille, celui de l'adoptant pour être désormais dénommée G...-C... ; - constaté que l'adoptée est l'enfant du conjoint de l'adoptant ; - constaté que l'adoptée a expressément consenti à son adoption ; - dit que cette adoption simple produira effet à compter du 6 juillet 2007, jour de dépôt de la requête ; - ordonner la transcription du jugement à la requête du procureur de la république, sur le registre des naissances État civil de la commune d'Épinal ainsi que partout où besoin sera et ce conformément aux dispositions de l'article 362 du Code civil ; Ce jugement était susceptible d'appel ; en l'occurrence, M. C... n'a pas interjeté appel de cette décision. M. C... n'est pas recevable à solliciter la nullité de l'adoption ; cette sanction n'est pas prévue par les dispositions légales en matière d'adoption. En revanche, l'action de M. C... en ce qu'elle se fonde sur les dispositions de l'article 370 du Code civil est recevable. En effet, selon ces dispositions, s'il est justifié de motifs graves, l'adoption peut être révoquée, lorsque l'adopté est majeur, à la demande de ce dernier ou de l'adoptant. Cette action en révocation est indépendante de l'appel susceptible d'être engagé à l'encontre du jugement d'adoption, l'appel n'ayant pour seul but que de revenir sur les conditions légales de l'adoption. L'action en révocation de l'adoption repose sur un autre fondement qui peut être invoqué tant que le délai de prescription de cette action n'est pas acquis. L'action en révocation de l'adoption est donc parfaitement recevable à condition que M. C... démontre l'existence de motifs graves. Sur l'existence de motifs graves Il ressort du rapport d'examen psychiatrique réalisé par le docteur S... le 2 janvier 2017 que : - M. C... a présenté, entre 2003 et 2010, des troubles thymiques entrant probablement dans le cadre d'une pathologie bipolaire se traduisant par un état mixte, associant des troubles maniaques et dépressifs, puis par un état dépressif d'intensité sévère avec symptômes psychotiques ; - ces troubles l'ont progressivement placé en état de vulnérabilité dans la mesure où il était incapable d'exprimer sa volonté ; - ces troubles ne lui permettaient manifestement pas de gérer ses biens au mieux de ses intérêts ; - actifs depuis 2003, ces troubles se sont aggravés pour atteindre leur acmé entre 2007 et 2010 ; Selon l'exploitation du dossier médical de M. C... réalisés par l'expert susnommé, il ressort que : - Le docteur P... a noté en 2004 que M. C... rentrait « en pleine déprime » et n'avait pas envie de quoi que ce soit ; - le docteur V... en avril 2004 parlait de mélancolie délirante (la mélancolie est un état dépressif sévère) et de « troubles bipolaires sévères notamment au cours de l'année 2004 et fin 2006 début 2007 » ; - le docteur V... ajoutait que « le plus inquiétant est la note paranoïaque qui le rend méfiant vis-à-vis des médicaments en général et qui ne permet pas à son épouse, pourtant présente, d'apporter tous les éléments utiles au diagnostic car elle a manifestement bien du mal à se faire entendre » ; Le Docteur S... a également mentionné que des dossiers médicaux et procéduraux, on pouvait retenir que le 17 juillet 2009 Mme C... avait écrit au docteur V... pour lui faire part de l'agressivité de son mari à son encontre de son refus de soins et rapportait également une incurie et un apragmatisme tout en sollicitant une hospitalisation pour son époux. Les constatations médicales sus-indiquées démontrent que M. C... n'était pas sain d'esprit au moment où il a donné son consentement à l'adoption soit le 20 juin 2007 et au moment où il a consenti les donations litigieuses. Ces motifs de nature médicale sont graves et justifient la révocation de l'adoption simple de Mme U... G... par M. Q... C... ; Ces motifs justifient également la nullité des donations effectuées le 9 juin 2009 sur le fondement des articles 901 et suivants du Code civil. En effet, pour faire une donation, il faut être sain d'esprit ; or, à la date du 9 juin 2009, M. C... n'était pas sain d'esprit. La sanction de l'acte accompli en état d'insanité d'esprit est la nullité relative. Il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qui concerne l'irrecevabilité de la demande de nullité de l'adoption simple de Mme U... G... par M. Q... C... et statuant à nouveau, il y a lieu de : - prononcer la révocation de l'adoption simple de Mme U... G... par M. Q... C... ; - prononcer la nullité des donations effectuées le 9 juin 2009 par M. Q... C... » ; Alors que, le juge doit observer et observer lui-même le principe du contradictoire ; qu'il ne peut retenir, dans sa décision, les documents produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement ; qu'en l'espèce, par message RVPA adressé le 6 août 2018 à Maître Welzer, conseil de M. Q... C..., Maître Faivre, avocate de Mme U... G..., indiquait ne pas avoir été destinataire du rapport d'expertise du docteur S... (pièce complémentaire n° 64) qui aurait pourtant dû être communiqué le 2 juillet 2018, date de signification des conclusions de M. Q... C... ; qu'aucune communication de la pièce n'est ensuite intervenue, de sorte que Mme U... G... n'a pu ni en avoir connaissance, ni en discuter les conclusions ; qu'en statuant néanmoins en considération de cette expertise qui n'a pourtant fait l'objet d'aucun débat contradictoire, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile.
Il résulte de l'application combinée des articles 353, alinéa 1, et 370, alinéa 1, du code civil, ce dernier dans sa rédaction issue de l'article 32 de la loi n° 2016-297 du 14 mars 2016 que l'intégrité du consentement de l'adoptant, en tant que condition légale à l'adoption, est vérifiée au moment où le tribunal se prononce sur celle-ci, de sorte que la contestation ultérieure du consentement de l'adoptant, qui est indissociable du jugement d'adoption, ne peut se faire qu'au moyen d'une remise en cause directe de celui-ci par l'exercice des voies de recours et non à l'occasion d'une action en révocation de cette adoption, laquelle suppose que soit rapportée la preuve d'un motif grave, résidant dans une cause survenue postérieurement au jugement d'adoption
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CIV. 1 LG COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 13 mai 2020 Rejet Mme BATUT, président Arrêt n° 300 F-P+B Pourvoi n° K 19-15.380 Aide juridictionnelle totale en demande au profit de Mme C.... Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 20 février 2019. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 13 MAI 2020 Mme R... C..., domicilié [...], actuellement détenue au centre pénitentiaire [...], a formé le pourvoi n° K 19-15.380 contre l'arrêt rendu le 24 octobre 2018 par la cour d'appel de Nîmes (chambre civile, 3e chambre famille), dans le litige l'opposant à l'Association tutélaire de gestion de Nîmes, dont le siège est [...], prise en qualité d'administrateur ad hoc de l'enfant P... C..., défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Feydeau-Thieffry, conseiller référendaire, les observations de Me Occhipinti, avocat de Mme C..., et l'avis de Mme Caron-Deglise, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 mars 2020 où étaient présentes Mme Batut, président, Mme Feydeau-Thieffry, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 24 octobre 2018), le juge des tutelles des mineurs a, par ordonnance du 25 juin 2015, désigné un administrateur ad hoc pour représenter P... C..., né le [...], avec mission d'examiner l'ensemble des comptes détenus par le mineur auprès d'un organisme bancaire, recenser les éventuels retraits de fonds qui ont pu être opérés et engager toute action amiable ou contentieuse afin de recouvrer les dits fonds. 2. Le procureur de la République a sollicité de ce juge, sur le fondement de l'article 387-1, alinéa 2, du code civil, la mise en oeuvre des mesures de contrôle prévues à l'article 387-3 du même code, afin de protéger le patrimoine du mineur. Examen du moyen Enoncé du moyen 3. Mme C... fait grief à l'arrêt de dire qu'elle devra solliciter l'autorisation du juge des tutelles pour tout placement de fonds de son fils et tout prélèvement des fonds de celui-ci, à l'exception des comptes ouverts en son nom avec carte de retrait attachée, et qu'elle devra transmettre un compte rendu de gestion annuel au greffier en chef du tribunal de grande instance, alors « qu'à l'occasion du contrôle des actes mentionnés à l'article 387-1, le juge peut, s'il l'estime indispensable à la sauvegarde des intérêts du mineur, en considération de la composition ou de la valeur du patrimoine, de l'âge du mineur ou de sa situation familiale, décider qu'un acte ou une série d'actes de disposition seront soumis à son autorisation préalable ; qu'en se bornant à énoncer que le patrimoine du mineur était important et complexe, sans donner la moindre indication sur la consistance de celui-ci ni sur la nécessité des mesures prises au regard de ce patrimoine, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 387-3 du code civil. » Réponse de la Cour 4. Les deux premiers alinéas de l'article 387-3 du code civil disposent : « A l'occasion du contrôle des actes mentionnés à l'article 387-1, le juge peut, s'il l'estime indispensable à la sauvegarde des intérêts du mineur, en considération de la composition ou de la valeur du patrimoine, de l'âge du mineur ou de sa situation familiale, décider qu'un acte ou une série d'actes de disposition seront soumis à son autorisation préalable. Le juge est saisi aux mêmes fins par les parents ou l'un d'eux, le ministère public ou tout tiers ayant connaissance d'actes ou omissions qui compromettent manifestement et substantiellement les intérêts patrimoniaux du mineur ou d'une situation de nature à porter un préjudice grave à ceux-ci. » 5. Il en résulte que le juge saisi sur le fondement du deuxième alinéa n'a pas à motiver sa décision au regard de la composition ou de la valeur du patrimoine. 6. Ayant relevé que la désignation d'un administrateur ad hoc avait été faite en raison d'un retrait de fonds non autorisé par le juge des tutelles sur le compte bancaire de P... C... et que Mme C... était incarcérée depuis décembre 2017 au titre d'une condamnation pour fraude aux prestations sociales, la cour d'appel en a déduit qu'il convenait de protéger le patrimoine du mineur. 7. Elle a ainsi légalement justifié sa décision. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne Mme C... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme C... ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, signé par Mme Auroy, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller empêché, et signé et prononcé par le président en son audience publique du treize mai deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par Me Occhipinti, avocat aux Conseils, pour Mme C... Il est reproché à l'arrêt attaqué d'AVOIR a dit que l'autorisation du juge des tutelles serait nécessaire pour tout placement de fonds du mineur P... C..., tout prélèvement des fonds du mineur à l'exception des comptes ouverts en son nom avec carte de retrait attachée et qu'un compte-rendu de gestion annuel devrait être soumis au greffier en chef du tribunal de grande instance ; AUX MOTIFS QUE l'article 387-3 du code civil prévoit que "à l'occasion du contrôle des actes mentionnés à l'article 387-1, le juge peut, s 'il l'estime indispensable à la sauvegarde des intérêts du mineur, en considération de la composition ou de la valeur du patrimoine, de l'âge du mineur ou de sa situation familiale, décider qu'un acte ou une série d 'actes de disposition seront soumis à son autorisation préalable. Le juge est saisi aux mêmes fins par les parents ou l'un d'eux, le ministère public ou un tiers ayant connaissance d'actes ou omissions qui compromettent manifestement et substantiellement les intérêts patrimoniaux du mineur ou d'une situation de nature à porter un préjudice grave à celui-ci. Dans sa lettre datée du 19 mai 2017, Mme C... estime la décision injuste et abusive, soutient que « la mesure ne sert à rien, car il n 'y a pas d'argent, il n 'y a que des immeubles » Elle soutient d'autre part que c'est « uniquement grâce (à elle) qu'il (son enfant) s 'est constitué un patrimoine important » Elle se plaint de ce qu'une somme de 4 700 euros sur un compte du Crédit Lyonnais n'aurait pas été récupérée par l'administrateur ad hoc depuis 5 ans. Elle conteste que sa situation soit particulière, élevant seule son enfant, comme beaucoup d'autres femmes. Toutefois, la désignation d'un administrateur ad hoc, par ordonnance du 25 juin 2015 a été faite, précisément, en raison d'un retrait de fonds non autorisé par le juge des tutelles sur le compte du mineur dans les écritures du Crédit Lyonnais ; D'autre part, la nature du patrimoine du mineur, et son importance, justifient les mesures prises par la décision dont appel. Enfin Mme C... était encore incarcérée, en décembre 2017, au titre d'une condamnation pour fraude aux prestations sociales. Par arrêt du 15 février 2018 la chambre spéciale des mineurs a confirmé la décision juge des enfants de Nîmes du 23 août 2017 confiant provisoirement à l'aide sociale à l'enfance du Gard le jeune mineur P..., et organisé un droit de visite médiatisé pour la mère, (la cour ayant seulement précisé les modalités d'exercice du droit de visite). Il résulte de cet ensemble d'éléments la nécessité de protéger le patrimoine du mineur. L'ordonnance entreprise doit être confirmée ; ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'il apparaît que le mineur possède un patrimoine important complexe ayant nécessité la désignation d'un administrateur ad hoc (contentieux avec banque), a une situation familiale particulière, seule filiation maternelle établie, de sorte qu'il existe un risque potentiel d'atteinte à ses intérêts patrimoniaux, en cas de gestion non contrôlée ; cette situation justifie la mise en oeuvre des mesures de contrôle suivantes et de solliciter l'autorisation du juge des tutelles pour tout placement de fonds du mineur, tout prélèvement des fonds du mineur à l'exception des comptes ouverts en son nom avec carte de retrait attachée obligation de soumettre compte-rendu de gestion annuel au greffier en chef du tribunal de grande instance accompagné de pièces justificatives en vue de sa vérification ; ALORS QU'à l'occasion du contrôle des actes mentionnés à l'article 387-1, le juge peut, s'il l'estime indispensable à la sauvegarde des intérêts du mineur, en considération de la composition ou de la valeur du patrimoine, de l'âge du mineur ou de sa situation familiale, décider qu'un acte ou une série d'actes de disposition seront soumis à son autorisation préalable ; qu'en se bornant à énoncer que le patrimoine du mineur était important et complexe, sans donner la moindre indication sur la consistance de celui-ci ni sur la nécessité des mesures prises au regard de ce patrimoine, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 387-3 du code civil.
Le juge des tutelles, saisi sur le fondement du deuxième alinéa de l'article 387-3 du code civil, doit, pour décider qu'un acte ou une série d'actes de disposition seront soumis à son autorisation préalable, motiver sa décision au regard non pas de la composition ou de la valeur du patrimoine du mineur mais de l'existence d'actes ou omissions, compromettant manifestement et substantiellement les intérêts patrimoniaux de l'intéressé ou d'une situation de nature à porter un préjudice grave à ceux-ci
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CIV. 2 FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 19 mars 2020 Irrecevabilité M. PIREYRE, président Arrêt n° 350 F-P+B+I Pourvoi n° X 19-10.469 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 19 MARS 2020 1°/ Mme A... Q..., domiciliée [...] , 2°/ M. Q... U... , domicilié [...] , ont formé le pourvoi n° X 19-10.469 contre l'arrêt rendu le 5 juillet 2018 par la cour d'appel d'Orléans (chambre commerciale, économique et financière), dans le litige les opposant à la société My Money Bank, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Leroy-Gissinger, conseiller, les observations de la SCP Richard, avocat de Mme Q... et de M. U... , de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société My Money Bank, et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 12 février 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Leroy-Gissinger, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre. la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Sur la recevabilité du pourvoi, contestée par la défense : Vu les articles 606, 607 et 608 du code de procédure civile ; Attendu que, sauf dans les cas spécifiés par la loi, les jugements en dernier ressort qui ne mettent pas fin à l'instance ne peuvent être frappés de pourvoi en cassation indépendamment des jugements sur le fond que s'ils tranchent dans leur dispositif tout ou partie du principal ; qu'il n'est dérogé à cette règle qu'en cas d'excès de pouvoir ; Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans, 5 juillet 2018) que, sur des poursuites de saisie immobilière engagées par la société Ge Money Bank, devenue My Money Bank (la banque), à l'encontre de M. U... et Mme Q..., par la délivrance d'un commandement de payer valant saisie publié le 18 novembre 2011, un jugement d'orientation a ordonné la vente forcée du bien ; que l'arrêt ayant infirmé cette décision a été cassé (2e Civ., 13 novembre 2014, pourvoi n° 13-25.164) et que le pourvoi dirigé contre ce jugement a été déclaré irrecevable (2e Civ., 17 mars 2016, pourvoi n° 14-29.271) ; que le bien saisi a été adjugé le 4 avril 2013 ; que le prix n'a pas été payé par l'adjudicataire ; que des jugements de prorogation du commandement de saisie ont été publiés les 26 novembre 2013 et 18 novembre 2015 ; qu'une nouvelle demande de prorogation ayant été formée, un jugement du 16 novembre 2017 a accueilli la demande et rejeté le moyen pris de ce que le commandement valant saisie était périmé, faute d'avoir été renouvelé dans les deux ans de sa première publication ; Attendu qu'en confirmant le jugement du juge de l'exécution ayant ordonné la prorogation des effets du commandement valant saisie immobilière, la cour d'appel n'a pas tranché une partie du principal, ni mis fin à l'instance relative à la procédure de saisie immobilière, pendante devant la cour d'appel, faute pour l'adjudicataire d'avoir payé le prix ; Et attendu que c'est sans excéder ses pouvoirs que la cour d'appel a confirmé le jugement du 16 novembre 2017 ayant prorogé le commandement, après avoir constaté qu'il avait été renouvelé par un jugement publié le 18 novembre 2015, soit moins de deux années avant que le juge de l'exécution ne statue, peu important que le commandement, alors périmé, ait pu être indûment prorogé par une décision antérieure, aucune partie ne s'étant alors prévalu de sa péremption ; D'où il suit que le pourvoi, formé contre un arrêt qui n'a pas tranché le principal ni mis fin à l'instance et n'est pas entaché d'excès de pouvoir, n'est pas recevable ; PAR CES MOTIFS, la Cour : DECLARE IRRECEVABLE le pourvoi ; Condamne M. U... et Mme Q... aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à la société My Money Bank la somme globale de 1 500 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mars deux mille vingt.
Ne commet pas d'excès de pouvoir la cour d'appel qui proroge un commandement de payer valant saisie immobilière après avoir vérifié qu'il ne s'était pas écoulé plus de deux années depuis la publication de la dernière décision de prorogation, peu important que le commandement alors périmé ait pu être indûment prorogé par une décision antérieure non contestée par les parties
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CIV. 2 MY1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 19 mars 2020 Rejet M. PIREYRE, président Arrêt n° 352 F-P+B+I Pourvoi n° J 19-11.722 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 19 MARS 2020 Mme I... Q..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° J 19-11.722 contre l'arrêt rendu le 18 octobre 2018 par la cour d'appel de Montpellier (1re chambre D), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Crédit foncier de France, société anonyme, dont le siège est [...] , 2°/ à M. J... V..., domicilié [...] , défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Leroy-Gissinger, conseiller, les observations de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de Mme Q..., de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Crédit Foncier de France, et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 12 février 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Leroy-Gissinger, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre. la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 18 octobre 2018), des poursuites de saisie immobilière ont été engagées par la société Crédit foncier de France (la banque), sur le fondement d'un acte notarié de prêt, à l'encontre de M. V... et Mme Q..., par un commandement de payer valant saisie immobilière publié le 31 janvier 2014. 2. La vente forcée a été ordonnée par un jugement d'orientation du 6 octobre 2015 et fixée au 2 février 2016. Après plusieurs reports, la vente a été fixée, par un jugement du 21 mars 2017, au 3 octobre 2017. 3. A cette audience, le juge de l'exécution a prononcé la caducité du commandement de payer valant saisie immobilière, au motif que la publicité préalable à cette vente n'avait pas été réalisée par la banque dans les délais légaux. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. Mme Q... fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la caducité du commandement de payer valant saisie immobilière du 4 décembre 2013, pour en constater seulement la péremption, en ordonner la mention en marge de sa copie ainsi que la radiation, alors « que toute partie intéressée peut demander au juge de l'exécution de déclarer la caducité du commandement de payer valant saisie, eu égard au non-respect par le créancier des délais prévus par les articles du code des procédures civiles d'exécution visés par l'article R. 311-11 du même code ; que, pour refuser de déclarer caduc le commandement de payer litigieux valant saisie délivré par la banque , la cour d'appel a jugé que le constat de la péremption d'un commandement s'imposait de plein droit au juge de l'exécution et rendait inutile l'examen du moyen tiré de la caducité du commandement résultant du défaut d'accomplissement des formalités de publicité de la vente par le créancier poursuivant ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article R. 311-11 du code des procédures civiles d'exécution, par refus d'application, ensemble l'article R. 321-20 du même code, par fausse application. » Réponse de la Cour 5. Il résulte de l'article R. 321-20 du code des procédures civiles d'exécution que la péremption du commandement de payer valant saisie immobilière, qui opère de plein droit et s'impose au juge qui la constate, met fin à la procédure de saisie. 6. C'est par une exacte application de ces dispositions que la cour d'appel, après avoir constaté que le commandement valant saisie était périmé depuis le 31 janvier 2016, cette péremption mettant fin à la procédure de saisie, ne s'est pas prononcée sur l'incident de caducité soulevé par Mme Q..., qui portait sur des actes de procédure qui devaient être réalisés postérieurement à cette date. 7. D'où il suit que le moyen n'est pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne Mme Q... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme Q... et la condamne à payer à la société Crédit foncier de France la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mars deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour Mme Q.... Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé le jugement en date du 17 octobre 2017 du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Béziers en ce qu'il a prononcé la caducité du commandement de payer valant saisie immobilière du 4 décembre 2013, pour en constater seulement la péremption, et en ordonner la mention en marge de sa copie et en ordonner la radiation ; Aux motifs que « sur la demande de constat de la péremption, la SA Crédit foncier de France, tout en demandant la réformation du jugement déféré sur le prononcé de la caducité, demande que soit constatée la péremption du commandement valant saisie du 4 décembre 2013 publié le 31 janvier 2014, lequel a cessé ses effets le 31 janvier 2014 à défaut d'avoir fait l'objet de prorogation ; qu'il convient donc d'apprécier la portée du moyen tenant au constat de la péremption du commandement de payer avant de statuer éventuellement sur celui tiré de la caducité du commandement soulevé par les intimés, dès lors que le constat de la péremption d'un commandement s'impose de plein droit au juge de l'exécution et rend inutile l'examen par celui-ci du moyen tiré de la caducité du commandement résultant du défaut d'accomplissement des formalités de publicité de la vente par le créancier poursuivant ; qu'aux termes de l'article R. 321-20 du code de procédure civile d'exécution, le commandement de saisie valant saisie cesse de plein droit de produire effet, si dans les deux ans de sa publication, il n'a pas été mentionné en marge de cette publication un jugement constatant la vente du bien saisi ; qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que le commandement du 4 décembre 2013 a été publié au service de la publicité foncière le 31 janvier 2014 et qu'il n'a fait l'objet d'aucune démarche utile à prolonger ses effets ; que ce commandement a donc cessé de plein droit de produire ses effets le 31 janvier 2016 à minuit ; qu'il convient, par voie de conséquence, de constater la péremption du commandement de payer signifié le 4 décembre 2013 à M. J... V... et à Mme I... Q... et publié le 31 janvier 2014 au 1er bureau du service de la publicité foncière de Béziers volume 2014 S n° 10, cette péremption mettant fin à la procédure de saisie immobilière sur le fondement dudit commandement, d'ordonner mention de cette péremption en marge de la copie dudit commandement et de prononcer également sa radiation, ainsi que le sollicite l'intimé à titre infiniment subsidiaire, ces demandes ayant été formulées également en première instance ; qu'il convient, en conséquence, d'infirmer le jugement déféré mais uniquement en ce qu'il a prononcé la caducité du commandement de payer valant saisie immobilière du 4 décembre 2013 ; [ ] ; que, s'il est fait droit à la demande formée par la SA Crédit foncier de France aux fins de constat de la péremption du commandement, il convient de relever que cette péremption met fin de plein droit à la procédure de saisie immobilière et que tant M. J... V... que Mme I... Q... ne sont pas responsables du défaut de diligence de la SA Crédit foncier de France qui n'a pas jugé utile de saisir le juge de l'exécution d'une demande de prorogation des effets du commandement ; [ ] » ; Alors que toute partie intéressée peut demander au juge de l'exécution de déclarer la caducité du commandement de payer valant saisie, eu égard au non-respect par le créancier des délais prévus par les articles du code des procédures civiles d'exécution visés par l'article R. 311-11du même code ; que, pour refuser de déclarer caduc le commandement de payer litigieux valant saisie délivré par le Crédit foncier de France, la cour d'appel a jugé que le constat de la péremption d'un commandement s'imposait de plein droit au juge de l'exécution et rendait inutile l'examen du moyen tiré de la caducité du commandement résultant du défaut d'accomplissement des formalités de publicité de la vente par le créancier poursuivant ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article R. 311-11 du code des procédures civiles d'exécution, par refus d'application, ensemble l'article R. 321-20 du même code, par fausse application.
Il résulte de l'article R. 321-20 du code des procédures civiles d'exécution que la péremption du commandement de payer valant saisie immobilière, qui opère de plein droit et s'impose au juge qui la constate, met fin à la procédure de saisie. C'est, dès lors, par une exacte application de ces dispositions qu'une cour d'appel saisie d'une demande de péremption du commandement valant saisie et d'une demande de caducité de celui-ci, examine en premier lieu si le commandement est périmé et, ayant constaté qu'il l'était, ne statue pas sur la demande de caducité
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 19 mars 2020 Cassation partielle M. PIREYRE, président Arrêt n° 353 F-P+B+I Pourvoi n° V 19-11.387 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 19 MARS 2020 M. F... E..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° V 19-11.387 contre l'arrêt rendu le 29 novembre 2018 par la cour d'appel de Dijon (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la caisse locale déléguée à la sécurité sociale des indépendants de Bourgogne - France-Comté, dont le siège est [...] , anciennement dénommée union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) - agence pour la sécurité sociale des indépendants (anciennement RSI), défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. de Leiris, conseiller référendaire, les observations de la SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, avocat de M. E..., et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 12 février 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, M. de Leiris, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre. la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 29 novembre 2018), un tribunal des affaires de sécurité sociale, saisi d'une opposition formée par M. E... contre une contrainte émise à son encontre par la caisse du régime social des indépendants, devenue la caisse locale déléguée à la sécurité sociale des indépendants de Bourgogne - Franche-Comté (la caisse), a validé cette contrainte et condamné, en conséquence, M. E... à verser une certaine somme à cette caisse. 2. M. E... a relevé appel de ce jugement par une déclaration indiquant former un « appel en nullité » puis, a demandé, à l'audience de la cour d'appel, l'annulation de la contrainte pour les motifs qu'il avait invoqués devant le premier juge. Examen des moyens Sur le second moyen, ci-après annexé 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 4. M. E... fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande d'annulation du jugement et de dire en conséquence que le jugement rendu le 9 janvier 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Dijon produira tous ses effets alors « que lorsque l'appel porte sur la nullité du jugement et non sur celle de l'acte introductif d'instance, la cour d'appel, saisie de l'entier litige par l'effet dévolutif de l'appel, est tenue de statuer sur le fond quelle que soit sa décision sur la nullité ; qu'en se contentant de se prononcer sur la demande tendant à l'annulation du jugement et, à ce titre, de juger non fondé le moyen tiré de l'absence de partialité du tribunal des affaires de sécurité sociale, la cour d'appel, qui n'a pas statué sur le fond de la contestation, ce dont elle était pourtant tenue, a violé l'article 562, alinéa 2, du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu les articles 561 et 562, alinéa 2, du code de procédure civile , ensemble l'article 549 du même code : 5. Lorsqu'un appel porte sur la nullité du jugement et non sur celle de l'acte introductif d'instance, la cour d'appel, saisie de l'entier litige par l'effet dévolutif de l'appel, est tenue de statuer sur le fond quelle que soit sa décision sur la nullité. 6. Pour dire que le jugement déféré produira tous ses effets, l'arrêt retient que l'appelant a fait le choix de ne poursuivre que l'annulation du jugement par la voie de son appel, de sorte qu'il n'est pas en droit d'étendre ultérieurement cet appel à une demande de réformation de ce jugement en l'absence d'appel incident de l'Urssaf, qui exclut l'application de l'article 549 du code de procédure civile permettant à une partie, même si elle a été l'auteur d'un appel principal, de former un appel incident à condition qu'il ait été provoqué par l'appel d'une autre partie. 7. En statuant ainsi, alors qu'elle était saisie d'un appel tendant à l'annulation du jugement, ce dont il résultait qu'en réitérant les moyens qu'il avait soumis au premier juge l'appelant ne formait pas un appel incident, la cour d'appel, qui n'a pas statué sur le fond, a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 8. Le premier moyen ne formulant aucune critique contre les motifs de l'arrêt fondant la décision de débouter M. E... de sa demande d'annulation du jugement, la cassation ne peut s'étendre à cette disposition de l'arrêt qui n'est pas dans un lien de dépendance avec les dispositions de l'arrêt critiqués par ce moyen. 9. La cassation à intervenir sur le premier moyen entraîne, toutefois, par voie de conséquence, la cassation des chefs de dispositif qui « déclare irrecevable l'appel incident, formé oralement à l'audience, tendant à la réformation du jugement » et « condamne M. E... à payer le droit prévu à l'article R. 144-10 du code de la sécurité sociale et liquide le montant de ce droit à la somme de 331 euros ». PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que le jugement rendu le 9 janvier 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Dijon produira tous ses effets, déclare irrecevable l'appel incident, formé oralement à l'audience, tendant à la réformation du jugement, condamne M. E... à payer le droit prévu à l'article R. 144-10 du code de la sécurité sociale et liquide le montant de ce droit à la somme de 331 euros, l'arrêt rendu le 29 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Besançon ; Condamne la caisse locale déléguée à la sécurité sociale des indépendants de Bourgogne - Franche-Comté aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la caisse locale déléguée à la sécurité sociale des indépendants de Bourgogne - Franche-Comté à payer à M. E... la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mars deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, avocat aux Conseils, pour M. E... PREMIER MOYEN DE CASSATION M. E... fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir débouté de sa demande d'annulation du jugement et d'avoir en conséquent dit que le jugement rendu le 9 janvier 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Dijon produira tous ses effets ; AUX MOTIFS QUE le président a, à l'audience, attiré l'attention des parties sur le fait qu'un « appel-nullité » ne tendait qu'à l'annulation du jugement et non à sa réformation, et leur a demandé de présenter leurs observations sur la possibilité d'ajouter à l'audience une demande de réformation ; que M. E... a indiqué avoir utilisé un formulaire obtenu auprès d'un groupement dont il est membre ; que la déclaration d'appel est ainsi rédigée : « Je fais appel en NULLITE du jugement du 9/01/2018 ... L'appel nullité est de droit quand sont portées des atteintes graves aux droits fondamentaux. Tel est le cas, le tribunal ayant fait preuve d'une partialité systématique à l'avantage de mon adversaire en refusant d'appliquer les dispositions européennes et les lois françaises qui les ont transposées, violant ainsi les dispositions de la constitution française et de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui donnent à tout justiciable le droit d'un tribunal impartial » ; qu'aux termes de l'article 542 du code de procédure civile, l'appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d'appel ; que M E... s'est en réalité situé dans ce cadre légal et non dans celui de l'appel-nullité permis seulement, alors qu'aucun recours n'est normalement ouvert, en cas d'excès de pouvoir commis par une juridiction ; que son appel est donc recevable ; que M E... a fait le choix de ne poursuivre que l'annulation du jugement par la voie de son appel ; qu'il n'est pas en droit d'étendre maintenant cet appel à une demande de réformation de ce jugement ; que l'URSSAF ne forme aucun appel incident puisqu'elle demande au fond la confirmation du jugement ; qu'il n'y a donc pas lieu à application de l'article 549 du code de procédure civile qui permet à une partie, même si elle a été l'auteur d'un appel principal, de former un appel incident à condition qu'il ait été provoqué par l'appel d'une autre partiel ; que le tribunal des affaires de sécurité sociale a loyalement exposé les arguments de fait et de droit soutenus par M E... et y a répondu : - au sujet de la qualité juridique du RSI, en retenant, après rappel des dispositions des articles L.111-2-2 et L.111-1 du code de la sécurité sociale et des directives communautaires assurances n°92/96 et 92/49, que chaque Etat restait libre d'organiser son propre système de protection obligatoire, que le principe de mise en concurrence ne concernait pas la protection sociale obligatoire et que l'affiliation à un régime de sécurité sociale conformément à la législation nationale applicable était et demeurait obligatoire, - en ajoutant qu'en tant qu'organisme légal de sécurité sociale, le RSI ne relevait pas du code de la mutualité, - au sujet de la capacité des caisses du RSI à ester en justice, qu'elles avaient la personnalité morale conformément à l'article L.611-3 du code de la sécurité sociale, que l'article L.133-6-4 ancien lui avait confié le recouvrement amiable ou contentieux des cotisations, que l'article R.631-2 avait organisé les relations entre caisse nationale et caisses de bases et que les caisses, non créées par arrêté préfectoral, tenaient de plein droit de la loi capacité et qualité à agir, - au sujet de la contrainte, face au décompte précis et détaillé des cotisations dues, que M E... ne démontrait aucunement l'existence d'une erreur sur les revenus pris en compte et le calcul des cotisations ; que le tribunal a ainsi statué par une motivation suffisamment développée ; qu'il ne résulte pas des termes même de son jugement que ni l'interprétation ni l'application qu'il a faites des règles juridiques invoquées ait pu dégénérer en une quelconque partialité en faveur du RSI ; que M E... n'apporte pas d'autres éléments susceptibles de le faire présumer ; que les arrêts de la Cour de justice des communautés européennes dont se prévaut l'URSSAF sont plutôt de nature à conforter l'appréciation du tribunal : - dans son arrêt du 7 février 1984 (Duphar BV et autres contre Etat néerlandais., affaire 238/82), cette cour a posé pour principe (considérant n°16) que le droit communautaire ne portait pas atteinte à la compétence des Etats membres pour aménager leurs systèmes de sécurité sociale, ici en matière de dispositions destinées à régler la consommation de produits pharmaceutiques dans l'intérêt de l'équilibre financier de leurs régimes d'assurance de soins de santé, - plus nettement dans son arrêt du 26 mars 1996 (L... B... e.a. contre Mutuelle de prévoyance sociale d'Aquitaine e.a., n°C-238/94) dont le sommaire indique que : « l'article 2, paragraphe 2, de la directive 92/49, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l'assurance directe autre que l'assurance sur la vie et modifiant les directives 73/239 et 88/357, doit être interprété en ce sens que des régimes de sécurité sociale, tels que les régimes légaux de sécurité sociale français dont relèvent l'assurance maladie et maternité des travailleurs non salariés des professions non agricoles, l'assurance vieillesse des professions artisanales et l'assurance vieillesse des professions industrielles et commerciales, sont exclus du champ d'application de la directive 92/49. En effet, cette disposition établit clairement qu'elle exclut du champ d'application de la directive non seulement les organismes de sécurité sociale, mais également les assurances et les opérations qu'ils effectuent à ce titre. En outre, les États membres ont conservé leur compétence pour aménager leurs systèmes de sécurité sociale, et donc pour organiser des régimes obligatoires fondés sur la solidarité, régimes qui ne pourraient survivre si la directive qui implique la suppression de l'obligation d'affiliation devait leur être appliquée » ; que si M E... demeure libre de la contester, l'adoption de cette solution par le tribunal ne peut pas être considérée comme une marque de partialité ; qu'en conséquence, M E... doit être débouté de sa demande d'annulation du jugement ; ALORS QUE lorsque l'appel porte sur la nullité du jugement et non sur celle de l'acte introductif d'instance, la cour d'appel, saisie de l'entier litige par l'effet dévolutif de l'appel, est tenue de statuer sur le fond quelle que soit sa décision sur la nullité ; qu'en se contentant de se prononcer sur la demande tendant à l'annulation du jugement et, à ce titre, de juger non fondé le moyen tiré de l'absence de partialité du tribunal des affaires de sécurité sociale, la cour d'appel, qui n'a pas statué sur le fond de la contestation, ce dont elle était pourtant tenue, a violé l'article 562, alinéa 2, du code de procédure civile. SECOND MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE) M. E... fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable son appel, tendant à la réformation du jugement, formé oralement à l'audience ; AUX MOTIFS QUE M E... a fait le choix de ne poursuivre que l'annulation du jugement par la voie de son appel ; qu'il n'est pas en droit d'étendre maintenant cet appel à une demande de réformation de ce jugement ; que l'URSSAF ne forme aucun appel incident puisqu'elle demande au fond la confirmation du jugement ; qu'il n'y a donc pas lieu à application de l'article 549 du code de procédure civile qui permet à une partie, même si elle a été l'auteur d'un appel principal, de former un appel incident à condition qu'il ait été provoqué par l'appel d'une autre partie ; ALORS QU'en matière de sécurité sociale le juge doit, tout en faisant observer le principe de la contradiction, se prononcer sur toutes les demandes formulées devant lui jusqu'à la clôture des débats ; qu'en jugeant que M E... avait fait le choix de ne poursuivre que l'annulation du jugement par la voie de son appel et qu'il n'était pas en droit d'étendre à l'audience cet appel à une demande de réformation de ce jugement, la cour d'appel a violé les articles 931, 933 et 946 du code de procédure civile, ensemble l'article R.142-28 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable à la cause.
Il résulte de l'application des articles 561 et 562, alinéa 2, du code de procédure civile que lorsqu'un appel porte sur la nullité du jugement et non sur celle de l'acte introductif d'instance, la cour d'appel, saisie de l'entier litige par l'effet dévolutif de l'appel, est tenue de statuer sur le fond quelle que soit sa décision sur la nullité. Il en découle que les moyens de réformation que l'appelant formule dans ses conclusions ne s'analysent pas en un appel incident. Encourt en conséquence la censure l'arrêt d'une cour d'appel qui, après avoir écarté les moyens d'annulation du jugement par l'appelant, refuse de statuer sur le fond de l'affaire, au motif que l'appelant n'était pas recevable à former un appel incident en l'absence d'appel incident de l'intimé
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 19 mars 2020 Cassation M. PIREYRE, président Arrêt n° 356 F-P+B+I Pourvoi n° J 19-10.733 Aide juridictionnelle totale en demande au profit de Mme T..., épouse Y.... Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 21 novembre 2018. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 19 MARS 2020 Mme P... T..., épouse Y..., domiciliée chez Mme C... T..., [...] , a formé le pourvoi n° J 19-10.733 contre le jugement rendu le 24 avril 2018 par le juge du tribunal d'instance de Limoges (procédure de surendettement), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société LSA Courtage, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , exerçant sous le nom commercial Assurpeople, 2°/ à la société Bouygues Telecom, dont le siège est [...] , 3°/ à la société CA Consumer Finance ANAP, société anonyme, dont le siège est [...] , 4°/ à la société EDF service client chez Intrum Justitia, dont le siège est [...] , 5°/ à la société Metlife Solutions, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [...] , 6°/ à M. O... S..., domicilié [...] , 7°/ à la société Primagaz Opus, société anonyme, dont le siège est [...] , 8°/ à la société L'Ange et le soleil I... M... & D... L..., société civile immobilière, dont le siège est [...] 9°/ à la société [...], société civile professionnelle, dont le siège est [...] défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Lemoine, conseiller référendaire, les observations de la SCP Delvolvé et Trichet, avocat de Mme T..., épouse Y..., et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 12 février 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Lemoine, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre. la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon le jugement attaqué (juge du tribunal d'instance de Limoges, 24 avril 2018), rendu en dernier ressort, un jugement du 7 février 2017 a ordonné la déchéance de Mme Y... de la procédure de surendettement dont elle bénéficiait. 2. Cette dernière a déposé une nouvelle demande de traitement de sa situation financière qui a été déclarée irrecevable par une commission de surendettement. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 3. Mme Y... fait grief au jugement de rejeter le recours qu'elle a formé contre la décision de la commission de surendettement des particuliers de la Haute-Vienne du 25 juillet 2017 et de confirmer cette décision d'irrecevabilité, alors « que la déchéance du droit au bénéfice d'une procédure de surendettement ne fait pas obstacle à une nouvelle demande si le requérant démontre l'existence d'éléments nouveaux de nature à conduire à une analyse différente de sa situation ; qu'en déclarant sans incidence l'éventuelle survenance d'événements nouveaux, postérieurs au jugement du 7 février 2017, pour rejeter la demande de Mme Y... qui était précisément fondée sur la survenance de tels éléments postérieurs, le tribunal d'instance a violé l'article L. 761-1, 1°, du code de la consommation, ensemble l'article 1355 du code civil. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 761-1, 1°, du code de la consommation, ensemble l'article 1355 du code civil : 4. Il résulte de ces textes que la déchéance d'un débiteur du bénéfice des dispositions de traitement de sa situation de surendettement ne fait pas obstacle à une nouvelle demande s'il existe des éléments nouveaux. 5. Pour déclarer irrecevable la demande de Mme Y..., le jugement retient qu'une précédente décision du 7 février 2017, dont elle n'a pas fait appel et qui est désormais définitive, l'a déchue de la procédure de surendettement des particuliers, ce qui lui interdit de déposer à nouveau un dossier de surendettement sans qu'il ne soit nécessaire de s'interroger sur un éventuel changement dans sa situation. 6. En statuant ainsi, sans rechercher si les faits allégués par Mme Y... ne constituaient pas des éléments nouveaux dans la situation de celle-ci, rendant recevable sa demande, le juge du tribunal d'instance a privé sa décision de base légale. PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre branche du moyen, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 24 avril 2018, entre les parties, par le juge du tribunal d'instance de Limoges ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Limoges ; Condamne les sociétés LSA Courtage exerçant sous le nom commercial Assurpeople, Bouygues Telecom, CA Consumer Finance ANAP, EDF, Metlife Solutions, Primagaz Opus, L'Ange et le soleil I... M... & D... L..., [...] Avocats et M. S... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne les sociétés LSA Courtage exerçant sous le nom commercial Assurpeople, Bouygues Telecom, CA Consumer Finance ANAP, EDF, Metlife Solutions, Primagaz Opus, L'Ange et le soleil I... M... & D... L..., [...] Avocats et M. S... à payer à la SCP Delvolvé et Trichet la somme globale de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mars deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Delvolvé et Trichet, avocat aux Conseils, pour Mme T..., épouse Y... Il est fait grief au jugement attaqué d'avoir rejeté le recours formé par Mme Y... contre la commission de surendettement des particuliers de la Haute-Vienne du 25 juillet 2017 et confirmé cette décision d'irrecevabilité, Aux motifs qu'en l'espèce, Mme Y... avait fait l'objet d'un jugement en date du 24 mai 2016 sur contestation de recevabilité par la SCI L'Ange et le soleil, par lequel sa recevabilité au bénéfice de la procédure avait été confirmée ; que sa dette envers cette société avait été exclue de tout report, rééchelonnement ou effacement à venir en raison de sa mauvaise foi à l'encontre du créancier ; que la recommandation de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire du 9 juin 2016 avait été contestée par la société d'avocats Dubois-Dudognon-Villette, au motif que Mme Y... avait reçu de son ex-époux une soulte conséquente, qui lui aurait très largement permis de solder ses dettes et dont elle ne faisait pas état dans son dossier de surendettement ; que par jugement du 7 février 2017, alors que Mme Y..., régulièrement convoquée par lettre recommandée retournée au greffe avec la mention « destinataire inconnu à l'adresse », n'avait été ni présente ni représentée à l'audience, le juge avait dit que celle-ci était déchue du bénéfice de la procédure de surendettement des particuliers, au motif de sa mauvaise foi procédurale ; que Mme Y... n'avait pas fait appel de cette décision, d'où elle était désormais définitive et lui interdisait en conséquence de redéposer un dossier de surendettement ; qu'en conséquence de quoi la décision d'irrecevabilité de la commission serait confirmée, sans qu'il fût besoin de s'interroger sur un éventuel changement à venir dans sa situation ; qu'au demeurant, la lettre de convocation pour l'audience du 3 janvier 2017 était revenue avec la mention « destinataire inconnu à l'adresse » alors même que l'article R. 722-1 du code de la consommation imposait aux parties, débiteur comme créanciers, d'informer le secrétariat de la commission de tout changement d'adresse en cours de procédure, ce qui était rappelé sur le courrier de notification de la décision de recevabilité ; que Mme Y... avait ainsi manqué à son obligation d'information et ne pouvait donc venir maintenant exposer qu'elle n'avait pas pu interjeter appel de la décision du 7 février 2017, la notification à la dernière adresse connue étant régulière et formant le point de départ du délai d'appel ; que le tribunal relevait également que, par jugement du 21 janvier 2014, le juge aux affaires familiales avait homologué l'acte de liquidation et de partage du régime matrimonial des époux Y... et qu'il n'était pas contesté qu'aux termes de cet acte, l'époux devait une soulte de 41 083,50 euros à l'épouse ; que celle-ci versait aux débats des pièces manuscrites de M. Y..., qui rapportaient la preuve qu'il avait payé à son épouse les sommes suivantes : 5 000 euros le 28 décembre 2012, 20 000 euros le 3 mai 2013, 12 000 euros le 13 février 2014 ; qu'il restait donc devoir un solde de 4 083,50 euros pour lequel aucune justification n'était transmise ; qu'en outre, Mme Y... avait déposé son dossier de surendettement le 26 décembre 2014, alors que son endettement s'établissait à 5 949,47 euros et qu'elle ne rapportait aucune preuve de ses allégations selon lesquelles elle aurait utilisé les fonds versés (37 000 euros) pour solder d'autres dettes ; que cet endettement initial avait été porté à 8 290,56 euros au 9 juin 2016 (outre la dette hors procédure de 1 723,67 euros envers la société L'Ange et le soleil), alors même que la débitrice ne pouvait augmenter son endettement en cours de procédure, ce qui constituait ici encore une cause de mauvaise foi, Alors, d'une part, que la déchéance du droit au bénéfice d'une procédure de surendettement ne fait pas obstacle à une nouvelle demande si le requérant démontre l'existence d'éléments nouveaux de nature à conduire à une analyse différente de sa situation ; qu'en déclarant sans incidence l'éventuelle survenance d'événements nouveaux, postérieurs au jugement du 7 février 2017, pour rejeter la demande de Mme Y... qui était précisément fondée sur la survenance de tels éléments postérieurs, le tribunal d'instance a violé l'article L. 761-1, 1° du code de la consommation, ensemble l'article 1355 du code civil, Alors, d'autre part, qu'en déduisant la mauvaise foi de Mme Y... exclusivement d'éléments antérieurs au jugement du 7 février 2017, sans tenir compte des éléments postérieurs à ce jugement invoqués par celle-ci, le tribunal, qui devait apprécier l'existence de la bonne foi de la débitrice au vu de l'ensemble des éléments qui lui étaient soumis au jour où il statuait, a violé l'article L. 711-1 du code de la consommation.
Il résulte des articles L. 761-1, 1°, du code de la consommation et 1355 du code civil que la déchéance d'un débiteur du bénéfice des dispositions du traitement de sa situation de surendettement en fait pas obstacle à une nouvelle demande s'il existe des éléments nouveaux. Dès lors, encourt la cassation, le jugement qui déclare irrecevable la demande de traitement de la situation financière d'un débiteur au motif qu'il a été déchu de la procédure de surendettement des particuliers par une précédente décision, sans rechercher si des éléments nouveaux n'étaient pas de nature à rendre sa demande recevable
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CIV. 2 MF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 19 mars 2020 Cassation M. PIREYRE, président Arrêt n° 357 F-P+B+I Pourvoi n° P 19-11.450 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 19 MARS 2020 M. K... Y..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° P 19-11.450 contre l'arrêt rendu le 22 janvier 2019 par la cour d'appel de Riom (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Fidal, société d'exercice libéral par actions simplifiée, dont le siège est [...] , prise en son cabinet de Clermont-Ferrand, [...], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Lemoine, conseiller référendaire, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de M. Y..., de la SCP Marc Lévis, avocat de la société Fidal, et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 12 février 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Lemoine, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller, et Mme Thomas, greffier de chambre. la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Riom, 22 janvier 2019), M. Y..., avocat salarié, a saisi un bâtonnier du différend l'opposant à la société Fidal suite à son licenciement par cette dernière. 2. M. Y... ayant été débouté de l'intégralité de ses demandes par une ordonnance du 22 mai 2018, il a relevé appel de cette décision par une première déclaration faite au greffe de la cour d'appel le 11 juin 2018, puis par la voie du réseau privé virtuel des avocats (le RPVA) le 12 juin 2018. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 3. M. Y... fait grief à l'arrêt de dire que les deux déclarations d'appel qu'il avait formées étaient irrecevables alors « que l'envoi ou la remise au greffe de la cour d'appel, en application des articles 152 et 16 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, de la déclaration d'appel formée contre la décision du bâtonnier rendue dans le cadre d'un litige né à l'occasion du contrat de travail d'un avocat salarié, peut être effectué conformément aux dispositions du titre vingt et unième du livre premier du code de procédure civile relatives à la communication par voie électronique et au sens de l'arrêté du garde des sceaux du 5 mai 2010 relatif à la communication électronique dans la procédure sans représentation obligatoire devant les cours d'appel ; que pour la formalisation, dans le cadre de la mise en œuvre de la communication électronique, de l'appel prévu par les articles 152 et 16 du décret du 27 novembre 1991, le destinataire de la déclaration d'appel est le greffe de la cour d'appel ; que dès lors, en jugeant que les règles prévues par l'article 16 du décret du 27 novembre 1991 avaient seules vocation à s'appliquer en l'espèce, à l'exclusion des dispositions de l'article 748-1 du code de procédure civile, la cour d'appel a violé les articles 16, 142 et 152 du décret du 27 novembre 1991, ensemble les articles 748-1, 748-3 et 748-6 du code de procédure civile et l'article 1er de l'arrêté du garde des sceaux du 5 mai 2010. » Réponse de la Cour Vu les articles 16 et 152 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat, ensemble les articles 748-1, 748-3 et 748-6 du code de procédure civile et 1er de l'arrêté du 5 mai 2010 relatif à la communication électronique dans la procédure sans représentation obligatoire devant les cours d'appel : 4. Il résulte de la combinaison des quatre derniers de ces textes que, pour les litiges nés à l'occasion d'un contrat de collaboration ou d'un contrat de travail d'un avocat, relevant de la compétence du bâtonnier et portés devant la cour d'appel, la déclaration d'appel, les actes de constitution et les pièces qui leur sont associées peuvent être valablement adressées au greffe de la cour d'appel par la voie électronique par le biais du RPVA. 5. Pour déclarer l'appel irrecevable, l'arrêt, après avoir relevé que la seconde déclaration d'appel de M. Y... avait été reçue par le RPVA, retient que la procédure particulière d'appel prévue pour les recours exercés à l'encontre des décisions du bâtonnier par l'article 16 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 a seule vocation à s'appliquer, s'agissant d'une instance ordinale et non prud'homale. 6. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, la Cour, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 janvier 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon. Condamne la société Fidal aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Fidal et la condamne à payer à M. Y... la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mars deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour M. Y.... IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR dit que les deux déclarations d'appel formées par M.Y... étaient irrecevables ; AUX MOTIFS QUE «sur l'appel formé par déclaration au greffe de la cour le 11juin 2018, l'article 152 du décret n°91-1197 du 27novembre 1991 modifié prévoit que la décision du bâtonnier est notifiée par le secrétariat du conseil de l'ordre, par lettre recommandée avec avis de réception aux parties qui peuvent en interjeter appel dans les conditions prévues aux premier, deuxième et sixième alinéas de l'article 16 ; que les alinéas 1 et 2 de l'article 16 de ce décret précisent que «le recours devant la cour d'appel est formé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée au secrétariat-greffe de la cour d'appel ou remis contre récépissé au greffier en chef. Il est instruit et jugé selon les règles applicables en matière contentieuse sans représentation obligatoire. Le délai de recours est d'un mois» ; que l'acte d'appel a été formé par remise faite au secrétariat-greffe de la cour d'appel de Riom le 11juin 2018, sans que le «greffier en chef» n'en délivre récépissé ; que M.Y... fait tout d'abord observer que la Cour de cassation (Civ.2, 19mars 2009, pourvoi n°08-15.838) a été amenée à déclarer recevable un appel formé par lettre simple à l'encontre d'une décision du bâtonnier en matière de contestation d'honoraires alors que le texte prévoyait qu'il devait l'être par lettre recommandée avec demande d'avis de réception dans le délai d'un mois ; qu'or, cette décision a été rendue au visa de l'article 176 du décret du 27novembre 1991 non applicable en l'espèce ; que l'appelante ajoute que la fonction de «greffier en chef» n'existe plus depuis le décret n°2015-1273 du 13octobre 2015, les directeurs de greffe assurant dorénavant la direction des greffes, que renseignement pris auprès de la directrice de greffe de la cour d'appel de Riom, cette dernière a confirmé qu'elle n'avait pas vocation à signer personnellement un tel acte, que l'article R.123-13 du code de l'organisation judiciaire dispose : « ( ) Le directeur de greffe, ses adjoints, les greffiers de chambre, les chefs de service de greffe et les greffiers assistent les magistrats à l'audience et dans les cas prévus par les lois et règlements. Ils dressent les actes de greffe, notes et procès-verbaux dans les cas prévus par les lois et règlement», qu'ainsi directeurs et chefs de greffe peuvent être suppléés par un greffier pour dresser un procès-verbal ou tout acte de greffe ; qu'or, d'une part l'article 4 du décret n°2015-1273 du 13 octobre 2015 prévoit que «les directeurs des services de greffe exercent les missions dévolues, dans l'ordre judiciaire, aux greffiers en chef par les dispositions législatives et règlementaires» dont celles consistant à délivrer personnellement récépissé de la déclaration d'appel visée par l'article 16 du décret du 27novembre 1991, d'autre part, il ne résulte d'aucun élément que la directrice de greffe de cette cour ait déclaré à l'appelant qu'elle «n'avait pas vocation à signer personnellement un tel acte» ; qu'enfin, la Cour de cassation (Civ.1, 29juin 2016, pourvoi n°15-19.589) a considéré que les «appels ( ) formés par lettre remises au secrétariat-greffe et non au greffier en chef ( ) étaient irrecevables» et a rappelé qu'à défaut de mention de ces deux seules modalités de recours prévues à l'article 16 précité dans l'acte de notification, le délai de recours ne pouvait courir (Civ. 1, 21mars 2018, pourvoi n°17-50.016) ; qu'ainsi, le récépissé doit obligatoirement être délivré par le directeur de greffe ou un directeur des services de greffe judiciaire (Civ.1, 12décembre 2018, pourvoi n°17-25.813), ce qui n'est pas le cas en l'espèce, l'appel ayant été formé au secrétariat-greffe ; que ce premier appel est donc irrecevable ; que M.Y... fait également observer qu'il a interjeté appel via le RPVA le 12juin 2018 ; qu'il soutient qu'un tel appel est recevable comme l'a jugé la présente cour dans plusieurs affaires au motif que l'article 748-1 du code de procédure civile selon lequel «les envois, remises et notifications des actes de procédure ( ) peuvent être effectués par voie électronique dans les conditions et selon les modalités fixées par le présent titre ( )» serait applicable même dans les procédures sans représentation obligatoire ; qu'or, l'article 749 du code de procédure civile dispose que «les dispositions du présent livre s'appliquent devant toutes les juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière civile, commerciale, sociale, rurale ou prud'homale, sous réserve des règles spéciales à chaque matière et des dispositions particulières à chaque juridiction», alors que précisément les dispositions de l'article 16 du décret n°91-1197 du 27novembre 1991 prévoient des règles spéciales pour exercer un recours et que l'article 277 de ce décret précise qu'«il est procédé comme en matière civile pour tout ce qui n'est pas réglé par le présent décret» ; que s'agissant d'une instance ordinale et non prud'homale, les règles spécifiques prévues par le décret susvisé ont seules vocation à s'appliquer ; qu'il en résulte que cet appel est tout aussi irrecevable» ; 1°) ALORS QUE l'envoi ou la remise au greffe de la cour d'appel, en application des articles 152 et 16 du décret n°91-1197 du 27novembre 1991, de la déclaration d'appel formé contre la décision du bâtonnier rendue dans le cadre d'un litige né à l'occasion du contrat de travail d'un avocat salarié, peut être effectué conformément aux dispositions du titre vingt et unième du livre premier du code de procédure civile relatives à la communication par voie électronique et au sens de l'arrêté du garde des sceaux du 5mai 2010 relatif à la communication électronique dans la procédure sans représentation obligatoire devant les cours d'appel ; que pour la formalisation, dans le cadre de la mise en œuvre de la communication électronique, de l'appel prévu par les articles 152 et 16 du décret du 27novembre 1991, le destinataire de la déclaration d'appel est le greffe de la cour d'appel ; que dès lors, en jugeant que les règles prévues par l'article 16 du décret du 27novembre 1991 avaient seules vocation à s'appliquer en l'espèce, à l'exclusion des dispositions de l'article 748-1 du code de procédure civile, la cour d'appel a violé les articles 16, 142 et 152 du décret du 27novembre 1991, ensemble les articles 748-1, 748-3 et 748-6 du code de procédure civile et l'article 1er de l'arrêté du garde des sceaux du 5 mai 2010 ; 2°) ALORS, en toute hypothèse, QUE la déclaration d'appel formé contre la décision du bâtonnier rendue dans le cadre d'un litige né à l'occasion du contrat de travail d'un avocat salarié, peut être effectuée par remise faite au secrétariat-greffe de la cour d'appel, dès lors, d'une part, que la fonction de greffier en chef a été supprimée depuis le décret du 13 octobre 2015 et, dès lors, d'autre part, qu'aux termes de l'article R 123-13 du code de l'organisation judiciaire que les directeurs et chefs de greffe peuvent être valablement suppléés par un greffier pour dresser un procès-verbal ains que tout acte de greffe ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 152 et 16 du décret n°91-1197 du 27novembre 1991 ; 3°) ET ALORS QUE tout justiciable doit bénéficier du droit concret et effectif d'accès à un tribunal ; que la règlementation relative aux formalités à respecter pour former un recours, comme l'application qui en est faite, ne doivent pas avoir pour conséquence d'empêcher le justiciable d'utiliser une voie de recours disponible ; que les tribunaux doivent, lorsqu'ils appliquent les règles de procédure, éviter un excès de formalisme ; que l'article 16 du décret du décret n°91-1197 du 27novembre 1991 dispose que le recours devant la cour d'appel est formé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée au secrétariat-greffe de la cour d'appel ou remis contre récépissé au greffier en chef ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même constaté que M.Y... avait «relevé appel de [la] décision [du bâtonnier du 22mai 2018] par déclaration faite le 11juin 2018 au greffe de la cour d'appel, l'affaire ayant été enrôlée sous le numéro 18/01208 » (arrêt attaqué, p.6 §8), et encore que l'intéressé avait «formé [l'acte d'appel] par remise faite au secrétariat-greffe de la cour d'appel de Riom le 11juin 2018» (arrêt attaqué, p.14 §7), soit dans le délai d'un mois prévu par les textes ; qu'en jugeant néanmoins l'appel irrecevable, au motif que «-le récépissé [devait] obligatoirement être délivré par le directeur de greffe ou un directeur des services de greffe judiciaire ( ), ce qui n'est pas le cas en l'espèce, l'appel ayant été formé par simple remise en secrétariat-greffe » (arrêt attaqué, p.15 §2), la cour d'appel, qui, en imposant au justiciable un formalisme excessif, a porté une atteinte disproportionnée à son droit d'accès à un tribunal, violant ainsi l'article 6§1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles 16 et 152 du décret du 27novembre 1991.
Il résulte de la combinaison des articles 748-1, 748-3 et 748-6 du code de procédure civile et, 1er de l'arrêté du garde des sceaux du 5 mai 2010 relatif à la communication électronique dans la procédure sans représentation obligatoire devant les cours d'appel que, pour les litiges nés à l'occasion d'un contrat de collaboration ou d'un contrat de travail d'un avocat, relevant de la compétence du bâtonnier et portés devant la cour d'appel, la déclaration d'appel, les actes de constitution et les pièces qui leur sont associées peuvent être valablement adressés au greffe de la cour d'appel par la voie électronique par le biais du RPVA
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CIV. 2 JT COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 19 mars 2020 Rejet M. PIREYRE, président Arrêt n° 361 F-P+B+I Pourvoi n° A 19-11.323 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 19 MARS 2020 La société DLH, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° A 19-11.323 contre l'arrêt rendu le 25 octobre 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 2), dans le litige l'opposant à la société Vivauto autovision, société anonyme, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Jollec, conseiller référendaire, les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de la société DLH, de la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat de la société Vivauto autovision, et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 12 février 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Jollec, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre. la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 25 octobre 2018), la société Vivauto autovision (la société Vivauto) a été autorisée, par une ordonnance rendue sur requête en date du 14 avril 2017, à faire procéder par un huissier de justice à diverses mesures d'instruction dans les locaux de la société DLH. 2. L'ordonnance a prévu que les documents ou fichiers saisis seraient séquestrés en l'étude de l'huissier de justice jusqu'à ce que le juge en autorise la communication. 3. L'huissier de justice a effectué ses opérations le 30 mai 2017. 4. Par acte du 29 septembre 2017, la société Vivauto a fait assigner la société DLH devant un juge des référés aux fins de voir ordonner la mainlevée des éléments et pièces placés sous séquestre. 5. La société DLH a reconventionnellement demandé la rétractation de l'ordonnance du 14 avril 2017. Examen des moyens Sur le second moyen, ci-après annexé 6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 7. La société DLH fait grief à l'arrêt d'annuler l'ordonnance du 10 janvier 2018 en ce qu'elle a rejeté la demande de rétractation de l'ordonnance du 14 janvier 2017 et, statuant à nouveau, de déclarer irrecevable celle-ci, alors « que s'il est fait droit à la requête, tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu l'ordonnance ; qu'en l'espèce, par ordonnance sur requête du 14 avril 2017, le président du tribunal de grande instance de Paris avait autorisé avant tout procès la saisie et le séquestre de fichiers de la société DLH ; que la société Vivauto ayant ensuite assigné en référé la société DLH devant le même juge pour réclamer la mainlevée du séquestre, la société DLH avait sollicité reconventionnellement la rétractation de l'ordonnance du 14 avril 2017 ; qu'en jugeant cette demande reconventionnelle irrecevable motif pris qu'elle n'aurait pas été adressée au juge compétent, quand elle saisissait le juge qui avait statué sur la demande initiale, c'est-à-dire le président du tribunal, la cour d'appel a violé les articles 496 et 497 du code de procédure civile et les articles L. 213-1 et L. 213-2 du code de l'organisation judiciaire. » Réponse de la Cour 8. Il résulte de l'article 496, alinéa 2, du code de procédure civile que l'instance en rétractation d'une ordonnance sur requête a pour seul objet de soumettre à l'examen d'un débat contradictoire les mesures initialement ordonnées à l'initiative d'une partie en l'absence de son adversaire, et que la saisine du juge de la rétractation se trouve limitée à cet objet. 9. Dès lors, seul le juge des requêtes qui a rendu l'ordonnance peut être saisi d'une demande de rétractation de celle-ci. 10. Ayant constaté que le juge des référés avait été saisi par la société Vivauto d'une demande de mainlevée du séquestre des documents appréhendés en exécution de l'ordonnance sur requête rendue le 14 avril 2017 et que la société DLH avait formé, à titre reconventionnel, une demande en rétractation de cette ordonnance, la cour d'appel en a exactement déduit que cette demande formée devant un juge, qui n'était pas le juge des requêtes, était irrecevable. 11. Le moyen n'est dès lors pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société DLH aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société DLH et la condamne à payer à la société Vivauto autovision la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mars deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat aux Conseils, pour la société DLH PREMIER MOYEN DE CASSATION IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR annulé l'ordonnance du 10 janvier 2018 en ce qu'elle avait rejeté la demande de rétractation de l'ordonnance du 14 janvier 2017 et, statuant à nouveau, de l'AVOIR déclarée irrecevable ; AUX MOTIFS QUE selon l'article 812 du code de procédure civile, le président du tribunal de grande instance est compétent pour rendre des ordonnances sur requête dans les cas spécifiés par la loi ; qu'en vertu de l'application combinée des articles 812 et du code de procédure civile, il peut ordonner sur requête les mesures d'instruction légalement admissibles lorsque les circonstances exigent qu'elles le soient non contradictoirement ; que dans l'affaire examinée, contrairement à ce que la société DLH a soutenu, la requête présentée par la société Vivauto ayant donné lieu à l'ordonnance du 14 avril 2017 a été adressée au président du tribunal de grande instance de Paris et cette ordonnance a été rendue non par le juge des référés mais par ce dernier, conformément aux dispositions précitées ; que l'article 496 du code de procédure civile prévoit que, s'il est fait droit à la requête, tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu l'ordonnance ; que l'article 497 du même code dispose que ce juge a la faculté de modifier ou de rétracter son ordonnance, même si le juge du fond est saisi de l'affaire ; que ces dispositions ont été interprétées comme visant, après la notification de l'ordonnance sur requête lors de l'exécution de la mesure, à rétablir le contradictoire et à permettre ainsi au juge qui l'a rendue d'examiner à nouveau la requête qui lui avait été soumise en présence de celui à l'encontre duquel l'ordonnance a été obtenue ; qu'elles ont ainsi pour effet de replacer le juge et le requérant dans la même situation que celle précédant l'élaboration de l'ordonnance, en présence cette fois de l'adversaire et en introduisant la contradiction ; que lesdites dispositions ont été analysées comme instaurant un « référé rétractation spécial », dans le cadre duquel le juge qui a rendu l'ordonnance sur requête, au sens non de la personne physique mais du juge de la juridiction ayant compétence pour rendre les ordonnances sur requête, est saisi « comme en matière de référé », c'est-à-dire avec les attributions d'un juge du provisoire mais sans les conditions classiques du référé que sont l'urgence, un dommage imminent ou un trouble manifestement illicite ou l'absence de contestation sérieuse ; qu'elles ont également été analysées comme un mécanisme exclusif de toute autre procédure ; qu'en d'autres termes, même si la décision prise sur le recours formé en application des articles 496 et 497 du code de procédure civile est rendue comme en matière de référé, elle relève cependant de la compétence exclusive du juge qui a rendu l'ordonnance sur requête contestée, saisi dans le cadre du recours spécial prévu par ces articles ; qu'il importe de rappeler, à cet égard, qu'il a été jugé que le juge des référés, saisi après l'exécution des opérations de saisie-contrefaçon de demandes de mesures provisoires sur le fondement de l'article L. 615-3 du code de la propriété intellectuelle, n'a pas le pouvoir de se prononcer sur la demande de rétractation de l'ordonnance rendue sur requête ayant autorisé lesdites opérations de saisie-contrefaçon (Com. 21 octobre 2014, pourvoi n° 13-15435) ; qu'il s'en déduit que la demande de rétractation de l'ordonnance sur requête rendue le 14 avril 2017, présentée par la société DLH à titre reconventionnel devant le juge des référés saisi par la société Vivauto d'une demande de mainlevée du séquestre des documents appréhendés en exécution de cette ordonnance, ne relève pas des pouvoirs de ce dernier et doit, par conséquent, être déclarée irrecevable ; qu'il s'ensuit que l'ordonnance de référé prononcée le 10 janvier 2018 sera annulée en ce qu'elle a statué sur la demande de rétractation de l'ordonnance du 14 avril 2017 et rejeté cette demande ; ALORS QUE s'il est fait droit à la requête, tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu l'ordonnance ; qu'en l'espèce, par ordonnance sur requête du 14 avril 2017, le président du tribunal de grande instance de Paris avait autorisé avant tout procès la saisie et le séquestre de fichiers de la société DLH ; que la société Vivauto ayant ensuite assigné en référé la société DLH devant le même juge pour réclamer la mainlevée du séquestre, la société DLH avait sollicité reconventionnellement la rétractation de l'ordonnance du 14 avril 2017 ; qu'en jugeant cette demande reconventionnelle irrecevable motif pris qu'elle n'aurait pas été adressée au juge compétent, quand elle saisissait le juge qui avait statué sur la demande initiale, c'est-à-dire le président du tribunal, la cour d'appel a violé les articles 496 et 497 du code de procédure civile et les articles L. 213-1 et L. 213-2 du code de l'organisation judiciaire. SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire) IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR ordonné la mainlevée du séquestre par Me B..., huissier de justice, des fichiers copiés et placés sous scellés, correspondant à la période du 11er juillet 2015 au 30 novembre 2016 et la communication de ces fichiers à la société Vivauto ; AUX MOTIFS PROPRES QUE, sur la demande de mainlevée du séquestre des documents saisis en exécution de l'ordonnance du 14 février 2017 : aux termes de l'article 808 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal de grande instance peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend ; qu'il est constant que la société Vivauto a assigné la société DLH devant le juge du fond du tribunal de grande instance de Paris en indemnisation du préjudice causé par les agissements de cette dernière relativement au fonds de commerce qui était exploité par la société GM Contrôle ; que la société Vivauto justifie, par conséquent, qu'il existe bien une situation d'urgence à lm permettre d'obtenir la remise des documents saisis lors de l'exécution de l'ordonnance sur requête du 14 avril 2017 destinés à faire la preuve dans l'instance en cours du caractère bien-fondé de ses allégations à l'encontre de la société DLH ; que l'argument de la société DLH, selon lequel la société Vivauto a attendu 10 mois après que la convention de rattachement conclue entre cette société et GM Contrôle eut été résilié pour présenter sa requête, ne saurait mettre en cause cette analyse qui repose sur l'existence de l'instance en cours ; que la société DLH conteste ensuite que la société Vivauto ait un motif légitime à l'obtention de ces documents ; qu'il ressort cependant de l'examen des arguments exposés par la société DHL au soutien de ce moyen que cette dernière cherche à démontrer que la société Vivauto n'avait pas un motif légitime à obtenir la mesure d'instruction autorisée par l'ordonnance rendue le 14 avril 2017 ; qu'or, la société DLH n'ayant pas saisi le juge compétent d'une demande de rétractation de l'ordonnance du 14 avril 2017, elle ne saurait être admise, dans le cadre de cette instance, à mettre en cause la reconnaissance par ce Juge de ce que la société DLH a justifié avoir un motif légitime à voir ordonner la mesure d'instruction prévue dans cette ordonnance ; qu'en outre, les documents saisis dans les locaux de la société DLH l'ont été à partir des mots clés "Autovision et Ecully", "Philauto" logiciel permettant d'extraire des données au profit d'un autre logiciel, et "Karoil" nom d'une filiale informatique de la société Vivauto ; qu'il ressort des explications de la société Vivauto que les documents saisis à partir de ces mots clés démontrent, selon elle, que la société GM Contrôle a transféré à la société DHL, avant sa cessation d'activité, les fichiers de ses clients et les éléments permettant à cette dernière d'effectuer les relances de ces derniers avant l'expiration de la durée de validité du contrôle technique auquel les véhicules automobiles sont soumis ; que la circonstance que la société Vivauto s'est trouvée dans l'impossibilité de remettre à l'huissier, en raison de son effacement malencontreux, le disque dur qui lui aurait permis de comparer le fichier des clients de GM Contrôle, qu'elle considère être des clients Vivauto, avec ceux de la société DLH et qui a conduit l'huissier à détruire tous les documents contenant des fichiers de clients de la société DLH ne saurait mettre en cause l'intérêt de la société Vivauto à obtenir la communication des autres documents placés sous séquestre ; que cette circonstance prive plutôt de fondement l'argumentation de la société DLH selon lequel la levée du séquestre aurait pour conséquence de transférer la liste de ses clients à sa concurrente ; quant à l'argumentation de la société DLH selon laquelle tous les fichiers des clients de GM Contrôle lui appartiennent, de sorte que toute action contre elle de la part de la société Vivauto serait vouée à l'échec, elle a été écartée à bon droit par le premier Juge qui a relevé que la transmission universelle du patrimoine de GM Contrôle à la société DLH n'a été effectuée que le 30 novembre 2016, sort postérieurement à la cessation d'activité de GM Contrôle à Ecully et à son "transfert" au [...] à Lyon sous l'enseigne "VérifAutos" constaté par huissier le 5 octobre 2016 ; qu'au vu de ces considérations, l'ordonnance rendue le 10 janvier 2018 sera confirmée en ce qu'elle a ordonné la mainlevée du séquestre par Maître B... des fichiers copiés et placés sous scellés, correspondant à la période du 1er juillet 2015 au novembre 2016 et la communication de ces fichiers à la SA Vivauto ; ET AUX MOTIFS PARTIELLEMENT ADOPTES QUE, sur la mainlevée du séquestre et la communication des documents et informations saisis : l'article 808 du code de procédure civile prévoit que, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal de grande instance peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent a aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend ; que l'ordonnance du 14 avril 2017 dit que tous les documents ou fichiers saisis seront séquestrés en l'étude de l'huissier de justice jusqu'à ce que le juge éventuellement saisi autorise la communication desdits documents ou que les parties en soient d'accord ; qu'aux termes du procès-verbal établi le 30 mai 2017 par Me B..., huissier de justice, sont séquestrés en son étude les fichiers copiés et placés sous scellés ; que la SA Vivauto ayant été dans l'impossibilité de présenter le fichier clients de la société GM Contrôle et la comparaison avec le fichier clients de la SAS DLH étant dès lors impossible, Me B... a détruit tous les éléments copiés contenant des éléments de fichiers clients de la SAS DLH ; qu'en l'espèce, l'urgence est caractérisée par la nécessite pour la SA Vivauto d'exploiter rapidement les fichiers copiés et placés sous scellés pour vérifier s'ils sont susceptibles de justifier l'exercice d'une action au fond ; que la mainlevée du séquestre et la communication à la SA Vivauto des fichiers copiés et placés sous scellés, correspondant à la période du 1er juillet 2015 au 30 novembre 2016 (date de la transmission universelle de patrimoine), sont justifiées par l'existence d'un différend entre les parties sur une éventuelle cession frauduleuse d'éléments du fonds de commerce de la société GM Contrôle ; qu'elles seront donc ordonnées sans que la SA Vivauto soit dispensée de signifier la présente décision ; ALORS QUE le juge ne peut fonder sa décision sur des faits qui ne sont pas dans le débat ; que la société Vivauto ne prétendait pas avoir engagé une procédure au fond contre la société DLH en indemnisation du préjudice allégué résultant de la cessation, plus de deux ans auparavant, du rattachement de la société GM Contrôle au réseau Autovision qu'elle exploite ; que l'existence d'une telle procédure au fond ne ressortait ni des pièces du dossier, ni des écritures échangées, ni de l'ordonnance de référé ; qu'en jugeant pourtant qu'il y aurait eu urgence, contestée par l'exposante, à ordonner la mainlevée des scellés en raison de la procédure au fond en cours, la cour d'appel a violé l'article 7 du code de procédure civile.
Il résulte de l'article 496, alinéa 2, du code de procédure civile que l'instance en rétractation d'une ordonnance sur requête a pour seul objet de soumettre à l'examen d'un débat contradictoire les mesures initialement ordonnées à l'initiative d'une partie en l'absence de son adversaire et que la saisine du juge de la rétractation se trouve limitée à cet objet. Dès lors, seul le juge des requêtes qui a rendu l'ordonnance peut être saisi d'une demande de rétractation de celle-ci
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CIV. 3 LG COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 14 mai 2020 Cassation M. CHAUVIN, président Arrêt n° 282 FS-P+B+I Pourvois n° M 19-16.278 N 19-16.279 JONCTION R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 14 MAI 2020 I. La société Entreprise D... O..., dont le siège est [...], a formé le pourvoi n° M 19-16.278 contre un jugement rendu le 12 septembre 2018 par le tribunal d'instance de Dijon, dans le litige l'opposant à M. B... J..., domicilié [...], défendeur à la cassation. II. La société Entreprise D... O... a formé le pourvoi n° N 19-16.279 contre le jugement d'omission de statuer rendu le 6 mars 2019 dans le litige l'opposant à M. B... J..., défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi n° M 19-16.278, les deux moyens de cassation et, à l'appui de son pourvoi n° N 19-16.279, le moyen unique de cassation, annexés au présent arrêt. Les dossiers ont été communiqués au procureur général. Sur le rapport de M. Boyer, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Entreprise D... O..., de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de M. J..., et l'avis de M. Burgaud, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 3 mars 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Boyer, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, MM. Pronier, Nivôse, Mmes Farrenq-Nési, Greff-Bohnert, MM. Jacques, Bech, conseillers, Mmes Guillaudier, Georget, Renard, Djikpa, conseillers référendaires, M. Burgaud, avocat général référendaire, et Mme Berdeaux, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Jonction des pourvois 1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 19-16.278 et 19-16.279 sont joints. Faits et procédure 2. Selon les jugements attaqués (tribunal d'instance de Dijon, 12 septembre 2018, rectifié le 6 mars 2019), rendus en dernier ressort, M. J... ayant refusé de régler le solde du marché de réfection d'un escalier extérieur qu'il avait confié à l'entreprise D... O..., l'assureur de celle-ci a diligenté une expertise qui s'est déroulée en présence des parties et qui a conclu à l'absence de malfaçons. 3. M. J... a fait réaliser une nouvelle expertise à laquelle l'entreprise et son assureur ont été convoqués et qui a conclu à la nécessité de travaux de reprise. 4. M. J... a formé opposition à une ordonnance lui enjoignant de payer la somme de 1 810,50 euros au titre du solde du marché en sollicitant réparation des désordres et l'entreprise a poursuivi le paiement des sommes restant dues en exécution du contrat. Examen des moyens Sur le premier moyen du pourvoi n° 19-16.278, pris en sa deuxième branche Enoncé du moyen 5. L'entreprise D... O... fait grief au jugement rectifié de la condamner à payer à M. J... une somme au titre des malfaçons, alors « que le juge ne peut se fonder exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l'une des parties, et ce peu important qu'elle l'ait été en présence des parties ; qu'en fondant exclusivement sa décision sur le rapport de M. L... réalisé à la demande des époux J..., le tribunal d'instance a violé les articles 16 du code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme. » Réponse de la cour Vu l'article 16 du code de procédure civile : 6. Aux termes de ce texte, le juge doit faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. 7. Il en résulte que, hormis les cas où la loi en dispose autrement, le juge ne peut se fonder exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l'une des parties, peu important qu'elle l'ait été en présence de celles-ci. 8. Pour retenir la responsabilité de l'entreprise D... O... et la condamner à réparation, le jugement rectifié se fonde exclusivement sur le rapport réalisé à la demande de M. J.... 9. En statuant ainsi, le tribunal, qui s'est fondé exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l'une des parties par un technicien de son choix, peu important que la partie adverse y ait été régulièrement appelée, a violé le texte susvisé. Et sur le second moyen du pourvoi n° 19-16.278, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 10. L'entreprise D... O... fait grief au jugement rectifié de rejeter ses demandes, alors « que l'indemnisation doit être fixée à l'exacte mesure du préjudice subi sans qu'il en résulte ni perte ni profit ; qu'en condamnant l'entreprise D... à payer l'intégralité du montant des travaux de reprise sans faire droit à sa demande en paiement du montant du solde des travaux qu'elle a réalisés, la cour d'appel, qui a réparé deux fois le même préjudice, a violé les articles 1147 et 1149 devenus 1231-1 et 1231-2 du code civil. » Réponse de la Cour Vu l'article 1149 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et le principe de réparation intégrale du préjudice : 11. Il résulte de ce texte et de ce principe que les dommages-intérêts alloués à une victime doivent réparer le préjudice subi, sans qu'il en résulte pour elle ni perte ni profit. 12. Pour rejeter les demandes de l'entreprise D... O..., le jugement retient que la nécessité d'une reprise des travaux a été mise en évidence par le rapport L.... 13. En statuant ainsi, en indemnisant intégralement M. J... des conséquences des manquements de l'entreprise D... O... à ses obligations tout en le dispensant de payer le solde des travaux exécutés par celle-ci, le tribunal, qui a réparé deux fois le même préjudice, a violé le texte et le principe susvisés. Sur le pourvoi n° 19-16.279 14. La cassation totale du premier jugement qui entraîne, par voie de conséquence, l'annulation du jugement qui l'a rectifié, rend sans objet l'examen du pourvoi dirigé contre le jugement rectificatif. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE le jugement rendu le 12 septembre 2018, entre les parties, par le tribunal d'instance de Dijon ; ANNULE le jugement rectificatif du 6 mars 2019 ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant le jugement du 12 septembre 2018 et les renvoie devant la chambre de proximité de Beaune du tribunal judiciaire de Dijon ; Condamne M. J... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, signé par M. Maunand, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller empêché, et signé et prononcé par le président en son audience publique du quatorze mai deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société Entreprise D... O..., demanderesse au pourvoi n° M 19-16.278 PREMIER MOYEN DE CASSATION IL EST FAIT GRIEF au jugement rectifié attaqué D'AVOIR condamné l'entreprise D... O... à payer la somme de 3400 € à M. et Mme B... J..., D'AVOIR rejeté toutes demandes de l'entreprise D... O... et D'AVOIR condamné l'entreprise D... O... à payer la somme de 500 € à M. et Mme J... au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens y compris les frais d'expertise exposés à l'égard de M. L... de même que les frais de constat d'huissier de Maître Y... ; AUX MOTIFS QUE le rapport d'expertise de Monsieur L... développe des points non soulevés par le rapport ELEX, l'un et l'autre réalisés contradictoirement en présence des parties ; que le rapport L... conclut que l'habillage en pierre de l'escalier n'est pas satisfaisant et que son utilisation en hiver s'avère difficile voire impraticable ; que le même rapport précise que le système de rainurage permettant d'éviter de glisser est incompatible avec l'évacuation de l'eau de pluie sur les marches ; que le test de l'eau n'est pas satisfaisant et valide donc les hypothèses de l'expert ; que l'eau s'évacue mal sur les marches et qu'elles sont glissantes surtout en hiver où elles gèlent systématiquement ; que cet aspect de la tâche confiée à l'entreprise D... aurait dû être pris en considération par celle-ci eu égard à l'âge et à l'état de santé de ses clients, circonstances appréciables par un professionnel en l'espèce sans que son attention ait à être attirée sur ce point ; que le rapport L... conclut à la nécessité d'une reprise des travaux à hauteur de 3 400 euros TTC ; que l'entreprise D... sera donc condamnée à payer cette somme à Monsieur et Madame B... J... ; que le rapport L... conclut à la nécessité d'une reprise des travaux à hauteur de 3400 € TTC ; que l'entreprise D... sera donc condamnée à payer cette somme à Monsieur et Madame B... J... ; que les demandes de la société D... seront rejetées dans leur ensemble compte tenu de la nécessité de reprise des travaux mise en évidence par le rapport L... ; 1°) ALORS QUE le constat de visite-compte rendu de réunion de M. L..., désigné dans le jugement comme étant un rapport d'expertise, mentionne en page 2 qu' « après un débriefing de 10 mn, l'entreprise D... et son conseil ont quitté la réunion » ; qu'en affirmant que ce rapport d'expertise a été réalisé contradictoirement en présence des parties, le tribunal d'instance a dénaturé ce document en violation de l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; 2°) ALORS, en tout état de cause, QUE le juge ne peut se fonder exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l'une des parties, et ce peu important qu'elle l'ait été en présence des parties ; qu'en fondant exclusivement sa décision sur le rapport de M. L... réalisé à la demande des époux J..., le tribunal d'instance a violé les articles 16 du code de procédure civile et 6 §1 de la convention européenne des droits de l'hommes et du citoyen ; 3°) ALORS, enfin, QU'en s'abstenant d'examiner le rapport d'expertise, régulièrement communiqué aux débats, établi par le Cabinet Elex en présence des parties et de leurs conseils respectifs, qui a conclu que l'entreprise D... avait respecté la prestation de son devis sans malfaçon avérée, le tribunal d'instance a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile. SECOND MOYEN DE CASSATION IL EST FAIT GRIEF au jugement rectifié attaqué D'AVOIR rejeté toutes demandes de l'entreprise D... O... et D'AVOIR condamné l'entreprise D... O... à payer la somme de 500 € à M. et Mme J... au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens y compris les frais d'expertise exposés à l'égard de M. L... de même que les frais de constat d'huissier de Maître Y... ; AUX MOTIFS QUE le rapport L... conclut à la nécessité d'une reprise des travaux à hauteur de 3400 € TTC ; que l'entreprise D... sera donc condamnée à payer cette somme à Monsieur et Madame B... J... ; que les demandes de la société D... seront rejetées dans leur ensemble compte tenu de la nécessité de reprise des travaux mise en évidence par le rapport L... ; 1°) ALORS QUE dans leurs conclusions (p. 8 et 9), reprises devant le tribunal d'instance, les époux J... ont sollicité la condamnation de l'entreprise D... à les indemniser du montant des travaux de reprise tel qu'évalué par M. L... ainsi que la compensation entre les sommes qu'ils restaient devoir au titre de la prestation réalisée par l'entreprise D... et leur créance indemnitaire ; qu'en rejetant la demande en paiement du solde des travaux formée par l'entreprise D... tout en faisant droit aux demandes indemnitaires des époux J..., le tribunal d'instance a modifié l'objet du litige et a violé l'article 4 du code de procédure civile ; 2°) ALORS QUE l'indemnisation doit être fixée à l'exacte mesure du préjudice subi sans qu'il en résulte ni perte ni profit ; qu'en condamnant l'entreprise D... à payer l'intégralité du montant des travaux de reprise sans faire droit à sa demande en paiement du montant du solde des travaux qu'elle a réalisés, la Cour d'appel, qui a réparé deux fois le même préjudice, a violé les articles 1147 et 1149 devenus 1231-1 et 1231-2 du code civil. Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société Entreprise D... O..., demanderesse au pourvoi n° N 19-16.279 IL EST FAIT GRIEF au jugement rectificatif attaqué D'AVOIR rectifié le jugement du 12 septembre 2018 en ce que la motivation devait comporter la mention suivante : « Attendu que l'entreprise D... sera condamnée à payer à Monsieur et Madame B... J... la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile outre les entiers dépens y compris les frais d'expertise exposés à l'égard de Monsieur L... de même que les frais de constat d'huissier de Maître Y... », D'AVOIR rectifié le jugement du 12 septembre 2018 en ce que le dispositif devait comporter la mention suivante : « Condamne l'entreprise D... O... à payer la somme de CINQ CENT EUROS (500 euros) au titre de l'article 700 du Code de procédure civile outre les entiers dépens y compris les frais d'expertise exposés à l'égard de Monsieur L... de même que le frais de constat d'huissier de Maître Y... » et D'AVOIR dit que la présente rectification d'erreur matérielle serait mentionnée sur la minute et les expéditions du jugement rectifié par les soins du greffe ; AUX MOTIFS QUE le tribunal a omis de statuer dans son jugement du 12 septembre sur la demande portant sur les dépens ; que la demande portait sur la totalité des dépens d'instance lesquels comprendront les frais d'expertise exposés à l'égard de Monsieur L... de même que le frais de constat d'huissier de Maître Y... ; que le tribunal s'est borné à condamner aux entiers dépens ; que par conséquent la motivation du jugement sera modifiée et comportera la mention suivante : « Attendu que l'entreprise D... sera condamnée à payer à Monsieur et Madame B... J... la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile outre les entiers dépens y compris les frais d'expertise exposés à l'égard de Monsieur L... de même que les frais de constat d'huissier de Maître Y... » ; que par conséquent le dispositif du jugement sera modifié et comportera la mention suivante : « Condamne l'entreprise D... O... à payer la somme de CINQ CENT EUROS (500 euros) au titre de l'article 700 du Code de procédure civile outre les entiers dépens y compris les frais d'expertise exposés à l'égard de Monsieur L... de même que les frais de constat d'huissier de Maître Y... » ; 1°) ALORS QUE le juge saisi d'une requête en omission de statuer statue après avoir entendu les parties ou celles-ci appelées ; qu'en statuant sans avoir convoqué les parties à l'audience, le tribunal d'instance a violé l'article 463, alinéa 3 du code de procédure civile ; 2°) ALORS, et en tout état de cause, QUE lorsqu'il statue sans audience sur une requête en rectification d'une erreur ou omission matérielle, le juge doit s'assurer que la requête a été portée à la connaissance des autres parties ; qu'il ne résulte ni des mentions du jugement rectificatif, ni des productions que la requête des époux J... a été portée à la connaissance de l'entreprise D... ; que le tribunal d'instance a par conséquent violé l'article 14 du code de procédure civile, ensemble l'article 462, alinéa 3 du code de procédure civile, et les droits de la défense ; 3°) ALORS QUE si les erreurs ou omissions matérielles affectant une décision peuvent être réparées par la juridiction qu'il l'a rendue, celle-ci ne peut modifier les droits et obligations reconnus aux parties par cette décision ; qu'en ajoutant dans les dépens mis à la charge l'entreprise D... les frais de l'expertise amiable de M. L... réalisée à la demande des époux J... ainsi que les frais de constat d'huissier établi à leur demande, le tribunal d'instance a modifié les droits et obligations des parties, a excédé ses pouvoirs et a violé l'article 462 du code de procédure civile ; que la cassation interviendra sans renvoi ; 4°) ALORS QUE les dépens doivent être afférents aux instances, actes et procédures d'exécution ; qu'en incluant dans les dépens mis à la charge de l'entreprise D... le coût d'un constat sans que son auteur ait été désigné à cet effet par une décision judiciaire ainsi que les frais de l'expertise de M. L... non ordonnée par le juge, le tribunal d'instance a violé l'article 695 du code de procédure civile ; que la cassation interviendra sans renvoi.
Hormis les cas où la loi en dispose autrement, le juge ne peut se fonder exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l'une des parties, peu important qu'elle l'ait été en présence de celles-ci
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CIV. 3 FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 14 mai 2020 Cassation M. CHAUVIN, président Arrêt n° 283 FS-P+B+I Pourvoi n° D 18-21.281 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 14 MAI 2020 Mme X... G..., domiciliée [...], a formé le pourvoi n° D 18-21.281 contre l'arrêt rendu le 22 février 2018 par la cour d'appel de Rennes (4e chambre civile), dans le litige l'opposant à la société [...], société par actions simplifiée unipersonnelle (société FL), dont le siège est [...], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Georget, conseiller référendaire, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de Mme G..., de la SCP de Nervo et Poupet, avocat de la société [...], et l'avis de M. Burgaud, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 3 mars 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Georget, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, MM. Pronier, Nivôse, Mmes Farrenq-Nési, Greff-Bohnert, MM. Jacques, Bech, Boyer, conseillers, Mmes Guillaudier, Renard, Djikpa, conseillers référendaires, M. Burgaud, avocat général référendaire, et Mme Berdeaux, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 22 février 2018), par acte du 29 juin 2011, Mme G... a conclu un contrat de construction de maison individuelle avec fourniture du plan (CCMI) avec la société [...] (société FL). Par acte authentique du 22 juillet 2011, Mme G... s'est vu consentir par ses parents une donation de la propriété de la parcelle mentionnée au contrat de construction. Le permis de construire a été accordé par arrêté du 22 novembre 2011. Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 4 mai 2012, Mme G... a mis fin aux relations contractuelles avec la société FL. 2. Cette société a assigné Mme G... en règlement d'une somme à titre d'indemnité de résiliation. Reconventionnellement, Mme G... a sollicité la nullité du CCMI, subsidiairement sa résiliation aux torts de la société FL et le paiement de dommages-intérêts. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 3. Mme G... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de nullité du contrat de construction de maison individuelle, alors « qu'aux termes de l'article L. 231-4 du code de construction et de l'habitation le contrat visé à l'article L. 231-1 du code de construction et de l'habitation peut être conclu sous la condition suspensive de l'acquisition du terrain ou des droits réels permettant de construire si le maître de l'ouvrage bénéficie d'une promesse de vente ; qu'en jugeant le contrat valable alors que Mme G... ne bénéficiait ni d'un titre de propriété, ni d'une promesse de vente au jour de la conclusion du contrat, la cour d'appel a violé l'article L. 231-4 du code de la construction et de l'habitation. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 231-2, L. 231-4 et R. 231-2 du code de la construction et de l'habitation : 4. Il résulte de ces textes, d'une part, que, le jour de la conclusion du contrat de construction de maison individuelle avec fourniture du plan, le maître de l'ouvrage doit bénéficier, sur le terrain concerné, d'un titre de propriété, de droits réels permettant de construire, d'autre part, que le contrat peut être conclu sous la condition suspensive de l'acquisition du terrain ou des droits réels permettant de construire si le maître de l'ouvrage bénéficie d'une promesse de vente. 5. Pour écarter le moyen tiré de la nullité du contrat, l'arrêt retient que l'article L. 231-4.I du code de la construction et de l'habitation admet qu'à défaut de titre de propriété, le contrat peut être conclu sous la condition suspensive d'acquisition de la propriété de la parcelle concernée et, qu'en l'espèce, s'agissant de la désignation du terrain destiné à l'implantation de la construction et de la mention du titre de propriété du maître d'ouvrage ou de ses droits réels lui permettant de construire, le contrat mentionne l'adresse du terrain, ses coordonnées cadastrales et précise, à la rubrique « titre de propriété », qu'une donation est en cours et que cette donation a effectivement été consentie par acte authentique du 22 juillet 2011, dans le délai de quatre mois contractuellement prévu pour la levée des conditions suspensives. 6. En statuant ainsi, alors qu'au jour de la conclusion du contrat, Mme G... ne disposait ni d'un titre de propriété ni de droits réels ni d'une promesse de vente, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 7. La cassation prononcée sur le premier moyen, pris en sa première branche, entraîne la cassation totale de l'arrêt. 8. Il n'y a donc pas lieu de statuer sur les autres moyens. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 février 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes autrement composée ; Condamne la société [...] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, signé par M. Maunand, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller empêché, et signé et prononcé par le président en son audience publique du quatorze mai deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour Mme G.... PREMIER MOYEN DE CASSATION IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Mme G... de sa demande de nullité du contrat de construction de maison individuelle du 29 juin 2011 ; AUX MOTIFS PROPRES QUE « s'agissant de la désignation du terrain destiné à l'implantation de la construction et de la mention du titre de propriété du maître d'ouvrage ou de ses droits réels lui permettant de construire, le contrat versé aux débats mentionne l'adresse du terrain, ses coordonnées cadastrales : parcelle [...] et précise, à la rubrique « titre de propriété » qu'une donation est en cours ; étant rappelé que l'article L231-4-1 du code de la construction et de l'habitation admet qu'à défaut de titre de propriété, le contrat peut être conclu sous la condition suspensive d'acquisition de la propriété de la parcelle concernée et qu'en l'espèce, cette donation a effectivement été consentie par acte authentique du 22 juillet 2011, dans le délai de quatre mois contractuellement prévu pour la levée des conditions suspensives, la cour considère que le contrat est régulier sur ce point ; l'affirmation de conformité du projet aux règles du code de la construction et de l'habitation, notamment de son livre 1er et du code de l'urbanisme est énoncée à l'article 1-3 des conditions générales ; qu'ainsi que la pertinemment relevé le premier juge, c'est seulement l'omission de cette affirmation, laquelle permet de protéger le maître d'ouvrage de non-conformités révélées postérieurement, qui est prescrite à peine de nullité ; que le contrat est donc parfaitement régulier à cet égard ; que d'ailleurs, reprenant à son compte la motivation précise et détaillée des premiers juges, la cour relève qu'après un premier refus, la mairie a finalement accordé, en parfaite connaissance de l'état des lieux, le permis de construire au vu des précisions apportées par la société FL dans son courrier du 10 novembre 2011, qui indique que la parcelle [...] qui borde la propriété de Mme G... est définitivement matérialisée et utilisée en voie privée desservent deux parcelles voisines, de sorte que Mme G... qui ne démontre pas que le permis de construire porte sur un projet d'implantation non conforme à celui annexé au contrat de construction qu'elle a signé, en parfaite connaissance des lieux également puisque la parcelle [...] appartient à ses parents, pas plus qu'elle n'établit qu'il contreviendrait aux règles d'urbanisme de la commune, n'est pas fondée à soutenir que le permis de construire aurait été obtenu sur la base de renseignements erronés et en contravention avec les dispositions légales applicables ; - quant à l'énonciation du prix du bâtiment à construire exigée par l'article L231-1(d) précité, la cour relève que le contrat respecte cette obligation en ce qu'il mentionne d'une part le coût global de l'opération dont les travaux de viabilité restant à la charge du maître d'ouvrage et le prix convenu, forfaitaire et définitif à la charge de la société FL ; qu'en conséquence de quoi c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré que le contrat n'était entaché d'aucune cause de nullité ; » ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « attendu que selon l'article L. 231-2 du code de la construction et de l'habitation, doivent notamment figurer dans le contrat de construction avec fournitures de plan : a) la désignation du terrain destiné à l'implantation de la construction et la mention du titre de propriété du maître de l'ouvrage ou des droits réels lui permettant de construire ; b) l'affirmation de la conformité du projet aux règles de construction prescrites en application du présent code, notamment de son livre Ier, et du code de l'urbanisme ( ) ; qu'en application de l'article L. 2301 du même code, ces dispositions sont d'ordre public et leur omission entraîne la nullité du contrat de construction de maison individuelle ; attendu qu'en l'espèce, la défenderesse fait valoir que le contrat affirme une conformité de la construction aux règles d'urbanisme alors que, telle que conçue, l'implantation initiale de l'immeuble ne pouvait pas être conforme à ces règles ; attendu, cependant, que Madame G... procède à une lecture erronée du texte précité dans la mesure où la mention contenant l'affirmation de la conformité du projet aux règles de construction, qui constitue une condition de forme imposée à peine de nullité du contrat, doit être distinguée d'une non-conformité effective aux règles de construction, révélée après la signature de l'acte ; que force est de constater que le contrat de construction de maison individuelle signé le 29 juin 2011 respecte les dispositions d'ordre public de l'article L. 231-2 en ce qu'il comporte l'ensemble des mentions exigées par ce texte ; que, dès lors, le moyen tiré de la nullité du CCMI apparaît mal fondé et doit être rejeté ; la difficulté soulevée par Madame G... porte davantage sur la demande de permis de construire que sur la rédaction du CCMI en elle-même ; que sur ce point, il doit être constaté que lors de l'instruction de la demande de permis de construire déposée le 28 septembre 2011, la commune a tenu compte de l'irrégularité dénoncée par Mme G... ; qu'en effet, le 24 octobre 2011, le maire a refusé dans un premier temps le permis de construire au motif que « l'implantation de votre construction par rapport à la servitude de passage (voie privée) en façade nord ne respecte pas les dispositions de l'article UC 06 du règlement du plan d'occupation des sols qui stipulent que toute construction doit être implantée à une distance de 5,00 m par rapport à l'alignement des voies » (pièce 13 de la défenderesse) ; qu'en se référant aux pièces produites à l'appui de la demande de permis de construire, il apparaît que l'administration a parfaitement identifié les deux parcelles concernées par le projet d'implantation (n°136 et n°135) et justement considéré que la construction, qui était implantée sur la seule parcelle [...], ne respectait pas la distance prescrite par rapport à la voie privée limitrophe (n°136) ; que, néanmoins, Madame G..., à laquelle ce refus a été notifié, n'a pas estimé nécessaire de se prévaloir de la caducité du contrat pour non-réalisation des conditions suspensives ; attendu, surtout, qu'il est constant que le permis de construire a finalement été délivré par arrêté du 22 novembre 2011 et il importe de relever, à cet égard, que l'autorisation a été accordée suite à des informations complémentaires déposées le 10/11/2011 et après avoir pris en considération les conditions d'implantation des constructions voisines existantes, ce qui démontre que les nouveaux éléments communiqués à la mairie ont été jugés pertinents et de nature à valider le projet au regard des règles du POS ; que, par conséquent, il ne peut être soutenu que le projet de construction n'était pas conforme aux règles d'urbanisme ; » 1°) ALORS QU'aux termes de l'article L. 231-4 du code de construction et de l'habitation le contrat visé à l'article L. 231-1 du code de construction et de l'habitation peut être conclu sous la condition suspensive de l'acquisition du terrain ou des droits réels permettant de construire si le maître de l'ouvrage bénéficie d'une promesse de vente ; qu'en jugeant le contrat valable alors que Mme G... ne bénéficiait ni d'un titre de propriété, ni d'une promesse de vente au jour de la conclusion du contrat, la cour d'appel a violé l'article L. 231-4 du code de la construction et de l'habitation ; 2°) ALORS QU'aux termes de l'article L. 231-2 du code de construction et de l'habitation, le contrat visé à l'article L. 231-1 du code de construction et de l'habitation doit comporter le coût du bâtiment à construire, égal à la somme du prix convenu et, s'il y a lieu, du coût des travaux dont le maître de l'ouvrage se réserve l'exécution ; qu'en ne vérifiant pas si le coût global des travaux était bien égal au prix forfaitaire et définitif à la charge de la société FL et les travaux de viabilité restant à la charge du maître de l'ouvrage, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 231-2 du code de la construction et de l'habitation ; 3°) ALORS QU'en déboutant Mme G... de sa demande de nullité sans répondre au moyen de ses conclusions (p. 6) faisant valoir que le contrat ne permettait pas de déterminer si le coût des travaux de viabilité étaient compris dans le calcul du coût global de l'opération, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement en ce qu'il a condamné Mme G... à payer la somme de 20 882,92 euros au titre de l'indemnité de résiliation avec intérêts au taux légal à compter du 23 mai 2012 ; AUX MOTIFS PROPRES QU'« en l'absence d'éléments nouveaux soumis à son appréciation, la cour estime que le premier juge, après s'être livré à un examen chronologique des relations entre les parties et par des motifs pertinents qu'elle approuve, a fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties en estimant qu'aucune faute n'était établie à l'encontre de la société FL, les griefs développés par Mme G... en première instance et repris devant la cour n'étant pas étayés par aucun élément matériel ; qu'en effet, Mme G... ne peut valablement se plaindre des « errements » de la société FL dès lors que par lettre du 19 juillet 2011 et conformément aux dispositions d'ordre public qui régissent le CCMI, le constructeur lui rappelait que le chantier ne pourrait démarrer qu'après obtention du permis de construire et transmission par ses soins des plans de bornage, réalisation du branchement d'eau et confirmation de ses choix d'implantation de divers éléments d'équipement ; que le permis de construire ayant été obtenu le 22 novembre 2011, c'est suite au rendez-vous du 5 janvier 2012, que la société FL a établi le 7 février 2012, un premier avenant pour répondre aux demandes de Mme G..., auquel elle a répondu le 12 février 2012, remettant notamment en cause des demandes initiales qui n'avaient pas été reprises dans le descriptif de référence annexé au contrat (centrale aspirante avec sac, bac de récupération des eaux pluviales, chaudière à gaz à condensation notamment) ; un second avenant lui a été proposé le 3 avril 202, auquel elle n'a donné aucune suite, malgré les relances de la société FL ; qu'enfin, Mme G... ne dément pas ne pas avoir adressé à la société FL l'attestation de propriété et le procès-verbal de bornage, indispensables à la mise en route du chantier ; que du récit fait par Mme G... de la situation (pièce 25) et des attestations de ses proches, il ressort que soucieuse de réaliser des économies de loyer, elle a signé le contrat dès la fin juin 2011, sans avoir eu le temps de prendre connaissance du contenu des prestations contractuellement prévues, notamment quant aux matériaux et équipements de l'immeuble et qu'en septembre 2011, elle s'est rendu compte que la gamme de choix proposée par la société FL n'était pas conforme à ses attentes ; qu'elle n'apporte cependant aucun élément pour démontrer la réalité d'un engagement de M. F..., directeur de la société FL, de satisfaire à toutes ses demandes, auxquelles il a été répondu par l'établissement de deux avenants qu'elle a refusé de signer ; qu'il s'en déduit que ces éléments ne permettent pas de caractériser une faute de la société FL dans l'exécution de ses obligations préalables à la construction, susceptible de lui imputer la résiliation du CCMI dont Mme G... a pris l'initiative ; que le jugement de première instance sera donc confirmé en ce qu'il a débouté Mme G... de ses demandes formées à l'encontre de la société FL et condamné par application de l'article 5-2 du contrat, au paiement de l'indemnité de résiliation ; » ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « attendu que, subsidiairement, Madame G... soutient que la résiliation du contrat de construction doit être prononcée aux torts exclusifs de la société F. L. ; attendu qu'il convient de rappeler qu'en application de l'article 1184 du code civil, lorsque l'une des parties n'exécute pas ses obligations contractuelles, l'autre a la possibilité de poursuivre l'exécution forcée ou de demander au juge de prononcer la résolution du contrat, étant précisé qu'en l'absence d'une clause résolutoire, la rupture du contrat peut être admise si la gravité du comportement d'une partie justifie que l'autre partie y mette fin ; attendu qu'il résulte des pièces produites que : - qu'un avenant a été établi le 7 février 2012, portant sur un certain nombre de modifications et notamment : la réalisation de traits de joints, la fourniture et la pose d'une porte d'entrée « Lunaire », en aluminium blanc, la suppression du groupe aspiration centralisée ; la fourniture d'une pompe à chaleur, la fourniture d'un sèche-serviette en remplacement du radiateur prévu au devis de référence ; qu'à l'issue, le nouveau prix de construction était évalué à la somme de 201 861,46 euros, les travaux à la chage du maître de l'ouvrage s'élevant à 1 624,49 euros ; - que par courrier du 12 février 2012, Madame G... a récapitulé l'ensemble des demandes qu'elle avait formulée à l'appui de cet avenant et notamment : une centrale aspirante avec sac, un bac de récupération d'eau pluviale, une chaudière gaz à condensation, un nouveau modèle de porte d'entrée, une moins-value sur les portes de placard Neves ; qu'un courrier daté du 2 mars 2012 a été adressé à Madame G... pour lui rappeler les éléments nécessaires au commencement des travaux ; l'attestation de conditions pour démarrage des travaux ; les avenants auxquels elle n'avait pas donné suite ; les différents justificatifs en attente (plan de bornage, attestation de propriété) et la réalisation des travaux préparatoires (bornage du terrain, pose du compteur d'eau) ; qu'un deuxième avenant du 3 avril 2012 a été établi par la société F. L. proposant notamment la réalisation d'entourage de fenêtre en enduit d'une autre couleur ; une chaudière à condensation ; une porte d'entrée modèle « Roseau » en aluminium blanc ; qu'un courrier daté du 13 avril 2012 a été envoyé au maître de l'ouvrage pour solliciter une réponse concernant les avenants (acceptation ou refus) et apporter des précisions sur la norme BBC ; que par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 4 mai 2012, Madame G... a informé le constructeur de sa décision de mettre fin au contrat pour le motif suivant : « compte tenu que nous n'avons pas pu nous entendre au cours de nos entretins. Que cela n'a pas été sanctionné par un écris. Je considère ce jour que le Contrat de construction de Maison Individuelle signé le 29 juin 2011 est nul et non avenu » ; attendu qu'il se déduit de ces pièces et particulièrement de l'échange de courriers entre les parties, d'une part, qu'en établissant deux avenants, la société F. L. a démontré sa volonté de tenir compte des demandes formulées par Madame G... et, d'autre part, que celle-ci malgré les relances du constructeur, n'a pas répondu à ces propositions de modifications, et ce, quel que soit le sens de sa décision (acceptation ou refus) ; que le comportement de Madame G... n'est donc pas exempt de tout reproche et qu'il convient de constater, en outre, que dans le cadre de la présente instance, elle fait état de griefs à l'encontre de la société F. L. qu'elle n'avait nullement évoqués dans son courrier du 4 mai 2012, aux termes duquel elle ne faisait valoir qu'une entente réciproque ; attendu que dans ces conditions, aucun comportement grave, de nature à justifier la résiliation du contrat aux torts du constructeur, n'apparaît caractérisé ; qu'il s'ensuit que, conformément à la demande de la société F. L., il doit être considéré que la résiliation du contrat, faisant suite à la lettre du maître de l'ouvrage du 4 mai 2012, est intervenue à l'initiative de ce dernier ; qu'il sera donc fait droit à la demande subséquente de la société F. L., à ce titre, une somme de 20 882,92 euros ; » 1°) ALORS QUE si l'indemnité de résiliation est due par une partie qui met fin au contrat, c'est à la condition que ce contrat n'ait pas été antérieurement frappé de caducité ; que le contrat en cause a été conclu le 29 juin 2011 et précisait un délai de quatre mois pour la réalisation de la condition suspensive d'obtention d'un permis de construire ; qu'en constatant que l'obtention du permis de construire datait du 29 novembre 2011, soit plus de quatre mois après la signature du contrat, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations dont il résultait que le contrat était caduc et ne pouvait produire d'effet et a ainsi violé l'article 1134 dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016, devenu 1103, du code civil. 2°) ALORS QUE le juge doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée ; qu'en qualifiant la lettre du 4 mai 2012 de Mme G... de résiliation quand le contrat était d'ores et déjà caduc à cette date et ne pouvait dès lors être résilié, la cour d'appel a violé l'article 12 du code de procédure civile. TROISIEME MOYEN DE CASSATION IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Mme G... de sa demande de remboursement des loyers à compter du mois de septembre 2012 ; 1°) ALORS QUE, le jugement du tribunal de grande instance de Saint-Brieuc du 22 septembre 2014 a débouté Mme G... de toutes ses prétentions ; que la cour d'appel a confirmé le jugement en toutes ses dispositions ; qu'aucun motif relatif au remboursement des loyers n'étant exposé, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 2°) ALORS QUE, SUBSIDIAIREMENT, les sommes versées en vertu d'un contrat caduc doivent être restituées ; que le contrat de construction de maison individuelle du 29 juin 2011 était caduc à l'issu d'un délai de quatre mois, les conditions suspensives n'ayant pas été remplies ; que l'obligation de payer les loyers n'est donc jamais entrée en vigueur ; que le jugement confirmé par la cour d'appel a débouté Mme G... de toutes ses demandes, ce qui inclut sa demande de remboursement des loyers ; que les juges du fond ont donc donné effet à une obligation qui n'existait pas et ont ainsi violé l'article 1134 dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016, devenu 1103, du code civil. 3°) ALORS QUE, SUBSIDIAIREMENT, les sommes versées en vertu d'un contrat postérieurement à sa résiliation doivent être restituées ; que la cour d'appel, en jugeant que Mme G... avait résilié le contrat par lettre recommandée du 4 mai 2012 sans prononcer le remboursement des loyers versés à compter de septembre 2012, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 1134 dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016, devenu 1103, du code civil.
Il résulte des articles L. 231-2 et L. 231-4 et R. 231-2 du code de la construction et de l'habitation que, le jour de la conclusion du contrat de construction de maison individuelle avec fourniture du plan, le maître de l'ouvrage doit bénéficier, sur le terrain concerné, d'un titre de propriété, de droits réels permettant de construire ou d'une promesse de vente. Viole ces textes une cour d'appel qui, pour écarter la nullité d'un contrat de construction de maison individuelle avec fourniture du plan, retient que ce contrat précise à la rubrique "titre de propriété" qu'une donation est en cours et que cette donation a effectivement été consentie dans le délai contractuellement prévu pour la levée des conditions suspensives
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COMM. MF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 25 mars 2020 Rejet Mme MOUILLARD, président Arrêt n° 247 F-P+B Pourvoi n° E 18-17.924 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 25 MARS 2020 1°/ la société Manulor, société par actions simplifiée, dont le siège est [...], 2°/ M. N... S..., domicilié [...], ont formé le pourvoi n° E 18-17.924 contre l'arrêt rendu le 15 mai 2018 par la cour d'appel de Metz (3e chambre, JEX), dans le litige les opposant : 1°/ à la société Entreprise de travaux industriels et publics (ETIP), société par actions simplifiée, dont le siège est [...], 2°/ à la société G... et Y..., société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [...], en la personne de M. D... Y..., prise en qualité de liquidateur judiciaire de la société ETIP, défenderesses à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Barbot, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société Manulor et de M. S..., et l'avis de M. Richard de la Tour, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 4 février 2020 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Barbot, conseiller référendaire rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Sur le moyen unique : Attendu, selon l'arrêt attaqué (Metz, 15 mai 2018), que par un contrat du 26 juillet 2004, la société civile immobilière La Brosse (la SCI La Brosse) a confié à la société Entreprise de travaux industriels et publics (la société Etip) l'exécution de travaux de construction d'ouvrage pour le prix de 2 631 200 euros ; que la SCI La Brosse n'ayant procédé à aucun paiement au titre de ce contrat, un jugement mixte du 8 décembre 2005, confirmé par un arrêt du 26 juillet 2011, devenu irrévocable, a condamné la SCI La Brosse à payer à la société Etip la somme de 800 000 euros au titre des travaux exécutés ; qu'en 2011, la SCI La Brosse est devenue la SARL KM ; qu'une ordonnance du juge de la mise en état du 26 août 2015 a condamné la SARL KM à payer à la société Etip une provision de 876 000 euros au titre des travaux réalisés ; que le 18 novembre 2015, la SARL KM a été mise en redressement judiciaire ; qu'un arrêt du 17 décembre 2015 a réduit à 800 000 euros le montant de la provision allouée à la société Etip par l'ordonnance du 26 août 2015 ; que le 2 juin 2016, la société Etip a assigné M. S... et la société Manulor en leur qualité d'associés de la SCI La Brosse, devenue la SARL KM, afin de les voir condamner à payer le passif de celle-ci, d'un montant de 800 000 euros, au prorata de leur participation au capital social ; que par une première ordonnance, le juge de l'exécution a autorisé la société Etip à pratiquer une saisie conservatoire de créances sur les comptes bancaires de M. S... ; que par une seconde ordonnance, ce juge a autorisé la société Etip à prendre une inscription d'hypothèque judiciaire sur des biens immobiliers de la société Manulor et à pratiquer une saisie conservatoire de créances et de droits d'associés détenus par cette société ; qu'en vertu des autorisations judiciaires ainsi obtenues, la société Etip a fait procéder à des mesures conservatoires ; que la société Manulor et M. S... ont assigné la société Etip en abus de mesures conservatoires et en annulation desdites mesures ; que le juge de l'exécution ayant rejeté leurs demandes, la société Manulor et M. S... ont relevé appel de son jugement ; qu'au cours de l'instance d'appel, le 10 mai 2017, la SARL KM a bénéficié d'un plan de redressement incluant la créance de la société Etip ; Attendu que M. S... et de la société Manulor font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes alors, selon le moyen : 1°/ que les créanciers ne peuvent poursuivre le paiement des dettes sociales contre un associé d'une société civile qu'après avoir préalablement et vainement poursuivi la personne morale ; que le créancier ne peut donc poursuivre le paiement d'une dette sociale contre les associés lorsque la société bénéficie d'un plan de redressement concernant cette dette qu'à la condition de démontrer que ce plan n'est pas respecté ; qu'en retenant pourtant en l'espèce que la société KM n'apporterait aucune preuve de ce qu'elle serait en mesure de payer le premier dividende à échéance du 10 mai 2018, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, en violation des articles 1315 et 1858 du code civil ; 2°/ que toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement ; que ne dispose pas d'une créance fondée en son principe à l'encontre des associés, le créancier d'une société civile dont la débitrice fait l'objet d'un plan de redressement incluant la créance litigieuse ; qu'en retenant pourtant que « la circonstance que la société KM fasse l'objet d'un plan de redressement avec mise en place d'un échéancier de paiement de ses dettes, dont celle de la société Etip, n'interdit pas au créancier de prendre des mesures conservatoires contres les associés de son débiteur en garantie de sa créance à leur encontre » (arrêt, p. 9, alinéa 2), la cour d'appel a violé les articles L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution et 1858 du code civil ; Mais attendu que lorsque le juge de l'exécution est saisi de la contestation d'une mesure conservatoire diligentée, sur le fondement de l'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution, par le créancier d'une société civile contre les associés tenus indéfiniment des dettes sociales en application de l'article 1857 du code civil, il doit seulement rechercher l'existence d'une créance paraissant fondée en son principe contre la société et l'apparence d'une défaillance de celle-ci, cette apparence pouvant résulter, notamment, du risque d'inexécution du plan de redressement de la société, de sorte que, l'article 1858 du code civil étant inapplicable dans cette hypothèse, il n'est pas tenu de vérifier si sont remplies les conditions posées par ce dernier texte pour poursuivre les associés en paiement des dettes sociales ; que le moyen n'est pas fondé ; Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen, pris en sa première branche, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ; PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Manulor et M. S... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Manulor et M. S... ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mars deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour la société Manulor et M. S.... Il est fait grief à la décision attaquée d'avoir rejeté les demandes de la société Manulor et de M. N... S... ; aux motifs propres qu' « il est justifié par les pièces produites que les hypothèques judiciaires provisoires contestées ont été inscrites par la société ETIP en vertu d'une ordonnance du juge de l'exécution du tribunal d'instance de Metz en date du 7 janvier 2017 et qu'elles ont été régulièrement dénoncées à la société MANULOR par actes d'huissier du 25 janvier 2017 ; que c'est à tort que la société MANULOR se prévaut d'un défaut de dénonciation des inscriptions d'hypothèques judiciaires provisoires prises par la société ETIP en vertu d'une ordonnance du juge de l'exécution du tribunal d'instance de Metz en date du 30 septembre 2016 selon les notifications qui lui en ont été faites par le livre foncier les 1er et 8 décembre 2016 qui sont des mesures conservatoires antérieures non concernées par le présent litige portant sur de nouvelles inscriptions prises en vertu d'une autre ordonnance du juge de l'exécution ; qu'elle est mal fondée en sa contestation de ce chef ; qu'en application de l'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution, toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement ;que, pour agir contre les associés de la SARL KM, anciennement SCI LA BROSSE, sur le fondement de l'article 1857 du code civil, il suffit à la société ETIP de justifier de l'existence d'une créance paraissant fondée en son principe contre la société et de l'apparence de défaillance de celle-ci ; qu'il n'est ni contesté, ni contestable que la société ETIP détient un titre exécutoire contre la société KM en vertu d'une ordonnance du juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Metz en date du 26 août 2015, confirmée par arrêt du 17 décembre 2015, définitif, à concurrence d'une provision de 800.000 euros à valoir sur les travaux exécutés en 2004-2005 par la société ETIP pour le compte de la SCI LA BROSSE, devenue la SARL KM, selon les certificats de paiement délivrés par le maitre d'oeuvre du chantier, la cour ayant exclu toute contestation sérieuse sur les sommes dues par la SCI LA BROSSE à la société ETIP au titre des travaux exécutés depuis plusieurs années et restés impayées ; qu'il est justifié par les pièces produites que la société ETIP a cherché, en vertu de son titre exécutoire, à recouvrer sa créance contre la SCI LA BROSSE, devenue la SARL KM, ayant le même gérant en la personne de Monsieur N... S..., en lui délivrant un commandement aux fins de saisie-vente en date du 16 septembre 2015 resté infructueux, puis en diligentant une saisie-vente transformée en procès-verbal de carence du 12 novembre 2015, son gérant ayant déclaré que la SARL KM n'a pas d'actifs mobiliers et que son siège se trouve dans les locaux de la société MANULOR où elle ne possède pas de biens saisissables ; qu'il n'est, en outre, pas contesté qu'elle a aussi fait pratiquer une saisie-attribution le 28 novembre 2015 sur les comptes de la SARL KM pour 128,79 euros révélant ainsi un compte vide, laquelle a été contestée par le débiteur saisi ; que toutes les poursuites de la société ETIP contre son débiteur sont restées vaines ; qu'il est établi, par 6 sur 17 ailleurs, que la SARL KM, exploitant une activité de conseil et sans aucun salarié, ayant un capital social de 1.000 euros, a été placée en redressement judiciaire par jugement du 18 novembre 2015 ; que, par jugement du 10 mai 2017, la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Metz a arrêté un plan de redressement de la société avec règlement des dettes à 100 %, contestées ou non, en 10 annuités à compter du 10 mai 2018 jusqu'au 10 mai 2027 après remise totale des créances détenues par les associés en compte courant d'associés de la SARL KM et a prescrit une mesure d'aliénabilité de l'immeuble « [...] » constituant le seul actif immobilier de la société; que le tribunal a relevé un passif déclaré de 5.079.497,05 euros, dont 5.032.777,71 euros à titre échu définitif tandis que la somme de 3.239.691,69 euros est contestée par la société KM, en ce compris une créance résultant d'un titre exécutoire de 876.000 euros ayant motivé la déclaration de cessation des paiements effectué par le gérant, qu'un premier plan proposé par la SARL KM avait été rejeté par jugement du 1er mars 2017 compte tenu de l'importance du passif et de tout élément sur la viabilité du projet de commercialisation du bien immobilier ; que le juge commissaire a émis un avis défavorable sur le nouveau plan présenté en l'absence d'éléments de nature à établir la capacité pour les associés de financier le plan, le cas échéant, pendant les années nécessaires à la finalisation du plan comme ils s'y sont engagés ; que le tribunal a cependant retenu le plan de redressement en raison de l'accord exprès des associés de la SARL KM pour financer, au besoin, les échéances du plan comme constituant une garantie suffisante pour les créanciers et en imposant une déclaration d'aliénabilité du bien à la SARL KM; que la société KM n'apporte aucune preuve qu'elle est en mesure de payer le premier dividende de 01% à échéance au 10 mai 2018; que la société ETIP justifie ainsi d'un principe de créance contre les associés de la SARL KM, anciennement SCI LA BROSSE, qui sont tenus indéfiniment des dettes de la société en application de l'article 1857 du code civil, s'agissant d'une créance née avant la transformation de la société civile immobilière en société commerciale en 2011, et ne peuvent pas se prévaloir des dispositions de l'article L. 223-1 du code de commerce ; qu'elle démontre également l'apparence de la défaillance de la société KM dans le paiement de sa dette impayée depuis 2004-2005 malgré toutes les procédures engagées et les condamnations prononcées à son encontre au profit de la société ETIP et l'existence d'un plan de redressement fondée sur l'abandon par les associés de leur créance en compte courant d'associés et leur engagement de se substituer à elle pour l'exécution du plan de redressement, ce qui n'est pas le signe d'une bonne santé financière et d'une capacité propre à payer ses dettes ; que la valeur du bien immobilier tel qu'estimée à la demande des appelants par Monsieur X... le 20 janvier 2016 demeure hypothétique tant sur la valorisation d'une construction inachevée avec un arrêt du chantier depuis plus de 12 ans que sur la valorisation foncière retenue sans justification des éléments de comparaison retenus ; que la circonstance que la société KM fasse l'objet d'un plan de redressement avec mise en place d'un échéancier de paiement de ses dettes, dont celle de la société ETIP, n'interdit pas au créancier de prendre des mesures conservatoires contre les associés de son débiteur en garantie de sa créance à leur encontre et ne se heurte pas au principe de subsidiarité de l'action contre les associés d'une société civile tenue indéfiniment de dettes, dès lors que les saisies conservatoires de créances et de droit d'associés ou de valeurs mobilières et les hypothèques judiciaires provisoires sont de simples mesures conservatoires destinés à préserver le gage général du créancier sur les biens des associés pour assurer le recouvrement de sa créance contre une société qui présente toute l'apparence d'un débiteur défaillant ; qu'elles ne rendent pas les biens immobiliers de la société MANULOR inaliénables ; que toutes les saisies conservatoires sur les biens de Monsieur S... et de la société MANULOR ont été infructueuses ; que seules peuvent être utiles les inscriptions d'hypothèques judiciaires provisoires sur les seuls biens immobiliers de la société MANULOR ; que Monsieur S... n'apporte aucune preuve de sa capacité à payer la dette de la société 7 sur 17 KM et qu'il ne lui suffit pas d'affirmer que sa situation de fortune est connue à Metz pour le prouver ; que la société MANULOR produit une attestation de son expert-comptable en date du 17 janvier 2017 pour justifier de ses capitaux propres sans justifier par des documents comptables pertinents de ses résultats et bénéfices lui permettant de payer ses dettes, au demeurant, non chiffrées ; qu'elle ne justifie pas davantage de la situation de ses biens immobiliers et notamment de l'absence de toutes autres sûretés que celles prises par la société ETIP ; qu'elle n'a d'ailleurs jamais proposé de consigner la somme due dans l'attente de l'issue des instances en cours ; que les conditions de l'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution sont réunies ; qu'il n'est démontré aucune disproportion des mesures conservatoires prises pour sûreté de la créance de la société ETIP, ni d'aucun abus de saisie imputable à la société ETIP qui est fondée à garantir le recouvrement de son principe de créance contre Monsieur S... et la société MANULOR en leur qualité d'associés de la SARL KM ; que Monsieur S... et la société MANULOR sont mal fondés en leur appel et seront déboutés de toutes leurs demandes ; que le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions » ; et aux motifs adoptés que « sur les demandes de mainlevée des actes de saisies conservatoires et inscriptions d'hypothèques judiciaires provisoires : que selon l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire, le juge autorise les mesures conservatoires et connaît des contestations relatives à leur mise en oeuvre ; qu'en vertu de l'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution, personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement ; que la mesure conservatoire prend la forme d'une saisie conservatoire ou d'une sûreté judiciaire ; sur les conditions prescrites par l'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution : que selon l'article L. 512-1 du code des procédures civiles d'exécution, même lorsqu'une autorisation préalable n'est pas requise, le juge peut ordonner la mainlevée de la mesure conservatoire s'il apparaît que les conditions prescrites par l'article L. 511-1 ne sont pas réunies ; qu'à la demande du débiteur, le juge peut substituer à la mesure conservatoire initialement prise toute autre mesure propre à sauvegarder les intérêts des parties ; que l'article R. 512-1 du code des procédures civiles d'exécution précise : - en son alinéa 1er, que si les conditions prescrites aux articles R. 511-1 à R. 511-8 ne sont pas réunies, la mainlevée de la mesure peut être ordonnée à tout moment, même dans les cas où l'article L. 511-2 permet que cette mesure soit prise sans l'autorisation du juge de l'exécution, - et en son alinéa 2, qu'il incombe au créancier de prouver que les conditions requises sont réunies ; que dans le cas d'espèce, il incombe à la SAS Etip de prouver que les conditions requises sont réunies ; que dès lors, en application des articles L. 512-1, L. 511-1, alinéa 2, du code des procédures civiles d'exécution, il incombe à la SAS Etip de démontrer : 1) qu'elle se prévaut d'une créance qui paraît fondée en son principe à l'encontre de la SAS Manulor et de M. N... S..., 2) et que les circonstances sont susceptibles d'en menacer le recouvrement ; 1) sur l'apparence de fondement de la créance dont se prévaut la SAS Etip à l'encontre de la SAS Manulor et de M. N... S... : que conformément à l'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution, la SAS Etip n'est pas tenue de rapporter la preuve qu'elle détient une créance certaine à l'encontre de la SAS Manulor et de M. N... S... pour bénéficier d'une saisie conservatoire ou d'une hypothèque judiciaire provisoire ; qu'il suffit à la SAS Etip de démontrer qu'elle se prévaut à son encontre d'une créance qui est apparemment fondée en son principe ; que la SAS Etip invoque : - un arrêt de la Cour d'appel de Metz du 8 sur 17 17.12.2015 qui a notamment condamné la SARL KM à lui payer la somme de 800 000 euros à titre de provision, et la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et a confirmé une ordonnance du juge de la mise en état du 26.08.2015 ayant condamné la SARL KM à lui payer une indemnité de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, - une ordonnance du juge de la mise en état du 26.08.2015 qui a condamné la SARL Km à lui payer une indemnité de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, - une ordonnance du juge des référés du tribunal de grande instance de Metz du 29.10.2015 qui a condamné la SARL KM à lui payer une indemnité de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;que l'arrêt de la cour d'appel du 17.12.2015 statuant sur appel formé contre l'ordonnance du 26.08.2015 a fixé la provision due à la SAS Etip en vertu de l'article 771 du code de procédure civile disposant que le juge de la mise en état peut accorder une provision au créancier lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable ; que dès lors la SAS Etip détient une créance non sérieusement contestable de 800 000 euros à l'encontre de la SARL KM qui est constatée dans un titre exécutoire ; qu'il résulte en outre de l'arrêt de la cour d'appel de Metz du 17.12.2015 et de l'ordonnance du juge de la mise en état du 26.08.2015 que la créance de 800 000 euros correspond à des sommes dues en exécution d'un contrat du 23 juillet 2004 aux termes duquel la SCI La Brosse a commandé des travaux de « clos et couvert » à la SAS Etip pour un prix total de 2 200 000 euros HT, celle-ci ayant exécuté les travaux d'octobre 2004 à mai 2005 ; que la SAS Etip produit le contrat et les factures émises par elle et visées par le maître d'oeuvre, éditées de novembre 2004 à juin 2005 ; que la SAS Etip se prévaut des articles 1857 et 1858 du code civil pour considérer que la SAS Manulor et M. N... S... qui étaient associés de la SCI La Brosse, devenue la SARL KM, restent tenus conjointement de toutes les dettes contractées par la SCI avant sa transformation ; que les demandeurs, associés de la SARL KM s'opposent à cette analyse, en faisant valoir que conformément à l'article L. 223-1 du code de commerce, les associés d'une SARL ne supportent les pertes qu'à concurrence de leurs apports ; qu'ils soulignent que la transformation de la SCI la Brosse en SARL KM a été publié au BODACC le 24.11.2011, alors que la créance de la SAS Etip résulte d'un arrêt postérieur de la cour d'appel de Metz du 17.12.2015 qui a condamné la SARL KM à verser une provision ;qu'ils en concluent que la créance de la SAS Etip est donc née postérieurement à la transformation de la SCI La Brosse en SARL KM ; que selon l'article 1857 du code civil, à l'égard des tiers, les associés d'une société civile répondent indéfiniment des dettes sociales à proportion de leur part dans le capital social à la date d'exigibilité ou au jour de la cessation des paiements ; que la transformation d'une société immobilière en société à responsabilité limitée ne peut avoir pour effet de préjudicier aux droits, nés antérieurement, des créanciers qui continuent à bénéficier de l'engagement de la société et, à titre subsidiaire, de celui des associés (Cass. Civ. 1ère, 13.03.1990, n° 87-13.357) ; qu'il n'est pas contesté que M. N... S... était associé de la SCI La Brosse, et que la SAS Manulor vient aux droits d'une société qui était associée de la SCI La Brosse ; qu'il résulte par ailleurs des pièces versées par la SAS Etip (contrat et factures jusqu'en mai 2005), et de l'arrêt de la cour d'appel, que sa créance non sérieusement contestable de 800 000 euros au moins est née courant 2004 et 2005, soit avant la transformation de la SCI La Brosse en SARL KM courant 2011 ; qu'au surplus, il ressort d'un extrait du rapport d'expertise, page 124, produit en pièce n° 13 par la SAS Etip, qu'elle a réalisé des travaux au produit de la SCI La Brosse pour une valeur totale de 2 151 999,40 – 749 927,97 =1 402 071,43 euros HT ; que cette somme due de 1 402 071,43 euros HT selon l'expert tient compte de 749 927,97 euros HT de « non façons » déjà déduites ; qu'or les associés restent tenus indéfiniment de cette dette sociale de la SCI la Brosse qui existait avant sa transformation en SARL KM, 9 sur 17 conformément à l'article 1857 du code civil ; qu'en conséquence, la créance invoquée par la SAS Etip contre la SAS Manulor et M. N... S... dans chacune des mesures conservatoires contestées est apparemment fondée en son principe ; 2) sur les circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de la créance : que les circonstances sont susceptibles de menacer le recouvrement de la créance dont se prévaut la SAS Etip dès lors que : - il résulte des pièces produites aux débats par la SAS Etip qu'à l'exception d'un acompte de 400 000 euros versé à la suite d'un protocole signé en février 2005, la SCI La Brosse, représentée par M. N... S..., n'a effectué aucun paiement en exécution du contrat qui la liait à la SAS Etip et en contrepartie des travaux pourtant réalisés par celle-ci ; - la SAS Etip et la SCI La Brosse représentée par M. N... S... sont en procédure depuis 2005, la SCI La Brosse ayant interjeté appel puis cassation de décisions rendues à son encontre, - la SCI La Brosse représentée par M. N... S... a opportunément changé de forme sociale en 2011, afin que ses associés puissent se prévaloir des dispositions du code de commerce plus favorables pour eux dans le cadre d'une société à responsabilité limitée, - une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l'encontre de la SARL KM, - au 11.01.2017, les comptes de M. N... S... auprès du CIC avaient un solde nul, et ceux de la SAS Manulor représentaient environ 23 426 euros (pièces 29 à 32 de la SAS Etip) ; qu'il résulte de tout ce qui précède que les conditions légales imposées par l'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution permettant l'octroi de mesures conservatoires pour garantir la créance apparemment fondée de la SAS Etip contre la SAS Manulor et M. N... S... sont remplies ; que concernant les vaines poursuites contre la SCI la Brosse devenue la SARL Km ; que les demandeurs soutiennent que la SAS Etip n'a pas au préalable tenté d'exécuter par voir forcée à l'encontre de la SARL KM venant aux droits de la SCI La Brosse, conformément à l'article 1858 du code civil ; que cependant la SAS Etip rapporte la preuve de ce qu'elle a vainement tenté de poursuivre la SARL KM venant aux droits de la SCI la Brosse : - par un commandement aux fins de saisie-vente du 16.09.2015, suivi d'un procès-verbal aux fins de saisie-vente transformé en procès-verbal de carence en date du 12.11.2015 (pièces 17, 18 et 21 de la SAS Etip), - par une saisie-attribution infructueuse (cf. pièce 21 de la SAS Etip) ; qu'au surplus, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte contre la SARL KM ; qu'il ressort de tout ce qui précède que la condition préalable de vaine poursuite, à l'encontre de la personne morale, prévue par l'article 1858 du code civil, a été respectée par la SAS Etip ; que concernant l'allégation d'abus du droit de saisir : que la SAS Manulor et M. N... S... soutiennent que la SAS Etip abuserait de son droit de procéder à des mesures conservatoires, au motif qu'elle a fait inscrire des hypothèques judiciaires provisoires sur l'ensemble de leur patrimoine ; que cependant, la SAS Etip détient une créance apparemment fondée en son principe de l'ordre de 1 402 071,43 euros HT, de sorte qu'aucun abus de droit n'est caractérisé ; que concernant l'allégation de garanties suffisantes : que la SAS Manulor et M. N... S... soutiennent que la SAS Etip détient déjà des garanties suffisantes pour obtenir paiement de sa créance, en ce qu'elle détient une hypothèque pour 809 479,68 euros sur le terrain appartenant à la SARL KM ; que cependant la SARL KM est en redressement judiciaire, en en tout état de cause en application de l'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution précité, la SAS Etip est en droit de pratiquer des mesures conservatoires sur les biens de tous ses débiteurs ; que les demandes d'annulation et de mainlevée des mesures conservatoires, formulées par la SAS Manulor et M. N... S... sont rejetées ; sur la demande en dommages et intérêts : que conformément à l'article L. 121-2 du code des procédures civiles d'exécution, le juge de l'exécution a le pouvoir d'ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages et intérêts en vas d'abus de saisie ; qu'en l'espèce, il n'est pas démontrer que les mesures conservatoires étaient inutiles ou abusives, et il n'en a pas non plus été ordonné mainlevée ; que les demandes en dommages et intérêts sont rejetées » ; alors 1°/ que aucune des parties ne prétendait, dans ses conclusions, que la société KM n'aurait pas été en mesure de faire face au premier dividende de son plan de redressement, à échéance du 10 mai 2018 ; qu'en relevant pourtant d'office le moyen pris de ce que la société KM n'apporterait aucune preuve de ce qu'elle serait en mesure de payer le premier dividende à échéance du 10 mai 2018, sans inviter les parties à présenter leurs observations à cet égard, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile, alors 2°/ que les créanciers ne peuvent poursuivre le paiement des dettes sociales contre un associé d'une société civile qu'après avoir préalablement et vainement poursuivi la personne morale ; que le créancier ne peut donc poursuivre le paiement d'une dette sociale contre les associés lorsque la société bénéficie d'un plan de redressement concernant cette dette qu'à la condition de démontrer que ce plan n'est pas respecté ; qu'en retenant pourtant en l'espèce que la société KM n'apporterait aucune preuve de ce qu'elle serait en mesure de payer le premier dividende à échéance du 10 mai 2018, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, en violation des article 1315 et 1858 du code civil ; alors 3°/ que toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement ; que ne dispose pas d'une créance fondée en son principe à l'encontre des associés, le créancier d'une société civile dont la débitrice fait l'objet d'un plan de redressement incluant la créance litigieuse ; qu'en retenant pourtant que « la circonstance que la société KM fasse l'objet d'un plan de redressement avec mise en place d'un échéancier de paiement de ses dettes, dont celle de la société Etip, n'interdit pas au créancier de prendre des mesures conservatoires contes les associés de son débiteur en garantie de sa créance à leur encontre » (arrêt, p. 9, alinéa 2), la cour d'appel a violé les articles L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution et 1858 du code civil.
Lorsque le juge de l'exécution est saisi de la contestation d'une mesure conservatoire diligentée, sur le fondement de l'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution, par le créancier d'une société civile contre les associés tenus indéfiniment des dettes sociales en application de l'article 1857 du code civil, il doit seulement rechercher l'existence d'une créance paraissant fondée en son principe contre la société et l'apparence d'une défaillance de celle-ci, cette apparence pouvant résulter, notamment, du risque d'inexécution du plan de redressement de la société. L'article 1858 du code civil étant inapplicable dans cette hypothèse, le juge de l'exécution n'est pas tenu de vérifier si sont remplies les conditions posées par ce texte pour poursuivre les associés en paiement des dettes sociales
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COMM. CF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 25 mars 2020 Cassation sans renvoi Mme MOUILLARD, président Arrêt n° 296 FS-P+B+I Pourvoi n° K 16-20.520 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 25 MARS 2020 M. O... N...Q, domicilié [...], a formé le pourvoi n° K 16-20.520 contre l'arrêt rendu le 13 mai 2016 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 1), dans le litige l'opposant : 1°/ à Mme T... N...Q, [...], 2°/ à la société Tiger, société civile immobilière, dont le siège est [...], 3°/ à M. G... H..., domicilié Cabinet Grant Thornton, UK LLP, [...], pris en qualité de liquidateur judiciaire ou syndic de M. O... N...Q, 4°/ à la société Crédit immobilier de France développement, société anonyme, dont le siège est [...], venant aux droit de la société Banque patrimoine et immobilier, défendeurs à la cassation. Mme T... N...Q et la société Tiger ont formé un pourvoi provoqué contre le même arrêt. M. G... H..., ès qualités, a formé un pourvoi incident contre le même arrêt. Le demandeur au pourvoi principal et les demanderesses au pourvoi provoqué invoquent, à l'appui de leur recours, les cinq moyens de cassation identiques annexés au présent arrêt. Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation également annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Bélaval, conseiller, les observations de la SCP Ghestin, avocat de M. et Mme N...Q et de la société Tiger, de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de M. H..., ès qualités, de la SCP Spinosi et Sureau, avocat de la société Crédit immobilier de France développement, et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 25 février 2020 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Bélaval, conseiller rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen, Mme Vallansan, M. Remeniéras, Mmes Graff-Daudret, Vaissette, Fontaine, Mme Fevre, M. Riffaud, Mme Boisselet, M. Mollard, conseillers, M. Guerlot, Mmes Barbot, Brahic-Lambrey, Kass-Danno, conseillers référendaires, Mme Guinamant, avocat général référendaire, et Mme Labat, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Reprise d'instance 1.Il est donné acte à la société Crédit immobilier de France développement de ce qu'elle reprend l'instance en lieu et place de la société Banque patrimoine immobilier. Faits et procédure 2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 13 mai 2016) et les productions, le 7 août 2008, la société de droit allemand Wirecard a obtenu d'un juge anglais une mesure de gel des avoirs de M. N...Q, ressortissant néerlandais. Ce dernier était alors propriétaire sur le territoire français d'un appartement et d'un ensemble immobilier. Le 22 août 2008, M. N...Q et sa soeur, Mme N...Q épouse N... X... (Mme N...Q), ont signé devant un notaire français un acte de reconnaissance de dette par lequel M. N...Q reconnaissait devoir à Mme N...Q la somme de 500 000 euros pour divers prêts, s'engageait à rembourser cette somme au plus tard le 22 août 2017 et hypothéquait au profit de Mme N...Q en second rang les biens ci-avant. Le même jour, ils ont inscrit sur lesdits biens les deux hypothèques conventionnelles. Les 18 et 24 mars 2010, M. N...Q a vendu à la SCI Tiger, constituée le 25 février précédent avec sa soeur, cette dernière en détenant 90 %, l'appartement et l'ensemble immobilier moyennant respectivement les prix de 395 000 euros et 790 000 euros. 3. Le 10 mai 2011, M. N...Q a été déclaré en faillite à sa demande par la County Court de Croydon au Royaume-Uni en application du Règlement (CE) n° 1346/2000 du 29 mai 2000 relatif aux procédures d'insolvabilité et de la section 271 de la loi britannique sur les faillites de 1986 (Insolvency Act de1986) et le 1er juillet 2011, M. H..., de la société Grand Thornton, a été désigné syndic de la faillite de M. N...Q avec effet au 6 juillet 2011. A la demande de M. H..., ès qualités, la County Court de Croydon a, le 26 octobre 2011, autorisé l'initiative de procédures judiciaires pour, d'une part, entreprendre une action devant les juridictions françaises pour faire enregistrer l'ordonnance de faillite, d'autre part, obtenir une décision qui dise pour droit que l'hypothèque inscrite au profit de Mme N...Q le 22 août 2008 et les transferts des propriétés à la SCI Tiger des 18 et 24 mars 2010 étaient constitutifs de transactions sans contrepartie réelle ou significative conformément aux dispositions de la section 339 de la loi sur les faillites de 1986 et, par conséquent, obtenir une décision permettant la réintégration de ces propriétés dans le patrimoine du débiteur puis leur réalisation. 4. Le 12 décembre 2011, M. H..., ès qualités, a assigné M. N...Q, Mme N...Q et la SCI Tiger devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins de voir déclarer inopposables à la masse de la faillite les hypothèques conventionnelles inscrites le 22 août 2008 et la vente des biens immobiliers situés en France. La société Banque patrimoine immobilier (la BPI), qui avait financé l'acquisition de ces biens, est intervenue à l'instance. Par un jugement du 19 novembre 2013, le tribunal de grande instance de Paris a déclaré recevable l'action de M. H..., ès qualités, et jugé que les hypothèques et les ventes étaient inopposables à celui-ci, dans la limite des sommes restant dues aux créanciers. La cour d'appel de Paris a confirmé le jugement, sauf sur la limitation de l'inopposabilité aux sommes restant dues aux créanciers et, statuant à nouveau de ce chef, a dit que l'inopposabilité des deux hypothèques et des deux ventes à M. H..., ès qualités, n'était pas limitée de la sorte. Par un arrêt du 24 mai 2018, la Cour de cassation a saisi la Cour de justice de l'Union européenne (la CJUE) d'un renvoi préjudiciel portant sur l'interprétation de l'article 3, § 1, du règlement (CE) n° 1346/2000 du Conseil, du 29 mai 2000, relatif aux procédures d'insolvabilité. Examen des moyens Sur le premier moyen du pourvoi principal et le premier moyen du pourvoi provoqué, rédigés en termes identiques, réunis Enoncé du moyen 5. M. N...Q, Mme N...Q et la SCI Tiger font grief à l'arrêt de déclarer recevable l'action de M. H..., ès qualités, de juger que les hypothèques consenties par M. N...Q sur les biens situés à Paris et à [...], et les ventes de ces biens à la SCI Tiger, intervenues respectivement les 18 mars et 24 mars 2010, sont inopposables à M. H..., ès qualités, de dire que l'inopposabilité des deux hypothèques et des deux ventes à M. H..., ès qualités, n'est pas limitée aux sommes dues aux créanciers et de rejeter les demandes de M. N...Q, alors « qu'aux termes de l'article 3 § 1 du Règlement (CE) n° 1346/2000 du 29 mai 2000 relatif aux procédures d'insolvabilité, les juridictions de l'Etat membre sur le territoire duquel est situé le centre des intérêts principaux du débiteur sont compétentes pour ouvrir la procédure principale d'insolvabilité ; que la CJUE a dit pour droit que l'article 3 § 1 doit être interprété en ce sens que les juridictions de l'Etat membre sur le territoire duquel s'est ouverte la procédure d'insolvabilité sont compétentes pour connaître d'une action révocatoire fondée sur l'insolvabilité dirigée contre un défendeur ayant son domicile sur le territoire d'un autre Etat (CJUE, 16 janvier 2014, Schmid, aff. C-328/12 ; CJCE, 12 février 2009, Seagon, aff. C-339/07) ; qu'au cas d'espèce, dès lors qu'il était constant que la procédure principale d'insolvabilité avait été ouverte au Royaume-Uni, seules les juridictions du Royaume-Uni étaient compétentes pour statuer sur l'action en "inopposabilité" des prises d'hypothèques et des ventes immobilières dirigée par le mandataire des créanciers M. H... à l'encontre de M. N...Q, peu important que ce dernier fût domicilié en France ou que les biens concernés y fussent situés ; qu'en s'abstenant de relever d'office son incompétence, la cour d'appel a violé l'article 3 § 1 du Règlement (CE) n° 1346/2000 du 29 mai 2000, ensemble l'article 92 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 6. Aux termes de l'article 74 du code de procédure civile, les exceptions de procédure doivent, à peine d'irrecevabilité, être soulevées avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir, alors même que les règles invoquées au soutien de l'exception seraient d'ordre public. Il ne résulte ni de l'arrêt ni des conclusions de M. N...Q, de Mme N...Q et de la SCI Tiger devant les juges du fond que ceux-là aient contesté la compétence des juridictions françaises pour connaître du litige. 7. Le moyen, présenté pour la première fois devant la Cour de Cassation, est donc irrecevable. Mais sur le moyen relevé d'office, suggéré par les demandeurs Vu l'article 3, § 1, du règlement (CE) n° 1346/2000 du Conseil, du 29 mai 2000, relatif aux procédures d'insolvabilité : 8. Il résulte de ce texte que les juridictions de l'Etat membre sur le territoire duquel est situé le centre des intérêts principaux du débiteur sont compétentes pour ouvrir la procédure d'insolvabilité et que les juridictions de l'Etat membre compétent pour ouvrir la procédure d'insolvabilité ont une compétence exclusive pour connaître des actions qui dérivent directement de cette procédure et qui s'y insèrent étroitement (CJUE, 14 novembre 2018, Wiemer & Trachte, C-296/17, point 36). 9. Par un arrêt du 4 décembre 2019 (C-493/18, Tiger e.a.), la CJUE a dit pour droit que l'article susvisé doit être interprété en ce sens que l'action du syndic, désigné par une juridiction de l'Etat membre sur le territoire duquel la procédure d'insolvabilité a été ouverte, ayant pour objet de faire déclarer inopposables à la masse des créanciers la vente d'un bien immeuble situé dans un autre Etat membre ainsi que l'hypothèque consentie sur celui-ci, relève de la compétence exclusive des juridictions du premier Etat membre. Par le même arrêt, la CJUE a dit pour droit que l'article 25, § 1, du règlement n° 1346/2000 doit être interprété en ce sens qu'une décision par laquelle une juridiction de l'Etat membre d'ouverture autorise le syndic à engager une action dans un autre Etat membre, quand bien même celle-ci relèverait de la compétence exclusive de cette juridiction, ne saurait avoir pour effet de conférer une compétence internationale aux juridictions de cet autre Etat membre. 10. Par conséquent, l'action engagée par M. H..., ès qualités, désigné syndic de la faillite de M. N...Q par la County Court de Croydon, ayant pour objet de faire déclarer inopposables à la masse des créanciers de la procédure d'insolvabilité les hypothèques consenties au profit de Mme N...Q sur les biens situés en France ainsi que la vente de ces biens par M. N...Q à la SCI Tiger, relève de la compétence exclusive des juridictions anglaises, peu important que le syndic ait été autorisé par la County Court de Croydon à entreprendre une action devant les juridictions françaises pour obtenir une décision qui permette la réintégration de ces propriétés dans le patrimoine du débiteur puis leur réalisation. Il en résulte que les juridictions françaises devaient se déclarer d'office incompétentes et qu'en ne le faisant pas, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Portée et conséquences de la cassation 11. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 12. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs des pourvois, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 mai 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; Dit que les juridictions françaises sont incompétentes pour connaître de l'action ; Invite les parties à mieux se pourvoir ; Condamne M. H..., en qualité de syndic de M. N...Q, aux dépens, en ce compris ceux exposés devant les juges du fond, à l'exception de ceux exposés devant la Cour de justice de l'Union européenne qui resteront à la charge du Trésor public ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mars deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Ghestin, avocat aux Conseils, au pourvoi principal pour M. N...Q, et au pourvoi provoqué pour Mme N...Q et la société Tiger. PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré recevable l'action de M. G... H..., ès qualités de liquidateur judiciaire de M. N...Q, d'AVOIR jugé que les hypothèques consenties par M. N...Q sur les biens situés à Paris et à [...], et les ventes de ces biens à la SCI Tiger, intervenues respectivement les 18 mars et 24 mars 2010, étaient inopposables à M. G... H... ès qualités, d'AVOIR infirmé le jugement entrepris par voie de retranchement en ce qu'il avait limité l'inopposabilité aux sommes restant dues aux créanciers et, statuant à nouveau, d'AVOIR dit que l'inopposabilité des deux hypothèques et des deux ventes à M. H... ès qualités n'était pas limitée aux sommes dues aux créanciers et d'AVOIR rejeté les demandes de M. N...Q ; AUX MOTIFS PROPRES QUE sur la preuve du droit anglais applicable, il appartient au juge de vérifier le sens et la portée de la loi étrangère ; que les règles permettant de trouver une issue au litige se trouvent dans la loi anglaise sur les faillites de 1986 (Insolvency Act 1986) à laquelle cette Cour a accès, sur laquelle les parties s'appuient et qui est dans les débats, cette loi étant visée dans les conclusions des consorts N...Q et de M. H..., ès qualités ; que sur la recevabilité de l'action de M. H..., ès qualités, selon l'article 4 du règlement CE n° 1346/2000 du 29 mai 2000, relatif aux procédures d'insolvabilité, la loi applicable à la procédure d'insolvabilité et à ses effets est celle de l'Etat membre sur le territoire duquel la procédure est ouverte, cette loi déterminant les conditions d'ouverture, le déroulement et la clôture de la procédure d'insolvabilité, notamment les pouvoirs respectifs du débiteur et du syndic ; que si, selon l'article 5.1 de ce règlement, l'ouverture de la procédure d'insolvabilité n'affecte pas le droit réel d'un créancier ou d'un tiers sur des biens meubles ou immeubles et qui se trouvent, au moment de l'ouverture de la procédure, sur le territoire d'un autre Etat membre, cependant, cette règle ne fait pas obstacle à celles prévues par l'article 4.m) du règlement, "relatives à la nullité, à l'annulation ou à l'inopposabilité des actes préjudiciables à l'ensemble des créanciers" ; que la faillite de personne physique (bankruptcy) ayant été ouverte à l'encontre de M. N...Q par jugement du Tribunal du Comté de Croydon (Royaume-Uni) du 10 mai 2011, le droit anglais de la faillite des personnes physiques est applicable en la cause au sens du règlement précité ; que le jugement du 10 mai 2011 mentionne à l'attention du failli (bankrupt) qu'un administrateur judiciaire (official receiver) inscrit auprès de la Cour est désigné pour administrer son patrimoine, que le failli a des obligations à son égard, ainsi qu'il est indiqué dans la section 291 de la loi sur la faillite de 1986 et qu'il doit, notamment, lui communiquer l'intégralité des actifs composant son patrimoine ; qu'il ressort d'un certificat du 1er juillet 2011 du secrétaire d'Etat de la Croydon County Court que M. H... a été nommé, à compter du 6 juillet 2011, syndic dans la procédure de faillite (trustee of the bankruptcy) de M. N...Q ; que le 26 octobre 2011, le secrétaire d'Etat de la Croydon County Court, agissant en vertu de la loi sur les faillites de 1986, a autorisé M. H..., en qualité de syndic de M. N...Q, à obtenir une décision devant les juridictions françaises qui dise pour droit que les hypothèques et ventes litigieuses étaient constitutives de ventes sans contrepartie réelle ou significative conformément à la section 339 de la loi sur les faillites de 1986 et qui permette la réintégration de ces biens dans le patrimoine du débiteur puis leur réalisation ; que le 13 avril 2012, Mme B... W..., en qualité d'administratrice judiciaire déléguée (deputy official receiver), considérant que M. N...Q n'avait pas fourni d'informations suffisantes sur l'existence d'actifs non révélés qui n'étaient pas localisés au Royaume-Uni, a requis de cette juridiction que, conformément à la section 279 de la loi sur l'insolvabilité de 1986, elle ordonnât la suspension du terme de la faillite aussi longtemps que le débiteur ne s'était pas conformé à ses obligations légales ; que, par décision du 3 juillet 2012, cette juridiction, estimant que M. N...Q avait manqué à ses obligations légales, a ordonné que le délai automatique de décharge de la procédure de faillite (bankrupt's automatic discharge period) serait suspendu aussi longtemps que le failli ne se conformerait pas à celle-ci ; qu'il résulte suffisamment du certificat précité du 1er juillet 2011, qui émane du secrétaire d'Etat de la Croydon County Court, que M. H... a la qualité de syndic de la faillite (trustee in bankruptcy) de M. N...Q ; qu'il ressort de l'analyse du statut juridique des syndics au Royaume-Uni du ministère de la justice français, versée aux débats par M. N...Q, que le syndic peut, sous réserve de l'approbation par le comité des créanciers ou le tribunal, lancer des poursuites judiciaires relatives à des biens inclus dans le patrimoine du failli ; que c'est en vertu d'une telle approbation, émanant de la Croydon County Court aux termes de l'autorisation du 26 octobre 2011, que M. H..., en qualité de syndic de M. N...Q, a introduit la présente instance par acte d'huissier de justice du 12 décembre 2011 ; que si, par décision du 19 novembre 2013, la Croydon County Court a levé la suspension de la dispense automatique et prononcé une décision de dispense de faillite (discharge from bankruptcy) au profit de M. N...Q, cependant, cette décision, qui a pour seul effet de libérer M. N...Q de ses dettes, n'a pas mis fin aux fonctions du trustee au sens de la section 281 de l'Insolvency Act de 1986, cet organe ayant pour mission, selon les sections 322 à 332 de cette loi, de désintéresser les créanciers de la faillite après réalisation des biens qui lui ont été transférés ; qu'il ressort de tous ces éléments que les opérations de faillite se poursuivent et que M. H... a qualité et intérêt à agir à l'encontre des consorts N...Q et de la SCI Tiger, sur le fondement de l'article 4 du règlement CE n° 1346/2000 du 29 mai 2000 et de la loi anglaise des faillites de 1986, cette procédure n'étant pas contraire à l'ordre public français ; que Mme N...Q et la société Tiger, qui tirent leurs droits, relativement aux hypothèques et ventes litigieuses, de M. N...Q, peuvent se voir opposer le droit anglais de la faillite de leur auteur, par application des articles 4 et 5 précités du règlement CE n° 1346/2000 du 29 mai 2000, dès lors que ces droits ont été constitués postérieurement à la décision de gel des avoirs de M. N...Q du 7 août 2008 et antérieurement à l'ouverture de la procédure collective le 10 mai 2011 ; que le 26 octobre 2011, la Croydon County Court, sur le fondement de la loi sur les faillites de 1986, a autorisé M. H..., en qualité de trustee, à obtenir une décision des juridictions françaises qui dise pour droit que les hypothèques du 22 août 2008 sur les biens de [...] et de Paris et les transferts du 18 mars 2010 de ces propriétés à la SCI Tiger étaient constitutifs de transactions sans contrepartie réelle ou significative, conformément aux dispositions de la section 339 de cette loi, et qui permette la réintégration de ces biens dans la patrimoine du débiteur puis leur réalisation ; que le guide sur les "Trustee and liquidators in bankruptcies and compulsory liquidations", versé aux débats par M. N...Q (pièce n° 32 de ce dernier), énumère, au nombre des fonctions du trustee, celle de demander à la juridiction d'annuler une vente d'un bien vendu à un prix inférieur et donc au détriment des créanciers [« a trustee or liquidator may apply to court for an order restoring property which a bankrupt or company has disposed of in a way that is unfair to their creditors (for example if, before bankruptcy, a property had been transferred to a relative of the bankrupt for less than its full value) »] ; que, dans ce cas, la loi sur les faillites de 1986 donne à la juridiction le pouvoir de prendre les mesures nécessaires pour rétablir la situation qui aurait prévalu si la transaction n'avait pas été conclue ; que le syndic agissant en inopposabilité sur le fondement de ces textes, les moyens de la BPI et de la société Tiger, fondés sur les règles de l'action paulienne et sur l'article 1167 du code civil français, sont inopérants, le droit anglais de la faillite pouvant leur être opposé, par application des articles 4 et 5 précités du règlement CE n° 1346/2000 du 29 mai 2000 ; qu'au cas d'espèce, les inscriptions d'hypothèques et les ventes litigieuses trouvent leur cause dans la reconnaissance de dette, suivant acte du 22 août 2008 reçu par M. V... I..., notaire associé, aux termes de laquelle de M. N...Q, débiteur, a reconnu devoir la somme de 500.000 € à Mme N...Q, prêteur, « pour divers prêts du montant total de cette somme que ce dernier a consentis au débiteur, à diverses époques, en dehors de la comptabilité du notaire soussigné. Etant ici précisé que cette reconnaissance de dette a été arrêtée directement entre le débiteur et le prêteur, sans le concours ni la participation du notaire soussigné » ; que, bien que cette reconnaissance de dette ait été reçue en la forme authentique, cependant, les divers prêts qui en seraient la cause n'ont pas été passés en présence du notaire, ceux-ci résultant des seules énonciations des parties, simplement rapportées par l'officier ministériel, de sorte que cette reconnaissance ne fait pas pleine foi de l'existence des prêts qu'elle renferme et qu'il appartient au juge d'en apprécier le caractère probant, ainsi que l'a fait, à bon droit, le tribunal ; que les consorts N...Q ne prouvent, par aucun adminicule extérieur à la reconnaissance, la réalité des prêts qui y sont évoqués ; que le tribunal, par des motifs pertinents que la cour adopte, après avoir relevé les circonstances ayant présidé à cette reconnaissance, en a exactement déduit que ni l'existence ni le montant de la créance de Mme N...Q sur son frère n'étaient établis par les consorts N...Q, de sorte que les hypothèques litigieuses étaient sans cause et que, la totalité du prix des immeubles n'ayant pas été payée, les ventes litigieuses étaient des transactions sans contrepartie réelle ou significative au sens de la loi anglaise précitée ; que la juridiction ayant le pouvoir de prendre les mesures nécessaires pour rétablir la situation qui aurait prévalu si la transaction n'avait pas été conclue, c'est à bon droit que le jugement entrepris, faisant application de cette prérogative, a dit les hypothèques et les ventes inopposables au syndic de la faillite ; que, toutefois, il n'entre pas dans les pouvoirs de cette juridiction, qui n'est pas chargée de liquider la procédure collective, de limiter, comme l'a fait le tribunal, les effets de l'inopposabilité aux sommes restant dues aux créanciers, de sorte que le jugement entrepris sera réformé par voie de retranchement concernant les effets de l'inopposabilité ; ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE sur la recevabilité de la demande de M. H... : que par jugement du 10 mai 2011, rendu sur sa demande du même jour, M. N...Q a été déclaré en faillite par le tribunal de grande instance de Croydon ; il est précisé dans la décision qu'un syndic est désigné aux tins d'administrer le patrimoine du failli, lequel a, à son égard, les obligations définies à l'article 291 de la loi sur les faillites de 1986, dont celle de lui communiquer l'intégralité des actifs composant son patrimoine et toute autre information de ce type, ainsi que de l'assister à tout moment, lorsque celui-ci lui en fait la demande ; que le 1er juillet 2011, le tribunal d'instance de Croydon a certifié que M. G... H..., de Grant Thornton UK LLP, avait été désigné comme syndic de la faillite de M. N...Q, avec effet au 6 juillet 2011 ; que si M. G... H... ne fait pas connaître le montant exact des sommes dont M. N...Q reste redevable, il n'est pas contesté que la Banque Patrimoine et Immobilier, qui a financé l'achat par M. N...Q des biens litigieux de Paris et de [...], reste créancière de celui-ci, n'ayant consenti qu'à une délégation imparfaite de débiteur, lorsque la SCI a repris les prêts en cours de M. N...Q ; que cette banque a produit sa créance, le 4 novembre 2011, à hauteur des sommes de 73.895,49 euros et 372.754,88 euros, qui restaient dues sur les deux prêts, dont la déchéance du terme a été prononcée ; qu'il s'ensuit que toutes les dettes de M. N...Q n'ayant manifestement pas été réglées, puisque subsiste au moins celle de la Banque Patrimoine et Immobilier, M, G... H... dispose manifestement d'un intérêt à agir ; qu'il n'est pas contesté que les règles anglaises gouvernent les effets de la mesure de faillite prononcée à l'encontre de M. N...Q ; qu'aux termes de l'Insolvency Act 1986 (s. 305), dont la version française par une traductrice assermentée est versée aux débats par le demandeur, la masse de la faillite est immédiatement transmise au syndic à compter de la prise d'effet de sa nomination ; que tout bien qui est ou doit être compris dans la masse de la faillite est transmis au syndic sans transmission, cession ou transfert ; qu'il en résulte que M. H... a bien qualité pour revendiquer des biens dont il considère qu'ils appartiennent à la masse de la faillite ; que pour le reste, il n'est pas établi par les défendeurs que M. H... aurait eu besoin d'autorisations dont il ne disposerait pas ; que sa demande doit, dès lors, être jugée recevable ; que sur la demande d'inopposabilité, ( ) l'ordonnance du 7 août 2008 portant gel des avoirs de M. N...Q par le juge Openshaw, à la demande de la société Wirecard Bank, modifiée le 14 août, si elle a été rendue non contradictoirement, a bien été signifiée le 10 août 2008 à M. N...Q, selon ce qu'il a lui-même déclaré sous serment dans un affidavit ; ( ) qu'il savait dès cette date [10 mars 2010] que la société Wirecard se prévalait d'un préjudice de deux millions de livres sterling, outre environ 1 million de livres sterling pour les frais de procédure ; que M. N...Q a accepté le montant réclamé par Wirecard et été ensuite condamné à supporter lesdits frais de procédure ; qu'il importe peu que M N...Q ait été ultérieurement disculpé par la juridiction pénale, dès lors qu'au moment des actes litigieux, il pouvait redouter, à juste raison, d'avoir à supporter des condamnations civiles, à raison des faits qui lui étaient reprochés ; que l'acte de reconnaissance de dette par M. N...Q au profit de sa soeur, sur lequel les actes subséquents vont s'appuyer, est du 22 août 2008 ; qu'il y est précisé que la reconnaissance de dette a été arrêtée directement entre le débiteur et le prêteur, sans le concours ni la participation du notaire ; que dans cet acte, le débiteur s'engage à rembourser la somme de 500.00 euros, "pour divers prêts du montant total de cette somme, que Mme N...Q a consentis au débiteur, à divers (sic) époques, en dehors de la comptabilité du notaire soussigné" ; qu'il ressort de ces énonciations que, le notaire n'ayant ni constaté les divers prêts allégués, ni négocié l'acte, la reconnaissance de dette peut être contestée, sans qu'il soit nécessaire de recourir à la procédure d'inscription de faux ; que force est de constater que cette reconnaissance de dette ne mentionne pas le détail des sommes qui auraient été prêtées, ni les dates de ces prêts, ni leurs causes ; que les consorts N...Q affirment que le syndic ne détient pas tous leurs comptes, bien que la procédure de faillite faisait obligation à M. N...Q de les lui communiquer ; qu'ils n'offrent cependant pas de prouver la réalité des mouvements financiers correspondant aux prêts invoqués comme étant à l'origine de la reconnaissance contestée de dettes ; que dans ces conditions, le tribunal retient que cette reconnaissance de dette ne repose sur aucun élément vérifiable et considère qu'elle ne peut pas être opposée au syndic de la faillite de M. N...Q ; qu'il en va de même de l'affectation hypothécaire contenue dans le même acte, qui n'est que la conséquence de la reconnaissance de dette et qui portait sur les deux seuls biens que M. N...Q possède en France ; que dès le 19 décembre 2008, une injonction de gel de ses avoirs est intervenue contre M. N...Q visant notamment expressément sa maison de [...] ; que le 10 mars 2010, le juge Tugenhat, puis, le 26 juillet 2010, le juge Seymour, ont constaté des créances sur M. N...Q ; que dans l'ordonnance du 10 mars 2010, il est expressément indiqué que les sociétés Wirecard Bank et Wirecard Technologies ont assigné au fond, le 13 août 2008, plusieurs défendeurs, dont M. N...Q ; que le 12 mars 2010, Mme N...Q, épouse N... X... , représentée par son mari, va céder à la SCI Tiger, représentée par ses soins, cette créance de 500.000 euros représentant le "montant du prêt" consenti à M. N...Q, qui y consent ; qu'elle subroge la SCI dans le bénéfice des hypothèques qui lui ont été consenties ; qu'il est prévu que la créance sera réglée par inscription en compte courant d'associés au nom du cédant, Mme N... X... ; que dès le 25 février 2010, la SCI Tiger a été constituée entre M. N...Q à raison de 10 % et sa soeur, T..., à hauteur de 90 % , le capital étant de 1 000 euros ; que le 18 mars 2010, la vente du [...] est intervenue au prix de 395.000 euros, dont le prix a été réglé, le jour de la vente, à hauteur de 35.000 euros à M N...Q, à hauteur de 285.891,83 euros par compensation partielle avec la créance détenue par Mme N...Q sur son frère, qu'elle a ensuite cédée, pour une raison qui n'a pas été précisée, à la SCI Tiger, par acte sous seing privé ; que le solde du prix de vente, soit 74.108,17 euros, a été réglé par délégation imparfaite à la SCI du prêt souscrit initialement par M. N...Q auprès de la Banque Patrimoine et Immobilier ; que le 24 mars 2010, la maison de [...] a été vendue par M. N...Q à la SCI Tiger ; que le 19 novembre 2010, une ordonnance portant gel des avoirs a été rendue à l'encontre de M. N...Q, modifiant les précédentes des 24 août, 7 août et 26 juillet, interdisant notamment la diminution de valeur de n'importe lequel de ses actifs, qu'ils soient en ou hors d'Angleterre et du Pays de Galles, la propriété de [...] étant expressément visée, ainsi que les participations dans la SCI Tiger, à propos desquelles des explications étaient demandées ; que le 13 avril 2012, l'administratrice judiciaire déléguée, B... W..., a fait rapport au tribunal de la faillite pour lui demander d'ordonner la suspension du terme de la procédure de cette faillite, en vertu de la section 279 de la loi sur l'insolvabilité de 1986, aussi longtemps qu'elle ne se sera pas assurée que la débiteur failli s'est bien conformé à ses obligations légales de la section 291 ; que Mme W... faisait valoir que, suite aux informations de Grant Thornton selon lesquelles il existerait des actifs non révélés par M. N...Q, ce dernier n'avait pas répondu de façon suffisante aux questions posées à ce sujet et n'avait pas répondu du tout à deux courriers électroniques le relançant ; qu'une ordonnance conforme à cette demande a été rendue le 3 juillet 2012 par le tribunal anglais, suspendant le délai automatique de décharge, aussi longtemps que le failli ne se conformerait pas à ses obligations visées dans le rapport de l'administratrice ; que dès lors que l'existence et le montant de la créance de Mme N...Q sur son frère ne sont pas objectivement établis, les deux actes d'hypothèque fondées sur cette créance ne reposent sur aucune cause, comme indiqué précédemment ; qu'il en va de même de la compensation de partie des prix de vente des biens immobiliers avec cette créance ; qu'une partie significative des prix de vente n'ayant pas été réglée pour les deux transactions, il s'en déduit que les immeubles dont s'agit ont nécessairement été vendus à des prix sous-évalués, au sens de la loi anglaise ; que ces manoeuvres ont manifestement préjudicié à M. H..., ès qualités, puisqu'elles ont eu pour effet de soustraire deux biens à la masse devant servir à indemniser les créanciers ; qu'en définitive, les hypothèques prises sur les deux immeubles de M. N...Q et les ventes à la SCI Tiger de ces biens immobiliers sont inopposables au seul M. G... H... ès qualités ; ALORS QU'aux termes de l'article 3 § 1 du Règlement (CE) n° 1346/2000 du 29 mai 2000 relatif aux procédures d'insolvabilité, les juridictions de l'Etat membre sur le territoire duquel est situé le centre des intérêts principaux du débiteur sont compétentes pour ouvrir la procédure principale d'insolvabilité ; que la CJUE a dit pour droit que l'article 3 § 1 doit être interprété en ce sens que les juridictions de l'Etat membre sur le territoire duquel s'est ouverte la procédure d'insolvabilité sont compétentes pour connaître d'une action révocatoire fondée sur l'insolvabilité dirigée contre un défendeur ayant son domicile sur le territoire d'un autre Etat (CJUE, 16 janvier 2014, Schmid, aff. C-328/12 ; CJCE, 12 février 2009, Seagon, aff. C-339/07) ; qu'au cas d'espèce, dès lors qu'il était constant que la procédure principale d'insolvabilité avait été ouverte au Royaume-Uni, seules les juridictions du Royaume-Uni étaient compétentes pour statuer sur l'action en « inopposabilité » des prises d'hypothèques et des ventes immobilières dirigée par le mandataire des créanciers M. H... à l'encontre de M. N...Q, peu important que ce dernier fût domicilié en France ou que les biens concernés y fussent situés ; qu'en s'abstenant de relever d'office son incompétence, la cour d'appel a violé l'article 3 § 1 du Règlement (CE) n° 1346/2000 du 29 mai 2000, ensemble l'article 92 du code de procédure civile. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire) Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré recevable l'action de M. G... H..., ès qualités de liquidateur judiciaire de M. N...Q, d'AVOIR jugé que les hypothèques consenties par M. N...Q sur les biens situés à Paris et à [...], et les ventes de ces biens à la SCI Tiger, intervenues respectivement les 18 mars et 24 mars 2010, étaient inopposables à M. H... ès qualités, d'AVOIR infirmé le jugement entrepris par voie de retranchement en ce qu'il avait limité l'inopposabilité aux sommes restant dues aux créanciers et, statuant à nouveau, d'AVOIR dit que l'inopposabilité des deux hypothèques et des deux ventes à M. H... ès qualités n'était pas limitée aux sommes dues aux créanciers et d'AVOIR rejeté les demandes de M. N...Q ; AUX MOTIFS PROPRES QUE sur la preuve du droit anglais applicable, il appartient au juge de vérifier le sens et la portée de la loi étrangère ; que les règles permettant de trouver une issue au litige se trouvent dans la loi anglaise sur les faillites de 1986 (Insolvency Act 1986) à laquelle cette Cour a accès, sur laquelle les parties s'appuient et qui est dans les débats, cette loi étant visée dans les conclusions des consorts N...Q et de M. H..., ès qualités ; que sur la recevabilité de l'action de M. H..., ès qualités, selon l'article 4 du règlement CE n° 1346/2000 du 29 mai 2000, relatif aux procédures d'insolvabilité, la loi applicable à la procédure d'insolvabilité et à ses effets est celle de l'Etat membre sur le territoire duquel la procédure est ouverte, cette loi déterminant les conditions d'ouverture, le déroulement et la clôture de la procédure d'insolvabilité, notamment les pouvoirs respectifs du débiteur et du syndic ; que si, selon l'article 5.1 de ce règlement, l'ouverture de la procédure d'insolvabilité n'affecte pas le droit réel d'un créancier ou d'un tiers sur des biens meubles ou immeubles et qui se trouvent, au moment de l'ouverture de la procédure, sur le territoire d'un autre Etat membre, cependant, cette règle ne fait pas obstacle à celles prévues par l'article 4.m) du règlement, "relatives à la nullité, à l'annulation ou à l'inopposabilité des actes préjudiciables à l'ensemble des créanciers" ; que la faillite de personne physique (bankruptcy) ayant été ouverte à l'encontre de M. N...Q par jugement du Tribunal du Comté de Croydon (Royaume-Uni) du 10 mai 2011, le droit anglais de la faillite des personnes physiques est applicable en la cause au sens du règlement précité ; que le jugement du 10 mai 2011 mentionne à l'attention du failli (bankrupt) qu'un administrateur judiciaire (official receiver) inscrit auprès de la Cour est désigné pour administrer son patrimoine, que le failli a des obligations à son égard, ainsi qu'il est indiqué dans la section 291 de la loi sur la faillite de 1986 et qu'il doit, notamment, lui communiquer l'intégralité des actifs composant son patrimoine ; qu'il ressort d'un certificat du 1er juillet 2011 du secrétaire d'Etat de la Croydon County Court que M. H... a été nommé, à compter du 6 juillet 2011, syndic dans la procédure de faillite (trustee of the bankruptcy) de M. N...Q ; que le 26 octobre 2011, le secrétaire d'Etat de la Croydon County Court, agissant en vertu de la loi sur les faillites de 1986, a autorisé M. H..., en qualité de syndic de M. N...Q, à obtenir une décision devant les juridictions françaises qui dise pour droit que les hypothèques et ventes litigieuses étaient constitutives de ventes sans contrepartie réelle ou significative conformément à la section 339 de la loi sur les faillites de 1986 et qui permette la réintégration de ces biens dans le patrimoine du débiteur puis leur réalisation ; que le 13 avril 2012, Mme B... W..., en qualité d'administratrice judiciaire déléguée (deputy official receiver), considérant que M. N...Q n'avait pas fourni d'informations suffisantes sur l'existence d'actifs non révélés qui n'étaient pas localisés au Royaume-Uni, a requis de cette juridiction que, conformément à la section 279 de la loi sur l'insolvabilité de 1986, elle ordonnât la suspension du terme de la faillite aussi longtemps que le débiteur ne s'était pas conformé à ses obligations légales ; que, par décision du 3 juillet 2012, cette juridiction, estimant que M. N...Q avait manqué à ses obligations légales, a ordonné que le délai automatique de décharge de la procédure de faillite (bankrupt's automatic discharge period) serait suspendu aussi longtemps que le failli ne se conformerait pas à celle-ci ; qu'il résulte suffisamment du certificat précité du 1er juillet 2011, qui émane du secrétaire d'Etat de la Croydon County Court, que M. H... a la qualité de syndic de la faillite (trustee in bankruptcy) de M. N...Q ; qu'il ressort de l'analyse du statut juridique des syndics au Royaume-Uni du ministère de la justice français, versée aux débats par M. N...Q, que le syndic peut, sous réserve de l'approbation par le comité des créanciers ou le tribunal, lancer des poursuites judiciaires relatives à des biens inclus dans le patrimoine du failli ; que c'est en vertu d'une telle approbation, émanant de la Croydon County Court aux termes de l'autorisation du 26 octobre 2011, que M. H..., en qualité de syndic de M. N...Q, a introduit la présente instance par acte d'huissier de justice du 12 décembre 2011 ; que si, par décision du 19 novembre 2013, la Croydon County Court a levé la suspension de la dispense automatique et prononcé une décision de dispense de faillite (discharge from bankruptcy) au profit de M. N...Q, cependant, cette décision, qui a pour seul effet de libérer M. N...Q de ses dettes, n'a pas mis fin aux fonctions du trustee au sens de la section 281 de l'Insolvency Act de 1986, cet organe ayant pour mission, selon les sections 322 à 332 de cette loi, de désintéresser les créanciers de la faillite après réalisation des biens qui lui ont été transférés ; qu'il ressort de tous ces éléments que les opérations de faillite se poursuivent et que M. H... a qualité et intérêt à agir à l'encontre des consorts N...Q et de la SCI Tiger, sur le fondement de l'article 4 du règlement CE n° 1346/2000 du 29 mai 2000 et de la loi anglaise des faillites de 1986, cette procédure n'étant pas contraire à l'ordre public français ; que Mme N...Q et la société Tiger, qui tirent leurs droits, relativement aux hypothèques et ventes litigieuses, de M. N...Q, peuvent se voir opposer le droit anglais de la faillite de leur auteur, par application des articles 4 et 5 précités du règlement CE n° 1346/2000 du 29 mai 2000, dès lors que ces droits ont été constitués postérieurement à la décision de gel des avoirs de M. N...Q du 7 août 2008 et antérieurement à l'ouverture de la procédure collective le 10 mai 2011 ; que le 26 octobre 2011, la Croydon County Court, sur le fondement de la loi sur les faillites de 1986, a autorisé M. H..., en qualité de trustee, à obtenir une décision des juridictions françaises qui dise pour droit que les hypothèques du 22 août 2008 sur les biens de [...] et de Paris et les transferts du 18 mars 2010 de ces propriétés à la SCI Tiger étaient constitutifs de transactions sans contrepartie réelle ou significative, conformément aux dispositions de la section 339 de cette loi, et qui permette la réintégration de ces biens dans la patrimoine du débiteur puis leur réalisation ; que le guide sur les "Trustee and liquidators in bankruptcies and compulsory liquidations", versé aux débats par M. N...Q (pièce n° 32 de ce dernier), énumère, au nombre des fonctions du trustee, celle de demander à la juridiction d'annuler une vente d'un bien vendu à un prix inférieur et donc au détriment des créanciers [« a trustee or liquidator may apply to court for an order restoring property which a bankrupt or company has disposed of in a way that is unfair to their creditors (for example if, before bankruptcy, a property had been transferred to a relative of the bankrupt for less than its full value) »] ; que, dans ce cas, la loi sur les faillites de 1986 donne à la juridiction le pouvoir de prendre les mesures nécessaires pour rétablir la situation qui aurait prévalu si la transaction n'avait pas été conclue ; que le syndic agissant en inopposabilité sur le fondement de ces textes, les moyens de la BPI et de la société Tiger, fondés sur les règles de l'action paulienne et sur l'article 1167 du code civil français, sont inopérants, le droit anglais de la faillite pouvant leur être opposé, par application des articles 4 et 5 précités du règlement CE n° 1346/2000 du 29 mai 2000 ; qu'au cas d'espèce, les inscriptions d'hypothèques et les ventes litigieuses trouvent leur cause dans la reconnaissance de dette, suivant acte du 22 août 2008 reçu par M. V... I..., notaire associé, aux termes de laquelle de M. N...Q, débiteur, a reconnu devoir la somme de 500.000 € à Mme N...Q, prêteur, « pour divers prêts du montant total de cette somme que ce dernier a consentis au débiteur, à diverses époques, en dehors de la comptabilité du notaire soussigné. Etant ici précisé que cette reconnaissance de dette a été arrêtée directement entre le débiteur et le prêteur, sans le concours ni la participation du notaire soussigné » ; que, bien que cette reconnaissance de dette ait été reçue en la forme authentique, cependant, les divers prêts qui en seraient la cause n'ont pas été passés en présence du notaire, ceux-ci résultant des seules énonciations des parties, simplement rapportées par l'officier ministériel, de sorte que cette reconnaissance ne fait pas pleine foi de l'existence des prêts qu'elle renferme et qu'il appartient au juge d'en apprécier le caractère probant, ainsi que l'a fait, à bon droit, le tribunal ; que les consorts N...Q ne prouvent, par aucun adminicule extérieur à la reconnaissance, la réalité des prêts qui y sont évoqués ; que le tribunal, par des motifs pertinents que la cour adopte, après avoir relevé les circonstances ayant présidé à cette reconnaissance, en a exactement déduit que ni l'existence ni le montant de la créance de Mme N...Q sur son frère n'étaient établis par les consorts N...Q, de sorte que les hypothèques litigieuses étaient sans cause et que, la totalité du prix des immeubles n'ayant pas été payée, les ventes litigieuses étaient des transactions sans contrepartie réelle ou significative au sens de la loi anglaise précitée ; que la juridiction ayant le pouvoir de prendre les mesures nécessaires pour rétablir la situation qui aurait prévalu si la transaction n'avait pas été conclue, c'est à bon droit que le jugement entrepris, faisant application de cette prérogative, a dit les hypothèques et les ventes inopposables au syndic de la faillite ; que, toutefois, il n'entre pas dans les pouvoirs de cette juridiction, qui n'est pas chargée de liquider la procédure collective, de limiter, comme l'a fait le tribunal, les effets de l'inopposabilité aux sommes restant dues aux créanciers, de sorte que le jugement entrepris sera réformé par voie de retranchement concernant les effets de l'inopposabilité ; ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE sur la recevabilité de la demande de M. H... : que par jugement du 10 mai 2011, rendu sur sa demande du même jour, M. N...Q a été déclaré en faillite par le tribunal de grande instance de Croydon ; il est précisé dans la décision qu'un syndic est désigné aux tins d'administrer le patrimoine du failli, lequel a, à son égard, les obligations définies à l'article 291 de la loi sur les faillites de 1986, dont celle de lui communiquer l'intégralité des actifs composant son patrimoine et toute autre information de ce type, ainsi que de l'assister à tout moment, lorsque celui-ci lui en fait la demande ; que le 1er juillet 2011, le tribunal d'instance de Croydon a certifié que M. G... H..., de Grant Thornton UK LLP, avait été désigné comme syndic de la faillite de M. N...Q, avec effet au 6 juillet 2011 ; que si M. G... H... ne fait pas connaître le montant exact des sommes dont M. N...Q reste redevable, il n'est pas contesté que la Banque Patrimoine et Immobilier, qui a financé l'achat par M. N...Q des biens litigieux de Paris et de [...], reste créancière de celui-ci, n'ayant consenti qu'à une délégation imparfaite de débiteur, lorsque la SCI a repris les prêts en cours de M. N...Q ; que cette banque a produit sa créance, le 4 novembre 2011, à hauteur des sommes de 73.895,49 euros et 372.754,88 euros, qui restaient dues sur les deux prêts, dont la déchéance du terme a été prononcée ; qu'il s'ensuit que toutes les dettes de M. N...Q n'ayant manifestement pas été réglées, puisque subsiste au moins celle de la Banque Patrimoine et Immobilier, M, G... H... dispose manifestement d'un intérêt à agir ; qu'il n'est pas contesté que les règles anglaises gouvernent les effets de la mesure de faillite prononcée à l'encontre de M. N...Q ; qu'aux termes de l'Insolvency Act 1986 (s. 305), dont la version française par une traductrice assermentée est versée aux débats par le demandeur, la masse de la faillite est immédiatement transmise au syndic à compter de la prise d'effet de sa nomination ; que tout bien qui est ou doit être compris dans la masse de la faillite est transmis au syndic sans transmission, cession ou transfert ; qu'il en résulte que M. H... a bien qualité pour revendiquer des biens dont il considère qu'ils appartiennent à la masse de la faillite ; que pour le reste, il n'est pas établi par les défendeurs que M. H... aurait eu besoin d'autorisations dont il ne disposerait pas ; que sa demande doit, dès lors, être jugée recevable ; que sur la demande d'inopposabilité, ( ) l'ordonnance du 7 août 2008 portant gel des avoirs de M. N...Q par le juge Openshaw, à la demande de la société Wirecard Bank, modifiée le 14 août, si elle a été rendue non contradictoirement, a bien été signifiée le 10 août 2008 à M. N...Q, selon ce qu'il a lui-même déclaré sous serment dans un affidavit ; ( ) qu'il savait dès cette date [10 mars 2010] que la société Wirecard se prévalait d'un préjudice de deux millions de livres sterling, outre environ 1 million de livres sterling pour les frais de procédure ; que M. N...Q a accepté le montant réclamé par Wirecard et été ensuite condamné à supporter lesdits frais de procédure ; qu'il importe peu que M N...Q ait été ultérieurement disculpé par la juridiction pénale, dès lors qu'au moment des actes litigieux, il pouvait redouter, à juste raison, d'avoir à supporter des condamnations civiles, à raison des faits qui lui étaient reprochés ; que l'acte de reconnaissance de dette par M. N...Q au profit de sa soeur, sur lequel les actes subséquents vont s'appuyer, est du 22 août 2008 ; qu'il y est précisé que la reconnaissance de dette a été arrêtée directement entre le débiteur et le prêteur, sans le concours ni la participation du notaire ; que dans cet acte, le débiteur s'engage à rembourser la somme de 500.00 euros, "pour divers prêts du montant total de cette somme, que Mme N...Q a consentis au débiteur, à divers (sic) époques, en dehors de la comptabilité du notaire soussigné" ; qu'il ressort de ces énonciations que, le notaire n'ayant ni constaté les divers prêts allégués, ni négocié l'acte, la reconnaissance de dette peut être contestée, sans qu'il soit nécessaire de recourir à la procédure d'inscription de faux ; que force est de constater que cette reconnaissance de dette ne mentionne pas le détail des sommes qui auraient été prêtées, ni les dates de ces prêts, ni leurs causes ; que les consorts N...Q affirment que le syndic ne détient pas tous leurs comptes, bien que la procédure de faillite faisait obligation à M. N...Q de les lui communiquer ; qu'ils n'offrent cependant pas de prouver la réalité des mouvements financiers correspondant aux prêts invoqués comme étant à l'origine de la reconnaissance contestée de dettes ; que dans ces conditions, le tribunal retient que cette reconnaissance de dette ne repose sur aucun élément vérifiable et considère qu'elle ne peut pas être opposée au syndic de la faillite de M. N...Q ; qu'il en va de même de l'affectation hypothécaire contenue dans le même acte, qui n'est que la conséquence de la reconnaissance de dette et qui portait sur les deux seuls biens que M. N...Q possède en France ; que dès le 19 décembre 2008, une injonction de gel de ses avoirs est intervenue contre M. N...Q visant notamment expressément sa maison de [...] ; que le 10 mars 2010, le juge Tugenhat, puis, le 26 juillet 2010, le juge Seymour, ont constaté des créances sur M. N...Q ; que dans l'ordonnance du 10 mars 2010, il est expressément indiqué que les sociétés Wirecard Bank et Wirecard Technologies ont assigné au fond, le 13 août 2008, plusieurs défendeurs, dont M. N...Q ; que le 12 mars 2010, Mme N...Q, épouse N... X... , représentée par son mari, va céder à la SCI Tiger, représentée par ses soins, cette créance de 500.000 euros représentant le "montant du prêt" consenti à M. N...Q, qui y consent ; qu'elle subroge la SCI dans le bénéfice des hypothèques qui lui ont été consenties ; qu'il est prévu que la créance sera réglée par inscription en compte courant d'associés au nom du cédant, Mme N... X... ; que dès le 25 février 2010, la SCI Tiger a été constituée entre M. N...Q à raison de 10 % et sa soeur, T..., à hauteur de 90 % , le capital étant de 1 000 euros ; que le 18 mars 2010, la vente du [...] est intervenue au prix de 395.000 euros, dont le prix a été réglé, le jour de la vente, à hauteur de 35.000 euros à M N...Q, à hauteur de 285.891,83 euros par compensation partielle avec la créance détenue par Mme N...Q sur son frère, qu'elle a ensuite cédée, pour une raison qui n'a pas été précisée, à la SCI Tiger, par acte sous seing privé ; que le solde du prix de vente, soit 74.108,17 euros, a été réglé par délégation imparfaite à la SCI du prêt souscrit initialement par M. N...Q auprès de la Banque Patrimoine et Immobilier ; que le 24 mars 2010, la maison de [...] a été vendue par M. N...Q à la SCI Tiger ; que le 19 novembre 2010, une ordonnance portant gel des avoirs a été rendue à l'encontre de M. N...Q, modifiant les précédentes des 24 août, 7 août et 26 juillet, interdisant notamment la diminution de valeur de n'importe lequel de ses actifs, qu'ils soient en ou hors d'Angleterre et du Pays de Galles, la propriété de [...] étant expressément visée, ainsi que les participations dans la SCI Tiger, à propos desquelles des explications étaient demandées ; que le 13 avril 2012, l'administratrice judiciaire déléguée, B... W..., a fait rapport au tribunal de la faillite pour lui demander d'ordonner la suspension du terme de la procédure de cette faillite, en vertu de la section 279 de la loi sur l'insolvabilité de 1986, aussi longtemps qu'elle ne se sera pas assurée que la débiteur failli s'est bien conformé à ses obligations légales de la section 291 ; que Mme W... faisait valoir que, suite aux informations de Grant Thornton selon lesquelles il existerait des actifs non révélés par M. N...Q, ce dernier n'avait pas répondu de façon suffisante aux questions posées à ce sujet et n'avait pas répondu du tout à deux courriers électroniques le relançant ; qu'une ordonnance conforme à cette demande a été rendue le 3 juillet 2012 par le tribunal anglais, suspendant le délai automatique de décharge, aussi longtemps que le failli ne se conformerait pas à ses obligations visées dans le rapport de l'administratrice ; que dès lors que l'existence et le montant de la créance de Mme N...Q sur son frère ne sont pas objectivement établis, les deux actes d'hypothèque fondées sur cette créance ne reposent sur aucune cause, comme indiqué précédemment ; qu'il en va de même de la compensation de partie des prix de vente des biens immobiliers avec cette créance ; qu'une partie significative des prix de vente n'ayant pas été réglée pour les deux transactions, il s'en déduit que les immeubles dont s'agit ont nécessairement été vendus à des prix sous-évalués, au sens de la loi anglaise ; que ces manoeuvres ont manifestement préjudicié à M. H..., ès qualités, puisqu'elles ont eu pour effet de soustraire deux biens à la masse devant servir à indemniser les créanciers ; qu'en définitive, les hypothèques prises sur les deux immeubles de M. N...Q et les ventes à la SCI Tiger de ces biens immobiliers sont inopposables au seul M. G... H... ès qualités ; ALORS QU'en application combinée des articles 3, 4, 16, 17 et 25 du Règlement (CE) n° 1346/2000 du 29 mai 2000 relatif aux procédures d'insolvabilité, tels qu'interprétés par la CJUE (arrêt du 21 janvier 2010, MG Probud, aff. C-444/07), postérieurement à l'ouverture d'une procédure principale d'insolvabilité dans un État membre, les autorités compétentes d'un autre État membre, dans lequel aucune procédure secondaire d'insolvabilité n'a été ouverte, sont tenues, sous réserve des motifs de refus tirés des articles 25 § 3 et 26 de ce règlement, de reconnaître et d'exécuter toutes les décisions relatives à cette procédure principale d'insolvabilité et, partant, ne sont pas en droit d'ordonner des mesures portant sur les biens du débiteur déclaré insolvable situés sur le territoire dudit autre État membre, lorsque la législation de l'État d'ouverture ne le permet pas ; que par ailleurs, la CJUE a dit pour droit que l'article 4, § 2, j) du Règlement n° 1346/2000 doit être interprété en ce sens qu'il appartient au droit national de l'État membre dans lequel la procédure d'insolvabilité a été ouverte de déterminer à quel moment intervient la clôture de cette procédure (CJUE 22 novembre 2012, Bank Handlowy, aff. C-116/11) ; qu'au cas d'espèce, il était constant que la procédure d'insolvabilité dont M. N...Q faisait l'objet avait été ouverte au Royaume-Uni et était soumise au droit anglais ; que faute d'avoir recherché si la décision de la Croydon County Court en date du 19 novembre 2013, qui avait prononcé la « dispense de faillite » (discharge of bankruptcy) de M. N...Q – et qui produisait de plein droit ses effets en France –, à supposer même qu'elle n'ait pas mis fin à la mission du mandataire des créanciers, au regard du droit anglais, en tant qu'il devait désintéresser les créanciers après réalisation des biens du débiteur, n'impliquait pas néanmoins, au regard du droit étranger, que l'autorisation délivrée au mandataire des créanciers par le juge anglais d'introduire une procédure visant à obtenir l'inopposabilité d'actes relatifs aux immeubles du débiteur situés en France, laquelle ne relevait pas d'une opération de désintéressement des créanciers, ne se trouvait pas frappée de caducité comme incompatible avec la décision de « dispense de faillite », la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles 3, 4, 16, 17 et 25 du Règlement (CE) n° 1346/2000 du 29 mai 2000 relatif aux procédures d'insolvabilité. TROISIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire) Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR jugé que les hypothèques consenties par M. N...Q sur les biens situés à Paris et à [...], et les ventes de ces biens à la SCI Tiger, intervenues respectivement les 18 mars et 24 mars 2010, étaient inopposables à M. G... H... ès qualités, d'AVOIR infirmé le jugement entrepris par voie de retranchement en ce qu'il avait limité l'inopposabilité aux sommes restant dues aux créanciers et, statuant à nouveau, d'AVOIR dit que l'inopposabilité des deux hypothèques et des deux ventes à M. H... ès qualités n'était pas limitée aux sommes dues aux créanciers et d'AVOIR rejeté les demandes de M. N...Q ; AUX MOTIFS PROPRES QU'au cas d'espèce, les inscriptions d'hypothèques et les ventes litigieuses trouvent leur cause dans la reconnaissance de dette, suivant acte du 22 août 2008 reçu par M. V... I..., notaire associé, aux termes de laquelle de M. N...Q, débiteur, a reconnu devoir la somme de 500.000 € à Mme N...Q, prêteur, « pour divers prêts du montant total de cette somme que ce dernier a consentis au débiteur, à diverses époques, en dehors de la comptabilité du notaire soussigné. Etant ici précisé que cette reconnaissance de dette a été arrêtée directement entre le débiteur et le prêteur, sans le concours ni la participation du notaire soussigné » ; que, bien que cette reconnaissance de dette ait été reçue en la forme authentique, cependant, les divers prêts qui en seraient la cause n'ont pas été passés en présence du notaire, ceux-ci résultant des seules énonciations des parties, simplement rapportées par l'officier ministériel, de sorte que cette reconnaissance ne fait pas pleine foi de l'existence des prêts qu'elle renferme et qu'il appartient au juge d'en apprécier le caractère probant, ainsi que l'a fait, à bon droit, le tribunal ; que les consorts N...Q ne prouvent, par aucun adminicule extérieur à la reconnaissance, la réalité des prêts qui y sont évoqués ; que le tribunal, par des motifs pertinents que la cour adopte, après avoir relevé les circonstances ayant présidé à cette reconnaissance, en a exactement déduit que ni l'existence ni le montant de la créance de Mme N...Q sur son frère n'étaient établis par les consorts N...Q, de sorte que les hypothèques litigieuses étaient sans cause et que, la totalité du prix des immeubles n'ayant pas été payée, les ventes litigieuses étaient des transactions sans contrepartie réelle ou significative au sens de la loi anglaise précitée ; que la juridiction ayant le pouvoir de prendre les mesures nécessaires pour rétablir la situation qui aurait prévalu si la transaction n'avait pas été conclue, c'est à bon droit que le jugement entrepris, faisant application de cette prérogative, a dit les hypothèques et les ventes inopposables au syndic de la faillite ; que, toutefois, il n'entre pas dans les pouvoirs de cette juridiction, qui n'est pas chargée de liquider la procédure collective, de limiter, comme l'a fait le tribunal, les effets de l'inopposabilité aux sommes restant dues aux créanciers, de sorte que le jugement entrepris sera réformé par voie de retranchement concernant les effets de l'inopposabilité ; ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE l'acte de reconnaissance de dette par M. N...Q au profit de sa soeur, sur lequel les actes subséquents vont s'appuyer, est du 22 août 2008 ; qu'il y est précisé que la reconnaissance de dette a été arrêtée directement entre le débiteur et le prêteur, sans le concours ni la participation du notaire ; que dans cet acte, le débiteur s'engage à rembourser la somme de 500 .00 euros, "pour divers prêts du montant total de cette somme, que Mme N...Q a consentis au débiteur, à divers (sic) époques, en dehors de la comptabilité du notaire soussigné" ; qu'il ressort de ces énonciations que, le notaire n'ayant ni constaté les divers prêts allégués, ni négocié l'acte, la reconnaissance de dette peut être contestée, sans qu'il soit nécessaire de recourir à la procédure d'inscription de faux ; que force est de constater que cette reconnaissance de dette ne mentionne pas le détail des sommes qui auraient été prêtées, ni les dates de ces prêts, ni leurs causes ; que les consorts N...Q affirment que le syndic ne détient pas tous leurs comptes, bien que la procédure de faillite faisait obligation à M. N...Q de les lui communiquer ; qu'ils n'offrent cependant pas de prouver la réalité des mouvements financiers correspondant aux prêts invoqués comme étant à l'origine de la reconnaissance contestée de dettes ; que dans ces conditions, le tribunal retient que cette reconnaissance de dette ne repose sur aucun élément vérifiable et considère qu'elle ne peut pas être opposée au syndic de la faillite de M. N...Q ; qu'il en va de même de l'affectation hypothécaire contenue dans le même acte, qui n'est que la conséquence de la reconnaissance de dette et qui portait sur les deux seuls biens que M. N...Q possède en France ; que dès le 19 décembre 2008, une injonction de gel de ses avoirs est intervenue contre M. N...Q visant notamment expressément sa maison de [...] ; que le 10 mars 2010, le juge Tugenhat, puis, le 26 juillet 2010, le juge Seymour, ont constaté des créances sur M. N...Q ; que dans l'ordonnance du 10 mars 2010, il est expressément indiqué que les sociétés Wirecard Bank et Wirecard Technologies ont assigné au fond, le 13 août 2008, plusieurs défendeurs, dont M. N...Q ; que le 12 mars 2010, Mme N...Q, épouse N... X... , représentée par son mari, va céder à la SCI Tiger, représentée par ses soins, cette créance de 500.000 euros représentant le "montant du prêt" consenti à M. N...Q, qui y consent ; qu'elle subroge la SCI dans le bénéfice des hypothèques qui lui ont été consenties ; qu'il est prévu que la créance sera réglée par inscription en compte courant d'associés au nom du cédant, Mme N... X... ; que dès le 25 février 2010, la SCI Tiger a été constituée entre M. N...Q à raison de 10 % et sa soeur, T..., à hauteur de 90 % , le capital étant de 1 000 euros ; que le 18 mars 2010, la vente du [...] est intervenue au prix de 395.000 euros, dont le prix a été réglé, le jour de la vente, à hauteur de 35.000 euros à M N...Q, à hauteur de 285.891,83 euros par compensation partielle avec la créance détenue par Mme N...Q sur son frère, qu'elle a ensuite cédée, pour une raison qui n'a pas été précisée, à la SCI Tiger, par acte sous seing privé ; que le solde du prix de vente, soit 74.108,17 euros, a été réglé par délégation imparfaite à la SCI du prêt souscrit initialement par M. N...Q auprès de la Banque Patrimoine et Immobilier ; que le 24 mars 2010, la maison de [...] a été vendue par M. N...Q à la SCI Tiger ; que le 19 novembre 2010, une ordonnance portant gel des avoirs a été rendue à l'encontre de M. N...Q, modifiant les précédentes des 24 août, 7 août et 26 juillet, interdisant notamment la diminution de valeur de n'importe lequel de ses actifs, qu'ils soient en ou hors d'Angleterre et du Pays de Galles, la propriété de [...] étant expressément visée, ainsi que les participations dans la SCI Tiger, à propos desquelles des explications étaient demandées ; que le 13 avril 2012, l'administratrice judiciaire déléguée, B... W..., a fait rapport au tribunal de la faillite pour lui demander d'ordonner la suspension du terme de la procédure de cette faillite, en vertu de la section 279 de la loi sur l'insolvabilité de 1986, aussi longtemps qu'elle ne se sera pas assurée que la débiteur failli s'est bien conformé à ses obligations légales de la section 291 ; que Mme W... faisait valoir que, suite aux informations de Grant Thornton selon lesquelles il existerait des actifs non révélés par M. N...Q, ce dernier n'avait pas répondu de façon suffisante aux questions posées à ce sujet et n'avait pas répondu du tout à deux courriers électroniques le relançant ; qu'une ordonnance conforme à cette demande a été rendue le 3 juillet 2012 par le tribunal anglais, suspendant le délai automatique de décharge, aussi longtemps que le failli ne se conformerait pas à ses obligations visées dans le rapport de l'administratrice ; que dès lors que l'existence et le montant de la créance de Mme N...Q sur son frère ne sont pas objectivement établis, les deux actes d'hypothèque fondées sur cette créance ne reposent sur aucune cause, comme indiqué précédemment ; qu'il en va de même de la compensation de partie des prix de vente des biens immobiliers avec cette créance ; qu'une partie significative des prix de vente n'ayant pas été réglée pour les deux transactions, il s'en déduit que les immeubles dont s'agit ont nécessairement été vendus à des prix sous-évalués, au sens de la loi anglaise ; que ces manoeuvres ont manifestement préjudicié à M. H..., ès qualités, puisqu'elles ont eu pour effet de soustraire deux biens à la masse devant servir à indemniser les créanciers ; qu'en définitive, les hypothèques prises sur les deux immeubles de M. N...Q et les ventes à la SCI Tiger de ces biens immobiliers sont inopposables au seul M. G... H... ès qualités ; 1) ALORS QUE la convention n'est pas moins valable quoique la cause n'en soit pas exprimée, en sorte qu'il incombe à celui qui conteste l'existence ou la licéité de la cause de le prouver ; qu'au cas d'espèce, en jugeant qu'il incombait à M. N...Q et à Mme N...Q épouse N... X... de prouver la réalité des prêts d'argent servant de cause à la reconnaissance de dette du 22 août 2008, et donc aux prises d'hypothèques et aux ventes subséquentes, et qu'ils échouaient dans l'administration de cette preuve, les énonciations de l'acte authentique relatives à des prêts consentis hors la vue du notaire n'étant pas complétées par un « adminicule extérieur », quand la charge de la preuve de l'absence de cause de la reconnaissance de dette, dont l'on prétendait déduire l'absence de contrepartie réelle des constitutions d'hypothèque et des actes de vente, pesait sur le demandeur à l'action en inopposabilité, soit M. H... ès qualités, la cour d'appel a violé les articles 1132 et 1315 du code civil, ensemble l'article 4, § 2, m) du Règlement (CE) n° 1346/2000 du 29 mai 2000 ; 2) ALORS, en toute hypothèse, QUE M. N...Q soutenait dans ses conclusions d'appel que la preuve des prêts qui lui avaient été consentis par sa soeur résultait des relevés de ses comptes bancaires, produits aux débats par M. H... ès qualités (n° 20 du bordereau H...), qui mentionnaient des virements à son profit émanant de l'étranger pour plus de 450.000 €, dont M. H... ès qualités de contestait pas qu'ils provinssent de la soeur de M. N...Q (conclusions d'appel de M. N...Q du 3 mars 2016, p. 27) ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur ces virements, avant de conclure que la preuve des prêts causant la reconnaissance de dette du 22 août 2008 n'était pas rapportée, la cour d'appel n'a, en tout état de cause, pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1132 et 1315 du code civil, ensemble l'article 4, § 2, m) du Règlement (CE) n° 1346/2000 du 29 mai 2000. QUATRIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire) Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR jugé que les hypothèques consenties par M. N...Q sur les biens situés à Paris et à [...], et les ventes de ces biens à la SCI Tiger, intervenues respectivement les 18 mars et 24 mars 2010, étaient inopposables à M. G... H... ès qualités, d'AVOIR infirmé le jugement entrepris par voie de retranchement en ce qu'il avait limité l'inopposabilité aux sommes restant dues aux créanciers et, statuant à nouveau, d'AVOIR dit que l'inopposabilité des deux hypothèques et des deux ventes à M. H... ès qualités n'était pas limitée aux sommes dues aux créanciers et d'AVOIR rejeté les demandes de M. N...Q ; AUX MOTIFS PROPRES QUE sur la preuve du droit anglais applicable, il appartient au juge de vérifier le sens et la portée de la loi étrangère ; que les règles permettant de trouver une issue au litige se trouvent dans la loi anglaise sur les faillites de 1986 (Insolvency Act 1986) à laquelle cette Cour a accès, sur laquelle les parties s'appuient et qui est dans les débats, cette loi étant visée dans les conclusions des consorts N...Q et de M. H..., ès qualités ; que sur la recevabilité de l'action de M. H..., ès qualités, selon l'article 4 du règlement CE n° 1346/2000 du 29 mai 2000, relatif aux procédures d'insolvabilité, la loi applicable à la procédure d'insolvabilité et à ses effets est celle de l'Etat membre sur le territoire duquel la procédure est ouverte, cette loi déterminant les conditions d'ouverture, le déroulement et la clôture de la procédure d'insolvabilité, notamment les pouvoirs respectifs du débiteur et du syndic ; que si, selon l'article 5.1 de ce règlement, l'ouverture de la procédure d'insolvabilité n'affecte pas le droit réel d'un créancier ou d'un tiers sur des biens meubles ou immeubles et qui se trouvent, au moment de l'ouverture de la procédure, sur le territoire d'un autre Etat membre, cependant, cette règle ne fait pas obstacle à celles prévues par l'article 4.m) du règlement, "relatives à la nullité, à l'annulation ou à l'inopposabilité des actes préjudiciables à l'ensemble des créanciers" ; que la faillite de personne physique (bankruptcy) ayant été ouverte à l'encontre de M. N...Q par jugement du Tribunal du Comté de Croydon (Royaume-Uni) du 10 mai 2011, le droit anglais de la faillite des personnes physiques est applicable en la cause au sens du règlement précité ; que le jugement du 10 mai 2011 mentionne à l'attention du failli (bankrupt) qu'un administrateur judiciaire (official receiver) inscrit auprès de la Cour est désigné pour administrer son patrimoine, que le failli a des obligations à son égard, ainsi qu'il est indiqué dans la section 291 de la loi sur la faillite de 1986 et qu'il doit, notamment, lui communiquer l'intégralité des actifs composant son patrimoine ; qu'il ressort d'un certificat du 1er juillet 2011 du secrétaire d'Etat de la Croydon County Court que M. H... a été nommé, à compter du 6 juillet 2011, syndic dans la procédure de faillite (trustee of the bankruptcy) de M. N...Q ; que le 26 octobre 2011, le secrétaire d'Etat de la Croydon County Court, agissant en vertu de la loi sur les faillites de 1986, a autorisé M. H..., en qualité de syndic de M. N...Q, à obtenir une décision devant les juridictions françaises qui dise pour droit que les hypothèques et ventes litigieuses étaient constitutives de ventes sans contrepartie réelle ou significative conformément à la section 339 de la loi sur les faillites de 1986 et qui permette la réintégration de ces biens dans le patrimoine du débiteur puis leur réalisation ; que le 13 avril 2012, Mme B... W..., en qualité d'administratrice judiciaire déléguée (deputy official receiver), considérant que M. N...Q n'avait pas fourni d'informations suffisantes sur l'existence d'actifs non révélés qui n'étaient pas localisés au Royaume-Uni, a requis de cette juridiction que, conformément à la section 279 de la loi sur l'insolvabilité de 1986, elle ordonnât la suspension du terme de la faillite aussi longtemps que le débiteur ne s'était pas conformé à ses obligations légales ; que, par décision du 3 juillet 2012, cette juridiction, estimant que M. N...Q avait manqué à ses obligations légales, a ordonné que le délai automatique de décharge de la procédure de faillite (bankrupt's automatic discharge period) serait suspendu aussi longtemps que le failli ne se conformerait pas à celle-ci ; qu'il résulte suffisamment du certificat précité du 1er juillet 2011, qui émane du secrétaire d'Etat de la Croydon County Court, que M. H... a la qualité de syndic de la faillite (trustee in bankruptcy) de M. N...Q ; qu'il ressort de l'analyse du statut juridique des syndics au Royaume-Uni du ministère de la justice français, versée aux débats par M. N...Q, que le syndic peut, sous réserve de l'approbation par le comité des créanciers ou le tribunal, lancer des poursuites judiciaires relatives à des biens inclus dans le patrimoine du failli ; que c'est en vertu d'une telle approbation, émanant de la Croydon County Court aux termes de l'autorisation du 26 octobre 2011, que M. H..., en qualité de syndic de M. N...Q, a introduit la présente instance par acte d'huissier de justice du 12 décembre 2011 ; que si, par décision du 19 novembre 2013, la Croydon County Court a levé la suspension de la dispense automatique et prononcé une décision de dispense de faillite (discharge from bankruptcy) au profit de M. N...Q, cependant, cette décision, qui a pour seul effet de libérer M. N...Q de ses dettes, n'a pas mis fin aux fonctions du trustee au sens de la section 281 de l'Insolvency Act de 1986, cet organe ayant pour mission, selon les sections 322 à 332 de cette loi, de désintéresser les créanciers de la faillite après réalisation des biens qui lui ont été transférés ; qu'il ressort de tous ces éléments que les opérations de faillite se poursuivent et que M. H... a qualité et intérêt à agir à l'encontre des consorts N...Q et de la SCI Tiger, sur le fondement de l'article 4 du règlement CE n° 1346/2000 du 29 mai 2000 et de la loi anglaise des faillites de 1986, cette procédure n'étant pas contraire à l'ordre public français ; que Mme N...Q et la société Tiger, qui tirent leurs droits, relativement aux hypothèques et ventes litigieuses, de M. N...Q, peuvent se voir opposer le droit anglais de la faillite de leur auteur, par application des articles 4 et 5 précités du règlement CE n° 1346/2000 du 29 mai 2000, dès lors que ces droits ont été constitués postérieurement à la décision de gel des avoirs de M. N...Q du 7 août 2008 et antérieurement à l'ouverture de la procédure collective le 10 mai 2011 ; que le 26 octobre 2011, la Croydon County Court, sur le fondement de la loi sur les faillites de 1986, a autorisé M. H..., en qualité de trustee, à obtenir une décision des juridictions françaises qui dise pour droit que les hypothèques du 22 août 2008 sur les biens de [...] et de Paris et les transferts du 18 mars 2010 de ces propriétés à la SCI Tiger étaient constitutifs de transactions sans contrepartie réelle ou significative, conformément aux dispositions de la section 339 de cette loi, et qui permette la réintégration de ces biens dans la patrimoine du débiteur puis leur réalisation ; que le guide sur les "Trustee and liquidators in bankruptcies and compulsory liquidations", versé aux débats par M. N...Q (pièce n° 32 de ce dernier), énumère, au nombre des fonctions du trustee, celle de demander à la juridiction d'annuler une vente d'un bien vendu à un prix inférieur et donc au détriment des créanciers [« a trustee or liquidator may apply to court for an order restoring property which a bankrupt or company has disposed of in a way that is unfair to their creditors (for example if, before bankruptcy, a property had been transferred to a relative of the bankrupt for less than its full value) »] ; que, dans ce cas, la loi sur les faillites de 1986 donne à la juridiction le pouvoir de prendre les mesures nécessaires pour rétablir la situation qui aurait prévalu si la transaction n'avait pas été conclue ; que le syndic agissant en inopposabilité sur le fondement de ces textes, les moyens de la BPI et de la société Tiger, fondés sur les règles de l'action paulienne et sur l'article 1167 du code civil français, sont inopérants, le droit anglais de la faillite pouvant leur être opposé, par application des articles 4 et 5 précités du règlement CE n° 1346/2000 du 29 mai 2000 ; qu'au cas d'espèce, les inscriptions d'hypothèques et les ventes litigieuses trouvent leur cause dans la reconnaissance de dette, suivant acte du 22 août 2008 reçu par M. V... I..., notaire associé, aux termes de laquelle de M. N...Q, débiteur, a reconnu devoir la somme de 500.000 € à Mme N...Q, prêteur, « pour divers prêts du montant total de cette somme que ce dernier a consentis au débiteur, à diverses époques, en dehors de la comptabilité du notaire soussigné. Etant ici précisé que cette reconnaissance de dette a été arrêtée directement entre le débiteur et le prêteur, sans le concours ni la participation du notaire soussigné » ; que, bien que cette reconnaissance de dette ait été reçue en la forme authentique, cependant, les divers prêts qui en seraient la cause n'ont pas été passés en présence du notaire, ceux-ci résultant des seules énonciations des parties, simplement rapportées par l'officier ministériel, de sorte que cette reconnaissance ne fait pas pleine foi de l'existence des prêts qu'elle renferme et qu'il appartient au juge d'en apprécier le caractère probant, ainsi que l'a fait, à bon droit, le tribunal ; que les consorts N...Q ne prouvent, par aucun adminicule extérieur à la reconnaissance, la réalité des prêts qui y sont évoqués ; que le tribunal, par des motifs pertinents que la cour adopte, après avoir relevé les circonstances ayant présidé à cette reconnaissance, en a exactement déduit que ni l'existence ni le montant de la créance de Mme N...Q sur son frère n'étaient établis par les consorts N...Q, de sorte que les hypothèques litigieuses étaient sans cause et que, la totalité du prix des immeubles n'ayant pas été payée, les ventes litigieuses étaient des transactions sans contrepartie réelle ou significative au sens de la loi anglaise précitée ; que la juridiction ayant le pouvoir de prendre les mesures nécessaires pour rétablir la situation qui aurait prévalu si la transaction n'avait pas été conclue, c'est à bon droit que le jugement entrepris, faisant application de cette prérogative, a dit les hypothèques et les ventes inopposables au syndic de la faillite ; que, toutefois, il n'entre pas dans les pouvoirs de cette juridiction, qui n'est pas chargée de liquider la procédure collective, de limiter, comme l'a fait le tribunal, les effets de l'inopposabilité aux sommes restant dues aux créanciers, de sorte que le jugement entrepris sera réformé par voie de retranchement concernant les effets de l'inopposabilité ; ET AUX MOTIFS ADOPTES QU' il n'est pas contesté que les règles anglaises gouvernent les effets de la mesure de faillite prononcée à l'encontre de M. N...Q ; qu'aux termes de l'Insolvency Act 1986 (s. 305), dont la version française par une traductrice assermentée est versée aux débats par le demandeur, la masse de la faillite est immédiatement transmise au syndic à compter de la prise d'effet de sa nomination ; que tout bien qui est ou doit être compris dans la masse de la faillite est transmis au syndic sans transmission, cession ou transfert ; qu'il en résulte que M. H... a bien qualité pour revendiquer des biens dont il considère qu'ils appartiennent à la masse de la faillite ; que pour le reste, il n'est pas établi par les défendeurs que M. H... aurait eu besoin d'autorisations dont il ne disposerait pas ; que sa demande doit, dès lors, être jugée recevable ; que sur la demande d'inopposabilité, ( ) l'ordonnance du 7 août 2008 portant gel des avoirs de M. N...Q par le juge Openshaw, à la demande de la société Wirecard Bank, modifiée le 14 août, si elle a été rendue non contradictoirement, a bien été signifiée le 10 août 2008 à M. N...Q, selon ce qu'il a lui-même déclaré sous serment dans un affidavit ; ( ) qu'il savait dès cette date [10 mars 2010] que la société Wirecard se prévalait d'un préjudice de deux millions de livres sterling, outre environ 1 million de livres sterling pour les frais de procédure ; que M. N...Q a accepté le montant réclamé par Wirecard et été ensuite condamné à supporter lesdits frais de procédure ; qu'il importe peu que M N...Q ait été ultérieurement disculpé par la juridiction pénale, dès lors qu'au moment des actes litigieux, il pouvait redouter, à juste raison, d'avoir à supporter des condamnations civiles, à raison des faits qui lui étaient reprochés ; que l'acte de reconnaissance de dette par M. N...Q au profit de sa soeur, sur lequel les actes subséquents vont s'appuyer, est du 22 août 2008 ; qu'il y est précisé que la reconnaissance de dette a été arrêtée directement entre le débiteur et le prêteur, sans le concours ni la participation du notaire ; que dans cet acte, le débiteur s'engage à rembourser la somme de 500.000 euros, "pour divers prêts du montant total de cette somme, que Mme N...Q a consentis au débiteur, à divers (sic) époques, en dehors de la comptabilité du notaire soussigné" ; qu'il ressort de ces énonciations que, le notaire n'ayant ni constaté les divers prêts allégués, ni négocié l'acte, la reconnaissance de dette peut être contestée, sans qu'il soit nécessaire de recourir à la procédure d'inscription de faux ; que force est de constater que cette reconnaissance de dette ne mentionne pas le détail des sommes qui auraient été prêtées, ni les dates de ces prêts, ni leurs causes ; que les consorts N...Q affirment que le syndic ne détient pas tous leurs comptes, bien que la procédure de faillite faisait obligation à M. N...Q de les lui communiquer ; qu'ils n'offrent cependant pas de prouver la réalité des mouvements financiers correspondant aux prêts invoqués comme étant à l'origine de la reconnaissance contestée de dettes ; que dans ces conditions, le tribunal retient que cette reconnaissance de dette ne repose sur aucun élément vérifiable et considère qu'elle ne peut pas être opposée au syndic de la faillite de M. N...Q ; qu'il en va de même de l'affectation hypothécaire contenue dans le même acte, qui n'est que la conséquence de la reconnaissance de dette et qui portait sur les deux seuls biens que M. N...Q possède en France ; que dès le 19 décembre 2008, une injonction de gel de ses avoirs est intervenue contre M. N...Q visant notamment expressément sa maison de [...] ; que le 10 mars 2010, le juge Tugenhat, puis, le 26 juillet 2010, le juge Seymour, ont constaté des créances sur M. N...Q ; que dans l'ordonnance du 10 mars 2010, il est expressément indiqué que les sociétés Wirecard Bank et Wirecard Technologies ont assigné au fond, le 13 août 2008, plusieurs défendeurs, dont M. N...Q ; que le 12 mars 2010, Mme N...Q, épouse N... X... , représentée par son mari, va céder à la SCI Tiger, représentée par ses soins, cette créance de 500.000 euros représentant le "montant du prêt" consenti à M. N...Q, qui y consent ; qu'elle subroge la SCI dans le bénéfice des hypothèques qui lui ont été consenties ; qu'il est prévu que la créance sera réglée par inscription en compte courant d'associés au nom du cédant, Mme N... X... ; que dès le 25 février 2010, la SCI Tiger a été constituée entre M. N...Q à raison de 10 % et sa soeur, T..., à hauteur de 90 % , le capital étant de 1.000 euros ; que le 18 mars 2010, la vente du [...] est intervenue au prix de 395.000 euros, dont le prix a été réglé, le jour de la vente, à hauteur de 35.000 euros à M N...Q, à hauteur de 285.891,83 euros par compensation partielle avec la créance détenue par Mme N...Q sur son frère, qu'elle a ensuite cédée, pour une raison qui n'a pas été précisée, à la SCI Tiger, par acte sous seing privé ; que le solde du prix de vente, soit 74.108,17 euros, a été réglé par délégation imparfaite à la SCI du prêt souscrit initialement par M. N...Q auprès de la Banque Patrimoine et Immobilier ; que le 24 mars 2010, la maison de [...] a été vendue par M. N...Q à la SCI Tiger ; que le 19 novembre 2010, une ordonnance portant gel des avoirs a été rendue à l'encontre de M. N...Q, modifiant les précédentes des 24 août, 7 août et 26 juillet, interdisant notamment la diminution de valeur de n'importe lequel de ses actifs, qu'ils soient en ou hors d'Angleterre et du Pays de Galles, la propriété de [...] étant expressément visée, ainsi que les participations dans la SCI Tiger, à propos desquelles des explications étaient demandées ; que le 13 avril 2012, l'administratrice judiciaire déléguée, B... W..., a fait rapport au tribunal de la faillite pour lui demander d'ordonner la suspension du terme de la procédure de cette faillite, en vertu de la section 279 de la loi sur l'insolvabilité de 1986, aussi longtemps qu'elle ne se sera pas assurée que la débiteur failli s'est bien conformé à ses obligations légales de la section 291 ; que Mme W... faisait valoir que, suite aux informations de Grant Thornton selon lesquelles il existerait des actifs non révélés par M. N...Q, ce dernier n'avait pas répondu de façon suffisante aux questions posées à ce sujet et n'avait pas répondu du tout à deux courriers électroniques le relançant ; qu'une ordonnance conforme à cette demande a été rendue le 3 juillet 2012 par le tribunal anglais, suspendant le délai automatique de décharge, aussi longtemps que le failli ne se conformerait pas à ses obligations visées dans le rapport de l'administratrice ; que dès lors que l'existence et le montant de la créance de Mme N...Q sur son frère ne sont pas objectivement établis, les deux actes d'hypothèque fondées sur cette créance ne reposent sur aucune cause, comme indiqué précédemment ; qu'il en va de même de la compensation de partie des prix de vente des biens immobiliers avec cette créance ; qu'une partie significative des prix de vente n'ayant pas été réglée pour les deux transactions, il s'en déduit que les immeubles dont s'agit ont nécessairement été vendus à des prix sous-évalués, au sens de la loi anglaise ; que ces manoeuvres ont manifestement préjudicié à M. H..., ès qualités, puisqu'elles ont eu pour effet de soustraire deux biens à la masse devant servir à indemniser les créanciers ; qu'en définitive, les hypothèques prises sur les deux immeubles de M. N...Q et les ventes à la SCI Tiger de ces biens immobiliers sont inopposables au seul M. G... H... ès qualités ; 1) ALORS QU'en application de l'article 4.1 du Règlement (CE) n° 1346/2000 du 29 mai 2000, la loi de l'Etat d'ouverture de la procédure est applicable à la procédure d'insolvabilité et à ses effets ; que cette loi fixe notamment, en vertu de l'article 4.2, m) du Règlement, les règles relatives à la nullité, à l'annulation ou à l'inopposabilité des actes préjudiciables à l'ensemble des créanciers ; qu'au cas d'espèce, étant constant que la loi matérielle applicable aux demandes de M. H..., ès qualités, était la loi anglaise, la procédure d'insolvabilité ayant été ouverte en Angleterre, les juges du fond devaient faire application de celle-ci comme l'aurait fait le juge anglais saisi aux mêmes fins ; que M. N...Q soutenait que la loi anglaise sur la faillite de 1986 (Insolvency Act 1986), en particulier ses sections 339, 340, 341, 342 et 423, supposait, pour que le juge puisse ordonner une mesure de réparation du préjudice causé aux créanciers par un acte du débiteur, qu'il soit établi que la valeur des biens réalisés et les sommes d'ores et déjà recouvrées soient inférieures aux sommes restant dues aux créanciers, ce qui n'était pas le cas, puisque le montant des actifs déjà réalisés était supérieur aux dettes et que M. H..., ès qualités, ne démontrait pas le contraire (conclusions d'appel de M. N...Q en date du 3 mars 2016, p. 31-32 et p. 15) ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur ce point, avant d'accueillir les demandes du mandataires des créanciers, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 4 du Règlement (CE) n° 1346/2000 du 29 mai 2000, ensemble l'article 3 du code civil ; 2) ALORS, subsidiairement, QU'en application de l'article 4.1 du Règlement (CE) n° 1346/2000 du 29 mai 2000, la loi de l'Etat d'ouverture de la procédure est applicable à la procédure d'insolvabilité et à ses effets ; que cette loi fixe notamment, en vertu de l'article 4.2, m) du Règlement, les règles relatives à la nullité, à l'annulation ou à l'inopposabilité des actes préjudiciables à l'ensemble des créanciers ; qu'au cas d'espèce, étant constant que la loi matérielle applicable aux demandes de M. H..., ès qualités, était la loi anglaise, la procédure d'insolvabilité ayant été ouverte en Angleterre, les juges du fond devaient faire application de celle-ci comme l'aurait fait le juge anglais saisi aux mêmes fins ; que dans ses conclusions d'appel, M. N...Q faisait valoir, certificat de coutume à l'appui, que selon la loi anglaise sur la faillite de 1986 (Insolvency Act 1986), en particulier ses sections 339, 340, 341, 342 et 423, le juge dispose d'un pouvoir d'appréciation en matière d'actes accomplis par le débiteur qui porteraient préjudice à ses créanciers, dès lors qu'il est libre de rendre ou non une décision, que la sanction est facultative et que le juge peut choisir les mesures de nature à remédier à la situation préjudiciable ; que M. N...Q demandait, en conséquence, à la cour d'user de ce pouvoir d'appréciation, d'une part, en prenant en compte le comportement raisonnable et de bonne foi qu'il avait adopté dans le cadre de l'exécution des ordonnances de gel de ses avoirs rendues par le juge anglais, sachant que seuls ses biens situés en Angleterre avaient été visés, d'autre part, en gardant à l'esprit la circonstance que l' « inopposabilité paulienne » du droit français était une sanction inconnue du droit anglais (conclusions d'appel de M. N...Q en date du 3 mars 2016, p. 29-32) ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur la mise en oeuvre du pouvoir d'appréciation que lui conférait ainsi le droit anglais, applicable en vertu du Règlement, pour accueillir sans restriction les demandes d'inopposabilité du mandataire des créanciers, la cour d'appel a de nouveau privé sa décision de base légale au regard de l'article 4 du Règlement (CE) n° 1346/2000 du 29 mai 2000, ensemble l'article 3 du code civil. CINQUIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire) Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement entrepris par voie de retranchement en ce qu'il avait limité l'inopposabilité aux sommes restant dues aux créanciers et, statuant à nouveau et d'AVOIR dit que l'inopposabilité des deux hypothèques et des deux ventes à M. H... ès qualités n'était pas limitée aux sommes dues aux créanciers ; AUX MOTIFS QUE la juridiction ayant le pouvoir de prendre les mesures nécessaires pour rétablir la situation qui aurait prévalu si la transaction n'avait pas été conclue, c'est à bon droit que le jugement entrepris, faisant application de cette prérogative, a dit les hypothèques et les ventes inopposables au syndic de la faillite ; que, toutefois, il n'entre pas dans les pouvoirs de cette juridiction, qui n'est pas chargée de liquider la procédure collective, de limiter, comme l'a fait le tribunal, les effets de l'inopposabilité aux sommes restant dues aux créanciers, de sorte que le jugement entrepris sera réformé par voie de retranchement concernant les effets de l'inopposabilité ; ALORS QUE la loi applicable à la procédure d'insolvabilité et à ses effets est celle de l'Etat membre sur le territoire duquel la procédure est ouverte ; que le juge d'un Etat autre que celui d'ouverture doit donc appliquer les règles matérielles de l'Etat d'ouverture de la même manière que l'aurait fait le juge de cet Etat, sans pouvoir refuser de trancher une question litigieuse soumise à ce droit au motif qu'il n'est pas le juge de la procédure principale d'insolvabilité ; qu'au cas d'espèce, dès lors qu'elle jugeait la loi anglaise applicable à la procédure d'insolvabilité, la cour d'appel était tenue de rechercher et faire application de toutes les dispositions pertinentes de celle-ci, en ce compris les règles relatives à un éventuel cantonnement aux sommes restant dues aux créanciers de l'inopposabilité des actes faits par le débiteur et critiqués par le syndic, peu important qu'elle ne fût pas la juridiction chargée de la procédure collective ; qu'en jugeant qu'un tel cantonnement, en application de la loi étrangère régissant la procédure d'insolvabilité, n'entrait pas dans ses pouvoirs, la cour d'appel, qui a commis un excès de pouvoir négatif, a violé l'article 4 du Règlement (CE) n° 1346/2000 du 29 mai 2000 relatif aux procédures d'insolvabilité, ensemble les articles 3 et 4 du code civil Moyens produits au pourvoi incident par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour M. H..., ès qualités PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait rejeté la demande tendant à écarter des débats les pièces n° 6, 19, 28, 30 et 36 de M. H... ès qualités et d'avoir écarté des débats les pièces de M. H... ès qualités n° 6 (résumé, par M. E... K..., sollicitor, appartenant au cabinet Osborne Clarke, de la décision de la Hight Court du 28 mai 2010), 30 (consultation du 24 août 2012 du cabinet Osborne Clarke sur les « procès en deux temps ou Split Trials »), 39 (premier affidavit de M. J... D...), 63 (second affidavit de M. J... D...) et 64 (attestation de M. A... M..., barrister) et d'AVOIR rejeté les demandes de M. H..., ès qualités tendant à ce que le syndic soit déclaré propriétaire des biens immobiliers litigieux et que l'expulsion de M. N...Q soit ordonnée ; AUX MOTIFS QUE : « sur la recevabilité des pièces de M. H... ès qualités, numéros : - 6 (résumé, par M. E... K..., sollicitor, appartenant au cabinet Osborne Clarke, de la décision de la Hight Court du 28 mai 2010), - 30 (consultation du 24 août 2012 du cabinet Osborne Clarke sur les « procès en deux temps ou Split Trials »), - 39 (premier affidavit de M. J... D...), - 63 (second affidavit de M. J... D...), - 64 (attestation de M. A... M..., barrister), recevabilité qui est contestée par les appelants, ( ) en tant que ces pièces ont été communiquées par cet intimé avant la clôture, elles sont recevables, des pièces nouvelles pouvant, de surcroît, être produites en cause d'appel ; ( ) toutefois, les appelants soutiennent que ces pièces seraient incomplètes et rédigées par « une partie intéressée à la cause », s'agissant, notamment, des affidavits fournis par M. J... P... D..., sollicitor ayant appartenu au cabinet Osborne Clarke, relatifs au contenu du droit anglais applicable ; ( ) il est constant que le cabinet de sollicitors Osborne Clarke a représenté en justice la société Wirecard, créancière de M. N...Q ; ( ) dans ses deux attestations, M. D... ne se borne pas à expliquer le contenu du droit anglais, mais l'applique à la cause dans un sens favorable à la thèse soutenue par M. H..., ès qualités ; ( ) l'attestation de M. M... qui confirme que les déclarations de M. D... sur le contenu du droit anglais sont exactes est insuffisante à établir l'objectivité de l'avis donné ; ( ) les pièces précitées, qui ne comportent pas de garanties suffisantes pour emporter la conviction de la cour, doivent être écartées des débats, le jugement entrepris étant infirmé en ce qu'il a rejeté la demande en ce sens » ; ALORS 1°) QUE le juge qui déclare applicable un droit étranger doit en rechercher la teneur, y compris avec le concours des parties, et apprécier souverainement la valeur probante d'un certificat de coutume ; qu'en retenant que le cabinet Osborne Clarke aurait représenté la société Wirecard, créancière de M. N...Q, pour écarter des débats la consultation de ce cabinet ainsi que des affidavits de MM. K... et D... et se dispenser d'en apprécier la valeur probante, la cour d'appel a violé l'ancien article 1315 et l'article 3 du code civil ; ALORS 2°) QUE le juge qui déclare applicable un droit étranger doit en rechercher la teneur, y compris avec le concours des parties, et apprécier souverainement la valeur probante d'un certificat de coutume ; qu'en retenant, pour écarter des débats les affidavits de M. D..., que celui-ci ne se borne pas à expliquer le contenu du droit anglais, mais l'applique à la cause dans un sens favorable à la thèse soutenue par M. H..., ès qualités, la cour d'appel s'est prononcée par un motif inopérant, privant sa décision de base légale au regard de l'ancien article 1315 et de l'article 3 du code civil ; ALORS 3°) QUE le juge qui déclare applicable un droit étranger doit en rechercher la teneur, y compris avec le concours des parties, et apprécier souverainement la valeur probante d'un certificat de coutume qu'en retenant, pour écarter des débats l'attestation de M. M... et se dispenser d'apprécier la valeur probante de cette attestation, que M. M... aurait confirmé les déclarations de M. D..., la cour d'appel s'est prononcée par un motif inopérant, privant sa décision de base légale au regard de l'ancien article 1315 et de l'article 3 du code civil. SECOND MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR rejeté les demandes de M. H... ès qualités de syndic de la faillite de M. O... N...Q tendant à ce que le syndic soit déclaré propriétaire des biens immobiliers litigieux et que l'expulsion de M. N...Q soit ordonnée ; AUX MOTIFS QUE : « concernant les demandes du syndic tendant à ce que cette cour le déclare propriétaire des biens immobiliers et ordonne l'expulsion de M. N...Q, d'une part le syndic a seulement été autorisé le 26 octobre 2011 à obtenir une décision devant les juridictions françaises qui dise pour droit que les hypothèques et ventes litigieuses étaient constitutives de ventes sans contrepartie réelle ou significative conformément à la section 339 de la loi sur la faillite de 1986, une telle décision permettant la réintégration des biens dans le patrimoine du débiteur puis leur réalisation, d'autre part, il vient d'être dit que la juridiction saisie par le syndic a seulement le pouvoir de prendre les mesures nécessaires pour rétablir la situation qui aurait prévalu si la transaction n'avait pas été conclue ; ainsi, ni le syndic ni la cour ne sont investis du pouvoir de dire le syndic propriétaire des biens litigieux ni d'ordonner l'expulsion de M. N...Q, en conséquence ses demandes seront rejetées » ; ALORS QUE les décisions d'ouverture d'une procédure d'insolvabilité comme les décisions prises au cours de cette procédure et/ou en dérivant, ainsi que les pouvoirs du syndic régulièrement désigné dans l'Etat d'ouverture de la procédure sont reconnus de plein droit avec toutes les conséquences qu'ils impliquent selon le droit de l'Etat d'ouverture ; qu'en considérant qu'elle n'aurait pas été investie du pouvoir de dire le syndic propriétaire des biens litigieux ni d'ordonner l'expulsion de M. N...Q après avoir constaté que M. H... avait été autorisé à agir en France pour obtenir réintégration des biens litigieux dans le patrimoine du débiteur afin qu'il puisse les réaliser, conformément au droit anglais reconnu compétent et selon lequel les biens du débiteur failli sont transférés au syndic ou liquidateur à compter de sa désignation, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatation et a violé les articles 3, 4, 18 et 25 du règlement n° 1346/2000 du 29 mai 2000 relatifs aux procédures d'insolvabilité.
Par un arrêt du 4 décembre 2019 (C-493/18, Tiger e.a.), la CJUE a dit pour droit que l'article 3, § 1, du règlement (CE) n° 1346/2000 du Conseil, du 29 mai 2000, relatif aux procédures d'insolvabilité doit être interprété en ce sens que l'action du syndic, désigné par une juridiction de l'Etat membre sur le territoire duquel la procédure d'insolvabilité a été ouverte, ayant pour objet de faire déclarer inopposables à la masse des créanciers la vente d'un bien immeuble situé dans un autre Etat membre ainsi que l'hypothèque consentie sur celui-ci, relève de la compétence exclusive des juridictions du premier Etat membre. Par le même arrêt, la CJUE a dit pour droit que l'article 25, § 1, du règlement n° 1346/2000 doit être interprété en ce sens qu'une décision par laquelle une juridiction de l'Etat membre d'ouverture autorise le syndic à engager une action dans un autre Etat membre, quand bien même celle-ci relèverait de la compétence exclusive de cette juridiction, ne saurait avoir pour effet de conférer une compétence internationale aux juridictions de cet autre Etat membre. Viole en conséquence l'article 3, § 1, du règlement la cour d'appel qui, saisie d'une action engagée par le syndic d'une procédure d'insolvabilité ouverte en Angleterre ayant pour objet de faire déclarer inopposable à la masse des créanciers de cette procédure les hypothèques consenties par le débiteur sur des biens situés en France et les ventes de ces biens à un tiers, qui relève de la compétence exclusive des juridictions anglaises, ne se déclare pas d'office incompétente pour en connaître, peu important que le syndic ait été autorisé par le juge anglais à saisir le juge français
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N° C 20-81.111 F-P+B+I N° 860 SM12 6 MAI 2020 CASSATION M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 6 MAI 2020 CASSATION sur le pourvoi formé par M. V... C... contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 5 février 2020, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants et association de malfaiteurs, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention rejetant sa demande de mise en liberté. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de Mme Drai, conseiller, les observations de la SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, avocat de M. V... C..., et les conclusions de Mme Bellone, avocat général, après débats en l'audience publique du 6 mai 2020 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Drai, conseiller rapporteur, M. Moreau, conseiller de la chambre, et M. Bétron, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. M. C... a été mis en examen le 23 octobre 2018, par un juge d'instruction du tribunal judiciaire de Marseille, des chefs susvisés et placé en détention provisoire par le juge des libertés et de la détention de ce tribunal le même jour. 3. Par ordonnance du 20 janvier 2020, le juge des libertés et de la détention a rejeté la demande de mise en liberté qu'il avait présentée. 4. M. C... a relevé appel de cette décision. Examen du moyen Enoncé du moyen 5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré irrecevable le mémoire transmis par son avocat et rejeté sa demande de mise en liberté, alors « qu'en énonçant, pour juger irrecevable le mémoire transmis, dans les délais légaux, par télécopie, par l'avocat de M. C..., Me B... inscrit au barreau de Marseille, que dès lors que son cabinet disposait de trois bureaux au sein d'une société inter-barreaux, dont l'un dans le siège de la cour d'Aix-en-Provence, cet avocat exerçait dans ce siège et aurait donc dû déposer son mémoire au greffe, la chambre de l'instruction a violé les articles 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme et 198 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour Vu l'article 198 du code de procédure pénale : 6. Il résulte de l'article susvisé qu'un avocat qui n'exerce pas dans la ville où siège la chambre de l'instruction peut adresser son mémoire par télécopie ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, lesquelles doivent parvenir à leurs destinataires avant le jour de l'audience, peu important que cet avocat appartienne à une société inter-barreaux dont l'un des membres est inscrit au barreau du siège de cette juridiction. 7. Pour déclarer irrecevable le mémoire transmis par télécopie par l'avocat de la personne mise en examen, exerçant à Marseille, l'arrêt attaqué relève que, selon le papier à en-tête du mémoire, le cabinet de cet avocat, qui exerce au sein d'une société d'avocats inter-barreaux, dispose de trois bureaux, à Aix-en-Provence, Marseille et Pertuis. 8. Les juges en concluent que, l'avocat exerçant dans la ville du siège de la cour d'appel, son mémoire adressé par télécopie en lieu et place du dépôt au greffe de la chambre de l'instruction, seul autorisé dans ce cas, est irrecevable. 9. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu les texte et principe susvisés. 10. La cassation est par conséquent encourue. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 5 février 2020, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ; RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le six mai deux mille vingt.
Il résulte des dispositions le l'article 198, alinéa 2, du code de procédure pénale que l'avocat qui appartient à une société inter-barreaux, dont l'un des membres est inscrit au barreau du siège de la chambre de l'instruction, peut adresser à la juridiction son mémoire par télécopie lorsqu'il n'exerce pas dans la ville de ladite chambre de l'instruction
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N° E 20-81.136 F-P+B+I N° 863 SM12 6 MAI 2020 CASSATION SANS RENVOI M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 6 MAI 2020 CASSATION SANS RENVOI sur le pourvoi formé par M. K... C... contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Besançon, en date du 6 février 2020, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de tentative de destruction volontaire par incendie en bande organisée, non-justification de ressources et association de malfaiteurs, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention le plaçant en détention provisoire. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de Mme Drai, conseiller, les observations de la SCP Spinosi et Sureau, avocat de M. K... C..., et les conclusions de Mme Bellone, avocat général, après débats en l'audience publique du 6 mai 2020 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Drai, conseiller rapporteur, M. Moreau, conseiller de la chambre, et M. Bétron, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Le 17 janvier 2020, M. C..., mis en examen des chefs susvisés, a été placé en détention provisoire par une ordonnance du même jour rendue par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Besançon. 3. Sur son appel de cette décision, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Besançon a annulé, par arrêt en date du 29 janvier 2020, le procès-verbal de débat contradictoire au motif que l'avocat de la personne mise en examen n'avait pas été convoqué, a ordonné la mise en liberté de M. C... et l'a placé sous contrôle judiciaire en application de l'article 803-7 du code de procédure pénale. 4. Interpellé à la porte de la maison d'arrêt le jour même sur mandat d'amener du juge d'instruction, M. C... a été placé de nouveau en détention provisoire par ordonnance du juge des libertés et de la détention du 30 janvier 2020. 5. Le 30 janvier 2020, M. C... a interjeté appel de cette décision en demandant son examen immédiat par le président de la chambre de l'instruction. Le 3 février 2020, le président de la chambre de l'instruction, saisi de ce référé-liberté , a dit n'y avoir lieu de remettre l'intéressé en liberté et a renvoyé l'affaire devant la chambre de l'instruction. Examen du moyen Enoncé du moyen 6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance de placement en détention provisoire de M. C... après avoir écarté l'exception de nullité de cette ordonnance tirée de l'impossibilité de saisir à nouveau le juge des libertés et de la détention, alors « que le contrôle judiciaire préalablement ordonné ne peut être remis en cause que si les obligations imposées par cette mesure ne sont pas respectées ; qu'a violé ce principe et a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 803-7, 145-2, 137, 144, 591 et 593 du code de procédure pénale, la chambre de l'instruction qui a entériné le nouveau placement en détention provisoire du mis en examen quand l'ordonnance de placement en détention initiale avait été annulée pour défaut de convocation de son conseil au débat contradictoire, sans jamais constater un quelconque manquement aux obligations qui lui avaient été imposées au titre de son contrôle judiciaire ordonné par arrêt exécutoire de la chambre de l'instruction du 29 janvier 2020. » Réponse de la Cour Vu les articles 803-7 et 144 du code de procédure pénale : 7. Il résulte de ces textes que le juge des libertés et de la détention ne peut délivrer à l'encontre d'une personne remise en liberté et placée sous contrôle judiciaire, après que la chambre de l'instruction a constaté l'irrégularité de son placement en détention provisoire pour non-respect des formalités prévues, un nouveau mandat de dépôt à raison des mêmes faits, et dans la même information, que lorsque des circonstances nouvelles entrant dans les prévisions de l'article 144 du code de procédure pénale justifient la délivrance de ce nouveau titre d'incarcération. 8. Pour rejeter le moyen de nullité, selon lequel M. C... ne pouvait être réincarcéré en l'absence de violation de son contrôle judiciaire et faute d'élément nouveau, et confirmer le nouveau placement en détention provisoire, l'arrêt attaqué relève qu'aucune disposition légale ou conventionnelle n'interdit, lorsque le titre de détention a été annulé pour vice de forme, de placer à nouveau la personne mise en examen en détention provisoire, dès lors que le placement en détention de M. C... a été annulé pour un vice de forme issu de l'absence de convocation de son avocat au débat contradictoire. 9. Les juges ajoutent que le contrôle judiciaire, ordonné par la chambre de l'instruction, par application des dispositions de l'article 803-7 du code de procédure pénale, dans des conditions procédurales précises faisant suite à l'annulation pour vice de forme du placement initial en détention provisoire, est sans effet sur le principe jurisprudentiel de délivrance en cas d'annulation pour vice de forme de la mesure initiale de détention provisoire, d'un nouveau titre de détention. 10. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction, qui n'a pas constaté que la personne mise en examen avait méconnu les obligations du contrôle judiciaire auxquelles elle était astreinte, a violé les textes et le principe susvisé. 11. La cassation est par conséquent encourue. Portée et conséquence de la cassation 12. La cassation aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Besançon, en date du 6 février 2020 ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; ORDONNE, s'il n'est détenu pour autre cause, la mise en liberté de M.K... C..., lequel reste placé sous les obligations du contrôle judiciaire ordonné par arrêt de la chambre de l'instruction de Besançon en date du 29 janvier 2020 ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Besançon et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le six mai deux mille vingt.
Il résulte des articles 803-7 et 144 du code de procédure pénale que le juge des libertés et de la détention ne peut délivrer, à l'encontre d'une personne remise en liberté et placée sous contrôle judiciaire, après que la chambre de l'instruction a constaté l'irrégularité de son placement en détention provisoire pour non-respect des formalités prévues au code de procédure pénale, un nouveau mandat de dépôt à raison des mêmes faits, et dans la même information, que lorsque des circonstances nouvelles entrant dans les prévisions de l'article 144 du code de procédure pénale justifient la délivrance de ce nouveau titre d'incarcération
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N° F 20-81.183 F-P+B+I N° 865 SM12 6 MAI 2020 CASSATION SANS RENVOI M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 6 MAI 2020 CASSATION SANS RENVOI sur le pourvoi formé par M. D... L... contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles n° 53 en date du 10 février 2020, qui, dans la procédure suivie contre lui en exécution d'un mandat d'arrêt européen, a rejeté sa demande de mise en liberté. Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits. Sur le rapport de Mme Drai, conseiller, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. D... L..., et les conclusions de Mme Bellone, avocat général, après débats en l'audience publique du 6 mai 2020 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Drai, conseiller rapporteur, M. Moreau, conseiller de la chambre, et M. Bétron, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Le 6 février 2019, M. D... L..., ressortissant roumain, placé sous contrôle judiciaire dans l'attente de sa comparution devant la cour d'assises des Hauts-de-Seine, prévue au mois de juin 2020, a fait l'objet d'un mandat d'arrêt européen décerné par les autorités judiciaires allemandes pour le poursuivre des chefs de vol à main armée et violences volontaires aggravées. Le 4 avril 2019, il a reçu notification de ce mandat par le procureur général près la cour d'appel de Versailles et n'a pas consenti à sa remise. Le même jour, le délégué du premier président de ladite cour l'a placé sous écrou. 3. Le 13 juin 2019 M. L... a fait l'objet d'un second mandat d'arrêt européen décerné par les autorités judiciaires allemandes visant les mêmes faits, qui a été suivi le 18 juin 2019, d'un second placement sous écrou extraditionnel. 4. Par arrêt en date du 2 juillet 2019, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles a constaté que les autorités allemandes ne sollicitaient plus la remise de M. L... en vertu du premier mandat d'arrêt européen. 5. Par un second arrêt, du 11 juillet 2019, la chambre de l'instruction a ordonné la remise temporaire de M. L... aux fins de permettre l'exécution des poursuites à son encontre sous les conditions et délais convenus entre les autorités allemandes et le procureur général. 6. M. L... a ainsi été remis temporairement aux autorités allemandes du 8 octobre 2019 au 28 janvier 2020, date de son retour en France et de son écrou à la maison d'arrêt de Bois d'Arcy. 7. Par déclaration en date du 30 janvier 2020, l'avocat de M. L... a saisi la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles d'une demande de mise en liberté par application de l'article 695-34 du code de procédure pénale. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 8. Le moyen est pris de la violation des articles 695-28 et 695-39 du code de procédure pénale, et 12 et 24 de la Décision-cadre 2002/584/JAI du Conseil de l'Union européenne du 13 juin 2002, 6 du traité de l'Union européenne, 52 de la Charte des droits fondamentaux et 5 de la Convention européenne des droits de l'homme. 9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté le moyen tiré de l'irrégularité de la détention de M. L... et d'avoir rejeté sa demande de mise en liberté, alors ; « 1°/ que le titre de détention de la personne requise prend nécessairement fin en même temps que l'exécution de la décision ordonnant la remise de la personne aux autorités de l'Etat requérant, serait-ce à titre temporaire ; qu'aux fins d'exécution d'un mandat d'arrêt des autorités judiciaires allemandes, M. L... a été placé en détention provisoire, le 4 avril 2019 ; que, par arrêt du 21 juillet 2019, constatant que M. L... était mis en examen dans une procédure criminelle en France, la chambre de l'instruction de la cour de Versailles a ordonné sa remise temporaire aux autorités judiciaires allemandes ; qu'après exécution de cette décision de remise aux autorités judiciaires allemandes, M. L... a été à nouveau écroué à son retour d'Allemagne ; que, saisie d'une demande de mise en liberté fondée sur le fait que M. L... était détenu sans titre, le titre de détention décidée par le premier président de la cour d'appel ayant perdu tout fondement, dès lors que l'arrêt de la chambre de l'instruction avait été exécuté, la chambre de l'instruction a refusé d'y faire droit ; qu'en estimant que les effets du mandat d'arrêt européen sont seulement suspendus du fait de la procédure en cours en France, la chambre de l'instruction a méconnu l'autorité de la chose jugée par l'arrêt du 11 juillet 2019 qui prévoyait seulement une remise temporaire aux autorités allemandes aux fins d'exécution du mandat d'arrêt européen, sans prévoir de mesures d'exécution à intervenir postérieurement, notamment une remise différée, qui avait pourtant été sollicitée par le ministère public ; 2°/ qu'il résulte des termes de l'article 695-39 alinéa 2 du code de procédure pénale, comme de l'article 24 de la Décision-cadre 2002/584/JAI du Conseil de l'Union européenne du 13 juin 2002 relative au mandat d'arrêt européen et aux procédures de remise entre Etats membres, que l'exécution du mandat d'arrêt peut consister dans la seule remise temporaire ; que, dès lors, en présence d'une telle décision de remise temporaire, la détention provisoire ordonnée pour assurer l'exécution du mandat d'arrêt européen prend fin en même temps que la période de remise temporaire ; qu'en décidant le contraire, la chambre de l'instruction a méconnu les articles 695- 28 et 695-39 du code de procédure pénale, 12 et 24 de la Décisioncadre 2002/584/JAI du Conseil de l'Union européenne du 13 juin 2002 relative au mandat d'arrêt européen et aux procédures de remise entre états membres ; 3°/ subsidiairement qu'il ne résulte ni de l'article 695-39 alinéa 2 du code de procédure pénale, ni de l'article 24 de la Décision-cadre 2002/584/JAI du Conseil de l'Union européenne du 13 juin 2002 relative au mandat d'arrêt européen et aux procédures de remise entre Etats membres, qu'une remise temporaire ne constitue qu'une mesure d'exécution du mandat d'arrêt européen, suspendant seulement les mesures d'exécution qui pourraient intervenir ultérieurement, dans l'attente d'un évènement sinon hypothétique, du moins indéterminé quant au moment où il doit intervenir ; que, dès lors, la mesure de détention assortissant l'exécution d'un mandat d'arrêt pouvant prendre la forme d'une remise temporaire, n'étant pas fondée sur une disposition législative claire et précise, le maintien de la détention provisoire à l'issue de l'exécution du mandat d'arrêt par remise temporaire méconnait les exigences des articles 6 du traité de l'Union européenne, 52 de la Charte des droits fondamentaux auquel il renvoie et 5 de la Convention européenne des droits de l'homme auquel il se réfère ; 4°/ en tout état de cause, qu'en cas de doute, il appartient à la Chambre criminelle de soumettre une question préjudicielle en urgence à la CJUE afin de déterminer si la détention provisoire prononcée dans l'attente de la décision à intervenir sur l'exécution du mandat d'arrêt européen prend fin en même temps que cette mesure d'exécution qu'est la remise temporaire. 5°/ à tout le moins qu'en l'absence de nouvelle demande de remise au titre du mandat d'arrêt européen par les autorités allemandes, ouvrant une nouvelle demande d'exécution du mandat d'arrêt européen, laquelle devait donner lieu à une nouvelle décision de placement en détention provisoire, la chambre de l'instruction, qui s'est contentée d'affirmer que la procédure pénale allemande était toujours en cours les débats devant reprendre à l'été ou à l'automne 2020, et a refusé d'ordonner la remise en liberté de M. L... a méconnu les articles 695- 28 et 695-39 du code de procédure pénale, et 12 et 24 de la Décision-cadre 2002/584/JAI du Conseil de l'Union européenne du 13 juin 2002 relative au mandat d'arrêt européen et aux procédures de remise entre Etats membres. » Réponse de la Cour Vu l'article 695-39 du code de procédure pénale : 10. Il résulte de ce texte que, lorsque la personne recherchée est poursuivie en France, la chambre de l'instruction peut décider sa remise temporaire aux fins d'exécution du mandat d'arrêt européen, ladite remise temporaire, décidée après accord des autorités judiciaires d'exécution et d'émission, constituant l'exécution du mandat d'arrêt européen qui, par suite de cette exécution, se trouve privé d'effet lors du retour de l'intéressé et ne peut justifier la poursuite de sa détention. 11. Pour rejeter la demande de mise en liberté de M. L..., l'arrêt attaqué retient que, pour ne pas retarder l'exercice des poursuites en Allemagne jusqu'à la fin du procès de M. L... devant la cour d'assises des Hauts-de-Seine, la chambre de l'instruction a accordé la remise temporaire de l'intéressé. 12. Les juges ajoutent que dans le cadre de cette remise temporaire, M. L... a comparu devant le tribunal régional de Wiesbaden, mais qu'aucun jugement n'a été rendu, les débats devant reprendre devant la juridiction allemande à la fin de l'été ou à l'automne 2020 après la comparution de M.L... devant la cour d'assises des Hauts-de-Seine. 13. Ils en déduisent que les poursuites devant les autorités judiciaires allemandes sont seulement suspendues dans l'attente de la comparution de l'intéressé devant la cour d'assises française. 14. Ils en concluent que sa remise provisoire effective du 8 octobre 2019 au 28 janvier 2020 n'a pas "purgé" le mandat d'arrêt européen émis par les autorités allemandes, lesquelles n'y ont pas renoncé, et que M. L... est toujours détenu en vertu de l'arrêt du 11 juillet 2019 qui a accordé sa remise aux autorités judiciaires allemandes, la remise temporaire n'étant qu'une modalité de cette remise, en raison de la situation judiciaire de l'intéressé qui doit également comparaître devant une juridiction française. 15. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé. 16. En effet, la remise temporaire constitue une modalité d'exécution du mandat d'arrêt européen qui, par suite de cette exécution, se trouve privé d'effet et ne peut justifier une nouvelle détention. 17. La cassation est par conséquent encourue de ce chef. Portée et conséquence de la cassation 18. La cassation aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le second moyen proposé, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé n°53 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, en date du 10 février 2020. DIT n'y avoir lieu à renvoi. ORDONNE, s'il n'est détenu pour autre cause, la mise en liberté de M. D... L.... ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le six mai deux mille vingt.
Il résulte de l'article 695-39 du code de procédure pénale que, lorsque la personne recherchée est poursuivie en France, la chambre de l'instruction peut décider sa remise temporaire aux fins de poursuites dans le pays mandant et que cette remise temporaire peut constituer l'exécution du mandat d'arrêt européen, lequel se trouve alors privé d'effet lors du retour de l'intéressé en France et ne peut justifier la poursuite de l'écrou extraditionnel. Encourt dès lors la cassation l'arrêt qui, pour rejeter la demande de mise en liberté de la personne remise à titre temporaire, retient que l'autorité d'émission n'a pas renoncé à sa remise, alors que sa remise temporaire, aux fins de poursuites, a constitué la modalité d'exécution du mandat d'arrêt européen
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CIV. 1 MF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 25 mars 2020 Cassation partielle Mme BATUT, président Arrêt n° 212 FS-P+B Pourvoi n° V 18-23.803 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 25 MARS 2020 La Caisse de crédit mutuel Villers-le-Lac, société coopérative à capital variable, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° V 18-23.803 contre l'arrêt rendu le 10 juillet 2018 par la cour d'appel de Besançon (1re chambre civile et commerciale), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. C... K..., 2°/ à Mme M... R..., épouse K..., domiciliés tous deux [...], défendeurs à la cassation. M. et Mme K... ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt ; La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Les demandeurs au pourvoi incident invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation également annexés au présent arrêt ; Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Avel, conseiller, les observations de Me Le Prado, avocat de la Caisse de crédit mutuel Villers-le-Lac, de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de M. et Mme K..., et l'avis de M. Chaumont, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 février 2020 où étaient présents Mme Batut, président, M. Avel, conseiller rapporteur, Mme Kamara, conseiller doyen, M. Girardet, Mmes Duval-Arnould, Teiller, MM. Mornet, Chevalier, Mme Kerner-Menay, conseillers, Mme Canas, M. Vitse, Mmes Le Gall, Kloda, M. Serrier, Mmes Champ, Comte, Robin-Raschel, conseillers référendaires, M. Chaumont, avocat général, et Mme Randouin, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Besançon, 10 juillet 2018) et les productions, la Caisse de crédit mutuel de Villers-le-Lac (la banque) a consenti à M. et Mme K... (les emprunteurs) deux prêts immobiliers, le premier, suivant offre acceptée le 22 octobre 2007, d'un montant de 170 000 CHF remboursable in fine le 31 octobre 2019 au taux de 2,15 % l'an, stipulé variable en fonction de l'évolution du Libor 3 mois et ne pouvant varier de plus de deux points à la hausse, le second, suivant offre acceptée le 16 juin 2010, d'un montant de 1 202 100 CHF remboursable en trois-cents échéances au taux de 1,80 % l'an, stipulé variable en fonction de l'évolution du Libor 3 mois et cette variation étant encadrée pendant les vingt premières années d'amortissement du prêt par un plafond à 3,60 % ainsi qu'un plancher à 0,00 % l'an. 2. Contestant les taux d'intérêts appliqués par la banque, les emprunteurs l'ont assignée aux fins de voir appliquer aux deux prêts le taux d'intérêt indexé au taux Libor 3 mois à sa valeur réelle, y compris en cas d'index négatif. Examen des moyens Sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en sa première branche Enoncé du moyen 3. La banque fait grief à l'arrêt d'appliquer aux prêts litigieux un taux d'intérêt indexé au taux Libor 3 mois à sa valeur réelle, y compris si cet index est négatif mensuellement mais dans la limite de 0,00 % sur l'ensemble du remboursement desdits prêts, alors « que le contrat de prêt conclu avec une banque est par nature un contrat à titre onéreux de sorte que le taux d'intérêt ne peut devenir négatif et obliger le prêteur à rémunérer, même temporairement, l'emprunteur ; que tout en affirmant, s'agissant des deux contrats de prêts litigieux, que les parties se sont accordées pour que les intérêts soient à la charge de l'emprunteur et non du prêteur, l'arrêt retient que le respect de ces deux contrats impose que soit appliqué un taux d'intérêt suivant l'évolution du taux Libor 3 à sa valeur réelle pouvant conduire à des intérêts mensuellement négatifs, à condition, toutefois, que sur l'ensemble du remboursement de chaque prêt, les intérêts dus au prêteur ne soient pas inférieurs à 0,00 % ; qu'en se déterminant ainsi, par des motifs reconnaissant à l'emprunteur un droit à percevoir des intérêts de la part du prêteur, la cour d'appel a violé les articles 1905 et 1907 du code civil, dans leur rédaction applicable en la cause. » Réponse de la Cour Vu les articles 1902, 1905 et 1907 du code civil, et L. 313-1 du code monétaire et financier : 4. Constitue une opération de crédit tout acte par lequel une personne agissant à titre onéreux met ou promet de mettre des fonds à la disposition d'une autre personne. Dans un contrat de prêt immobilier, l'emprunteur doit restituer les fonds prêtés dans leur intégralité, les intérêts conventionnellement prévus sont versés à titre de rémunération de ces fonds et, dès lors que les parties n'ont pas entendu déroger aux règles du code civil, le prêteur ne peut être tenu, même temporairement, au paiement d'une quelconque rémunération à l'emprunteur. 5. Pour dire que la banque devra appliquer aux prêts litigieux un taux d'intérêt indexé au taux Libor 3 mois à sa valeur réelle, pouvant conduire à des intérêts mensuellement négatifs, l'arrêt retient que, les deux prêts étant stipulés à un taux d'intérêt initial, l'un de 2,15 % et l'autre de 1,80 % l'an, variables à la hausse comme à la baisse, les parties se sont accordées pour que ces intérêts soient à la charge de l'emprunteur et non du prêteur, et que la banque, en proposant des taux d'intérêt variables à la hausse comme à la baisse, et les emprunteurs en y souscrivant, ont accepté le risque inhérent à cette variation, mais que le respect des contrats litigieux impose que, pour les deux prêts, soit appliqué un tel taux d'intérêt à condition que, sur l'ensemble du remboursement de chaque prêt, les intérêts dus au prêteur ne soient pas inférieurs à 0,00 %. 6. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a admis l'éventualité d'intérêts mensuellement négatifs, alors qu'il résultait de ses constatations que les parties n'avaient pas entendu expressément déroger aux règles du code civil, a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que la Caisse de crédit mutuel de Villers-le-Lac doit appliquer aux prêts litigieux un taux d'intérêt indexé au taux Libor 3 mois à sa valeur réelle, y compris si cet index est négatif mensuellement, mais dans la limite de 0,00 % sur l'ensemble du remboursement desdits prêts, l'arrêt rendu le 10 juillet 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Colmar ; Condamne M. et Mme K... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mars deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour la Caisse de crédit mutuel Villers-le-Lac (demanderesse au pourvoi principal). Il fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR dit que la Caisse doit appliquer aux prêts litigieux un taux d'intérêt indexé au taux Libor 3 mois à sa valeur réelle, y compris si cet index est négatif mensuellement mais dans la limite de 0,00% sur l'ensemble du remboursement desdits prêts. AUX MOTIFS QUE « au soutien du calcul des intérêts qu'elle entend opposer aux époux K..., la caisse argue de ce que les clauses des contrats permettant de calculer le taux d'intérêt applicable en fonction de la valeur du LIBOR 3 mois intégraient, de manière implicite mais claire, une décomposition du taux d'intérêt dû par les emprunteurs entre le taux de refinancement de la banque (LIBOR 3 mois) et la marge bancaire couvrant les frais et le bénéfice de la banque ; qu'il s'avère que, comme le fait valoir la caisse, le code civil prévoit que le prêt d'argent est soit à titre gratuit, auquel cas le prêteur ne perçoit aucune rémunération, soit à titre onéreux, auquel cas le prêteur est rémunéré par l'emprunteur, et le code monétaire et financier dispose en son article L 313-1 que : « constitue une opération de crédit tout acte par lequel une personne agissant à titre onéreux met ou promet de mettre des fonds à la disposition d'une autre personne [ ... ] » ; que la doctrine, quant à elle, analyse, notamment, que: «Il ne peut y avoir d'intérêts négatifs sur un prêt. En effet, l'objet d'un prêt c'est la mise à disposition de fonds par le prêteur à l'emprunteur contre remboursement et éventuellement rémunération. Ainsi l'intérêt représente le loyer de l'argent prêté et le risque [ ... ] et le prêteur ne peut pas lui-même payer un intérêt». Et encore: «pendant toute la durée du prêt consenti, l'emprunteur doit verser au prêteur une somme d'argent fixée en pourcentage du capital mis à sa disposition et correspondant au taux d'intérêt » ; qu'en l'espèce, le taux des intérêts étant indexé sur le LIBOR 3 mois, le passage de celui-ci en zone négative conduit, selon la stricte lettre des contrats litigieux, à un taux d'intérêt négatif, soit un loyer de l'argent mis à la charge non plus de l'emprunteur mais du prêteur, ce qui est contraire au prêt d'argent tel que défini par le droit positif ; que compte tenu de la situation inédite (bien qu'inscrite dans un contexte économique global de déflation et de croissance atone depuis plusieurs années) créée par l'évolution à la baisse du LIBOR 3, les contrats de prêts litigieux qui ne prévoyaient pas les modalités d'application d'une valeur négative du LIBOR 3, doivent être révisés sur le terrain de la théorie de l'imprévisibilité et interprétés pour dégager la volonté des parties lors de leur formation ; que les deux prêts étant stipulés à un taux d'intérêt initial, l'un, de 2,15 % et, l'autre, de 1,80 % l'an, variables à la hausse comme à la baisse, les parties se sont accordées pour que ces intérêts soient à la charge de l'emprunteur et non du prêteur ; que pour autant, aucune stipulation ne fait référence à une marge de la banque telle que la revendique actuellement la caisse qui, en réalité, viderait de tout sens la clause d'indexation du taux d'intérêt sur le LIBOR 3 ; qu'en fait, la caisse en proposant cette variation et les emprunteurs en y souscrivant, ont accepté le risque inhérent à ladite variation ; que dès lors, le respect des contrats litigieux impose que, pour les deux prêts, soit appliqué un taux d'intérêt suivant l'évolution du taux LIBOR 3 à sa valeur réelle pouvant conduire à des intérêts mensuellement négatifs à condition, toutefois, que sur l'ensemble du remboursement de chaque prêt les intérêts dus au prêteur ne soient pas inférieurs à 0,00 % ; que le jugement déféré sera réformé dans ce sens, étant, au demeurant observé qu'ayant sans doute constaté la tendance baissière de l'évolution du LIBOR 3, la caisse, en ce qui concerne le second prêt accordé le 4 juin 2010 au taux de 1,80 % l'an stipulé variable en fonction de l'évolution du LIBOR 3, avait prévu l'encadrement de sa variation pendant les vingt premières années d'amortissement du prêt par un plafond de 3,60 % et un plancher de 0,00 % ». ALORS, D'UNE PART, QUE le contrat de prêt conclu avec une banque est par nature un contrat à titre onéreux de sorte que le taux d'intérêt ne peut devenir négatif et obliger le prêteur à rémunérer, même temporairement, l'emprunteur ; que tout en affirmant, s'agissant des deux contrats de prêts litigieux, que les parties se sont accordées pour que les intérêts soient à la charge de l'emprunteur et non du prêteur, l'arrêt retient que le respect de ces deux contrats impose que soit appliqué un taux d'intérêt suivant l'évolution du taux Libor 3 à sa valeur réelle pouvant conduire à des intérêts mensuellement négatifs, à condition, toutefois, que sur l'ensemble du remboursement de chaque prêt, les intérêts dus au prêteur ne soient pas inférieurs à 0,00% ; qu'en se déterminant ainsi, par des motifs reconnaissant à l'emprunteur un droit à percevoir des intérêts de la part du prêteur, la cour d'appel a violé les articles 1905 et 1907 du code civil, dans leur rédaction applicable en la cause. ALORS, D'AUTRE PART, QUE les juges du fond ne peuvent méconnaitre les termes clairs et précis d'une clause d'un contrat ; qu'en condamnant la Caisse à appliquer aux prêts litigieux un taux d'intérêt indexé au taux Libor 3 mois à sa valeur réelle, y compris si l'index est négatif mensuellement, tout en constatant que le prêt accordé le 4 juin 2010 prévoyait l'encadrement de la variation de cet index pendant les vingt premières années d'amortissement du prêt par un plancher de 0,00%, la cour d'appel a violé l'article 1134, devenu 1103 du code civil, ensemble l'interdiction de dénaturer les actes, consacrée par l'article 1192 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016. ALORS ENFIN QUE pour l'emprunteur, le prêt est un contrat à exécution successive ; que chaque échéance, qui se décompose en capital et intérêts doit permettre a minima le remboursement de la part du capital amorti stipulé ; qu'en affirmant que le respect des contrats de prêt litigieux impose que, pour les deux prêts soit appliqué un taux d'intérêt suivant l'évolution du taux Libor 3 à sa valeur réelle, pouvant conduire à des intérêts négatifs, cependant que leur imputation s'effectuant sur le capital prive nécessairement la Caisse de sa rémunération due en contrepartie des crédits consentis, la cour d'appel a de nouveau violé les articles 1905 et 1907 du code civil, dans leur rédaction applicable en la cause et a violé l'article 1134, devenu 1103 du code civil. Moyens produits par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour M. et Mme K... (demandeurs au pourvoi incident). PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé le jugement du tribunal de grande instance de Besançon en date du 2 mai 2017 en ce qu'il a dit que le crédit mutuel devait appliquer aux prêts litigieux un taux d'intérêt indexé au taux Libor 3 mois à sa valeur réelle, y compris si cet index est négatif, en ce qu'il a condamné le crédit mutuel à payer aux époux K... la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts et, statuant à nouveau sur ces points, d'avoir dit que le crédit mutuel doit appliquer aux prêts litigieux un taux d'intérêt indexé au taux Libor 3 mois à sa valeur réelle, y compris si cet index est négatif mensuellement, mais dans la limite de 0,00 % sur l'ensemble du remboursement desdits prêts ; Aux motifs que sur les conséquences de l'indexation sur la valeur du Libor 3, au soutien du calcul des intérêts qu'elle entend opposer aux époux K..., la caisse argue de ce que les clauses des contrats permettant de calculer le taux d'intérêt applicable en fonction de la valeur du LIBOR 3 mois intégraient, de manière implicite mais claire, une décomposition du taux d'intérêt dû par les emprunteurs entre le taux de refinancement de la banque (LIBOR 3 mois) et la marge bancaire couvrant les frais et le bénéfice de la banque ; qu'il s'avère que, comme le fait valoir la caisse, le code civil prévoit que le prêt d'argent est soit à titre gratuit, auquel cas le prêteur ne perçoit aucune rémunération, soit à titre onéreux, auquel cas le prêteur est rémunéré par l'emprunteur, et le code monétaire et financier dispose en son article L. 313-1 que : « constitue une opération de crédit tout acte par lequel une personne agissant à titre onéreux met ou promet de mettre des fonds à la disposition d'une autre personne [... ] ; que la doctrine, quant à elle, analyse, notamment, qu' « il ne peut y avoir d'intérêts négatifs sur un prêt ; qu'en effet, l'objet d'un prêt c'est la mise à disposition de fonds par le prêteur à l'emprunteur contre remboursement et éventuellement rémunération ; qu'ainsi l'intérêt représente le loyer de l'argent prêté et le risque [... ] et le prêteur ne peut pas lui-même payer un intérêt » ; et qu'encore : « pendant toute la durée du prêt consenti, l'emprunteur doit verser au prêteur une somme d'argent fixée en pourcentage du capital mis à sa disposition et correspondant au taux d'intérêt » ; qu'en l'espèce, le taux des intérêts étant indexé sur le LIBOR 3 mois, le passage de celui-ci en zone négative conduit, selon la stricte lettre des contrats litigieux, à un taux d'intérêt négatif, soit un loyer de l'argent mis à la charge non plus de l'emprunteur mais du prêteur, ce qui est contraire au prêt d'argent tel que défini par le droit positif ; que compte tenu de la situation inédite (bien qu'inscrite dans un contexte économique global de déflation et de croissance atone depuis plusieurs années) créée par l'évolution à la baisse du LIBOR 3, les contrats de prêts litigieux qui ne prévoyaient pas les modalités d'application d'une valeur négative du LIBOR 3, doivent être révisés sur le terrain de la théorie de l'imprévisibilité et interprétés pour dégager la volonté des parties lors de leur formation ; que les deux prêts étant stipulés à un taux d'intérêt initial, l'un, de 2,15 % et, l'autre, de 1,80 % l'an, variables à la hausse comme à la baisse, les parties se sont accordées pour que ces intérêts soient à la charge de l'emprunteur et non du prêteur ; que pour autant, aucune stipulation ne fait référence à une marge de la banque telle que la revendique actuellement la caisse qui, en réalité, viderait de tout sens la clause d'indexation du taux d'intérêt sur le LIBOR 3 ; qu'en fait, la caisse en proposant cette variation et les emprunteurs en y souscrivant, ont accepté le risque inhérent à ladite variation ; que dès lors, le respect des contrats litigieux impose que, pour les deux prêts, soit appliqué un taux d'intérêt suivant l'évolution du taux LIBOR 3 à sa valeur réelle pouvant conduire à des intérêts mensuellement négatifs à condition, toutefois, que sur l'ensemble du remboursement de chaque prêt les intérêts dus au prêteur ne soient pas inférieurs à 0,00 % ; que le jugement déféré sera réformé dans ce sens, étant, au demeurant observé qu'ayant sans doute constaté la tendance baissière de l'évolution du LIBOR 3, la caisse, en ce qui concerne le second prêt accordé le 4 juin 2010 au taux de 1,80 % l'an stipulé variable en fonction de l'évolution du LIBOR 3, avait prévu l'encadrement de sa variation pendant les vingt premières années d'amortissement du prêt par un plafond de 3,60 % et un plancher de 0,00 % ; Alors 1°) que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la caisse de crédit mutuel avait, en proposant la variation du taux d'intérêt selon un indice de référence Libor 3 mois et les emprunteurs en y souscrivant, ont accepté le risque inhérent à ladite variation ; qu'en retenant néanmoins que, par l'évolution à la baisse du Libor 3, les contrats de prêts litigieux devaient être révisés sur le terrain de la théorie de l'imprévisibilité, la cour d'appel a méconnu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ; Alors, 2°) qu'en tout état de cause, en se bornant à constater l'existence d'une situation inédite, bien qu'inscrite dans un contexte économique global de déflation et de croissance atone depuis plusieurs années crée par l'évolution à la baisse du Libor 3 mois, la cour d'appel, qui s'est prononcée par des motifs inopérants à établir un changement de circonstances imprévisibles justifiant la modification judiciaire du contrat, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. SECOND MOYEN DE -CASSATION Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté les époux K... de leur demande de dommages et intérêts pour inexécution contractuelle de mauvaise foi ; Aux motifs que sur la demande des époux K... en dommages et intérêts pour inexécution contractuelle de mauvaise foi, eu égard à ce qui précède et à la nécessaire interprétation des contrats litigieux, la mauvaise foi alléguée de la caisse ne peut être retenue ; qu'en conséquence, la demande en dommages et intérêts des époux K... pour inexécution contractuelle de mauvaise foi ne peut qu'être rejetée et le jugement entrepris infirmé de ce chef ; Alors que la cassation à intervenir sur la base du premier moyen de cassation du pourvoi incident entraînera, par voie de conséquence et en application de l'article 624 du code de procédure civile, celle du présent chef de dispositif.
Constitue une opération de crédit tout acte par lequel une personne agissant à titre onéreux met ou promet de mettre des fonds à la disposition d'une autre personne. Dans un contrat de prêt immobilier, l'emprunteur doit restituer les fonds prêtés dans leur intégralité, les intérêts conventionnellement prévus sont versés à titre de rémunération de ces fonds et, dès lors que les parties n'ont pas entendu déroger aux règles du code civil, le prêteur ne peut être tenu, même temporairement, au paiement d'une quelconque rémunération à l'emprunteur. Viole les articles 1902, 1905 et 1907 du code civil, et L. 313-1 du code monétaire et financier la cour d'appel qui admet l'éventualité d'intérêts mensuellement négatifs alors qu'il résulte de ses constatations que les parties n'ont pas entendu déroger aux règles du code civil
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CIV. 1 MY1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 25 mars 2020 Cassation partielle sans renvoi Mme BATUT, président Arrêt n° 235 FS-P+B Pourvoi n° B 19-11.554 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 25 MARS 2020 M. V... G..., domicilié [...], a formé le pourvoi n° B 19-11.554 contre l'arrêt rendu le 11 décembre 2018 par la cour d'appel de Montpellier (1re chambre C), dans le litige l'opposant à M. A... U..., domicilié [...], défendeur à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Canas, conseiller référendaire, les observations et les plaidoiries de la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de M. G..., de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de M. U..., et l'avis de Mme Ab-Der-Halden, avocat général référendaire, à la suite duquel le président a demandé aux avocats s'ils souhaitaient présenter des observations complémentaires, après débats en l'audience publique du 25 février 2020 où étaient présents Mme Batut, président, Mme Canas, conseiller référendaire rapporteur, Mme Kamara, conseiller doyen, M. Girardet, Mmes Duval-Arnould, Teiller, MM. Avel, Mornet, Chevalier, Mme Kerner-Menay, conseillers, M. Vitse, Mmes Dazzan, Le Gall, Kloda, M. Serrier, Mmes Champ, Comte, Robin-Raschel, conseillers référendaires, Mme Ab-Der-Halden, avocat général référendaire, et Mme Randouin, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 11 décembre 2018), après avoir envoyé à M. U..., alors président de la chambre de commerce et d'industrie de Montpellier, et aux membres de la commission des finances de celle-ci, une lettre dans laquelle il critiquait les comptes et la gestion de cet établissement, M. G... a, le 23 juin 2006, été démis par l'assemblée générale de ses mandats de membre du bureau et de la commission des finances. Le 4 janvier 2007, il a adressé au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Montpellier une lettre dénonçant des faits qui ont donné lieu à l'ouverture d'une enquête préliminaire, puis d'une information judiciaire, au cours de laquelle M. U... a été mis en examen notamment du chef de corruption passive. Une ordonnance de non-lieu, devenue définitive, a été rendue le 3 novembre 2011. 2. Soutenant que la lettre adressée par M. G... au procureur de la République, ainsi que ses déclarations auprès des services de police, étaient constitutives d'une dénonciation téméraire, M. U... l'a assigné, sur le fondement de l'article 1382, devenu 1240 du code civil, pour obtenir réparation des préjudices en résultant. Examen des moyens Sur le moyen relevé d'office 3. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code. Vu l'article 1382, devenu 1240 du code civil : 4. La liberté d'expression est un droit dont l'exercice ne revêt un caractère abusif que dans les cas spécialement déterminés par la loi (1re Civ., 10 avril 2013, pourvoi n° 12-10.177, Bull. 2013, I, n° 67). Il s'ensuit que, hors restriction légalement prévue, l'exercice du droit à la liberté d'expression ne peut, sauf dénigrement de produits ou services, être sanctionné sur le fondement de l'article 1382, devenu 1240 du code civil (1re Civ., 2 juillet 2014, pourvoi n° 13-16.730, Bull. 2014, I, n° 120). 5. La dénonciation téméraire, constitutive d'un abus de la liberté d'expression, est régie par les articles 91, 472 et 516 du code de procédure pénale, qui, en cas de décision définitive de non-lieu ou de relaxe, et sans préjudice d'une poursuite pour dénonciation calomnieuse, ouvrent à la personne mise en examen ou au prévenu la possibilité de former une demande de dommages-intérêts à l'encontre de la partie civile, à la condition que cette dernière ait elle-même mis en mouvement l'action publique. 6. En dehors des cas visés par ces textes spéciaux, la dénonciation, auprès de l'autorité judiciaire, de faits de nature à être sanctionnés pénalement, fussent-ils inexacts, ne peut être considérée comme fautive. Il n'en va autrement que s'il est établi que son auteur avait connaissance de l'inexactitude des faits dénoncés, le délit de dénonciation calomnieuse, prévu et réprimé à l'article 226-10 du code pénal, étant alors caractérisé. 7. Pour condamner M. G... au paiement de dommages-intérêts, l'arrêt retient que celui-ci est l'auteur d'une dénonciation téméraire, de nature à engager sa responsabilité civile sur le fondement de l'article 1382, devenu 1240 du code civil. 8. En statuant ainsi, alors que, selon ses propres constatations, M. G... s'était borné à adresser une lettre au procureur de la République, sans mettre lui-même en mouvement l'action publique, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Portée et conséquences de la cassation 9. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 10. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond. 11. Aucune faute ne pouvant être retenue à l'encontre de M. G..., les demandes de M. U... doivent être rejetées. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les moyens du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il dit n'y avoir lieu d'écarter des débats certaines pièces, l'arrêt rendu le 11 décembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; REJETTE les demandes de M. U... ; Condamne M. U... aux dépens, en ce compris ceux exposés devant les juges du fond ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mars deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat aux Conseils, pour M. G.... PREMIER MOYEN DE CASSATION Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR dit que monsieur G..., auteur d'une dénonciation téméraire, avait engagé sa responsabilité civile délictuelle à l'égard de monsieur U... et D'AVOIR condamné en conséquence monsieur G... à payer à monsieur U... la somme d'un euro symbolique au titre de son préjudice économique ainsi que la somme de 5 000 euros au titre de son préjudice moral ; AUX MOTIFS QUE sur la dénonciation téméraire, la témérité d'une dénonciation était à elle seule susceptible d'engager la responsabilité de son auteur ; qu'il ne pouvait être contesté que le courrier du 4 janvier 2007 adressé par monsieur G... au procureur de la république de Montpellier avait donné lieu à l'ouverture d'une enquête préliminaire puis d'une information judiciaire ayant abouti à un non-lieu, étant relevé que l'ordonnance elle-même débutait par la référence à ce courrier ; qu'il n'y avait pas lieu, comme l'avait fait le premier juge, de limiter le périmètre de la faute à la seule lettre du 4 janvier 2007 et d'écarter les déclarations faites le 26 avril 2007 par monsieur G... aux services de police et ce, sur sa demande et de sa seule initiative, la cour relevant en outre que la pièce avait régulièrement été communiquée ; qu'en effet, la dénonciation téméraire était constituée tant par le courrier initial que par les déclarations complémentaires qui en étaient le prolongement et qui en tout état de cause étaient prises en compte dans le cadre de l'enquête préliminaire ; que l'intimé faisait valoir que l'ordonnance de non-lieu retenait expressément que l'exactitude des faits dénoncés par lui était confirmée par l'enquête effectuée par le SRPJ de Montpellier ; qu'en réalité, l'ordonnance indique seulement au niveau de l'exposé des faits et non de la discussion : « L'enquête préliminaire confiée aux fonctionnaires du SRPJ de Montpellier venait confirmer la matérialité des faits dénoncés par V... G... et mettait à jour des relations industrielles et commerciales privilégiées entre deux sociétés dirigées par A... U... et deux sociétés ayant participé à des opérations, notamment immobilières conduites par la CCI sous sa présidence » ; que le magistrat instructeur n'avait pas, contrairement à ce que soutenait l'intimé, considéré que les déclarations de monsieur G... étaient exactes ; qu'il était seulement relevé la matérialité des relations existant entre les sociétés visées et celle des cessions immobilières intervenues ; que s'agissant de la recherche d'un pacte de corruption entre monsieur U... et monsieur B... représentant légal de la société Océanis Promotion qui détenait 30 % du capital de la société Littoral Bureaux, dont le conseil d'administration était présidé par monsieur U..., monsieur G... indiquait notamment dans son courrier du 4 janvier 2007 : « Océanis aurait abondé en compte courant pour couvrir les besoins de trésorerie de la société Littoral Bureaux » ; que dans sa déposition spontanée du 26 avril 2007, il exposait encore : « (...) Il en ressort que la CCI n'a semble-t-il lancé aucun appel à la concurrence ou en tout cas n'a pas obtenu d'offres hormis celle d'une société Océanis, au capital de 50 000 FF, qui ne présente aucun profil sérieux pour ce type d'opérations (...) j'ai bien peur que cette opération ait permis à Monsieur U..., en contrepartie de cette vente "bradée" de redynamiser sa société Littoral Bureaux, alors en difficulté et au bord du dépôt de bilan avec notamment des capitaux propres en forte chute (...) » ; qu'en ce qui concernait l'existence d'un pacte de corruption entre monsieur U... et Monsieur L... E..., dirigeant la société Languedoc Terrains, monsieur G... déclarait notamment dans sa lettre du 4 janvier 2007 : « De la même manière, la société Languedoc Terrains a contracté avec la CCI pour l'acquisition de tènements fonciers. De manière totalement accidentelle, j'ai été contacté par un commercial de la société Languedoc Terrains, lequel faisait la promotion d'une opération immobilière située non loin du centre-ville de Montpellier, pour des opérations d'acquisitions concernant notamment de grands appartements d'une valeur d'environ 1 000 000 € chacun. Ce commercial m'a précisé que l'un des deux grands appartements ainsi mis à la vente était réservé à M. U..., Président de la CCI, la formule "réservé" ne signifiant pas bien sûr qu'il s'agissait d'une gratification, mais l'importance de l'acquisition projetée selon ce commercial m'a quelque peu étonné, au regard de la situation personnelle du président de la chambre qui indique qu'il ne pouvait pas faire face à 17 000 € de frais d'avocat engagé à titre personnel pour des mises en cause de son action en qualité de président de la chambre (...) » ; que l'identité de ce commercial n'était pas révélée ; que dans sa déposition du 26 avril 2007, monsieur G... ajoutait notamment : « Je pense que Monsieur U... a conclu le même type de pacte avec l'aménageur Languedoc Terrains à qui il a donné, sans consultation préalable et sans aucune mise en concurrence, l'aménagement de 27 ha sur la zone aéroportuaire, lesquels appartiennent à l'Etat mais sont gérés par la CCI (...) » ; que s'il n'y avait effectivement pas de qualification pénale de la part de monsieur G..., l'intimé avait bien dénoncé de manière explicite des faits susceptibles de recevoir la qualification de corruption et il importait peu que certains propos soient formulés au conditionnel, ceux relevés précédemment ne l'étant au demeurant pas, pour la plus grande part ; qu'en outre, l'exposé des déclarations ne permettait nullement de constater le caractère mesuré de l'expression, au demeurant également indifférent s'agissant d'une dénonciation effectuée au ministère public ; qu'il convenait de rappeler ici que l'arrêt rendu le 12 novembre 2009 par la cour d'appel de Montpellier, chambre correctionnelle et qui ne concernait pas les propos contenus dans la lettre du 4 janvier 2007 et dans la déposition spontanée du 26 avril 2007, mais les déclarations de monsieur G... dans la presse, n'avait pas, comme justement relevé par le premier juge, l'autorité de la chose jugée à l'égard de la juridiction civile dans le cadre de la présente instance ; qu'il serait également rappelé que les éléments constitutifs de la dénonciation téméraire étaient distincts de ceux de la diffamation ou de la dénonciation calomnieuse ; que surtout, l'ordonnance de non-lieu concluait que les investigations effectuées par les enquêteurs du SRPJ de Montpellier n'avaient pas permis de démontrer l'existence d'un pacte de corruption préalable à l'attribution de ces diverses opérations immobilières ; qu'il était précisé que les démarches de recherche d'informations de la part de monsieur Y... B... et de monsieur L... E..., préalablement aux opérations immobilières, étaient personnelles et n'avaient jamais été initiées par monsieur U... ; que plus encore, le magistrat instructeur indiquait : « En l'espèce, les différentes auditions des protagonistes mettent en lumière la volonté, tout au moins formelle de A... U... de ne pas apparaître officiellement dans les deux procédures d'attribution. Par ailleurs, le choix par la CCI de Montpellier de recourir à une procédure d'appel à candidature officielle pour l'acquisition de la résidence des Moulins, ou de marchés publics pour l'attribution de l'aménagement de la zone de fret de l'aéroport de Montpellier témoigne d'une indéniable volonté de transparence. Plusieurs témoins soutenaient d'ailleurs que le recours à ce type de procédure d'attribution avait été initié à la demande expresse de A... U.... En revanche, aucun témoin ne prétendait que ce dernier n'eût entrepris la moindre démarche pour s'y opposer ou pour dissuader les éventuelles initiatives. A... U... avait pris également le soin de ne participer à aucune des commissions ayant participé à la sélection des candidats. De surcroît, aucun membre de cette commission ne s'était plaint de manoeuvres de A... U... susceptibles d'influencer leur choix en faveur de la désignation de son candidat. / Concernant la désignation de l'acquéreur de la Résidence des Moulins, l'ensemble des participants à la procédure d'attribution s'accordait pour reconnaître au cours de leurs auditions que A... U... s'était montré passif et n'avait en aucune façon pesé, ni directement, ni indirectement, sur leur décision (...) » « (...) Concernant l'attribution de l'opération d'aménagement de la zone de fret de l'aéroport de Montpellier, à la SNC Languedoc Terrains, l'éventuelle intervention de A... U... dans cette désignation était encore moins établie par l'enquête. A... U... était à l'origine du recours à la procédure des marchés publics bien qu'elle ne fût pas légalement nécessaire en la matière. Aucun participant à la procédure de désignation n'excipait de tentatives de A... U... d'imposer son candidat. Le retrait de la SERIVI lors de l'attribution de la deuxième phase d'aménagement relevait d'une décision interne à cette société. Enfin, la pertinence du choix de la société Languedoc Terrains avait été avalisée par l'organisme indépendant, le CERALP » ; qu'ainsi, tant dans son courrier que dans sa déposition spontanée, monsieur G..., s'il ne qualifiait pas les faits pénalement, accusait clairement le président de la CCI de corruption ; qu'or, aucune des pièces produites par lui ne permettait d'établir que monsieur U... avait accompli dans ses fonctions des actes susceptibles d'influencer le choix des cessionnaires pour notamment bénéficier des conditions financières avantageuses pour l'acquisition d'un appartement ; qu'aucun élément comptable ne permettait en outre de conclure comme il l'indiquait dans sa lettre que la société Océanis avait ou même « aurait » « abondé en compte courant pour couvrir les besoins de trésorerie de la société Littoral Bureaux » ; que l'ordonnance de non-lieu soulignait quant à elle la transparence de la procédure des appels d'offres, alors que monsieur G... prétendait à l'absence de mise en concurrence ; qu'il convenait enfin d'examiner les critiques qui étaient formulées concernant la gestion financière de la CCI même si l'instruction n'avait pas porté sur ces faits ; que dans la lettre du 4 janvier 2007, monsieur G... accusait clairement monsieur U... de cacher aux membres des assemblées de la CCI des informations gênantes qui, si elles avaient été connues, les auraient conduits à ne pas approuver les comptes ; que le premier juge avait ici considéré que les pièces produites par monsieur G..., notamment des notes émanant de tiers et relatives aux comptes de la CCI, contenaient diverses évaluations chiffrées, montrant que les interrogations contenues dans la lettre au procureur de la République étaient fondées sur des analyses et vérifications, et n'avaient pas été émises avec la légèreté et l'imprudence caractéristiques de la dénonciation téméraire ; qu'or, les documents produits s'ils pouvaient être invoqués à l'appui de critiques à l'égard de la gestion de la CCI et notamment s'agissant des contributions mises à la charge du Pôle formation, ne permettaient nullement de mettre en cause la sincérité des comptes et d'étayer l'affirmation de l'existence d'une « technique de blocage » ; que si effectivement monsieur N... C... directeur de Sup de Co, s'élevait en août 2015 contre les facturations excessives pratiquées par le service général de la CCI, la cour ne voyait pas en quoi ces éléments relatifs à des discussions internes pouvaient alimenter une lettre au procureur de la République, étant en outre relevé que monsieur N... C... s'était dit par la suite « scandalisé » de l'utilisation qui avait pu être faite de son courrier ; que la légèreté et la témérité de la dénonciation résultaient encore du fait que le 4 janvier 2007, monsieur G... qui mettait clairement en cause la sincérité des comptes de la CCI et reprochait au président de présenter des budgets ne correspondant pas à la réalité, ne pouvait ignorer que la chambre régionale des comptes investiguait au sujet de la CCI et la prudence commandait, avant de lancer des accusations ou formuler au procureur de la République ses « interrogations », d'attendre le dépôt du rapport, étant relevé que l'intimé reconnaissait lors de son audition que le commissaire aux comptes de la CCI n'avait jamais formulé d'observations ; qu'il serait d'ailleurs relevé que le dernier rapport du commissaire aux comptes datait du 6 juin 2006, soit six mois avant le courrier litigieux ; que l'intimé ne pouvait sérieusement soutenir que chaque budget était indépendant et qu'il avait formulé des observations restées sans réponses, alors précisément qu'il critiquait dans son courrier les comptes depuis 2004 et que les rapports des commissaires aux comptes n'avaient jamais révélé d'irrégularités ; qu'en outre, un an plus tard, alors que le préfet indiquait un mois plus tôt qu'il avait approuvé les comptes et que le rapport de la chambre régionale des comptes allait dans le même sens, monsieur G... donnait encore une interview dans le journal Midi Libre du 30 janvier 2008 en ces termes : « Pourquoi entend-on que le rapport de la chambre régionale des comptes ne révélerait rien contre la gestion U... ? Réponse : c'est le bruit que font courir ses successeurs, je n'en crois rien. Le rapport est dans le bureau de l'avocat de U..., enfermé à double tour. La vérité est que la CCI allait droit dans le mur » ; qu'en l'état de l'ensemble de ces éléments, il était suffisamment établi que le courrier de l'intimé de même que ses déclarations complémentaires avaient été effectués dans des conditions téméraires, à l'attention d'une autorité ayant le pouvoir d'y donner suite, ce qui était de nature à engager sa responsabilité civile sur le fondement de l'article 1382 du code civil ; que le jugement serait donc infirmé en ce qu'il avait considéré qu'aucune faute ne pouvait être retenue contre monsieur G... et avait débouté monsieur U... de ses demandes (arrêt, pp. 8 à 13) ; ALORS QU'hors restriction légalement prévue, la liberté d'expression est un droit dont l'exercice, sauf dénigrement de produits ou de services, ne peut être contesté sur le fondement de l'article 1382 ancien du civil, devenu l'article 1240 nouveau du même code ; que si l'article 226-10 du code pénal, définissant et réprimant la dénonciation calomnieuse, institue une restriction légale à la liberté d'expression, et s'il en va de même aux termes de l'article 91 du code de procédure pénale en matière de dénonciation téméraire faite par la voie d'une plainte avec constitution de partie civile ayant provoqué l'ouverture d'une information judiciaire, aucune restriction légale n'existe en revanche à propos de la dénonciation téméraire faite par toute autre voie ; qu'en conséquence, une dénonciation téméraire susceptible de porter atteinte à l'honneur ou à la considération d'une personne, lorsqu'elle est commise par la voie d'une plainte avec constitution de partie civile, ne peut être poursuivie que sur le fondement du droit commun de la responsabilité civile délictuelle, le cas échéant selon le régime de l'article 91 du code de procédure pénale ; qu'en revanche, lorsqu'une telle dénonciation téméraire est commise par toute autre voie et, notamment, par lettre adressée au procureur de la République ou par déposition spontanée aux services de police, elle ne peut être poursuivie que sur le fondement de la diffamation et selon le régime spécial de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ; que les constatations de l'arrêt faisaient apparaître que la dénonciation reprochée à monsieur G..., à la supposer fautive, avait porté atteinte à la considération de monsieur U... ; que, l'arrêt ayant par ailleurs constaté que cette dénonciation avait eu pour supports une lettre adressée au procureur de la République le 4 janvier 2007 et une déposition faite auprès des services de police judiciaire le 26 avril 2007, il suivait de là que le seul régime légalement applicable à la réparation des préjudices causés par le caractère prétendument téméraire de cette dénonciation était celui de la diffamation, prévu à la loi du 29 juillet 1881 ; qu'en faisant droit à l'action exercée par monsieur U... selon le régime de la responsabilité délictuelle de droit commun et en ne relevant pas d'office l'irrecevabilité de cette action, pour n'avoir pas été introduite selon les règles du régime spécial des infractions de presse, la cour d'appel a violé l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881, par refus d'application, et l'article 1382 ancien du civil, devenu l'article 1240 nouveau du même code, par fausse application. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire) Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR dit que monsieur G..., auteur d'une dénonciation téméraire, avait engagé sa responsabilité civile délictuelle à l'égard de monsieur U... et D'AVOIR condamné en conséquence monsieur G... à payer à monsieur U... la somme d'un euro symbolique au titre de son préjudice économique ainsi que la somme de 5 000 euros au titre de son préjudice moral ; AUX MOTIFS QUE dans ses écritures, monsieur G... indiquait ne plus solliciter le rejet des pièces issues de la procédure pénale dans la mesure où si elles étaient citées dans les conclusions de monsieur U..., appelant, elles n'étaient pas au bordereau de pièces (arrêt, p. 7, pénultième alinéa) ; que sur la dénonciation téméraire, la témérité d'une dénonciation était à elle seule susceptible d'engager la responsabilité de son auteur ; qu'il ne pouvait être contesté que le courrier du 4 janvier 2007 adressé par monsieur G... au procureur de la république de Montpellier avait donné lieu à l'ouverture d'une enquête préliminaire puis d'une information judiciaire ayant abouti à un non-lieu, étant relevé que l'ordonnance elle-même débutait par la référence à ce courrier ; qu'il n'y avait pas lieu, comme l'avait fait le premier juge, de limiter le périmètre de la faute à la seule lettre du 4 janvier 2007 et d'écarter les déclarations faites le 26 avril 2007 par monsieur G... aux services de police et ce, sur sa demande et de sa seule initiative, la cour relevant en outre que la pièce avait régulièrement été communiquée ; qu'en effet, la dénonciation téméraire était constituée tant par le courrier initial que par les déclarations complémentaires qui en étaient le prolongement et qui en tout état de cause étaient prises en compte dans le cadre de l'enquête préliminaire ; que l'intimé faisait valoir que l'ordonnance de non-lieu retenait expressément que l'exactitude des faits dénoncés par lui était confirmée par l'enquête effectuée par le SRPJ de Montpellier ; qu'en réalité, l'ordonnance indique seulement au niveau de l'exposé des faits et non de la discussion : « L'enquête préliminaire confiée aux fonctionnaires du SRPJ de Montpellier venait confirmer la matérialité des faits dénoncés par V... G... et mettait à jour des relations industrielles et commerciales privilégiées entre deux sociétés dirigées par A... U... et deux sociétés ayant participé à des opérations, notamment immobilières conduites par la CCI sous sa présidence » ; que le magistrat instructeur n'avait pas, contrairement à ce que soutenait l'intimé, considéré que les déclarations de monsieur G... étaient exactes ; qu'il était seulement relevé la matérialité des relations existant entre les sociétés visées et celle des cessions immobilières intervenues ; que s'agissant de la recherche d'un pacte de corruption entre monsieur U... et monsieur B... représentant légal de la société Océanis Promotion qui détenait 30 % du capital de la société Littoral Bureaux, dont le conseil d'administration était présidé par monsieur U..., monsieur G... indiquait notamment dans son courrier du 4 janvier 2007 : « Océanis aurait abondé en compte courant pour couvrir les besoins de trésorerie de la société Littoral Bureaux » ; que dans sa déposition spontanée du 26 avril 2007, il exposait encore : « (...) Il en ressort que la CCI n'a semble-t-il lancé aucun appel à la concurrence ou en tout cas n'a pas obtenu d'offres hormis celle d'une société Océanis, au capital de 50 000 FF, qui ne présente aucun profil sérieux pour ce type d'opérations (...) j'ai bien peur que cette opération ait permis à Monsieur U..., en contrepartie de cette vente "bradée" de redynamiser sa société Littoral Bureaux, alors en difficulté et au bord du dépôt de bilan avec notamment des capitaux propres en forte chute (...) » ; qu'en ce qui concernait l'existence d'un pacte de corruption entre monsieur U... et Monsieur L... E..., dirigeant la société Languedoc Terrains, monsieur G... déclarait notamment dans sa lettre du 4 janvier 2007 : « De la même manière, la société Languedoc Terrains a contracté avec la CCI pour l'acquisition de tènements fonciers. De manière totalement accidentelle, j'ai été contacté par un commercial de la société Languedoc Terrains, lequel faisait la promotion d'une opération immobilière située non loin du centre-ville de Montpellier, pour des opérations d'acquisitions concernant notamment de grands appartements d'une valeur d'environ 1 000 000 € chacun. Ce commercial m'a précisé que l'un des deux grands appartements ainsi mis à la vente était réservé à M. U..., Président de la CCI, la formule "réservé" ne signifiant pas bien sûr qu'il s'agissait d'une gratification, mais l'importance de l'acquisition projetée selon ce commercial m'a quelque peu étonné, au regard de la situation personnelle du président de la chambre qui indique qu'il ne pouvait pas faire face à 17 000 € de frais d'avocat engagé à titre personnel pour des mises en cause de son action en qualité de président de la chambre (...) » ; que l'identité de ce commercial n'était pas révélée ; que dans sa déposition du 26 avril 2007, monsieur G... ajoutait notamment : « Je pense que Monsieur U... a conclu le même type de pacte avec l'aménageur Languedoc Terrains à qui il a donné, sans consultation préalable et sans aucune mise en concurrence, l'aménagement de 27 ha sur la zone aéroportuaire, lesquels appartiennent à l'Etat mais sont gérés par la CCI (...) » ; que s'il n'y avait effectivement pas de qualification pénale de la part de monsieur G..., l'intimé avait bien dénoncé de manière explicite des faits susceptibles de recevoir la qualification de corruption et il importait peu que certains propos soient formulés au conditionnel, ceux relevés précédemment ne l'étant au demeurant pas, pour la plus grande part ; qu'en outre, l'exposé des déclarations ne permettait nullement de constater le caractère mesuré de l'expression, au demeurant également indifférent s'agissant d'une dénonciation effectuée au ministère public ; qu'il convenait de rappeler ici que l'arrêt rendu le 12 novembre 2009 par la cour d'appel de Montpellier, chambre correctionnelle et qui ne concernait pas les propos contenus dans la lettre du 4 janvier 2007 et dans la déposition spontanée du 26 avril 2007, mais les déclarations de monsieur G... dans la presse, n'avait pas, comme justement relevé par le premier juge, l'autorité de la chose jugée à l'égard de la juridiction civile dans le cadre de la présente instance ; qu'il serait également rappelé que les éléments constitutifs de la dénonciation téméraire étaient distincts de ceux de la diffamation ou de la dénonciation calomnieuse ; que surtout, l'ordonnance de non-lieu concluait que les investigations effectuées par les enquêteurs du SRPJ de Montpellier n'avaient pas permis de démontrer l'existence d'un pacte de corruption préalable à l'attribution de ces diverses opérations immobilières ; qu'il était précisé que les démarches de recherche d'informations de la part de monsieur Y... B... et de monsieur L... E..., préalablement aux opérations immobilières, étaient personnelles et n'avaient jamais été initiées par monsieur U... ; que plus encore, le magistrat instructeur indiquait : « En l'espèce, les différentes auditions des protagonistes mettent en lumière la volonté, tout au moins formelle de A... U... de ne pas apparaître officiellement dans les deux procédures d'attribution. Par ailleurs, le choix par la CCI de Montpellier de recourir à une procédure d'appel à candidature officielle pour l'acquisition de la résidence des Moulins, ou de marchés publics pour l'attribution de l'aménagement de la zone de fret de l'aéroport de Montpellier témoigne d'une indéniable volonté de transparence. Plusieurs témoins soutenaient d'ailleurs que le recours à ce type de procédure d'attribution avait été initié à la demande expresse de A... U.... En revanche, aucun témoin ne prétendait que ce dernier n'eût entrepris la moindre démarche pour s'y opposer ou pour dissuader les éventuelles initiatives. A... U... avait pris également le soin de ne participer à aucune des commissions ayant participé à la sélection des candidats. De surcroît, aucun membre de cette commission ne s'était plaint de manoeuvres de A... U... susceptibles d'influencer leur choix en faveur de la désignation de son candidat. / Concernant la désignation de l'acquéreur de la Résidence des Moulins, l'ensemble des participants à la procédure d'attribution s'accordait pour reconnaître au cours de leurs auditions que A... U... s'était montré passif et n'avait en aucune façon pesé, ni directement, ni indirectement, sur leur décision (...) » « (...) Concernant l'attribution de l'opération d'aménagement de la zone de fret de l'aéroport de Montpellier, à la SNC Languedoc Terrains, l'éventuelle intervention de A... U... dans cette désignation était encore moins établie par l'enquête. A... U... était à l'origine du recours à la procédure des marchés publics bien qu'elle ne fût pas légalement nécessaire en la matière. Aucun participant à la procédure de désignation n'excipait de tentatives de A... U... d'imposer son candidat. Le retrait de la SERIVI lors de l'attribution de la deuxième phase d'aménagement relevait d'une décision interne à cette société. Enfin, la pertinence du choix de la société Languedoc Terrains avait été avalisée par l'organisme indépendant, le CERALP » ; qu'ainsi, tant dans son courrier que dans sa déposition spontanée, monsieur G..., s'il ne qualifiait pas les faits pénalement, accusait clairement le président de la CCI de corruption ; qu'or, aucune des pièces produites par lui ne permettait d'établir que monsieur U... avait accompli dans ses fonctions des actes susceptibles d'influencer le choix des cessionnaires pour notamment bénéficier des conditions financières avantageuses pour l'acquisition d'un appartement ; qu'aucun élément comptable ne permettait en outre de conclure comme il l'indiquait dans sa lettre que la société Océanis avait ou même « aurait » « abondé en compte courant pour couvrir les besoins de trésorerie de la société Littoral Bureaux » ; que l'ordonnance de non-lieu soulignait quant à elle la transparence de la procédure des appels d'offres, alors que monsieur G... prétendait à l'absence de mise en concurrence ; qu'il convenait enfin d'examiner les critiques qui étaient formulées concernant la gestion financière de la CCI même si l'instruction n'avait pas porté sur ces faits ; que dans la lettre du 4 janvier 2007, monsieur G... accusait clairement monsieur U... de cacher aux membres des assemblées de la CCI des informations gênantes qui, si elles avaient été connues, les auraient conduits à ne pas approuver les comptes ; que le premier juge avait ici considéré que les pièces produites par monsieur G..., notamment des notes émanant de tiers et relatives aux comptes de la CCI, contenaient diverses évaluations chiffrées, montrant que les interrogations contenues dans la lettre au procureur de la République étaient fondées sur des analyses et vérifications, et n'avaient pas été émises avec la légèreté et l'imprudence caractéristiques de la dénonciation téméraire ; qu'or, les documents produits s'ils pouvaient être invoqués à l'appui de critiques à l'égard de la gestion de la CCI et notamment s'agissant des contributions mises à la charge du Pôle formation, ne permettaient nullement de mettre en cause la sincérité des comptes et d'étayer l'affirmation de l'existence d'une « technique de blocage » ; que si effectivement monsieur N... C... directeur de Sup de Co, s'élevait en août 2015 contre les facturations excessives pratiquées par le service général de la CCI, la cour ne voyait pas en quoi ces éléments relatifs à des discussions internes pouvaient alimenter une lettre au procureur de la République, étant en outre relevé que monsieur N... C... s'était dit par la suite « scandalisé » de l'utilisation qui avait pu être faite de son courrier ; que la légèreté et la témérité de la dénonciation résultaient encore du fait que le 4 janvier 2007, monsieur G... qui mettait clairement en cause la sincérité des comptes de la CCI et reprochait au président de présenter des budgets ne correspondant pas à la réalité, ne pouvait ignorer que la chambre régionale des comptes investiguait au sujet de la CCI et la prudence commandait, avant de lancer des accusations ou formuler au procureur de la République ses « interrogations », d'attendre le dépôt du rapport, étant relevé que l'intimé reconnaissait lors de son audition que le commissaire aux comptes de la CCI n'avait jamais formulé d'observations ; qu'il serait d'ailleurs relevé que le dernier rapport du commissaire aux comptes datait du 6 juin 2006, soit six mois avant le courrier litigieux ; que l'intimé ne pouvait sérieusement soutenir que chaque budget était indépendant et qu'il avait formulé des observations restées sans réponses, alors précisément qu'il critiquait dans son courrier les comptes depuis 2004 et que les rapports des commissaires aux comptes n'avaient jamais révélé d'irrégularités ; qu'en outre, un an plus tard, alors que le préfet indiquait un mois plus tôt qu'il avait approuvé les comptes et que le rapport de la chambre régionale des comptes allait dans le même sens, monsieur G... donnait encore une interview dans le journal Midi Libre du 30 janvier 2008 en ces termes : « Pourquoi entend-on que le rapport de la chambre régionale des comptes ne révélerait rien contre la gestion U... ? Réponse : c'est le bruit que font courir ses successeurs, je n'en crois rien. Le rapport est dans le bureau de l'avocat de U..., enfermé à double tour. La vérité est que la CCI allait droit dans le mur » ; qu'en l'état de l'ensemble de ces éléments, il était suffisamment établi que le courrier de l'intimé de même que ses déclarations complémentaires avaient été effectués dans des conditions téméraires, à l'attention d'une autorité ayant le pouvoir d'y donner suite, ce qui était de nature à engager sa responsabilité civile sur le fondement de l'article 1382 du code civil ; que le jugement serait donc infirmé en ce qu'il avait considéré qu'aucune faute ne pouvait être retenue contre monsieur G... et avait débouté monsieur U... de ses demandes (arrêt, pp. 8 à 13) ; ALORS, EN PREMIER LIEU, QU'à la différence d'une plainte avec constitution de partie civile déposée entre les mains d'un juge d'instruction, une lettre adressée au procureur de la République, même si elle a la forme d'une plainte ou d'une dénonciation, ne met pas en mouvement l'action publique et ne déclenche pas nécessairement l'ouverture d'une information judiciaire ni même celle d'une enquête préliminaire, la suite à donner à une telle plainte ou dénonciation relevant de la seule appréciation du procureur ; que la cour d'appel avait constaté que la lettre de dénonciation reprochée à monsieur G... avait été adressée par ce dernier, le 4 janvier 2007, non pas à un juge d'instruction, mais au procureur de la République de Montpellier, d'où il résultait que l'enquête préliminaire puis l'information judiciaire ensuite effectuées avaient été respectivement ordonnée et requise par le procureur de la République au terme d'une appréciation l'ayant conduit à estimer qu'il existait à cet égard des indices suffisamment sérieux et donc que n'était pas téméraire ni fautive la dénonciation ayant pu conduire le procureur à porter une telle appréciation ; qu'en imputant néanmoins à faute à monsieur G... le fait que sa lettre adressée au procureur de la République avait « donné lieu à l'ouverture d'une enquête préliminaire puis d'une information judiciaire », la cour d'appel a violé l'article 1382 ancien du code civil, devenu l'article 1240 nouveau du même code, ensemble les articles 40, 40-1, 41, 80 et 86 du code de procédure pénale ; ALORS, EN DEUXIEME LIEU, QU'une dénonciation faite à un procureur de la République ou aux services de police judiciaire, lorsqu'elle articule des faits matériellement exacts et ne les assortit pas d'une qualification pénale, ne peut être regardée comme téméraire que si son auteur y déduit des faits concernés une accusation inexacte, formulée avec légèreté ou imprudence pour n'être pas étayée par des vérifications, études ou documents préalables suffisamment précis ; qu'en l'état d'une information judiciaire ouverte à la demande du procureur de la République au vu de la dénonciation litigieuse, la cour d'appel avait expressément constaté, d'une part, qu'aux termes mêmes de l'ordonnance du juge d'instruction, l'enquête préliminaire avait « confirm[é] la matérialité des faits dénoncés » par monsieur G..., d'autre part, que monsieur G... n'avait pas qualifié pénalement les faits dénoncés, que ce soit dans sa lettre de dénonciation ou dans sa déposition ultérieure auprès des services de police, d'où il suivait que sa dénonciation et ses déclarations n'auraient pu être regardées comme téméraires que s'il avait été constaté l'insuffisance des investigations et des documents fournis à leur soutien ; qu'en s'abstenant de procéder à une telle constatation, la cour d'appel a violé l'article 1382 ancien du code civil, devenu l'article 1240 nouveau du même code ; ALORS, EN TROISIEME LIEU, QU'en ne recherchant pas, comme l'y avait invitée monsieur G... (conclusions récapitulatives, not. pp. 43 à 45), si sa lettre adressée le 4 janvier 2007 au procureur de la République n'était pas étayée de pièces nombreuses attestant une étude sérieuse et approfondie, exclusive de toute témérité et donc de toute faute, quelle que fût la position différente postérieurement adoptée par le magistrat instructeur dans l'exercice des pouvoirs que lui conférait l'information judiciaire, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard du texte susvisé ; ALORS, EN QUATRIEME LIEU, QUE l'éventuelle faute du dénonciateur doit être appréciée par le juge à la date de la dénonciation ; qu'en se fondant néanmoins, pour retenir la faute de monsieur G..., sur le résultat des investigations du magistrat instructeur, donc en appréciant la prétendue faute en considération d'éléments postérieurs à la dénonciation, la cour d'appel a violé l'article 1382 ancien du code civil, devenu l'article 1240 nouveau du même code ; ALORS, EN CINQUIEME LIEU, QUE l'éventuelle faute du dénonciateur doit être appréciée par le juge en considération des moyens d'investigation dont le dénonciateur pouvait disposer au moment de sa dénonciation, d'où il suit que lorsque le ministère public a regardé les faits dénoncés comme suffisamment sérieux et étayés pour requérir l'ouverture d'une information judiciaire, la circonstance que la juridiction de l'instruction a ultérieurement conclu à l'absence de charges suffisantes, au terme de l'information et par l'emploi de pouvoirs d'investigation inaccessibles au dénonciateur, est impropre à caractériser la faute de ce dernier ; qu'en se fondant néanmoins, pour retenir la faute de monsieur G..., sur la circonstance que les investigations du magistrat instructeur avaient fait apparaître qu'aucune des pièces produites au soutien de la dénonciation ne permettait d'établir la commission par monsieur U... d'actes délictueux, donc en s'appuyant sur les résultats d'une information judiciaire ayant mis en jeu des pouvoirs d'investigation excédant ceux du dénonciateur, la cour d'appel, qui s'est déterminée par une considération impropre à caractériser la témérité de la dénonciation, a violé l'article 1382 ancien du code civil, devenu l'article 1240 nouveau du même code ; ALORS, EN SIXIEME LIEU, QU'est indifférente, au regard du caractère téméraire ou non d'une dénonciation, la circonstance que le parquet ou la juridiction de l'instruction aurait retenu l'absence de qualification pénale des faits, une telle opération de qualification relevant de la compétence de l'autorité judiciaire et son résultat ne pouvant être imputé à faute à l'auteur de la plainte ; qu'ayant constaté que la matérialité des faits dénoncés avait été confirmée par l'enquête des services de police, la cour d'appel, pour regarder la dénonciation comme téméraire, s'est fondée sur la circonstance que le magistrat instructeur avait retenu l'absence de qualification pénale des faits ; qu'en statuant par une telle considération, impropre à caractériser la faute de l'auteur de la plainte, la cour d'appel a violé de plus fort le texte susvisé ; ALORS, EN SEPTIEME LIEU, QUE des critiques figurant dans une dénonciation, mais n'ayant pas conduit à l'ouverture d'une enquête préliminaire ni, a fortiori, d'une information judiciaire, ne sont pas de nature à rendre la dénonciation téméraire ni donc fautive ; qu'en se fondant, pour apprécier la témérité de la dénonciation, sur les critiques exprimées par monsieur G... concernant la gestion financière de la chambre de commerce et d'industrie, quand il était constaté que l'information judiciaire n'avait pas porté sur ces faits, la cour d'appel a violé l'article 1382 ancien du code civil, devenu l'article 1240 nouveau du même code ; ALORS, EN HUITIEME LIEU, QUE monsieur G... avait fait valoir (conclusions récapitulatives devant la cour d'appel, not. p. 29, in fine, p. 34, troisième alinéa) que tous les faits dénoncés concernant les difficultés de fonctionnement de la chambre de commerce et d'industrie de Montpellier, en particulier le décalage entre les chiffres soumis au vote des membres de l'assemblée générale et la situation réelle des comptes, étaient avérés, établis par les pièces produites au soutien de la dénonciation et avaient même été admis par monsieur U... ; qu'en n'effectuant aucune recherche sur ce point avant d'affirmer purement et simplement que, s'agissant des critiques formulées concernant la gestion financière de la chambre de commerce et d'industrie, les documents produits ne permettaient nullement de mettre en cause la sincérité des comptes et d'étayer l'affirmation de l'existence d'une « technique de blocage », la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ; ALORS, EN NEUVIEME LIEU, QUE monsieur G... avait rappelé (conclusions récapitulatives devant la cour d'appel, not. p. 6) qu'à compter d'un vote de l'assemblée générale de la chambre de commerce et d'industrie du 30 juin 2006, il s'était vu retirer ses délégations spéciales et, en particulier, sa qualité de membre de la commission des finances ; qu'en se fondant, pour retenir la témérité de sa dénonciation, sur la pure et simple affirmation de ce que, le 4 janvier 2007, monsieur G... « ne pouvait ignorer que la chambre régionale des comptes investiguait au sujet » de la chambre de commerce et d'industrie et qu'il aurait donc manqué à la prudence en n'attendant pas le dépôt du rapport de la chambre régionale des comptes avant de lancer ses accusations, sans préciser de quel élément factuel précis elle déduisait que monsieur G... n'aurait pu ignorer l'investigation en cours, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ; ALORS, EN DIXIEME LIEU, QUE monsieur G... avait aussi fait valoir (conclusions récapitulatives devant la cour d'appel, not. pp. 5 et 6, p. 34, in fine) que l'envoi par lui d'une lettre au procureur de la République s'expliquait par l'absence de toute réponse aux questions sérieuses et multiples dont il avait précédemment saisi monsieur U..., de sorte qu'on ne pouvait regarder la dénonciation comme imprudente ; qu'en ne s'expliquant pas sur ce point avant de déclarer la dénonciation imprudente en ce que monsieur G... n'aurait notamment pas pris la précaution d'attendre le dépôt du rapport à venir de la chambre régionale des comptes, la cour d'appel a de plus fort privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ; ALORS, EN ONZIEME LIEU, QUE la témérité d'une dénonciation doit s'apprécier à la date à laquelle cette dénonciation est faite ; qu'en se fondant, pour retenir la témérité et la faute de monsieur G..., sur une circonstance postérieure à la dénonciation litigieuse, tenant à un interview accordé à un journal en janvier 2008, la cour d'appel a violé le texte susvisé. TROISIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire) Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR condamné monsieur G... à payer à monsieur U... la somme d'un euro symbolique au titre de son préjudice économique ainsi que la somme de 5 000 euros au titre de son préjudice moral ; AUX MOTIFS QUE sur le préjudice et le lien de causalité, monsieur U... avait manifestement subi le poids et les contraintes liées à une information judiciaire qui s'est déroulée sur trois ans, laquelle avait été ouverte à la suite de l'enquête préliminaire déclenchée suite au courrier de l'intimé ; qu'il avait dû démissionner en septembre 2007 dans des conditions humiliantes ; qu'il convenait encore de retenir la publicité donnée à « l'affaire U... », étant relevé que monsieur G... avait contribué à alimenter la campagne médiatique comme cela ressortait des articles de presse produits ; que le certificat médical versé aux débats attestait les difficultés psychologiques rencontrées à la suite de ces événements ; qu'il serait fait droit à la demande de condamnation à l'euro symbolique au titre du préjudice économique et la somme de 5 000 euros au titre du préjudice moral (arrêt, p. 13) ; ALORS, EN PREMIER LIEU, QU'à la différence d'une plainte avec constitution de partie civile déposée entre les mains d'un juge d'instruction, une lettre adressée au procureur de la République, même si elle a la forme d'une plainte ou d'une dénonciation, ne met pas en mouvement l'action publique et ne déclenche pas nécessairement l'ouverture d'une information judiciaire ni même celle d'une enquête préliminaire, la suite à donner à une telle plainte ou dénonciation relevant de la seule appréciation du procureur ; que la cour d'appel avait constaté que la lettre de dénonciation reprochée à monsieur G... avait été adressée par ce dernier, le 4 janvier 2007, non pas à un juge d'instruction, mais au procureur de la République de Montpellier, d'où il résultait que l'enquête préliminaire puis l'information judiciaire ensuite effectuées avaient été respectivement ordonnée et requise par le procureur de la République au terme d'une appréciation l'ayant conduit à estimer qu'il existait à cet égard des indices suffisamment sérieux et donc que la lettre de dénonciation de monsieur G... n'avait pas juridiquement été la cause de l'enquête ni de l'information ; qu'en retenant néanmoins que monsieur G... devait se voir imputer les conséquences subis par monsieur U... du fait de l'information judiciaire, la cour d'appel a violé l'article 1382 ancien du code civil, devenu l'article 1240 nouveau du même code, ensemble les articles 40, 40-1, 41, 80 et 86 du code de procédure pénale ; ALORS, EN DEUXIEME LIEU, QUE des critiques figurant dans une dénonciation, mais n'ayant pas conduit à l'ouverture d'une enquête préliminaire ni, a fortiori, d'une information judiciaire, ne sont pas de nature à causer un préjudice à la personne se plaignant de la témérité de la dénonciation ; qu'en attribuant un rôle causal à l'ensemble de la dénonciation faite par monsieur G..., en ce comprises les critiques formulées concernant la gestion financière de la chambre de commerce et d'industrie de Montpellier, cependant qu'il était constaté que l'information judiciaire n'avait pas porté sur ces faits et qu'il résultait nécessairement de cette constatation l'absence de rôle causal d'une telle dénonciation, la cour d'appel a violé l'article 1382 ancien du code civil, devenu l'article 1240 nouveau du même code ; ALORS, EN TROISIEME LIEU, QUE les juges du fond qui, en réparation du préjudice causé par une dénonciation téméraire, accordent une somme globale pour le préjudice résultant de l'ensemble des accusations figurant à la dénonciation, doivent s'expliquer sur l'existence du préjudice qui résulterait pour la personne visée de la dénonciation de chaque fait concerné ; qu'en allouant à monsieur U... une somme globale au titre du préjudice économique et moral prétendument causé par la dénonciation articulant à la fois des critiques relatives à des faits qualifiables de corruption et des critiques relatives à la gestion financière de la chambre de commerce et d'industrie de Montpellier, sans s'expliquer sur l'existence d'un préjudice résultant spécifiquement de chacune de ces accusations, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard du texte susvisé.
En dehors des cas visés par les articles 91, 472 et 516 du code de procédure pénale, la dénonciation, auprès de l'autorité judiciaire, de faits de nature à être sanctionnés pénalement, fussent-ils inexacts, ne peut être considérée comme fautive. Il n'en va autrement que s'il est établi que son auteur avait connaissance de l'inexactitude des faits dénoncés, le délit de dénonciation calomnieuse, prévu et réprimé à l'article 226-10 du code pénal, étant alors caractérisé
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CIV. 1 MY1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 25 mars 2020 Cassation partielle sans renvoi Mme BATUT, président Arrêt n° 237 FS-P+B Pourvoi n° A 18-22.451 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 25 MARS 2020 Mme C... E..., domiciliée [...], a formé le pourvoi n° A 18-22.451 contre le jugement rendu le 20 juillet 2018 par le tribunal d'instance de Limoges, dans le litige l'opposant à M. N... U..., domicilié [...], défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Vitse, conseiller référendaire, les observations de Me Le Prado, avocat de Mme E..., de Me Brouchot, avocat de M. U..., et l'avis de Mme Ab-Der-Halden, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 25 février 2020 où étaient présents Mme Batut, président, M. Vitse, conseiller référendaire rapporteur, Mme Kamara, conseiller doyen, M. Girardet, Mmes Duval-Arnould, Teiller, MM. Avel, Mornet, Chevalier, Mme Kerner-Menay, conseillers, Mmes Canas, Dazzan, Le Gall, Kloda, M. Serrier, Mmes Champ, Comte, Robin-Raschel, conseillers référendaires, Mme Ab-Der-Halden, avocat général référendaire, et Mme Randouin, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Limoges, 20 juillet 2018), rendu en dernier ressort, Mme E..., héritière de sa tante décédée, a formé opposition à une ordonnance d'injonction de payer une certaine somme au titre d'un contrat de prestations funéraires conclu avec M. U..., opérateur de pompes funèbres. Examen du moyen Enoncé du moyen 2. Mme E... fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande en paiement de M. U..., après avoir rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription biennale, alors « que l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans ; qu'en retenant, pour écarter cette prescription, que la créance de M. U... n'était pas née de la relation entre un professionnel et un consommateur ou d'un contrat classique de droit de la consommation, tandis qu'il constatait qu'elle était née d'un contrat conclu entre un consommateur, Mme E... et M. U..., professionnel des pompes funèbres, chargeant ce dernier de prestations pour l'inhumation de Mme B..., le tribunal d'instance, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé par refus d'application l'article L. 218-2 du code de la consommation. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 137-2, devenu L. 218-2 du code de la consommation : 3. Aux termes de ce texte, l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans. 4. L'opérateur de pompes funèbres qui conclut un contrat de prestations funéraires avec un consommateur lui fournit un service, ce dont il résulte que l'action en paiement qui procède de ce contrat est soumise à la prescription biennale. 5. Il importe peu que la créance relève des frais funéraires, dès lors que, les dettes successorales ne faisant l'objet d'aucun régime de prescription dérogatoire, le seul fait qu'une dette puisse être mise à la charge d'une succession ne la soumet pas à un régime différent de celui qui s'applique en raison de sa nature. 6. Pour rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription biennale, le jugement retient que la créance litigieuse n'est pas née d'un contrat de consommation et que, dépendant du passif de la succession, les frais funéraires obéissent à la prescription quinquennale de droit commun. 7. En statuant ainsi, alors qu'il relevait que le contrat litigieux avait été conclu entre un professionnel et un consommateur aux fins de prestations funéraires, le tribunal, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé. Portée et conséquences de la cassation 8. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 9. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond. 10. La facture litigieuse a été établie le 12 novembre 2013. Le délai de prescription biennale de l'action en recouvrement de cette facture était donc expiré lorsqu'a été signifiée, le 4 septembre 2017, l'ordonnance d'injonction d'en payer le montant. Il en résulte que l'action en paiement de M. U... est prescrite. 11. Mme E... se borne à soutenir que l'action en paiement de M. U... est abusive, sans caractériser un tel abus, de sorte que sa demande de dommages-intérêts sera rejetée. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il reçoit l'opposition formée par Mme E... et déclare non avenue l'ordonnance d'injonction de payer du 2 août 2017, le jugement rendu le 20 juillet 2018, entre les parties, par le tribunal d'instance de Limoges ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; Déclare prescrite l'action en paiement de M. U... ; Rejette la demande de dommages-intérêts de Mme E... ; Condamne M. U... aux dépens, incluant ceux exposés devant les juges du fond ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mars deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour Mme E.... Le moyen reproche au jugement attaqué, D'AVOIR rejeté l'exception d'irrecevabilité tirée de la prescription soulevée par Mme E... et de l'avoir condamné au paiement d'une somme de 2778,50 euros en principal ; AUX MOTIFS QUE la durée de la prescription est déterminée par la nature de la créance ; que la créance de M. N... U... n'est pas née de la relation entre un professionnel et un consommateur ou d'un contrat classique de droit de la consommation, les dispositions de l'article L. 218-2 du code de la consommation ne sont donc pas applicables ; que Mme C... E... est l'unique héritière de sa tante Mme B..., et tenue à ce titre du passif et des dettes successorales ; que les frais funéraires ou d'obsèques font partie du passif de la succession, ils bénéficient à ce titre de la prescription quinquennale des créances de l'article 2224 du code civil ; que les factures litigieuses datent respectivement du 12 novembre 2013 (n° 756) et du 5 décembre 2013 (n°759) et la citation en justice du 2 octobre 2017 interruptive de la prescription (article 2244 du code civil) a été délivrée à l'intérieur du délai de 5 ans ; que la prescription de l'action avait déjà été interrompue par la signification de l'ordonnance d'injonction de payer intervenue le 4 septembre 2017 ; que la jurisprudence décide qu'en termes d'injonction de payer, ce n'est pas la requête qui doit être considérée comme une demande en justice interrompant la prescription, mais la signification de l'ordonnance portant injonction de payer (cf. pour illustration Cour de cassation 1re chambre civile 11 mars 2010 n° de pourvoi : 09-12346) ; que l'action en paiement de M. N... U... à l'encontre de Mme C... E... n'est pas atteinte par la prescription et la fin de non-recevoir tirée de la prescription - et l'irrecevabilité à laquelle elle ten - sera rejetée ; ALORS QUE l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans ; qu'en retenant, pour écarter cette prescription, que la créance de M. U... n'était pas née de la relation entre un professionnel et un consommateur ou d'un contrat classique de droit de la consommation, tandis qu'il constatait qu'elle était née d'un contrat conclu entre un consommateur, Mme E... et M. U..., professionnel des pompes funèbres, chargeant ce dernier de prestations pour l'inhumation de Mme B..., le tribunal, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé par refus d'application l'article L. 218-2 du code de la consommation.
L'opérateur de pompes funèbres qui conclut un contrat de prestations funéraires avec un consommateur lui fournit un service, ce dont il résulte que l'action en paiement qui procède de ce contrat est soumise à la prescription biennale prévue à l'article L. 137-2, devenu L. 218-2 du code de la consommation, peu important que la créance relève des frais funéraires
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CIV. 1 FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 25 mars 2020 Cassation partielle Mme BATUT, président Arrêt n° 244 F-P+B Pourvoi n° Y 18-26.060 Aide juridictionnelle totale en demande au profit de Mme U.... Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 25 septembre 2018. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 25 MARS 2020 Mme I... U..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° Y 18-26.060 contre l'arrêt rendu le 31 janvier 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 2, chambre 7), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Atlas Mediacom, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [...] , 2°/ à la société Prisma Media, société en nom collectif, dont le siège est [...] , 3°/ à la société M6 Web, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , 4°/ à la société Info Reso Socio, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , 5°/ à la société Photo News, société anonyme, dont le siège est [...] (Belgique), 6°/ à la société E-Press Photo Com, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , 7°/ à la société Independant Star LTD, dont le siège est [...] (Irlande), 8°/ à la société Assalas com, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , 9°/ à la société B... Digital France, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , 10°/ à la société B... Media News, venant aux droits de la société L... R... associés, société en nom collectif, dont le siège est [...] , 11°/ à la société De Persgroep, société anonyme, dont le siège est [...] (Belgique), 12°/ à la société Groupe multimédia IPM, dont le siège est [...] (Belgique), 13°/ à la société établissement public RTBF, dont le siège est [...] (Belgique), adresse dans l'acte de remise : [...] , 14°/ à la société Sud presse, société anonyme, dont le siège est [...] (Belgique), 15°/ à la société Groupe V... et Cie, société anonyme, dont le siège est [...] (Belgique), 16°/ à la Société normande d'information et de communication, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [...] , 17°/ à la société FHB, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , 18°/ à M. D... P..., domicilié [...] , tous deux pris en leur qualité de commissaire à l'exécution du plan de la Société normande d'information et de communication, 19°/ à la société [...] , société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , en la personne de M. O... S..., prise en qualité de liquidateur de la société E-Presse Photo Com, défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Canas, conseiller référendaire, les observations de Me Le Prado, avocat de Mme U..., de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société B... Digital France, de la société B... Media News, venant aux droits de la société L... R... associés, de la SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller, avocat de la Société normande d'information et de communication, de la société FHB et de M. P..., ès qualités, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société M6 Web, de la SCP Richard, avocat de la société Prisma Media, après débats en l'audience publique du 25 février 2020 où étaient présentes Mme Batut, président, Mme Canas, conseiller référendaire rapporteur, Mme Kamara, conseiller doyen, et Mme Randouin, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Désistement partiel 1. Il est donné acte à Mme I... U... du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre les sociétés Independant Star LTD, Assalas com et De Persgroep. Faits et procédure 2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 31 janvier 2018), H... U... a trouvé la mort le [...], au cours d'une opération de police menée à la suite des attentats terroristes survenus le 13 novembre 2015. 3. Soutenant que sa photographie avait été publiée, au lieu de celle de sa soeur H..., par différents journaux et sites Internet qui ont relaté cet événement, et invoquant l'atteinte ainsi portée au droit dont elle dispose sur son image, Mme I... U... a, selon actes des 15, 19 et 20 avril 2016, assigné les sociétés B... Digital France, De Persgroep, Société normande d'information et de communication (SNIC), Atlas Mediacom, Prisma Media, Independant Star LTD, Groupe multimédia IPM, M6 Web, Sud presse, Assalas com, Info Reso Socio, Groupe V... et Cie, L... R... associés, aux droits de laquelle vient la société B... Media News, l'entreprise publique RTBF (la RTBF) et MM. P... et W..., en leur qualité d'administrateurs judiciaires de la SNIC, aux fins d'obtenir la réparation de son préjudice, ainsi que la suppression de la photographie litigieuse sur les sites en cause. Les sociétés Groupe V... et Cie, Sud presse, Groupe multimédia IPM, De Persgroep et la RTBF ont appelé en garantie la société Photo News, qui a assigné en intervention forcée la société E-Press Photo Com, actuellement en liquidation et représentée par la société [...] , prise en la personne de M. S.... Examen des moyens Sur le troisième moyen, ci-après annexé 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le premier moyen, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 5. Mme I... U... fait grief à l'arrêt de constater que son action est relative à une diffamation à son égard et de dire que celle-ci est prescrite, alors « que la diffamation visant une personne ne peut rejaillir sur une autre que dans la mesure où les imputations diffamatoires lui sont étendues, fût-ce de manière déguisée ou dubitative, ou par voie d'insinuation ; que l'action de Mme U... tendait à obtenir l'indemnisation du préjudice consécutif à l'atteinte au droit à l'image, résultant de la publication par erreur de sa photographie au lieu de celle de sa soeur à qui les articles litigieux imputait des agissements criminels, sans qu'il ne soit soutenu d'aucune façon qu'elle en aurait été l'auteur ni même que son nom soit cité ; qu'en requalifiant néanmoins cette demande en action en diffamation, la cour d'appel a violé l'article 9 du code civil par refus d'application et l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881 par fausse application. » Réponse de la Cour Vu les articles 9 du code civil et 29 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse : 6. La diffamation visant une personne ne peut rejaillir sur une autre que dans la mesure où les imputations diffamatoires lui sont étendues, fût-ce de manière déguisée ou dubitative, ou par voie d'insinuation. 7. Pour requalifier en action fondée sur une diffamation l'action exercée par Mme I... U... et la déclarer prescrite en application de l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881, après avoir relevé que le constat d'huissier produit à l'appui de la demande formée par cette dernière établit qu'elle est bien présentée comme une terroriste kamikaze, l'arrêt retient que le fait qu'il s'agisse d'une erreur grossière n'ôte rien au fait que la photographie litigieuse et sa légende lui imputent un comportement criminel attentatoire à son honneur et à sa considération et que, dès lors, la diffusion de son image dans de telles conditions est constitutive d'une diffamation à son égard. 8. En statuant ainsi, alors que, selon ses propres constatations, Mme I... U... invoquait l'atteinte portée au droit dont elle dispose sur son image du fait de la publication, par erreur, de sa photographie au lieu de celle de sa soeur, et que le texte accompagnant cette photographie imputait des agissements criminels exclusivement à cette dernière, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il constate l'irrecevabilité de l'action dirigée contre la société De Persgroep, l'arrêt rendu le 31 janvier 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ; Condamne l'entreprise publique RTBF, les sociétés B... Digital France, B... Media News, Atlas Mediacom, Prisma Media, M6 Web, Info Reso Socio, Groupe multimédia IPM, Sud presse, Groupe V... et Cie, Photo News, Société normande d'information et de communication, ainsi que la société FHB et M. P..., en leurs qualités de commissaires à l'exécution du plan de cette dernière, et la société [...] , prise en sa qualité de liquidateur de la société E-Press Photo Com, aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme I... U... ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, signé par Mme Kamara, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller empêché, et Mme Randouin, greffier de chambre qui a assisté au prononcé de l'arrêt, et par le président en son audience publique du vingt-cinq mars deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour Mme U.... PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR constaté que l'action de I... U... était relative à une diffamation à son égard, dit que celle-ci était prescrite et en conséquence de l'en avoir déboutée ; AUX MOTIFS QUE la cour constatera que, notamment le constat d'huissier qui illustre la demande de l'intimé, établit que celle-ci est bien présentée comme une terroriste kamikaze ; que le fait qu'il s'agisse d'une erreur grossière n'ôte rien au fait que la photographie litigieuse et sa légende lui impute un comportement criminel attentatoire à son honneur et à sa considération, ce comportement est susceptible d'un débat probatoire, particulièrement quant au caractère erroné de cette imputation ; que la diffusion de son image dans de telle condition relève donc d'une diffamation à son égard ; qu'il appartenait au juge de requalifier en ce sens son action et de constater la prescription de celle-ci par application des dispositions de l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881 ; 1°) ALORS QU'une action tendant à la seule réparation d'une atteinte au droit à l'image, sur le fondement exclusif de l'article 9 du code civil, et sans qu'il ne soit invoqué d'allégations ou imputations portant atteinte à l'honneur et à la considération, ne peut être requalifiée par le juge en action en diffamation ; que Mme U... avait fondé son action contre les sociétés défenderesses sur l'article 9 du code civil, en soutenant que la publication de la photo en cause portait atteinte à son droit à l'image et que ses demandes ne visaient pas à faire sanctionner des propos diffamatoires affectant son honneur ou sa considération, mais tendaient à obtenir l'indemnisation du préjudice consécutif à l'atteinte au droit à l'image, à l'exclusion de tout autre préjudice ; qu'en requalifiant néanmoins sa demande en action en diffamation, la cour d'appel a violé l'article 9 du code civil par refus d'application et l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881 par fausse application ; 2°) ALORS QUE, en toute hypothèse, la diffamation visant une personne ne peut rejaillir sur une autre que dans la mesure où les imputations diffamatoires lui sont étendues, fût-ce de manière déguisée ou dubitative, ou par voie d'insinuation ; que l'action de Mme U... tendait à obtenir l'indemnisation du préjudice consécutif à l'atteinte au droit à l'image, résultant de la publication par erreur de sa photographie au lieu de celle de sa soeur à qui les articles litigieux imputait des agissements criminels, sans qu'il ne soit soutenu d'aucune façon qu'elle en aurait été l'auteur ni même que son nom soit cité ; qu'en requalifiant néanmoins cette demande en action en diffamation, la cour d'appel a violé l'article 9 du code civil par refus d'application et l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881 par fausse application. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR infirmé le jugement en ce qu'il a condamné les sociétés B... Digital France et L... R... Associés à payer chacune la somme 1 000 euros à Mme I... U..., en réparation de son préjudice moral résultant de l'atteinte portée à son droit à l'image et débouté Mme I... U... de son action dirigée contre ces sociétés ; AUX MOTIFS QUE la cour constatera que, notamment le constat d'huissier qui illustre la demande de l'intimé, établit que celle-ci est bien présentée comme une terroriste kamikaze ; que le fait qu'il s'agisse d'une erreur grossière n'ôte rien au fait que la photographie litigieuse et sa légende lui impute un comportement criminel attentatoire à son honneur et à sa considération, ce comportement est susceptible d'un débat probatoire, particulièrement quant au caractère erroné de cette imputation ; que la diffusion de son image dans de telle condition relève donc d'une diffamation à son égard ; qu'il appartenait au juge de requalifier en ce sens son action et de constater la prescription de celle-ci par application des dispositions de l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881 ; ALORS QUE les juges du fond ne peuvent aggraver le sort de l'appelant sur son seul appel, en l'absence d'appel incident ; que, saisie de l'appel principal de Mme U..., la cour d'appel a infirmé le jugement en ce qu'il avait condamné les sociétés B... Digital France et L... R... Associés à lui payer chacune la somme 1 000 euros, tandis que, ces sociétés ayant été déclarées irrecevables à conclure par ordonnance du conseiller de la mise en état du 28 juin 2017 ; qu'en aggravant ainsi le sort de Mme U... sur son seul appel, la cour d'appel a violé l'article 562 du code de procédure civile. TROISIEME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR débouté Mme I... U... de son action ; AUX MOTIFS QUE la cour constatera que, notamment le constat d'huissier qui illustre la demande de l'intimé, établit que celle-ci est bien présentée comme une terroriste kamikaze ; que le fait qu'il s'agisse d'une erreur grossière n'ôte rien au fait que la photographie litigieuse et sa légende lui impute un comportement criminel attentatoire à son honneur et à sa considération, ce comportement est susceptible d'un débat probatoire, particulièrement quant au caractère erroné de cette imputation ; que la diffusion de son image dans de telle condition relève donc d'une diffamation à son égard ; qu'il appartenait au juge de requalifier en ce sens son action et de constater la prescription de celle-ci par application des dispositions de l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881 ; ALORS QUE le juge qui décide que la demande dont il est saisi est prescrite excède ses pouvoirs en statuant au fond ; qu'en déboutant Mme I... U... de son action après l'avoir dit prescrite, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs au regard de l'article 122 du code de procédure civile.
La diffamation visant une personne ne peut rejaillir sur une autre que dans la mesure où les imputations diffamatoires lui sont étendues, fût-ce de manière déguisée ou dubitative, ou par voie d'insinuation. Dès lors, viole les articles 9 du code civil et 29 de la loi du 29 juillet 1881 une cour d'appel qui requalifie en action fondée sur une diffamation une action exercée à l'encontre de divers éditeurs de journaux et sites internet, alors que, selon ses propres constatations, la demanderesse invoquait l'atteinte portée au droit dont elle dispose sur son image du fait de la publication, par erreur, de sa photographie au lieu de celle de sa soeur, et que le texte accompagnant cette photographie imputait des agissements criminels exclusivement à cette dernière
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CIV. 1 FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 25 mars 2020 Rejet Mme BATUT, président Arrêt n° 245 F-P+B Pourvoi n° J 18-17.721 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 25 MARS 2020 M. J... H..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° J 18-17.721 contre l'arrêt rendu le 23 janvier 2018 par la cour d'appel de Poitiers (2e chambre civile), dans le litige l'opposant à la société [...] , société d'exercice libéral à responsabilité limitée, représentée par M. U... G..., dont le siège est [...] , prise en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Cave du haut Poitou, défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Vitse, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. H..., de la SARL Corlay, avocat de la société [...] , ès qualités, après débats en l'audience publique du 25 février 2020 où étaient présents Mme Batut, président, M. Vitse, conseiller référendaire rapporteur, Mme Kamara, conseiller doyen, et Mme Randouin, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 23 janvier 2018), la société coopérative agricole Cave du haut Poitou (la coopérative) a été mise en liquidation judiciaire. 2. La société [...] , agissant en qualité de mandataire judiciaire à la liquidation de la coopérative, a assigné M. H..., en qualité d'associé coopérateur, en paiement d'une certaine somme au titre de la responsabilité de chaque coopérateur dans le passif de la coopérative. Examen des moyens Sur le second moyen, ci-après annexé 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 4. M. H... fait grief à l'arrêt de dire qu'il avait la qualité d'associé coopérateur au jour de l'ouverture de la procédure collective et d'accueillir, en conséquence, la demande en paiement, alors : « 1°/ que la qualité d'associé coopérateur suppose, non seulement que la partie détienne une fraction du capital, mais également qu'elle ait la qualité d'utilisateur des services de la coopérative ; qu'en estimant que l'absence d'utilisation des services de la coopérative n'était pas de nature à faire perdre la qualité d'associé coopérateur, les juges du fond ont violé l'article L. 521-1-1 du code rural et de la pêche maritime, ainsi que des articles L. 522-3 et L. 522-4 du même code ; 2°/ qu'en ne recherchant pas, comme l'y invitait M. H..., si le fait qu'il n'était plus convoqué aux assemblées générales, quand les statuts imposaient la convocation de tous les associés coopérateur, ne démontrait pas qu'aux yeux de la coopérative, M. H... n'avait plus la qualité d'associé coopérateur, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des articles L. 521-1-1, L. 522-3 et L. 522-4 du code rural et de la pêche maritime ; 3°/ qu'en opposant la procédure prévue par les statuts, pour considérer que seule la mise en oeuvre de cette procédure permettait de perdre la qualité d'associé coopérateur, quand cette procédure ne concerne que l'hypothèse où la partie entend perdre la qualité d'associé mais qu'elle n'est pas applicable à la perte de la seule qualité de coopérateur, les juges du fond ont violé l'article L. 521-1-1 du code rural et de la pêche maritime, ainsi que des articles L. 522-3 et L. 522-4 du même code. » Réponse de la Cour 5. Après avoir constaté que M. H... affirmait avoir quitté la coopérative en 1995 et que, ce faisant, il reconnaissait lui-même sa qualité de coopérateur, l'arrêt retient que la perte de la qualité d'associé coopérateur est soumise à un ensemble de règles statutaires précises et ne se perd pas par la cessation de livraison des récoltes. Il ajoute que M. H..., qui a souscrit des parts de coopérateur en qualité d'associé coopérateur en octobre 1971, ne justifie pas avoir notifié, à l'issue de la première période décennale de son engagement ou lors des périodes de reconduction tacite, sa volonté de se retirer dans les conditions prévues par les statuts, ni avoir reçu l'autorisation de se retirer au cours de ces périodes dans les conditions prévues par les statuts. 6. De ces constatations et appréciations souveraines, la cour d'appel n'a pu que déduire, sans être tenue de procéder à une recherche inopérante, que, faute d'avoir notifié son retrait conformément aux dispositions statutaires, M. H... avait toujours la qualité d'associé coopérateur lors de l'ouverture de la procédure collective de la coopérative, peu important qu'il ait cessé tout apport. 7. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. H... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mars deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour M. H.... PREMIER MOYEN DE CASSATION L'arrêt infirmatif attaqué encourt la censure ; EN CE QU'il a décidé que M. H... avait la qualité de société coopérateur au 20 novembre 2013 et condamné en conséquence M. H... à payer une certaine somme à la liquidation judiciaire ; AUX MOTIFS QU' « aux termes de l'article R. 522-2 du Code rural : "la qualité d'associé coopérateur est établie par la souscription ou par l'acquisition d'une ou plusieurs parts sociales de la coopérative. Toute société coopérative agricole doit avoir obligatoirement à son siège un fichier des associée coopérateurs sur lequel ces derniers sont inscrits par ordre chronologique d'adhésion et numérosd'inscription avec indication du capital souscrit" ; qu'il est cependant admis par la jurisprudence constante que la production du registre des adhésions ou fichier des coopérateurs ne constitue pas la seule preuve de la souscription de parts sociales permettant d'établir la qualité de coopérateur ; que la preuve de cette qualité peut être rapportée par tous moyens, en effet, si la qualité d'associé coopérateur ne s'acquiert que par la souscription de parts sociales, la preuve de celle-ci peut être faite par d'autres moyens que la production du registre des adhésions, ainsi la force probante d'un document de mise à jour du Capital peut être retenue ; qu'en l'espèce la SELARL [...] produit en pièce n°12, sous forme de listing informatique, un extrait du compte comptable 1013100 de la SCA, ce document comporte une première colonne identifiant les sociétaires par leur nom et le numéro qui leur est attribué et une seconde colonne à l'entête de laquelle figure la mention "Capital Souscrit versé" divisée en deux parties solde Débit / Crédit ; qu'il ne peut être soutenu sérieusement par l'intimé que ce document ait été établi par le liquidateur pour les besoins de la cause et qu'il se constitue ainsi une preuve à lui-même inopérante, il n'est en effet pas contestable que ce document est extrait des documents comptables de la SCA liquidée et qu'il donne l'état du capital de celle-ci à la date de l'arrêté de compte ; que M. H... figure en page 7 de ce document, sous le numéro d'associé coopérateur [...], avec indication du capital souscrit versé d'un montant de 4 116 € ; que par ailleurs il ressort du constat d'huissier pratiqué les 14 février et 11 avril 2017 que dans un carton portant une étiquette RIB sociétaires, il a été constaté la présence du relevé d'identité bancaire de M. J... H... avec son numéro de sociétaire [...] (pièce B), il est également produit par l'appelante, un extrait du plan comptable 12.315 où figure le nom de M. H... et la mention de règlement par ce dernier de sa souscription de parts sociales en octobre 1971 : que ces éléments établissent donc en complément du compte comptable 1013100 ci-dessus analysé, lea preuve de la qualité d'associé coopérateur de M. J... H... ainsi que le montant du capital souscrit pour un montant de 4 116 euros ; Que sur la qualité d'associé coopérateur de M. H... à la date du 20 novembre 2013 ; que M. H... affirme avoir quitté la coopérative en 1995, ce faisant il reconnait lui-même sa qualité d'associé coopérateur mais ne rapporte aucune preuve de la réalité ni de la date de ce retrait ; qu'il ressort de la pièce 14 produite par la SELARL [...] qu'à la date du 7 juillet 2009, M. H... était créancier de la Coopérative puisque le courrier émanant du président de la SCA précise que leurs comptes sont apurés depuis un arrêt rendu le 19 février 2002 par la cour d'appel de Poitiers, cependant, cette décision n'est pas produite par M. H... aient été soldés, de sorte qu'il ne prouve pas avoir cessé d'être détenteur de parts sociales de la coopératives ; que M. H... se prévaut de la délibération du Conseil d'Administration de la SCA datée du 22 mai 1986 pour soutenir qu'il a perdu la qualité d'associé coopérateur, de sorte que sa responsabilité pour insuffisance d'actif ne peut être recherchée sur le fondement des articles L,526-1 du code rural et 58 des statuts de la SCA de la Cave du Haut Poitou ; que le Titre II des Statuts de la SCA intitulé "Associés Coopérateurs", résultant de la dernière modification faite par l'Assemblée Générale Extraordinaire du 16 août 2006, développe aux articles 6 à 11, les conditions d'admission et la durée de l'engagement, les obligations des associés coopérateurs, la retraite et les conséquences de la sortie. (Pièce 3 appelante) ; que la durée de l'engagement de l'associé coopérateur est prévue à l'article 7 en ces termes : " (...) 4. La durée de l'engagement est fixée à 10 exercices consécutifs à compter de l'expiration de l'exercice en cours à la date à laquelle lia été pris. S. A l'expiration de cette durée comme à l'expiration des reconductions ultérieures, l'engagement se renouvelle par tacite reconduction par périodes de 5 ans si l'associé n'a pas notifié sa volonté de se retirer par lettre recommandée avec accusé de réception, trois mois au moins avant la fin du dernier exercice de la période d'engagement concernée Les effets de cette dénonciation sont réglés par l'article 9. (...)" ; que concernant le retrait d'un associé coopérateur l'article 9 prévoit : " 1. Sauf cas de force majeure dûment justifié et soumis à l'appréciation du conseil d'administration, dans les conditions prévues au paragraphe 2 cidessous, nul associé coopérateur ne peut se retirer de la coopérative avant expiration de la période d'engagement en cours résultant de l'application, en ce qui le concerne, des dispositions des paragraphes 4 et 5 de l'article 7 ci-dessus. 2. 1°/ En cas de motif valable, le conseil d'administration peut, à titre exceptionnel, accepter la démission d'un associé coopérateur en cours de période d'engagement si le départ de celui-ci ne doit porter aucun préjudice au bon fonctionnement de la coopérative et n'a pas pour effet, en l'absence de cession des parts sociales de l'intéressé, d'entraîner la réduction du capital social souscrit au-dessous des trois quarts du montant le plus élevé constaté par une assemblée générale depuis la constitution de la société ou d'entraîner une réduction quelconque du capital social souscrit au cas où la coopérative a reçu un prêt non encore intégralement remboursé de la Caisse nationale de crédit agricole ; 2°/ Le conseil apprécie les raisons invoquées à l'appui de la demande de démission en cours de période d'engagement et fait connaître à l'intéressé sa décision motivée, dans les trois mots de la date à laquelle la demande a été notifiée par lettre recommandée avec demande devis de réception adressée au président du conseil d'administration. L'absence de réponse équivaut à décision de refus ( ) 3, La décision de retrait enfin de période d'engagement doit être notifiée, sous peine de forclusion, trois mois au moins avant la date d'expiration de cet engagement par lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée au président du conseil d'administration, qui en donne acte " ; que l'article 11 des statuts règle les conséquences de la sortie d'un associé coopérateur en ces termes : "1, Tout membre qui cesse de faire partie de la coopérative à un titre quelconque reste tenu, pendant cinq ans et pour sa part telle qu'elle est déterminée par l'article 58, envers les autres membres et envers les tiers, de toutes les dettes sociales existant au moment de sa sortie. ; qu'il ressort de l'ensemble de ces dispositions que la perte de la qualité d'associé coopérateur est soumise à un ensemble de règle précises et ne se perd pas automatiquement par la cessation de livraison des récoltes comme le soutient à tort M. H... ; que la décision du Conseil d'Administration de la SCA en date du 22 mai 1986 dont cette dernière se prévaut est ainsi libellée "Suivant les statuts, pour être adhérent, il est nécessaire de remplir simultanément deux conditions: détenir du capital et être apporteur. En conséquence le conseil décide conformément aux statuts que les détenteurs de capital ne sont plie adhérents coopérateurs et que par ailleurs les nouveaux apporteurs doivent régulariser au plus tôt leur souscription au capital et des droits d'entrée éventuels " ; qu'on ne peut pas déduire de cette délibération du Conseil d'Administration qu' elle ait emporté l'abandon des conditions fixées, tant pour accéder au statut d'adhérent coopérateur que pour en sortir et contrairement à ce qu'a indiqué le tribunal, il n'est pas rapporté la preuve qu'une Assemblée Générale Extraordinaire ait entériné ce qui ne pouvait être à cet égard, qu'une , modification statutaire ; qu'il n'est pas contestable que le Conseil d'Administration n'a pas le pouvoir de décider seul d'une telle modification, il ressort au contraire de ce qui précède que les conditions précises figurant aux articles 7,9 et 11 reproduits supra, ont été reprises dans les statuts modifiés issus de l'Assemblée générale extraordinaire du 16 août 2006, soit bien postérieurement au 22 mai 1986 ; peu important au surplus que les organes de la coopérative n'aient pas convoqué aux Assemblées générales postérieures à 1986, tous les adhérents et notamment ceux qui ne livraient plus leur vin, l'erreur ainsi commise n'étant, ni créatrice ni modificative des droits et obligations fixés par les statuts de la SCA ; qu'il en résulte que M. J... H... ayant souscrit des parts en qualité d'associé coopérateur en octobre 1971 il était engagé pour une période de 10 ans jusqu'en octobre 1981 ; alors que la charge de la preuve lui incombe, il ne justifie pas avoir notifié à l'issue de cet engagement sa volonté de se retirer dans les conditions prévues par les statuts de la SCA, ainsi en octobre 1981 à l'expiration de sa période d'engagement de 10 ans, celui-ci a été tacitement reconduit pour des périodes successives de 5 ans conformément aux dispositions de l'article 7.5, ci-dessus reproduit ; qu' il n'est pas davantage reporté la preuve qu'il ait sollicité et obtenu l'autorisation de se retirer en cours de période d'engagement ou de renouvellement tacite, conformément aux dispositions de l'article 9 susvisé ; qu'il s'ensuit qu'à la date d'ouverture de la procédure collective le 20 novembre 2013, faute d'avoir notifié dans les règles son retrait, M. H... avait toujours la qualité d'associé-coopérateur de sorte que sa responsabilité est engagée sur le fondement des articles L.526-1 du code rural et 58 des statuts de la SCA de la, Cave du Haut Poitou ; que selon la SELARL [...] les associés coopérateurs sont tenus, en cas d'insuffisance d'actif, non seulement de libérer le montant du capital correspondant à leurs parts, mais aussi de régler deux fois le montant des parts du capital social souscrites, alors que M. H... soutient que l'engagement des associés serait limité à deux fois le montant de leurs parts, en ce compris le montant des dites parts de sorte que le montant des parts déjà libérées par l'associé s'imputerait sur le montant dû par l'associé ; que selon l'article L526-1 du code rural " La responsabilité de chaque coopérateur dans le passif de la coopérative ou de l'union est limitée au double du montant des parts qu'en application des statuts il a souscrites ou aurait dû souscrire ; Que l'article R.526-3 du code rural (modifié par le décret n°2008-375 du 17 avril 2008) précise sur ce point " Dans le cas où la liquidation des sociétés coopératives agricoles et unions fait apparaître des pertes excédant le montant du capital social lui-même, ces pertes seront, tant à l'égard des créanciers qu'à l'égard des associés coopérateurs eux-mêmes, réparties entre les associés coopérateurs proportionnellement au nombre de parts du capital appartenant à chacun d'eux ou qu'ils auraient dû souscrire ; que l'associé coopérateur n'est soumis de ce fait qu'à la seule obligation de libérer le solde des parts qu'il a souscrites ou aurait dû souscrire et de verser en complément une somme égale au plus au montant de ces parts." ; qu'ainsi l'article 58 des statuts de la SA précisant que la responsabilité encourue par chaque associé coopérateur est limitée à deux fois le montant des parts du capital social qu'il a souscrites ou qu'il aurait dû souscrire, y compris le montant des dites parts, est parfaitement conforme aux textes précités, et ne peut que s'interpréter comme une limitation de la responsabilité financière de l'associé coopérateur qui a libéré ses parts sociales à une somme complémentaire équivalente à la valeur de celles-ci ; qu'en l'espèce étant rappelé que le capital souscrit et libéré par M. H... tel qu'il figure dans le compte de la SCA est de 4 116 e, il sera donc condamné à verser la somme complémentaire de 4 116 € au titre de sa responsabilité d'associé coopérateur et ce conformément aux dispositions des articles L526-let R.526-3 du code rural et à l'article 58 des statuts de la SCA » ; ALORS QUE, premièrement, la qualité d'associé coopérateur suppose, non seulement que la partie détienne une fraction du capital, mais également qu'elle ait la qualité d'utilisateur des services de la coopérative ; qu'en estimant que l'absence d'utilisation des services de la coopérative n'était pas de nature à faire perdre la qualité d'associé coopérateur, les juges du fond ont violé l'article L.521-1-1 du Code rural et de la pêche maritime, ainsi que des articles L.522-3 et L.522-4 du même Code ; ALORS QUE, deuxièmement, en ne recherchant pas, comme l'y invitait M. H... (conclusions, p. 19 et 20), si le fait qu'il n'était plus convoqué aux assemblées générales, quand les statuts imposaient la convocation de tous les associés coopérateur, ne démontrait pas qu'aux yeux de SCEA CAVE DU HAUT POITOU, M. H... n'avait plus la qualité d'associé coopérateur, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des articles L. 521-1-1, L. 522-3 et L. 522-‘ du Code rural et de la pêche maritime ; ALORS QUE, troisièmement, qu'en opposant la procédure prévue par les statuts, pour considérer que seule la mise en oeuvre de cette procédure permettait de perdre la qualité d'associé coopérateur, quand cette procédure ne concerne que l'hypothèse où la partie entend perdre la qualité d'associé mais qu'elle n'est pas applicable à la perte de la seule qualité de coopérateur, les juges du fond ont violé l'article L.521-1-1 du Code rural et de la pêche maritime, ainsi que des articles L.522-3 et L.522-4 du même Code. SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire) L'arrêt infirmatif attaqué encourt la censure ; EN CE QU'il a décidé que M. H... avait la qualité de société coopérateur au 20 novembre 2013 et condamné en conséquence M. H... à payer une certaine somme à la liquidation judiciaire ; AUX MOTIFS QU' « aux termes de l'article R. 522-2 du Code rural : "la qualité d'associé coopérateur est établie par la souscription ou par l'acquisition d'une ou plusieurs parts sociales de la coopérative. Toute société coopérative agricole doit avoir obligatoirement à son siège un fichier des associée coopérateurs sur lequel ces derniers sont inscrits par ordre chronologique d'adhésion et numérosd'inscription avec indication du capital souscrit" ; qu'il est cependant admis par la jurisprudence constante que la production du registre des adhésions ou fichier des coopérateurs ne constitue pas la seule preuve de la souscription de parts sociales permettant d'établir la qualité de coopérateur ; que la preuve de cette qualité peut être rapportée par tous moyens, en effet, si la qualité d'associé coopérateur ne s'acquiert que par la souscription de parts sociales, la preuve de celle-ci peut être faite par d'autres moyens que la production du registre des adhésions, ainsi la force probante d'un document de mise à jour du Capital peut être retenue ; qu'en l'espèce la SELARL [...] produit en pièce n°12, sous forme de listing informatique, un extrait du compte comptable 1013100 de la SCA, ce document comporte une première colonne identifiant les sociétaires par leur nom et le numéro qui leur est attribué et une seconde colonne à l'entête de laquelle figure la mention "Capital Souscrit versé" divisée en deux parties solde Débit / Crédit ; qu'il ne peut être soutenu sérieusement par l'intimé que ce document ait été établi par le liquidateur pour les besoins de la cause et qu'il se constitue ainsi une preuve à lui-même inopérante, il n'est en effet pas contestable que ce document est extrait des documents comptables de la SCA liquidée et qu'il donne l'état du capital de celle-ci à la date de l'arrêté de compte ; que M. H... figure en page 7 de ce document, sous le numéro d'associé coopérateur [...], avec indication du capital souscrit versé d'un montant de 4 116 € ; que par ailleurs il ressort du constat d'huissier pratiqué les 14 février et 11 avril 2017 que dans un carton portant une étiquette RIB sociétaires, il a été constaté la présence du relevé d'identité bancaire de M. J... H... avec son numéro de sociétaire [...] (pièce B), il est également produit par l'appelante, un extrait du plan comptable 12.315 où figure le nom de M. H... et la mention de règlement par ce dernier de sa souscription de parts sociales en octobre 1971 : que ces éléments établissent donc en complément du compte comptable 1013100 ci-dessus analysé, lea preuve de la qualité d'associé coopérateur de M. J... H... ainsi que le montant du capital souscrit pour un montant de 4 116 euros ; Que sur la qualité d'associé coopérateur de M. H... à la date du 20 novembre 2013 ; que M. H... affirme avoir quitté la coopérative en 1995, ce faisant il reconnait lui-même sa qualité d'associé coopérateur mais ne rapporte aucune preuve de la réalité ni de la date de ce retrait ; qu'il ressort de la pièce 14 produite par la SELARL [...] qu'à la date du 7 juillet 2009, M. H... était créancier de la Coopérative puisque le courrier émanant du président de la SCA précise que leurs comptes sont apurés depuis un arrêt rendu le 19 février 2002 par la cour d'appel de Poitiers, cependant, cette décision n'est pas produite par M. H... aient été soldés, de sorte qu'il ne prouve pas avoir cessé d'être détenteur de parts sociales de la coopératives ; que M. H... se prévaut de la délibération du Conseil d'Administration de la SCA datée du 22 mai 1986 pour soutenir qu'il a perdu la qualité d'associé coopérateur, de sorte que sa responsabilité pour insuffisance d'actif ne peut être recherchée sur le fondement des articles L,526-1 du code rural et 58 des statuts de la SCA de la Cave du Haut Poitou ; que le Titre II des Statuts de la SCA intitulé "Associés Coopérateurs", résultant de la dernière modification faite par l'Assemblée Générale Extraordinaire du 16 août 2006, développe aux articles 6 à 11, les conditions d'admission et la durée de l'engagement, les obligations des associés coopérateurs, la retraite et les conséquences de la sortie. (Pièce 3 appelante) ; que la durée de l'engagement de l'associé coopérateur est prévue à l'article 7 en ces termes : " (...) 4. La durée de l'engagement est fixée à 10 exercices consécutifs à compter de l'expiration de l'exercice en cours à la date à laquelle lia été pris. S. A l'expiration de cette durée comme à l'expiration des reconductions ultérieures, l'engagement se renouvelle par tacite reconduction par périodes de 5 ans si l'associé n'a pas notifié sa volonté de se retirer par lettre recommandée avec accusé de réception, trois mois au moins avant la fin du dernier exercice de la période d'engagement concernée Les effets de cette dénonciation sont réglés par l'article 9. (...)" ; que concernant le retrait d'un associé coopérateur l'article 9 prévoit : " 1. Sauf cas de force majeure dûment justifié et soumis à l'appréciation du conseil d'administration, dans les conditions prévues au paragraphe 2 ci-dessous, nul associé coopérateur ne peut se retirer de la coopérative avant expiration de la période d'engagement en cours résultant de l'application, en ce qui le concerne, des dispositions des paragraphes 4 et 5 de l'article 7 ci-dessus. 2. 1°/ En cas de motif valable, le conseil d'administration peut, à titre exceptionnel, accepter la démission d'un associé coopérateur en cours de période d'engagement si le départ de celui-ci ne doit porter aucun préjudice au bon fonctionnement de la coopérative et n'a pas pour effet, en l'absence de cession des parts sociales de l'intéressé, d'entraîner la réduction du capital social souscrit au-dessous des trois quarts du montant le plus élevé constaté par une assemblée générale depuis la constitution de la société ou d'entraîner une réduction quelconque du capital social souscrit au cas où la coopérative a reçu un prêt non encore intégralement remboursé de la Caisse nationale de crédit agricole ; 2°/ Le conseil apprécie les raisons invoquées à l'appui de la demande de démission en cours de période d'engagement et fait connaître à l'intéressé sa décision motivée, dans les trois mots de la date à laquelle la demande a été notifiée par lettre recommandée avec demande devis de réception adressée au président du conseil d'administration. L'absence de réponse équivaut à décision de refus ( ) 3, La décision de retrait enfin de période d'engagement doit être notifiée, sous peine de forclusion, trois mois au moins avant la date d'expiration de cet engagement par lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée au président du conseil d'administration, qui en donne acte " ; que l'article 11 des statuts règle les conséquences de la sortie d'un associé coopérateur en ces termes : "1, Tout membre qui cesse de faire partie de la coopérative à un titre quelconque reste tenu, pendant cinq ans et pour sa part telle qu'elle est déterminée par l'article 58, envers les autres membres et envers les tiers, de toutes les dettes sociales existant au moment de sa sortie. ; qu'il ressort de l'ensemble de ces dispositions que la perte de la qualité d'associé coopérateur est soumise à un ensemble de règle précises et ne se perd pas automatiquement par la cessation de livraison des récoltes comme le soutient à tort M. H... ; que la décision du Conseil d'Administration de la SCA en date du 22 mai 1986 dont cette dernière se prévaut est ainsi libellée "Suivant les statuts, pour être adhérent, il est nécessaire de remplir simultanément deux conditions: détenir du capital et être apporteur. En conséquence le conseil décide conformément aux statuts que les détenteurs de capital ne sont plie adhérents coopérateurs et que par ailleurs les nouveaux apporteurs doivent régulariser au plus tôt leur souscription au capital et des droits d'entrée éventuels " ; qu'on ne peut pas déduire de cette délibération du Conseil d'Administration qu' elle ait emporté l'abandon des conditions fixées, tant pour accéder au statut d'adhérent coopérateur que pour en sortir et contrairement à ce qu'a indiqué le tribunal, il n'est pas rapporté la preuve qu'une Assemblée Générale Extraordinaire ait entériné ce qui ne pouvait être à cet égard, qu'une , modification statutaire ; qu'il n'est pas contestable que le Conseil d'Administration n'a pas le pouvoir de décider seul d'une telle modification, il ressort au contraire de ce qui précède que les conditions précises figurant aux articles 7,9 et 11 reproduits supra, ont été reprises dans les statuts modifiés issus de l'Assemblée générale extraordinaire du 16 août 2006, soit bien postérieurement au 22 mai 1986 ; peu important au surplus que les organes de la coopérative n'aient pas convoqué aux Assemblées générales postérieures à 1986, tous les adhérents et notamment ceux qui ne livraient plus leur vin, l'erreur ainsi commise n'étant, ni créatrice ni modificative des droits et obligations fixés par les statuts de la SCA ; qu'il en résulte que M. J... H... ayant souscrit des parts en qualité d'associé coopérateur en octobre 1971 il était engagé pour une période de 10 ans jusqu'en octobre 1981 ; alors que la charge de la preuve lui incombe, il ne justifie pas avoir notifié à l'issue de cet engagement sa volonté de se retirer dans les conditions prévues par les statuts de la SCA, ainsi en octobre 1981 à l'expiration de sa période d'engagement de 10 ans, celui-ci a été tacitement reconduit pour des périodes successives de 5 ans conformément aux dispositions de l'article 7.5, ci-dessus reproduit ; qu' il n'est pas davantage reporté la preuve qu'il ait sollicité et obtenu l'autorisation de se retirer en cours de période d'engagement ou de renouvellement tacite, conformément aux dispositions de l'article 9 susvisé ; qu'il s'ensuit qu'à la date d'ouverture de la procédure collective le 20 novembre 2013, faute d'avoir notifié dans les règles son retrait, M. H... avait toujours la qualité d'associé-coopérateur de sorte que sa responsabilité est engagée sur le fondement des articles L.526-1 du code rural et 58 des statuts de la SCA de la, Cave du Haut Poitou ; que selon la SELARL [...] les associés coopérateurs sont tenus, en cas d'insuffisance d'actif, non seulement de libérer le montant du capital correspondant à leurs parts, mais aussi de régler deux fois le montant des parts du capital social souscrites, alors que M. H... soutient que l'engagement des associés serait limité à deux fois le montant de leurs parts, en ce compris le montant des dites parts de sorte que le montant des parts déjà libérées par l'associé s'imputerait sur le montant dû par l'associé ; que selon l'article L526-1 du code rural " La responsabilité de chaque coopérateur dans le passif de la coopérative ou de l'union est limitée au double du montant des parts qu'en application des statuts il a souscrites ou aurait dû souscrire ; Que l'article R.526-3 du code rural (modifié par le décret n°2008-375 du 17 avril 2008) précise sur ce point " Dans le cas où la liquidation des sociétés coopératives agricoles et unions fait apparaître des pertes excédant le montant du capital social lui-même, ces pertes seront, tant à l'égard des créanciers qu'à l'égard des associés coopérateurs eux-mêmes, réparties entre les associés coopérateurs proportionnellement au nombre de parts du capital appartenant à chacun d'eux ou qu'ils auraient dû souscrire ; que l'associé coopérateur n'est soumis de ce fait qu'à la seule obligation de libérer le solde des parts qu'il a souscrites ou aurait dû souscrire et de verser en complément une somme égale au plus au montant de ces parts." ; qu'ainsi l'article 58 des statuts de la SA précisant que la responsabilité encourue par chaque associé coopérateur est limitée à deux fois le montant des parts du capital social qu'il a souscrites ou qu'il aurait dû souscrire, y compris le montant des dites parts, est parfaitement conforme aux textes précités, et ne peut que s'interpréter comme une limitation de la responsabilité financière de l'associé coopérateur qui a libéré ses parts sociales à une somme complémentaire équivalente à la valeur de celles-ci ; qu'en l'espèce étant rappelé que le capital souscrit et libéré par M. H... tel qu'il figure dans le compte de la SCA est de 4 116 e, il sera donc condamné à verser la somme complémentaire de 4 116 € au titre de sa responsabilité d'associé coopérateur et ce conformément aux dispositions des articles L526-let R.526-3 du code rural et à l'article 58 des statuts de la SCA » ; ALORS QUE, la procédure de retrait, telle qu'invoquée par le liquidateur et telle que retenue par les juges du fond, résultait d'une délibération de l'assemblée générale du 16 aout 2006 ; qu'en refusant d'examiner, d'abord, si la procédure en cause n'aggravait pas la situation des associés coopérateurs, ensuite si la procédure statutaire ainsi prévue était opposable aux associés coopérateurs, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des articles 1134 du code civil et 522-1-1 du code rural et de la pêche maritime.
Faute d'avoir notifié son retrait conformément aux dispositions statutaires de la coopérative agricole, l'associé coopérateur dispose toujours de cette qualité, peu important qu'il ait cessé tout apport
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CIV. 1 LG COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 13 mai 2020 Rejet Mme BATUT, président Arrêt n° 274 FS-P+B Pourvoi n° A 19-17.970 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 13 MAI 2020 1°/ le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Paris, domicilié [...], 2°/ le conseil de l'ordre des avocats du barreau de Paris, dont le siège est [...], ont formé le pourvoi n° A 19-17.970 contre l'arrêt rendu le 19 mars 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 2, chambre 1), dans le litige les opposant : 1°/ au ministre de la justice garde des sceaux, domicilié [...], 2°/ à l'Agent judiciaire de l'Etat, domicilié [...], défendeurs à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Vigneau, conseiller, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat du bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Paris et du conseil de l'ordre des avocats du barreau de Paris, de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat du ministre de la justice garde des sceaux et de l'Agent judiciaire de l'Etat, et l'avis de M. Sassoust, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 mars 2020 où étaient présents Mme Batut, président, M. Vigneau, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, M. Hascher, Mme Bozzi, M. Acquaviva, Mmes Poinseaux, Guihal, conseillers, Mmes Mouty-Tardieu, Le Cotty, Gargoullaud, Azar, M. Buat-Ménard, Mme Feydeau-Thieffry, conseillers référendaires, M. Sassoust, avocat général, et Mme Berthomier, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 mars 2019), soutenant que l'installation de box vitrés dans les salles d'audience des juridictions françaises portait atteinte au principe de la présomption d'innocence, à la dignité de la personne humaine et affectait les droits de la défense, le syndicat des avocats de France a, sur le fondement de l'article L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire, assigné la ministre de la justice et l'Agent judiciaire de l'Etat pour obtenir le retrait de ces installations et des dommages-intérêts. Le Conseil national des barreaux, diverses organisations professionnelles d'avocats, les bâtonniers et ordres d'avocats de plusieurs barreaux sont intervenus volontairement à l'instance pour former des demandes similaires. Examen du moyen Enoncé du moyen 2. Le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Paris et le conseil de l'ordre de ce barreau font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable leur demande, alors : « 1°/ que le conseil de l'ordre des avocats du barreau de Paris, qui traite toute question intéressant l'exercice de la profession d'avocat et veille à la préservation de leurs droits, et le bâtonnier, qui représente l'ordre dans les actes de la vie civile et sur le plan judiciaire, sont des usagers du service public de la justice au sens de l'article L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire, susceptibles d'être victime directe ou par ricochet de son fonctionnement défectueux dès lors qu'est invoquée la violation d'un droit essentiel à l'exercice de la profession d'avocat tel que les droits de la défense ; qu'en affirmant le contraire pour juger irrecevable l'action du conseil de l'ordre des avocats du barreau de Paris et du bâtonnier à raison de l'atteinte portée par l'installation de box vitrés dans les salles d'audience des juridictions françaises à l'exercice des droits de la défense, la cour d'appel a violé le texte susvisé ; 2°/ que toute personne poursuivie doit comparaître librement à l'audience, le recours à des box vitrés ou cages en verre devant rester exceptionnel et réservé aux hypothèses dans lesquelles des mesures de sécurité renforcées s'imposent ; qu'en retenant, pour juger irrecevable l'action des exposants, que l'appréciation d'un fonctionnement défectueux de la justice en matière d'enfermement dans des box vitrés des personnes poursuivies à l'audience ne pouvait se faire que in concreto dans des affaires déterminées, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les box vitrés installés de façon permanente et inamovibles dans les salles d'audience des juridictions françaises n'était pas systématiquement et par principe utilisés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire, ensemble l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 3°/ que toute personne poursuivie doit pouvoir communiquer librement et secrètement avec son avocat et être en mesure de suivre sans entrave son procès à l'audience ; qu'en retenant, pour juger irrecevable l'action des exposants, que l'appréciation d'un fonctionnement défectueux de la justice en matière d'enfermement dans des box vitrés des personnes poursuivies à l'audience ne pouvait se faire que in concreto dans des affaires déterminées, bien qu'étaient dénoncés le caractère inadapté des box installés dans les salles d'audience des juridictions françaises, qui par leurs caractéristiques techniques, empêchaient dans tous les procès la personne poursuivie de communiquer librement et secrètement avec son avocat et de participer effectivement à la procédure, la cour d'appel a violé l'article L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire, ensemble l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. » Réponse de la Cour 3. L'action en responsabilité pour faute lourde ou déni de justice prévue à l'article L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire n'est ouverte qu'aux usagers du service public de la justice qui critiquent, au regard de la mission dont est investi ce service et en leur qualité de victime directe ou par ricochet de son fonctionnement, une procédure déterminée dans laquelle ils sont ou ont été impliqués. 4. Ayant constaté que le bâtonnier et le conseil de l'ordre des avocats au barreau de Paris ne formulaient pas de critiques à l'occasion d'une ou plusieurs affaires déterminées dans lesquelles un avocat de ce barreau serait intervenu, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à une recherche inopérante sur l'installation permanente et généralisée des box vitrés, n'a pu qu'en déduire qu'ils n'agissaient pas en qualité d'usagers du service public de la justice, de sorte que leurs demandes étaient irrecevables sur le fondement de l'article L. 141-1 du code précité. 5. Le moyen, inopérant en sa troisième branche qui critique des motifs surabondants, n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Paris et le conseil de l'ordre de ce barreau aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize mai deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Paris et le conseil de l'ordre des avocats du barreau de Paris Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR déclaré irrecevables les demandes formées par les exposants tendant à ce qu'il soit jugé que l'État a commis une faute lourde en mettant en place des dispositifs de box vitrés dans les salles d'audience des juridictions françaises et que l'État soit en conséquence condamné, sous astreinte, à mettre un terme à cette situation attentatoire à l'exercice des droits de la défense, et à les indemniser du préjudice moral subi ; AUX MOTIFS PROPRES QU'aux termes de l'article L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire sur lequel se fondent les appelants, l'État est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux de la justice, sa responsabilité ne pouvant, sauf disposition particulière, être engagée que par une faute lourde ou par un déni de justice ; que le bénéfice de cette action est réservé aux usagers de la justice engagés dans une procédure déterminée, l'appréciation d'un fonctionnement défectueux de la justice ne pouvant se faire que in concreto de la même façon que la Cour européenne des droits de l'homme procède pour dire s'il y a eu traitement dégradant au sens de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme en matière d'enfermement dans des box vitrés ; que ni le conseil de l'ordre des avocats du barreau de Paris, qui traite toute question intéressant l'exercice de la profession, veille à l'observation des devoirs des avocats et à la préservation de leurs droits, ni le bâtonnier qui représente l'ordre dans les actes de la vie civile et sur le plan judiciaire ne sont des usagers de la justice au sens de l'article précité, dès lors qu'ils ne formulent pas de critiques dans des affaires déterminées où ils sont intervenus, seules susceptibles de faire l'objet d'une analyse particulière quant au fonctionnement de l'institution ; que leurs demandes doivent en conséquence être déclarées irrecevables ; ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE la faute lourde qui peut se définir comme toute déficience caractérisée par un fait ou une série de faits traduisant l'inaptitude du service public de la justice à remplir la mission dont il est investi, peut être invoquée par l'usager du service public de la justice qui dénonce un dysfonctionnement susceptible d'engager la responsabilité de l'État ; que pour pouvoir invoquer utilement l'article L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire, il faut donc établir l'existence d'un lien effectif et personnel entre l'usager du service de la justice et la procédure pour laquelle il dénonce un possible dysfonctionnement ; que l'avocat, pris en sa qualité d'auxiliaire de justice, ne peut pas être considéré comme usager du service public de la justice au sens de l'article L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire ; qu'il en va de même, à plus forte raison, des barreaux et associations représentatives de la profession d'avocat ; qu'en conséquence est irrecevable la demande formée par les barreaux de France et associations représentatives de la profession d'avocat portant sur l'ensemble des constructions réalisées dans les juridictions françaises ; 1°) ALORS QUE le conseil de l'ordre des avocats du barreau de Paris, qui traite toute question intéressant l'exercice de la profession d'avocat et veille à la préservation de leurs droits, et le bâtonnier, qui représente l'ordre dans les actes de la vie civile et sur le plan judiciaire, sont des usagers du service public de la justice au sens de l'article L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire, susceptibles d'être victime directe ou par ricochet de son fonctionnement défectueux dès lors qu'est invoquée la violation d'un droit essentiel à l'exercice de la profession d'avocat tel que les droits de la défense ; qu'en affirmant le contraire pour juger irrecevable l'action du conseil de l'ordre des avocats du barreau de Paris et du bâtonnier à raison de l'atteinte portée par l'installation de box vitrés dans les salles d'audience des juridictions françaises à l'exercice des droits de la défense, la cour d'appel a violé le texte susvisé ; 2°) ALORS QUE toute personne poursuivie doit comparaître librement à l'audience, le recours à des box vitrés ou cages en verre devant rester exceptionnel et réservé aux hypothèses dans lesquelles des mesures de sécurité renforcées s'imposent ; qu'en retenant, pour juger irrecevable l'action des exposants, que l'appréciation d'un fonctionnement défectueux de la justice en matière d'enfermement dans des box vitrés des personnes poursuivies à l'audience ne pouvait se faire que in concreto dans des affaires déterminées, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les box vitrés installés de façon permanente et inamovibles dans les salles d'audience des juridictions françaises n'était pas systématiquement et par principe utilisés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire, ensemble l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ; 3°) ALORS QUE toute personne poursuivie doit pouvoir communiquer librement et secrètement avec son avocat et être en mesure de suivre sans entrave son procès à l'audience ; qu'en retenant, pour juger irrecevable l'action des exposants, que l'appréciation d'un fonctionnement défectueux de la justice en matière d'enfermement dans des box vitrés des personnes poursuivies à l'audience ne pouvait se faire que in concreto dans des affaires déterminées, bien qu'étaient dénoncés le caractère inadapté des box installés dans les salles d'audience des juridictions françaises, qui par leurs caractéristiques techniques, empêchaient dans tous les procès la personne poursuivie de communiquer librement et secrètement avec son avocat et de participer effectivement à la procédure, la cour d'appel a violé l'article L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire, ensemble l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme.
L'action en responsabilité pour faute lourde ou déni de justice prévue à l'article L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire n'est ouverte qu'aux usagers du service public de la justice qui critiquent, au regard de la mission dont est investi ce service et en leur qualité de victime directe ou par ricochet de son fonctionnement, une procédure déterminée dans laquelle ils sont ou ont été impliqués. Il en résulte que le bâtonnier et le conseil de l'ordre d'un barreau, qui ne formulent pas de critiques à l'occasion d'une ou plusieurs affaires déterminées dans lesquelles un avocat de ce barreau serait intervenu, sont irrecevables à solliciter, sur le fondement de ce texte, le retrait des box vitrés installés dans les salles d'audience des juridictions françaises
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CIV. 1 LG COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 13 mai 2020 Rejet partiel et Renvoi devant la Cour de justice de l'Union européenne Mme BATUT, président Arrêt n° 275 FS-P+B+I Pourvoi n° G 18-24.850 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 13 MAI 2020 La société Gtflix Tv, dont le siège est [...] (République Tchèque), a formé le pourvoi n° G 18-24.850 contre l'arrêt rendu le 24 juillet 2018 par la cour d'appel de Lyon (8e chambre), dans le litige l'opposant à M. A... K..., domicilié [...] (Hongrie), défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Acquaviva, conseiller, les observations de la SCP Spinosi et Sureau et les plaidoiries de Me Spinosi, avocat de la société Gtflix Tv, et l'avis de Mme Caron-Deglise, avocat général, à la suite duquel le président a demandé aux avocats s'ils souhaitaient présenter des observations complémentaires, après débats en l'audience publique du 3 mars 2020 où étaient présents Mme Batut, président, M. Acquaviva, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, MM. Hascher, Vigneau, Mmes Bozzi, Poinseaux, M. Chevalier, Mme Guihal, conseillers, Mmes Canas, Mouty-Tardieu, Le Cotty, Gargoullaud, Azar, M. Buat-Ménard, Mme Feydeau-Thieffry, conseillers référendaires, Mme Caron-Deglise, avocat général, et Mme Berthomier, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 24 juillet 2018), la société tchèque Gtflix Tv ayant pour activité la production et la diffusion de contenus pour adultes, notamment via son site internet, faisant grief à M. K..., réalisateur, producteur et distributeur de films pornographiques commercialisés sur ses sites internet hébergés en Hongrie où il exerce son activité et où il est domicilié, de propos dénigrants diffusés, sur plusieurs sites et forums, après l'avoir mis en demeure, de les retirer, l'a assigné en référé devant le président du tribunal de grande instance de Lyon pour, d'une part, le voir condamner sous astreinte à cesser tout acte de dénigrement à son encontre et à l'encontre du site legalporno, et à publier un communiqué judiciaire en français et en anglais sur chacun des forums concernés, d'autre part, être elle-même autorisée à poster un commentaire sur les forums en cause et, enfin, pour obtenir paiement d'un euro symbolique en réparation de son préjudice économique et d'une somme de même montant pour celle de son préjudice moral. 2. M. K... a soulevé l'incompétence de la juridiction française. 3. En cause d'appel, la société Gtflix Tv a repris ses demandes de suppression et de rectification et a porté sa demande de dommages-intérêts à la somme provisionnelle de 10 000 euros au titre de ses préjudices matériel et moral subis en France. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. La société Gtflix Tv fait grief à l'arrêt de déclarer la juridiction française incompétente au profit des juridictions tchèques, alors : « 1°/ que les juridictions d'un Etat membre sont compétentes pour connaître du dommage causé sur le territoire de cet Etat membre par un contenu mis en ligne sur internet dès lors que ce contenu y est accessible ; qu'en jugeant, pour écarter la compétence des juridictions françaises, qu'il ne suffit pas que les propos jugés dénigrants et postés sur internet soient accessibles dans le ressort de la juridiction saisie mais qu'il faut également qu'ils puissent présenter un intérêt quelconque pour les internautes résidant dans ce ressort et soient susceptibles d'y générer un préjudice, la cour d'appel a violé l'article 7 point 2 du règlement UE n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 ; 2°/ qu'un préjudice, fût-il moral, s'infère nécessairement de tout acte de dénigrement portant atteinte à la réputation de celui qui en est victime ; qu'il s'en déduit qu'un tel préjudice se matérialise au lieu auquel les propos constitutifs du dénigrement sont diffusés ; qu'en jugeant, pour écarter la compétence des juridictions françaises, que la société Gtflix n'établissait pas la réalité des conséquences dommageables en France des propos qu'elle dénonçait, cependant que l'existence d'un préjudice subi en France s'inférait nécessairement de la diffusion dans cet Etat membre des propos dénigrants mis en ligne par M. K..., la cour d'appel a violé l'article 7 point 2 du règlement UE n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 ; 3°/ que les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner et analyser tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'à l'appui de son appel, la société Gtflix produisait une nouvelle pièce constituée par un document présentant les statistiques de fréquentation du site woodmanforum, tenu par M. K..., afin de démontrer que le public français était le premier public fréquentant ce site ; qu'en jugeant que la société Gtflix ne démontrait pas que les internautes français seraient les plus nombreux à visiter les sites et forums de M. K... sans examiner ni viser, même sommairement, cette nouvelle pièce, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 4°/ que les juridictions d'un Etat membre sont compétentes pour connaître du dommage causé sur le territoire de cet Etat membre par un contenu mis en ligne sur internet lorsque ce contenu est destiné au public de cet Etat membre, public pour lequel il est susceptible de présenter un intérêt quelconque ; qu'il n'est pas nécessaire, pour que cette condition soit remplie, que les internautes résidant dans cet Etat membre soient les plus nombreux à visiter les sites et les forums de M. K..., sans rechercher, comme elle y était invitée, si le contenu mis en cause, qui portait sur les relations de la société Gtflix avec ses acteurs et actrices françaises, n'était pas susceptible de présenter, à ce titre, un intérêt pour le public français ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a privé sa décision de base légal au regard de l'article 7 point 2 du règlement UE n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 ; 5°/ que des actes de dénigrement sont susceptibles de causer un préjudice dans un Etat membre lorsque les propos dénigrants ont trait aux activités commerciales que la personne dénigrée opère dans ce même Etat membre ; qu'en jugeant, pour écarter la compétence des juridictions françaises, que la société Gtflix n'établissait pas la réalité des conséquences dommageables en France des propos qu'elle dénonçait, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les propos dénigrants ne concernaient pas l'activité de la société Gtflix en France, notamment ses relations avec les acteurs, actrices et agents du milieu établis en France, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 7 point 2 du règlement UE n° 1215/2012 du 12 décembre 2012. » Réponse de la Cour 5. La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE, arrêt (grande chambre) du 17 octobre 2017, Bolagsupplysningen OÜ et B... L... contre Svensk Handel AB, C-194/16) a dit pour droit : 1) L'article 7, point 2, du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, doit être interprété en ce sens qu'une personne morale, qui prétend que ses droits de la personnalité ont été violés par la publication de données inexactes la concernant sur internet et par la non-suppression de commentaires à son égard, peut former un recours tendant à la rectification de ces données, à la suppression de ces commentaires et à la réparation de l'intégralité du préjudice subi devant les juridictions de l'Etat membre dans lequel se trouve le centre de ses intérêts. Lorsque la personne morale concernée exerce la majeure partie de ses activités dans un Etat membre autre que celui de son siège statutaire, cette personne peut attraire l'auteur présumé de l'atteinte au titre du lieu de la matérialisation du dommage dans cet autre Etat membre. 2) L'article 7, point 2, du règlement n° 1215/2012 doit être interprété en ce sens qu'une personne qui prétend que ses droits de la personnalité ont été violés par la publication de données inexactes la concernant sur internet et par la non-suppression de commentaires à son égard ne peut pas, devant les juridictions de chaque Etat membre sur le territoire duquel les informations publiées sur internet sont ou étaient accessibles, former un recours tendant à la rectification de ces données et à la suppression de ces commentaires. 6. Se référant à la nature ubiquitaire des données et contenus mis en ligne sur un site internet et au fait que la portée de leur diffusion est en principe universelle, elle a précisé qu'une demande visant à la rectification des données et à la suppression des contenus mis en ligne sur un site internet est une et indivisible et ne peut, par conséquent, être portée que devant une juridiction compétente pour connaître de l'intégralité d'une demande de réparation du dommage en vertu de la jurisprudence résultant des arrêts du 7 mars 1995, Shevill e.a. (C-68/93, points 25, 26 et 32), ainsi que du 25 octobre 2011, eDate Advertising e.a. (C-509/09 et C-161/10, points 42 et 48), et non devant une juridiction qui n'a pas une telle compétence (point 48). 7. Cette jurisprudence rendue en matière d'atteinte alléguée aux droits de la personnalité au moyen de contenus mis en ligne sur un site internet est transposable aux actes de concurrence déloyale résultant de la diffusion sur des forums internet de propos prétendument dénigrants. 8. L'arrêt relève que le centre des intérêts de la société Gtflix Tv est établi en République Tchèque et que M. K... est domicilié en Hongrie. 9. Il en résulte que seules les juridictions du premier de ces Etats, compétentes pour connaître de l'intégralité d'une demande de réparation du dommage en vertu de la jurisprudence résultant des arrêts précités Shevill et eDate Advertising ou celles du second dans lequel le défendeur est domicilié, étaient compétentes pour ordonner le retrait des commentaires prétendument dénigrants imputés à M. K... et leur rectification par publication d'un communiqué. 10. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, la décision déférée se trouve légalement justifiée en ce qu'elle a déclaré la juridiction française incompétente pour statuer sur ces chefs de demandes. 11. Il n'y a pas lieu de saisir, sur ce point, la Cour de justice de l'Union européenne des questions préjudicielles soumises par la société Gtflix Tv. En effet, d'une part, celles-ci ne sont pas pertinentes, la demanderesse au pourvoi ayant sollicité devant la cour d'appel la rectification des données et la suppression des commentaires dénigrants et non leur inaccessibilité sur le territoire français ni la limitation à la France des mesures de publication, de sorte que le recours à la technique du géo-blocage était indifférente. D'autre part, il n'existe aucun doute sérieux sur l'interprétation de la disposition communautaire en cause, en l'état de l'arrêt précité, rendu par la Cour de justice le 27 octobre 2017, que son arrêt du 24 septembre 2019 (CJUE, Google/CNIL, C-507/17) n'est pas venu remettre en cause. 12. S'agissant de la juridiction compétente pour connaître de la demande de dommages-intérêts formée en réparation des préjudices moral et économique consécutifs aux propos dénigrants imputés à M. K..., la société Gtflix Tv soutient que la jurisprudence Svensk Handel ne peut trouver à s'appliquer qu'aux seules demandes visant à obtenir la suppression de commentaires ou de pages sur internet au moyen d'une injonction prononcée par le juge, que n'est, en aucune façon, concernée par cette solution la demande indemnitaire dont l'objet est l'obtention de dommages-intérêts, et ce, quand bien même la demande serait formée à titre provisionnel devant le juge des référés et qu'en conséquence, une telle demande demeure régie par les principes dégagés par les arrêts Shevill et eDate Advertising. 13. Il s'agit, donc, de déterminer si la solution consacrée par la Cour de justice de l'Union européenne dans l'arrêt précité du 27 octobre 2017, sur le fondement des dispositions de l'article 7, point 2, du règlement (UE) n° 1215/2012 doit être interprétée en ce sens que la personne qui, estimant qu'une atteinte a été portée à ses droits par la diffusion de propos dénigrants sur internet, agit tout à la fois aux fins de rectification des données et de suppression des contenus, ainsi qu'en réparation des préjudices moral et économique en résultant, peut réclamer, devant les juridictions de chaque Etat membre sur le territoire duquel un contenu mis en ligne est ou a été accessible, l'indemnisation du dommage causé sur le territoire de cet Etat membre, conformément à l'arrêt eDate Advertising (points 51 et 52) ou si, en application de l'arrêt Svensk Handel (point 48), elle doit porter cette demande indemnitaire devant la juridiction compétente pour ordonner la rectification des données et la suppression des commentaires dénigrants. 14. La question, qui est déterminante pour la solution du litige que doit trancher la Cour de cassation, pose une difficulté sérieuse d'interprétation du droit de l'Union européenne dès lors que l'intérêt d'une bonne administration de la justice pourrait justifier que la juridiction compétente pour connaître de la demande tendant à la rectification de données et à la suppression de commentaires ait compétence exclusive pour connaître de la demande tendant à l'allocation de dommages-intérêts, qui présente avec la première un lien de dépendance nécessaire. 15. Il s'ensuit qu'il convient d'en saisir la Cour de justice de l'Union européenne en application de l'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et, jusqu'à ce que celle-ci se soit prononcée, de surseoir à statuer de ce chef. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le chef de l'arrêt qui dit la juridiction française incompétente pour connaître de la demande tendant à la suppression des commentaires dénigrants et à la rectification des données par la publication d'un communiqué ; RENVOIE pour le surplus, à la Cour de justice de l'Union européenne aux fins de répondre à la question suivante : « Les dispositions de l'article 7, point 2, du règlement (UE) n° 1215/2012 doivent-elles être interprétées en ce sens que la personne qui, estimant qu'une atteinte a été portée à ses droits par la diffusion de propos dénigrants sur internet, agit tout à la fois aux fins de rectification des données et de suppression des contenus, ainsi qu'en réparation des préjudices moral et économique en résultant, peut réclamer, devant les juridictions de chaque Etat membre sur le territoire duquel un contenu mis en ligne est ou a été accessible, l'indemnisation du dommage causé sur le territoire de cet Etat membre, conformément à l'arrêt eDate Advertising (points 51 et 52) ou si, en application de l'arrêt Svensk Handel (point 48), elle doit porter cette demande indemnitaire devant la juridiction compétente pour ordonner la rectification des données et la suppression des commentaires dénigrants ? » ; SURSOIT à statuer de ce chef jusqu'à la décision de la Cour de justice de l'Union européenne ; RENVOIE la cause et les parties à l'audience de formation de section du 15 décembre 2020 ; Réserve les dépens ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize mai deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour la société GTFLIX TV Il est reproché à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir confirmé l'ordonnance de référé querellée en ce qu'elle a déclaré le juge des référés du tribunal de grande instance de Lyon incompétent pour connaître de la présente instance au profit des juridictions tchèques et renvoyé la société GTFLIX TV à mieux se pourvoir ; Aux motifs propres que « Attendu que l'article 4 du règlement UE n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 prévoit que sous réserve du présent règlement, les personnes domiciliées sur le territoire d'un Etat membre sont attraites, quelque soit leur nationalité, devant les juridictions de cet Etat membre ; Que l'article 7 du même règlement ajoute qu'en matière délictuelle, la personne domiciliée dans un Etat membre peut être attraite dans un autre Etat membre, devant la juridiction du lieu où le fait dommageable s'est produit ou risque de se produire ; Que dans le cas, comme en l'espèce, de propos jugés dénigrants et postés sur internet, il ne suffit pas que ces propos soient accessibles dans le ressort de la juridiction saisie pour fonder la compétence territoriale de cette juridiction mais il faut encore qu'ils puissent présenter un intérêt quelconque pour les internautes résidant dans le ressort et soient susceptibles d'y générer un préjudice ; Attendu qu'il est constant que M. K... réside et exerce son activité à [...], en Hongrie, de sorte qu'il n'existe aucun lien de rattachement domiciliaire du défendeur initial avec les juridictions françaises ; Attendu, par ailleurs, qu'il ne résulte pas des pièces versées aux débats que les messages incriminés qui ont été mis en ligne sur internet en langue essentiellement anglaise et secondairement française soient destinés à un public français, la société GTFLIX TV ne démontrant pas que les internautes français seraient les plus nombreux à visiter les sites et les forums de M. K... ; Qu'il y a lieu également de constater que si la société GTFLIX TE, par le fait des propos dénoncés, a pu subir un préjudice en République Tchèque où se trouve le centre de ses activités, elle n'établit pas la réalité de conséquences dommageables dans le ressort de la juridiction saisie ; Attendu qu'au vu de ces éléments et en application des dispositions communautaires précitées, le juge des référés du tribunal de grande instance de Lyon a décidé à bon droit qu'il était territorialement incompétent pour connaître du litige qui relevait des juridictions tchèques ; Et aux motifs éventuellement adoptés que « Attendu qu'il résulte des éléments figurant au dossier, et notamment de la délivrance de l'assignation sur le fondement de l'article 659 du Code de Procédure civile, que l'huissier a mentionné que le gardien de l'immeuble du [...] , lui avait déclaré que monsieur A... K... n'habitait plus dans les lieux depuis dix ans et était parti sans laisser d'adresse ; que monsieur K... qu'il a contacté téléphoniquement a déclaré n'avoir plus de domicile en France et communiqué l'adresse de son avocat parisien ; que monsieur K... a déclaré le 21 février 2017 à un juge d'instruction son adresse en Hongrie à [...], adresse qu'il revendique encore aujourd'hui ; qu'il s'avère donc qu'il n'est pas domicilié sur le territoire français ; Attendu qu'il résulte de l'article 4 du Règlement UE n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 que « sous réserve du présent règlement, les personnes domiciliées sur le territoire d'un Etat membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet Etat membre », et que l'article 7 dispose que « une personne domiciliée sur le territoire d'un Etat membre peut être attraite dans un autre Etat membre, en matière délictuelle ou quasi délictuelle, devant la juridiction du lieu où le fait dommageable s'est produit ou risque de se produire » ; que le fait dommageable en l'espèce s'est produit essentiellement en République Tchèque où la société GTFLIX est domiciliée et où elle a donc le centre de ses intérêts et en Hongrie siège de l'émission des messages incriminés, mais qu'il ne résulte d'aucune pièce que les messages, mis en ligne sur internet, en langue essentiellement anglaise et secondairement française, aient été destinés à un public français et aient concerné un public français ; que la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union Européenne précise que les juridictions de chaque Etat membre sont compétentes en matière de contenu d'un site internet pour connaître du seul dommage causé sur le territoire de l'Etat membre de la juridiction saisie ; qu'il ne suffit pas que les messages soient accessibles sur internet pour considérer qu'un préjudice y est subi, mais il faut encore que les messages puissent présenter un intérêt quelconque pour les internautes de l'Etat considéré et qu'il y ait eu une répercussion, ce qui en l'espèce n'est pas établi, les messages incriminés étant relatifs aux conditions de recrutement des actrices de vidéos pornographiques par Legal Porno à Prague, aux soins médicaux dont elles bénéficient ou non, à leur toxicomanie et aux bénéfices considérables générés par cette activité pour cette entreprise ; » 1°) Alors que, les juridictions d'un Etat membre sont compétentes pour connaître du dommage causé sur le territoire de cet Etat membre par un contenu mis en ligne sur internet dès lors que ce contenu y est accessible ; qu'en jugeant, pour écarter la compétence des juridictions françaises, qu'il ne suffit pas que les propos jugés dénigrants et postés sur internet soient accessibles dans le ressort de la juridiction saisie mais qu'il faut également qu'ils puissent présenter un intérêt quelconque pour les internautes résidant dans ce ressort et soient susceptibles d'y générer un préjudice, la cour d'appel a violé l'article 7 point 2 du règlement UE n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 ; 2°) Alors que, un préjudice, fut-il moral, s'infère nécessairement de tout acte de dénigrement portant atteinte à la réputation de celui qui en est victime ; qu'il s'en déduit qu'un tel préjudice se matérialise au lieu auquel les propos constitutifs du dénigrement sont diffusés ; qu'en jugeant, pour écarter la compétence des juridictions françaises, que la société GTFLIX n'établissait pas la réalité des conséquences dommageables en France des propos qu'elle dénonçait, cependant que l'existence d'un préjudice subi en France s'inférait nécessairement de la diffusion dans cet Etat membre des propos dénigrants mis en ligne par M. K..., la cour d'appel a violé l'article 7 point 2 du règlement UE n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 ; 3°) Alors que, les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner et analyser tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'à l'appui de son appel, la société GTFLIX produisait une nouvelle pièce (n° 7) constituée par un document présentant les statistiques de fréquentation du site woodmanforum, tenu par M. K..., afin de démontrer que le public français était le premier public fréquentant ce site (conclusions GETFLIX p. 6) ; qu'en jugeant que la société GTFLIX ne démontrait pas que les internautes français seraient les plus nombreux à visiter les sites et forums de M. K... sans examiner ni viser, même sommairement, cette nouvelle pièce, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 4°) Alors que, les juridictions d'un Etat membre sont compétentes pour connaître du dommage causé sur le territoire de cet Etat membre par un contenu mis en ligne sur internet lorsque ce contenu est destiné au public de cet Etat membre, public pour lequel il est susceptible de présenter un intérêt quelconque ; qu'il n'est pas nécessaire, pour que cette condition soit remplie, que les internautes résidant dans cet Etat membre soient les plus nombreux à visiter le site internet mis en cause ; que pour écarter la compétence des juridictions françaises, la cour d'appel s'est bornée à retenir qu'il n'était pas établi que les sites mis en cause étaient destinés à un public français, la société GTFLIX ne démontrant pas que les internautes français seraient les plus nombreux à visiter les sites et les forums de M. K..., sans rechercher, comme elle y était invitée, si le contenu mis en cause, qui portait sur les relations de la société GTFLIX avec ses acteurs et actrices françaises, n'était pas susceptible de présenter, à ce titre, un intérêt pour le public français ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a privé sa décision de base légal au regard de l'article 7 point 2 du règlement UE n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 ; 5°) Alors que, des actes de dénigrement sont susceptibles de causer un préjudice dans un Etat membre lorsque les propos dénigrants ont trait aux activités commerciales que la personne dénigrée opère dans ce même Etat membre ; qu'en jugeant, pour écarter la compétence des juridictions françaises, que la société GTFLIX n'établissait pas la réalité des conséquences dommageables en France des propos qu'elle dénonçait, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les propos dénigrants ne concernaient pas l'activité de la société GTFLIX en France, notamment ses relations avec les acteurs, actrices et agents du milieu établis en France, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 7 point 2 du règlement UE n° 1215/2012 du 12 décembre 2012.
Par arrêt du 17 octobre 2017 (C-194/16 Svensk Handel AB), la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit : 1) L'article 7, point 2, du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, doit être interprété en ce sens qu'une personne morale, qui prétend que ses droits de la personnalité ont été violés par la publication de données inexactes la concernant sur Internet et par la non-suppression de commentaires à son égard, peut former un recours tendant à la rectification de ces données, à la suppression de ces commentaires et à la réparation de l'intégralité du préjudice subi devant les juridictions de l'Etat membre dans lequel se trouve le centre de ses intérêts. Lorsque la personne morale concernée exerce la majeure partie de ses activités dans un Etat membre autre que celui de son siège statutaire, cette personne peut attraire l'auteur présumé de l'atteinte au titre du lieu de la matérialisation du dommage dans cet autre Etat membre. 2) L'article 7, point 2, du règlement n° 1215/2012 doit être interprété en ce sens qu'une personne qui prétend que ses droits de la personnalité ont été violés par la publication de données inexactes la concernant sur internet et par la non-suppression de commentaires à son égard ne peut pas, devant les juridictions de chaque Etat membre sur le territoire duquel les informations publiées sur internet sont ou étaient accessibles, former un recours tendant à la rectification de ces données et à la suppression de ces commentaires. En outre, elle a précisé qu'une demande visant à la rectification des données et à la suppression des contenus mis en ligne sur un site internet est une et indivisible et ne peut, par conséquent, être portée que devant une juridiction compétente pour connaître de l'intégralité d'une demande de réparation du dommage en vertu de la jurisprudence résultant des arrêts du 7 mars 1995, Shevill e.a. (C-68/93, points 25, 26 et 32), ainsi que du 25 octobre 2011, eDate Advertising e.a. (C-509/09 et C-161/10, points 42 et 48), et non devant une juridiction qui n'a pas une telle compétence (point 48). Cette jurisprudence rendue en matière d'atteinte alléguée aux droits de la personnalité au moyen de contenus mis en ligne sur un site internet est transposable aux actes de concurrence déloyale résultant de la diffusion sur des forums internet de propos prétendument dénigrants. Il en résulte que les juridictions françaises ne sont pas compétentes pour ordonner le retrait ainsi que la rectification par publication d'un communiqué de commentaires prétendument dénigrants imputés à une personne domiciliée dans un autre Etat membre par une personne morale dont le centre des intérêts est établi en un troisième Etat membre, seules les juridictions de ce dernier Etat, compétentes pour connaître de l'intégralité d'une demande de réparation du dommage en vertu de la jurisprudence résultant des arrêts précités Shevill et eDate Advertising, ou celles de celui dans lequel le défendeur est domicilié étant compétentes pour ce faire
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CIV. 1 LG COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 13 mai 2020 Cassation sans renvoi Mme BATUT, président Arrêt n° 276 FS-P+B Pourvoi n° Z 19-10.448 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 13 MAI 2020 1°/ M. O... H... B... , 2°/ Mme N... G... P..., épouse H..., domiciliés tous deux [...] (Espagne), ont formé le pourvoi n° Z 19-10.448 contre l'arrêt rendu le 11 septembre 2018 par la cour d'appel de Pau (2e chambre, section 2), dans le litige les opposant à M. Q... G..., domicilié [...], défendeur à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Hascher, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. et Mme H... B..., de la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de M. G..., et l'avis de Mme Marilly, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 3 mars 2020 où étaient présents Mme Batut, président, M. Hascher, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, M. Vigneau, Mme Bozzi, M. Acquaviva, Mmes Poinseaux, Guihal, conseillers, Mmes Mouty-Tardieu, Le Cotty, Gargoullaud, Azar, M. Buat-Ménard, Mme Feydeau-Thieffry, conseillers référendaires, Mme Marilly, avocat général référendaire, et Mme Berthomier, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 11 septembre 2018), M... G... a donné procuration à son épouse de vendre en viager, à leur fille et son époux, M. H... B..., domiciliés en Espagne, un bien immobilier dont ils étaient propriétaires, situé dans ce pays. 2. Après le décès de ses parents, M. Q... G... a, par acte du 11 décembre 2014, assigné M. et Mme H... B... devant le tribunal de grande instance de Bayonne pour obtenir, à titre principal, l'annulation de la procuration pour cause d'insanité d'esprit de son auteur et, à titre subsidiaire, la requalification de la vente en libéralité. Sur le moyen relevé d'office 3. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code. Vu les articles 1 et 3, point 2 du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, ensemble le principe de perpétuation de la compétence selon lequel l'acte introductif d'instance fixe la saisine du tribunal et détermine la compétence pendant la durée de l'instance : 4. Pour dire le juge français compétent, l'arrêt fait application des articles 14 et 15 du code civil à l'action de M. G..., qui tend à remettre en cause l'acte intitulé cession de biens moyennant rente. 5. En statuant ainsi, alors que la demande principale en annulation de la procuration donnée par M... G..., dont le consentement aurait été vicié pour cause d'insanité d'esprit, fixait la compétence dès l'introduction de l'instance et relevait du champ matériel du règlement n° 44/2001, applicable à la date d'introduction de la demande, et qu'une règle de compétence nationale ne pouvait être invoquée contre M. et Mme H... B... domiciliés dans un autre Etat membre de l'Union européenne, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 6. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 7. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond. 8. D'une part, selon l'article 2, point 1, du règlement n° 44/2001, sous réserve des dispositions du présent règlement, les personnes domiciliées sur le territoire d'un État membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet État membre. 9. La demande principale en annulation d'une procuration dont le consentement de l'auteur aurait été vicié pour cause d'insanité d'esprit, de nature personnelle, ne relevant pas des compétences dérogatoires énoncées aux sections 2 à 7 du règlement et M. et Mme H... B... étant domiciliés en Espagne, ceux-ci devaient être attraits devant les juridictions espagnoles. 10. D'autre part, il résulte de l'article 81 du code de procédure civile que, lorsque le juge estime que l'affaire relève d'une juridiction étrangère, il renvoie seulement les parties à mieux se pourvoir. 11. Il y a donc lieu de confirmer l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Bayonne du 15 décembre 2016 en ce qu'il s'est déclaré incompétent pour connaître du litige, de l'infirmer en ce qu'il désigne la juridiction civile dont dépend la ville d'Alicante comme juridiction de renvoi, et de renvoyer les parties à mieux se pourvoir. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen unique, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 septembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; INFIRME l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Bayonne du 15 décembre 2016, mais seulement en ce qu'il désigne la juridiction civile dont dépend la ville d'Alicante comme juridiction de renvoi ; RENVOIE les parties à mieux se pourvoir ; Condamne M. G... aux dépens, comprenant ceux exposés devant la cour d'appel ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize mai deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. et Mme H... B... Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué du 11 octobre 2018 d'AVOIR déclaré le tribunal de grande instance de Bayonne compétent pour connaître de l'action engagée par Monsieur Q... G... à l'encontre des époux H.... AUX MOTIFS QUE, aux termes de l'arrêt attaqué, « 1) sur la détermination de la juridiction compétente pour connaître de l'action engagée par Monsieur Q... G... à l'encontre des époux H... ; Attendu que Monsieur Q... G... a assigné les époux H... à comparaître devant le Tribunal de Grande Instance de BAYONNE, en se prévalant notamment de l'article 14 du Code Civil, lequel consacre la compétence internationale des juridictions françaises, en instituant un privilège de juridiction fondé sur la nationalité française du demandeur à une action judiciaire ; Attendu qu'à cet égard, la Cour rappelle que la compétence française fondée sur les articles 14 et 15 du Code Civil présente un caractère subsidiaire par rapport à la compétence internationale ordinaire, de sorte que le privilège de juridiction fondé sur la nationalité française des parties ne pourra jouer qu'en l'absence de compétence spéciale attribuée à un tribunal par application du droit international privé français, ce qui implique dans un premier temps de déterminer la nature de l'action engagée par Monsieur Q... G... devant le Tribunal de Grande Instance de BAYONNE ; Attendu que de la lecture et de l'analyse de l'assignation délivrée à la requête de Monsieur Q... G..., il ressort que l'action ainsi engagée tend à remettre en cause l'acte intitulé " CESSION DE BIENS MOYENNANT RENTE " passé entre les époux M... G... / A... P... U... en leur qualité de cédants et les époux H... en leur qualité de cessionnaires, en ce que ladite action vise : - principalement, à obtenir l'annulation de la procuration dont il a été fait usage dans le cadre de ladite cession, et ce pour cause d'insanité d'esprit de son auteur M... G... - subsidiairement, à obtenir la requalification de l'acte dont s'agit en donation déguisée, et ce pour défaut de justification du paiement par les bénéficiaires de la contrepartie financière stipulée au profit des cédants ; Attendu qu'en raison de son objet tel que ci-dessus défini, l'action exercée par Monsieur Q... G... à l'encontre des époux H... - ne peut s'apparenter à une action successorale au sens de l'article 45 du Code de Procédure Civile, et ce nonobstant le fait * que la demande subsidiaire du requérant puisse, en cas de succès, avoir des incidences d'ordre successoral quant à la protection de ses droits de successible * que l'intéressé ait manifesté l'intention dans le cadre du présent incident de compétence, de vouloir renoncer à sa demande aux fins d'annulation de la procuration donnée par son père M... G... le 6 août 2007 - est constitutive d'une action relevant de la matière mixte, dès lors qu'elle porte tout à la fois sur un droit réel et un droit personnel nés de la même opération juridique ; Que de ces observations, il s'évince : - que se trouve dépourvue d'intérêt la discussion juridique instaurée entre les parties quant à la nature mobilière ou immobilière de la succession concernée - que le privilège de juridiction fondé sur la nationalité française du demandeur ou du défendeur à une action judiciaire, a vocation à s'appliquer en l'espèce à condition que l'action de Monsieur Q... G... relève du champ d'application des articles 14 et 15 du Code Civil venus consacrer la compétence des juridictions françaises fondée sur la seule nationalité française des parties ; Attendu qu'à cet égard, la Cour rappelle que l'article 14 du Code Civil : - autorise le demandeur français à citer son adversaire devant les tribunaux français, et ce que ce dernier soit étranger ou de nationalité française - a une portée générale (à l'instar de l'article 15 dudit code) faisant qu'il s'applique à toutes les actions patrimoniales ou extrapatrimoniales, à l'exclusion toutefois des actions réelles immobilières et demandes en partage portant sur des immeubles situés à l'étranger * des demandes relatives à des voies d'exécution pratiquées hors de France ; Attendu qu'en l'espèce, la Cour considère que Monsieur Q... G... peut revendiquer le privilège de juridiction instauré par l'article 14 du Code Civil, et ce : - en ce qu'il justifie être de nationalité française - en ce que son action est dirigée à l'encontre de deux codéfendeurs, à savoir Madame N... E... G... P... de nationalité française, et l'époux de cette dernière Monsieur O... H... B... de nationalité espagnole - en ce que son action ne fait pas partie de celles échappant au champ d'application des articles 14 et 15 du Code Civil, dès lors * que l'assignation délivrée à la requête de Monsieur Q... G... ne contient aucune demande qui soit caractéristique d'une action réelle immobilière ou d'une demande en partage portant sur un immeuble situé à l'étranger, en dépit du fait que l'acte de cession litigieux ait porté sur un immeuble situé à ALICANTE * qu'elle a été précédemment qualifiée d'action mixte ; Qu'au vu de ces observations, il y a lieu : - de retenir la compétence internationale des juridictions françaises pour connaître de l'action engagée par Monsieur Q... G... à l'encontre des époux H... - de considérer qu'en application des articles 14 et du Code Civil, Monsieur Q... G... est justifié à revendiquer la compétence du Tribunal de Grande Instance de BAYONNE, et ce * en ce qu'il se trouve domicilié à BIARRITZ, soit dans le ressort du Tribunal de Grande Instance de BAYONNE * en ce que ce choix répond aux exigences d'une bonne administration de la justice ; Qu'en conséquence, il convient : - de déclarer le Tribunal de Grande Instance de BAYONNE compétent pour connaître de l'action engagée par Monsieur Q... G... à l'encontre des époux H... - de réformer en ce sens la décision déférée » ; ALORS en premier lieu QUE le privilège de juridiction permettant à un plaideur français d'attraire un étranger devant les juridictions françaises et au plaideur français ou étranger d'y attraire un français n'est pas applicable au cas des actions réelles immobilières et des demandes en partage portant sur des immeubles situés à l'étranger ; qu'en l'espèce, pour déclarer le tribunal de grande instance de Bayonne compétent pour connaître de l'action engagée par Monsieur Q... G... à l'encontre des époux H..., la cour d'appel a estimé que l'assignation délivrée à la requête de M. Q... G... ne contient aucune demande qui soit caractéristique d'une action réelle immobilière ou d'une demande en partage portant sur un immeuble situé à l'étranger, en dépit du fait que l'acte de cession contesté ait porté sur un immeuble situé à Alicante ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le but poursuivi par le demandeur n'était pas de régler le sort d'un immeuble situé à l'étranger, en sorte que son action devait nécessairement s'analyser en une action réelle immobilière ou une demande en partage portant sur un immeuble situé à l'étranger, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 14 du code civil ; ALORS en second lieu QUE les juges sont tenus de répondre aux conclusions des parties ; qu'en déclarant le tribunal de grande instance de Bayonne compétent pour connaître de l'action engagée par Monsieur Q... G... à l'encontre des époux H..., sans répondre aux conclusions de ces derniers qui soutenaient que le juge français ne pouvait être compétent en l'espèce dès lors qu'il n'a le pouvoir ni d'annuler l'acte public étranger ni de prendre les mesures requises de mention en marge de l'acte faux et d'injonction à l'officier public étranger dépositaire de l'acte litigieux, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
En application du principe de perpétuation de la compétence, l'acte introductif d'instance fixe la saisine du tribunal et détermine la compétence pendant la durée de l'instance. Dès lors, une demande principale en annulation d'une procuration de vendre en viager un bien immobilier, dirigée contre des défendeurs domiciliés dans un autre Etat membre, qui relève du champ matériel du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000, fixe la compétence dès l'introduction de l'instance, nonobstant une demande subsidiaire tendant à la requalification de l'acte de cession subséquent
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CIV. 1 LG COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 13 mai 2020 Cassation Mme BATUT, président Arrêt n° 277 FS-P+B Pourvoi n° H 19-11.444 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 13 MAI 2020 Mme K... D..., épouse Q..., domiciliée [...], a formé le pourvoi n° H 19-11.444 contre l'arrêt rendu le 22 novembre 2018 par la cour d'appel de Douai (chambre 7, section 1), dans le litige l'opposant à M. H... Q..., domicilié [...], défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Azar, conseiller référendaire, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de Mme D..., de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. Q..., et l'avis de Mme Caron-Deglise, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 mars 2020 où étaient présents Mme Batut, président, Mme Azar, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, MM. Hascher, Vigneau, Mme Bozzi, M. Acquaviva, Mmes Poinseaux, Guihal, conseillers, Mmes Mouty-Tardieu, Le Cotty, Gargoullaud, M. Buat-Ménard, Mme Feydeau-Thieffry, conseillers référendaires, Mme Caron-Deglise, avocat général, et Mme Berthomier, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 22 novembre 2018), Mme D... et M. Q..., mariés le [...] sous le régime de la séparation de biens, ont vécu séparément à compter de l'année 2013. Par acte du 28 juin 2016, Mme D... a assigné son époux en contribution aux charges du mariage. Celui-ci a engagé parallèlement une procédure de divorce. Un jugement du 5 mai 2017 l'a condamné à verser à son épouse une somme mensuelle de 3 000 euros au titre de la contribution aux charges du mariage du 1er janvier 2016 jusqu'au 10 mars 2017, date de l'ordonnance de non-conciliation. Examen du moyen Sur le moyen unique, pris en ses première et troisième branches Enoncé du moyen 2. Mme D... fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa demande de contribution aux charges du mariage alors : « 1°/ que la fin de non-recevoir est un moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir ; qu'en déclarant Mme D... irrecevable en sa demande de contribution aux charges du mariage, motifs pris que « la clause figurant dans le contrat de mariage qui stipule que chacun des époux est réputé avoir fourni, au jour le jour, sa part contributive, signifie qu'ils ne seront assujettis à aucun compte entre eux », motif tendant au rejet de l'action en contribution aux charges du mariage, et non à son irrecevabilité, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 122 du code de procédure civile ; 2°/ que si les contrats sur la preuve sont valables lorsqu'ils portent sur des droits dont les parties ont la libre disposition, ils ne peuvent établir au profit de l'une des parties une présomption irréfragable ; qu'en déclarant Mme D... irrecevable en sa demande de contribution aux charges du mariage, motifs pris qu' « en raison de la volonté commune des époux et du caractère irréfragable de la clause précitée, Mme D... ne peut rapporter la preuve contraire », la cour d'appel a violé l'article 6 du code civil, ensemble l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable à l'espèce. » Réponse de la Cour 3. Ayant constaté que la clause figurant dans le contrat de mariage des époux stipulait non seulement « que chacun d'eux sera réputé avoir fourni au jour le jour sa part contributive, en sorte qu'aucun compte ne sera fait entre eux à ce sujet », mais également « qu'ils n'auront pas de recours l'un contre l'autre pour les dépenses de cette nature », faisant ainsi ressortir qu'elle instituait expressément une clause de non-recours entre les parties, la cour d'appel en a exactement déduit que celle-ci avait la portée d'une fin de non-recevoir. 4. Le moyen, inopérant en sa dernière branche, qui critique un motif surabondant, ne peut donc être accueilli. Mais sur la deuxième branche du moyen Enoncé du moyen 5. Mme D... fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa demande de contribution aux charges du mariage alors « que l'obligation de contribution aux charges du mariage est d'ordre public ; que les parties ne peuvent conventionnellement interdire, durant le mariage, tout recours aux fins de contraindre l'époux qui ne remplit pas son obligation de contribuer aux charges du mariage ; qu'en déclarant Mme D... irrecevable en sa demande de contribution aux charges du mariage, motifs pris que « la clause figurant dans le contrat de mariage qui stipule que chacun des époux est réputé avoir fourni, au jour le jour, sa part contributive, signifie qu'ils ne seront assujettis à aucun compte entre eux », la cour d'appel a violé l'article 214, ensemble les articles 226 et 1388 du code civil. » Réponse de la Cour Recevabilité du moyen 6. M. Q... conteste la recevabilité du moyen, Mme D... n'ayant pas conclu devant la cour d'appel. 7. Cependant, aux termes de l'article 954, dernier alinéa, du code de procédure civile relatif à la procédure devant la cour d'appel, la partie qui ne conclut pas est réputée s'approprier les motifs du jugement. 8. Le jugement du 5 mai 2017 a retenu que la clause stipulée dans le contrat de mariage n'empêchait pas un des époux de saisir le juge aux affaires familiales aux fins de contraindre l'autre qui ne respecterait pas son obligation de contribuer aux charges du mariage. 9. Mme D..., qui n'a pas conclu, étant réputée s'en approprier les motifs, le moyen est donc recevable. Bien-fondé du moyen Vu les articles 214, 226 et 1388 du code civil : 10. Il résulte de l'application combinée de ces textes que les conventions conclues par les époux ne peuvent les dispenser de leur obligation d'ordre public de contribuer aux charges du mariage. 11. Dès lors, en présence d'un contrat de séparation de biens, la clause aux termes de laquelle « chacun [des époux] sera réputé avoir fourni au jour le jour sa part contributive, en sorte qu'aucun compte ne sera fait entre eux à ce sujet et qu'ils n'auront pas de recours l'un contre l'autre pour les dépenses de cette nature », ne fait pas obstacle, pendant la durée du mariage, au droit de l'un d'eux d'agir en justice pour contraindre l'autre à remplir, pour l'avenir, son obligation de contribuer aux charges du mariage. 12. Pour déclarer irrecevable la demande de l'épouse tendant à une fixation judiciaire de la contribution aux charges du mariage à compter de la date de son assignation, l'arrêt se fonde sur la clause figurant au contrat de mariage. 13. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ; Condamne M. Q... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize mai deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Alain Bénabent, avocat aux Conseils, pour Mme D... Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré Madame K... D... irrecevable en sa demande de contribution aux charges du mariage ; AUX MOTIFS QU' « à titre liminaire, il n'est pas inutile de rappeler que M. Q... a déposé le 8 septembre 2016 une requête en divorce ; que consécutivement à l'introduction de cette instance, et par ordonnance de non-conciliation du 10 mars 2017, le magistrat conciliateur a notamment : - attribué à l'épouse la jouissance à titre gratuit du domicile conjugal, - condamné M. Q... à régler à son épouse une pension alimentaire au titre du devoir de secours de 3 000 euros par mois, - désigné Me U... aux fins d'établir un inventaire estimatif et un projet d'état liquidatif, - donné acte aux époux de leur accord sur l'attribution à l'époux de la jouissance du véhicule Range Rover et du véhicule Chevrolet à charge pour lui de régler les prêts y afférents, - donné acte aux époux de leur accord sur l'attribution de la jouissance à l'épouse du mobilier meublant ainsi que de deux véhicules Mitsubishi Pajero (gris + vert), - donné acte aux époux de leur accord : * pour prendre en charge par moitié les charges relatives à l'appartement de [...], soit 836 euros par mois chacun au titre du prêt, outre la moitié des charges y afférentes, reprises en fin d'année sur présentation des factures, * pour mettre en vente l'appartement de [...] (Gironde), M. Q... en assumant, dans l'attente, la gestion pour le compte des époux (M. Q... a la charge d'une somme approximative de 1 000 euros par mois : prêt - loyer - charges), * pour faire les comptes à la fin du mois de février 2017 sur le problème des impôts sur la base de justificatifs qui seront fournis, * pour prendre en charge par moitié la taxe foncière du chalet de [...], - donné acte à M. Q... de son accord pour que Mme D... ait la jouissance du chalet de [...] (appartenant en nue-propriété à leur fils à la suite d'une donation) à charge pour elle d'assumer toutes les charges courantes dont la taxe d'habitation, - donné acte à M. Q... de son accord pour qu'il prenne en charge les prêts de la résidence secondaire de [...], soit 893,47 euros et 477,19 euros par mois ; Que sur l'appel interjeté par M. Q... de cette ordonnance, la cour d'appel de céans, par arrêt en date du 22 mars 2018, a notamment confirmé la décision entreprise, excepté en ses dispositions relatives à l'attribution de la jouissance du chalet de [...] et au partage du règlement provisoire du prêt et des charges de l'immeuble situé à [...], et statuant à nouveau de ces chefs, attribué à Mme D... la jouissance à titre onéreux du chalet situé à [...], désigné les époux pour assurer par moitié le règlement provisoire du prêt immobilier afférent à l'appartement de [...], soit 836 euros, et de ses charges, dit n'y avoir lieu à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et condamné les parties par moitié chacune aux dépens ; que sur la recevabilité de la demande de contribution aux charges du mariage formée par l'épouse : le contrat de mariage des époux figure en pièce 34 et indique expressément "que chacun d'eux sera réputé avoir fourni au jour le jour sa part contributive, en sorte qu'aucun compte ne sera fait entre eux à ce sujet et qu'ils n'auront pas de recours l'un contre l'autre pour les dépenses de cette nature" ; qu'ainsi, en raison de la volonté commune des époux et du caractère irréfragable de la clause précitée, Mme D... ne peut rapporter la preuve contraire ; qu'au demeurant, la clause figurant dans le contrat de mariage qui stipule que chacun des époux est réputé avoir fourni, au jour le jour, sa part contributive, signifie qu'ils ne seront assujettis à aucun compte entre eux ; que dès lors, la demande de Mme D... de ce chef ne pourra qu'être déclarée irrecevable et le jugement déféré sera infirmé de ce chef » ; 1°) ALORS QUE la fin de non-recevoir est un moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir ; qu'en déclarant Madame D... irrecevable en sa demande de contribution aux charges du mariage, motifs pris que « la clause figurant dans le contrat de mariage qui stipule que chacun des époux est réputé avoir fourni, au jour le jour, sa part contributive, signifie qu'ils ne seront assujettis à aucun compte entre eux », motif tendant au rejet de l'action en contribution aux charges du mariage, et non à son irrecevabilité, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 122 du code de procédure civile ; 2°) ALORS QUE l'obligation de contribution aux charges du mariage est d'ordre public ; que les parties ne peuvent conventionnellement interdire, durant le mariage, tout recours aux fins de contraindre l'époux qui ne remplit pas son obligation de contribuer aux charges du mariage ; qu'en déclarant Madame D... irrecevable en sa demande de contribution aux charges du mariage, motifs pris que « la clause figurant dans le contrat de mariage qui stipule que chacun des époux est réputé avoir fourni, au jour le jour, sa part contributive, signifie qu'ils ne seront assujettis à aucun compte entre eux », la cour d'appel a violé l'article 214, ensemble les articles 226 et 1388 du code civil ; 3°) ALORS QUE si les contrats sur la preuve sont valables lorsqu'ils portent sur des droits dont les parties ont la libre disposition, ils ne peuvent établir au profit de l'une des parties une présomption irréfragable ; qu'en déclarant Madame D... irrecevable en sa demande de contribution aux charges du mariage, motifs pris qu' « en raison de la volonté commune des époux et du caractère irréfragable de la clause précitée, Mme D... ne peut rapporter la preuve contraire », la cour d'appel a violé l'article 6 du code civil, ensemble l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable à l'espèce.
La clause, figurant dans un contrat de mariage de séparation de biens, qui stipule non seulement "que chacun [des époux] sera réputé avoir fourni au jour le jour sa part contributive, en sorte qu'aucun compte ne sera fait entre eux à ce sujet", mais également "qu'ils n'auront pas de recours l'un contre l'autre pour les dépenses de cette nature", a la portée d'une fin de non-recevoir, dès lors qu'elle institue expressément une clause de non-recours entre les parties
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CIV. 1 LG COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 13 mai 2020 Cassation sans renvoi Mme BATUT, président Arrêt n° 278 FS-P+B Pourvoi n° W 18-26.702 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 13 MAI 2020 M. A... V..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° W 18-26.702 contre l'arrêt rendu le 18 octobre 2018 par la cour d'appel d'Angers (1re chambre, section B), dans le litige l'opposant : 1°/ à Mme H... V..., épouse P..., domiciliée [...] , 2°/ à M. J... V..., domicilié [...] , 3°/ à Mme N... V..., épouse K..., domiciliée [...] , 4°/ à M. E... V..., domicilié [...] , 5°/ à M. L... V..., domicilié [...] , 6°/ à M. X... V..., domicilié [...] , 7°/ à Mme B... V..., épouse T..., domiciliée [...] , 8°/ à la société AJ UP, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , venant aux droits de la société AJ Partenaires, prise en la personne de M. W... M..., pris en qualité de mandataire successoral des successions de U... V... et de H... V..., défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Mouty-Tardieu, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. A... V..., de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de Mmes H..., N... et B... V..., et de MM. J..., E..., L... et X... V..., et l'avis de Mme Caron-Deglise, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 mars 2020 où étaient présents Mme Batut, président, Mme Mouty-Tardieu, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, MM. Hascher, Vigneau, Mme Bozzi, M. Acquaviva, Mmes Poinseaux, Guihal, conseillers, Mmes Le Cotty, Gargoullaud, Azar, M. Buat-Ménard, Mme Feydeau-Thieffry, conseillers référendaires, Mme Caron-Deglise, avocat général, et Mme Berthomier, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Angers, 18 octobre 2018), U... V... et H... V..., son épouse, sont respectivement décédés les [...] et [...], laissant pour leur succéder leurs enfants, H..., J..., N..., E..., L..., A... et leurs petits-enfants, B... et X..., venant par représentation de leur père, décédé. Un jugement du 11 mars 2008 a ordonné le partage judiciaire de la communauté et des deux successions. Une autre décision du 15 mars 2011, statuant sur les points de désaccord subsistant entre les parties, a homologué partiellement l'état liquidatif dressé par le notaire, tranché deux difficultés et renvoyé les parties devant ce dernier pour établir l'acte constatant le partage. Celui-ci, dressé le 31 octobre 2012, a été soumis à la signature des copartageants. M. A... V... s'y étant refusé, ses cohéritiers (les consorts V...) l'ont assigné en la forme des référés devant le président du tribunal pour obtenir, sur le fondement des articles 813-1 et suivants du code civil, la désignation d'un mandataire successoral chargé de signer l'acte. Examen des moyens Sur le premier moyen et le second moyen, pris en ses première et troisième branches, ci-après annexés 2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur la seconde branche du second moyen Enoncé du moyen 3. M. A... V... fait grief à l'arrêt de désigner un mandataire successoral chargé de signer l'acte de partage alors « que le juge peut désigner toute personne qualifiée, physique ou morale, en qualité de mandataire successoral, à l'effet d'administrer provisoirement la succession en raison de l'inertie, de la carence ou de la faute d'un ou de plusieurs héritiers dans cette administration, de leur mésentente, d'une opposition d'intérêts entre eux ou de la complexité de la situation successorale ; que le juge qui désigne un mandataire successoral peut l'autoriser à effectuer l'ensemble des actes d'administration de la succession, ainsi que les actes de disposition nécessaires à la bonne administration de la succession ; que pour autant, le mandataire successoral ne saurait être autorisé à signer en lieu et place des héritiers l'acte de partage mettant fin à l'indivision successorale ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 813-1 et 814 du code civil. » Réponse de la Cour Vu les articles 813-1, alinéa 1, et 814 du code civil : 4. Aux termes du premier de ces textes, le juge peut désigner toute personne qualifiée en qualité de mandataire successoral, à l'effet d'administrer provisoirement la succession en raison de l'inertie, de la carence ou de la faute d'un ou de plusieurs héritiers dans cette administration, de leur mésentente, d'une opposition d'intérêts entre eux ou de la complexité de la situation successorale. 5. Selon le second, lorsque la succession a été acceptée par au moins un héritier, le juge peut autoriser le mandataire successoral à effectuer l'ensemble des actes d'administration de la succession. Il peut également l'autoriser, à tout moment, à réaliser des actes de disposition nécessaires à la bonne administration de la succession. 6. Il s'en déduit qu'un mandataire successoral ne peut être désigné pour consentir à un partage, lequel met fin à l'indivision. 7. Pour désigner un mandataire successoral et l'autoriser à signer l'acte de partage des successions de U... et H... V... et de la communauté ayant existé entre eux, l'arrêt relève que, depuis 2013, M. A... V... s'y refuse en dépit d'une injonction judiciaire assortie d'une astreinte, liquidée à plusieurs reprises. Il énonce que le mandat donné d'accomplir une formalité obligatoire, imposée par une décision judiciaire, n'excède pas les limites de la notion d'acte d'administration. Il ajoute que si la signature du partage peut constituer un acte de disposition mettant fin à l'indivision successorale, le juge peut l'autoriser pour passer outre l'attitude dilatoire d'un cohéritier. 8. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 9. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 10. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond. 11. En l'absence d'homologation ou en présence d'homologation partielle du projet d'état liquidatif établi par le notaire désigné sur le fondement de l'article 1364 du code de procédure civile, le projet rectifié par le notaire sur la base des points de désaccord tranchés par le tribunal en application de l'article 1375 du même code doit être soumis à l'homologation du tribunal. 12. Selon ce dernier texte, le tribunal renvoie les parties devant le notaire pour établir l'acte constatant le partage. 13. Ce n'est qu'en cas d'abandon des voies judiciaires en vue de la poursuite d'un partage à l'amiable, comme l'autorise à tout moment l'article 842 du code civil, que la signature des parties est requise pour l'acte de partage. 14. Un mandataire successoral ne peut être désigné sur le fondement des articles 813-1, alinéa 1, et 814 du code civil pour signer un acte de partage à la place des copartageants. 15. Il y a donc lieu d'infirmer le jugement et de rejeter la demande des consorts V.... PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 octobre 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; INFIRME l'ordonnance du 19 octobre 2017 rectifiée le 5 avril 2018 ; REJETTE les demandes de Mmes H..., N... et B... V... et de MM. J..., E..., L... et X... V... ; Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens comprenant ceux exposés devant les juges du fond ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, signé par Mme Auroy, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller empêché, et signé et prononcé par le président en son audience publique du treize mai deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour M. V... PREMIER MOYEN DE CASSATION L'arrêt attaqué encourt la censure ; EN CE QU' il a rejeté la demande d'annulation de l'ordonnance entreprise du 19 octobre 2017 ; AUX MOTIFS QUE « M. A... V... ne reprend pas, en cause d'appel, l'exception d'incompétence proposée en première instance et rejetée par l'ordonnance dont appel, suivant laquelle il soulevait "l'incompétence du président [du] tribunal de grande instance d'Angers statuant en la forme des référés", motif pris de l'existence d'une contestation sérieuse résultant de son appel d'un jugement du 3 mars 2017, relatif à la liquidation de l'astreinte. Il en soulève une autre, tenant à ce que l'ordonnance querellée aurait été rendue par "le juge des référés", alors qu'était saisi le "président du tribunal de grande instance [d'Angers] statuant en la forme des référés", ainsi qu'a l'application faite d'office, sans que les parties puissent s'en expliquer, de l'article 146 du code de procédure civile, texte inapplicable à la cause. S'il est exact que le premier juge a improprement indiqué statuer "en matière de référé" et visé un texte relatif à la sauvegarde, sur requête ou en référé, des éléments de - preuve dont pourrait dépendre la solution d'un litige, manifestement étranger à l'objet de sa saisine, il n'en résulte pas moins sans équivoque des autres termes de son ordonnance, qu'il a, pour faire application des articles 813-1 et suivants du code civil, auxquels il s'est exactement référé par ailleurs, statué en qualité de délégué du président du tribunal de grande instance, statuant en la forme des référés, conformément à l'article 1380 du code de procédure civile, après avoir expressément écarté l'exception d'incompétence de ce magistrat soulevée par M. A... V..., lequel n'aurait eu aucune raison de la proposer en ces termes devant le juge des référés. Il n'y a donc pas matière à annulation de l'ordonnance dont appel en raison de l'incompétence du juge ayant statué. » ; ALORS QUE les juges sont tenus de ne pas dénaturer les décisions de justice ; qu'en l'espèce, l'ordonnance du 19 octobre 2017 indique avoir été rendue par le vice-président du tribunal de grande instance d'Angers, statuant en matière de référés, et en qualité de juge des référés (ordonnance entreprise, p. 1 et 4) ; que même s'il est indiqué dans les motifs de cette ordonnance que le président du tribunal était compétent pour statuer en la forme des référés sur la demande des consorts V..., il n'est nulle part indiqué dans cette décision que le magistrat ayant rendu l'ordonnance aurait lui-même statué en la forme des référés et en qualité de délégué du président du tribunal de grande instance ; qu'en affirmant qu'il résultait « sans équivoque » des termes de cette ordonnance que celle-ci avait été rendue en la forme des référés par le vice-président statuant en qualité de délégué du président du tribunal, la cour d'appel a dénaturé l'ordonnance entreprise du 19 octobre 2017, en violation des articles 4 et 480 du code de procédure civile. SECOND MOYEN DE CASSATION L'arrêt attaqué encourt la censure ; EN CE QU'il a confirmé l'ordonnance du 19 octobre 2017 en tant que celle-ci a, au visa de l'article 145 du code de procédure civile, rejeté l'exception d'incompétence, désigné la SELARL AJ PARTENAIRES en qualité de mandataire successoral des successions de M. U... V... et de Mme H... V..., et autorisé ce mandataire à signer l'acte de partage de ces deux successions tel que visé au jugement d'homologation du 15 mars 2011 et modifié par l'état liquidatif rectificatif du 31 octobre 2012 ; AUX MOTIFS PROPRES QUE « L'ordonnance dont appel a désigné un mandataire successoral sur le fondement de l'article 813-1 du code civil, issu de l'article 1er de la loi du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités. On rappellera, à toutes fins utiles, que, selon l'article 47, II, de cette loi, les dispositions des articles 813 à 814-1 du code civil, tels qu'ils résultent de ladite loi,' sont applicables, dès l'entrée en vigueur de celle-ci, le 1er janvier 2007, aux indivisions existantes et aux successions ouvertes non encore partagées à cette date, ce qui est le cas en l'espèce. L'article 813-1 du code civil autorise le juge à désigner un mandataire successoral en raison de l'inertie, de la carence ou de la faute d'un ou de plusieurs héritiers, de leur mésentente, d'une opposition d'intérêt entre eux ou de la complexité de la situation successorale. Le principe de la désignation d'un mandataire successoral est amplement justifié en l'espèce, compte tenu de la carence fautive, préjudiciable aux intérêts légitimes de ses co-héritiers, de M. A... V... qui, depuis 2013, se refuse, en dépit d'une injonction judiciaire assortie d'une astreinte déjà liquidée plusieurs fois, à signer un acte de partage dont les termes sont pourtant irrévocablement fixés depuis le 12 janvier 2012, date à laquelle son appel du jugement d'homologation rendu le 15 mars 2011 a été déclaré caduc. L'ordonnance dont appel autorise le mandataire désigné à signer l'acte de partage nonobstant l'opposition de M. A... V..., ce que conteste celui-ci, qui fait valoir qu'un tel mandat excède les pouvoirs, limités à l'administration de l'indivision successorale, dont peut être investi un mandataire désigné en justice. Il est exact que l'article 813-1 précité donne au mandataire successoral la mission "d'administrer provisoirement la succession". Pour autant, le mandat donné en vue de remédier au refus, par un héritier, d'accomplir une formalité obligatoire, imposée par une décision judiciaire définitive, n'excède pas les limites de la notion d'acte d'administration. A supposer que la signature de l'acte de partage soit considéré comme un acte de disposition, en ce qu'il met fin à l'indivision successorale, il y aurait lieu de constater que l'article 814 du code civil permet au juge d'autoriser le mandataire à réaliser les actes de disposition nécessaires à la bonne administration de la succession, et que tel est le cas de ceux ayant pour objet de passer outre à l'attitude dilatoire de l'un des co-héritiers et de mettre fin à une indivision dans laquelle les autres héritiers ne sauraient être tenus de demeurer sans limitation de durée. En l'état de l'ordonnance du 12 janvier 2012, déclarant caduc l'appel du jugement d'homologation du 15 mars 2011, et de l'arrêt définitif du 5 juin 2014, confirmant l'injonction faite à M. A... V... de signer l'acte liquidatif établi par Me D... et joint à son procès-verbal du 31 octobre 2012, c'est à tort que l'appelant soutient qu'il serait encore fondé à contester les ternies de cet acte liquidatif en ses dispositions excédant, selon lui, les modifications prescrites par le jugement précité du 15 mars 2011. Au demeurant, c'est à bon droit que le notaire a fixé une nouvelle date de jouissance divise, celle-ci devant légalement être la plus proche possible de la date effective du partage, et qu'il a actualisé le compte d'administration de l'indivision en y intégrant les recettes et dépenses enregistrées postérieurement à l'établissement de son projet initial du 26 janvier 2010. Pour l'ensemble de ces motifs, aucun des moyens de recevabilité et de fond présentés par l'appelant n'étant fondé, il y a lieu de confirmer l'ordonnance dont appel, telle que rectifiée le 5 avril 2018, en toutes ses dispositions relatives à la désignation d'un mandataire successoral et à la mission lui étant confiée. » ; ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS QU' « Aux termes de l'article 813-1 du Code civil « le juge peut désigner toute personne qualifiée, physique ou morale, en qualité de mandataire successorale, à l'effet d'administrer provisoirement la succession en raison de l'inertie, de la carence ou de la faute d'un ou de plusieurs héritiers dans cette administration, de leur mésentente, d'une opposition d'intérêts entre eux ou de la complexité de la situation successorale. » Il résulte en outre des dispositions de l'article 814 du Code civil, « lorsque la succession a été acceptée par au moins un héritier, soit purement et simplement, soit à concurrence de l'actif net, le juge qui désigne le mandataire successoral en application des articles 813-1 et 814-1 peut l'autoriser à effectuer l'ensemble des actes d'administration de la succession. Il peut également l'autoriser, à tout moment, à réaliser des actes de dispositions nécessaires à la bonne administration de la succession et en déterminer les prix et stipulations. » En l'espèce le jugement au fond du tribunal de grande instance d'Angers en date du 15 mars 2011 a notamment : « homologué le projet d'acte de partage dressé par Maître D... notaire à Mauléon et annexé au procès-verbal de difficultés en date du 26 janvier 2010 sauf en ce qui concerne les points suivants : *les fermages mis à l'actif de la succession à partager et réclamés par monsieur A... V... au titre de l'année 1994, soit la somme de 273,70 euros, ne sont pas dus comme prescrites, *le taux d'intérêt applicable au titre des fermages restant dû par monsieur A... V... au taux légal et non de 8 % Force est de constater que Monsieur A... V... qui refuse de signer des actes des successions litigieuses, ne peut opposer aucune décision judiciaire au soutien de son opposition et encore moins de moyens probants et pertinents pour justifier sa position. Cette situation de blocage qui ne repose sur aucun fondement judiciaire cause un préjudice aux héritiers qui sont légitimement en droit de vouloir sortir de l'indivision successorale. En conséquence, il convient de désigner la SELARL Ai PARTENAIRES , [...] en qualité de mandataire successoral des successions de Monsieur U... V... décédé le [...], de Madame H... V... décédée le [...] et de la communauté ayant existé entre eux et de l'autoriser à procéder à la signature de l'acte de partage des successions ainsi qu'il ressort du jugement devenu définitif du tribunal de grande instance d'Angers en date du 15 mars 2011 et du procès-verbal de rectification d'état liquidatif du 31 octobre 2012. » ; ALORS QUE, premièrement, un coïndivisaire peut demander au juge de désigner un mandataire ad hoc afin de représenter au partage l'héritier qui refuse d'y consentir ; qu'à défaut, le partage doit être fait en justice ; qu'en décidant en l'espèce de nommer un mandataire successoral, représentant de l'ensemble des héritiers, pour passer outre le refus de M. A... V... de consentir au projet de partage établi par le notaire, la cour d'appel a violé les articles 837 et 840 du code civil ; ALORS QUE, deuxièmement, le juge peut désigner toute personne qualifiée, physique ou morale, en qualité de mandataire successoral, à l'effet d'administrer provisoirement la succession en raison de l'inertie, de la carence ou de la faute d'un ou de plusieurs héritiers dans cette administration, de leur mésentente, d'une opposition d'intérêts entre eux ou de la complexité de la situation successorale ; que le juge qui désigne un mandataire successoral peut l'autoriser à effectuer l'ensemble des actes d'administration de la succession, ainsi que les actes de disposition nécessaires à la bonne administration de la succession ; que pour autant, le mandataire successoral ne saurait être autorisé à signer en lieu et place des héritiers l'acte de partage mettant fin à l'indivision successorale ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 813-1 et 814 du code civil ; ET ALORS QUE, troisièmement, par jugement du 15 mars 2011, le tribunal de grande instance d'Angers s'est borné à homologuer partiellement le projet d'acte de partage établi par le notaire, et à renvoyer les parties devant ce dernier afin d'établir l'acte de partage définitif ; qu'en affirmant que cette décision faisait l'obligation à M. A... V... de consentir à l'acte de partage définitif établi par le notaire en exécution de ce jugement, pour justifier de désigner un mandataire successoral afin de pourvoir à son absence de consentement, la cour d'appel méconnu le sens de ce jugement, en violation de l'article 480 du code de procédure civile.
Aux termes de l'article 813-1, alinéa 1, du code civil, le juge peut désigner toute personne qualifiée en qualité de mandataire successoral, à l'effet d'administrer provisoirement la succession en raison de l'inertie, de la carence ou de la faute d'un ou de plusieurs héritiers dans cette administration, de leur mésentente, d'une opposition d'intérêts entre eux ou de la complexité de la situation successorale. Selon l'article 814 du code civil, lorsque la succession a été acceptée par au moins un héritier, le juge peut autoriser le mandataire successoral à effectuer l'ensemble des actes d'administration de la succession. Il peut également l'autoriser, à tout moment, à réaliser des actes de disposition nécessaires à la bonne administration de la succession. Il s'en déduit qu'un mandataire successoral ne peut être désigné pour consentir à un partage, lequel met fin à l'indivision
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CIV. 1 LG COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 13 mai 2020 Cassation Mme BATUT, président Arrêt n° 288 F-P+B Pourvoi n° W 18-25.966 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 13 MAI 2020 La société Kimmolux, société anonyme, dont le siège est [...] (Luxembourg), a formé le pourvoi n° W 18-25.966 contre l'arrêt rendu le 21 novembre 2018 par la cour d'appel de Colmar (1re chambre civile, section A), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Boulangerie S..., société anonyme, dont le siège est [...], venant aux droits de la SCI Les Moines, 2°/ à la société Boulangerie S..., société anonyme, dont le siège est [...], nouvelle dénomination de la société S... financière, défenderesses à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Acquaviva, conseiller, les observations de la SCP Didier et Pinet, avocat de la société Kimmolux, de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la société Boulangerie S..., tant en son nom que pour venir aux droits de la SCI Les Moines, après débats en l'audience publique du 3 mars 2020 où étaient présents Mme Batut, président, M. Acquaviva, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 21 novembre 2018), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 28 septembre 2016, pourvoi n° 15-20.938), et les productions, par acte sous seing privé du 28 février 2005 stipulant une clause compromissoire, la société Boulangerie S... (la société S...) a cédé à la société Kimmolux mille six cent quatre-vingt-six actions qu'elle détenait dans le capital de la société Au Bon pain de France (la société Au Bon pain). 2. Suivant un second acte sous seing privé du même jour, la SCI Les Moines (la SCI) a vendu à la société Kimmolux un immeuble à usage industriel et commercial donné à bail à la société Au Bon pain. 3. L'article 4 du contrat de cession d'actions stipulait que la non-réalisation de la vente, si elle était du fait exclusif du cédant, entraînerait la résiliation de la cession des actions de la société Au Bon pain et que le montant payé à ce titre serait remboursé intégralement, augmenté des intérêts au taux légal en vigueur. 4. L'acte de vente n'ayant pas été suivi d'un acte authentique dans le délai de six mois à compter de sa conclusion, exigé par l'article 42 de la loi du 1er juin 1924, dans sa rédaction issue de la loi n° 2002-306 du 4 mars 2002, la société Kimmolux a assigné la société S... et la SCI devant le tribunal de grande instance de Sarreguemines en annulation de la convention de cession d'actions et en paiement de certaines sommes. Examen du moyen Sur le moyen unique, pris en ses deuxième et troisième branches, ci-après annexé 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur la première branche du moyen Enoncé du moyen 6. La société Kimmolux fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables ses demandes, alors « que l'exception tirée de l'existence d'une clause compromissoire est régie par les dispositions qui gouvernent les exceptions de procédure ; que, par suite, en relevant que le moyen tiré de l'existence d'une clause compromissoire n'avait pas à être soulevé in limine litis, dès lors qu'il constituait une fin de non-recevoir, la cour a violé les articles 73, 74, 122 et 123 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 74 du code de procédure civile : 7. L'exception tirée de l'existence d'une clause compromissoire est régie par les dispositions qui gouvernent les exceptions de procédure. 8. Pour déclarer irrecevables les demandes de la société Kimmolux, l'arrêt retient que le moyen tiré de l'existence d'une clause compromissoire constitue une fin de non-recevoir, le défaut de saisine préalable d'une juridiction arbitrale faisant échec à celle d'une juridiction étatique, et non une exception d'incompétence entrant dans le champ d'application des articles 74 et 75 du code de procédure civile, les juridictions étatiques ne pouvant se déclarer incompétentes au profit d'une juridiction arbitrale et qu'en conséquence, il n'a pas à être soulevé in limine litis. 9. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ; Condamne la société Boulangerie S..., tant en son nom que pour venir aux droits de la SCI Les Moines, aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Boulangerie S..., tant en son nom que pour venir aux droits de la SCI Les Moines, et la condamne à payer à la société Kimmolux la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize mai deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour la société Kimmolux Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR déclaré irrecevables les demandes présentées par la société de droit luxembourgeois Kimmolux, devant le tribunal de grande instance de Sarreguemines ; AUX MOTIFS QUE la société de droit luxembourgeois Kimmolux n'a pas régularisé ses conclusions à l'égard de la SAS Boulangerie S..., venant aux droits de la SCI Les Moines, alors que les conclusions du 26 juin 2018, informaient la cour et la société intimée de la fusion absorption intervenue entre la SAS Boulangerie S... et la SCI Les Moines ; que cette modification, n'entraînant pas de conséquence sur la rédaction du dispositif des écritures de la société Kimmolux, et toutes les parties étant dans l'instance, il n'y a pas lieu à ordonner la réouverture les débats, cette réouverture n'ayant d'ailleurs pas été sollicitée par la partie intimée et l'événement qui aurait pu la justifier étant intervenu antérieurement à l'ordonnance de clôture ; que dans le dispositif de ses écritures du 26 Juin 2018, la SAS Boulangerie S... et la SAS Boulangerie S..., venant aux droits de la SCI Les Moines, a sollicité en considération de la convention de cession d'actions passée entre la société Kimmolux et la société Boulangerie S..., le 28 février 2005, en son article 9, de constater que les sociétés Boulangerie S... et Kimmolux sont convenues de la compétence au moins préalable du tribunal arbitral ; que le moyen tiré de l'existence d'une clause compromissoire au contrat constitue bien une fin de non-recevoir, le défaut de saisine préalable d'une juridiction arbitrale faisant échec à celle d'une juridiction étatique, et non une exception d'incompétence entrant dans le champ des articles 74 et 75 du code de procédure civile, les juridictions étatiques ne pouvant se déclarer incompétentes au profit d'une juridiction arbitrale ; qu'en conséquence, ce moyen n'avait donc pas à être soulevé in limine litis ; que le premier alinéa de l'article 9 de la convention de cession d'actions passée entre la société Kimmolux et la société Boulangerie S..., le 28 février 2005, prévoit que « Toutes contestations qui s'élèveraient entre le "cédant" et les "cessionnaires" relativement à la validité, l'interprétation et à l'exécution des présentes seront soumises à un tribunal arbitral. » ; qu'en conséquence, en assignant le 26 avril 2006, la SCI Les Moines et la SA Boulangerie S... devant le tribunal de grande instance de Sarreguemines, la SA de droit luxembourgeois Kimmolux a méconnu la clause compromissoire ; qu'ainsi l'intégralité des demandes présentées par la société de droit luxembourgeois Kimmolux doit être déclarée irrecevable ; que la partie appelante ne démontre pas que la SA Kimmolux a agi de mauvaise foi ou dans l'intention de lui nuire ; qu'elle sera déboutée de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive ; que le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Sarreguemines le 15 juin 2010 sera infirmé ; 1°) ALORS QUE l'exception tirée de l'existence d'une clause compromissoire est régie par les dispositions qui gouvernent les exceptions de procédure ; que, par suite, en relevant que le moyen tiré de l'existence d'une clause compromissoire n'avait pas à être soulevé in limine litis, dès lors qu'il constituait une fin de non-recevoir, la cour a violé les articles 73, 74, 122 et 123 du code de procédure civile ; 2°) ALORS QUE la compétence d'un tribunal arbitral pour trancher une contestation, en vertu d'une clause compromissoire, exclut que le litige puisse ensuite être soumis à la compétence du juge étatique ; que la cour, qui, pour retenir que le moyen tiré de l'existence d'une clause compromissoire était une fin de non-recevoir s'est notamment fondée sur ce que les parties étaient convenues de la compétence « au moins préalable » d'une juridiction arbitrale, après avoir pourtant constaté qu'était en cause une clause compromissoire prévoyant le recours à l'arbitrage pour toutes contestations relative à la validité, l'interprétation et à l'exécution du contrat, ce qui excluait que le juge étatique puisse être saisi du litige à la suite de la sentence arbitrale, a violé les articles 1442, 1448 et 1478 à 1486 du code de procédure civile ; 3°) ALORS en tout état de cause QUE la « convention de cession d'actions » stipulait notamment, en son article 9, que « toutes contestations qui s'élèveraient entre le "cédant" et le "cessionnaire" relativement à la validité, l'interprétation et à l'exécution des présentes seront soumises à un tribunal arbitral », que les arbitres « règlent la procédure arbitrale sans être tenus de suivre les règles établies pour les tribunaux » et que leur « sentence ( ) n'est pas susceptible d'appel », ce dont il résultait qu'il ne s'agissait pas d'une procédure préalable à la saisine du juge étatique ; qu'en retenant le contraire, la cour a violé le principe selon lequel il est interdit au juge de dénaturer les documents de la cause.
L'exception tirée de l'existence d'une clause compromissoire est régie par les dispositions qui gouvernent les exceptions de procédure. Dès lors, elle doit être soulevée in limine litis
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CIV. 1 LG COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 13 mai 2020 Cassation Mme BATUT, président Arrêt n° 289 F-P+B Pourvoi n° K 19-10.941 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 13 MAI 2020 M. T... X..., domicilié [...], a formé le pourvoi n° K 19-10.941 contre l'arrêt rendu le 27 novembre 2018 par la cour d'appel de Grenoble (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à M. A... Y..., domicilié [...], défendeur à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Acquaviva, conseiller, les observations de la SCP Ghestin, avocat de M. X..., de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de M. Y..., après débats en l'audience publique du 3 mars 2020 où étaient présents Mme Batut, président, M. Acquaviva, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 27 novembre 2018), M. X... a assigné M. Y... devant le tribunal de grande instance de Grenoble en répétition de l'indu. 2. Ce dernier a soulevé l'incompétence de la juridiction française. Examen du moyen Sur le moyen unique, pris en sa première branche Enoncé du moyen 2. M. X... fait grief à l'arrêt de dire la juridiction française incompétente, alors « que les articles 14 et 15 du code civil qui donnent compétence à la juridiction française à raison de la nationalité française du demandeur pour le premier de ces textes ou du défendeur pour le second de ces textes n'ont lieu de s'appliquer que lorsqu'aucun critère ordinaire de compétence territoriale n'est réalisé en France ; qu'il résulte de l'énoncé des qualités des parties tant par l'ordonnance entreprise que par l'arrêt attaqué que M. Y..., défendeur à l'action de M. X..., est domicilié en France à [...], M. Y... comme M. X... étant de surcroît de nationalité française ; qu'il en résulte que le tribunal de grande instance de Grenoble était selon les règles ordinaires territorialement compétent pour statuer sur la demande de M. X... contre M. Y... ; qu'en accueillant l'exception d'incompétence de M. Y... et en déclarant les juridictions françaises territorialement incompétentes pour connaître du litige au profit des juridictions algériennes, au motif que M. X... aurait renoncé au privilège de juridiction de l'article 15 du code civil quand les juridictions françaises étaient normalement compétentes au regard des règles ordinaires de compétence territoriale, la cour d'appel a violé le texte susvisé par fausse application et les articles 42 et 43 du code de procédure civile par refus d'application. » Réponse de la Cour Recevabilité du moyen 3. La recevabilité du moyen est contestée en défense, en raison de sa nouveauté. 4. Le moyen, de pur droit, n'est pas nouveau. Il est donc recevable. Bien-fondé du moyen Vu l'article 15 du code civil et l'article 42 du code de procédure civile : 5. Le premier de ces textes, qui donne compétence à la juridiction française en raison de la nationalité du défendeur, n'a vocation à s'appliquer que lorsqu'aucun critère ordinaire de compétence territoriale n'est réalisé en France. 6. Aux termes du second, la juridiction territorialement compétente est, sauf disposition contraire, celle du lieu où demeure le défendeur. 7. Pour déclarer la juridiction française incompétente au profit de la juridiction algérienne, la cour d'appel retient que M. X... a tacitement renoncé à son privilège de juridiction. 8. En statuant ainsi, alors que M. X... soutenait que l'article 15 du code civil était inapplicable, M. Y..., défendeur à l'action, se déclarant lui-même, dans ses conclusions, domicilié en France, de sorte que la juridiction française était territorialement compétente, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ; Condamne M. Y... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. Y... et le condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize mai deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Ghestin, avocat aux Conseils, pour M. X... Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR déclaré les juridictions françaises incompétentes territorialement au profit des juridictions algériennes pour connaître de l'action en répétition de l'indu exercée par M. X... contre M. Y... et d'AVOIR renvoyé M. X... à mieux se pourvoir, le condamnant à payer à M. Y... la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; AUX MOTIFS QUE par application de l'article 776 du code de procédure civile, le juge de la mise en état est compétent, notamment, pour statuer sur les exceptions de compétence ; que conformément aux dispositions des articles 83 et 84 du code de procédure civile, l'appel litigieux sur la compétence, introduit par M. Y... dans les conditions de forme et de délais, est parfaitement recevable ; que les parties sont toutes deux de nationalité française ; que l'article 15 du code civil dispose qu'un français pourra être traduit devant un tribunal en France, pour des obligations par lui contractées en pays étranger, même avec un étranger ; que toutefois, la partie, qui a précédemment introduit une action identique devant une juridiction étrangère, est réputée avoir tacitement renoncé au privilège de juridiction susvisé ; qu'en l'espèce, il ressort de l'examen de la teneur du jugement civil du 19 juin 2016 rendu par le tribunal de Batna (Algérie) (pièce 3 de M. Y...) que M. X... a introduit devant cette juridiction une action en restitution de sommes trop versées par lui au titre de l'acte de dépôt, ce qui est identique à l'action introduite par assignation du 19 juin 2017 en restitution de l'indu ; que par voie de conséquence, M. X..., en ayant saisi la juridiction algérienne d'une action similaire à celle introduite postérieurement devant la juridiction française, a tacitement renoncé au bénéfice des dispositions de l'article 15 du code civil ; que l'ordonnance déférée doit être infirmée, l'exception d'incompétence élevée par M. Y... accueillie et M. X... renvoyé à mieux se pourvoir ; que la juridiction française étant incompétente, les demandes de communication de pièces et de provision de M. X... sont irrecevables ; 1°) ALORS QUE les articles 14 et 15 du code civil qui donnent compétence à la juridiction française à raison de la nationalité française du demandeur pour le premier de ces textes ou du défendeur pour le second de ces textes n'ont lieu de s'appliquer que lorsqu'aucun critère ordinaire de compétence territoriale n'est réalisé en France ; qu'il résulte de l'énoncé des qualités des parties tant par l'ordonnance entreprise que par l'arrêt attaqué que M. Y..., défendeur à l'action de M. X..., est domicilié en France à [...], M. Y... comme M. X... étant de surcroît de nationalité française ; qu'il en résulte que le tribunal de grande instance de Grenoble était selon les règles ordinaires territorialement compétent pour statuer sur la demande de M. X... contre M. Y... ; qu'en accueillant l'exception d'incompétence de M. Y... et en déclarant les juridictions françaises territorialement incompétentes pour connaître du litige au profit des juridictions algériennes, au motif que M. X... aurait renoncé au privilège de juridiction de l'article 15 du code civil quand les juridictions françaises étaient normalement compétentes au regard des règles ordinaires de compétence territoriale, la cour d'appel a violé le texte susvisé par fausse application et les articles 42 et 43 du code de procédure civile par refus d'application ; 2°) ALORS AU SURPLUS QUE M. X... faisait valoir dans ses conclusions d'appel qu'outre la nationalité française de M. Y... et sa résidence en France, les remises de fonds qu'il avait faites à ce dernier et dont il demandait la restitution dans la présente instance, avaient été effectuées en France, le litige résultant dès lors de la compétence territoriale des juridictions françaises (concl. p. 3 al. 3 et 7 et p. 5 al. 4) ; qu'en déclarant les juridictions françaises incompétentes pour statuer sur la demande de M. X... au profit des juridictions algériennes, au motif que M. X... aurait tacitement renoncé au privilège de juridiction de l'article 15 du code civil, sans répondre à ses conclusions péremptoires faisant valoir que le litige ressortait de la compétence territoriale des juridictions françaises à raison des critères ordinaires de compétence territoriale et que l'article 15 du code civil français ne trouve pas à s'appliquer, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
L'article 15 du code civil, qui donne compétence à la juridiction française en raison de la nationalité du défendeur, n'a vocation à s'appliquer que lorsqu'aucun critère ordinaire de compétence territoriale n'est réalisé en France
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N° G 19-81.273 FS-P+B+I N° 689 CK 22 AVRIL 2020 CASSATION SANS RENVOI M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 22 AVRIL 2020 CASSATION SANS RENVOI sur le pourvoi formé par l'association française des victimes de terrorisme (AFVT), partie civile, contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, section 1, en date du 25 janvier 2019, qui, dans l'information suivie contre MM. K... G... W..., U... N..., A... Y..., C... F..., Q... F..., V... F..., J... M... et Mme B... R..., des chefs d'association de malfaiteurs en vue de la préparation d'actes de terrorisme, d'infraction à la législation sur les armes et détention et transport de substance ou produit incendiaire ou explosif, infractions en relation avec une entreprise terroriste, a déclaré irrecevable sa constitution de partie civile . Un mémoire a été produit. Sur le rapport de Mme Slove, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de L'association française des victimes de terrorisme (A.F.V.T.), et les conclusions de M. Petitprez, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 mars 2020 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Slove, conseiller rapporteur, M. Moreau, Mme Drai, M. de Larosière de Champfeu, Mme Issenjou, M. Turbeaux, conseillers de la chambre, Mme Carbonaro, Mme Barbé, M. Mallard, conseillers référendaires, M. Petitprez, avocat général, et M. Maréville, greffier de chambre , la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Par lettre du 28 mai 2018, l'association française des victimes du terrorisme (AFVT) s'est constituée partie civile dans l'information suivie contre M. K... et autres des chefs susvisés. 3. Par une ordonnance du 6 septembre 2018, les juges d'instruction co-saisis ont déclaré irrecevable cette constitution de partie civile. L'AFVT a interjeté appel de cette décision. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. Le moyen est pris de la violation des articles 421-1, 421-2-1 du code pénal, 2, 2-9, 591, 593, 706-16 du code de procédure pénale, insuffisance de motifs, défaut de motifs. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance en date du 6 septembre 2018 ayant déclaré irrecevable la constitution de partie civile de l'AFVT, alors : « 1°/ que, toute association régulièrement déclarée depuis au moins 5 ans à la date des faits qui se propose, par ses statuts, d'assister les victimes d'infractions, tient de l'article 2-9 du code de procédure pénale le pouvoir d'exercer les droits reconnus à la partie civile, pour les infractions entrant dans le champ d'application de l'article 706-16 du même code ; qu'en déclarant irrecevable la constitution de partie civile de l'AFVT, après avoir pourtant constaté qu'elle remplissait « les conditions de déclaration, d'ancienneté et d'objet statutaire prévues par l'article 2-9 du code de procédure pénale » (arrêt, p. 4, al. 5), sachant que la procédure concernait l'infraction d'association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un acte de terrorisme et des infractions en matière d'armes et produits explosifs en lien avec une entreprise terroriste, toutes visées par l'article 706-16 du code de procédure pénale, les juges du fond ont violé les textes susvisés ; 2°/ qu'en statuant comme ils l'ont fait, au motif impropre que l'AFVT ne justifiait pas « de l'existence possible d'un préjudice distinct de celui résultant de l'atteinte à l'intérêt général » (arrêt, p. 4, al 5), les juges du fond ont violé les textes susvisés ; 3°/ qu'en statuant comme ils l'ont fait, au motif impropre que les infractions en cause, d'intérêt général, « ne supportent pas la constitution de partie civile » (ordonnance, p. 2, in fine), les juges du fond ont violé les textes susvisés. » Réponse de la Cour Vu les articles 2-9 et 706-16 du code de procédure pénale, 421-2-1 du code pénal : 5. Il résulte de ces textes que toute association régulièrement déclarée depuis au moins 5 ans à la date des faits qui se propose, par ses statuts, d'assister les victimes d'infractions, tient de l'article 2-9 du code de procédure pénale le pouvoir d'exercer les droits reconnus à la partie civile, pour les infractions entrant dans le champ d'application de l'article 706-16 du même code, qui vise expressément le délit de participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un acte de terrorisme, prévu par l'article 421-2-1 du code pénal. 6. Pour déclarer la constitution de partie civile de l'AFVT irrecevable, l'arrêt retient que les infractions de participation à une association de malfaiteurs en vue de préparer des actes de terrorisme ayant pour objet la préparation d'un ou plusieurs crimes d'atteintes aux personnes et de direction ou organisation d'une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un ou plusieurs crimes d'atteintes aux personnes visées au 1° de l'article 421-1 du code pénal et de financement d'une entreprise terroriste, constituent des infractions dites d'intérêt général. 7. Les juges ajoutent que si l'AFVT remplit les conditions de déclaration, d'ancienneté et d'objet statutaire prévues par l'article 2-9 du code de procédure pénale, il n'est pas démontré l'existence possible d'un préjudice distinct de celui résultant d'une atteinte à l'intérêt général dont la protection ne relève que du ministère public, et prenant directement sa source dans les actes caractérisant les infractions susvisées. 8. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés. 9. En effet, l'article 2-9 du code de procédure pénale ne subordonne pas la recevabilité de la constitution de partie civile d'une association à la nécessité d'assister une victime dans l'affaire dans laquelle l'action civile est exercée, mais seulement à l'objet statutaire de l'association, qui doit tendre à l'assistance des victimes d'infractions, et à la date de sa déclaration. 10. D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef. Elle aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 25 janvier 2019 ; DIT n'y avoir lieu à renvoi . DIT que la constitution de partie civile de l'association française des victimes de terrorisme (AFVT) est recevable. ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-deux avril deux mille vingt.
L'article 2-9 du code de procédure pénale ne subordonne pas la recevabilité de la constitution de partie civile d'une association à la nécessité d'assister une victime dans l'affaire dans laquelle l'action civile est exercée, mais seulement à l'objet statutaire de l'association, qui doit tendre à l'assistance des victimes d'infractions, et à la date de sa déclaration. Encourt en conséquence la cassation l'arrêt qui pour déclarer irrecevable la constitution de partie civile de l'association française des victimes de terrorisme (AFVT) énonce que l'infraction de participation à une association de malfaiteurs en vue de préparer des actes de terrorisme constitue une infraction d'intérêt général dont la protection ne relève que du ministère public, alors que ladite infraction entre dans le champ d'application de l'article 706-16 du code de procédure pénale
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N° G 19-81.089 F-P+B+I N° 527 SM12 21 AVRIL 2020 CASSATION M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 21 AVRIL 2020 CASSATION sur le pourvoi formé par M. I... A... , partie civile, contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 4-11, en date du 25 octobre 2018, qui, dans la procédure suivie contre M. D... M... et la société Fiduciaire financière du Bourbon des chefs de tentative d'escroquerie et dénonciation calomnieuse, a prononcé sur les intérêts civils . Des mémoires ont été produits, en demande et en défense. Sur le rapport de M. Bonnal, conseiller, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de M. I... A... , les observations de Me Carbonnier, avocat de M. D... M..., de la SARL Fiduciaire Financière du Bourbon et les conclusions de Mme Caby, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 25 février 2020 où étaient présents M. Soulard, président, M. Bonnal, conseiller rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre , La chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. M. M..., expert-comptable à La Réunion, et la société Fiduciaire financière du Bourbon (la société) ont porté plainte et se sont constitués partie civile le 17 décembre 2002, des chefs d'abus de confiance, faux et usage et vol, faits imputés à M. A... ainsi qu'à un tiers et qui auraient été commis au détriment du cabinet annexe créé par les plaignants à Montreuil (Seine-Saint-Denis) et au profit d'une société créée par les deux personnes visées par la plainte. 3. M. A... a été relaxé de ces chefs le 14 décembre 2010. La procédure s'est poursuivie, sur le seul appel des parties civiles, jusqu'à un arrêt de la Cour de cassation du 26 septembre 2012 disant irrecevables les pourvois formés par ces mêmes parties civiles. 4. Le 8 avril 2013, M. A... a déposé entre les mains du procureur de la République de Bobigny une plainte simple des chefs de dénonciation calomnieuse et d'escroquerie, plainte transmise pour compétence le 22 avril 2013 à Saint-Denis de La Réunion et classée sans suite le 19 juin 2014. 5. M. A... a, le 21 mai 2015, fait citer devant le tribunal correctionnel M. M... et la société, pour y répondre des délits précités. 6. Le tribunal correctionnel a constaté la prescription de l'action du chef de dénonciation calomnieuse, relaxé les prévenus du chef de tentative d'escroquerie, débouté la partie civile de toutes ses demandes, incluant celles tendant à la suppression de passages des conclusions adverses et à l'octroi de dommages-intérêts en application des dispositions de l'article 41, alinéa 5, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. 7. La partie civile a seule relevé appel de ce jugement. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 8. Le moyen est pris de la violation des articles 226-11 du code pénal, 7, 8, 10, 43, et 593 du code de procédure pénale. 9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a constaté la prescription de l'action publique en ce qui concerne les faits qualifiés de dénonciation calomnieuse et prononcé sur les intérêts civils sur les faits de dénonciation calomnieuse, alors : « 1°/ que le délai de prescription du délit de dénonciation calomnieuse commence à courir au jour où la dénonciation est parvenue à l'autorité ayant le pouvoir d'y donner suite ou de saisir l'autorité compétente ; que, lorsque le fait dénoncé a donné lieu à des poursuites, il se déduit de l'article 226-11 du code pénal que la suspension de la prescription de l'action publique cesse au jour où la décision concernant le fait dénoncé est devenue définitive, en toutes ses dispositions ; qu'après avoir constaté que des décisions ultérieures ont été rendues, dans la même affaire et au titre des mêmes faits, par la cour d'appel de Versailles et la Cour de cassation sur les dispositions civiles du jugement du tribunal correctionnel de Versailles du 14 décembre 2010, la cour d'appel ne pouvait fixer le point de départ du délai de prescription dix jours après le prononcé de ce jugement ; 2°/ que l'acte par lequel le procureur de la République transmet la procédure, pour compétence, au ministère public près un autre tribunal constitue un acte de poursuite interruptif de prescription ; qu'en retenant que l'avis d'information du procureur de la République de Bobigny du 14 avril 2014, indiquant à M. A... que son dossier a été transmis pour compétence au parquet de Saint-Denis de La Réunion le 22 avril 2013, est un simple avis d'information qui ne constitue pas un acte de poursuite ou d'instruction interruptif de la prescription, sans autrement s'expliquer sur l'effet interruptif de la prescription qui se déduisait de l'acte par lequel le procureur de la République de Bobigny a transmis la procédure, pour compétence, au parquet de Saint-Denis de La Réunion, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, n'a pas justifié son arrêt. » Réponse de la Cour Vu les articles 7 et 8 du code de procédure pénale, dans leur rédaction antérieure à la loi du 27 février 2017, 226-10 et 226-11 du code pénal, et 497 du code de procédure pénale : 10. Il résulte des trois premiers de ces textes que le point de départ de la prescription de l'action publique du chef du délit de dénonciation calomnieuse se place au jour où la dénonciation est parvenue à l'autorité ayant le pouvoir d'y donner suite ou de saisir l'autorité compétente. 11. Selon le quatrième, lorsque le fait dénoncé a donné lieu à des poursuites, la suspension de la prescription de l'action publique cesse au jour où la décision concernant le fait dénoncé est devenue définitive. 12. Il se déduit enfin du dernier de ces textes que le dommage dont la partie civile, seule appelante d'un jugement de relaxe, peut obtenir réparation de la personne relaxée résulte de la faute civile démontrée à partir et dans la limite des faits objet de la poursuite. 13. Il en résulte que, lorsqu'une relaxe du chef du délit dénoncé a été prononcée par un jugement dont seule la partie civile a relevé appel, la prescription de l'action publique du chef de dénonciation calomnieuse reste suspendue tant que la procédure se poursuit sur les intérêts civils. 14. Pour dire prescrite l'action publique du chef de dénonciation calomnieuse, l'arrêt attaqué énonce notamment que le point de départ de la prescription est le jour où le jugement de relaxe du 14 décembre 2010 rendu par le tribunal correctionnel est devenu définitif, soit dix jours après le prononcé de cette décision. 15. En prononçant ainsi, alors que la prescription de l'action publique, qui avait commencé à courir du jour de la plainte avec constitution de partie civile arguée de calomnieuse, a été immédiatement suspendue pendant le cours de la poursuite ainsi engagée, et que cette suspension n'a pris fin qu'au jour de la signification de l'arrêt de la Cour de cassation du 26 septembre 2012 qui a définitivement mis fin à cette procédure, qui s'était poursuivie sur les seuls intérêts civils, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés et des principes ci-dessus énoncés. 16. La cassation est par conséquent encourue de ce chef. Sur le troisième moyen Enoncé du moyen 17. Le moyen est pris de la violation de l'article 593 du code de procédure pénale. 18. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il n'a pas statué sur la demande de M. A... tendant à voir prononcer, en application de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881, le retrait des passages injurieux et diffamatoires contenus dans les écritures de première instance de M. M..., alors « que les juridictions correctionnelles doivent statuer sur l'ensemble des demandes dont elles sont saisies ; qu'en ne statuant pas sur la demande de M. A... tendant à voir prononcer, en application de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881, le retrait des passages injurieux et diffamatoires contenus dans les écritures de première instance de M. M..., la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé. » Réponse de la Cour Vu l'article 593 du code de procédure pénale : 19. Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence. 20. En ne répondant pas à la demande, présentée dans des conclusions régulièrement déposées devant elle, tendant à l'infirmation du jugement en ce qu'il avait rejeté la demande, formée en application des dispositions de l'article 41, alinéa 5, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, de suppression de passages des conclusions déposées devant les premiers juges dans l'intérêt de M. M..., et au prononcé de la suppression desdits passages, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision. 21. La cassation est par conséquent également encourue de ce chef. Portée et conséquences de la cassation 22. La cassation sur le premier moyen doit emporter cassation du chef de dispositif rejetant la demande de dommages-intérêts formée au titre des faits qualifiés de tentative d'escroquerie, qui sont indissociables des faits de dénonciation calomnieuse. 23. Il en est de même de la cassation sur le troisième moyen, à l'égard du chef de dispositif statuant sur la demande en dommages-intérêts faite au visa de l'article 41, alinéa 5, précité, laquelle est indissociable de la demande en suppression de propos formée en application du même texte. 24. Il n'y a donc pas lieu d'examiner les deuxième et quatrième moyens. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 25 octobre 2018, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ; RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt et un avril deux mille vingt.
Le point de départ de la prescription de l'action publique du chef du délit de dénonciation calomnieuse se place au jour où la dénonciation est parvenue à l'autorité ayant le pouvoir d'y donner suite ou de saisir l'autorité compétente. Lorsque le fait dénoncé a donné lieu à des poursuites, la suspension de la prescription de l'action publique cesse au jour où la décision concernant le fait dénoncé est devenue définitive. Le dommage dont la partie civile, seule appelante d'un jugement de relaxe, peut obtenir réparation de la personne relaxée résulte de la faute civile démontrée à partir et dans la limite des faits objet de la poursuite. Il en résulte que, lorsqu'une relaxe du chef du délit dénoncé a été prononcée par un jugement dont seule la partie civile a relevé appel, la prescription de l'action publique du chef de dénonciation calomnieuse reste suspendue tant que la procédure se poursuit sur les intérêts civils. Encourt en conséquence la cassation l'arrêt qui fait courir à nouveau la prescription de l'action publique du chef de dénonciation calomnieuse du jour où la personne dénoncée, contre laquelle des poursuites pénales avaient été engagées du chef du fait dénoncé, a été définitivement relaxée, alors que, sur le seul appel de la partie civile, la procédure s'est poursuivie sur les intérêts civils et n'a définitivement pris fin qu'avec la signification de l'arrêt de la Cour de cassation déclarant irrecevable le pourvoi de la partie civile contre l'arrêt la déboutant de ses demandes en appel
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N° D 19-86.467 F-P+B+I N° 530 CK 21 AVRIL 2020 REJET M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 21 AVRIL 2020 REJET du pourvoi formé par l'officier du ministère public près le tribunal de police d'Auxerre contre le jugement dudit tribunal en date du 27 septembre 2019 qui a déclaré non constituée la contravention au code de la route reprochée à l'entreprise V... A... et s'est déclaré non saisi. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. Maziau, conseiller, et les conclusions de Mme Caby, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 25 février 2020 où étaient présents M. Soulard, président, M. Maziau, conseiller rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre, La chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte du jugement attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Le 24 mai 2018, un avis de contravention pour excès de vitesse a été adressé à « M. le représentant légal V... A... ». Un procès-verbal en date du 8 août suivant a constaté que l'entreprise n'avait pas répondu à l'obligation de désigner la personne physique conductrice du véhicule. M. V... a reçu un avis pour la contravention prévue par l' article L.121-6 du code de la route. Condamnée par ordonnance pénale à une amende de 250 euros, l'entreprise V... A... a fait opposition à cette ordonnance puis a été citée à comparaître devant le tribunal de police. Examen des moyens Sur le troisième moyen 3. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur les premier et deuxième moyens Enoncé des moyens 4. Le premier moyen est pris de la violation de l'article L. 121-6 du code la route. 5. Le moyen critique le jugement attaqué en ce que le tribunal a déclaré l'infraction non constituée et s'est déclaré non saisi, alors « que l'article L.121-6 du code de la route ne précise pas que la personne morale en question doive être une société inscrite au registre du commerce et des sociétés, que le responsable légal de l'entreprise V... A... ne conteste pas l'existence de la personne morale et précise qu'il utilise son véhicule pour ses activités professionnelles et, qu'en dernier lieu, le certificat d'immatriculation du véhicule est au nom d'une personne morale déclarée auprès de l'INSEE avec numéro de SIRET et raison sociale V... A... dont le responsable légal est entrepreneur individuel. » 6. Le deuxième moyen est pris de la violation de l'article 537 du code de procédure pénale. 7. Le moyen critique le jugement attaqué en ce que le tribunal a déclaré l'infraction non constituée et s'est déclaré non saisi, alors « que le tribunal n'a pas constaté expressément que la preuve contraire aux énonciations du procès verbal a été rapportée dans les conditions prévues par la loi, méconnaissant que le responsable légal de l'entreprise a loué le véhicule au nom d'une personne morale ce qui prouve l'existence de fait de cette dernière, le dossier comportant un relevé infogreffe de description de l'entreprise et un relevé du système d'immatriculation des véhicules mentionnant l'inscription SIRET apportant la preuve matérielle de l'existence de fait de la personne morale V... A.... » Réponse de la Cour 8. Les moyens sont réunis. 9. Pour dire l'infraction de non-transmission de l'identité et de l'adresse du conducteur par le responsable légal de la personne détenant le véhicule non constituée et se déclarer non saisi, le tribunal énonce, notamment, que pour qu'un acte soit une infraction pénale, un texte législatif ou réglementaire doit le prévoir. 10. Le juge ajoute que la foi due aux procès-verbaux en vertu de l'article 537 du code de procédure pénale ne s'attache qu'aux constatations matérielles qui y figurent et non aux déductions qui en sont tirées par leurs auteurs, les agents verbalisateurs devant rapporter les constatations de nature à caractériser l'infraction qu'ils relèvent. 11. Il souligne que l'obligation de désignation résultant de l'article L. 121-6 du code de la route pèse sur le représentant d'une personne morale, laquelle est une entité qui dispose de la personnalité juridique. 12. Il relève que l'officier du ministère public, à qui incombe la preuve de l'infraction, ne produit pas de copie du certificat d'immatriculation, ni de relevé K-bis justifiant que l'entreprise est effectivement une personne morale inscrite au registre du commerce et des sociétés, ni d'autres documents, s'en tenant à l'immatriculation du véhicule avec un numéro SIRET pour en déduire qu'il s'agit bien d'une personne morale, et à une recherche Infogreffe dans lequel il est précisé que M. V... exerce en tant qu'entrepreneur individuel. 13. Il précise que l'immatriculation d'un véhicule avec le numéro SIRET de l'entrepreneur ne confère pas, pour ce seul motif, à son propriétaire ou détenteur la qualité de personne morale, de sorte que son dirigeant ne peut être poursuivi. Il conclut que l'infraction n'est pas constituée. 14. En se déterminant ainsi, et dès lors que d'une part, la force probante conférée par l'article 537 du code de procédure pénale aux procès-verbaux ne s'attache qu'à leurs constatations matérielles, d'autre part, l'entreprise prévenue n'étant pas une personne morale, son dirigeant ne pouvait par conséquent être poursuivi, le tribunal a justifié sa décision. 15. Les moyens ne peuvent donc qu'être écartés. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt et un avril deux mille vingt.
Justifie sa décision le tribunal de police qui relaxe une entreprise du chef de non-respect de l'obligation de désignation de la personne physique conductrice du véhicule prévue par l'article L. 121-6 du code de la route dès lors que d'une part, la force probante conférée par l'article 537 du code de procédure pénale aux procès-verbaux ne s'attache qu'à leurs constatations matérielles, d'autre part, l'entreprise prévenue n'étant pas, en qualité d'entreprise individuelle, une personne morale, son dirigeant ne pouvait par conséquent être poursuivi
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N° X 19-84.253 FS-P+B+I N° 555 SM12 22 AVRIL 2020 REJET M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 22 AVRIL 2020 REJET du pourvoi formé par M. O... I... contre l'arrêt de la cour d'assises du Var, en date du 28 mai 2019, qui, pour meurtre sur la personne d'un agent de la force publique et tentatives, meurtre, vols en bande organisée, recel de vol, infractions à la législation sur les armes, en récidive, l'a condamné à la réclusion criminelle à perpétuité avec une période de sûreté de vingt-deux ans, ainsi que contre l'arrêt du même jour par lequel la Cour a prononcé sur les intérêts civils. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. de Larosière de Champfeu, conseiller, les observations de la SCP Spinosi et Sureau, avocat de M. O... I..., et les conclusions de M. Petitprez, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 février 2020 où étaient présents M. Soulard, président, M. de Larosière de Champfeu, conseiller rapporteur, M. Moreau, Mmes Drai, Slove, M. Guéry, Mme Issenjou, M. Turbeaux, conseillers de la chambre, Mmes Carbonaro, Barbé, M. Mallard, conseillers référendaires, M. Petitprez, avocat général, et Mme Lavaud, greffier de chambre , la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. M. O... I... a été renvoyé devant la cour d'assises des Bouches-du-Rhône, par arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 29 mars 2016, sous l'accusation de complicité de meurtre sur un agent de la force publique et de tentatives, complicité de meurtre, association de malfaiteurs, vols en bande organisée, recel de vol en bande organisée, infraction à la législation sur les armes. 3. Par arrêt du 17 mars 2017, la cour d'assises des Bouches-du-Rhône a déclaré M. I... coupable de complicité de meurtre sur la personne d'un agent de la force publique et de tentatives, de complicité de meurtre, vols en bande organisée, recel de vol, infraction à la législation sur les armes, en récidive, et l'a condamné à la réclusion criminelle à perpétuité. Par arrêt du même jour, la cour d'assises a prononcé sur les intérêts civils. 4. M. I... a relevé appel de ces décisions, et le ministère public a formé appel incident. Examen des moyens Sur le deuxième moyen Enoncé du moyen 5. Le moyen reproche à la Cour d'assises d'appel d'avoir condamné, après audition par visioconférence de témoins sous X, l'accusé M. O... I... des chefs de vols aggravés, de détention et de transport non autorisés d'armes, de meurtre et de tentative de meurtre, à une peine de réclusion criminelle à perpétuité assortie d'une période de sûreté de vingt-deux ans, alors « que les dispositions combinées des articles 656-1, 706-62-1 et 706-71 du code de procédure pénale, en permettant à un témoin de déposer de façon anonyme devant une Cour d'assises par l'usage d'un moyen de télécommunication audiovisuelle sans que des garanties adéquates et suffisantes sur l'authentification de son identité ne soient prévues, portent atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit et plus précisément aux droits de la défense et à l'équilibre des droits des parties ainsi qu'au principe d'égalité devant la loi tels qu'ils sont garantis par les articles 1er, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; que consécutivement à la déclaration d'inconstitutionnalité qui interviendra, l'arrêt attaqué se trouvera privé de base légale. » Réponse de la Cour 6. Par arrêt en date du 26 février 2020, la Cour de cassation a dit n'y avoir lieu de transmettre au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité, posée par le demandeur, visant les articles 656-1, 706-62-1 et 706-71 du code de procédure pénale. 7. Cette décision rend sans objet le moyen tiré de l'inconstitutionnalité de ces dispositions législatives. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 8. Le moyen reproche à la Cour d'assises d'appel d'avoir fait droit à la demande du ministère public visant à poser des questions subsidiaires pour savoir si l'accusé M. O... I... « aurait pu être l'auteur des faits » de meurtre et de tentative de meurtre et d'avoir rejeté la demande de la défense tendant à l'écarter en condamnant l'accusé, alors : « 1°/ qu'en matière criminelle, l'arrêt de mise en accusation de la chambre de l'instruction fixe la compétence de la Cour d'assises qui ne peut modifier la nature et la substance de l'accusation ; qu'a méconnu cette règle et les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 111-4, 221-1, 121-6, 121-7 du code pénal ainsi que préliminaire, 231, 348, 351, 591 et 593 du code de procédure pénale, la Cour d'assises qui a fait droit à la demande du ministère public tendant à poser des questions subsidiaires de meurtre et de tentative de meurtre prétendument commis par M. I..., aux motifs péremptoires et erronés, que « la qualification envisagée par le ministère public ne modifie pas la substance même de l'accusation et est passible de la même peine », quand l'arrêt de mise en accusation portait sur un acte de complicité de meurtre et tentative par fourniture d'instructions et de moyens, la commission en qualité d'auteur principal de ce crime se distinguant fondamentalement, tant dans les faits qu'en droit, de l'éventuelle participation de l'accusé aux faits au titre de la complicité ; 2°/ que la question subsidiaire ne se substitue pas à la question principale, elle ne peut être posée qu'à la condition que la question principale ait reçu une réponse négative ; que tel n'est pas le cas quand la question principale a été déclarée sans objet ; que la Cour d'assises ne pouvait, sans violer ces principes et les dispositions des articles 348, 349, 351, 591 et 593 du code de procédure pénale, poser les questions subsidiaires de commission, en qualité d'auteur principal, de meurtre et de tentative de meurtre par l'accusé I..., (Questions subsidiaires 6 à 14), mis en accusation de la seule complicité de ces crimes, quand il ressortait de la feuille de question que les questions principales portant sur cette complicité (Questions principales 34 à 43) avaient été déclarées « sans objet » ; 3°/ qu'enfin et en tout état de cause, tout accusé a le droit à être informé d'une manière détaillée de la nature et de la cause de l'accusation et disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense ; qu'a porté une atteinte excessive à ces droits et, partant, a méconnu les dispositions des articles 6, § 1 et 6, § 3, de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 231, 351, 591 et 593 du code de procédure pénale, la Cour d'assises qui, statuant en appel et en fin de débats, a rejeté la demande de la défense tendant à écarter que soient posées des questions subsidiaires, demandées par le ministère public, aux fins de savoir si l'accusé « aurait pu être l'auteur des faits » de meurtre et de tentative de meurtre, aux motifs que « la demande (du parquet) ayant été formulée vendredi 24 mai après-midi et la défense de M. I... ne devant pas s'exprimer avant mardi 28 mai après-midi, elle a le temps nécessaire pour préparer et présenter ses moyens », cette courte période de temps ne permettant pas à la défense de se préparer de manière concrète et effective, ni à l'accusé - qui n'avait jamais eu à répondre de tels faits pendant l'information judiciaire et son procès devant la première cour d'assises – à être informé d'une manière détaillée de la nature et de la cause de l'accusation, en temps utile. » Réponse de la Cour 9. Si, en application de l'article 351 du code de procédure pénale, le président de la cour d'assises doit poser une ou plusieurs questions subsidiaires lorsqu'il résulte des débats que le fait comporte une qualification légale autre que celle donnée par la décision de mise en accusation, la cour d'assises peut suivre, au cours du délibéré, un ordre logique de réponse aux questions, ce qui lui permet de répondre aux questions subsidiaires relatives à l'un des faits, objet de l'accusation, sans avoir répondu aux questions principales qui s'y rapportent, tant que les réponses apportées aux questions posées ne sont pas contradictoires entre elles. 10. Il résulte de l'arrêt pénal attaqué et des pièces de procédure que plusieurs vols avec effraction ont été commis dans des magasins, la nuit du 27 au 28 novembre 2011. L'automobile des auteurs des vols a été prise en chasse par un véhicule de police. Des coups de feu ont été tirés depuis le véhicule des auteurs des vols. Un policier est décédé, et trois autres fonctionnaires de police ont été visés. Un homme, sortant du véhicule des voleurs a été tué d'un coup de feu parti du même véhicule. 11. M. I... a été mis en accusation pour complicité de ces meurtres et tentatives de meurtres. 12. Au cours des débats qui ont commencé le 20 mai 2019, le ministère public, le 24 mai, a demandé que soient posées, comme résultant des débats, s'agissant de M. I..., des questions relatives à sa culpabilité, non comme complice, mais comme auteur principal de ces meurtres et tentatives. Le 27 mai, le président a donné lecture de l'ensemble des questions qu'il envisageait de poser. La défense de l'accusé a alors déposé des conclusions s'opposant à ce que soient posées les questions demandées par le ministère public, indiquant qu'elles conduisaient à une requalification qui changeait la nature même de l'accusation, et que l'accusé ne disposait pas d'un délai suffisant pour préparer sa défense sur la nouvelle qualification envisagée. 13. Par arrêt incident du 27 mai 2019, la cour d'assises a rejeté cette argumentation de la défense. 14. La cour d'assises a répondu par l'affirmative aux questions subsidiaires portant sur la culpabilité de M. I... comme auteur des meurtres et tentatives de meurtres. La même réponse a été apportée aux questions portant sur les circonstances aggravantes tenant à la qualité de policiers de plusieurs des victimes. 15. La cour d'assises a déclaré sans objet les questions principales portant sur les faits de complicité de meurtres et de tentatives de meurtres concernant M. I..., posées dans les termes de l'arrêt de renvoi. 16. En procédant ainsi, la cour d'assises n'a pas encouru les griefs allégués. 17. En premier lieu, selon l'article 351 du code de procédure pénale, s'il résulte des débats que le fait comporte une qualification pénale autre que celle donnée par la décision de mise en accusation, le président doit poser une ou plusieurs questions subsidiaires. Ce texte permet, lorsque l'accusation porte sur la complicité d'un fait, de poser une question portant sur la culpabilité de ce fait, en tant qu'auteur principal. 18. En répondant par l'affirmative aux questions sur la culpabilité comme auteur principal, alors que M. I... était mis en accusation pour complicité, la cour d'assises n'a pas procédé à une requalification interdite et n'a pas porté atteinte au droit de l'accusé de bénéficier d'un procès équitable en changeant la cause de l'accusation portée contre lui. En effet, les questions subsidiaires ne portaient pas sur des faits nouveaux, mais seulement sur une nouvelle qualification des faits, objet de la mise en accusation, laquelle portait sur le rôle de M. I... dans les meurtres et tentatives de meurtres dont la cour d'assises était saisie. 19. En deuxième lieu, si la cour et le jury ont répondu par l'affirmative aux questions subsidiaires portant sur la culpabilité de M. I... en tant qu'auteur principal des meurtres et tentatives de meurtre, qui résultaient des débats, sans avoir répondu, au préalable, par la négative, aux questions principales portant sur la complicité, qui résultaient de la décision de mise en accusation, et ont été déclarées sans objet, il n'en résulte, cependant, aucune atteinte portée aux droits de la défense, ni aucune incertitude sur la nature de la décision de la cour et du jury, ni sur ses motifs, en l'état des énonciations de la feuille de motivation. En effet, celle-ci indique que les expertises génétiques, les surveillances téléphoniques, les constatations faites sur le véhicule des auteurs des vols et la place occupée par M. I... au sein de celui-ci, établissent qu'il est bien l'auteur des coups de feu, tirés dans l'intention de donner la mort, en particulier à des policiers, ce qui caractérise les meurtres et tentatives de meurtres, objet de l'accusation. 20. En troisième lieu, le ministère public a demandé, le 24 mai, que soient posées les questions relatives à la culpabilité de M. I... comme auteur principal. Le 27 mai, ces questions ont été lues, les avocats de M. I... ayant plaidé le lendemain, 28 mai. Il en résulte que cette nouvelle qualification a été portée à la connaissance de l'accusé et de ses avocats dans des conditions qui leur ont permis de préparer utilement sa défense sur ce point. 21. Le moyen doit donc être écarté. Sur le troisième moyen Enoncé du moyen 22. Il est reproché à la Cour d'assises d'appel d'avoir condamné l'accusé M. O... I... des chefs de vols aggravés, transport et détention non autorisés d'arme, de meurtre et de tentative de meurtre, à une peine de réclusion criminelle à perpétuité assortie d'une période de sureté de vingt-deux ans, alors « que la peine doit être individualisée et prendre notamment en considération la situation familiale, personnelle ou sociale de l'accusé, la juridiction criminelle ayant l'obligation de motiver le choix de la peine depuis la décision du Conseil constitutionnel n° 2017-694 QPC du 2 mars 2018 ; qu'a méconnu ces exigences ainsi que les articles 130-1 et 132-1 du code pénal ainsi que préliminaire, 362, 365-1, 591 et 593 du code de procédure pénale, la Cour d'assises qui s'est bornée à indiquer que la peine infligée à l'accusé, qui est la peine maximale encourue, était fondée sur la gravité des faits, sa personnalité ainsi que sur un souci de justice et de protection de la société sans jamais évoquer et, a fortiori prendre en considération, sa situation personnell, et plus précisément, sa situation matérielle, familiale et sociale. » Réponse de la Cour 23. Pour condamner M. I... à la réclusion criminelle à perpétuité assortie d'une période de sûreté de vingt-deux ans, la cour d'assises se réfère à l'extrême gravité des faits, l'intéressé n'ayant pas hésité à tirer pour tuer alors qu'il aurait pu s'enfuir. Elle expose que l'intéressé, âgé de trente-cinq ans lors des faits, condamné à de multiples reprises pour des faits de violences, de vols avec armes, d'extorsion, est en récidive. Elle ajoute que, dans un souci de justice et de protection de la société, la cour et le jury ont estimé indispensable de prononcer à son encontre la peine maximale et de fixer à son maximum la période de sûreté. 24. En prononçant ainsi, la cour d'assises a exposé les principaux éléments qui l'ont convaincue dans le choix de la peine, conformément à la décision n°2017-694 QPC du Conseil constitutionnel, en date du 2 mars 2018, qui n'impose pas que la feuille de motivation contienne une analyse de la personnalité de l'accusé et de sa situation matérielle, familiale et sociale, évoquées lors des débats. 25. Il en résulte que le moyen ne peut être admis. Sur le quatrième moyen Enoncé du moyen 26. Le moyen reproche à la Cour d'assises d'avoir reçu les constitutions de parties civiles et d'avoir condamné l'accusé à payer diverses sommes à ce titre, alors « que la cassation de l'arrêt pénal entraînera, par voie de conséquence, celle de l'arrêt civil qui se trouvera alors dépourvu de toute base légale au regard des articles 1382 du code civil, 2, 3, 371 à 375, 591 et 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 27. Le rejet des moyens de cassation dirigés contre l'arrêt pénal de la cour d'assises rend inopérant le moyen qui prétend que la cassation de l'arrêt pénal aurait pour conséquence celle de l'arrêt civil. 28. Par ailleurs, la procédure est régulière, et les faits souverainement constatés par la cour et le jury justifient la qualification et la peine. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-deux avril deux mille vingt.
En application de l'article 351 du code de procédure pénale, le président de la cour d'assises doit poser une ou plusieurs questions subsidiaires lorsqu'il résulte des débats que le fait comporte une qualification légale autre que celle donnée par la décision de mise en accusation. La cour d'assises peut suivre, au cours du délibéré, un ordre logique de réponse aux questions, ce qui lui permet de répondre aux questions subsidiaires sans avoir répondu aux questions principales qui s'y rapportent, tant que les réponses apportées aux questions ainsi posées ne sont pas contradictoires entre elles
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N° Q 19-82.958 F-P+B+I N° 559 CK 22 AVRIL 2020 REJET M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 22 AVRIL 2020 REJET des pourvois formés par MM. S... U... et X... Y... contre l'arrêt de la cour d'assises des mineurs du Var, en date du 3 avril 2019, qui pour viol aggravé, les a condamnés chacun à six ans d'emprisonnement et contre l'arrêt du même jour par lequel la cour a prononcé sur les intérêts civils. Les pourvois sont joints en raison de la connexité. Un mémoire, commun aux demandeurs, et des observations complémentaires ont été produits. Sur le rapport de Mme Drai, conseiller, les observations de la SCP Spinosi et Sureau, avocat de MM. S... U... et X... Y..., et les conclusions de M. Petitprez, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 février 2020 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Drai, conseiller rapporteur, M. Moreau, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre, La chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Par arrêt du 15 octobre 2013, la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence a mis en accusation MM. U..., Y... et B... devant la cour d'assises des mineurs des Bouches du Rhône pour viol aggravé. 3. Par arrêt du 25 septembre 2015, la cour d'assises des mineurs des Bouches du Rhône a acquitté MM. U... et Y... et condamné M. B... à un an d'emprisonnement. Par arrêt du même jour, la cour a prononcé sur les intérêts civils. 4. Le procureur général a relevé appel de l'arrêt en ce qu'il a acquitté MM. U... et Y.... M.B... a relevé appel de l'arrêt pénal et de l'arrêt civil. Examen des moyens Sur les deuxième, troisième, quatrième et cinquième moyens 5. Il ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 6. Le moyen est pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 14 et 20 de l'ordonnance du 2 février 1945, préliminaire, 306, 591 et 593 du code de procédure pénale. 7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il résulte du procès-verbal des débats que : « Le Président a déclaré le jury définitivement constitué. (...) Les portes de l'auditoire étant toujours ouvertes, l'audience toujours publique s'est poursuivie sans discontinuer dans les conditions précédemment indiquées ; Conformément aux dispositions de l'article 328 du code de procédure pénale modifié par la loi du 27 mai 2014, le président a informé MM. X... Y... et S... U... de leur droit, au cours des débats, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui leur sont posées ou de se taire ; Sur ordre du Président, l'huissier a donné lecture de la liste des experts et des témoins cités par le ministère public et par la défense de S... U..., dont les noms ont été précédemment signifiés, conformément aux prescriptions de l'article 281 du code de procédure pénale ; Le Président a avisé les parties qu'en vertu de son pouvoir discrétionnaire, il avait fait aviser tous les témoins et experts cités d'avoir à se présenter à des audiences dont les dates et heures lui ont été précisées ; aucune observation n'a été faite par les parties ; Parmi les témoins et experts cités, seuls I... H... et C... Q... ont répondu à l'appel de leur nom ; Le Président a alors donné lecture de courriers qui lui ont été adressés par les experts R... W... et G... E..., indiquant qu'ils n'étaient pas en mesure de se présenter devant la Cour d'assises et demandant à être dispensés de comparaître ; Le Président a indiqué qu'il serait statué ultérieurement sur les demandes de ces experts ; Le Président a donné des instructions au service d'ordre et à l'huissier de service pour veiller à ce qu'aucun témoin ne pénètre dans la salle d'audience avant leur déposition, que lors de leur arrivée les témoins soient conduits dans la salle qui leur est réservée et de laquelle ils ne sortiront que pour être entendus, et que des mesures soient prises pour que les témoins ne puissent conférer entre eux de la présente affaire ; sur ordre du Président les témoins présents ont quitté la salle d'audience, le Président leur ayant demandé de se représenter à une audience dont il a donné les date et heure ; aucune observation n'a été faite par les parties ; A cet instant, le ministère public a alors sollicité de la cour d'assises que les débats devant la cour d'assises des mineurs aient lieu en audience publique, en application de l'article 306 du code de procédure pénale, l'accusé X... Y..., seul accusé mineur à la date des faits qui lui sont reprochés, étant devenu majeur (procès-verbal des débats, pp. 5 et 6) ; alors « que la publicité restreinte imposée à la cour d'assises des mineurs, comme aux autres juridictions pour enfants, par les articles 14 et 20, alinéa 8, de l'ordonnance du 2 février 1945 est une condition essentielle de la validité des débats devant cette juridiction et revêt un caractère d'ordre public ; qu'en l'espèce, a méconnu cette règle la cour d'assises qui a statué en audience publique, comme il résulte des mentions mêmes du procès-verbal des débats, après la constitution définitive du jury, peu importe qu'un arrêt ait par la suite décidé de la publicité des débats, une telle décision n'étant pas de nature à couvrir la méconnaissance de la publicité restreinte qui devait nécessairement s'appliquer préalablement. » Réponse de la Cour 8. Les mentions du procès-verbal des débats font apparaître qu'une fois le jury définitivement constitué, les débats de la cour d'assises des mineurs se sont poursuivis en audience publique, les portes de l'auditoire restant ouvertes. 9. Selon le procès-verbal des débats, le président a alors informé les accusés de leur droit, au cours des débats, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui leur sont posées ou de se taire. Puis, sur ordre du président, l'huissier a donné lecture de la liste des experts et témoins cités. Le président a poursuivi, en informant les parties qu'en vertu de son pouvoir discrétionnaire, il avait fait aviser tous les témoins et experts cités d'avoir à se présenter à des audiences dont les dates et heures ont été précisées, a donné lecture des courriers adressés par deux experts demandant à être dispensés de comparaître, ajoutant qu'il serait statué ultérieurement sur ces demandes. Le président a ensuite donné des instructions au service d'ordre et à l'huissier pour qu'aucun témoin ne pénètre dans la salle d'audience avant sa déposition, et pour que les témoins ne puissent conférer entre eux. 10. A cet instant, le procès-verbal des débats mentionne que l'avocat général a sollicité de la cour que les débats aient lieu en audience publique, en application de l'article 306 du code de procédure pénale, M.Y..., seul accusé mineur à la date des faits reprochés, étant devenu majeur. 11. Le président a donné la parole aux avocats des parties, les accusés ayant eu la parole en dernier sur cette demande ; toutes les parties ont déclaré s'en rapporter. 12. La cour seule, sans l'assistance des jurés, a, par arrêt incident rendu en audience publique, constaté qu'à la date de l'ouverture des débats, M.Y... était devenu majeur, que ni les intérêts de la société, ni ceux de l'accusé, ni ceux de la partie civile ne s'opposaient à ce que les débats soient publics et qu'il résultait des énonciations de la décision de mise en accusation que la publicité n'était dangereuse ni pour l'ordre ni pour les moeurs. 13. La cour a, en conséquence, ordonné que les débats aient lieu en audience publique. 14. En prononçant ainsi, l'arrêt n'encourt pas la censure. 15. En effet, dès lors que M.Y... a déclaré, avant que la cour ne rende l'arrêt incident ordonnant la poursuite des débats en audience publique, s'en remettre à la décision de la cour, les demandeurs ne sauraient se faire un grief de ce que la publicité restreinte n'ait pas été respectée dès l'ouverture des débats. 16. Le moyen ne peut donc être admis. 17. Aucun moyen n'est produit contre l'arrêt civil. 18. Par ailleurs, la procédure est régulière et la peine a été légalement appliquée aux faits déclarés constants par la cour et le jury. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE les pourvois. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-deux avril deux mille vingt.
Un accusé, mineur au moment des faits et devenu majeur lors de sa comparution devant la cour d'assises des mineurs, ne saurait se faire un grief de ce que la publicité restreinte n'ait pas été respectée dès l'ouverture des débats, dès lors que, sur l'incident soulevé, il a indiqué s'en remettre à la décision de la cour
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N° N 19-81.507 FS-P+B+I N° 658 CK 21 AVRIL 2020 CASSATION PARTIELLE M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 21 AVRIL 2020 CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par M. M... S..., Mme R... B..., épouse S..., parties civiles, contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 6e section, en date du 31 janvier 2019, qui, dans l'information suivie, sur leur plainte, contre personne non dénommée, des chefs de violation du secret de l'instruction et violation du secret professionnel, a confirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. Barbier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de M. M... S... et de Mme R... B..., épouse S..., parties civiles, et les conclusions de Mme Bellone, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 10 mars 2020 où étaient présents M. Soulard, président, M. Barbier, conseiller rapporteur, Mme Durin-Karsenty, M. Bonnal, Mme Ménotti, M. Maziau, Mme Labrousse, M. Seys, conseillers de la chambre, M. Barbier, Mme de-Lamarzelle, M. Violeau, conseillers référendaires, Mme Bellone, avocat général, et Mme Lavaud, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Sur le moyen unique, pris en ses trois premières branches Vu l'article 567-1-1 du code de procédure pénale ; Attendu que les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ; Mais sur le moyen unique de cassation, pris en sa quatrième branche, de la violation des articles 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, 226-1, 226-13 du code pénal, préliminaire, 11, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motif et manque de base légale ; en ce que la chambre de l'instruction a confirmé l'ordonnance de non-lieu ; 4°) alors qu'en jugeant que lors de la garde à vue de Mme S..., la caméra était visible de sorte que l'enregistrement a été fait au vu et au su de l'exposante et qu'elle ne s'y est pas opposée, lorsqu'il ne résulte ni des pièces de la procédure, ni des mentions de la décision que l'accord écrit de Mme S... ait été sollicité ou que les enquêteurs lui aient notifié son droit de s'opposer à ce tournage, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision" ; Vu l'article 226-1 du code pénal ; Attendu que ce texte incrimine le fait, au moyen d'un procédé quelconque, de porter volontairement atteinte à l'intimité de la vie privée d'autrui, en enregistrant des paroles prononcées à titre confidentiel sans le consentement de leur auteur, ou en fixant sans son consentement l'image d'une personne se trouvant en un lieu privé ; que lorsque l'acte est accompli au vu et au su de la personne intéressée, son consentement est présumé si elle ne s'y est pas opposée, alors qu'elle était en mesure de le faire ; Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué, de l'ordonnance qu'il confirme et des pièces de la procédure que M. S... et Mme B..., son épouse, ont porté plainte auprès du procureur de la République des chefs de violation du secret professionnel et du secret de l'instruction après la diffusion sur la chaîne W9, le 18 janvier 2013, d'un reportage intitulé "Prostitution : les nouvelles esclaves du trottoir, les nouveaux visages de la prostitution", qui retraçait les investigations menées sur les réseaux de prostitution asiatique dans le sud de Paris et notamment la surveillance de l'hôtel, géré par les intéressés, où les prostituées effectuaient leurs prestations ; Qu'il est apparu que si les auteurs du reportage avaient pris soin d'anonymiser les lieux et les personnes, le reportage n'en présentait pas moins, notamment, la garde à vue de Mme S..., intervenue à la suite de l'interpellation de l'intéressée le 24 janvier 2011 pour des faits de proxénétisme aggravé, laquelle a déclaré avoir été reconnue par des tiers, notamment par sa voix, à la suite de la diffusion du film ; Attendu que la plainte des requérants ayant été classée sans suite, ceux-ci ont porté plainte et se sont constitués partie civile auprès du juge d'instruction des chefs précités le 14 octobre 2013, leur avocat faisant en outre valoir, par une note du 10 juillet 2015, qu'il avait été porté atteinte à l'intimité de la vie privée de Mme S... ; Attendu que le juge d'instruction ayant rendu une ordonnance de non-lieu en date du 21 octobre 2015, les parties civiles ont interjeté appel de cette décision ; Attendu que pour confirmer l'ordonnance du juge d'instruction et écarter l'argumentation de Mme S... qui soutenait que le délit incriminé à l'article 226-1 du code pénal était constitué, la chambre de l'instruction retient que les images et paroles d'une personne interpellée par les services de police puis interrogée au cours de sa garde à vue ne relèvent pas de l'intimité de la vie privée au sens de ce texte, et qu'au surplus aucun élément du dossier n'indique que les conditions de la garde à vue de Mme S..., qui a nécessairement vu la caméra, lui ôtaient la possibilité de faire valoir son opposition à l'enregistrement ; Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que, d'une part, l'enregistrement de la parole ou de l'image d'une personne placée en garde à vue est susceptible de constituer une atteinte à l'intimité de sa vie privée, d'autre part, une personne faisant l'objet d'une garde à vue n'est pas en mesure de s'opposer à cet enregistrement, la chambre de l'instruction a méconnu le sens et la portée du texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé ; D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ; PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 31 janvier 2019, mais en ses seules dispositions relatives au délit d'atteinte à l'intimité de la vie privée de Mme S..., toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée, RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt et un avril deux mille vingt.
L'article 226-1 du code pénal incrimine le fait, au moyen d'un procédé quelconque, de porter volontairement atteinte à l'intimité de la vie privée d'autrui, en enregistrant des paroles prononcées à titre confidentiel sans le consentement de leur auteur, ou en fixant sans son consentement l'image d'une personne se trouvant en un lieu privé. Lorsque l'acte est accompli au vu et au su de la personne intéressée, son consentement est présumé si elle ne s'y est pas opposée, alors qu'elle était en mesure de le faire. Encourt la censure l'arrêt de la chambre de l'instruction qui, pour confirmer l'ordonnance de non-lieu du juge d'instruction et écarter l'argumentation de la partie civile qui soutenait que le journaliste qui, présent dans les locaux du commissariat de police où elle était interrogée au cours de sa garde à vue, l'avait filmée en vue de la réalisation d'un reportage, avait porté atteinte à l'intimité de sa vie privée, retient que les images et paroles ainsi enregistrées ne relèvent pas de l'intimité de la vie privée au sens de ce texte et qu'au surplus, aucun élément du dossier n'indique que les conditions de la garde à vue de l'intéressée, qui a nécessairement vu la caméra, lui ôtaient la possibilité de faire valoir son opposition à l'enregistrement. En effet, d'une part, l'enregistrement de la parole ou de l'image d'une personne placée en garde à vue est susceptible de constituer une atteinte à l'intimité de sa vie privée, d'autre part, une personne faisant l'objet d'une mesure de garde à vue n'est pas en mesure de s'opposer à un tel enregistrement
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N° B 19-84.464 F-P+B+I N° 695 SM12 22 AVRIL 2020 REJET M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 22 AVRIL 2020 REJET du pourvoi formé par M. T... D... contre l'arrêt de la cour d'assises du Pas-de-Calais, en date du 29 mai 2019, qui, pour vols avec arme, commis en bande organisée, vols en bande organisée et recels, séquestrations, association de malfaiteurs et infractions à la législation sur les armes et les explosifs en récidive, l'a condamné à dix-sept ans de réclusion criminelle, cinq ans d'interdiction de détenir ou porter une arme soumise à autorisation, et ordonné une mesure de confiscation, ainsi que contre l'arrêt du même jour par lequel la cour a prononcé sur les intérêts civils . Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. de Larosière de Champfeu, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. T... D..., et les conclusions de Mme Zientara-Logeay, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 mars 2020 où étaient présents M. Soulard, président, M. de Larosière de Champfeu, conseiller rapporteur, M. Moreau, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre , La chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Par arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Douai, en date du 10 mars 2017, M. D... a été renvoyé devant la cour d'assises du Nord pour vols avec arme, commis en bande organisée, vols en bande organisée et recels, séquestrations, association de malfaiteurs et infractions à la législation sur les armes et les explosifs en récidive. 3. Par arrêt du 19 février 2018, la cour d'assises du Nord a jugé l'affaire en première instance. Cette décision a été frappée d'appel par l'accusé et par le procureur général. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 4. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce que la cour d'assises, après avoir déclaré M. D... coupable d'un certain nombre des infractions dont il était accusé, est entrée en voie de condamnation pénale et civile à son encontre, alors : « 1°/ qu'il résulte du procès-verbal des débats que « le président s'est conformé aux dispositions de l'article 327 du code de procédure pénale et a présenté, de façon concise, les faits reprochés à l'accusé tels qu'ils résultent de la décision de renvoi. Le président a exposé les éléments à charge et à décharge concernant l'accusé tels qu'ils sont mentionnés, conformément à l'article 184, dans la décision de renvoi. Le président a donné en outre connaissance du sens de la décision rendue en premier ressort et de la condamnation prononcée ainsi que de l'acquittement partiel prononcé, à l'exclusion de sa motivation, en accord avec les parties. » 2°/ que les lectures prévues par l'article 327 du code de procédure pénale sont obligatoires et d'ordre public, et que les parties ne disposent pas de la faculté d'y renoncer en tout ou en partie ; que l'article 327 du code de procédure pénale a donc été violé. » Réponse de la Cour 5. Il ne résulte pas du procès-verbal des débats que la défense ait élevé une contestation ou présenté une demande de donné-acte, quand le président de la cour d'assises, faisant le rapport de l'affaire, a donné connaissance du sens de la décision rendue en première instance, de la condamnation prononcée et de l'acquittement partiel intervenu. Si le procès-verbal des débats précise que le président n'a pas donné connaissance de la motivation de cette décision, en accord avec les parties, il en résulte qu'il n'a pas été porté atteinte aux droits de la défense de l'accusé. 6. Le moyen ne peut donc être accueilli. Sur le deuxième moyen Enoncé du moyen 7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il est entré en voie de condamnation contre M. D... et de l'avoir déclaré coupable de recels, de vols commis en bande organisée, de vols en bande organisée et de participation à une association de malfaiteurs, alors « que les faits qui procèdent de manière indissociable d'une action unique caractérisée par une seule intention coupable ne peuvent donner lieu, contre le même accusé, à deux déclarations de culpabilité de nature pénale ; que les éléments retenus par la Cour pour caractériser l'association de malfaiteurs (réponse affirmative à la question n° 32) à savoir : se procurer des armes, explosifs, détonateurs, véhicules pour agir et fuir, équipements, gilets, gilets pare-balles, planques, et effectuer des repérages, d'un ou plusieurs crimes, en particulier des vols à mains armées de fourgons blindés et attaques de distributeurs automatiques de billets, sont identiques à ceux qui ont été retenus pour caractériser la circonstance aggravante de bande organisée à savoir (question 2.1) se procurer au préalable des armes, cagoules, gants, équipements et un véhicule volé accompagnateur, ou (question 3.1) des armes, cagoules, gants, équipements spécifiques, ou (questions 4.1 et 5.1) se procurer au préalable des armes, cagoules, un gyrophare, des éléments d'équipement de policier et un véhicule volé en vue de faciliter la fuite lors du vol de ce véhicule et un box pour le cacher ou (question 11.1) exercer une surveillance préalable, s'être procuré un véhicule volé, des vêtements adaptés, cagoules, armes et serflex ; qu'il résulte du rapprochement des faits visés par ces questions, qualifiés pour certains de circonstances aggravantes d'infractions en bande organisée et pour l'autre d'association de malfaiteurs, qu'il s'agit exactement des mêmes faits, poursuivis sous une double qualification, et procédant une action unique caractérisée par une seule intention coupable ; qu'ainsi la cour d'assises a violé la règle non bis non idem. » Réponse de la Cour 8. Pour déclarer M. D... coupable du délit d'association de malfaiteurs, la cour d'assises retient les déclarations de M. J..., qui relatent l'ensemble des agissements de l'équipe de malfaiteurs dont faisait partie l'accusé et exposent les actes préparatoires qu'ils ont accomplis : vols de véhicules, répartition précise des rôles des participants, repérages et réunions effectuées, prévision d'usage des armes et des explosifs. 9. Elle ajoute que ce délit est aussi établi par des renseignements anonymes, et par les résultats des investigations policières : découverte d'armes de guerre, d'explosifs, de munitions, de cagoules, de gants, de matériel radio, de gyrophares, de menottes, d'un tazer, présence, sur plusieurs de ces objets, de l'ADN de plusieurs membres de l'équipe, les relations entre eux ayant été établies par les surveillances téléphoniques et physiques. Elle relève encore la mise en place de véhicules volés à des endroits destinés à faciliter la commission de vols avec arme, ainsi que le projet d'acquérir un forceur hydraulique et des gilets pare-balles. 10. Il résulte des pièces de procédure, et notamment de la feuille de motivation, que ces agissements, circonstances et moyens : - d'une part, ont été mis en oeuvre pour réaliser les vols dont le demandeur a été reconnu coupable, et caractérisent la circonstance aggravante de bande organisée, retenue par la cour d'assises ; - d'autre part, s'inscrivaient dans la préparation de faits distincts d'attaques de fourgons blindés. 11. Il suit de là que, sans méconnaître la règle ne bis in idem, la cour d'assises a caractérisé sans insuffisance, d'une part la circonstance aggravante de bande organisée assortissant les vols dont l'accusé a été reconnu coupable, et d'autre part l'infraction d'association de malfaiteurs visant la préparation de faits distincts. 12. Ainsi, le moyen ne peut être accueilli. Sur le troisième moyen Enoncé du moyen 13. Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir prononcé à l'encontre de l'accusé la « peine complémentaire obligatoire d'interdiction de porter ou détenir une arme soumise à autorisation pendant une durée de 5 ans », alors « que cette peine complémentaire obligatoire, dont peut être assortie une condamnation du chef de détention d'armes et munitions sans autorisation préalable n'a été créée que par une ordonnance du 20 juin 2013 applicable à partir du 6 septembre 2013 ; qu'elle ne pouvait donc être appliquée à des délits qui auraient été commis jusqu'au 24 juin 2013 ; que la cour d'assises a violé l'article L.317-12 du code de la sécurité intérieure et les articles 111-3 et 112-1 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 14. Le requérant a été condamné à une peine criminelle pour des vols commis en 2013. Par application de l'article 11 de la loi n°2012-304 du 6 mars 2012, il encourait la peine complémentaire obligatoire de l'interdiction de détenir ou porter pendant cinq ans une arme soumise à autorisation. 15. Il suit de là que cette peine a été régulièrement prononcée et que le moyen ne peut être admis. 16. Par ailleurs, la procédure est régulière et la peine a été régulièrement appliquée aux faits déclarés constants par la cour et le jury. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-deux avril deux mille vingt.
Selon le principe ne bis in idem, des faits qui procèdent de manière indissociable d'une action unique caractérisée par une seule intention coupable ne peuvent être retenus comme élément constitutif d'une infraction et circonstance aggravante d'une autre infraction. Ne méconnaît pas ce principe la cour d'assises qui déclare l'accusé coupable du délit d'association de malfaiteurs et du crime de vols en bande organisée commis avec l'aide ou sous la menace d'une arme, en relevant que les mêmes faits, soit la détention d'armes de guerre, d'explosifs, de munitions, de cagoules, de menottes, de gyrophares, d'un tazer, le vols de véhicules, et la tenue de réunions pour répartir les rôles de chacun des participants, d'une part, ont été mis en oeuvre pour réaliser les vols commis par le demandeur et caractérisent la circonstance aggravée de bande organisée, et, d'autre part, s'inscrivaient dans la préparation de faits distincts d'attaques de fourgons blindés, qui n'ont pas été commis ou tentés, cette préparation constituant le délit d'association de malfaiteurs
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N° C 20-80.950 F-P+B+I N° 825 SM12 21 AVRIL 2020 REJET M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 21 AVRIL 2020 REJET du pourvoi formé par M. F... Q... contre l'ordonnance du président de la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Nîmes, en date du 16 janvier 2020, qui, dans la procédure suivie contre lui des chefs, notamment, d'organisation de mariages aux seules fins de faire obtenir un titre de séjour ou de faire acquérir la nationalité française, et complicité d'organisation de reconnaissance frauduleuse d'enfants, a ordonné la prolongation de sa détention provisoire. Un mémoire personnel a été produit. Sur le rapport de M. Bonnal, conseiller, et les conclusions de M. Croizier, avocat général, après débats en l'audience publique du 21 avril 2020 où étaient présents M. Soulard, président, M. Bonnal, conseiller rapporteur, M. Moreau, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre , la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'ordonnance attaquée et des pièces de procédure ce qui suit. 2. À l'issue d'une information judiciaire, M. Q... a été renvoyé devant le tribunal correctionnel des chefs précités par ordonnance du juge d'instruction en date du 12 mars 2018. 3. Le 4 avril 2019, il a été cité devant le tribunal correctionnel à son adresse déclarée par acte déposé à l'étude de l'huissier de justice. 4. Par jugement contradictoire à signifier, M. Q..., qui n'était ni comparant ni représenté, a été déclaré coupable des chefs reprochés et condamné à une peine d'emprisonnement de quatre ans et à une interdiction définitive du territoire français. 5. Le tribunal a décerné à son encontre un mandat d'arrêt, qui a été mis à exécution. M. Q... a interjeté appel du jugement le 19 septembre 2019, ainsi que le ministère public. 6. En raison de la grève des avocats à laquelle s'est associé le conseil du prévenu, l'audience prévue le 14 janvier 2020 a été renvoyée au 24 mars suivant pour examen au fond et au 16 janvier 2020 devant le président de la chambre aux fins de voir statuer, conformément aux dispositions de l'article 509-1 du code de procédure pénale, sur la prolongation de la détention pendant une nouvelle durée de quatre mois. Examen du moyen Enoncé du moyen 7. Le moyen est pris de la violation des articles 558 et 593 du code de procédure pénale et 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme, défaut de motifs, manque de base légale. 8. Le moyen critique l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a n'a pas répondu aux exceptions de nullité soulevées par le prévenu, ainsi qu'à sa demande relative à son placement sous contrôle judiciaire ou sous surveillance électronique, alors : 1°/ que la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel était tenue de répondre aux conclusions régulièrement déposées par la défense et qu'en omettant ou en refusant de se prononcer sur les demandes des parties, ladite chambre a méconnu les dispositions susvisées ; 2°/ qu'en statuant par jugement contradictoire à signifier bien que M. Q... n'ait pas été informé de la date de l'audience, la juridiction n'était pas valablement saisie de sorte que sa décision est nulle tout comme les actes subséquents dont le mandat d'arrêt. Réponse de la Cour 9. Pour prolonger la détention provisoire de M. Q..., l'ordonnance attaquée énonce que l'affaire, en état d'être jugée le 14 janvier 2020, soit dans les quatre mois de son appel, n'a pu l'être du fait de la grève du barreau à laquelle l'avocat du prévenu s'était associé. 10. Statuant en application de l'article 509-1 du code de procédure pénale, après renvoi demandé par le prévenu qui exigeait d'être jugé en présence de son avocat, le président de la chambre des appels correctionnels conclut que ces raisons de fait faisant obstacle au jugement de l'affaire dans le délai légal, il y a lieu, à titre exceptionnel, d'ordonner, pour une durée n'excédant pas quatre mois, la prolongation de la détention de l'intéressé dont les domiciliations évolutives ne permettent pas de garantir la représentation. 11. En l'état de ces énonciations, le président a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués. 12. En premier lieu, l'ordonnance rendue en application de l'article 509-1 du code de procédure pénale a exposé, sans insuffisance ni contradiction, les raisons de fait et de droit faisant obstacle au jugement de l'affaire dans le délai légal. 13. En deuxième lieu, le juge qui prolonge dans ce cadre, à titre exceptionnel, la détention provisoire d'un prévenu, n'a pas à motiver sa décision au regard des conditions fixées par les articles 137 et 144 du même code. 14. Enfin, l'exception de nullité de la citation devant le tribunal correctionnel ne peut, en cause d'appel, être soulevée que devant la juridiction statuant au fond, et non devant le président de la chambre des appels correctionnels statuant dans les limites de l'article 509-1 précité. 15. Ainsi, le moyen doit être écarté. 16. Par ailleurs, l'ordonnance est régulière en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt et un avril deux mille vingt.
Le président de la chambre des appels correctionnels qui prolonge, en application de l'article 509-1 du code de procédure pénale, à titre exceptionnel, la détention provisoire d'un prévenu n'a pas à motiver sa décision au regard des conditions fixées par les articles 137 et 144 du même code
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N° X 19-81.769 FS-P+B+I N° 330 EB2 24 MARS 2020 REJET M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 24 MARS 2020 REJET du pourvoi formé par Mme E... O... contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-7, en date du 7 février 2019, qui, pour publication d'enregistrement sonore ou visuel effectué sans autorisation à l'audience d'une juridiction, l'a condamnée à 2 000 euros d'amende . Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. Bonnal, conseiller, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme E... O..., et les conclusions de M. Croizier, avocat général, l'avocat de la demanderesse ayant eu la parole en dernier, après débats en l'audience publique du 4 février 2020 où étaient présents M. Soulard, président, M. Bonnal, conseiller rapporteur, Mmes Durin-Karsenty, Ménotti, M. Maziau, Mme Labrousse, M. Seys, conseillers de la chambre, M. Barbier, Mme de-Lamarzelle, M. Violeau, conseillers référendaires, M. Croizier, avocat général, et M. Maréville, greffier de chambre , La chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Les 8 et 9 novembre 2017, deux photographies, la première prise le 18 octobre 2017, à l'audience de la cour d'assises de Paris spécialement composée, sur laquelle on voit Mme T... S..., témoin, et M. D... U..., un des accusés, la seconde prise le 2 novembre 2017, dans la salle d'audience, avant le verdict dudit procès, sur laquelle on voit un autre accusé, M. M... W..., et ses avocats, ont été mises en ligne, sur le compte Twitter de l'hebdomadaire Paris-Match et sur le site internet de cet organe de presse, et publiées dans le magazine lui-même. 3. Mme O..., directrice de la publication de l'organe de presse, a été poursuivie du chef précité devant le tribunal correctionnel, qui l'a déclarée coupable. 4. Elle a relevé appel de ce jugement, ainsi que le ministère public. Examen du moyen Enoncé du moyen 5. Le moyen est pris de la violation des articles 5, 8 et 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, 6 et 10 de la Convention européenne des droits de l'Homme, 38 ter de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, 111-4 du code pénal, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale. 6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré Mme E... O... coupable des faits de publication ou cession d'enregistrement sonore ou visuel effectué sans autorisation à l'audience d'une juridiction commis les 8 et 9 novembre 2017 à Paris et s'est en conséquence prononcé sur la peine, alors : « 1°/ que l'infraction prévue à l'article 38 ter de la loi du 29 juillet 1881 qui incrimine le fait d'employer tout appareil permettant d'enregistrer, de fixer ou de transmettre la parole ou l'image dès l'ouverture de l'audience des juridictions administratives ou judiciaires porte une atteinte non nécessaire, non adaptée et disproportionnée à la liberté de communication ; qu'il y a lieu, dès lors, de renvoyer une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel et, à la suite de la déclaration d'inconstitutionnalité qui interviendra, de constater que l'arrêt attaqué se trouve privé de base légale au regard des articles 5, 8 et 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ; 2°/ qu'en toute hypothèse, la liberté d'expression et le droit légitime du public à recevoir des informations relatives aux procédures en matière pénale peuvent être soumis à des restrictions ou sanctions prévues par la loi afin d'assurer la protection des droits d'autrui et de garantir l'autorité et l'impartialité du pouvoir judiciaire, à la condition que ces restrictions et sanctions ne présentent pas un caractère disproportionné au regard des circonstances propres à chaque espèce ; qu'en jugeant que la répression de la diffusion des photographies litigieuses ne portait pas une atteinte disproportionnée à la liberté de communication de l'exposante bien que, diffusées les 8 et 9 novembre 2017, soit une semaine après le verdict et près de 17 mois avant le procès d'appel, elles n'avaient eu aucune influence sur la conduite du procès pénal, l'autorité et l'impartialité judiciaires, qu'elles avaient été prises sans troubler la sérénité des débats, qu'elles avaient contribué à un débat d'intérêt général relatif au jugement d'un accusé dans une affaire de terrorisme, et qu'elles n'avaient pas porté une atteinte excessive au droit à l'image des accusés, de leurs avocats et du témoin en cause, au regard du caractère hautement médiatique du procès et de la large diffusion d'images permettant de les identifier, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; 3°/ qu'en toute hypothèse, l'emploi de tout appareil permettant d'enregistrer, de fixer ou de transmettre la parole ou l'image est interdit dès l'ouverture de l'audience des juridictions judiciaires ; qu'en jugeant que la diffusion de la photographie d'M... W... contrevenait aux dispositions de l'articles 38 ter de la loi du 29 juillet 1881 bien que cette photographie ait été prise au cours d'une interruption d'audience, la cour d'appel a violé les textes susvisés. » Réponse de la Cour Sur le moyen pris en ses deux premières branches 7. Pour confirmer le jugement, l'arrêt énonce en substance que, si le public a un intérêt légitime à recevoir des informations relatives aux procédures en matière pénale, particulièrement, comme en l'espèce, s'agissant d'une affaire de terrorisme ayant eu des conséquences dramatiques et un important retentissement médiatique, la liberté d'information doit être mise en balance avec les autres intérêts en présence, au nombre desquels la sérénité des débats et, spécialement, la spontanéité et la sincérité des dépositions et attitudes des accusés et des témoins, qui dépend notamment, dans un procès aussi médiatisé, de la certitude qu'aucune publication de prises de vue n'interviendra, ainsi que le droit à l'image des parties concernées qui doit être préservé dans l'enceinte judiciaire. 8. Les juges ajoutent que l'accès au public de la salle d'audience était libre et que l'information du public était garantie par la publication de comptes rendus des débats et de dessins d'audience, et qu'au moment des publications litigieuses, l'affaire en cause n'était pas jugée définitivement, un appel étant en cours. 9. Ils concluent que la prohibition de l'article 38 ter de la loi du 29 juillet 1881 ne saurait constituer une ingérence disproportionnée dans les droits garantis par l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme. 10. En statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas méconnu les dispositions conventionnelles invoquées au moyen. 11. Si, en effet, toute personne a droit à la liberté d'expression et si le public a un intérêt légitime à recevoir des informations relatives, notamment, aux procédures en matière pénale ainsi qu'au fonctionnement de la justice, l'interdiction de tout enregistrement, fixation ou transmission de la parole ou de l'image après l'ouverture de l'audience des juridictions administratives ou judiciaires, et de leur cession ou de leur publication, constitue une mesure nécessaire, dans une société démocratique, à garantir la sérénité et la sincérité des débats judiciaires, qui conditionnent la manifestation de la vérité et contribuent ainsi à l'autorité et à l'impartialité du pouvoir judiciaire. 12. En conséquence, les griefs, dont le premier est devenu sans objet à la suite de la décision n° 2019-817 QPC du 6 décembre 2019 par laquelle le Conseil constitutionnel a déclaré la première phrase des premier et troisième alinéas et le quatrième alinéa de l'article 38 ter de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse conformes à la Constitution, doivent être écartés. Sur le moyen pris en sa troisième branche 13. Pour confirmer le jugement sur la déclaration de culpabilité spécialement du chef de la photographie prise le 2 novembre 2017, l'arrêt retient que l'accusé qui y figure, pas davantage que ses avocats, ne pouvait s'attendre à faire l'objet de clichés photographiques alors qu'il se trouvait encore dans la salle d'audience et qu'il se savait protégé par l'interdiction édictée par l'article 38 ter de la loi du 29 juillet 1881, de sorte que doit être sanctionnée l'atteinte faite à l'image de l'accusé pendant l'attente du verdict alors qu'il importe de garder à l'enceinte judiciaire son caractère préservé. 14. En statuant ainsi, l'arrêt a fait l'exacte application des textes visés au moyen. 15. En effet, l'interdiction instituée par l'article 38 ter précité, qui commence dès l'ouverture de l'audience et se prolonge jusqu'à ce que celle-ci soit levée, s'applique pendant les périodes de suspension de l'audience. 16. Ainsi, le moyen doit être écarté. 17. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-quatre mars deux mille vingt.
Si toute personne a droit à la liberté d'expression et si le public a un intérêt légitime à recevoir des informations relatives, notamment, aux procédures en matière pénale ainsi qu'au fonctionnement de la justice, l'interdiction de tout enregistrement, fixation ou transmission de la parole ou de l'image après l'ouverture de l'audience des juridictions administratives ou judiciaires, et de leur cession ou de leur publication, prévue par l'article 38 ter de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, constitue une mesure nécessaire, dans une société démocratique, à garantir la sérénité et la sincérité des débats judiciaires, qui conditionnent la manifestation de la vérité et contribuent ainsi à l'autorité et à l'impartialité du pouvoir judiciaire
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N° E 19-80.005 F-P+B+I N° 342 SM12 24 MARS 2020 CASSATION SANS RENVOI M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 24 MARS 2020 CASSATION sur le pourvoi formé par le procureur général près la cour d'appel de Paris contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de ladite cour, 4e section, en date du 14 décembre 2018 qui, dans l'information suivie contre personne non dénommée des chefs notamment d'homicides involontaires, a infirmé l'ordonnance du juge d'instruction déclarant irrecevable la constitution de partie civile de cent soixante et un plaignants . Des mémoires ont été produits, en demande et en défense. Sur le rapport de M. Barbier, conseiller référendaire, et les conclusions de M. Croizier, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 février 2020 où étaient présents M. Soulard, président, M. Barbier, conseiller rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller de la chambre, et Mme Guichard, greffier de chambre , La chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. A... Y..., après avoir travaillé à partir de l'année 1973 pour la société Sollac, devenue le groupe Arcelor, dans son usine située à Grande-Synthe (59), s'est révélé être atteint d'un mésothéliome malin, dont le caractère professionnel, du fait de son lien avec l'amiante, a été reconnu par la caisse primaire d'assurance maladie. 3. L'intéressé a déposé plainte le 20 février 2005 auprès du procureur de la République de Dunkerque, lequel s'est dessaisi au profit du pôle de santé publique du parquet de Paris le 17 mai 2005. 4. Le ministère public a établi le 12 décembre 2005 un réquisitoire introductif visant la plainte de A... Y... et mentionnant les qualifications de blessures involontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus de trois mois par la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité, non empêchement d'un crime ou d'un délit contre l'intégrité corporelle, abstention volontaire de combattre un sinistre, non assistance à personne en péril. 5. Après le décès de A... Y..., des suites de sa maladie, le ministère public a, le 4 octobre 2006, requis supplétivement le juge d'instruction d'informer du chef d'homicide involontaire par la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement. 6. Le ministère public a encore requis, les 29 septembre 2009 et 2 décembre 2010, le juge d'instruction de recevoir la constitution de partie civile incidente des ayants droit respectifs d' D... Q... et E... K..., décédés tous deux dans des circonstances analogues à celles de A... Y.... 7. De nombreuses victimes s'étant ensuite manifestées auprès du juge d'instruction, l'invitant à étendre ses investigations à leur situation, le ministère public a délivré un réquisitoire supplétif, en date du 3 novembre 2015, précisant expressément « qu'il soit supplétivement instruit sur les faits d'homicides involontaires par la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement sur les personnes d' D... Q... et E... K..., faits commis entre le 17 août 1977 et la fin de leur exposition à l'amiante sur leur lieu de travail », puis des réquisitions en date du 6 novembre 2015 invitant le juge d'instruction à « continuer à informer sur les faits concernant A... Y..., D... Q... et E... K... ». 8. Le juge d'instruction a rendu un avis de fin d'information le 22 mai 2017, à la suite de quoi il a reçu le 12 octobre 2017 des courriers du conseil de l'ARDEVA, partie civile, accompagnés de nombreuses pièces, l'informant de la constitution de partie civile de cent soixante et une personnes se disant victimes de faits « directement liés aux faits ayant conduit à l'ouverture de la présente information judiciaire ». 9. Par ordonnance du 24 octobre 2017, le juge d'instruction a constaté l'irrecevabilité des cent soixante et une plaintes avec constitution de partie civile, conformément aux réquisitions du ministère public du 18 octobre 2017. Les parties civiles ont interjeté appel de cette décision, tandis que le ministère public a requis un non-lieu dans l'information le 22 novembre 2017. Examen du moyen Enoncé du moyen 10. Le moyen est pris de la violation de l'article 80 du code de procédure pénale. 11. Le moyen critique l'arrêt attaqué pour avoir déclaré recevables les constitutions de partie civile nonobstant le refus du ministère public de délivrer un réquisitoire supplétif, alors, en premier lieu, qu'en matière d'amiante, l'exposition étant permanente, chaque victime potentielle fait l'objet d'une infraction distincte, commise à une période qui lui est propre, dans le cadre d'une activité professionnelle qui lui est propre, et surtout par un auteur qui peut être différent, et, en second lieu, qu'il s'agit, au cas d'espèce, d'une problématique de santé publique se matérialisant en une infraction dite complexe, constituée par une multitude de manquements impliquant une pluralité temporelle et personnelle qui ne permet pas de retenir l'existence d'un fait unique et indivisible, procédant de la même action coupable. Réponse de la Cour Vu les articles 2, 3 et 87 du code de procédure pénale : 12. La constitution de partie civile incidente devant la juridiction d'instruction, telle que prévue par le dernier de ces textes, n'est recevable qu'à raison des seuls faits pour lesquels l'information est ouverte, ou de faits indivisibles. 13. Pour infirmer l'ordonnance du juge d'instruction déclarant irrecevables les constitutions de partie civile incidentes, l'arrêt attaqué énonce que l'intervention d'une partie civile est recevable lorsque les faits poursuivis sont indivisibles, ayant une identité d'objet et de résultat et procédant d'une même et unique action coupable de sorte qu'il existe, entre eux, un lien tel que l'existence des uns ne peut se comprendre sans celle des autres. 14. Les juges ajoutent que tel est le cas en l'espèce puisque les faits dénoncés par les cent soixante et une parties civiles concernent des salariés qui ont exercé non seulement au sein de la même société mais aussi sur les mêmes sites industriels, plus de 82 % d'entre eux ayant ainsi travaillé au sein du même établissement de Dunkerque que A... Y... - durant des périodes d'embauche comparables à celles de celui-ci et d'D... Q... et E... K... dont les constitutions de partie civile ont, d'ores et déjà, été déclarées recevables entre 2005 et 2010 et ce, des mêmes chefs. 15. Ils précisent encore que ces salariés dont la situation a donné lieu aux constitutions de partie civile contestées, se sont trouvés soumis au même process que A... Y..., D... Q... et E... K..., process unique, caractérisé au sein de la société Sollac Atlantique, par une utilisation systématique de l'amiante pour la protection thermique des salariés et de l'outil industriel, par une absence d'identification claire, avant 1996, des risques inhérents à l'amiante sur ces sites industriels nonobstant la réglementation en matière d'assainissement des locaux, par un défaut de diffusion d'informations et de directives précises aux salariés. 16. Ils en concluent que les faits dénoncés par les cent soixante et une parties civiles appelantes sont susceptibles de relever des mêmes fautes commises au préjudice de A... Y..., D... Q... et E... K..., par un ou plusieurs auteurs, ayant pu occasionner des lésions ayant entraîné, chez tous les salariés concernés, des atteintes involontaires à la vie ou à l'intégrité physique. 17. En se déterminant ainsi, alors que la constitution de partie civile des cent soixante et un plaignants était fondée sur des faits qui ne peuvent être regardés que comme distincts de ceux dont le juge d'instruction était saisi par les réquisitoires introductif et supplétifs du ministère public, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé. 18. En effet, en premier lieu, le juge d'instruction n'était saisi, aux termes des différents réquisitoires introductif et supplétifs, que des faits commis au préjudice de A... Y..., D... Q... et E... K.... 19. En second lieu, la date d'intoxication par l'amiante de chaque travailleur n'est pas connue, ce qui, compte tenu de la succession de nombreux employeurs sur la longue période concernée, ne permet pas d'inférer une identité d'objet et de résultat de faits procédant d'une même et unique action coupable. Il en résulte que le caractère indivisible des faits n'est pas établi. 20. Il s'ensuit que la cassation est encourue. N'impliquant pas qu'il soit à nouveau statué sur le fond, elle aura lieu sans renvoi, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 14 décembre 2018 ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-quatre mars deux mille vingt.
La constitution de partie civile incidente devant la juridiction d'instruction, telle que prévue par l'article 87 du code de procédure pénale, n'est recevable qu'à raison des seuls faits pour lesquels l'information est ouverte, ou de faits indivisibles. Encourt la censure l'arrêt de la chambre de l'instruction qui déclare recevables, nonobstant l'absence de réquisitoire supplétif du ministère public, les constitutions de parties civiles de salariés ou de personnes venant aux droits de salariés qui ont été soumis à la même exposition à l'amiante que les personnes sur la plainte desquelles l'information a été ouverte, en retenant leur caractère indivisible. En effet, l'utilisation sur une période de plusieurs dizaines d'années, sur le même site, de l'amiante pour la protection thermique des salariés et de l'outil industriel ne suffit pas à établir le caractère indivisible des faits. En raison de la succession de nombreux employeurs et de l'impossibilité de connaître précisément la date de l'intoxication par l'amiante de chacun des travailleurs concernés, ceux-ci ne peuvent être regardés que comme distincts
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N° N 19-80.909 F-P+B+I N° 345 SM12 24 MARS 2020 CASSATION M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 24 MARS 2020 CASSATION sur le pourvoi formé par M. Y... O..., partie civile, contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 6e section, en date du 20 décembre 2018, qui, dans l'information suivie, sur sa plainte, contre personne non dénommée, des chefs de violation du secret professionnel et recel, a confirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction ; Des mémoires, personnel et en défense, et des observations complémentaires ont été produits. Sur le rapport de M. Violeau, conseiller référendaire, les observations de la SCP Meier-Bourdeau, Lécuyer, avocat de M. I... S..., et les conclusions de M. Croizier, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 février 2020 où étaient présents M. Soulard, président, M. Violeau, conseiller rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller de la chambre, et Mme Guichard, greffier de chambre , La chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Après classement sans suite de sa plainte du 23 juin 2010, M. O... a porté plainte et s'est constitué partie civile des chefs de violation du secret de l'enquête et recel de ce délit, le 31 août 2010. 3. A l'appui de celle-ci, il a produit deux articles de presse, parus les 27 et 28 juin 2007 dans les journaux Le Parisien et Le Monde, qui évoquaient les circonstances de son interpellation, le 25 juin 2007, à Paris, pour des faits de dégradation dans le réseau métropolitain, et rapportaient notamment, par l'emploi de guillemets, les propos suivants de M. I... S..., commandant de police en charge de l'enquête : - Au sein de l'article paru le 27 juin 2007 dans le journal Le Parisien, « Ce sont les plus gros tageurs de ces dernières années (...) En trois ans, on peut estimer que la remise en état des rames de métro qu'ils ont dégradées se monte à près de 600 000 euros. Un record. », « Nous savions qu'ils étaient très bien renseignés sur les dépôts de la RATP, ils connaissaient toutes les mesures de sécurité qu'il fallait respecter pour éviter tout accident. Nous voulions surtout les prendre en flagrant délit. C'était la seule façon pour nous de nous assurer qu'ils étaient les bons tageurs » ; - Au sein de l'article paru le 28 juin 2007 dans le journal Le Monde, « les deux plus gros tagueurs de ces dernières années », « Ils opèrent en toute connaissance de cause avec un but : obtenir la plus grande notoriété possible en multipliant les signatures, si possible dans des sites difficiles d'accès » (...) « Le policier parle de « drogués du tag », capables de passer leurs nuits dans les dépôts ou les tunnels du métro » . 4. Une information judiciaire a été ouverte contre personne non dénommée le 18 janvier 2011 des chefs de violation du secret professionnel et recel. 5. M. S... a été placé sous le statut de témoin assisté du chef de violation du secret professionnel. 6. Le juge d'instruction a dit n'y avoir lieu à suivre, par ordonnance du 16 août 2017. 7. Appel a été interjeté par la partie civile. Examen des moyens Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche 8. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi, en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Mais sur le premier moyen Enoncé du moyen 9. Le moyen est pris de la violation des articles 11, 80-1, 459, 485, 567, 591, 593 du code de procédure pénale et de l'article 226-13 du code pénal. 10. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a considéré que les propos de M. S..., tels que rapportés par les journalistes entre guillemets, ne contiennent aucune révélation à caractère secret au sens des dispositions de l'article 226-13 du code pénal, alors : « 1°/ que ces propos ont été tenus par un fonctionnaire de police auprès d'un journaliste concernant des faits dont le policier avait eu connaissance dans le cadre d'une enquête confiée au service qu'il dirigeait, à laquelle il avait pour partie activement participé et dont l'objet était d'identifier et d'interpeller les auteurs d'infractions ; qu'aucune disposition légale n'autorise un officier de police judiciaire a faire état d'informations issues d'une procédure d'enquête auprès de quiconque, à l'exception du procureur de la République et des autres policiers affectés à l'enquête en cours ; Qu'en retenant que les propos cités par les journalistes ne contenaient aucune révélation à caractère secret, la chambre de l'instruction a violé les dispositions combinées des articles 226-13 du code pénal et 11 du code de procédure pénale, privant sa décision de base légale ; 2°/ qu'en affirmant qu'il s'agissait de "commentaires", sans préciser en quoi de tels "commentaires" sur des faits faisant l'objet d'une enquête pénale ne seraient pas prohibés, par opposition à une "information" couverte par le secret de l'enquête, un fait exprimé sous forme de commentaire n'en constituant pas moins la révélation d'une information, la chambre de l'instruction a privé sa décision de base légale et s'est contredite. » Réponse de la Cour Vu les articles 11 du code de procédure pénale et 226-13 du code pénal : 11. Selon le premier de ces textes, toute personne qui concourt à la procédure d'enquête ou d'instruction est tenue au secret professionnel dans les conditions prévues aux articles 226-13 et 226-14 du code pénal. 12. Selon le second, constitue une violation du secret professionnel, la révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire, quelles que soient la portée et la valeur de celle-ci. 13. Pour confirmer l'ordonnance de non-lieu, l'arrêt attaqué énonce que seules les citations entre guillemets correspondent avec certitude à des propos tenus par M. S..., ce que ce dernier ne conteste pas, à l'exception du terme de "drogués du tag". 14. Les juges exposent que les propos de ce fonctionnaire de police, tels que retranscrits par le journaliste, ne comprennent aucune indication permettant d'identifier les personnes interpellées, et ne contiennent aucune révélation d'une information à caractère secret au sens des dispositions de l'article 226-13 du code pénal. 15. Ils ajoutent qu'il s'agit de commentaires, et non d'informations couvertes par le secret de l'enquête et de l'instruction. 16. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé. 17. En effet, seul le ministère public est investi du droit de communiquer sur une enquête en cours, dans les conditions restrictives énoncées par le troisième alinéa de l'article 11 du code de procédure pénale, de sorte que la communication de renseignements connus des seuls enquêteurs par un officier de police judiciaire à des journalistes est susceptible de constituer, le cas échéant, la violation du secret professionnel par une personne qui concourt à la procédure. 18. La cassation est par conséquent encourue de ce chef. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 20 décembre 2018, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ; RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-quatre mars deux mille vingt.
Constitue une violation du secret professionnel, la révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire, quelles que soient la portée et la valeur de celle-ci. Seul le ministère public est investi du droit de communiquer sur une enquête en cours, dans les conditions restrictives énoncées par le troisième alinéa de l'article 11 du code de procédure pénale, de sorte que la communication de renseignements connus des seuls enquêteurs par un officier de police judiciaire à des journalistes est susceptible de constituer, le cas échéant, la violation du secret professionnel par une personne qui concourt à la procédure
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N° F 19-81.915 F-P+B+I N° 389 SM12 25 MARS 2020 CASSATION M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 25 MARS 2020 CASSATION sur le pourvoi formé par le procureur général près la cour d'appel d'Aix-en-Provence contre l'ordonnance du président de la chambre de l'application des peines de ladite cour, en date du 19 février 2019, qui a prononcé un retrait de crédit de réduction de peine à l'encontre de M. I... U.... Un mémoire a été produit. Sur le rapport de Mme Carbonaro, conseiller référendaire, et les conclusions de M. Valleix, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 février 2020 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Carbonaro, conseiller rapporteur, M. Moreau, conseiller de la chambre, et M. Bétron, greffier de chambre, La chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. M. I... U... a été placé en détention provisoire, dans le cadre d'une procédure criminelle le 22 septembre 2012. 3. La cour d'assises du Var, statuant en appel, l'a condamné à vingt ans de réclusion criminelle, le 10 mars 2017, du chef d'assassinat et complicité. Cette décision a été mise à exécution par l'administration pénitentiaire le 27 avril 2018 à réception de l'arrêt de la Cour de cassation, ayant déclaré irrecevable le pourvoi de M. U.... 4. Par ordonnance en date du 29 mai 2018, le juge de l'application des peines du tribunal de grande instance de Grasse a prononcé un retrait de crédit de réduction de peine à hauteur de trente jours à l'encontre de M. U..., sur la période du 27 avril 2016 au 27 avril 2017, en raison d'un incident en date du 5 juillet 2016, un téléphone portable, une batterie et une carte SIM ayant été trouvés lors d'une fouille inopinée. 5. M. U... a relevé appel de cette décision. Examen du moyen Enoncé du moyen 6. Le moyen est pris de la violation des articles 591, D 115-9 et D115-10 du code de procédure pénale. 7. Le moyen critique l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a infirmé la décision du juge de l'application des peines, alors que la peine ayant été ramenée à exécution à compter du 27 avril 2018, le juge d'application des peines disposait donc d'un délai de quatre mois, soit jusqu'au 27 août 2018 pour examiner la situation de M. U... au regard du retrait des crédits de réduction de peine, en application de l'article D115-10 du code de procédure pénale. Réponse de la Cour Vu l'article D. 115-10 du code de procédure pénale : 8. En cas de mauvaise conduite survenue pendant l'incarcération subie sous le régime de la détention provisoire, l'ordonnance du juge de l'application des peines retirant le bénéfice du crédit de réduction de peine doit intervenir dans le délai de quatre mois à compter de la date à laquelle la condamnation est ramenée à exécution, quelle que soit la date de l'événement caractérisant la mauvaise conduite du condamné. 9. Pour infirmer l'ordonnance du juge de l'application des peines, l'ordonnance attaquée énonce que ce dernier a fondé sa décision sur un incident en date du 5 juillet 2016 alors qu'en application de l'article D115-9 du code de procédure pénale, cette décision de retrait de crédit de réduction de peine ne peut intervenir au delà d'un délai d'un an à compter de la date du dernier événement caractérisant la mauvaise conduite du condamné. 10. En se déterminant ainsi, le président de la chambre de l'application des peines a méconnu le texte susvisé. 11. En effet, l'ordonnance du juge de l'application des peines retirant le bénéfice du crédit de réduction de peine pour un incident survenu pendant l'incarcération subie sous le régime de la détention provisoire était intervenue dans les quatre mois à compter de la date à laquelle la condamnation avait été ramenée à exécution. 12. La cassation est par conséquent encourue de ce chef. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance susvisée du président de la chambre de l'application des peines de la cour d'appel d'Aix-en- Provence, en date du 19 février 2019, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ; RENVOIE la cause et les parties devant la juridiction du président de la chambre de l'application des peines de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe du président de la chambre de l'application des peines de la cour d'appel d'Aix en Provence et sa mention en marge ou à la suite de l'ordonnance annulée ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-cinq mars deux mille vingt.
En application de l'article D. 115-10 du code de procédure pénale, l'ordonnance du juge de l'application des peines retirant le bénéfice du crédit de réduction de peine, pour un incident survenu pendant l'incarcération subie sous le régime de la détention provisoire, doit intervenir dans les quatre mois à compter de la date à laquelle la condamnation avait été ramenée à exécution. Encourt en conséquence la censure l'ordonnance du président de la chambre de l'application des peines qui énonce que la décision du juge de l'application des peines ne peut intervenir au-delà d'un délai d'un an à compter de la date du dernier événement caractérisant la mauvaise conduite du condamné
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N° R 19-85.121 FS-P+B+I N° 449 EB2 31 MARS 2020 CASSATION SANS RENVOI M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 31 MARS 2020 CASSATION sur le pourvoi de la société Depil Tech et la société Alésia Minceur ont formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-8, en date du 5 juin 2019, qui pour, complicité d'exercice illégal de la médecine, les a condamnées respectivement à 6 000 et 3 000 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils . Les pourvois sont joints en raison de la connexité. Des mémoires et des observations complémentaires ont été produits. Sur le rapport de M. Bellenger, conseiller, les observations de la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat de la société Alésia minceur, la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Depil Tech, et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 février 2020 où étaient présents M. Soulard, président, M. Bellenger, conseiller rapporteur, M. Pers, Mme Schneider, Mme Ingall-Montagnier, M. Lavielle, M. Samuel, Mme Goanvic, conseillers de la chambre, Mme Chauchis, Mme Méano, M. Leblanc, conseillers référendaires, M. Lagauche, avocat général, et Mme Guichard, greffier de chambre , La chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Les sociétés Depil Tech et Alésia Minceur ont été poursuivies devant le tribunal correctionnel du chef d'exercice illégal de la profession de médecin en raison de l'utilisation de dispositifs d'épilation à la lumière pulsée. 3. Les juges du premier degré ont déclaré les sociétés prévenues coupables. Certaines parties civiles, les prévenues et le procureur de la République, ont relevé appel de cette décision. Examen des moyens Sur le troisième moyen proposé pour la société Depil tech Enoncé du moyen 4. Le moyen est pris de la violation des articles 101 et 102 du Traité sur l'Union européenne, 49 du Traité CEE, 591 et 593 du code de procédure pénale. 5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande aux fins de saisine de la Cour de justice de l'Union européenne, rejeté l'exception d'illégalité de l'arrêté du 6 janvier 1962 et déclaré la société Depil Tech coupable de complicité d'exercice illégal de la médecine, alors « que le principe de libre concurrence et de liberté d'établissement s'impose en application des traités sur l'Union européenne ; que les restrictions à ce principe ne peuvent être justifiées que si elles sont proportionnées au but de protection de la santé publique et qu'il appartient aux juridictions nationales de procéder à une réévaluation des risques pour la santé publique au regard des dernières données techniques ou scientifiques ; qu'en se fondant cependant sur les dispositions de l'arrêté du 6 janvier 1962 tandis que le règlement UE 2017/745 du 5 avril 2017 exclut les appareils à lumière pulsée de la liste des dispositifs médicaux et que les rapports de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de 2016 excluent tout risque sérieux pour la santé, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision et a méconnu le principe précité, les articles 101 et 102 du Traité sur l'Union européenne, 49 du Traité CEE, 591 et 593 du code de procédure pénale. » Sur le premier moyen proposé pour la société Alésia Minceur Énoncé du moyen 4. Le moyen est pris de la violation des articles 101 et 102 du TFUE et 49 du TCE, 591 et 593 du code de procédure pénale. 5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande aux fins de saisine de la Cour de justice de l'Union européenne, rejeté l'exception d'illégalité de l'arrêté du 6 janvier 1962 et déclaré la Sarl Alésia Minceur coupable de complicité d'exercice illégal de la profession de médecin, faits commis du 20 mars au 1er août 2014, alors « que le juge répressif, saisi de poursuites du chef d'exercice illégal de la médecine, doit apprécier au moment où il statue la nécessité et la proportionnalité de l'interdiction aux non-médecins d'accomplir l'acte concerné sur la base d'une réévaluation des risques pour la santé publique au regard des données techniques et scientifiques actuelles et doit déterminer, au regard des prescriptions des traités de l'Union relatives à la libre concurrence, la liberté d'établissement et la libre prestation de services, si cette interdiction demeure un fondement valable aux poursuites pénales ; qu'en se bornant, pour apprécier le risque pour la santé humaine afférent à la pratique de l'épilation à lumière pulsée par des non-médecins, à se référer aux motifs de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 6 juin 2016 ayant donné lieu à un arrêt de la chambre criminelle du 29 janvier 2019 (p n° 16-85.746) (arrêt p. 20 et 25) lorsque, saisie par les sociétés prévenues d'éléments démontrant un changement de circonstances depuis l'arrêt du 6 juin 2016 relatifs à l'existence d'un consensus européen sur l'autorisation aux esthéticiens de la pratique de l'épilation à lumière pulsée, aux rapports et avis de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) d'octobre et décembre 2016 appelant à la révision d'une réglementation incohérente et à l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 20 décembre 2018 (RG n° 16/23275) excluant l'illicéité du contrat de franchise ayant pour objet l'activité d'épilation à lumière pulsée par des esthéticiens, éléments ayant conduit à l'élaboration d'un projet de décret qui pourrait, à court terme, autoriser la pratique de cet acte aux esthéticiens, elle aurait dû elle-même apprécier la nécessité et la proportionnalité de l'interdiction de cette pratique aux non-médecins, fondement des poursuites, au regard des données juridiques, techniques et scientifiques acquises au jour où elle a statué, la cour d'appel a méconnu les principes de libre concurrence, de liberté d'établissement et de libre prestation de services et les articles 101 et 102 du TFUE et 49 du TCE, ensemble les article 591 et 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 6. Les moyens sont réunis. Vu les articles 49 et 56 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) : 7. Il résulte de ces textes, tels qu'interprétés par la Cour de Justice de l'Union européenne (cf. notamment19 mai 2009, Apothekerkammer des Saarlandes et autres, C-171/07 et C-172/07), que la liberté d'établissement et la libre prestation de services ne peuvent faire l'objet de restrictions justifiées par des raisons impérieuses d'intérêt général, que si ces mesures s'appliquent de manière non discriminatoire, sont propres à garantir de façon cohérente, la réalisation de l'objectif qu'elles poursuivent et ne vont pas au delà de ce qui est nécessaire pour l'atteindre. 8. En application des principes de primauté et d'effet direct du droit communautaire, il incombe au juge national, chargé d'appliquer les dispositions du droit communautaire, d'assurer le plein effet de ces normes en laissant au besoin inappliquée toute disposition contraire de la législation nationale. 9. Pour déclarer les prévenus coupables de complicité d'exercice illégal de la médecine, l'arrêt attaqué énonce que l'article 2, 5°, de l'arrêté du 6 janvier 1962, modifié par l'arrêté du 13 avril 2007, prévoit que les épilations autres qu'à la cire ou à la pince, doivent être effectuées par un docteur en médecine et que la Cour de cassation s'est prononcée à plusieurs reprises sur l'illégalité de l'épilation au laser ou à la lumière pulsée pratiquée par des non médecins estimant que cette restriction ne porte pas atteinte aux principes de libre établissement, de libre prestation de service et de libre concurrence. 10. Cette dernière assertion est exacte (cf. en dernier lieu, Crim., 29 janvier 2019, n° 16-85.746). 11. Cependant, le Conseil d'Etat, dans un arrêt du 8 novembre 2019 (n° 424954), a estimé que l'interdiction de l'épilation à la lumière pulsée par les esthéticiens méconnaît, en tant qu'elle réserve ces modes d'épilation aux seuls docteurs en médecine, la liberté d'établissement et la libre prestation de services garanties par les articles 49 et 56 du TFUE. 12. En effet, en premier lieu, ladite interdiction n'est pas justifiée dès lors que les appareils utilisés peuvent être acquis et utilisés par de simples particuliers et que leur usage est autorisé aux esthéticiens pour les soins de photorajeunissement qui présentent des risques identiques à ceux concernant l'épilation. 13. En second lieu, si l'épilation à la lumière pulsée est susceptible d'avoir des effets indésirables légers, selon le rapport et l'avis de l'Agence nationale de la santé sanitaire (ANSES) d'octobre et décembre 2016, et d'être soumise à des restrictions pour des motifs d'intérêt général, il n'en résulte pas que ces actes d'épilation ne puissent être effectués que par un médecin. 14. Au demeurant le gouvernement français a notifié à la Commission européenne un projet de décret ouvrant la pratique de l'épilation à la lumière pulsée aux esthéticiens sous certaines conditions de formation. 15. Au vu de ces éléments, il y a lieu de revenir sur la jurisprudence antérieure et de considérer que l'interdiction de l'épilation à la lumière pulsée par des personnes autres que des médecins est contraire aux articles précités du TFUE. 16. Il s'ensuit que les sociétés prévenues ne peuvent être légalement condamnées pour complicité d'exercice illégal de la médecine. 17. La cassation est encourue. Elle aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens proposés, la Cour : CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 5 juin 2019, RAPPELLE que du fait de la présente décision, le jugement de première instance perd toute force exécutoire en ce qui concerne les sociétés Depil Tech et Alésia Minceur. DIT n'y avoir lieu à renvoi . ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le trente et un mars deux mille vingt.
L'interdiction de l'épilation à la lumière pulsée par des personnes autres que des médecins est contraire aux articles 49 et 56 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) relatifs à la liberté d'installation et à la libre prestation de services. D'une part, ladite interdiction n'est pas justifiée dès lors que les appareils utilisés peuvent être acquis et utilisés par de simples particuliers et que leur usage est autorisé aux esthéticiens pour les soins de photo-rajeunissement qui présentent des risques identiques à ceux concernant l'épilation. D'autre part, si l'épilation à la lumière pulsée est susceptible d'avoir des effets indésirables légers, selon le rapport et l'avis de l'Agence nationale de la santé sanitaire (ANSES) d'octobre et décembre 2016, et d'être soumise à des restrictions pour des motifs d'intérêt général, il n'en résulte pas que ces actes d'épilation ne puissent être effectués que par un médecin
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N° A 19-80.875 F-P+B+R+I N° 487 EB2 1ER AVRIL 2020 REJET M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 1ER AVRIL 2020 REJET du pourvoi formé par la société Pralong contre l'arrêt n° 3 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 2ème section, en date du 17 décembre 2018, qui, dans l'information suivie contre elle, notamment du chef de blanchiment aggravé, a confirmé l'ordonnance de saisie pénale rendue par le juge des libertés et de la détention. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de Mme Planchon, conseiller, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Pralong, et les conclusions de Mme Moracchini, avocat général, après débats en l'audience publique du 19 février 2020 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Planchon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre , La chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Le 4 mai 2010, Tracfin a effectué un signalement auprès du procureur de la République de Paris concernant les opérations de rachat à hauteur de 18 millions d'euros de plusieurs biens immobiliers de luxe dans toute la France et, notamment, à Courchevel par la société holding Société des Hôtels d'Altitude (SHA), créée en 2007, les fonds ayant servi à ces acquisitions ayant transité par des comptes bancaires étrangers détenus par des sociétés écrans situées au Luxembourg ou à Chypre. 3. Les statuts constitutifs de la société SHA faisaient référence à la société Russian Investment Group (RI Group), représentée par Mme Q..., se faisant également appeler K... Y... ou K... X..., de nationalité américaine, épouse de M. G... O..., ancien ministre des finances de la région de Moscou. L'enquête diligentée en Russie à l'encontre de ce couple et de la société RI Group du chef de détournement de fonds publics, laissait soupçonner des opérations financières liées à un processus de blanchiment de crime ou de délit, M. O..., en sa qualité de premier vice-président et ministre des finances du gouvernement de la région de Moscou, étant soupçonné d'avoir constitué une organisation délictuelle avec son épouse et plusieurs autres personnes, et obtenu, grâce à l'établissement de faux contrats conclus entre des sociétés gérées par eux et des structures publiques municipales, la cession, au bénéfice des premières, de droits de créance détenus par les secondes pour un montant total de 3,8 milliards de roubles. 4. La SHA était l'associée unique de la société des Hôtels Pralong et Crystal 2000 (SHPC 2000), propriétaire des hôtels Crystal et Pralong, à Courchevel dont la dissolution anticipée est intervenue le 18 septembre 2008. 5. A la suite de ce signalement, le procureur de la République de Paris a diligenté une enquête préliminaire sur les faits de blanchiment commis en France, tandis que le procureur de la République d'Albertville, saisi par les autorités judiciaires russes d'une demande d'entraide, a également ouvert une enquête préliminaire du chef de blanchiment en bande organisée aux fins de vérifier si les personnes visées dans cette demande n'avaient pas effectué d'autres investissements mobiliers ou immobiliers sur le territoire français, financés par le produit des infractions commises en Russie. Il s'est finalement dessaisi en faveur du parquet JIRS de Lyon, qui s'est dessaisi à son tour au profit du procureur de la République financier. 6. Les investigations réalisées dans le cadre de l'enquête préliminaire ont permis d'établir que la SHA, présidée par Mme Q..., avait pour objet principal l'acquisition de la société des Hôtels Pralong et Crystal 2000 (SHPC 2000) pour le compte de la RI Group LLC, société de droit américain, dirigée par Mme Q.... 7. Cette acquisition, pour un montant de 45 millions d'euros, a été financée par deux prêts d'un montant respectif de 33,8 millions d'euros et de 11,6 millions d'euros, contractés auprès de la société Laziar Holding Ltd, société de droit chypriote, elle même financée, à hauteur de 11 millions d'euros, par la société RI Group, qui devenait ainsi l'unique créancière du groupe SHA. 8. L'exploitation de matériels informatiques saisis lors de la perquisition diligentée dans l'appartement parisien occupé par Mme Q... a permis de démontrer l'intervention de celle-ci dans la gestion des hôtels Pralong et Crystal et d'établir que la SCI Beralto, détenue par elle, a bénéficié d'un virement provenant du compte russe de la société Alderly Ltd, sise à Chypre, qui apparaît dans le dossier russe comme une société intermédiaire pour le compte de laquelle les produits des détournements ont été versés au vendeur des deux hôtels de Courchevel. 9. Le 13 mai 2015, en réponse à une demande d'entraide judiciaire adressée par le procureur de la République financier, le Comité d'instruction de la fédération de Russie a confirmé que l'enquête russe avait établi que le couple O... Q... avait participé à une bande organisée du 16 novembre 2005 au 28 novembre 2008 qui s'était livrée à des infractions « classées comme graves selon le code pénal de la Fédération de Russie » et que les intéressés avaient été renvoyés devant le tribunal russe. 10. Le 21 août 2015, le juge des libertés et de la détention, statuant sur une requête du procureur de la République financier du 20 août 2015, a autorisé la saisie de l'hôtel Pralong situé sur la commune de Saint-Bon-Tarentaise, propriété de la société Pralong. 11. La société Pralong a interjeté appel de cette ordonnance le 4 septembre 2018. Examen des moyens Sur le second moyen, pris en sa première branche 12. Le grief n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 13. Le moyen est pris de la violation des articles 705, 706-150 et 591 du code de procédure pénale. 14. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance ayant autorisé la saisie du bien immobilier situé sur la commune de Saint-Bon-Tarentaise (73120), station Courchevel 1850, représentant le lot [...] du lotissement de Pralong, figurant au cadastre de cette commune section [...], [...] alors « qu'en se fondant, pour ordonner la saisie de l'immeuble à la requête du procureur national financier, sur une enquête préliminaire portant sur des faits de blanchiment, commis en France, de délits de « détournements de fonds publics » commis en Russie, quand le procureur national financier n'est matériellement compétent pour accomplir des actes de poursuite que relativement au délit de blanchiment des seules infractions prévues aux articles 432-10 à 432-15, 433-1 et 433-2, 434-9, 434-9-1, 445-1 à 445-2-1 du code pénal, L. 106 à L. 109 du code électoral, 313-1 et 313-2 du code pénal, 435-1 à 435-10 du code pénal et 1741 et 1743 du code général des impôts, en sorte qu'il ne pouvait requérir la saisie pénale d'un immeuble pour des faits supposés de blanchiment d'un délit prévu et réprimé par le code pénal de la Fédération de Russie, qui n'entrent pas dans le champ de sa compétence matérielle, la chambre de l'instruction a violé les articles 705, 706-150 et 591 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 15. Le procureur de la République financier est compétent, en application du 6° de l'article 705 du code de procédure pénale, pour la poursuite du délit de blanchiment des infractions citées, notamment, aux 1° à 5° du même article, parmi lesquelles figure celle de détournement de biens publics prévue par l'article 432-15 du code pénal, lorsque les faits revêtent un caractère de complexité qui peut être caractérisé, notamment, par la dimension internationale des faits, la présence de multiples sociétés écrans dans plusieurs pays considérés comme des paradis fiscaux et des circuits de blanchiment complexes. 16. La Cour de cassation considère que les textes qui définissent le délit de blanchiment, qui est une infraction générale, distincte et autonome, n'imposent ni que l'infraction ayant permis d'obtenir les sommes blanchies ait eu lieu sur le territoire national ni que les juridictions françaises soient compétentes pour la poursuivre. 17. Selon la société demanderesse, le procureur de la République financier n'a été institué que pour veiller à la moralisation de la vie publique française et ne peut connaître du blanchiment d'infractions commises à l'étranger susceptibles de correspondre aux délits visés dans le livre IV du code pénal, consacré aux « crimes et délits contre la Nation, l'État et la paix publique ». 18. Cette interprétation stricte de l'article 705 susvisé, qui aboutirait à interdire à ce magistrat de connaître du délit de blanchiment de sommes provenant d'infractions commises à l'étranger et susceptibles de correspondre à celles constituant la catégorie des atteintes à la probité, va à l'encontre de la volonté du législateur qui, en votant la loi n° 2013-1115 du 6 décembre 2013, a souhaité doter l'organisation judiciaire d'un parquet hautement spécialisé dont l'objet, à la faveur d'une centralisation des moyens et des compétences, est de lutter contre les formes les plus complexes de la délinquance économique et financière à dimension, notamment, internationale. 19. Elle est également en contradiction avec la volonté des instances européennes et internationales qui tendent à favoriser la dimension internationale des poursuites en matière de blanchiment. 20. En l'espèce, les fonds investis dans l'acquisition de l'hôtel Pralong sont susceptibles de constituer le produit direct ou indirect de détournements qui auraient été commis par les époux O... Q... au préjudice des municipalités de la région moscovite. 21. Il résulte des pièces de la procédure et des énonciations de l'arrêt attaqué que M. O... a été renvoyé devant le tribunal russe des chefs de 22 infractions liées au détournement de droits de créance envers les structures municipales de la Région de Moscou pour la somme totale de 3,6 milliards de roubles, à la dilapidation de fonds budgétaires confiés à l'intéressé en sa qualité de ministre des finances de la Région de Moscou pour la somme totale de 3,8 milliards de roubles, au blanchiment des droits de créance et au détournement de fonds appartenant à la structure SRR pour la somme totale de 7,2 milliards de roubles, tandis que Mme Q... a été renvoyée devant la même juridiction des mêmes chefs, à l'exception de ceux reprochés à son époux en sa qualité de ministre des finances. 22. Ces faits, qui font intervenir des sociétés écrans situées dans plusieurs Etats étrangers, sont complexes au sens de l'article 705 susvisé. 23. Par ailleurs les investigations effectuées sur le territoire français permettent de soupçonner que l'acquisition du bien saisi par la société Pralong, gérée par Mme Q..., a été financée par des fonds constituant le produit des détournements susvisés. 24. En conséquence, la Cour de cassation étant en mesure de s'assurer que les faits constituant l'infraction d'origine du délit de blanchiment, commis en Russie et consistant dans le détournement de fonds au préjudice de personnes publiques, peuvent recevoir, en France la qualification de détournements de biens publics, faits prévus et réprimés par l'article 432-15 du code pénal, déjà en vigueur à la date de commission des faits par les mis en cause, c'est à bon droit que le procureur de la République financier a diligenté, en France, une enquête préliminaire sur le blanchiment de fonds qui en constituent le produit. 25. Ainsi, le moyen doit être écarté. Sur le second moyen, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 26. Le moyen est pris de la violation des articles 6, § 1er, de la Convention des droits de l'homme, 131-21 du code pénal, préliminaire, 706-150 et 593 du code de procédure pénale. 27. Le moyen critique l'arrêt en ce qu'il a confirmé l'ordonnance ayant autorisé la saisie du bien immobilier situé sur la commune de Saint-Bon-Tarentaise (73120), station Courchevel 1850, représentant le lot n° 2 du lotissement de Pralong, figurant au cadastre de cette commune section [...], [...] , alors : « 2°/ que la chambre de l'instruction qui, pour justifier d'une mesure de saisie pénale spéciale, s'appuie sur une ou des pièces précisément identifiées de la procédure, est tenue de s'assurer que celles-ci ont été communiquées à la partie appelante ; qu'en se fondant, pour « considérer que l'Hôtel Pralong 2000 constitu[ait] l'objet de l'infraction de blanchiment du produit direct ou indirect du délit de détournement de fonds publics commis en Russie » (arrêt, p. 18, § 3), sur le procès-verbal d'audition du commissaire aux comptes de la société SHA (arrêt, p. 17, § 8 et 9) et sur les informations figurant dans une réponse des autorités russes (arrêt, p. 17, § 11, et p. 18, § 1er), uniquement « exposées dans la requête aux fins de saisie » (arrêt, p. 18, § 1er), quand aucune de ces pièces de la procédure, postérieures à la note de Tracfin communiquée, n'avait été mise à la disposition de la société Pralong, la chambre de l'instruction a violé les articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 131-21 du code pénal, préliminaire, 706-150 et 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 28. Pour confirmer l'ordonnance de saisie de l'hôtel Pralong rendue par le juge des libertés et de la détention l'arrêt attaqué relève qu'il résulte de la note Tracfin du 4 mai 2010 que Mme Q..., épouse de M. O..., ancien ministre des finances de la région de Moscou, serait la fondatrice et gérante de la société de droit américain "RI Group", spécialisée dans l'immobilier, au coeur d'une enquête russe portant sur des détournements de fonds publics. 29. Les juges ajoutent que la holding SHA, entièrement détenue par la société luxembourgeoise Solférino Development, elle-même détenue par sept sociétés également luxembourgeoises, a acquis plusieurs hôtels de luxe dont l'hôtel Pralong 2000 à Courchevel, alors que le montant de son capital, 37.000 euros apparaissait en inadéquation avec le montant des financements nécessaires à de telles opérations et qu'aucun flux destiné à ces acquisitions n'avait transité sur l'unique compte de la société SHA ouvert auprès du Crédit Lyonnais. 30. Ils constatent que les statuts constitutifs de W... mentionnent "les actes à accomplir pour le compte de la société en formation, à savoir la réalisation de toutes opérations permettant l'acquisition de tout ou partie du capital de la société des Hôtels Pralong et Crystal 2000 à Courchevel, en substitution de la société américaine RI Group représentée par Mme Q... ainsi que le financement de cette acquisition " et qu'à la suite de la prise de participation dans la société des Hôtels Pralong et Crystal 2000 par SHA, M. C... U..., avocat suisse représentant les intérêts de Mme Q..., en est devenu le gérant. 31. Ils relèvent que l'origine des fonds mobilisés pour acquérir l'hôtel Pralong 2000 n'a pu être identifiée puisque ceux-ci n'ont pas transité par un compte ouvert au nom de la société SHA et qu'il ressort des éléments exposés dans la requête du procureur de la République financier aux fins de saisie que Mme Q... a pris la présidence de la société chypriote "Celaderia Investments Ltd" le 13 octobre 2009 qui dirige la société SHA. 32. Les juges soulignent qu'il ressort des éléments exposés dans la requête susvisée que le commissaire aux comptes du groupe SHA a déclaré avoir rencontré à Paris Mme Q... qui s'était présentée à lui comme représentante de la société américaine RIP Group et lui avait fait part de son intention d'acquérir les deux hôtels de luxe situés à Courchevel et un château en Dordogne appartenant à la société des Hôtels Pralong et Crystal 2000 à Courchevel, ce témoin ayant par ailleurs précisé que le prix d'acquisition des deux hôtels de Courchevel avait été fixé à 45 millions d'euros financé au moyen de deux prêts d'un montant respectif de 33,8 et 11,6 millions d'euros, contractés auprès de la société Lazar Holding Ltd, société de droit chypriote, elle-même financée à hauteur de 11 millions d'euros, auprès de la société RI Group, d'autres règlements provenant de sociétés basées sur le territoire des Iles Vierges Britanniques. 33. Ils relèvent que la société Lazar Holding Ltd a été ensuite absorbée par la société américaine RI Group, dirigée par Mme Q... qui est ainsi devenue l'unique créancière du groupe SHA. 34. Les juges rappellent que les autorités russes ont confirmé l'existence d'une enquête pénale mettant en cause M. O... et Mme Q..., ainsi que d'autres personnes, puis leur renvoi devant une juridiction de jugement du chef, notamment, de détournement de droits de créance commis au préjudice de structures municipales publiques pour un montant de 3,6 milliards de roubles et blanchiment de ce détournement. 35. La chambre de l'instruction énonce qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments, issus de la note Tracfin du 4 mai 2010 et de la requête du procureur de la République financier aux fins de saisie, que des faits, impliquant Mme Q... et son époux, pouvant être qualifiés en droit pénal français de détournement de fonds publics, ont été commis sur le territoire russe entre le 16 novembre 2005 et le 28 novembre 2008 pour un montant de 3,6 milliards de roubles, soit environ 97 millions d'euros au cours de change moyen en vigueur à l'époque des faits et que l'acquisition de biens en France, notamment l'hôtel Pralong 2000 à Courchevel, constitue une opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect des délits commis en Russie. Les informations transmises par les autorités russes, exposées dans la requête aux fins de saisie, caractérisent suffisamment le lien existant entre les détournements commis en Russie et l'acquisition des deux hôtels situés à Courchevel, dont l'hôtel Pralong 2000, puisqu'une partie du prix versé au vendeur de ces biens provenait d'un compte de la société Alderly Limited sise à Chypre, lui-même alimenté par des fonds provenant de la société RI Group, lui-même encore alimenté par un compte de la société Confael crédité par le montant des prêts, environ 3,8 milliards de roubles, obtenus en apportant en garantie les droits de créance détournés. 36. Elle énonce également que le lien existant entre cet investissement, l'achat de l'hôtel Pralong 2000, et les infractions commises en Russie est conforté par les constatations de Tracfin, qui mettent, notamment, en évidence l'opacité du circuit de financement de cette acquisition et la qualité de bénéficiaire réel de l'opération de Mme Q... et que les pièces du dossier, dont la requérante a eu connaissance, sont ainsi suffisantes pour considérer que l'hôtel Pralong 2000 constitue l'objet de l'infraction de blanchiment du produit direct ou indirect du délit de détournement de fonds publics commis en Russie, pour laquelle Mme Q... est susceptible d'être poursuivie et condamnée, la confiscation de ce bien étant, en cas de condamnation, encourue en application de l'article 131-21 alinéa 3 du code pénal. 37. Elle conclut que les pièces dont l'appelant a eu connaissance sont suffisantes pour justifier la saisie et que celle-ci portant sur un bien objet, dans sa totalité, du blanchiment du produit direct ou indirect de l'infraction de détournement de fonds publics commise en Russie, le principe de proportionnalité n'a pas lieu de s'appliquer. 38. En prononçant ainsi, et dès lors qu'il a été communiqué à la société requérante les pièces sur la base desquelles la chambre de l'instruction s'est prononcée, et, notamment, la requête du procureur de la République financier faisant état tant du témoignage du commissaire aux comptes de la société W... que du contenu de la demande d'entraide pénale internationale, cette juridiction a justifié sa décision. 39. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le premier avril deux mille vingt.
Le procureur de la République financier est compétent, en application du 6° de l'article 705 du code de procédure pénale, pour la poursuite du délit de blanchiment des infractions figurant, notamment, aux 1° à 5° du même article, parmi lesquelles figure celle de détournement de biens publics prévue par l'article 432-15 du code pénal, lorsque les faits revêtent un caractère de complexité qui peut être caractérisé, notamment, par la dimension internationale des faits, la présence de multiples sociétés écrans dans plusieurs pays considérés comme des paradis fiscaux et des circuits de blanchiment complexes Une interprétation stricte de l'article 705 susvisé, tendant à interdire au procureur de la République financier, de connaître du délit de blanchiment de sommes, produit d'infractions commises à l'étranger pouvant correspondre à l'un des délits susvisés va à l'encontre de la volonté du législateur qui, en votant la loi n° 2013-1115 du 6 décembre 2013, a souhaité doter l'organisation judiciaire d'un parquet hautement spécialisé dont l'objet, à la faveur d'une centralisation des moyens et des compétences, est de lutter contre les formes les plus complexes de la délinquance économique et financière à dimension, notamment, internationale. Elle est également en contradiction avec la volonté des instances européennes et internationales qui tendent à favoriser la dimension internationale des poursuites en matière de blanchiment. Justifie en conséquence sa décision la chambre de l'instruction qui confirme la saisie d'un bien immobilier ordonnée dans le cadre d'une enquête préliminaire ouverte par le procureur de la République financier du chef de blanchiment aggravé de sommes constituant le produit d'un délit commis à l'étranger consistant dans le détournement de fonds au préjudice de personnes publiques à l'aide de sociétés écrans localisées dans d'autres pays étrangers, dès lors que la Cour de cassation est en mesure de s'assurer que ces faits peuvent recevoir, en France la qualification de détournements de biens publics, faits prévus et réprimés par l'article 432-15 du code pénal, déjà en vigueur à la date de commission des faits par les mis en cause.
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N° N 19-81.760 F-P+B+I N° 489 EB2 1ER AVRIL 2020 REJET M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 1ER AVRIL 2020 REJET du pourvoi formé par le Crédit du Nord Monaco contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 14 février 2019, qui, dans la procédure de gel des avoirs concernant les biens immobiliers de la société Allegra, a confirmé l'ordonnance d'incompétence du juge d'instruction . Des mémoires ont été produits, en demande et en défense. Sur le rapport de Mme Planchon, conseiller, les observations de la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat de Crédit du Nord Monaco, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la SCI Allegra, et les conclusions de Mme Moracchini, avocat général, après débats en l'audience publique du 19 février 2020 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Planchon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre , La chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Les époux M..., ressortissants roumains, demeurant en Roumanie, ont créé la SCI Allegra aux fins d'acquérir deux biens immobiliers situés dans la commune de Ramatuelle pour un prix total de 6 495 000 euros. 3. Cet achat a été financé intégralement par un prêt en date du 5 juin 2014 auprès du Crédit du Nord qui bénéficie d'une inscription de privilège de prêteur de deniers pour l'un des biens et d'une inscription d'hypothèque conventionnelle sur le deuxième bien. 4. La SCI Allegra ayant cessé ses remboursements à compter de juin 2015, la banque a prononcé la déchéance du terme du contrat de prêt le 17 septembre 2015 et a mis le débiteur en demeure de lui régler la somme de 3 063 175,56 euros, a fait délivrer un commandement de payer par voie d'huissier valant saisie le 25 novembre 2015 et a engagé une procédure civile devant le juge de l'exécution immobilier du tribunal de grande instance de Draguignan le 22 avril 2016 aux fins de voir ordonner la vente forcée des lots visés par le commandement. 5. Le 28 janvier 2016, les autorités judiciaires roumaines ont notifié à M. Q... M..., soupçonné, notamment, de corruption et de blanchiment, une ordonnance de séquestre conservatoire sur chacun de ces deux biens susceptibles d'avoir été acquis avec le produit des infractions susvisées. 6. A la suite du rejet de sa contestation, les mêmes autorités ont, le 1er février 2016, sollicité l'exécution d'une mesure de gel concernant les deux biens immobiliers et adressé, à cette fin, au procureur de la République, le certificat de gel ainsi qu'une demande d'entraide judiciaire. 7. Le juge d'instruction de Draguignan a fait droit à ces demandes de gel par ordonnances du 22 avril 2016. 8. La chambre de l'instruction, saisie par la SCI Allegra, d'une contestation de ces décisions, a déclaré celle-ci irrecevable comme tardive par un arrêt du 10 novembre 2016 confirmé par la Cour de cassation par décision en date du 5 avril 2018. 9. Le 6 juillet 2016 la société Crédit du Nord a adressé au magistrat instructeur une requête sur le fondement de l'article 706-146 du code de procédure pénale afin d'être autorisée à poursuivre les mesures d'exécution en cours en sa qualité de créancier titulaire de sûretés et muni d'un titre exécutoire. 10. Le magistrat instructeur s'est déclaré incompétent pour statuer sur cette demande par ordonnance du 22 août 2018 dont le Crédit du Nord a interjeté appel. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 11. Le moyen est pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 695-9-1, 695-9-15, 706-150, 706-144, 746-146, 591 à 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale. 12. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance entreprise du 22 août 2018 ayant constaté que la demande d'autorisation de mettre en oeuvre une procédure civile d'exécution en application de l'article 706-146 du code de procédure pénale sur les biens immobiliers situés [...] (n° 172 et 173) ne relevait pas de la compétence du magistrat instructeur, alors « que, la décision de gel de biens est soumise aux mêmes règles et entraîne les mêmes effets juridiques que les décisions de gel de biens ordonnées à des fins de confiscation ultérieure sont exécutées, aux frais avancés du Trésor, selon les modalités prévues par le code de procédure pénale ; que l'article 706-146 de ce code prévoit que si le maintien de la saisie du bien en la forme n'est pas nécessaire, un créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut être autorisé, dans les conditions prévues à l'article 706-144, à engager ou reprendre une procédure civile d'exécution sur le bien, conformément aux règles applicables à ces procédures ; que l'article 706-144 prévoit, à cet égard, que le magistrat qui a ordonné ou autorisé la saisie d'un bien ou le juge d'instruction en cas d'ouverture d'une information judiciaire postérieurement à la saisie sont compétents pour statuer sur toutes les requêtes relatives à l'exécution de la saisie ; qu'en l'espèce, par deux ordonnances du 22 avril 2016, le juge d'instruction de Draguignan avait ordonné, en exécution de la demande de gel émanant des autorités judiciaires roumaines, la saisie pénale immobilière de biens appartenant à la SCI Allegra, de sorte que ce juge était compétent pour statuer sur toutes les requêtes relatives à l'exécution de la saisie telle que celle relative à la reprise d'une procédure civile d'exécution sur les biens saisis ; qu'en décidant le contraire, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes et principes susvisés. » Réponse de la Cour 13. Pour confirmer l'ordonnance d'incompétence du juge d'instruction, l'arrêt attaqué énonce qu'il n'incombe pas à ce juge de se prononcer sur le sort des biens mis sous main de justice alors que seul le magistrat qui avait ordonné ou autorisé la saisie est compétent pour le faire. 14. Les juges ajoutent qu'en l'espèce, le juge français, qui a exécuté au regard de conventions internationales la mission qui lui avait été confiée, peut toutefois, conformément aux dispositions de l'article 695-9-30 du code de procédure pénale, ordonner la mainlevée totale ou partielle de la mesure, après avoir permis à l'autorité étrangère de se prononcer sur la demande conformément aux dispositions précitées. En l'espèce, le juge d'instruction a, par courriel du 2 février 2018, sollicité les autorités roumaines qui sont demeurées taisantes, ne permettant pas au juge de se prononcer. 15. Les juges relèvent qu'en tout état de cause, l'autorité judiciaire n'était pas saisie sur le fondement du texte ci-dessus mentionné, mais sur les dispositions de l'article 706-144 du même code qui précisent que seul le juge ayant ordonné ou autorisé la saisie d'un bien peut se prononcer sur une pareille demande. 16. Ils soulignent que l'autonomie du droit des saisies spéciales à l'égard des procédures d'exécution des décisions de gel de biens prises par les autorités étrangères telles qu'elles sont organisées par les articles 695-9-1 et suivants du code de procédure pénale a été affirmée par la chambre criminelle de la Cour de cassation dans deux arrêts en date du 13 février 2013 par lesquels elle a considéré que le recours contre la "saisie" du solde créditeur d'un compte bancaire en exécution de la décision de gel de biens rendue par l'autorité judiciaire néerlandaise devait être formé dans les conditions de l'article 695-9-22 du code de procédure pénale, seul applicable en l'espèce, et non dans celles de l'article 706-148 du même code relatif à la saisie de patrimoine qui était invoquée par l'établissement bancaire qui, s'estimant créancier privilégié, avait interjeté appel contre la décision de saisie. 17. La chambre de l'instruction conclut qu'en l'état de la procédure, il appartenait aux autorités roumaines de se déterminer et non au magistrat instructeur français qui n'avait reçu pour mandat, en vertu de conventions internationales, que de ramener à exécution la demande d'entraide pénale internationale dont il était porteur. 18. En prononçant ainsi, la chambre de l'instruction a justifié sa décision. 19. En effet, le juge français qui a pour mission d'exécuter une mesure de gel décidée par une juridiction étrangère en vertu des dispositions des articles 695-9-1 et suivants du code de procédure pénale, ne dispose pas des pouvoirs à lui dévolus par les articles 706-144 et 706-146 du même code lorsqu'il ordonne lui-même une mesure de saisie. 20. Ainsi, le moyen doit être écarté. Sur le second moyen Enoncé du moyen 21. Le moyen est pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 695-9-30, 591 à 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale. 22. Le moyen critique l'arrêt en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande subsidiaire du Crédit du Nord Monaco tendant à la mainlevée de la mesure de gel litigieuse alors, « que la mainlevée totale ou partielle de la mesure de gel peut être demandée par toute personne intéressée ; qu'une telle demande peut être formée pour la première fois devant la chambre de l'instruction saisie de l'appel d'une ordonnance qui avait statué sur une demande, fondée sur l'article 706-146 du code de procédure pénale, tendant à la reprise d'une procédure de saisie immobilière initiée avant la saisie pénale intervenue en exécution de la mesure de gel ; qu'en décidant le contraire, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes et principes susvisés. » Réponse de la Cour 23. Pour déclarer irrecevable la demande de mainlevée de la mesure de gel présentée devant la chambre de l'instruction par le Crédit du Nord, l'arrêt attaqué relève au préalable qu'en vertu de l'article 695-9-30 du code de procédure pénale, la société Crédit du Nord peut solliciter la mainlevée de la décision de gel. 24. Les juges ajoutent que, saisie de la demande d'autorisation de poursuivre la procédure de saisie, unique objet de l'appel, la chambre de l'instruction ne peut se prononcer sur la demande de mainlevée de gel des biens immobiliers et qu'il appartient à la société Crédit du Nord de saisir le juge d'instruction à cette fin. 25. La chambre de l'instruction conclut que la demande subsidiaire est irrecevable comme n'ayant pas été formée préalablement devant le juge d'instruction. 26. En l'état de ces énonciations, et dès lors que le demandeur ne pouvait, à l'occasion d'un appel contre l'ordonnance par laquelle le juge d'instruction s'est déclaré incompétent pour statuer sur une demande d'autorisation de reprendre une procédure d'exécution civile contre un bien faisant l'objet d'une mesure de gel exécutée par ce magistrat, saisir la chambre de l'instruction d'une demande de mainlevée de cette mesure, étrangère à l'unique objet de l'appel, la chambre de l'instruction a justifié sa décision. 27. Dès lors, le moyen n'est pas fondé. 28. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le premier avril deux mille vingt.
Le juge français qui a pour mission d'exécuter une mesure de gel décidée par une juridiction étrangère, en vertu des dispositions des articles 695-9-1 et suivants du code de procédure pénale, ne dispose pas des pouvoirs à lui dévolus par les articles 706-144 et 706-146 du même code lorsqu'il ordonne lui-même une mesure de saisie
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N° Z 19-80.069 F-P+B+I N° 636 SM12 1ER AVRIL 2020 CASSATION PARTIELLE M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 1ER AVRIL 2020 CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par M. L... S... contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 5-14, en date du 26 septembre 2018, qui, dans la procédure suivie contre lui des chefs d'escroquerie, abus de biens sociaux et blanchiment, a prononcé sur les intérêts civils. Des mémoires, en demande et en défense, et des observations complémentaires ont été produits. Sur le rapport de M. Ascensi, conseiller référendaire, les observations de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de M. L... S..., les observations de Me Bouthors, avocat de la Caisse de retraite du personnel navigant professionnel de l'aéronautique civile, partie civile, et de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Fides, prise en sa qualité de liquidateur de la société Global Equities, partie civile et les conclusions de M. Valat, avocat général, après l'intervention de M. l'avocat général, la parole a été à nouveau donnée aux avocats présents et en dernier lieu à l'avocat du demandeur, après débats en l'audience publique du 4 mars 2020 où étaient présents M. Soulard, président, M. Ascensi, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Guichard, greffier de chambre, M. Valat, avocat général, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. M. S..., en sa qualité de président, puis d'administrateur, de la société anonyme d'investissement Global Equities, a été poursuivi devant le tribunal correctionnel des chefs d'escroquerie commise au préjudice de la caisse de retraite du personnel navigant professionnel de l'aéronautique civile (ci-après "la CRPN"), abus de biens sociaux au préjudice de la société Global Equities, et blanchiment. 3. Il lui était notamment reproché d'avoir trompé la CRPN pour la déterminer à lui remettre des fonds, en l'espèce, des courtages excessifs eu égard aux pratiques en vigueur et dont le taux était déterminé arbitrairement par lui seul, de façon occulte, et en profitant de la pratique des opérations en net, à hauteur de 2 759 959 euros sur les opérations actions, 1 886 753 euros sur les opérations réalisées sur les US Strips et 817 716 euros sur les opérations réalisées dans le cadre de la gestion du fonds commun de placement Socrate. 4. Il lui était par ailleurs reproché, en sa qualité de président, puis d'administrateur, de la société Global Equities, d'avoir détourné une partie du chiffre d'affaires de cette société émanant de la société Pershing à hauteur de la somme de 339 059,26 euros, sans intégrer cette somme en comptabilité et en procédant à son virement vers un compte à l'étranger ouvert au nom de la société. 5. Il lui était enfin reproché d'avoir blanchi le produit du délit d'abus de biens sociaux en faisant échapper à la comptabilité de la société Global Equities 30 % du chiffre d'affaires émanant de la société Pershing et revenant à la société en ne l'entrant pas en comptabilité et en le faisant virer directement sur un compte ouvert au nom de la société dans les livres de la Banque générale du Luxembourg, et ce en utilisant les facilités procurées par l'exercice de l'activité professionnelle de la société Global Equities, société d'investissement. 6. Par jugement du 23 février 2016, le tribunal correctionnel a constaté l'extinction de l'action publique du fait de l'autorité de la chose jugée s'agissant des faits d'escroquerie, et est entré en voie de condamnation pour le surplus des faits reprochés à M. S.... 7. Sur les intérêts civils, le tribunal a débouté la CRPN de ses demandes en raison de l'extinction de l'action publique. 8. M. S... a par ailleurs été condamné à payer à la société EMJ, en sa qualité de liquidateur de la société Global Equities, la somme de 339 059,26 euros à titre de dommages et intérêts. 9. La CRPN a relevé appel de la décision, ainsi que M. S..., qui a précisé que son appel portait uniquement sur les intérêts civils dus à la société EMJ en sa qualité de liquidateur de la société Global Equities. 10. Le ministère public n'a pas relevé appel de la décision. Examen des moyens Sur le second moyen 11. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Mais sur le premier moyen Enoncé du moyen 12. Le moyen est pris de la violation des articles 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, 2, 3, 6, 459, 464, 497 et 512 du code de procédure pénale, 1382 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, devenu l'article 1240 du même code, 591 et 593 du code de procédure pénale, défauts de motifs et manque de base légale. 13. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré la Caisse de retraite du personnel navigant (CRPN) recevable en sa constitution de partie civile et a condamné M. S... à lui payer la somme de 6 545 673,40 euros à titre de dommages et intérêts, alors : « 1°/ que les tribunaux répressifs ne sont compétents pour connaître de l'action civile en réparation du dommage né d'une infraction qu'accessoirement à l'action publique ; qu'il en résulte qu'ils ne peuvent se prononcer sur l'action civile qu'autant qu'il a été préalablement statué au fond sur l'action publique ; qu'en l'espèce, le tribunal correctionnel a constaté l'extinction de l'action publique à l'égard de M. S... du chef d'escroquerie ; que le ministère public n'a pas interjeté appel ; que l'action publique dirigée contre M. S... de ce chef est donc définitivement éteinte, sans qu'il ait jamais été statué au fond sur ce point par une juridiction répressive ; que par conséquent, la cour d'appel ne pouvait déclarer recevable l'action civile exercée par la CRPN à l'encontre de M. S... pour l'indemnisation du préjudice causé par les faits visés dans la prévention d'escroquerie ; 2°/ que, subsidiairement, M. S... faisait valoir qu'à compter de 1997, les opérations sur actions réalisées par la société Global Equities pour le compte de la CRPN n'était plus rémunérées par un taux de courtage, mais par des écarts de cours, entre le cours brut tel que pratiqué par le marché et le cours net accepté par le client (concl., p. 16 § 4 et s.) ; qu'il soutenait ainsi que depuis 1997, la rémunération de la société Global Equities résultait du bénéfice tiré d'opérations d'achat et de revente, et non d'une « rémunération par commission de courtage » (concl., p. 16 § 5) ; qu'il en déduisait que depuis 1997, le mode de rémunération de la société Global Equities avait été totalement modifié, entraînant « un bouleversement des relations contractuelles » entre les parties auquel la CRPN avait pleinement consenti dans le but de bénéficier d'une exemption de TVA (concl., p. 16 § 6) ; que cependant, la cour d'appel, pour évaluer le montant de l'indemnisation allouée à la CRPN, s'est bornée à se référer au taux de courtage qui aurait été convenu entre les parties en 1998 ; qu'elle ne pouvait statuer ainsi sans répondre aux conclusions de M. S..., qui faisait au contraire valoir que depuis 1997 il n'était plus rémunéré par une commission de courtage ; 3°/ que, en toute hypothèse, le préjudice résultant d'une infraction doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour la victime ; qu'en l'espèce, s'agissant des demandes formulées par la CRPN au titre des opérations sur actions, la cour d'appel a relevé que M. S... avait indiqué que dans ses relations avec la CRPN, les taux de courtage négociés de 0,25 % et de 0,20 % étaient « indicatifs » ; qu'il en résultait, ainsi que le soutenait M. S..., que le taux de 0,20 % n'avait pas fait l'objet d'un accord de volonté et qu'il pouvait être dépassé, en raison notamment de la qualité des prestations fournies (concl., p. 29 § 2 et s.) ; que cependant, la cour d'appel, pour évaluer le montant de l'indemnisation allouée à la CRPN, a calculé la différence entre la commission décidée par M. S..., « et celle qui aurait dû être appliquée, soit 0,25 % puis 0,20 % à partir de janvier 2001 » ; que la cour d'appel ne pouvait statuer ainsi sans répondre aux conclusions de M. S... qui faisait valoir que le taux de 0,2 % n'avait jamais été contractualisé entre les parties ; 4°/ que, subsidiairement, au titre de la rémunération des opérations réalisées sur le marché des « US Strips », M. S... soutenait qu'il n'existait aucun usage déterminé pour ce type de transaction, particulièrement complexes (concl., p. 31 § 5) ; qu'il faisait notamment valoir à ce titre que le taux de commission d'usage de 0,005 % retenu par la Commission des opérations de bourse, devenue l'Autorité des marchés financiers, était artificiel (concl., p. 31 § 4) et que l'application de ce taux était dénuée de caractère sérieux (concl., p. 31 § 2) ; que cependant, la cour d'appel s'est bornée à se fonder, pour évaluer le montant des sommes dues par M. S... au titre des opérations sur le marché des « US Strips », sur ce prétendu taux de commission d'usage de 0,005 % (arrêt, p. 21 § 1) ; que la cour d'appel ne pouvait statuer ainsi sans répondre aux conclusions de M. S... qui contestait l'existence d'un « taux d'usage » pour ce type d'opérations ; 5°/ que, subsidiairement, M. S... faisait valoir que la détermination du « taux d'usage » sur un marché financier supposait au préalable d'identifier le marché concerné ; qu'il soutenait ainsi que les opérations financières litigieuses étaient susceptibles d'être échangées sur deux marchés financiers distincts, celui de New York et celui de Paris, dont le taux d'usage en vigueur pouvait être différent (concl., p. 31 § 6) ; que l'identification du marché financier en cause était ainsi déterminante pour fixer le taux d'usage en vigueur et évaluer les sommes mises à la charge de M. S... ; que la cour d'appel ne pouvait donc se borner à faire application d'un taux d'usage de 0,005 % sans préciser, d'une part, sur quel marché financier ce taux était d'usage, et sans rechercher, d'autre part, sur quel marché financier les opérations financières litigieuses avaient été échangées ; 6°/ que M. S... faisait valoir que les opérations réalisées sur le marché « US Strips » avaient été particulièrement lucratives pour la CRPN, de sorte que la qualité des prestations était indiscutable (concl., p. 30 § 13 et s.) ; que par conséquent la cour d'appel ne pouvait calculer l'indemnisation allouée à la société Global Equities en appliquant le taux de commission d'usage de l'intermédiaire courtier pour les opérations sur le marché « US Strips » sans rechercher si la qualité des prestations de M. S... était de nature à justifier l'application d'un taux de commission de courtage supérieur au taux d'usage ; 7°/ que, en toute hypothèse, en se bornant à motiver sa décision par référence au rapport d'enquête de la Commission des opérations de bourse (D 377/31, D 377/35 et D 377/47) et ainsi retenir un montant de commissions excessivement perçues de, respectivement, 2 759 959 euros au titre des opérations sur actions, 1.886.753 euros au titre des opérations sur le marché « US Strips » (arrêt, p. 21 § 1) et 817.716 euros pour la gestion du fonds Socrate , tandis que ces montants étaient contestés par M. S... (concl., p. 10 § 9, p. 28 § 13 et s., p. 30 § 7 et p. 33 § 4), la cour d'appel a privé sa décision de base légale ; 8°/ que, enfin, pour condamner M. S... à verser à la CRPN la somme de 817 716 euros au titre de la gestion du fonds Socrate, la cour d'appel a jugé qu'il ressortait de l'enquête menée par la Commission des opérations de bourse que les taux de courtage pratiqués étaient excessifs ; qu'elle ne pouvait cependant statuer ainsi quand la décision de l'Autorité des marchés financiers du 4 novembre 2008 a au contraire retenu qu'il n'était pas établi que ces taux fussent excessifs. » Réponse au moyen Vu l'article 3 du code de procédure pénale : 14. Selon ce texte, les tribunaux répressifs ne sont compétents pour connaître de l'action civile en réparation du dommage né d'une infraction qu'accessoirement à l'action publique. 15. Il s'en déduit que, lorsqu'elle est saisie du seul appel de la partie civile formé à l'encontre d'un jugement ayant constaté l'extinction de l'action publique et débouté l'intéressée de ses demandes, la cour d'appel n'est compétente pour prononcer sur le droit à réparation de la partie civile à partir et dans la limite des faits objets de la poursuite, que si elle a préalablement constaté que c'est à tort que les premiers juges ont déclaré l'action publique éteinte. 16. Pour déclarer recevable l'action civile de la CRPN et condamner M. S... à lui payer 6 545 673,40 euros à titre de dommages et intérêt, l'arrêt retient que nonobstant l'absence d'appel du ministère public ou du prévenu sur l'action publique, la CRPN tenait des dispositions de l'article 497, 3°, du code de procédure pénale, le droit de voir rechercher par la juridiction répressive si les faits poursuivis étaient susceptibles d'engager la responsabilité de leur auteur et de lui ouvrir droit à réparation. 17. Les juges ajoutent qu'exercée devant la juridiction pénale avant que soit énoncée cette extinction des poursuites, l'action civile de la CRPN ne saurait être atteinte par la prescription et la juridiction répressive demeure compétente pour en connaître. 18. Ils concluent que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a déclaré la constitution de partie civile de la CRPN recevable, mais infirmé en ce qu'il l'a déboutée de sa demande en réparation, de sorte qu'il appartient à la cour d'apprécier les faits dans le cadre de la prévention pour se déterminer sur le mérite des demandes civiles présentées par la CRPN. 20. En se déterminant ainsi, sans s'être préalablement prononcée sur l'extinction de l'action publique du fait de l'autorité de la chose jugée retenue par les premiers juges, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé. 21. La cassation est par conséquent encourue. Portée et conséquences de la cassation 19. Les dispositions de l'article 618-1 du code de procédure pénale sont applicables en cas de rejet du pourvoi, qu'il soit total ou partiel. Le moyen de cassation du demandeur relatif à sa condamnation au paiement de dommages- intérêts au liquidateur de la société Global Equities n'étant pas de nature à permettre l'admission du pourvoi, il y a lieu de faire partiellement droit à la demande de cette dernière. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 26 septembre 2018, mais en ses seules dispositions relatives à l'action civile de la CRPN ; Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée, RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de PARIS, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil. FIXE à 2 500 euros, la somme que M. S... devra payer à la société FIDES, anciennement dénommée EMJ, prise en sa qualité de liquidateur de la société Global Equities, au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale. DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale au profit de la CRPN ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le premier avril deux mille vingt.
Selon l'article 3 du code de procédure pénale, les tribunaux répressifs ne sont compétents pour connaître de l'action civile en réparation du dommage né d'une infraction qu'accessoirement à l'action publique. Il s'en déduit que, lorsqu'elle est saisie du seul appel de la partie civile formé à l'encontre d'un jugement ayant constaté l'extinction de l'action publique et débouté l'intéressée de ses demandes, la cour d'appel n'est compétente pour prononcer sur le droit à réparation de la partie civile à partir et dans les limites des faits objet de la poursuite, que si elle a préalablement constaté que c'est à tort que les premiers juges ont déclaré l'action publique éteinte. Encourt la cassation l'arrêt de la cour d'appel qui, saisie du seul appel de la partie civile à l'encontre du jugement ayant constaté l'extinction de l'action publique du fait de l'autorité de la chose jugée, statue sur le droit à réparation de la partie civile sans s'être préalablement prononcée sur l'extinction de l'action publique retenue par les premiers juges
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N° W 19-85.770 F-P+B+I N° 640 EB2 1ER AVRIL 2020 CASSATION SANS RENVOI M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 1ER AVRIL 2020 CASSATION SANS RENVOI sur le pourvoi formé par la société MWI e-center contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Basse-Terre, en date du 27 juin 2019, qui, dans l'information suivie contre personne non dénommée des chefs de soustraction, détournement ou destruction de biens d'un dépôt public par le dépositaire ou un de ses subordonnés, travail dissimulé, abus de biens sociaux, recel aggravé, atteinte à la liberté d'accès ou à l'égalité des candidats dans les marchés publics et blanchiment, a confirmé l'ordonnance de saisie pénale rendue par le juge d'instruction. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. Ascensi, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de La société MWI e-center, et les conclusions de M. Valat, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 mars 2020 où étaient présents M. Soulard, président, M. Ascensi, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Guichard, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Dans le cadre de l'information judiciaire susvisée, sur autorisation du juge d'instruction, et selon procès-verbal en date du 8 février 2019, l'officier de police judiciaire a saisi les sommes inscrites au crédit du compte bancaire n° [...] dont est titulaire la société MWI e-center à l'agence du Crédit mutuel de Saint-Martin, soit la somme de 552 548,22 euros. 3. Par ordonnance en date du mardi 19 février 2019, le juge d'instruction a ordonné le maintien de la saisie. 4. Par déclaration au greffe en date du 1er mars 2019, le conseil de la société MWI e-center a interjeté appel de la décision. Examen du moyen Énoncé du moyen 5. Le moyen est pris de la violation des articles 706-154, 485, 591 et 593 du code de procédure pénale. 6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la requête en nullité de l'ordonnance de maintien de la saisie pénale de somme inscrites au crédit d'un compte bancaire rendue par le juge d'instruction du tribunal de grande instance de Basse-Terre le 19 février 2019 et (...) confirmé ladite ordonnance, alors « qu'il ressort de l'article 706-154 du code de procédure pénale que la saisie n'est régulière qu'autant qu'elle a été validée par le juge d'instruction dans un délai de dix jours ; que l'autorisation donnée par le procureur de la République à l'officier de police judiciaire cesse de produire effet lorsque le juge n'a pas statué dans ce délai, qui court à compter du jour où la saisie conservatoire de sommes d'argent est opérée par l'officier de police judiciaire autorisé à y procéder ; qu'en jugeant que "le terme de réalisation prévu par la loi doit s'entendre comme l'acte par lequel les fonds sont retirés de manière effective du compte de la personne saisie et versés à l'AGRASC, de sorte que c'est la seule date de la réalisation qui est le point de départ du délai de 10 jours", la Chambre de l'instruction a méconnu les articles 706-154, 485, 591 et 593 du code de procédure pénale et n'a pas justifié sa décision. » Réponse de la Cour Vu les articles 706-145 et 706-154 du code de procédure pénale : 7. Il résulte du second de ces textes que, si l'officier de police judiciaire peut être autorisé par le procureur de la République ou le juge d'instruction à procéder à la saisie d'une somme d'argent versée sur un compte ouvert auprès d'un établissement habilité par la loi à tenir des comptes de dépôts, le juge des libertés et de la détention, saisi par le procureur de la République, ou le juge d'instruction est tenu de se prononcer par ordonnance motivée sur le maintien ou la mainlevée de la saisie dans un délai de dix jours à compter de sa réalisation, l'autorisation donnée cessant de produire effet à l'expiration de ce délai. 8. Selon le premier, nul ne peut valablement disposer des biens saisis dans le cadre d'une procédure pénale. 9. Il se déduit de ces textes que la date de la notification de la décision de saisie par l'officier de police judiciaire à l'établissement tenant le compte objet de la mesure, qui entraîne l'indisponibilité immédiate de la somme d'argent versée sur le compte, constitue le point de départ du délai de dix jours prévu par l'article 706-154 du code de procédure pénale, peu important la date à laquelle la somme a été consignée auprès de l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC). 10. Pour écarter le moyen pris de la nullité de l'ordonnance, tiré de ce que celle-ci a été rendue postérieurement à l'expiration du délai de dix jours prévu par l'article 706-154 du code de procédure pénale, l'arrêt retient que la saisie envisagée par l'officier de police judiciaire avec l'accord du magistrat a été requise le 8 février 2019, mais que le transfert des sommes du compte tenu par l'établissement bancaire requis sur le compte de l'AGRASC n'est intervenu que le 11 février 2019. Les juges ajoutent que le terme de réalisation prévue par la loi doit s'entendre comme l'acte par lequel les fonds sont retirés de manière effective du compte de la personne saisie et versés à l'AGRASC, de sorte que c'est la seule date de la réalisation qui est le point de départ du délai de dix jours prévus par le texte ci-dessus rappelé. Ils en déduisent que le délai de dix jours expirait donc en l'espèce le 21 février 2019 à minuit et que, l'ordonnance du juge d'instruction en date du 19 février 2019 ayant été rendue dans les délais prévus par la loi, il n'y a pas lieu de prononcer sa nullité. 11. En se déterminant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la décision de saisie de l'officier de police judiciaire avait été notifiée à l'établissement tenant le compte objet de la mesure le 8 février 2019, et qu'ainsi l'autorisation donnée par le juge d'instruction avait cessé de produire effet le lundi 18 février 2019 à minuit, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé. 12. La cassation est par conséquent encourue. Portée et conséquences de la cassation 13. N'impliquant pas qu'il soit à nouveau statué, la cassation aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Basse-Terre, en date du 27 juin 2019 ; Constate que la saisie opérée le 8 février 2019 sur le compte bancaire susvisé a cessé de produire ses effets ; DIT n'y avoir lieu à renvoi. ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Basse-Terre et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le premier avril deux mille vingt.
La date de la notification de la décision de saisie d'une somme d'argent inscrite au crédit d'un compte bancaire, par l'officier de police judiciaire, à l'établissement tenant le compte objet de la mesure, constitue le point de départ du délai de dix jours, prévu par l'article 706-154 du code de procédure pénale, dans lequel le juge des libertés et de la détention ou le juge d'instruction est tenu de se prononcer par ordonnance motivée sur le maintien ou la mainlevée de la saisie, peu important la date à laquelle la somme a été consignée auprès de l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC). Encourt la cassation l'arrêt qui, pour écarter le moyen pris de la nullité de l'ordonnance de maintien de la saisie rendue plus de dix jours après la notification de la décision de saisie à l'établissement bancaire, retient que celle-ci a été rendue dans le délai de dix jours à compter du transfert de la somme d'argent sur le compte de l'AGRASC
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N° R 19-83.695 FS-P+B+I N° 450 SM12 31 MARS 2020 REJET M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 31 MARS 2020 REJET sur les pourvois formés par Mme M... F... veuve A..., partie civile, contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 4e section, en date du 22 mars 2019, qui, dans la procédure suivie contre personne non dénommée des chefs de blessures involontaires, de dénonciation calomnieuse, de faux et usage, a confirmé l'ordonnance de non lieu rendue par le juge d'instruction. Les pourvois sont joints en raison de la connexité. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. Leblanc, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme M... F... veuve A..., et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 février 2020 où étaient présents M. Soulard, président, M. Leblanc, conseiller rapporteur, M. Pers, Mmes Schneider, Ingall-Montagnier, MM. Bellenger, Lavielle, Samuel, Mme Goanvic, conseillers de la chambre, Mmes Chauchis, Méano, M. Leblanc, conseillers référendaires, M. Lagauche, avocat général, et Mme Guichard, greffier de chambre , la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Sur plainte avec constitution de partie civile des époux A..., une information judiciaire a été ouverte des chefs de blessures involontaires, de dénonciation calomnieuse, de faux et usage de faux. 3. Une ordonnance de non lieu a été rendue. Cette décision mentionne qu'en sa qualité de partie civile, Mme A... est domiciliée au cabinet de son avocat, Me N... R.... 4. Mme A... a formé appel de ladite ordonnance. Examen de la recevabilité du pourvoi formé par Mme A... le 8 avril 2019 5. La déclaration de pourvoi, faite par lettre, ne répondant pas aux conditions exigées par les articles 576 et 577 du code de procédure pénale, le pourvoi formé par lettre recommandée n'est pas recevable. 6. Dès lors, seul le pourvoi régulièrement formé le 30 avril 2019 par déclaration au greffe par son avocat est recevable. Examen du moyen Enoncé du moyen 7. Le moyen est pris de la violation des articles 6 de la convention européenne des droits de l'homme et préliminaire, 197, 591 et 593 du code de procédure pénale. 8. Le moyen critique l'arrêt attaqué " en ce qu'il a, à l'issue d'une audience à laquelle la partie civile et son avocat étaient absents et sans que la première ait été régulièrement avisée de cette audience, confirmé l'ordonnance du 2 octobre 2017 du juge d'instruction du tribunal de grande instance de Paris ayant dit n'y avoir lieu à suivre contre quiconque ; alors qu'il résulte de l'article 197 du code de procédure pénale que le procureur général doit notifier par lettre recommandée à la partie civile et à son avocat la date à laquelle l'affaire sera appelée à l'audience ; qu'en énonçant que la date de l'audience avait été notifiée à la partie civile, quand il résulte des pièces de la procédure que l'avis d'audience adressé à Mme F..., sous forme de télécopie, ne constituait pas une notification régulière, la chambre de l'instruction, qui a ainsi statué après une audience des débats au cours de laquelle ni la partie civile ni son avocat n'étaient présents et en l'absence de mémoire déposé par ce dernier, a violé les textes susvisés." Réponse de la Cour 9. L'arrêt attaqué, confirmatif de l'ordonnance, énonce que Me N... R..., avocat de la partie civile, a été régulièrement avisé et qu'il ne s'est pas présenté à l'audience, rappelant que la date à laquelle l'affaire serait appelée à l'audience a été notifiée le 4 février 2019, tant à la partie civile à son adresse déclarée, qu'à son avocat. 10. Il ressort des pièces de la procédure que les avis d'audience, transmis par télécopie tant à Mme A..., à son adresse déclarée, qu'à Me N... R..., ont bien été reçus au numéro de télécopie du cabinet de l'avocat. 11. En cet état, et dès lors que l'article 803-1 du code de procédure pénale, qui permet de procéder aux notifications à un avocat par télécopie est applicable à la notification faite à la partie civile qui a déclaré son adresse chez son avocat conformément aux dispositions de l'article 89 du même code, la chambre de l'instruction n'a méconnu aucun des textes visés au moyen. 12. Ainsi, le moyen doit être écarté. 13. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : DÉCLARE IRRECEVABLE le pourvoi formé le 8 avril 2019 ; REJETTE le pourvoi formé le 30 avril 2019 ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le trente et un mars deux mille vingt.
Aux termes de l'article 803-1 du code de procédure pénale, dans les cas où, en vertu des dispositions dudit code, il est prévu de procéder aux notifications à un avocat par lettre recommandée ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, la notification peut aussi être faite sous forme d'une télécopie avec récépissé. Il en est ainsi, notamment, de la notification de la date d'audience de la chambre de l'instruction, telle que prescrite par l'article 197, alinéa 1, du code précité, faite à la partie civile qui a déclaré son adresse au domicile de son avocat
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N° J 19-82.171 FS-P+B+I N° 606 CK 31 MARS 2020 REJET M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 31 MARS 2020 REJET du pourvoi formé par M. X... E... contre l'arrêt de la cour d'appel de Douai, 6e chambre, en date du 26 février 2019, qui, pour blessures involontaires et infractions au code de la consommation et au code rural, l'a condamné à trois ans d'emprisonnement dont un an avec sursis et 50 000 euros d'amende, à une interdiction professionnelle définitive, à une interdiction définitive de gérer une entreprise commerciale, a ordonné une mesure de confiscation et une mesure de publication, et a prononcé sur les intérêts civils. Des mémoires ont été produits, en demande et en défense. Sur le rapport de M. Samuel, conseiller, les observations de la SCP Richard, avocat de M. X... E..., les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de M. L... P..., Mme B... M... et en qualité de représentants légaux de J... P..., Mme O... C... et en qualité de représentant légal de D... Q..., parties civiles, UFC Que choisir", la société CHUBB European Group SE, parties civiles et de Me Balat, avocat de la SNC LIDL, partie civile, et les conclusions de M. Lemoine, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 mars 2020 où étaient présents M. Soulard, président, M. Samuel, conseiller rapporteur, M. Pers, Mmes Schneider, Ingall-Montagnier, MM. Bellenger, Lavielle, Mme Goanvic, conseillers de la chambre, Mmes Chauchis, Méano, M. Leblanc, conseillers référendaires, M. Lemoine, avocat général, et M. Bétron, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Au mois de juin 2011, seize enfants du département du Nord ont présenté les symptômes d'un syndrome hémolytique et urémique (SHU), dû à la bactérie E-coli O157H7, susceptible d'engendrer une insuffisance rénale aigüe. Les investigations ont établi qu'ils avaient consommé de la viande hachée élaborée le 11 mai 2011 par la Société économique bragarde (société SEB) dont M. X... E... était le gérant depuis sa fondation en 1966 et vendue à la société LIDL. Elles ont également révélé que, sur les 13 unités de production dénommées "mêlées" fabriquées ce jour-là, seules 3 avaient fait l'objet d'une recherche en E-coli dont l'une avait donné un résultat non satisfaisant de 770 E-coli par gramme, dépassant le seuil de déclenchement de la recherche d'E-coli O157H7, fixé à 150 par gramme en application du plan de maîtrise sanitaire validé par l'administration (PMS 2). L'enquête a encore mis en évidence qu'aucune recherche de cette nature n'avait été effectuée, seules de nouvelles analyses en E-Coli ayant été réalisées, en application d'un PMS 3 jamais approuvé par l'administration. 3. A l'issue de l'information judiciaire ouverte sur ces faits, M. E... a été renvoyé devant le tribunal correctionnel pour avoir, par la violation manifestement délibérée d'une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement, causé une incapacité totale de travail supérieure à trois mois au préjudice d'un enfant et une incapacité totale de travail inférieure ou égale à trois mois au préjudice de quinze autres enfants. Il a également été poursuivi notamment pour tromperie sur les qualités substantielles de steaks hachés dont la consommation est dangereuse pour la santé de l'homme, pour mise sur le marché de produits d'origine animale dangereux et détention de denrées servant à l'alimentation de l'homme falsifiées, corrompues ou toxiques nuisibles à la santé de l'homme. 4. Les juges du premier degré l'en ont déclaré coupable. Le prévenu, le ministère public et plusieurs parties civiles ont relevé appel de cette décision. Examen des moyens Sur le deuxième moyen 5. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 6. Le moyen est pris de la violation des articles 121-3, 222-19, 222-20 du code pénal et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale. 7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. E... coupable de blessures involontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail supérieure à trois mois ou n'excédant pas trois mois, par violation manifestement délibérée d'une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement, puis l'a condamné aux peines de trois ans d'emprisonnement, dont une année avec sursis, et 50 000 euros d'amende, ainsi qu'à une interdiction d'exercer une activité dans la filière bovine et à une interdiction de gérer, les deux à titre définitif, puis l'a déclaré responsable des préjudices subis par les parties civiles et l'a condamné à les indemniser alors : « 1°/ que les personnes physiques qui n'ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n'ont pas pris les mesures permettant de l'éviter, sont responsables pénalement s'il est établi qu'elles ont violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement ; que le règlement (CE) n° 178/2002 du 28 janvier 2002, qui établit les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, notamment en matière de sécurité des denrées alimentaires, constitue une norme générale et n'institue dès lors pas une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement ; qu'en déclarant néanmoins M. E... coupable de blessures involontaires, motif pris qu'il avait violé de façon manifestement délibérée les obligations de prudence et de sécurité prévues par le règlement CE n° 178/2002, en mettant sciemment sur le marché un produit alimentaire potentiellement dangereux, sans faire réaliser les analyses qui s'imposaient, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ; 2°/ que les personnes physiques qui n'ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n'ont pas pris les mesures permettant de l'éviter, sont responsables pénalement s'il est établi qu'elles ont violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement ; que le règlement, au sens de l'article 121-3 du code pénal, s'entend des actes des autorités administratives à caractère général et impersonnel ; qu'en déclarant néanmoins M. E... coupable de blessures involontaires, motif pris qu'il n'avait pas respecté le plan de maîtrise sanitaire n° 2 de la Société SEB, pour en déduire qu'il avait violé de façon manifestement délibérée les obligations de prudence et de sécurité prévues par le règlement (CE) n° 178/2002, en mettant sciemment sur le marché un produit alimentaire potentiellement dangereux, sans faire réaliser les analyses qui s'imposaient, après avoir exactement énoncé qu'un Plan de Maîtrise Sanitaire ou une autorisation individuelle ne pouvaient constituer une loi ou un règlement au sens de l'article L. 121-3 du code pénal, la cour d'appel a voué sa décision à la cassation. » Réponse de la Cour 8. Pour confirmer le jugement des chefs des délits de blessures involontaires ayant causé une incapacité totale de travail de plus de trois mois et des incapacités totales de travail de moins de trois mois, l'arrêt attaqué énonce notamment qu'il convient de rechercher si le prévenu a violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, c'est à dire un acte administratif à caractère général et impersonnel, ce qui ne peut être le cas d'un plan de maîtrise sanitaire (PMS) ou d'une autorisation individuelle. 9. A cette fin, les juges relèvent qu'en matière de viandes hachées, le règlement (CE) 853/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 prévoit que les matières premières ne peuvent provenir que d'ateliers de découpe agréés. Ils précisent que l'agrément délivré par la direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations suppose que le professionnel a mis en place des contrôles de conformité des produits qu'il réceptionne et qu'il fabrique en établissant un plan de maîtrise sanitaire (PMS) qui doit obligatoirement prendre en compte le risque lié à la contamination par la bactérie E-Coli et par la bactérie E-Coli 0157H7 et être approuvé par l'administration. 10. Après avoir également rappelé les principales dispositions du règlement (CE) n° 178/2002 du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2002, ils ajoutent que le PMS est un élément essentiel d'une entreprise alimentaire, en particulier de fabrication de viande hachée surgelée, et que, le 11 mai 2011, le PMS 2 validé par l'administration n'a pas été respecté, aucune analyse des matières premières n'ayant eu lieu et aucune analyse en E-Coli 0157H7 des produits finis n'ayant été pratiquée, alors qu'elle s'imposait à la suite de la découverte, sur une partie de ces produits, d'un taux préoccupant de 770/g d'E-Coli « classique ». 11. La cour d'appel en conclut qu'en mettant sciemment sur le marché un produit alimentaire potentiellement dangereux sans faire réaliser les analyses qui s'imposaient, le prévenu a violé de façon manifestement délibérée les obligations de prudence et de sécurité prévues par le règlement (CE) n° 178/2002. 12. En l'état de ces énonciations, la cour d'appel a justifié sa décision. 13. En effet, constituent des obligations particulières de prudence ou de sécurité les prescriptions des articles 14, 17 et 19 du règlement CE n° 178/2002 du Parlement et du Conseil du 28 janvier 2002 aux termes desquels notamment, d'une part, lorsqu'une denrée alimentaire dangereuse fait partie d'un lot ou d'un chargement de denrées alimentaires de la même catégorie ou correspondant à la même description, il est présumé que la totalité des denrées alimentaires de ce lot ou chargement sont également dangereuses, sauf si une évaluation détaillée montre qu'il n'y a pas de preuve que le reste du lot ou du chargement soit dangereux, d'autre part, dans une telle situation l'exploitant doit retirer les denrées du marché, enfin, les exploitants du secteur alimentaire veillent, à toutes les étapes de la production, de la transformation et de la distribution dans les entreprises placées sous leur contrôle, à ce que les denrées alimentaires ou les aliments pour animaux répondent aux prescriptions de la législation alimentaire applicables à leurs activités et vérifient le respect de ces prescriptions. 14. Ainsi, le moyen doit être écarté. Sur le troisième moyen 15. Le moyen est pris de la violation des articles 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, 388-1, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2011-94 du 25 janvier 2011, 512 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale. 16. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré irrecevable la mise en cause de la société CHUBB European Group SE et, par voie de conséquence, la mise en cause de Maître S... T... , pris en sa qualité de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la Société Economique Bragarde (SEB), alors « que la personne morale répond des fautes dont elle s'est rendue coupable par ses organes et en doit réparation à la victime ; que devant la juridiction répressive saisie de poursuites pour homicide ou blessures involontaires, l'assureur du prévenu ou de la personne civilement responsable peut intervenir ou être mis en cause en tant qu'assureur de responsabilité ; qu'en déclarant irrecevable la mise en cause de la Société société CHUBB European Group SE et, par voie de conséquence, celle de Maître T... , pris en sa qualité de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la Société économique bragarde (SEB), motifs pris que cette demière n"avait pas été poursuivie, que seul M. E..., son gérant, était prévenu de l'infraction de blessures involontaires et que la société CHUBB European Group SE justifiait avoir consenti un contrat d'assurance de responsabilité civile à la seule Société économique bragarde (SEB), bien que la mise en cause de la société CHUBB European Group SE ait été recevable dès lors que la Société économique bragarde (SEB) était civilement responsable des dommages causés par M. E..., la cour d'appel a exposé sa décision à la cassation. » Réponse de la Cour 17. Le prévenu est sans qualité pour contester la mise hors de cause de l'assureur de la personne morale qu'il dirige et, par voie de conséquence, du mandataire liquidateur de la dite personne morale. 18. Dès lors, le moyen est irrecevable. 19. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; FIXE à 2 500 euros la somme que M. E... devra payer à la société Chubb en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ; FIXE à 2 500 euros la somme que M. E... devra payer à l'UFC Que Choisir en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ; FIXE à 2 500 euros la somme que M. E... devra payer à la société LIDL en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ; FIXE à 2 500 euros la somme que M. E... devra payer à la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat à la Cour, en application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et 618-1 du code de procédure pénale. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le trente et un mars deux mille vingt.
Constituent des obligations particulières de prudence ou de sécurité les prescriptions des articles 14, 17 et 19 du règlement (CE) n° 178/2002 du Parlement et du Conseil du 28 janvier 2002 aux termes desquels notamment, d'une part, lorsqu'une denrée alimentaire dangereuse fait partie d'un lot ou d'un chargement de denrées alimentaires de la même catégorie ou correspondant à la même description, il est présumé que la totalité des denrées alimentaires de ce lot ou chargement sont également dangereuses, sauf si une évaluation détaillée montre qu'il n'y a pas de preuve que le reste du lot ou du chargement soit dangereux, d'autre part, dans une telle situation l'exploitant doit retirer les denrées du marché, enfin, les exploitants du secteur alimentaire veillent, à toutes les étapes de la production, de la transformation et de la distribution dans les entreprises placées sous leur contrôle, à ce que les denrées alimentaires ou les aliments pour animaux répondent aux prescriptions de la législation alimentaire applicables à leurs activités et vérifient le respect de ces prescriptions. Justifie dès lors sa décision la cour d'appel qui déclare l'exploitant d'un établissement de fabrication de viande hachée coupable de blessures involontaires causées à des consommateurs pour avoir mis sciemment sur le marché un produit alimentaire potentiellement dangereux sans faire réaliser les analyses qui s'imposaient, violant ainsi de façon manifestement délibérée les obligations particulières de prudence et de sécurité prévues par ce règlement
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N° F 19-85.756 F-P+B+I N° 612 CK 31 MARS 2020 IRRECEVABILITE REJET M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 31 MARS 2020 IRRECEVABILITE et REJET du pourvoi formé par M. J... M... contre l'arrêt de la cour d'appel de Papeete, chambre correctionnelle, en date du 6 juin 2019, qui, pour violences aggravées et refus de se soumettre à des relevés signalétiques et des prélèvements biologiques l'a condamné à six mois d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve, 500 000 francs CFP d'amende et a prononcé sur les intérêts civils Les pourvois sont joints en raison de la connexité. Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits. Sur le rapport de M. Lavielle, conseiller, les observations de la SCP Spinosi et Sureau, avocat de M. J... M..., partie civile, et les conclusions de Mme Bellone, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 mars 2020 où étaient présents M. Soulard, président, M. Lavielle, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre, et M. Bétron, greffier de chambre , La chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Le 19 octobre 2016, M. M..., chirurgien, et M. Y..., anesthésiste, ont procédé à une intervention de chirurgie esthétique sur une patiente de la clinique Cardella à Papeete. A la fin de cette opération, une altercation relative au protocole post-opératoire a eu lieu entre ces deux médecins, qui s'est poursuivie dans une seconde salle d'opération. 3. Au cours de l'enquête, M. Y... a expliqué qu'à la fin de l'intervention, le docteur M... lui avait demandé d'injecter à la patiente deux médicaments qui n'entraient pas dans le protocole du comité de lutte contre les maladies nosocomiales, ce qu'il avait refusé de faire. Tout en l'insultant, son confrère avait exigé le code du coffre à toxiques accessible aux seuls anesthésistes et devant un nouveau refus, lui avait porté un coup de poing au visage puis l'avait étranglé avec son stéthoscope avant de quitter la salle, non sans avoir au préalable, donné des coups de pied dans le matériel médical. 4. M. Y... a ajouté que quelques minutes plus tard, alors qu'il se trouvait dans une autre salle d'opération pour assister un autre chirurgien, le docteur M... l'avait rejoint, et l'avait à nouveau menacé. Le docteur Y... déclarait s'être alors retourné et, pour parer le coup que son adversaire allait lui porter, lui avoir donné un coup de tête. Il contestait toute autre violence et expliquait que les blessures dont souffrait son confrère avaient été provoquées par les violences dont il était lui-même l'auteur. 5. Pour sa part, le docteur M... a expliqué avoir exigé du docteur Y..., à l'issue d'une intervention, que celui-ci fasse son travail et qu'en réponse son confrère l'avait poussé. Il a estimé s'être défendu. Il avait ensuite décidé d'effectuer le protocole lui-même et l'infirmière lui avait délivré les médicaments qu'il sollicitait. Il était revenu en salle d'opération où se trouvait toujours le docteur Y... qui lui avait "tordu le doigt, écrasé le pied et porté un coup de tête" qui lui avait fait perdre connaissance. 6. Les deux praticiens ont notamment été poursuivis pour des violences réciproques. 7. Suivant jugement contradictoire du 29 août 2017, le tribunal a rejeté l'exception de nullité présentée par le docteur M... relative aux prises de sang effectuées sous contrainte aux fins de déterminer la présence de produits stupéfiants, a déclaré M. M... coupable des faits de violences ayant entraîné une incapacité de travail inférieure à 8 jours (3 jours) sur un professionnel de santé, et de refus de se soumettre aux relevés signalétiques, le renvoyant des fins de la poursuite des autres chefs de prévention. 8. Appel de ce jugement a été interjeté, par M. Y..., et le même jour, par le procureur de la République sur l'ensemble des dispositions pénales et civiles à rencontre des deux prévenus. Examen de la recevabilité du second pourvoi formé par M. M... le 7 juin 2019 9. Le demandeur, ayant épuisé, par l'exercice qu'il en a fait le 7 juin 2019, le droit de se pourvoir contre l'arrêt attaqué, était irrecevable à se pourvoir à nouveau contre la même décision ; que seul est recevable le premier pourvoi formé le 7 juin 2019. Examen des moyens Sur les deuxième, troisième, quatrième et cinquième moyens 10. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 11. Le moyen est pris de la violation des articles 8, § 2, de la Convention européenne des droits de l'homme, 16 du code civil et 60 du code de procédure pénale. 12. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a écarté l'exception de nullité tiré de l'irrégularité de la réquisition aux fins de prélèvement sanguin pour dosage de l'alcoolémie et dépistage de stupéfiants alors : « 1°/ qu' il résulte du principe d'inviolabilité du corps humain qu'il ne peut être prélevé du sang sur une personne vivante sans son consentement que dans les cas limitativement prévus par la loi ; qu'en l'espèce, un officier de police judiciaire agissant en matière de flagrance a requis le médecin des services des urgences du centre hospitalier de Taaone afin qu'il effectue des prélèvements sanguins pour dosage de l'alcoolémie et dépistage de stupéfiants sur la personne de M. M..., qui avait été placé en garde à vue pour des faits de violences volontaires et dont les vérifications d'alcoolémie s'étaient avérées négatives ; qu'en énonçant, pour refuser d'annuler cette réquisition, que les vérifications biologiques ordonnées étaient parfaitement fondées dans le cadre des dispositions de l'article 60 du code de procédure pénale, lorsqu'aucun texte n'autorise les autorités publiques à contraindre une personne à l'encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre ce délit à se soumettre à une prise de sang pour vérifier la présence de produits stupéfiants dans son organisme, la cour d'appel a violé les articles 16 du code civil et 60 du code de procédure pénale ; 2°/ alors qu'il résulte de l'article 8, § 2, de la Convention européenne des droits de l'homme que toute ingérence dans le droit au respect de la vie privée doit reposer sur une base légale suffisamment accessible et prévisible ; qu'en écartant le moyen tiré de l'irrégularité de la réquisition aux fins de prélèvements sanguins sur la personne de M. M..., lorsqu'aucun texte n'autorise les autorités publiques à contraindre une personne à l'encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre le délit de violences volontaires à se soumettre à une prise de sang pour vérifier la présence de produits stupéfiants dans son organisme, la cour d'appel a violé le texte susvisé. » Réponse de la Cour 13. Pour écarter le moyen de nullité des prélèvement sanguins opérés sur réquisition sans que le consentement de M. M... ait été recueilli, et l'atteinte ainsi portée aux principes d'inviolabilité du corps humain et du droit au respect de la vie privée, l'arrêt attaqué retient que les fonctionnaires de police sont intervenus à la demande de la directrice de la clinique suite à une rixe entre deux médecins, au visa des articles 53 et 73 du code de procédure pénale. 14. Les juges énoncent que bien que les signes caractéristiques d'ivresse aient été négatifs, M.M... se trouvait en possession de deux tubes de morphine qu'il a remis aux enquêteurs et que les fonctionnaires notaient, par ailleurs, que l'individu, excité, titubant, avait un air hagard, les mains tremblantes et tenait des propos incohérents. 15. Ils ajoutent qu'a été établie une réquisition manuscrite, " sur instructions de M. le procureur de la République", aux fins de prélèvements sanguins pour dosage de l'alcoolémie et de dépistage de stupéfiants, la seule détention de produits stupéfiants devant entraîner le contrôle de l'hypothèse d'une consommation desdits produits. 16. Ils en concluent que les vérifications biologiques ordonnées et l'analyse effectuée après instructions étaient parfaitement fondées dans le cadre des dispositions de l'article 60 du code de procédure pénale, qui n'imposent pas le consentement de l'intéressé et alors que l'infraction flagrante de violences pouvait comporter des circonstances aggravantes relatives à un état alcoolique ou à la consommation de stupéfiants. 17. En prononçant ainsi, la cour d'appel n'a méconnu aucun des textes visés au moyen, l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme n'interdisant pas en tant que tel le recours à une intervention médicale sans le consentement d'un suspect en vue de l'obtention de la preuve de sa participation à une infraction dans toutes ses circonstances. 18. Ainsi, le moyen n'est pas fondé. 19. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : Sur le second pourvoi formé le 7 juin 2019 : DECLARE le pourvoi irrecevable ; Sur le premier pourvoi formé le 7 juin 2019 : REJETTE le pourvoi ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le trente et un mars deux mille vingt.
L'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme n'interdit pas, en tant que tel, le recours à une intervention médicale sans le consentement d'un suspect en vue de l'obtention de la preuve de sa participation à une infraction dans toutes ses circonstances. Justifie sa décision une CA qui écarte le moyen de nullité de prélèvements sanguins pour dosage d'alcoolémie et dépistage de stupéfiants opérés sans le consentement de l'intéressé sur réquisition prise sur le fondement de l'article 60 du code de procédure pénale
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N° F 19-82.697 F-P+B+I N° 614 EB2 31 MARS 2020 REJET M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 31 MARS 2020 REJET du pourvoi formé par Mme K... Y... contre l'arrêt de la cour d'appel de Papeete, chambre correctionnelle, en date du 21 février 2019, qui l'a condamnée à des dommages-intérêts sur le fondement de l'article 91 du code de procédure pénale. Des mémoires ont été produits, en demande et en défense. Sur le rapport de Mme Méano, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme K... Y..., les observations de la SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, avocat de M. C... A... , et les conclusions de Mme Bellone, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 3 mars 2020 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Méano, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre, et M. Bétron, greffier de chambre , la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Le 25 mars 2013, Mme K... Y... a porté plainte et s'est constituée partie civile pour viols contre M. C... A... , son époux, avec lequel elle était en instance de divorce depuis le 23 avril 2012. Au terme de l'information, le juge d'instruction a rendu, le 12 octobre 2015, une ordonnance de non-lieu et a dit n'y avoir lieu à condamner Mme Y... à une amende civile pour constitution de partie civile abusive ou dilatoire, sur le fondement de l'article 177-2 du code de procédure pénale. 3. Cette ordonnance étant devenue définitive, M. A... a fait citer Mme Y..., le 8 janvier 2016, devant le tribunal correctionnel aux fins de condamnation à lui payer diverses sommes à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 91 du code de procédure pénale. 4. Le tribunal correctionnel a accueilli ces demandes. Mme Y... et M. A... ont relevé appel de cette décision. Examen du moyen Enoncé du moyen 5. Le moyen est pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 1382 devenu 1240 du code civil, préliminaire, 91, 177-2, 485, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, méconnaissance de l'autorité de la chose jugée. 6. Le moyen critique l'arrêt confirmatif attaqué "en ce qu'il a déclaré Mme Y... responsable du préjudice subi par M. A... et l'a condamnée en conséquence à lui verser les sommes de 1 000 000 XPF (CFP) au titre du préjudice moral et de 2 453 966 XPF (CFP) au titre du préjudice matériel, alors : « 1°/ que la décision du juge d'instruction relative à l'amende civile pour plainte abusive ou dilatoire s'impose à la juridiction correctionnelle saisie par la personne visée par la plainte aux fins d'indemnisation, s'agissant du constat du caractère fautif ou non de cette plainte ; que dans son ordonnance du 12 octobre 2015, le juge d'instruction a rejeté la demande de condamnation à une amende civile de Mme Y... pour constitution de partie civile abusive, au visa d'un rapport d'expertise psychologique et après avoir constaté que la plainte et le non-lieu étaient « le fruit de traumatismes liés à une relation complexe susceptible d'engendrer d'importantes distorsions entre le ressenti des deux époux » ; qu'en déclarant néanmoins fautive cette même constitution de partie civile, la cour d'appel a méconnu le principe et les textes susvisés ; 2°/ qu'à tout le moins, il appartenait à la cour d'appel de se prononcer sur le caractère fautif de la plainte avec constitution de partie civile au regard des motifs précités de l'ordonnance de non-lieu et de refus de prononcé d'amende civile ; qu'en ne s'expliquant pas sur ces motifs qui impliquaient que la plainte n'était ni abusive, ni dilatoire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ; 3°/ que le caractère fautif d'une plainte avec constitution de partie civile ne peut résulter que de son caractère abusif ou dilatoire, à l'exclusion de toute considération relative à l'absence de preuves produites par la partie civile et aux chances de succès de la procédure ; qu'en déduisant la faute de Mme Y... de ce qu'elle n'avait pas produit de preuves au soutien de ses allégations et de ce qu'elle aurait su que son action pénale avait très peu de chances d'aboutir, la cour d'appel a violé l'article 91 du code de procédure pénale et a privé sa décision de base légale ; 4°/ que le droit d'accès à un juge se traduit notamment en droit français, en matière pénale, par la possibilité pour les justiciables de déclencher une procédure juridictionnelle de recherche de la preuve en déposant une plainte avec constitution de partie civile ; qu'une telle plainte ne saurait, sans méconnaître le droit d'accès au juge, être considérée comme fautive au seul motif qu'elle n'est assortie d'aucune preuve directe des faits dénoncés et que son issue est incertaine ; qu'en reprochant à Mme Y... sa plainte avec constitution de partie civile pour viols conjugaux aux motifs qu'aucun élément matériel ni témoignage direct n'avait été produit au soutien de ses allégations, que son action pénale avait été introduite dans un contexte de relations très conflictuelles et qu'elle avait peu de chances d'aboutir, la cour d'appel a violé le droit au recours. » Réponse de la Cour 7. Pour confirmer le jugement, l'arrêt attaqué énonce que le refus d'un juge d'instruction de prononcer une amende civile pour constitution de partie civile abusive ou dilatoire ne fait pas obstacle à une action introduite sur le fondement de l'article 91 du code de procédure pénale, laquelle repose sur l'existence d'une faute ou une imprudence au sens de l'article 1241 du code civil . 8. Les juges constatent qu'antérieurement à sa constitution de partie civile, Mme Y... avait déjà déposé, courant 2012, cinq plaintes contre M. A... pour viol, harcèlement moral, enlèvement d'enfant, refus de remise de passeport, fraude et usage de faux. 9. Ils retiennent qu'alors que ces plaintes, et plus particulièrement celle pour viol, avaient été classées sans suite, Mme Y... s'est constituée partie civile devant le juge d'instruction pour ces derniers faits, dans un contexte de divorce très conflictuel, sans faire état d'éléments sérieux susceptibles de corroborer ses accusations, particulièrement graves s'agissant de faits criminels. 10. La cour d'appel en déduit que Mme Y... s'est constituée partie civile de manière téméraire et a ainsi commis une faute, ayant causé un préjudice matériel et moral à M. A..., dont elle doit réparation. 11. En statuant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision. 12. En effet, en premier lieu, la décision de rejet d'une amende civile rendue par le juge d'instruction en application de l'article 177-2 du code de procédure pénale, ne s'impose pas au tribunal correctionnel saisi dans les conditions prévues à l'article 91 du même code. 13. En second lieu, les juges ont souverainement apprécié la faute commise par la partie civile au sens de l'article 1241 du code civil. 14. Dès lors, le moyen doit être écarté. 15. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; FIXE à 3 000 euros la somme que Mme K... Y... devra payer à M. A... en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le trente et un mars deux mille vingt.
La décision de rejet d'une amende civile rendue par le juge d'instruction en application de l'article 177-2 du code de procédure pénale ne s'impose pas au tribunal correctionnel, saisi dans les conditions prévues à l'article 91 du même code
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N° Z 20-80.234 F-P+B+I N° 801 SM12 31 MARS 2020 REJET M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 31 MARS 2020 REJET du pourvoi formé par M. X... R... contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Pau, en date du 26 décembre 2019, qui, dans l'information suivie contre lui du chef de violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention ordonnant son placement en détention provisoire . Un mémoire personnel a été produit. Sur le rapport de Mme Ingall-Montagnier, conseiller, et les conclusions de Mme Le Dimna, avocat général, après débats en l'audience publique du 31 mars 2020 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Ingall-Montagnier, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre , La chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. M. R... a été mis en examen et placé en détention provisoire le 19 mars 2019 du chef de violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner sur la personne de Mme B... J..., sa mère, faits commis le [...]. 3. Par arrêt du 26 novembre 2019, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Pau a prononcé à la demande de la défense de M. R... la nullité de l'interrogatoire de première comparution du 19 mars 2019 et des interrogatoires au fond des 8 avril et 9 août 2019, en raison de l'absence d'enregistrement audiovisuel desdits interrogatoires. Constatant que la mise en examen avait été annulée, elle a ordonné la mise en liberté de M. R... le titre de détention n'ayant plus de support. 4. M. R..., interpellé le 12 décembre 2019 au domicile de sa compagne, en exécution d'un mandat d'amener délivré par le juge d'instruction, était à nouveau mis en examen et placé en détention provisoire par le juge des libertés et de la détention. M. R... a formé appel. Examen du moyen Enoncé du moyen 5. Le moyen est pris de la violation des articles 6 et 5 de la Convention européenne des droits de l'homme, 7 et 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. 6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a fait une application erronée de la jurisprudence de la Cour de cassation (Crim 9 février 2016, pourvoi 15-87095), selon laquelle « le juge des libertés et de la détention, saisi par le juge d'instruction à cette fin, ne peut, en raison des mêmes faits et dans la même information, ordonner un nouveau placement en détention provisoire d'une personne mise en liberté sans constater, à défaut de l'annulation du précédent titre de détention pour vice de forme, l'existence de circonstances nouvelles entrant dans les prévisions de l'article 144 du code de procédure pénale, et justifiant, au regard des nécessités de l'instruction, la délivrance d'un nouveau titre d'incarcération alors « qu'en l'espèce, la chambre de l'instruction de l'instruction retient comme circonstance nouvelle que M. R... s'est installé au domicile de sa petite amie, témoin des faits, alors que ce fait n'a rien de nouveau, M. R... ayant été appréhendé la première fois au domicile de celle-ci. » Réponse de la Cour 7. Pour écarter l'exception tirée de la nullité de la nouvelle ordonnance de placement en détention provisoire, l'arrêt attaqué retient que le mandat de dépôt initial n'a pas été annulé pour un vice de forme mais n'a cessé de produire ses effets qu'en raison de la mise en liberté ordonnée par l'arrêt de la chambre de l'instruction pour violation des droits de la défense. 8. Les juges ajoutent que le juge des libertés et de la détention a bien retenu l'existence de circonstances nouvelles constituées par l'installation de M. R..., depuis sa sortie de prison, au domicile de son amie S... E... et en déduisent que le placement en détention provisoire est possible. 9. Pour confirmer le placement en détention, les juges retiennent qu'en raison de son installation chez son amie, seul témoin des faits, il existe un risque de pression. Ils ajoutent qu'il a déjà été condamné pour des violences graves en 2009 et 2019, qu'il n'a pas respecté le contrôle judiciaire alors mis en place et que sa personnalité impulsive et son intempérance font craindre un renouvellement de l'infraction ainsi que sa non-représentation en justice. 10. Si c'est à tort que la chambre de l'instruction a retenu le caractère nouveau d'une des circonstances retenues à l'appui du placement en détention provisoire, l'arrêt n'encourt pas pour autant la censure. 11. En effet, aucune disposition légale ou conventionnelle n'interdit, lorsque, comme en l'espèce, la mise en liberté n'est intervenue qu'en raison de l'annulation de l'interrogatoire de première comparution, le mandat de dépôt s'étant trouvé dépourvu de tout support légal, de placer à nouveau en détention provisoire la personne mise en examen, dans la même information et à raison des mêmes faits. 12. Par ailleurs, la chambre de l'instruction a justifié sa décision par des considérations de droit et de fait répondant aux exigences des articles 137-3, 143-1 et suivants du code de procédure pénale. 13. Ainsi, le moyen n'est pas fondé. 14. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme ; PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le trente et un mars deux mille vingt.
Lorsque la mise en liberté n'est intervenue qu'en raison de l'annulation de l'interrogatoire de première comparution, le mandat de dépôt s'étant trouvé dépourvu de tout support légal, aucune disposition du Code de procédure pénale ne fait obstacle à ce que le juge des libertés et de la détention soit saisi aux fins de placement en détention, dans la même information et en raison des mêmes faits, sans qu'il soit besoin de constater l'existence de circonstances nouvelles
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CIV. 3 LG COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 26 mars 2020 Cassation M. CHAUVIN, président Arrêt n° 279 FS-P+B+I Pourvoi n° R 18-16.117 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 MARS 2020 La société MJ Alpes, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [...], représentée en la personne de M. X... M..., en qualités de liquidateur judiciaire de la société Savana investment, a formé le pourvoi n° R 18-16.117 contre l'arrêt rendu le 19 mai 2016 par la cour d'appel de Chambéry (2e chambre), dans le litige l'opposant à la société Dragonne, société anonyme, dont le siège est chez [...] (Suisse), défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Schmitt, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de la société MJ Alpes, ès qualités, et l'avis de M. Sturlèse, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 février 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Schmitt, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, M. Parneix, Mmes Andrich, Dagneaux, Provost-Lopin, MM. Barbieri, Jessel, conseillers, Mme Corbel, M. Béghin, Mme Schmitt, conseillers référendaires, M. Sturlèse, avocat général, et Mme Besse, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 19 mai 2016), la société Dragonne et la société Savana Investment sont propriétaires de fonds contigus sur lesquels sont construits deux groupes d'immeubles dont les garages souterrains respectifs sont desservis par une rampe d'accès commune. 2. La société Savana Investment ayant, après expertise ordonnée en référé, assigné la société Dragonne afin qu'il lui soit fait interdiction de traverser ses parcelles, celle-ci a reconventionnellement demandé qu'il soit dit que l'ensemble immobilier constitué des immeubles édifiés sur les deux fonds est soumis au statut de la copropriété et que la rampe litigieuse est une partie commune dont elle est en droit d'user. Le liquidateur judiciaire de la société Savana Investment est intervenu volontairement en appel. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 3. M. M..., agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Savana Investment, fait grief à l'arrêt d'accueillir les demandes de la société Dragonne, alors « que le statut de la copropriété ne peut s'appliquer qu'aux ensembles immobiliers qui, outre des terrains, des aménagements et des services communs, comportent des parcelles, bâties ou non, faisant l'objet de droits de propriété privatifs ; qu'en appliquant le statut de la copropriété aux chalets respectifs de la société Dragonne et de la société Savana Investment en raison de la seule présence d'une rampe d'accès permettant l'accès aux sous-sols respectifs des deux sociétés sans avoir constaté l'existence de terrains et de services communs partagés par les deux ensembles immobiliers, la cour d'appel a violé l'article 1er, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1965. » Réponse de la Cour Vu l'article 1er, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1965, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 23 novembre 2018 : 4. Il résulte de ce texte qu'à défaut de convention contraire créant une organisation différente, la loi est applicable aux ensembles immobiliers qui, outre des terrains, des aménagements et des services communs, comportent des parcelles, bâties ou non, faisant l'objet de droits de propriété privatifs. 5. Pour accueillir les demandes de la société Dragonne, l'arrêt retient que, s'agissant d'un ensemble immobilier répondant à la description prévue par l'alinéa 2 de l'article 1er de la loi du 10 juillet 1965, le statut de la copropriété est applicable même si les éléments et aménagements communs sont situés sur la propriété d'une seule des parties concernées par leur usage, que l'accès commun a été conçu et réalisé avec l'accord des deux sociétés, que l‘expert affirme que son usage est identique pour les deux voisins et qu'il faut en conclure que, sauf convention contraire entre les parties pour se doter d'une autre organisation, le statut de la copropriété est applicable à l'ensemble immobilier, dont cette rampe d'accès chauffante et l'entrée du garage constituent une partie commune. 6. En statuant ainsi, sans constater l'existence de terrains et de services communs aux deux ensembles immobiliers, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le19 mai 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ; Condamne la société Dragonne aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Dragonne à payer à M. M..., en qualité de liquidateur judiciaire de la société Savana Investment, la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, signé par M. Echappé, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller empêché et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six mars deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour la société MJ Alpes, ès qualités Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir jugé qu'à défaut de convention contraire créant une organisation différente, le statut de la copropriété régi par la loi du 10 juillet 1965 est applicable à l'ensemble immobilier constitué des immeubles de la société Dragonne et de la société Savana Investment, et que la route en forme de rampe d'accès aux garages souterrains de cet ensemble immobilier traversant les parcelles [...], [...], [...], [...], [...], [...], [...], [...], [...], [...], [...], [...], [...] et [...], constitué notamment une partie commune dont la société Dragonne est en droit d'user, Aux motifs qu'« aux termes de l'article premier de la loi du 10 juillet 1965, « La présente loi régit tout immeuble bâti ou groupe d'immeubles bâtis dont la propriété est répartie, entre plusieurs personnes, par lots comprenant chacun une partie privative, et une quote-part de parties communes. A défaut de convention contraire créant une organisation différente, la présente loi est également applicable aux ensembles immobiliers qui, outre des terrains, des aménagements et des services communs, comportent des parcelles, bâties ou non, faisant l'objet de droits de propriété privatifs » ; que le régime impératif du statut de la copropriété, déterminé par l'alinéa premier du texte précité, résulte du fait qu'un même immeuble bâti ou groupe d'immeubles bâtis appartient à plusieurs propriétaires ; que cette condition fait défaut en l'espèce puisque toutes les parties s'accordent à reconnaître qu'elles sont chacune seule et entière propriétaire des parcelles clairement désignées sur le plan cadastral et dans leurs titres respectifs ; que la société Dragonne n'invoque pas cette disposition, ni le régime impératif du statut de la copropriété, mais se borne à prétendre que la loi fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis doit néanmoins s'appliquer en l'espèce en vertu du principe posé par le 2e alinéa, au motif que les fonds des parties constitueraient un ensemble immobilier, comportant non pas des terrains, mais une rampe d'accès commune au sous-sol répondant à la définition des aménagements et services communs ; que ce qui distingue un ensemble immobilier d'un groupe d'immeubles bâtis réside dans le fait que la totalité des terrains d'assiette des constructions ne sont pas placés sous un régime unique d'indivision forcée ; que ce qui permet d'appliquer le statut de la copropriété à un ensemble immobilier, en présence d'aménagements et services communs, c'est l'absence de convention contraire créant une organisation différente ; que, dans ce cas, le statut de la copropriété s'applique de plein droit, tant qu'il n'existe pas un autre régime d'organisation décidé par les parties ; qu'en l'espèce, les seuls aménagements et services communs sont constitués d'une rampe d'accès qui permet l'accès au sous-sol des chalets de « La Maille » propriété de la société Dragonne et au sous-sol de l'ensemble immobilier appartenant à la société Savana Investment ; que le chauffage de cette rampe est commun aux deux sociétés propriétaires, l‘installation et le comptage d'énergie sont implantés sur le fond de la société Dragonne ; que c'est encore cette dernière qui a déposé et obtenu un permis de construire pour la création de la rampe ; que le fait que lors de sa construction, la rampe soit entièrement implantée sur le fond qui est l'actuelle propriété de la société Savana Investment, si l'on excepte un mur de soutènement, ne fait pas obstacle à l'application du statut de la copropriété, car l'exigence d'une propriété indivise n'existe que pour le statut impératif prévu par l'alinéa un de l'article premier de la loi du 10 juillet 1965 ; que, s'agissant d'un ensemble immobilier répondant à la description prévue par l'alinéa 2 de ce texte, le statut de la copropriété est applicable même si les éléments et aménagements communs sont situés sur la propriété d'une seule des parties concernées par son usage ; que le fait que la rampe d'accès avec portes de garages ait été conçue pour l'usage commun des parties résulte de la situation même des lieux, car il n'est pas prétendu que la création de la rampe litigieuse, et l'aménagement d'une entrée commune des garages souterrains procéderaient d'un empiétement ; que, d'ailleurs, la demande de permis construire de la rampe litigieuse et de l'accès au garage a été présentée au nom de la société Dragonne ; que cette même société, alors représentée par M. C... G..., avait d'ailleurs signé une convention avec la commune le 27 août 2008, faisant référence au projet de construction sur les parcelles voisines, nécessitant l'installation d'une rampe chauffante, et en conséquence un renforcement du réseau électrique pour lequel elle a accepté de contribuer au budget communal à hauteur de 94 000 euros ; que c'est encore la société Dragonne qui a assumé le coût de la construction de la route d'accès aux garages ; qu'il convient de remarquer que la société Savana Investment a fait l'acquisition de ses biens immobiliers par acte authentique du 16 septembre 2008, immédiatement après la convention précitée, et qu'elle était représentée par M. C... G..., agissant en qualité d'administrateur président ; qu'aussi, à travers son dirigeant, la société Savana Investment a fait l'acquisition de son immeuble en parfaite connaissance de la situation ; que, d'ailleurs, dans le rapport d'expertise de Mme A... E... en date du 3 février 2016, dans le cadre de la mission qui lui a été confiée par ordonnance de référé du tribunal de commerce d'Annecy, celle-ci a pu préciser que dans le permis de construire obtenu en octobre 2008 par la société Savana Investment pour la construction de deux chalets, la demande définissait une rampe d'accès commune au sous-sol des propriétés des deux sociétés ; que l'expert affirme que la rampe d'accès est d'usage commun, et que son usage est identique pour les deux voisins ; que, dans la lettre signée par M. C... G..., à l'en-tête de la société Euromaitrise, en date du 15 juin 2009, ce dernier se réfère aux discussions ; qu'il évoque que le point le plus important n'est pas la répartition du coût de construction de la rampe mais la valeur et l'usage de la propriété du terrain de la société Savana Investment ; qu'il écrivait notamment dans cette correspondance : « Aussi, nous restons toujours dans l'attente de votre décision afin de connaître la façon dont vous désirez jouir de cet accès, par le biais d'une servitude ou par le biais d'une pleine propriété, ainsi que le coût afférent à chacune de ces propositions. Nous vous rappelons une fois de plus que le coût de ces accès n'est pas uniquement la prise en charge de la rampe d'accès réalisée (pas encore terminé à ce jour) mais aussi la prise en charge des murs de soutènement dont les coûts sont évalués à environ 46 000 euros. Les devis ont été transmis à M. R... par M. N.... M. F... ayant fait état qu'il ne désirait pas prendre en charge les murs de soutènement (pourtant indispensables au bon fonctionnement de la rampe d'accès), nous réalisons actuellement ces derniers et prenant le coût de ces ouvrages à notre charge, que nous déduirons en temps voulu du montant total de la rampe d'accès » ; que, dans la suite de ce contentieux, Me P... B..., dans une lettre du 26 octobre 2009 adressé à la société Dragonne, prenait position sur l'absence de servitude, l'existence d'une tolérance, et ouvrait la porte d'une discussion en vue de l'établissement d'un acte notarié portant notamment sur « le règlement financier de l'opération et sa légitime indemnisation » ; et c'est en se référant à ce courrier que la société Savana a saisi le tribunal par exploit du 6 juin 2012 d'une action en dénégation de servitude ; qu'il résulte des constatations qui précèdent qu'aucun accord n'est intervenu sur le plan financier, ni sur le plan juridique ; que, pour autant, l'accès commun a été conçu et réalisé avec l'accord des 2 sociétés en litige, puis utilisé, selon la disposition qui a été illustrée par les constatations de Me I... Q..., huissier de justice, suivant procès-verbal de constat du 20 décembre 2013, et suivant les constatations de l'expert ; que le statut de la copropriété n'est donc pas impératif pour gérer cet accès et ces équipements communs, si les parties ont entendu se doter d'une autre organisation ; que, précisément, il ressort des pièces produites, en premier lieu des correspondances précitées, et des termes mêmes de l‘assignation et des conclusions des parties, qu'aucun accord n'a jamais été conclu et qu'il n'existe en conséquence aucune convention contraire sur l'organisation de ces aménagements communs ; qu'il faut en conclure que sauf convention entre les parties pour se doter d'une autre organisation, le statut de la copropriété est applicable à l'ensemble immobilier dont notamment cette rampe d'accès chauffante et l'entrée commune du garage constituent une partie commune ; qu'il en résultera que l'entretien en incombe au syndicat des copropriétaires, et que la charge d'entretien et de jouissance, comprenant en particulier les consommations d'électricité, doit être répartie entre les copropriétaires, auxquels il appartiendra de prendre à cet égard toute décision collective utile ; que la demande tendant à faire interdiction à la société Dragonne de traverser les parcelles appartenant à la société Savana Investment, pour leur portion supportant la rampe d'accès au garage, n'est donc pas fondée » ; Alors 1°) que le statut de la copropriété ne peut s'appliquer qu'aux ensembles immobiliers qui, outre des terrains, des aménagements et des services communs, comportent des parcelles, bâties ou non, faisant l'objet de droits de propriété privatifs ; qu'en appliquant le statut de la copropriété aux chalets respectifs de la société Dragonne et de la société Savana Investment en raison de la seule présence d'une rampe d'accès permettant l'accès aux sous-sols respectifs des deux sociétés sans avoir constaté l'existence de terrains et de services communs partagés par les deux ensembles immobiliers, la cour d'appel a violé l'article 1er alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1965 ; Alors 2°) que suivant l'article 1er, alinéa 2 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, à défaut de convention contraire créant une organisation différente, la présente loi est également applicable aux ensembles immobiliers qui, outre des terrains, des aménagements et des services communs, comportent des parcelles, bâties ou non, faisant l'objet de droits de propriété privatifs ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que la rampe litigieuse est entièrement implantée sur le fonds appartenant à la société Savana Investment ; que, pour décider de soumettre les immeubles respectifs des sociétés Savana Investment et Dragonne au statut de la copropriété, la cour d'appel s'est fondée sur la circonstance que l'accès commun (la rampe) a été conçu et réalisé avec l'accord des deux sociétés, pour leur usage commun, puis utilisé, ainsi que sur l'absence de convention entre les parties pour se doter d'une autre organisation ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'il résultait de ses propres constatations que la rampe était entièrement implantée sur le fonds de la société Savana Investment et ne pouvait donc être commune aux deux sociétés, ce qui excluait l'application du statut de la copropriété aux deux immeubles appartenant à la société Savana Investment et à la société Dragonne, la cour d'appel a de nouveau violé la disposition susvisée.
Viole l'article 1er, alinéa 2, de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 la cour d'appel qui, pour dire que, sauf convention contraire entre les parties pour se doter d'une autre organisation, le statut de la copropriété est applicable à un ensemble immobilier constitué des immeubles édifiés sur deux fonds, dont la rampe d'accès chauffante et l'entrée du garage constituent une partie commune, retient que le statut de la copropriété est applicable même si les éléments et aménagements communs sont situés sur la propriété d'une seule des parties concernées par leur usage, que l'accès commun a été conçu et réalisé avec l'accord des deux sociétés et que l'expert affirme que son usage est identique pour les deux voisins, sans constater l'existence de terrains et de services communs aux deux ensembles immobiliers
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CIV. 3 FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 26 mars 2020 Rejet M. CHAUVIN, président Arrêt n° 280 FS-P+B+I Pourvoi n° Q 18-22.441 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 MARS 2020 1°/ M. K... X..., 2°/ Mme N... S..., épouse X..., domiciliés tous deux [...], 3°/ la société 2 DB Communication, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...], ont formé le pourvoi n° Q 18-22.441 contre l'arrêt rendu le 5 juillet 2018 par la cour d'appel de Nîmes (chambre civile, 2e chambre section A), dans le litige les opposant au syndicat des copropriétaires Résidence ..., dont le siège est [...], représenté par son syndic la société Saint André immobilier, dont le siège est [...], défendeur à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Schmitt, conseiller référendaire, les observations de la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat de M. et Mme X... et de la société 2 DB Communication, de la SCP Spinosi et Sureau, avocat du syndicat des copropriétaires Résidence ..., et l'avis de M. Sturlèse, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 février 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Schmitt, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, M. Parneix, Mmes Andrich, Dagneaux, Provost-Lopin, MM. Barbieri, Jessel, conseillers, Mme Corbel, M. Béghin, conseillers référendaires, M. Sturlèse, avocat général, et Mme Besse, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 5 juillet 2018), M. et Mme X..., propriétaires de lots à usage commercial loués à la société 2B Communication dans l'immeuble ... soumis au statut de la copropriété, ont formé tierce-opposition à un arrêt du 5 juin 2012, condamnant, à la demande du syndicat des copropriétaires de cet immeuble (le syndicat), le locataire commercial à procéder à la dépose des panneaux publicitaires et enseignes apposés sur la façade. Sur le premier moyen et sur le second moyen, pris en sa troisième branche, ci-après annexés 2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le second moyen, pris en ses première et deuxième branches Enoncé du moyen 3. M. et Mme X... font grief à l'arrêt de dire que l'article 9 g) du règlement de copropriété n'est pas une clause illicite en l'état de la destination de l'immeuble et qu'il n'y a pas lieu à rétractation de l'arrêt rendu le 5 juin 2012, alors : « 1°/ que, lorsque le règlement de copropriété stipule que les boutiques situées au rez-de-chaussée de l'immeuble pourront être utilisées à des fins commerciales, pour n'importe quel commerce ou industrie, la clause selon laquelle « il ne pourra être placé sur la façade des immeubles aucune enseigne, réclame, lanterne ou écriteau quelconque » est contraire à la destination de l'immeuble et doit être réputée non écrite ; qu'en jugeant que cette clause ne pouvait être considérée comme illicite en raison de l'atteinte qu'elle porterait atteinte aux droits des propriétaires des locaux commerciaux, au motif inopérant qu'elle correspond parfaitement à la destination de l'immeuble qui est situé dans le périmètre de protection des remparts de la ville d'Avignon, quand il était constant que l'immeuble pouvait être utilisé à des fins commerciales pour n'importe quel commerce, ce qui impliquait l'installation d'enseignes permettant aux commerçants de se faire remarquer par une clientèle éventuelle, de sorte que la clause du règlement de copropriété prohibant la pose d'enseignes en façade de l'immeuble était contraire à sa destination et devait être réputée non écrite, la cour d'appel a violé les articles 8 et 43 de la loi du 10 juillet 1965 ; 2°/ que le juge ne doit pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en jugeant, pour refuser de dire non écrite la clause figurant à l'article 9 g) du règlement de copropriété selon laquelle « il ne pourra être placé sur la façade des immeubles aucune enseigne, réclame, lanterne ou écriteau quelconque », qu'elle ne prohibe pas la pose d'enseignes « bandeaux » placées en imposte au-dessus des vitrines puisqu'il s'agit de surfaces privatives et que seules les enseignes situées sur une partie commune sont soumises à une interdiction, quand cette clause ne comporte aucune distinction selon que les enseignes sont apposées sur une partie privative ou une partie commune et prohibe toute pose d'enseignes en façade, la cour d'appel a violé le principe susvisé. » Réponse de la Cour 4. Ayant retenu que la clause figurant à l'article 9 g) du règlement de copropriété, selon laquelle « il ne pourra être placé sur la façade des immeubles aucune enseigne, réclame, lanterne ou écriteau quelconque », correspondait à la destination de l'immeuble qui était situé dans le périmètre de protection des remparts de la commune d‘Avignon, la cour d'appel a pu, par ces seuls motifs, en déduire que celle-ci ne pouvait être considérée comme illicite au motif qu'elle porterait atteinte aux droits des propriétaires des locaux commerciaux et qu'il n'y avait pas lieu de rétracter l'arrêt rendu le 5 juin 2012. 5. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. et Mme X... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, signé par M. Echappé, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller empêché et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six mars deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X... et la société 2 DB Communication. PREMIER MOYEN DE CASSATION. Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé le jugement rendu le 16 mars 2010 par le tribunal de grande instance d'Avignon en ce qu'il a dit que la clause du règlement de copropriété interdisant la pose des enseignes en façade de l'immeuble devait être réputée non écrite, en ce qu'il a dit que l'action du syndicat des copropriétaires de la résidence ... était prescrite, condamné M. et Mme X... à payer au syndicat des copropriétaires de la résidence ... la somme de 4000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de l'instance en tierce-opposition à l'arrêt rendu le 5 juin 2012 ; AUX MOTIFS QUE « Sur la contestation de l'article 9 g) du règlement de copropriété : Cet article 9 g) du règlement de copropriété reçu les 29 et 30 mars 1966 est ainsi rédigé : Il ne pourra être placé sur la façade des immeubles aucune enseigne, réclame, lanterne ou écriteau quelconque. Pour tenir compte du fait que le jugement du 16 mars 2010 rendu par le tribunal de grande instance d'Avignon avait déclaré non écrite, la clause interdisant toute apposition de toute enseigne sur les façades de l'immeuble, l'assemblée générale extraordinaire qui s'est réunie le 13 mars 2013, a proposé au vote des copropriétaires, un texte modificatif ainsi rédigé : L'immeuble étant situé dans le périmètre de protection des remparts classés au titre des monuments historiques, les enseignes doivent faire l'objet d'une demande d'autorisation de la mairie qui sollicitera l'avis de l'Architecte de France. Les enseignes « bandeaux » seront placées en imposte sous le bandeau béton de l'immeuble, au-dessus des vitrines et ne dépasseront pas la longueur de la travée entre piliers. Elles seront constituées de panneaux transparents de type Plexiglas de hauteur maximale de 40 cm, sur lesquels les lettres seront collées. Les coffrets lumineux pleins ne sont pas autorisés : l'éclairage sera indirect, la source lumineuse étant cachée (réglettes lumineuses fines, par exemple). La délibération qui contenait cette proposition a été annulée par le jugement du 15 décembre 2015, à la demande de M. et de Mme X.... Pour autant la clause de l'article 9 g) du règlement de copropriété ne peut être considérée comme illicite au motif qu'elle porterait atteinte aux droits des propriétaires des locaux commerciaux alors qu'elle correspond parfaitement à la destination de l'immeuble qui est situé dans le périmètre de protection des remparts de la ville d'Avignon. Le règlement de copropriété ne prohibe d'ailleurs pas la pose d'enseignes « bandeaux » placées en imposte au-dessus des vitrines puisqu'il s'agit de surfaces privatives alors que le bandeau béton de l'immeuble situé au-dessous des terrasses du premier étage, est une partie commune seule soumise à l'interdiction du règlement de copropriété. Sur la prescription acquisitive: M. et Mme X... font valoir à juste titre qu'en cas de violation du règlement de copropriété, le délai de 10 ans prévu par l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965, court du jour où l'infraction a été commise et qu'il n'est pas interrompu par les ventes successives du lot, que l'action qui a été engagée le 10 novembre 2009 par le syndicat des copropriétaires de la résidence ... pour faire enlever les enseignes de la société 2B Communication était prescrite puisque leurs vendeurs avaient apposé depuis très longtemps, trois enseignes sur le bandeau béton de l'immeuble, que la situation a été constatée par huissier le 24 décembre 2008. M. et Mme X... sont cependant défaillants dans la preuve qui leur incombe: si les enseignes de leur vendeur apparaissent sur le bandeau de l'immeuble, selon photographies annexées à un constat du 24 décembre 2008, il n'est pas pour autant établi que ces enseignes étaient installées depuis plus de 10ans, la seule attestation de l'un de leurs vendeurs ayant une force probatoire insuffisante. L'attestation de M. F... Q... qui a exercé la profession d'agent d'assurances, dans un local commercial, pour intéressante qu'elle soit, sur la pose de sa propre enseigne entre 1968 et 1986 sur le bandeau de l'immeuble, ne contient aucune précision sur l'enseigne des vendeurs de M. et de Mme X.... La circonstance que la caisse primaire d'assurance maladie de Vaucluse ait eu sa propre enseigne entre 1967 et 2003 sur le bandeau de l'immeuble, ne donne pas davantage d'informations sur l'enseigne des vendeurs de M. et de Mme X.... La prescription alléguée au visa de l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965 ne peut donc être considérée comme acquise. Sur la régularité de la pose des enseignes existantes: M. et Mme X... font valoir qu'ils ont posé des enseignes qui ont fait l'objet le 28 juin 2013, d'un certificat de non-opposition de la part des services de l'urbanisme de la commune d'Avignon à la suite de leur déclaration attestant de l'achèvement et de la conformité de leurs travaux en date du 20 décembre 2012. S'il est exact que M. et Mme X... ont obtenu des services de la mairie, une autorisation sur déclaration préalable et un certificat de non opposition pour la pose d'enseignes sur le bandeau de l'immeuble, il n'en demeure pas moins que l'action du syndicat des copropriétaires de la résidence ... qui repose sur l'article 9 g) du règlement de copropriété et qui tend à l'enlèvement de toute enseigne sur le bandeau béton de l'immeuble reste fondée. Il sera observé que ce n'est pas sans contradiction avec l'autorisation qui leur a été donnée le 3 novembre 2011 par les services de l'urbanisme de la ville après avis de l'architecte des bâtiments Q... , que M. et Mme X... ont sollicité l'annulation de l'assemblée générale du 13 mars 2013 qui proposait une rédaction de l'article 9g) du règlement de copropriété correspondant en tous points aux démarches qu'ils avaient entreprises. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de rétracter l'arrêt rendu le 5 juin 2012 par cette cour et qui a condamné la société 2B Communication à procéder, sous astreinte de 50 € par jour de retard passé le délai de deux mois à compter de la signification de l'arrêt, à la dépose intégrale de tous les panneaux publicitaires ou enseignes apposées sur la façade de l'immeuble ... et à remettre en état la façade. Sur la contestation de l'assemblée générale du 18 décembre 2008 : La tierce-opposition formée par M. et Mme X... ne peut avoir pour effet de remettre en question une délibération sur le retrait d'une question faisant partie de l'ordre du jour d'une assemblée qui s'est tenue le 18 décembre 2008 à défaut pour eux d'avoir contesté cette délibération dans le délai de deux mois qui a suivi la notification du procès-verbal de cette assemblée générale » (arrêt, p. 7 à 9) ; 1) - ALORS QUE l'effet dévolutif de la tierce opposition est limité à la remise en question, relativement à son auteur, des points jugés qu'elle critique ; qu'en infirmant le jugement rendu le 16 mars 2010 en ce qu'il a dit que la clause du règlement de copropriété interdisant la pose des enseignes en façade de l'immeuble devait être réputée non écrite et que l'action du syndicat des copropriétaires de la résidence ... était prescrite, quand la tierce opposition formée par les époux X... ne tendait pas à critiquer ce jugement de ce chef, et n'était dirigée que contre l'arrêt du 5 juin 2012, la cour d'appel a violé l'article 582 du code de procédure civile, 2) - ALORS QUE le juge ne doit pas méconnaître les termes du litige ; qu'en statuant de la sorte, quand le syndicat des copropriétaires de la résidence ... n'avait pas davantage demandé à la cour d'appel d'infirmer le jugement du 16 mars 2010 en ce qu'il avait dit que la clause du règlement de copropriété interdisant la pose des enseignes en façade de l'immeuble devait être réputée non écrite et que l'action engagée contre la société 2B Communication était prescrite, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile. SECOND MOYEN DE CASSATION. Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir dit que l'article 9g) du règlement de copropriété n'est pas une clause illicite en l'état de la destination de l'immeuble, dit que l'action du syndicat des copropriétaires de la résidence ... n'est pas prescrite, dit n'y avoir lieu à rétractation de l'arrêt rendu le 5 juin 2012 et condamné M. et Mme X... à payer au syndicat des copropriétaires de la résidence ... la somme de 4000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de l'instance en tierce-opposition à l'arrêt rendu le 5 juin 2012 ; AUX MOTIFS QUE « Sur la contestation de l'article 9 g) du règlement de copropriété: Cet article 9 g) du règlement de copropriété reçu les 29 et 30 mars 1966 est ainsi rédigé : Il ne pourra être placé sur la façade des immeubles aucune enseigne, réclame, lanterne ou écriteau quelconque. Pour tenir compte du fait que le jugement du 16 mars 2010 rendu par le tribunal de grande instance d'Avignon avait déclaré non écrite, la clause interdisant toute apposition de toute enseigne sur les façades de l'immeuble, l'assemblée générale extraordinaire qui s'est réunie le 13 mars 2013, a proposé au vote des copropriétaires, un texte modificatif ainsi rédigé : L'immeuble étant situé dans le périmètre de protection des remparts classés au titre des monuments historiques, les enseignes doivent faire l'objet d'une demande d'autorisation de la mairie qui sollicitera l'avis de l'Architecte de France. Les enseignes « bandeaux » seront placées en imposte sous le bandeau béton de l'immeuble, au-dessus des vitrines et ne dépasseront pas la longueur de la travée entre piliers. Elles seront constituées de panneaux transparents de type Plexiglas de hauteur maximale de 40 cm, sur lesquels les lettres seront collées. Les coffrets lumineux pleins ne sont pas autorisés : l'éclairage sera indirect, la source lumineuse étant cachée (réglettes lumineuses fines, par exemple). La délibération qui contenait cette proposition a été annulée par le jugement du 15 décembre 2015, à la demande de M.et de Mme X.... Pour autant la clause de l'article 9 g) du règlement de copropriété ne peut être considérée comme illicite au motif qu'elle porterait atteinte aux droits des propriétaires des locaux commerciaux alors qu'elle correspond parfaitement à la destination de l'immeuble qui est situé dans le périmètre de protection des remparts de la ville d'Avignon. Le règlement de copropriété ne prohibe d'ailleurs pas la pose d'enseignes « bandeaux » placées en imposte au-dessus des vitrines puisqu'il s'agit de surfaces privatives alors que le bandeau béton de l'immeuble situé au-dessous des terrasses du premier étage, est une partie commune seule soumise à l'interdiction du règlement de copropriété. Sur la prescription acquisitive: M. et Mme X... font valoir à juste titre qu'en cas de violation du règlement de copropriété, le délai de 10 ans prévu par l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965, court du jour où l'infraction a été commise et qu'il n'est pas interrompu par les ventes successives du lot, que l'action qui a été engagée le 10 novembre 2009 par le syndicat des copropriétaires de la résidence ... pour faire enlever les enseignes de la société 2B Communication était prescrite puisque leurs vendeurs avaient apposé depuis très longtemps, trois enseignes sur le bandeau béton de l'immeuble, que la situation a été constatée par huissier le 24 décembre 2008. M. et Mme X... sont cependant défaillants dans la preuve qui leur incombe : si les enseignes de leur vendeur apparaissent sur le bandeau de l'immeuble, selon photographies annexées à un constat du 24 décembre 2008, il n'est pas pour autant établi que ces enseignes étaient installées depuis plus de 10 ans, la seule attestation de l'un de leurs vendeurs ayant une force probatoire insuffisante. L'attestation de M. F... Q... qui a exercé la profession d'agent d'assurances, dans un local commercial, pour intéressante qu'elle soit, sur la pose de sa propre enseigne entre 1968 et 1986 sur le bandeau de l'immeuble, ne contient aucune précision sur l'enseigne des vendeurs de M. et de Mme X.... La circonstance que la caisse primaire d'assurance maladie de Vaucluse ait eu sa propre enseigne entre 1967 et 2003 sur le bandeau de l'immeuble, ne donne pas davantage d'informations sur l'enseigne des vendeurs de M. et de Mme X.... La prescription alléguée au visa de l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965 ne peut donc être considérée comme acquise. Sur la régularité de la pose des enseignes existantes: M. et Mme X... font valoir qu'ils ont posé des enseignes qui ont fait l'objet le 28 juin 2013, d'un certificat de non-opposition de la part des services de l'urbanisme de la commune d'Avignon à la suite de leur déclaration attestant de l'achèvement et de la conformité de leurs travaux en date du 20 décembre 2012. S'il est exact que M. et Mme X... ont obtenu des services de la mairie, une autorisation sur déclaration préalable et un certificat de non opposition pour la pose d'enseignes sur le bandeau de l'immeuble, il n'en demeure pas moins que l'action du syndicat des copropriétaires de la résidence ... qui repose sur l'article 9g) du règlement de copropriété et qui tend à l'enlèvement de toute enseigne sur le bandeau béton de l'immeuble reste fondée. Il sera observé que ce n'est pas sans contradiction avec l'autorisation qui leur a été donnée le 3 novembre 2011 par les services de l'urbanisme de la ville après avis de l'architecte des bâtiments Q... , que M. et Mme X... ont sollicité l'annulation de l'assemblée générale du 13 mars 2013 qui proposait une rédaction de l'article 9g) du règlement de copropriété correspondant en tous points aux démarches qu'ils avaient entreprises. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de rétracter l'arrêt rendu le 5 juin 2012 par cette cour et qui a condamné la société 2B Communication à procéder, sous astreinte de 50 € par jour de retard passé le délai de deux mois à compter de la signification de l'arrêt, à la dépose intégrale de tous les panneaux publicitaires ou enseignes apposées sur la façade de l'immeuble ... et à remettre en état la façade » (arrêt, p. 7 & 8) ; 1) - ALORS QUE lorsque le règlement de copropriété stipule que les boutiques situées au rez-de-chaussée de l'immeuble pourront être utilisées à des fins commerciales, pour n'importe quel commerce ou industrie, la clause selon laquelle « il ne pourra être placé sur la façade des immeubles aucune enseigne, réclame, lanterne ou écriteau quelconque » est contraire à la destination de l'immeuble et doit être réputée non écrite ; qu'en jugeant que cette clause ne pouvait être considérée comme illicite en raison de l'atteinte qu'elle porterait atteinte aux droits des propriétaires des locaux commerciaux, au motif inopérant qu'elle correspond parfaitement à la destination de l'immeuble qui est situé dans le périmètre de protection des remparts de la ville d'Avignon, quand il était constant que l'immeuble pouvait être utilisé à des fins commerciales pour n'importe quel commerce, ce qui impliquait l'installation d'enseignes permettant aux commerçants de se faire remarquer par une clientèle éventuelle, de sorte que la clause du règlement de copropriété prohibant la pose d'enseignes en façade de l'immeuble était contraire à sa destination et devait être réputée non écrite, la cour d'appel a violé les articles 8 et 43 de la loi du 10 juillet 1965 ; 2) - ALORS QUE le juge ne doit pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en jugeant, pour refuser de dire non écrite la clause figurant à l'article 9 g) du règlement de copropriété selon laquelle « il ne pourra être placé sur la façade des immeubles aucune enseigne, réclame, lanterne ou écriteau quelconque », qu'elle ne prohibe pas la pose d'enseignes « bandeaux » placées en imposte au-dessus des vitrines puisqu'il s'agit de surfaces privatives et que seules les enseignes situées sur une partie commune sont soumises à une interdiction, quand cette clause ne comporte aucune distinction selon que les enseignes sont apposées sur une partie privative ou une partie commune et prohibe toute pose d'enseignes en façade, la cour d'appel a violé le principe susvisé ; 3) - ALORS QUE tenu de motiver sa décision, le juge doit préciser les éléments sur lesquels il se fonde ; qu'en toute hypothèse, en jugeant que la clause litigieuse n'était pas illicite en ce qu'elle ne prohibe pas la pose d'enseignes « bandeaux » placées en imposte au-dessus des vitrines puisqu'il s'agit de surfaces privatives, sans préciser d'où elle déduisait que les vitrines en façade étaient des parties privatives et qu'il était possible d'y apposer des enseignes, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
Ayant retenu que la clause du règlement de copropriété, selon laquelle "il ne pourra être placé sur la façade des immeubles aucune enseigne, réclame, lanterne ou écriteau quelconque", correspondait à la destination d'un immeuble qui était situé dans le périmètre de protection des remparts d'une commune, une cour d'appel a pu en déduire que celle-ci ne pouvait être considérée comme illicite au motif qu'elle porterait atteinte aux droits des propriétaires des locaux commerciaux
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SOC. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 25 mars 2020 Cassation partielle M. CATHALA, président Arrêt n° 386 FS-P+B Pourvoi n° Z 18-11.433 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 25 MARS 2020 La société Polynt composites France, venant aux droits de la société CCP composites, société anonyme, dont le siège est [...], a formé le pourvoi n° Z 18-11.433 contre l'arrêt rendu le 30 novembre 2017 par la cour d'appel de Douai (chambre sociale), dans le litige l'opposant à M. Y... P..., domicilié [...], défendeur à la cassation. M. P... a formé un pourvoi incident contre le même arrêt. La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Rinuy, conseiller, les observations de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de la société Polynt composites France, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. P..., et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 février 2020 où étaient présents M. Cathala, président, M. Rinuy, conseiller rapporteur, Mme Leprieur, conseiller doyen, MM. Maron, Pietton, Mmes Richard, Le Lay, conseillers, Mmes Depelley, Duvallet, M. Le Corre, Mmes Marguerite, conseillers référendaires, Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, et Mme Pontonnier, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. P... a été engagé, par contrat du 1er septembre 1998 régi par la convention collective des industries chimiques, en qualité d'opérateur par la société Cray Valley aux droits de laquelle se trouve la société Polynt composites France ; que, délégué syndical, il travaille en régime posté et est rémunéré en tant qu'opérateur de niveau 3 au coefficient 225 ; qu'il a, le 13 février 2012, saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ; Sur les premier et deuxième moyens du pourvoi principal de l'employeur et le deuxième moyen du pourvoi incident du salarié : Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les moyens annexés, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ; Sur le premier moyen du pourvoi incident du salarié : Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande au titre des heures de délégation alors, selon le moyen : 1°/ que l'annulation par le tribunal d'instance de la désignation n'ayant pas d'effet rétroactif, la perte de la qualité de représentant syndical n'intervient qu'à la date à laquelle le jugement est prononcé ; qu'en jugeant le contraire pour en déduire que le salarié ne pouvait prétendre aux heures de délégation afférentes, la cour d'appel a violé l'article L. 2143-8 du code du travail ; 2°/ que lorsque l'application d'une convention ou d'un accord est mise en cause dans une entreprise déterminée en raison notamment d'une fusion, d'une cession, d'une scission ou d'un changement d'activité, cette convention ou cet accord continue de produire effet jusqu'à l'entrée en vigueur de la convention ou de l'accord qui lui est substitué ou, à défaut pendant une période d'un an à compter de l'expiration du délai de préavis prévue à l'article L. 2261-9 du code du travail, sauf clause prévoyant une durée supérieure ; qu'en écartant l'application de l'accord syndical du 10 juillet 1992 allouant un crédit d'heures supplémentaires de délégation aux délégués syndicaux du comité central d'entreprise motif pris de ce que l'accord d'entreprise fixant le statut social applicable au sein de la société CCP composites listant les accords repris dans le cadre du transfert des contrats de travail ne l'avait pas repris, quand l'accord syndical du 10 juillet 1992 continuait de produire effet jusqu'à l'entrée en vigueur de la convention ou de l'accord qui lui est substitué, peu important que la société Polynt composites ne comporte qu'un seul établissement, la cour d'appel a violé l'article L. 2261-14 du code du travail ; 3°/ à tout le moins que lorsque l'application d'une convention ou d'un accord est mise en cause dans une entreprise déterminée en raison notamment d'une fusion, d'une cession, d'une scission ou d'un changement d'activité, cette convention ou cet accord continue de produire effet jusqu'à l'entrée en vigueur de la convention ou de l'accord qui lui est substitué ou, à défaut pendant une période d'un an à compter de l'expiration du délai de préavis prévue à l'article L. 2261-9 du code du travail, sauf clause prévoyant une durée supérieure ; qu'en s'abstenant de rechercher si l'accord du 10 juillet 1992 avait ou non cessé de produire effet, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2261-14 du code du travail ; Mais attendu qu'en cas de modification dans la situation juridique de l'employeur, les mandats en cours de délégué syndical central et de représentant syndical central au comité d'entreprise cessent de plein droit à la date du transfert dès lors que la société reprenant l'activité transférée ne remplit pas les conditions légales ; Et attendu qu'ayant relevé, par motifs propres et adoptés, que le salarié réclamait l'application d'un accord conclu par la société Cray Valley avec les organisations syndicales le 10 juillet 1992 réservant un crédit d'heures supplémentaires de délégation aux délégués syndicaux du comité central d'entreprise alors que la société Polynt composites, à laquelle l'entité économique avait été transférée, ne comportait qu'un seul établissement et était dépourvue de délégués syndicaux centraux, la cour d'appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ; Sur le troisième moyen du pourvoi incident du salarié : Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande d'annulation de la mise à pied disciplinaire du 24 mai 2013 et de rappel de salaires et de dommages-intérêts à ce titre alors, selon le moyen, que lorsque le salarié refuse une mesure de rétrogradation disciplinaire notifiée après un premier entretien préalable, l'employeur qui envisage de prononcer une autre sanction disciplinaire ayant une incidence sur la présence dans l'entreprise, la fonction, la carrière ou la rémunération du salarié au lieu de la sanction refusée, doit convoquer l'intéressé à un nouvel entretien ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 1332-2 et L. 1332-4 du code du travail ; Mais attendu que lorsque le salarié refuse une mesure disciplinaire emportant une modification de son contrat de travail, notifiée après un entretien préalable, l'employeur qui y substitue une sanction disciplinaire, autre qu'un licenciement, n'est pas tenu de convoquer l'intéressé à un nouvel entretien préalable ; Et attendu que la cour d'appel a décidé à bon droit qu'après le refus par le salarié d'une mesure de rétrogradation proposée à la suite d'un entretien disciplinaire, l'employeur pouvait lui notifier une mesure de mise à pied disciplinaire sans le convoquer préalablement à un nouvel entretien ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ; Mais sur le troisième moyen du pourvoi principal de l'employeur : Vu l'article 1153 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 : Attendu que pour condamner l'employeur à payer au salarié une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour non paiement des heures de trajet, l'arrêt retient que l'employeur devra également lui verser une certaine somme à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral dûment justifié résultant du retard anormal apporté à la régularisation de ses droits ; Qu'en statuant ainsi, sans caractériser l'existence d'un préjudice distinct de celui résultant du retard de paiement, causé par la mauvaise foi de l'employeur, la cour d'appel a violé le texte susvisé ; PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi incident ; CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Polynt composites France à payer à M. P... la somme de 300 euros à titre de dommages-intérêts pour non paiement des heures de trajet, l'arrêt rendu le 30 novembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ; Condamne M. P... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mars deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Polynt composites France. PREMIER MOYEN DE CASSATION IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que l'emploi de M. P... relevait entre janvier 2010 et fin décembre 2015 du coefficient 235 applicable aux techniciens des industries chimiques et condamné en conséquence la société Polynt composites France à payer à M. P... les sommes de 5 777,25 euros et de 577,72 euros à titre de rappel de salaires et indemnité de congés payés, d'AVOIR ordonné à l'employeur de le rémunérer au coefficient 250 à compter du 1er janvier 2016, avec les rappels de salaires afférents, et d'AVOIR condamné la société Polynt composites France à payer au salarié la somme de 2 500 € au titre des frais non compris dans les dépens ainsi qu'aux dépens incluant ceux de première instance, AUX MOTIFS QU'il ressort des éléments du dossier que le 1er janvier 2008 M. P... a été promu opérateur de niveau 3 coefficient 225 avec rattachement à la catégorie des techniciens et agents de maîtrise ; qu'aux termes de l'accord de révision des classifications en date du 10 août 1978 le coefficient 225 est réservé aux techniciens dont la fonction exige des connaissances acquises soit par une formation pouvant être sanctionnée par un BTS ou un DUT, soit par une expérience pratique équivalente ; que le coefficient 235 est quant à lui applicable aux techniciens ayant les connaissances générales et techniques du coefficient précédent (225) ainsi qu'une expérience pratique suffisante lui permettant d'adapter ses interventions ; que le coefficient 250 est quant à lui réservé aux techniciens ayant des connaissances professionnelles et une expérience étendues leur permettant de prendre des décisions pour adapter leurs interventions après avoir interprété des informations variées et complexes et pouvant être appelés à assurer une assistance technique et à contrôler des agents de classification inférieure ; qu'il résulte des éléments versés aux débats que compte tenu de son parcours et de son importante ancienneté dans l'entreprise M. P... dispose de connaissances professionnelles et d'une expérience pratique étendues lui permettant de prendre des décisions et d'adapter ses interventions ; qu'il a été appelé, dans sa spécialité, à assurer une assistance technique et à contrôler des agents de classification inférieure. Il a par ailleurs assuré des fonctions de chef de poste remplaçant ; que dans son entretien d'évaluation il est indiqué qu'il dispose de compétences de supervision et relationnelles, qu'il sait faire passer ses idées et que son «courage managerial» est adéquat, ce qui implique qu'il lui a été demandé d'en faire montre ; qu'il en ressort qu'entre 2010 et fin 2015 M. P... a exercé des fonctions de coefficient 235 et qu'il sera fait droit à ses demandes non contestées en leur quantum et exactement calculées ; que par ailleurs, il est avéré qu'à compter de janvier 2016 et jusqu'à ce jour M. P... exerce habituellement des fonctions relevant du coefficient 250 ; qu'il sera donc enjoint à l'employeur de le rémunérer en conséquence postérieurement au 1er janvier 2016 ; ALORS QUE les juges du fond, tenus de motiver leur décision, ne peuvent statuer par le simple visa de pièces non identifiées et n'ayant fait l'objet d'aucune analyse ; qu'en se bornant à affirmer péremptoirement qu'il résultait des éléments versés aux débats que compte tenu de son parcours et de son importante ancienneté dans l'entreprise, M. P... disposait de connaissances professionnelles et d'une expérience pratique étendues lui permettant de prendre des décisions et d'adapter ses interventions, et qu'il avait été appelé, dans sa spécialité, à assurer une assistance technique et à contrôler des agents de classification inférieure, sans préciser sur quels éléments de preuve elle se fondait, ni les analyser, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE) IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR ordonné à l'employeur de rémunérer le salarié au coefficient 250 à compter du 1er janvier 2016, avec les rappels de salaires afférents, et d'AVOIR condamné la société Polynt composites France à payer au salarié la somme de 2 500 € au titre des frais non compris dans les dépens ainsi qu'aux dépens incluant ceux de première instance, AUX MOTIFS QU'il ressort des éléments du dossier que le 1er janvier 2008 M. P... a été promu opérateur de niveau 3 coefficient 225 avec rattachement à la catégorie des techniciens et agents de maîtrise ; qu'aux termes de l'accord de révision des classifications en date du 10 août 1978 le coefficient 225 est réservé aux techniciens dont la fonction exige des connaissances acquises soit par une formation pouvant être sanctionnée par un BTS ou un DUT, soit par une expérience pratique équivalente ; que le coefficient 235 est quant à lui applicable aux techniciens ayant les connaissances générales et techniques du coefficient précédent (225) ainsi qu'une expérience pratique suffisante lui permettant d'adapter ses interventions ; que le coefficient 250 est quant à lui réservé aux techniciens ayant des connaissances professionnelles et une expérience étendues leur permettant de prendre des décisions pour adapter leurs interventions après avoir interprété des informations variées et complexes et pouvant être appelés à assurer une assistance technique et à contrôler des agents de classification inférieure ; qu'il résulte des éléments versés aux débats que compte tenu de son parcours et de son importante ancienneté dans l'entreprise M. P... dispose de connaissances professionnelles et d'une expérience pratique étendues lui permettant de prendre des décisions et d'adapter ses interventions ; qu'il a été appelé, dans sa spécialité, à assurer une assistance technique et à contrôler des agents de classification inférieure. Il a par ailleurs assuré des fonctions de chef de poste remplaçant ; que dans son entretien d'évaluation il est indiqué qu'il dispose de compétences de supervision et relationnelles, qu'il sait faire passer ses idées et que son «courage managerial» est adéquat, ce qui implique qu'il lui a été demandé d'en faire montre ; qu'il en ressort qu'entre 2010 et fin 2015 M. P... a exercé des fonctions de coefficient 235 et qu'il sera fait droit à ses demandes non contestées en leur quantum et exactement calculées ; que par ailleurs, il est avéré qu'à compter de janvier 2016 et jusqu'à ce jour M. P... exerce habituellement des fonctions relevant du coefficient 250 ; qu'il sera donc enjoint à l'employeur de le rémunérer en conséquence postérieurement au 1er janvier 2016 ; ALORS QU'aux termes de l'accord du 10 août 1978 portant révision des classifications, conclu dans le cadre de la convention collective nationale des industries chimiques et connexes, le coefficient 250 est réservé au technicien « ayant des connaissances professionnelles et une expérience étendues lui permettant de prendre des décisions pour adapter ses interventions après avoir interprété des informations variées et complexes. Il peut être appelé, dans sa spécialité, à assurer une assistance technique et à contrôler des agents de classification inférieure » ; qu'en l'espèce, la cour d'appel s'est bornée à constater que M. P... disposait de connaissances professionnelles et d'une expérience pratique étendues lui permettant de prendre des décisions et d'adapter ses interventions, qu'il avait été appelé, dans sa spécialité, à assurer une assistance technique et à contrôler des agents de classification inférieure, qu'il avait assuré des fonctions de chef de poste remplaçant, qu'il disposait de compétences de supervision et relationnelles, qu'il savait faire passer ses idées et que son « courage managerial » était adéquat ; qu'en retenant que depuis janvier 2016, M. P... exerçait habituellement des fonctions relevant du coefficient 250, sans constater qu'il était amené depuis cette date, avant de prendre des décisions pour adapter ses interventions, à interpréter des informations variées et complexes, ni au demeurant constater depuis cette date le moindre changement dans ses fonctions justifiant un changement de coefficient, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé. TROISIEME MOYEN DE CASSATION IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Polynt composites France à payer à M. P... la somme de 300 euros à titre de dommages-intérêts pour non-paiement des heures de trajet, AUX MOTIFS QU'il est justifié en appel de l'accomplissement par M. P... d'heures de trajet dans le cadre de son mandat syndical, effectuées en dehors de l'horaire de travail normal, dont l'employeur devait assurer le règlement, ce qui n'est pas contesté ; qu'au vu des calendriers et décomptes produits par l'appelant, il lui sera alloué non pas la somme réclamée, ne correspondant pas aux heures réellement effectuées, mais celle de 6022,22 € ; que l'employeur devra également lui verser 300 € de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral dûment justifié résultant du retard anormal apporté à la régularisation de ses droits ; ALORS QUE les dommages intérêts résultant du retard dans l'exécution d'une obligation au paiement d'une somme d'argent ne consistent jamais que dans la condamnation aux intérêts au taux légal, lesquels ne courent que du jour de la sommation de payer ; que le juge ne peut allouer au créancier des dommages et intérêts distincts des intérêts moratoires qu'à la condition de caractériser, d'une part, la mauvaise foi du débiteur, d'autre part, l'existence d'un préjudice indépendant du retard de paiement ; que la cour d'appel qui a accordé au salarié des dommages et intérêts en réparation du préjudice moral causé par le retard anormal de paiement des heures de trajet effectuées par le salarié dans le cadre de son mandat syndical, effectuées en dehors de l'horaire de travail normal, sans caractériser la mauvaise foi du débiteur, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1153 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. Moyens produits au pourvoi incident par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. P.... PREMIER MOYEN DE CASSATION Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté le salarié de sa demande au titre des heures de délégation. AUX MOTIFS propres QUE les moyens invoqués par M. P... au soutien de son appel ne font que réitérer sous une forme nouvelle, mais sans justification complémentaire utile, ceux dont les premiers juges ont connu et auxquels ils ont répondu par des motifs pertinents que la Cour adopte sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une simple argumentation ; que la Cour ajoute que le salarié ne verse en cause d'appel aucun justificatif des raisons exceptionnelles d'un dépassement du crédit mensuel de 20 heures applicable aux délégués syndicaux et que sa désignation en qualité de délégué syndical central et représentant syndical au comité central d'entreprise ayant été annulée par le tribunal d'instance de Douai le 20 décembre 2012 il ne peut prétendre à aucun surplus de crédit au titre desdites fonctions ; que c'est donc vainement qu'il réclame l'application d'un accord conclu par la société Cray Valley avec les organisations syndicales le 10 juillet 1992 réservant un crédit d'heures supplémentaires de délégation aux délégués syndicaux du comité central d'entreprise alors que la société Polynt Composites, qui ne comporte qu'un seul établissement, en est dépourvue. AUX MOTIFS adoptés QU'il résulte du jugement du tribunal d'instance de Douai, en date du 20 décembre 2012, qui n'a pas fait l'objet d'un pourvoi en cassation, que la désignation de Monsieur Y... P... en qualité de délégué syndical central et représentant syndical au comité central de l'entreprise effectuée par courrier du 20 juillet 2011, a été annulée ; que l'annulation a un effet rétroactif au jour de la désignation ; que dès lors, Monsieur Y... P... ne disposait plus de ces qualités en mars et avril 2012 ; qu'il en résulte que le crédit d'heure de délégation dont bénéficie Monsieur Y... P... correspond à celui de ses fonctions de délégué syndical ; que par ailleurs, l'accord d'entreprise fixant le statut social applicable au sein de la société CCP composites listant les accords repris dans le cadre du transfert des contrats de travail ne reprend pas l'accord syndical du 10 juillet 1992 ; que celui-ci n'était donc plus applicable à la période concernée ; que dès lors, Monsieur Y... P... bénéficie, en application des articles L. 2143-13 et suivants du code du travail, de 20 heures de délégation par mois, et que pour le surplus, il doit justifier de circonstances exceptionnelles ; que la société Polynt Composites a interrogé Monsieur Y... P... sur les circonstances exceptionnelles ayant justifié le dépassement d'heures de délégation en mars et avril 2012, Monsieur Y... P... n'en a pas justifié ; que c'est donc à juste titre que la société Polynt Composites n'a pas procédé à la rémunération des dites heures de délégation, qui ne bénéficiaient pas d'une présomption de bonne utilisation. 1° ALORS QUE l'annulation par le tribunal d'instance de la désignation n'ayant pas d'effet rétroactif, la perte de la qualité de représentant syndical n'intervient qu'à la date à laquelle le jugement est prononcé ; qu'en jugeant le contraire pour en déduire que le salarié ne pouvait prétendre aux heures de délégation afférentes, la cour d'appel a violé l'article L.2143-8 du code du travail. 2° ALORS QUE lorsque l'application d'une convention ou d'un accord est mise en cause dans une entreprise déterminée en raison notamment d'une fusion, d'une cession, d'une scission ou d'un changement d'activité, cette convention ou cet accord continue de produire effet jusqu'à l'entrée en vigueur de la convention ou de l'accord qui lui est substitué ou, à défaut pendant une période d'un an à compter de l'expiration du délai de préavis prévue à l'article L.2261-9 du code du travail, sauf clause prévoyant une durée supérieure ; qu'en écartant l'application de l'accord syndical du 10 juillet 1992 allouant un crédit d'heures supplémentaires de délégation aux délégués syndicaux du comité central d'entreprise motif pris de ce que l'accord d'entreprise fixant le statut social applicable au sein de la société CCP Composites listant les accords repris dans le cadre du transfert des contrats de travail ne l'avait pas repris, quand l'accord syndical du 10 juillet 1992 continuait de produire effet jusqu'à l'entrée en vigueur de la convention ou de l'accord qui lui est substitué, peu important que la société Polynt Composites ne comporte qu'un seul établissement, la cour d'appel a violé l'article L.2261-14 du code du travail. 3° ALORS à tout le moins QUE lorsque l'application d'une convention ou d'un accord est mise en cause dans une entreprise déterminée en raison notamment d'une fusion, d'une cession, d'une scission ou d'un changement d'activité, cette convention ou cet accord continue de produire effet jusqu'à l'entrée en vigueur de la convention ou de l'accord qui lui est substitué ou, à défaut pendant une période d'un an à compter de l'expiration du délai de préavis prévue à l'article L.2261-9 du code du travail,, sauf clause prévoyant une durée supérieure ; qu'en s'abstenant de rechercher si l'accord du 10 juillet 1992 avait ou non cessé de produire effet, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.2261-14 du code du travail. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté le salarié de ses demandes de rappel de salaire et de dommages et intérêts au titre des repos compensateurs et défaut d'information pour repos compensateurs à l'amélioration des conditions de travail. AUX MOTIFS propres QU' il résulte de l'article 4 de l'Accord du 16 septembre 2003 relatif au travail de nuit dans les industries chimiques qu'en l'absence de dispositions ayant le même objet arrêtées par accord d'entreprise tout salarié affecté en service continu doit bénéficier chaque année de 3 jours de repos compensateurs dits d'amélioration des conditions de travail ; que M. P... soutient que son employeur ne l'a pas mis en mesure de prendre ses repos compensateurs et qu'il ne l'a pas informé de ses droits en la matière ce qui lui a occasionné un préjudice dont il réclame réparation, en sus des salaires correspondants ; que la SA Polynt composites France soutient que les repos compensateurs prévus par la convention collective ont été intégrés dans le temps de travail en application d'un accord de réduction du temps de travail conclu avec les organisations syndicales le 29 janvier 2010 ; qu'il ressort de l'article 4 dudit accord que le décompte du temps de travail est apprécié sur la base d'une durée annuelle de travail exprimée en nombre de postes de 8 heures, fixé à 189 par an, tenant compte des repos de quelque nature qu'ils soient incluant les repos compensateurs pour l'amélioration des conditions de travail ; qu'il en résulte qu'ayant été soumis à une nouvelle forme d'organisation de son temps de travail intégrant dans son temps libre les journées de repos compensateurs prévus par la Convention collective M. P..., dont la rémunération n'a pas été diminuée, a été entièrement rempli de ses droits ; que par ailleurs, force est de constater que l'employeur lui a délivré des bulletins de paie, qu'il n'avait pas à y mentionner les repos compensateurs intégrés dans le nouveau calcul du temps de travail et qu'il n'a donc pas manqué à son devoir d'information. AUX MOTIFS adoptés QU'en matière de temps de travail, il appartient au salarié d'apporter des éléments de preuve tendant à démontrer que ses droits ne sont pas respectés, et dans ce cas, à l'employeur d'apporter la preuve du temps de travail et des modalités de calcul et de décompte de celui-ci ; qu'en l'espèce, Monsieur Y... P... produit comme unique pièce un courrier daté du 4 avril 2012 indiquant que la convention collective des industries chimiques n'est pas respectée quant au décompte des repos compensateurs ; que l'article 5 de l'accord sur la réduction du temps de travail applicable dans l'entreprise précise qu'à la date d'application du présent accord, le nombre de postes annuels effectivement travaillés par an par le personnel en poste semi continu, compte tenu de tous les repos de quelque nature que ce soit (repos hebdomadaires, repos pour réduction du temps de travail, repos compensateurs ( )) sont fixés à 189 et 193 postes par ans selon le nombre de jours travaillés par semaine ; que Monsieur Y... P... n'apporte aucun élément ni décompte quelconque tendant à étayer le fait que ces stipulations ne seraient pas respectés. 1° ALORS QUE la preuve des heures supplémentaires travaillées n'incombe à aucune des parties de sorte que le juge ne peut, pour rejeter une demande fondée sur l'accomplissement d'heures supplémentaires, se fonder exclusivement sur l'insuffisance des preuves apportées par le salarié ; que s'il appartient au salarié de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande, il incombe à l'employeur de répondre aux éléments produits par le salarié en fournissant ses propres éléments ; qu'en déboutant l'exposant de sa demande en paiement des repos compensateurs pour les heures effectuées au-delà des 189 postes par an aux motifs adoptés qu'il n'avait apporté aucun élément ni décompte quelconque tendant à étayer le fait que l'accord sur la réduction du temps de travail ne serait pas respecté, la cour d'appel qui a fait peser la charge de la preuve sur le salarié, a violé l'article L.3171-4 du code du travail. 2° ALORS QUE le juge ne saurait dénaturer les conclusions des parties ; que pour débouter le salarié, la cour d'appel a estimé que la nouvelle forme d'organisation de son temps de travail instituée par l'accord de réduction du temps de travail le 29 janvier 2010 intégrait dans son temps libre les journées de repos compensateurs prévues par la convention collective ; qu'en statuant ainsi, quand le salarié avait demandé le paiement des repos compensateurs correspondant aux heures supplémentaires effectuées au-delà des 189 postes par an, la cour d'appel, qui a dénaturé les conclusions d'appel du salarié, a violé l'article 1134 du code civil alors applicable. 3° ALORS à titre subsidiaire QUE compte tenu de l'organisation du travail en poste, le décompte du temps de travail est apprécié à partir d'une durée annuelle de travail exprimée en nombre de postes de 8 heures ; qu'à la date d'application de l'accord sur la réduction du temps de travail, le nombre annuel de postes effectivement travaillés par an par le personnel posté en continu, compte tenu de tous les repos de quelque nature que ce soit (repos hebdomadaires, repos pour réduction du temps de travail, repos compensateurs pour l'amélioration des conditions de travail, repos compensateurs de jours fériés, repos compensateurs pour passation de consignes, congés payés légaux) est fixé à 189 postes soit 1 512 h/an ; qu'en estimant qu'en étant soumis à cette nouvelle organisation du temps de travail intégrant dans son temps libre les journées de repos compensateurs prévues par la convention collective, le salarié dont la rémunération n'a pas été diminuée, avait été rempli de ses droits, sans rechercher si celui-ci n'avait pas effectué des heures supplémentaires au-delà des 189 postes par an justifiant des repos compensateurs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'accord sur la réduction du temps de travail du 29 janvier 2010. 4° ALORS QUE l'employeur est tenu de porter à la connaissance du salarié le nombre d'heures de repos compensateurs porté à son crédit par un document annexé à son bulletin de salaire ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article D.3171-11 du code du travail. TROISIEME MOYEN DE CASSATION Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté le salarié de sa demande d'annulation de la mise à pied disciplinaire du 24 mai 2013 et de rappel de salaires et de dommages et intérêts à ce titre. AUX MOTIFS propres QUEM. P..., qui soutient que toute sanction doit être précédée d'un entretien disciplinaire, fait par ailleurs valoir que la procédure disciplinaire n'a pas été respectée dès lors que suite à son refus d'accepter la rétrogradation décidée après l'entretien disciplinaire du 26 avril 2013 l'employeur lui a notifié la sanction de mise à pied sans le convoquer une nouvelle fois à un entretien préalable ; qu'à ce moyen l'employeur objecte à juste titre qu'il a tenu l'entretien préalable le 26 avril 2013 et qu'aucun texte ni disposition du règlement intérieur ne lui faisait obligation d'en tenir un autre après le refus du salarié d'accepter la rétrogradation proposée à titre de sanction ; qu'il en résulte que la sanction disciplinaire, prévue par le règlement intérieur, était fondée. ALORS QUE lorsque le salarié refuse une mesure de rétrogradation disciplinaire notifiée après un premier entretien préalable, l'employeur qui envisage de prononcer une autre sanction disciplinaire ayant une incidence sur la présence dans l'entreprise, la fonction, la carrière ou la rémunération du salarié au lieu de la sanction refusée, doit convoquer l'intéressé à un nouvel entretien ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L.1332-2 et L.1332-4 du code du travail.
Lorsque le salarié refuse une mesure disciplinaire emportant une modification de son contrat de travail, notifiée après un entretien préalable, l'employeur qui y substitue une sanction disciplinaire, autre qu'un licenciement, n'est pas tenu de convoquer l'intéressé à un nouvel entretien préalable
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SOC. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 25 mars 2020 Cassation partielle d'office sans renvoi et rejet du second moyen M. CATHALA, président Arrêt n° 387 FS-P+B Pourvois n° à à Z 18-23.692 F 18-23.698 G 18-23.700 K 18-23.702 JONCTION R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 25 MARS 2020 1°/ M. D... J..., domicilié [...], 2°/ M. Q... R..., domicilié [...], 3°/ M. T... A..., domicilié [...], 4°/ M. V... B..., domicilié [...], 5°/ M. S... H..., domicilié [...], 6°/ M. M... E..., domicilié [...], 7°/ M. V... N..., domicilié [...], 8°/ M. P... O..., domicilié [...], 9°/ M. S... C... F... , domicilié chez Mme X... F..., [...], 10°/ M. W... L..., domicilié [...], ont formé respectivement les pourvois n° Z 18-23.692 à F 18-23.698 et G 18-23.700 à K 18-23.702 contre les arrêts rendus le 15 juin 2018 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (18e chambre B), dans les litiges les opposant : 1°/ à M. AU... K..., domicilié [...], pris en qualité de mandataire liquidateur de la société Milonga, 2°/ à la société Socultur, société par actions simplifiée, dont le siège est [...], 3°/ à l'association CGEA-AGS, dont le siège est [...], défendeurs à la cassation ; Les demandeurs aux pourvois invoquent, à l'appui de leur recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Les dossiers ont été communiqués au procureur général. Sur le rapport de Mme Marguerite, conseiller référendaire, les observations de la SCP Didier et Pinet, avocat de MM. J..., R..., A..., B..., H..., E..., N..., O..., C... F... et L..., de la SCP Coutard et Munier-Apaire, avocat de M. K..., ès qualités, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Socultur, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de l'association CGEA-AGS, et l'avis de Mme Laulom, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 février 2020 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Marguerite, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leprieur, conseiller doyen, MM. Maron, Pietton, Mmes Richard, Le Lay, conseillers, Mmes Depelley, Duvallet, M. Le Corre, conseillers référendaires, Mme Laulom, avocat général, et Mme Pontonnier, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Vu la connexité, joint les pourvois n° 18-23.692 à 18-23.698, et 18-23.700 à 18-23.702 ; Attendu, selon les arrêts attaqués, que la société Milonga a été placée en liquidation judiciaire sans poursuite d'activité par jugement du tribunal de commerce du 2 octobre 2013 ; que le document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi établi par M. K..., en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Milonga, a été homologué le 10 octobre 2013 par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi ; que M. J... et dix autres salariés ont accepté le contrat de sécurisation professionnelle qui leur avait été proposé ; que la décision d'homologation a été annulée par un arrêt de la cour administrative d'appel du 1er juillet 2014 devenu définitif ; que M. J... et dix autres salariés ont saisi la juridiction prud'homale ; Sur le second moyen : Attendu que les salariés font grief aux arrêts de les débouter de leur demande au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents alors, selon le moyen, que le licenciement prononcé dans le cadre d'une liquidation judiciaire en l'absence de plan de sauvegarde de l'emploi, ou en l'état d'un plan insuffisant, est sans cause réelle et sérieuse ; qu'il s'ensuit que le salarié licencié, qui n'a pas exécuté son préavis, a droit au paiement d'une indemnité compensatrice ; que, pour débouter les salariés de leurs demandes en paiement d'une indemnité compensatrice de préavis, la cour d'appel a retenu que « l'article L. 1233-58, II, du code du travail ne prévoit pas, dans le cas notamment de l'annulation d'une décision d'homologation du document fixant le plan de sauvegarde de l'emploi, cas de l'espèce, que le licenciement doit être déclaré dépourvu de cause réelle et sérieuse » et que « cet article limite les conséquences de l'annulation de l'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi à l'indemnisation du salarié licencié, l'indemnité mise ainsi à la charge de l'employeur ne pouvant être inférieure aux salaires des six derniers mois et l'article L. 1235-16 du code du travail ne pouvant s'appliquer » ; qu'elle en a déduit que « le licenciement (...) n'est ni sans cause réelle et sérieuse, ni assimilable à un licenciement sans cause réelle et sérieuse au sens des dispositions précitées, et l'appelant ne saurait donc prétendre au versement du préavis et des congés payés afférents » ; qu'en statuant ainsi, quand l'annulation par les juridictions administratives du plan de sauvegarde de l'emploi en raison de son insuffisance avait pour effet de priver les licenciements, notifiés par le liquidateur judiciaire, de cause réelle et sérieuse, de sorte que les salariés licenciés avaient droit - outre à l'indemnité prévue par l'article L. 1233-58, II du code du travail - à une indemnité compensatrice de préavis, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-58, II, L. 1235-10 et L. 1234-5 du code du travail en leur rédaction applicable au litige ; Mais attendu que, selon l'article L. 1233-58, II, du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, en cas de licenciement intervenu dans une entreprise en redressement ou en liquidation judiciaire en l'absence de toute décision relative à la validation de l'accord mentionné à l'article L. 1233-24-1 du même code ou à l'homologation du document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4, ou en cas d'annulation d'une décision ayant procédé à la validation ou à l'homologation, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois ; que cette indemnité est due, quel que soit le motif d'annulation de la décision ayant procédé à la validation ou à l'homologation ; Et attendu qu'il en résulte que l'annulation de la décision administrative ayant procédé à la validation ou à l'homologation ne prive pas les licenciements économiques intervenus à la suite de cette décision de cause réelle et sérieuse ; que la cour d'appel a, à bon droit, débouté les salariés de leur demande en paiement d'une indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents fondée sur l'absence de cause réelle et sérieuse de la rupture de leur contrat de travail, intervenue à la suite de leur acceptation d'un contrat de sécurisation professionnelle ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ; Mais sur le moyen relevé d'office, après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile : Vu l'article L. 1235-7-1 du code du travail, ensemble la loi des 16-24 août 1790 et l'article 76 du code de procédure civile ; Attendu qu'il résulte de l'article L. 1233-57-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, que, lorsqu'elle est saisie d'une demande d'homologation d'un document élaboré en application de l'article L. 1233-24-4 du code du travail, il appartient à l'administration, sous le contrôle du juge administratif, de vérifier la conformité de ce document et du plan de sauvegarde de l'emploi dont il fixe le contenu aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles applicables ; que le respect du principe de la séparation des pouvoirs s'oppose à ce que le juge judiciaire se prononce sur le respect par l'employeur de stipulations conventionnelles dont il est soutenu qu'elles s'imposaient au stade de l'élaboration du plan de sauvegarde de l'emploi, la vérification du contenu dudit plan relevant de l'administration sous le contrôle du juge administratif ; Attendu que les arrêts déboutent les salariés de leurs demandes en paiement de sommes au titre de l'indemnité de congé de reclassement et de la majoration de la prime de licenciement prévues par un protocole d'accord de méthode du 30 mai 2013 ainsi que de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de la privation du dispositif de reclassement interne et externe prévu par ledit accord, après avoir constaté que le document unilatéral élaboré par le liquidateur judiciaire fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi et homologué le 10 octobre 2013 ne reprend pas les dispositions de l'accord de méthode ni dans son contenu, ni par référence expresse ou implicite ; Qu'en statuant ainsi, alors que sous le couvert de demandes tendant à obtenir l'exécution des engagement énoncés dans le cadre de cet accord, les salariés contestaient le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi dont le contrôle relève de la seule compétence de la juridiction administrative, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé les deux premiers des textes susvisés ; Et vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties par application des dispositions de l'article 1015 du même code ; PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le premier moyen du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'ils rejettent les demandes de MM. J..., R..., A..., B..., H..., E..., N..., O..., C... F... et L... en rapport avec l'application des dispositions prévues par le protocole d'accord de méthode du 30 mai 2013, les arrêts rendus le 15 juin 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; Déclare les juridictions de l'ordre judiciaire incompétentes pour connaître de ces demandes ; Renvoie les parties à mieux se pourvoir ; Condamne MM. J..., R..., A..., B..., H..., E..., N..., O..., C... F... et L... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts partiellement cassés ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mars deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits aux pourvois par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour MM. J..., R..., A..., B..., H..., E..., N..., O..., C... F... et L.... PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief aux arrêts attaqués d'AVOIR rejeté toutes les demandes en rapport avec l'application des dispositions prévues par le protocole d'accord de méthode du 30 mai 2013 ; AUX MOTIFS POPRES QUE, sur l'application du plan de sauvegarde de l'emploi contenu dans l'accord collectif du 30 mai 2013 : l'appelant soutient qu'il doit bénéficier des mesures du plan de sauvegarde de l'emploi adopté le 30 mai 2013 alors que : - cet accord prévoit expressément son application à toute nouvelle procédure de licenciement pour motif économique de plus de 9 salariés qui serait susceptible d'intervenir au sein de la société Milonga et qui débuterait avant le 31 décembre 2014 ; - la loi du 14 juin 2013 n'a pas d'effet rétroactif, elle est parfaitement compatible avec la mise en oeuvre du plan de sauvegarde de l'emploi conclu le 30 mai 2013 qu'elle n'a pas eu pour effet de faire disparaître et ne doit pas léser les salariés des droits acquis ; - il appartenait à l'employeur de soumettre cet accord collectif majoritaire à la validation ou à l'homologation de l'administration ; - le congé de reclassement stipulé par cet accord n'est pas incompatible avec les dispositions du code du travail en cas de liquidation judiciaire (obligation pour le liquidateur d'adhérer au contrat de sécurisation professionnelle et de proposer cette adhésion aux salariés) ; que l'appelant fait valoir qu'il est en droit d'obtenir le bénéfice des mesures prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi du 30 mai 2013, notamment le versement de la rémunération fixée pendant la période du congé de reclassement (indemnité de 100 % + indemnité de 75 %) ainsi que le versement de l'indemnité supra légale ou complémentaire de licenciement (majoration de la prime de licenciement) ; qu'il ajoute que le préjudice subi du fait de la privation des avantages accordés par le plan de sauvegarde de l'emploi du 30 mai 2013 (évalué à 20.000 euros par l'appelant), notamment des mesures de reclassement interne comme externe (cellule de reclassement, aides diverses...), constitue un préjudice distinct de celui indemnisé au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que la société Socultur fait valoir que : - la société Milonga a conclu le 30 mai 2013 avec le seul syndicat CFTC un accord de méthode relatif aux procédures d'information et de consultation du comité d'entreprise dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi ; qu'en annexe de cet accord, les parties prévoyaient un certain nombre de mesures d'accompagnement spécifiques (prise en charge des frais de déplacement, frais de réinstallation, aide à la recherche d'un logement, congé de reclassement, indemnité complémentaire de licenciement etc.) ; que cette annexe précisait que l'accord de méthode pourrait s'appliquer « en cas de toute nouvelle procédure de licenciement pour motif économique de plus de 9 salariés qui serait susceptible d'intervenir au sein de la société Milonga et qui débuterait avant le 31 décembre 2014 » ; - comme l'a relevé le premier juge, M. J... ne saurait prétendre à l'application de l'accord de méthode du 30 mai 2013 du fait, d'une part, de l'entrée en vigueur le 1er juillet 2013 de la loi du n° 2013-504 du 14 juin 2013, qui a notamment limité la possibilité de conclure un accord de méthode aux seules modalités d'information et de consultation du comité d'entreprise (dispositions d'ordre public), ce dont il résulte que l'accord du 30 mai 2013 restait applicable exclusivement en ses dispositions concernant l'aménagement de la procédure d'information-consultation, d'autre part, de la survenance d'une procédure collective puis de la mise d'un plan de sauvegarde de l'emploi en application d'une décision de liquidation judiciaire qui a rendu sans objet ni fondement le projet de licenciement collectif pour motif économique et le plan de sauvegarde de l'emploi visés dans l'accord de méthode du 30 mai 2013 ; - les mesures prévues dans le plan de sauvegarde de l'emploi intégré dans l'accord de méthode du 30 mai 2013 ne sauraient constituer un engagement unilatéral de l'employeur alors qu'elles étaient liées à un projet de licenciement collectif pour motif économique qui n'a jamais été mis en oeuvre et que le plan de sauvegarde de l'emploi ne pouvait connaître d'effet juridique puisque son homologation a été annulée par le juge administratif ; - à titre subsidiaire, la demande de M. J... concernant l'indemnité pour privation du dispositif de reclassement externe se confond avec celle portant sur l'indemnité de reclassement et le salarié ne justifie pas en la matière de l'existence d'un préjudice spécifique ; que la SCP K... Y..., prise en la personne de Maître AU... K... en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SA Milonga, conclut que M. J... devra être débouté de ses demandes au titre de l'indemnité de reclassement et de l'indemnité complémentaire de licenciement prévues par l'accord de méthode du 30 mai 2013 comme de dommages et intérêts à raison de la privation du dispositif de reclassement externe prévu par le même accord, en faisant valoir que : - le projet de licenciement collectif pour motif économique initié avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 concernait 49 salariés sur les 230 que comptait alors l'effectif de la société Milonga ; que l'accord de méthode du 30 mai 2013 était conforme aux dispositions alors applicables de l'article L. 1233-22 du code du travail permettant à un tel accord d'anticiper le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi ; que cet accord du 30 mai 2013, qui prévoyait des mesures d'accompagnement spécifiques (mise en oeuvre d'un congé de reclassement d'une durée de 7 mois à raison d'indemnités de reclassement de 100 % pour la durée équivalente au préavis et de 75 % pour la durée au-delà de celle équivalente au préavis ; indemnités supra légales etc.) pour les licenciements pour motif économique, mentionnait s'appliquer en cas de toute nouvelle procédure de licenciement pour motif économique de plus de 9 salariés qui serait susceptible d'intervenir au sein de la société Milonga et qui débuterait avant le 31 décembre 2014 ; que, nonobstant, cet accord ne sera jamais appliqué puisque, suite à l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, l'administrateur judiciaire refusera de poursuivre le projet de licenciement collectif pour motif économique initié avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 compte tenu de l'état de la trésorerie de la société Milonga et d'un coût en matière d'indemnités supra légale évalué à plus de 900.000 euros ; - l'accord du 30 mai 2013 ne visait qu'un projet de licenciement collectif pour motif économique concernant 49 salariés, en tout cas tout au plus les procédures de licenciement collectif pour motif économique engagées avant le 31 décembre 2014 par la société Milonga in bonis, mais ne peut en aucun cas s'appliquer à une entreprise en liquidation judiciaire puisque le jugement de liquidation judiciaire met fin à la société (article 1844-7 du code de commerce) ; - l'accord du 30 mai 2013 est sans effet s'agissant du contenu du plan de sauvegarde de l'emploi du fait de l'entrée en vigueur de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 ayant eu également pour effet de modifier les dispositions des articles L. 1233-21, L. 1233-22 et L. 1233-24 du code du travail, notamment la possibilité pour un accord de méthode sur la procédure d'information-consultation d'anticiper le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi et de mettre en oeuvre des actions de mobilité professionnelle et géographique au sein de l'entreprise et du groupe ; que selon le rapport de l'Assemblée Nationale à ce sujet et l'instruction DGEFP/DGT du 19 juillet 2013, les accords de méthode antérieurs à la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 restent applicables exclusivement en ce qui concerne l'aménagement de la procédure d'information-consultation mais les éventuelles mesures anticipant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi n'exonèrent pas l'entreprise d'élaborer un plan conformément à la nouvelle législation ; - l'accord du 30 mai 2013 ne saurait s'imposer au liquidateur judiciaire alors que l'article L. 3253-13 du code du travail stipulait à l'époque considérée que PAGS « ne couvre pas les sommes qui concourent à l'indemnisation du préjudice causé par la rupture du contrat de travail dans le cadre d'un licenciement pour motif économique, en application d'un accord d'entreprise ou d'établissement ou de groupe ou d'une décision unilatérale de l'employeur, lorsque l'accord a été conclu et déposé ou la décision notifiée moins de dix-huit mois avant la date du jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire » et stipule désormais (loi du 14 juin 2013) que I'AGS « ne couvre pas les sommes qui concourent à l'indemnisation du préjudice causé par la rupture du contrat de travail dans le cadre d'un licenciement pour motif économique, en application d'un accord d'entreprise ou d'établissement ou de groupe, d'un accord collectif validé ou d'une décision unilatérale de l'employeur homologuée conformément à l'article L. 1233-57-3, lorsque l'accord a été conclu et déposé ou la décision notifiée moins de dix-huit mois avant la date du jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire, ou l'accord conclu ou la décision notifiée postérieurement à l'ouverture de la procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire » ; - le congé de reclassement est expressément exclu en cas de liquidation judiciaire par l'article L. 1233-75 du code du travail, les salariés bénéficiant en lieu et place (dans les entreprises de moins de 1000 salariés) d'un contrat de sécurisation professionnelle, selon les conditions fixées par les articles L. 1233-66 et L. 1233-67 du code du travail, qui ne peut être cumulé avec le congé de reclassement car les régimes et modalités de ces deux dispositifs sont incompatibles ; qu'en ce sens, l'article L. 3253-8 du code du travail stipule que l'AGS couvre uniquement en cas de liquidation judiciaire, d'une part, les sommes dues aux salariés à la date du jugement d'ouverture de toute procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, ainsi que les contributions dues par l'employeur dans le cadre du contrat de sécurisation professionnelle, d'autre part, les créances résultant de la rupture des contrats de travail intervenant : a) Pendant la période d'observation ; b) Dans le mois suivant le jugement qui arrête le plan de sauvegarde, de redressement ou de cession ; c) Dans les quinze jours, ou vingt et un jours lorsqu'un plan de sauvegarde de l'emploi est élaboré, suivant le jugement de liquidation ; - si M. J... ne peut prétendre aux mesures énoncées par l'accord de méthode du 30 mai 2013, il ne peut pas plus justifier du préjudice allégué alors qu'il a bénéficié des recherches et propositions de reclassement, tant internes qu'externes, du liquidateur judiciaire, de la cellule de reclassement mise en place par la société Socultur, des mesures d'accompagnement prévues dans le document unilatéral établi par le liquidateur judiciaire dans le cadre du projet de licenciement collectif pour motif économique, ainsi que des mesures destinées à favoriser son retour à l'emploi dans le cadre du contrat de sécurisation professionnelle ; que le CGEA de Marseille, en qualité de gestionnaire de l'AGS, s'associe aux explications du mandataire liquidateur de la société Milonga s'agissant de l'inapplicabilité de l'accord de méthode du 30 mai 2013 et fait valoir que : - aucun congé de reclassement ne peut être sollicité par l'appelant alors que l'article L. 2133-75 du code du travail précise que celui-ci n'est pas applicable aux entreprises en redressement ou liquidation judiciaire ; - l'appelant devra être débouté de sa demande de dommages et intérêts pour privation des mesures de reclassement prévues dans l'accord de méthode du 30 mai 2013 au regard des moyens et arguments développés supra par le mandataire liquidateur et du fait que les salariés ont bénéficié du dispositif alternatif du contrat de sécurisation professionnelle financé par l'AGS ; - (subsidiairement) l'appelant a commis une erreur flagrante de calcul dans ses écritures puisqu'il réclame une somme correspondant à environ 300 % (et non 75 %) de l'indemnité de reclassement ; - en tout état de cause, vu les dispositions de l'article L. 3253-13 du code du travail, la demande de l'appelant est inopposable à l'AGS puisque l'accord de méthode invoqué a été conclu le 30 mai 2013, soit moins de 18 mois avant la date du jugement (29 juillet 2013) ouvrant la procédure collective à l'encontre de la société Milonga ; qu'en l'espèce, en février 2013, la direction de la société Milonga a présenté un premier projet de plan de sauvegarde de l'emploi dans le cadre d'un projet de licenciement collectif pour motif économique concernant la suppression de 53 postes (29 en magasin et 24 dans les services centraux) ; que ce projet n'a pas connu de suite concrète et le comité d'entreprise a été informé de son abandon le 25 mars 2013 ; qu'en mai 2013, la direction de la société Milonga a présenté un deuxième projet de plan de sauvegarde de l'emploi dans le cadre d'un projet de licenciement collectif pour motif économique concernant la suppression de 49 postes (29 en magasin et 20 dans les services centraux) ; qu'un protocole d'accord de méthode a été signé en date du 30 mai 2013 par M. I..., en qualité de représentant légal de la société Milonga, et M. U... au nom du syndicat CFTC ; que le protocole d'accord de méthode du 30 mai 2013 prévoit notamment : - les modalités d'information-consultation du comité d'entreprise sur le projet de réorganisation envisagé par la direction de la société Milonga (calendrier avec réunions du comité d'entreprise les 3 juin et 17 juin 2013 ; règlement des conflits liés à l'accord ; modalités d'application des critères d'ordre des licenciements; suivi des réunions extraordinaires du comité d'entreprise ; crédit d'heures de délégation spécifique) ; qu'il est précisé que l'accord est conclu pour la durée des procédures d'information et de consultation du comité d'entreprise et du CHSCT initiées dans le cadre du plan de sauvegarde de l'emploi, à propos duquel les représentants du personnel seront consultés à compter du 3 juin 2013 (sauf nouvel avenant signé par l'ensemble des parties signataires) ; - des mesures d'accompagnement spécifiques dans le cadre du plan de sauvegarde de l'emploi, par renvoi aux annexes 1 et 2, sur lesquelles les parties sont d'ores et déjà en accord ; - les modalités d'intervention (prestations et moyens) de la cellule de reclassement (annexe 2) ; - des modalités de reclassement interne (annexe 1) telles que critères d'ordre de priorité, délai de réflexion, frais de déplacement, maintien du salaire, formation d'adaptation au poste de travail, frais de réinstallation ; - un congé de reclassement (annexe 1) pour les salariés licenciés d'une durée de sept mois avec une rémunération de 100 % pendant la période du congé de reclassement coïncidant avec le préavis et une rémunération de 75 % pendant la période du congé de reclassement excédant le préavis (sur la base de la rémunération brute moyenne perçue au cours des douze derniers mois) ; - une indemnité complémentaire de licenciement (annexe 1) pour les salariés licenciés selon un barème proportionnel à l'ancienneté du salarié dans l'entreprise (entre 1 mois et 16 mois de salaire brut selon l'ancienneté, ce afin de prendre en compte le préjudice qui serait subi par les salariés licenciés pour motif économique dans le cadre du plan de sauvegarde de l'emploi ; - une aide à la création et à la reprise d'entreprise (annexe 1) ; que, dans l'annexe 1, un paragraphe « durée de validité de l'accord de méthode » mentionne : « il est convenu que les dispositions qui seront arrêtées dans le présent accord de méthode s'appliqueront également en cas de toute nouvelle procédure de licenciement collectif pour motif économique de plus de 9 salariés qui serait susceptible d'intervenir au sein de la société Milonga et qui débuterait avant le 31 décembre 2014 » ; que le projet de licenciement collectif pour motif économique et le plan de sauvegarde de l'emploi portant suppression de 49 postes a été soumis par la société Milonga à la Direccte qui a formulé des observations en retour par courrier du 13 juin 2013 ; que M. I..., en qualité de représentant légal de la société Milonga, a répondu aux observations de la Direccte par courrier du 17 juin 2013 ; qu'il n'est pas justifié par la suite d'une application concrète et effective des modalités fixées par l'accord de méthode du 30 mai 2013, ce avant l'ouverture de la procédure collective comme avant le prononcé de la liquidation judiciaire de la société Milonga ; que le projet de licenciement collectif pour motif économique de l'ensemble des salariés de la société Milonga ainsi que le projet de plan de sauvegarde de l'emploi afférent, présentés par le mandataire liquidateur en application du jugement du 2 octobre 2013 prononçant la liquidation judiciaire sans maintien d'activité, ne reprend pas les dispositions de l'accord de méthode du 30 mai 2013 ni dans son contenu ni par référence expresse ou implicite ; qu'aux termes de l'article L. 1233-21 du code du travail (version applicable au 30 mai 2013 comme au 21 octobre 2013) : « un accord d'entreprise, de groupe ou de branche peut fixer, par dérogation aux règles de consultation des instances représentatives du personnel prévues par le présent titre et par le livre III de la deuxième partie, les modalités d'information et de consultation du comité d'entreprise applicables lorsque l'employeur envisage de prononcer le licenciement économique d'au moins dix salariés dans une même période de trente jours » ; qu'aux termes de l'article L. 1233-22 du code du travail (version applicable au 30 mai 2013) : « l'accord prévu à l'article L. 1233-21 fixe les conditions dans lesquelles le comité d'entreprise... 1°) Est réuni et informé de la situation économique et financière de l'entreprise ; 2°) Peut formuler des propositions alternatives au projet économique à l'origine d'une restructuration ayant des incidences sur l'emploi et obtenir une réponse motivée de l'employeur à ses propositions. L'accord peut organiser la mise en oeuvre d'actions de mobilité professionnelle et géographique au sein de l'entreprise et du groupe. Il peut déterminer les conditions dans lesquelles l'établissement du plan de sauvegarde de l'emploi prévu à l'article L. 1233-61 fait l'objet d'un accord et anticiper le contenu de celui-ci » ; qu'aux termes de l'article L. 1233-22 du code du travail (version applicable au 21 octobre 2013 suite à l'entrée en vigueur de la loi 2013-504 du 14 juin 2013) : « l'accord prévu à l'article L. 1233-21 fixe les conditions dans lesquelles le comité d'entreprise : 1° Est réuni et informé de la situation économique et financière de l'entreprise ; 2° Peut formuler des propositions alternatives au projet économique à l'origine d'une restructuration ayant des incidences sur l'emploi et obtenir une réponse motivée de l'employeur à ses propositions » ; qu'aux termes de l'article L. 1233-23 du code du travail (version applicable au 30 mai 2013) : « l'accord prévu à l'article L. 1233-21 ne peut déroger : 1° A l'obligation d'effort de formation, d'adaptation et de reclassement incombant à l'employeur prévue à l'article L. 1233-4 ; 2° Aux règles générales d'information et de consultation du comité d'entreprise prévues aux articles L. 2323-2, L. 2323-4 et L. 2323-5 ; 3° A la communication aux représentants du personnel des renseignements prévus aux articles L. 1233-31 à L. 1233-33 ; 4° Aux règles de consultation applicables lors d'un redressement ou d'une liquidation judiciaire, prévues à l'article L. 1233-58 » ; qu'aux termes de l'article L. 1233-24 du code du travail (version applicable au 30 mai 2013) : « toute action en contestation visant tout ou partie d'un accord prévu à l'article L. 1233-21 doit être formée, à peine d'irrecevabilité, avant l'expiration d'un délai de trois mois à compter de la date de dépôt de l'accord prévu à l'article L. 2231-6. Ce délai est porté à douze mois pour un accord qui détermine ou anticipe le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi prévu à l'article L. 1233-61 » ; qu'aux termes de l'article L. 3253-13 du code du travail (version modifiée par la loi du 14 juin 2013), l'AGS ne couvre pas les sommes qui concourent à l'indemnisation du préjudice causé par la rupture du contrat de travail dans le cadre d'un licenciement pour motif économique, en application d'un accord d'entreprise ou d'établissement ou de groupe, d'un accord collectif validé ou d'une décision unilatérale de l'employeur homologuée conformément à l'article L. 1233-57-3, lorsque l'accord a été conclu et déposé ou la décision notifiée moins de dix-huit mois avant la date du jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire, ou l'accord conclu ou la décision notifiée postérieurement à l'ouverture de la procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire ; qu'aux termes de l'article L. 3253-13 du code du travail (version au 30 mai 2013), l'AGS ne couvre pas les sommes qui concourent à l'indemnisation du préjudice causé par la rupture du contrat de travail dans le cadre d'un licenciement pour motif économique, en application d'un accord d'entreprise ou d'établissement ou de groupe ou d'une décision unilatérale de l'employeur, lorsque l'accord a été conclu et déposé ou la décision notifiée moins de dix-huit mois avant la date du jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire ; que selon l'article L. 1233-75 du code du travail (version du 21 octobre 2013 sur le congé de reclassement), les dispositions de la sous-section du code du travail concernant le congé de reclassement ne sont pas applicables aux entreprises en redressement ou en liquidation judiciaire ; que l'appelant ne saurait revendiquer l'application à son profit du protocole d'accord de méthode du 30 mai 2013, s'agissant notamment des mesures d'accompagnement spécifiques du plan de sauvegarde de l'emploi prévues par les annexes 1 et 2 de cet accord, pour les raisons suivantes : - le projet de licenciement collectif pour motif économique ainsi que le plan de sauvegarde de l'emploi établis par le mandataire liquidateur n'ont aucun rapport avec l'accord du 30 mai 2013 ; que l'accord du 30 mai 2013 a été signé par un employeur in bonis qui avait envisagé le licenciement d'une cinquantaine de salariés de l'entreprise (sur 230) dans le cadre d'un projet de restructuration prévoyant notamment la fermeture de quatre magasins et le transfert du siège social de l'entreprise. Lorsque l'accord du 30 mai 2013 a été signé, la société Milonga connaissait des difficultés économiques mais bénéficiait encore de concours ou facilités bancaires ainsi que d'aides financières de la part du groupe Sodival ; que le mandataire liquidateur devait quant à lui impérativement établir un projet de licenciement collectif pour motif économique de tous les salariés (163) de la société Milonga, contraint en ce sens par son obligation d'appliquer très rapidement le jugement du 2 octobre 2013 prononçant la liquidation judiciaire de la société sans maintien d'activité ; que le mandataire liquidateur devait dans ce cadre également établir un document unilatéral spécifique contenant un plan de sauvegarde de l'emploi, adapté aux moyens et conditions dont il disposait suite au prononcé de la liquidation judiciaire, et procéder à une nouvelle procédure d'information-consultation du comité d'entreprise de la société Milonga ; que le mandataire liquidateur est donc intervenu dans un contexte totalement différent, sans la liberté de manoeuvre ou de négociation ni les moyens de financement dont disposait l'employeur in bonis à la date du 30 mai 2013 ; - suite à l'ouverture d'une procédure collective intervenue postérieurement à sa signature, le protocole d'accord de méthode du 30 mai 2013 ne saurait avoir un caractère contraignant, notamment pour le mandataire liquidateur dans le cadre de l'application d'un jugement de liquidation judiciaire, que ce soit à titre d'accord collectif ou d'engagement unilatéral de l'employeur lorsqu'il était in bonis ; que toute interprétation contraire serait en contradiction totale avec le fondement et l'objet d'une procédure collective en général et de la liquidation judiciaire en particulier, et ferait également peser le risque pour la liquidation judiciaire de devoir assumer toutes les largesses ou toutes les anomalies, voire tous les excès ou abus, actés alors qu'une société était in bonis, ce d'autant plus que I'AGS n'aurait pas pu garantir en l'espèce les sommes qui concourent à l'indemnisation du préjudice causé par la rupture du contrat de travail en application du protocole d'accord de méthode du 30 mai 2013, telles notamment les indemnités supra-légales dont le coût pourrait dépasser à elles seules un montant global de 900.00 euros et que le congé de reclassement n'est pas applicable à une entreprise en liquidation judiciaire ; - L. 1233-22 du code du travail a été modifié par la loi 2013-504 du 14 juin 2013 (suppression des deux derniers alinéas) qui a tiré les conséquences de la création de la possibilité de négocier sur le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi ; que la loi a ainsi adapté le contenu des accord de méthode en ce que ceux-ci ne peuvent plus anticiper le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi qui relève désormais du champ de l'accord majoritaire ; que les accords de méthode antérieurs à la loi 2013-504 du 14 juin 2013 restent donc applicables exclusivement en ce qui concerne l'aménagement de la procédure d'information-consultation ; qu'en conséquence, M. J... sera débouté de toutes ses demandes (indemnité de congé de reclassement ; majoration de la prime de licenciement ; dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la privation du dispositif de reclassement externe prévu par l'accord de méthode) en rapport avec l'application à son profit des dispositions prévues par le protocole d'accord de méthode du 30 mai 2013 ; que le jugement sera également confirmé sur ce point ; ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE, sur l'application du plan de sauvegarde de l'emploi conclu le 30 mai 2013 : sur les règles applicables : les dispositions des articles L. 1233-21 et L. 1233-22 du code du travail, alors applicables, ont été modifiées par les effets de la loi du 13 juin 2013 n° 2013-504, laquelle a modifié l'article L. 1233-22 du code du travail qui a limité la possibilité de conclure un accord de méthode, ayant la nature d'un accord collectif classique, aux seules modalités d'information et de consultation du comité d'entreprise ; que l'accord de méthode ne peut plus anticiper le contenu du PSE ; que celui-ci ne peut être négocié que dans le cadre d'un accord collectif majoritaire qui doit ensuite être soumis à la validité de la Direccte ; que, sur les accords de méthode anticipant le contenu du PSE et conclus avant la loi du 13 juin 2013, l'administration a précisé dans une instruction DGEFP/DGT du 19 juillet 2013 que : « les accords de méthode antérieurs à la loi relative à la sécurisation de l'emploi, restent applicables exclusivement en ce qui concerne l'aménagement de la procédure d'information-consultation » ; qu'en l'espèce : la position de l'administration est logique et conforme à la loi dans la mesure où le législateur n'a pas permis aux parties de déroger aux dispositions prévues par l'article L. 1233-21 du code du travail ; que les accords antérieurs à la loi du 13 juin 2013 restent en vigueur sauf s'ils sont contraires aux nouvelles dispositions légales, auquel cas, ce sont ces dernières qui s'appliquent ; que la loi du 13 juin 2013 est en effet applicable à toute procédure de licenciement économique postérieure à son entrée en vigueur, elle s'applique au plan initié en octobre 2013 à la suite du jugement de liquidation judiciaire de la société Milonga ; que les dispositions de la loi réglementant la conclusion d'un accord relatif au PSE, un accord majoritaire validé par l'administration du travail, sont des dispositions d'ordre public à laquelle aucun accord collectif ne peut déroger ; qu'un accord collectif ne peut anticiper une situation survenant dans le cadre d'une législation postérieure et interdisant la conclusion d'un accord relatif au contenu du PSE en dehors des obligations légales ; qu'en conséquence : les dispositions de l'accord du 30 mai 2013 relatives aux mesures sociales du PSE sont devenues inapplicables par l'effet de la nouvelle loi ; 1°) ALORS QUE la loi nouvelle, à laquelle le législateur n'a pas expressément reconnu d'effet rétroactif, n'est pas applicable aux faits survenus antérieurement à son entrée en vigueur ; qu'aux termes de l'article L. 1233-22 du code du travail en sa rédaction antérieure à la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi, un accord de méthode au sens des dispositions de l'article L. 1233-21 du même code « peut déterminer les conditions dans lesquelles l'établissement du plan de sauvegarde de l'emploi prévu à l'article L. 1233-61 fait l'objet d'un accord et anticiper le contenu de celui-ci » ; que selon ce texte, en sa version issue de ladite loi, un tel accord ne peut plus anticiper le contenu du ou des plans de sauvegarde de l'emploi à venir ; que la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi ayant uniquement prévu, en son article 18 - XXXIII, que « les dispositions du code du travail et du code de commerce dans leur rédaction issue du présent article sont applicables aux procédures de licenciement collectif engagées à compter du 1er juillet 2013 » et que « pour l'application du premier alinéa du présent XXXIII, une procédure de licenciement collectif est réputée engagée à compter de la date d'envoi de la convocation à la première réunion du comité d'entreprise mentionnée à l'article L. 1233-30 du code du travail », il en résulte que les accords de méthodes conclus antérieurement au 1er juillet 2013, qui demeurent en vigueur en toutes leurs dispositions, peuvent valablement mettre à la charge de l'employeur des obligations en matière de reclassement, de formation ou d'indemnisation des salariés ; qu'en jugeant dès lors que les salariés ne pouvaient revendiquer l'application de l'accord de méthode du 30 mai 2013, motifs pris que « l'article L. 1233-22 du code du travail a été modifié par la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 (suppression des deux derniers alinéas), qui a tiré les conséquences de la création de la possibilité de négocier sur le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi », a « ainsi adapté le contenu des accords de méthode en ce que ceux-ci ne peuvent plus anticiper le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi, qui relève désormais du champ de l'accord majoritaire », de sorte que « les accords de méthode antérieurs à la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 restent donc applicables exclusivement en ce qui concerne l'aménagement de la procédure d'information-consultation », la cour d'appel a violé l'article L. 1233-22 du code du travail en sa rédaction antérieure à la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi par refus d'application et l'article L. 1233-22 du même code dans sa rédaction issue de cette loi par fausse application, ensemble l'article 2 du code civil et le principe de non-rétroactivité de la loi nouvelle ; 2°) ET ALORS QUE, pour dire que les salariés ne pouvaient revendiquer l'application de l'accord de méthode du 30 mai 2013, la cour d'appel a retenu que le projet de licenciement collectif pour motif économique, concernant l'ensemble des salariés de la société Milonga, et le plan de sauvegarde de l'emploi, établi par le mandataire liquidateur aux fins de satisfaire aux besoins de la liquidation judiciaire prononcée par un jugement du 2 octobre 2013, n'ont aucun rapport avec l'accord du 30 mai 2013, qui a été signé par un employeur in bonis envisageant le licenciement d'une cinquantaine de salariés dans le cadre d'un projet de restructuration, prévoyant la fermeture de quatre magasins et le transfert du siège social de l'entreprise, et à une époque où il bénéficiait encore de facilités bancaires et du concours financier du groupe Sodival ; qu'elle a ajouté que le mandataire liquidateur, qui devait établir un document unilatéral adapté aux moyens et conditions dont il disposait en suite du prononcé de la liquidation judiciaire, est ainsi intervenu dans un contexte différent, dans la mesure où il ne bénéficiait pas de la liberté de manoeuvre ou de négociation, ni des moyens de financement, dont disposait l'employeur in bonis à la date du 30 mai 2013 ; qu'enfin, la cour d'appel a estimé que l'accord de méthode du 30 mai 2013, conclu à une époque où l'employeur était in bonis, ne pouvait recevoir application, dans la mesure où cela serait en contradiction totale avec le fondement et l'objet de la procédure collective, d'une manière générale, et de liquidation judiciaire, en particulier, et ferait peser le risque pour la liquidation judiciaire de devoir assumer toutes les largesses et toutes les anomalies, voire tous les abus ou excès, consentis par l'employeur lorsqu'il était in bonis, et ce, d'autant plus en l'espèce que l'AGS serait dans l'impossibilité de garantir les sommes indemnisant le préjudice causé par la rupture du contrat en application de l'accord de méthode du 30 mai 2013, dont celles afférentes aux indemnités supra-légales, dont le coût pourrait dépasser le montant global de 900.000 €, et au congé de reclassement, qui n'est pas applicable à une entreprise en liquidation judiciaire ; qu'en statuant ainsi par des motifs inopérants, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-22 du code du travail en sa rédaction antérieure à la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi. SECOND MOYEN DE CASSATION Il est fait grief aux arrêts attaqués d'AVOIR débouté les salariés de leurs demandes au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents ; AUX MOTIFS QU'en l'espèce, le licenciement pour motif économique de M. J... (salarié non protégé) a été notifié par le mandataire liquidateur au visa du jugement de liquidation judiciaire du 2 octobre 2013 et sur la base d'un plan de sauvegarde de l'emploi établi par le seul liquidateur et sans aucun rapport avec le protocole d'accord de méthode du 30 mai 2013 ; que, dans sa décision du 10 octobre 2013 homologuant le projet de licenciement collectif des salariés de l'entreprise Milonga et le plan de sauvegarde de l'emploi afférent, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Provence-Alpes-Côte d'Azur relève que le comité d'entreprise a été régulièrement consulté, que le plan de sauvegarde de l'emploi contient des offres de reclassement au sein des entreprises du groupe Sodival, qu'il est également prévu des mesures de reclassement externe proportionnelles aux moyens dont dispose le liquidateur judiciaire, qu'enfin le contrat de sécurisation professionnelle est proposé à tous les salariés ; que, dans son jugement du 4 mars 2014 annulant la décision d'homologation de la Direccte en date du 10 octobre 2013, le tribunal administratif de Marseille a relevé une insuffisance de motivation de la décision administrative ; que, dans son arrêt du 1er juillet 2014, la cour administrative d'appel de Marseille a, d'une part, confirmé la décision du tribunal administratif en ce qu'il a pu juger à bon droit que la décision du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Provence-Alpes-Côte d'Azur du 10 octobre 2013 était insuffisamment motivée au regard du contrôle que l'administration devait notamment exercer s'agissant des dispositions de l'article L. 1233-57 du code du travail et, d'autre part, en ce qui concerne le moyen tiré de l'insuffisance du plan de sauvegarde de l'emploi, jugé que la décision d'homologation contestée est entachée d'illégalité du fait que le contenu du plan litigieux était insuffisant au regard des moyens dont disposait le groupe Sodival, ce en énonçant notamment les motifs suivants : « - considérant que k plan de sauvegarde de l'emploi mentionne, au titre des mesures de sauvegarde de l'emploi, l'existence de 245 offres de reclassement au sein de la société Socultur, appartenant au groupe Sodival, et définit les critères d'ordre de priorité pour l'accès à ces emplois en fonction de l'âge des salariés et de leur éventuelle situation de handicap ; qu'au titre du reclassement à l'extérieur du groupe, le plan fait état des démarches effectuées par Me G...... auprès de 12 sociétés exerçant dans un autre secteur d'activité et auprès de 2.7 entreprises exerçant dans le même secteur d'activité ; qu'il ne comporte cependant aucune offre précise de reclassement au sein de ces sociétés ; qu'en guise de mesures d'accompagnement, le plan envisage de solliciter de l'Etat la conclusion d'une convention d'allocation temporaire dégressive et prévoit la mise en oeuvre du contrat de sécurisation professionnelle pour l'ensemble des salariés, la dispense de l'exécution du préavis pour les salariés n'acceptant pas ce contrat, la libération des éventuelles clauses de non-concurrence, une priorité de réembauchage durant un an pour l'ensemble des salariés au sein des sociétés du groupe et la prise en charge par le régime d'assurance de garantie des salaires (AGS) de certaines mesures destinées à favoriser le retour à l'emploi des salariés licenciés ; - Considérant que, par télécopie du 30 septembre 2013, Me G....., a sollicité le groupe Sodival afin qu'il prenne en charge les frais de déplacement, de restauration et d'hébergement exposés par les salariés dans le cadre de leur recherche d'emploi et les frais de réinstallation consécutifs à l'acceptation d'une offre de reclassement que, dans un courrier du 3 octobre 2013, la société holding Sodival a informé le liquidateur que le groupe n'entendait pas participer au financement de ces mesures ; que, compte tenu de ce refus et de l'absence de moyens financiers propres à la SA Milonga, le plan de sauvegarde de l'emploi élaboré par Me G... ne comporte aucune mesure effective d'accompagnement des salariés acceptant une offre de reclassement au sein du groupe, ni aucune mesure positive et concrète d'accompagnement des salariés licenciés de nature à favoriser leur retour à l'emploi, hormis celles prises en charge par l'AGS ; - Considérant que ... si la SA Milonga ne pouvait financer aucune mesure d'accompagnement des salariés eu égard aux conditions de sa mise en liquidation, il ne ressort pas des pièces du dossier que, pour sa part, le groupe ne disposait d'aucun moyen compte tenu de sa propre situation financière ; qu'il suit de là que l'administration, qui ne pouvait se borner à prendre acte du refus du groupe d'abonder au plan, a commis une erreur d'appréciation en estimant que, malgré l'absence totale de mesures d'accompagnement exceptées celles prises en charge par l'AGS, le contenu du plan litigieux était suffisant au regard des moyens dont disposait le groupe et, par suite, était conforme aux exigences de l'article L. 1233-57-3 précité du code du travail » ; que par arrêt du 30 mai 2016, le Conseil d'État a rejeté les pourvois de la SCP Louis-Lageat et du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, considérant que si des dispositions, de nature indicative, ne créent pas d'obligation de prévoir des actions de reclassement externe dans un plan de sauvegarde de l'emploi, la cour a pu, sans erreur de droit, tenir compte de l'absence de telles actions dans son appréciation du caractère suffisant des mesures contenues dans le plan de sauvegarde de l'emploi, considérant également que la cour a pu juger que les mesures de ce plan n'étaient, prises dans leur ensemble, pas suffisantes au regard des moyens d'accompagnement, notamment financiers, dont disposaient l'entreprise et le groupe, ce en énonçant notamment les motifs suivants : « ...3 Considérant que, pour rejeter l'appel formé contre le jugement du tribunal administratif de Marseille, la cour s'est fondée sur deux moyens tirés, l'un de l'insuffisance de motivation de la décision litigieuse, l'autre de l'insuffisance des mesures contenues dans le plan de sauvegarde de l'emploi homologué par l'administration ; 4. Considérant qu'aux termes de l'article L 1233-57-4 du code du travail : « l'autorité administrative notifie à l'employeur la décision de validation dans un délai de quinze jours (...) et la décision d'homologation dans un délai de vingt et un jours ( ). Elle la notifie, dans les mêmes délais au comité d'entreprise et, si elle porte sur un accord collectif, aux organisations syndicales représentatives signataires. La décision prise par l'autorité administrative est motivée » ; que si ces dispositions impliquent que la décision qui valide un accord collectif portant plan de sauvegarde de l'emploi ou qui homologue un document fixant le contenu d'un tel plan doit énoncer les éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que les personnes auxquelles ces décisions sont notifiées puissent à leur seule lecture en connaître les motifs, elles n'impliquent ni que l'administration prenne explicitement parti sur le respect de chacune des règles dont il lui appartient d'assurer le contrôle en application des dispositions des articles L. 1233-57-2 et L. 1233-57-3 du même code, ni qu'elle retrace dans la motivation de sa décision les étapes de la procédure préalable à son édiction ; 5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en jugeant que la motivation de la décision d'homologation litigieuse était insuffisante faute de mentionner chacune des exigences légales sur lesquelles l'administration avait à faire porter son contrôle, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit ; 6. Considérant toutefois qu'aux termes de l'article L. 1233-61 du code du travail : « dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, l'employeur établit et met en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre. Ce plan intègre un plan de reclassement visant à faciliter le reclassement des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité ( ) » ; qu'aux termes de l'article L. 1233-24-4 du même code : « à défaut d'accord (...), un document élaboré par l'employeur après la dernière réunion du comité d'entreprise fixe le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi et précise les éléments prévus aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2, dans le cadre des dispositions légales et conventionnelles en vigueur » ; qu'aux termes de l'article L. 1233-58 du code du travail : « I. En cas de redressement ou de liquidation judiciaire, l'employeur, l'administrateur ou le liquidateur, selon le cas, qui envisage des licenciements économiques met en oeuvre un plan de licenciement dans les conditions prévues aux articles L. 1233-24-1 à L,. 1233-24-4 (...) II. Pour un licenciement d'au moins dix salariés dans une entreprise d'au moins cinquante salariés, ( ) le document mentionné à l'article L. 1233-24-4, élaboré par l'employeur, l'administrateur ou le liquidateur, est homologué dans les conditions fixées aux articles L. 1233-57-1 à L. 1233-57-3, aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 1233-57-4 et à l'article L. 1233-57-7 » ; qu'enfin, aux termes de l'article L. 1233-57-3 du même code, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision litigieuse : ( ) l'autorité administrative homologue le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4, après avoir vérifié la conformité de son contenu aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles relatives aux éléments mentionnés aux 1° à 5° de L. 1233-24-2, la régularité de la procédure d'information et de consultation du comité d'entreprise et (...) le respect par le plan de sauvegarde de l'emploi des articles L. 1233-61 à L 1233-63 en fonction des critères suivants / 1° Les moyens dont disposent l'entreprise, l'unité économique et sociale et le groupe ; / 2° Les mesures d'accompagnement prévues au regard de l'importance du projet de licenciement ; / 3° Les efforts de formation et d'adaptation tels que mentionnés aux articles L 1233-4 et L. 6321-1 » ; 7. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que, lorsqu'elle est saisie d'une demande d'homologation d'un document élaboré en application de l'article L. 1233-24-4 du code du travail, il appartient à l'administration, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de vérifier la conformité de ce document et du plan de sauvegarde de l'emploi dont il fixe le contenu aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles applicables, en s'assurant notamment du respect par le plan de sauvegarde de l'emploi des dispositions des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 du même code ; qu'à ce titre elle doit, au regard de l'importance du projet de licenciement, apprécier si les mesures contenues dans le plan sont précises et concrètes et si, à raison, pour chacune, de sa contribution aux objecte de maintien dans l'emploi et de reclassement des salariés, elles sont, prises dans leur ensemble, propres à satisfaire à ces objecte compte tenu, d'une part, des efforts de formation et d'adaptation déjà réalisés par l'employeur et, d'autre part, des moyens dont disposent l'entreprise et le cas échéant, l'unité économique et sociale et le groupe ; 8. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 1233-62 du code du travail : « le plan de sauvegarde de l'emploi prévoit des mesures telles que : ( ) 3° Des actions favorisant le reclassement externe à l'entreprise » ; que si ces dispositions, de nature indicative, ne créent pas d'obligation de prévoir des actions de reclassement externe dans un plan de sauvegarde de l'emploi, la cour a pu, sans erreur de droit, tenir compte de l'absence de telles actions dans son appréciation du caractère suffisant des mesures contenues dans le plan de sauvegarde de l'emploi ; 9. Considérant, en deuxième lieu, qu'en retenant que le résultat net déficitaire de la société Sodival pour l'année 2013 résultait de l'inscription en comptabilité d'une provision pour dépréciation des titres de la société Milonga, que la société Sodival avait honoré les dettes de la société Milonga envers les clients de cette dernière et plusieurs organismes bancaires, qu'elle avait contribué à un premier plan de sauvegarde de l'emploi daté du 30 mai 2013 prévoyant 900.000 euros d'indemnités supra-légales et que la principale filiale du groupe réalisait un chiffre d'affaires annuel d'un peu plus de 386 millions d'euros en croissance de 20 % par an depuis cinq ans, la cour a seulement entendu établir, en faisant porter son appréciation sur un faisceau d'indices dont il ne ressort pas des pièces du dossier qui lui était soumis qu'ils seraient entachés de dénaturation, que les moyens du groupe Sodival étaient de nature à justifier un financement plus important, par l'employeur, des mesures prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi ; que les requérants ne sont, par suite, pas fondés à soutenir que la cour se serait immiscée dans les options de gestion du groupe et aurait ainsi commis une erreur de droit ; 10. Considérant, en troisième lieu, que la cour a pu, sans erreur de droit, ne pas tenir compte, pour apprécier le caractère suffisant des mesures contenues dans le plan de sauvegarde de l'emploi, de la brièveté du délai imparti au liquidateur, après le prononcé du jugement de liquidation, pour procéder aux licenciements sans compromettre la prise en charge des sommes dues aux salariés par l'assurance prévue par l'article L. 3253-6 du code du travail ; 11. Considérant, enfin, qu'après avoir retenu que les moyens dont disposaient l'entreprise Milonga et le groupe qu'elle forme avec la société Sodival n'étaient pas de nature à justifier la faiblesse des mesures de reclassement prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi, la cour a pu, sans erreur de droit et par une appréciation souveraine qui n'est pas entachée de dénaturation, juger que les mesures de ce plan n'étaient, prises dans leur ensemble, pas suffisantes au regard des moyens d'accompagnement, notamment .financiers, dont disposaient l'entreprise et le groupe ; 12. Considérant que ce dernier motif était à lui seul de nature à entacher d'illégalité la décision d'homologation litigieuse et par suite, à justifier le dispositif de l'arrêt attaqué... » ; qu'il en résulte que, s'agissant du licenciement pour motif économique de M. J..., la décision d'homologation du document contenant le plan de sauvegarde de l'emploi établi par le liquidateur judiciaire a été définitivement annulée par le juge administratif au motif d'une insuffisance de ce plan de sauvegarde de l'emploi du fait, d'une part, d'une absence ou insuffisance des actions favorisant le reclassement externe à l'entreprise et, d'autre part, d'une insuffisance des mesures au regard des moyens d'accompagnement, notamment financiers, dont disposaient l'entreprise Milonga et le groupe Sodival ; qu'hors l'insuffisance du plan de sauvegarde de l'emploi établi par le liquidateur judiciaire, alors que la société Socultur a été mise hors de cause en tant qu'employeur, co-employeur ou responsable de la déconfiture de la société Milonga et des licenciements afférents, il échet de constater que le motif économique du licenciement de M. J... n'est pas querellé pour le surplus en l'espèce, notamment en ce qui concerne le motif économique stricto sensu ou l'obligation individuelle de reclassement incombant au liquidateur ; que l'appelant ne conteste en effet ni le fait que le liquidateur judiciaire pouvait fonder la notification de son licenciement pour motif économique au seul visa du jugement de liquidation judiciaire ni la bonne exécution par le liquidateur de l'obligation individuelle et personnalisée de reclassement à son égard ; que, surabondamment, il échet de relever que dans le cadre de la contestation de l'autorisation de licenciement accordée par l'inspecteur du travail s'agissant des salariés protégés de la société Milonga (le tribunal administratif de Marseille, par jugement du 4 mars 2014, a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 6 novembre 2013 / Par arrêt du 23 juin 2015, la cour administrative de Marseille a annulé le jugement du tribunal administratif de Marseille du 4 mars 2014), la cour administrative de Marseille a considéré qu'en l'espèce le mandataire liquidateur a pu procéder aux licenciements des salariés de la société Milonga sans v avoir été autorisé par le juge-commissaire, par le seul effet du jugement de liquidation judiciaire sials maintien de l'activité et que les salariés (protégés) ne peuvent dès lors utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 631-17 du code de commerce ou arguer de l'insuffisante motivation de la demande d'autorisation de licenciement, rappelant que le législateur a entendu que, lorsqu'est ordonnée la liquidation judiciaire de l'entreprise, la réalité des difficultés économiques et la nécessité des suppressions de postes soient examinées par le juge de la procédure collective ; que, dès lors que la liquidation judiciaire a été ouverte, ces éléments du motif de licenciement ne peuvent être contestés qu'en exerçant les voies de recours ouvertes soit contre l'ordonnance du juge-commissaire, soit contre le jugement du tribunal de commerce ; que la cour administrative d'appel a également jugé que les salariés (protégés) ne sont pas fondés à soutenir que le mandataire liquidateur de la SA Milonga aurait manqué à ses obligations de reclassement interne, compte tenu des moyens et du temps dont il disposait, ni arguer de l'absence de saisine de la commission paritaire ad hoc dans ce cadre ; que cette appréciation n'a pas été contredite par le Conseil d'Etat qui, dans son arrêt du 19 juillet 2017, a annulé la décision rendue en date du 23 juin 2015 par la cour administrative de Marseille au seul motif qu'eu égard à l'effet rétroactif des annulations contentieuses, aucune décision d'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi n'était en vigueur à la date à laquelle l'inspecteur du travail a autorisé le licenciement des salariés protégés et que cette autorisation ne pouvait, par suite, être légalement accordée ; qu'il résulte d'abord de la combinaison des articles du code du travail susvisés que ta nullité de la procédure de licenciement n'est pas encourue en raison de l'insuffisance d'un plan social établi à l'occasion d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire de l'employeur ; que l'appelant convient d'ailleurs que son licenciement n'est pas nul alors que la décision d'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi établi par le liquidateur judiciaire a été définitivement annulée par le juge administratif, en raison d'une insuffisance de ce plan de sauvegarde de l'emploi, postérieurement à la notification de son licenciement pour motif économique ; qu'il n'est pas contesté que le mandataire liquidateur a notifié les licenciements des salariés de la société Milonga sur la base d'un projet de licenciement collectif pour motif économique et d'un plan de sauvegarde de l'emploi (sans rapport avec l'accord du 30 mai 2013) ayant donné lieu à une convocation du comité d'entreprise, pour la première réunion de consultation sur le projet de restructuration et sur le projet relatif aux mesures d'accompagnement, envoyée après le 1er juillet 2013 ; que, comme l'a relevé le premier juge, s'agissant d'un licenciement pour motif économique qui a été notifié par le mandataire liquidateur au visa d'un jugement de liquidation judiciaire sans maintien d'activité et alors que la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 était entrée en vigueur, l'article L. 1233-58 II du code du travail ne prévoit pas, dans le cas notamment de l'annulation d'une décision d'homologation du document fixant le plan de sauvegarde de l'emploi, cas de l'espèce, que le licenciement doit être déclaré dépourvu de cause réelle et sérieuse ; que cet article limite les conséquences de l'annulation de l'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi à l'indemnisation du salarié licencié, l'indemnité mise ainsi à la charge de l'employeur ne pouvant être inférieure aux salaires des six derniers mois et l'article L. 1235-16 du code du travail ne pouvant s'appliquer ; qu'en conséquence, le licenciement de M. J... n'étant ni nul, ni sans cause réelle et sérieuse, ni irrégulier, mais intervenu alors que la décision administrative d'homologation du document fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi a fait l'objet, postérieurement à la notification de la rupture du contrat de travail, d'une décision définitive d'annulation par le juge administratif, l'appelant peut prétendre à une indemnité, en réparation du préjudice causé par l'insuffisance du plan de sauvegarde de l'emploi établi par le liquidateur judiciaire, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois, soit en l'espèce 13.369,38 euros ; que le salaire des six derniers mois constitue un plancher d'indemnisation et non un forfait fixe ou un plafond ; que, dans ce cadre, il appartient à M. J... de justifier de sa situation pour permettre au juge d'apprécier l'importance du préjudice subi ; que M. J... justifie de deux ans d'ancienneté au sein de la SA Milonga, avoir perçu des allocations chômage à compter de son licenciement jusqu'en novembre 2015 et n'avoir plus aucun revenu depuis ; qu'au regard des circonstances de l'espèce, une créance d'un montant de 14 000 euros sera reconnue à M. J... et fixée au passif de la liquidation judiciaire de la société Milonga en application des dispositions de l'article L. 1233-58 II du code du travail et à titre de dommages et intérêts ; que le salarié qui adhère à un contrat de sécurisation professionnelle ne bénéficie pas, en principe, de l'indemnité compensatrice de préavis ; qu'il est seulement rémunéré jusqu'au dernier jour travaillé ; que l'indemnité de préavis est versée par l'employeur à Pôle Emploi, en vue de financer les prestations résultant de l'adhésion au contrat de sécurisation professionnelle ; qu'il existe plusieurs exceptions au principe susvisé : - si le préavis auquel le salarié aurait eu droit, s'il n'avait pas adhéré au contrat de sécurisation professionnelle, est supérieur à trois mois, la fraction de l'indemnité compensatrice de préavis excédant ces trois mois doit lui être versée dès la rupture de son contrat de travail ; - si le salarié n'avait pas un an d'ancienneté, l'employeur doit lui verser, dès la rupture du contrat de travail, la somme correspondant à l'indemnité compensatrice de préavis que le salarié aurait perçue s'il n'avait pas adhéré au contrat de sécurisation professionnelle ; qu'en effet, dans ce cas, l'employeur ne contribue pas au financement du contrat de sécurisation professionnelle car c'est l'allocation de retour à l'emploi qui est versée au salarié, laquelle est financée par les cotisations habituelles d'assurance chômage ; - si le licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse, le contrat de sécurisation professionnelle n'a pas de cause et l'employeur est alors tenu à l'obligation du préavis et des congés payés afférents ; que, dans ce cas, l'employeur est tenu de rembourser les indemnités de chômage éventuellement versées au salarié, sous déduction de la contribution prévue à l'article L. 1233-69 du code du travail ; qu'en l'espèce, le licenciement de M. D... J... n'est ni sans cause réelle et sérieuse, ni assimilable à un licenciement sans cause réelle et sérieuse au sens des dispositions précitées, et l'appelant ne saurait donc prétendre au versement du préavis et des congés payés afférents ; que M. D... J... sera donc débouté de ses demandes au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ainsi que des congés payés afférents ; ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE la loi relative à la sécurisation de l'emploi prévoit un régime dérogatoire des sanctions lorsque les licenciements économiques interviennent dans une entreprise en redressement ou liquidation judiciaire, excluant la nullité ; que, dans les entreprises en liquidation judiciaire, contrairement au droit commun, alors même que le plan serait jugé insuffisant, cela n'entraine pas la nullité des licenciements, disposition dérogatoire jugée conforme à la Constitution (décision n° 2012-[...] avril 2013) ; que la demande subsidiaire de la partie demanderesse à l'endroit de Me K... ès qualités, au visa des dispositions de l'article L. 1235-10 du code du travail visant la nullité du plan de sauvegarde, ne peut en aucun cas être accueillie ; qu'elle est inapplicable aux licenciements pour motif économique survenant dans une entreprise en liquidation, cette demande contradictoire au visa de ce même texte au titre de son licenciement qui serait « nécessairement sans cause réelle et sérieuse » sans que ne soit donnée aucune explication quant au fait que les licenciements seraient sans cause ; qu'en conséquence, la sanction de l'annulation de la décision d'homologation du document unilatéral d'une société en liquidation judiciaire ne saurait être de nature à rendre le licenciement de la partie demanderesse nul ou a le priver de cause réelle et sérieuse ; que la demande de la partie demanderesse de juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse ne résulte ni des termes du code du Travail, ni même de toute instruction établie, pas plus que de l'intervention du conseiller doyen de la chambre sociale de la Cour de cassation car l'annulation de la décision d'homologation dans une entreprise en liquidation judiciaire n'a, en aucun cas, pour effet de priver les licenciements formalisés de cause réelle et sérieuse ; qu'une telle demande est dès lors totalement infondée ; qu'en conséquence, la demande indemnitaire de la partie demanderesse, de considérer son licenciement sans cause réelle et sérieuse est infondée ; que, suivant les dispositions de l'article du code du travail cité supra la demande de paiement de dommages et intérêts est fondée ; que cette demande a vocation à être appliquée ; ALORS QUE le licenciement prononcé dans le cadre d'une liquidation judiciaire en l'absence de plan de sauvegarde de l'emploi, ou en l'état d'un plan insuffisant, est sans cause réelle et sérieuse ; qu'il s'ensuit que le salarié licencié, qui n'a pas exécuté son préavis, a droit au paiement d'une indemnité compensatrice ; que, pour débouter les salariés de leurs demandes en paiement d'une indemnité compensatrice de préavis, la cour d'appel a retenu que « l'article L. 1233-58 II du code du travail ne prévoit pas, dans le cas notamment de l'annulation d'une décision d'homologation du document fixant le plan de sauvegarde de l'emploi, cas de l'espèce, que le licenciement doit être déclaré dépourvu de cause réelle et sérieuse » et que « cet article limite les conséquences de l'annulation de l'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi à l'indemnisation du salarié licencié, l'indemnité mise ainsi à la charge de l'employeur ne pouvant être inférieure aux salaires des six derniers mois et l'article L. 1235-16 du code du travail ne pouvant s'appliquer » ; qu'elle en a déduit que « le licenciement ( ) n'est ni sans cause réelle et sérieuse, ni assimilable à un licenciement sans cause réelle et sérieuse au sens des dispositions précitées, et l'appelant ne saurait donc prétendre au versement du préavis et des congés payés afférents » ; qu'en statuant ainsi, quand l'annulation par les juridictions administratives du plan de sauvegarde de l'emploi en raison de son insuffisance avait pour effet de priver les licenciements, notifiés par le liquidateur judiciaire, de cause réelle et sérieuse, de sorte que les salariés licenciés avaient droit - outre à l'indemnité prévue par l'article L. 1233-58 II du code du travail - à une indemnité compensatrice de préavis, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-58 II, L. 1235-10 et L. 1234-5 du code du travail en leur rédaction applicable au litige.
Le respect du principe de la séparation des pouvoirs s'oppose à ce que le juge judiciaire se prononce sur le respect par l'employeur de stipulations conventionnelles dont il est soutenu qu'elles s'imposaient au stade de l'élaboration du plan de sauvegarde de l'emploi, dès lors qu'en application de l'article L. 1233-57-3 du code du travail la vérification du contenu dudit plan relève de l'administration sous le contrôle du juge administratif. Par suite, le juge judiciaire n'est pas compétent pour statuer sur des demandes de salariés, qui, sous le couvert de demandes tendant à obtenir l'exécution des engagements énoncés dans le cadre d'un accord de méthode conclu dans l'entreprise antérieurement à l'élaboration du plan de sauvegarde de l'emploi, contestent la conformité du contenu du plan de sauvegarde de l'emploi aux stipulations de cet accord
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SOC. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 25 mars 2020 Rejet M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 398 F-P+B sur le premier moyen pris en ses deux premières branches et le deuxième moyen Pourvoi n° P 18-22.509 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 25 MARS 2020 Le comité d'établissement de Guyane de la société Electricité de France, dont le siège est [...], aux droits duquel vient le comité social et économique d'établissement de Guyane de la société EDF, a formé le pourvoi n° P 18-22.509 contre l'arrêt rendu le 8 juin 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 1), dans le litige l'opposant à la société Electricité de France (EDF), société anonyme, dont le siège est [...], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Joly, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat du comité social et économique d'établissement de Guyane de la société Electricité de France, venant aux droits du comité d'établissement de Guyane de la société Electricité de France, de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de la société Electricité de France, après débats en l'audience publique du 26 février 2020 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Joly, conseiller référendaire rapporteur, Mme Ott, conseiller, Mme Laulom, avocat général, et Mme Piquot, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Donne acte au comité social et économique d'établissement de Guyane de la société Electricité de France, de ce que, venant aux droits du comité d'établissement de Guyane de la société Electricité de France, il a repris l'instance par lui introduite ; Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 8 juin 2018), statuant en la forme des référés, que le 21 janvier 2015, le comité d'établissement de Guyane de la société EDF (la société) a voté le recours à une expertise comptable confiée à la société Secafi (l'expert) pour l'assister dans l'examen des comptes 2014 et des comptes prévisionnels 2015 de l'établissement ; que le comité d'établissement a saisi le président du tribunal de grande instance le 10 mai 2016 d'une demande de communication de documents complémentaires et que l'expert est intervenu volontairement à la procédure ; Sur le premier moyen pris en ses trois dernières branches et le troisième moyen pris en sa dernière branche : Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les moyens ci-après annexés, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ; Sur le premier moyen pris en ses deux premières branches et le deuxième moyen, réunis : Attendu que le comité social et économique d'établissement de Guyane de la société Electricité de France, venant aux droits du comité d'établissement de Guyane de la société Electricité de France, fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande tendant à obtenir la communication des éléments relatifs à l'évolution des rémunérations des agents de l'établissement pour les années 2009 à 2011 et des éléments relatifs aux commandes passées par la société, en précisant l'activité concernée, le domaine d'achats et le segment achats, et ce pour les douze fournisseurs identifiés pour la période 2008 à 2011 alors, selon le moyen : 1°/ que le comité d'établissement peut se faire assister d'un expert-comptable pour l'examen annuel des comptes, de façon à connaître la situation économique, sociale et financière de l'établissement dans l'ensemble de l'entreprise et par rapport aux autres établissements avec lesquels il doit pouvoir se comparer ; que la mission de l'expert-comptable porte sur tous les éléments d'ordre économique, financier ou social nécessaires à la compréhension des comptes et à l'appréciation de la situation économique de l'établissement dans l'entreprise ; qu'il n'appartient qu'au seul expert-comptable de déterminer les documents utiles à l'exercice de sa mission et que le juge est uniquement tenu de vérifier si les documents réclamés ont un lien avec la mission donnée à l'expert par le comité ; qu'en considérant que la communication des éléments relatifs à l'évolution des rémunération des agents de l'établissement pour les années 2009 à 2011, qui constituaient autant d'éléments de nature à éclairer la situation économique de l'établissement dans l'entreprise en 2014, excédait la mission de l'expert-comptable, la cour d'appel a violé les articles L. 2325-35, L. 2325-36, L. 2325-37 et L. 2327-15 du code du travail dans leur version alors applicable, ensemble l'article L. 823-13 du code de commerce ; 2°/ que le comité d'établissement peut se faire assister d'un expert-comptable pour l'examen annuel des comptes, de façon à connaître la situation économique, sociale et financière de l'établissement dans l'ensemble de l'entreprise et par rapport aux autres établissements avec lesquels il doit pouvoir se comparer ; que la mission de l'expert-comptable porte sur tous les éléments d'ordre économique, financier ou social nécessaires à la compréhension des comptes et à l'appréciation de la situation économique de l'établissement dans l'entreprise ; qu'il n'appartient qu'au seul expert-comptable de déterminer les documents utiles à l'exercice de sa mission et que le juge est uniquement tenu de vérifier si les documents réclamés ont un lien avec la mission donnée à l'expert par le comité ; qu'il en résulte que le droit de communication ne saurait être limité aux informations contenues dans la base de données économiques et sociales mise à disposition par l'employeur portant sur l'année en cours et les deux années précédentes ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 2325-35, L. 2325-36, L. 2325-37 et L. 2327-15 du code du travail dans leur version applicable et l'article L. 823-13 du code de commerce, ensemble les articles L. 2323-8 et R. 2323-1-5 du code du travail dans leur version applicable ; 3°/ que la mission de l'expert-comptable désigné par le comité d'entreprise en application de l'article L. 2325-35 du code du travail porte sur tous les éléments d'ordre économique, financier ou social nécessaires à la compréhension des comptes et à l'appréciation de la situation économique de l'entreprise ; qu'il n'appartient qu'au seul expert-comptable de déterminer les documents utiles à l'exercice de sa mission et le juge est uniquement tenu de vérifier si les documents réclamés ont un lien avec la mission donnée à l'expert par le comité ; qu'en considérant que la demande de communication des éléments relatifs aux fournisseurs pour les années 2008 à 2011, qui constituaient autant d'éléments de nature à éclairer la situation économique de l'entreprise en 2014, excédaient la mission de l'expert-comptable, la cour d'appel a violé les articles L. 2325-35, L. 2325-36, L. 2325-37 et L. 2327-15 du code du travail dans leur version applicable, ensemble l'article L. 823-13 du code de commerce ; 4°/ que la mission de l'expert-comptable désigné par le comité d'entreprise en application de l'article L. 2325-35 du code du travail porte sur tous les éléments d'ordre économique, financier ou social nécessaires à la compréhension des comptes et à l'appréciation de la situation économique de l'entreprise ; qu'il n'appartient qu'au seul expert-comptable de déterminer les documents utiles à l'exercice de sa mission et le juge est uniquement tenu de vérifier si les documents réclamés ont un lien avec la mission posée à l'expert par le comité ; que le droit de communication n'est pas limité aux informations contenues dans la base de données économiques et sociales mise à disposition par l'employeur et portant sur l'année en cours et les deux années précédentes ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 2325-35, L. 2325-36, L. 2325-37 et L. 2327-15 du code du travail dans leur version applicable et l'article L. 823-13 du code de commerce, ensemble les articles L. 2323-8 et R. 2323-1-5 du code du travail ; Mais attendu que la cour d'appel a décidé à bon droit qu'il résulte des dispositions des articles L. 2323-8 et R. 2323-1-5 du code du travail, alors applicables, que l'employeur remplit son obligation de communiquer les pièces utiles à la consultation annuelle sur les comptes, dès lors qu'il met à disposition du comité d'entreprise, et par suite de l'expert désigné par ce dernier, le détail des éléments de rémunération ou des éléments concernant les fournisseurs relatifs à l'année qui fait l'objet du contrôle et aux deux années précédentes ; que le moyen n'est pas fondé ; Sur le troisième moyen, pris en ses deux premières branches : Attendu que le comité social et économique d'établissement de Guyane de la société Electricité de France, venant aux droits du comité d'établissement de Guyane de la société Electricité de France, fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande tendant à obtenir la communication des informations relatives au calcul du budget de fonctionnement du comité pour les années 2014 et 2015 alors, selon le moyen : 1°/ que le comité d'établissement peut se faire assister d'un expert-comptable pour l'examen annuel des comptes, de façon à connaître la situation économique, sociale et financière de l'établissement dans l'ensemble de l'entreprise et par rapport aux autres établissements avec lesquels il doit pouvoir se comparer ; que la mission de l'expert-comptable désigné par le comité d'établissement en application de l'article L. 2325-35 du code du travail porte sur tous les éléments d'ordre économique, financier ou social nécessaires à la compréhension des comptes et à l'appréciation de la situation économique de l'établissement dans l'entreprise ; que les éléments de calcul de la subvention de fonctionnement dont bénéficie le comité d'établissement, soit le montant et les modalités de calcul de la masse salariale inscrite au compte 641, constituent des données permettant d'apprécier la situation économique, sociale et financière de l'entreprise ; qu'en jugeant que la demande ne relevait pas de l'expertise instituée par l'article L. 2325-35 du code du travail, la cour d'appel a violé les articles L. 2325-35, L. 2325-36, L. 2325-37, L. 2325-43 et L. 2327-15 du code du travail du code du travail dans leur version applicable ; 2°/ qu'en déboutant le comité d'établissement aux motifs que celui-ci dispose d'un droit propre portant sur la subvention de fonctionnement et que le montant de celle-ci est étranger à la consultation annuelle sur les comptes, quand la demande ne tendait qu'à obtenir communication de l'assiette et des rubriques comptables correspondantes au compte 641, sans remettre en cause le montant de la subvention, la cour d'appel a dénaturé les termes du litige, en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile ; Mais attendu que pour rejeter la demande de communication de documents, la cour d'appel, a, sans dénaturation, exactement retenu qu'aucune consultation n'étant prévue sur le montant des subventions versées chaque année au comité d'établissement, la contestation de ce montant supposait, dans le cadre d'une procédure en référé, que les conditions prévues par les articles 808 et 809 du code de procédure civile soient remplies, ce qui n'était pas le cas en l'espèce puisque la demande été formée à l'occasion de la consultation sur les comptes annuels de la société sans que soient invoqués de motifs précis à l'appui de la demande ; que le moyen n'est pas fondé ; PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne le comité social et économique d'établissement de Guyane de la société Electricité de France, venant aux droits du comité d'établissement de Guyane de la société Electricité de France aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mars deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour le comité social et économique d'établissement de Guyane de la société Electricité de France, venant aux droits du comité d'établissement de Guyane de la société Electricité de France. PREMIER MOYEN DE CASSATION Le moyen fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté le comité d'établissement de Guyane de sa demande tendant à obtenir la communication des éléments relatifs à l'évolution des rémunérations des agents de l'établissement pour les années 2009 à 2011. AUX MOTIFS propres QUE s'agissant en premier lieu des éléments relatifs à l'évolution des rémunérations des agents de l'établissement, il ressort des conclusions du comité d'établissement et du cabinet Secafï que les demandes portent uniquement sur les années 2009 à 2011, le cabinet Secafi disposant déjà du détail des éléments de rémunération pour les années 2012 à 2014, tel que cela ressort également du mail du 8 avril 2016 communiqué par le comité d'établissement (pièce 7, demande de l'expert pour les années 2009 à 2011) ; qu'or il résulte des dispositions combinées de l'article L. 2323-8 et R. 2323-1-5 du code du travail que l'employeur remplit son obligation de communiquer les pièces utiles à la consultation annuelle sur les comptes, dès lors qu'il met à disposition du comité d'entreprise, et par suite de l'expert qu'il désigne, le détail des éléments de rémunération concernant l'année qui fait l'objet du contrôle, soit en l'espèce l'année 2014, et les deux années précédentes, soit les armées 2012 et 2013, avec cette précision qu'il n'est pas élevé de contestations sur la communication des pièces concnemant les prévisions pour les années suivantes ; que ni le comité ni le cabinet Secafi ne font état de projets importants ou de difficultés particulières qui justifieraient la communication de documents sur les années antérieures ; qu'en outre la société EDF produit un extrait de son référentiel application RH dont il ressort que les données portant sur les rémunérations et les carrières, sont conservées en ligne pendant trois ans, ce qui la place dans une impossibilité matérielle de procéder à une simple transmission de données, seule nécessaire dans le cadre de la consultation annuelle 2014 sur la situation économique et financière de l'entreprise ; que par ailleurs, le cabinet Secafi réclame une explication écrite de la classification des éléments de rémunération selon les catégories liées à la fonction, à l'horaire, la mobilité, aux sujétions de service, et aux compléments salariaux ; qu'or il ressort des pièces communiquées par EDF qu'ont été communiqués des documents suffisants permettant de répondre à cette demande, par la mise à disposition du guide de la rémunération globale de la société, de la note PERS 946 portant méthode d'évaluation des emplois, et de l'accord de branche sur les évolutions salariales ; que les documents permettent au cabinet Secafi d'exercer sa mission au regard des documents propres de l'établissement, à savoir le fichier de la rémunération du personnel et une étude sur les évolutions salariales 2012-2013, sans qu'il puisse exiger la communication d'un document de synthèse écrit, dont la réalisation entre dans l'objet de sa mission. AUX MOTIFS adoptés QUE les demandes de renseignements et de pièces complémentaires sous astreinte du CE GUYANE / EDF et de la société SECAEI sont identiques ; que ces demandes portant sur le champ de mission des comptes de l'année 2014 et des comptes prévisionnels de l'année 2015 de l'établissement de Guyane de la société EDF seront en conséquence traitées concomitamment ; que suivant les dispositions de l'article L.2325-36 du code du travail, « La mission de l'expert-comptable [désigné en application de l'article L.2325-35 du code du travail] porte sur tous les éléments d'ordre économique, financier ou social nécessaires à la compréhension des comptes et à l'appréciation de la situation de l'entreprise. », « Pour opérer toute vérification ou tout contrôle entrant dans l'exercice de ses missions, l'expert-comptable [ayant] accès aux mêmes documents que le commissaire aux comptes. », suivant les dispositions de l'articleL.2325-37 alinéa 1er du code du travail ; que la société EDF justifie avoir communiqué dans le cadre de cette expertise à la société SECAFI, en réponse à la lettre précitée du 13 avril 2015 et à deux courriels subséquents des 17 et 27 novembre 2015, les documents suivants : données économiques financières et comptables : documents de présentation du modèle économique de SEI ==> transmis par "poste restante" (PR) le 26/06/2015 ; contrats annuels de performance (CAP) : CAP 2015, CAP 2014 ==> transmis par mail le 11/06/2015, CAP 2013 ==> transmis par mail le 25/06/2015, CAP 2012, CAP 2013, CAP2014=-> transmis par mail le 24/07/2015 ; balance générale des comptes simplifiés à 6 chiffres ; balance générale des comptes 2013,2014 ==> transmis par mail le 25/06/2015, balance générale des comptes 2012 ==> transmis par mail le 06/07/2015 ; liste des principaux prestataires (sur les 5 dernières années) ; contrats en cours 2015, 2014 et contrats échus ==> transmis par mail le 06/07/2015 et par PR le 26/06/2015 ; état détaillé des stocks ; état détaillé des stocks au 31/12/2013 et au 31/12/2014 ==> transmis par mail le 25/06/2015 ; données d'activité (2010, 2011,2012 , 2013, 2014) ; données d'activité 2013 ==> transmis par mail le 25/06/2015, données d'activité 2014 ==> transmis par mail le 11/06/2015 ; politique d'achat ; manuel de procédures 2013 ==> transmis par mail et par PR le 26/06/2015 ; procédures de délégation (engagements de dépenses) ==> transmis par mail et par PR le 26/06/2015 ; liste des marchés des 7 dernières années ==> 2014- 2015 + contrats échus transmis par mail le 26/06/2015 et le 06/07/2015 ; sélection de fournisseurs (demande supplémentaire de SECAFI des 17 et 27/11/2015) ==> transmis par mail le 20/12/2015 ; données sociales (2010, 2011,2012, 2013 et 2014) ; organigramme détaillé ==> transmis le 31/01/2015 + mise à jour au 31/01/2015 transmis par mail le 11/06/2015 ; bilan social ; bilan social 2012 ==> transmis par mail le 06/07/2015, Bilan social 2013, 2014 ==> transmis par mail le 11/06/2015 et le 26/06/2015 ; évolution des effectifs et facteurs explicatifs de l'évolution de la masse salariale ; bilan 2013 et perspectives 2014-2016 ==> transmis par mail le 11/06/2015, Bilan 2012 et perspectives ==> transmis par mail le 06/07/2015 ; facteurs explicatifs de l'évolution de la masse salariale ==> transmis par mail le 17/03/2016 ; détail du calcul de l'intéressement ==> accord détaillante calcul transmis par PR le 26/06/2015 ; documents prévisionnels ; contrat annuel de performance 2015 ==> transmis par mail le 11/06/2015 ; moyens et GPEC associés ==> par mail le 11/06/2015 ; effectifs prévisionnels ==> transmis par mail le 11/06/2015 ; OPEX et CAPEX ==> nomenclature détaillée selon préconisations de SECAFI 2012 à 2014 transmise par mail le 06/01/2016 ; subvention de fonctionnement allouée au CE ; principes de calcul ==> note CERH transmise par mail le 11/06/2015 ; modalités détaillées du calcul pour 2010, 2011, 2012, 2013 et 2014 ==> tableaux de suivi 2013, 2014 transmis par mail le 11/06/2015 et tableau de suivi 2012 transmis par mail le 06/07/2015 + éléments constitutifs de la requête « sur étagère » d'ICRH qui « rapatrie » pour chacune des Unités Employeur l'assiette et le montant à allouer au CE transmis par mail le 18/09/2015 ; évolution de la masse salariale, des primes et des dépenses logistiques par type de convention ; fichier anonyme de l'établissement des années 2010 à 2014 donnant l'évolution détaillée des éléments de rémunération ; RUP (registre unique du personnel] anonymisé (avec NNI sans le nom) 2012 - 2015 ==> transmis par mail le 25/06/2015 ; mode de calcul des différentes primes ==> transmis par mail le 10/07/2015 ; éléments de rémunération 2012, 2013, 2014 + RUP => transmis par mail le 17/03/2016 ; Que la pièce demandée comme étant constitutive d'un fichier anonymisé ou nominatif et ayant comme contenu l'évolution détaillée des éléments de rémunération au cours des années 2009 à 2011 (comportant notamment avantages sociaux, intéressement et participation, salaire fixe, rémunération variable et également, suivant les catégories retenues par l'employeur ainsi que les autres éléments de rémunération liés à la fonction, à l'horaire, à la mobilité, aux sujétions de service, aux compléments de salaire et « autres ») a déjà fait l'objet d'une communication similaire pour les années 2010 à 2014, non sous la forme d'un fichier récapitulatif mais par communication directe des pièces mentionnées par les parties demanderesse et intervenante comme alimentant ce fichier ; qu'au-delà des difficultés matérielles d'accès aux archives alléguées par la société EDF et des règles de prescription applicables en matière fiscale, il n'apparaît effectivement pas raisonnable d'exiger de l'employeur une obligation de restitution de données de situations et de comptes, sur le cumul de l'année d'analyse et des années précédentes de références, au-delà d'un total de trois années, s'agissant d'une demande d'expertise comptable formulée le 21 janvier 2015 au visa des articles de l'article L.2323-10 du code du travail (concernant la consultation périodique annuelle sur les orientations stratégiques de l'entreprise) ; qu'il n'est pas certain que l'assimilation des pouvoirs d'investigations de l'expert-comptable du comité d'entreprise à ceux du commissaire aux comptes, telle que prévue à l'article L.2325-37 du code du travail, excède le champ strictement matériel d'application des renseignements et pièces exigibles et concerne donc également les délais propres aux dispositions du code de commerce et à leur application. Ce texte de loi dispose en effet que « Pour opérer toute vérification ou tout contrôle entrant dans l'exercice de ses missions, l'expert-comptable a accès aux mêmes documents que le commissaire aux comptes. » ; que les pouvoirs d'investigations de l'expert-comptable dans le cadre de ces analyses, bien qu' assimilables à des audits qui lui sont confiées par le Comité d'entreprise, n'apparaissent donc pas aussi illimités dans le temps que ceux des commissaires aux comptes ; que s'agissant d'une demande d'analyse de comptes pour l'exercice clos au 31 décembre 2014 ainsi que pour les comptes prévisionnels 2015, la limite susmentionnée de trois années sera en conséquence établie à compter rétroactivement de l'année 2014, permettant donc d'inclure les années 2012 et 2013 à l'année 2014 ; qu'en définitive, les années de référence exigibles et utiles seront les années 2012 à 2014 ; que par ailleurs, aucune norme conventionnelle, réglementaire ou légale n'impose à l'employeur la constitution de ce type de fichier ; que celui-ci ne saurait donc être tenu de communiquer un document non seulement non-obligatoire mais également inexistant ; qu'il appartient dès lors à l'expert de récapituler et de synthétiser lui- même à ce sujet les éléments qui lui ont été déjà communiqués, notamment le registre du personnel relatif aux années 2012 à 2015 et un fichier regroupant les éléments de rémunération pour les années 2012 à 2014 et comportant l'ensemble des détails sollicités sur les éléments tels que les avantages sociaux, les intéressements ou les salaires ; que la société EDF affirme par ailleurs sans contestations que l'ensemble de ces documents communiqués étaient en l'occurrence les seuls disponibles au sein de l'établissement concerné ; que son souci d'exhaustivité initiale en la matière, et en conséquence de bonne foi, n'apparaît pas devoir être remis en cause ; que la demande d'information écrite aux fins d'explication de la classification des éléments de rémunération retenue (suivant les catégories ci-après : "rémunération liée à la fonction", "rémunération liée à l'horaire", "rémunération liée à la mobilité", "rémunération liée aux sujétions de service", "compléments salariaux" et "rémunération autres") « afin de permettre à l'expert l'analyse des informations transmises », d'une part ne figure pas dans la lettre de mission du 13 avril 2015 de l'expert-comptable, et d'autre part n'est pas davantage constitutive d'un document devant être obligatoirement constitué par l'employeur ; qu'il appartient dès lors à l'expert-comptable de procéder à l'analyse de l'ensemble des documents que qui lui ont déjà été communiqués au titre de sa mission concernant la rémunération des agents de l'établissement, la politique générale des salaires dans le cadre du guide d'entreprise EDF de la rémunération globale, les conditions d'application de la circulaire Pers 946 du 25 avril 1994 sur la méthode d'évaluation des emplois dans cette entreprise et la convention du 31 mars 1982 accompagnée de ses annexes et complétée de l'accord de branche des industries électriques et gazières du 24 février 2006 au sujet de la réforme de la structure des rémunérations et mesures salariales. Le cas échéant, rien n'empêche l'expert-comptable de poser des questions précises à l'employeur en lecture de l'ensemble des documents d'ores et déjà communiqués. 1° ALORS QUE le comité d'établissement peut se faire assister d'un expert-comptable pour l'examen annuel des comptes, de façon à connaître la situation économique, sociale et financière de l'établissement dans l'ensemble de l'entreprise et par rapport aux autres établissements avec lesquels il doit pouvoir se comparer ; que la mission de l'expert-comptable porte sur tous les éléments d'ordre économique, financier ou social nécessaires à la compréhension des comptes et à l'appréciation de la situation économique de l'établissement dans l'entreprise ; qu'il n'appartient qu'au seul expert-comptable de déterminer les documents utiles à l'exercice de sa mission et que le juge est uniquement tenu de vérifier si les documents réclamés ont un lien avec la mission donnée à l'expert par le comité ; qu'en considérant que la communication des éléments relatifs à l'évolution des rémunération des agents de l'établissement pour les années 2009 à 2011, qui constituaient autant d'éléments de nature à éclairer la situation économique de l'établissement dans l'entreprise en 2014, excédait la mission de l'expert-comptable, la cour d'appel a violé les articles L.2325-35, L.2325-36, L.2325-37 et L.2327-15 du code du travail dans leur version alors applicable, ensemble l'article L.823-13 du code de commerce. 2° ALORS QUE le comité d'établissement peut se faire assister d'un expert-comptable pour l'examen annuel des comptes, de façon à connaître la situation économique, sociale et financière de l'établissement dans l'ensemble de l'entreprise et par rapport aux autres établissements avec lesquels il doit pouvoir se comparer ; que la mission de l'expert-comptable porte sur tous les éléments d'ordre économique, financier ou social nécessaires à la compréhension des comptes et à l'appréciation de la situation économique de l'établissement dans l'entreprise ; qu'il n'appartient qu'au seul expert-comptable de déterminer les documents utiles à l'exercice de sa mission et que le juge est uniquement tenu de vérifier si les documents réclamés ont un lien avec la mission donnée à l'expert par le comité ; qu'il en résulte que le droit de communication ne saurait être limité aux informations contenues dans la base de données économiques et sociales mise à disposition par l'employeur portant sur l'année en cours et les deux années précédentes ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L.2325-35, L.2325-36, L.2325-37 et L.2327-15 du code du travail dans leur version applicable et l'article L.823-13 du code de commerce, ensemble les articles L.2323-8 et R.2323-1-5 du code du travail dans leur version applicable. 3° ALORS QUE l'exposant avait fait valoir que le fichier Infocentre comportaient les données dont il était demandé communication et qu'il était conservé pendant 30 ans au sein d'EDF, et avait produit à l'appui la note de présentation de l'application Infocentre RH précisant en son titre 5 concernant la conservation des données qu'au bout de 3 ans, les données disparaissaient du système en ligne pour être archivées pendant 30 ans et pouvaient être consultées par les chargés d'études des services centraux ; qu'en jugeant que l'employeur était dans l'impossibilité matérielle de produire les données et avait communiqué les seules disponibles, la cour d'appel a dénaturé par omission la note de présentation de l'application Infocentre RH, en violation de l'article 4 du code de procédure civile. 4° ALORS QU'en jugeant par motifs adoptés qu'il n'est pas raisonnable d'exiger de l'employeur une obligation de restitution de données de situations et de comptes au-delà d'un total de trois années, s'agissant d'une demande d'expertise comptable formulée au visa de l'article L.2323-10 du code du travail [relatif à la consultation périodique annuelle sur les orientations stratégiques], quand la demande de communication des documents s'inscrivait dans le cadre de l'examen annuel des comptes institué par l'article L.2325-35 1° du code du travail, la cour d'appel a violé les articles L.2323-10 et L.2325-35 1° du code du travail alors applicables. 5° ALORS QUE la mission de l'expert-comptable porte sur tous les éléments d'ordre économique, financier ou social nécessaires à la compréhension des comptes et à l'appréciation de la situation économique de l'établissement dans l'entreprise ; que pour opérer toute vérification ou contrôle entrant dans l'exercice de sa mission, l'expert-comptable a accès aux mêmes documents que le commissaire aux comptes ; que les dispositions de l'article L. 2325-37 du code du travail n'ont pas vocation à limiter l'accès de l'expert-comptable à certains documents mais au contraire à lui conférer les mêmes pouvoirs d'investigation que le commissaire aux comptes et la même faculté de déterminer les documents utiles à sa mission ; qu'en jugeant, par motifs adoptés, qu'il n'était pas certain que l'assimilation des pouvoirs d'investigations de l'expert-comptable du comité à ceux du commissaire aux comptes, tel que prévu à l'article L.2325-37 du code du travail, excède le champ strictement matériel d'application des renseignements et pièces exigibles et concerne donc les délais propres au code de commerce, de sorte que les pouvoirs d'investigations de l'expert dans le cadre de ses analyses n'apparaissaient pas aussi illimités dans le temps que ceux des commissaires aux comptes, la cour d'appel a violé l'article L.2325-37 du code du travail dans sa version alors applicable, ensemble l'article L.823-13 du code de commerce. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION Le moyen fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté le comité d'établissement de Guyane de sa demande tendant à obtenir la communication des informations relatives aux commandes passées par la société EDF Guyane, en précisant l'activité concernée, le domaine d'achats et le segment achats, et ce pour les 12 fournisseurs identifiés pour la période 2008 à 2011. AUX MOTIFS propres QUE s'agissant ensuite des éléments relatifs aux fournisseurs de 2008 à 2012, il ressort du message du 12 octobre 2016 du directeur de mission du cabinet Secafi que la société a communiqué les documents détaillés sollicités par le cabinet pour les années 2012à2015, le litige portant sur les années antérieures ; que pour les mêmes motifs que ceux précédemment énoncés, la demande de communication de documents doit être conforme à l'objet de la mission qui porte uniquement sur l'examen des comptes 2014 et les comptes prévisionnels 2015 ; qu'en particulier la société EDF a communiqué les documents relatifs à l'année 2012 qui sont visés par les conclusions du cabinet Secafi, et la mission qui lui a été confiée ne lui permet pas de réclamer des documents antérieurs aux trois dernières années tel qu'il est prévu par l'article R. 2323-1-5 du code du travail. AUX MOTIFS adoptés énoncés au premier moyen Et AUX MOTIFS adoptés QUE la demande portant sur les autres renseignements demandés pour la période de 2008 à 2012 [liste complète des commandes (date, référence, libellé, montant, marché/hors marché) passées par EDF Guyane en précisant l'activité concernée (réseaux, production, tertiaire, informatique, télécoms) et domaines et segments d'achats pour les 12 fournisseurs identifiés (Power Solutions, Nord-Motors, ÀJBB France, ETE Guyane, Entreprise d'électricité et d'équipement, Muterloger, Soc. FR de déménagement INT, CWT, Outremer Interim-Randstrad Antilles Guyane, Bureau Veritas, ETPS et JPL Participations)] sera également rejetée en ce qui concerne les années 2008 à 2011 pour les motifs précédemment énoncés concernant le caractère déraisonnable de l'exigence vis-à-vis de l'employeur d'une restitution de données de situations et de comptes au-delà de trois années à compter rétroactivement de l'année 2014 ; qu'en ce qui concerne l'année 2012 sur ce poste de demande, la société EDF a indiqué dans un courriel adressé à l'expert- comptable le 17 mars 2016 qu'elle considérait avoir fourni l'ensemble des éléments nécessaires sur ses fournisseurs par un courrier du 20 décembre 2015 et a répondant, en réponse à une allégation d'absence d'éléments suffisants au sujet des fournisseurs MUTER LOGER, ETPS et JPL PARTICIPATLON, que le fournisseur MUTER LOGER n'est pas utilisé par l'établissement et que les fournisseurs ETPS et JPL PARTICIPATION ont également fait l'objet de communication par courriel précité du 20 décembre 2015 dans le cadre d'un fichier Excel ; qu'en tout état de cause, la société SECAFI ne conteste pas dans ses écritures avoir reçu communication de ces éléments pour les années 2012 à 2015 ; qu'il convient dès lors d'en inférer, d'une part que l'entreprise MUTER LOGER ne fait pas partie des fournisseurs identifiés de l'établissement EDF de Guyane et d'autre part que l'expert-comptable a déjà bénéficié de renseignements utiles sur les autres fournisseurs susnommés dans le cadre de la communication électronique précitée du 20 décembre 2015, étant rappelé que dans le cadre de cette correspondance électronique du 17 mars 2016 seuls les deux fournisseurs ETPS et JPL PARTICIPATION sont considérés comme ayant donné lieu à des informations insuffisantes et que le renvoi à leur sujet à la lecture du fichier Excel communiqué le 20 décembre 2015 n'a ensuite donné lieu à aucune contestation en temps réel ; qu'il convient dans ces conditions de considérer que l'expert- comptable dispose de renseignements et de pièces suffisants pour l'accomplissement de sa mission concernant l'ensemble des prestataires identifiés de l'établissement EDF de Guyane en ce qui concerne l'année 2012, les années 2013 et 2014 ne faisant l'objet d'aucune demande à ce sujet. 1° ALORS QUE la mission de l'expert-comptable désigné par le comité d'entreprise en application de l'article L.2325-35 du code du travail porte sur tous les éléments d'ordre économique, financier ou social nécessaires à la compréhension des comptes et à l'appréciation de la situation économique de l'entreprise ; qu'il n'appartient qu'au seul expert-comptable de déterminer les documents utiles à l'exercice de sa mission et le juge est uniquement tenu de vérifier si les documents réclamés ont un lien avec la mission donnée à l'expert par le comité ; qu'en considérant que la demande de communication des éléments relatifs aux fournisseurs pour les années 2008 à 2011, qui constituaient autant d'éléments de nature à éclairer la situation économique de l'entreprise en 2014, excédaient la mission de l'expert-comptable, la cour d'appel a violé les articles L.2325-35, L.2325-36, L.2325-37 et L.2327-15 du code du travail dans leur version applicable, ensemble l'article L.823-13 du code de commerce. 2° ALORS QUE la mission de l'expert-comptable désigné par le comité d'entreprise en application de l'article L.2325-35 du code du travail porte sur tous les éléments d'ordre économique, financier ou social nécessaires à la compréhension des comptes et à l'appréciation de la situation économique de l'entreprise ; qu'il n'appartient qu'au seul expert-comptable de déterminer les documents utiles à l'exercice de sa mission et le juge est uniquement tenu de vérifier si les documents réclamés ont un lien avec la mission posée à l'expert par le comité ; que le droit de communication n'est pas limité aux informations contenues dans la base de données économiques et sociales mise à disposition par l'employeur et portant sur l'année en cours et les deux années précédentes ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L.2325-35, L.2325-36, L.2325-37 et L.2327-15 du code du travail dans leur version applicable et l'article L.823-13 du code de commerce, ensemble les articles L.2323-8 et R.2323-1-5 du code du travail. TROISIEME MOYEN DE CASSATION Le moyen fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté le comité d'établissement de Guyane de sa demande tendant à obtenir la communication des informations relatives au calcul du budget de fonctionnement du comité pour les années 2014 et 2015. AUX MOTIFS propres QUE s'agissant enfin des documents portant sur les modalités de calcul de la subvention de fonctionnement de l'établissement, EDF établit qu'elle a communiqué un tableau reprenant l'évolution mensuelle de la dotation de fonctionnement versée à l'établissement de janvier 2013 à avril 2015, ainsi qu'un document sur la subvention versée au titre des années 2009 et 2010. Les appelants ne contestent pas que la même communication a été faite pour l'année 2012, le litige portant sur la communication d'informations relatives à l'assiette de la subvention ; que le comité d'établissement dispose d'un droit propre portant sur la subvention de fonctionnement qui lui est versée mais le contrôle portant sur son montant est étranger à la consultation annuelle prévue par l'article L.2323-8 du code du travail et par suite à l'expertise organisée par l'article L.2325-35 qui a pour objet l'analyse de la situation économique et sociale de l'entreprise ; qu'aucune consultation n'étant prévue sur le montant des subventions versées chaque année au comité d'établissement, la contestation de ce montant suppose dans le cadre d'une procédure en référé, que les conditions prévues par les articles 808 et 809 du code de procédure civile soient remplies, ce qui n'est pas le cas en l'espèce puisque la demande été formée à l'occasion de la consultation sur les comptes annuels de la société sans que soient invoqués de motifs précis à l'appui de la demande. AUX MOTIFS éventuellement adoptés QUE la demande d'informations sur les principes de calcul du budget de fonctionnement du Comité d'établissement et sur les modalités détaillées de calcul appliquées à rétablissement concerné (notamment l'assiette et les rubriques correspondantes) excède effectivement les pouvoirs du chef d'établissement concerné ; qu'en effet, cette subvention est calculée et versée par la direction d'entreprise elle-même au profit du CE GUYANE / EDF ; qu'il convient à ce sujet de rappeler qu'en application des dispositions de l'article L.2327-15 alinéa 1er du code du travail, suivant lesquelles « Le comité d'établissement a les mêmes attributions que le comité d'entreprise, dans la limite des pouvoirs confiés au chef de cet établissement. », les pouvoirs d'examen de comptes et les prérogatives générales de l'expert-comptable sont dès lors limités au pouvoir et au périmètre d'intervention du seul établissement et non de l'ensemble de l'entreprise ; que le chef d'établissement de la société EDF de Guyane n'ayant effectivement aucun pouvoir sur le principe et les modalités de calcul de la subvention de fonctionnement du Comité d'établissement, ce poste de demande sera en conséquence rejeté ; qu'en tout état de cause, la société EDF rappelle avoir transmis à ce sujet un suivi mensuel du versement de cette subvention pour les années 2012 à 2014 ainsi que pour les premiers mois de l'années 2015 et une note du Centre d'expertise ressource humaines du 12 mars 2008 sur les modalités de gestion et de versement de cette subvention. 1° ALORS QUE le comité d'établissement peut se faire assister d'un expert-comptable pour l'examen annuel des comptes, de façon à connaître la situation économique, sociale et financière de l'établissement dans l'ensemble de l'entreprise et par rapport aux autres établissements avec lesquels il doit pouvoir se comparer ; que la mission de l'expert-comptable désigné par le comité d'établissement en application de l'article L.2325-35 du code du travail porte sur tous les éléments d'ordre économique, financier ou social nécessaires à la compréhension des comptes et à l'appréciation de la situation économique de l'établissement dans l'entreprise ; que les éléments de calcul de la subvention de fonctionnement dont bénéficie le comité d'établissement, soit le montant et les modalités de calcul de la masse salariale inscrite au compte 641, constituent des données permettant d'apprécier la situation économique, sociale et financière de l'entreprise ; qu'en jugeant que la demande ne relevait pas de l'expertise instituée par l'article L.2325-35 du code du travail, la cour d'appel a violé les articles L.2325-35, L.2325-36, L.2325-37, L.2325-43 et L.2327-15 du code du travail du code du travail dans leur version applicable. 2° ALORS QU'en déboutant le comité d'établissement aux motifs que celui-ci dispose d'un droit propre portant sur la subvention de fonctionnement et que le montant de celle-ci est étranger à la consultation annuelle sur les comptes, quand la demande ne tendait qu'à obtenir communication de l'assiette et des rubriques comptables correspondantes au compte 641, sans remettre en cause le montant de la subvention, la cour d'appel a dénaturé les termes du litige, en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile. 3° ALORS en tout état de cause QUE le comité d'établissement peut se faire assister d'un expert-comptable pour l'examen annuel des comptes, de façon à connaître la situation économique, sociale et financière de l'établissement dans l'ensemble de l'entreprise et par rapport aux autres établissements avec lesquels il doit pouvoir se comparer ; que la mission de l'expert-comptable désigné par le comité d'établissement en application de l'article L.2325-35 du code du travail porte sur tous les éléments d'ordre économique, financier ou social nécessaires à la compréhension des comptes et à l'appréciation de la situation économique de l'établissement dans l'entreprise ; que les documents comptables permettent de connaître le montant de la masse salariale inscrite au compte 641 retenu comme assiette de calcul de la subvention de fonctionnement ; qu'il importe peu que la subvention soit calculée et versée au niveau de l'entreprise et non de l'établissement, dès lors que l'expert-comptable a droit à la communication des comptes de l'entreprise et des établissements de celle-ci ; qu'en jugeant, par motifs adoptés, que la demande d'information sur le calcul du budget de fonctionnement du comité d'établissement excédait les pouvoirs du chefs d'établissement, la cour d'appel a violé les articles L.2325-35, L.2325-36, L.2325-37, L.2325-43 et L.2327-15 du code du travail dans leur version applicable.
Il résulte des dispositions des articles L. 2323-8 et R. 2323-1-5 du code du travail, alors applicables, que l'employeur remplit son obligation de communiquer les pièces utiles à la consultation annuelle sur les comptes, dès lors qu'il met à disposition du comité d'entreprise, et par suite de l'expert désigné par ce dernier, le détail des éléments de rémunération ou des éléments concernant les fournisseurs relatifs à l'année qui fait l'objet du contrôle et aux deux années précédentes
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SOC. MF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 25 mars 2020 Cassation partielle M. CATHALA, président Arrêt n° 400 FS-P+B Pourvoi n° Y 18-12.467 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 25 MARS 2020 M. T... H..., domicilié [...], a formé le pourvoi n° Y 18-12.467 contre l'arrêt rendu le 20 décembre 2017 par la cour d'appel de Poitiers (chambre sociale), dans le litige l'opposant : 1°/ à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales des Pays de la Loire, dont le siège est [...], venant aux droits de l'URSSAF de la Vendée, 2°/ au ministre chargé de la sécurité sociale, domicilié 14 avenue Duquesne, 75350 Paris 07 SP, défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Cavrois, conseiller, les observations de la SCP Spinosi et Sureau, avocat de M. H..., de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales des Pays de la Loire, et l'avis de Mme Grivel, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 février 2020 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Cavrois, conseiller rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, M. Rinuy, Mmes Pécaut-Rivolier, Ott, Sommé, conseillers, Mme Lanoue, MM. Joly, Le Masne de Chermont, conseillers référendaires, Mme Grivel, avocat général, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 20 décembre 2017), M. H... a été engagé en 1975 par l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (l'URSSAF) en qualité de cadre et, en dernier lieu, a été nommé directeur de l'URSSAF de la Vendée à compter du 1er janvier 2000. 2. Ayant été licencié pour insuffisance professionnelle le 24 février 2006, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes. Examen du moyen Enoncé du moyen 3. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de complément d'indemnité conventionnelle de licenciement alors « que le juge, tenu d'interpréter et d'appliquer une convention collective, ne peut se limiter à une interprétation littérale d'une de ses stipulations qui induit une inégalité manifeste de traitement entre les salariés auxquels elle est applicable ; que l'article 28 de la convention collective du 25 juin 1968 des agents de direction et des agents comptables des organismes de sécurité sociale et d'Allocations familiales ne prévoit le versement d'une indemnité de licenciement, plus favorable que l'indemnité légale de licenciement, qu'aux salariés licenciés pour un motif disciplinaire, à l'exclusion des autres salariés licenciés pour un motif personnel non fautif ; qu'en refusant de faire application de cette stipulation au bénéfice du salarié licencié pour insuffisance professionnelle, en se limitant à son interprétation littérale, la cour d'appel, qui, ainsi, n'a pas mis fin à ce traitement inégalitaire injustifié, a violé le texte susvisé, ensemble le principe « à travail égal, salaire égal » et l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. » Réponse de la Cour Vu l'article 28 de la convention collective nationale du travail du 25 juin 1968 des agents de direction et des agents comptables des organismes de sécurité sociale et d'allocations familiales, alors applicable : 4. Une convention collective, si elle manque de clarté, doit être interprétée comme la loi, c'est à dire d'abord en respectant la lettre du texte, ensuite en tenant compte d'un éventuel texte législatif ayant le même objet et, en dernier recours, en utilisant la méthode téléologique consistant à rechercher l'objectif social du texte. 5. Selon l'article 28 de la convention collective susvisée, tout agent de direction ou agent comptable licencié après application de la procédure prévue par l'article R. 123-51 du code de la sécurité sociale recevra, dans tous les cas, une indemnité égale à un mois de traitement (calculée sur la base du dernier mois d'activité) par année d'ancienneté calculée selon les modalités de l'article 30 de la convention collective du 8 février 1957, avec un maximum de 18 mois de salaire. 6. Toutefois, cette convention collective n'envisageait en 1968 que le licenciement en matière disciplinaire et celui prononcé en cas de suppression d'emploi suivie du refus par l'agent de direction d'un reclassement dans un poste de son grade. 7. Eu égard d'abord aux dispositions de l'article 2 de l'ordonnance n° 67-581 du 13 juillet 1967 relatives à certaines mesures applicables en cas de licenciement prévoyant que tout travailleur salarié, lié par un contrat à durée indéterminée et qui est licencié alors qu'il compte deux ans d'ancienneté ininterrompue au service du même employeur avait droit, sauf faute grave, à une indemnité de licenciement et ensuite à la jurisprudence de la Cour de cassation qui, lors de la signature de la convention collective, n'avait pas encore reconnu l'insuffisance professionnelle comme une catégorie autonome de licenciement, l'article 28 de la convention collective doit être interprété comme n'excluant pas le salarié licencié pour insuffisance professionnelle du bénéfice de l'indemnité conventionnelle de licenciement qu'il prévoit. 8. Pour rejeter la demande de complément d'indemnité conventionnelle prévue à l'article 28 de la convention collective, la cour d'appel retient que ce texte ne s'appliquait qu'aux agents licenciés selon la procédure disciplinaire prévue par l'article R. 123-51 du code de la sécurité sociale à l'exclusion de ceux licenciés pour insuffisance professionnelle. 9. En statuant ainsi, la cour d'appel a dès lors violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de M. H... de complément d'indemnité conventionnelle de licenciement, l'arrêt rendu le 20 décembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ; Condamne l'URSSAF des Pays de la Loire aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'URSSAF des Pays de la Loire et la condamne à payer à M. H... la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mars deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour M. H.... Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. H... de se demande de complément d'indemnité conventionnelle de licenciement ; Aux motifs que « Il est établi que l'URSSAF a versé à M. H... la somme de 5.504,78 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement, celle-ci étant calculée selon les dispositions applicables à cette époque à partir de son traitement brut mensuel moyen de 8.256,50 euros et de son ancienneté comprise entre le 1er janvier 2000 et le 24 août 2006, date de la fin de son préavis. Contrairement à ce qu'affirme M. H..., l'article 28 de la convention collective du 25 juin 1968 n'est pas applicable car il prévoit le versement d'une indemnité égale à un mois de traitement par année d'ancienneté en cas de licenciement après application de la procédure prévue par l'article R.123-51 du code de sécurité sociale. Or, la cour a estimé que la procédure de licenciement engagée à l'encontre de M. H... n'était pas celle prévue à l'article R.123-51 du code de sécurité sociale mais la procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle. En conséquence, M. H... ne peut prétendre à un complément d'indemnité conventionnelle » ; Alors que le juge, tenu d'interpréter et d'appliquer une convention collective, ne peut se limiter à une interprétation littérale d'une de ses stipulations qui induit une inégalité manifeste de traitement entre les salariés auxquels elle est applicable ; que l'article 28 de la convention collective du 25 juin 1968 des agents de direction et des agents comptables des organismes de Sécurité Sociale et d'Allocations familiales ne prévoit le versement d'une indemnité de licenciement, plus favorable que l'indemnité légale de licenciement, qu'aux salariés licenciés pour un motif disciplinaire, à l'exclusion des autres salariés licenciés pour un motif personnel non fautif ; qu'en refusant de faire application de cette stipulation au bénéfice du salarié licencié pour insuffisance professionnelle, en se limitant à son interprétation littérale, la Cour d'appel, qui, ainsi, n'a pas mis fin à ce traitement inégalitaire injustifié, a violé le texte susvisé, ensemble le principe « à travail égal, salaire égal » et l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Une convention collective, si elle manque de clarté, doit être interprétée comme la loi, c'est-à-dire d'abord en respectant la lettre du texte, ensuite en tenant compte d'un éventuel texte législatif ayant le même objet et, en dernier recours, en utilisant la méthode téléologique consistant à rechercher l'objectif social du texte