id
stringlengths 20
20
| ancien_id
stringlengths 0
26
| origine
stringclasses 1
value | url
stringlengths 66
66
| nature
stringclasses 1
value | titre
stringlengths 36
371
| date_decision
stringlengths 19
19
| juridiction
stringclasses 104
values | numero
stringlengths 0
279
| formation
stringclasses 528
values | type_recours
stringclasses 124
values | publication_recueil
stringclasses 5
values | president
stringlengths 0
38
| avocats
stringlengths 0
457
| rapporteur
stringlengths 0
47
| commissaire_gouvernement
stringlengths 0
141
| contenu
stringlengths 0
376k
|
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
CETATEXT000048424091 | J2_L_2023_11_00021LY01880 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/40/CETATEXT000048424091.xml | Texte | CAA de LYON, 3ème chambre, 15/11/2023, 21LY01880, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-15 00:00:00 | CAA de LYON | 21LY01880 | 3ème chambre | plein contentieux | C | M. TALLEC | REMY | Mme Emilie FELMY | M. DELIANCOURT | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure La société hydroélectrique de la Dore a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'une part, de réformer l'article 7.1 de l'arrêté du 19 octobre 2017 par lequel le préfet du Puy-de-Dôme l'a autorisée à exploiter la microcentrale de Chantelauze pour la production d'énergie hydraulique, pour une durée limitée à quinze ans à compter de la mise en service de 1'installation, au titre des articles L. 214-1 à L. 214-3 du code de l'environnement, et de fixer cette durée à trente ans, d'autre part, d'annuler le dernier alinéa de l'article 5.1.2 de cet arrêté lui prescrivant d'évacuer les déchets flottants et dérivants remontés hors de l'eau par dégrillage vers des sites habilités à les recevoir. Par un jugement n°1800007 du 8 avril 2021, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande. Procédure devant la cour Par une requête, enregistrée le 8 juin 2021, la société hydroélectrique de la Dore, représentée par Mes Remy et Brunner, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 8 avril 2021 ; 2°) de réformer l'article 7.1 de l'arrêté du 19 octobre 2017 du préfet du Puy-de-Dôme relatif à la durée de l'autorisation d'exploitation afin de porter cette durée à trente ans ; 3°) d'annuler l'article 5.1.2 de cette décision en tant qu'il prescrit d'évacuer les déchets flottants et dérivants vers des sites habilités à les recevoir, et par conséquent de supprimer les visas 8 à 10 de l'arrêté ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - l'autorité préfectorale a commis une erreur manifeste d'appréciation en fixant la durée d'autorisation de la microcentrale de Chantelauze à quinze ans ; - l'autorité préfectorale a commis une erreur manifeste d'appréciation en prévoyant que les déchets flottants et dérivants remontés hors de l'eau par dégrillage devaient être évacués vers des sites habilités à les recevoir ; - il n'existe aucune disposition législative ou réglementaire permettant à l'autorité préfectorale de prescrire à une centrale hydroélectrique soumise au régime de l'autorisation, l'évacuation des déchets flottants et dérivants remontés hors de l'eau par dégrillage ; - les dispositions de l'article 21 du décret du 27 avril 2016 ne lui sont pas applicables, dès lors qu'elle relève du régime de l'autorisation et non de celui de la concession ; - les dispositions de l'article L. 211-1 du code de l'environnement ne sont pas applicables, dès lors que les éléments visés par l'article 5.1.2 de l'arrêté attaqué ne constituent pas une source de pollution des eaux ; - elle ne saurait être considérée comme détentrice des déchets au sens des dispositions de l'article L. 541-1-1 du code de l'environnement. Par un mémoire en défense enregistré le 30 septembre 2022, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens présentés par la société hydroélectrique de la Dore ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 10 octobre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 2 décembre 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'environnement ; - le code de l'énergie ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Felmy, présidente-assesseure, - les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public, - et les observations de Me Gravier, représentant la société hydroélectrique de la Dore. Une note en délibéré, enregistrée le 6 novembre 2023, a été présentée pour la société hydroélectrique de la Dore. Considérant ce qui suit : 1. Par un arrêté du 19 octobre 2017, le préfet du Puy-de-Dôme a, notamment, autorisé la société hydroélectrique de la Dore à exploiter pour la production d'énergie hydraulique la microcentrale de Chantelauze pour une durée de quinze ans à compter de la mise en service de 1'installation et lui a prescrit d'évacuer les déchets flottants et dérivants remontés hors de l'eau par dégrillage vers des sites habilités à les recevoir. La société relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant, d'une part, à la réformation de l'arrêté attaqué afin que la durée de l'autorisation d'exploitation qui lui a été accordée soit portée à trente ans et, d'autre part, à l'annulation de l'obligation d'évacuation des déchets flottants qui lui a été imposée. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. Aux termes de l'article L. 531-1 du code de l'énergie : " I. ' L'octroi par l'autorité administrative de l'autorisation permettant l'exploitation d'installations utilisant l'énergie hydraulique également soumises aux articles L. 214-1 à L. 214-11 du code de l'environnement est entièrement régi par ces dispositions et par celles du chapitre unique du titre VIII du livre Ier du même code et les actes délivrés en application du code de l'environnement valent autorisation au titre du présent chapitre, sous réserve de ses dispositions particulières (...) ". Aux termes de l'article L. 211-1 du code de l'environnement, dans sa version applicable au litige : " I.-Les dispositions des chapitres Ier à VII du présent titre ont pour objet une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau ; cette gestion prend en compte les adaptations nécessaires au changement climatique et vise à assurer : (...) 2° La protection des eaux et la lutte contre toute pollution par déversements, écoulements, rejets, dépôts directs ou indirects de matières de toute nature et plus généralement par tout fait susceptible de provoquer ou d'accroître la dégradation des eaux en modifiant leurs caractéristiques physiques, chimiques, biologiques ou bactériologiques, qu'il s'agisse des eaux superficielles, souterraines ou des eaux de la mer dans la limite des eaux territoriales ; (...) 5° La valorisation de l'eau comme ressource économique et, en particulier, pour le développement de la production d'électricité d'origine renouvelable ainsi que la répartition de cette ressource ; (...) / II.- La gestion équilibrée doit permettre en priorité de satisfaire les exigences de la santé, de la salubrité publique, de la sécurité civile et de l'alimentation en eau potable de la population. Elle doit également permettre de satisfaire ou concilier, lors des différents usages, activités ou travaux, les exigences : (...) 3° (...) de la production d'énergie, en particulier pour assurer la sécurité du système électrique, (...) ". Il résulte de ces dispositions que la valorisation de l'eau comme ressource économique, en particulier, pour le développement de la production d'électricité d'origine renouvelable constitue l'un des objectifs de la gestion équilibrée et durable de la ressource en eau dont les autorités administratives chargées de la police de l'eau doivent assurer le respect. Il appartient ainsi à l'autorité administrative compétente, lorsqu'elle autorise au titre de cette police de l'eau des installations ou ouvrages de production d'énergie hydraulique, de concilier cet objectif avec tous ceux qui lui sont assignés, dont la préservation du patrimoine hydraulique, compte tenu du potentiel de production électrique propre à chaque installation ou ouvrage. En ce qui concerne la durée de l'autorisation : 3. Aux termes de l'article L. 531-2 du code de l'environnement : " Les autorisations délivrées au titre du présent chapitre ne peuvent excéder soixante-quinze ans ". Ces dispositions ne font pas obstacle à ce que le préfet fixe une durée d'exploitation inférieure à la durée maximale de soixante-quinze ans pour les ouvrages hydroélectriques. 4. La société requérante reprend en appel, sans l'assortir d'éléments nouveaux, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation que le préfet aurait commise en fixant à quinze ans, aux termes de l'article 7.1 de son arrêté, la durée de l'autorisation d'exploitation dont elle bénéficie, en faisant de nouveau valoir que cette limitation fait obstacle à l'amortissement de ses investissements et charges, et que le contrat qu'elle a conclu avec la société Electricité de France est susceptible de couvrir une durée de vingt ans. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, d'écarter ce moyen. En ce qui concerne la prescription d'enlèvement et d'évacuation des déchets flottants remontés par dégrillage : 5. Aux termes de l'article L. 215-14 du code de l'environnement : " Sans préjudice des articles 556 et 557 du code civil et des chapitres Ier, II, IV, VI et VII du présent titre, le propriétaire riverain est tenu à un entretien régulier du cours d'eau. L'entretien régulier a pour objet de maintenir le cours d'eau dans son profil d'équilibre, de permettre l'écoulement naturel des eaux et de contribuer à son bon état écologique ou, le cas échéant, à son bon potentiel écologique, notamment par enlèvement des embâcles, débris et atterrissements, flottants ou non, par élagage ou recépage de la végétation des rives. Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application du présent article ". Aux termes de l'article 16 de l'article annexe à l'article R. 214-85 du même code approuvant le modèle de règlement d'eau des entreprises autorisées à utiliser l'énergie hydraulique, en vigueur en dépit de l'abrogation des dispositions de l'article R. 214-85 par le décret n°2014-750 harmonisant la procédure d'autorisation des installations hydroélectriques avec celle des installations, ouvrages, travaux et activités prévue à l'article L. 214-3 du code de l'environnement et renvoyant aux dispositions de l'article L. 215-14 du code de l'environnement : " Entretien de la retenue et du lit du cours d'eau / (...) / Toutes dispositions devront en outre être prises par le permissionnaire pour que le lit du cours d'eau soit conservé dans son état, sa profondeur et sa largeur naturels, notamment en considération des articles L. 215-14 et L. 215-15-1 ". Aux termes de l'article R. 521-28 du code de l'énergie, relatif au règlement d'eau : " Le règlement d'eau prévu à l'article L. 521-2 ne peut contenir, conformément à l'article L. 181-11 du code de l'environnement et au 1° de l'article L. 521-4 du présent code, que les prescriptions individuelles nécessaires à la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 211-1 du code de l'environnement ou que des prescriptions relatives aux moyens de surveillance, aux modalités des contrôles techniques et aux moyens d'intervention en cas d'incident ou d'accident. / Le règlement d'eau fixe en particulier les conditions techniques applicables à l'exploitation des ouvrages hydrauliques dans toutes les hypothèses connues et prévisibles et portant sur : (...) -la suppression des embâcles et le dégrillage ; (...) ". 6. En premier lieu, il résulte des dispositions précitées que l'obligation d'enlèvement des embâcles et autres déchets flottants qui pèse sur les propriétaires riverains est également applicable aux exploitants d'une installation hydroélectrique. Il en résulte que le préfet du Puy-de-Dôme n'a pas entaché son arrêté d'un défaut de base légale en imposant, comme en l'espèce, à l'exploitant d'une centrale autorisée de procéder à la récupération et à l'évacuation en site habilité de ces éléments. 7. En deuxième lieu, ainsi que les premiers juges l'ont retenu, dès lors qu'elle a été édictée en application des dispositions de l'article L. 215-14 du code de l'environnement et de l'article 16 de l'article annexe à l'article R. 214-85 du même code, la prescription contestée a pour objet d'assurer le respect des intérêts déterminés à l'article L. 211-1 du code de l'environnement. Il ne ressort pas des termes de cet article rappelés au point 2 que celui-ci, qui vise la lutte contre toute pollution générée par des matières de toute nature, exclurait par principe les dépôts ou déversements de matière végétale. Ainsi, la société hydroélectrique de la Dore qui soutient, sans toutefois le démontrer par une analyse de cette contrainte réalisée par un cabinet d'ingénierie en juin 2018, un procès-verbal de constat d'huissier du 26 juin 2018 et une étude réalisée par un bureau d'études en août 2001, que la majorité des éléments charriés par la rivière La Dore serait d'origine naturelle et constituée notamment de végétaux nécessaires à l'équilibre chimique et biologique du cours d'eau, et ne pourraient pour ce motif être qualifiés de déchet, n'est pas fondée à soutenir que le préfet aurait commis une erreur de droit ou une erreur d'appréciation en lui imposant la prescription litigieuse. En outre et en tout état de cause, il ne résulte pas de l'instruction et notamment pas des mentions de l'arrêté du 19 octobre 2017 que le préfet du Puy-de-Dôme aurait entendu regarder tous les éléments flottants ou dérivants sur la Dore comme des déchets devant en être extraits en vue de leur traitement. Par suite, et alors que la prescription imposée doit être regardée comme portant sur l'enlèvement des seuls embâcles préjudiciables au libre écoulement des eaux et remontés par dégrillage conformément aux dispositions précitées, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté en toutes ses branches. 8. En troisième lieu, il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, et dès lors que l'arrêté n'est pas fondé sur les dispositions de l'article 21 du décret du 27 avril 2016 relatif au régime de la concession, d'écarter d'une part comme inopérant le moyen tiré du défaut de base légale de cet arrêté, d'autre part le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation au vu des difficultés techniques d'exécution de la prescription relative à l'évacuation par dégrillage et à l'élimination des déchets flottants ou dérivants et qui seraient issues de la situation de la prise d'eau de la centrale hydroélectrique de Chantelauze dans un endroit encaissé, en contrebas de la route, de telles contraintes étant sans incidence sur la légalité de l'obligation édictée. 9. Il résulte de ce qui précède que la société hydroélectrique de la Dore n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 19 octobre 2017 en tant que le préfet du Puy-de-Dôme a limité son autorisation d'exploitation pour une durée de quinze ans et lui a prescrit d'évacuer les déchets flottants et dérivants remontés hors de l'eau par dégrillage vers des sites habilités à les recevoir. Sur les frais liés au litige : 10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, la somme que la société hydroélectrique de la Dore demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. D E C I D E : Article 1er : La requête de la société hydroélectrique de la Dore est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société hydroélectrique de la Dore et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Délibéré après l'audience du 31 octobre 2023, à laquelle siégeaient : M. Jean-Yves Tallec, président de chambre, Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure, M. Joël Arnould, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 novembre 2023. La rapporteure, Emilie FelmyLe président, Jean-Yves Tallec La greffière, Sandra Bertrand La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, 2 N° 21LY01880 |
CETATEXT000048424099 | J2_L_2023_11_00021LY03017 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/40/CETATEXT000048424099.xml | Texte | CAA de LYON, 2ème chambre, 16/11/2023, 21LY03017, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de LYON | 21LY03017 | 2ème chambre | fiscal | C | M. PRUVOST | SCP LARDANS TACHON MICALLEF | Mme Audrey COURBON | Mme LESIEUX | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure L'EHPAD de l'Aumance a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de prononcer la restitution des cotisations de taxe sur les salaires auxquelles il a été assujetti au titre des années 2014, 2015 et 2016, à concurrence de la somme de 248 665 euros, ainsi que le remboursement d'un crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi au titre des mêmes années, pour un montant de 278 893 euros. Par un jugement n° 1801332 du 27 mai 2021, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a ordonné la restitution des cotisations de taxe sur les salaires auxquelles l'EHPAD de l'Aumance a été assujetti à hauteur de la somme de 77 019 euros au titre de l'année 2014, de 82 144 euros au titre de l'année 2015, de 89 502 euros au titre de l'année 2016 et rejeté le surplus de sa demande. Procédure devant la cour Par une requête, enregistrée le 10 septembre 2021 et, un mémoire, non communiqué, enregistré le 7 janvier 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de remettre ces impositions à la charge de l'EHPAD de l'Aumance. Il soutient que : - l'EHPAD de l'Aumance, qui est un EHPAD public, exerce son activité d'hébergement en tant qu'autorité publique ; - du fait de ses caractéristiques, notamment en termes de prix pratiqué et de public bénéficiaire, cette activité ne crée pas de distorsion de concurrence par rapport à celle réalisée par les établissements de droit privé lucratifs ; - il en résulte que l'activité d'hébergement de l'EHPAD n'est pas assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée, de telle sorte que l'établissement entre, pour cette activité, dans le champ d'application de la taxe sur les salaires ; - s'agissant d'un contentieux de série, la formation de jugement peut mettre en œuvre l'article L. 113-1 du code de justice administrative en transmettant au Conseil d'Etat une question sur les modalités d'appréciation d'une éventuelle distorsion de concurrence au regard du nombre de places habilitées à l'aide sociale. Par un mémoire, enregistré le 8 décembre 2021, l'EHPAD de l'Aumance, représentée par Me Tachon, conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par le ministre ne sont pas fondés. Par ordonnance du 11 janvier 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 13 février 2023. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ; - le code de l'action sociale et des familles ; - le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; - l'avis du Conseil d'Etat n° 427540 du 12 avril 2019 ; - le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Courbon, présidente-assesseure, - et les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique ; Considérant ce qui suit : 1. L'EHPAD de l'Aumance, établissement public en charge de l'accueil de personnes âgées dépendantes, situé à Cosne d'Allier (Allier), qui n'était soumis à la taxe sur la valeur ajoutée que pour son activité de portage de repas, était assujetti à la taxe sur les salaires. Il a sollicité son assujettissement aux impôts commerciaux, demandé à bénéficier du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi et le remboursement d'une partie de la taxe sur les salaires acquittée au titre des années 2014, 2015 et 2016. Par un jugement du 27 mai 2021, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a fait droit à la demande de l'EHPAD de l'Aumance tendant à la restitution de la taxe sur les salaires à laquelle il a été assujetti au titre de ces trois années et rejeté le surplus de ses conclusions tendant au remboursement d'une créance de crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance doit être regardé, eu égard à l'argumentation qu'il développe, comme demandant l'annulation de ce jugement en tant qu'il a fait droit à la demande de l'EHPAD de l'Aumance relative à la taxe sur les salaires. Sur l'appel du ministre : 2. D'une part, aux termes du 1 de l'article 231 du code général des impôts dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " Les sommes payées à titre de rémunérations aux salariés (...) sont soumises à une taxe égale à 4,25 % de leur montant évalué selon les règles prévues à l'article L. 136-2 du code de la sécurité sociale (...). Cette taxe est à la charge des entreprises et organismes qui emploient ces salariés, (...), qui paient ces rémunérations lorsqu'ils ne sont pas assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée ou ne l'ont pas été sur 90 % au moins de leur chiffre d'affaires au titre de l'année civile précédant celle du paiement desdites rémunérations. (...) ". 3. D'autre part, aux termes de l'article 13 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée : " 1. Les Etats, les régions, les départements, les communes et les autres organismes de droit public ne sont pas considérés comme des assujettis pour les activités ou opérations qu'ils accomplissent en tant qu'autorités publiques, même lorsque, à l'occasion de ces activités ou opérations, ils perçoivent des droits, redevances, cotisations ou rétributions. / Toutefois, lorsqu'ils effectuent de telles activités ou opérations, ils doivent être considérés comme des assujettis pour ces activités ou opérations dans la mesure où leur non-assujettissement conduirait à des distorsions de concurrence d'une certaine importance. (...) / 2. Les Etats membres peuvent considérer comme activités de l'autorité publique les activités des organismes de droit public, lorsqu'elles sont exonérées en vertu des articles 132 (...) ". Aux termes du g du 1 de l'article 132 de cette même directive, les Etats membres exonèrent de la taxe sur la valeur ajoutée :" les prestations de services et les livraisons de biens étroitement liées à l'aide et à la sécurité sociales, y compris celles fournies par les maisons de retraite, effectuées par des organismes de droit public ou par d'autres organismes reconnus comme ayant un caractère social par l'Etat membre concerné (...) ". 4. Aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel (...) ". Aux termes de l'article 256 A du même code : " Sont assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée les personnes qui effectuent de manière indépendante une des activités économiques mentionnées au troisième alinéa, quels que soient le statut juridique de ces personnes, leur situation au regard des autres impôts et la forme ou la nature de leur intervention. / (...) Les activités économiques visées au premier alinéa se définissent comme toutes les activités de producteur, de commerçant ou de prestataire de services (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article 256 B du même code : " Les personnes morales de droit public ne sont pas assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée pour l'activité de leurs services (...) sociaux (...) lorsque leur non-assujettissement n'entraîne pas de distorsions dans les conditions de la concurrence ". Aux termes du b du 1° du 7 de l'article 261 du même code, sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée : " les opérations faites au bénéfice de toutes personnes par des œuvres sans but lucratif qui présentent un caractère social ou philanthropique et dont la gestion est désintéressée, lorsque les prix pratiqués ont été homologués par l'autorité publique ou que des opérations analogues ne sont pas couramment réalisées à des prix comparables par des entreprises commerciales, en raison notamment du concours désintéressé des membres de ces organismes ou des contributions publiques ou privées dont ils bénéficient (...) ". 5. Il résulte des dispositions citées au point 3, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, notamment dans son arrêt du 29 octobre 2015 (C-174/14) Saudaçor - Sociedade Gestora de Recursos e Equipamentos da Saúde dos Açores SA, que le non-assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée prévue en faveur des personnes morales de droit public énumérées au paragraphe 1 de l'article 13 de la directive du Conseil du 28 novembre 2006, qui déroge à la règle générale de l'assujettissement de toute activité de nature économique, est subordonné à deux conditions cumulatives tenant, d'une part, à ce que l'activité soit exercée par un organisme agissant en tant qu'autorité publique et, d'autre part, à ce que le non-assujettissement ne conduise pas à des distorsions de concurrence d'une certaine importance. 6. En premier lieu, la condition selon laquelle l'activité économique est réalisée par l'organisme public en tant qu'autorité publique est remplie, selon la jurisprudence de la Cour de justice, lorsque l'activité en cause est exercée dans le cadre du régime juridique particulier aux personnes morales de droit public. Ainsi, l'activité en cause doit être exercée dans des conditions juridiques différentes de celles des opérateurs économiques privés, notamment, lorsque sont mises en œuvre des prérogatives de puissance publique, lorsque l'activité est accomplie en raison d'une obligation légale ou dans le cadre d'un monopole ou encore lorsqu'elle relève par nature des attributions d'une personne publique. Cette condition peut également, si la législation de l'Etat membre le prévoit, être regardée comme remplie lorsque l'activité exercée est exonérée en application, notamment, de l'article 132 de la directive du Conseil du 28 novembre 2006. Si cette condition n'est pas remplie, la personne morale de droit public est nécessairement assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée à raison de cette activité économique, sans préjudice des éventuelles exonérations applicables. 7. Aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles : " I.- Sont des établissements et services sociaux et médico-sociaux, au sens du présent code, les établissements et les services, dotés ou non d'une personnalité morale propre, énumérés ci-après : (...) 6° Les établissements et les services qui accueillent des personnes âgées (...) ". Aux termes de l'article L. 314-2 du même code, les établissements assurant l'hébergement des personnes âgées mentionnées au 6° du I de l'article L. 312-1 du même code : " sont financés par : (...) 3° Des tarifs journaliers afférents aux prestations relatives à l'hébergement, fixés par le président du conseil général, dans des conditions précisées par décret et opposables aux bénéficiaires de l'aide sociale accueillis dans des établissements habilités totalement ou partiellement à l'aide sociale à l'hébergement des personnes âgées (...) ". 8. Par les dispositions de l'article 256 B du code général des impôts citées au point 4, la France a fait usage de la possibilité, ouverte par le 2 de l'article 13 de la directive du 28 novembre 2006 citée au point 3, lu en combinaison avec le g du 1 de l'article 132 de cette même directive, de regarder comme une activité effectuée en tant qu'autorité publique le service social d'hébergement des personnes âgées dans des structures publiques. Par suite c'est à tort que le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a estimé que l'activité de l'EHPAD de l'Aumance n'était pas exercée par un organisme agissant en tant qu'autorité publique. 9. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par l'EHPAD devant le tribunal administratif et devant la cour. 10. Par un arrêt du 16 septembre 2008 (C-288/07) Commissioners of Her Majesty's Revenue et Customs contre Isle of Wight Council et autres, la Cour de justice a dit pour droit que les distorsions de concurrence d'une certaine importance auxquelles conduirait le non-assujettissement des organismes de droit public agissant en tant qu'autorités publiques doivent être évaluées par rapport à l'activité en cause, en tant que telle, indépendamment de la question de savoir si ces organismes font face ou non à une concurrence au niveau du marché local sur lequel ils accomplissent cette activité, ainsi que par rapport non seulement à la concurrence actuelle, mais également à la concurrence potentielle, pour autant que la possibilité pour un opérateur privé d'entrer sur le marché pertinent soit réelle, et non purement hypothétique. Par un arrêt du 19 janvier 2017 (C-344/15) National Roads Authority, la Cour de justice a précisé que les distorsions de concurrence d'une certaine importance doivent être évaluées en tenant compte des circonstances économiques et que la seule présence d'opérateurs privés sur un marché, sans la prise en compte des éléments de fait, des indices objectifs et de l'analyse de ce marché, ne saurait démontrer ni l'existence d'une concurrence actuelle ou potentielle ni celle d'une distorsion de concurrence d'une certaine importance. Les distorsions de concurrence mentionnées au paragraphe 1 de l'article 13 de la directive du Conseil du 28 novembre 2006 s'apprécient à la fois au regard de l'activité en cause et des conditions d'exploitation de cette activité. L'existence de telles distorsions ne saurait, dès lors, résulter de la seule constatation que des prestations réalisées par un organisme de droit public sont identiques à celles réalisées par un opérateur privé, sans examen de l'état de la concurrence réelle, ou à défaut potentielle, sur le marché en cause. 11. Eu égard au caractère social des EHPAD publics qui sont habilités à accueillir entièrement ou principalement des personnes âgées à faibles ressources et qui, par suite, sont soumis en principe à une tarification administrée de leurs prestations relatives à l'hébergement de celles-ci, un opérateur privé exerçant cette activité à titre lucratif, libre de choisir sa clientèle et, par suite, de fixer ses tarifs en conséquence, ne saurait être empêché d'entrer sur le marché en cause ou y subir un désavantage du seul fait de son assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée qui lui permet, à la différence d'un opérateur public placé hors du champ de celle-ci, d'obtenir le remboursement de l'excédent de la taxe ayant grevé ses charges sur celle dont il est redevable à raison de ses recettes. Par ailleurs, cette même activité exercée sans but lucratif par un opérateur privé est exonérée de la taxe sur la valeur ajoutée en vertu du b du 1° du 7 de l'article 261 du code général des impôts cité au point 4. Par suite, le non-assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée de l'EHPAD de l'Aumance, dont il résulte de l'instruction qu'il est habilité à recevoir des bénéficiaires de l'aide sociale à l'hébergement pour la totalité des 86 places qu'il offre, n'est pas susceptible de générer de distorsion dans les conditions de la concurrence au sens et pour l'application de l'article 256 B du code général des impôts, lu à la lumière des dispositions de la directive du 28 novembre 2006 qu'il a pour objet de transposer. 12. Il résulte des points 2 à 11 que les prestations fournies par l'EHPAD de l'Aumance ne sont pas assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée. En conséquence, cet établissement est redevable de la taxe sur les salaires prévue à l'article 231 du code général des impôts. 13. Il résulte de ce qui précède que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a prononcé la restitution partielle des cotisations primitives de taxe sur les salaires acquittées par cet établissement au titre des années 2014 à 2016. Sur les frais liés au litige : 14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que demande l'EHPAD de l'Aumance au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : L'article 1er du jugement n° 1801332 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 27 mai 2021 est annulé. Article 2 : La taxe sur les salaires dont le tribunal administratif a prononcé la restitution, soit 77 019 euros au titre de l'année 2014, de 82 144 euros au titre de l'année 2015 et de 89 502 euros au titre de l'année 2016, est remise à la charge de l'EHPAD de l'Aumance. Article 3 : Les conclusions de l'EHPAD de l'Aumance présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'EHPAD de l'Aumance et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023, à laquelle siégeaient : M. Pruvost, président de chambre, Mme Courbon, présidente-assesseure, M. Porée, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023. La rapporteure, A. Courbon Le président, D. PruvostLa greffière, N. Lecouey La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, 2 N° 21LY03017 |
CETATEXT000048424112 | J2_L_2023_11_00022LY00089 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/41/CETATEXT000048424112.xml | Texte | CAA de LYON, 2ème chambre, 16/11/2023, 22LY00089, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de LYON | 22LY00089 | 2ème chambre | fiscal | C | M. PRUVOST | ARBOR TOURNOUD PIGNIER WOLF | M. Jean-Simon LAVAL | Mme LESIEUX | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure M. A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2013, 2014 et 2015 ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement nos 1900561-1904192 du 17 novembre 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes. Procédure devant la cour Par une requête enregistrée le 11 janvier 2022, M. A..., représenté par Me Tournoud, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de prononcer la décharge des impositions à l'impôt sur le revenu et aux contribution sociales établies au titre des années 2013 et 2015 et des pénalités correspondantes ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat, les dépens, ainsi qu'une somme de 2 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. M. A... soutient que : - c'est à tort qu'il a été considéré comme marchand de bien faute de remplir les conditions du 1° du I de l'article 35 du code général des impôts de sorte que l'imposition du profit tiré des cessions dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux n'est pas justifiée ; - le bien immobilier revendu par lots en 2014 et 2015 constituait sa résidence principale et sa gestion relevait de son patrimoine privé. Par un mémoire en défense, enregistrés le 26 septembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête. Il soutient que : - en l'absence d'impositions, les conclusions portant sur les contributions sociales sont irrecevables; - les moyens de la requête sont infondés. Vu : - les autres pièces du dossier ; Vu : - le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative. Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Laval premier conseiller ; - les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique ; ; Considérant ce qui suit : 1. M. A..., qui exerçait la profession d'agent immobilier et dirigeait plusieurs sociétés, dont il était associé, opérant dans le secteur de la construction et de l'immobilier, a fait l'objet, en 2016, d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015 et d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle portant sur les années 2013, 2014 et 2015. A la suite de ces contrôles, l'administration a estimé, au vu des opérations d'achats et reventes de biens immobiliers accomplies par l'intéressé en 2013 et 2014, que celui-ci exerçait une activité occulte de marchand de biens dont les opérations relèvent de la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux pour l'impôt sur le revenu en application du 1° de l'article 35-I du code général des impôts. En conséquence de ces contrôles, M. A... a été assujetti, au titre des années 2013, 2014 et 2015, à des compléments d'impôt sur le revenu résultant notamment de la réintégration dans ses revenus imposables de bénéfices industriels et commerciaux que l'administration a évalués d'office sur le fondement du 1° de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales. Ces impositions ont été assorties de la majoration de 80 % encourue en cas de découverte d'une activité occulte prévue au c de l'article 1728-1 du code général des impôts. M. A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble, après les avoir jointes, a rejeté ses demandes de décharge de ces impositions et contributions sociales mises à sa charge. 2. Aux termes de l'article 35 du code général des impôts : " I. - Présentent également le caractère de bénéfices industriels et commerciaux, pour l'application de l'impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par les personnes physiques désignées ci-après : / 1° Personnes qui, habituellement, achètent en leur nom, en vue de les revendre, des immeubles, des fonds de commerce, des actions ou parts de sociétés immobilières ou qui, habituellement, souscrivent, en vue de les revendre, des actions ou parts créées ou émises par les mêmes sociétés. (...) ". Les bénéfices réalisés à l'occasion de la cession d'immeubles sont imposables à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, lorsque ces cessions sont faites par un contribuable qui se livre habituellement à l'activité de marchand de biens, sauf pour l'intéressé à établir, alors, soit que les immeubles qu'il a vendus avaient été acquis pour satisfaire des besoins personnels ou familiaux et, de ce fait, que leur vente relevait de la simple gestion de son patrimoine personnel, soit que les immeubles en cause constituaient sa résidence principale. L'application des dispositions du I de l'article 35 du code général des impôts est subordonnée à la double condition que les opérations procèdent d'une intention spéculative et présentent un caractère habituel. L'existence d'une intention spéculative ne se présume pas du seul fait du caractère habituel des opérations d'achat et de revente. Une telle intention doit être recherchée à la date d'acquisition des immeubles ultérieurement revendus et non à la date de leur cession. 3. Il résulte de l'instruction qu'à la suite de la vente de sa résidence de Saint-Beron en 2013, dont le caractère personnel n'est plus contesté par l'administration, M. A... a acquis, le 21 novembre 2013, un immeuble comprenant un local à usage professionnel et deux garages à Le Pont-de-Beauvoisin (Isère) qu'il a revendu le 12 décembre 2013. M. A... a également acquis, le 17 juillet 2014, une maison dans la même commune dont le niveau du rez-de-chaussée a été revendu le 9 octobre 2014, le premier niveau le 24 juin 2015 et les combles aménagés le 4 juillet 2015. Ainsi, M. A... s'est livré, sur une brève période, à des opérations d'achat et de revente d'immeubles qui suffisent à conférer à ces activités un caractère habituel. Eu égard aux très faibles délais séparant les achats et les ventes et au fait que l'intéressé a revendu la maison acquise en 2014 en six lots, dont trois lots de caves, après division et établissement d'un règlement de copropriété établi seulement deux mois après l'acquisition et réalisation de travaux sur deux des lots qui se sont achevés avant juin 2015, ces circonstances sont de nature à caractériser, en l'espèce, l'existence, dès l'acquisition des biens d'une intention spéculative de l'intéressé. M. A... doit dès lors être regardé comme s'étant livré habituellement sur les trois années en cause à une activité de marchand de biens justifiant l'imposition du profit tiré de ces cessions dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux en application du 1° de l'article 35-I du code général des impôts quand bien même il a déclaré une plus-value au titre du bien revendu le 12 décembre 2013. 4. M. A... soutient, d'une part, avoir fixé sa résidence principale dans la maison de Le Pont-de-Beauvoisin acquise en juillet 2014 où il affirme avoir résidé habituellement et effectivement avec sa nouvelle compagne et ses enfants, dont il a vendu rapidement le rez-de-chaussée pour financer les travaux d'aménagement et les derniers lots, en 2015, en raison de sa mutation et de celle de sa compagne qui l'ont conduit à s'installer à Novalaise (Savoie) où résident son ancienne épouse et ses propres enfants en garde alternée. Si M. A... a effectivement porté l'adresse de la maison de Le Pont-de-Beauvoisin dans la déclaration de revenus qu'il a souscrite au titre de l'année 2014, le ministre soutient que le premier étage et les combles de cette maison n'étaient pas habitables, ce que l'intéressé ne conteste pas sérieusement en se bornant à faire valoir, que les travaux de remplacement des menuiseries et d'isolation du logement qu'il soutient avoir entrepris ne l'ont pas empêché de l'occuper avec sa famille. Dans ces conditions, il ne peut être regardé comme apportant la preuve, qui lui incombe de l'affectation du bien à sa résidence principale et de la revente de ce dernier pour des motifs purement personnels, en se bornant à ces seules allégations non démontrées et à produire des bulletins de salaires, une déclaration de vol et diverses factures, dont certaines sont libellées au nom des entreprises qu'il dirige, ainsi que des factures ponctuelles des travaux engagés à cette adresse. Par suite, c'est par une exacte application des dispositions sus-reproduites que l'administration a imposé l'ensemble des profits tirés de ces cessions dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux. 5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par le ministre, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées, ainsi que, en tout état de cause, celles tendant à la condamnation de l'Etat aux dépens. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023, à laquelle siégeaient : M. Pruvost président de chambre, Mme Courbon, présidente assesseure, M. Laval, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. Le rapporteur J-S. Laval Le président, D. Pruvost La greffière, N. Lecouey La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, 2 N° 22LY00089 |
CETATEXT000048424116 | J2_L_2023_11_00022LY00296 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/41/CETATEXT000048424116.xml | Texte | CAA de LYON, 2ème chambre, 16/11/2023, 22LY00296, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de LYON | 22LY00296 | 2ème chambre | fiscal | C | M. PRUVOST | ARBOR TOURNOUD PIGNIER WOLF | M. Jean-Simon LAVAL | Mme LESIEUX | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure La SARL Remue Ménage a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des retenues à la source mises à sa charge par un avis de mise en recouvrement du 15 janvier 2019 au titre des années 2014 et 2015 ainsi que des pénalités correspondantes, et, à titre subsidiaire, de prononcer la réduction de ces retenues à la source. Par un jugement n° 1906807 du 2 décembre 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Procédure devant la cour Par une requête et des mémoires, enregistrés le 28 janvier 2022, le 13 octobre 2022 et le 31 août 2023, ce dernier n'ayant pas été communiqué, la SARL Remue Ménage, représentée par Me Tournoud, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de prononcer la décharge et, subsidiairement, la réduction des retenues à la source et des pénalités correspondantes ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. La SARL Remue Ménage soutient que : - le jugement est insuffisamment motivé ; - sa filiale de Hong-Kong auprès de laquelle elle s'approvisionne n'a réalisé pour son compte aucune prestation de service distincte détachable de l'opération d'achat des marchandises, laquelle doit être regardée comme une seule et même opération, échappant à la retenue à la source ; - doivent être exclues de l'assiette des retenues à la source les sommes supportées au titre de la recherche de fournisseurs, de la négociation des prix, du stockage des marchandises et de leur conditionnement avant leur expédition ainsi que la marge du vendeur. Par un mémoire en défense, enregistré le 11 août 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête. Il soutient qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé. Par ordonnance du 2 août 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 2 octobre 2023. Vu : - les autres pièces du dossier ; Vu : - l'accord entre la République Française et le gouvernement de la région administrative spéciale de Hong-Kong de la République Populaire de Chine du 21 octobre 2010 ; - le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Laval, premier conseiller, - et les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique ; Une note en délibéré, présentée pour la SARL Remue ménage, a été enregistrée le 24 octobre 2023. Considérant ce qui suit : 1. La SARL Remue Ménage, dont le siège est à Sassenage (Isère), qui a pour activité l'achat-vente et la distribution de produits destinés à l'équipement du foyer et revend en France des marchandises acquises auprès de la société Remue Ménage Asia, sa filiale, établie à Hong-Kong, a fait l'objet, en 2018, d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2016 à l'issue de laquelle l'administration a soumis à la retenue à la source prévue à l'article 182 B du code général des impôts, au taux légal de 33,3 %, les sommes versées en 2015 et en 2016 à sa filiale dont le service a considéré qu'elles étaient la contrepartie de prestations de service fournies par celle-ci. La SARL Remue Ménage relève appel du jugement du 2 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tenant à la décharge de ces retenues à la source. Sur la régularité du jugement : 2. Le jugement du tribunal administratif de Grenoble, qui n'était pas tenu de se prononcer sur l'ensemble des arguments de la demande, répond de façon complète et circonstanciée aux moyens invoqués en première instance par la SARL Remue Ménage. Il est, par suite, suffisamment motivé. Sur le bien fondé de l'imposition : En ce qui concerne l'assujettissement à la retenue à la source. 3. Aux termes de l'article 182 B du code général des impôts : " I. Donnent lieu à l'application d'une retenue à la source lorsqu'ils sont payés par un débiteur qui exerce une activité en France à des personnes ou des sociétés, relevant de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés, qui n'ont pas dans ce pays d'installation professionnelle permanente : / (...) c. Les sommes payées en rémunération des prestations de toute nature fournies ou utilisées en France ". Sont soumises à retenue à la source les sommes payées par une société qui exerce une activité en France à des personnes ou des sociétés qui n'y disposent pas d'une installation professionnelle permanente, en rémunération de prestations qui sont soit matériellement fournies en France, soit, bien que matériellement fournies à l'étranger, effectivement utilisées par le débiteur pour les besoins de son activité en France. 4. Il résulte de l'instruction que la société Remue Ménage Asia établie à Hong-Kong auprès de laquelle la SARL Remue Ménage s'approvisionne en marchandises produites en Asie, outre ses activités de recherche et d'achat de marchandises auprès de fournisseurs chinois et de mise au point de nouveaux produits, assure, pour le compte de la société française, des fonctions de conseil, de suivi et de surveillance des opérations de production, de gestion du stockage, de contrôle de qualité des fournisseurs locaux et de contrôle de la conformité de la marchandise à l'embarquement, avant expédition, fonctions pour lesquelles elle est rémunérées par des commissions qu'elle facture sous un libellé " order management and quality control commission ". Ces prestations, qui garantissent à la SARL Remue Ménage la réception de produits qu'elle peut directement commercialiser, selon ses choix de gestion au regard des exigences du marché français, en lui évitant de procéder elle-même à l'ensemble de ces vérifications, doivent être regardées comme étant effectivement utilisées en France par la société française pour les besoins de son activité d'achat-revente et de distribution en France de marchandises fabriqués en Asie. 5. La SARL Remue Ménage, qui ne conteste pas avoir bénéficié de ces services de la part de sa filiale, soutient que les prestations réalisées par celle-ci pour son compte ne sont pas détachables de l'opération d'achat de marchandises auprès de la filiale et s'analysent, d'un point de vue économique, en une seule opération, échappant à la retenue à la source. Elle reconnaît toutefois que les prestations de contrôle accomplies à Hong-Kong par la filiale ont pour objet notamment de vérifier que les produits acquis en Asie respectent les normes en vigueur en France et la documentation mise en ligne par sa filiale, à laquelle se réfère le ministre, établit que les prestations rendues par la filiale obéissent à un cahier des charges précis établi par la société française. Il ressort, en outre, du mode de facturation adopté donnant lieu, selon la proposition de rectification, à des factures séparées, l'une relative aux prestations de contrôle et de conformité des marchandises rémunérées par une commission et l'autre relative à la vente des marchandises ou, comme le soutient la société, à une seule facture comportant deux lignes distinctes, que la SARL Remue Ménage a entendu rémunérer séparément les prestations de sa filiale. Si la SARL Remue Ménage soutient que les factures se borneraient à distinguer, d'une part, une simple refacturation " au franc le franc " du prix d'achat du bien revendu par sa filiale et, d'autre part, la marge commerciale réalisée par cette dernière, cette allégation est contredite par le libellé des factures. Au demeurant, à supposer, comme elle l'affirme sans l'établir, que l'achat et la prestation qualité seraient, le plus souvent, facturés ensemble, le fait que les ventes en France et les contrôles qualité effectués par la filiale puissent être regardés comme constituant une opération unique, au sens du droit de l'Union européenne pour l'application de la taxe sur la valeur ajoutée, est sans incidence sur l'application de l'article 182 B du code général des impôts. Enfin, le fait que les prestations de la filiale, qui n'a pas d'installation professionnelle permanente en France, aient été matériellement exécutées à Hong-Kong ne permet pas d'échapper à la retenue à la source. Il suit de là que c'est par une exacte application de l'article 182 B du code général des impôts que l'administration a soumis à la retenue à la source les sommes versées la SARL Remue Ménage en rémunération des prestations rendues par sa filiale. En ce qui concerne le montant de la retenue à la source : 6. La société requérante soutient que les prestations de services relèvent de prix négociés avec sa filiale, que leur prix intègre les marges et les coûts du fournisseur sur la seconde ligne des factures et que la base de la retenue à la source doit être réduite à due proportion, la marge étant évaluée à 11 %. Cependant, il résulte de l'instruction que les coûts du fournisseur afférents notamment au conditionnement des marchandises en vue de l'expédition ont été exclus des montants sur lesquels portaient la retenue à la source à la suite des observations du contribuable du 8 juin 2018. En outre, alors que les base des retenues à la source s'appliquent sur les montants bruts sans déduction de charge, la SARL Remue Ménage, en tout état de cause, n'établit ni le bien-fondé ni le montant de la marge commerciale dont elle entend réclamer l'exclusion des bases de calcul de la retenue à la source et pas davantage les coûts relatifs aux prestations de services réalisés. Il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions subsidiaires de la société tendant à la réduction des bases de la retenue à la source. 7. Il résulte de ce qui précède que la SARL Remue Ménage n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : La requête de SARL Remue Ménage est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Remue Ménage et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023 à laquelle siégeaient : M. Pruvost, président de chambre, Mme Courbon, présidente-assesseure, M. Laval, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. Le rapporteur, J.-S. Laval Le président, D. Pruvost La greffière, N. Lecouey La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, 2 N° 22LY00296 |
CETATEXT000048424121 | J2_L_2023_11_00022LY00490 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/41/CETATEXT000048424121.xml | Texte | CAA de LYON, 2ème chambre, 16/11/2023, 22LY00490, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de LYON | 22LY00490 | 2ème chambre | fiscal | C | M. PRUVOST | HELENE BOVIO AVOCAT | M. Arnaud POREE | Mme LESIEUX | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2015 et 2016, ainsi que des intérêts de retard correspondants. Par un jugement n° 1908425 du 16 décembre 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Procédure devant la cour Par une requête et un mémoire, enregistrés les 15 février 2022 et 13 avril 2023, Mme A... B..., représentée par Me Bovio, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de prononcer la décharge de ces impositions et intérêts de retard, et leur restitution avec intérêts moratoires ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens. Elle soutient que : - la terrasse constitue une annexe au sens des articles 199 novovicies et 2 terdecies D de l'annexe III du code général des impôts, ainsi que des commentaires administratifs BOI-IR-RICI-230-20-20 ; - à titre subsidiaire, elle invoque le droit à l'erreur, qui a déjà été retenu par l'administration. Par des mémoires en défense, enregistrés les 26 octobre 2022 et 25 avril 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête. Il soutient que : - la requête est irrecevable au titre de l'année 2016 dès lors que Mme B... et son compagnon n'ont pas demandé à bénéficier de réduction d'impôt en raison d'un investissement locatif " Duflot " au titre de cette année ; elle est également irrecevable au titre de l'année 2015 concernant les rehaussements qui ont porté l'impôt sur le revenu de 9 727 euros à 9 906 euros ainsi que pour la remise en cause du crédit d'impôt relatif à l'habitation principale, dès lors que Mme B... ne conteste que la remise en cause du bénéfice de la réduction d'impôt pour investissement locatif " Duflot " ; - la réduction de cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu ne pourrait être qu'à hauteur de 4 731 euros en droits et de 788 euros en pénalités, dès lors que Mme B... et son compagnon ont mentionné sur leur déclaration complémentaire de revenus 2015 le montant total de l'investissement immobilier réalisé et non 1/9 de la réduction d'impôt de l'année 2014 ; - il n'existe pas de litige né et actuel sur l'application d'intérêts moratoires, et ainsi les conclusions de la requérante tendant au versement d'intérêts moratoires sont irrecevables ; - les moyens invoqués ne sont pas fondés. Par ordonnance du 17 avril 2023, la clôture d'instruction, initialement fixée au 13 avril 2023, a été reportée au 2 mai 2023. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; - le code de la construction et de l'habitation ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un État au service d'une société de confiance ; - l'arrêté du 9 mai 1995 pris en application de l'article R. 353-16 et de l'article R. 331-10 du code de la construction et de l'habitation ; - le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Porée, premier conseiller, - les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique, - et les observations de Me Bovio, représentant Mme B... ; Une note en délibéré, présentée par Mme B..., a été enregistrée le 27 octobre 2023 ; Considérant ce qui suit : 1. Mme B... et son partenaire de Pacs, qui ont acquis, le 9 mai 2014, un appartement de type T3 avec terrasse et jardin attenant ainsi qu'un parking à Castelnau-Le-Lez (Hérault) ont télédéclaré, le 3 juin 2015, un engagement de location de ce logement en déclarant une surface à prendre en compte pour l'appréciation du plafond de loyer de 54 m², un loyer mensuel hors charges de 589 euros et une date de prise d'effet de la location au 4 juin 2014. Ils ont fait l'objet d'un contrôle sur pièces à l'issue duquel l'administration a notamment remis en cause le bénéfice de la réduction d'impôt pour investissement locatif " Duflot " au titre de l'année 2015 pour non-respect de la condition tenant au montant du loyer. Mme B... a, en conséquence, été assujettie à une cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2015 assortie des intérêts de retard et à la majoration de 10 % prévue par l'article 1758 A du code général des impôts. Elle relève appel du jugement du 16 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande de réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu établies au titre des années 2015 et 2016 et des intérêts de retard correspondants. Sur l'application de la loi fiscale : 2. Aux termes de l'article 199 novovicies du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " I. ' A. ' Les contribuables domiciliés en France, au sens de l'article 4 B, qui acquièrent, entre le 1er janvier 2013 et le 31 décembre 2016, un logement (...) en l'état futur d'achèvement bénéficient d'une réduction d'impôt sur le revenu à condition qu'ils s'engagent à le louer nu à usage d'habitation principale pendant une durée minimale fixée, sur option du contribuable, à six ans ou à neuf ans. (...) / III. ' L'engagement de location (...) prévoit que le loyer (...) ne doivent pas excéder des plafonds fixés par décret en fonction de la localisation du logement et de son type. (...) ". Aux termes de l'article 2 terdecies D de l'annexe III du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " I. ' Pour l'application du premier alinéa du III de l'article 199 novovicies du code général des impôts : 1. Les plafonds de loyer mensuel, par mètre carré, charges non comprises, sont fixés, pour les baux conclus en 2014, à (...) 10,00 € en zone B 1 (...) Aux plafonds de loyer définis à l'alinéa précédent, il est fait application d'un coefficient multiplicateur calculé selon la formule suivante : 0,7 + 19/ S, dans laquelle S est la surface du logement. Le coefficient ainsi obtenu est arrondi à la deuxième décimale la plus proche et ne peut excéder 1,2. Pour l'application du présent 1, la surface à prendre en compte s'entend de celle prévue au dernier alinéa du a de l'article 2 duodecies (...) ". Aux termes du dernier alinéa du a de l'article 2 duodecies de l'annexe III au code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " La surface à prendre en compte pour l'appréciation du plafond de loyer s'entend de la surface habitable au sens de l'article R. 111-2 du code de la construction et de l'habitation, augmentée de la moitié, dans la limite de 8 mètres carrés par logement, de la surface des annexes mentionnées aux articles R. 353-16 et R. 331-10 du même code ". Enfin, aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 9 mai 1995 susvisé auquel renvoient les articles R. 353-16 et R. 331-10 du code de la construction et de l'habitation : " Pour la définition de la surface utile visée à l'article R. 331-10 et au 2° de l'article R. 353-16 du code de la construction et de l'habitation, les surfaces annexes sont les surfaces réservées à l'usage exclusif de l'occupant du logement et dont la hauteur sous plafond est au moins égale à 1,80 mètre. Elles comprennent (...) dans la limite de 9 mètres carrés les parties de terrasses accessibles en étage ou aménagées sur ouvrage enterré ou à moitié enterré. ". 3. Mme B... a pris en considération, au titre de la surface à prendre en compte pour l'appréciation du plafond de loyer du logement qu'elle possède, la terrasse d'une surface pondérée à 4,35 m² correspondant à 50 % de sa surface réelle de 8,70 m². Toutefois, cette terrasse, qui se trouve en rez-de-chaussée de l'immeuble, ne peut être considérée comme une terrasse accessible en étage. En outre, la terrasse ne peut pas davantage être regardée comme " aménagée sur ouvrage enterré ou à moitié enterré " au sens des dispositions précitées de l'arrêté du 9 mai 1995 dès lors que la dalle en béton sur laquelle elle repose par le biais de plots ne constitue pas l'élément supérieur d'une dépendance du bâtiment. Mme B... ne peut utilement se prévaloir de ce que sa terrasse est encastrée dans des murs, dès lors que ladite terrasse n'est pas accessible en étage, ni aménagée directement sur ouvrage enterré ou à moitié enterré. Ainsi, c'est à bon droit que l'administration a refusé de tenir compte de la surface de la terrasse et a considéré que le loyer mensuel de 589 euros, charges non comprises, excédait le plafond alors applicable de 567 euros pour un logement d'une surface habitable de 54 m² situé en zone B1. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir qu'elle remplissait les conditions fixées par l'article 199 novovicies du code général des impôts pour bénéficier de la réduction d'impôt sur le revenu. Sur l'interprétation administrative de la loi fiscale : 4. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. ". 5. Mme B... invoque l'instruction administrative référencée BOI-IR-RICI-230-20-20 dans sa version au 21 mai 2015 et en ses paragraphes 320 et 340. Toutefois, cette instruction administrative ne comporte pas une interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il a été fait application. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à s'en prévaloir en application de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales. Sur le droit à l'erreur : 6. Aux termes de l'article L. 123-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Une personne ayant méconnu pour la première fois une règle applicable à sa situation ou ayant commis une erreur matérielle lors du renseignement de sa situation ne peut faire l'objet, de la part de l'administration, d'une sanction, pécuniaire ou consistant en la privation de tout ou partie d'une prestation due, si elle a régularisé sa situation de sa propre initiative ou après avoir été invitée à le faire par l'administration dans le délai que celle-ci lui a indiqué. (...) ". 7. Il est constant que Mme B... n'a pas régularisé sa situation. Par suite, elle ne peut, en tout état de cause, se prévaloir du droit à l'erreur institué par les dispositions précitées du code des relations entre le public et l'administration auquel fait référence un document, publié sur Internet, rédigé sous forme de Powerpoint en septembre 2019 par la direction départementale des finances publiques de Vendée dans le cadre d'un forum employeur, concernant un autre contribuable. 8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir soulevées par le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées, ainsi qu'en tout état de cause, ses conclusions relatives aux dépens. DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023, à laquelle siégeaient : M. Pruvost, président de chambre, Mme Courbon, présidente-assesseure, M. Porée, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. Le rapporteur, A. Porée Le président, D. Pruvost La greffière, N. Lecouey La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, 2 N° 22LY00490 |
CETATEXT000048424133 | J2_L_2023_11_00022LY01058 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/41/CETATEXT000048424133.xml | Texte | CAA de LYON, 3ème chambre, 15/11/2023, 22LY01058, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-15 00:00:00 | CAA de LYON | 22LY01058 | 3ème chambre | plein contentieux | C | M. TALLEC | CHAVRIER-MOUISSET-THOURET-TOURNE | M. Joël ARNOULD | M. DELIANCOURT | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure M. A... D..., M. F... D..., M. B... D..., et M. C... D..., agissant comme représentant de M. J... D..., ont demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner le centre communal d'action sociale (CCAS) de Villefranche-sur-Saône à leur verser la somme de 50 000 euros en réparation des préjudices subis par Mme I..., assortie des intérêts légaux à compter du 12 février 2020. Par un jugement n° 2006787 du 9 février 2022, le tribunal administratif de Lyon a condamné le CCAS de Villefranche-sur-Saône à verser aux consorts D... la somme de 1 500 euros en réparation des préjudices subis par Mme G..., ainsi que 1 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et a rejeté le surplus des conclusions de la demande. Procédure devant la cour Par une requête enregistrée le 7 avril 2022, M. A... D..., M. F... D..., M. B... D..., et Mme E... D..., agissant en qualité de représentante légale de M. H..., représentés par la SELARL d'avocats François Dumoulin, agissant par Me Pieri, demandent à la cour : 1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 9 février 2022, en ce qu'il limite la condamnation du CCAS de Villefranche-sur-Saône à la somme de 1 500 euros ; 2°) de porter le montant de l'indemnité due à la somme de 50 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 12 février 2020 ; 3°) de mettre à la charge du CCAS de Villefranche-sur-Saône le versement d'une somme de 2 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que : - le centre communal d'action sociale a commis une faute, dès lors qu'il n'a pas pris les précautions requises pour assurer la sécurité et la santé de ses agents comme l'y obligent les dispositions de l'article 23 de la loi du 13 juillet 1983 et de l'article 108-1 de la loi du 26 janvier 1984 ainsi que les articles 2 et 6 du décret n° 85-603 du 10 juin 1985, et c'est ainsi à bon droit que le tribunal l'a jugé responsable de l'accident subi par Mme G... le 1er décembre 2016 ; - cet accident a toutefois engendré des préjudices plus graves que ceux reconnus par le tribunal, notamment une souffrance physique et morale, des troubles dans les conditions d'existence et des complications médicales, qui justifient l'indemnité réclamée. Par un mémoire en défense enregistré le 3 juin 2022, le CCAS de Villefranche-sur-Saône, représenté par SCP Thouret Avocats, agissant par Me Thouret, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 400 euros soit mise à la charge des consorts D... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il expose que les moyens de la requête ne sont pas fondés. Par ordonnance du 2 février 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 2 mars 2023. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code général de la fonction publique ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Joël Arnould, premier conseiller ; - les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ; - les observations de Me Pieri, pour les consorts D... ; Considérant ce qui suit : 1. Mme G..., adjointe administrative de deuxième classe affectée à l'accueil du centre communal d'action sociale (CCAS) de Villefranche-sur-Saône, a été victime le 1er décembre 2016 d'une agression à son poste de travail, dont l'administration a reconnu qu'elle constituait un accident de service. Le 11 février 2020, elle a sollicité du CCAS le versement d'une indemnité en réparation des préjudices qu'elle estimait avoir subis du fait de cet accident. L'administration ayant conservé le silence, les ayants droit de l'intéressée ont saisi le tribunal administratif de Lyon. Ils relèvent appel du jugement du 9 février 2022 par lequel ce tribunal a reconnu la responsabilité du CCAS, mais a limité à 1 500 euros le montant de l'indemnité mise à la charge du CCAS. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. Il résulte de l'instruction que Mme G..., alors qu'elle était à son poste de travail au CCAS, a été agressée verbalement par un usager qu'elle avait informé de l'absence de l'agent chargé du suivi de son dossier. Celui-ci a ensuite tenté de jeter sur elle l'écran de son ordinateur et un téléphone, avant de s'en prendre à un autre usager et une personne qui l'accompagnait, et qui avaient tenté de s'interposer, jusqu'à l'intervention de la police municipale. Cette agression a causé à Mme G... un choc psychologique et des douleurs cervicales, dorsales et lombaires, qui ont justifié la prescription d'un arrêt de travail d'un jour, ultérieurement prolongé pour neuf jours. Il ressort en outre du rapport de l'expertise pratiquée le 11 décembre 2018 par un psychiatre à la demande de l'administration, que l'intéressée souffrait encore, à la date de cette expertise, d'un syndrome post-traumatique imputable à son accident de service, qui avait de fortes répercussions dans sa vie quotidienne, pour lequel son médecin généraliste lui avait prescrit un traitement antidépresseur et anxiolytique et pour lequel elle était suivie par une psychothérapeute. En revanche, il n'est pas établi que le cancer pour lequel Mme G... a été placée en arrêt de travail à compter du 20 décembre 2016, et dont elle est décédée, lequel n'a pas été déclaré imputable au service, a eu pour cause l'accident de service du 1er décembre 2016. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que Mme G..., qui n'était pas présente à l'audience du tribunal correctionnel à laquelle a été jugé son agresseur, aurait obtenu de ce dernier ou du fonds d'indemnisation des victimes d'infractions, une quelconque indemnité. Dans ces circonstances, il sera fait une juste appréciation des troubles de toute nature résultant pour Mme G... de l'agression du 1er décembre 2016 en fixant le montant dû à ce titre aux consorts D... à la somme de 4 000 euros, tous intérêts compris à compter du 12 février 2020. 3. Il résulte de ce qui précède que les consorts D... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a condamné la CCAS de Villefranche-sur-Saône à ne leur allouer que la somme de 1 500 euros. Il convient de porter cette somme à 4 000 euros. Sur les frais liés au litige : 4. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge des consorts D... une somme au titre des frais exposés par le CCAS de Villefranche-sur-Saône. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du CCAS le versement aux consorts D... d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des mêmes dispositions. DÉCIDE : Article 1er : La somme de 1 500 euros que le CCAS de Villefranche-sur-Saône a été condamné à verser aux consorts D... par le jugement du tribunal administratif de Lyon du 9 février 2022 est portée à 4 000 euros. Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 9 février 2022 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt. Article 3 : Le CCAS de Villefranche-sur-Saône versera aux consorts D... la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions des consorts D... est rejeté. Article 5 : Les conclusions présentées par le CCAS de Villefranche-sur-Saône sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., M. F... D..., M. B... D... et à Mme E... D..., en sa qualité de représentante légale de M. H..., ainsi qu'au centre communal d'action sociale (CCAS) de Villefranche-sur-Saône. Délibéré après l'audience du 31 octobre 2023, à laquelle siégeaient : M. Jean-Yves Tallec, président de chambre, Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure, M. Joël Arnould, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 novembre 2023. Le rapporteur, Joël ArnouldLe président, Jean-Yves Tallec La greffière, Sandra Bertrand La République mande et ordonne à la préfète du Rhône en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, 2 N° 22LY01058 |
CETATEXT000048424135 | J2_L_2023_11_00022LY01077 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/41/CETATEXT000048424135.xml | Texte | CAA de LYON, 3ème chambre, 15/11/2023, 22LY01077, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-15 00:00:00 | CAA de LYON | 22LY01077 | 3ème chambre | excès de pouvoir | C | M. TALLEC | POUDEROUX | M. Joël ARNOULD | M. DELIANCOURT | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler la décision du 1er juillet 2019 par laquelle le directeur de l'EHPAD de Cusset a prononcé à son encontre la sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de six mois. Par un jugement n° 1901502 du 17 février 2022, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé la décision du directeur de l'EHPAD de Cusset du 1er juillet 2019 et rejeté les conclusions des parties tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Procédure devant la cour Par une requête enregistrée le 8 avril 2022 et un mémoire enregistré le 1er février 2023, l'EHPAD de Cusset, représenté par Me Pouderoux, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 17 février 2022 ; 2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif et son appel incident ; 3°) de mettre à la charge de M. A... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - M. A... ayant eu connaissance de tous les faits qui lui étaient reprochés, ainsi que de ses droits, c'est à tort que le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a jugé que la procédure ayant précédé l'édiction de la décision attaquée avait été entachée d'irrégularité ; - la prétendue méconnaissance du contradictoire n'a pas eu d'effet sur le sens de la décision prise ni effectivement privé l'intéressé de garanties ; - les autres moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés. Par un mémoire en défense enregistré le 18 novembre 2022, M. A..., représenté par Me Rigault, conclut au rejet de la requête, demande à la Cour, par la voie de l'appel incident, d'annuler la décision du 1er juillet 2019 sur le fondement des moyens non retenus par les premiers juges et que soit mise à la charge de l'EHPAD de Cusset une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il expose que : - les moyens de la requête ne sont pas fondés ; - la décision du 1er juillet 2019 est insuffisamment motivée ; - la composition du conseil de discipline était irrégulière ; - la procédure disciplinaire a été méconnue ; - l'administration aurait dû, en vertu de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983, attendre l'issue de la procédure pénale ; - les faits qui lui sont reprochés ne sont pas établis et l'EHPAD de Cusset a commis une erreur manifeste d'appréciation ; - la sanction a un caractère disproportionné. Par ordonnance du 2 février 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 2 mars 2023. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code général de la fonction publique ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ; - le décret n° 89-822 du 7 novembre 1989 ; - le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Joël Arnould, premier conseiller ; - les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ; - les observations de Me Rigault, avocat de M. A... ; Considérant ce qui suit : 1. Par une décision du 1er juillet 2019, le directeur de l'EHPAD de Cusset a infligé à M. A..., aide-soignant, la sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de six mois. L'EHPAD de Cusset relève appel du jugement du 17 février 2022 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé cette décision. Par la voie de l'appel incident, M. A... demande à la Cour de prononcer l'annulation de la décision du 1er juillet 2019 sur le fondement des autres moyens qu'il avait soulevés devant le tribunal. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. Aux termes de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 alors applicable : " (...) Le fonctionnaire à l'encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes et à l'assistance de défenseurs de son choix. L'administration doit informer le fonctionnaire de son droit à communication du dossier. (...) ". Aux termes de l'article 83 de la loi du 9 janvier 1983 alors applicable : " (...) Le conseil de discipline est saisi par un rapport de l'autorité investie du pouvoir de nomination. Ce rapport précise les faits reprochés et les circonstances dans lesquelles ils ont été commis. (...) ". Aux termes de l'article 1er du décret du 7 novembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires relevant de la fonction publique hospitalière : " Le fonctionnaire contre lequel est engagée une procédure disciplinaire doit être informé qu'il a le droit d'obtenir la communication intégrale de son dossier individuel et de se faire assister par un ou plusieurs défenseurs de son choix. Il doit être invité à prendre connaissance du rapport mentionné à l'article 83 de la loi du 9 janvier 1986 susvisée ". 3. Il ressort des pièces du dossier que par une lettre du 27 mai 2019, le président du conseil de discipline de l'EHPAD de Cusset a convoqué M. A... à la séance tenue par ce conseil le 18 juin, durant laquelle seraient examinés les faits reprochés par le directeur de l'établissement dans un rapport du 28 mars 2019 portant sur une suspicion de violences avec coups envers une collègue de travail. Ce courrier informait l'agent de ses droits, et notamment de celui de consulter l'intégralité de son dossier. Il contenait notamment en annexe le rapport du directeur ainsi que le compte rendu de l'entretien tenu le 14 mars 2019 par le directeur avec M. A..., et des témoignages signés de certains agents sur les faits reprochés. Alors même que cette convocation ne mentionnait pas d'autres faits que l'altercation survenue le 11 mars avec une autre aide-soignante, il ressort du compte rendu de l'entretien du 14 mars que d'autres reproches quant au comportement de l'agent et à ses relations avec ses collègues y ont été évoqués, et ces faits étaient mentionnés par le rapport de saisine du conseil de discipline. Au cours des débats devant ce conseil, tels qu'ils sont retracés par le procès-verbal de la séance, ces faits ont également été discutés, et M. A... a eu l'occasion de s'expliquer sur eux. Dans ces circonstances, c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur le moyen tiré d'une méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure disciplinaire pour annuler la décision du 1er juillet 2019 par laquelle le directeur de l'EHPAD de Cusset a infligé à M. A... une exclusion temporaire de fonctions pour une durée de six mois. 4. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif, qu'il a d'ailleurs expressément repris devant elle. 5. Il ressort des pièces du dossier que l'altercation du 11 mars 2019 entre M. A... et l'une de ses collègues est survenue en la seule présence de résidents de l'établissement hors d'état de témoigner. Il est constant que celle-ci a éclaté du fait du mécontentement exprimé par la collègue de M. A... de ce que ce dernier, pour servir aux résidents des oranges découpées en quartiers, avait choisi d'utiliser des tasses qu'elle avait préparées pour servir du chocolat. M. A..., dont la main portait des traces de griffures, nie avoir porté des coups à sa collègue et affirme s'être contenté de la tenir à distance alors qu'il était lui-même frappé. Dans une lettre au directeur de l'établissement, sa collègue a reconnu lui avoir porté au moins un coup, et pour le surplus, ses déclarations sont contradictoires, celle-ci s'étant lors du dépôt de sa plainte auprès du commissariat de police de Vichy abstenue d'évoquer ce coup et ayant présenté l'altercation comme ayant eu lieu lors d'une pause, ce qui n'était manifestement pas le cas. Dans ces circonstances, la responsabilité de M. A... dans la survenance de cette altercation et l'exercice par celui-ci de violences à l'égard de sa collègue ne sauraient être regardés comme établis. Par ailleurs, si la décision du 1er juillet 2019 évoque également des comportements inadaptés récurrents de M. A... dans l'organisation de la prise en charge des soins entraînant des changements de services successifs, les répercussions sur les résidents de l'EHPAD en tant que personnes vulnérables, et les risques pour la sécurité des agents en raison du renouvellement des attitudes et comportements irrespectueux entre collègues de travail, elle n'évoque aucun fait précis. La lettre adressée au directeur de l'établissement quelques semaines avant l'altercation par plusieurs collègues de M. A... se plaignant de son comportement, évoque un " comportement sanguin ", mais ne fait précisément état d'aucun autre fait de violence. Si l'EHPAD de Cusset produit un courrier et une attestation de l'une de ses agents qui s'était plainte en 2011 d'une agression de M. A..., les faits allégués sont anciens, et n'ont été corroborées par aucun témoin, ni aucune autre pièce du dossier, le compte rendu d'entretien professionnel de l'intéressé pour l'année 2012 lui prêtant même un " tempérament calme ". Les comptes rendus portant sur les années ultérieures font état de difficultés relationnelles avec d'autres membres des équipes auxquelles il a appartenu, mais d'un bon relationnel avec les résidents, et ne font pas état de graves manquements dans l'accomplissement de ses tâches, tels que ceux que lui reprochent certains de ses collègues. Le requérant produit quant à lui des attestations d'autres agents de l'établissement contestant les propos désagréables ou discriminatoires et les agissements hostiles qui lui sont prêtés. Dans ces circonstances, les faits reprochés à M. A... ne peuvent être regardés comme établis. 6. Il résulte de tout ce qui précède que l'EHPAD de Cusset n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé la décision du 1er juillet 2019 ayant infligé à M. A... une exclusion temporaire de fonctions pour une durée de six mois. Sur les frais liés au litige : 7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par l'EHPAD de Cusset. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ce dernier le versement d'une somme de 1 500 euros à M. A..., en application de ces mêmes dispositions. DÉCIDE : Article 1er : La requête de l'EHPAD de Cusset est rejetée. Article 2 : L'EHPAD de Cusset versera à M. A... une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'EHPAD de Cusset et à M. B... A.... Délibéré après l'audience du 31 octobre 2023, à laquelle siégeaient : M. Jean-Yves Tallec, président de chambre, Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure, M. Joël Arnould, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 novembre 2023. Le rapporteur, Joël ArnouldLe président, Jean-Yves Tallec La greffière, Sandra Bertrand La République mande et ordonne au préfet de l'Allier en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, 2 N° 22LY01077 |
CETATEXT000048424148 | J2_L_2023_11_00022LY01544 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/41/CETATEXT000048424148.xml | Texte | CAA de LYON, 3ème chambre, 15/11/2023, 22LY01544, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-15 00:00:00 | CAA de LYON | 22LY01544 | 3ème chambre | excès de pouvoir | C | M. TALLEC | SCP ROBIN VERNET | M. Joël ARNOULD | M. DELIANCOURT | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 3 décembre 2021 par lesquelles la préfète de la Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a désigné le pays de destination de cette mesure d'éloignement. Par un jugement n° 2200040 du 19 avril 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande. Procédure devant la cour Par une requête enregistrée le 19 mai 2022, M. B..., représenté par la SCP d'avocats Robin Vernet, agissant par Me Vernet, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 19 avril 2022 du tribunal administratif de Lyon ; 2°) d'annuler les décisions de la préfète de la Loire du 3 décembre 2021 ; 3°) d'enjoindre au préfet de la Loire de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou à tout le moins " salarié " d'une durée d'un an renouvelable, dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 1 300 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour : - le refus de lui délivrer un titre de séjour est insuffisamment motivé, en méconnaissance des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, et il n'a pas été précédé d'un examen de sa situation personnelle ; - ce refus résulte d'une erreur de fait déterminante ; - il viole l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ; - le refus de l'admettre au séjour à titre exceptionnel est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ; En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours : - l'obligation qui lui est faite de quitter le territoire français dans un délai de trente jours est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour ; - ces mesures violent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination : - cette décision doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation des décisions refusant la délivrance d'un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. La requête a été communiquée au préfet de la Loire, qui n'a pas produit de mémoire en défense. Par une ordonnance du 10 mars 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 7 avril 2023. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Joël Arnould, premier conseiller, - et les observations de Me Lulé, avocat, pour M. B... ; Considérant ce qui suit : 1. M. B..., ressortissant tunisien né en 1979, a déposé le 22 septembre 2020 une demande de délivrance d'un titre de séjour. Par des décisions du 3 décembre 2021, la préfète de la Loire lui a opposé un refus, lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a accordé un délai de départ volontaire de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement. M. B... relève appel du jugement du 19 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions. Sur la légalité du refus de titre de séjour : 2. En premier lieu, M. B... reprend en appel les moyens qu'il avait invoqués en première instance, tirés de ce que le refus de lui délivrer un titre de séjour serait insuffisamment motivé, aurait été pris sans examen complet de sa situation personnelle et serait le résultat d'une erreur de fait déterminante. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges aux points 2 et 3 du jugement contesté. 3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 en matière de séjour et de travail visé ci-dessus : " Sans préjudice des dispositions du b et du d de l'article 7 ter, les ressortissants tunisiens bénéficient, dans les conditions prévues par la législation française, de la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ". 4. M. B... fait valoir qu'il réside depuis 2014 en France, où vit l'un de ses frères, où il a travaillé dans plusieurs entreprises et où il a tissé des liens amicaux. Toutefois, le requérant a vécu en Tunisie, pays dont il a la nationalité, jusqu'à l'âge de trente-cinq ans. Il y conserve de nombreuses attaches familiales, en particulier ses parents, l'un de ses frères et sa sœur. S'il soutient être séparé de son épouse depuis plusieurs années, il a en Tunisie deux enfants âgés de dix et huit ans, à l'égard desquels un tribunal lui a reconnu un droit de visite et d'hébergement. Dans ces circonstances, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée aurait porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien visé ci-dessus, renvoyant aux dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doit être écarté. Pour les mêmes motifs, la décision attaquée n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la vie privée et familiale du requérant. 5. En troisième lieu, en ce qui concerne les ressortissants tunisiens, l'article 11 de l'accord franco-tunisien visé ci-dessus stipule : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord. / Chaque Etat délivre notamment aux ressortissants de l'autre Etat tous titres de séjour autres que ceux visés au présent Accord, dans les conditions prévues par sa législation ". Aux termes de l'article 3 du même accord : " Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er (...) reçoivent, après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an et renouvelable et portant la mention "salarié" (...) ". Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié", "travailleur temporaire" ou "vie privée et familiale", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ".. 6. L'article L. 435-1 cité ci-dessus n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte, mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-tunisien régit les règles de délivrance des titres de séjour pour une activité salariée, un ressortissant tunisien souhaitant obtenir un titre de séjour à raison d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 435-1 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 au sens de l'article 11 de cet accord. Toutefois, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation. 7. Il résulte de ce qui précède que la préfète de la Loire ne pouvait légalement examiner et rejeter la demande de M. B... en se fondant sur la circonstance que ce dernier ne remplissait pas les conditions prévues par les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au titre d'une activité salariée. Toutefois, il est possible, ainsi que l'a sollicité la préfète en défense devant le tribunal, de substituer à cette base légale erronée celle tirée du pouvoir dont dispose l'autorité préfectorale, de régulariser ou non la situation d'un étranger, dès lors que cette substitution de base légale n'a pour effet de priver l'intéressé d'aucune garantie et que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation dans l'exercice de son pouvoir général de régularisation que lorsqu'elle examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié présentée sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. 8. En l'espèce, M. B... fait valoir qu'il a obtenu un diplôme de boulangerie en août 2001 en Tunisie et que son curriculum vitae fait apparaître qu'il a travaillé en région parisienne, de mars 2014 à août 2017 en qualité de boulanger pâtissier, puis de septembre 2017 jusqu'à septembre 2020 en qualité d'employé polyvalent au sein d'une société de restauration de type rapide et que depuis le 1er octobre 2020, il est employé en tant que boulanger à Lyon. Il fait également valoir que ce secteur d'activité rencontre des difficultés de recrutement dans la région Auvergne-Rhône-Alpes, qu'il a le soutien de son employeur qui a accompli des démarches administratives pour sa régularisation et qu'il dispose d'un avis favorable rendu par les services de la main d'œuvre étrangère le 8 novembre 2021. Toutefois, le requérant ne produit aucune pièce propre à justifier du niveau de son diplôme, obtenu auprès du centre Ryade de formation professionnelle et touristique privé à Mednine, ni de l'équivalence de celui-ci avec le CAP ou le BEP de boulangerie exigé pour occuper le poste pour lequel son employeur a publié une annonce par l'intermédiaire de Pôle emploi. En outre, il ne justifie pas par des pièces probantes de son emploi en qualité de boulanger entre 2014 et 2017, et n'établit ainsi nullement disposer d'une expérience professionnelle significative en boulangerie. Dans ces conditions, c'est sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation dans l'exercice de son pouvoir de régularisation que la préfète de la Loire lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié ". Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours : 9. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité du refus de délivrance d'un titre de séjour à l'encontre des décisions lui faisant obligation de quitter le territoire français et lui accordant un délai de départ volontaire de trente jours. 10. En deuxième lieu, le moyen tiré de ce que ces mesures violeraient l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4 ci-dessus. Sur la légalité de la décision désignant le pays de destination : 11. Il résulte de ce qui a été exposé ci-dessus que M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination de son éloignement doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation des décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour et obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. 12. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions de la préfète de la Loire du 3 décembre 2021. 13. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'articles L. 761-1 du code de justice administrative. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Loire. Délibéré après l'audience du 31 octobre 2023, à laquelle siégeaient : M. Jean-Yves Tallec, président de chambre, Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure, M. Joël Arnould, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 novembre 2023. Le rapporteur, Joël ArnouldLe président, Jean-Yves Tallec La greffière, Sandra Bertrand La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, 2 N° 22LY01544 |
CETATEXT000048424152 | J2_L_2023_11_00022LY01620 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/41/CETATEXT000048424152.xml | Texte | CAA de LYON, 2ème chambre, 16/11/2023, 22LY01620, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de LYON | 22LY01620 | 2ème chambre | fiscal | C | M. PRUVOST | IBARRA MICKAEL | Mme Audrey COURBON | Mme LESIEUX | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles son foyer fiscal a été assujetti au titre des années 2012 et 2014, des majorations correspondantes et de l'amende qui lui a été appliquée sur le fondement de l'article 1766 du code général des impôts au titre de l'année 2014. Par un jugement nos 1901532, 1904120, 1904121 du 29 mars 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes. Procédure devant la cour Par une requête, enregistrée le 29 mai 2022, M. B..., représenté par Me Ibarra, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de prononcer la décharge de ces impositions, majorations et amendes ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 7 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - il justifie du montant et de l'origine des sommes qui ont transité par son compte bancaire ouvert auprès du Crédit Suisse et qui ont servi à financer deux achats immobiliers en France ; elles proviennent, à hauteur de 179 904 euros, du prix de cession du fonds de commerce de la SARL Fitness club et, à hauteur de 365 641 euros, d'un prêt remboursé par Mme D... A... ; elles ont été utilisées pour souscrire une assurance-vie le 30 novembre 2011 d'un montant de 545 000 euros, dont le rachat partiel, puis total, les fonds ayant transité par son compte ouvert en Suisse, a été versé en 2012 et 2014 aux notaires en charge des opérations d'achats immobiliers à Tignes ; - la justification de la somme de 179 904 euros a été admise par le service dans la proposition de rectification et celle-ci n'avait pas à être soumise à l'impôt dès lors qu'elle correspond, à hauteur de 76 028 euros, au remboursement d'un compte courant d'associé, et qu'en l'absence de boni de liquidation, aucune imposition n'était due hormis l'enregistrement des actes ; - la somme de 365 641 euros ne peut faire l'objet de la présomption de revenus imposables prévue à l'article 1649 A du code général des impôts ; une partie des sommes qu'il a perçues en 2003 lors des cessions des parts des sociétés SCI Lo Terrachu, SARL Lo Terrachu et SARL Evolution 2 Hôtel a permis à son épouse, Mme D... A..., d'acquérir un bien immobilier à Londres en juin 2010, ainsi qu'en atteste le transfert de fonds intervenu le 2 juin 2010 sur le compte bancaire de cette dernière ; les sommes en cause ont été soumises à l'impôt en France en 2003, ce que l'administration ne remet pas en cause ; l'apport effectué étant un prêt, Mme D... A... l'a remboursé en deux fois en septembre et octobre 2011 ; une attestation signée par cette dernière et lui-même démontre de l'existence de ce prêt, l'administration ne pouvant l'écarter au seul motif qu'il n'a pas été enregistré, ni déclaré ; - l'administration a méconnu l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales et manqué à son devoir de loyauté, dès lors qu'en dépit de sa demande, elle ne lui a pas communiqué les documents transmis par la banque Crédit Suisse en réponse à la demande de communication du 7 février 2018 ; - s'agissant de la plus-value réalisée lors du rachat de son contrat d'assurance-vie, la proposition de rectification est insuffisamment motivée, en ce qui concerne les modalités de calcul de cette plus-value ; - les modalités de calcul de cette plus-value sont contraires aux règles prévues au BOI-RPPM-RCM-20-10-20-50, selon lesquelles le débouclage du contrat génère une perte de 766 euros ; - les intérêts de retard et majorations appliquées aux droit rappelés en matière d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux seront déchargés par voie de conséquence ; - l'administration ne pouvait maintenir l'amende de 1 500 euros pour défaut de déclaration d'un contrat d'assurance-vie à l'étranger sur le fondement du premier alinéa de l'article 1766 du code général des impôts, au lieu du second alinéa du même article utilisé initialement, et déclaré non conforme à la constitution par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2017-667 QPC du 27 octobre 2017, le service ne pouvant opérer une substitution de base légale pour substituer une nouvelle amende à une amende déclarée non conforme à la Constitution. Par un mémoire, enregistré le 7 décembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens invoqués par M. B... ne sont pas fondés. Par ordonnance du 13 juillet 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 28 juillet 2023. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Courbon, présidente assesseure, - et les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique ; Considérant ce qui suit : 1. M. et Mme B... ont été assujettis, au titre des années 2012 et 2014, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu résultant, d'une part, de la taxation, sur le fondement des articles 1649 A et 1649 AA du code général des impôts, des sommes de 300 033 euros et 253 025 euros transférées, respectivement, le 4 décembre 2012 et le 12 juin 2014 d'un compte bancaire que M. B... détenait en Suisse sur des comptes bancaires français et, d'autre part, de la réintégration dans leur revenu imposable de l'année 2014, sur le fondement du 2 de l'article 122 du même code, d'une plus-value de 12 510 euros réalisée à l'occasion du rachat d'un contrat d'assurance-vie. L'administration a appliqué aux impositions notifiées sur le fondement des articles 1649 A et 1649 AA du code général des impôts la majoration de 40 % prévue à l'article 1758 de ce code et à l'imposition à l'impôt sur le revenu établie au titre de l'année 2014, à raison de la plus-value, la majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue au a. de l'article 1729 du même code. Enfin, l'administration a infligé à M. et Mme B... une amende de 1 500 euros en application du IV de l'article 1736 du code général des impôts et une amende de 1 500 euros en application de l'article 1766 du même code. M. B... relève appel du jugement du 29 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Grenoble, après les avoir jointes, a rejeté ses demandes tendant à la décharge de ces impositions à l'impôt sur le revenu, des contributions sociales auxquelles le foyer fiscal a également été assujetti au titre de ces deux années, des majorations dont ces impositions ont été assorties et de l'amende appliquée sur le fondement de l'article 1766 du code général des impôts. Sur la régularité de la procédure d'imposition : 2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) " et aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les rehaussements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler utilement ses observations. En revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ces motifs. 3. La proposition de rectification du 6 février 2018 mentionne les impôts concernés, les années d'imposition, la catégorie d'imposition, les bases d'imposition retenues et les motifs sur lesquels s'est fondé le service pour rappeler les impositions en litige, conformément aux exigences posées par ces dispositions. S'agissant, en particulier, de l'assujettissement à l'impôt sur le revenu, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, de la plus-value réalisée par M. B... lors du rachat du contrat d'assurance-vie Swiss Life intervenu en 2014, il résulte de l'instruction que le montant retenu par l'administration, soit 12 510 euros, correspond à celui déterminé par la compagnie Swiss Life, dans un courrier du 22 mai 2014 adressé à M. B..., transmis par le conseil de ce dernier au service à l'appui de sa réponse, en date du 18 novembre 2016, à la demande d'informations et de justifications du 6 septembre 2016. Dans ces conditions, M. B..., qui a été mis à même de présenter utilement ses observations sur le principe et le montant de cette plus-value, n'est pas fondé à soutenir que la proposition de rectification est insuffisamment motivée en l'absence de précision des modalités de calcul de celle-ci. 4. En second lieu, aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. ". Il résulte de ces dispositions qu'il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en œuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des documents et renseignements obtenus auprès de tiers, qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour mettre à même l'intéressé d'y avoir accès avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. 5. Il ressort des termes de la proposition de rectification du 6 février 2018 que l'administration a fondé les rectifications en litige sur les renseignements et documents qu'elle a obtenus à la suite de l'exercice de son droit de communication le 5 août 2016, auprès de l'étude de Me Arnaud, notaire, le 10 août 2016, auprès du centre des services bancaires CDC Sud-Est Direction départementale des finances publiques de Saône et Loire et, le 2 mars 2017, auprès de l'étude de Me Maymaud, notaire. Si l'administration a, par ailleurs, adressé deux demandes d'assistance administrative aux autorités fiscales suisses le 12 décembre 2016, ces dernières ne lui ont répondu que le 6 février 2018, soit le jour même de l'envoi de la proposition de rectification du même jour, qui n'évoque pas les renseignements obtenus dans ce cadre. Le 7 février 2018, M. B... a demandé la communication des pièces recueillies dans le cadre de l'exercice du droit de communication. Le 14 février 2018, le service vérificateur a répondu à la demande de M. B... en lui communiquant, ainsi qu'à son conseil, la copie des documents obtenus de Me Arnaud, du centre des services bancaires CDC Sud-Est Direction départementale des finances publiques de Saône et Loire et de Me Maymaud. Si M. B... se plaint de l'absence de communication des informations transmises par les autorités suisses, sa demande de communication, eu égard à la date à laquelle elle a été présentée, ne pouvait porter que sur les renseignements obtenus de tiers mentionnés dans la proposition de rectification, qui lui ont été transmis et il ne soutient pas avoir présenté, par la suite, une nouvelle demande de communication à laquelle l'administration n'aurait pas répondu. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales doit être écarté. Sur le bien-fondé des impositions : 6. En premier lieu, aux termes de l'article 1649 A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " (...) Les personnes physiques, (...) domiciliées ou établies en France, sont tenues de déclarer, en même temps que leur déclaration de revenus (...), les références des comptes ouverts, utilisés ou clos à l'étranger. Les modalités d'application du présent alinéa sont fixées par décret. / Les sommes, titres ou valeurs transférés à l'étranger ou en provenance de l'étranger par l'intermédiaire de comptes non déclarés dans les conditions prévues au deuxième alinéa constituent, sauf preuve contraire, des revenus imposables. ". 7. Si la proposition de rectification du 6 février 2018 mentionne également les dispositions de l'article 1649 AA du même code, aux termes duquel : " Lorsque des contrats d'assurance-vie sont souscrits auprès d'organismes mentionnés au I de l'article 990 I qui sont établis hors de France, les souscripteurs sont tenus de déclarer, en même temps que leur déclaration de revenus, les références du ou des contrats, les dates d'effet et de durée de ces contrats, ainsi que les avenants et opérations de remboursement effectuées au cours de l'année civile. Les modalités d'application du présent alinéa sont fixées par décret. / Les versements faits à l'étranger ou en provenance de l'étranger par l'intermédiaire de contrats non déclarés dans les conditions prévues au premier alinéa constituent, sauf preuve contraire, des revenus imposables. ", il ressort des motifs retenus par le service vérificateur pour soumettre à l'impôt sur le revenu le transfert de fonds opéré depuis le compte bancaire Crédit Suisse détenu par M. B... vers des comptes bancaires français, que l'administration a entendu uniquement se fonder sur les dispositions, énoncées au point 6, de l'article 1649 A relatives au transfert de sommes entre la France et l'étranger par l'intermédiaire de comptes bancaires non déclarés. 8. Pour faire échec à la présomption édictée par l'article 1649 A du code général des impôts, il appartient au contribuable, quelle que soit la qualification juridique ou comptable que peut recevoir la somme qui est employée à fin d'être transférée, d'établir que les ressources ayant contribué à la constituer ont par elles-mêmes déjà été imposées, ou ne devaient, ou ne pouvaient pas l'être, non seulement au titre de l'année du transfert, mais aussi, le cas échéant, au titre d'années antérieures. 9. Il n'est pas contesté que M. B... a ouvert, en Suisse, un compte bancaire auprès de l'établissement Crédit Suisse, sans le déclarer. Il résulte par ailleurs de l'instruction, et notamment de la proposition de rectification du 6 février 2018, que le compte bancaire suisse de M. B... a été crédité d'un montant de 179 904 euros le 22 septembre 2011, puis d'un montant de 365 641 euros correspondant à deux versements effectués les 22 septembre et 19 octobre 2011. Ces sommes ont été utilisées par l'intéressé pour souscrire, le 30 novembre 2011, un contrat d'assurance-vie auprès de la compagnie Swiss Life d'un montant de 545 000 euros également non déclaré. M. B... a procédé, le 28 novembre 2012, au rachat partiel de son contrat d'assurance-vie à hauteur de 300 000 euros, somme encaissée sur son compte bancaire suisse. M. B... a ensuite procédé, le 4 décembre 2012, au règlement par chèque bancaire, depuis ce même compte, d'une somme de 300 033 euros à Me Maymaud, notaire, pour financer l'achat d'un local commercial à Tignes (Savoie), par l'intermédiaire de la SCI Pro Palafour. M. B... a également procédé, le 30 mai 2014, au rachat du solde de son contrat d'assurance-vie, d'un montant de 265 500 euros, somme versée sur son compte bancaire suisse. Il a ensuite procédé, le 12 juin 2014, à partir de ce compte, au règlement d'une somme de 265 535 euros à Me Arnaud, notaire, le 12 juin 2014, en vue de l'acquisition d'un immeuble à Tignes, par l'intermédiaire de la SARL Toubkal. Les sommes de 300 033 euros et 265 535 euros respectivement transférées de l'étranger les 4 décembre 2012 et 12 juin 2014 depuis le compte bancaire non déclaré ouvert en Suisse, ont été regardées par l'administration comme des revenus d'origine indéterminée imposables en l'absence de preuve contraire, le revenu imposable de l'année 2014 ayant été ramené par le service à 253 025 euros, compte tenu de la plus-value réalisée par M. B... lors du rachat du solde de son contrat d'assurance-vie, d'un montant de 12 510 euros, imposée dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers. 10. S'agissant de la somme de 179 902 euros créditée sur son compte suisse le 22 septembre 2011, M. B... fait valoir qu'elle résulte de la cession du fonds de commerce de la SARL Fitness Club, dont son épouse et lui étaient les associés, intervenue le 13 décembre 2010 au prix de 325 000 euros. Il résulte de l'instruction, et notamment des écritures, non contestées sur ce point, du ministre, qu'une somme de 147 747,48 euros a été créditée sur le compte bancaire de la SARL Fitness Club le 22 août 2011, en paiement du solde de la vente de son fonds de commerce et qu'à cette date, le solde créditeur de ce compte bancaire s'élevait à 179 902,20 euros, compte du tenu d'un solde créditeur antérieur au 31 juillet 2011 de 15 299,33 euros et d'un remboursement de crédit de taxe sur la valeur ajoutée de 16 857 euros intervenu le 17 août 2011. Cette somme de 179 902,20 euros a ensuite été versée, par virement du 22 septembre 2011, sur le compte bancaire personnel de M. B... ouvert auprès du Crédit Suisse. S'il soutient qu'elle n'est pas imposable, s'agissant, à hauteur de 76 028 euros, du remboursement du compte courant d'associé ouvert à son nom dans les écritures de la SARL Fitness Club, et en l'absence de boni de liquidation dans le cadre de la cessation d'activité de cette société, il ne l'établit pas par la seule production de deux procès-verbaux d'assemblée générale de la SARL Fitness Club, datés du 2 décembre 2011, dont le premier se borne à décider la dissolution anticipée et la liquidation amiable de la société, et le second, après avoir mentionné l'existence d'une somme de 76 028 euros sur le compte courant de M. B..., à acter de l'absence de remboursement des parts sociales et de partage du fait du solde négatif du compte de liquidation, ces procès-verbaux, établis après l'encaissement de la somme en litige, ne justifiant ni de la nature de celle-ci, ni, a fortiori, de ce qu'elle aurait déjà été imposée ou ne devait ou ne pouvait l'être. 11. S'agissant de la somme de 365 641 euros, créditée sur son compte en septembre et octobre 2011, M. B... fait valoir qu'elle correspond au remboursement d'un prêt, consenti à son épouse, afin de lui permettre d'acquérir un bien immobilier à Londres, acquisition réalisée par l'intéressée le 12 juillet 2010. Les fonds lui ayant permis d'octroyer ce prêt proviennent, selon le requérant, de la cession, en 2003, de parts sociales de la SCI Lo Terrachu pour 13 000 euros, de la SARL Lo Terrachu pour 1 euro et de la SARL Evolution 2 Hôtel pour 291 898 euros. Toutefois, M. B..., qui ne produit aucun justificatif à l'exception de l'acte d'achat du 12 juillet 2010, ne démontre ni n'avoir appréhendé personnellement le produit des cessions de titres qu'il invoque, ni que ces opérations ont, lors de leur réalisation, été soumises à l'impôt. Il n'établit pas davantage l'existence du prêt allégué, qui n'a été ni enregistré, ni déclaré, par la seule production d'une déclaration signée des époux datée du 16 septembre 2011 et dépourvue de date certaine. Enfin, et en tout état de cause, aucun lien ne peut être fait, en termes de dates et de montants, entre le produit des cessions de titres invoquées et les sommes prétendument prêtées à son épouse et remboursées par cette dernière. Dans ces conditions, M. B... n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, de ce que les ressources ayant contribué à constituer la somme de 365 641 euros ont déjà été imposées, ou ne devaient, ou ne pouvaient pas l'être. 12. En deuxième lieu, si M. B... conteste les modalités de calcul de la plus-value imposable réalisée en 2014 lors du rachat total de son contrat d'assurance-vie souscrit à l'étranger, il n'assortit son moyen d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé au regard de la loi fiscale. Sur ce point, le requérant ne peut se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, du paragraphe n° 80 de l'instruction administrative référencée BOI-RPPM-RCM-20-10-20-50 publiée le 11 février 2014, qui traite des modalités de détermination des plus-values réalisées à l'occasion du rachat partiel de contrats d'assurance-vie souscrits en France, dans les prévisions duquel il n'entre pas. Sur l'amende infligée sur le fondement de l'article 1766 du code général des impôts au titre de l'année 2014 : 13. Aux termes de l'article 1766 du code général des impôts, dans sa rédaction issue de l'article 14 de la loi du 14 mars 2012 de finances rectificative pour 2012 : " Les infractions aux dispositions du premier alinéa de l'article 1649 AA sont passibles d'une amende de 1 500 € par contrat non déclaré. Ce montant est porté à 10 000 € par contrat non déclaré lorsque l'obligation déclarative concerne un Etat ou territoire qui n'a pas conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales permettant l'accès aux renseignements bancaires. / Si le total de la valeur du ou des contrats non déclarés est égal ou supérieur à 50 000 € au 31 décembre de l'année au titre de laquelle la déclaration devait être faite, l'amende est portée pour chaque contrat non déclaré à 5 % de la valeur de ce contrat, sans pouvoir être inférieure aux montants prévus au premier alinéa. ". 14. M. B..., qui a souscrit un contrat d'assurance-vie Swiss Life à l'étranger le 16 décembre 2011, ne l'a pas déclaré lors du dépôt de ses déclarations de revenus au titre des années 2012, 2013 et 2014 en méconnaissance de l'article 1649 AA du code général des impôts. L'administration lui a infligé en conséquence, eu égard à la valeur de ce contrat, une amende correspondant à 5 % de la valeur du contrat au 31 décembre de l'année au titre de laquelle la déclaration devait être faite, sur le fondement du second alinéa de l'article 1766 du code général des impôts, alors applicable. A la suite des observations présentées par le requérant le 12 avril 2018, seule l'amende relative à l'année 2014 a été maintenue pour un montant de 13 250 euros. Par la décision du 21 décembre 2018 statuant sur la réclamation préalable de M. B..., qui s'était prévalu de la décision n° 2017-667 QPC du 27 octobre 2017p par laquelle le Conseil constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution le second alinéa de l'article 1766 du code général des impôts dans sa rédaction issue de l'article 14 de la loi du 14 mars 2012, l'administration a prononcé un dégrèvement d'un montant de 11 750 euros, ramenant l'amende au montant forfaitaire de 1 500 euros prévu au premier alinéa du même article. 15. Le second alinéa de l'article 1766 du code général des impôts ayant été abrogé par la loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016, l'administration, en ramenant le montant de l'amende infligée à M. et Mme B... au montant forfaitaire, devenu plafond, de 1 500 euros prévu au premier alinéa de cet article, qui n'a pas été abrogé, a appliqué immédiatement, comme elle y est tenue, la loi répressive nouvelle plus douce, sans procéder à une substitution de base légale, s'agissant de deux taux d'une même amende selon la valeur du contrat non déclaré, comme l'a retenu à tort le tribunal administratif. Il s'ensuit que M. B... n'est fondé à soutenir ni que l'amende en litige est dépourvue de base légale, ni que l'administration aurait procédé à une substitution de base légale en violation de la déclaration d'inconstitutionnalité du 27 octobre 2017. 16. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023, à laquelle siégeaient : M. Pruvost, président de chambre, Mme Courbon, présidente-assesseure, M. Laval, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023. La rapporteure, A. Courbon Le président, D. PruvostLa greffière, N. Lecouey La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, 2 N° 22LY01620 |
CETATEXT000048424154 | J2_L_2023_11_00022LY01621 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/41/CETATEXT000048424154.xml | Texte | CAA de LYON, 3ème chambre, 15/11/2023, 22LY01621, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-15 00:00:00 | CAA de LYON | 22LY01621 | 3ème chambre | excès de pouvoir | C | M. TALLEC | WALGENWITZ AVOCATS | M. Joël ARNOULD | M. DELIANCOURT | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 22 octobre 2020 par laquelle le président du centre de gestion de la fonction publique territoriale du Rhône et de la métropole de Lyon a prononcé son licenciement à la date du 25 janvier 2021. Par un jugement n° 2100477 du 25 mars 2022, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 22 octobre 2020 et enjoint au centre de gestion de la fonction publique territoriale du Rhône et de la métropole de Lyon, sous réserve d'une modification de la situation de l'intéressée y faisant obstacle, de réintégrer Mme B... en qualité de fonctionnaire momentanément privée d'emploi, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, et a rejeté le surplus des conclusions de la requête. Procédure devant la cour Par une requête enregistrée le 25 mai 2022 et un mémoire enregistré le 24 octobre 2023, le centre de gestion de la fonction publique territoriale du Rhône et de la métropole de Lyon, représenté par la SELARL Walgenwitz Avocats, agissant par Me Walgenwitz, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 25 mars 2022 ; 2°) de rejeter la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Lyon ; 3°) et de mettre à la charge de Mme B... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - M. Locatelli, président du centre de gestion, est habilité à le représenter devant la cour en vertu d'une délibération de son conseil d'administration du 27 juin 2022 ; - c'est à tort que le tribunal a jugé que l'article 97 de la loi n° 84-53 dans sa rédaction alors applicable, ne permettait pas le licenciement de Mme B... au motif qu'elle n'avait pas bénéficié d'un accompagnement effectif par le centre de gestion pendant dix ans ; - le centre de gestion étant en situation de compétence liée, les moyens invoqués par Mme B... contre l'arrêté du 22 octobre 2020 sont inopérants ; - M. Locatelli était habilité à signer la décision attaquée. Par un mémoire en défense enregistré le 2 juin 2023, Mme B..., représentée par Me Maingot, conclut au rejet de la requête et demande que soit mis à la charge du centre de gestion de la fonction publique territoriale du Rhône et de la métropole de Lyon le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Elle expose que : - la qualité de M. Locatelli pour agir au nom du centre de gestion n'étant pas établie, la requête est irrecevable ; - le moyen soulevé par le centre de gestion n'est pas fondé ; - l'arrêté du 22 octobre 2020 est entaché d'incompétence. Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 31 août 2022. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code général de la fonction publique ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 ; - le décret n°85-643 du 26 juin 1985 ; - le code de justice administrative. Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Joël Arnould, premier conseiller ; - les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ; - les observations de Me Allala, représentant le centre de gestion de la fonction publique territoriale du Rhône et de la métropole de Lyon ; Considérant ce qui suit : 1. Par un jugement du 19 novembre 2013, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision par laquelle le maire de Présilly a refusé de réintégrer Mme B... dans ses fonctions de rédacteur territorial à l'échéance d'une période de mise en disponibilité, et a enjoint au maire de la réintégrer et de régulariser sa situation administrative. Dans le cadre de l'exécution de ce jugement, Mme B... a été rétroactivement réintégrée dans les effectifs de la commune de Présilly avant d'être rétroactivement prise en charge par le Centre de gestion de la fonction publique territoriale de la Haute-Savoie à compter du 25 janvier 2011 en qualité de fonctionnaire momentanément privée d'emploi, par un arrêté du 20 janvier 2014. Par un arrêté du 22 octobre 2020, le président du centre de gestion de la fonction publique territoriale du Rhône et de la métropole de Lyon, désormais compétent, a décidé de mettre fin à cette prise en charge à l'issue de la dixième année de celle-ci, soit à compter du 25 janvier 2021, et de la licencier. Le centre de gestion relève appel du jugement du 25 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Lyon a prononcé l'annulation de cet arrêté. Sur la fin de non-recevoir opposée par Mme B... : 2. Aux termes de l'article 27 du décret du 26 juin 1985 visé ci-dessus, relatif aux centres de gestion institués par la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relative à la fonction publique territoriale : " Le conseil d'administration (...) décide de toute action en justice ". Aux termes de l'article 28 du même décret : " Le président du centre (...) représente le centre en justice et auprès des tiers ". 3. Il ressort de la délibération du conseil d'administration du centre de gestion de la fonction publique territoriale du Rhône et de la métropole de Lyon du 27 juin 2022 que ce conseil est présidé par M. C... Locatelli, et qu'il a autorisé son président à relever appel du jugement rendu le 25 mars 2022 par le tribunal administratif de Lyon et à représenter le centre devant la cour. La fin de non-recevoir tirée de ce que M. Locatelli ne justifierait pas de sa qualité à représenter le centre de gestion devant la cour ne peut dès lors être accueillie. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 4. Aux termes de l'article 97 de la loi du 26 janvier 1984, dans sa rédaction issue de l'article 78 de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique : " Dès lors qu'un emploi est susceptible d'être supprimé, l'autorité territoriale recherche les possibilités de reclassement du fonctionnaire concerné. / I.- (...) Pendant la période de prise en charge, l'intéressé est placé sous l'autorité du Centre national de la fonction publique territoriale ou du centre de gestion, lesquels exercent à son égard toutes les prérogatives reconnues à l'autorité investie du pouvoir de nomination ; l'intéressé est soumis à tous les droits et obligations attachés à sa qualité de fonctionnaire ; il reçoit la rémunération correspondant à l'indice détenu dans son grade à hauteur de cent pour cent la première année de prise en charge. Cette rémunération est ensuite réduite de dix pour cent chaque année. Pendant cette période, le centre peut lui confier des missions y compris dans le cadre d'une mise à disposition réalisée dans les conditions prévues aux articles 61 et 62 et lui propose tout emploi vacant correspondant à son grade ; l'intéressé est tenu informé des emplois créés ou déclarés vacants par le centre. La rémunération nette perçue par le fonctionnaire pris en charge est réduite du montant des rémunérations nettes perçues à titre de cumul d'activités. / Dans les trois mois suivant le début de la prise en charge, le fonctionnaire et le Centre national de la fonction publique territoriale ou le centre de gestion élaborent conjointement un projet personnalisé destiné à favoriser son retour à l'emploi. Ce projet fixe notamment les actions d'orientation, de formation et d'évaluation qu'il est tenu de suivre. A ce titre, le fonctionnaire bénéficie d'un accès prioritaire aux actions de formation longues nécessaires à l'exercice d'un nouveau métier dans l'un des versants de la fonction publique ou dans le secteur privé. (...) IV. - Au terme de la période de prise en charge financière prévue au deuxième alinéa du I, le fonctionnaire est licencié ou, lorsqu'il peut bénéficier de la jouissance immédiate de ses droits à pension et à taux plein, radié des cadres d'office et admis à faire valoir ses droits à la retraite. (...) ". Aux termes du XVI de l'article 94 de la loi du 6 août 2019 : " L'article 78 de la présente loi est applicable aux fonctionnaires momentanément privés d'emploi pris en charge à la date de publication de la présente loi par le Centre national de la fonction publique territoriale ou un centre de gestion selon les modalités suivantes : 1° Pour les fonctionnaires pris en charge depuis moins de deux ans, la réduction de 10 % par an de la rémunération débute deux ans après leur date de prise en charge ; 2° Pour les fonctionnaires pris en charge depuis deux ans ou plus, la réduction de 10 % par an entre en vigueur un an après la publication de la présente loi ; 3° Les fonctionnaires pris en charge à la date de publication de la présente loi, d'une part, et le centre de gestion compétent ou le Centre national de la fonction publique territoriale, d'autre part, disposent d'un délai de six mois à compter de la publication de la présente loi pour élaborer conjointement le projet personnalisé destiné à favoriser le retour à l'emploi ; 4° Sans préjudice des cas de licenciement prévus à l'article 97 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction résultant de la présente loi, la prise en charge des fonctionnaires relevant depuis plus de dix ans, à la date de publication de la présente loi, du Centre national de la fonction publique territoriale ou du centre de gestion cesse dans un délai d'un an à compter de cette même date. Dans les autres cas, la durée de prise en charge constatée antérieurement à la date de publication de la présente loi est prise en compte dans le calcul du délai au terme duquel cesse cette prise en charge. La prise en charge cesse selon les modalités définies au IV dudit article 97, dans sa rédaction résultant de la présente loi ". 5. Il ressort de ces dispositions que si le législateur a entendu, par la loi de transformation de la fonction publique, renforcer l'accompagnement dont les fonctionnaires momentanément privés d'emploi bénéficient de la part du centre de gestion, il n'a pas subordonné à la condition que le fonctionnaire ait effectivement bénéficié de cet accompagnement l'application de la nouvelle limitation de la durée de la prise en charge financière. En vertu des dispositions du 4° du XVI de l'article 94 de la loi du 6 août 2019, cette prise en charge cesse dans un délai d'un an suivant l'expiration d'une durée de dix ans de prise en charge. Or, en l'espèce, Mme B... a bénéficié à titre rétroactif d'une prise en charge financière par le centre de gestion à compter du 25 janvier 2011, en vertu d'un arrêté du président du centre de gestion de la fonction publique de Haute Savoie du 20 janvier 2014. Le centre de gestion de la fonction publique territoriale du Rhône et de la métropole de Lyon est dès lors fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal s'est fondé sur le moyen tiré par Mme B... de ce que son accompagnement effectif n'avait commencé qu'en 2014 pour annuler l'arrêté du 22 octobre 2021 ayant prononcé son licenciement. 6. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B... devant elle. 7. Il ressort de la délibération du 29 mars 2021 produite par le centre de gestion de la fonction publique territoriale du Rhône et de la métropole de Lyon que M. Locatelli a bien été élu président du conseil d'administration de ce centre. Mme B... ne produit aucun élément dont il ressortirait que son élection serait postérieure à la date de l'arrêté du 22 octobre 2020. Le moyen tiré de l'incompétence de ce signataire pour prendre cet arrêté ne peut dès lors être accueilli. 8. Il résulte de tout ce qui précède que le centre de gestion appelant est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du 22 octobre 2020. Sur les frais liés au litige : 9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre de gestion de la fonction publique territoriale du Rhône et de la métropole de Lyon, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par Mme B.... Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière la somme que le centre de gestion de la fonction publique territoriale du Rhône et de la métropole de Lyon réclame sur le fondement des mêmes dispositions. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n° 2100477 du tribunal administratif de Lyon du 25 mars 2022 est annulé. Article 2 : Les conclusions présentées par Mme B... devant le tribunal administratif de Lyon et devant la cour administrative d'appel de Lyon sont rejetées. Article 3 : Le surplus des conclusions du centre de gestion de la fonction publique territoriale du Rhône et de la métropole de Lyon est rejeté. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au centre de gestion de la fonction publique territoriale du Rhône et de la métropole de Lyon et à Mme A... B.... Délibéré après l'audience du 31 octobre 2023, à laquelle siégeaient : M. Jean-Yves Tallec, président de chambre, Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure, M. Joël Arnould, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 novembre 2023. Le rapporteur, Joël ArnouldLe président, Jean-Yves Tallec La greffière, Sandra Bertrand La République mande et ordonne à la préfète du Rhône en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, 2 N° 22LY01621 |
CETATEXT000048424156 | J2_L_2023_11_00022LY01636 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/41/CETATEXT000048424156.xml | Texte | CAA de LYON, 2ème chambre, 16/11/2023, 22LY01636, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de LYON | 22LY01636 | 2ème chambre | fiscal | C | M. PRUVOST | JURISOPHIA SAVOIE - BUREAU D'ANNECY | Mme Audrey COURBON | Mme LESIEUX | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure La SARL APC a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer, à titre principal, la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2014 et 2015 à hauteur de la somme de 241 821 euros et, à titre subsidiaire, de prononcer la décharge de la majoration de 40 % pour manquement délibéré qui lui a été appliquée au titre de l'exercice clos en 2014 et de la majoration de 40 % pour défaut de déclaration qui lui a été appliquée au titre de l'exercice clos en 2015. Par un jugement n° 1900875 du 29 mars 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Procédure devant la cour Par une requête et un mémoire, enregistrés les 30 mai 2022 et 5 janvier 2023, la SARL APC, représentée par Mes Eveno et Berthier, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités y afférentes, ou, à défaut, de la pénalité pour manquement délibéré ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - elle a été privée de débat oral et contradictoire au cours de la vérification de comptabilité, dès lors que l'administration a procédé à des constatations depuis l'extérieur de ses bâtiments secondaires, à l'insu de son gérant ; - c'est à tort que l'administration a refusé d'admettre en déduction les charges correspondant aux frais de location de locaux à Rillieux-la-Pape, alors qu'elle occupe ces locaux qui sont nécessaires à son activité, en présence d'une clientèle importante implantée en région lyonnaise ; il en va de même des charges afférentes aux locaux d'Oyannax, qu'elle a pris à bail en vue d'y développer son activité en 2005 ; - il ne saurait lui être reproché une discordance entre les montants payés et ceux mentionnés dans les baux et quittances, ou l'absence de régularisation des charges, qui sont imputables aux bailleurs, tout comme le caractère erroné des déclarations de ces bailleurs selon lesquelles les locaux seraient vacants ; l'absence d'enseigne sur les locaux tout comme l'absence de personnel sur place sont sans incidence ; - c'est à tort que le tribunal administratif a retenu que l'administration avait constaté, sur place, l'absence d'occupation des locaux d'Oyonnax, alors que cette visite a eu lieu hors la présence de son gérant, en violation du principe du contradictoire ; - la proposition de motivation est insuffisamment motivée s'agissant de ce chef de rectification ; - l'administration s'est immiscée irrégulièrement dans sa gestion ; - il convient de tirer les conséquences du statut d'ordre public des baux commerciaux, notamment s'agissant de la durée du bail et des modalités de rupture ; - en rejetant les charges de loyers versées à la société Anapopop, qui est une société de personnes dont elle détient 10 % du capital social, elle subit une double imposition, dès lors qu'elle est imposée au titre du bénéfice réalisé par cette société à proportion de sa participation au capital ; - les charges payées à la société Generale Elec pour l'entretien et des travaux effectués dans les locaux de Rillieux-la-Pape et Oyonnax doivent également être admises en déduction ; - les charges payées à la société APC Finances pour des prestations de services administratifs et la refacturation d'achats sont déductibles ; s'agissant des prestations de service à caractère administratif, l'administration les a admis en 2014 et aucune raison ne justifie leur rejet en 2015, alors qu'aucune preuve n'est apportée de leur caractère fictif ; quant aux achats de consommables, ils ont effectivement été utilisés par son personnel salarié ; - les charges payées à la société MT Conseil, qui concernent essentiellement des prestations de ménage, ont été rejetées en 2014 et 2015, mais admises en 2016 et 2017 dans le cadre d'un autre contrôle ; l'administration a méconnu le principe de confiance légitime, ces prestations étant, au cours des deux périodes, rendues dans des conditions et à des tarifs identiques ; - le montant des impositions et pénalités doit être réduit du montant du CICE et de la réduction d'impôt mécénat de l'exercice 2015 ; - la pénalité pour manquement délibéré n'est pas justifiée ; si l'administration s'est fondée sur la communauté d'intérêts existant entre elle et les autres sociétés qui lui ont facturé les charges en litige, qui ont le même gérant, M. A..., il convient d'apprécier globalement l'existence d'un manquement et de prendre en compte le fait que ces sociétés ont déclaré les revenus correspondants dans leurs propres déclarations si bien qu'aucune volonté d'éluder l'impôt ne peut être reprochée à M. A... ; s'agissant des facturations MT Conseil, l'administration a reconnu la réalité des prestations dans son contrôle portant sur les exercices 2016 et 2017 ; - la pénalité pour dépôt tardif des déclarations est injustifié, le retard étant imputable à son expert-comptable, dont elle a engagé la responsabilité. Par un mémoire en défense, enregistré le 12 septembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés. Par ordonnance du 13 juillet 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 28 juillet 2023. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Courbon, présidente-assesseure, - les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique, - et les observations de Me Gagneux, représentant la SARL APC ; Une note en délibéré présentée par la SARL APC a été enregistrée le 31 octobre 2023. Considérant ce qui suit : 1. La SARL APC, qui exerce une activité de courtage en assurances, ayant pour associés M. A..., son gérant, détenteur de 499 parts sur 500, et sa compagne, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015 à l'issue de laquelle l'administration l'a, d'une part, assujettie, selon la procédure contradictoire, à un complément d'impôt sur les sociétés, au titre de l'exercice clos en 2014, résultant du refus d'admettre en déduction de son résultat imposable des dépenses comptabilisées en charges et des amortissements somptuaires et l'a, d'autre part, taxée d'office à l'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2015, la déclaration de résultat de cet exercice ayant été remise en mains propres après l'expiration du délai imparti par une mise en demeure de la déposer. Le complément d'impôt assigné à la SARL APC au titre de l'exercice clos en 2014 a été assorti, selon les rappels, de la majoration de 10 % prévue au a. de l'article 1728-1 du code général des impôts et de la majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue au a. de l'article 1729 du même code. L'administration a appliqué à l'imposition établie d'office au titre de l'exercice clos en 2015 la majoration de 40 % prévue au b. de l'article 1728-1 de ce code. La SARL APC relève appel du jugement du 29 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et pénalités. Sur la régularité de la procédure d'imposition : 2. En premier lieu, dans le cas où la vérification de comptabilité d'une entreprise a été effectuée, soit, comme il est de règle, dans ses propres locaux, soit, si son dirigeant ou représentant l'a expressément demandé, dans les locaux du comptable auprès duquel sont déposés les documents comptables, c'est au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur de justifier que ce dernier se serait refusé à un tel débat. 3. Il résulte de l'instruction que la vérification de comptabilité de la SARL APC, dont la première intervention s'est tenue le 10 janvier 2017, a eu lieu au siège de la société et a donné lieu à plusieurs rencontres entre le vérificateur et M. A..., gérant, notamment le 14 février 2017, le 3 mars 2017 et le 5 mai 2017, date de la réunion de synthèse. La société requérante n'établit pas, ni même n'allègue, que le vérificateur se serait, à ces occasions, soustrait à tout débat. Si elle soutient que le vérificateur a procédé, depuis la voie publique, à des constatations concernant les locaux qu'elle loue à Oyonnax et Rillieux-la-Pape, tenant à l'absence de signalisation de la société et de boîte aux lettres à son nom, hors la présence de son gérant, cette circonstance n'est pas, par elle-même, de nature à caractériser une violation du débat oral et contradictoire, ni même du principe du contradictoire, et ce alors que le vérificateur n'est pas entré dans les locaux pris à bail et qu'il n'était pas tenu, avant de faire ces constatations, d'en informer la société. Par suite, la SARL APC n'est pas fondée à soutenir qu'elle a été privée de la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur. 4. En second lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, d'une part : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les rehaussements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler utilement ses observations. En revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ces motifs. 5. La proposition de rectification du 15 mai 2018 adressée à la SARL APC mentionne, pour l'exercice clos en 2014, l'impôt concerné, l'exercice d'imposition, la base d'imposition retenue ainsi que le fondement légal des différents chefs de rectification. S'agissant de la remise en cause du caractère déductible des loyers versés aux SCI Ut Babar et Anapopop pour des locaux situés à Rillieux-la-Pape et à la SCI Kabobol pour des locaux situés à Oyonnax, le service vérificateur a détaillé, pour chacun des locaux et des bailleurs, les éléments de fait qui l'ont amené à considérer que la SARL APC n'utilisait pas ces locaux pour les besoins de son exploitation, de telle sorte que le paiement de ces charges était constitutif d'un acte anormal de gestion. Elle est ainsi suffisamment motivée au sens des articles L. 57 et R. 57-1 du livre des procédures fiscales, applicable au complément d'impôt sur les sociétés afférent à l'exercice clos en 2014, établi selon la procédure contradictoire. Si la SARL APC fait valoir que certains des éléments retenus par l'administration sont erronés, cette critique a trait au bien-fondé des impositions en litige et est, en elle-même, sans incidence sur la motivation de la proposition de rectification. 6. S'agissant de la cotisation d'impôt sur les sociétés établie d'office au titre de l'exercice clos en 2015, la proposition de rectification du 15 mai 2018 précise les bases ou éléments ayant servi à son calcul et leurs modalités de détermination, conformément à l'article L. 76 du livre des procédures fiscales, aux termes duquel : " Les bases ou éléments servant au calcul des impositions d'office et leurs modalités de détermination sont portées à la connaissance du contribuable trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions. (...) ". Sur le bien-fondé des impositions : En ce qui concerne l'exercice clos en 2014 : 7. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) ". Si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive. 8. En vertu de ces principes, lorsqu'une entreprise a déduit en charges une dépense réellement supportée, conformément à une facture régulière relative à un achat de prestations ou de biens dont la déductibilité par nature n'est pas contestée par l'administration, celle-ci peut demander à l'entreprise qu'elle lui fournisse tous éléments d'information en sa possession susceptibles de justifier la réalité et la valeur des prestations ou biens ainsi acquis. La seule circonstance que l'entreprise n'aurait pas suffisamment répondu à ces demandes d'explication ne saurait suffire à fonder en droit la réintégration de la dépense litigieuse, l'administration devant alors fournir devant le juge tous éléments de nature à étayer sa contestation du caractère déductible de la dépense. Le juge de l'impôt doit apprécier la valeur des explications qui lui sont respectivement fournies par le contribuable et par l'administration. 9. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la SARL APC a conclu, le 30 mars 2007, avec la SCI Ut Babar, dont le capital est détenu par M. A..., qui en est le gérant, et la compagne de celui-ci, un bail commercial portant sur des locaux à usage de bureaux et d'archives à Rillieux-la-Pape, d'une superficie de 110 m2, au prix de 11 000 euros par an. La SARL APC a comptabilisé en charges, à ce titre, une somme de 29 001,60 euros au titre de l'exercice 2014. La SARL APC a également signé, le 15 mars 2015, avec la SCI Anapopop, dont le capital est détenu majoritairement par M. A..., qui en est le gérant, et sa compagne, un bail commercial portant sur des locaux de 346 m2 situés à Rillieux-la-Pape, pour un loyer annuel de 34 335 euros. Les charges de location comptabilisées au titre de ce bail par la SARL APC se sont élevées à 44 698,96 euros au titre de l'exercice 2014. La SARL APC a enfin conclu avec la SCI Kabobol, dont le capital est détenu par M. A..., qui en est le gérant, et sa compagne, le 1er décembre 2008, un bail commercial portant sur des locaux à usage de bureau, d'une superficie de 150 m2, situés à Oyonnax, pour un loyer annuel de 18 000 euros et a comptabilisé en charges, à ce titre, une somme de 24 832,76 euros en 2014. Le service a remis en cause le caractère déductible de ces charges des résultats imposables de la SARL APC, estimant qu'elles n'avaient pas été engagées dans l'intérêt de l'entreprise. 10. Si la SARL APC a justifié des charges ainsi comptabilisées en produisant les baux et les factures émises par les trois SCI, l'administration a relevé que les montants comptabilisés par la SARL APC ne correspondaient pas à ceux mentionnés dans les différents contrats de bail. Elle a également relevé que ces montants ne correspondaient pas davantage, tant dans leurs dates que dans leurs montants, aux factures établies par les bailleurs, sans que ces discordances soient justifiées. L'administration a par ailleurs constaté que les salariés de la SARL APC ne travaillaient pas dans ces locaux, mais dans ceux de son siège à Sevrier, que la société n'avait souscrit aucun contrat d'abonnement pour l'eau, l'électricité et le téléphone, que le montant des charges locatives était identique pour les deux exercices en litige, sans qu'aucune régularisation soit intervenue, et qu'à l'occasion de visites sur place, il a été constaté l'absence de toute signalisation de la société dans les différents locaux loués. Enfin, l'administration a relevé que les SCI bailleresses ont toutes déclaré, en 2015, que les locaux concernés étaient vacants et non loués. La société requérante, qui soutient que les locaux de Rillieux-la-Pape sont utilisés à usage d'archives et pour y recevoir ses clients établis dans la région lyonnaise, n'en justifie pas par la seule production d'attestations, rédigées en termes peu circonstanciés, établies par trois salariés et trois clients, par la production de relevés de péages d'autoroute, sans lien direct avec les locaux et par la production de papiers à en-tête à l'adresse de ces locaux. Elle n'apporte par ailleurs aucun élément de nature à démontrer que l'un des locaux de Rillieux-la-Pape serait utilisé pour y stocker des archives, et ce alors qu'elle dispose déjà d'un local loué à cette fin à proximité de son siège social, et dont l'administration n'a pas remis en cause les frais de location comptabilisées à ce titre. S'agissant des locaux d'Oyonnax, la SARL APC se borne à faire valoir qu'elle les a pris à bail en vue d'y développer une clientèle, sans produire aucun justificatif à l'appui de cette allégation. Enfin, si la SARL APC indique qu'elle était tenue au paiement des loyers du fait de la signature des contrats de bail, cette circonstance ne fait pas, en elle-même obstacle à la remise en cause du caractère déductible des charges en litige, d'autant qu'ainsi qu'il a été dit, elle a versé aux trois SCI des sommes bien supérieures à celles mentionnés sur les baux. Dans ces conditions, l'administration, qui fait par ailleurs état de la communauté d'intérêts existant entre la SARL APC et les SCI Ut Babar, Anapopop et Kabobol, qui ont les mêmes associés et le même gérant, et qui ne s'est pas immiscée dans la gestion de la société, mais a contrôlé, ainsi qu'il lui appartient, les justificatifs produits par la SARL APC à l'appui des charges qu'elles a déduites de ses résultats imposables, établit que les sommes versées à ces SCI au titre des baux en litige sont dépourvues de toute contrepartie, qu'elles n'ont, dès lors, pas été engagées dans l'intérêt de la SARL APC et que leur prise en charge est constitutive d'un acte anormal de gestion. Par suite, c'est à bon droit que ces sommes ont été réintégrées dans ses résultats imposables de l'exercices 2014. 11. En deuxième lieu, la circonstance que la SARL APC détient une partie du capital de la SCI Anapopop, et qu'elle est, à ce titre, imposable, au prorata de ses droits dans cette société, sur une part du bénéfice réalisé par celle-ci, lequel est notamment constitué des loyers qui lui sont facturés, n'est pas de nature à caractériser une double imposition, les résultats des deux sociétés, qui sont des contribuables distincts, étant indépendants l'un de l'autre. 12. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que la SARL APC a comptabilisé en charges une somme de 45 985, 20 euros en 2014 correspondant à des travaux d'entretien et de réparation réalisés par la SARL Generale Elec, dont M. A... est l'associé et le gérant, dans les locaux pris à bail à Rillieux-la-Pape et Oyonnax. Dès lors qu'ainsi qu'il a été dit au point ci-dessus, les frais de location de ces locaux n'ont pas été engagés dans l'intérêt de l'entreprise, les frais de travaux et de réparation y afférents ne le sont pas davantage. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a réintégré les sommes en cause dans le résultat imposable de la SARL APC. 13. En quatrième lieu, la SARL APC a comptabilisé en charges, au titre de l'exercice 2014, une somme de 24 500 euros correspondant à la refacturation d'achats divers par la SARL APC Finances, dont M. A... est le gérant et détient 94 % du capital social. Ainsi que le relève l'administration, ces refacturations, qui correspondent à la fourniture de petit matériel, à des cadeaux, des achats de gâteaux et boissons et des frais de restaurant, ne sont organisées par aucune convention liant les deux sociétés, sont toutes datées du 29 décembre 2014 et présentent un caractère forfaitaire. Elle ajoute que la SARL APC n'a produit, au cours du contrôle, aucune valorisation détaillée de ces frais, ni aucun justificatif. Dans ces conditions, l'administration, qui rappelle les relations d'intérêts existant entre les deux sociétés qui ont le même dirigeant, les mêmes associés et le même siège social, établit que les dépenses en cause n'ont pas été engagées dans l'intérêt de l'entreprise et qu'elles sont constitutives d'un acte anormal de gestion. Par suite, c'est à bon droit que la somme de 24 500 euros a été réintégrée dans le résultat imposable de la SARL APC. 14. En cinquième lieu, la SARL APC a comptabilisé en charges, à hauteur de 24 095 euros en 2014, des prestations facturées par Mme B..., compagne de M. A..., qui exerce une activité individuelle de prestations de ménage sous le nom commercial MT Conseil. Pour remettre en cause le caractère déductible de ces charges, présentées comme correspondant au ménage des locaux de Rillieux-la-Pape et Doussard, l'administration a d'abord relevé l'absence de convention liant la SARL APC et Mme B..., l'existence d'anomalies dans la facturation, qu'il s'agisse de la présentation formelle des factures, de la mention de périodes de réalisation postérieures à leur établissement et de l'absence d'indication du lieu de réalisation des prestations ainsi que la circonstance que les factures étaient réglées avant leur établissement. Elle a également relevé que la SARL APC emploie une salariée comme agent d'entretien pour les locaux de Sevrier et que cette dernière réalisait, au vu des déclarations de salaires établies par la société, en moyenne 14 heures par semaine, alors que, selon les informations données par M. A... lors du contrôle, le ménage des locaux de Sevrier ne l'occupait que 4 à 5 heures par semaine. L'administration a également noté, d'une part, que les locaux de Rillieux-la-Pape n'étaient pas utilisés pour les besoins de l'exploitation de la SARL APC et que celle-ci a également payé à la SARL Generale Elec des prestations d'entretien du bâtiment de Doussard. Elle a, enfin, relevé le prix très élevé des prestations facturées par Mme B... au regard de leur nature et l'absence de justificatif du détail de celles-ci. Par ces éléments, et eu égard à la relation d'intérêt liant les deux sociétés, l'administration établit que les dépenses en cause n'ont pas été engagées dans l'intérêt de l'exploitation de la SARL APC et qu'elles sont constitutives d'un acte anormal de gestion. Par suite, c'est à bon droit qu'elle a remis en cause leur caractère déductible des résultats imposables de l'intéressée. En ce qui concerne l'exercice clos en 2015 : 15. La SARL APC, ainsi qu'il a été dit au point 1, a été taxée d'office au titre de l'exercice clos en 2015 sur le fondement du 2° de l'article L. 66 et de l'article L. 68 du livre des procédures fiscales, sa déclaration de résultat ayant été déposée plus de trente jours après la mise en demeure qui lui a été notifiée le 20 août 2016. Par suite, il lui appartient, en application de l'article L. 193 du même livre, d'établir le caractère exagéré des impositions mises à sa charge. 16. En premier lieu, eu égard à ce qui a été dit aux points 9 à 14 ci-dessus, la SARL APC, qui ne produit aucun justificatif en ce sens, n'établit pas que les charges comptabilisées au cours de l'exercice clos en 2015, correspondant à la location des locaux de Rillieux-la-Pape et d'Oyonnax (soit 20 001, 60 euros, 44 698, 96 euros et 24 832,76 euros), aux frais d'entretien de ces locaux (33 16,46 euros), aux prestations facturées par Mme B... (34 500 euros) et aux refacturations d'achats divers par la SARL APC Finances (36 500 euros) ont été engagées dans l'intérêt de son exploitation. 17. En deuxième lieu, s'agissant des prestations administratives facturées par cette même société, à hauteur de 75 600 euros en 2015, la SARL APC fait valoir que l'administration n'a pas remis en cause le montant comptabilisé à ce titre au cours de l'exercice 2014. Il résulte toutefois de l'instruction que l'administration s'est fondée sur le changement d'effectifs intervenu au sein de la SARL APC Finances, qui employait, en 2014, quatre salariés (une agent d'entretien et une directrice administrative et financière sur l'ensemble de l'année ainsi qu'un responsable de projet et une assistante administrative sur les six premiers mois de l'année) et n'employait plus, en 2015, qu'une agent d'entretien, sa directrice administrative et financière travaillant désormais pour la SARL APC, pour en déduire que la SARL APC Finances ne disposait plus, en 2015, des moyens humains nécessaires à la réalisation de prestations de gestion administrative. Dans ces conditions, la société requérante, qui ne conteste pas le constat opéré par l'administration et se borne à faire état d'une volonté de recentrage de son activité sur le courtage en assurances, n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, de ce que ces dépenses ont été engagées dans l'intérêt de son exploitation. 18. En troisième lieu, si la SARL APC indique que l'administration n'a pas pris en compte, dans l'établissement de la cotisation d'impôt sur les sociétés mise à sa charge au titre de l'exercice 2015, un crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi de 14 265 euros et une réduction d'impôt mécénat de 1 200 euros, elle ne justifie pas de l'existence et du montant de ce crédit et de cette réduction d'impôt. Sur les pénalités : 19. En premier lieu, s'agissant de la pénalité de 40 % pour manquement délibéré appliquée par l'administration, sur le fondement du a. de l'article 1729 du code général des impôts, au titre de l'exercice clos en 2014, la contestation de la SARL APC, énoncée dans les mêmes termes qu'en première instance, doit être écartée par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif au point 19 du jugement attaqué. 20. En second lieu, aux termes de l'article 1728 du code général des impôts : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : (...) / b. 40 % lorsque la déclaration ou l'acte n'a pas été déposé dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure, notifiée par pli recommandé, d'avoir à le produire dans ce délai ; (...) ". 21. Il est constant que la SARL APC a remis en mains propres au vérificateur sa déclaration de résultat de l'exercice clos en 2015, le 3 mars 2017, soit postérieurement à l'expiration du délai de trente jours qui lui était imparti par la mise en demeure du 18 août 2016, réceptionnée le 20 août 2016. Il s'ensuit que l'administration était en droit de lui infliger la pénalité de 40 % prévue par les dispositions précitées, la SARL APC ne pouvant utilement se prévaloir de la circonstance, au demeurant non établie, que ce dépôt tardif serait uniquement imputable à son expert-comptable. 22. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le ministre en défense, que la SARL APC n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : La requête de la SARL APC est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL APC et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023, à laquelle siégeaient : M. Pruvost, président de chambre, Mme Courbon, présidente-assesseure, M. Porée, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre2023. La rapporteure, A. Courbon Le président, D. Pruvost La greffière, N. Lecouey La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, 2 N° 22LY01636 |
CETATEXT000048424159 | J2_L_2023_11_00022LY01710 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/41/CETATEXT000048424159.xml | Texte | CAA de LYON, 2ème chambre, 16/11/2023, 22LY01710, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de LYON | 22LY01710 | 2ème chambre | fiscal | C | M. PRUVOST | BERGER, THIRY Associés (BTA) | Mme Audrey COURBON | Mme LESIEUX | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure La société Gasti a demandé au tribunal administratif de Dijon de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur les salaires auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2016 à 2018. Par un jugement n° 2100504 du 5 avril 2022, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Procédure devant la cour Par une requête, enregistrée le 3 juin 2022, la SAS Gasti, représenté par Me Thiry, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des majorations correspondantes ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la décision de rejet de sa réclamation préalable a été prise par une autorité incompétente, l'administration ayant contrevenu aux termes de sa doctrine référencée BOI-CTX-PREA-10-90 ; - c'est à tort que l'administration a inclus la rémunération versée à M. B..., son seul salarié, dans l'assiette de la taxe sur les salaires, alors que les pièces produites démontrent que ce dernier n'intervenait pas dans le secteur financier, c'est-à-dire dans la gestion patrimoniale de celle-ci ; - les rapports de gérance des années 2016 à 2018 confirment que M. B... n'intervient pas dans la gestion de l'entreprise, qui relève de la seule gérance ; les termes de son contrat de travail confirment cette absence d'intervention ; il ne dispose en tout état de cause d'aucun pouvoir décisionnaire dans le secteur financier. Par un mémoire en défense, enregistré le 20 janvier 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés. Par ordonnance du 13 juillet 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 12 septembre 2023. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Courbon, présidente-assesseure, - et les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique ; Considérant ce qui suit : 1. La société civile Gasti, créée en 2013, transformée en SARL le 24 janvier 2020 puis en SAS le 27 septembre 2021, exerce une activité de holding pour le groupe Andali. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité en matière de taxe sur les salaires qui a porté sur les années 2016 à 2018, à l'issue de laquelle l'administration, après avoir constaté qu'elle était une holding mixte percevant les produits de ses participations et réalisant des prestations de services au bénéfice des autres sociétés du groupe Andali, l'a assujettie, au titre de ces trois années, à la taxe sur les salaires à raison des rémunérations versées à son unique salarié. La SAS Gasti relève appel du jugement du 5 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et des majorations correspondantes. 2. Aux termes de l'article 231 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " 1. Les sommes payées à titre de rémunérations aux salariés, à l'exception de celles correspondant aux prestations de sécurité sociale versées par l'entremise de l'employeur, sont soumises à une taxe égale à 4,25 % de leur montant évalué selon les règles prévues à l'article L. 136-2 du code de la sécurité sociale, sans qu'il soit toutefois fait application du deuxième alinéa du I et du 6° du II du même article. Cette taxe est à la charge des entreprises et organismes qui emploient ces salariés, (...) lorsqu'ils ne sont pas assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée ou ne l'ont pas été sur 90 % au moins de leur chiffre d'affaires au titre de l'année civile précédant celle du paiement desdites rémunérations. L'assiette de la taxe due par ces personnes ou organismes est constituée par une partie des rémunérations versées, déterminée en appliquant à l'ensemble de ces rémunérations le rapport existant, au titre de cette même année, entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total. (...) ". 3. Lorsque les activités d'une entreprise sont, pour l'exercice de ses droits à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, réparties en plusieurs secteurs distincts, la taxe sur les salaires doit être déterminée par secteur, en appliquant aux rémunérations des salariés affectés spécifiquement à chaque secteur le rapport d'assujettissement propre à ce secteur. Toutefois, la taxe sur les salaires des personnels concurremment affectés à plusieurs secteurs doit être établie en appliquant à leurs rémunérations le rapport existant pour l'entreprise dans son ensemble entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total. 4. L'administration a estimé que la rémunération de M. B..., directeur administratif et financier de la société Gasti, et seul salarié de celle-ci, devait être incluse dans l'assiette de la taxe sur les salaires au titre des années 2016 à 2018, dès lors que les fonctions résultant de son contrat de travail l'amenaient à intervenir concurremment dans le secteur financier et patrimonial de celle-ci, non soumis à la taxe sur la valeur ajoutée, et dans celui des prestations de services délivrées aux filiales, soumis à la taxe sur la valeur ajoutée. 5. La société requérante soutient que M. B... était exclusivement affecté au secteur non financier et s'appuie, à cet égard, sur la mention portée sur le rapport de gérance, soumis à l'assemblée générale ordinaire, selon laquelle " la gestion patrimoniale des participations est effectuée exclusivement par la gérance de la société " et sur celle figurant sur le contrat de travail de l'intéressé selon laquelle " la gestion patrimoniale des participations est effectuée par la gérance de la SC Gasti, Monsieur A... B... ne pourra s'immiscer dans cette gestion ". Il résulte toutefois de l'instruction que M. B... avait, aux termes de son contrat de travail, signé le 1er décembre 2005, pour fonctions d'assurer, notamment, le suivi de la comptabilité de l'ensemble des sociétés du groupe Andali, l'établissement de leurs comptes annuels, la préparation des dossiers de révision pour le commissaire aux comptes, la tenue du secrétariat juridique annuel de ces sociétés, l'établissement des situations comptables et des tableaux de bord de ces sociétés, le suivi de la trésorerie du groupe et l'établissement des dossiers d'investissement. Il n'est par ailleurs pas contesté qu'en pratique, il élaborait les dossiers prévisionnels d'activité du groupe, dans lesquels il mentionnait les investissements envisagés, dont les prises de participations et leurs modes de financement et qu'il était, au même titre que le gérant, l'interlocuteur des banques pour faire établir les propositions de financement lors d'opérations de rachat de sociétés. Ces missions, alors même qu'il n'était pas, comme le fait valoir la société, décisionnaire en matière de gestion financière et patrimoniale, relèvent à la fois du secteur financier et du secteur des prestations de services aux filiales. Au demeurant, les fonctions de directeur administratif et financier sont susceptibles de conférer à leur titulaire des pouvoirs qui s'étendent au secteur financier d'une société holding. Ainsi, M. B... doit être regardé comme ayant été concurremment affecté aux deux secteurs d'activité de la société requérante. Par suite, c'est à bon droit que ses rémunérations ont été incluses, par l'administration, dans l'assiette de la taxe sur les salaires de la société Gasti au titre des années 2016 à 2018. 6. Les vices susceptibles d'entacher la décision par laquelle l'administration rejette la réclamation préalable présentée par le contribuable en application de l'article L. 190-1 du livre des procédures fiscales sont sans incidence sur la régularité de la procédure et le bien-fondé de l'imposition. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision du 22 décembre 2012 aurait été signée par une autorité incompétente doit être écarté comme inopérant. Sur ce point, la SAS Gasti ne saurait, en tout état de cause, se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des énonciations de l'instruction administrative référencée BOI-CTX-PREA-10-90, qui traitent des modalités selon lesquelles il est statué sur les réclamations contentieuses et ne contiennent, dès lors, aucune interprétation de la loi fiscale au sens de cet article. 7. Il résulte de ce qui précède que la SAS Gasti n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : La requête de la SAS Gasti est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Gasti et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023, à laquelle siégeaient : M. Pruvost, président de chambre, Mme Courbon, présidente-assesseure, M. Laval, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre2023. La rapporteure, A. Courbon Le président, D. Pruvost La greffière, N. Lecouey La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, 2 N° 22LY01710 |
CETATEXT000048424166 | J2_L_2023_11_00022LY01990 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/41/CETATEXT000048424166.xml | Texte | CAA de LYON, 3ème chambre, 15/11/2023, 22LY01990, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-15 00:00:00 | CAA de LYON | 22LY01990 | 3ème chambre | excès de pouvoir | C | M. TALLEC | ABOUDAHAB | M. Joël ARNOULD | M. DELIANCOURT | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision implicite de rejet née du silence conservé sur sa demande de titre de séjour, puis l'arrêté du 21 février 2022 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de de trente jours, et a désigné le pays de destination de cette mesure d'éloignement. Par un jugement nos 2102326-2201392 du 31 mai 2022, le tribunal administratif de Grenoble a constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur la demande dirigée contre la décision implicite et rejeté la demande dirigée contre l'arrêté du 21 février 2022. Procédure devant la cour Par une requête enregistrée le 30 juin 2022, M. A..., représenté par la SELARL d'avocats Aboudahab, agissant par Me Aboudahab, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 31 mai 2022 du tribunal administratif de Grenoble en ce qu'il a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 21 février 2022 ; 2°) d'annuler cet arrêté du 21 février 2022 ; 3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère, à titre principal, de le munir dans un délai d'un mois d'une carte de résident valable 10 ans, à titre subsidiaire, de lui délivrer dans le même délai une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " et à titre infiniment subsidiaire de le munir sans délai d'une autorisation provisoire de séjour et de travail valable trois mois ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le tribunal administratif de Grenoble a commis une erreur de fait et une erreur de droit dans l'application de l'article 10 c) de l'accord franco-tunisien, en jugeant qu'à la date de l'arrêté attaqué, il n'était pas en situation régulière, puisqu'il avait été muni d'un récépissé de demande de carte de séjour qui était en cours de validité ; - le refus de lui délivrer une carte de résident est entaché d'erreur de fait, d'une erreur d'appréciation et viole l'article 10 c) de l'accord franco-tunisien ; - le préfet de l'Isère n'a pas examiné sa demande fondée sur le 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable, et ainsi entaché son refus de délivrance d'une carte de séjour d'une erreur de droit ; - ce refus viole le 6° de l'ancien l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - l'obligation de quitter le territoire français, qui n'est pas conforme à l'intérêt supérieur de son enfant, viole l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. La requête a été communiquée au préfet de l'Isère, qui n'a pas produit de mémoire en défense. Par une ordonnance du 12 juin 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 4 juillet 2023. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ; - l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Joël Arnould, premier conseiller ; Considérant ce qui suit : 1. M. A..., ressortissant tunisien né en 1989, a sollicité le 14 juin 2019 auprès de la préfecture de l'Isère la délivrance d'un titre de séjour en invoquant sa qualité de père d'un enfant français. Par un arrêté du 21 février 2022, le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de de trente jours, et a désigné le pays de destination de cette mesure d'éloignement. M. A... relève appel du jugement du 31 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a, notamment, rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. 2. Aux termes de l'article 10 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 visé ci-dessus : " 1. Un titre de séjour d'une durée de 10 ans, ouvrant droit à l'exercice d'une activité professionnelle, est délivré de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour sur le territoire français : / (...) c) Au ressortissant tunisien qui est père ou mère d'un enfant français résidant en France, à la condition qu'il exerce, même partiellement, l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins ; (...) ". Aux termes de l'article 11 du même accord : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord. / Chaque Etat délivre notamment aux ressortissants de l'autre Etat tous titres de séjour autres que ceux visés au présent Accord, dans les conditions prévues par sa législation ". Aux termes de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui reprend les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du même code : " 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ". Enfin, aux termes de l'article 372 du code civil : " Les père et mère exercent en commun l'autorité parentale. L'autorité parentale est exercée conjointement dans le cas prévu à l'article 342-11. / Toutefois, lorsque la filiation est établie à l'égard de l'un d'entre eux plus d'un an après la naissance d'un enfant dont la filiation est déjà établie à l'égard de l'autre, celui-ci reste seul investi de l'exercice de l'autorité parentale. (...) L'autorité parentale pourra néanmoins être exercée en commun en cas de déclaration conjointe des père et mère adressée au directeur des services de greffe judiciaires du tribunal judiciaire ou sur décision du juge aux affaires familiales ". 3. En premier lieu, eu égard à l'office du juge d'appel, qui est appelé à statuer d'une part sur la régularité de la décision des premiers juges et d'autre part, sur le litige qui a été porté devant eux, les moyens tirés par M. A... de ce que le jugement du tribunal administratif de Grenoble, en ce qu'il retient qu'il ne séjournait pas régulièrement en France, serait entaché d'une erreur de droit et d'une erreur de fait, doivent être écartés comme inopérants. 4. En deuxième lieu, d'une part, M. A... ne conteste pas qu'il n'exerce pas, même partiellement, l'autorité parentale sur l'enfant qu'il a reconnu le 29 octobre 2018, plus d'un an après sa naissance. D'autre part, le requérant admet qu'il ne vit pas avec la mère de l'enfant, qu'il présente comme sa compagne, et qui réside à Roanne, dans le département de la Loire, alors qu'il vit lui-même à Vienne, dans le département de l'Isère. Si la mère de l'enfant atteste que M. A... lui verse pour celui-ci une pension alimentaire de 150 euros, et que le requérant produit les justificatifs d'un virement de 1 248 euros, intervenu le 6 août 2019, et d'autres virements dont les montants varient entre 55 et 283 euros, intervenus entre décembre 2018 et janvier 2022, il a déclaré, lors du dépôt de sa demande de titre de séjour, ne pas exercer d'activité professionnelle et dépendre alors des ressources de sa concubine. Dans ces circonstances, et alors même que le requérant justifie avoir ultérieurement exercé des emplois salariés, il n'est pas établi qu'il subvient effectivement aux besoins de son fils de nationalité française. C'est dès lors sans commettre d'erreur de fait, ni d'erreur d'appréciation, et sans méconnaître l'article 10-1 c) de l'accord franco-tunisien que le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer une carte de résident. 5. En troisième lieu, il ne ressort pas des termes de l'arrêté attaqué, qui vise l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que le préfet de l'Isère n'aurait pas examiné la possibilité de délivrer une carte de séjour à M. A... sur le fondement de ces dispositions. Le moyen tiré de ce que l'arrêté serait entaché à cet égard d'une erreur de droit ne peut par suite être accueilli. 6. En quatrième lieu, M. A..., pour justifier de sa contribution à l'éducation de son enfant français, avec lequel il ne vit pas, produit seulement quelques photographies et des attestations non circonstanciées de la mère. Ainsi que cela a été exposé ci-dessus, sa contribution à l'entretien de l'enfant ne peut par ailleurs être regardée comme établie. Dès lors, il ne remplit pas les conditions prévues par l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté. 7. En cinquième et dernier lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. 8. M. A... ne justifie par les pièces qu'il produit, ni de liens étroits tissés avec l'enfant français qu'il a reconnu, avec lequel il ne vit pas, ni de sa contribution effective à son entretien. Dans ces circonstances, son éloignement du territoire français ne méconnaît pas l'intérêt supérieur de cet enfant. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit dès lors être écarté. 9. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. 10. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère. Délibéré après l'audience du 31 octobre 2023, à laquelle siégeaient : M. Jean-Yves Tallec, président de chambre, Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure, M. Joël Arnould, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 novembre 2023. Le rapporteur, Joël ArnouldLe président, Jean-Yves Tallec La greffière, Sandra Bertrand La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, 2 N° 22LY01990 |
CETATEXT000048424174 | J2_L_2023_11_00022LY02285 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/41/CETATEXT000048424174.xml | Texte | CAA de LYON, 3ème chambre, 15/11/2023, 22LY02285, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-15 00:00:00 | CAA de LYON | 22LY02285 | 3ème chambre | excès de pouvoir | C | M. TALLEC | GUERAULT | M. Joël ARNOULD | M. DELIANCOURT | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 3 juin 2022 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Par un jugement n° 2203509 du 24 juin 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Grenoble l'a admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, a réservé les moyens et conclusions dirigées contre le refus de délivrance d'un titre de séjour et au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 jusqu'à ce qu'il soit statué par jugement en formation collégiale, et rejeté le surplus de la demande. Par un jugement n° 2203509 du 30 septembre 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté les conclusions de la demande de M. A... dirigées contre le refus de délivrance d'un titre de séjour et ses conclusions au titre des frais de l'instance. Procédure devant la cour I- Par une requête enregistrée le 21 juillet 2022 sous le n° 22LY02285 et des mémoires enregistrés les 28 décembre 2022 et 4 avril 2023, M. A..., représenté par Me Guérault, avocat, demande à la cour : 1°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ; 2°) d'annuler le jugement du 24 juin 2022 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Grenoble, en ce qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions ; 3°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Isère du 3 juin 2022 en ce qu'il lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans ; 4°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, jusqu'au réexamen de sa situation administrative, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de saisir le service compétent en vue de procéder à l'effacement de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, dans un délai de trente jours, sous une astreinte de 100 euros par jour de retard ; 5°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à son avocat d'une somme de 1 500 euros hors taxes en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ou, s'il n'obtenait pas l'aide juridictionnelle, le paiement d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, outre intérêt au taux légal. Il soutient que : - l'obligation de quitter le territoire français viole le 3° et le 5° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - l'obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et l'interdiction de retour sur le territoire français violent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - ces mesures sont illégales en ce qu'elles sont fondées sur le refus de délivrance d'un titre de séjour, qui viole également les mêmes stipulations ; - elles sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation ; - sa présence en France ne menace pas l'ordre public ; - la commission du titre de séjour n'a pas été consultée. Par des mémoires enregistrés le 3 février 2023 et le 9 juin 2023 (ce dernier n'ayant pas été communiqué) le préfet de l'Isère conclut au rejet de la requête. Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par M. A... n'est fondé. Le bénéfice de l'aide juridictionnelle a été refusé à M. A... par une décision du 19 octobre 2022. Par ordonnance du 12 juin 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 4 juillet 2023. II- Par une requête enregistrée le 3 avril 2023 sous le n° 23LY01192 et un mémoire enregistré le 4 avril 2023, M. A..., représenté par Me Guérault, avocat, demande à la cour : 1°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ; 2°) d'annuler le jugement du 30 septembre 2022 du tribunal administratif de Grenoble ; 3°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Isère du 3 juin 2022 en ce qu'il lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour ; 4°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et dans l'attente, de le munir d'un récépissé l'autorisant à séjourner et travailler en France dans un délai de huit jours à compter de la même date une autorisation provisoire de séjour dans un délai de 15 jours, jusqu'au réexamen de sa situation administrative, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; 5°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à son avocat d'une somme de 1 500 euros hors taxes en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ou, s'il n'obtenait pas l'aide juridictionnelle, le paiement d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, outre intérêt au taux légal. Il soutient que : - la commission du titre de séjour n'a pas été consultée. - sa présence en France ne menaçant pas l'ordre public, le refus de lui délivrer un titre de séjour viole l'article L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ; - le refus de lui délivrer un titre de séjour viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; La requête a été communiquée au préfet de l'Isère, qui n'a pas produit de mémoire en défense. Le bénéfice de l'aide juridictionnelle a été refusé à M. A... par une décision du 1er février 2023. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ; - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - l'accord du 9 octobre 1987 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Joël Arnould, premier conseiller ; Considérant ce qui suit : 1. M. A..., ressortissant marocain né en 1983, alors incarcéré au centre pénitentiaire de Varce, a saisi le préfet de l'Isère le 1er juillet 2019 d'une demande tendant au renouvellement de son titre de séjour, en faisant valoir sa qualité de parent d'enfants français. Par un arrêté du 3 juin 2022, le préfet de l'Isère lui a opposé un refus, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. M. A... relève appel des jugements des 24 juin et 30 septembre 2022 par lesquels le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. 2. Les deux requêtes de M. A... sont dirigées contre des jugements rendus sur la même demande dont il avait saisi le tribunal administratif de Grenoble, tendant à l'annulation du même arrêté du 3 juin 2022. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt. Sur les conclusions tendant à l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle : 3. Par des décisions du 19 octobre 2022 et du 1er février 2023, le bureau de l'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Lyon a refusé à M. A... le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, ses conclusions tendant à l'admission provisoire au bénéfice de cette aide ne peuvent être que rejetées. Sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement du 30 septembre 2022 et du refus de délivrance d'un titre de séjour : 4. Par le jugement du 30 septembre 2022 contesté, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté les conclusions de la demande de M. A... dirigées contre le refus de renouvellement de son titre de séjour, au motif que celles-ci n'étaient assorties d'aucun moyen. Dans son appel, M. A... ne conteste pas cette irrecevabilité. Dans ces circonstances, les moyens par lesquels il conteste la légalité du refus de renouvellement de son titre de séjour doivent être écartés comme inopérants. Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français sans délai : 5. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents (...) ". 6. Pour prendre la mesure d'éloignement litigieuse, le préfet de l'Isère s'est fondé sur le motif tiré de ce que le renouvellement du titre de séjour de M. A... lui avait été refusé. En ce qui concerne l'exception d'illégalité du refus de renouvellement du titre de séjour : 7. En premier lieu, M. A... a été condamné le 8 avril 2015 par le tribunal correctionnel de Grenoble à une peine de quatre mois d'emprisonnement avec sursis assorti d'une mise à l'épreuve pour des faits de dégradation ou détérioration d'un bien appartenant à autrui, vol et violence n'ayant pas entraîné d'incapacité sur son ex conjointe. Le 2 mai 2017, il a été condamné par la même juridiction à une peine d'emprisonnement de six mois et à une peine de confiscation pour des faits de dégradation ou détérioration du bien d'autrui en récidive, et violation de domicile. Le 23 mars 2020, la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Grenoble l'a condamné à trois ans d'emprisonnement dont un an et six mois avec sursis assorti d'une mise à l'épreuve pour des violences aggravées ayant entraîné une incapacité n'excédant pas huit jours à l'égard de son ex conjointe. Le 1er mars 2022, il a été provisoirement incarcéré et par un jugement du 7 mars suivant, le juge d'application des peines a révoqué ce sursis à hauteur de six mois, pour violation des conditions qui lui étaient associées, à savoir les interdictions d'entrer en contact avec la victime et de l'approcher, les justifications invoquées par l'intéressé n'ayant pas été considérées légitimes. Si le requérant fait valoir que les faits délictueux les plus récents pour lesquels il a été condamné étaient anciens de deux ans et demi à la date de l'arrêté attaqué, le juge d'application des peines a relevé l'ouverture d'une enquête pour une altercation entre l'intéressé et la mère de ses enfants survenue le 24 décembre 2021. Compte tenu de la gravité des faits reprochés, de leur caractère répété, et de ce que le requérant avait été incarcéré pour violation des conditions de son sursis avec mise à l'épreuve, c'est à bon droit que le préfet de l'Isère s'est fondé sur le motif tiré de ce que la présence du requérant en France menaçait l'ordre public, pour refuser le renouvellement de son titre de séjour. 8. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". 9. M. A... fait valoir qu'il est père de trois enfants de nationalité française qui résident en France, où vit également l'un de ses frères, et il invoque la durée de son séjour en France, ainsi que les problèmes de santé pour lesquels il y est pris en charge. Toutefois, eu égard à la menace qu'il représente pour l'ordre public, le refus de renouveler son titre de séjour ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts motivant ce refus, et le moyen tiré de ce qu'il violerait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut dès lors être accueilli. 10. En troisième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". 11. M. A... a été condamné à plusieurs reprises pour des délits commis au détriment de la mère des trois enfants de nationalité française dont il se prévaut de la présence en France. Dans ces circonstances, et en dépit des déclarations au demeurant peu circonstanciées de la mère de ces enfants, le refus de renouveler le titre de séjour du requérant ne méconnaît pas leur intérêt supérieur, et le moyen tiré de la violation de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté. 12. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ". Aux termes de l'article L. 432-13 du même code : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : 1° Lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer ou de renouveler la carte de séjour temporaire prévue aux articles (...) L. 423-7 (...) à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance (...) ". Il résulte de ces dernières dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du seul cas des étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues notamment à l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité, et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de cet article. 13. M. A... ne justifie pas des conditions dans lesquelles il a reconnu sa fille née postérieurement à son divorce, et par suite n'établit pas exercer sur elle l'autorité parentale. S'agissant des deux autres enfants, s'il produit des permis de visite délivrés à l'un d'entre eux et à sa jeune sœur pour la période durant laquelle il était incarcéré, ainsi que des attestations aux termes desquelles il lui aurait effectivement rendu visite, et contribuerait financièrement à l'entretien de ses enfants, ces pièces, rédigées dans des termes non circonstanciés, n'établissent pas qu'il contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de ces enfants depuis leur naissance ou depuis au moins deux ans. Ainsi, le requérant n'établit pas qu'il remplissait les conditions pour la délivrance d'une carte de séjour sur le fondement de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et le moyen tiré de ce que le préfet de l'Isère devait saisir la commission du titre de séjour avant de statuer sur sa demande de renouvellement de son titre de séjour, doit être écarté. 14. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité du refus de renouvellement de son titre de séjour à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français et du refus de lui accorder un délai de départ volontaire. En ce qui concerne les autres moyens : 15. Aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 3° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans, sauf s'il a été, pendant toute cette période, titulaire d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant la mention " étudiant " ; (...) 5° L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans ; (...) ". 16. D'une part, si M. A... soutient avoir résidé régulièrement en France depuis 2005, il ne produit pas la copie de ses titres de séjour justifiant le caractère continu de ce séjour, et n'allègue pas qu'à la date de l'arrêté attaqué, il restait titulaire d'un titre ou d'un récépissé en cours de validité. Il ne remplit par suite pas les conditions du 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. 17. D'autre part, comme cela a été exposé au point 13 ci-dessus, M. A... ne justifie pas exercer l'autorité parentale sur la fille née postérieurement à son divorce, ni contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de ses deux autres enfants depuis leur naissance ou depuis au moins deux ans. Dès lors, il ne remplit pas davantage les conditions du 5° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. 18. Enfin, pour les mêmes motifs que ceux déjà exposés ci-dessus, l'obligation faite à M. A... de quitter le territoire français sans délai ne porte pas au droit du requérant à sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée et ne méconnaît pas l'intérêt supérieur de ses enfants. Les moyens tirés de ce que ces mesures méconnaîtraient les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ne peuvent dès lors être accueillis. Sur la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français durant deux ans : 19. En premier lieu, M. A... a résidé régulièrement en France à compter de l'année 2005, au cours de laquelle il a obtenu la délivrance d'un titre de séjour en sa qualité de conjoint d'une Française. Toutefois, il a divorcé et a interdiction d'entrer en contact ou d'approcher la mère de ses trois enfants, qui peuvent lui rendre visite dans son pays d'origine. Sa présence en France constitue en outre une menace pour l'ordre public. Dans ces circonstance, l'interdiction de retour sur le territoire français prononcée à son encontre pour une durée de deux ans ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels cette mesure a été prise. Le moyen tiré de ce que cette interdiction de retour sur le territoire français méconnaîtrait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut part suite être accueilli. 20. En deuxième lieu, M. A... justifie entretenir des liens avec ses enfants, les deux plus jeunes lui ayant notamment rendu visite au cours de sa détention. Toutefois, il a été condamné à plusieurs reprises pour des délits commis au détriment de leur mère, qu'il a interdiction d'approcher. Dans ces circonstances, l'interdiction de retour sur le territoire français prononcée à son encontre ne méconnaît pas l'intérêt supérieur de ses enfants, et le moyen tiré de ce que cette mesure violerait l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté. 21. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de l'Isère du 3 juin 2022. Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte : 22. Le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution de la part de l'administration. Les conclusions de la requête aux fins d'injonction et d'astreinte doivent dès lors être rejetées. Sur les frais liés au litige : 23. M. A... n'ayant pas été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle, son avocat ne peut pas se prévaloir de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Par ailleurs, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la cour mette à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés pour l'instance par M. A.... DÉCIDE : Article 1er : Les requête n° 22LY02285 et n° 23LY01192 de M. A... sont rejetées. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère. Délibéré après l'audience du 31 octobre 2023, à laquelle siégeaient : M. Jean-Yves Tallec, président de chambre, Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure, M. Joël Arnould, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 novembre 2023. Le rapporteur, Joël ArnouldLe président, Jean-Yves Tallec La greffière, Sandra Bertrand La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, 2 Nos 22LY02285 et 23LY01192 |
CETATEXT000048424177 | J2_L_2023_11_00022LY02301 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/41/CETATEXT000048424177.xml | Texte | CAA de LYON, 3ème chambre, 15/11/2023, 22LY02301, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-15 00:00:00 | CAA de LYON | 22LY02301 | 3ème chambre | excès de pouvoir | C | M. TALLEC | REMEDEM | Mme Emilie FELMY | M. DELIANCOURT | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 20 juin 2022 par lequel le préfet du Puy-de-Dôme lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement, et lui a opposé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Par un jugement n° 2204713 du 24 juin 2022, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Procédure devant la cour Par une requête, enregistrée le 26 juillet 2022, M. B..., représenté par Me Remedem, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon du 24 juin 2022 ; 2°) d'annuler l'arrêté du 20 juin 2022 par lequel le préfet du Puy-de-Dôme lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit d'office, et lui a opposé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans ; 3°) d'enjoindre au préfet du Puy-de-Dôme de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois et dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : l'obligation de quitter le territoire français : - est illégale en raison de l'illégalité du refus de séjour dès lors que le préfet aurait dû saisir la commission du titre de séjour de sa situation, que ce refus méconnaît l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et que le préfet, en n'exerçant pas son pouvoir de régularisation, a méconnu l'étendue de sa compétence ; - méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle et familiale ; - méconnaît les dispositions de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - méconnaît les dispositions de l'article L. 611-3 du même code ; la décision fixant le pays de destination : - est entachée d'un défaut d'examen de sa situation ; - méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la décision de refus de délai de départ volontaire est entachée d'une erreur de fait dès lors que l'autorité administrative a estimé à tort qu'il ne présentait aucune garantie de représentation suffisante ; la décision d'interdiction de retour : - est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant éloignement ; - est insuffisamment motivée ; - a été prise en violation des articles L. 612-6 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - est entachée d'une erreur d'appréciation. Le préfet du Puy-de-Dôme, auquel la requête a été communiquée, n'a pas produit de mémoire. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ; - l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié, en matière de séjour et de travail ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de Mme Felmy, présidente-assesseure, a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., né le 21 février 1978, de nationalité tunisienne, est entré en France le 30 août 2004 muni d'un visa de court séjour " Schengen " délivré par les autorités françaises à Tunis. A l'expiration de son visa, l'intéressé s'est maintenu en France de manière irrégulière et a fait l'objet de trois arrêtés portant refus de séjour avec éloignement, le 3 septembre 2013 du préfet de la Seine-Saint-Denis, et les 11 juin 2015 et 21 août 2016 du préfet du Puy-de-Dôme. Le 21 décembre 2021, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié auprès des services de la préfecture du Puy-de-Dôme. Interpellé le 20 juin 2022, il a été placé en garde à vue pour usage de faux documents administratifs, ayant utilisé une carte d'identité italienne factice pour occuper un emploi de menuisier. Par un arrêté du 20 juin 2022, le préfet du Puy-de-Dôme a refusé à M. B... le titre de séjour sollicité en qualité de salarié, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il sera reconduit, et lui a en outre opposé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. M. B... interjette appel du jugement du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon du 24 juin 2022 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 juin 2022 portant obligation de quitter le territoire français, fixation du pays de destination de cette mesure et interdiction de retour sur le territoire français pendant deux ans. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français : 2. En premier lieu, d'une part, ainsi que le magistrat désigné l'a retenu, si M. B... soutient que le préfet a entaché son arrêté d'une erreur de droit en méconnaissant l'étendue de sa compétence et une erreur d'appréciation en refusant de mettre en œuvre son pouvoir de régularisation, il ressort des pièces du dossier que le requérant n'a demandé son admission au séjour qu'en qualité de salarié, et qu'un tel titre, dont la délivrance est entièrement régie par les stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien susvisé, n'est pas ouverte aux ressortissants tunisiens pour des motifs exceptionnels au sens de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En outre, il ressort des termes de la décision attaquée que le préfet, qui a examiné la situation de M. B... au regard de sa situation familiale et de l'existence de circonstances particulières, n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en considérant que ce dernier ne justifiait ni de motifs humanitaires, ni de circonstances exceptionnelles, au regard tant de l'ancienneté de son séjour, dont la continuité n'est, contrairement à ce qu'il soutient, pas démontrée depuis 2006, de sa situation personnelle et familiale et notamment des attaches dont il dispose en Tunisie, que de l'activité professionnelle dont il justifie, le requérant se bornant à soutenir avoir occupé des emplois sur une longue période. D'autre part, il y a lieu par adoption des motifs retenus par le premier juge, en l'absence de tout nouvel élément produit par le requérant en appel, d'écarter les moyens tirés du défaut de saisine de la commission du titre de séjour, de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation que le préfet aurait commise, les termes de l'arrêté en litige révélant que le préfet a pris en compte la situation du requérant avant de l'édicter. Par suite, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision de refus de séjour doit être écarté en toutes ses branches. 3. En deuxième lieu, si M. B... soutient que les dispositions de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile auraient été méconnues, il ne conteste pas relever du 2° de cet article. Dès lors, quand bien même le préfet n'est pas, sur ce point, en situation de compétence liée pour obliger un étranger à quitter le territoire français, et alors qu'il résulte de ce qui a été dit aux points précédents que cette autorité a pris en compte sa situation tant familiale que professionnelle, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait méconnu ces dispositions. 4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) 2° L'étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans ; / 3° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans, sauf s'il a été, pendant toute cette période, titulaire d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant la mention " étudiant " ; / 4° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de vingt ans ; / 5° L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans ; / 6° L'étranger marié depuis au moins trois ans avec un conjoint de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage et que le conjoint ait conservé la nationalité française ; / 7° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans et qui est marié depuis au moins trois ans avec un ressortissant étranger relevant du 2°, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessée depuis le mariage ; / (...). ". 5. En se bornant à soutenir qu'il est présent en France depuis plus de dix ans, M. B... n'établit pas entrer dans le champ d'application des dispositions précitées. En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination de l'obligation de quitter le territoire français : 6. Si M. B... invoque nouvellement en appel les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme et du défaut d'examen particulier de sa situation personnelle au regard des craintes qu'il invoque en cas de retour dans son pays d'origine, il ressort des pièces du dossier qu'il n'a pas fait part, lors de l'examen de sa situation par l'administration, de telles craintes. En outre, en se bornant à faire état d'une " situation difficile " en Tunisie sans autre précision, il ne met pas la cour à même d'apprécier la portée et le bien-fondé de ces moyens. En ce qui concerne la décision lui refusant un délai de départ volontaire : 7. M. B... réitère en appel son moyen tiré de l'erreur de fait présenté en première instance contre la décision lui refusant tout délai de départ, sans toutefois l'assortir d'éléments nouveaux. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge, d'écarter ce moyen. En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français : 8. Il y a également lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge et dès lors que M. B... n'apporte aucun élément nouveau en appel à ce titre, d'écarter les moyens qu'il invoque à l'encontre de la décision susvisée, tirés de l'exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, de l'absence de motivation de cette décision et de la disproportion qui l'entacherait. 9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte doivent, par voie de conséquence, être également rejetées. Sur les frais liés au litige : 10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, la somme que M. B... demande au titre de ces dispositions et de celles de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet du Puy-de-Dôme. Délibéré après l'audience du 31 octobre 2023, à laquelle siégeaient : M. Jean-Yves Tallec, président de chambre, Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure, M. Joël Arnould, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 novembre 2023. La rapporteure, Emilie FelmyLe président, Jean-Yves Tallec La greffière, Sandra Bertrand La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, 2 N° 22LY02301 |
CETATEXT000048424193 | J2_L_2023_11_00022LY03032 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/41/CETATEXT000048424193.xml | Texte | CAA de LYON, 3ème chambre, 15/11/2023, 22LY03032, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-15 00:00:00 | CAA de LYON | 22LY03032 | 3ème chambre | excès de pouvoir | C | M. TALLEC | CENTAURE AVOCATS | Mme Emilie FELMY | M. DELIANCOURT | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 29 avril 2022 par lequel le préfet de la Côte-d'Or l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination de son éloignement et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant un an, ainsi que la décision du même jour l'assignant à résidence. Par un jugement n° 2201123 du 5 mai 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Procédure devant la cour Par une requête, enregistrée le 18 octobre 2022, M. A..., représenté par Me Nourani, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Dijon du 5 mai 2022 ; 2°) d'annuler l'arrêté du 29 avril 2022 par lequel le préfet de la Côte-d'Or l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination de son éloignement et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant un an ; 3°) d'enjoindre au préfet de la Côte-d'Or de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler et de procéder au réexamen de sa situation, dans le délai d'un mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : L'obligation de quitter le territoire français : - est insuffisamment motivée ; - méconnaît les stipulations des articles 8, 12 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ; La décision le privant d'un délai de départ volontaire : - est insuffisamment motivée ; - est irrégulière dès lors qu'il n'a pas été mis à même de présenter ses observations ; - est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation ; - est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ; - méconnaît le droit fondamental au mariage ; - est entachée d'une erreur d'appréciation quant à l'existence d'un risque de fuite ; - est entachée d'un défaut de base légale dès lors que les dispositions de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile méconnaissent l'article 1er et l'article 3 de la directive 2008/115/CE ; - est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; La décision fixant le pays de destination : - est entachée d'un défaut de motivation ; - est illégale du fait de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ; - est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et porte atteinte à son droit à mener une vie familiale normale ; La décision d'interdiction de retour sur le territoire français : - est insuffisamment motivée ; - est illégale du fait de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ; - est entachée d'un défaut d'examen sérieux ; - est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; - méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par un mémoire en défense, enregistré le 24 mars 2023, le préfet de la Côte-d'Or, représenté par Me Rannou, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 500 euros soit mise à la charge de M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que les moyens invoqués par M. A... ne sont pas fondés. Par une décision du 21 septembre 2022, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé l'aide juridictionnelle totale à M. A.... Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne ; - la directive n° 2008/115/CE du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de Mme Felmy, présidente-assesseure, a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B... A..., ressortissant tunisien né le 2 octobre 1987, est entré en France le 26 février 2018 sous couvert d'un visa de court séjour. Le 20 avril 2022, il a été entendu par les services de la police aux frontières dans le cadre d'une enquête, diligentée par le procureur de la République, relative à son projet de mariage avec une ressortissante française. Par un arrêté du 29 avril 2022, le préfet de la Côte-d'Or l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé la Tunisie comme pays de destination de la mesure d'éloignement et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une année. Par un second arrêté du même jour, le préfet a assigné M. A... à résidence dans le département de la Côte-d'Or pour une durée de quarante-cinq jours. M. A... interjette appel du jugement par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 avril 2022 l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination de cette mesure et lui interdisant de revenir sur ce territoire. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne les moyens communs aux décisions en litige : 2. En premier lieu, en vertu du premier alinéa de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée ". Aux termes de l'article L. 613-2 du même code : " Les décisions relatives au refus (...) du délai de départ volontaire prévues aux articles L. 612-2 et L. 612-5 et les décisions d'interdiction de retour (...) prévues aux articles L. 612-6, L. 612-7, L. 612-8 et L. 612-11 sont distinctes de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Elles sont motivées ". 3. Ainsi que la magistrate désignée l'a retenu, la décision portant obligation de quitter le territoire français vise le 2° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et mentionne que M. A... est entré en France sous couvert d'un visa de court séjour de type C valable pour les Etats de l'espace Schengen du 16 février 2018 au 14 août 2018, qu'il s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité du visa sans être en possession des documents et visas exigés par l'article L. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'il n'est pas titulaire d'un titre de séjour ni n'en a sollicité la délivrance. Elle reprend les principaux éléments de la situation personnelle et familiale du requérant ainsi que les stipulations conventionnelles dont elle fait application et notamment les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, la décision, qui comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde, est suffisamment motivée. Le refus par l'autorité administrative d'accorder au requérant un délai de départ volontaire est motivé par le risque qu'il se soustraie à l'exécution de la mesure d'éloignement prise à son encontre, eu égard notamment à l'absence de présentation de documents d'identité et de voyage, à son maintien irrégulier sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour, et à la circonstance qu'il a déclaré lors de son audition par les services de police le 20 avril 2022 qu'il ne voulait pas regagner la Tunisie et l'absence de garanties de représentation suffisantes. En outre, cette décision de refus vise le 3° de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les 2°, 4° et 8° de l'article L. 612-3 du même code. La décision fixant le pays de destination mentionne la nationalité du requérant et l'absence de risque de traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour de M. A... dans son pays d'origine, elle est ainsi également suffisamment motivée. Enfin, la décision portant interdiction de retour pour une durée d'un an, reprenant une partie des motifs déjà énoncés relatifs à l'irrégularité de son séjour et à son concubinage avec une ressortissante française, retient que M. A... n'a pas d'enfant, est dépourvu de toute attache familiale sur le territoire français, a vécu la majeure partie de sa vie dans son pays d'origine où résident ses parents et ses quatre frères et sœurs, n'a pas entrepris de démarches visant à renouveler son titre de séjour, et ne justifie pas disposer de moyens d'existence légaux. La décision présente ainsi une motivation spécifique concernant l'interdiction de retour sur le territoire et sa durée évoquées par l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ces énoncés permettent au requérant de comprendre le sens et la portée des décisions attaquées à leur seule lecture, le mettent en mesure de les discuter utilement et permettent au juge d'en contrôler les motifs. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation des décisions attaquées doit être écarté. 4. En deuxième lieu, eu égard notamment à la motivation de l'arrêté telle que rappelée au point précédent, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Côte-d'Or n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. A..., la circonstance qu'il fasse état d'une part du séjour irrégulier du requérant et de la vérification de son droit au séjour à la suite de la demande de mariage qu'il a formulée en mairie, d'autre part, du risque de fuite le caractérisant n'étant pas de nature, contrairement à ce que celui-ci soutient, à caractériser l'absence de prise en compte de sa situation particulière. En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire : 5. En premier lieu, le requérant réitère en appel, à l'encontre de la décision d'éloignement, sans les assortir d'éléments nouveaux, ses moyens tirés de l'erreur de droit que le préfet aurait commise du fait de la méconnaissance des articles 9 de la charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne et 8 et 12 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation et de l'erreur du préfet à n'avoir pas mis en œuvre son pouvoir de régularisation en raison de considérations exceptionnelles ou de motifs humanitaires. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par la magistrate désignée, d'écarter l'ensemble de ces moyens, le requérant disposant de la faculté de revenir sur le territoire français pour y célébrer son union avec son épouse, et l'état de grossesse de cette dernière constituant une circonstance postérieure à l'arrêté attaqué sans influence sur la légalité de cet acte. 6. En deuxième lieu, et dès lors que le requérant ne développe en appel aucun autre argument également sur ces points, il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus à bon droit par la magistrate désignée, les moyens dirigés contre la décision refusant à M. A... un délai de départ volontaire, tirés du non-respect du principe du contradictoire préalablement à l'édiction de la décision, de l'exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, de l'erreur d'appréciation quant à l'existence d'un risque de fuite et de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et de l'exception d'illégalité de ce dernier article au regard des articles 1er et 3 de la directive 2008/115/CE susvisée. En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination : 7. Il y a également lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge et dès lors que M. A... n'apporte aucun élément nouveau en appel à ce titre, d'écarter les moyens qu'il invoque à l'encontre de la décision susvisée, tirés de l'exception d'illégalité de la décision d'obligation de quitter le territoire français, de l'erreur manifeste d'appréciation et de l'atteinte disproportionnée à son droit à mener une vie familiale normale. En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français : 8. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Selon l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ". Selon l'article L. 613-5 de ce code : " L'étranger auquel est notifiée une interdiction de retour sur le territoire français est informé qu'il fait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, conformément à l'article 24 du règlement (UE) n° 2018/1861 du Parlement européen et du Conseil du 28 novembre 2018 sur l'établissement, le fonctionnement et l'utilisation du système d'information Schengen (SIS) dans le domaine des vérifications aux frontières, modifiant la convention d'application de l'accord de Schengen et modifiant et abrogeant le règlement (CE) n° 1987/2006. ". 9. En premier lieu, compte tenu des motifs retenus aux points 3 à 5 du présent arrêt, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté. 10. En deuxième lieu, si M. A... fait valoir qu'il participe à des activités associatives et bénéficie d'une promesse d'embauche, qu'il s'est ainsi inséré socialement en France où il entretient des liens personnels forts et où il a établi le centre de ses intérêts amicaux et familiaux, et qu'il s'est marié le 21 mai 2022 avec sa compagne de nationalité française, il ressort des pièces du dossier qu'il ne justifiait, à la date de la décision attaquée, que d'une présence en France depuis trois ans, où il s'est maintenu en situation irrégulière. Le mariage dont il fait état est postérieur à la décision attaquée, tout comme la circonstance que son épouse est enceinte de leur premier enfant commun, et que celui-ci est né en mai 2023. Ces éléments ne permettent pas d'établir que le préfet de la Côte-d'Or aurait méconnu les dispositions citées au point 8 ou qu'il aurait commis une erreur d'appréciation ou entaché sa décision de disproportion en interdisant à M. A..., le 29 avril 2022, de revenir sur le territoire français pendant une durée d'un an, alors même que sa présence sur le territoire français ne constitue pas une menace à l'ordre public et qu'il n'a pas fait l'objet d'une précédente obligation de quitter le territoire français. 11. En troisième lieu, la décision par laquelle le préfet de la Côte-d'Or a interdit à M. A... de revenir sur le territoire français avant un an n'a ni pour objet ni pour effet d'interdire à l'intéressé de se marier. La décision contestée n'a, par conséquent, et eu égard notamment au caractère récent de la relation alléguée avec son épouse, pas méconnu les articles 9 de la charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne et 8 et 12 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte doivent, par voie de conséquence, être également rejetées. Sur les frais liés au litige : 13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, la somme que M. A... demande au titre de ces dispositions et de celles de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par le préfet de la Côte-d'Or sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative D E C I D E : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Les conclusions présentées par le préfet de la Côte-d'Or sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or. Délibéré après l'audience du 31 octobre 2023, à laquelle siégeaient : M. Jean-Yves Tallec, président de chambre, Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure, M. Joël Arnould, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 novembre 2023. La rapporteure, Emilie FelmyLe président, Jean-Yves Tallec La greffière, Sandra Bertrand La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, 2 N° 22LY03032 |
CETATEXT000048424219 | J2_L_2023_11_00023LY00097 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/42/CETATEXT000048424219.xml | Texte | CAA de LYON, 2ème chambre, 16/11/2023, 23LY00097, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de LYON | 23LY00097 | 2ème chambre | excès de pouvoir | C | M. PRUVOST | FRERY | M. Arnaud POREE | Mme LESIEUX | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure M. A... et Mme D... C... ont, chacun en ce qui le concerne, demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les arrêtés du 2 juin 2020 par lesquels le préfet de l'Ain a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à compter de la cessation de l'état d'urgence sanitaire, a fixé le pays de destination et a prononcé à leur encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de six mois. Par un jugement nos 2202419 - 2202420 du 9 août 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes. Procédure devant la cour Par une requête, enregistrée le 10 janvier 2023, M A... et Mme E..., représentés par Me Frery, demandent à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler les arrêtés du préfet de l'Ain ; 3°) d'enjoindre à la préfète de l'Ain de leur délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou à défaut, de réexaminer leur situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et de les munir dans l'attente d'une autorisation provisoire de séjour les autorisant à travailler ; 4°) d'enjoindre à la préfète de l'Ain de procéder sans délai à l'effacement de leur signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen ; 5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros à verser à leur conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et ce, à charge pour le conseil, de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle, en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Ils soutiennent que : - les décisions de refus de titre de séjour méconnaissent le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elles sont entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur leur situation personnelle ; - les obligations de quitter le territoire français sont illégales du fait de l'illégalité des décisions de refus de séjour qui les fondent ; - ces décisions méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elles sont entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur leur situation personnelle ; - les décisions fixant le pays de destination sont illégales du fait de l'illégalité des obligations de quitter le territoire français qui les fondent ; - ces décisions méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elles sont entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur leur situation personnelle ; - les décisions portant interdiction de retour sur le territoire français sont illégales du fait de l'illégalité des obligations de quitter le territoire français qui les fondent ; - elles méconnaissent le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et sont entachées d'erreur d'appréciation dans l'application de ces dispositions ; - elles méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, la requête a été dispensée d'instruction. M. et Mme C... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 décembre 2022. Vu : - les autres pièces du dossier ; Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative ; Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Porée, premier conseiller, - et les observations de Me Tronquet, substituant Me Frery, représentant M. et Mme C... ; Considérant ce qui suit : 1. M. et Mme C..., de nationalité kosovienne, nés respectivement les 3 septembre 1956 et 29 mars 1962, sont entrés sur le territoire français respectivement, selon leurs déclarations, en mars et décembre de l'année 2011. Leurs demandes d'asile ont été rejetées. M. et Mme C... ont demandé auprès de la préfecture de l'Ain la délivrance d'un titre de séjour au titre de la vie privée et familiale. Par deux arrêtés du 2 juin 2020, le préfet de l'Ain a refusé de faire droit à leurs demandes, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à compter de la cessation de l'état d'urgence sanitaire, a fixé le pays de destination et a prononcé à leur encontre des interdictions de retour sur le territoire français pour une durée de six mois. Par un jugement du 10 décembre 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes en annulation de ces arrêtés. Par un arrêt du 30 mars 2022, la cour administrative d'appel de Lyon a annulé ce jugement et a renvoyé l'affaire au tribunal administratif. M. et Mme C... relèvent appel du jugement du 9 août 2022 par lequel le tribunal administratif de Lyon a, à nouveau, rejeté leurs demandes. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Si M. et Mme C... font valoir que les premiers juges ont retenu à tort l'existence d'obligations de quitter le territoire antérieures et anciennes dans le cadre de l'examen de leur vie privée et familiale, et ont ainsi commis une erreur de droit, qu'une partie de la motivation du jugement du tribunal administratif est erronée, et que les premiers juges n'ont pas motivé leur jugement de manière sérieuse relativement aux interdictions de retour sur le territoire français en ne tirant pas toutes les conséquences juridiques de l'article L. 511-1-III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ces moyens, qui ont trait au bien-fondé du jugement, sont sans incidence sur sa régularité. Sur les décisions de refus de titre de séjour : 3. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " 4. M. et Mme C... ont vécu respectivement cinquante-quatre ans et quarante-neuf ans au Kosovo, où ils ne peuvent être dépourvus de toute attache personnelle. S'ils séjournent en France depuis l'année 2011, ils ne justifient pas d'une insertion particulière dans la société française en se limitant à se prévaloir de leur durée de séjour. En outre, si M. et Mme C... soutiennent qu'ils vivent en France chez leur fils et leur belle-fille avec leurs deux petits-enfants, tous de nationalité française, ils ont un autre fils et une fille qui vivent au Kosovo et qui ont des enfants. La circonstance, à la supposer établie, que la présence de M. et Mme C... serait indispensable pour leurs petits-enfants lors de l'absence de leur fils et de leur belle-fille, ne leur donne, en soi, aucun droit au séjour en France. Enfin, M. et Mme C... ne démontrent pas avoir des états de santé fragiles en se limitant à produire des certificats d'un médecin généraliste indiquant seulement que leur suivi médical régulier est fait auprès de celui-ci. Par suite, les moyens tirés de la violation de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences des décisions contestées sur la situation personnelle de M. et Mme C... doivent être écartés. Sur les obligations de quitter le territoire français : 5. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à exciper de l'illégalité des décisions de refus de titre de séjour à l'appui de leurs conclusions dirigées contre les obligations de quitter le territoire français. 6. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 4 du présent arrêt, les moyens tirés de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences des décisions contestées sur la situation personnelle de M. et Mme C..., doivent être écartés. Sur les décisions désignant le pays de destination : 7. En premier lieu, compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, M. et Mme C... ne sont pas fondés à se prévaloir contre les décisions fixant le pays de destination, de l'illégalité des décisions les obligeant à quitter le territoire français. 8. En second lieu, M. et Mme C... ne peuvent utilement se prévaloir des éléments précités de leur vie privée et familiale à l'encontre des décisions fixant le pays de destination. Par suite, les moyens tirés de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences des décisions contestées sur la situation personnelle de M. et Mme C..., doivent être écartés. Sur les décisions portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de six mois : 9. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à exciper de l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français à l'appui de leurs conclusions dirigées contre les interdictions de retour sur le territoire français. 10. En second lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " (...) III. ' L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence du cas prévu au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ". 11. M. et Mme C... ont fait chacun l'objet antérieurement aux décisions en litige de trois mesures d'éloignement qui n'ont pas été exécutées. En outre, ainsi qu'il a été énoncé au point 4 du présent arrêt, M. et Mme C... ne démontrent pas l'intensité de leur insertion dans la société française, ni leur dépendance à l'égard de leur fils B... et de leur belle-fille en raison de leur état de santé. De plus, un autre fils et leur fille vivent au Kosovo. Dans ces conditions, et eu égard également à la durée des interdictions de retour, limitée à six mois, les moyens tirés de la méconnaissance du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'erreur d'appréciation dans l'application de ces dispositions, et de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doivent être écartés. 12. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions aux fins d'injonction et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. et Mme C... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... et Mme D... C.... Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à la préfète de l'Ain. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023, à laquelle siégeaient : M. Pruvost, président de chambre, Mme Courbon, présidente-assesseure, M. Porée, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. Le rapporteur, A. Porée Le président, D. Pruvost La greffière, N. Lecouey La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, 2 N° 23LY00097 |
CETATEXT000048424222 | J2_L_2023_11_00023LY00116 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/42/CETATEXT000048424222.xml | Texte | CAA de LYON, 2ème chambre, 16/11/2023, 23LY00116, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de LYON | 23LY00116 | 2ème chambre | excès de pouvoir | C | M. PRUVOST | DELBES | M. Jean-Simon LAVAL | Mme LESIEUX | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure M. et Mme C... ont demandé, l'un et l'autre, l'annulation des arrêtés du 23 mai 2022 par lesquels le préfet du Rhône a refusé de renouveler leur titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement n° 2204517- 2204518 du 16 septembre 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes. Procédure devant la cour Par une requête, enregistré le 12 janvier 2023, M. et Mme C..., représentés par Me Delbès, demandent à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler les arrêtés du préfet du Rhône du 23 mai 2022 ; 3°) d'enjoindre au préfet du Rhône, de leur délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de deux mois sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. M. et Mme C... soutiennent que : - les décisions ne sont pas motivées ; - elles sont entachées d'erreur de fait ; - elles sont entachées d'un défaut d'examen ; - elles sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation ; - elles méconnaissent l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - elles méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales tant à l'égard de l'intensité de leur insertion en France qu'à l'égard de leur situation dans leur pays d'origine. En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, la requête a été dispensée d'instruction. M. et Mme C... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 novembre 2022. Vu : - les autres pièces du dossier ; Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative ; Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Le rapport de M. Laval, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique ; Considérant ce qui suit : 1. Selon leurs déclarations, M. et Mme C..., ressortissants arméniens nés respectivement les 12 février et 3 avril 1955, sont entrés sur le territoire français le 8 juin 2017. A la suite du rejet de leurs demandes d'asile, ils ont obtenu des titres de séjour délivrés en qualité d'étranger malade pour elle et au titre de la vie privée et familiale pour lui, valables du 24 avril 2020 au 23 avril 2021. Par deux arrêtés du 23 mai 2022, le préfet du Rhône leur en a refusé le renouvellement, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourront être éloignés d'office. Ils relèvent appel du jugement du 16 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Lyon, après avoir joint leurs demandes d'annulation de ces décisions, les a rejetées. Sur les conclusions aux fins d'annulation : 2. M. et Mme C... reprennent en appel les moyens qu'ils avaient invoqués en première instance et tirés de l'insuffisance de motivation des arrêtés. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Lyon au point 4 de son jugement. 3. En retenant que les époux C... vivaient depuis plusieurs années séparés de leurs enfants alors qu'ils ont continué de résider en Russie quand leur fils et son épouse sont entrés sur le territoire français à une date non précisée et que leur fille entrée antérieurement sur le territoire a obtenu une carte de résident, qui est délivrée aux bénéficiaires de la protection subsidiaire qu'à l'issue de quatre années de présence régulière, le préfet du Rhône ne s'est pas fondé sur des faits matériellement inexacts. Ainsi les requérants qui, au demeurant, n'établissent pas vivre habituellement avec leurs enfants ne sont pas fondés à invoquer, pour ces motifs, une erreur de fait ou un défaut d'examen et pas davantage une erreur manifeste d'appréciation de leur situation personnelle. 4. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. / La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ". 5. Lorsque le défaut de prise en charge invoqué par le demandeur risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans le pays dont l'étranger est originaire et que si ce dernier y a effectivement accès. Toutefois, la partie qui justifie de l'avis d'un collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié et effectivement accessible dans le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office. 6. Par un avis du 21 juin 2021, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que l'état de santé de Mme C... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'elle peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques de son système de santé. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... souffre d'une leucémie lymphoïde chronique et qu'elle est régulièrement suivie au sein du service d'hématologie du centre hospitalier privé Médipôle Lyon-Villeurbanne compliquée par un syndrome de Steven Johnson et une affectation diabétique. Ces éléments ne sont pas de nature, toutefois, à eux seuls, à infirmer l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration sur la possibilité pour Mme C... de bénéficier effectivement d'un traitement de suivi approprié en Arménie alors que cette dernière n'apporte pas d'autres éléments particuliers au soutien de sa contestation sur ce point. L'évolution des comorbidités ne permet pas de démontrer que l'évolution de l'état de santé de Mme C... entre les mois de juin 2021 et mai 2022, serait de nature à faire regarder cet avis comme obsolète. Dans ces conditions, le préfet du Rhône n'a pas fait une inexacte application de l'article L. 425-9 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant à Mme C... le renouvellement du titre de séjour dont elle bénéficiait en qualité d'étranger malade. 7. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". 8. Ainsi qu'il vient d'être dit le refus de titre de séjour opposé à Mme C... en tant qu'étranger malade est fondé. De ce fait, le motif invoqué par son époux à l'appui de sa demande de renouvellement de titre de séjour en tant qu'accompagnant d'étranger malade est dépourvu de portée utile. Si les requérants soutiennent résider depuis juin 2017 en France où vivent leurs deux enfants en situation régulière sur le territoire français, ainsi que leurs petits-enfants et être intégrés au regard des attestations qu'ils communiquent, ni la durée de présence en France de M. et Mme C..., ni le fait qu'ils ont bénéficié de titres de séjour pendant un an, du 24 avril 2020 au 23 avril 2021, ni le fait que leurs enfants majeurs sont en situation régulière et qu'ils ont créé des liens avec leurs petits-enfants en France ne suffisent, en soi, à leur ouvrir un droit au séjour en France au titre des liens familiaux en l'absence d'éléments témoignant d'une intégration particulière de leur part, les attestations étant insuffisantes à cet égard. Les intéressés n'établissent pas être dépourvus d'attaches personnelles et familiales dans leur pays d'origine où ils ont vécu l'essentiel de leur existence et où résident, selon les termes non contestés des arrêtés attaqués, les sept sœurs de Mme C... ainsi que le frère et la sœur de M. C.... En outre, les intéressés n'établissent pas qu'il existerait un quelconque obstacle à ce qu'ils puissent poursuivre en Arménie leur vie privée et familiale, la protection subsidiaire d'un an accordée à leur fille ne s'y opposant pas alors qu'il se sont vus, quant à eux, refuser une telle protection. Au demeurant, la mesure d'éloignement dont ils sont l'objet ne fait pas obstacle, par elle-même, en l'absence d'interdiction de retour sur le territoire français, à ce qu'ils se rendent en France sous couvert de documents autorisant le séjour, pour rendre visite à leur famille. Par ailleurs, M. et Mme C... ne peuvent utilement se prévaloir d'une violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales par l'obligation de quitter le territoire français prise à leur encontre, qui ne désigne pas, par elle-même, le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office. Enfin, comme l'ont relevé les premiers juges, Mme C... pourra bénéficier d'une prise en charge médicale dans son pays d'origine où les intéressés ne peuvent être regardés comme étant en situation d'isolement. Ainsi, compte tenu de la durée et des conditions de leur séjour en France, le préfet du Rhône n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de M. et Mme C... en édictant les décisions contestées. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit par suite, être écarté, de même que les moyens tirés de l'erreur de fait, du défaut d'examen et de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences des décisions attaquées sur la situation personnelle et familiale des intéressés. 9. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions aux fins d'injonction et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. et Mme C... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... et Mme B... C.... Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à la préfète du Rhône. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023 à laquelle siégeaient : M. Pruvost, président de chambre, Mme Courbon, présidente-assesseure, M. Laval, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. Le rapporteur, J.-S. Laval Le président, D. Pruvost La greffière, N. Lecouey La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, 2 N° 23LY00116 |
CETATEXT000048424227 | J2_L_2023_11_00023LY00298 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/42/CETATEXT000048424227.xml | Texte | CAA de LYON, 2ème chambre, 16/11/2023, 23LY00298, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de LYON | 23LY00298 | 2ème chambre | excès de pouvoir | C | M. PRUVOST | SHVEDA | M. Jean-Simon LAVAL | Mme LESIEUX | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure M. et Mme C... ont demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler les arrêtés du 29 mars 2022 par lesquels le préfet du Puy-de-Dôme les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi, les a assignés à résidence et a prononcé à leur encontre des interdictions de retour sur le territoire français. Par un jugement nos 2201135 - 2201137 du 28 octobre 2022, la magistrate désignée du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé les décisions portant interdiction de retour sur le territoire français et a rejeté le surplus des conclusions de leurs demandes. Procédure devant la cour Par une requête enregistrée le 24 janvier 2023, M. et Mme C..., représentés par Me Shveda, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il n'a pas entièrement fait droit à leur demande. 2°) d'enjoindre au préfet du Puy-de-Dôme d'examiner la situation personnelle des requérant et de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. M. et Mme C... soutiennent que : S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français : - le signataire de l'obligation de quitter le territoire français n'était pas compétent ; - l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ; - elle est entachée d'un défaut d'examen de leur situation personnelle ; - elle méconnait l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ; - elle méconnaît l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; - ils ont été privés de leur droit à un recours effectif sur un refus d'asile opposé à un ressortissant d'un pays sûr selon des dispositions qui méconnaissent l'article 46 de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne ainsi que de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation à l'égard de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ; - elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; S'agissant de l'assignation à résidence : - la décision ordonnant son assignation à résidence est insuffisamment motivée ; - elle se fonde sur les dispositions abrogées de l'article L. 722-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; S'agissant du pays de renvoi : - la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée ; - elle méconnait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 19-2 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, la requête a été dispensée d'instruction. Par une décision du 11 janvier 2023, M. et Mme C... ont a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Vu : - les autres pièces du dossier ; Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne ; - la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative ; Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Le rapport de M. Laval, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique ; Considérant ce qui suit : 1. M. et Mme C..., ressortissants albanais, sont entrés en France à la date alléguée du 25 août 2021. Ils ont chacun présenté des demandes d'asile auprès des autorités françaises le 1er octobre 2021, lesquelles ont été rejetées par deux décisions de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides du 19 janvier 2022. Par deux arrêtés du 29 mars 2022, le préfet du Puy-de-Dôme les a obligés à quitter le territoire français, a fixé l'Albanie comme pays de renvoi, a pris des assignations à résidence pour vérifier le respect des décisions prises à leur encontre et a prononcé à leur encontre des interdictions de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Ils ont contesté, le 11 avril 2022, les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides devant la Cour national du droit d'asile. Par un jugement du 28 octobre 2022, la magistrate désignée du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé les décisions portant interdiction de retour sur le territoire français et a rejeté le surplus des conclusions de la demande des intéressés. Ils relèvent appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas entièrement fait droit à leur demande d'annulation des arrêtés. Sur les conclusions aux fins d'annulation : En ce qui concerne la légalité des obligations de quitter le territoire français : 2. M. et Mme C... reprennent en appel les moyens qu'ils avaient invoqués en première instance et tirés de l'incompétence du signataire des arrêtés. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Clermont-Ferrand au point 2 de son jugement. 3. Les décisions d'éloignement litigieuses visent le 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et mentionnent les décisions de rejet relatives aux demandes d'asile des intéressées ainsi que les éléments de fait portés alors à la connaissance du préfet relatifs à la situation des requérants dont ne fait pas partie le droit autonome au séjour de la fille des requérants, demandeurs d'asile. Par suite, les décisions d'obligation de quitter le territoire français attaquées énoncent les éléments de fait et de droit qui sur lesquelles elles reposent et ne sont pas insuffisamment motivées. 4. Il ressort des dispositions de l'article L. 614-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français. Dès lors, les articles L. 121-1 et suivants du code des relations entre le public et l'administration, qui fixent les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées en vertu des articles L. 211-2 et suivants du même code, ne sauraient être utilement invoqués à l'encontre de décisions portant obligation de quitter le territoire français ne peuvent qu'être écartés. 5. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union " ; qu'aux termes du paragraphe 2 de ce même article : " Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) ". Aux termes du paragraphe 1 de l'article 51 de la Charte précitée : " Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions, organes et organismes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux Etats membres uniquement lorsqu'ils mettent en œuvre le droit de l'Union. (...) ". 6. Ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé dans ses arrêts C-166/13 et C-249/13 des 5 novembre et 11 décembre 2014, le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour. Il n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français ou sur la décision le plaçant en rétention dans l'attente de l'exécution de la mesure d'éloignement, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement. 7. Le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français non prise concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. 8. Une violation des droits de la défense, en particulier du droit d'être entendu, n'entraîne l'annulation de la décision prise au terme de la procédure administrative en cause que si, en l'absence de cette irrégularité, cette procédure pouvait aboutir à un résultat différent. 9. M. et Mme C... qui se bornent à citer les dispositions de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ne font valoir, à ce titre, aucune circonstance quelconque de leur situation faisant obstacle à l'éloignement. 10. Aux termes de l'article L. 542-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 542-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin : 1° Dès que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a pris les décisions suivantes : d) une décision de rejet dans les cas prévus à l'article L. 531-24 et au 5° de l'article L. 531-27 ; (...) ". Aux termes de l'article L. 531-24 du même code : " L'Office français de protection des réfugiés et apatrides statue en procédure accélérée dans les cas suivants : 1° Le demandeur provient d'un pays considéré comme un pays d'origine sûr au sens de l'article L. 531-25 ; (...) ". 11. D'une part, il résulte des dispositions précitées qu'un ressortissant étranger issu d'un pays sûr dont la demande d'asile a été rejetée selon la procédure accélérée ne bénéficie pas du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à ce que la Cour nationale du droit d'asile ait statué sur son recours. En l'espèce, il n'est pas contesté que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a procédé à l'examen de la demande d'asile présentée par M. et Mme C... selon la procédure accélérée en application du d) du 1° de l'article L. 542-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. 12. D'autre part aux termes de l'article L. 752-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont le droit au maintien sur le territoire a pris fin en application des b ou d du 1° de l'article L. 542-2 et qui fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français peut, dans les conditions prévues à la présente section, demander au tribunal administratif la suspension de l'exécution de cette décision jusqu'à l'expiration du délai de recours devant la Cour nationale du droit d'asile ou, si celle-ci est saisie, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la cour, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci. ". 13. L'étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement qui forme un recours contre celle-ci peut, en application des articles précités, saisir le tribunal administratif de conclusions aux fins de suspension de cette mesure. A l'appui de ses conclusions, il peut se prévaloir d'éléments apparus et de faits intervenus postérieurement à la décision de rejet ou d'irrecevabilité de sa demande de protection ou à l'obligation de quitter le territoire français, ou connus de lui postérieurement. La mesure d'éloignement ne peut être mise à exécution pendant l'examen par le juge de la demande de suspension. 14. Ainsi, le demandeur d'asile dispose-t-il d'un recours juridictionnel effectif, conformément aux exigences du paragraphe 6 de l'article 46 de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative aux procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale, qui permet aux États membres, dans une série d'hypothèses qui correspondent à celles qui sont prévues par les dispositions précitées, de déroger au principe du caractère suspensif du recours, à condition qu'une juridiction, saisie d'office ou par le demandeur, puisse se prononcer sur le droit au maintien sur le territoire de ce dernier jusqu'à la décision de la juridiction compétente pour se prononcer sur la demande d'asile. Par suite, le moyen tiré de ce que l'article L. 542-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile serait incompatible avec les objectifs et dispositions de la directive 2013/32/UE du 26 juin 2013 ne peut qu'être écarté. 15. En l'espèce, il n'est pas contesté que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a procédé à l'examen de la demande d'asile présentée par M. et Mme C... selon la procédure accélérée en application du d) du 1° de l'article L. 542-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le droit à un recours effectif n'implique pas que l'étranger, dont la demande d'asile a fait l'objet d'un examen en procédure accélérée puisse se maintenir sur le territoire français jusqu'à l'issue de son recours devant la Cour nationale du droit d'asile et ce alors qu'il peut solliciter la suspension de l'exécution de son éloignement et se faire représenter devant cette juridiction. M. et Mme C... qui n'ont pas, en tout état de cause, sollicité la suspension de la décision d'éloignement jusqu'à ce que la Cour nationale du droit d'asile statue sur leur recours n'établissent pas avoir été privés de la possibilité de le faire. Il suit delà qu'ils ne disposaient plus du droit de se maintenir sur le territoire français à la date de notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, le 9 février 2022, rejetant leurs demandes et pouvaient faire l'objet d'une mesure d'éloignement sans que le préfet soit tenu d'attendre que la Cour nationale du droit d'asile ait statué sur le recours introduit par les intéressés. 16. Il résulte de tout ce qui précède que le moyen tiré de ce que le préfet du Puy-de-Dôme aurait privé M. et Mme C... d'un droit au recours effectif protégé par l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne et l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. 17. Dans le cas où le préfet se borne à rejeter une demande d'autorisation de séjour présentée uniquement au titre de l'asile, sans examiner d'office d'autres motifs d'accorder un titre de séjour à l'intéressé, ce dernier ne peut utilement soulever, devant le juge de l'excès de pouvoir saisi de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus du préfet, des moyens de légalité interne sans rapport avec la teneur de la décision contestée. M. et Mme C... ne peuvent utilement exciper de l'illégalité d'un refus d'examiner le droit au séjour de M. C... au titre de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont il ne s'était pas prévalu. 18. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. " 19. M. C... est entré en France avec son épouse et sa fille le 25 août 2021, moins d'un an avant les décisions contestées. L'intéressé et sa compagne sont en situation irrégulière du fait du rejet de leurs demandes d'asile pour lesquelles ils n'ont pas été privé de l'exercice d'un recours. Ils ne peuvent utilement invoquer les risques encourus dans leur pays d'origine à l'égard d'une obligation de quitter le territoire français qui n'emporte pas fixation du pays de destination. M. C... ne saurait invoquer à ce titre son état de santé par des allégations insuffisamment étayées. M. et Mme C... soutiennent que leur fille est scolarisée et souhaite terminer sa scolarité en France Toutefois rien ne s'oppose à ce que l'enfant des requérants reparte avec ses parents dans son pays d'origine, où sa scolarité pourra être poursuivie. Eu égard à la brièveté du séjour de la famille en France, où elle n'a pas été créée de liens d'une portée significative, au fait que M. C... n'est pas dépourvu d'attaches familiales effectives en Albanie et au fait que la mesure d'éloignement n'a pas pour conséquence de séparer les membres de sa cellule familiale, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les décisions attaqués ont porté une atteinte disproportionnée à leur vie privée et familiale ou à l'intérêt supérieur de leur enfant. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être également écarté. En ce qui concerne la légalité des mesures de contraintes : 20. Aux termes de l'article L. 721-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel un délai de départ volontaire a été accordé peut, dès la notification de la décision portant obligation de quitter le territoire français, être contraint de résider dans le lieu qui lui est désigné par l'autorité administrative. Cette décision est prise pour une durée qui ne peut se poursuivre au-delà de l'expiration du délai de départ volontaire. ". Aux termes de l'article L. 721-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel un délai de départ volontaire a été accordé peut, dès la notification de la décision portant obligation de quitter le territoire français, être astreint à se présenter à l'autorité administrative ou aux services de police ou aux unités de gendarmerie pour y indiquer ses diligences dans la préparation de son départ. Cette décision est prise pour une durée qui ne peut se poursuivre au-delà de l'expiration du délai de départ volontaire. " 21. Si les décisions fondées sur les articles L. 721-6 et L. 721-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont le caractère de décisions distinctes de l'obligation de quitter le territoire français, elles tendent à assurer que l'étranger accomplit les diligences nécessaires à son départ dans le délai qui lui est imparti et concourent à la mise en œuvre de l'obligation de quitter le territoire français. Dans ces conditions, si l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration impose que ces décisions soient motivées au titre des mesures de police, cette motivation peut, outre la référence aux articles L. 721-6 et L. 721-7, se confondre avec celle de l'obligation de quitter le territoire français assortie d'un délai de départ volontaire. 22. Les décisions se fondent sur les articles précités et non sur l'article L. 722-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que sur les motifs des obligations de quitter le territoire français. Elles sont, par suite, suffisamment motivées. 23. Contrairement à ce que prétendent les requérants, les mesures de contraintes susvisées ne relèvent pas les mesures d'assignations à résidence prises en vertu de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elles ne sont pas subordonnées à l'existence d'un risque de fuite. Le moyen tiré de l'erreur de droit doit, par suite, être écarté. En ce qui concerne la légalité des décisions fixant le pays de destination : 24. Les décisions par lesquelles le préfet du Puy-de-Dôme a désigné le pays à destination duquel M. et Mme C... pourraient être éloignés d'office visent l'article L. 721-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que le préfet a examiné. Elles rappellent également la nationalité albanaise de ces derniers et la reconduite dans le pays de leur nationalité. Le moyen tiré d'une insuffisante motivation des décisions fixant le pays de destination doit être écarté. 25. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes du 2° de l'article 19 de la charte sur les droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être éloigné, expulsé ou extradé vers un État où il existe un risque sérieux qu'il soit soumis à la peine de mort, à la torture ou à d'autres peines ou traitements inhumains ou dégradants ". 26. Les requérants soutiennent qu'ils craignent que la vie de M. C... ne soit en danger en cas de retour en Albanie du fait de menaces prononcées par son frère. Toutefois, les requérants ne produisent aucune pièce probante, autre que celles de la demande d'asile qui a été rejetée, ni n'apportent aucune précision au soutien de ces allégations. Dès lors, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 19-2 de la Charte sur les droits fondamentaux de l'Union européenne doivent être écartés. 27. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions aux fins d'injonction et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M.et Mme C... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... et Mme A... C.... Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet du Puy-de-Dôme. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023, à laquelle siégeaient : M. Pruvost , président de chambre, Mme Courbon, présidente-assesseure, M. Laval, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. Le rapporteur, J.-S. Laval Le président, D. Pruvost La greffière, N. Lecouey La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, 2 N° 23LY00298 |
CETATEXT000048424229 | J2_L_2023_11_00023LY00347 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/42/CETATEXT000048424229.xml | Texte | CAA de LYON, 2ème chambre, 16/11/2023, 23LY00347, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de LYON | 23LY00347 | 2ème chambre | excès de pouvoir | C | M. PRUVOST | GILLIOEN | Mme Audrey COURBON | Mme LESIEUX | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure Mme B... F... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 21 juillet 2022 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement. Par un jugement n° 2205760 du 30 décembre 2022, le tribunal administratif de Grenoble a fait droit à sa demande d'annulation (article 1er) et a enjoint au préfet de l'Isère de procéder au réexamen de sa situation sous trois mois (article 2). Procédure devant la cour Par une requête, enregistrée le 27 janvier 2023, le préfet de l'Isère demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de rejeter la demande de Mme F... C... tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 juillet 2022 ; Il soutient que : - le tribunal administratif devait apprécier la légalité de l'arrêté du 21 juillet 2022 à la date de son édiction, et en fonction des documents présentés à l'appui de la demande de titre de séjour dont disposait la préfecture pour prendre sa décision ; - c'est à tort que les premiers juges ont refusé de faire droit à la demande de substitution de motif qu'il a formulée, tiré de l'absence de participation du père, de nationalité française, à l'entretien et l'éducation de l'enfant de Mme F... C..., dès lors que les justificatifs produit en première instance ne permettent pas d'établir la réalité de sa participation financière à l'entretien de cet enfant ; - en tout état de cause, il n'est pas justifié de la participation du père à l'éducation de l'enfant ; - l'arrêté du 21 juillet 2022 a été signé par une autorité compétente ; - cet arrêté est suffisamment motivé ; - il fait suite à un examen particulier de la situation de Mme F... C... ; - la décision de refus de titre de séjour ne méconnaît pas les articles L. 423-7 et L. 423-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il n'est pas démontré que le père de l'enfant contribue à son entretien et son éducation, motif qui doit être substitué à celui tiré de l'absence de résidence en France de l'enfant ; - cette décision ne méconnaît pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle ne méconnaît pas l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - elle n'est entachée d'aucune erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation de Mme F... C... ; - Mme F... C... ayant, à bon droit, fait l'objet d'un refus de séjour, elle pouvait légalement faire l'objet d'une mesure d'éloignement ; - l'obligation de quitter le territoire français ne méconnaît pas l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la décision fixant le pays de renvoi ne méconnaît pas l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par un mémoire, enregistré le 30 mars 2023, Mme F... C..., représentée par Me Gillioen, conclut : 1°) au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, à l'annulation de l'article 2 de ce jugement, par lequel le tribunal a enjoint au préfet de l'Isère de procéder au réexamen de sa situation ; 2°) d'enjoindre à cette autorité de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens soulevés par le préfet de l'Isère ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative ; Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Le rapport de Mme Courbon, présidente-assesseure, ayant été entendu au cours de l'audience publique ; Considérant ce qui suit : 1. Mme B... F... C..., ressortissante brésilienne, née le 3 août 1996, est entrée en France métropolitaine le 24 décembre 2020 selon ses déclarations, après avoir vécu en Guyane. Le 28 juillet 2021, elle a demandé la délivrance d'une carte de séjour temporaire en qualité de parent d'enfant français. Par un arrêté du 21 juillet 2022, le préfet de l'Isère a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement. Par un jugement du 30 décembre 2022, dont le préfet de l'Isère relève appel, le tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté. Par la voie de l'appel incident, Mme F... C... demande l'annulation de l'article 2 de ce jugement enjoignant au préfet de procéder au réexamen de sa situation. Sur l'appel principal du préfet de l'Isère : 2. Aux termes de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ". Aux termes de l'article L. 423-8 de ce code : " Pour la délivrance de la carte de séjour prévue à l'article L. 423-7, lorsque la filiation est établie à l'égard d'un parent en application de l'article 316 du code civil, le demandeur, s'il n'est pas l'auteur de la reconnaissance de paternité ou de maternité, doit justifier que celui-ci contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, dans les conditions prévues à l'article 371-2 du code civil, ou produire une décision de justice relative à la contribution à l'éducation et à l'entretien de l'enfant./ Lorsque le lien de filiation est établi mais que la preuve de la contribution n'est pas rapportée ou qu'aucune décision de justice n'est intervenue, le droit au séjour du demandeur s'apprécie au regard du respect de sa vie privée et familiale et au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant. ". 3. Il ressort des pièces du dossier que Mme F... C... est mère d'un enfant de nationalité française, Lucca A... H..., né le 22 avril 2021 à Villeurbanne, reconnu le 28 août 2020 par M. D... A..., ressortissant français résidant en Guyane. Cet enfant réside avec elle sur le territoire métropolitain depuis sa naissance. Ainsi que l'a jugé le tribunal administratif au point 3 de sa décision, le préfet de l'Isère, qui ne le conteste d'ailleurs pas, ne pouvait fonder le refus de séjour en litige sur l'absence de résidence en France du fils de Mme F... C.... 4. Les premiers juges ont refusé de faire droit à la demande de substitution de motif présentée par le préfet en première instance, tirée de l'absence de justification de la contribution du père de cet enfant, M. A..., à son entretien et à son éducation. 5. Il ressort des pièces du dossier de première instance, et notamment des relevés bancaires de Mme G... E..., mère de Mme F... C..., et chez qui cette dernière réside, qu'à compter du mois de juin 2021, des virements mensuels de 200 euros ont été effectués par M. A... sur le compte bancaire de Mme E.... Mme F... C... a fait valoir, à cet égard, que ces virements étaient effectués sur le compte de sa mère parce qu'elle ne disposait pas encore de compte bancaire personnel. Contrairement à ce que soutient le préfet de l'Isère, ces sommes, versées par le père de l'enfant à la grand-mère de celui-ci, chez laquelle il réside avec sa mère, ont nécessairement pour objet de participer à son entretien. Il ressort par ailleurs des relevés du compte bancaire de M. A..., produits pour la première fois en appel, et qui corroborent les copies d'écran du téléphone de Mme H..., produites devant les premiers juges, qu'à compter du mois de novembre 2021, M. A... a versé directement à la mère de son fils une somme de 200 euros chaque mois. Figurent également au dossier des copies de billets d'avion Cayenne-Paris au nom de M. A..., ou de M. A... et de son fils, pour des voyages effectués entre avril 2021 et août 2022, ainsi que des photos de M. A... et de son enfant. Dans ces conditions, Mme H... doit être regardée comme ayant justifié de la participation de M. A... à l'entretien et l'éducation de son fils de nationalité française. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges, qui devaient apprécier la légalité de la décision de refus de séjour à la date à laquelle elle a été prise, ont refusé de faire droit à la demande de substitution de motif présentée par le préfet en première instance. Sur l'appel incident de Mme F... C... : 6. Eu égard au motif qui la fonde, l'annulation de l'arrêté du 21 juillet 2022 prononcée par le tribunal administratif impliquait que l'autorité administrative délivre le titre sollicité, et non, comme l'a décidé le tribunal, qu'elle procède au réexamen de la situation de Mme H.... 7. Il résulte de ce qui précède, d'une part, que le préfet de l'Isère n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a fait droit à la demande de Mme F... C... tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 juillet 2022, par lequel il a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination et, d'autre part, que Mme F... C... est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont enjoint au préfet de l'Isère de réexaminer sa situation administrative sous trois mois. Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte : 8. Compte tenu de ce qui vient d'être dit, il y a lieu, en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet de l'Isère de délivrer à Mme H... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte. Sur les frais liés au litige : 9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à Mme F... C.... DÉCIDE: Article 1er : La requête du préfet de l'Isère est rejetée. Article 2 : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 30 décembre 2022 est annulé. Article 3 : Il est enjoint au préfet de l'Isère de délivrer à Mme F... C... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Article 4 : L'Etat versera à Mme F... C... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... F... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023, à laquelle siégeaient : M. Pruvost, président de chambre, Mme Courbon, présidente-assesseure, M. Porée, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. La rapporteure, A. Courbon Le président, D. Pruvost La greffière, N. Lecouey La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, 2 N° 23LY00347 |
CETATEXT000048424257 | J3_L_2023_11_00020BX02414 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/42/CETATEXT000048424257.xml | Texte | CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 16/11/2023, 20BX02414, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de BORDEAUX | 20BX02414 | 2ème chambre | plein contentieux | C | Mme MEYER | SARL LE PRADO - GILBERT;SARL LE PRADO - GILBERT;CABINET MOR (SELARL) | Mme Marie-Pierre BEUVE-DUPUY | Mme ISOARD | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme C... A... et l'Union départementale des associations familiales (UDAF) de Maine-et-Loire, agissant en sa qualité de tutrice de Mme B... D..., ont demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Pointe-à-Pitre/Les Abymes à les indemniser des préjudices subis du fait des séquelles présentées par Mme B... D... depuis sa naissance au sein de cet établissement le 11 juillet 1998. La caisse primaire d'assurance-maladie (CPAM) de Loire-Atlantique, agissant pour le compte de la CPAM de Maine-et-Loire, a demandé au tribunal de condamner le centre hospitalier universitaire de Pointe-à-Pitre/Les Abymes à lui verser la somme de 3 573 028,45 euros au titre de ses débours ainsi qu'une somme de 1 066 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion. Par un jugement n° 1500061 du 2 juin 2020, le tribunal administratif de la Guadeloupe a condamné le CHU de Pointe-à-Pitre/Les Abymes : - à verser à l'UDAF de Maine-et-Loire, en sa qualité de tutrice légale de Mme D..., une somme de 1 269 310,35 euros, une " rente " de 25 873,92 euros du 3 juin au 31 décembre 2020 et une rente annuelle de 28 247,04 euros ; - à verser à Mme A... une somme de 164 226,46 euros, sous déduction de la provision de 100 000 euros déjà versée ; - à rembourser les dépenses de santé futures de Mme D... dans la limite de 30 % du montant total réglé, hors prise en charge par la caisse primaire d'assurance maladie, ainsi que les dépenses futures de logement adapté de Mme A... ; - à verser à la CPAM de Maine-et-Loire les sommes de 100 494,03 euros au titre des débours échus et de 1 080 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, et à lui rembourser les dépenses de santé futures sur présentation de justificatifs, dans la limite du taux de 30 % ; - à prendre en charge les sommes de 4 400 euros au titre des frais d'expertise et de 3 000 euros au titre des frais exposés par l'UDAF de Maine-et-Loire et Mme A... et non compris dans les dépens. La CPAM de Loire-Atlantique d'une part et le CHU de Pointe-à-Pitre d'autre part ont relevé appel de ce jugement. Par un arrêt n° 20BX02135, 20BX02414 du 30 juin 2022, la cour, après avoir joint les deux affaires, a rejeté les conclusions de la CPAM de Loire-Atlantique présentées dans l'affaire n° 20BX02135 et les conclusions d'appel incident qu'elle a présentées dans l'affaire n° 20BX02414, et ordonné une expertise avant dire droit sur les conclusions du CHU de Pointe-à-Pitre et les conclusions d'appel incident de l'UDAF de Maine-et-Loire présentées dans l'affaire n° 20BX02414. Le rapport d'expertise a été déposé le 6 mars 2023. Procédure devant la cour : Par un mémoire enregistré le 20 mars 2023, la CPAM de Loire-Atlantique, représentée par Me Meunier, demande à la cour : 1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 2 juin 2020 en tant qu'il a fixé le taux de perte de chance à 30 % et condamné le centre hospitalier à l'indemniser des débours échus et des dépenses de santé futures ; 2°) de condamner le centre hospitalier de Pointe-à-Pitre à lui verser la somme de 200 988,05 euros au titre des débours échus, ainsi qu'une somme au titre des dépenses de santé futures sous forme de capital ou à défaut de rente, calculée sur la base d'un taux de perte de chance de 60 % et sur un montant de prestations de 3 573 028,45 euros ; 3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Pointe-à-Pitre la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que : - sa requête d'appel est recevable ; elle est intervenue, dès la première instance, pour le compte de la CPAM de Maine et Loire, ainsi que le permettent les dispositions de l'article L. 221-3-1 du code de la sécurité sociale ; - elle avait sollicité devant le tribunal la condamnation du centre hospitalier à l'indemniser de ses débours futurs par le versement d'un capital ; le tribunal n'a pas répondu à cette demande ; - en l'absence de contestation de l'établissement de santé sur sa demande de versement d'un capital, il convient d'y faire droit ; à titre subsidiaire, les remboursements auront lieu sur présentation des justificatifs ; - eu égard aux conclusions de l'expertise, il y a lieu de retenir un taux de perte de chance de 60 %. Par deux mémoires enregistrés les 21 avril et 23 mai 2023, l'UDAF de Maine-et-Loire et Mme A..., représentées par la SELARL Altilex avocats, demandent à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 2 juin 2020 en tant qu'il a retenu un taux de perte de chance de 30 % et limité le montant de leur indemnisation ; 2°) de condamner le centre hospitalier de la Guadeloupe, sur la base d'un taux de perte de chance de 60 %, à verser à l'UDAF de Maine et Loire, représentante légale de Mme D..., la somme de 8 370 820,71 euros avec intérêts au taux légal à compter du 27 août 2012 et capitalisation des intérêts ; 3°) de condamner le centre hospitalier de la Guadeloupe, sur la base d'un taux de perte de chance de 60 %, à verser à Mme A... la somme de 305 387,40 euros, avec intérêts de retard à compter du 27 août 2012 et capitalisation des intérêts ; 4°) d'ordonner une expertise avant de statuer sur les frais de logement adapté et le besoin d'assistance par une tierce personne, confiée à un architecte spécialiste du handicap et un ergothérapeute ; 5°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Pointe-à-Pitre la somme de 5 000 euros à verser à Mme A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens comprenant les frais et honoraires d'expertise. Elles font valoir que : - la fin de non-recevoir, soulevée en première instance par le CHU et tirée du défaut de capacité à agir de B... D... doit être écartée, l'UDAF de Maine-et-Loire ayant été désignée tutrice par la cour d'appel d'Angers le 25 septembre 2017 ; - l'expertise retient un usage non conforme aux recommandations de l'ocytocine et un retard dans la décision de pratiquer la césarienne, ce qui avait déjà pu être retenu par le tribunal ; ces deux manquements sont de nature à engager la responsabilité du CHU et sont à l'origine d'un taux de perte de chance de 60 % ; il n'y a pas lieu de réduire ce taux global, dès lors que les deux manquements ont été commis par le même auteur, ce qui conduit à additionner les taux de perte de chance respectifs de 30 % ; - une expertise complémentaire est nécessaire pour évaluer les besoins qui ne l'ont pas été jusqu'à présent et qui portent sur les équipements, matériels et consommables, la tierce personne et le logement ; - le barème de capitalisation de la Gazette du Palais 2022 doit être utilisé de préférence à celui des assureurs ; l'indemnisation sous forme de capital doit être privilégiée dans l'intérêt de B... et d'une meilleure gestion de son patrimoine ; à défaut, la rente devrait être fixée pour des périodes à échoir et être indexée sur l'indice de la consommation des ménages pour les dépenses de santé et les frais de véhicule, et sur l'indice du coût horaire du travail pour les pertes de gains et la tierce personne ; - le montant des prestations perçues au titre de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé et de la prestation de compensation du handicap ne peuvent être déduites de chacun des postes de préjudice pertinents que si celles-ci excèdent le montant des sommes laissées à la charge de la victime, dès lors que la faute du CHU n'est à l'origine que d'une fraction du dommage ; - les dépenses de santé restées à charge avant consolidation représentent un montant de 3 368,40 euros avant application du taux de perte de chance, incluant le matériel éducatif ; s'agissant des dépenses de santé futures, le renouvellement du matériel représente un coût annuel de 12 013,80 euros, soit une rente capitalisée de 809 459,89 euros ; la dépense annuelle en consommables s'élève à 1 165,76 euros, soit un préjudice de 78 492,62 euros pour l'ensemble de la période ; - les frais divers comprennent les dépenses liées à la prise en charge en établissement d'éducation spécialisée (10 576,08 euros), le forfait journalier (491 855,80 euros) dès lors que B... n'a pas de mutuelle, et les frais de médecin conseil et d'ergothérapeute (6 594 euros), pour lesquels il n'y a pas lieu d'appliquer le taux de perte de chance ; devra être déduit le montant de la prestation de compensation du handicap pour la période postérieure à la consolidation ; - le jugement peut être confirmé s'agissant du préjudice lié à la nécessité de recourir à un véhicule adapté, qu'il a calculé en tenant compte du surcoût lié à l'achat d'un modèle supérieur, du coût des équipements et d'un besoin de renouvellement tous les sept ans ; à ce préjudice qui s'élève à 455 490,42 euros s'ajoutent les frais de déplacement de la maison d'accueil spécialisée au domicile des parents en véhicule sanitaire léger (VSL), qui ne sont pas pris en charge par la sécurité sociale, soit 421,50 euros pour la période passée et 52 536,33 euros pour la période à venir ; - le logement de Mme A... étant inadapté, un projet de nouvelle construction a été envisagé ; une expertise complémentaire serait nécessaire afin de décrire les caractéristiques du logement adapté, de tenir compte de la nécessité d'une tierce personne permanente et d'en évaluer le coût ; à défaut, le montant alloué pour l'aménagement du seul domicile de Mme A... devra être augmenté afin de permettre l'aménagement du logement de son père ; - eu égard à son déficit fonctionnel, évalué à 95 %, B... nécessite une aide humaine permanente, peu important qu'un enfant soit totalement dépendant durant les trois premières années de sa vie ; ce besoin est confirmé par les rapports d'expertise ; selon l'ergothérapeute, deux personnes sont nécessaires pour la manutention physique, ce qui porte le besoin à 28 heures par jour ; si la cour estime qu'une expertise complémentaire n'est pas nécessaire, le besoin avant consolidation peut être évalué en tenant compte des prises en charge dans des établissements médico-éducatifs et sur la base d'une année de 412 jours et d'un coût horaire de 13 euros pour la période 1999-2003, 15 euros pour la période 2004-2008 et 18,85 euros à compter de 2009, ce qui correspond au tarif de la prestation à laquelle Mme A... a recouru ; le préjudice s'élève ainsi à 1 798 049 euros ; après consolidation, en estimant le temps passé à la maison à 4 300 heures et en retenant un coût horaire de 22,60 euros, le préjudice s'élève à 3 928 647,67 euros ; la prestation de compensation du handicap ne devra être déduite que si son montant excède la part du dommage laissée à la charge de la victime ; - le jugement sera confirmé en ce qu'il a calculé la perte de gains professionnels futurs sur la base du montant du revenu moyen, soit 27 000 euros par an ; - l'incidence professionnelle, résultant de l'impossibilité de travailler un jour, représente un préjudice de 200 000 euros ; - l'indemnité allouée au titre du préjudice scolaire et de formation peut être confirmée ; il s'agit d'un préjudice distinct du déficit fonctionnel ou des troubles dans les conditions d'existence, qui existe même si le dommage est survenu avant toute scolarité, et il convient de l'évaluer indépendamment des pertes de gains professionnels ; - s'agissant des préjudices extrapatrimoniaux, le déficit fonctionnel temporaire, évalué sur une base de 35 euros par jour, représente une somme de 247 824 euros avant application du taux de perte de chance ; - eu égard à leur durée, les souffrances endurées, évaluées à 6,5 sur 7, représentent un préjudice de 90 000 euros ; - le déficit fonctionnel permanent évalué à 95 % peut être évalué à 900 000 euros ; - le préjudice esthétique temporaire peut être évalué à 15 000 euros, comme l'a jugé le tribunal, et le préjudice esthétique permanent à 40 000 euros ; - les montants retenus par le tribunal avant application du taux de perte de chance pour le préjudice d'agrément, le préjudice sexuel, le préjudice d'établissement peuvent être confirmés ; le principe de réparation intégrale suppose une appréciation au cas par cas et s'oppose à l'application d'un barème d'indemnisation ; - s'agissant des préjudices subis par Mme A..., le handicap de B... a occasionné des pertes de gains professionnels pendant dix-huit ans ; compte tenu de la situation transitoire de l'intéressée au moment de l'accident, l'indemnisation doit être calculée sur la base du revenu moyen et s'élève à 308 979 euros avant application du taux de perte de chance; - l'évaluation par le tribunal du préjudice d'affection et des troubles dans les conditions d'existence peut être confirmée ; contrairement à ce que soutient le CHU, les montants sont justifiés par la situation particulière de l'espèce et il ne peut être reproché une double indemnisation, les deux préjudices étant distincts. Par deux mémoires, enregistrés les 9 mai et 12 juin 2023, le CHU de Pointe-à-Pitre/Les Abymes, représenté par le cabinet Le Prado, Gilbert, doit être regardé comme demandant à la cour de réformer le jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 2 juin 2020 en réduisant les sommes allouées à Mme A..., à l'UDAF de Maine-et-Loire et à la CPAM de Loire-Atlantique. Il soutient que : - le jugement peut être confirmé en tant qu'il retient une perte de chance de 30 % en raison d'un retard dans la réalisation de la césarienne ; - il n'est pas établi que le Syntocinon aurait été administré à un dosage excessif ; celui-ci a été administré à 11 heures, alors que la bradycardie du fœtus est survenue à 12h30 ; l'existence d'un lien de causalité entre l'usage du Syntocinon et la bradycardie a été expressément écarté par l'expertise du 18 mars 2009 et la nouvelle expertise ne permet pas d'affirmer que la totalité de l'ocytocine de synthèse aurait été administrée, d'autant qu'elle l'a sans doute été à l'aide d'une pompe électrique, ce qui permet de contrôler le débit de façon très précise ; à titre subsidiaire, si une faute devait être retenue, le taux de perte de chance de 30 % devrait être appliqué sur la chance restante compte tenu de l'autre manquement, de sorte que le taux global ne saurait dépasser 51 % ; - seuls les besoins d'assistance par une tierce personne excédant ceux d'un jeune enfant peuvent être indemnisés ; c'est donc à tort et en entachant son jugement d'une contradiction de motifs que le tribunal a retenu un besoin de 24 heures sur 24, y compris jusqu'aux trois ans de B... ; ces besoins doivent ensuite être évalués de façon progressive ; le taux horaire est de 14 euros au jour de l'arrêt et doit être minoré pour la période passée ; la nécessité d'une assistance conjointe de deux personnes n'est pas établie ; le préjudice ne saurait être calculé sur la base de 412 jours par an dès lors que la tarif journalier est majoré et doit tenir compte des prestations perçues ; la rente est indexée, non pas sur l'évolution du SMIC horaire, mais en application de l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale ; - s'agissant de l'assistance par une tierce personne pour la période après consolidation, le nombre de jours passés au domicile familial est de 113 ou, tout au plus, de 144, et non de 220 comme l'a retenu le tribunal ; - les frais de renouvellement de véhicule, correspondant à la différence entre l'achat et l'adaptation d'une part, et le prix moyen d'un minibus d'autre part, représentent 27 890 euros ; c'est sur ce montant que doit être calculée la capitalisation, et non sur le prix d'achat ; une telle indemnisation ne saurait se cumuler avec des frais de transport supplémentaires ; en outre, dès lors que B... disposera de son propre logement, les frais de déplacement entre la maison d'accueil spécialisée et le domicile de ses parents ne présentent qu'un caractère purement éventuel ; - il ne peut être fait droit à la demande présentée au titre du forfait journalier, alors qu'il n'est pas établi que cette somme n'aurait pas été prise en charge par une mutuelle de santé ; - seul le surcoût de loyer en lien avec le handicap de B... peut être mis à sa charge, et non les frais d'acquisition d'un logement, Mme A... ayant la possibilité de louer un logement adapté pour sa fille ; il convient donc de chiffrer le nombre de mètres carrés supplémentaires justifiés par l'état de santé de B... ; - la demande au titre du préjudice scolaire doit être rejetée, dès lors que ce préjudice est réparé au titre de la perte de revenus professionnels et des troubles dans les conditions d'existence ; à titre subsidiaire, ce préjudice ne saurait excéder 40 000 euros ; - l'évaluation de la perte de gains professionnels futurs ne peut se faire que sur la base du salaire médian à la date de consolidation, et non sur celle du salaire moyen ; la réparation sous forme de rente doit être privilégiée et il y a lieu de déduire les sommes perçues au titre de l'allocation aux adultes handicapés ; - le manquement qui est reproché à l'établissement ayant eu lieu à la naissance, B... D... n'est pas fondée à demander la réparation d'un préjudice d'agrément ; - l'expert n'ayant pas identifié un tel poste de préjudice, il n'y a pas lieu d'indemniser un préjudice esthétique temporaire ; - s'agissant des préjudices de Mme A..., celle-ci ne peut obtenir à la fois une indemnisation pour la perte de salaires en raison du temps requis pour s'occuper de sa fille et une indemnisation pour l'assistance par une tierce personne ; en outre, l'intéressée n'exerçait aucune activité professionnelle antérieurement à la naissance de sa fille ; - l'évaluation du préjudice d'affection par le tribunal est excessive ; - alors que le tribunal a indemnisé le préjudice d'affection et l'assistance par une tierce personne, l'indemnisation en sus des troubles dans les conditions d'existence constitue une double indemnisation ; à titre subsidiaire, cette indemnisation est excessive ; - s'agissant de l'appel incident, la capitalisation ne peut être faite selon le barème de la Gazette du Palais, mais plutôt selon celui de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) ou celui de l'indemnisation des victimes par les assureurs ; - il n'est pas établi que l'acquisition du matériel éducatif soit en lien direct, certain et exclusif avec le handicap ; - la rente avec production de justificatifs doit être privilégiée pour les dépenses de santé futures, par rapport à la capitalisation ; - le taux de perte de chance s'applique aussi aux honoraires de médecin conseil, ainsi que l'a jugé le tribunal ; - la demande au titre de l'incidence professionnelle ne peut qu'être rejetée dès lors que B... D... est dans l'impossibilité d'exercer une activité professionnelle ; - le jugement peut être confirmé sur l'indemnisation des déficits fonctionnels temporaire et permanent, des souffrances endurées, ainsi que du préjudice esthétique permanent ; - il convient de tenir compte de la provision de 100 000 euros déjà versée et d'appliquer le taux de perte de chance à l'ensemble des préjudices ; - les conclusions de la CPAM de Loire-Atlantique ont déjà été rejetées par l'arrêt avant dire droit ; le CHU s'oppose à la capitalisation des frais futurs. Par une ordonnance du 24 mai 2023, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 13 juin 2023. Par courrier du 14 septembre 2023, il a été demandé à Mme A... et à l'UDAF de Maine-et-Loire, sur le fondement de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, de produire tout justificatif relatif aux sommes perçues au titre de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé, de la prestation de compensation du handicap et de l'allocation aux adultes handicapés. Des pièces, produites par Mme A... et l'UDAF de Maine-et-Loire en réponse à cette demande, ont été enregistrées les 21 et 22 septembre, et 12 octobre 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de la santé publique ; - le code de la sécurité sociale ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Olivier Cotte, - les conclusions de Mme Charlotte Isoard, rapporteure publique, - et les observations de Me Le Prado, représentant le CHU de Pointe-à-Pitre et celles de Me Grenon, représentant Mme A..., Mme D... et l'UDAF de Maine-et-Loire. Considérant ce qui suit : 1. Mme A... a été admise au CHU de Pointe-à-Pitre le 10 juillet 1998 à 22 h 35 en vue de son accouchement. Le lendemain à partir de 11 h, de l'ocytocine de synthèse (Syntocinon(r)) lui a été administrée en cours de travail afin d'augmenter les contractions utérines. Un premier ralentissement du rythme cardiaque fœtal est survenu à 11 h 50, suivi d'une récupération, puis une bradycardie profonde sans variabilité s'est installée à partir de 12 h 35. La décision de réaliser une césarienne d'urgence a été prise à 13 h, et l'enfant B... D... est née à 13 h 23, avec un score d'Apgar de 4 à une minute et un poids de 2 440 g. Après intubation, elle a recouvré une autonomie respiratoire au bout de 30 minutes et a pu sortir de la maternité le 28 juillet, mais l'évolution ultérieure a révélé qu'elle était atteinte d'une tétraplégie spastique et dystonique en lien avec une asphyxie fœtale. 2. Au vu du rapport de l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe, remis le 18 mars 2009, ayant conclu que des fautes de l'hôpital étaient à l'origine d'une perte de chance de 30 % d'échapper à l'asphyxie fœtale, Mme A... a demandé la condamnation du CHU de Pointe-à-Pitre à réparer les préjudices subis. Sa fille étant devenue majeure le 11 juillet 2016, elle a sollicité une nouvelle expertise afin de fixer une date de consolidation et d'évaluer les préjudices définitifs, ce qui a donné lieu à un rapport déposé le 30 juin 2018. Par un jugement n° 1500061 du 2 juin 2020, le tribunal administratif de la Guadeloupe a condamné le CHU de Pointe-à-Pitre à verser à l'Union départementale des associations familiales (UDAF) de Maine-et-Loire, désignée le 25 septembre 2017 tutrice légale de Mme B... D..., une somme de 1 269 310,35 euros, une " rente " de 25 873,92 euros du 3 juin au 31 décembre 2020, et une rente annuelle de 28 247,04 euros à compter du 1er janvier 2021. Il a également condamné l'établissement hospitalier à verser à Mme A... une somme de 164 226,46 euros en réparation de ses préjudices propres et de frais d'assistance par une tierce personne durant l'enfance de sa fille,sous déduction de la provision de 100 000 euros déjà versée, à rembourser les dépenses de santé futures de Mme D... dans la limite de 30 % du montant total réglé, hors prise en charge par la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM), ainsi que les dépenses futures de logement adapté de Mme A..., sur présentation de justificatifs. Il a, par ailleurs, condamné le CHU à verser à la CPAM de Maine-et-Loire les sommes de 100 494,03 euros au titre des débours échus, et à lui rembourser les dépenses de santé futures sur présentation de justificatifs, dans la limite du taux de 30 %, et a enfin mis à la charge de l'hôpital la somme de 4 400 euros au titre des frais d'expertise. Par un arrêt du 30 juin 2022, la cour, saisie d'appels principaux du CHU de Pointe-à-Pitre et de la CPAM de Loire-Atlantique, et d'appels incidents de Mme A... et de l'UDAF de Maine-et-Loire, a rejeté les conclusions de la caisse et ordonné une expertise avant de statuer sur les conclusions des autres parties. Le rapport d'expertise, réalisé par un gynécologue-obstétricien assisté par un sapiteur pédiatre-réanimateur, a été déposé le 6 mars 2023. Sur la responsabilité : 3. La responsabilité administrative à raison d'actes médicaux accomplis dans des établissements hospitaliers publics est engagée en cas de faute simple. Dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter ce dommage. 4. Il résulte du rapport d'expertise déposé le 6 mars 2023 que, pour régulariser les contractions utérines et accélérer le travail, la décision a été prise, le 11 juillet 1998 à 11 h, d'administrer à Mme A... de l'ocytocine de synthèse, sous forme de cinq unités de Syntocinon(r) diluées dans une seringue de 20 ml placée en dérivation, alors qu'il est recommandé d'utiliser ce produit en perfusion intraveineuse lente, les cinq unités étant diluées dans 500 ml de sérum glucosé. L'injection en dérivation n'a pas permis, selon l'expert, de contrôler finement le débit de ce produit qui a provoqué, très rapidement, des contractions rapprochées et de forte intensité, avec d'abord un ralentissement transitoire du rythme cardiaque fœtal puis, à 12 h 35, un décrochage brutal, signe d'une hypoxie fœtale, les battements du cœur passant de 160 à 80 par minute. Pour remettre en cause ces conclusions, le centre hospitalier ne peut sérieusement se fonder sur les conclusions de la première expertise du 18 mars 2009, selon lesquelles un excès d'administration du Syntocinon(r) ne pouvait être retenu " bien qu'il puisse aussi induire un excès de fréquence des contractions utérines ", dès lors qu'elles ont été remises en cause, comme l'a relevé l'arrêt avant dire droit, par les éléments produits par Mme A..., constitués par une note technique établie par un médecin-conseil spécialisé en pharmacovigilance, la notice Vidal du Syntocinon(r) et un mémoire de fin d'études de sage-femme relatif à l'utilisation du Syntocinon(r) au cours du travail spontané, lequel comporte des références de littérature médicale, ce qui a conduit la cour à ordonner une nouvelle expertise. En outre, si l'établissement soutient qu'il ne serait pas établi que la totalité du produit aurait été utilisée, les experts indiquent qu'il a été demandé aux parties, lors de l'accédit, si la seringue de 20 ml était placée dans une pompe électrique afin de contrôler le débit de l'injection, et l'hôpital n'a pas pu apporter de précision sur ce point. Par conséquent, l'injection d'ocytocine de manière inadaptée constitue un premier manquement du CHU de Pointe-à-Pitre. 5. Il est en outre constant qu'alors que l'enfant a présenté une bradycardie à 12 h 35, nécessitant une intervention rapide, le médecin de garde n'a été appelé qu'à 12 h 56, et les experts relèvent que la césarienne en " code rouge ", qui aurait dû être réalisée en 15 à 20 minutes, l'a été en 27 minutes. Ce double retard, évalué à un total de 20 minutes, constitue un autre manquement fautif de nature à engager la responsabilité de l'hôpital. 6. Dans le cas où la faute commise, lors de la prise en charge ou du traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier, a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation ou à un accident médical ou de se soustraire à ses conséquences, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement, et qui doit être intégralement réparé, n'est pas le dommage corporel lui-même ou celui constaté, mais la perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu. La réparation, qui incombe à l'hôpital, doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue. 7. Selon le rapport d'expertise, lequel s'appuie sur la littérature médicale, le risque de séquelles devient majeur pour un nouveau-né à compter de 20 minutes d'anoxie. En l'espèce, B... a subi une hypoxie de 48 minutes, dont 20 minutes dues à un retard de prise en charge. Les experts relèvent cependant un état antérieur caractérisé par une légère restriction de croissance, avec un poids à terme de 2 440 g, dont l'absence de diagnostic avant la naissance n'était pas fautive. Ils estiment que cette hypotrophie tardive a contribué à la survenue de l'asphyxie per natale, et que la perfusion d'ocytocine dans des proportions excessives n'a fait que précipiter l'ischémie per natale. Ils en concluent que la chance perdue d'éviter la survenue du dommage, du fait de la double faute du centre hospitalier, doit être évaluée à 30 % pour le mésusage du Syntocinon(r) et 30 % pour le retard de prise en charge, soit 60 %. Toutefois, le faible poids du fœtus dans les derniers temps de la grossesse n'est pas à l'origine de l'asphyxie, et ne saurait conduire à une réduction du montant de l'indemnisation. Il ressort en outre du déroulé de l'accouchement, tel que rappelé par les experts, que la bradycardie profonde du fœtus est survenue très peu de temps après la perfusion surdosée de Syntocinon(r), qui a par ailleurs provoqué des vomissements de la parturiente, et les experts n'ont identifié aucune autre cause d'asphyxie fœtale. Dans ces conditions, la seconde faute, liée au retard dans la réalisation de la césarienne alors que le fœtus était en état de bradycardie, est absorbée par la première, résultant du mésusage du Syntocinon(r). La responsabilité du CHU de Pointe-à-Pitre est donc entière dans la survenue du dommage, et il n'y a pas lieu d'appliquer un taux de perte de chance. Sur les préjudices de Mme B... D... : 8. Selon le rapport d'expertise du 30 juin 2018, la date de consolidation de l'état de santé de Mme D... peut être fixée au 15 mai 2017, date de son entrée dans une maison d'accueil spécialisée, ce qu'aucune des parties ne conteste. En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux : S'agissant des préjudices temporaires : Quant aux frais divers : 9. Mme A... a exposé en juin 2012 des frais de médecin conseil pour un montant de 1 794 euros, qu'il y a lieu d'admettre. Quant aux frais liés au handicap : 10. Il résulte de l'instruction que les frais nécessités par le handicap de B... D..., soit une poussette adaptée et ses accessoires, des équipements de bain, une selle et ses accessoires et une orthèse de poignet, se sont élevées à 3 368,40 euros et n'ont été que partiellement pris en charge par la couverture maladie universelle pour un montant de 2 098,31 euros. Si le CHU soutient que l'achat de matériel éducatif, inclus pour un montant de 90,60 euros, serait sans lien avec le handicap, cet achat a été effectué auprès d'une société commercialisant des jeux adaptés à l'apprentissage et la rééducation d'enfants porteurs de handicap et troubles autistiques. Mme A... a également supporté des frais, pour un montant de 10 576,08 euros, en vue de la prise en charge de B... par le jardin d'enfants éducatif " Les Galopins " géré par l'association à vocation d'éducation et de réadaptation thérapeutiques des enfants infirmes moteurs cérébraux (AVERTI), entre 2001 et 2004. Dans ces conditions, le préjudice resté à la charge de Mme A... s'est élevé à 11 846,17 euros. Quant au besoin d'assistance par une tierce personne : 11. D'une part, lorsque le juge administratif indemnise dans le chef de la victime d'un dommage corporel la nécessité de recourir à l'aide d'une tierce personne, il détermine le montant de l'indemnité réparant ce préjudice en fonction des besoins de la victime et des dépenses nécessaires pour y pourvoir. Il doit à cette fin se fonder sur un taux horaire déterminé, au vu des pièces du dossier, par référence, soit au montant des salaires des personnes à employer augmentés des cotisations sociales dues par l'employeur, soit aux tarifs des organismes offrant de telles prestations, en permettant le recours à l'aide professionnelle d'une tierce personne d'un niveau de qualification adéquat et sans être lié par les débours effectifs dont la victime peut justifier. Il n'appartient notamment pas au juge, pour déterminer cette indemnisation, de tenir compte de la circonstance que l'aide a été ou pourrait être apportée par un membre de la famille ou un proche de la victime. 12. D'autre part, en vertu des principes qui régissent l'indemnisation par une personne publique des victimes d'un dommage dont elle doit répondre, il y a lieu de déduire de l'indemnisation allouée à la victime d'un dommage corporel au titre des frais d'assistance par une tierce personne le montant des prestations dont elle bénéficie par ailleurs et qui ont pour objet la prise en charge de tels frais. Il en est ainsi alors même que les dispositions en vigueur n'ouvrent pas à l'organisme qui sert ces prestations un recours subrogatoire contre l'auteur du dommage. La déduction n'a toutefois pas lieu d'être lorsqu'une disposition particulière permet à l'organisme qui a versé la prestation d'en réclamer le remboursement au bénéficiaire s'il revient à meilleure fortune. 13. Il résulte de l'instruction, et notamment des rapports d'expertise, que l'état de santé de Mme D..., qui est totalement dépendante depuis sa naissance pour tous les actes de la vie courante, requiert l'assistance d'une tierce personne de manière permanente. Si un jeune enfant est également dépendant de ses parents durant les premières années, la prise en charge de la jeune B... durant les trois premières années de sa vie a, ainsi que l'a relevé le tribunal sans entacher son jugement de contradiction de motifs, impliqué davantage de soins, en raison notamment de sa tétraparésie affectant l'axe, les membres et la sphère bucco-faciale, associée à une encélopathie spastique. B... a été admise en jardin d'enfants éducatif spécialisé pendant trois ans, de 2001 à 2004, pour des prises en charge variant de deux à quatre demi-journées par semaine, puis dans un institut médico-éducatif entre septembre 2004 et le 15 mai 2017 avec une intégration progressive, d'abord en externat, puis en internat à temps partiel. Le centre hospitalier ne conteste pas les volumes horaires du temps passé à domicile et en structure d'accueil pour la période avant consolidation. En retenant un besoin de 24 heures par jour entier passé au domicile, un coût correspondant au SMIC horaire brut augmenté des charges sociales, soit 9 euros pour la période antérieure à septembre 2001, 10 euros pour la période 2001-2004, 11,50 euros pour la période 2004-2008, 12,70 euros pour la période 2009-2012 et 13,35 à compter de 2012, et un calcul basé sur une année de 412 jours pour tenir compte des majorations dues les dimanches et jours fériés, ainsi que des congés payés, le besoin peut être fixé à 1 432 652 euros. 14. Mme D... a perçu durant cette période l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé, ainsi que la prestation de compensation du handicap. Malgré la demande qui leur a été adressée le 14 septembre 2023, Mme A... et l'UDAF de Maine-et-Loire n'ont produit que des justificatifs partiels qui ne couvrent pas l'intégralité de la période, ce qui ne permet pas de reconstituer les montants des prestations sociales perçues. Dans ces conditions, il y a lieu de condamner le CHU de Pointe-à-Pitre à verser à Mme A..., en qualité de représentant légale, la somme de 1 432 652 euros sous réserve de la déduction des sommes perçues au titre de ces prestations sociales. Quant au préjudice scolaire et de formation : 15. Lorsque la victime se trouve privée de toute possibilité d'accéder à une scolarité, la seule circonstance qu'il soit impossible de déterminer le parcours scolaire qu'elle aurait suivi ne fait pas obstacle à ce que soit réparé le préjudice ayant résulté pour elle de l'impossibilité de bénéficier de l'apport d'une scolarisation. La part patrimoniale de ce préjudice, tenant à l'incidence de l'absence de scolarisation sur les revenus professionnels, est réparée par l'allocation d'une rente fixée sur la base du salaire médian net mensuel. La part personnelle de ce préjudice ouvre à la victime le droit à une réparation. 16. Il résulte de l'instruction que Mme D..., atteinte d'une déficience intellectuelle importante avec lenteur d'idéation, capacités d'apprentissage réduites et absence de langage, n'a pas pu acquérir les apprentissages scolaires de base au cours de sa prise en charge dans des établissements médico-éducatifs. Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la part patrimoniale de ce préjudice scolaire est réparée par l'allocation d'une rente au titre de la perte de gains professionnels, examinée dans le cadre des préjudices permanents. S'agissant des préjudices permanents : Quant aux frais divers : 17. En premier lieu, Mme D... a exposé des frais de médecin conseil qui se sont élevés à 4 800 euros afin d'être assistée lors des deux expertises des 29 juin 2018 et 16 novembre 2022. 18. En second lieu, Mme D... justifie avoir exposé des frais de déplacement pour effectuer les trajets entre la maison d'accueil spécialisé et les domiciles de ses parents, pour un montant de 421,50 euros en 2018 et 547,91 euros en 2019, soit un total de 969,41 euros non pris en charge par la sécurité sociale. Quant aux frais liés au handicap, à l'hébergement et à l'assistance par une tierce personne : Pour la période passée : 19. D'une part, Mme D..., qui soutient ne bénéficier que de la couverture médicale universelle et non d'une mutuelle, établit avoir supporté un forfait journalier de 20 euros dans le cadre de sa prise en charge, depuis le 15 mai 2017, en maison d'accueil spécialisée. Pour la période courant jusqu'à la date du présent arrêt, le 16 novembre 2023, soit 2 376 jours, et en tenant compte des jours passés à domicile, qui peuvent être évalués à 151 jours par an, le préjudice liés aux frais d'hébergement dans une institution s'élève à 27 600 euros. 20. D'autre part, bien que prise en charge durant la semaine dans une maison d'accueil spécialisée, Mme D... revient au domicile de sa mère les week-ends, les jours fériés et durant les congés. Durant ces périodes qui représentent 151 jours par an, elle nécessite, ainsi que cela a été dit, une assistance permanente. Si l'UDAF de Maine-et-Loire et Mme A... font valoir que ce besoin doit être porté à 28 heures par jour compte tenu de la nécessité, pour certains actes, d'être à deux, une telle configuration a expressément été écartée par le rapport d'expertise qui estime que le recours au lève-personne permet de se dispenser de recourir à deux aides simultanées. Dans ces conditions, la circonstance que tel est le cas dans la maison d'accueil spécialisée ne permet pas de caractériser une telle nécessité. Pour la période passée, en se fondant, à défaut d'autres éléments justificatifs, sur le coût moyen du SMIC horaire augmenté des charges sociales et une année de 412 jours pour tenir compte des congés payés et des majorations pour dimanche et jours fériés, le préjudice peut être évalué à 385 347 euros. 21. Enfin, il résulte de l'instruction que Mme D... doit exposer des frais d'appareillage, constitués notamment par un fauteuil roulant, un lève-personne, un lit médicalisé, un matelas de prévention d'escarres, un fauteuil de toilette, un verticalisateur, un corset-siège et un ordinateur à commande oculaire qui représentent chaque année un montant non contesté de 12 013,80 euros. S'y ajoutent des frais de consommables (couches, alèses, gants et produits de toilette, compléments alimentaires épaississants) pour un montant annuel, évalué par la maison d'accueil spécialisée et non contesté, de 1 165,76 euros. Il ressort en outre de l'instruction que ces frais sont exposés y compris durant les périodes où B... séjourne dans cet hébergement spécialisé. Pour la période passée, courant du 15 mai 2016 au 16 novembre 2023, le montant des frais s'élève à 85 793 euros. Il y a lieu de déduire les prises en charge de la sécurité sociale s'agissant de la location d'un lève-malade, le lit médical, un fauteuil roulant manuel, un corset-siège et une gouttière de nuit qui représentent un montant annuel de 4 955,89 euros, soit 32 260 euros sur la période. Le préjudice peut ainsi être fixé à 53 533 euros. 22. Il résulte des trois points précédents que les frais liés au handicap, à l'hébergement et à l'assistance pour une tierce personne représentent une somme de 466 480 euros. Mme D... a perçu, d'une part, la prestation de compensation du handicap à compter du 15 mai 2017, date de la consolidation, pour un montant total de 12 002 euros, et d'autre part l'allocation à l'éducation de l'enfant handicapé pour la période du 15 mai 2017, au 31 juillet 2018, après qu'elle a atteint ses 20 ans, pour un montant non précisé malgré une mesure d'instruction en ce sens. Dans ces conditions, il y a lieu de condamner le CHU à lui verser la somme de 454 478 euros sous réserve de la déduction de l'allocation à l'éducation de l'enfant handicapé. Pour la période à venir : 23. Si le juge n'est pas en mesure de déterminer, lorsqu'il se prononce, si la victime résidera à son domicile, ou sera hébergée dans une institution spécialisée, il lui appartient de lui accorder une rente trimestrielle couvrant les frais de son maintien à domicile, en précisant le mode de calcul de cette rente, dont le montant doit dépendre du temps passé à son domicile au cours du trimestre, ainsi qu'une rente distincte, dont les modalités de calcul sont définies selon les mêmes modalités, ayant pour objet de l'indemniser des frais liés à son hébergement dans l'institution spécialisée. Il y a également lieu de prévoir l'actualisation régulière des montants respectifs des deux rentes, sous le contrôle du juge de l'exécution, au vu des justificatifs produits par la victime se rapportant au nombre de jours du trimestre au cours desquels celle-ci est prise en charge en institution spécialisée, de l'évolution du coût de cette prise en charge et également, le cas échéant, des prestations versées à ce titre ainsi qu'au titre de l'assistance par une tierce personne. Cette actualisation du montant des rentes ne peut cependant avoir pour effet ni de différer leur versement ni de conduire la victime à avancer les frais correspondants à l'indemnisation qui lui est due. 24. En premier lieu, il y a lieu de condamner le CHU de Pointe-à-Pitre à verser à Mme D... une rente trimestrielle de 1 260 euros, par période à échoir, correspondant au forfait journalier de 20 euros qu'elle supporte au titre de sa prise en charge en maison d'accueil spécialisée, à hauteur de 63 jours par trimestre. Le montant de cette rente sera actualisé à la fin de chaque année, pour l'année suivante, sur la base notamment des justificatifs des frais exposés au cours de l'année passée, que Mme D... devra adresser au centre hospitalier, et sera revalorisé chaque année par application du coefficient mentionné à l'article L. 161-25 du code de la sécurité sociale. 25. En deuxième lieu, sur la base des éléments énoncés au point 20 et en retenant un nombre de 38 jours passés à domicile, il y a lieu de condamner le CHU de Pointe-à-Pitre à verser à Mme D... une rente trimestrielle d'un montant de 14 927 euros au titre de l'assistance par une tierce personne, par période à échoir, sous déduction du montant de la prestation de compensation du handicap au titre des aides humaines, dont il appartiendra à Mme D... de justifier. Ce montant sera actualisé chaque année au regard des éléments mentionnés ci-dessus, en fonction notamment du temps de présence de Mme D... au domicile de ses proches. Il sera, en outre, revalorisé chaque année par application du coefficient mentionné à l'article L. 161-25 du code de la sécurité sociale. 26. En troisième lieu, le préjudice relatif aux frais de matériel lié au handicap peut être réparé sous forme de rente annuelle, calculée à partir du reste à charge après remboursements de la sécurité sociale, soit un montant de 8 223,67 euros, à verser par période à échoir, sous déduction des aides techniques et spécifiques de la prestation de compensation du handicap, dont il appartiendra à Mme D... de justifier. Ce montant sera revalorisé annuellement en application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale. Quant aux frais de logement : 27. Il résulte de l'instruction que si Mme D... est prise en charge la plupart du temps dans une maison d'accueil spécialisée, elle séjourne régulièrement, durant les weekends et les congés, chez sa mère, locataire d'un logement de 56 m², qui n'est pas adapté au handicap, ainsi que l'a relevé un ergothérapeute dans son rapport du 28 février 2017, en raison notamment de la dimension de la salle de bains et de l'absence de possibilité d'accueillir une tierce personne. Il ressort également de ce document que Mme D... souhaite faire construire une maison adaptée, et sollicite, pour ce faire, une indemnisation couvrant les frais de construction de ce nouveau logement. Toutefois, le préjudice dont Mme D... peut prétendre obtenir réparation correspond au seul surcoût représenté par la nécessité d'avoir un logement plus spacieux, doté des équipements adaptés et permettant d'accueillir une tierce personne. En l'absence d'éléments suffisants au dossier pour chiffrer ce préjudice, il y a lieu d'ordonner un supplément d'instruction. Quant aux frais de véhicule adapté : 28. L'état de santé de Mme D... qui effectue plusieurs déplacements par mois entre la maison d'accueil spécialisée et les domiciles de chacun de ses deux parents, requiert un véhicule adapté, suffisamment grand pour pouvoir accueillir son fauteuil. Il résulte de l'instruction que le surcoût engendré par l'acquisition d'un véhicule de type van avec ses équipements d'accessibilité par rapport à un véhicule plus classique a été évalué à 27 890 euros. Par conséquent, pour la période passée, le préjudice s'élève à 27 890 euros. Pour la période à venir, en tenant compte de la nécessité d'un renouvellement tous les dix ans et du taux de capitalisation de 60,458 issu du barème de la Gazette du Palais 2022 pour une femme âgée de 25 ans à la date du présent arrêt, le préjudice peut être fixé à 169 161 euros. En revanche, ainsi que le soutient le CHU, cette indemnisation fait obstacle à ce que soit également indemnisé, pour l'avenir, d'éventuels frais de déplacements en véhicule sanitaire léger (VSL). Quant aux pertes de gains professionnels et à l'incidence scolaire et professionnelle : 29. Lorsque la victime se trouve, du fait d'un accident corporel survenu dans son jeune âge, privée de toute possibilité d'accéder dans les conditions usuelles à la scolarité et à une activité professionnelle, la circonstance qu'il n'est pas possible, eu égard à la précocité de l'accident, de déterminer le parcours scolaire et professionnel qui aurait été le sien ne fait pas obstacle à ce que soit réparé le préjudice, qui doit être regardé comme certain, résultant pour elle de la perte des revenus qu'une activité professionnelle lui aurait procurés et de la pension de retraite consécutive, ainsi que ses préjudices d'incidence scolaire et professionnelle. 30. Dans un tel cas, il y a lieu de réparer tant le préjudice professionnel que la part patrimoniale des préjudices d'incidence scolaire et professionnelle par l'octroi à la victime d'une rente de nature à lui procurer, à compter de sa majorité et sa vie durant, un revenu équivalent au salaire médian. Cette rente mensuelle doit être fixée sur la base du salaire médian net mensuel de l'année de la majorité de la victime, revalorisé chaque année par application du coefficient mentionné à l'article L. 161-25 du code de la sécurité sociale. 31. Doivent en être déduits les éventuels revenus d'activité ainsi que, le cas échéant, les sommes perçues au titre de l'allocation aux adultes handicapés, ou au titre de pensions ou de prestations ayant pour objet de compenser la perte de revenus professionnels. 32. Le salaire mensuel médian net s'établissait en 2016, année de la majorité de Mme D..., à 1 710 euros. Par suite, le préjudice subi pour la période allant d'août 2016 à la présente décision calculée en nombre de mois, s'élève à une somme égale à 88 fois ce montant, revalorisé chaque année par application des coefficients annuels prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale. Il y a lieu de renvoyer Mme D... devant le CHU de Pointe-à-Pitre pour qu'il soit procédé à la liquidation de cette indemnité, en déduction de laquelle viendront les sommes perçues par la victime au titre de l'allocation aux adultes handicapés. 33. Pour l'avenir, il y a lieu d'allouer à Mme D..., en réparation de sa perte de revenus professionnels et de la perte consécutive de droits à pension, préjudice incluant la part patrimoniale de son préjudice scolaire, une rente dont le montant sera calculé sur la base du salaire médian net de 2016, soit 5 130 euros par trimestre, actualisé pour l'année 2023 en fonction des coefficients annuels de revalorisation fixés en application de l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale depuis l'année 2016 et revalorisé annuellement à l'avenir par application des mêmes coefficients. Les sommes perçues par Mme D... au titre de l'allocation aux adultes handicapés viendront, le cas échéant, en déduction de cette rente. En ce qui concerne les préjudices extrapatrimoniaux : S'agissant des préjudices temporaires : 34. Mme D... a subi un déficit fonctionnel temporaire évalué par l'expertise du 30 juin 2018 à 100 % pour l'ensemble de la période de sa naissance jusqu'au 15 mai 2017, soit 226 mois. Le préjudice peut ainsi être fixé à 135 600 euros. 35. L'expert a évalué les souffrances endurées à 6,5 sur une échelle de 7 en raison des périodes d'hospitalisation, du nombre de consultations spécialisées, des actes chirurgicaux, des injections de toxine botulique et des prises en charge thérapeutiques. Dans ces conditions, le préjudice peut être fixé à 31 000 euros. 36. Si le centre hospitalier soutient que l'expert n'a pas retenu de préjudice esthétique temporaire, la tétraplégie spastique, la déformation des quatre membres et l'usage d'un fauteuil roulant manuel que l'expert a retenus pour caractériser un préjudice esthétique, qu'il a évalué à cinq sur une échelle de sept, existait déjà lorsque Mme D... était mineure. Eu égard à la durée de plus de dix-neuf ans de la période avant consolidation, le préjudice esthétique temporaire peut être fixé à 15 000 euros. 37. Dans les circonstances de l'espèce, la part personnelle du préjudice scolaire et de formation peut être fixée à 40 000 euros. S'agissant des préjudices permanents : 38. L'importance des séquelles conservées par Mme D... qui souffre d'une quadriplégie spastique, d'une hypotonie axiale, d'une déformation des membres, d'une ostéopénie, de déficience intellectuelle, d'absence de langage, de troubles de la déglutition et d'incontinence a justifié d'évaluer son incapacité à 95 %. Eu égard à son âge à la date de la consolidation, soit 19 ans, le déficit fonctionnel permanent peut être réparé en allouant la somme de 558 911 euros. 39. La part personnelle de l'incidence professionnelle, liée à l'impossibilité d'exercer une quelconque activité professionnelle, peut être évaluée à 20 000 euros. 40. Ainsi qu'il a été dit, le préjudice esthétique permanent a été évalué à cinq sur une échelle de sept. Il peut donner lieu à une indemnité de 27 000 euros. 41. Si l'expert a estimé qu'il n'existait aucun préjudice d'agrément, compte tenu des séquelles, il n'en demeure pas moins que Mme D... est privée de toute activité de loisirs ou sportive. Dans ces conditions, le préjudice peut être évalué à 15 000 euros. 42. Les préjudices sexuel et d'établissement, évalués par les premiers juges à, respectivement 90 000 euros et 100 000 euros, ne sont pas contestés en appel. 43. Il résulte de tout ce qui précède que le CHU de Pointe-à-Pitre doit être condamné à verser, d'une part, à Mme A... la somme de 1 432 652 euros indiquée au point 14 pour l'assistance par une tierce personne au titre de la période antérieure à la consolidation, sous déduction de la provision de 100 000 euros qu'elle a perçue en qualité de représentante légale de sa fille et, d'autre part, à Mme D... la somme de 1 248 971,58 euros l'indemnité prévue au point 22 pour les frais liés au handicap, aux frais d'hébergement et à l'assistance par une tierce personne pour la période comprise entre la date de consolidation et le présent arrêt, ainsi que les rentes prévues aux points 24 à 26 pour la période à venir, et l'indemnité et la rente prévues aux point 32 et 33 pour les pertes de gains professionnels et la part patrimoniale de l'incidence professionnelle. Il y a en outre lieu d'ordonner un supplément d'instruction sur le préjudice lié aux frais de logement. Sur les préjudices de Mme A... : 44. Il résulte de l'instruction que Mme A..., âgée de 36 ans à la naissance de sa fille en juillet 1998, n'exerçait pas d'activité professionnelle et avait seulement bénéficié de contrats d'insertion de novembre 1996 à mai 1997 et de juillet 1997 à octobre 1997. Si elle fait valoir que la nécessité de s'occuper de sa fille lui a fait perdre des revenus professionnels, elle ne l'établit pas. Le CHU de Pointe-à-Pitre est ainsi fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal l'a condamné à indemniser un tel préjudice. 45. Mme A... a subi un préjudice lié à la douleur ressentie à la vue de la situation vécue par son enfant et qui perdure bien que sa fille soit devenue adulte. Elle a également dû réorganiser sa vie pendant plus de vingt ans pour assurer le suivi et la prise en charge de B..., notamment avec un déménagement en métropole et une séparation d'avec le père de ses enfants. Dans ces conditions, il peut être fait une juste appréciation du préjudice d'affection et des troubles dans les conditions d'existence à la somme globale de 50 000 euros, et le CHU de Pointe-à-Pitre est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal les a évalués à un total de 200 000 euros. Sur les conclusions de la caisse : 46. Par l'arrêt avant dire droit du 30 juin 2022, la cour a rejeté expressément les conclusions présentées par la CPAM de Loire-Atlantique. Par suite, comme le fait valoir le CHU, cette dernière ne peut utilement les réitérer postérieurement au dépôt du rapport d'expertise. Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts : 47. Mme D... et Mme A... ont droit aux intérêts au taux légal à compter du 30 août 2012, date de réception de leur demande préalable par le CHU de Pointe-à-Pitre. La capitalisation des intérêts a été demandée le 2 février 2015. A cette date, il était dû au moins une année d'intérêts. Dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande. Les intérêts sur les indemnités dues pour la période postérieure au 30 août 2012 courront à compter du 31 décembre de l'année à laquelle ces indemnités se rapportent, et seront capitalisés au 31 décembre de l'année suivante et à chaque échéance annuelle ultérieure. Sur les frais liés au litige : 48. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. (...) ". Aux termes de l'article R. 761-1 de ce code : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. (...) ". 49. D'une part, il résulte des énonciations du jugement attaqué que les frais et honoraires de l'expertise du 18 mars 2009 et ceux de l'expertise du 30 juin 2018, liquidés et taxés respectivement par des ordonnances des 31 mars 2009 et 7 septembre 2018 pour des montants de 3 300 euros et de 1 100 euros, ont été mis à la charge définitive du CHU de Pointe-à-Pitre. Il y a lieu, en outre, de mettre à la charge de ce dernier les frais et honoraires de l'expertise du 6 mars 2023, liquidés et taxés par une ordonnance du 14 mars 2023 pour un montant de 4 400 euros. 50. D'autre part, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CHU de Pointe-à-Pitre une somme de 2 500 euros, à verser à Mme A... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. DECIDE : Article 1er : La somme que le CHU de Pointe-à-Pitre a été condamné à verser à l'UDAF de Maine-et-Loire, en qualité de tutrice légale de Mme D..., est ramenée à 1 248 971,58 euros. Article 2 : Le CHU de Pointe-à-Pitre est condamné à verser à Mme A... la somme de 1 432 652 euros au titre du besoin d'assistance par une tierce personne pour la période antérieure à la consolidation, sous réserve de déduire les sommes perçues par Mme A... au titre de l'allocation à l'éducation de l'enfant handicapé et la prestation de compensation du handicap, ainsi que la provision de 100 000 euros déjà perçue. Article 3 : Le CHU de Pointe-à-Pitre est condamné à verser à Mme D... une somme de 454 478 euros au titre des frais liés au handicap, des frais d'hébergement et de l'assistance par une tierce personne pour la période comprise entre la date de consolidation et le présent arrêt, sous réserve de déduire l'allocation à l'éducation de l'enfant handicapé perçue au titre de cette période. Article 4 : Le CHU de Pointe-à-Pitre est condamné à verser à Mme D..., en réparation de la part patrimoniale de son préjudice scolaire, de la perte de revenus professionnels et de la perte consécutive de droits à pension, pour la période allant d'août 2016 au présent arrêt, une somme correspondant à 88 fois le salaire médian net de 1 710 euros en 2016 revalorisé chaque année par application des coefficients annuels prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale, sous réserve de déduire l'allocation aux adultes handicapés perçue au titre de cette période. Article 5 : Le CHU de Pointe-à-Pitre est condamné à verser à Mme D..., en réparation de la part patrimoniale de son préjudice scolaire, de la perte de revenus professionnels et de la perte consécutive de droits à pension, pour la période future, une rente calculée sur la base de 5 130 euros par trimestre en 2016 actualisés pour l'année 2023 par application des coefficients annuels de revalorisation fixés en application de l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale depuis l'année 2016, et revalorisée ultérieurement par application des mêmes coefficients, sous réserve de déduire l'allocation aux adultes handicapés perçue. Article 6 : Le CHU de Pointe-à-Pitre est condamné à verser à Mme D... une rente trimestrielle de 1 260 euros au titre des frais futurs d'hébergement en maison d'accueil spécialisée, dont le montant sera actualisé à la fin de chaque année, pour l'année suivante, sur la base des justificatifs qui seront présentés par Mme D..., des frais exposés au cours de l'année passée et des prestations sociales versées à ce titre. Cette rente sera revalorisée chaque année par application du coefficient mentionné à l'article L. 161-25 du code de la sécurité sociale. Article 7 : Le CHU de Pointe-à-Pitre est condamné à verser à Mme D... une rente trimestrielle de 14 927 euros au titre des frais futurs d'assistance par une tierce personne, dont le montant sera actualisé à la fin de chaque année, pour l'année suivante, en fonction du temps de présence de Mme D... au domicile de ses proches et des prestations sociales versées à ce titre. Cette rente sera en outre revalorisée chaque année par application du coefficient mentionné à l'article L. 161-25 du code de la sécurité sociale. Article 8 : Le CHU de Pointe-à-Pitre est condamné à verser à Mme D... une rente annuelle de 8 223,67 euros à verser par période à échoir, sous déduction des aides techniques et spécifiques dont il appartiendra à cette dernière de justifier. Ce montant sera revalorisé annuellement en application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale. Article 9 : La somme que le CHU de Pointe-à-Pitre a été condamné à verser à Mme A... en réparation de ses préjudices propres est ramenée à 50 000 euros. Article 10 : Les condamnations prononcées aux articles 1er à 9 seront assorties des intérêts au taux légal à compter du 30 août 2012, ainsi que de la capitalisation des intérêts à compter du 2 février 2015 et à chaque échéance annuelle ultérieure. Les intérêts sur les indemnités dues pour la période postérieure au 30 août 2012 courront à compter du 31 décembre de l'année à laquelle ces indemnités se rapportent, et seront capitalisés au 31 décembre de l'année suivante et à chaque échéance annuelle ultérieure. Article 11 : Le jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt, en ce qu'il a statué sur les préjudices autres que les frais de logement adapté. Article 12 : Les frais et honoraires de l'expertise déposée le 6 mars 2023, liquidés et taxés à la somme de 4 400 euros par une ordonnance du président de la cour du 14 mars 2023, sont mis à la charge définitive du CHU de Pointe-à-Pitre. Article 13 : Le CHU de Pointe-à-Pitre versera à Mme A... une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 14 : Avant de statuer sur la demande relative au préjudice relatif aux frais de logement adapté, il sera procédé à un supplément d'instruction tendant à la production, par Mme D..., de tout document permettant d'évaluer le surcoût lié à l'adaptation au handicap d'un nouveau logement, qui permettrait en outre d'accueillir une tierce personne, ainsi qu'il a été précisé au point 27. Ces documents devront parvenir au greffe de la cour administrative d'appel avant le 1er mars 2024. Article 15 : Tous droits, moyens et conclusions des parties sur lesquels il n'est pas statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance. Article 16 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier universitaire de Pointe-à-Pitre/Les Abymes, à l'Union départementale des associations familiales de Maine-et-Loire en qualité de tutrice de Mme B... D..., à Mme C... A... et à la caisse primaire d'assurance maladie de Loire-Atlantique. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023 à laquelle siégeaient : Mme Anne Meyer, présidente assesseure, Mme E... F..., première assesseure, M. Olivier Cotte, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. Le rapporteur, Olivier Cotte La présidente, Anne Meyer La greffière, Virginie Guillout La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 20BX02414 |
CETATEXT000048424258 | J3_L_2023_11_00021BX01001 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/42/CETATEXT000048424258.xml | Texte | CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 16/11/2023, 21BX01001, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de BORDEAUX | 21BX01001 | 2ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme MEYER | DIROU | Mme Florence REY-GABRIAC | Mme ISOARD | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Par un premier recours, Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux, d'une part, d'annuler l'arrêté du 31 janvier 2019 par lequel le maire de la commune de Néac l'a autorisée à reprendre ses fonctions à temps partiel thérapeutique à compter du 1er février 2019 pour une durée de trois mois, en tant qu'il a fixé le montant de ses primes et indemnités au prorata de la durée effective du service à 50 % et, d'autre part, de condamner la commune de Néac à lui verser le montant de son indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise (IFSE) de 658, 95 euros à compter du mois de février 2019. Par un second recours, Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté modifié du 31 janvier 2019 par lequel le maire de la commune de Néac l'a autorisée à reprendre ses fonctions à temps partiel thérapeutique à compter du 1er février 2019 pour une durée de trois mois, en tant qu'il a fixé le montant de ses primes et indemnités au prorata de la durée effective du service à 50 %. Après avoir joint ces deux recours, le tribunal administratif de Bordeaux a, par un jugement nos 1901340-1902059 du 5 janvier 2021, rejeté les demandes de Mme A.... Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 4 mars 2021, Mme A..., représentée par Me Dirou, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 5 janvier 2021 du tribunal administratif de Bordeaux ; 2°) d'annuler l'arrêté du 31 janvier 2019 en tant qu'il a réduit à 50 % ses primes et indemnités calculées au prorata de la durée du service pendant son mi-temps thérapeutique ; 3°) de condamner la commune de Néac à lui verser le montant de son indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise (IFSE) de 658, 95 euros à compter du mois de février 2019 ; 4°) de mettre à la charge de la commune de Néac la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le tribunal a statué au-delà de ses conclusions, dès lors qu'elle demandait l'annulation de l'arrêté du 31 janvier 2019 uniquement en tant qu'il a réduit le versement de ses primes et indemnités ; en revanche, il a omis de statuer sur la seconde version de cet arrêté, prise postérieurement à la délibération du conseil municipal du 15 février 2019 qui rend exécutoire la mise en œuvre du régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel (RIFSEEP), mais toujours datée du 31 janvier 2019 ; - le tribunal ne pouvait utiliser la " substitution de motifs " pour substituer un " motif " qui n'existait pas au moment de l'édiction de l'arrêté, à savoir la délibération du 15 février 2019 ; - la délibération du 12 octobre 2017, qui avait pour objet la mise en place du RIFSEEP, énonçait en son article 5 que celui-ci pourra être suspendu en cas de congé maladie ; par suite, les primes et indemnités ne pouvaient être réduites de 50 % en raison de son mi-temps thérapeutique. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des collectivités territoriales ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le décret n° 91-875 du 6 septembre 1991 ; - le décret n° 2014-513 du 20 mai 2014 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme B..., - les conclusions de Mme Isoard, rapporteure publique, - et les observations de Me Bressolles, représentant Mme A.... Considérant ce qui suit : 1. Mme C... A..., attachée territoriale de la commune de Néac (Gironde), a été victime le 22 novembre 2016 d'un accident reconnu imputable au service et a été placée en arrêt de travail jusqu'au 1er février 2019. A compter de cette date, elle a repris ses fonctions dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique pour une durée de trois mois jusqu'au 30 avril 2019. Par un arrêté du 31 janvier 2019 et un arrêté modifié daté du même jour, dont les dispositifs sont identiques, le maire l'a autorisée à reprendre ses fonctions à mi-temps thérapeutique du 1er février au 30 avril 2019, tout en précisant, par l'article 2 de ces arrêtés, qu'elle percevrait l'intégralité de son traitement, ainsi que, le cas échéant, du supplément familial et de la NBI (nouvelle bonification indiciaire), mais que le montant des primes et indemnités serait calculé au prorata de la durée effective du service, soit à 50 %. Par deux recours distincts, Mme A... a demandé, d'une part, l'annulation de ces deux arrêtés en tant qu'ils prévoient que ses primes et indemnités ne lui seront versées qu'à hauteur de 50 % pendant son mi-temps thérapeutique et, d'autre part, la condamnation de la commune à lui verser le différentiel perdu. Par un jugement du 5 janvier 2021, le tribunal administratif de Bordeaux, après avoir joint ces recours, les a rejetés. Mme A... relève appel de ce jugement en réitérant les mêmes conclusions indemnitaires. Sur la régularité du jugement : 2. En premier lieu, Mme A... soutient que le tribunal a statué au-delà de ses conclusions, dès lors qu'elle n'avait demandé l'annulation de l'arrêté du 31 janvier 2019 qu'en tant qu'il prévoit que le montant de ses primes et indemnités sera calculé au prorata de la durée effective du service, soit 50 %. Cependant, alors au demeurant que le jugement attaqué n'a pas fait droit à ses conclusions à fin d'annulation, il ressort des motifs retenus par les premiers juges que ceux-ci ont bien considéré qu'elle ne demandait l'annulation de cet arrêté que dans cette mesure. 3. En deuxième lieu, contrairement à ce que fait valoir la requérante, par le point 4 de leur jugement, les premiers juges ont statué sur la version modifiée de l'arrêté du 31 janvier 2019, qu'ils ont d'ailleurs estimée illégale, dès lors qu'elle se fondait sur une délibération prise postérieurement, raison pour laquelle ils ont procédé à une substitution de base légale. 4. En dernier lieu, cette substitution de base légale, laquelle relève de l'office du juge, a été soumise au débat contradictoire, comme l'indiquent les visas du jugement. Elle n'a ainsi pas eu pour effet de priver Mme A... des garanties de procédure qui lui sont offertes par la loi, alors au demeurant que cette dernière ne la conteste pas sur le fond. Par suite, le moyen tiré de ce que le tribunal aurait irrégulièrement procédé à une substitution de base légale doit être écarté. 5. Il résulte de ce qui précède que le jugement attaqué n'est pas entaché des irrégularités alléguées. Sur les conclusions à fin d'annulation : 6. Il y a lieu de regarder les conclusions de Mme A... comme dirigées contre l'arrêté modifié du 31 janvier 2019, lequel s'est substitué à l'arrêté initial du même jour, dont il ne diffère que par les visas de son fondement légal. 7. Aux termes de l'article 88 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, alors en vigueur : " Les organes délibérants des collectivités territoriales et de leurs établissements publics fixent les régimes indemnitaires, dans la limite de ceux dont bénéficient les différents services de l'Etat. Ces régimes indemnitaires peuvent tenir compte des conditions d'exercice des fonctions et de l'engagement professionnel des agents. Lorsque les services de l'Etat servant de référence bénéficient d'une indemnité servie en deux parts, l'organe délibérant détermine les plafonds applicables à chacune de ces parts et en fixe les critères, sans que la somme des deux parts dépasse le plafond global des primes octroyées aux agents de l'Etat. / (...) ". Aux termes de l'article 1er du décret du 6 septembre 1991 pris pour l'application de ces dispositions : " Le régime indemnitaire fixé par les assemblées délibérantes des collectivités territoriales et les conseils d'administration des établissements publics locaux pour les différentes catégories de fonctionnaires territoriaux ne doit pas être plus favorable que celui dont bénéficient les fonctionnaires de l'Etat exerçant des fonctions équivalentes ". 8. Aux termes de l'article 20 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté attaqué : " Les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération comprenant le traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement ainsi que les indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire (...) ". Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 : " (...) / 4° bis. Après un congé de maladie, un congé de longue maladie ou un congé de longue durée, les fonctionnaires peuvent être autorisés à accomplir un service à temps partiel pour raison thérapeutique, accordé pour une période de trois mois renouvelable dans la limite d'un an pour une même affection. Après un congé pour accident de service ou maladie contractée dans l'exercice des fonctions, le travail à temps partiel thérapeutique peut être accordé pour une période d'une durée maximale de six mois renouvelable une fois. / (...) /. Les fonctionnaires autorisés à travailler à temps partiel pour raison thérapeutique perçoivent l'intégralité de leur traitement ; (...) ". 9. Enfin, l'article 4 du décret du 20 mai 2014 portant création d'un régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel dans la fonction publique de l'Etat (RIFSEEP) dispose que les fonctionnaires relevant de la loi du 11 janvier 1984 " peuvent bénéficier d'un complément indemnitaire annuel qui tient compte de l'engagement professionnel et de la manière de servir, appréciée dans les conditions fixées en application de l'article 55 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée. / Il est compris entre 0 et 100 % d'un montant maximal par groupe de fonctions fixé par arrêté du ministre chargé de la fonction publique et du ministre chargé du budget et, le cas échéant, du ministre intéressé. / Le complément indemnitaire fait l'objet d'un versement annuel, en une ou deux fractions, non reconductible automatiquement d'une année sur l'autre ". Aux termes de l'article 5 du même décret : " L'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise et le complément indemnitaire annuel sont exclusifs de toutes autres primes et indemnités liées aux fonctions et à la manière de servir, à l'exception de celles énumérées par arrêté du ministre chargé de la fonction publique et du ministre chargé du budget. ". A la date de l'arrêté attaqué, le RIFSEEP mis en place pour les agents de la commune de Néac était fixé par une délibération du conseil municipal du 12 octobre 2017, et prévoyait notamment une indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise (IFSE). 10. Contrairement à ce que soutient Mme A..., les premiers juges n'ont pas procédé à une substitution de motif, mais, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, à une substitution de base légale, en constatant que l'arrêté modifié du 31 janvier 2019 était illégal en ce qu'il avait été pris sur le fondement d'une délibération du 12 février 2019 relative au régime indemnitaire qui n'était pas en vigueur, et en examinant le litige relatif au calcul des primes au prorata du temps travaillé au regard de la délibération du 12 octobre 2017 mentionnée au point précédent. Il résulte des dispositions citées aux points 7 à 9 qu'un fonctionnaire territorial autorisé à accomplir un service à temps partiel pour raison thérapeutique peut prétendre au maintien de son traitement à taux plein. En revanche, aucune disposition législative ou réglementaire ne lui permet de prétendre au maintien de son régime indemnitaire à taux plein si celui-ci est lié à l'exercice effectif des fonctions. Il ne résulte ni des dispositions précitées du décret du 20 mai 2014, ni de la délibération du conseil municipal de la commune de Néac du 12 octobre 2017 que les indemnités servies au titre du RIFSEEP, dont l'IFSE, auraient un caractère forfaitaire. Les dispositions précitées de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984, prévoyant le maintien du plein traitement du fonctionnaire placé en congé de maladie imputable au service, n'impliquent pas davantage le maintien des indemnités liées à l'exercice effectif des fonctions. Par suite, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que le temps partiel thérapeutique était consécutif à un accident reconnu imputable au service, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a jugé que le maire de Néac avait pu légalement estimer que l'IFSE était liée à l'exercice effectif des fonctions, et décider qu'elle serait calculée au prorata de la durée effective du service, soit à 50 %, pendant la durée du mi-temps thérapeutique de l'intéressée. Sur les conclusions indemnitaires : 11. Il résulte de ce qui précède que les conclusions indemnitaires présentées par Mme A..., tendant à la condamnation de la commune à lui verser la part de 50 % de l'IFSE non perçue durant son mi-temps thérapeutique, ne peuvent qu'être rejetées. 12. Il résulte de tout ce qui précède, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses demandes. Sur les frais liés à l'instance : 13. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée par Mme A... soit mise à la charge de la commune de Néac, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et à la commune de Néac. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023 à laquelle siégeaient : Mme Anne Meyer, présidente, Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère, M. Olivier Cotte, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023 La rapporteure, Florence B... La présidente, Anne MeyerLa greffière, Virginie Guillout La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 21BX01001 |
CETATEXT000048424259 | J3_L_2023_11_00021BX02058 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/42/CETATEXT000048424259.xml | Texte | CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 16/11/2023, 21BX02058, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de BORDEAUX | 21BX02058 | 2ème chambre | plein contentieux | C | Mme MEYER | SHBK AVOCATS | M. Olivier COTTE | Mme ISOARD | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner le centre hospitalier de Saint-Jean-d'Angély à lui verser la somme globale de 51 500 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de l'acceptation fautive de sa démission. Par un jugement n° 1900071 du 16 mars 2021, le tribunal administratif de Poitiers a condamné le centre hospitalier à lui verser la somme de 10 000 euros et rejeté le surplus de sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 17 mai 2021 et 12 octobre 2022, le centre hospitalier de Saint-Jean-d'Angély, représenté par SHBK avocats, demande à la cour : 1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 16 mars 2021 en tant qu'il a partiellement fait droit à la demande de Mme B... ; 2°) de rejeter la demande de Mme B... ; 3°) de mettre à la charge de Mme B... la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, l'acceptation de la démission n'est pas fautive ; il n'est pas établi que la démission était nécessairement liée pour l'intéressée à l'obtention de l'indemnité de départ, la nouvelle répartition des tâches au sein de l'établissement ne lui convenant manifestement pas ; Mme B... n'a d'ailleurs pas tenté de retirer sa décision, ni n'a contesté l'acceptation de celle-ci par l'établissement ; elle était impatiente de commencer sa nouvelle activité libérale et a d'ailleurs demandé un raccourcissement de la durée de son préavis ; la demande d'indemnité n'a été adressée à l'Agence régionale de santé (ARS) que postérieurement à la réception de la lettre de démission et celle-ci a été acceptée le 8 février 2018, alors que Mme B... n'était plus à son poste depuis le 1er février ; l'intéressée n'a pas attendu l'expiration d'un délai de deux mois pour avoir une réponse à sa demande d'information sur l'indemnité de départ ; - Mme B... ne peut se prévaloir d'aucun préjudice ; elle ne remplissait pas les conditions pour obtenir l'indemnité de départ et n'a d'ailleurs pas contesté la décision de l'ARS ; elle n'a pas été victime d'une mesure d'éviction puisqu'elle est à l'origine de son départ ; elle a bénéficié d'une indemnisation par Pôle emploi, le temps de réorienter sa carrière ; - il n'est pas démontré que l'établissement aurait tardé à adresser un document nécessaire à l'obtention des droits à prestations sociales ; - à supposer que la responsabilité de l'établissement soit engagée, l'évaluation du préjudice devrait être minorée. Par un mémoire en défense enregistré le 19 janvier 2022, Mme B..., représentée par Me Lopes, conclut au rejet de la requête et demande à la cour, par la voie de l'appel incident, de condamner le centre hospitalier de Saint-Jean-d'Angély à lui verser une indemnité de 50 000 euros en réparation des préjudices subis du fait de la rupture fautive de son contrat, ainsi qu'une indemnité de 1 500 euros en réparation du préjudice lié au retard dans la transmission à Pôle emploi de la fiche de liaison pour l'étude de ses droits à prestations sociales. Elle demande en outre que soient mis à la charge du centre hospitalier la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, les entiers dépens, ainsi qu'un droit de plaidoirie de 13 euros. Elle fait valoir que : - il ne peut lui être reproché de ne pas avoir retiré sa démission alors qu'elle n'en avait aucune possibilité, et il ne peut être soutenu qu'elle a abandonné son poste de travail le 1er février 2018, alors qu'elle était en arrêt de travail du 29 janvier au 17 février 2018 ; - sa démission était conditionnée au versement de l'indemnité de départ volontaire, ainsi que le démontrent ses demandes de renseignements des 27 décembre 2017 et 11 janvier 2018 qui n'ont été transmises à l'ARS par le centre hospitalier que le 24 janvier suivant ; - elle remplissait les conditions pour obtenir une indemnité exceptionnelle de mobilité prévue à l'article 2 du décret du 20 avril 2001 ; - le centre hospitalier a accepté sa démission sans réserve et sans attendre la réponse de l'ARS, et a ainsi commis une faute ; - elle a subi des troubles dans les conditions d'existence dès lors qu'elle n'a perçu aucune indemnisation de Pôle emploi, la démission l'excluant ; elle s'est retrouvée sans ressources, avec un enfant handicapé à charge ; cette situation a perduré jusqu'au début du mois de mai 2018 en raison du retard avec lequel a été adressé la fiche de liaison nécessaire au versement du revenu de solidarité active ; ce retard a causé des troubles dans ses conditions d'existence au titre desquels elle sollicité la somme de 1 500 euros ; - le préjudice lié à la rupture abusive de son contrat est constitué a minima par le non versement de l'indemnité de licenciement, alors que son ancienneté était de 8 ans et trois mois, soit 5 années à temps complet ; s'y ajoutent l'indemnité compensatrice de préavis ainsi que l'indemnité compensatrice de congés payés ; la perte brutale et inexpliquée de son emploi a également occasionné un préjudice moral, d'autant que les revenus qu'elle a perçus par la suite du fait de son activité libérale étaient bien moindres que ceux provenant de son activité salariée ; elle sollicite une somme de 50 000 euros au titre de ces préjudices. Mme B... a obtenu, par décision du 8 juillet 2021, le maintien de l'aide juridictionnelle totale qui lui avait été accordé par décision du 13 juillet 2018. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le décret n° 91-155 du 6 février 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Olivier Cotte, - les conclusions de Mme Charlotte Isoard, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. Mme B... a été recrutée en qualité de psychologue contractuelle à temps partiel par le centre hospitalier de Saint-Jean d'Angély le 8 février 2010. La relation de travail, débutée sous un contrat à durée déterminée, s'est poursuivie, à compter du 1er janvier 2012, par un contrat à durée indéterminée. Par courrier du 18 décembre 2017, le centre hospitalier a informé l'intéressée d'une modification de son affectation à compter du 1er janvier 2018 et d'une répartition de son temps de travail entre l'éducation thérapeutique du patient obèse (20 %), l'établissement hospitalier pour personnes âgées dépendantes (30 %) et la médecine du travail (10 %). Par un courrier reçu le 17 janvier 2017, Mme B... a informé son employeur de sa démission des fonctions de psychologue au sein de l'établissement, en indiquant qu'elle souhaitait " pour ce faire " bénéficier de l'indemnité de départ volontaire. Le centre hospitalier a accepté sa démission le 8 février 2018, avec effet au 1er février précédent, sans répondre sur l'indemnité de départ. Mme B... a saisi le tribunal administratif de Poitiers d'une demande de condamnation du centre hospitalier de Saint-Jean-d'Angély à lui verser une indemnité d'un montant total de 51 500 euros en réparation des préjudices qu'elle estimait avoir subis du fait d'une rupture fautive de son contrat et d'un retard de transmission à Pôle emploi de la fiche de liaison pour l'étude de ses droits à prestations sociales. Par un jugement du 16 mars 2021, le tribunal a condamné le centre hospitalier à verser à Mme B... la somme de 10 000 euros et rejeté le surplus de sa demande. Par la présente requête, le centre hospitalier de Saint-Jean-d'Angély relève appel de ce jugement en tant qu'il a partiellement fait droit à la demande de Mme B.... Cette dernière demande, par la voie de l'appel incident, la réformation du jugement afin de rehausser le montant de l'indemnité allouée. Sur la responsabilité : 2. En premier lieu, aux termes de l'article 45-1 du décret du 6 février 1991 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de la fonction publique hospitalière : " Les agents contractuels informent l'autorité signataire du contrat de leur intention de démissionner par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. (...) ". 3. Si, par son courrier reçu le 17 janvier 2018, Mme B... a informé le centre hospitalier de Saint-Jean d'Angély de sa démission à compter du 1er février 2018 et sollicité la possibilité de ne pas effectuer son préavis, elle a demandé également par ce courrier le versement de l'indemnité de départ volontaire. Il n'est par ailleurs pas contesté que l'intéressée avait demandé à son employeur, par des courriels des 27 décembre 2017 et 11 janvier 2018, des informations sur cette indemnité. Le centre hospitalier de Saint-Jean-d'Angély ne pouvait dès lors regarder Mme B... comme ayant exprimé de manière non équivoque sa volonté de démissionner, alors que sa décision était conditionnée par une réponse sur l'indemnité de départ volontaire. Il a en outre accepté sa démission par courrier du 8 février 2018 sans attendre la réponse de l'Agence régionale de santé à laquelle il avait transmis, le 24 janvier précédent, la demande de Mme B... afin de savoir si elle remplissait les conditions pour en bénéficier. Le requérant ne peut utilement se prévaloir de ce que Mme B... n'a pas contesté l'acceptation de sa démission. Il ne peut non plus sérieusement soutenir qu'elle aurait quitté son poste dès le 1er février, alors qu'elle était en arrêt de travail du 29 janvier au 17 février 2018, ni qu'elle aurait été impatiente de débuter son activité libérale, celle-ci n'ayant été créée que deux mois plus tard. Dans ces conditions, en acceptant la démission de Mme B... sans avoir répondu à sa demande concernant l'indemnité de départ volontaire et en donnant effet à la démission à compter du 1er février 2018 par son courrier du 8 février 2018, le centre hospitalier de Saint-Jean d'Angély a commis une faute de nature à engager sa responsabilité. 4. En second lieu, il résulte de l'instruction que le centre hospitalier de Saint-Jean-d'Angély a transmis à Mme B..., avec son courrier du 8 février 2018, les documents nécessaires à son inscription en tant que demandeur d'emploi, lui a précisé qu'il était son propre assureur pour le chômage et avait confié la gestion des dossiers d'allocations à la société Info Décision, et lui a communiqué un livret d'accompagnement élaboré par cette société. Dans ces conditions, Mme B..., qui a saisi Pôle emploi au lieu de la société Info Décision et a été renvoyée auprès de son ancien employeur, n'est pas fondée à soutenir que le centre hospitalier aurait commis une faute en lui communiquant tardivement les documents nécessaires à son indemnisation pour perte d'emploi. Sur les préjudices : 5. En vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité des personnes publiques, l'agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre, y compris au titre de la perte des rémunérations auxquelles il aurait pu prétendre s'il était resté en fonctions. Lorsque l'agent ne demande pas l'annulation de cette mesure mais se borne à solliciter le versement d'une indemnité en réparation de l'illégalité dont elle est entachée, il appartient au juge de plein contentieux, forgeant sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties, de lui accorder une indemnité versée pour solde de tout compte et déterminée en tenant compte notamment de la nature et de la gravité des illégalités affectant la mesure d'éviction, de l'ancienneté de l'intéressé, de sa rémunération antérieure ainsi que, le cas échéant, des fautes qu'il a commises. 6. Il appartient au juge du plein contentieux de la responsabilité, dès lors que Mme B... n'a pas demandé l'annulation de sa mesure d'éviction, d'évaluer le montant de l'indemnité due au titre des pertes de rémunération, conformément aux principes énoncés au point précédent. Il résulte de l'instruction que Mme B... a travaillé, pendant près de huit ans au centre hospitalier de Saint-Jean d'Angély, pour des quotités variant entre 40 % et 80 % d'un temps complet de travail, et bénéficiait d'un contrat à durée indéterminée depuis le 1er janvier 2012. Elle percevait en dernier lieu une rémunération mensuelle nette de 1 127 euros et était âgée, à la date de son éviction fautive, de 43 ans. Compte tenu de ces circonstances, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi en l'évaluant à 8 000 euros, cette somme réparant intégralement le préjudice subi du fait de son éviction illégale. 7. Il résulte de tout ce qui précède que l'indemnité que le centre hospitalier de Saint-Jean-d'Angély a été condamné à verser à Mme B... doit être ramenée de 10 000 euros à 8 000 euros. Sur les frais liés au litige : 8. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier de Saint-Jean d'Angély, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme B... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens, ou du droit de plaidoirie. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Mme B... la somme demandée par le centre hospitalier au même titre. DECIDE : Article 1er : L'indemnité que le centre hospitalier de Saint-Jean d'Angély a été condamné à verser à Mme B... est ramenée de 10 000 euros à 8 000 euros. Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 16 mars 2021 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er. Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier de Saint-Jean-d'Angély et à Mme A... B.... Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023 à laquelle siégeaient : Mme Anne Meyer, présidente, Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère, M. Olivier Cotte, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. Le rapporteur, Olivier Cotte La présidente, Anne Meyer La greffière, Virginie Guillout La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 21BX02058 |
CETATEXT000048424260 | J3_L_2023_11_00021BX02362 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/42/CETATEXT000048424260.xml | Texte | CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 09/11/2023, 21BX02362, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-09 00:00:00 | CAA de BORDEAUX | 21BX02362 | 2ème chambre | plein contentieux | C | Mme GIRAULT | SCP CGCB & ASSOCIES BORDEAUX | Mme Anne MEYER | Mme ISOARD | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler la décision du 28 novembre 2018 par laquelle le directeur général des services du département de la Haute-Vienne a partiellement rejeté sa réclamation préalable, et de condamner le département de la Haute-Vienne à lui verser les sommes de 5 095 euros au titre des rémunérations restant dues et de 5 000 euros au titre des préjudices qu'elle estimait avoir subis du fait d'un retard de transmission des documents destinés à Pôle Emploi. Par un jugement n° 1900176 du 1er avril 2021, le tribunal a condamné le département de la Haute-Vienne à verser une indemnité de 1 500 euros à Mme C... et a rejeté le surplus de la demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 1er juin 2021, Mme C..., représentée par Me Dounies, demande à la cour : 1°) de réformer ce jugement en ce qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de sa demande ; 2°) d'annuler la décision du directeur général des services du département de la Haute-Vienne du 28 novembre 2018 en ce qu'elle a partiellement rejeté sa réclamation préalable ; 3°) de condamner le département de la Haute-Vienne à lui verser les sommes de 5 095 euros au titre des rémunérations restant dues et de 5 000 euros au titre des préjudices subis du fait du retard de transmission des documents destinés à Pôle Emploi 4°) de mettre à la charge du département de la Haute-Vienne une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la compétence du signataire de la décision du 28 novembre 2018 n'est pas démontrée ; - la décision du 28 novembre 2018 n'est pas motivée ; - la somme versée pour la période du 18 au 31 décembre 2017 a été de 31,74 euros, et non de 916,62 euros comme l'a retenu le département ; contrairement à ce qu'indique le département dans son courrier du 9 mai 2018, les sommes qui lui ont été versées depuis le 18 décembre 2017 " ne correspondent pas à ce qui est inscrit " ; ce courrier tient compte de sommes à récupérer du 18 décembre 2017 au 28 février 2018, alors que l'inaptitude a été reconnue le 23 février, et la période du 23 au 28 février est omise dans les " sommes à récupérer et à repayer correctement " ; le département ne lui était pas redevable de 4 317,46 euros à la fin du mois de mai 2018, mais de 9 143 euros ; elle a ainsi droit à 5 095,86 euros (916,62 + 2 089,62 + 2 089,62) ; - c'est à tort que le tribunal a tenu compte de la somme de 2 494,20 euros admise par le département dans la décision du 28 novembre 2018, dès lors que cette somme ne lui a jamais été versée ; - alors qu'elle a " signé " sa lettre de licenciement le 19 avril 2018, elle n'a reçu les documents lui permettant de s'inscrire à Pôle Emploi que le 16 mai suivant, après avoir été contrainte de les réclamer par courriel ; ce retard lui a causé un préjudice financier important, et elle n'a toujours pas pu reprendre une activité du fait du retentissement psychologique de cette situation ; elle est ainsi fondée à solliciter une somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice financier et moral. Par un mémoire en défense enregistré le 5 avril 2022, le département de la Haute-Vienne, représenté par la SCP CGCB et Associés, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de Mme C... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que : - il ne conteste pas être redevable de la somme de 2 494,50 euros proposée par la décision d'admission partielle de la réclamation préalable, mais ne l'a pas encore versée, car ce montant a été contesté par Mme C... en première instance et en appel ; c'est ainsi à bon droit que le tribunal a tenu compte de ce qu'il avait " octroyé " cette somme à l'intéressée ; le versement interviendra suivant l'arrêt qui sera rendu par la cour ; - Mme C... ne critique pas le jugement en ce qu'il lui a alloué une somme de 1 500 euros, laquelle a été versée ; - il reprend ses moyens de première instance pour le surplus. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'action sociale et des familles ; - le code du travail ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme A..., - les conclusions de Mme Isoard, rapporteure publique, - et les observations de Me Navarro, représentant le département de la Haute-Vienne. Considérant ce qui suit : 1. Mme C..., assistante familiale recrutée sous contrat à durée indéterminée par le département de la Haute-Vienne à compter du 21 mars 2011, a été placée en arrêt de travail à compter du 29 mai 2015. Le médecin conseil de la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Vienne ayant estimé que cet arrêt n'était plus médicalement, les indemnités journalières ont cessé de lui être versées à compter du 18 décembre 2017, et le 23 février 2018, le médecin du travail a déclaré l'intéressée définitivement inapte à ses fonctions. Mme C..., licenciée par une décision du 16 avril 2018, a demandé au président du département de la Haute-Vienne de lui verser les sommes de 5 095 euros au titre des rémunérations restant dues et de 5 000 euros au titre des préjudices qu'elle estimait avoir subis du fait d'un retard de transmission des documents destinés à Pôle Emploi. Par une décision du 28 novembre 2018, le directeur général des services du département a seulement accepté de lui accorder à titre gracieux un complément de rémunération de 2 494,20 euros. Mme C... a saisi le tribunal administratif de Limoges d'une demande d'annulation de cette décision en ce qu'elle avait partiellement rejeté sa réclamation, et de condamnation du département de la Haute-Vienne à lui verser les sommes de 5 095 euros au titre de la rémunération restant due et de 5 000 euros au titre de son préjudice financier et moral. Elle relève appel du jugement du 1er avril 2021 par lequel le tribunal a rejeté sa demande. Sur les conclusions à fin d'annulation : 2. La réclamation préalable présentée par Mme C... n'a eu pour effet que de lier le contentieux à l'égard de sa demande indemnitaire. La requête présentant le caractère d'un recours de plein contentieux, les conclusions à fin d'annulation de la décision de rejet du 28 novembre 2018 ne peuvent qu'être rejetées. Sur les conclusions indemnitaires : En ce qui concerne la rémunération restant due : 3. En premier lieu, par lettre du 9 mai 2018, l'administration a transmis à Mme C... le détail du calcul de la somme brute de 4 317,46 euros qu'elle allait percevoir à la fin de ce mois au titre des salaires et indemnités restant dus, dont le versement n'est pas contesté. Ce calcul tient compte de sommes versées à tort et à récupérer, de sommes à " repayer correctement ", d'une prime de licenciement, de deux mois de préavis, d'une indemnité de congés payés et de primes d'ancienneté. Dans sa réclamation préalable, Mme C... s'est prévalue de 5 095 euros de salaires restant dus entre décembre 2017 et février 2018. Dans sa décision d'admission partielle, le département de la Haute-Vienne a accepté de lui accorder à titre gracieux une somme de 2 494,20 nets, sur la base de 41,57 euros par jour durant 60 jours, calculée par référence au montant de l'allocation de retour à l'emploi, afin de tenir compte de la particularité de sa situation entre la fin de l'arrêt de travail le 18 décembre 2017 et la reconnaissance de l'inaptitude définitive à l'emploi le 22 février 2018. Si Mme C... fait valoir qu'elle n'a pas perçu cette somme, le département n'est pas revenu sur son engagement de la verser, et dans cette mesure, il n'y a pas lieu de se prononcer sur la demande devenue de ce fait sans objet. C'est ainsi à bon droit que le tribunal a tenu compte de cet engagement pour évaluer les sommes restant dues. 4. En second lieu, Mme C... reprend intégralement ses écritures de première instance relatives à la contestation du calcul de la somme brute de 4 317,46 euros, sans aucune critique du jugement dont le point 7 répond de manière circonstanciée à son argumentation. Par suite, et alors que toutes les sommes ont été mentionnées en brut, de sorte que Mme C... ne peut utilement se plaindre de ce que les versements perçus en net soient inférieurs, il y a lieu d'écarter cette argumentation par adoption des motifs retenus par les premiers juges. En ce qui concerne le préjudice financier et le préjudice moral : 5. Le tribunal a retenu un retard fautif dans la communication de l'attestation destinée à Pôle Emploi et du certificat de travail, reçus par l'intéressée le 16 mai 2018, alors que le département s'était engagé à transmettre ces documents dès la réception de la décision de licenciement du 16 avril 2018, notifiée le 18 avril. Le jugement a alloué à Mme C... une somme globale de 1 500 euros au titre du préjudice financier et moral subi du fait de ce retard. Alors que le préjudice financier, à l'appui duquel aucun justificatif n'est produit, correspond à des difficultés de trésorerie durant un mois, et que le retentissement psychologique de cette situation ne saurait être à l'origine de l'impossibilité alléguée de reprendre une activité professionnelle, Mme C... n'est pas fondée à demander le rehaussement de cette somme, non contestée par le département de la Haute-Vienne. 6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C..., à laquelle le département devra, comme il s'y est engagé, verser la somme de 2 494,20 euros nets qu'il a reconnue justifiée pour compenser le retard avec lequel l'inaptitude définitive a été prononcée, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande en ce qu'elle excède les 1 500 euros alloués au titre du préjudice financier et moral. Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige : 7. Mme C..., qui est la partie perdante, n'est pas fondée à demander l'allocation d'une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre une somme à sa charge au titre des frais exposés par le département de la Haute-Vienne à l'occasion du présent litige. DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée. Article 2 : Les conclusions présentées par le département de la Haute-Vienne au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au département de la Haute-Vienne. Délibéré après l'audience du 10 octobre 2023 à laquelle siégeaient : Mme Catherine Girault, présidente, Mme Anne Meyer, présidente-assesseure, Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 novembre 2023. La rapporteure, Anne A... La présidente, Catherine GiraultLa greffière, Virginie Guillout La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Vienne en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 21BX02362 |
CETATEXT000048424261 | J3_L_2023_11_00021BX02560 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/42/CETATEXT000048424261.xml | Texte | CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 09/11/2023, 21BX02560, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-09 00:00:00 | CAA de BORDEAUX | 21BX02560 | 2ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme GIRAULT | Mme Anne MEYER | Mme ISOARD | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 7 mai 2019 par laquelle la ministre des armées a refusé de renouveler son indemnité de soins à compter du 1er février 2017 et d'enjoindre à la ministre de réexaminer sa demande. Par un jugement n° 1905582 du 13 avril 2021, le tribunal a annulé la décision du 7 mai 2019 et a enjoint à la ministre des armées de réexaminer la demande de M. B.... Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 15 juin 2021, la ministre des armées demande à la cour d'annuler ce jugement. Elle soutient que : - la demande introductive d'instance présentée par M. B..., qui ne comportait ni conclusions, ni moyens, était irrecevable, et n'a pas pu être régularisée par le mémoire déposé tardivement, le 16 octobre 2020, par l'avocat désigné au titre de l'aide juridictionnelle ; - si la cour estimait que la demande introductive d'instance comportait un moyen de légalité interne, le moyen de légalité externe auquel le tribunal a fait droit était irrecevable dès lors qu'il relevait d'une cause juridique distincte et qu'il a été invoqué après l'expiration du délai de recours contentieux ; le tribunal aurait dû soulever d'office cette irrecevabilité ; - si la cour estimait que le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision du 7 mai 2019 était recevable, c'est à tort que le tribunal y a fait droit dès lors que les dispositions de l'article L. 151-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, applicables à la date de cette décision, prévoyaient seulement la motivation des décisions comportant attribution de pension ; ainsi, le législateur a entendu exclure les autres décisions du champ de l'obligation de motivation, notamment celles rejetant les demandes de pension et l'indemnité de soins aux tuberculeux, et eu égard à ces dispositions spéciales, celles du code des relations entre le public et l'administration relatives à la motivation des décisions administratives n'étaient pas applicables ; le moyen était ainsi inopérant. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ; - le décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme A..., - les conclusions de Mme Isoard, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., engagé volontaire le 1er avril 1948 et radié des contrôles pour infirmités graves et incurables le 1er avril 1957, était titulaire d'une pension militaire d'invalidité définitive, concédée au taux de 100 % par arrêté du 18 février 2013, avec jouissance à compter du 12 mai 2011, assortie de l'indemnité de soins prévue pour les pensionnés à 100 % pour tuberculose. Le 14 septembre 2017, il a sollicité le renouvellement de cette indemnité. Par une décision du 7 mai 2019, la ministre des armées a rejeté sa demande. M. B... a contesté cette décision devant le tribunal des pensions militaires de Bordeaux. L'affaire a été transmise au tribunal administratif de Bordeaux en application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018. Par un jugement du 13 avril 2021 dont la ministre des armées relève appel, ce tribunal a annulé la décision du 7 mai 2019 pour défaut de motivation, et a enjoint à l'administration de réexaminer la demande. M. B... est décédé en cours d'instance, l'affaire étant en état d'être jugée. 2. Aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours. " Dans sa requête sommaire intitulée " recours contre la décision portant suspension d'une indemnité de soins ", enregistrée au greffe du tribunal des pensions militaires de Bordeaux le 12 août 2019, dans le délai de recours contentieux, M. B... a fait valoir qu'il souffrait " jusqu'à ce jour d'une maladie chronique ", la tuberculose, et que son taux d'invalidité était de 100 %. Il doit ainsi être regardé comme s'étant prévalu d'un droit au renouvellement de l'indemnité de soins. Par suite, la demande de première instance n'était pas irrecevable. 3. Toutefois, l'unique moyen de légalité interne invoqué dans la demande introductive d'instance ne relève pas de la même cause juridique que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation, invoqué pour la première fois dans le mémoire enregistré le 16 octobre 2020, postérieurement à l'expiration du délai de recours contentieux. Si le fait que le tribunal n'a pas relevé d'office cette irrecevabilité n'entache pas la régularité du jugement, le ministre des armées est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a fait droit à ce moyen de légalité externe irrecevable. 4. Il y a lieu pour la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner le moyen de légalité interne présenté par M. B... devant le tribunal. 5. Aux termes de l'article L. 41 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Sous réserve qu'il remplisse les conditions définies par décret, tout pensionné à 100 % pour tuberculose a droit à une indemnité de soins. / (...). " Aux termes de l'article D. 8 du même code : " Tout invalide titulaire d'un titre de pension ou d'un titre d'allocation provisoire d'attente de 100 % pour tuberculose a droit, s'il remplit les conditions spécifiées aux articles D. 9 à D. 19, à une indemnité de soins dont le montant annuel est déterminé par l'indice de pension 916. / (...). " Aux termes de l'article D. 9 de ce code : " L'indemnité prévue à l'article D. 8 est servie à l'intéressé jusqu'à sa guérison (...). / Pour l'application du présent chapitre, il y a lieu d'entendre par guérison, non la disparition des lésions, mais la disparition durable des signes et des symptômes d'activité et d'évolution lésionnelles. " 6. M. B... était titulaire d'une pension au taux de 100 % pour l'infirmité de tuberculose pulmonaire bilatérale excavée largement à gauche, maladie contractée en service et constatée le 22 mai 1954. Toutefois, les pièces du dossier, y compris le certificat du médecin pneumologue produit à l'appui de la demande, ne font pas état de symptômes d'activité ou d'évolution lésionnelles de cette maladie, mais seulement de lésions séquellaires. Par suite, M. B... ne pouvait pas prétendre au renouvellement de l'indemnité de soins. 7. Il résulte de ce qui précède que le ministre des armées est fondé à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 13 avril 2021, et que la demande présentée par M. B... devant le tribunal doit être rejetée. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux n° 1905582 du 13 avril 2021 est annulé. Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Bordeaux est rejetée. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des armées et à la succession de M. C... B.... Délibéré après l'audience du 10 octobre 2023 à laquelle siégeaient : Mme Catherine Girault, présidente, Mme Anne Meyer, présidente-assesseure, Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 novembre 2023. La rapporteure, Anne A... La présidente, Catherine GiraultLa greffière, Virginie Guillout La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 21BX02560 |
|
CETATEXT000048424262 | J3_L_2023_11_00021BX02681 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/42/CETATEXT000048424262.xml | Texte | CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 16/11/2023, 21BX02681, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de BORDEAUX | 21BX02681 | 2ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme MEYER | DUCOURAU | Mme Florence REY-GABRIAC | Mme ISOARD | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... D... et Mme C... B... épouse D... ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux, d'une part, d'annuler l'arrêté du 24 avril 2019 par lequel la préfète de la Gironde a déclaré cessibles au profit de la commune de Lormont les lots de copropriété nos 2 et 8 des parcelles cadastrées section AZ nos 636 et 807 situées 10 quai Numa Sensine à Lormont et, d'autre part, d'enjoindre au maire de Lormont, sur le fondement des dispositions des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative, de cesser toute action en appropriation unilatérale des lots de copropriété nos 2 et 8. Par un jugement n° 1903857 du 22 avril 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande de M. et Mme D.... Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 22 juin 2021, M. et Mme D..., représentés par Me Ducourau, demandent à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 22 avril 2021 du tribunal administratif de Bordeaux ; 2°) d'annuler l'arrêté du 24 avril 2019 par lequel la préfète de la Gironde a déclaré cessibles au profit de la commune de Lormont les lots de copropriété nos 2 et 8, des parcelles cadastrées section AZ nos 636 et 807 situées 10 quai Numa Sensine à Lormont ; 3°) d'enjoindre au maire de Lormont, sur le fondement des dispositions des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative, de cesser toute action en appropriation unilatérale des lots de copropriété nos 2 et 8 ; 4°) de mettre à la charge de la commune de Lormont la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que : - c'est à bon droit que le tribunal a admis qu'ils sont recevables à exciper de l'illégalité de la délibération du conseil municipal de la commune de Lormont du 17 mars 2016 qui a arrêté le programme des travaux à réaliser, mais c'est à tort qu'il n'a pas retenu les illégalités invoquées ; En ce qui concerne l'exception d'illégalité de la délibération du 17 mars 2016 : - le lot n° 2 n'avait pas perdu son usage d'habitation ; comme le montre l'attestation d'EDF du 8 juillet 2016, il s'agissait bien d'un logement occupé jusqu'au 8 juillet 2011, et non d'un " local vacant dégradé sans aucun élément de confort d'environ 19 m2 " comme l'indique le programme des travaux ; ce logement a une superficie de 29 m2 et comporte un séjour, une cuisine (désormais chambre), une salle de bains, des radiateurs et deux fenêtres ; - ils n'ont nullement " transformé " ce local en logement, mais se sont bornés à restaurer le logement existant tel qu'il figurait dans leur titre de propriété de 1989 ; la circonstance que les mentions cadastrales identifient le lot n° 2 comme " dépendance " est sans incidence, l'article R. 151-29 du code de l'urbanisme posant le principe selon lequel les locaux accessoires sont réputés avoir la même destination que le local principal, à savoir en l'espèce, un usage d'habitation ; c'est ainsi en se fondant sur des faits inexacts et sur une qualification juridique erronée que la délibération a proscrit toute transformation des locaux du rez-de-chaussée en logement ; - les dispositions de l'article R. 313-24 du code de l'urbanisme ne permettent pas d'imposer, dans le cadre d'une opération de restauration immobilière (ORI), la suppression d'équipements en parfait état pour leur en substituer d'autres ; la délibération est donc entachée d'illégalité en ce qu'elle approuve un programme de travaux excédant l'objectif de " rendre habitable le lot n° 2 " ; le " remplacement des menuiseries extérieures conformément aux prescriptions de l'ABF " ne pouvait légalement leur être imposé, alors qu'ils avaient posé de nouvelles menuiseries PVC en 2005, antérieurement à la création de la ZPPAUP en 2013 ; En ce qui concerne le détournement de pouvoir : - l'arrêté préfectoral vise à les sanctionner pour s'être opposés à l'abus de pouvoir consistant à leur imposer de changer les deux fenêtres en PVC du lot n° 2 installées en 2005. Par un mémoire en défense, enregistré le 29 septembre 2021, le ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par M. et Mme D... ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ; - le code du patrimoine ; - le code de l'urbanisme ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme E..., - les conclusions de Mme Isoard, rapporteure publique, - et les observations de Me Ducourau, représentant M. et Mme D.... Considérant ce qui suit : 1. En 2011, en raison de la déqualification d'une partie du parc de logements privés dans son centre ancien, la commune de Lormont a lancé une étude en vue d'une opération programmée d'amélioration de l'habitat et de renouvellement urbain (OPAH-RU). Par une délibération du 15 juin 2012, le conseil municipal a approuvé une opération de restauration immobilière (ORI). Après enquête publique, le préfet de la Gironde a, par arrêté du 22 février 2016, déclaré d'utilité publique, au profit de la commune de Lormont, les travaux de restauration immobilière de 13 immeubles et 44 logements situés dans les quartiers du Vieux Bourg, de Lissandre et des Quais, et a autorisé la commune à arrêter le programme des travaux à réaliser, ainsi qu'à procéder aux acquisitions des immeubles pour lesquels les travaux n'auraient pas été exécutés par les propriétaires dans le délai prescrit. Par délibération du 17 mars 2016, le conseil municipal de Lormont a arrêté le programme de travaux pour chaque immeuble à restaurer et a fixé à 24 mois le délai de réalisation des travaux à partir de la date de notification du programme de travaux obligatoires et de l'ouverture de l'enquête parcellaire. Par arrêté du 24 août 2016, le préfet a prescrit l'ouverture de cette enquête, qui s'est déroulée du 10 octobre au 26 octobre 2016. Enfin, par arrêté du 24 avril 2019, la préfète de la Gironde a déclaré cessibles au profit de la commune de Lormont les lots de copropriété nos 2 et 8 de l'immeuble sis 10 quai Numa Sensine à Lormont, sur les parcelles cadastrées section AZ nos 636 et 807. M. et Mme D..., propriétaires de cet immeuble, relèvent appel du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 22 avril 2021, qui a rejeté leur demande tendant à l'annulation de ce dernier arrêté. Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté de cessibilité du 24 avril 2019 : En ce qui concerne l'exception d'illégalité de la délibération du 17 mars 2016 arrêtant le programme des travaux : 2. Aux termes de l'article L. 313-4 du code de l'urbanisme dans sa rédaction alors applicable : " Les opérations de restauration immobilière consistent en des travaux de remise en état, de modernisation ou de démolition ayant pour objet ou pour effet la transformation des conditions d'habitabilité d'un immeuble ou d'un ensemble d'immeubles. Elles sont engagées à l'initiative (...) des collectivités publiques, (...), et sont menées dans les conditions définies par la section 3 du présent chapitre. / Lorsqu'elles ne sont pas prévues par un plan de sauvegarde et de mise en valeur approuvé, elles doivent être déclarées d'utilité publique. ". Aux termes de l'article L. 313-4-1 du même code : " Lorsque l'opération nécessite une déclaration d'utilité publique, celle-ci est prise, dans les conditions fixées par le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, à l'initiative de la commune ou de l'établissement public de coopération intercommunale compétent pour réaliser les opérations de restauration immobilière, ou de l'État avec l'accord de la commune ou de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d'urbanisme. ". Aux termes de l'article L. 313-4-2 du même code : " Après le prononcé de la déclaration d'utilité publique, la personne qui en a pris l'initiative arrête, pour chaque immeuble à restaurer, le programme des travaux à réaliser dans un délai qu'elle fixe. Lors de l'enquête parcellaire, elle notifie à chaque propriétaire le programme des travaux qui lui incombent. Si un propriétaire ou copropriétaire fait connaître son intention de réaliser les travaux dont le détail lui a été notifié pour information, ou d'en confier la réalisation à l'organisme chargé de la restauration, son immeuble n'est pas compris dans l'arrêté de cessibilité. ". Il résulte ainsi des articles L. 313-4, L. 313-4-1 et L. 313-4-2 du code de l'urbanisme qu'une opération de restauration immobilière a pour objet la transformation des conditions d'habitabilité d'un immeuble ou d'un ensemble d'immeubles. 3. Il est constant que M. et Mme D... sont propriétaires de l'ensemble de l'immeuble sis au 10, quai Numa Sensine à Lormont. La délibération du 17 mars 2016 par laquelle le conseil municipal de Lormont a arrêté le programme des travaux à réaliser au titre de l'ORI comporte en annexe une fiche détaillant ce programme pour chaque immeuble concerné. Le lot n° 2 du 10, quai Numa Sensine, occupant le rez-de-chaussée droit, y est décrit comme un local vacant, dégradé, sans aucun élément de confort, pour lequel il faudra procéder à une mise aux normes de l'ensemble des réseaux, ainsi qu'à une amélioration énergétique et acoustique avec une isolation des murs, le remplacement des menuiseries extérieures PVC " conformément aux prescriptions de l'ABF ", et l'installation d'un mode de chauffage économe en énergie. 4. En premier lieu, les requérants se prévalent de l'état descriptif de division de l'immeuble et du règlement de copropriété établi par un cabinet de géomètres le 9 mai 2016, selon lesquels le lot n° 2, d'une superficie de 29 m², correspond à " un appartement en rez-de-chaussée, constitué d'un séjour, d'une cuisine et d'une salle de bains avec WC ". Ils font valoir que ce logement, en bon état, était mentionné comme loué par l'acte d'achat de l'immeuble du 17 avril 1989, et qu'il a été occupé jusqu'au 8 juillet 2011, date de résiliation du contrat d'électricité. Il ressort toutefois du compte-rendu des deux visites des lieux effectuées par la société InCité missionnée par la commune, en présence d'un représentant du service d'hygiène et de santé de la commune le 5 janvier 2016 et d'un huissier mandaté par M. et Mme D... le 2 février suivant, ainsi que de l'état des lieux annexé à ce compte-rendu, illustré de photographies, que le local du rez-de-chaussée droit a été cloisonné, ce qui laisse une seule pièce de 19 m² et une partie arrière inaccessible. Cette pièce, éclairée par deux fenêtres donnant sur le quai Numa Sensine, est dépourvue de confort, dans un mauvais état d'entretien, présente des problèmes de sécurité et de salubrité du fait notamment d'une humidité importante, et sert désormais de débarras. L'huissier mandaté par M. et Mme D... la qualifie d'ailleurs de " local à usage de réserve " dans son constat du 2 février 2016. Le programme des travaux prévoit d'aménager cette pièce de 19 m² avec des sanitaires, et de créer, sur l'emprise inutilisée située de l'autre côté de la cloison, un local à poubelles clos et un local à vélos. Ni le courrier de " réclamation " des époux D... à la société InCité du 21 février 2016, ni aucune des pièces qu'ils produisent, ne comporte aucun élément de nature à remettre en cause les constatations faites lors des visites des 5 janvier et 2 février 2016. Par suite, les moyens tirés de ce que la commune de Lormont aurait arrêté le programme des travaux du lot n° 2 en se fondant sur une description erronée de son état et en se méprenant sur son usage doivent être écartés. 5. En second lieu, aux termes de l'article R. 313-27 du code de l'urbanisme : " L'autorité expropriante qui a pris l'initiative de la déclaration d'utilité publique de l'opération notifie à chaque propriétaire, ou copropriétaire, le programme détaillé des travaux à réaliser sur le bâtiment et son terrain d'assiette. La notification prévue à l'alinéa précédent est effectuée à l'occasion de la notification individuelle du dépôt en mairie du dossier de l'enquête parcellaire prévue par l'article R. 131-6 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. Elle comporte l'indication du délai dans lequel doivent être réalisés les travaux. ". Aux termes de l'article L. 642-1 du code du patrimoine : " Sur proposition du conseil municipal des communes intéressées ou de l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d'urbanisme, des zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager peuvent être instituées autour des monuments historiques et dans les quartiers, sites et espaces à protéger ou à mettre en valeur pour des motifs d'ordre esthétique, historique ou culturel. ". Aux termes de l'article L. 642-2 du même code : " Des prescriptions particulières en matière d'architecture et de paysages sont instituées à l'intérieur de ces zones ou parties de zone pour les travaux mentionnés à l'article L. 642-3. (...) ". 6. Les requérants font grief à la délibération d'approuver un programme de travaux excédant l'objectif de " rendre habitable le lot n° 2 ", en ce qu'elle prescrit " le remplacement des menuiseries extérieures PVC conformément aux prescriptions de l'ABF ". Cependant, le programme des travaux a pour finalité de répondre aux objectifs de la déclaration d'utilité publique, parmi lesquels figure celui de répondre aux exigences du règlement de la zone de protection patrimoniale, architecturale et paysagère (ZPPAUP) alors en vigueur, lequel n'autorise pas les menuiseries en PVC. La mise en conformité avec ce règlement des immeubles remis en état dans le cadre de l'ORI pouvait être légalement prévue par le programme des travaux, et la circonstance que les huisseries en PVC ont été posées antérieurement à la création de la ZPPAUP ne saurait faire regarder la prescription de les changer comme excédant les objectifs de l'ORI. En ce qui concerne le détournement de pouvoir : 7. Aux termes de l'article L. 132-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : " L'autorité compétente déclare cessibles les parcelles ou les droits réels immobiliers dont l'expropriation est nécessaire à la réalisation de l'opération d'utilité publique. Elle en établit la liste, si celle-ci ne résulte pas de la déclaration d'utilité publique. ". 8. Alors que le délai de réalisation des travaux de 24 mois fixé par la commune de Lormont expirait fin septembre 2018, M. et Mme D... ont exprimé, par lettre au maire du 26 septembre 2018, leur refus de respecter le programme des travaux du lot n° 2, en alléguant notamment avoir aménagé des locaux à poubelles et à vélos dans les parties communes, et n'ont pas donné suite à la proposition par la commune de trois dates en décembre 2018 en vue du contrôle des travaux qu'ils affirmaient avoir réalisés, prétextant " des activités professionnelles chargées pour une durée allant jusqu'à plusieurs mois ". En conséquence, la commune a sollicité un arrêté de cessibilité, comme elle en avait la possibilité en l'absence de réalisation des travaux dans le délai imparti, et il a été fait droit à sa demande par l'arrêté contesté du 24 avril 2019 de la préfète de la Gironde. Eu égard à ce qui a été exposé précédemment, le détournement de pouvoir allégué, tiré de ce que cet arrêté aurait pour objet de sanctionner M. et Mme D... pour avoir refusé de changer les deux fenêtres en PVC du lot n° 2, ne peut être regardé comme établi. 9. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande. Sur les conclusions à fin d'injonction : 10. Le présent arrêt rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. et Mme D.... Par suite, leurs conclusions à fin d'injonction ne peuvent être accueillies. Sur les frais liés à l'instance : 11. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée par M. et Mme D... soit mise à la charge de la commune de Lormont, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. et Mme D... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et Mme C... B... épouse D..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, et à la commune de Lormont. Copie en sera communiquée au préfet de la Gironde. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023 à laquelle siégeaient : Mme Anne Meyer, présidente, Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère, M. Olivier Cotte, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023. La rapporteure, Florence E... La présidente, Anne MeyerLa greffière, Virginie Guillout La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 21BX02681 |
CETATEXT000048424263 | J3_L_2023_11_00021BX02745 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/42/CETATEXT000048424263.xml | Texte | CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 16/11/2023, 21BX02745, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de BORDEAUX | 21BX02745 | 2ème chambre | plein contentieux | C | Mme MEYER | C3LEX | Mme Anne MEYER | Mme ISOARD | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner la communauté de communes du Val d'Albret, devenue Albret Communauté, à lui verser les sommes de 49 454 euros au titre de ses pertes de revenus du 20 janvier 2012 au 30 novembre 2014, avec intérêts au taux légal à compter du 20 janvier 2012 et capitalisation, et de 25 000 euros au titre de son préjudice moral. Par un jugement n° 1902230 du 27 avril 2021, le tribunal a condamné la communauté de communes à verser à M. C... une somme de 52 454 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 4 février 2019 et capitalisation. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 24 juin 2021 et des mémoires enregistrés le 6 octobre 2021 et le 26 janvier 2022, la communauté de communes Albret Communauté, représentée par la SELARL MCM Avocat, demande à la cour : 1°) à titre principal d'annuler ce jugement et de rejeter la demande indemnitaire présentée par M. C... devant le tribunal ; 2°) à titre subsidiaire, de ramener l'indemnisation de M. C... à la somme de 14 519,34 euros au titre des pertes de revenus et de rejeter la demande présentée au titre du préjudice moral ; 3°) dans tous les cas, de mettre à la charge de M. C... une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - dès lors que les demandes indemnitaires de M. C... ont été rejetées par l'arrêt de la cour n° 18BX00845 du 25 octobre 2018 revêtu de l'autorité de chose jugée, c'est à tort que le tribunal y a fait droit ; - à titre subsidiaire, les courriers adressés par M. C... à la communauté de communes le 24 mai 2016 et le 30 décembre 2018 pour " protester " contre les arrêts de la cour du 23 mai 2016 et du 25 octobre 2018 ne constituent pas des actes interruptifs de prescription ; seul le courrier du 30 janvier 2019, intitulé " recours gracieux ", constitue une demande indemnitaire préalable, et il est postérieur à l'expiration de la prescription quadriennale, dont le délai a couru du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2017 ; A titre très subsidiaire : - l'arrêt de la cour n° 18BX00845 lui a enjoint de réintégrer M. C... du 20 janvier 2012 au 1er décembre 2014, soit durant 34 mois et 11 jours, ce qui constitue la période de référence du droit à indemnisation ; l'indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires (IFTS) et l'indemnité d'exercice de missions des préfectures (IEMP), octroyées à M. C... en novembre 2003 au titre de ses fonctions de directeur général des services, étaient prévues pour les seuls mois de novembre et décembre 2003, sans que la preuve soit apportée qu'elles auraient été servies en février 2008 ; en outre, elles étaient liées à l'emploi de directeur général des services, sur lequel M. C... n'aurait pas pu être réintégré dès lors qu'il avait publiquement critiqué les président et les élus de la communauté de communes, qu'il n'hésitait pas à présenter comme des adversaires politiques ; eu égard au contexte très conflictuel de la démission de M. C... de ses fonctions de président de la communauté de communes, il se serait vu proposer, en cas de réintégration, un emploi ne justifiant pas l'octroi de l'IFTS et de l'IEMP ; les pertes de revenus doivent ainsi être calculées en déduisant ces indemnités servies avant sa mise en disponibilité, soit un montant net de 14 519,34 euros du 21 janvier 2013 au 30 novembre 2014, en tenant compte de l'avancement de M. C... au 6ème échelon du grade de directeur territorial ; - alors que M. C... a tenu des propos très polémiques et violé le devoir de réserve auquel sont astreints les fonctionnaires territoriaux, ce qui rendait impossible sa réintégration dans les fonctions de directeur général des services, il ne démontre pas en quoi sa dignité et sa réputation auraient été atteintes par les décisions prises dans l'intérêt du service par la communauté de communes ; c'est à tort que le tribunal lui a alloué une somme de 3 000 euros au titre d'un préjudice moral ; - comme l'a retenu le tribunal, les intérêts sur l'indemnité allouée à M. C... ne peuvent courir qu'à compter de la demande ayant lié le contentieux, reçue le 4 février 2019. Par des mémoires en défense enregistrés les 8 septembre et 29 décembre 2021, M. C..., représenté par le cabinet d'avocats C3LEX, conclut au rejet de la requête et demande à la cour, par la voie de l'appel incident, de retenir les intérêts au taux légal sur la somme de 49 454 euros à compter du 20 janvier 2012 et leur capitalisation à chaque échéance annuelle, soit une somme totale à parfaire de 61 120,86 euros au 27 août 2021, et de porter à 22 960,38 euros l'indemnité allouée au titre de son préjudice moral. Il demande en outre que soient mis à la charge de la communauté de communesAlbret Communauté une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et les entiers dépens. Il fait valoir que : - le rejet de sa demande indemnitaire par l'arrêt n° 18BX00845 du 25 octobre 2018 est fondé sur l'absence de liaison préalable du contentieux, ce qui ne fait pas obstacle à l'examen d'une nouvelle demande ; - c'est à bon droit que le tribunal a jugé que sa créance n'était pas prescrite ; - l'annulation de l'arrêté du 20 janvier 2012 qui l'a maintenu en position de disponibilité implique sa réintégration juridique à la date de sa demande de réintégration, le 23 novembre 2012, et non à la date de cet arrêté ; sa perte de salaire, compte tenu d'un passage au 6ème échelon à compter du 21 janvier 2013, s'élève à 49 454 euros après déduction de la somme de 92 652 euros perçue au titre de l'allocation chômage ; dès lors que l'arrêté annulé est réputé n'avoir jamais existé, il n'y a pas lieu d'apprécier ses chances de percevoir les indemnités acquises, lesquelles auraient été maintenues s'il n'avait pas été évincé ; les propos qui lui sont reprochés, tenus en qualité d'élu, ne sont pas de nature à caractériser une rupture du lien de confiance en qualité de fonctionnaire ; - son préjudice de perte de revenus a commencé le 20 janvier 2012, date à laquelle le président de la communauté de communes l'a maintenu en position de disponibilité ; il est ainsi fondé à demander que les intérêts prennent effet à compter de cette date, avec une capitalisation à chaque échéance annuelle ; - il a toujours été qualifié de très bon collaborateur, et même d'excellent directeur ; eu égard à ses états de services, à l'illégalité de la décision du 20 janvier 2012, aux accusations injustes dont il a fait l'objet avant et au cours de la procédure ayant conduit à l'arrêt définitif de la cour du 25 octobre 2018, et à la durée de cette procédure il a subi un préjudice moral ; il est ainsi fondé à demander en réparation de son préjudice moral une indemnité représentant au moins six mois de salaire, par référence au droit du travail, soit 22 960,38 euros. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code civil ; - la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le décret n° 91-875 du 6 septembre 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme A..., - les conclusions de Mme Isoard, rapporteure publique, - et les observations de Me Feix, représentant la communauté de communes du Val d'Albret, et de Me Lagarde, représentant M. C.... Considérant ce qui suit : 1. M. C..., attaché territorial principal nommé à compter du 19 mai 1999 secrétaire général de la communauté de communes du Val d'Albret, à laquelle la communauté de communes Albret Communauté a succédé à compter du 1er janvier 2017 , a été promu sur place au grade de directeur territorial à compter du 1er janvier 2001 et affecté sur l'emploi nouvellement créé de directeur général des services. En mai 2008, il a été élu conseiller municipal de la commune de Nérac, puis président de la communauté de communes du Val d'Albret, et par un arrêté du 19 mai 2008, il a été placé à sa demande en disponibilité pour convenances personnelles à compter du 1er juin 2008 " pour la durée de son mandat local ". Après avoir démissionné de son mandat de président de la communauté de communes le 9 octobre 2011, il a sollicité sa réintégration dans son précédent emploi ou dans un emploi analogue par lettre du 22 novembre 2011, reçue le 23 novembre suivant. Par un arrêté du 20 janvier 2012, implicitement confirmé après un recours gracieux du 14 mars 2012, le nouveau président de la communauté de communes du Val d'Albret a maintenu M. C... en position de disponibilité à compter du 23 novembre 2011, au motif que l'intérêt du service, en particulier l'organisation des équipes de direction et d'encadrement, ne permettait pas de procéder à sa réintégration. M. C... a contesté cette décision devant le tribunal administratif de Bordeaux, lequel a rejeté sa demande par un jugement n° 1202110 du 30 septembre 2014, et son appel a été rejeté par un arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux n° 14BX03341 du 23 mai 2016. M. C... s'étant pourvu en cassation, le Conseil d'Etat, par une décision n° 401731 du 20 février 2018, a annulé cet arrêt et a renvoyé l'affaire à la cour. Par un arrêt n° 18BX00845 du 25 octobre 2018, la cour a annulé le jugement du tribunal administratif de Bordeaux n° 1202110 du 30 septembre 2014 et a enjoint à la communauté de communes de réintégrer juridiquement M. C... dans l'emploi qu'il occupait avant sa mise en disponibilité au titre de la période du 20 janvier 2012 au 1er décembre 2014, date à laquelle l'intéressé avait été admis à faire valoir ses droits à la retraite, ainsi que de procéder à la reconstitution subséquente de sa carrière et de ses droits sociaux. 2. Par un arrêté du 26 novembre 2018, le président de la communauté de communes a réintégré M. C... à compter du 20 janvier 2012 en qualité de directeur territorial, lui a accordé un avancement d'échelon à compter du 18 mars 2013, l'a admis à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 1er décembre 2014, et a décidé que l'intéressé bénéficierait des rappels de traitement correspondant à cette nouvelle situation. Par une réclamation reçue le 4 février 2019, M. C... a sollicité le versement des sommes de 49 454 euros au titre de ses pertes de revenus et de 25 000 euros au titre de son préjudice moral. En l'absence de réponse, il a saisi le tribunal administratif de Bordeaux d'une demande de condamnation de la communauté de communes à lui verser ces sommes, assorties des intérêts au taux légal et de leur capitalisation. Par un jugement du 27 avril 2021, le tribunal a condamné cette collectivité à lui verser une indemnité de 52 454 euros, avec intérêts à compter du 4 février 2019 et capitalisation à compter du 4 février 2020, et a rejeté le surplus de la demande. La communauté de communes Albret Communauté relève appel de ce jugement. Par son appel incident, M. C... conteste la somme allouée au titre de son préjudice moral, ainsi que la date de départ des intérêts et de leur capitalisation sur ses pertes de revenus. Sur l'exception d'autorité de chose jugée : 3. L'arrêt de la cour n° 18BX00845 du 25 octobre 2018 qui a annulé le refus de réintégration de M. C... a rejeté les conclusions indemnitaires de l'intéressé pour irrecevabilité en l'absence de liaison du contentieux par une réclamation indemnitaire préalable, ce qui ne faisait pas obstacle à une nouvelle saisine du juge après la présentation d'une telle réclamation. C'est ainsi à bon droit que les premiers juges ont écarté l'exception d'autorité de la chose jugée par l'arrêt du 25 octobre 2018 sur les conclusions indemnitaires de M. C..., opposée par la communauté de communes Albret Communauté. Sur l'exception de prescription quadriennale : 4. Aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. / (...). " Aux termes de l'article 2 de la même loi : " La prescription est interrompue par : / Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance (...). / Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance (...) / Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption. Toutefois, si l'interruption résulte d'un recours juridictionnel, le nouveau délai court à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée. " 5. Lorsqu'un litige oppose un agent public à son administration sur le montant des rémunérations auxquelles il a droit et que le fait générateur de la créance se trouve ainsi dans les services accomplis par l'intéressé, la prescription est acquise au début de la quatrième année suivant chacune de celles au titre desquelles ses services auraient dû être rémunérés. Il en va cependant différemment lorsque la créance de l'agent porte sur la réparation d'une mesure illégalement prise à son encontre et qui a eu pour effet de le priver de fonctions. En pareille hypothèse, comme dans tous les autres cas où est demandée l'indemnisation du préjudice résultant de l'illégalité d'une décision administrative, le fait générateur de la créance doit être rattaché, non à l'exercice au cours duquel la décision a été prise, mais à celui au cours duquel elle a été régulièrement notifiée. 6. Comme l'ont relevé les premiers juges, la créance dont se prévaut M. C... est née de l'illégalité de l'arrêté du 20 janvier 2012 le maintenant en position de disponibilité, et le délai de prescription, interrompu par la saisine du tribunal administratif de Bordeaux le 16 juin 2012 aux fins de voir reconnaître l'illégalité de cet arrêté, n'a recommencé à courir qu'à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 25 octobre 2018 qui a annulé l'arrêté du 20 janvier 2012 est devenu définitif. Par suite, la communauté de communes Albret Communauté n'est pas fondée à soutenir que la prescription quadriennale aurait été acquise le 4 février 2019, date de réception de la réclamation préalable de M. C.... Sur le droit à indemnisation de M. C... : En ce qui concerne les pertes de revenus : 7. En vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre. Sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité. Pour l'évaluation du montant de l'indemnité due, doit être prise en compte la perte du traitement ainsi que celle des primes et indemnités dont l'intéressé avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions. Enfin, il y a lieu de déduire, le cas échéant, le montant des rémunérations que l'agent a pu se procurer par son travail au cours de la période d'éviction ainsi que ses revenus de remplacement le cas échéant. 8. Le tribunal a fixé à 49 454 euros les pertes de revenus de M. C... entre le 23 novembre 2011 et le 1er décembre 2014, en déduisant les indemnités de chômage de 92 652 euros versées par la communauté de communes au cours de cette période de la rémunération nette de 142 106 euros que l'intéressé aurait dû percevoir s'il avait été réintégré. Le calcul de cette rémunération inclut, outre le traitement tenant compte de la reconstitution de carrière, une bonification indiciaire, une indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires (IFTS) et une indemnité d'exercice des missions de préfecture (IEMP), de montants respectifs de 136,02 euros, 935,88 euros et 186,79 euros par mois, dont les premiers juges ont estimé que M. C... avait perdu une chance sérieuse de les percevoir. 9. D'une part, l'annulation par le juge administratif d'une décision d'éviction du service d'un agent public implique nécessairement, en principe, la réintégration juridique de l'agent à la date de l'éviction, soit en l'espèce le 20 janvier 2012, date à partir de laquelle la cour avait enjoint à la communauté de communes de réintégrer M. C.... La collectivité est ainsi fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges l'ont condamnée à indemniser des pertes de revenus à compter du 23 novembre 2011, date de réception de la demande de réintégration. 10. D'autre part, la communauté de communes Albret Communauté conteste l'existence d'une chance sérieuse de percevoir l'IFTS et l'IEMP au cours de la période d'éviction, en faisant valoir que ces indemnités auraient été liées à l'emploi de directeur général des services, sur lequel elle n'aurait pas pu réintégrer M. C... en raison d'une rupture du lien de confiance. 11. Aux termes de l'article 20 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération comprenant le traitement (...) ainsi que les indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire. Les indemnités peuvent tenir compte des fonctions et des résultats professionnels des agents ainsi que de la performance collective des services (...) ". L'article 88 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale prévoit que l'assemblée délibérante de chaque collectivité territoriale fixe les régimes indemnitaires de agents de cette collectivité dans la limite de ceux dont bénéficient les différents services de l'Etat. Aux termes de l'article 2 du décret du 6 septembre 1991 pris pour l'application de ces dernières dispositions, dans sa rédaction applicable : " L'assemblée délibérante de la collectivité (...) fixe, dans les limites prévues à l'article 1er, la nature, les conditions d'attribution et le taux moyen des indemnités applicables aux fonctionnaires de ces collectivités ou établissements. / (...)." Par une délibération du 6 novembre 2002, la communauté de communes du Val d'Albret a institué l'IFTS pour les fonctionnaires de la filière administrative des catégories A et B et l'IEMP pour les agents titulaires et stagiaires de la filière administrative, en fixant leurs montants dans la limite de ceux fixés pour les agents de l'Etat. 12. Par deux arrêtés du 14 novembre 2003, le président de la communauté de communes du Val d'Albret a attribué l'IFTS et l'IEMP à M. C..., en sa qualité de directeur au 4ème échelon de son grade, en prévoyant que le versement de ces " primes ", dont les montants seraient indexés sur la valeur du point de la fonction publique territoriale, interviendrait mensuellement à compter du 1er novembre 2003. Ainsi, contrairement à ce que soutient la communauté de communes, ces indemnités étaient liées au grade de M. C..., et non à l'emploi de directeur général des services sur lequel il était affecté antérieurement à sa mise en disponibilité, de sorte que l'impossibilité invoquée d'une réintégration sur cet emploi ne pouvait faire obstacle à leur versement. La circonstance que les arrêtés du 14 novembre 2003 mentionnent les montants mensuels de chacune des indemnités pour les mois de novembre et décembre 2003 ne saurait les faire regarder comme attribuant l'IFTS et l'IEMP pour ces deux mois seulement. C'est ainsi à bon droit que le tribunal a inclus ces indemnités dans le calcul des pertes de revenus durant la période d'éviction. 13. Il résulte de ce qui précède que les pertes de revenus de M. C... doivent être calculées sur la période du 20 janvier 2012, date du refus de réintégration, au 30 novembre 2014, veille de l'admission à la retraite, sur la base de la rémunération nette qu'il aurait perçue à son grade de directeur, avec un passage du 5ème au 6ème échelon le 20 janvier 2013, incluant l'IFTS, l'IEMP et la bonification indiciaire, l'existence d'une perte de chance sérieuse de percevoir cette dernière n'étant pas contestée par la communauté de communes. Au regard des éléments chiffrés non contestés qu'il invoque, M. C... aurait dû percevoir 134 617,55 euros au cours de la période d'éviction illégale, et ses indemnités de chômage se sont élevées à 87 780 euros. Ses pertes de revenus doivent ainsi être fixées à 46 837,55 euros. En ce qui concerne le préjudice moral : 14. Si M. C... soutient avoir fait l'objet d'accusations injustes avant et au cours de la longue procédure juridictionnelle ayant conduit à l'annulation de l'arrêté du 20 janvier 2012 lui ayant refusé sa réintégration, il ne le démontre pas en produisant des articles de presse relatifs aux circonstances de sa démission de ses fonctions de président de la communauté de communes du Val d'Albret, lesquels ne comportent aucune référence à sa qualité de fonctionnaire de cette collectivité. L'unique pièce relative à sa demande de réintégration en cette qualité est un extrait du site internet Ma Gazette faisant état de l'avis défavorable émis le 20 janvier 2010 par la commission administrative paritaire et de l'embarras des syndicats comme des élus de la communauté de communes, sans rapporter aucun propos susceptible de porter atteinte à la dignité ou à la réputation de M. C.... Toutefois, la procédure juridictionnelle d'une durée de six ans engagée par l'intéressé afin de faire valoir ses droits lui a nécessairement causé un préjudice moral, dont il sera fait une juste appréciation en l'évaluant à 3 000 euros. Sur les intérêts et leur capitalisation : 15. D'une part, lorsqu'ils sont demandés, les intérêts au taux légal sur le montant de l'indemnité allouée sont dus, quelle que soit la date de la demande préalable, à compter du jour où cette demande est parvenue à l'autorité compétente ou, en l'absence d'une telle demande préalablement à la saisine du juge, à compter du jour de cette saisine. D'autre part, la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond. Cette demande ne peut toutefois prendre effet que lorsque les intérêts sont dus au moins pour une année entière, sans qu'il soit besoin d'une nouvelle demande à l'expiration de ce délai. De même, la capitalisation s'accomplit à nouveau, le cas échéant, à chaque échéance annuelle ultérieure, sans qu'il soit besoin de formuler une nouvelle demande. 16. Il résulte de ce qui précède que comme l'a jugé le tribunal, la condamnation relative aux pertes de revenus de M. C... ne peut prendre effet qu'à compter du 4 février 2019, date de réception de sa réclamation préalable, et non à compter du 20 janvier 2012 comme il le demande. Par suite, les intérêts sur la somme de 46 837,55 euros sont dus à compter du 4 février 2019 et doivent être capitalisés à compter du 4 février 2020 et à chaque échéance annuelle ultérieure. 17. Il résulte de tout ce qui précède que la communauté de communes Albret Communauté est seulement fondée à demander que la somme qu'elle a été condamnée à verser à M. C... soit ramenée de 52 454 euros à 49 837,55 euros, et que l'appel incident de M. C... doit être rejeté. Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige : 18. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à une somme à la charge de M. C... au titre des frais exposés par la communauté de communes Albret Communauté à l'occasion du présent litige. M C..., qui est la partie perdante, n'est pas fondé à demander l'allocation d'une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et sa demande relative à des dépens inexistants ne peut qu'être rejetée. DÉCIDE : Article 1er : La somme que la communauté de communes Albret Communauté a été condamnée à verser à M. C... est ramenée de 52 454 euros à 49 837,55 euros, avec intérêts au taux légal sur la somme de 46 837,55 euros à compter du 4 février 2019 et capitalisation de ces intérêts à compter du 4 février 2020 et à chaque échéance annuelle ultérieure. Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux n° 1902230 du 27 avril 2021 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt. Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté de communes Albret Communauté et à M. B... C.... Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023 à laquelle siégeaient : Mme Anne Meyer, présidente, Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère, M. Olivier Cotte, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023. La première assesseure, Florence Rey-Gabriac La présidente, rapporteure, Anne A...La greffière, Virginie Guillout La République mande et ordonne au préfet de Lot-et-Garonne en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 21BX02745 |
CETATEXT000048424264 | J3_L_2023_11_00021BX02780 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/42/CETATEXT000048424264.xml | Texte | CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 16/11/2023, 21BX02780, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de BORDEAUX | 21BX02780 | 2ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme MEYER | DE FROMENT | Mme Florence REY-GABRIAC | Mme ISOARD | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler la décision en date du 18 janvier 2019 par laquelle le président du conseil départemental de la Haute-Vienne lui a indiqué qu'il ne renouvellerait pas son contrat à durée déterminée à son terme le 31 mai 2019 et lui a retiré, à compter du 1er février 2019, ses fonctions de directeur du laboratoire départemental d'analyses et de recherches de la Haute-Vienne. Par un jugement n° 1900408 du 29 avril 2021, le tribunal administratif de Limoges a rejeté la demande de M. A.... Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 29 juin 2021, M. A..., représenté par Me de Froment, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 29 avril 2021 du tribunal administratif de Limoges ; 2°) d'annuler la décision en date du 18 janvier 2019 par laquelle le président du conseil départemental de la Haute-Vienne lui a indiqué qu'il ne renouvellerait pas son contrat à durée déterminée à son terme le 31 mai 2019 et lui a retiré, à compter du 1er février 2019, ses fonctions de directeur du laboratoire départemental d'analyses et de recherches de la Haute-Vienne ; 3°) de mettre à la charge du département de la Haute-Vienne la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : A titre principal : - la décision du 18 janvier 2019 doit être regardée comme un licenciement déguisé pour insuffisance professionnelle, et non comme une décision de non-renouvellement de son contrat ; - ce licenciement est irrégulier, puisque la procédure du licenciement n'a pas été respectée ; en effet, ses droits n'ont pas été respectés, en l'absence d'information quant à la possibilité de demander communication de son dossier individuel comme l'impose l'article 39-2 du décret du 15 février 1988, et en raison du déroulement irrégulier de l'entretien préalable qui n'a pas été conforme à l'article 42 du même décret puisqu'il n'a pas pu se faire assister par son avocat ; le licenciement est également irrégulier en raison du non-respect du préavis et de l'absence de motivation de la décision de licenciement, en violation de l'article 40 du décret du 15 février 1988, et en raison de l'absence de consultation de la commission administrative paritaire ; en outre, ce licenciement est entaché d'inexactitude matérielle des faits, qu'il a contestés dans sa demande de révision de l'entretien professionnel ; il est également entaché d'erreur manifeste d'appréciation, dès lors que ses évaluations des années précédentes sont très satisfaisantes, de même que son évaluation par le département de la Creuse ; A titre subsidiaire : - à supposer qu'il s'agisse d'une décision de non-renouvellement de son contrat, elle est entachée d'un vice de procédure, dès lors que la présence de son avocat lui a été refusée lors de l'entretien préalable, la collectivité étant tenue de respecter les règles de la procédure choisie ; il s'agit d'une irrégularité substantielle ; par ailleurs, les faits reprochés ne sont pas établis, dès lors qu'il a subi beaucoup de contraintes qui l'ont empêché d'exercer pleinement ses missions ; la décision est donc entachée d'erreur manifeste d'appréciation. Par un mémoire en défense, enregistré le 30 juin 2022, le département de la Haute-Vienne, représenté par Me de Soto, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. A... la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que : - la décision n'est pas une décision de licenciement, mais de non-renouvellement du contrat ; - tous les moyens, tant de légalité externe que de légalité interne soulevés par M. A... doivent être écartés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme C..., - les conclusions de Mme Isoard, rapporteure publique, - et les observations de Me de Soto, représentant le département de la Haute-Vienne. Considérant ce qui suit : 1. Les départements de la Haute-Vienne et de la Creuse ont décidé de s'engager dans un rapprochement progressif de leurs laboratoires départementaux vétérinaires d'analyses et de recherches, afin d'en assurer la pérennité et d'améliorer le service rendu dans le cadre d'une meilleure maîtrise des coûts. A cette fin, ils ont conclu, le 27 septembre 2016, une convention d'entente interdépartementale d'une durée d'un an reconductible, relative à la direction partagée de leurs deux laboratoires, visant à la mise en commun de moyens et à la mise en place de prestations mutualisées et de sous-traitances entre les deux laboratoires. Sur le fondement de cette convention, qui prévoyait l'emploi du directeur partagé par l'une des deux collectivités et sa mise à disposition de l'autre à temps partiel, M. B... A... a été recruté par le département de la Haute-Vienne par un contrat à durée déterminée à temps plein d'une durée de trois ans à compter du 1er juin 2016 pour exercer, à raison de 50 % de sa quotité de travail, les fonctions de directeur du laboratoire départemental d'analyses et de recherches de la Haute-Vienne, et pour les 50 % restants, les fonctions de directeur du laboratoire départemental de la Creuse. De nombreux dysfonctionnements sont apparus dans le cadre de cette tentative de mutualisation, et par une décision du 18 janvier 2019, le président du conseil départemental de la Haute-Vienne a indiqué à M. A... que son contrat à durée déterminée ne serait pas renouvelé à son terme prévu le 31 mai 2019, et qu'à compter du 1er février 2019, il devrait effectuer l'intégralité de ses missions et de son temps de travail au seul laboratoire départemental de la Creuse, avec maintien jusqu'au terme du contrat des conditions de prise en charge de sa rémunération prévues par la convention conclue par les deux départements. Cette convention n'ayant pas été reconduite, le département de la Creuse a recruté M. A... à compter du 1er juin 2019 en qualité de directeur de son laboratoire. M. A... relève appel du jugement du tribunal administratif de Limoges du 29 avril 2021 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du président du conseil départemental de la Haute-Vienne du 18 janvier 2019. Sur les conclusions à fin d'annulation : En ce qui concerne l'existence d'une décision de licenciement déguisée : 2. Un agent public qui a été recruté par un contrat à durée déterminée ne bénéficie d'aucun droit au renouvellement de son contrat. Sauf circonstance particulière, la décision par laquelle l'autorité administrative compétente met fin aux relations contractuelles doit être regardée comme un refus de renouvellement de contrat si elle intervient à l'échéance du contrat, et comme un licenciement si elle intervient au cours de ce contrat. 3. La décision du président du conseil départemental de la Haute-Vienne du 18 janvier 2019 porte sur le non-renouvellement du contrat à durée déterminée au-delà de son terme. Si elle modifie le périmètre des missions de M. A... en lui retirant ses fonctions de directeur du laboratoire départemental de la Haute-Vienne à partir du 1er février 2019 et en l'affectant à plein temps, à compter de la même date, exclusivement sur ses fonctions de directeur du laboratoire départemental de la Creuse, qu'il occupait jusqu'alors à 50 %, cette modification substantielle, que l'intéressé a acceptée, n'a pas eu pour objet ou pour effet de rompre le contrat, lequel a été exécuté jusqu'à son terme initialement prévu, le 31 mai 2019. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision du 18 janvier 2019 constituerait un licenciement déguisé en cours de contrat, et les moyens qu'il soulève pour contester la régularité et le bien-fondé d'un tel licenciement ne peuvent qu'être écartés comme inopérants. En ce qui concerne la légalité du non-renouvellement du contrat : 4. En premier lieu, aux termes de l'article 38-1 du décret du 15 février 1988 relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale : " Lorsqu'un agent contractuel a été engagé pour une durée déterminée susceptible d'être renouvelée en application des dispositions législatives ou réglementaires qui lui sont applicables, l'autorité territoriale lui notifie son intention de renouveler ou non l'engagement au plus tard : (...) / - deux mois avant le terme de l'engagement pour l'agent recruté pour une durée égale ou supérieure à deux ans ; (...) / La notification de la décision finale doit être précédée d'un entretien lorsque le contrat est susceptible d'être reconduit pour une durée indéterminée ou lorsque la durée du contrat ou de l'ensemble des contrats conclus sur emploi permanent conformément à l'article 3-3 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée est supérieure ou égale à trois ans. / (...). " 5. Une irrégularité affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'elle a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'elle a privé les intéressés d'une garantie. 6. Par un courrier du 2 janvier 2019, le président du conseil départemental de la Haute-Vienne a convoqué M. A... à un entretien préalable au non-renouvellement de son contrat qui a eu lieu le 16 janvier 2019. M. A... fait valoir que l'assistance de son conseil lui a été refusée, ce qui n'est pas contesté. Toutefois, hormis le cas où la décision de non-renouvellement du contrat aurait un caractère disciplinaire, la tenue d'un entretien est seulement l'occasion pour l'agent d'interroger son employeur sur les raisons justifiant la décision de ne pas renouveler son contrat et, le cas échéant, de lui exposer celles qui pourraient justifier une décision contraire. L'accomplissement de cette formalité ne constitue pas pour l'intéressé, eu égard à la situation juridique de fin de contrat sans droit au renouvellement de celui-ci, et alors même que la décision peut être prise en considération de sa personne, une garantie dont la privation serait de nature par elle-même à entraîner l'annulation de la décision de non renouvellement, sans que le juge ait à rechercher si l'absence d'entretien a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que les droits de la défense de M. A... auraient été méconnus ne peut qu'être écarté. 7. En second lieu, comme cela a été dit au point 2, un agent public qui a été recruté par un contrat à durée déterminée ne bénéficie d'aucun droit au renouvellement de celui-ci. Toutefois, l'administration ne peut légalement décider, au terme de son contrat, de ne pas le renouveler que pour un motif tiré de l'intérêt du service. Un tel motif s'apprécie au regard des besoins du service ou de considérations tenant à la personne de l'agent. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir de former sa conviction sur les points en litige au vu des éléments versés au dossier par les parties. 8. Ainsi qu'il a été dit au point 1, M. A... a été chargé de la direction simultanée de deux laboratoires vétérinaires d'analyses et de recherches départementaux, dans le cadre d'une expérimentation de mutualisation des ressources et des moyens de ces deux structures. Les comptes-rendus d'entretien professionnel des années 2017 et 2018 reflètent les difficultés importantes qu'il a rencontrées dans l'exercice des fonctions de double direction qui lui avaient été dévolues par deux collectivités ayant chacune ses intérêts propres, notamment des difficultés de management, de mutualisation de l'expertise et de travail en transversalité. Le compte rendu de l'entretien établi au titre de l'année 2017 relève ainsi que " [l']action managériale [de M. A...] doit être plus forte dans le cadre de l'entente avec le laboratoire de la Creuse ", et celui établi au titre de l'année 2018 que " M. A... n'a pas mis en œuvre la plupart de la convention d'entente avec la laboratoire de la Creuse ". Il ressort en effet des pièces du dossier que l'expérimentation de double pilotage des deux laboratoires vétérinaires s'est avérée complexe à mettre en œuvre, ce qui a finalement conduit les deux départements à renoncer à poursuivre cette expérience de mutualisation, génératrice de dysfonctionnements des services, et à revenir à la gestion séparée des laboratoires antérieure à la convention. Dans ces conditions, le président du conseil départemental de la Haute-Vienne n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en décidant, pour des motifs liés à l'intérêt du service, de ne pas renouveler le contrat de M. A..., lequel a au demeurant, jusqu'à la fin de son contrat, bénéficié d'appréciations favorables au titre de ses fonctions de directeur du laboratoire départemental de la Creuse, sur lesquelles il a d'ailleurs été recruté à plein temps à compter du 1er juin 2019 par le département de la Creuse. 9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande. Sur les frais liés à l'instance : 10. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée par M. A... soit mise à la charge du département de la Haute-Vienne, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... la somme que demande le département sur le même fondement. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Les conclusions présentées par le département de la Haute-Vienne sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au département de la Haute-Vienne. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023 à laquelle siégeaient : Mme Anne Meyer, présidente, Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère, M. Olivier Cotte, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023 La rapporteure, Florence C... La présidente, Anne MeyerLa greffière, Virginie Guillout La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Vienne en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 21BX02780 |
CETATEXT000048424266 | J3_L_2023_11_00021BX03453 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/42/CETATEXT000048424266.xml | Texte | CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 16/11/2023, 21BX03453, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de BORDEAUX | 21BX03453 | 2ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme MEYER | BACH | M. Olivier COTTE | Mme ISOARD | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler, d'une part, la décision du 27 novembre 2018 par laquelle le directeur du centre hospitalier de Libourne a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de son accident du 20 novembre 2018, ensemble la décision du 21 février 2019 rejetant son recours gracieux, et, d'autre part, la décision du 29 novembre 2019 par laquelle la même autorité a réitéré son refus de reconnaître l'imputabilité au service de cet accident, et d'enjoindre sous astreinte au centre hospitalier de reconnaître cette imputabilité. Par un jugement nos 1901760, 2000490 du 3 juin 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a, après avoir joint les deux demandes, annulé les décisions des 27 novembre 2018 et 21 février 2019 et rejeté le surplus des conclusions. Procédure devant la cour : Par une requête et des mémoires, enregistrés les 20 août 2021, 10 mars 2023 et 31 mars 2023, Mme B..., représentée par Bach, demande à la cour : 1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 3 juin 2021 en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre la décision du 29 novembre 2019 ; 2°) d'annuler cette décision ; 3°) d'enjoindre au centre hospitalier de Libourne de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ; 4°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Libourne, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, les sommes de 1 500 euros au titre de la première instance et de 2 000 euros au titre de l'instance d'appel, ainsi que les dépens, comprenant les frais et honoraires de l'expertise du 11 avril 2020, liquidés et taxés à la somme de 1 200 euros. Elle soutient que : - la décision du 29 novembre 2019 est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'elle n'a jamais reçu le courrier l'informant de la tenue de la séance de la commission de réforme du 17 octobre 2019 ; au demeurant, le courrier du 30 septembre 2019 produit par le centre hospitalier n'a pas pu lui être remis dix jours avant la réunion de la commission, en méconnaissance de l'article 16 de l'arrêté du 4 août 2004 ; - les dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 étaient en vigueur à la date de l'accident ; en tout état de cause, la présomption d'imputabilité qu'elles comportent n'est qu'une codification de la jurisprudence existante ; - ses douleurs scapulo-dorsales ont été constatées par son médecin traitant, par le médecin de prévention et par l'expert judiciaire ; la blessure est intervenue sur son lieu de travail, durant ses heures de travail, et l'absence de témoins de l'accident est compensée par les témoignages de sa collègue et la saisine de la cadre supérieure de santé ; dans ces conditions, elle bénéficie d'une présomption d'imputabilité au service ; il n'est pas établi qu'une pathologie sous-jacente aurait existé et expliquerait à elle seule son incapacité professionnelle ; au demeurant, le lien entre sa pathologie et le service est direct et suffisamment probable pour retenir l'imputabilité au service. Par des mémoires en défense enregistrés le 15 décembre 2022 et 12 avril 2023, le centre hospitalier de Libourne, représenté par la SELARL Brocheton, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la requérante de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que : - le vice de procédure n'est pas constitué : le courrier du 30 septembre 2019 l'informant de la tenue de la réunion de la commission de réforme lui a été adressé par lettre simple, le jour même, soit plus de dix jours avant le 17 octobre 2019, date de la commission ; les dispositions de l'article 16 de l'arrêté du 4 août 2014 ne prévoient pas de formalisme particulier, et notamment pas de convocation de l'intéressée ; - les dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 n'étaient pas applicables à la date du litige, celles-ci n'étant entrées en vigueur que le 16 mai 2020 ; Mme B... ne peut se prévaloir d'une présomption d'imputabilité ; - les éléments produits concordent pour établir l'inexistence de l'accident déclaré le 22 novembre 2018 ; - Mme B... ne conteste pas l'expertise médicale qui a conclu que la douleur de l'épaule droite résultait d'une maladie et non d'un accident. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ; - le décret n° 88-386 du 19 avril 1988 ; - l'arrêté interministériel du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Olivier Cotte, - les conclusions de Mme Charlotte Isoard, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. Mme B..., agent des services hospitaliers qualifié, est employée au sein du centre hospitalier de Libourne en qualité d'agent de stérilisation. Le 22 novembre 2018, elle a déclaré à son employeur s'être blessée à l'épaule droite lors du déchargement d'un autoclave deux jours auparavant. Par trois décisions des 28 novembre 2018, 21 février 2019 et 29 novembre 2019, cette dernière ayant été prise après consultation de la commission de réforme, le directeur du centre hospitalier a refusé de reconnaître imputable au service ce traumatisme. Saisi par Mme B... d'une demande d'annulation de ces décisions et d'injonction de reconnaissance de l'imputabilité au service de l'accident, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé les deux premières décisions, pour insuffisance de motivation et vice de procédure en l'absence de saisine de la commission de réforme, et a rejeté le surplus des conclusions. Par la présente requête, Mme B... demande la réformation du jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre la décision du 29 novembre 2019 et sa demande d'injonction. Sur la légalité de la décision du 29 novembre 2019 : 2. Aux termes de l'article 14 de l'arrêté interministériel du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière : " Le secrétariat de la commission de réforme convoque les membres titulaires et l'agent concerné au moins quinze jours avant la date de la réunion. (...) ". Aux termes de l'article 16 de cet arrêté : " (...) Dix jours au moins avant la réunion de la commission, le fonctionnaire est invité à prendre connaissance, personnellement ou par l'intermédiaire de son représentant, de son dossier, dont la partie médicale peut lui être communiquée, sur sa demande, ou par l'intermédiaire d'un médecin ; il peut présenter des observations écrites et fournir des certificats médicaux. / La commission entend le fonctionnaire, qui peut se faire assister d'un médecin de son choix. Il peut aussi se faire assister par un conseiller. / La commission entend le fonctionnaire, qui peut se faire assister d'un médecin de son choix. Il peut aussi se faire assister par un conseiller ". 3. Alors que Mme B... soutient ne pas avoir été informée de la date de la réunion de la commission de réforme et de son droit à prendre connaissance de son dossier au préalable, le centre hospitalier de Libourne produit un courrier du 30 septembre 2019 convoquant l'intéressée à la séance de la commission de réforme du 17 octobre suivant et comportant ces informations. Si les dispositions précitées de l'article 16 de l'arrêté du 4 août 2004 n'imposent pas de modalités particulières de communication avec l'agent, il appartient au centre hospitalier de Libourne de justifier de la réception de ce courrier dans les délais réglementaires, ce qu'il ne fait pas en produisant un courriel du secrétariat de la commission de réforme indiquant : " nous avons bien envoyé le courrier à Mme B... et nous n'avons pas eu de retour de la poste ". L'absence d'information qu'il y a donc lieu de retenir était de nature à priver l'agent d'une garantie. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier, et notamment du procès-verbal de la séance du 17 octobre 2019, que Mme B... aurait été entendue par la commission de réforme, ni qu'elle aurait été représentée. Dans ces conditions, la décision du 29 novembre 2019 est entachée d'un vice de procédure et est illégale, sans que l'hôpital puisse utilement se prévaloir de la circonstance que cette irrégularité n'aurait pas été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise, dès lors que les représentants du personnel se sont exprimés en faveur de Mme B.... 4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 29 novembre 2019. Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte : 5. Le motif d'annulation retenu au point 3 n'implique pas qu'il soit enjoint à l'administration de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident du 20 novembre 2018, mais seulement de réexaminer la situation de Mme B.... Il y a lieu d'enjoindre au centre hospitalier de Libourne d'y procéder, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte. Sur les frais et honoraires d'expertise : 6. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " (...) Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. (...) ". 7. Le centre hospitalier de Libourne étant la partie perdante dans le cadre de la présente instance, il y a lieu de mettre les frais et honoraires d'expertise, liquidés et taxés, par ordonnance du 26 janvier 2021 pour un montant de 1 200 euros, à la charge définitive de celui-ci. Sur les frais liés au litige : 8. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que le centre hospitalier de Libourne demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge du centre hospitalier de Libourne la somme que Mme B... demande au même titre pour la première instance ou pour l'instance d'appel. DECIDE : Article 1er : La décision du directeur du centre hospitalier de Libourne du 29 novembre 2019 est annulée. Article 2 : Il est enjoint au centre hospitalier de Libourne de réexaminer la situation de Mme B... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 3 juin 2021 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt. Article 4 : Les frais et honoraires d'expertise, liquidés et taxés le 26 janvier 2021 pour un montant de 1 200 euros, sont mis à la charge définitive du centre hospitalier de Libourne. Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté. Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au centre hospitalier de Libourne. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023 à laquelle siégeaient : Mme Anne Meyer, présidente, Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère, M. Olivier Cotte, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. Le rapporteur, Olivier Cotte La présidente, Anne Meyer La greffière, Virginie Guillout La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 21BX03453 |
CETATEXT000048424267 | J3_L_2023_11_00021BX03542 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/42/CETATEXT000048424267.xml | Texte | CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 16/11/2023, 21BX03542, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de BORDEAUX | 21BX03542 | 2ème chambre | plein contentieux | C | Mme MEYER | DANIEL LAMAZIERE | Mme Florence REY-GABRIAC | Mme ISOARD | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux : - d'annuler la décision du 30 août 2019 par laquelle le maire de la commune de Bordeaux l'a maintenu en disponibilité pour convenances personnelles jusqu'à sa réintégration, et d'enjoindre à la commune de Bordeaux de justifier des postes occupés et vacants correspondant à son grade de professeur d'enseignement artistique et de saisir le centre national de la fonction publique territoriale ou le centre de gestion local ; - de condamner la commune de Bordeaux à lui verser la somme de 150 000 euros en réparation de ses différents préjudices. Par un jugement n° 2003280 du 29 juin 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande de M. C.... Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 27 août 2021 et un mémoire enregistré le 17 mars 2022, M. C..., représenté par Me Daniel Lamazière, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 29 juin 2021 du tribunal administratif de Bordeaux ; 2°) d'annuler la décision du 30 août 2019 par laquelle le maire de la commune de Bordeaux l'a maintenu en disponibilité pour convenances personnelles jusqu'à sa réintégration ; 3°) d'enjoindre à la commune de Bordeaux de justifier des postes occupés et vacants correspondant à son grade de professeur d'enseignement artistique et de saisir le centre national de la fonction publique territoriale ou le centre de gestion local ; 4°) de condamner la commune de Bordeaux à lui verser la somme de 150 000 euros en réparation de ses différents préjudices ; 5°) de mettre à la charge de la commune de Bordeaux la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la commune était tenue de le réintégrer ; elle ne justifie pas que des nécessités de service n'auraient pas permis son réemploi ; - en outre, la commune n'a pas cherché à procéder à la vérification de son aptitude physique à reprendre ses fonctions comme l'imposent les dispositions de l'article 33 de ce dernier décret ; elle a en outre également méconnu le principe d'égalité dès lors qu'il devait bénéficier de la même protection sociale que les agents titulaires, soit la vérification de son aptitude physique et la saisine du centre national de la fonction publique territoriale ou le centre de gestion locale ; - la commune a commis une faute en le laissant sans traitement et sans prise en charge sociale durant 18 mois, et en lui communiquant des informations erronées sur ses droits, ce qui l'empêche d'être pris en charge par Pôle emploi ; - il demande la somme de 150 000 euros en réparation de son préjudice moral et financier ; son préjudice financier consiste notamment en la perte de ses rémunérations depuis le 1er septembre 2019, soit 42 357 euros au 1er septembre 2022, à laquelle s'ajoute la perte du droit à obtenir une indemnisation pour avoir été involontairement privé d'emploi depuis cette date. Par un mémoire en défense, enregistré le 8 mars 2022, la commune de Bordeaux, représenté par Me Bach, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. B... la somme de 3 013 euros, incluant le droit de plaidoirie, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que : - les conclusions indemnitaires présentées par M. C... sont irrecevables, faute de liaison du contentieux en ce qui concerne un " préjudice de carrière " ; - à titre subsidiaire, les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés. Par un mémoire, enregistré le 9 octobre 2023, M. C... déclare se désister de l'instance et de l'action. Par un mémoire, enregistré le 13 octobre 2023, la commune de Bordeaux dit accepter le désistement d'instance et d'action de M. C... et renoncer à solliciter les frais de justice. Vu les autres pièces du dossier. Vu le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme D..., - les conclusions de Mme Isoard, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A... C... exerçait, en dernier lieu dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée conclu en 2006, les fonctions de professeur d'enseignement artistique auprès du Conservatoire national de région, qui relève de la direction générale des affaires culturelles de la commune de Bordeaux, où il intervenait auprès des comédiens, musiciens, danseurs, chefs de chœur et chefs d'orchestre pour enseigner les pratiques corporelles et les arts martiaux. A sa demande, il a été placé en congé pour convenances personnelles pour une durée de trois ans, du 1er septembre 2016 au 31 août 2019. Par courrier du 14 mai 2019, il a demandé sa réintégration à compter du 1er septembre 2019 sur le poste à temps non complet à 12/16èmes qu'il occupait avant sa mise en disponibilité. Par décision du 30 août 2019, le maire de la commune de Bordeaux a rejeté sa demande au motif qu'aucun poste à 12/16èmes correspondant à son grade n'était vacant, l'a maintenu en disponibilité d'office jusqu'à ce qu'il soit possible de le réintégrer, et l'a invité à prendre contact avec Pôle Emploi dans la perspective d'une étude de son droit à l'allocation d'aide au retour à l'emploi. M. C... a, par lettre du 26 mars 2020, sollicité de la commune de Bordeaux l'indemnisation à hauteur de 150 000 euros des différents préjudices résultant selon lui de l'illégalité de la décision du 30 août 2019. Il relève appel du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 29 juin 2021, qui a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de la décision du 30 août 2019 ainsi que ses conclusions indemnitaires. 2. Cependant, par un mémoire enregistré le 9 octobre 2023, M. C... déclare se désister de l'instance et de l'action, désistement accepté par la commune de Bordeaux par un mémoire enregistré le 13 octobre 2023, celle-ci déclarant également renoncer à ses conclusions sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans ces conditions, le désistement de M. C... étant pur et simple et ayant été accepté par la commune de Bordeaux, rien ne s'oppose à ce qu'il en soit donné acte. DÉCIDE : Article 1er : Il est donné acte du désistement de M. C... ainsi que de la renonciation de la commune de Bordeaux à ses conclusions sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et à la commune de Bordeaux. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023 à laquelle siégeaient : Mme Anne Meyer, présidente, Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère, M. Olivier Cotte, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023 La rapporteure, Florence D... La présidente, Anne MeyerLa greffière, Virginie Guillout La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 21BX03542 |
CETATEXT000048424268 | J3_L_2023_11_00021BX03552 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/42/CETATEXT000048424268.xml | Texte | CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 09/11/2023, 21BX03552, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-09 00:00:00 | CAA de BORDEAUX | 21BX03552 | 2ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme GIRAULT | POUDAMPA | Mme Anne MEYER | Mme ISOARD | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux : - sous le n° 1903726, de condamner le département de la Gironde à lui verser une indemnité de 50 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait d'un harcèlement moral et d'enjoindre au président du conseil départemental de la Gironde de la réintégrer dans ses fonctions, ou à défaut de lui proposer une formation en vue d'une reconversion, - sous le n° 1906235, d'annuler la décision du 15 juillet 2019 par laquelle le président du conseil départemental de la Gironde a mis fin à son contrat à durée indéterminée en qualité d'assistante familiale et de condamner le département à lui verser une indemnité de licenciement équivalant à dix mois de salaire brut, - sous le n° 2001748, d'annuler la décision par laquelle le président du conseil départemental de la Gironde a refusé de lui communiquer l'intégralité du procès-verbal de la commission administrative paritaire du 20 juin 2019, et d'enjoindre à cette autorité de lui communiquer ce document. Par un jugement nos 1903726, 1906235, 2001748 du 29 juin 2021, le tribunal a rejeté ses demandes. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 29 août 2021, Mme B..., représentée par Me Poudampa, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 15 juillet 2019 mettant fin à son contrat à durée indéterminée ; 2°) de mettre à la charge du département de la Gironde une somme de 2 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens. Elle soutient que : - la décision prise sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-32 du code de l'action sociale et des familles relatives au licenciement fondé sur l'absence d'enfant à confier à un assistant familial est entachée d'erreur de droit, dès lors que le motif retenu est un refus de " repositionnement professionnel " ; l'employeur refusait de lui confier des enfants, et ne pouvait ainsi se prévaloir de l'absence d'enfants à confier ; - si la cour requalifiait la décision comme fondée sur les dispositions de l'article L. 423-10, les accusations du département concernant le cas du jeune D... sont diffamatoires et mensongères, et une plainte pénale est en cours. Par un mémoire en défense enregistré le 2 décembre 2022, le département de la Gironde, représenté par Me Fillieux, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de Mme B... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que : - la requête, qui ne comporte aucune critique du jugement, est insuffisamment motivée, donc irrecevable ; A titre subsidiaire : - le licenciement pouvait être prononcé sur le fondement de l'article L. 423-32 du code de l'action sociale et des familles, et c'est à bon droit que le tribunal a jugé que les conditions en étaient remplies ; - le moyen tiré de l'erreur de fait n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'action sociale et des familles ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme A..., - les conclusions de Mme Isoard, rapporteure publique, - et les observations de Me Anger-Bourez, représentant le département de la Gironde. Considérant ce qui suit : 1. Mme B..., assistante familiale dans le département de la Dordogne où deux enfants lui étaient confiés au titre de l'aide sociale à l'enfance, dont le jeune D... depuis le 24 mars 2014, a déménagé en Gironde en décembre 2016, en conservant l'accueil de D... avec l'accord de ses parents et du juge des enfants. Le département de la Gironde l'a recrutée à compter du 1er juillet 2017. Ses relations avec le service départemental de l'accueil familial ont été d'emblée difficiles, en particulier au sujet de l'organisation des week-ends et des congés. Les dates de congé choisies par Mme B... en août 2018 coïncidant avec celles de l'assistante familiale relais, il lui a été demandé de les modifier, ce qu'elle a refusé. Le 2 juillet 2018, après avoir mis fin à l'entretien que lui avait proposé l'administration afin de rechercher une solution, Mme B... a été placée en arrêt de travail pour maladie. Alors que cet arrêt avait été prolongé, le président du conseil départemental de la Gironde lui a indiqué, par lettre du 14 septembre 2018, que sa posture professionnelle ne permettait plus d'envisager qu'elle poursuive l'accueil de D.... Les discussions avec l'administration en vue de la recherche de nouvelles perspectives professionnelles n'ayant pas abouti, Mme B... a été licenciée par une décision du 15 juillet 2019. Elle a saisi le tribunal administratif de Bordeaux de trois demandes tendant respectivement à l'annulation de cette décision et au versement d'une indemnité de licenciement, à la condamnation du département de la Gironde à l'indemniser des préjudices qu'elle estimait avoir subis du fait d'un harcèlement moral, et à l'annulation d'un refus implicite de communication de l'intégralité du procès-verbal de la commission administrative paritaire du 20 juin 2019. Mme B... relève appel du jugement du 29 juin 2021 par lequel le tribunal, après avoir joint ces demandes, les a rejetées, en tant seulement qu'il n'a pas fait droit à ses conclusions à fin d'annulation de la décision de licenciement du 15 juillet 2019. 2. Aux termes de l'article L. 423-10 du code de l'action sociale et des familles : " L'employeur qui envisage, pour un motif réel et sérieux, de licencier un assistant maternel ou un assistant familial qu'il emploie depuis trois mois au moins convoque celui-ci et le reçoit en entretien dans les conditions prévues aux articles L. 1232-2 à L. 1232-4 du code du travail. Au cours de l'entretien, l'employeur est tenu d'indiquer le ou les motifs de la décision envisagée et de recueillir les explications du salarié. / L'employeur qui décide de licencier un assistant maternel ou un assistant familial relevant de la présente section doit notifier et motiver sa décision dans les conditions prévues à l'article L. 1232-6 du code du travail. La date de présentation de la lettre recommandée fixe le point de départ du préavis éventuellement dû en vertu de l'article L. 773-21. L'inobservation du préavis donne lieu au versement d'une indemnité compensatrice. " Aux termes de l'article L. 423-32 du même code : " L'employeur qui n'a pas d'enfant à confier à un assistant familial pendant une durée de quatre mois consécutifs est tenu de recommencer à verser la totalité du salaire à l'issue de cette période s'il ne procède pas au licenciement de l'assistant familial fondé sur cette absence d'enfants à lui confier. " 3. La décision de licenciement du 15 juillet 2019 est fondée sur des difficultés de collaboration avec les différents professionnels de la direction générale adjointe chargée de la solidarité, ainsi que sur un positionnement professionnel inadapté, ne permettant plus au département de proposer de nouveaux accueils à domicile à l'intéressée. Le licenciement est ainsi fondé sur un motif autre qu'une absence d'enfant à confier, de sorte que Mme B... est fondée à soutenir que la décision est entachée d'erreur de droit en ce qu'elle est fait application des dispositions de l'article L. 423-32 du code de l'action sociale et des familles. 4. Toutefois, lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que Mme B... a bénéficié des garanties prévues par les dispositions de l'article L. 423-10 du code de l'action sociale et des familles, avec notamment un entretien préalable, et elle évoque elle-même la possibilité d'une substitution de base légale. 5. Il ressort des pièces produites en première instance par le département de la Gironde que Mme B..., lors de discussions avec son époux, a évoqué de manière régulière et inadaptée, devant D..., un conflit avec le département de la Dordogne pour " récupérer " le second enfant qu'ils accueillaient avant le déménagement en Gironde, qu'elle a refusé le calendrier établi par le service pour permettre à la mère de D... d'exercer son droit d'hébergement les 25 et 26 décembre 2017, ce qui a nécessité une nouvelle organisation, qu'elle a sollicité à plusieurs reprises l'interruption des calendriers mis en place dans le cadre de l'accueil de l'enfant certains week-ends par une assistante familiale relais chargée de la remplacer durant ses congés, et qu'elle a sollicité ses congés d'été aux dates retenues par cette dernière. Devant le refus de Mme B... d'envisager un aménagement de ses congés dans l'intérêt de D..., âgé de quatre ans et demi, le service départemental d'accueil familial a élaboré un projet d'organisation devant lui être proposé lors d'un entretien le 2 juillet 2018, auquel elle a mis fin précipitamment en claquant la porte. L'attitude vindicative et irrespectueuse de Mme B..., qui ressort notamment du ton et du contenu de son courrier du 9 juillet 2018 à la directrice du pôle solidarité vie sociale, s'est également traduite par des insultes et des menaces à l'encontre d'une assistante sociale qui avait pris contact téléphoniquement avec elle le 23 mai 2018 au sujet de sa demande de congés. Eu égard à ces éléments précis et concordants, Mme B... n'est pas fondée à contester la matérialité des faits, constituant un motif réel et sérieux, ayant conduit à son licenciement, et il y a lieu de substituer l'article L. 423-10 du code de l'action sociale et des familles à l'article L. 423-32, retenu à tort par le département, comme fondement légal de la décision de licenciement. 6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, que Mme B... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 15 juillet 2019. 7. Mme B..., qui est la partie perdante, n'est pas fondée à demander qu'une somme soit mise à la charge du département de la Gironde au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre une somme à sa charge au titre des frais exposés par le département de la Gironde à l'occasion du présent litige. DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée. Article 2 : Les conclusions présentées par le département de la Gironde au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au département de la Gironde. Délibéré après l'audience du 10 octobre 2023 à laquelle siégeaient : Mme Catherine Girault, présidente, Mme Anne Meyer, présidente-assesseure, Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 novembre 2023. La rapporteure, Anne A... La présidente, Catherine GiraultLa greffière, Virginie Guillout La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 21BX03552 |
CETATEXT000048424269 | J3_L_2023_11_00021BX04237 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/42/CETATEXT000048424269.xml | Texte | CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 09/11/2023, 21BX04237, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-09 00:00:00 | CAA de BORDEAUX | 21BX04237 | 2ème chambre | plein contentieux | C | Mme GIRAULT | CABINET COUBRIS ET ASSOCIÉS | Mme Anne MEYER | Mme ISOARD | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... K..., agissant en qualité de représentant légal de ses filles mineures H... et G..., Mme J... L..., sa mère, Mme C... D..., son ex-compagne, et M. F... D... et Mme I... A... épouse D..., parents de cette dernière, ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Bordeaux à leur verser des indemnités d'un montant total de 22 400 euros avec intérêts au taux légal, en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait d'une infection nosocomiale contractée par M. K... dans les suites d'une intervention réalisée le 20 février 2013. Dans la même instance, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Haute-Garonne a demandé la condamnation du CHU de Bordeaux à lui rembourser la somme de 509 588,16 euros. Par un jugement n° 1903869 du 21 septembre 2021, le tribunal a condamné le CHU de Bordeaux à verser les sommes de 11 200 euros à M. K..., de 2 800 euros à Mme L... et de 2 800 euros à Mme C... D..., le tout assorti des intérêts au taux légal à compter du 1er août 2019, et a rejeté le surplus des demandes. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 17 novembre 2021 et des mémoires enregistrés les 16 février et 26 octobre 2022, M. F... D... et Mme I... A... épouse D..., représentés par la SELARL Coubris, Courtois et Associés, demandent à la cour : 1°) de réformer ce jugement en ce qu'il a rejeté leurs demandes ; 2°) de condamner le CHU de Bordeaux à leur verser une indemnité de 1 400 euros chacun en réparation de leur préjudice moral, avec intérêts au taux légal à compter de l'introduction de leur demande devant le tribunal ; 3°) de mettre à la charge du CHU de Bordeaux une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que : - ils ont été très affectés par les complications infectieuses présentées par le compagnon de leur fille et ont été présents à ses côtés pour lui apporter leur soutien ; ils se sont déplacés chaque week-end à l'hôpital pour conduire les filles de M. K... auprès de leur père ; ils ont également pris des jours de congé pour conduire leur fille à l'hôpital et ont réalisé des aménagements dans leur maison pour l'adapter au handicap de M. K... ; ce dernier atteste de la réalité de leurs liens d'affection ; la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) avait d'ailleurs proposé d'indemniser leur préjudice moral à hauteur de 700 euros chacun, ce qu'ils ont estimé insuffisant ; c'est à tort que le tribunal, qui n'a pas tenu compte des attestations produites, a jugé qu'ils n'établissaient pas l'existence d'un lien d'affection envers la victime ; - après application du taux de perte de chance de 70 % retenu par le tribunal, ils sollicitent une somme de 1 400 euros chacun en réparation de leur préjudice moral. Par des mémoires en défense enregistrés les 26 septembre et 4 novembre 2022, le CHU de Bordeaux, représenté par le cabinet Le Prado, Gilbert, conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que l'existence des liens d'affection allégués n'est pas établie. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de la santé publique ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme E..., - les conclusions de Mme Isoard, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. Le 20 février 2013, M. K..., qui présentait des pieds bots bilatéraux, a subi une double arthrodèse du pied droit au CHU de Bordeaux. Dans les suites de cette intervention, il a présenté une infection, à l'origine d'une ostéite chronique nécessitant une amputation transtibiale de la jambe droite réalisée le 2 mai 2013, suivie de la mise en place d'une prothèse. Le 14 octobre 2013, M. K... a saisi la commission d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (CCI), laquelle, après avoir organisé une expertise dont le rapport a conclu au caractère nosocomial de l'infection et à un déficit fonctionnel permanent de 20 %, a émis un avis selon lequel l'indemnisation des préjudices incombait à la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), assureur du CHU de Bordeaux, à hauteur de 70 % du dommage. Les proches de M. K... n'ayant pas, contrairement à lui, accepté les offres de la SHAM, ils ont saisi le tribunal administratif de Bordeaux d'une demande de condamnation du CHU à les indemniser de leurs préjudices propres. Par un jugement du 21 septembre 2021, le tribunal a condamné cet établissement à verser les sommes de 11 200 euros à M. K... en sa qualité de représentant légal de ses deux filles mineures, de 2 800 euros à Mme L..., mère de M. K..., de 2 800 euros à Mme C... D..., son ex-compagne, et a rejeté les demandes de M. F... D... et Mme I... A... épouse D..., parents de cette dernière. M. et Mme D... relèvent appel de ce jugement et demandent l'indemnisation de leur préjudice moral à hauteur de 1 400 euros chacun après application du taux de perte de chance. 2. Le CHU de Bordeaux ne conteste ni sa responsabilité, ni le taux de perte de chance retenu par le tribunal. 3. Si M. et Mme D... font valoir qu'ils ont effectué de nombreux déplacements à l'hôpital pour conduire auprès de M. K... ses filles issues d'une première union ainsi que leur propre fille, et qu'ils ont réalisé des aménagements dans leur maison pour l'adapter au handicap de M. K..., leur demande indemnitaire ne porte ni sur des frais de déplacement, ni sur le coût des aménagements, mais sur un préjudice moral. Il résulte de l'instruction, notamment de l'expertise réalisée le 22 avril 2016 dont le rapport indique que M. K... et Mme C... D... vivaient alors ensemble depuis quatre ans, que la durée de cette vie commune n'était que d'un an au moment des faits. Dans ces circonstances, et même si M. et Mme D..., qui attestent essentiellement de leur inquiétude pour leur fille alors âgée seulement de 21 ans, ont fait preuve de bienveillance envers le compagnon de celle-ci et l'ont soutenu dans son épreuve, l'intensité de leur affection pour M. K... ne peut être regardée comme telle qu'elle leur ouvre droit à une indemnisation au titre d'un préjudice moral. Par suite M. et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté leur demande. 4. M. et Mme D..., qui sont la partie perdante, ne sont pas fondés à demander l'allocation d'une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. et Mme D... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... D... et Mme I... A... épouse D..., et au centre hospitalier universitaire de Bordeaux. Délibéré après l'audience du 10 octobre 2023 à laquelle siégeaient : Mme Catherine Girault, présidente, Mme Anne Meyer, présidente-assesseure, Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 novembre 2023. La rapporteure, Anne E... La présidente, Catherine GiraultLa greffière, Virginie Guillout La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 21BX04237 |
CETATEXT000048424270 | J3_L_2023_11_00023BX01166 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/42/CETATEXT000048424270.xml | Texte | CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 16/11/2023, 23BX01166, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de BORDEAUX | 23BX01166 | 2ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme MEYER | HUGON | Mme Florence REY-GABRIAC | Mme ISOARD | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 4 août 2022 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, et d'enjoindre sous astreinte à la préfète de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation et, dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour. Par un jugement n° 2204581 du 5 décembre 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande de M. A.... Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 29 avril 2023, M. A..., représenté par Me Hugon, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 5 décembre 2022 du tribunal administratif de Bordeaux ; 2°) d'annuler l'arrêté du 4 août 2022 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ; 3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de procéder, dans les mêmes conditions d'astreinte et de délai, au réexamen de sa situation et, dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : En ce qui concerne la régularité du jugement : - le tribunal administratif, en lui opposant une clôture d'instruction au 6 octobre 2022, a violé les dispositions de l'article R. 776-26 du code de justice administrative, dès lors qu'en vertu de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'instruction ne pouvait être close qu'après la formulation de ses observations orales ; - les premiers juges ont commis des omissions à statuer, dès lors qu'ils n'ont pas répondu au moyen tiré de ce que la préfète se serait estimée en situation de compétence liée pour lui refuser le séjour, ni au moyen tiré de la violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales soulevé à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi ; En ce qui concerne la décision portant refus de séjour : -la préfète s'est estimée en situation de compétence liée par l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ; -cette décision viole l'article L. 435-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il est gravement handicapé et que son état de santé ne s'est pas amélioré alors qu'il avait déjà eu un premier titre de séjour en raison de cet état de santé ; en outre, et contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, il avait bien fait valoir dans ses écritures qu'il ne pourrait accéder à un traitement approprié en Albanie ; - elle viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation, dès lors que les personnes handicapées rencontrent de grandes difficultés de vie quotidienne et d'accès à l'emploi en Albanie, où elles sont discriminées ; En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français : - elle est illégale en raison de l'illégalité du refus de séjour ; - pour les mêmes raisons que celles exposées à l'encontre du refus de séjour, elle viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation ; En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi : - elle viole l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; la préfète s'est crue en situation de compétence liée parce que l'asile lui a été refusé ; il a déjà été victime d'une vendetta en Albanie et sa vie est menacée en cas de retour dans ce pays, où le code de l'honneur par le sang (kanoun) est toujours pratiqué. Par un mémoire en défense enregistré le 16 juin 2023, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête. Il fait valoir qu'en l'absence de nouveaux éléments produits en appel, il s'en rapporte à son mémoire en défense de première instance, qu'il produit. Par une décision du 26 janvier 2023, l'aide juridictionnelle totale a été accordée à M. A.... Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme D..., - et les observations de Me Hugon, représentant M. A.... Considérant ce qui suit : 1. M. B... A..., ressortissant albanais né en 1981, est entré en France le 2 juillet 2018 selon ses déclarations, accompagné de son épouse de même nationalité, Mme E... A.... A la suite du rejet de leurs deux demandes d'asile par une décision du 19 avril 2019 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) qui a statué en procédure accélérée, M. A... et son épouse ont fait l'objet, par deux arrêtés de la préfète de la Gironde du 21 juin 2019, de décisions de refus de séjour, assorties d'obligations de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi. Les recours présentés à l'encontre de ces arrêtés ont été rejetés par deux jugements du tribunal administratif de Bordeaux du 6 septembre 2019, et les appels de M. et Mme A... ont été également rejetés, par deux ordonnances de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 16 avril 2020. M. A... s'est par la suite vu délivrer un titre de séjour en raison de son état de santé, valable du 6 novembre 2020 au 6 juin 2021, dont il a sollicité le renouvellement le 9 avril 2021, son épouse ayant de son côté sollicité son admission exceptionnelle au séjour. Par deux arrêtés du 4 août 2022, la préfète de la Gironde a rejeté leurs demandes, a assorti ces refus d'obligations de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. A... relève appel du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 5 décembre 2022 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 août 2022 le concernant. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. En premier lieu, aux termes du deuxième alinéa de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-2 à R. 611-6. ". Aux termes de l'article R. 613-1 du même code : " Le président de la formation de jugement peut, par une ordonnance, fixer la date à partir de laquelle l'instruction sera close. ". Aux termes de l'article R. 613-3 du même code : " Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication, sauf réouverture de l'instruction. ". 3. Si le juge a toujours la faculté, dans l'intérêt d'une bonne justice, de tenir compte d'un mémoire dont il est saisi postérieurement à la clôture de l'instruction, après avoir rouvert celle-ci et soumis ce mémoire au débat contradictoire, il n'est tenu de le faire, à peine d'irrégularité de sa décision, que si ce mémoire contient l'exposé soit d'une circonstance de fait dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction écrite et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts, soit d'une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d'office. S'il s'abstient de rouvrir l'instruction, le juge doit se borner à viser la production sans l'analyser, et ne peut la prendre en compte sans entacher sa décision d'irrégularité. 4. Il ressort des pièces du dossier de première instance que, par une ordonnance du 6 septembre 2022, la clôture d'instruction avait été fixée au 6 octobre 2022. Le mémoire et les pièces complémentaires produits par M. A..., enregistrés les 8 octobre et 21 novembre 2022, soit après la clôture d'instruction, sont visés par le jugement. Ce mémoire et ces pièces ne contenant pas l'exposé de circonstances de fait ou de droit nouvelles que M. A... n'était pas en mesure d'invoquer avant la clôture de l'instruction, le président de la formation de jugement a pu régulièrement décider de ne pas rouvrir l'instruction, et donc de ne pas les communiquer. Le requérant ne saurait invoquer utilement les dispositions de l'article R. 776-26 du code de justice administrative relatives à la clôture de l'instruction à l'audience, dès lors qu'elles ne sont applicables qu'en cas de placement en rétention ou d'assignation à résidence, ce qui n'était pas son cas. 5. En second lieu, les moyens tirés de ce que la préfète de la Gironde se serait crue en situation de compétence liée pour rejeter la demande de titre de séjour de M. A... et de ce que la décision fixant le pays de renvoi contreviendrait aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été invoqués pour la première fois par le requérant dans son mémoire du 8 octobre 2022, enregistré après la clôture de l'instruction. Pour les raisons exposées au point précédent, le tribunal administratif n'était pas tenu de répondre à ces nouveaux moyens, et n'a donc ainsi pas commis d'omission à statuer. Sur les conclusions à fin d'annulation : En ce qui concerne le refus de séjour : 6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ". Aux termes de l'article R. 425-11 du même code : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration./ L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu (...) d'un rapport médical établi par un médecin de l'office (...) ". 7. Il ressort des pièces du dossier que, par un avis en date du 5 avril 2022, le collège de médecins de l'Office français de l'intégration et de de l'immigration (OFII) a estimé que l'état de santé du requérant nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité, et qu'il pouvait voyager sans risque vers son pays d'origine. 8. D'une part, la préfète de la Gironde s'est notamment appuyée sur cet avis du collège de médecins de l'OFII pour refuser à M. A... le titre de séjour sollicité. En citant la teneur de cet avis, elle doit être regardée comme se l'étant approprié et, dès lors qu'elle s'est par ailleurs fondée sur d'autres éléments de la situation particulière du requérant, elle a exercé son pouvoir d'appréciation. Dans ces conditions, le moyen tenant à ce qu'elle se serait crue liée par l'avis du collège de médecins de l'OFII doit être écarté. 9. D'autre part, la circonstance que la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) a donné son accord pour que l'allocation adultes handicapés (AAH) soit attribuée à M. A... du 1er août 2019 au 31 juillet 2024, au vu d'un taux d'incapacité compris " entre 50 % et moins de 80 % ", est sans incidence sur l'appréciation de son droit à un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour justifier de son état de santé, le requérant produit un certificat médical d'un médecin neurologue, en date du 26 janvier 2022, attestant d'une " stabilité de la lésion médullaire initiale ", bien qu'avec des " complications neuro-urologiques et neuro-orthopédiques " nécessitant un suivi et des soins de rééducation, sans précision sur les conséquences éventuelles d'une absence de suivi et de soins. Ni ce certificat, ni l'allégation de M. A... selon laquelle son état ne se serait pas amélioré depuis le premier titre de séjour qui lui a été délivré, ne suffisent à remettre en cause l'avis émis par les médecins de l'OFII le 5 avril 2022, selon lequel le défaut de prise en charge ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité, de sorte que M. A... ne peut utilement se prévaloir de l'absence d'un traitement effectif en Albanie. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la préfète de la Gironde aurait méconnu les dispositions précitées de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté. 10. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". 11. Pour contester le refus de séjour qui lui a été opposé sur le fondement de ces stipulations, M. A... se borne en appel à rappeler qu'il est handicapé et que tant la prise en charge de son handicap que la vie quotidienne lui seraient très difficiles en Albanie. Dans ces conditions, et faute de tout élément nouveau à l'appui de son moyen, il y a lieu d'adopter les motifs retenus par les premiers juges au point 8 de leur jugement, qui les a conduits à considérer à bon droit que la préfète de la Gironde n'avait ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle du requérant. En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français : 12. En premier lieu, le refus de séjour contesté n'étant pas entaché des illégalités alléguées, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision, soulevé à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français, doit être écarté. 13. En second lieu, pour les motifs exposés au point 11, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle du requérant doivent être écartés. En ce qui concerne la fixation du pays de renvoi : 14. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut désigner comme pays de renvoi : / 1° Le pays dont l'étranger a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu la qualité de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; / 2° Un autre pays pour lequel un document de voyage en cours de validité a été délivré en application d'un accord ou arrangement de réadmission européen ou bilatéral ; / 3° Ou, avec l'accord de l'étranger, tout autre pays dans lequel il est légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". 15. En premier lieu, il ne ressort pas de la motivation de la décision, selon laquelle M. A... ne démontre pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que la préfète se serait estimée liée par la décision de l'OFPRA ayant rejeté la demande d'asile de l'intéressé. 16. En second lieu, M. A... fait valoir que le handicap dont il souffre provient d'une blessure par arme à feu reçue en 1998 dans l'enceinte de son établissement scolaire, alors que le tireur, un policier, visait un autre élève, et que l'auteur des faits, condamné à trois ans d'emprisonnement, aurait cherché à se venger en exerçant des pressions sur lui-même et sur sa famille, et aurait été à l'origine d'un grave accident de la circulation dont il a été victime en mai 2010. Si les circonstances de la blessure ayant causé sa paraplégie peuvent être regardées comme établies, M. A... n'apporte aucun élément relatif à celles de l'accident dont il a été victime en mai 2010, et ne démontre pas l'existence de risques personnels, réels et actuels à son encontre en cas de retour en Albanie. L'OFPRA a d'ailleurs estimé que ses propos relatifs aux menaces alléguées étaient " lacunaires et peu circonstanciés ". Par suite, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut être accueilli. 17. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte : 18. Le présent arrêt rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. A.... Par suite, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ne peuvent qu'être rejetées. Sur les frais liés à l'instance : 19. Il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande M. A... sur le fondement des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Gironde. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023 à laquelle siégeaient : Mme Anne Meyer, présidente, Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère, M. Olivier Cotte, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023. La rapporteure, Florence D... La présidente, Anne MeyerLa greffière, Virginie Guillout La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23BX01166 |
CETATEXT000048424271 | J3_L_2023_11_00023BX01167 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/42/CETATEXT000048424271.xml | Texte | CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 16/11/2023, 23BX01167, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de BORDEAUX | 23BX01167 | 2ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme MEYER | HUGON | Mme Florence REY-GABRIAC | Mme ISOARD | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 4 août 2022 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans, et d'enjoindre sous astreinte à la préfète de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation et, dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour. Par un jugement n° 2204580 du 5 décembre 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande de Mme A.... Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 29 avril 2023, Mme A..., représentée par Me Hugon, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 5 décembre 2022 du tribunal administratif de Bordeaux ; 2°) d'annuler l'arrêté du 4 août 2022 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans ; 3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de procéder, dans les mêmes conditions d'astreinte et de délai, au réexamen de sa situation et, dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Elle soutient que : En ce qui concerne la régularité du jugement : - le tribunal administratif, en lui opposant une clôture d'instruction au 6 octobre 2022, a violé les dispositions de l'article R. 776-26 du code de justice administrative, dès lors qu'en vertu de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'instruction ne pouvait être close qu'après la formulation de ses observations orales ; - les premiers juges ont commis une omission à statuer, dès lors qu'ils n'ont pas répondu au moyen tiré de la violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales soulevé à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi ; En ce qui concerne la décision portant refus de séjour : - la préfète ne s'est pas livrée à un examen particulier de sa demande de titre de séjour dès lors que la décision ne mentionne pas le lourd handicap de son époux ; bien qu'ayant déposé une demande de titre par courrier recommandé, elle n'a jamais été mise en possession d'un récépissé de demande de titre, en violation de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; alors qu'elle sollicitait un " regroupement familial " avec son époux, sa demande n'a pas été examinée sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-23 ; - cette décision viole l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; le titre de séjour de son époux aurait dû être renouvelé car son état de santé ne s'est pas amélioré, et les soins médicaux dont il a besoin ne sont pas accessibles en Albanie ; son époux a besoin de sa présence, ils vivent en France depuis quatre ans et ont noué de nombreux liens, et elle dispose d'une promesse d'embauche ; - En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français : - elle est illégale en raison de l'illégalité du refus de séjour ; - pour les mêmes raisons que celles exposées à l'encontre du refus de séjour, elle viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation ; En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi : - elle viole l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la préfète s'est crue en situation de compétence liée du fait du refus d'asile opposé à son époux ; ce dernier a déjà été victime d'une vendetta en Albanie et sa vie est menacée en cas de retour dans ce pays, où le code de l'honneur par le sang (kanoun) est toujours pratiqué ; En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français : - elle est illégale par exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ; - elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation, notamment au regard de son insertion sur le territoire français et de la situation médicale de son époux, et d'erreur d'appréciation ; Par un mémoire en défense enregistré le 16 juin 2023, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête. Il fait valoir qu'en l'absence de nouveaux éléments produits en appel, il s'en rapporte à son mémoire en défense de première instance, qu'il produit. Par une décision du 26 janvier 2023, l'aide juridictionnelle totale a été accordée à Mme A.... Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme D..., - et les observations de Me Hugon, représentant Mme A.... Considérant ce qui suit : 1. Mme B... A..., ressortissante albanaise née en 1988, est entrée en France le 2 juillet 2018 selon ses déclarations, accompagnée de son époux de même nationalité, M. E... A.... A la suite du rejet de leurs deux demandes d'asile par une décision du 19 avril 2019 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) qui a statué en procédure accélérée, Mme A... et son époux ont fait l'objet, par deux arrêtés de la préfète de la Gironde du 21 juin 2019, de décisions de refus de séjour, assorties d'obligations de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi. Les recours présentés à l'encontre de ces arrêtés ont été rejetés par deux jugements du tribunal administratif de Bordeaux du 6 septembre 2019, et les appels de M. et Mme A... ont également été rejetés, par deux ordonnances de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 16 avril 2020. M. A... s'est par la suite vu délivrer un titre de séjour en raison de son état de santé, valable du 6 novembre 2020 au 6 juin 2021. Il a sollicité le renouvellement de ce titre le 9 avril 2021, Mme A... ayant quant à elle sollicité son admission exceptionnelle au séjour. Par deux arrêtés du 4 août 2022, la préfète de la Gironde a rejeté leurs demandes, a assorti ces refus d'obligations de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, en prononçant une interdiction de retour sur le territoire français de deux ans à l'encontre de Mme A.... Cette dernière relève appel du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 5 décembre 2022 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 août 2022 la concernant. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. En premier lieu, aux termes du deuxième alinéa de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-2 à R. 611-6. ". Aux termes de l'article R. 613-1 du même code : " Le président de la formation de jugement peut, par une ordonnance, fixer la date à partir de laquelle l'instruction sera close. ". Aux termes de l'article R. 613-3 du même code : " Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication, sauf réouverture de l'instruction. ". 3. Si le juge a toujours la faculté, dans l'intérêt d'une bonne justice, de tenir compte d'un mémoire dont il est saisi postérieurement à la clôture de l'instruction, après avoir rouvert celle-ci et soumis ce mémoire au débat contradictoire, il n'est tenu de le faire, à peine d'irrégularité de sa décision, que si ce mémoire contient l'exposé soit d'une circonstance de fait dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction écrite et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts, soit d'une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d'office. S'il s'abstient de rouvrir l'instruction, le juge doit se borner à viser la production sans l'analyser et ne peut la prendre en compte sans entacher sa décision d'irrégularité. 4. Il ressort des pièces du dossier de première instance que, par une ordonnance du 6 septembre 2022, la clôture d'instruction avait été fixée au 6 octobre 2022. Le mémoire et les pièces complémentaires produits par Mme A..., enregistrés les 8 octobre et 21 novembre 2022, soit après la clôture d'instruction, sont visés par le jugement. Ce mémoire et ces pièces ne contenant pas l'exposé de circonstances de fait ou de droit nouvelles que Mme A... n'était pas en mesure d'invoquer avant la clôture de l'instruction, le président de la formation de jugement a pu régulièrement décider de ne pas rouvrir l'instruction, et donc de ne pas les communiquer. La requérante ne saurait invoquer utilement les dispositions de l'article R. 776-26 du code de justice administrative relatives à la clôture de l'instruction à l'audience, dès lors qu'elles ne sont applicables qu'en cas de placement en rétention ou d'assignation à résidence, ce qui n'était pas son cas. 5. En second lieu, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi contreviendrait aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales a été invoqué pour la première fois par la requérante dans son mémoire du 8 octobre 2022, enregistré après la clôture de l'instruction. Pour les raisons exposées au point précédent, ce mémoire n'ayant pas été communiqué, le tribunal administratif n'était pas tenu de répondre à ce nouveau moyen, et n'a donc ainsi pas commis d'omission à statuer. Sur les conclusions à fin d'annulation : En ce qui concerne le refus de séjour : 6. Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale" d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. /(...). " aux termes de l'article L. 435-1 du même code : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. " 7. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme A... a sollicité son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, devenu l'article L. 435-1, et du 7° de l'article L. 313-11, devenu l'article L. 423-23, en invoquant la présence de son conjoint handicapé et de son enfant. Pour rejeter sa demande, la préfète a relevé, notamment, qu'elle ne justifiait pas d'une ancienneté de présence significative, qu'elle n'était pas isolée dans son pays d'origine où elle avait vécu jusqu'à l'âge de 30 ans et où résident ses parents et son frère, que son enfant âgé de 3 ans n'avait pu, du fait de son jeune âge, établir de liens particuliers sur le territoire français, que son époux avait également fait l'objet d'un arrêté de refus de séjour avec obligation de quitter le territoire français, et enfin qu'elle était démunie de ressources personnelles et ne justifiait d'aucune situation professionnelle. Il ressort de cette motivation, pertinente au regard des dispositions des articles L. 435-1 et L. 423-23, que la préfète a procédé à l'examen de la situation particulière de la requérante. 8. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". 9. Mme A... fait valoir que son époux est gravement handicapé, qu'il a besoin en permanence de son assistance et qu'il ne pourrait recevoir des soins adaptés à son état de santé en Albanie. Elle fait également valoir qu'elle est insérée dans la société française où elle a noué des contacts, et qu'elle dispose d'une promesse d'embauche. Cependant, d'une part, le même jour que le présent arrêt, la cour a rejeté l'appel de M. A... à l'encontre du jugement ayant rejeté sa demande d'annulation du refus de titre de séjour qui lui a été opposé 4 août 2022 par la préfète de la Gironde, au motif qu'un défaut de prise en charge médicale ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité. D'autre part, Mme A... et son époux ne résidaient en France que depuis quatre ans à la date de l'arrêté attaqué la promesse d'embauche qu'elle produit en appel est postérieure à cet arrêté, et les quelques attestations de voisins ou de connaissances, ainsi que celle du responsable du Secours catholique de Villenave d'Ornon, qu'elle verse aux débats, ne démontrent pas l'existence de liens intenses. Ainsi, rien ne fait obstacle à ce que la cellule familiale, soit les deux époux avec leur jeune fils né à Talence le 31 juillet 2019, puisse se reconstituer en Albanie, pays dans lequel Mme A... a vécu jusqu'à l'âge de 30 ans et où elle ne démontre pas être dépourvue d'attaches familiales. Dans ces conditions, la préfète de la Gironde, en édictant la décision de refus de séjour en litige, n'a pas porté au droit de Mme A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs qui lui ont été opposés, et n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions de de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français : 10. En premier lieu, le refus de séjour contesté n'étant pas entaché des illégalités alléguées, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision, soulevé à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français, doit être écarté. 11. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 9, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté, et la préfète de la Gironde n'a pas entaché la mesure en litige d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle de la requérante. En ce qui concerne la fixation du pays de renvoi : 12. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut désigner comme pays de renvoi : / 1° Le pays dont l'étranger a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu la qualité de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; / 2° Un autre pays pour lequel un document de voyage en cours de validité a été délivré en application d'un accord ou arrangement de réadmission européen ou bilatéral ; / 3° Ou, avec l'accord de l'étranger, tout autre pays dans lequel il est légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". 13. En premier lieu, il ne ressort pas de la motivation de la décision, selon laquelle Mme A... ne démontre pas être exposée à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que la préfète se serait estimée liée par la décision de l'OFPRA ayant rejeté la demande d'asile de son époux. 14. Mme A... fait valoir que le handicap dont souffre son époux provient d'une blessure par arme à feu reçue en 1998 dans l'enceinte de son établissement scolaire, alors que le tireur, un policier, visait un autre élève, et que l'auteur des faits, condamné à trois ans d'emprisonnement, aurait cherché à se venger en exerçant des pressions sur son époux et sur sa famille, et aurait été à l'origine d'un grave accident de la circulation dont son époux a été victime en mai 2010. Si les circonstances de la blessure ayant causé la paraplégie de M. A... peuvent être regardées comme établies, aucun élément relatif à celles de l'accident dont il a été victime en mai 2010 n'est apporté, et l'existence de risques personnels, réels et actuels à son encontre en cas de retour en Albanie n'est pas démontrée. Au demeurant, les demandes d'asile du couple ont été rejetées par l'OFPRA, qui a estimé que les propos de M. A... relatifs aux menaces dont il ferait l'objet étaient " lacunaires et peu circonstanciés ". Par suite, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut être accueilli. En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans : 15. En premier lieu, l'obligation de quitter le territoire français n'étant pas entachée des illégalités alléguées, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision, soulevé à l'encontre de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français, doit être écarté. 16. En deuxième lieu, comme cela a été dit au point 7 ci-dessus, la préfète a mentionné, dans l'arrêté attaqué, de nombreuses considérations de fait relatives à la situation personnelle de l'intéressée. S'agissant plus particulièrement de l'interdiction de retour sur le territoire français, elle a visé les articles L. 612-8 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en relevant que, bien que ne représentant pas de menace pour l'ordre public, Mme A... avait déjà fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français non exécutée, qu'elle n'était pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de 30 ans, et qu'elle ne justifiait pas de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la préfète de la Gironde se serait abstenue de se livrer à un examen attentif de la situation particulière de Mme A... doit être écarté. 17. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 612-8 du CESEDA : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 (...) ". 18. La préfète a fondé l'interdiction de retour sur le territoire français de deux ans faite à Mme A... sur les considérations de droit et de fait exposées au point 16. Il ressort des pièces du dossier que les quatre années que Mme A... a passées sur le territoire national correspondent, d'une part, au temps nécessaire à l'instruction de sa demande d'asile et de celle de son époux et, d'autre part, et jusqu'à ce qu'elle sollicite, le 23 avril 2021, la délivrance d'un titre de séjour, à son maintien irrégulier sur le territoire. Par ailleurs, comme cela a été dit au point 9, elle ne démontre pas l'existence de liens ancrés dans la durée sur le territoire français. Par suite, même si elle ne représente pas une menace pour l'ordre public, la préfète de la Gironde n'a pas commis d'erreur d'appréciation en édictant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. 19. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte : 20. Le présent arrêt rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme A.... Par suite, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ne peuvent qu'être rejetées. Sur les frais liés à l'instance : 21. Il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande Mme A... sur le fondement des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative. DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Gironde. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023 à laquelle siégeaient : Mme Anne Meyer, présidente, Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller, M. Olivier Cotte, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023. La rapporteure, Florence D... La présidente, Anne MeyerLa greffière, Virginie Guillout La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23BX01167 |
CETATEXT000048424272 | J3_L_2023_11_00023BX01268 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/42/CETATEXT000048424272.xml | Texte | CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 16/11/2023, 23BX01268, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de BORDEAUX | 23BX01268 | 2ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme MEYER | BLAL-ZENASNI | Mme Anne MEYER | Mme ISOARD | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 9 février 2022 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, et d'enjoindre sous astreinte à la préfète de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation. Par un jugement n° 2202361 du 13 octobre 2022, le tribunal a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 10 mai 2023, Mme A..., représentée par Me Blal-Zenasni, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Gironde du 9 février 2022 ; 3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 152,45 euros par jour de retard, et de procéder à un nouvel examen de sa situation ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Elle soutient que : - elle a validé ses années d'études de français langue étrangère, elle a ensuite rencontré des difficultés préjudiciables au bon déroulement de son master en aménagement et urbanisme, et ayant réalisé que " le métier de l'urbanisme en France ne peut être appliqué en Chine ", elle s'est réorientée vers la traduction, en lien avec ses études de français initiales ; elle prépare un master qui s'inscrit dans le prolongement de ses études en urbanisme ; ainsi, la décision de refus de titre de séjour est entachée d'une erreur dans l'appréciation du sérieux de ses études ; en outre, elle justifie d'une vie privée et familiale en France où elle vit avec son compagnon, lui-même étudiant, depuis près de deux ans ; - l'obligation de quitter le territoire français est dépourvue de base légale dès lors qu'elle est fondée sur une décision de refus de séjour elle-même illégale. Par un mémoire en défense enregistré le 4 septembre 2023, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens invoqués par Mme A... ne sont pas fondés. Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 décembre 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. Mme A..., ressortissante chinoise, est entrée en France le 5 septembre 2017 munie d'un visa de long séjour valant titre de séjour en qualité d'étudiante, valable jusqu'au 2 septembre 2018, et renouvelé jusqu'au 17 décembre 2021. Par un arrêté du 9 février 2022, la préfète de la Gironde lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme A... relève appel du jugement du 13 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté. 2. Aux termes de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui établit qu'il suit un enseignement en France ou qu'il y fait des études et qui justifie disposer de moyens d'existence suffisants se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " d'une durée inférieure ou égale à un an. / (...) ". Aux termes de l'article R. 433-1 du même code : " L'étranger qui sollicite le renouvellement d'une carte de séjour temporaire présente à l'appui de sa demande les pièces prévues pour une première délivrance et justifiant qu'il continue de satisfaire aux conditions requises pour celle-ci ainsi, le cas échéant, que les pièces particulières requises à l'occasion du renouvellement du titre conformément à la liste fixée par arrêté annexé au présent code. ". Il appartient à l'autorité administrative saisie d'une demande de renouvellement d'une carte de séjour présentée en qualité d'étudiant de rechercher, à partir de l'ensemble du dossier, si l'intéressé peut être raisonnablement regardé comme poursuivant effectivement des études et d'apprécier, sous le contrôle du juge, la réalité et le sérieux des études poursuivies en tenant compte de l'assiduité, de la progression et de la cohérence du cursus suivi. 3. Il ressort des pièces du dossier qu'après avoir obtenu des diplômes universitaires d'études françaises de niveau 2 avec mention bien en 2017-2018, puis de niveau 3 avec mention assez bien au titre de l'année 2018-2019, Mme A... a été ajournée à deux reprises aux examens de première année de master d'urbanisme et aménagement, en 2019-2020 et 2020-2021. Elle s'est ensuite réorientée en master 1 d'études chinoises à l'université de Bordeaux pour l'année universitaire 2021-2022. A l'appui de sa demande de renouvellement de son titre de séjour, elle a précisé qu'elle s'était rendu compte que ses études d'urbanisme en France ne lui seraient pas utiles en Chine, et que compte tenu de son intérêt pour la langue française et pour la promotion de la culture chinoise, elle s'était réorientée en master de recherches et études chinoises dans la perspective de devenir traductrice. Il ressort des pièces du dossier que le master d'études chinoises comporte des épreuves de traduction littéraire, de version et de thème, ce qui n'est pas incohérent avec les études initiales de langue française suivies avec succès. Dans ces circonstances, la réorientation en master d'études chinoises, qui n'avait pas à être cohérente avec les études d'urbanisme précédemment suivies, ne suffit pas à mettre en cause le caractère réel et sérieux des études. Par suite, Mme A... est fondée à soutenir que la décision de refus de renouvellement de son titre de séjour est entachée d'erreur d'appréciation. 4. Il résulte de ce qui précède que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande d'annulation de la décision de refus de titre de séjour du 9 février 2022 et, par voie de conséquence, des décisions du même jour portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi, prises sur son fondement. Par suite, l'arrêté du 9 février 2022 doit être annulé. 5. Eu égard à l'annulation prononcée au point précédent, il y a lieu de faire droit aux conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Gironde de réexaminer la demande de Mme A... et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour. Dans les circonstances de l'espèce il y a lieu de prévoir ce réexamen dans un délai de trois mois et de rejeter la demande d'astreinte. 6. Mme A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son conseil peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros, à verser à Me Blal-Zenasni. DÉCIDE : Article 1er : L'arrêté de la préfète de la Gironde du 9 février 2022 et le jugement du tribunal administratif de Bordeaux n° 2202361 du 13 octobre 2022 sont annulés. Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Gironde de réexaminer la situation de Mme A... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour. Article 3 : L'Etat versera à Me Blal-Zenasni une somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A..., au préfet de la Gironde, à Me Blal-Zenasni et au ministre de l'intérieur. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023 à laquelle siégeaient : Mme Anne Meyer, présidente, Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère, M. Olivier Cotte, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023. La première assesseure, Florence Rey-Gabriac La présidente, rapporteure, Anne B...La greffière, Virginie Guillout La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23BX01268 |
CETATEXT000048424273 | J3_L_2023_11_00023BX01270 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/42/CETATEXT000048424273.xml | Texte | CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 09/11/2023, 23BX01270, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-09 00:00:00 | CAA de BORDEAUX | 23BX01270 | 2ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme GIRAULT | HAAS | Mme Anne MEYER | Mme ISOARD | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. F... G... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 28 septembre 2022 par lequel la préfète de la Gironde lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prolongé l'interdiction de retour sur le territoire français prononcée à son encontre le 31 décembre 2018 pour une durée de deux ans. Par un jugement n° 2205526 du 30 décembre 2022, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 10 mai 2023, M. G..., représenté par Me Haas, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 30 décembre 2022 ; 2°) d'annuler l'arrêté du 28 septembre 2022 de la préfète de la Gironde ; 3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 80 euros par jour de retard, et de procéder au réexamen de sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous la même astreinte ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat, au profit de son conseil, le versement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué : - il n'a pas été destinataire de l'avis d'audience, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 711-2 du code de justice administrative, et de l'article L. 614-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ce qui l'a empêché d'être présent ou représenté à l'audience ; le jugement doit ainsi être annulé, et il sollicite le renvoi de l'affaire devant le tribunal ; En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français : - elle est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation ; - elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'il réside en France depuis 2011, qu'il est en couple depuis trois ans avec une ressortissante française, et qu'il n'a plus aucune attache dans son pays d'origine depuis le décès de sa mère en 2014 ; En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi : - elle est privée de base légale en raison de l'illégalité de l' obligation de quitter le territoire français ; - elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il établit être exposé à des peines et traitements inhumains et dégradants en cas de retour dans son pays d'origine, où il a été agressé peu de temps avant son départ par un cousin, lequel est devenu policier à Libreville, dans son quartier d'origine ; En ce qui concerne la décision prolongeant l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans : - elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'il ne représente pas une menace pour l'ordre public, qu'il justifie d'une durée de présence significative sur le territoire, et qu'il peut se prévaloir d'une vie privée et familiale en France ; - elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation. Par un mémoire en défense enregistré le 31 juillet 2023, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête et demande à la cour de statuer au fond. Il s'en rapporte à ses écritures de première instance, qu'il produit. Le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux, par une décision n° 2023/001727 du 16 mars 2023, a admis M. G... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. F... G..., ressortissant gabonais né le 2 mars 1989, est entré en France le 30 septembre 2011 sous couvert d'un visa long séjour et y a résidé sous couvert de titres de séjour en qualité d'étudiant, dont le dernier renouvellement lui a été refusé par une décision du 26 juin 2017 du préfet de la Gironde, assortie d'une obligation de quitter le territoire français. Par un arrêté du 31 décembre 2018, le préfet de la Gironde lui fait obligation de quitter le territoire français pour la deuxième fois, en lui interdisant le retour sur le territoire français pour une durée d'un an, et le recours présenté par l'intéressé à l'encontre de cet arrêté a été rejeté par un jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 3 janvier 2020. Le 5 novembre 2020, M. G... a sollicité l'asile. Sa demande a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 17 septembre 2021, puis par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 1er septembre 2022. Par un arrêté du 28 septembre 2022, la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour et de renouveler son attestation de demande d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prolongé l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. M. G... relève appel du jugement du 30 décembre 2022 par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Sur la régularité du jugement : 2. Aux termes de l'article R. 711-2 du code de justice administrative : " Toute partie est avertie, par une notification faite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par la voie administrative mentionnée à l'article R. 611-4, du jour où l'affaire sera appelée à l'audience. L'avis d'audience reproduit les dispositions des articles R. 731-3 et R. 732-1-1. Il mentionne également les modalités selon lesquelles les parties ou leurs mandataires peuvent prendre connaissance du sens des conclusions du rapporteur public, en application du premier alinéa de l'article R. 711-3 ou, si l'affaire relève des dispositions de l'article R. 732-1-1, de la décision prise sur la dispense de conclusions du rapporteur public, en application du second alinéa de l'article R. 711-3. L'avertissement est donné sept jours au moins avant l'audience. Toutefois, en cas d'urgence, ce délai peut être réduit à deux jours par une décision expresse du président de la formation de jugement qui est mentionnée sur l'avis d'audience ". Aux termes de l'article R. 431-1 du même code : " Lorsqu'une partie est représentée devant le tribunal administratif par un des mandataires mentionnés à l'article R. 431-2, les actes de procédure, à l'exception de la notification de la décision prévue aux articles R. 751-3 et suivants, ne sont accomplis qu'à l'égard de ce mandataire ". 3. Il ressort des pièces du dossier de première instance qu'un avis de radiation du rôle a été adressé le 29 novembre 2022 au conseil de M. G..., sans mentionner de nouvelle date d'audience. Ni le requérant, ni son conseil n'ont été convoqués à l'audience qui s'est tenue le 19 décembre 2022, à laquelle l'intéressé n'était ni présent, ni représenté. Par suite, M. G... est fondé à invoquer l'irrégularité du jugement, et à en demander l'annulation. 4. Au regard des conclusions en défense du préfet, il y lieu pour la cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. G... devant le tribunal administratif de Bordeaux. Sur la légalité de l'arrêté de la préfète de la Gironde du 28 septembre 2022 : En ce qui concerne l'arrêté dans son ensemble : 5. Par un arrêté du 21 juin 2022, régulièrement publié au recueil des actes administratifs n° 33-2022-104 du même jour, la préfète de la Gironde a donné délégation de signature à Mme D... A..., cheffe du bureau de l'asile et du guichet unique, et en cas d'absence ou d'empêchement de Mme A..., à Mme C... E..., son adjointe, à l'effet de signer toutes les décisions prises en application des livres II, IV, V, VI, VII et VIII du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, parmi lesquelles figurent les décisions prises par l'arrêté du 28 septembre 2022. Le requérant n'établit ni n'allègue que Mme A... n'aurait pas été absente ou empêchée le 28 septembre 2022. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de Mme E... doit être écarté. En ce qui concerne le refus de titre de séjour : 6. La décision vise les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et indique que l'OFPRA puis la CNDA ont rejeté la demande d'asile, ce qui suffit à motiver le rejet de la demande présentée au titre de l'asile. Elle comporte en outre des éléments de fait relatifs à la situation personnelle et familiale de M. G..., dont il est déduit, pour refuser de prendre une mesure de régularisation exceptionnelle, qu'un refus de titre de séjour ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale. Si ces éléments, selon lesquels M. G... est célibataire et sans charge de famille en France, ne justifie pas être isolé dans son pays d'origine, ne démontre pas qu'il serait dans l'impossibilité de s'y réinsérer socialement et professionnellement, et ne fait valoir aucun élément justifiant son intégration dans la société française, figurent dans une liste d'items avec des cases à cocher, il n'en résulte aucune contradiction de motifs, et la motivation est personnalisée en ce qu'elle indique que M. G... a vécu dans son pays d'origine jusqu'à l'âge de 22 ans. Elle est ainsi suffisante, et il en ressort que la préfète a procédé à un examen sérieux de la situation de M. G.... En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français 7. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. G... n'est pas fondé à invoquer, par voie d'exception, une illégalité de la décision de refus de titre de séjour. 8. En deuxième lieu, la décision vise les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dont l'absence de méconnaissance est motivée en fait par les éléments mentionnés au point 6. Elle relève en outre que M. G... n'entre ni dans la catégorie des personnes pouvant bénéficier de plein droit d'un titre de séjour, ni dans celle des personnes ne pouvant faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français. Par suite, elle est suffisamment motivée, et il en ressort que la préfète a procédé à un examen sérieux de la situation. 9. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 542-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " En l'absence de recours contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin à la notification de cette décision. Lorsqu'un recours contre la décision de rejet de l'office a été formé dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit du demandeur de se maintenir sur le territoire français prend fin à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ou, s'il est statué par ordonnance, à la date de la notification de celle-ci ". L'article R. 532-37 du même code prévoit quant à lui que " La date de notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile qui figure dans le système d'information de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, et qui est communiquée au préfet compétent et au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration au moyen de traitements informatiques, fait foi jusqu'à preuve du contraire ". 10. Il ressort du relevé des informations de la base de données " Telemofpra ", tenue par l'OFPRA et relative à l'état des procédures de demandes d'asile, que la décision de la CNDA rejetant le recours de M. G... a été lue en audience publique le 1er septembre 2022. A compter de cette date, l'intéressé ne bénéficiait plus du droit de se maintenir sur le territoire français et pouvait donc faire l'objet d'une mesure d'éloignement, sans que la préfète soit tenue d'attendre que la décision de la CNDA soit notifiée au requérant. Par suite, le moyen tiré de ce que la mesure d'éloignement aurait été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 542-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. 11. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Pour l'application de ces stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine. 12. M. G... justifie d'un séjour régulier durant près de de six ans, du 30 septembre 2011 au 26 juin 2017, en qualité d'étudiant engagé dans un cursus d'administration économique et sociale, qu'il n'a d'ailleurs pas validé. Il s'est ensuite maintenu irrégulièrement en France malgré deux mesures d'éloignement, et ni les titres de séjour dont il a bénéficié en qualité d'étudiant, ni l'autorisation provisoire de séjour qui lui a été délivrée pour la durée de l'examen de sa demande d'asile, n'avaient vocation à lui permettre de s'y installer durablement. S'il soutient " être en couple depuis plusieurs années " avec une ressortissante française, cette dernière s'est bornée à attester le 12 octobre 2022 qu'ils étaient " en couple depuis trois ans ", et aucune preuve de l'existence d'une vie commune n'est produite. Quand bien même M. G... aurait rompu toute relation avec son père, ses demi-frère et sœur et les autres membres de sa famille depuis le décès de sa mère en 2014, il ne démontre pas être dépourvu d'attaches au Gabon, où il a vécu jusqu'à l'âge de 22 ans. Enfin, le dépôt d'une nouvelle demande de titre de séjour le 6 octobre 2022, postérieurement à la mesure d'éloignement du 28 septembre 2022, ne peut être utilement invoqué pour en contester la légalité. Dans ces circonstances, M. G... n'est pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi : 13. En premier lieu, en indiquant que M. G..., dont la demande d'asile a été rejetée par la CNDA, ne démontre pas être exposé à des traitements prohibés par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la préfète a suffisamment motivé l'absence de méconnaissance de ces stipulations. 14. En second lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains et dégradants. " L'article L. 612-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que : " " La décision portant obligation de quitter le territoire français mentionne le pays, fixé en application de l'article L. 721-3, à destination duquel l'étranger est renvoyé en cas d'exécution d'office ". Aux termes de l'article L. 721-4 du même code : " L'autorité administrative peut désigner comme pays de renvoi : / 1° Le pays dont l'étranger a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu la qualité de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; / (...) / / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". 15. M. G... soutient avoir été victime au Gabon d'une grave agression par un cousin, lequel serait désormais policier à Libreville, et avoir " reçu des mises en garde " en 2016, alors qu'il se trouvait en France, en raison de son engagement politique sur les réseaux sociaux en faveur du candidat Jean Pin lors des élections présidentielles au Gabon. Ces allégations, au demeurant peu circonstanciées, ne sont pas de nature à le faire regarder comme exposé à un risque réel en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. En ce qui concerne la décision prononçant une interdiction complémentaire de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans : 16. En premier lieu, aux termes de l'article L. 612-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut prolonger l'interdiction de retour pour une durée maximale de deux ans dans les cas suivants : (...) /2° L'étranger s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français au-delà du délai de départ volontaire qui lui avait été accordé ; (...) " Aux termes de l'article L. 612-10 de ce code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français./ Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11. " Il incombe à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit, par ailleurs, faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifient sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de chacun de ces critères, cette autorité ne retient pas certains éléments correspondant à l'un ou certains d'entre eux au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément. 17. Si la motivation en fait de la décision est constituée de deux cases cochées indiquant que l'intéressé a déjà fait l'objet de deux mesures d'éloignement et qu'il ne justifie pas de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, ces éléments de fait, ainsi que la durée de présence en France, ont été précisés dans l'exposé précédant la décision de refus de titre de séjour prise par le même arrêté, et la préfète n'avait pas à faire état d'une absence de menace à l'ordre public. Le moyen tiré d'une insuffisance de motivation ne peut donc être accueilli. 18. En second lieu, si M. G... réside en France depuis 2011, il s'y est maintenu irrégulièrement malgré deux mesures d'éloignement en 2017 et 2018, la seconde ayant été assortie d'une interdiction de retour d'une durée d'un an, et il n'y justifie pas d'autres liens qu'une " relation de couple " dont le caractère sérieux n'est pas démontré. Dans ces circonstances, alors même qu'il ne représente pas une menace pour l'ordre public, la prolongation d'une durée de deux ans de l'interdiction de retour ne peut être regardée comme portant à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention précitée, ni comme entachée d'erreur manifeste d'appréciation. 19. Il résulte de tout ce qui précède que M. G... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté de la préfète de la Gironde du 28 septembre 2022. Par suite, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles présentées au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux n° 2205526 du 30 décembre 2022 est annulé. Article 2 : La demande présentée par M. G... devant le tribunal administratif de Bordeaux et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. F... G.... Une copie en sera adressée au préfet de la Gironde. Délibéré après l'audience du 10 octobre 2023 à laquelle siégeaient : Mme Catherine Girault, présidente, Mme Anne Meyer, présidente-assesseure, Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 novembre 2023. La rapporteure, Anne B... La présidente, Catherine GiraultLa greffière, Virginie Guillout La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N°23BX01270 |
CETATEXT000048424274 | J3_L_2023_11_00023BX01307 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/42/CETATEXT000048424274.xml | Texte | CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 09/11/2023, 23BX01307, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-09 00:00:00 | CAA de BORDEAUX | 23BX01307 | 2ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme GIRAULT | HAAS | Mme Anne MEYER | Mme ISOARD | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 9 septembre 2022 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement n° 2206119 du 1er février 2023, le tribunal a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 15 mai 2023, M. B..., représenté par Me Haas, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Gironde du 9 septembre 2022 ; 3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 80 euros par jour de retard, ou à défaut de réexaminer sa demande dans le même délai et sous la même astreinte ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il soutient que : - la préfète de la Gironde a commis des erreurs de fait en indiquant à tort que le collège des médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) avait estimé que si le défaut du traitement médical nécessaire à son état de santé pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il pouvait cependant effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, alors que le collège de médecins, qui ne s'est pas prononcé sur cette disponibilité, a indiqué que le défaut de prise en charge ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; cette erreur révèle un défaut d'examen sérieux de sa situation, et que la préfète n'a pas procédé à sa propre appréciation de sa situation médicale ; - les certificats médicaux qu'il produit, dont un nouvellement en appel, démontrent que contrairement à ce qu'ont estimé les médecins de l'OFII, l'absence de traitement et de suivi peuvent entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur le plan auto-agressif au vu de deux comorbidités psychiatriques ; il souffre de stress post-traumatique à la suite de mauvais traitements subis en Lybie et d'un naufrage en Méditerranée au cours duquel il a été témoin de plusieurs décès ; de plus, son psychiatre atteste d'une schizophrénie et indique que les trois neuroleptiques qui lui sont prescrits, ou tout du moins leurs principes actifs, ne sont pas disponibles au Nigéria selon le dernier référentiel des médicaments disponibles pour ce pays publié en 2020 ; à supposer même que ces médicaments y soient disponibles, il ne dispose pas des moyens financiers pour pouvoir le cas échéant effectivement en bénéficier ; - l'arrêté en litige est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation dès lors qu'il établit que la prise du médicament qui lui est prescrit est nécessaire et que l'arrêt de son traitement, qui n'est d'ailleurs pas constitué de cette seule médication, aurait pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; - le refus de titre de séjour porte une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation dès lors que ses parents sont décédés et qu'il n'a plus d'attache familiale au Nigéria, au contraire de la France où est né son enfant qui vit avec sa mère à Bordeaux ; - l'obligation de quitter le territoire français est privée de base légale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ; - pour les motifs indiqués ci-dessus, la mesure d'éloignement méconnaît l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation, notamment médicale ; - l'annulation de la mesure d'éloignement entraînera celle de la décision fixant le pays de renvoi ; - la décision fixant le pays de renvoi contrevient à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'un arrêt des soins qui lui sont prodigués constituerait un traitement inhumain au sens de cet article. Par un mémoire en défense enregistré le 29 août 2023, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens invoqués par M. B... ne sont pas fondés et s'en rapporte à ses écritures de première instance, qu'il produit. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 mars 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., de nationalité nigériane, a déclaré être entré en France en juillet 2020. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 21 juin 2021, puis par la Cour nationale du droit d'asile le 18 novembre 2021. Par un arrêté du 11 janvier 2022, la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Le 14 mars 2022, M. B... a sollicité son admission au séjour en raison de son état de santé. Par un arrêté du 9 septembre 2022, la préfète de la Gironde a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. B... relève appel du jugement du 1er février 2023 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de ce dernier arrêté. Sur les conclusions à fin d'annulation : 2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / (...). " 3. La décision de refus de titre de séjour oppose à M. B... un avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) du 9 août 2022 dont il résulterait que son état de santé nécessite une prise en charge dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'il peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, vers lequel il peut voyager sans risque. Cette appréciation des conséquences d'un défaut de prise en charge est corroborée par le certificat médical du 21 septembre 2022 produit par M. B..., émanant d'un praticien hospitalier de l'équipe mobile de psychiatrie et précarité du centre hospitalier Charles Perrens, où il est suivi régulièrement depuis mars 2021. Selon ce document, qui décrit des troubles antérieurs à la décision de refus de titre de séjour du 9 septembre 2022, le patient est atteint de deux pathologies psychiatriques, et l'interruption du suivi et du traitement en cours peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur le plan autoagressif. Toutefois, contrairement à ce qu'indique la décision, l'avis des médecins de l'OFII du 9 août 2022 a retenu qu'un défaut de prise en charge ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité, ce qui est contredit par les pièces du dossier, et les médecins ne se sont pas prononcés sur l'existence d'un traitement approprié dans le pays d'origine. Dans ces circonstances, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. B... est fondé à soutenir que la décision de refus de titre de séjour est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation, et que c'est à tort que les premiers juges ont refusé de l'annuler. 4. L'annulation de la décision de refus de titre de séjour du 9 septembre 2022 entraîne, par voie de conséquence, celle des décisions du même jour portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi, prises sur son fondement. Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte : 5. Eu égard au motif d'annulation retenu au point 3, il y a seulement lieu d'enjoindre au préfet de la Gironde de réexaminer la demande de M. B... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte. Sur les frais exposés à l'occasion du litige : 6. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son conseil peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros, à verser à Me Haas. DÉCIDE : Article 1er : L'arrêté de la préfète de la Gironde du 9 septembre 2022 et le jugement du tribunal administratif de Bordeaux n° 2206119 du 1er février 2023 sont annulés. Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Gironde de réexaminer la demande de M. B... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. Article 3 : L'Etat versera à Me Haas une somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et à Me Haas, au préfet de la Gironde et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Délibéré après l'audience du 10 octobre 2023 à laquelle siégeaient : Mme Catherine Girault, présidente, Mme Anne Meyer, présidente-assesseure, Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 novembre 2023. La rapporteure, Anne A... La présidente, Catherine GiraultLa greffière, Virginie Guillout La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23BX01307 |
CETATEXT000048424275 | J3_L_2023_11_00023BX01524 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/42/CETATEXT000048424275.xml | Texte | CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 16/11/2023, 23BX01524, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de BORDEAUX | 23BX01524 | 2ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme MEYER | HAAS | Mme Anne MEYER | Mme ISOARD | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 9 novembre 2022 par lequel la préfète de la Gironde a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, et d'enjoindre sous astreinte à la préfète de lui délivrer un titre de séjour. Par un jugement n° 2300071 du 16 mars 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 5 juin 2023, M. D..., représenté par Me Haas, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif du 16 mars 2023 ; 2°) d'annuler l'arrêté du 9 novembre 2022 de la préfète de la Gironde ; 3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 80 euros par jours de retard, ou à défaut de procéder au réexamen de sa situation dans le même délai et sous la même astreinte ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat, au profit de son conseil, le versement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : En ce qui concerne le refus de titre de séjour - cette décision méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il renverse, par les pièces produites, l'appréciation portée par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) sur la disponibilité du traitement et l'accès au suivi médical nécessaire à sa survie dans son pays d'origine ; - elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que sa situation médicale extrêmement complexe nécessite une prise en charge médicale en France et qu'il est parfaitement intégré dans la société française ; En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français - cette décision est privée de base légale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ; - elle méconnaît les dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il a démontré ne pas pouvoir bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; - elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation pour les mêmes motifs. En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi - cette décision est privée de base légale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ; - compte-tenu de son état de santé, elle constitue un traitement inhumain et dégradant au sens des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par un mémoire en défense, enregistré le 7 août 2023, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête. Il s'en rapporte à ses écritures de première instance, qu'il produit. Par une décision n° 2023/004718 du 25 avril 2023, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux a admis M. D... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme A..., - et les observations de Me Haas, représentant M. D.... Considérant ce qui suit : 1. M. D..., ressortissant géorgien né le 23 février 1987, est entré sur le territoire français le 8 juillet 2019. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français des réfugiés et des apatrides le 22 octobre 2019, puis par la Cour nationale du droit d'asile le 17 janvier 2020. Le 23 mars 2020, il s'est vu délivrer une carte de séjour temporaire en raison de son état de santé, renouvelée jusqu'au 4 février 2022. Par un arrêté du 9 novembre 2022, la préfète de la Gironde a refusé de renouveler ce titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. D... relève appel du jugement du 16 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Sur les conclusions à fin d'annulation : 2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...) / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé ". 3. Il résulte des dispositions précitées qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de vérifier, au vu de l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), que cette décision ne peut avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque ce défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'intéressé fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou en l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine dans des conditions permettant d'y avoir accès, sans qu'il y ait lieu de rechercher si les soins dans le pays d'origine sont équivalents à ceux offerts en France. 4. Par un avis du 21 septembre 2022, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a estimé que si l'état de santé de M. D... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié en Géorgie, et qu'à la date de cet avis, il peut voyager sans risque vers ce pays. Il ressort des pièces du dossier, notamment des certificats médicaux établis le 13 janvier 2021 par le docteur B..., praticien hospitalier du service d'hématologie biologique du centre hospitalier universitaire (CHU) de Bordeaux, que M. D... souffre d'une hémophilie sévère de type A, ayant entraîné une arthropathie hémophilique avec destruction des articulations des épaules, des coudes, des genoux et des chevilles, et qu'il bénéficie en France de deux injections par semaine de facteur VIII ayant permis d'éviter de nouvelles complications hémorragiques. M. D... produit deux autres certificats médicaux établis le 29 novembre 2022 et le 5 juin 2023 par le même médecin, postérieurs à l'arrêté attaqué mais révélant une situation antérieure à celui-ci, dont il ressort que l'hémophilie A sévère, pathologie congénitale caractérisée par l'absence de facteur VIII, se complique, en l'absence de traitement adéquat de prévention des risques hémorragiques, d'hémarthrose, d'hématomes musculaires, d'hématurie, et d'hémorragies digestives et cérébrales, que la faible quantité de facteur VIII disponible en Géorgie, quelle que soit son origine, conduit à réserver ce produit à la prise en charge d'évènements hémorragiques, sans qu'il soit possible de l'utiliser comme traitement de prophylaxie, et que M. D..., qui n'a reçu de facteur VIII en Géorgie qu'après la survenue d'un saignement, présentait à son arrivée en France, à l'âge de 32 ans, une destruction majeure des articulations des genoux et des chevilles, nécessitant son déplacement en fauteuil roulant. Cette indisponibilité d'un traitement continu permettant de prévenir les complications graves de l'hémophilie de type A est corroborée par une attestation de l'association de l'hémophilie et de la donation en Géorgie du 24 novembre 2022, selon laquelle les traitements de prévention anti-hémophiliques ne sont pas encore disponibles en Géorgie parce qu'il n'y a " pas assez de facteurs concentrés ", et par un certificat médical du médecin hématologue qui a suivi M. D... depuis son enfance, indiquant que ce dernier a présenté une arthropathie hémophilique en raison d'hémarthroses répétitives, et que le traitement de prévention dont il a besoin n'est pas accessible en Géorgie du fait de l'insuffisante quantité disponible de facteurs concentrés anti-hémophiliques. Ces éléments concordants, qui remettent en cause l'appréciation des médecins de l'OFII selon laquelle un traitement approprié serait disponible en Géorgie, ne sont pas utilement contredits par le préfet de la Gironde, lequel se borne à affirmer que les acteurs du système médical en Géorgie détiennent les molécules permettant de traiter " 90 % des pathologiques les plus communes ". Ainsi, contrairement à ce qu'ont estimé les médecins de l'OFII, le requérant ne pourrait effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Dans ces circonstances, M. D... est fondé à soutenir que le refus de renouvellement de son titre de séjour méconnaît les dispositions précitées de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. 5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. D... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de la décision de refus de titre de séjour du 9 novembre 2022 et, par voie de conséquence, des décisions du même jour portant obligation de quitter le territoire français, fixation du pays de renvoi et interdiction de retour, prises sur son fondement. Par suite, l'arrêté du 9 novembre 2022 doit être annulé. Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte : 6. Eu égard au motif retenu, l'annulation de l'arrêté du 9 novembre 2022 implique nécessairement la délivrance d'un titre de séjour à l'intéressé. Il y a lieu, en l'absence de changement de circonstances de droit ou de fait y faisant obstacle, d'enjoindre au préfet de la Gironde de délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à M. D... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. En revanche, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte. Sur les frais liés au litige : 7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à Me Haas, conseil de M. D... sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. DÉCIDE : Article 1er : L'arrêté du 9 novembre 2022 de la préfète de la Gironde et le jugement du tribunal administratif de Bordeaux n° 2300071 du 16 mars 2023 sont annulés. Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Gironde de délivrer à M. D... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. Article 3 : L'Etat versera à Me Haas une somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer, au préfet de la Gironde et à Me Haas. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023 à laquelle siégeaient : Mme Anne Meyer, présidente, Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère, M. Olivier Cotte, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023. La première assesseure, Florence Rey-Gabriac La présidente, rapporteure, Anne A...La greffière, Virginie Guillout La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23BX01524 |
CETATEXT000048424276 | J3_L_2023_11_00023BX01526 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/42/CETATEXT000048424276.xml | Texte | CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 16/11/2023, 23BX01526, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de BORDEAUX | 23BX01526 | 2ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme MEYER | MERCIER | M. Olivier COTTE | Mme ISOARD | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler, d'une part, l'arrêté du 27 avril 2023 par lequel le préfet de la Corrèze lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans, et, d'autre part, l'arrêté en date du même jour par lequel le préfet de la Corrèze a prononcé son assignation à résidence. Par un jugement nos 2300755, 2300756 du 4 mai 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Limoges a, après avoir joint les deux affaires, rejeté ses demandes. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 5 juin 2023, M. B..., représenté par Me Mercier, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Limoges du 4 mai 2023 ; 2°) d'annuler les deux arrêtés préfectoraux du 27 avril 2023 ; 3°) d'enjoindre au préfet de la Corrèze, d'une part, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour, et d'autre part, de procéder au retrait de son inscription dans le système d'information Schengen ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : - le jugement est irrégulier en ce qu'il n'a pas visé les mémoires communiqués dans chaque instance le 30 avril 2023 et n'a pas répondu aux moyens tirés de la méconnaissance des dispositions combinées du 4° de l'article L. 611-1 et de l'article L. 542-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de la méconnaissance des dispositions combinées des articles L. 731-1 et R. 733-1 de ce code, et de l'erreur de fait à l'avoir assigné dans un périmètre duquel est exclu son lieu de résidence ; - la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen particulier, dès lors qu'elle ne tient pas compte de son état de santé ou de la présence sur le territoire en situation régulière de sa sœur ; - elle est entachée d'un vice de procédure en ce qu'il n'a pas été entendu préalablement à son édiction ; - elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en raison de la présence en France de sa compagne et de sa sœur ; - elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; - elle méconnaît les dispositions du 4° de l'article L. 611-1 et celles de l'article L. 542-2 du code de l'entrée du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il n'a pas reçu notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) sur sa demande de réexamen ; - la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire est entachée d'un défaut de motivation et d'un défaut d'examen particulier de la situation ; - elle est privée de base légale en raison de l'illégalité de la décision d'éloignement ; - elle méconnaît les dispositions des articles L. 612-2 et L. 612-3 du code, dès lors qu'il dispose de garanties de représentation suffisantes, propres à prévenir tout risque de fuite, et qu'il ne représente pas un risque pour l'ordre public ; - l'interdiction de retour sur le territoire français est entachée d'une insuffisance de motivation faute de faire apparaître les quatre critères énoncés par l'article L. 612-6 et en l'absence de précisions s'agissant de sa durée ; le tribunal n'a pas répondu à ce dernier moyen ; - elle est privée de base légale en raison de l'illégalité de la décision d'éloignement ; - elle méconnaît l'article L. 612-6 du code précité faute de préciser sa durée ; le tribunal n'a pas répondu à ce moyen ; - elle est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors qu'il ne représente pas un risque pour l'ordre public et qu'il dispose d'attaches sur le territoire ; - la décision fixant le pays de renvoi est entachée d'un défaut de motivation et d'un défaut d'examen particulier de la situation ; - elle est privée de base légale en raison de l'illégalité de la décision d'éloignement ; - la décision d'assignation à résidence est entachée d'un défaut de motivation en ce que, d'une part, elle ne fait état d'aucune démonstration du caractère raisonnable de la perspective de mise à exécution de la décision d'éloignement et, d'autre part, elle retient un périmètre qui exclut son lieu de résidence ; - elle est privée de base légale en raison de l'illégalité de la décision d'éloignement ; - elle méconnaît l'article L. 731-1 du code faute de démonstration sur le caractère raisonnable de la perspective de mise à exécution de la décision d'éloignement, ainsi que l'article R. 733-1 en fixant un périmètre n'incluant pas son lieu de résidence à Toulouse, comme le préfet a pu s'en rendre compte avec la consultation de TelemOfpra ; le tribunal n'a pas répondu à ce moyen ; - elle est également entachée d'une erreur de fait s'agissant de la détermination de ce périmètre. La requête a été communiquée au préfet de la Corrèze qui n'a pas produit de mémoire en défense. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 27 juillet 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de M. Olivier Cotte a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., ressortissant algérien né en janvier 1984, est entré en France le 30 septembre 2020. Il a fait l'objet, le 29 décembre 2021, d'un arrêté du préfet de la Haute-Vienne portant obligation de quitter le territoire français et interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans. Par un arrêté du 19 juillet 2022, le préfet de la Haute-Vienne a prolongé cette interdiction de retour pour deux ans. M. B... a déposé le 22 septembre 2022 auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), une demande d'asile qui a été rejetée par décision du 6 décembre 2022, puis une demande de réexamen qui a été déclarée irrecevable par décision du 5 avril 2023. A la suite de son interpellation, le 26 avril 2023, pour vol en réunion, le préfet de la Corrèze a pris à son encontre, le 27 avril 2023, deux arrêtés, l'un portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de renvoi et prononçant une interdiction de retour d'une durée de trois ans, l'autre l'assignant à résidence dans le département de la Corrèze. Par la présente requête, M. B... relève appel du jugement du 4 mai 2023, par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Limoges a rejeté ses demandes d'annulation de ces deux arrêtés. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Il ressort des pièces des deux dossiers de première instance que M. B... a produit, dans chacun d'eux, un mémoire enregistré le 30 avril 2023 que le premier juge n'a pas visé. Dans ses écritures, M. B... soutenait notamment que, d'une part, l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français méconnaissait les dispositions combinées du 4° de l'article L. 611-1 et de l'article L. 542-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que, d'autre part, l'arrêté portant assignation à résidence méconnaissait les dispositions combinées des articles L. 731-1 et R. 733-1 de ce code et était entaché d'une erreur de fait quant au périmètre de l'assignation. Le tribunal ne s'est pas prononcé sur ces moyens, qui n'étaient pas inopérants. Par suite, son jugement doit être annulé. 3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes présentées par M. B... devant le tribunal administratif de Limoges. Sur la légalité de l'arrêté du 27 avril 2023 portant obligation de quitter le territoire français, fixation du pays de renvoi et interdiction de retour : 4. M. Jean-Luc Tarrega, secrétaire général de la préfecture, a reçu délégation du préfet de la Corrèze, par arrêté du 8 septembre 2022, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial n° 19-2022-084 du même jour, à l'effet de signer tous arrêtés, décisions, circulaires, rapports, correspondances et documents relevant des attributions de l'Etat dans le département, à l'exception de certains actes limitativement énumérés au nombre desquels ne figurent pas les décisions en litige. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté doit être écarté. En ce qui concerne la mesure d'éloignement : 5. L'arrêté vise notamment l'article L. 611-1, ainsi que les articles L. 542-1 et L. 542-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatifs aux conditions dans lesquelles prend fin le droit, pour les demandeurs d'asile, de se maintenir sur le territoire français. Il rappelle le parcours de M. B... depuis son entrée en France, le rejet de sa demande de réexamen par l'OFPRA et les trois condamnations pénales dont il a fait l'objet. Il précise que la mesure d'éloignement ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. La circonstance que cet arrêté ne mentionne ni la présence de la sœur de M. B... sur le territoire, ni la pathologie oculaire pour laquelle le requérant allègue bénéficier d'un suivi médical, est sans incidence sur la régularité de la motivation de la décision, laquelle énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde. 6. Au vu de ces éléments, et contrairement à ce qui est soutenu, le préfet de la Corrèze a procédé à un examen particulier de la situation de M. B.... 7. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, notamment de son arrêt C-383/13 M. A..., N. R./Staatssecretaris van Veiligheid en Justitie du 10 septembre 2013, que toute irrégularité dans l'exercice des droits de la défense lors d'une procédure administrative concernant un ressortissant d'un pays tiers en vue de son éloignement ne saurait constituer une violation de ces droits et, en conséquence, que tout manquement, notamment, au droit d'être entendu n'est pas de nature à entacher systématiquement d'illégalité la décision prise. Il revient à l'intéressé d'établir devant le juge chargé d'apprécier la légalité de cette décision que les éléments qu'il n'a pas pu présenter à l'administration auraient pu influer sur le sens de cette décision, et il appartient au juge saisi d'une telle demande de vérifier, lorsqu'il estime être en présence d'une irrégularité affectant le droit d'être entendu, si, eu égard à l'ensemble des circonstances de fait et de droit spécifiques de l'espèce, cette violation a effectivement privé celui qui l'invoque de la possibilité de mieux faire valoir sa défense dans une mesure telle que cette procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent. 8. M. B... n'apporte aucune précision sur les éléments qu'il n'aurait pas été en mesure de présenter au préfet de la Corrèze et qui auraient pu influer sur le sens de la décision, ni ne produit, dans le cadre de la présente instance, de pièces pouvant démontrer que la procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit à être entendu ne peut qu'être écarté. 9. Aux termes de l'article L. 542-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " En l'absence de recours contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin à la notification de cette décision. (...) ". Aux termes de l'article L. 542-2 de ce code : " Par dérogation à l'article L. 542-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin : 1° Dès que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a pris les décisions suivantes : a) une décision d'irrecevabilité prise en application des 1° ou 2° de l'article L. 531-32 ; b) une décision d'irrecevabilité en application du 3° de l'article L. 531-32, en dehors du cas prévu au b du 2° du présent article ; (...) ". Aux termes de l'article L. 611-1 du même code : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2 (...) ". 10. Après le rejet de sa demande d'asile par une décision de l'OFPRA du 6 décembre 2022, M. B... a déposé une demande de réexamen qui a fait l'objet d'une décision d'irrecevabilité du 5 avril 2023, ainsi qu'il a été dit au point 1. En application des dispositions précitées de l'article L. 542-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le droit de M. B... de se maintenir sur le territoire français a pris fin à compter de cette dernière date, et la circonstance, à la supposer établie, qu'il n'aurait pas reçu notification de la décision de l'OFPRA à la date de l'arrêté préfectoral en litige, est sans incidence sur la légalité de ce dernier. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit et de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 611-1 et de l'article L. 542-2 doit être écarté. 11. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". 12. Il ressort des pièces du dossier que M. B... était, à la date de l'arrêté en litige, présent sur le territoire français depuis moins de trois ans. S'il soutient avoir une relation amoureuse avec une compatriote en situation régulière et fait état de la présence de sa sœur également en situation régulière sur le territoire, il n'apporte aucune pièce au soutien de ses allégations, alors qu'il n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où vivent ses frères et sœurs et où il a vécu jusqu'à l'âge de 36 ans. Il ne conteste pas avoir fait l'objet de trois condamnations pénales, le 27 avril 2021 à un an et trois mois d'emprisonnement pour transport, détention, acquisition et importation non autorisés de stupéfiants, le 10 mars 2022 à six mois d'emprisonnement pour récidive d'escroquerie, et le 24 octobre 2022 à cinq mois d'emprisonnement pour dégradation ou détérioration du bien d'autrui commise en réunion. La circonstance que sa dernière interpellation, le 26 avril 2023, pour des faits de vol en réunion, n'aurait donné lieu à aucune condamnation pénale, est sans incidence sur la menace pour l'ordre public que son comportement représente. Dans ces conditions, en lui faisant obligation de quitter le territoire français, le préfet de la Corrèze n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée et n'a pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 13. Au vu des éléments factuels énoncés au point précédent, le préfet de la Corrèze n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. B.... En ce qui concerne la décision portant refus d'accorder un délai de départ volontaire : 14. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à exciper d'une illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français à l'encontre de la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire. 15. L'arrêté vise les dispositions des 1° et 3° de l'article L. 612-2 et des 5° et 8° de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il énonce, après avoir rappelé les trois condamnations pénales dont M. B... a fait l'objet, que son comportement constitue un risque de trouble pour l'ordre public, et qu'il existe un risque qu'il se soustraie à l'exécution de la mesure d'éloignement dès lors qu'il s'est déjà soustrait à une telle mesure en décembre 2021 et qu'il ne justifie ni de documents d'identité et de voyage, ni de domicile pérenne. La décision comporte ainsi l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde, et elle est suffisamment motivée. 16. Il ressort des énonciations de la décision en litige que le préfet de la Corrèze a procédé à un examen particulier de la situation de M. B.... L'erreur de plume du préfet selon laquelle il agissait en dérogation aux dispositions visées, et non en application de celles-ci, est sans incidence sur la légalité de la décision. 17. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. ". Aux termes de l'article L. 612-3 de ce code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5. " 18. D'une part, eu égard aux trois condamnations pénales dont M. B... a fait l'objet sur une période relativement courte, son comportement représente une menace pour l'ordre public, sans qu'il puisse utilement faire valoir que sa dernière interpellation, le 26 avril 2023, pour vol en réunion, n'aurait donné lieu à aucune condamnation. D'autre part, M. B... ne conteste pas ne pas être en possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité. S'il produit une attestation de domiciliation dans une structure de premier accueil des demandeurs d'asile, il n'est pas établi que cette structure serait sa résidence effective et permanente depuis le rejet pour irrecevabilité, le 5 avril 2023, de sa demande de réexamen. Par suite et alors même que M. B... a fait l'objet, par arrêté préfectoral du même jour, d'une assignation à résidence, le préfet de la Corrèze n'a pas méconnu les dispositions précitées en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire. En ce qui concerne l'interdiction de retour : 19. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français serait dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français. 20. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 de ce code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ". 21. L'arrêté vise les articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il rappelle l'entrée irrégulière et récente de M. B..., l'absence de régularisation de sa situation administrative, l'absence de liens personnels et familiaux en France, la soustraction à une précédente mesure d'éloignement et la gravité et le caractère récurrent des faits délictuels commis, avant de prononcer une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans. La décision portant interdiction de retour est ainsi suffisamment motivée. 22. Si le dispositif de l'arrêté est entaché d'une ambiguïté s'agissant de la durée de l'interdiction de retour, dès lors qu'il mentionne " pendant une durée d'un trois à compter de l'exécution " de la mesure d'éloignement, celle-ci est levée par les motifs de la décision qui précisent expressément que la durée de l'interdiction prononcée à l'encontre de M. B... est de trois ans. 23. Il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit, que M. B... n'établit pas avoir des attaches personnelles et familiales sur le territoire. Il a été reconnu coupable de plusieurs infractions pénales, dont l'une d'entre elles en état de récidive et s'est déjà soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement. Dans ces conditions, le préfet de la Corrèze n'a pas méconnu les dispositions précitées en assortissant la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans. En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi : 24. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à exciper d'une illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi. 25. L'arrêté vise les articles L. 612-12 et L. 721-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, rappelle que M. B... est de nationalité algérienne, et énonce qu'il n'est pas établi qu'il serait exposé à des peines ou traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. La décision est ainsi suffisamment motivée, et il en ressort que le préfet de la Corrèze a procédé à un examen particulier de la situation de M. B.... Sur la légalité de l'arrêté du 27 avril 2023 portant assignation à résidence : 26. Aux termes de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants : 1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins d'un an auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé (...) ". Aux termes de l'article R. 733-1 de ce code : " L'autorité administrative qui a ordonné l'assignation à résidence de l'étranger en application des articles L. 731-1, L. 731-3, L. 731-4 ou L. 731-5 définit les modalités d'application de la mesure : 1° Elle détermine le périmètre dans lequel il est autorisé à circuler muni des documents justifiant de son identité et de sa situation administrative et au sein duquel est fixée sa résidence ; (...) ". 27. Il ressort des énonciations de l'arrêté en litige que M. B... a indiqué " résider habituellement à Toulouse sans en justifier " et qu'il " présentait ainsi des garanties propres à prévenir le risque " qu'il se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français. Alors que M. B... soutient, dans le cadre de la présente instance, résider à Toulouse et produit une attestation de domiciliation dans une structure de premier accueil des demandeurs d'asile située dans cette ville, le préfet de la Corrèze qui n'a produit ni en première instance ni en appel, n'apporte aucun élément pour établir que M. B... aurait sa résidence dans ce département. Dans ces conditions, en fixant comme périmètre de l'assignation à résidence le département de la Corrèze, le préfet a méconnu les dispositions de l'article R. 733-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et M. B... est fondé, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens, à demander l'annulation de cet arrêté. 28. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est seulement fondé à demander l'annulation de l'arrêté préfectoral du 27 avril 2023 l'assignant à résidence dans le département de la Corrèze. Sur les conclusions à fin d'injonction : 29. L'annulation par le présent arrêt de l'arrêté préfectoral assignant M. B... à résidence n'implique aucune mesure d'exécution. Sur les frais liés au litige : 30. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme que M. B... et son conseil demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. DECIDE : Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Limoges du 4 mai 2023 est annulé. Article 2 : L'arrêté préfectoral du 27 avril 2023 assignant M. B... à résidence dans le département de la Corrèze est annulé. Article 3 : Le surplus des conclusions de la demande de M. B... et de ses conclusions d'appel est rejeté. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Corrèze. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023 à laquelle siégeaient : Mme Anne Meyer, présidente, Mme D... E..., première assesseure, M. Olivier Cotte, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. Le rapporteur, Olivier Cotte La présidente, Anne Meyer La greffière, Virginie Guillout La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23BX01526 |
CETATEXT000048424277 | J3_L_2023_11_00023BX01549 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/42/CETATEXT000048424277.xml | Texte | CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 16/11/2023, 23BX01549, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de BORDEAUX | 23BX01549 | 2ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme MEYER | SCP BREILLAT DIEUMEGARD MASSON | M. Olivier COTTE | Mme ISOARD | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 20 octobre 2022 par lequel le préfet de la Vienne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement n° 2203130 du 11 mai 2023, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 7 juin 2023, Mme B..., représentée par Me Masson, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 11 mai 2023 ; 2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 20 octobre 2022 ; 3°) d'enjoindre au préfet de la Vienne de lui délivrer une carte de séjour temporaire d'une durée d'un an, dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de quinze jours et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Elle soutient que : - l'arrêté est signé par une autorité incompétente car la délégation de signature dont elle bénéficie n'est pas suffisamment précise ; - la décision de refus de séjour est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen particulier, le préfet s'étant borné à reprendre l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) sans porter d'appréciation personnelle ; - elle méconnaît les articles L. 425-9 et L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; alors que le tribunal et la cour ont déjà reconnu la nécessité de la poursuite des soins que requiert l'état de santé de sa fille en France, le préfet ne justifie sa décision par une amélioration de son état ou par une évolution favorable du système de santé géorgien ; la disponibilité du traitement en Géorgie doit s'apprécier, ainsi que le précise l'arrêté du 5 janvier 2017, au regard des lourdes pathologies dont son enfant est atteinte, du suivi pluridisciplinaire qu'elle requiert et de la qualité d'enfant handicapée qui lui a été reconnue par la maison départementale des personnes handicapées ; le suivi médical dont son enfant a bénéficié avant leur départ pour la France était insuffisant ; l'un des médicament dont elle a besoin est à base de Levetiracetam, substance qui n'est pas disponible en Géorgie, pas plus que ne l'est le suivi pluridisciplinaire, comme en atteste le rapport de l'organisation suisse d'aide aux réfugiés, faute de prise en charge financière complète ; le document produit par le préfet pour établir le contraire n'est pas probant ; l'état de santé de sa fille s'oppose à un transport aérien ; - elle méconnaît l'article L. 423-23 du code précité et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'elle est insérée, qu'elle vit sur le territoire avec sa fille et qu'elle s'est séparée du père de sa fille en raison de violences ; il ne peut lui être reproché de ne pas travailler alors que son récépissé ne le lui permet pas et qu'elle est reconnue handicapée avec un taux d'incapacité supérieur ou égal à 80 %, en raison d'une maladie respiratoire chronique nécessitant un suivi régulier et d'une surdité ; - elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, dès lors que son enfant a eu un traitement médical inadapté avant leur départ et qu'elle ne pourrait bénéficier des médicaments et du suivi nécessaires à son état de santé ; il n'existe en Géorgie aucune structure spécialisée pour polyhandicapés, seul endroit où sa fille peut suivre un accompagnement éducatif ; - la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité du refus de séjour ; - elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne car elle est de nature à priver sa fille des soins indispensables à son état de santé ; - elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ; - la décision fixant le pays de renvoi est insuffisamment motivée ; - elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne en raison des risques encourus du point de vue de l'état de santé de sa fille. Par une ordonnance du 30 août 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 15 septembre 2023. Un mémoire, présenté par le préfet de la Vienne a été enregistré le 10 octobre 2023, soit postérieurement à la clôture de l'instruction. Mme B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 27 juillet 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la convention internationale des droits de l'enfant ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de M. Olivier Cotte a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. Mme B..., ressortissante géorgienne née le 13 avril 1978, est entrée en France le 16 août 2018 avec sa fille alors âgée de 19 mois, sous couvert d'un visa de court séjour. Sa demande d'asile a été rejetée en dernier lieu par la Cour nationale du droit d'asile le 12 juin 2019. Par un arrêté du 2 juillet 2019, le préfet des Deux-Sèvres lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Après l'annulation de cet arrêté par le tribunal administratif de Poitiers le 26 août 2019, le préfet des Deux-Sèvres a édicté un nouvel arrêté le 19 février 2020 refusant de lui délivrer un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Par un jugement du 26 juin 2020, confirmé par la cour le 12 janvier 2021, le tribunal a annulé ce nouvel arrêté et enjoint au préfet de délivrer à Mme B... un titre de séjour en qualité d'accompagnant d'enfant malade. En exécution de cet arrêt, Mme B... a été munie d'autorisations provisoires de séjour couvrant la période du 22 juillet 2020 au 22 janvier 2022. Le 25 janvier 2022, elle a sollicité son admission au séjour en raison de l'état de santé de sa fille, puis a complété sa demande, le 9 août 2022, en sollicitant une carte de séjour temporaire " vie privée et familiale ". Par un arrêté du 20 octobre 2022, le préfet de la Vienne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Par un jugement du 11 mai 2023 dont Mme B... relève appel, le tribunal a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté préfectoral. Sur la légalité de l'arrêté du 20 octobre 2022 : En ce qui concerne l'arrêté dans son ensemble : 2. Mme Pascale Pin, secrétaire générale de la préfecture, a reçu délégation du préfet de la Vienne, par arrêté n° 2022-SG-DCPPAT-020 du 12 juillet 2022, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du 13 juillet, à l'effet de signer tous actes, arrêtés ou décisions relevant du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Contrairement à ce qui est soutenu, cette délégation est suffisamment précise. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté doit être écarté. En ce qui concerne la décision de refus de séjour : 3. En premier lieu, l'arrêté vise les dispositions applicables, notamment les articles L. 425-10, L. 425-9 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, objet de la demande. Après avoir rappelé le parcours de Mme B... depuis son entrée en France, il précise que, selon l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) du 12 avril 2022, le traitement que requiert l'état de santé de la fille de Mme B... est disponible en Géorgie, que l'intéressée n'établit pas l'impossibilité d'accès effectif à des soins pour son enfant dans son pays d'origine, qu'eu égard aux attaches, notamment familiales, de l'intéressée dans son pays d'origine, il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, et qu'en l'absence de séparation d'avec sa fille, il n'y a pas d'atteinte aux stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant. La décision de refus de séjour comporte ainsi l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquels il se fonde. Il ressort de cette motivation suffisante que le préfet de la Vienne a procédé à un examen particulier de la situation de Mme B... et ne s'est pas estimé lié par l'avis rendu par le collège de médecins de l'OFII sur l'état de santé de sa fille. 4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions prévues à l'article L. 425-9, ou l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, se voient délivrer, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, une autorisation provisoire de séjour d'une durée maximale de six mois. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / Cette autorisation provisoire de séjour ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle. / Elle est renouvelée pendant toute la durée de la prise en charge médicale de l'étranger mineur, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites. / Elle est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues à l'article L. 425-9. ". Aux termes de ce dernier article : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...) ". 5. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif saisi de l'affaire, au vu des pièces du dossier et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi et de la possibilité d'y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile. 6. Pour déterminer si un étranger peut bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire d'un traitement médical approprié, au sens de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il convient de s'assurer, eu égard à la pathologie de l'intéressé, de l'existence d'un traitement approprié et de sa disponibilité dans des conditions permettant d'y avoir accès, et non de rechercher si les soins dans le pays d'origine sont équivalents à ceux offerts en France ou en Europe. 7. Pour rejeter la demande de Mme B... de délivrance d'une autorisation provisoire de séjour de six mois en raison de l'état de santé de sa fille, le préfet de la Vienne s'est prononcé au vu d'un avis, rendu par le collège de médecins de l'OFII le 12 avril 2022, selon lequel un traitement médical est nécessaire sous peine de conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais est disponible en Géorgie. La fille de Mme B..., âgée de cinq ans et neuf mois à la date de l'arrêté, est atteinte d'une hydrocéphalie congénitale avec épilepsie séquellaire, avec un retard sévère de développement psychomoteur et des troubles graves du neuro-développement. Le certificat médical d'un praticien hospitalier en pédiatrie, daté du 4 janvier 2021, attestant de la nécessité de poursuivre un suivi neuropédiatrique en France pour une durée indéterminée, les comptes rendus d'hospitalisations les 3 mai et 30 septembre 2021 pour des IRM cérébrales de surveillance et pour la révision d'une dérivation kystopéritonéale droite et de consultation du 17 mai 2022 de l'unité de neurochirurgie pédiatrique du centre hospitalier régional universitaire de Tours évoquant un prochain contrôle en consultation en juin 2023 puis en janvier 2025, ne sont pas de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le collège de médecins sur la disponibilité des soins en Géorgie. Il en va de même des deux éléments postérieurs à l'avis du collège de médecins, un certificat médical d'un pédiatre établi le 17 novembre 2022 faisant état des progrès accomplis depuis la prise en charge dans un centre d'accueil pour enfants polyhandicapés, et un certificat du médecin traitant de Mme B... du 8 novembre 2022, indiquant, de manière peu circonstanciée, que les soins requis par l'état de santé de l'enfant ne pourraient être obtenus dans le pays d'origine. Il ressort à cet égard des pièces du dossier que le traitement de l'enfant Nini, associant deux antiépileptiques (Keppra dont la substance active est le Levetiracetam, et Depakine), est disponible en Géorgie. Par ailleurs, Mme B... ne peut utilement soutenir, en renvoyant à un précédent jugement du tribunal administratif de Poitiers du 26 juin 2020 ayant annulé le refus de titre qui lui avait alors été opposé, que le préfet ne démontrerait ni l'amélioration de l'état de santé de son enfant, ni l'évolution favorable du système de santé géorgien. Elle ne peut davantage utilement se prévaloir du fait que le traitement prescrit à son enfant avant son départ pour la France, cinq ans auparavant, n'aurait pas été satisfaisant. Quant aux éléments issus d'un rapport de l'Organisation suisse d'aide aux réfugiés (OSAR), dont se prévaut la requérante, ils ne permettent pas d'établir, du fait de leur généralité, que sa fille ne pourrait pas bénéficier en Géorgie, où une couverture universelle a été mise en place, d'un accès aux soins, lesquels n'ont pas à être équivalents à ceux dont l'enfant bénéficie en France, ainsi qu'il a été exposé au point précédent. De même, le courrier du ministère des personnes déplacées internes venues des territoires occupés, du travail, de la santé et des affaires sociales de Géorgie, daté du 8 juin 2023, indiquant que, compte tenu de son âge, l'enfant de Mme B... ne serait pas éligible au service " sous-programme d'aide au développement précoce de la petite enfance ", ni au sous-programme de réhabilitation/habilitation de l'enfant, mais que la mise à disposition de fauteuils roulants est possible dans le cadre du " sous-programme sur la prestation d'aides médicales, tout comme la mise à disposition d'un lit électrique orthopédique, d'un verticalisateur et de meubles adaptés, mais que les programmes de l'Etat ne couvrent pas les séances de kinésithérapie ", ne permet pas d'établir l'absence d'accès effectif au traitement que requiert l'état de santé de la fille de Mme B.... Enfin, le certificat médical d'un médecin du service de la protection maternelle et infantile établi le 11 juin 2020, indiquant que l'état de santé de l'enfant est incompatible avec un transport par avion n'est, compte tenu de son ancienneté et de son caractère peu circonstancié, pas de nature à remettre en cause l'appréciation du collège de médecins sur la possibilité de voyager sans risque vers le pays d'origine. Dans ces conditions, en refusant de délivrer à Mme B... une autorisation provisoire de séjour de six mois en raison de l'état de santé de sa fille, le préfet de la Vienne n'a pas méconnu les dispositions précitées des articles L. 425-10 et L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. 8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". 9. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... était présente en France depuis un peu plus de quatre ans à la date de l'arrêté en litige. Si elle vit avec sa fille mineure handicapée, dont l'état de santé requiert, ainsi qu'il a été dit, un traitement et un suivi médical, elle n'a aucune autre attache sur le territoire français, alors qu'elle n'en est pas dépourvue en Géorgie où résident sa fille majeure, sa mère et ses trois sœurs, et où elle-même a vécu jusqu'à l'âge de 40 ans. Si elle invoque d'une part ses propres problèmes de santé, une hypoacousie bilatérale, une infection tuberculeuse latente et des séquelles pulmonaires d'une pneumopathie qui lui ont valu la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé et l'attribution de l'allocation aux adultes handicapés, ainsi que son accompagnement social par la maison départementale des solidarités, et d'autre part l'apprentissage de la langue française depuis janvier 2022 à raison d'une heure et demie par semaine, ces circonstances ne caractérisent pas des liens privés de nature à faire regarder le refus de titre de séjour comme portant une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée. Dans ces conditions, le préfet de la Vienne n'a méconnu ni les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 10. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". 11. La décision de refus de séjour n'a ni pour objet, ni pour effet de séparer Mme B... de son enfant, et cette dernière peut bénéficier, ainsi qu'il a été dit au point 8, d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Si Mme B... fait valoir que sa fille bénéficie en France d'un accompagnement spécialisé dans un centre d'accueil pour enfants polyhandicapés, il ne ressort pas des pièces produites que cet accompagnement aurait une incidence déterminante sur les perspectives d'évolution, notamment de scolarisation, de sa fille. Dans ces circonstances, elle ne méconnaît pas les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant. En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français : 12. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à exciper d'une illégalité de la décision de refus de séjour à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français. 13. Eu égard à ce qui a été dit précédemment, notamment à la disponibilité des soins en Géorgie, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ne peuvent qu'être écartés. En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi : 14. L'arrêté attaqué vise les articles L. 612-12 et L. 721-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et précise la nationalité géorgienne de Mme B.... Il ajoute qu'il n'est pas établi qu'en cas de retour dans son pays, Mme B... serait exposée à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La décision fixant le pays de renvoi est ainsi suffisamment motivée. 15. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". 16. Ainsi qu'il a été dit au point 8, il n'est pas établi que le traitement et le suivi que requiert l'état de santé de la fille de Mme B... ne serait pas effectivement accessible en Géorgie. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le préfet de la Vienne aurait méconnu les stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 17. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Sur les frais liés au litige : 18. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme B... et son conseil demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. DECIDE : Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Vienne Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023 à laquelle siégeaient : Mme Anne Meyer, présidente, Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère, M. Olivier Cotte, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. Le rapporteur, Olivier Cotte La présidente, Anne Meyer La greffière, Virginie Guillout La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23BX01549 |
CETATEXT000048424278 | J3_L_2023_11_00023BX01563 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/42/CETATEXT000048424278.xml | Texte | CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 16/11/2023, 23BX01563, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de BORDEAUX | 23BX01563 | 2ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme MEYER | ZOUNGRANA | M. Olivier COTTE | Mme ISOARD | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 20 décembre 2022 par lequel le préfet de la Corrèze lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit le retour pendant une durée de deux ans. Par un jugement n° 2201841 du 23 février 2023, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 8 juin 2023, M. B..., représenté par Me Zoungrana, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Limoges du 23 février 2023 ; 2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 20 décembre 2022 ; 3°) d'enjoindre au préfet de la Corrèze de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " ou, à défaut, de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : - le préfet a méconnu les articles L. 433-1 et L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en lui opposant l'absence d'attestation de Pôle emploi, alors que cette pièce n'est exigée que s'agissant d'un second renouvellement de titre, ce qui n'est pas son cas ; il a été privé involontairement d'emploi le 16 août 2019, ce qui permet, selon les dispositions en cause, le renouvellement de son titre ; son dernier contrat de travail à durée déterminée a été interrompu en raison de son hospitalisation pour soins le 7 septembre 2021 ; - la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour. La requête a été communiquée au préfet de la Corrèze qui n'a pas produit de mémoire en défense. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 mai 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de M. Olivier Cotte a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., ressortissant russe né le 24 janvier 1983, est entré en France le 6 octobre 2015. Il a été muni d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " valable du 4 août 2016 au 3 août 2017, puis d'une carte de séjour pluriannuelle portant la même mention, valable jusqu'au 3 août 2021. Le 12 juillet 2021, il a sollicité le renouvellement de ce titre. Par un arrêté du 18 novembre 2021, le préfet de la Corrèze a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Saisi par M. B..., le tribunal administratif de Limoges a, par un jugement du 13 avril 2022, annulé cet arrêté et enjoint au préfet de la Corrèze de réexaminer la demande dans un délai de quatre mois. Par un arrêté du 20 décembre 2022, le préfet de la Corrèze a édicté un nouvel arrêté portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de renvoi et prononçant à l'encontre de l'intéressé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Par un jugement du 23 février 2023 dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté préfectoral. Sur la légalité de l'arrêté du 20 décembre 2022 : 2. D'une part, aux termes de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui exerce une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " d'une durée maximale d'un an. / La délivrance de cette carte de séjour est subordonnée à la détention préalable d'une autorisation de travail, dans les conditions prévues par les articles L. 5221-2 et suivants du code du travail. / Par dérogation aux dispositions de l'article L. 433-1, elle est prolongée d'un an si l'étranger se trouve involontairement privé d'emploi. Lors du renouvellement suivant, s'il est toujours privé d'emploi, il est statué sur son droit au séjour pour une durée équivalente à celle des droits qu'il a acquis à l'allocation d'assurance mentionnée à l'article L. 5422-1 du code du travail. ". Aux termes de l'article L. 433-1 de ce code : " (...) le renouvellement de la carte de séjour temporaire ou pluriannuelle est subordonné à la preuve par le ressortissant étranger qu'il continue de remplir les conditions requises pour la délivrance de cette carte. / L'autorité administrative peut procéder aux vérifications utiles pour s'assurer du maintien du droit au séjour de l'intéressé et, à cette fin, convoquer celui-ci à un ou plusieurs entretiens. / Par dérogation au présent article la carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " prévue à l'article L. 421-1, ainsi que la carte de séjour pluriannuelle portant la mention " passeport talent " prévue aux articles L. 421-9, L. 421-10, L. 421-11 ou L. 421-14, sont renouvelées dans les conditions prévues à ces mêmes articles. ". 3. D'autre part, aux termes de l'article L. 412-5 du même code : " La circonstance que la présence d'un étranger en France constitue une menace pour l'ordre public fait obstacle à la délivrance et au renouvellement de la carte de séjour temporaire, de la carte de séjour pluriannuelle et de l'autorisation provisoire de séjour prévue aux articles L. 425-4 ou L. 425-10 ainsi qu'à la délivrance de la carte de résident et de la carte de résident portant la mention " résident de longue durée-UE " ". 4. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a bénéficié d'une carte de séjour en qualité de salarié après avoir conclu un contrat à durée indéterminée avec les sociétés Wangwu puis Le Living en tant que commis de cuisine. Il est constant que cette dernière relation de travail a cessé en 2019. S'il a bénéficié durant l'été 2021 de contrats à durée déterminée successifs avec la société A Dom Limousin Brive pour un emploi d'agent à domicile, le dernier a pris fin le 5 septembre 2021, avant l'édiction de la décision en litige. M. B... ne peut utilement se prévaloir de la rupture, à l'initiative de son employeur, de son contrat de travail à durée indéterminée avec la société Gagliarda le 16 août 2019, après deux mois d'essai, pour invoquer les dispositions précitées du 3e alinéa de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ouvrant droit à une prolongation d'un an de la carte de séjour lorsque l'étranger se trouve involontairement privé d'emploi, dès lors qu'il avait ultérieurement retrouvé du travail, avant l'expiration de sa carte de séjour. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles L. 421-1 et L. 433-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. 5. Au surplus, M. B... ne conteste pas, dans sa requête d'appel, le second motif pour lequel le renouvellement de son droit de séjour lui a été refusé par le préfet de la Corrèze, tenant à la menace à l'ordre public que son comportement représente, en raison de quatre condamnations pénales depuis 2019. 6. La décision de refus de titre de séjour n'étant pas entachée d'illégalité, M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation par voie conséquence de la décision portant obligation de quitter le territoire français. 7. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 20 décembre 2022. Sur les frais liés au litige : 8. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B... et son conseil demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. DECIDE : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Corrèze. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023 à laquelle siégeaient : Mme Anne Meyer, présidente, Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère, M. Olivier Cotte, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. Le rapporteur, Olivier Cotte La présidente, Anne Meyer La greffière, Virginie Guillout La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23BX01563 |
CETATEXT000048424279 | J3_L_2023_11_00023BX02082 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/42/CETATEXT000048424279.xml | Texte | CAA de BORDEAUX, , 15/11/2023, 23BX02082, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-15 00:00:00 | CAA de BORDEAUX | 23BX02082 | plein contentieux | C | TOSI | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. D... E... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux, sur le fondement des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, de condamner solidairement l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) et la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), assureur du centre hospitalier universitaire (CHU) de Bordeaux, à lui verser une provision d'un montant de 30 000 euros à valoir sur la réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de sa prise en charge à la suite d'un accident du 9 août 2004 au CHU de Bordeaux. Par une ordonnance n° 2206632 du 6 juillet 2023, la juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux a condamné la SHAM à lui verser une provision de 10 000 euros. Procédure devant la cour : Par une requête sommaire, enregistrée le 24 juillet 2023, un mémoire complémentaire enregistré le 28 août 2023, et un mémoire enregistré le 9 novembre 2023, la société Relyens Mutual Insurance, venant aux droits de la SHAM, représentée par le cabinet Le Prado, Gilbert, demande au juge des référés de la cour : 1°) d'annuler l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux ; 2°) de réduire la provision à une somme très inférieure. Elle soutient que : -l'ordonnance est insuffisamment motivée au regard des moyens dont le premier juge était saisi ; -c'est à tort que le juge des référés du tribunal de Bordeaux a considéré que les préjudices en lien avec l'infection nosocomiale contractée le 30 octobre 2013, qu'il ne conteste pas, étaient un déficit fonctionnel temporaire total du 14 novembre au 5 décembre 2013, puis de classe 3 du 6 au 31 décembre 2013 et de classe 2 du 1er janvier au 28 février 2014, des souffrances évaluées à 3,5 sur une échelle de 7 et un préjudice esthétique temporaire de 4 sur 7 ; l'expertise judiciaire, qui a mis en lumière un lourd état antérieur avec une pathologie lombaire dégénérative, a conclu que les soins étaient conformes aux données de la science et que les douleurs persistantes étaient en lien avec un échec de la chirurgie ; pour retenir une aggravation de l'état du requérant en lien avec l'infection nosocomiale, les experts n'ont pas expliqué en quoi ses douleurs résulteraient de cette infection et non de l'amputation nécessitée par la pathologie préexistante ; le lien n'est pas établi pour le déficit fonctionnel permanent de 30 %, pas plus que pour les autres préjudices. Par un mémoire, enregistré le 18 août 2023, l'ONIAM conclut à la confirmation de l'ordonnance en ce qu'elle a rejeté les conclusions dirigées contre lui et souligne qu'aucune condamnation solidaire avec la SHAM n'était possible ; il soutient que l'appel de la SHAM ne porte que sur le montant de la provision, que l'état lombaire de M. E... est sans lien avec l'infection nosocomiale, qui a guéri, et que si l'amputation initiale a pu révéler un état antérieur latent, rien ne démontre, en l'absence d'explications de l'expert, qu'il en aille de même de la reprise du moignon ; les conclusions de l'expert quant à un déficit de 30 % ne sont pas davantage argumentées. Par un mémoire, enregistré le 16 octobre 2023, M. E..., représenté par Me Tosi, conclut, à titre principal par la voie de l'appel incident, à ce que la provision que la société Relyens Mutual Insurance a été condamnée à lui verser soit portée à 30 000 euros, et à titre subsidiaire au rejet de la requête, et en tout état de cause à ce que la société Relyens soit condamnée au paiement d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés. Il soutient que : - l'avis de la commission de conciliation et d'indemnisation (CCI) du 16 juin 2022 est très clair sur l'obligation du CHU au titre des préjudices causés par la réamputation avec raccourcissement du tibia due à l'infection nosocomiale, et reprend les conclusions des expertises concluant au rôle délétère de cette chirurgie sur l'évolution de l'état lombaire préexistant ; - peu importe que l'ONIAM, qu'il avait également mis en cause, puisse être reconnu obligé de l'indemniser au titre de la solidarité nationale du fait d'un déficit fonctionnel permanent supérieur à 30 %, il a droit en tout état de cause à l'indemnisation des préjudices en lien avec l'infection, dont certains peuvent déjà être calculés : le déficit fonctionnel temporaire du 14 novembre 2013 au 20 août 2018 peut être évalué à 28 000 euros, les souffrances endurées cotées à 3,5 sur 7 à 6 000 euros, et le préjudice esthétique temporaire à 5 000 euros ; sa demande de provision pour 30 000 euros n'était donc pas excessive. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code civil ; - le code de la santé publique ; - le code de justice administrative. Le président de la cour a désigné Mme G... C... pour statuer comme juge des référés en application du livre V du code de justice administrative. Considérant ce qui suit : 1. M. E... a été victime d'un accident le 9 août 2004 en chutant du marchepied d'un camion. Il a été transporté au centre hospitalier de Bergerac, qui n'a identifié qu'une entorse, puis transféré au centre hospitalier universitaire (CHU) de Bordeaux, où il a été diagnostiqué une fracture de la cheville gauche. Entre 2005 et 2013, M. E... a été opéré dix-huit fois du pied gauche avant d'être amputé, sur sa demande, d'une partie de la jambe le 30 octobre 2013 au sein du CHU de Bordeaux. Les suites ont été marquées par l'apparition d'un écoulement et d'une collection purulente au niveau du moignon conduisant, le 15 novembre 2013, à une reprise chirurgicale pour lavage, avec recoupe osseuse de sept centimètres du tibia, et à la mise en place d'une antibiothérapie. Une nouvelle reprise chirurgicale a été réalisée le 30 novembre 2013 pour évacuation d'un hématome postopératoire. Souffrant à compter de 2014 de lombalgies et d'une discopathie inflammatoire invalidante, M. E... a subi une première arthrodèse par voie antérieure L5-S1 le 29 mars 2016 au CHU de Bordeaux. Après une période d'amélioration de deux mois, il a de nouveau souffert d'importantes lombalgies et de troubles sensitifs du membre inférieur droit, et une nouvelle arthrodèse a été réalisée le 4 octobre 2016, cette fois par voie postérieure avec mise en place de vis pédiculaires réunies par des tiges. En dépit de cette intervention et d'une amélioration de deux à trois mois, les douleurs lombaires ont persisté, conduisant M. E... à consulter un chirurgien orthopédiste exerçant à titre libéral au sein de la polyclinique de Bordeaux-Tondu qui a procédé, le 6 juillet 2018, à l'ablation du matériel postérieur et à une laminectomie étendue de L3 à S1. Lors des consultations qui ont suivi, il a cependant été constaté l'absence d'amélioration de la symptomatologie lombaire et de l'état de santé de M. E..., évoluant vers des symptômes s'apparentant à un syndrome de la queue de cheval avec troubles génito-urinaires. 2. M. E... a saisi une première fois, le 20 novembre 2017, la commission de conciliation et d'indemnisation (CCI) de la région Aquitaine d'une demande de réparation du préjudice qu'il imputait à l'intervention d'arthrodèse du 29 mars 2016 réalisée au CHU de Bordeaux. La CCI a diligenté une expertise confiée au professeur H..., neurochirurgien, et au docteur B..., orthopédiste, qui ont conclu dans leur rapport du 22 février 2018, que l'état de santé de M. E... n'était pas consolidé. M. E... a, le 1er février 2019, à nouveau saisi la CCI, laquelle a diligenté une nouvelle expertise confiée aux mêmes experts. Ces derniers ont conclu, dans un rapport du 16 octobre 2019, que l'intervention du 29 mars 2016 pratiquée au CHU de Bordeaux n'était pas " conforme aux données de la science au moment des faits dans sa réalisation puisque la vis gauche d'ostéosynthèse supérieure ne pénètre pas le corps vertébral de L5 ce qui a entraîné un défaut de stabilité du montage et généré la ré intervention du 4 octobre 2016 ", mais que cette prise en charge n'avait pas engendré de déficit fonctionnel permanent. La CCI, dans un avis du 5 novembre 2019, s'est alors estimée incompétente considérant que les seuils n'étaient pas atteints. 3. Par une requête enregistrée au greffe du tribunal administratif de Bordeaux sous le n° 2000983, M. E... a sollicité du juge des référés une expertise. Par une ordonnance du 4 septembre 2020, le professeur J... A..., neurochirurgien, et le docteur I... F..., spécialisé en orthopédie et traumatologie, ont été désignés en qualité d'experts. Ils ont respectivement remis leurs rapports les 14 novembre 2020 et 5 février 2022, dont M. E... s'est ensuite prévalu à l'appui d'une nouvelle demande d'indemnisation formulée auprès de la CCI, mettant en cause cette fois l'intervention d'amputation pratiquée le 30 octobre 2013 au CHU de Bordeaux et ses complications infectieuses, à l'origine d'une reprise du moignon et d'une majoration de ses lombalgies. L'intéressé étant, selon l'expert Pr A..., inapte à reprendre son activité professionnelle antérieure de menuisier-ébéniste, la commission s'est alors déclarée compétente par un nouvel avis du 16 juin 2022, et a estimé que la réparation du dommage subi par M. E... du fait de la survenue d'une infection nosocomiale au décours de la chirurgie du 30 octobre 2013 incombait à la société hospitalière d'assurance mutuelles (SHAM) en sa qualité d'assureur du CHU de Bordeaux. Elle a retenu que l'état de santé de l'intéressé était consolidé à la date du 20 août 2018 et a listé les préjudices temporaires qu'il convenait d'indemniser au titre de l'infection nosocomiale. En outre, la CCI a ordonné une expertise complémentaire confiée à un spécialiste en médecine physique et de réadaptation afin de déterminer les préjudices permanents strictement imputables à l'infection nosocomiale dont a été victime M. E.... La SHAM a refusé de présenter une offre. M. E... a saisi le juge des référés d'une demande de condamnation solidaire de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) et de la SHAM à lui verser, à titre de provision, la somme de 30 000 euros à valoir sur l'indemnisation à venir de l'ensemble de ses préjudices. La société Relyens Mutual Insurance, venant aux droits de la SHAM, relève appel de l'ordonnance du 6 juillet 2023 du juge des référés qui l'a condamnée à verser à M. E... une provision de 10 000 euros. Sur la régularité de l'ordonnance : 4. En se bornant à indiquer dans sa requête sommaire que la première juge aurait insuffisamment motivé son ordonnance " au regard des moyens dont elle était saisie ", la société requérante, qui n'a pas repris ce moyen dans son mémoire complémentaire, ne met pas le juge d'appel en mesure de se prononcer sur sa critique, alors au demeurant que l'ordonnance attaquée, qui vise les textes applicables, détaille la situation médicale du requérant, se réfère aux conclusions des experts et identifie les préjudices qu'elle estime en lien avec l'infection nosocomiale en litige, est suffisamment motivée. Sur le bien-fondé de la provision : 5. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable (...) ". Dans l'hypothèse où l'évaluation du montant de la provision résultant de cette obligation est incertaine, le juge des référés ne doit allouer de provision, le cas échéant assortie d'une garantie, que pour la fraction de ce montant qui lui paraît revêtir un caractère de certitude suffisant. 6. Aux termes du second alinéa du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, les professionnels de santé et les établissement, services ou organismes dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins " sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère ". Aux termes de l'article L. 1142-1-1 du même code : " Sans préjudice des dispositions du septième alinéa de l'article L. 1142-17, ouvrent droit à réparation au titre de la solidarité nationale : / 1° Les dommages résultant d'infections nosocomiales dans les établissements, services ou organismes mentionnés au premier alinéa du I de l'article L. 1142-1 correspondant à un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à 25 % déterminé par référence au barème mentionné au II du même article, ainsi que les décès provoqués par ces infections nosocomiales (...) ". Doit être regardée, au sens de ces dispositions, comme présentant un caractère nosocomial une infection survenant au cours ou au décours de la prise en charge d'un patient et qui n'était ni présente, ni en incubation au début de celle-ci, sauf s'il est établi qu'elle a une autre origine que la prise en charge. 7. En premier lieu, la nature nosocomiale de l'infection à staphylococcus lugdunensis et staphylococcus epidermidis présentée par M. E... dans les suites de l'intervention d'amputation de son membre inférieur gauche réalisée le 30 octobre 2013 au CHU de Bordeaux, n'est pas discutable, ni d'ailleurs discutée. 8. En second lieu, la survenue de cette infection a nécessité une reprise de cette amputation, opération réalisée le 15 novembre 2013 dans le même établissement, qui a conduit à un raccourcissement osseux du moignon, et, le 30 novembre suivant, à une nouvelle reprise pour évacuation d'un hématome postopératoire. La possibilité qu'elle ait également conduit à l'accélération du développement d'une pathologie lombaire préexistante est débattue lors des expertises, ainsi qu'il sera détaillé ci-après. 9. En troisième lieu, la détermination de la personne qui devra prendre en charge les préjudices en lien avec l'infection nosocomiale, seule en litige dans la présente instance, dépend de la question du taux d'incapacité permanente qu'elle a généré. L'expertise du Dr F..., si elle évalue le déficit fonctionnel permanent lié à la ré-amputation à 30 %, semble entachée d'une incohérence vis-à-vis du barème du concours médical, lequel affecte déjà l'amputation de jambe au tiers moyen, genou intact et bien appareillée, d'un déficit fonctionnel de 30 %. Dans ces conditions, la seule aggravation due à l'infection nosocomiale apparaît pouvoir raisonnablement être estimée en-deçà de 25 %, ce qui permet de considérer, comme la CCI l'a admis, qu'il appartient au centre hospitalier universitaire de Bordeaux, et donc à son assureur, de prendre en charge les conséquences de cette infection. Sur l'évaluation des préjudices : 10. M. E... demande une provision pour les préjudices temporaires subis avant la consolidation de son état fixée par les deux experts au 20 décembre 2018, dès lors que les préjudices permanents font l'objet d'une nouvelle expertise ordonnée par la CCI. Toutefois, il inclut dans ses préjudices l'ensemble de ceux qui résultent des douleurs lombaires, des opérations pour les traiter et de leurs conséquences génito-sexuelles. Or si le Dr F..., spécialisé en chirurgie orthopédique et traumatologique, a estimé que l'amputation transtibiale avait pu accélérer le développement d'une pathologie lombaire préexistante, son rapport n'apporte aucune précision ni démonstration sur la part qu'aurait pu prendre l'infection nosocomiale et la réamputation dans cette causalité. Dans ces conditions, les préjudices examinés par le rapport du Pr A..., neurochirurgien, en lien avec les trois opérations lombaires réalisées en mars et octobre 2016 et juillet 2018 ne présentent pas un lien non sérieusement contestable avec l'infection nosocomiale en litige, et ne peuvent par suite donner lieu à une provision en référé. 11. Le déficit fonctionnel temporaire certainement imputable à l'infection doit dès lors être estimé seulement sur la période du 15 novembre 2013, date de l'opération de reprise du moignon à la suite du constat d'une collection purulente, jusqu'au 28 février 2014, date à laquelle le Dr F... estime la fin du déficit temporaire de classe 2. Si une première période de déficit total jusqu'à la fin du séjour en établissement de rééducation le 5 décembre 2013, peut être regardée comme un déficit total entièrement imputable à l'infection, l'incapacité partielle ultérieure aurait également été subie à la suite de la seule amputation, pour laquelle les expertises n'ont pas relevé de faute du centre hospitalier, et n'est donc que partiellement en lien avec l'infection. Il en va de même pour le déficit fonctionnel temporaire de classe 1 estimé ensuite par la CCI jusqu'à la consolidation. Dans ces conditions, il y a lieu d'évaluer, sur une base de 600 euros par mois pour un déficit total, la part non sérieusement contestable de la créance à ce titre à 1 000 euros. 12. Les souffrances en lien avec l'amputation ont été estimées par l'expert à 3,5/7. Toutefois, seules celles en lien avec le surcroît d'amputation, les deux opérations subies de ce fait et les conséquences psychologiques sont en lien certain avec l'infection nosocomiale. Dans ces conditions, la provision à ce titre peut être fixée à 3 000 euros. 13. De même, le préjudice esthétique temporaire globalement fixé à 4/7 n'est que partiellement imputable à l'infection, et il sera fait une équitable appréciation de la provision de ce chef en l'évaluant également à 3 000 euros. 14. Il résulte de tout ce qui précède que la société Relyens Mutual Insurance est fondée à demander que la provision que la SHAM, aux droits de laquelle elle vient, a été condamnée à verser à M. E... soit ramenée à 7 000 euros, et que l'appel incident de M. E... doit être rejeté. Sur les frais liés au litige : 15. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions des parties tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. ORDONNE : Article 1er : La provision que le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux a condamné l'assureur du CHU de Bordeaux à verser à M. E... est ramenée à 7 000 euros. Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté. Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Relyens Mutual Insurance, au Centre hospitalier universitaire de Bordeaux, à M. D... E..., et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales. Fait à Bordeaux, le 15 novembre 2023. La juge d'appel des référés, G... C... La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance. 2 No 23BX02082 |
||||
CETATEXT000048424287 | J4_L_2023_11_00022NT01730 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/42/CETATEXT000048424287.xml | Texte | CAA de NANTES, 4ème chambre, 17/11/2023, 22NT01730, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-17 00:00:00 | CAA de NANTES | 22NT01730 | 4ème chambre | excès de pouvoir | C | M. LAINÉ | SCP KERMARREC | M. Stéphane DERLANGE | Mme ROSEMBERG | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Rennes, d'une part sous le n° 1902274, d'annuler la délibération du 11 mars 2019 par laquelle le comité du syndicat intercommunal du Port du Bélon (SIPB) a approuvé la convention d'occupation temporaire d'une dépendance du domaine public maritime située en rive nord côté Riec-sur-Bélon pour y mener une activité de dégustation de produits de la mer et autorisé la signature de cette convention par la présidente du syndicat et l'autorisation d'occupation temporaire du domaine public du 22 mars 2019, d'autre part sous le n° 1902290, d'annuler la décision du 24 avril 2019 du préfet du Finistère refusant d'établir un procès-verbal de contravention de grande voirie à l'encontre du restaurant " Chez Jacky " situé à Riec-sur-Belon, enfin sous le n° 2002047, d'annuler la délibération du 12 mars 2020 par laquelle le comité du syndicat intercommunal du Port du Belon a approuvé la convention d'occupation temporaire d'une dépendance du domaine public maritime située en rive nord côté Riec-sur-Belon pour y mener une activité de dégustation de produits de la mer et autorisé la signature de cette convention par la présidente du syndicat et l'autorisation d'occupation temporaire du domaine public du 16 mars 2020 signée par la présidente du syndicat intercommunal. Par un jugement nos 1902274, 1902290, 2002047 du 4 avril 2022, le tribunal administratif de Rennes a donné acte à M. C... de son désistement de la demande n° 1902274 et a rejeté les deux autres demandes. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 3 juin 2022, M. C..., représenté par Me Nkoghe, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 4 avril 2022 en tant qu'il a rejeté sa demande d'annulation de la délibération du 12 mars 2020 et de l'autorisation d'occupation temporaire du domaine public du 16 mars 2020 ; 2°) d'annuler la délibération du 12 mars 2020 et l'autorisation d'occupation temporaire du domaine public du 16 mars 2020 ; 3°) de mettre à la charge du défendeur une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la délibération du 12 mars 2020 est illégale en raison de l'illégalité de la procédure de mise en concurrence préalable de l'autorisation d'occupation du domaine public litigieuse, faute d'habilitation régulière donnée à la présidente du SIPB par la délibération n° 2-2019 du 11 mars 2019 compte tenu de son caractère trop imprécis ; - la procédure de mise en concurrence a méconnu l'article L. 2122-1-1 du code général de la propriété des personnes publiques ; - en vertu du transfert de gestion de 2015, le syndicat intercommunal du Port du Bélon était incompétent pour délivrer l'autorisation d'occupation temporaire du domaine public du 16 mars 2020 ; - la convention d'autorisation d'occupation temporaire du domaine public méconnait l'article L. 2121-1 et l'article L. 2124-1 du code général de la propriété des personnes publiques ; - elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de l'arrêté préfectoral n° 2015041-0005 du 10 février 2015 fixant les limites administratives du port du Bélon au regard des dispositions de l'article L. 2124-1 du code général de la propriété publique ; - elle est illégale en raison de l'absence de conformité des locaux à l'usage allégué et de ses conséquences ; - elle est illégale en raison du montant manifestement trop faible de la redevance par rapport à l'avantage retiré par l'occupant ; - elle n'a pour autre but que de pérenniser une situation aussi ancienne qu'illégale de l'exploitation d'un restaurant sur le domaine public maritime naturel, ce qui constitue un détournement de pouvoir. Par un mémoire en défense, enregistré le 8 août 2022, la SARL " Chez Jacky ", représentée par Me Gicquelay, demande à la cour : 1°) de rejeter la requête de M. C... ; 2°) de mettre à sa charge une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que la requête de M. C... était irrecevable devant le tribunal administratif et qu'en tout état de cause les moyens qu'il soulève ne sont pas fondés. Par un mémoire en défense, enregistré le 10 janvier 2023, la commune de Riec-sur-Bélon, représentée par la SELARL Le Roy, Gourvennec, Prieur, demande à la cour : 1°) de rejeter la requête de M. C... ; 2°) de mettre à sa charge une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que la requête de M. C... est irrecevable et qu'en tout état de cause les moyens qu'il soulève ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général de la propriété des personnes publiques ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Derlange, président assesseur, - les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique, - et les observations de Me Plunier, pour la commune de Riec-sur-Belon. Considérant ce qui suit : 1. Les consorts A... exploitent, dans un cadre familial, depuis plusieurs dizaines d'années, sur le port du Bélon à Riec-sur-Bélon (Finistère) une activité de culture marine, qui fait l'objet d'une autorisation d'occupation du domaine public maritime, et une activité de restauration destinée à la dégustation de fruits de mer, sous l'enseigne " Chez Jacky ", dont l'établissement est situé sur le domaine public portuaire géré par le syndicat intercommunal du port du Bélon (SIPB) et pour lequel les intéressés ont bénéficié d'autorisations d'occupation de ce domaine public. Par un jugement du 15 octobre 2018, le tribunal administratif de Rennes a annulé, pour incompétence, l'arrêté du 27 novembre 2015 par lequel la présidente du SIPB avait autorisé, pour dix ans, Mme A... à occuper le domaine public portuaire. Le 22 mars 2019, une nouvelle autorisation d'occupation du domaine public lui a été délivrée pour la période du 1er avril au 15 octobre 2019. Parallèlement, une procédure de sélection pour l'attribution de cette autorisation d'occupation du domaine public a été engagée, au terme de laquelle, seule la SARL " Chez Jacky " s'étant portée candidate, par une délibération du 12 mars 2020 le comité syndical du SIPB a approuvé un projet d'autorisation d'occupation du domaine public par celle-ci et le 16 mars 2020 la présidente du syndicat lui a accordé une autorisation d'occupation temporaire d'une durée de cinq ans. M. C... a contesté cette délibération et cette autorisation d'occupation du domaine public devant le tribunal administratif de Rennes. Il relève appel du jugement du 4 avril 2022 par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande. 2. Eu égard à sa présentation sous la forme d'un arrêté signé par la présidente du syndicat intercommunal du port du Bélon et au fait qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la définition des conditions et obligations liées à l'occupation du bien en cause procèderait d'une volonté commune du SIPB et de Mme A..., l'autorisation d'occupation du domaine public du 16 mars 2020 doit être regardée comme une décision unilatérale. Sur la recevabilité de la requête d'appel : 3. La requête de M. C..., à laquelle était joint le jugement attaqué, ne constitue pas la simple reproduction de sa demande de première instance et énonce à nouveau l'argumentation qui lui paraît devoir fonder ses conclusions à fin d'annulation des décisions contestées. Une telle motivation répond aux conditions énoncées à l'article R. 411-1 du code de justice administrative. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par la commune de Riec-sur-Bélon doit être écartée. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée à la demande de première instance par la SARL " Chez Jacky " : 4. Il ressort des pièces du dossier que M. C... est propriétaire de plusieurs parcelles riveraines du domaine public maritime et de bâtiments inscrits au titre des monuments historiques, à une dizaine de mètres du restaurant " Chez Jacky ", où il réside et exploite une petite ferme ostréicole " historique ", qui propose la dégustation d'huîtres. Par suite, il justifie d'un intérêt pour agir à l'encontre des décisions contestées. La fin de non-recevoir opposée par la SARL " Chez Jacky " doit donc être écartée. En ce qui concerne la légalité de la délibération du 12 mars 2020 du comité syndical du SIPB : 5. En premier lieu, en l'absence de réglementation particulière, toute autorité gestionnaire du domaine public est compétente, sur le fondement des dispositions des articles L. 2122-1, L. 2125-1 et L. 2125-3 du code général de la propriété des personnes publiques, pour délivrer les permissions d'occupation temporaire de ce domaine et fixer le tarif de la redevance due en contrepartie de cette occupation, en tenant compte des avantages de toute nature que le titulaire de l'autorisation est susceptible de retirer de cette occupation. 6. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que le syndicat intercommunal n'était pas compétent pour accorder l'autorisation d'occupation en litige. 7. En deuxième lieu, aux termes du premier alinéa du I de l'article L. 2123-3 du code général de la propriété des personnes publiques : " Les personnes publiques mentionnées à l'article L. 1 peuvent opérer, entre elles, un transfert de gestion des immeubles dépendant de leur domaine public pour permettre à la personne publique bénéficiaire de gérer ces immeubles en fonction de leur affectation. ". 8. Il résulte de l'article 1er de l'arrêté du 16 mars 2020 portant autorisation d'occupation que celle-ci est " destinée à l'exploitation d'un restaurant de dégustation de produits de la mer ". Contrairement à ce que soutient M. C..., un tel objet est conforme à l'affectation d'une dépendance du domaine public maritime portuaire. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir qu'il n'entrait pas dans la compétence du SIPB de délivrer une telle autorisation pour un établissement de restauration constituant une activité économique indépendante de l'activité portuaire, s'agissant d'un port de mouillages de plaisance. 9. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 2122-1-1 du code général de la propriété des personnes publiques, dans sa rédaction issue de l'article 3 de l'ordonnance n° 2017-562 du 19 avril 2017, applicable aux titres d'occupation délivrés à compter du 1er juillet 2017 : " Sauf dispositions législatives contraires, lorsque le titre mentionné à l'article L. 2122-1 permet à son titulaire d'occuper ou d'utiliser le domaine public en vue d'une exploitation économique, l'autorité compétente organise librement une procédure de sélection préalable présentant toutes les garanties d'impartialité et de transparence, et comportant des mesures de publicité permettant aux candidats potentiels de se manifester (...). ". 10. Il ressort des pièces du dossier qu'un appel à candidature a été diffusé le 26 décembre 2019 par le quotidien Ouest-France et sur le site internet de la commune. Il est constant que l'avis ainsi paru comportait tous les éléments utiles, tels que l'objet de l'activité économique envisagée, la description des lieux, l'autorité gestionnaire, la durée de cinq ans, la redevance prévue, le contenu du dossier de candidature éventuel... Il ressort de la délibération du 12 mars 2020 que la SARL Chez Jacky, seule candidate, a présenté un dossier de candidature reçu le 10 décembre 2019 et il n'est pas établi que M. C... aurait manifesté la moindre velléité de se porter lui-même candidat. La seule circonstance que la dépendance du domaine public portuaire en cause était déjà exploitée par la SARL Chez Jacky ne suffit pas à établir la partialité de la procédure de sélection préalable librement organisée par le SIPB en application des dispositions précitées de l'article L. 2122-1-1 du code général de la propriété des personnes publiques. Par suite, M. C... n'est, en tout état de cause, pas fondé à soutenir que la procédure d'attribution du bien à la SARL Chez Jacky était entachée de partialité et d'un défaut de transparence. 11. En quatrième et dernier lieu, M. C... ne peut utilement invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité de l'arrêté préfectoral n° 2015041-0005 du 10 février 2015 fixant les limites administratives du port du Bélon dès lors que la délibération litigieuse n'a pas été prise pour l'application de cet arrêté et que celui-ci n'en constitue pas directement la base légale. En ce qui concerne la légalité de l'autorisation d'occupation temporaire délivrée le 16 mars 2020 par la présidente du SIPB : 12. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2121-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Les biens du domaine public sont utilisés conformément à leur affectation à l'utilité publique. Aucun droit d'aucune nature ne peut être consenti s'il fait obstacle au respect de cette affectation. ". 13. Il résulte de l'article 1er de l'arrêté du 16 mars 2020 portant autorisation d'occupation que celle-ci est " destinée à l'exploitation d'un restaurant de dégustation de produits de la mer ". Contrairement à ce que soutient M. C..., un tel objet est conforme à l'affectation d'une dépendance du domaine public maritime portuaire. 14. En deuxième lieu, M. C... ne peut utilement invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité de l'arrêté préfectoral n° 2015041-0005 du 10 février 2015 fixant les limites administratives du port du Bélon dès lors que l'autorisation litigieuse n'a pas été prise pour l'application de cet arrêté et que celui-ci n'en constitue pas directement la base légale. 15. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, en particulier au regard des plans et photographies produits, comme le soutient M. C..., sans d'ailleurs fonder son argumentation sur des dispositions précises opposables, que l'autorisation contestée serait illégale en raison de l'absence de conformité des locaux à l'usage allégué et de ses conséquences. 16. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l'article L. 2125-3 du code général de la propriété des personnes publiques : " La redevance due pour l'occupation ou l'utilisation du domaine public tient compte des avantages de toute nature procurés au titulaire de l'autorisation. ". 17. Il ressort des pièces du dossier que la redevance de 20 022,60 euros par an prévue par l'autorisation d'occupation temporaire du 16 mars 2020 a été fixée par référence à celle évaluée à 19 727 euros par an à la suite d'une consultation du service de France Domaine du Finistère intervenue le 1er juillet 2015. Si M. C... soutient que France Domaine n'a pas procédé à une nouvelle évaluation et met en cause la consistance du bien évalué il ne conteste pas qu'elle porte sur une surface limitée à 140 m². Dans ces conditions, le SIPB n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en fixant le montant de la redevance annuelle due par la SARL " Chez Jacky " à hauteur de 20 022,60 euros. 18. Enfin, la circonstance que l'autorisation délivrée à Mme A... ait permis de régulariser une situation ancienne d'occupation sans autorisation jusqu'en 2015 ne suffit pas à démontrer que les décisions contestées seraient intervenues dans un but étranger aux intérêts qu'il appartient au SIPB de garantir alors qu'ainsi qu'il a été dit précédemment l'activité de restauration de la SARL " Chez Jacky " est conforme à l'affectation d'une dépendance du domaine public maritime portuaire et présente un intérêt économique et touristique pour le port du Bélon. 19. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Sur les frais liés au litige : 20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la SARL " Chez Jacky " ou de la commune de Riec-sur-Bélon, qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que M. C... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de celui-ci la somme de 1 500 euros, à verser respectivement à la SARL " Chez Jacky " et à la commune de Riec-sur-Bélon, sur le fondement des mêmes dispositions. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. C... est rejetée. Article 2 : M. C... versera la somme de 1 500 euros respectivement à la S.A.R.L. " Chez Jacky " et à la commune de Riec-sur-Bélon, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., à la S.A.R.L. " Chez Jacky " et à la commune de Riec-sur-Bélon. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Lainé, président de chambre, - M. Derlange, président assesseur, - Mme Picquet, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 novembre 2023. Le rapporteur, S. DERLANGE Le président, L. LAINÉ Le greffier, C. WOLF La République mande et ordonne au préfet du Finistère en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22NT01730 |
CETATEXT000048424288 | J4_L_2023_11_00022NT01804 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/42/CETATEXT000048424288.xml | Texte | CAA de NANTES, 4ème chambre, 17/11/2023, 22NT01804, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-17 00:00:00 | CAA de NANTES | 22NT01804 | 4ème chambre | plein contentieux | C | M. LAINÉ | GROLEAU | M. Stéphane DERLANGE | Mme ROSEMBERG | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société AXA France IARD a demandé au tribunal administratif de Rennes, à titre principal, de condamner in solidum, ou à défaut les uns ou les autres, la CRAMA, la société Entreprise Bihannic, la société Mutuelle d'Assurance du BTP (SMABTP), la société FCPL, la Mutuelle des architectes français (MAF), la société Sofresid Engineering, la société Soprema, la compagnie AXA Corporate Solutions, la société Aluminium Bretagne, la société Le Bel et associés, la compagnie MMA IARD Assurances Mutuelles, la société Groupe F2E, la compagnie Allianz, la société Avel Acoustique, la compagnie Les Souscripteurs du Lloyd's de Londres, la société Bureau Véritas à lui verser la somme de 242 665,46 euros au titre des travaux réparatoires des désordres affectant le centre culturel " Le Triskell " situé sur le territoire de la commune de Ploeren, majorée des intérêts au taux légal capitalisés et la somme de 55 143,29 euros au titre des dépens, correspondant aux frais de l'expertise judiciaire et, à titre subsidiaire, de condamner la CRAMA à lui verser la somme de 96 999,60 euros toutes taxes comprises (TTC) au titre du désordre A relatif aux fissures et décollements des façades, la société Entreprise Bihannic et son assureur, la SMABTP, la société FCLP et son assureur, la MAF, la société Sofresid Engineering et son assureur, la compagnie AXA Corporate Solutions, et la société Bureau Véritas à lui verser la somme de 60 117,11 euros au titre des infiltrations par la toiture en zinc, la société Aluminium Bretagne et son assureur, la compagnie MMA IARD Assurances Mutuelles, à lui verser la somme de 3 243,43 euros TTC au titre des infiltrations par les verrières et menuiseries extérieures, la CRAMA, la SMABTP, la société Soprema et son assureur, la compagnie AXA Corporate Solution, à lui verser la somme de 15 583,64 euros au titre des infiltrations par les relevés d'étanchéité, la CRAMA, la SMABTP, la société FCPL et son assureur, la MAF, la société Le Bel et associés et son assureur, la compagnie MMA IARD Assurances Mutuelles, à lui verser la somme de 12 578,40 euros TTC au titre des infiltrations par colmatage, la société Le Bel et associés et son assureur, la compagnie MMA IARD Assurances Mutuelles, à lui verser la somme de 14 141,58 euros TTC au titre de la glissance des sols, la société Avel Acoustique et son assureur, la compagnie Les Souscripteur du Lloyd's de Londres, la société Sofresid et son assureur, la compagnie AXA Corporate Solutions, la société Groupe F2E et son assureur, la compagnie Allianz, à lui verser la somme de 12 000 euros TTC au titre de l'acoustique déficiente des salles de musique et la compagnie CRAMA à lui verser la somme de 7 200 euros TTC au titre des fissures sur le mur du parking Les Eglantiers. Par un jugement n° 1803231 du 14 avril 2022, le tribunal administratif de Rennes a condamné la société Bihannic, la société FCLP et la société Sofresid Engineering in solidum à verser à la société AXA France IARD une somme de 51 679,09 euros TTC au titre des désordres affectant la couverture en zinc de l'ouvrage (article 1er), la société Aluminium Bretagne à verser à la société AXA France IARD une somme de 3 243,43 euros TTC au titre des désordres résultant des infiltrations par les verrières et menuiseries extérieures, la société CCSB, la société SCEG et la société Soprema in solidum à verser à la société AXA France IARD une somme de 14 509,63 euros TTC au titre des désordres tenant aux défauts des relevés d'étanchéité, la société SCEG, la société CCSB et la société FCLP in solidum à verser à la société AXA France IARD une somme de 8 804,88 euros TTC au titre des désordres résultant des infiltrations par colmatage (article 4), la société Le Bel et associés à verser à la société AXA France IARD une somme de 9 806,88 euros au titre des désordres affectant la glissance des sols, la société Avel Acoustique, la société Groupe F2E et la société Sofresid Engineering in solidum à verser à la société AXA France IARD une somme de 12 000 euros TTC au titre des désordres tenant à la déficience acoustique des salles de musique (article 6) et la société SCEG à verser à la société AXA France IARD une somme de 7 200 euros TTC au titre des désordres relatifs aux fissures du mur du parking Les Eglantiers (article 7), ces sommes étant assorties des intérêts à compter du 6 juillet 2018 et de leur capitalisation à la date du 6 juillet 2019 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date (article 8), et a condamné la société Bihannic à garantir la société FCLP et la société Sofresid Engineering à hauteur de 80 % de la condamnation prononcée à l'article 1er de ce jugement, la société FCLP à garantir la société Bihannic et la société Sofresid Engineering à hauteur de 15 % de la condamnation prononcée à l'article 1er de ce jugement, la société Sofresid Engineering à garantir la société Bihannic et la société FCLP à hauteur de 5 % de la condamnation prononcée à l'article 1er de ce jugement, la société CCSB à garantir la société FCLP à hauteur de 50 % de la condamnation prononcée à l'article 4 de ce jugement, la société SCEG à garantir la société FCLP à hauteur de 10 % de la condamnation prononcée à l'article 4 de ce jugement, la société Avel Acoustique à garantir la société Groupe F2E et la société Sofresid Engineering à hauteur de 35 % de la condamnation prononcée à l'article 6 de ce jugement, la société Groupe F2E à garantir la société Avel Acoustique et la société Sofresid Engineering à hauteur de 55 % de la condamnation prononcée à l'article 6 de ce jugement et la société Sofresid Engineering à garantir la société Avel Acoustique et la société Groupe F2E à hauteur de 10 % de la condamnation prononcée à l'article 6 de ce jugement. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 13 juin 2022, la société AXA France IARD, représentée par Me Labourdette, demande à la cour de réformer le jugement du tribunal administratif de Rennes du 14 avril 2022 en ce qu'il a rejeté le surplus de sa demande au titre de la responsabilité décennale et : 1°) de condamner la société SCEG à lui verser la somme de 96 999,60 euros TTC au titre des fissures et décollements des façades ; 2°) de condamner in solidum les sociétés Avel Acoustique, Sofresid Engineering, SCEG, Groupe F2E, FCLP, Bihannic, Aluminium Bretagne, CCSB, Soprema et Le Bel et associés à lui verser la somme de 20 801,70 euros TTC au titre des frais annexes ; 3°) de condamner in solidum, d'une part, les sociétés Bihannic, FCLP et Sofresid Engineering à lui verser la somme de 8 438,02 euros au titre des mesures provisoires pour les infiltrations par les couvertures zinc, et d'autre part les sociétés CCSB, SCEG et Soprema à lui verser la somme de 1 074,01 euros TTC au titre des mesures provisoires pour les défauts d'étanchéité ; 4°) de condamner in solidum les sociétés Avel Acoustique, Sofresid, SCEG, Groupe F2E, FCLP, Bihannic, Aluminium Bretagne, CCSB, Soprema et Le Bel et Associés à lui verser la somme de 55 143,29 euros TTC au titre des frais d'expertise ; 5°) de mettre à la charge solidaire des sociétés Avel Acoustique, Sofresid, SCEG, Groupe F2E, FCLP, Bihannic, Aluminium Bretagne, CCSB, Soprema et Le Bel et Associés une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le désordre A relatif aux fissures et décollement des façades engage la responsabilité décennale de la société SCEG malgré les réserves émises dès lors qu'il s'est révélé dans son ampleur et sa gravité postérieurement à la réception et qu'en tout état de cause il ressort du procès-verbal de réception du lot peinture que les reprises de peintures ont été faites en septembre 2008 postérieurement aux reprises des fissures ; - elle est fondée à demander, en tant que subrogée dans les droits de la commune de Ploeren, la condamnation in solidum des défenderesses à lui rembourser la somme de 20 801,70 euros qu'elle a été condamnée à verser par le tribunal administratif de Rennes au titre des frais annexes ; - elle est fondée à demander, en tant que subrogée dans les droits de la commune de Ploeren, la condamnation in solidum des sociétés Bihannic, FCLP et Sofresid Engineering à lui verser la somme de 8 438,02 euros au titre des mesures provisoires pour les infiltrations par les couvertures zinc et des sociétés CCSB, SCEG et Soprema à lui verser la somme de 1 074,01 euros au titre des mesures provisoires pour les défauts d'étanchéité ; - la seul circonstance qu'elle n'ait pas engagé son action subrogatoire en même temps que la demande de la commune de Ploeren ne peut changer la nature et donc le bien-fondé de sa demande de condamnation solidaire des défenderesses à lui rembourser les frais d'expertise. Par un mémoire, enregistré le 17 août 2022, la caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles (CRAMA) Bretagne-Pays de Loire, en sa qualité d'assureur de la société caudanaise d'entreprise générale (SCEG), représentée par Me Mouliere, demande à la cour de rejeter les conclusions de la société AXA France IARD à son encontre et de mettre à sa charge une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le désordre A relatif aux fissures et décollement des façades n'engage pas la responsabilité décennale de la société SCEG dès lors que les réserves émises n'ont pas été levée et qu'il ne relève pas eu égard à sa gravité de la garantie de l'article 1792 du code civil ; - entreprise de gros œuvre, elle ne saurait être tenue de prendre en charge les frais annexes relatifs à la réparation de désordres dont elle n'est pas responsable ; - les conclusions de la société AXA France IARD à hauteur de 1 074,01 euros au titre des mesures provisoires pour les défauts d'étanchéité ne sont pas fondées alors qu'elles portent sur une ventilation dans le local rangement sans lien avec le désordre de fissuration imputable au maçon, qui n'a aucun caractère provisoire ; - dès lors que la société AXA France IARD a été condamnée par jugement du 31 août 2016 à rembourser les frais d'expertise à la commune qui les avait initialement exposés, elle ne peut invoquer sa qualité de subrogée dans les droits de la commune pour en demander le remboursement aux constructeurs ; si elle entend présenter une demande " au titre de son préjudice propre " et à l'encontre de sociétés privées, une telle demande ne relève pas de la compétence du juge administratif. Par des mémoires, enregistrés le 13 septembre 2022 et le 10 mai 2023, la société Sofresid Engineering, représentée par Me Majerholc-Oiknine, demande à la cour, à titre principal, de rejeter l'ensemble des conclusions à son encontre et par la voie de l'appel provoqué, à titre subsidiaire, de condamner in solidum toutes parties succombantes à la garantir de toutes condamnations prononcées à son encontre et de limiter sa condamnation à 378,39 euros TTC au titre des frais annexes et à 5 % au titre des mesures provisoires pour les infiltrations par les couvertures zinc (421,91 euros), des frais d'expertise (2 757,17 euros) et de l'article L.761-1 du code de justice administrative et, en tout état de cause de mettre à la charge solidaire de toutes parties succombantes une somme de 10 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - sa part de responsabilité est extrêmement limitée ; elle ne peut être rendue solidaire que dans cette mesure ; - les conclusions de la société Axa France IARD au titre des frais annexes et de la somme de 8 438,02 euros au titre des mesures provisoires sont irrecevables car nouvelles en appel ; - l'expert judiciaire n'a pas retenu la nécessité d'engager ces frais annexes à la réalisation des travaux ; - elle ne saurait être tenue de régler des frais annexes sur des travaux qu'elle n'a pas été condamnée à rembourser à AXA France IARD, s'agissant de désordres qui ne la concernent pas ; - la part des frais annexes susceptible de lui être imputée ne saurait excéder sa part de responsabilité retenue par le jugement attaqué ; - l'expert judiciaire avait déjà intégré le coût des mesures provisoires à hauteur de 3 937,20 euros dans son décompte des travaux de reprise des infiltrations par la couverture en zinc, si bien que la condamnation de 51 679,09 euros indemnisant la société AXA France IARD englobe le coût des mesures provisoires ; - la part au titre des mesures provisoires susceptible de lui être imputée ne saurait excéder sa part de responsabilité retenue par le jugement attaqué ; - les parties au présent litige n'ont pas à supporter des dépens qui relèvent d'une précédente instance auxquelles elles sont demeurées étrangères ; - les conclusions au titre des frais d'expertise constituent un prétendu préjudice propre de la société AXA France IARD à l'encontre de sociétés privées, qui ne relève pas de la compétence du juge administratif ; - la part au titre de ces frais susceptible de lui être imputée ne saurait excéder sa part de responsabilité retenue par le jugement attaqué ; - si un coût supplémentaire au titre des mesures provisoires relatives aux infiltrations par les couvertures zinc devait être alloué à la société AXA France IARD, elle ne saurait se voir imputer une part supérieure à sa part de responsabilité définitivement retenue par le tribunal au titre desdits désordres affectant la couverture en zinc, soit 5% correspondant à un montant maximum de 421,91euros ; - si le remboursement du coût de l'expertise devait être alloué à la société AXA France IARD, elle ne saurait se voir imputer une part supérieure à sa part de responsabilité définitivement retenue par le tribunal, soit 5% correspondant à un montant maximum de 2 757,17 euros ; - elle ne peut être condamnée in solidum avec les autres défendeurs, à les garantir des condamnations qui pourraient être prononcées à leur encontre, dès lors qu'elle n'a commis aucune faute à leur égard. Par un mémoire, enregistré le 19 décembre 2022, la société François Chochon - Laurent Pierre (FCLP) et la Mutuelle des Architectes Français (MAF), représentées par Me Groleau, demandent à la cour, à titre principal, de rejeter l'ensemble des conclusions à l'encontre de la société FCLP et, à titre subsidiaire, de limiter sa condamnation à 1 127 euros TTC au titre des frais annexes et de condamner in solidum toute autre partie succombante à la garantir des condamnations prononcées à son encontre et, en tout état de cause de mettre à la charge de toute partie succombante une somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - elle ne peut être condamnée solidairement alors qu'il n'est pas établi qu'elle a concouru à la réalisation des dommages autres que ceux relatifs aux infiltrations par la couverture zinc et aux infiltrations par colmatage dans la salle de musique ; - les conclusions de la société Axa France IARD au titre des frais annexes et de la somme de 8 438,02 euros au titre des mesures provisoires sont irrecevables car nouvelles en appel ; - la part au titre des frais annexes susceptible de lui être imputée ne saurait excéder sa part de responsabilité retenue par le jugement attaqué, soit globalement la somme de 1 127 euros ; - l'expert judiciaire avait déjà intégré le coût des mesures conservatoires prises pour pallier aux infiltrations par la toiture zinc dans le montant global des travaux de reprise des infiltrations par la couverture en zinc, si bien que la condamnation de 51 679,09 euros indemnisant la société AXA France IARD englobe le coût des mesures provisoires ; - la société AXA France IARD ne peut faire valoir son recours subrogatoire alors qu'elle a été condamnée par le jugement du 31 août 2016 à supporter les frais d'expertise et, en tout état de cause ses conclusions au titre des frais irrépétibles constituent un préjudice propre à l'encontre de sociétés privées qui ne relève pas de la compétence du juge administratif ; - elle n'a eu qu'une part minime dans les désordres, ce qui devrait en tout état de cause conduire à limiter sa responsabilité à 10%. Par un mémoire, enregistré le 20 décembre 2022, la société Groupe F2E, représentée par Me Sion, demande à la cour de rejeter la requête de la société AXA France IARD, en tout état de cause, de limiter sa responsabilité au titre des frais annexes et des frais d'expertise à hauteur de sa responsabilité résiduelle et de mettre à la charge de toute partie succombante une somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la société AXA France IARD ne peut pas demander, dans le cadre de la subrogation, à être remboursée de frais d'expertises auxquels elle a été condamnée dans le cadre d'un autre contentieux ; - si elle estime avoir subi un préjudice propre à ce titre, elle doit en réclamer la réparation au juge judiciaire ; - sa condamnation in solidum au titre des frais annexes et des frais d'expertise est exclue s'agissant de plusieurs désordres avec des responsabilités distinctes. Par un mémoire, enregistré le 30 janvier 2023, la société Soprema Entreprises, représentée par Me Collin, demande à la cour de condamner in solidum la société SCEG et la société CCSB à la garantir de la condamnation prononcée au titre des mesures conservatoires à hauteur de 70 %, de condamner in solidum les sociétés Avel Acoustique, Sofresid Engineering, SCEG, Groupe F2E, FCLP, Bihannic, Aluminium Bretagne, CCSB et Le Bel et associés à la garantir de toute condamnation prononcée au titre des frais annexes, des frais d'expertise et des frais irrépétibles à hauteur de 99 %, de débouter toutes parties de toutes demandes plus amples ou contraires, de rejeter toutes les conclusions de condamnation au titre des frais irrépétibles présentées à son encontre et, à tout le moins de les réduire à de plus justes proportions et de mettre à la charge de toute partie succombante une somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - sa responsabilité a été estimée par l'expert à hauteur de 20 % de la somme de 14 509,63 euros, soit à peine plus de 1% du montant total des travaux, si bien que sa participation aux frais annexes ne devrait pas excéder 1 % de la somme de 20 801,70 euros ; - la somme de 1 074,01 euros, réglée par la société AXA France IARD, a bien servi à financer des mesures provisoires destinées à pallier l'apport d'humidité en lien avec les infiltrations (par les relevés d'étanchéité et par les fissures) observées dans le local rangement et ce, dans l'attente de la réalisation des travaux, si bien qu'en cas de condamnation, elle serait fondée à solliciter la condamnation in solidum de la société SCEG et de la société CCSB à la garantir de la condamnation prononcée à hauteur de 70 % au regard du partage de responsabilité établi par l'expert judiciaire et entériné par le tribunal administratif. Par un mémoire, enregistré le 12 avril 2023, la société Bihannic, représentée par Me Massip, demande à la cour, à titre principal, de rejeter l'ensemble des conclusions de la société AXA France IARD à l'encontre des sociétés CCSB et Bihannic, à titre subsidiaire de limiter les condamnations mises à sa charge à hauteur de sa part de responsabilité retenue par le tribunal administratif de Rennes, de condamner in solidum les sociétés FCLP et Sofresid Engineering à la garantir à hauteur de 20% des condamnations éventuellement prononcées à son encontre au titre des frais annexes, des mesures conservatoires et des frais d'expertise judiciaire, à titre très subsidiaire de condamner in solidum les sociétés FCLP, Sofresid Engineering, Soprema, Avel Acoustique, SCEG, Groupe F2E, Aluminium Bretagne et Le Bel et associés à la garantir de toutes les condamnations à son encontre et, en tout état de cause de ramener la demande de frais irrépétibles de la société AXA France IARD à de plus justes proportions et mettre à sa charge, le cas échéant in solidum avec toute autre partie succombante, la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - les sociétés CCSB et SMABTP ne sont pas parties à l'instance en cause d'appel ; - les conclusions de la société Axa France IARD au titre des frais annexes et de la somme de 8 438,02 euros au titre des mesures provisoires sont irrecevables car nouvelles en appel ; - la société AXA France IARD n'avait pas demandé sa condamnation au titre des frais annexes ; - ces frais annexes étant extrêmement liés aux coûts des travaux réparatoires, elle ne pourrait tout au plus qu'être condamnée in solidum avec les sociétés FCLP et Sofresid Engineering à verser à la société AXA France IARD la somme de 5 167,91 euros, correspondant à 10% du montant auquel elle a été condamnée en principal et est fondée à demander la condamnation in solidum de ces sociétés à la garantir à hauteur de 20% de la condamnation éventuellement prononcée à ce titre ; - la société AXA France IARD n'apporte aucun nouvel élément justificatif de nature à prouver d'une part qu'elle aurait indemnisé la commune de Ploeren pour des mesures conservatoires et d'autre part que ces mesures étaient nécessaires et liées au désordre des infiltrations par couverture ; - elle est fondée à demander la condamnation in solidum des sociétés FCLP et Sofresid Engineering à la garantir à hauteur de 20% de la condamnation éventuellement prononcée au titre des mesures conservatoires ; - l'exécution de la condamnation prononcée à l'encontre de la société AXA France IARD ne découle pas de l'assurance dommages-ouvrage mais tout au plus d'un préjudice propre de l'assureur, en dehors de sa police dommages ouvrage, ne relevant pas de la juridiction administrative ; - la condamnation aux dépens et en particulier aux frais d'expertise ne pourrait qu'être prononcée proportionnellement aux condamnations au principal, ce qui la limiterait à une condamnation in solidum des sociétés Bihannic, FCLP et Sofresid Engineering à verser à la société AXA France IARD la somme de 26 573,55 euros ; - elle est fondée à demander la condamnation in solidum des sociétés FCLP et Sofresid Engineering à la garantir à hauteur de 20% de la condamnation éventuellement prononcée au titre des frais d'expertise. Par un mémoire, enregistré le 26 mai 2023, la société Avel accoustique, représentée par la SCP Boquet-Dagorn, demande à la cour de rejeter la requête de la société AXA France IARD, subsidiairement de limiter sa part dans une quelconque condamnation prononcée à son encontre à 3,92 % du total, de rejeter toute demande de condamnation in solidum, et donc de garantie, et de mettre à la charge de la société AXA France IARD une somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la demande au titre des frais annexes est irrecevable comme nouvelle en appel ; - le jugement rendu le 31 août 2016 par le tribunal administratif de Rennes n'a qu'une autorité relative à l'égard des tiers et la réserve sur le fait que la société AXA France IARD peut exercer des actions subrogatoires à l'encontre des participants aux opérations de construction n'est pas le soutien nécessaire du dispositif condamnant la société AXA France IARD au profit de la commune de Ploeren ; - la société AXA France IARD a été condamnée, non pas en qualité d'assureur dommages-ouvrage, mais en qualité de défendeur condamné aux dépens si bien qu'elle ne peut réclamer le paiement des dépens qu'elle a dû supporter dans le cadre d'une autre instance, à laquelle au surplus n'étaient pas parties les intimés ; - elle ne saurait, en tout état de cause, être condamnée qu'au prorata de sa part dans la condamnation totale prononcée en première instance, soit 3,92% ; - sa condamnation solidaire ne se justifie pas alors que les désordres acoustiques de la salle de musique n'ont pas le moindre rapport, quant à leur réalisation, avec les autres désordres affectant notamment la solidité du gros-œuvre, la glissance du sol ou l'étanchéité de la couverture. Par une ordonnance du 30 mai 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 16 juin 2023. Un mémoire produit par la société AXA France IARD a été enregistré le 19 octobre 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des assurances ; - le code civil ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Derlange, président assesseur, - les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique, - et les observations de Me Nadalini, substituant Me Labourdette, pour la société AXA France IARD et de Me Boquet, pour la société Avel Acoustique. Considérant ce qui suit : 1. En 2004, la commune de Ploeren a décidé de construire un espace culturel multifonctionnel. La maîtrise d'œuvre a été confiée à un groupement d'entreprises, composé notamment de la société FCLP, en tant qu'architecte et mandataire, de la société Sofresid Engineering, en tant que bureau d'études techniques (BET) et de la société Avel Acoustique, en tant que bureau d'études acoustiques. Dix-neuf lots ont été attribués, notamment le lot n° 2 gros œuvre à la société SCEG. Par ailleurs, la commune de Ploeren a conclu, le 22 novembre 2006, un contrat d'assurance dommages-ouvrage, avec effet au 12 janvier 2006, avec la société AXA France IARD. Les travaux engagés le 12 janvier 2006 ont fait l'objet d'une réception avec réserves le 31 juillet 2008. Certaines de ces réserves n'ayant pu être levées et des désordres, notamment des infiltrations, étant apparus, la commune de Ploeren a obtenu la condamnation, le 31 août 2016, par le tribunal administratif de Rennes de la société AXA France IARD à lui verser la somme de 183 710,46 euros, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation de ces intérêts, au titre de la couverture de ces préjudices par le contrat d'assurance dommages-ouvrage souscrit et à lui rembourser les frais d'expertise exposés à hauteur de 55 143,29 euros, au titre des dépens. La société AXA France IARD, se prévalant de sa qualité d'assureur subrogé dans les droits de son assurée, a saisi le tribunal administratif de Rennes afin de faire condamner solidairement, ou à défaut chacun pour son fait, divers participants à cette opération de travaux, ainsi que leurs assureurs, à lui verser la somme de 242 665,46 euros au titre du coût des travaux réparatoires des désordres affectant l'ouvrage construit, ainsi que la somme de 55 143,29 euros au titre des frais d'expertise. 2. Par un jugement du 14 avril 2022, le tribunal administratif, sur le fondement de la responsabilité décennale des constructeurs, en premier lieu, a condamné solidairement les sociétés Bihannic, titulaire du lot n° 5 couverture en zinc, FCLP, architecte mandataire du groupement de maîtrise d'œuvre, et Sofresid Engineering, BET du groupement de maîtrise d'œuvre, à verser à la société AXA France IARD une somme de 51 679,09 euros TTC au titre des désordres affectant la couverture en zinc (article 1er), puis a condamné la société Bihannic à garantir les deux autres à hauteur de 80 % de cette condamnation (article 12), la société FCLP à garantir Bihannic et Sofresid Engineering à hauteur de 15 % (article 13) et la société Sofresid Engineering à garantir Bihannic et FCLP à hauteur de 5 % (article 14), en deuxième lieu, a condamné la société Aluminium Bretagne, titulaire du lot n° 8 menuiseries extérieures, à verser à la société AXA France IARD une somme de 3 243,43 euros TTC au titre des désordres résultant des infiltrations par les verrières et menuiseries extérieures (article 2), en troisième lieu, a condamné solidairement les sociétés CCSB, lot n° 6 couvertures d'ardoise, SCEG, lot n° 2 gros œuvre, et Soprema, lot n° 7 étanchéité terrasses, à verser à la société AXA France IARD une somme de 14 509,63 euros TTC au titre des désordres tenant aux défauts des relevés d'étanchéité (article 3), en quatrième lieu, a condamné solidairement les sociétés SCEG, CCSB et FCLP à verser à la société AXA France IARD une somme de 8 804,88 euros TTC au titre des désordres résultant des infiltrations dans une salle de musique par colmatage d'une canalisation (article 4), et pour la répartition de cette indemnité a condamné les sociétés CCSB et SCEG à garantir la société FCLP à hauteur respectivement de 50 % (article 15) et 10 % (article 16), en cinquième lieu, a condamné la société Le Bel et associés, lot n° 13 revêtements de sols et faïences, à verser à la société AXA France IARD une somme de 9 806,88 euros au titre des désordres affectant la glissance des sols (article 5), en sixième lieu, a condamné solidairement les sociétés Avel Acoustique, FEE, lot n° 17 chauffage-ventilation, et Sofresid Engineering à verser à la société AXA France IARD une somme de 12 000 euros TTC au titre des désordres tenant à la déficience acoustique des salles de musique (article 6), et a condamné ces sociétés à se garantir mutuellement à hauteur respectivement de 35 % (article 17), 55 % (article 18) et 10 % (article 19), en septième lieu, a condamné la société SCEG à verser à la société AXA France IARD une somme de 7 200 euros TTC au titre des désordres relatifs aux fissures du mur du parking Les Eglantiers, en huitième lieu, a assorti les condamnations prononcées par les articles 1 à 7 des intérêts, à compter du 6 juillet 2018, et de leur capitalisation à compter du 6 juillet 2019 et à chaque échéance annuelle, en dernier lieu, a rejeté le surplus des conclusions de la société AXA France IARD et des autres parties (articles 9 à 11 et 20). La compagnie AXA France IARD relève appel de ce jugement et en demande la réformation en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions, aux fins d'obtenir en outre 96 999,60 euros au titre des fissures et décollements des façades, 20 801,70 euros au titre des frais annexes, 9 512,03 euros au titre des mesures provisoires et 55 143,29 euros au titre des frais d'expertise. Sur les fins de non-recevoir opposées à la requête d'appel : 3. D'une part, il ressort du dossier de première instance et du jugement attaqué, en particulier de ses visas et points 17 et 19, que la société AXA France IARD avait saisi le tribunal administratif de conclusions tendant au versement à son profit des sommes de 8 438,02 euros et 1 074,01 euros au titre des mesures conservatoires. Par suite, les fins de non-recevoir tirées de ce qu'il s'agirait de conclusions nouvelles en appel doivent être écartées. D'autre part, il ressort du dossier de première instance et du jugement attaqué, en particulier de ses visas, que la société AXA France IARD avait demandé au tribunal le versement à son profit de la somme globale de 242 665,46 euros au titre des travaux réparatoires, qui correspond au total des chefs de préjudice dont elle a demandé également l'indemnisation à titre subsidiaire et d'un montant de 20 801,70 euros qui correspond exactement au montant demandé à la cour au titre des frais annexes. Par suite, les fins de non-recevoir tirées de ce qu'il s'agirait de conclusions nouvelles en appel doivent être écartées, y compris s'agissant de la société Bihannic visée par la demande globale de 242 665,46 euros. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 4. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 121-12 du code des assurances : " L'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur. (...) ". Il résulte de ces dispositions que la subrogation légale de l'assureur dans les droits et actions de l'assuré est subordonnée au seul paiement à l'assuré de l'indemnité d'assurance en exécution du contrat d'assurance et ce, dans la limite de la somme versée. En ce qui concerne les fissures et décollements de façades : 5. Il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans. La réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserve et elle met fin aux rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs en ce qui concerne la réalisation de l'ouvrage. En l'absence de stipulations particulières prévues par les documents contractuels, lorsque la réception est prononcée avec réserves, les rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs ne se poursuivent qu'au titre des travaux ou des parties de l'ouvrage ayant fait l'objet des réserves. 6. La société AXA France IARD soutient, qu'en tant que subrogée dans les droits de la commune de Ploeren, elle a droit au remboursement de la somme de 96 999,60 euros relative à des fissures et décollements de façades malgré les réserves émises dès lors que ces désordres se sont révélés dans leur ampleur et gravité postérieurement à la réception et qu'en tout état de cause il ressort du procès-verbal de réception du lot peinture que les reprises de peintures ont été faites en septembre 2008 postérieurement aux reprises des fissures. 7. D'une part, il ressort du procès-verbal de réception du lot n° 2 gros œuvre du 31 juillet 2008 qu'il prononce la réception des travaux de ce lot avec des réserves mises à jour le 17 juillet 2008, portant notamment sur des fissures et cloquages des extérieurs des maisons et de la salle polyvalente, des fissures sur le mur de l'abri parents de l'extérieur de la médiathèque, des fuites en plafond et dans les angles dans la zone de circulation du secteur maison et une infiltration au niveau du sas menant à la salle polyvalente, supposant diverses reprises, réparations et finitions de la part de la société SCEG, titulaire du lot. Contrairement à ce que soutient la société AXA France IARD les vices qui ont été constatés par l'expert, page 17 de son rapport remis le 26 février 2015, ne sont pas distincts de ceux qui avaient fait l'objet de réserves le 31 juillet 2008, même si du fait de l'écoulement du temps certains des désordres constatés se sont aggravés, les fissures devenant infiltrantes et les cloquages entrainant des décollements en façades. Par suite, la commune de Ploeren doit être considérée comme ayant eu connaissance de ces vices lors de la réception et ne pouvait ignorer leurs conséquences à terme. 8. D'autre part, contrairement à ce que soutient la société AXA France IARD, le fait que le procès-verbal de réception du lot peinture, également établi le 31 juillet 2008, ne mentionne l'existence que d'une fissure et qu'il porte la mention " fait le 15/09 ", eu égard à l'objet spécifique de ce procès-verbal ne permet pas d'attester que des reprises des désordres constatés dans le procès-verbal de réception du lot n° 2 gros œuvre auraient été réalisées entre la date du 31 juillet 2008 et celle du 15 septembre 2008. 9. Il résulte des deux points précédents que, la responsabilité décennale des constructeurs ne pouvant être recherchée pour des désordres apparents à la réception, la société AXA France IARD n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande de 96 999,60 euros relative à des fissures et décollements de façades. En ce qui concerne les " frais annexes " : 10. La société AXA France IARD se borne à demander la condamnation in solidum des défenderesses à lui verser la somme de 20 801,70 euros au motif que le tribunal administratif de Rennes l'a condamnée à verser à la commune de Ploeren cette somme, correspondant à 10% du montant de 228 818,73 euros des travaux réparatoires, pour financer les interventions d'un maître d'œuvre, d'un contrôleur technique et d'un coordinateur sécurité protection santé et qu'elle lui a payé ladite somme en application du contrat d'assurance souscrit. 11. Toutefois, la seule qualité de subrogée dans les droits de la commune, sur le fondement du contrat d'assurance, ne lui ouvre pas le droit à être indemnisée par les constructeurs, sur le fondement de leur responsabilité décennale, faute de préciser à quel titre et dans quelle mesure chacun de ceux-ci devrait supporter la charge des sommes qu'elle a versées à son assurée. Dès lors que la société AXA France Iard ne précise pas pour quels motifs ces sociétés devraient prendre en charge ces frais de maîtrise d'œuvre, elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande de 20 801,70 euros au titre de ces " frais annexes ". En ce qui concerne les mesures conservatoires : 12. D'une part, il ressort de la page 38 du rapport d'expertise que la commune de Ploeren, pour faire face aux désordres en cause, en particulier aux infiltrations, a dû prendre diverses mesures provisoires comme la mise en place de protections dans la médiathèque, l'intervention de personnel technique pour un cheminement extérieur, la fourniture de petit matériel et l'achat de bâches, pour un total de 8 438,02 euros, et la ventilation d'un local pour 1 074,01 euros. Il ne résulte pas de l'instruction que, comme le prétendent les sociétés FCLP et MAF, ces sommes auraient été intégrées dans le poste de 51 679,09 euros relatif aux désordres de la couverture zinc évalué par l'expert et repris par le tribunal administratif. En revanche, il résulte de l'instruction que ces sommes de 8 438,02 euros et 1 074,01 euros ont été prises en compte par le tribunal administratif de Rennes en 2016 pour condamner la société AXA France IARD à verser une indemnité totale de 183 710,63 euros à la commune de Ploeren, que la société lui a payé en lui transmettant un chèque de 242 665,46 euros correspondant à la condamnation au principal prononcée à son encontre, assortie des intérêts, des frais d'expertise et des frais de l'instance. Dans ces conditions, la société AXA France IARD est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ne lui ont pas alloué également ces sommes de 8 438,02 euros et 1 074,01 euros. 13. D'autre part, eu égard au fait que l'expert a constaté que ces préjudices sont en lien avec les désordres par la couverture zinc à l'exception du coût de ventilation en lien avec les désordres d'étanchéité et qu'il n'y a pas de contestation sérieuse sur la part de responsabilité de chaque constructeur dans la survenance de ces désordres, il y a lieu de fixer les taux de garantie dans le premier cas à 80 % pour la société Bihannic, 15 % pour la société FCLP et 5 % pour la société Sofresid Engineering, et dans le second cas à 50 % pour la société SCEG, 30 % pour la société CCSB et 20 % pour la société Soprema. Toutefois, dès lors que la société Soprema a limité ses conclusions d'appel en garantie à 70 % concernant les sociétés SCEG et CCSB, il y a lieu de fixer leur taux de garantie respectif à 45 % et 25 %. En ce qui concerne les frais d'expertise : 14. La société AXA France IARD n'est pas fondée à demander le remboursement à titre de dépens de la somme de 55 143,29 euros correspondant au coût des frais d'expertise exposés par la commune de Ploeren, qui a obtenu qu'elle soit mise à la charge de cette société aux termes du jugement du 31 août 2016, dès lors qu'elle n'a pas exposé de frais d'une telle nature dans le cadre du litige actuel. Au surplus, elle ne peut pas davantage prétendre à cette somme au titre de la subrogation légale de l'article L. 121-12 du code des assurances dès lors que ces frais remboursés au titre des dépens en 2016 ne relèvent pas d'un dommage du fait d'un tiers ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur au titre du contrat d'assurance. Par suite, la société AXA France IARD, qui se borne à soutenir qu'elle aurait obtenu les frais en cause si elle l'avait demandé en même temps que la commune de Ploeren, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande d'une somme de 55 143,29 euros au titre des frais d'expertise. Sur les frais liés au litige : 15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société AXA France IARD, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement des sommes que les autres parties demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge solidaire des parties condamnées aux points précédents la somme de 1 500 euros, à verser à la société AXA France IARD, sur le fondement des mêmes dispositions. D E C I D E : Article 1er : Les sociétés Bihannic, FCLP et Sofresid Engineering sont condamnées in solidum à verser à la société AXA France IARD une somme de 8 438,02 euros au titre des mesures conservatoires de la couverture zinc. Article 2 : Les sociétés SCEG, CCSB et Soprema sont condamnées in solidum à verser à la société AXA France IARD une somme de 1 074,01 euros au titre des mesures conservatoires de ventilation. Article 3 : La société Bihannic garantira la société FCLP et la société Sofresid Engineering à hauteur de 80 % de la condamnation prononcée à l'article 1er. Article 4 : La société FCLP garantira la société Bihannic et la société Sofresid Engineering à hauteur de 15 % de la condamnation prononcée à l'article 1er. Article 5 : La société Sofresid Engineering garantira la société Bihannic et la société FCLP à hauteur de 5 % de la condamnation prononcée à l'article 1er. Article 6 : La société Soprema garantira la société CCSB et la société SCEG à hauteur de 20 % de la condamnation prononcée à l'article 2. Article 7 : La société CCSB garantira la société SCEG à hauteur de 30 % de la condamnation prononcée à l'article 2. Article 8 : La société SCEG garantira la société CCSB à hauteur de 50 % de la condamnation prononcée à l'article 2. Article 9 : La société CCSB garantira la société Soprema à hauteur de 25 % de la condamnation prononcée à l'article 2. Article 10 : La société SCEG garantira la société Soprema à hauteur de 45 % de la condamnation prononcée à l'article 2. Article 11 : Le jugement du tribunal administratif de Rennes n° 1803231 du 14 avril 2022 est réformé en ce qu'il a de contraire aux articles 1 à 10 du présent arrêt. Article 12 : Les sociétés Sofresid, SCEG, FCLP, Bihannic, CCSB et Soprema verseront in solidum la somme de 1 500 euros à la société AXA France IARD, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 13 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté. Article 14 : Le présent arrêt sera notifié à la caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles (CRAMA) Bretagne-Pays de Loire, à la société Bihannic, à la société François Chochon - Laurent Pierre (FCLP), à la mutuelle des architectes français (MAF), à la société Sofresid Engineering, à la société Soprema, à la société Aluminium Bretagne, à la société Le Bel et associés, à la société Groupe F2E, à la société Avel Acoustique et à la société AXA France IARD. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Lainé, président de chambre, - M. Derlange, président assesseur, - Mme Picquet, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 novembre 2023. Le rapporteur, S. DERLANGE Le président, L. LAINÉ Le greffier, C. WOLF La République mande et ordonne au préfet du Morbihan en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22NT01804 |
CETATEXT000048424289 | J4_L_2023_11_00022NT02531 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/42/CETATEXT000048424289.xml | Texte | CAA de NANTES, 3ème chambre, 17/11/2023, 22NT02531, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-17 00:00:00 | CAA de NANTES | 22NT02531 | 3ème chambre | plein contentieux | C | Mme BRISSON | SELARL CORNET VINCENT SEGUREL | M. Xavier CATROUX | M. BERTHON | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision de la présidente du conseil régional des Pays de la Loire du 11 mars 2019 rejetant sa demande tendant au paiement de la dotation jeunes agriculteurs. Par un jugement n° 1909772 du 9 juin 2022, le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 3 août 2022, la Région des Pays de la Loire, représentée par Me Marchand, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 9 juin 2022 du tribunal administratif de Nantes ; 2°) de rejeter la demande de M. B... devant le tribunal ; 3°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - c'est à tort que le tribunal a annulé la décision de la présidente du conseil régional des Pays de la Loire rejetant la demande de paiement de la dotation jeunes agriculteurs formée par de M. B... au motif qu'elle était entachée d'une erreur de droit, dès lors que la présidente du conseil régional des Pays de la Loire et la préfète de Maine-et-Loire étaient compétentes, dans le cadre de la marge de manœuvre reconnue par la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne aux autorités des Etats membres pour appliquer le droit de l'Union, pour définir parmi les conditions du versement de l'aide précisées dans la décision d'attribution de cette aide du 4 avril 2017, la transmission de la demande de paiement accompagnée des pièces justificatives de son installation dans un délai de douze mois ; - la décision contestée était suffisamment motivée ; - aucune procédure contradictoire n'était obligatoire préalablement à l'édiction de la décision contestée, s'agissant d'une décision statuant sur une demande. Par une intervention, enregistrée le 1er mars 2022, et présentée à l'appui de la requête, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire demande à la cour d'annuler le jugement du 9 juin 2022 du tribunal administratif de Nantes et de rejeter la demande de M. B... devant le tribunal. Il fait valoir que : - c'est à tort que le tribunal a annulé la décision de la présidente du conseil régional des Pays de la Loire rejetant la demande de paiement de la dotation jeunes agriculteurs formée par de M. B... au motif qu'elle était entachée d'une erreur de droit, dès lors qu'en érigeant, notamment par l'instruction technique DGPAAT/SDEA/2015-330 du 9 avril 2015 du ministre de l'agriculture, comme préalable au versement de la dotation jeunes agriculteurs la communication par le bénéficiaire des pièces justificatives de son installation dans un délai de douze mois, l'administration s'est bornée à utiliser la marge de manœuvre dont elle dispose pour appliquer le droit européen sur le fondement de lignes directrices permettant de faire respecter sa mise en œuvre, et notamment le délai de neuf mois dans lequel l'installation doit intervenir ; - la décision contestée était suffisamment motivée ; - aucune procédure contradictoire n'était obligatoire préalablement à l'édiction de la décision contestée, s'agissant d'une décision statuant sur une demande ; - elle n'est pas entachée d'une erreur de fait, dès lors que l'administration ne disposait pas de l'ensemble des documents lui permettant de lui octroyer le premier acompte de l'aide. La requête a été communiquée à M. B..., qui n'a pas produit d'observations. Vu les autres pièces des dossiers. Vu : - le règlement (UE) n° 1306/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 ; - le règlement UE n° 1305/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 ; - le code rural et de la pêche maritime ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - l'arrêté du 22 août 2016 relatif à la mise en œuvre des aides à l'installation ; - l'arrêté du 22 août 2016 relatif aux conditions d'octroi de la dotation aux jeunes agriculteurs ; - l'arrêté du 28 décembre 2016 fixant les conditions de participation des chambres d'agriculture à la politique d'installation en agriculture ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Catroux, - les conclusions de M. Berthon, rapporteur public, - et les observations de Me Pasquet, représentant la région des Pays de la Loire. Considérant ce qui suit : 1. M. B... a sollicité, à la fin de l'année 2016, le bénéfice de la dotation jeunes agriculteurs pour son exploitation agricole, exerçant une activité laitière et avicole, située sur le territoire de la commune de Montilliers et de la commune nouvelle de Lys-Haut-Layon (Maine-et-Loire). Par une décision du 4 avril 2017 prise conjointement par la présidente du conseil régional des Pays de la Loire et la préfète de Maine-et-Loire, cette aide lui a été accordée pour un montant de 14 000 euros. M. B... a présenté, le 14 mars 2018, une demande tendant au paiement d'un acompte, de 80%, sur le montant de la dotation. Par une décision du 11 mars 2019, la présidente du conseil régional des Pays de la Loire a rejeté cette demande au motif qu'elle n'était pas conforme aux conditions d'octroi de l'aide, dès lors que plusieurs pièces justificatives à produire à l'appui de la demande de paiement, à savoir la copie des baux ruraux sur les parcelles d'assiette de l'exploitation ainsi que les justificatifs de réalisation des investissements nécessaires au démarrage de l'activité qui étaient inscrits dans le plan d'entreprise produit à l'appui de la demande tendant à l'attribution de l'aide, n'avaient été produites qu'au cours du mois de septembre de l'année 2018, soit après l'expiration du délai de douze mois à compter de la date d'attribution des aides. Par un jugement du 9 juin 2022, dont la Région Pays de la Loire relève appel, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision de la présidente du conseil régional des Pays de la Loire du 11 mars 2019. Sur l'intervention du ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire : 2. Le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire a intérêt à l'annulation du jugement attaqué. Ainsi son intervention est recevable. Sur le cadre juridique : 3. En premier lieu, aux termes de l'article 63 du règlement (UE) n° 1306/2013 du 17 décembre 2013 visé ci-dessus : " Lorsqu'il est constaté qu'un bénéficiaire ne respecte pas les critères d'admissibilité, les engagements ou les autres obligations relatifs aux conditions d'octroi de l'aide ou du soutien prévus par la législation agricole sectorielle, l'aide n'est pas payée (...) ". 4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 19 du règlement (UE) n° 1305/2013 du 17 décembre 2013 : " 1. L'aide au titre de la présente mesure couvre : / a) l'aide au démarrage d'entreprises pour / i) les jeunes agriculteurs ; (...) 4. L'aide prévue au paragraphe 1, point a), est subordonnée à la présentation d'un plan d'entreprise. La mise en œuvre du plan d'entreprise commence au plus tard dans un délai de neuf mois à compter de la date de la décision d'octroi de l'aide. (...) 5. L'aide prévue au paragraphe 1, point a) est versée en deux tranches au moins, sur une période de cinq ans au maximum. Les tranches peuvent être dégressives. Le paiement de la dernière tranche, prévu au paragraphe 1, points a) i) et a) ii), est subordonné à la bonne mise en œuvre du plan d'entreprise. (...) ". Aux termes de l'article L. 330-1 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction applicable au litige : " L'Etat détermine le cadre réglementaire national de la politique d'installation et de transmission en agriculture, notamment la nature et les critères d'attribution des aides à l'installation. La mise en œuvre en est assurée à l'échelon régional sous l'autorité conjointe du préfet de région et du président du conseil régional (...) / Pour bénéficier du dispositif d'aide à l'installation, les candidats doivent justifier de leur capacité à réaliser un projet viable par la détention d'une capacité professionnelle. Les candidats élaborent un projet global d'installation couvrant les aspects économiques et environnementaux. ". 5. Aux termes de l'article D. 343-5 du code rural et de la pêche maritime : " Le bénéficiaire des aides mentionnées à l'article D. 343-3 s'engage à : / 1° Commencer de mettre en œuvre le plan d'entreprise mentionné à l'article D. 343-7 au plus tôt à la date de dépôt de la demande d'aide et dans un délai maximal de neuf mois à compter de la décision d'octroi d'aide (...) / 7° Se conformer aux obligations liées aux vérifications et contrôles administratifs relatifs à la mise en œuvre du plan d'entreprise ; / 9° S'installer et réaliser son projet conformément au plan d'entreprise et informer l'autorité compétente des changements dans la mise en œuvre du projet ; (...). " Aux termes de son article D. 343-7 du même code : " Le plan d'entreprise expose : / -la situation initiale de l'exploitation ; / -les étapes et les objectifs définis en vue de son développement ; / -l'évolution des moyens de production ; / -le programme d'investissements, comprenant la liste des investissements nécessaires au développement des activités et, le cas échéant, ceux relatifs à la mise aux normes ; / -les éléments justifiant des éventuelles modulations de la dotation jeunes agriculteurs ; / -l'évolution prévisionnelle du revenu disponible agricole pendant les quatre premières années d'activité. / Un arrêté du ministre chargé de l'agriculture précise les conditions de vérification de la viabilité du projet d'installation et de suivi du plan d'entreprise. ". Aux termes de l'article D. 343-12 du même code : " Les montants de la dotation jeunes agriculteurs sont fixés conjointement par le président du conseil régional et le préfet de région après consultation du comité régional à l'installation et à la transmission, dans des conditions définies par arrêté des ministres chargés de l'agriculture et du budget. / Ces montants comprennent la participation du Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER), de l'Etat et, le cas échéant, des autres financeurs. (...). ". Aux termes de l'article D. 343-17 de ce code : " Les décisions concernant les demandes d'aides relevant des programmes de développement rural sont prises par l'autorité de gestion mentionnée au I de l'article 78 de la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 relative à la modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, conjointement avec le préfet et, le cas échéant, les autres financeurs, ou par le préfet lorsque les décisions concernent les demandes d'aides ne relevant pas des programmes de développement rural régionaux dont l'Etat est unique financeur. / Préalablement à son installation, le candidat adresse sa demande au service chargé de l'instruction des dossiers dans le ressort duquel est situé le siège social de l'exploitation. (...) ". Aux termes de l'article D. 343-18 dudit code : " Le respect des engagements prévus aux articles D. 343-5 et suivants fait l'objet de contrôles sur pièces et sur place à l'initiative des autorités mentionnées à l'article D. 343-17. Ces contrôles sont effectués par les services chargés de l'instruction des dossiers ou par l'organisme payeur agréé. ". 6. En quatrième lieu, aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 22 août 2016 relatif aux conditions d'octroi de la dotation aux jeunes agriculteurs visé ci-dessus : " Lorsque le bénéficiaire relève des formes d'installation à titre principal ou à titre secondaire, le paiement de la DJA est effectué en principe en deux versements. / Le premier, à hauteur de 80 % est effectué au moment de la constatation de l'installation comme chef d'exploitation. Le second, à hauteur de 20 % a lieu au cours de la cinquième année, après contrôle de la bonne mise en œuvre du projet. (...). ". 7. En dernier lieu, une décision qui a pour objet l'attribution d'une subvention constitue un acte unilatéral qui crée des droits au profit de son bénéficiaire. Toutefois, de tels droits ne sont ainsi créés que dans la mesure où le bénéficiaire de la subvention respecte les conditions mises à son octroi, que ces conditions découlent des normes qui la régissent, qu'elles aient été fixées par la personne publique dans sa décision d'octroi, qu'elles aient fait l'objet d'une convention signée avec le bénéficiaire, ou encore qu'elles découlent implicitement mais nécessairement de l'objet même de la subvention. Il en résulte que les conditions mises à l'octroi d'une subvention sont fixées par la personne publique au plus tard à la date à laquelle cette subvention est octroyée. Sur le moyen d'annulation retenu par les premiers juges : 8. Aux termes de l'article 5, relatif au versement de la dotation jeunes agriculteurs, de la décision précitée du 4 avril 2017 d'attribution de l'aide, ce versement " est effectué en deux fractions : - la première fraction (acompte) (...) est versée sur justification de la réalisation de l'installation. Cette réalisation de l'installation sera confirmée par l'établissement d'un certificat de conformité. Elle devra être conforme à la situation initiale décrite dans le plan d'entreprise et s'être effectuée au plus tard 9 mois à compter de la date de la présente décision (...). Le bénéficiaire doit adresser à la Chambre d'agriculture de Maine-et-Loire le formulaire de demande de paiement, ainsi que les pièces justificatives nécessaires au paiement, au plus tard dans un délai de 12 mois à compter de la date de la présente décision ". 9. La présidente du conseil régional de la Région Pays de la Loire, autorité de gestion de l'aide en cause, et la préfète de Maine-et-Loire étaient compétentes en vertu des dispositions précitées des articles D. 343-12 et D. 343-17 du code rural et de la pêche maritime pour décider de cette aide et en fixer le montant. Elles tenaient, dès lors, de leur qualité d'autrices de la décision du 4 avril 2017, le pouvoir d'imposer à son bénéficiaire, par cette décision, une condition à l'octroi de la subvention consistant dans la présentation dans un délai déterminé de la demande de paiement, complétée des pièces justificatives nécessaires au contrôle de sa conformité. En effet, le respect d'une telle condition, sans découler nécessairement de l'objet même de cette subvention, présentait une utilité pour la bonne mise en œuvre de celle-ci. 10. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Nantes a jugé que la décision du 11 mars 2019 de la présidente du conseil régional des Pays de la Loire était entachée d'une erreur de droit, faute de base légale. 11. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal. Sur les autres moyens soulevés par M. B... : 12. En premier lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable. ". Aux termes de l'article L. 122-1 du même code : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. (...) ". Aux termes de l'article L. 211-2 du même code : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...)/ 4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits ; / 5° Opposent une prescription, une forclusion ou une déchéance ; / 6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir (...) ". 13. La décision contestée mentionne les considérations de droit qu'elle applique. Elle précise, en particulier, que l'intéressé ne répond pas aux conditions définies à l'article 19 du règlement (UE) n° 1305/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013, qui édicte les modalités d'octroi de la dotation jeunes agriculteurs. Elle est, par suite, contrairement à ce que soutient M. B..., suffisamment motivée en droit. 14. En deuxième lieu, la décision contestée a été prise sur demande de M. B.... De plus, elle se borne à exécuter la décision d'octroi de l'aide du 4 avril 2017 en tirant les conséquences du non-respect d'une condition posée par cette dernière. Elle n'en constitue donc pas le retrait. Enfin, elle n'a pas été prise en considération de la personne de l'intéressé. Le moyen tiré de l'absence de mise en œuvre de la procédure contradictoire préalablement à son édiction doit, dès lors, être écarté comme inopérant. 15. En dernier lieu, il est constant que la demande de paiement formée par M. B... n'a été complétée par la transmission d'une copie des baux ruraux et par celle des justificatifs des investissements nécessaires au démarrage de l'activité qu'en septembre 2018, soit plus de douze mois après l'octroi de la dotation jeunes agriculteurs. Les circonstances selon lesquelles l'intimé n'aurait pas reçu les relances de l'administration tendant à la production de ces pièces et que l'administration les aurait préalablement obtenues dans le cadre de l'instruction de la demande d'autorisation d'exploitation le concernant sont sans incidence sur le caractère tardif de la transmission dans le cadre de la demande de paiement de l'aide en litige. Les moyens tirés de l'erreur de fait et d'appréciation invoqués au regard de cette tardiveté doivent, dès lors, être écartés. 16. Il résulte de tout ce qui précède que la région Pays de la Loire est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision de la présidente de son conseil régional du 11 mars 2019. Sur les frais d'instance : 17. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B..., la somme que la Région Pays de la Loire demande sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : L'intervention du ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire est admise. Article 2 : Le jugement du 9 juin 2022 du tribunal administratif de Nantes est annulé. Article 3 : La demande de M. B... devant le tribunal administratif de Nantes est rejetée. Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la Région des Pays de la Loire, à M. A... B... et au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Brisson, présidente, - M. Vergne, président assesseur, - M. Catroux, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 novembre 2023. Le rapporteur, X. CATROUXLa présidente, C. BRISSON La greffière, A. MARTIN La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire en ce qui le concerne, et à tous commisaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22NT02531 |
CETATEXT000048424290 | J4_L_2023_11_00022NT02534 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/42/CETATEXT000048424290.xml | Texte | CAA de NANTES, 4ème chambre, 17/11/2023, 22NT02534, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-17 00:00:00 | CAA de NANTES | 22NT02534 | 4ème chambre | excès de pouvoir | C | M. LAINÉ | LEROY CHARLINE | Mme Pénélope PICQUET | Mme ROSEMBERG | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes l'annulation de l'arrêté du 30 avril 2020 par lequel le préfet des Côtes-d'Armor lui a ordonné de se dessaisir de toutes les armes en sa possession dans un délai de trois mois, lui a interdit d'acquérir ou de détenir des armes de toute catégorie et a prononcé le retrait de la validation de son permis de chasser. Par un jugement no 2002591 du 2 juin 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 1er juillet 2022, M. B..., représenté par Me Leroy, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 2 juin 2022 ; 2°) d'annuler l'arrêté du 30 avril 2020 du préfet des Côtes-d'Armor ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la procédure de dessaisissement d'armes a été instruite dans des délais anormalement longs ; - il n'a pas eu accès à l'information transmise par l'agence régionale de santé du 17 février 2017, visée dans l'arrêté contesté ; - les faits qui lui sont reprochés sont anciens et les violences pour lesquelles il a été condamné ont lieu avec sa voiture, c'est-à-dire une arme par destination, et non une arme par nature ; - il ne revêt nullement un caractère de dangerosité, que ce soit pour lui-même ou pour les autres et, depuis les faits, sa vie est redevenue normale ; - dès lors que le dessaisissement sera annulé, il y aura lieu d'annuler également l'interdiction de détenir ou d'acquérir des armes enregistrée au fichier national des interdits d'acquisition et de détention d'armes ; - dès lors que le dessaisissement sera annulé, il y aura lieu d'annuler également le retrait de la validation du permis de chasser. Par un mémoire en défense, enregistré le 10 novembre 2022, le préfet des Côtes-d'Armor conclut au rejet de la requête. Il soutient que : - la requête est irrecevable dès lors qu'elle se borne à reproduire à l'identique la demande de première instance ; - il était en situation de compétence liée et en tout état de cause, les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés. Vu : - le code pénal ; - le code de la sécurité intérieure ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Picquet, - et les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. Le 24 novembre 2016, M. B... a déclaré auprès des services préfectoraux l'acquisition d'une carabine de marque Marlin. Le préfet des Côtes-d'Armor a alors constaté que l'intéressé avait fait l'objet d'une condamnation pénale pour des faits commis le 7 novembre 2013 de refus par un conducteur d'obtempérer à une sommation de s'arrêter dans des circonstances exposant directement autrui à un risque de mort ou d'infirmité, de délit de fuite après un accident par le conducteur d'un véhicule terrestre et de violence avec usage ou menace d'une arme sans incapacité. Par courrier du 10 mars 2017, M. B... a été informé qu'une procédure de dessaisissement des armes en sa possession était envisagée et invité à présenter ses éventuelles observations. En réponse, M. B... a proposé de se soumettre à une expertise psychologique. Le 12 octobre 2018, le préfet des Côtes-d'Armor lui a rappelé qu'il demeurait en attente de cette expertise auprès d'un médecin agréé pour prendre sa décision. Par arrêté du 30 avril 2020, le préfet des Côtes-d'Armor a ordonné à M. B... de se dessaisir de toutes les armes en sa possession dans un délai de trois mois, lui a interdit d'acquérir ou de détenir des armes de toute catégorie, a retiré la validation de son permis de chasser et l'a informé de son inscription au Fichier national des interdits d'acquisition et détention d'armes (FINIADA). M. B... a demandé au tribunal administratif de Rennes l'annulation de cet arrêté préfectoral. Par un jugement du 2 juin 2022, le tribunal administratif a rejeté sa demande. Il fait appel de ce jugement. 2. Aux termes de l'article L. 312-11 du code de la sécurité intérieure dans sa rédaction alors applicable : " Sans préjudice des dispositions de la sous-section 1, le représentant de l'Etat dans le département peut, pour des raisons d'ordre public ou de sécurité des personnes, ordonner à tout détenteur d'une arme, de munitions et de leurs éléments de toute catégorie de s'en dessaisir. (...) ". Aux termes de l'article L. 312-3 du même code dans sa rédaction alors applicable : " Sont interdites d'acquisition et de détention d'armes, de munitions et de leurs éléments des catégories A, B et C : 1° Les personnes dont le bulletin n° 2 du casier judiciaire comporte une mention de condamnation pour l'une des infractions suivantes : (...) - violences volontaires prévues aux articles 222-7 et suivants dudit code ; (...) ". Aux termes de l'article 222-13 du code pénal : " Les violences ayant entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à huit jours ou n'ayant entraîné aucune incapacité de travail sont punies de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende lorsqu'elles sont commises (...) 10° Avec usage ou menace d'une arme ; (...) ". Aux termes de l'article 132-75 du code pénal : " Est une arme tout objet conçu pour tuer ou blesser. Tout autre objet susceptible de présenter un danger pour les personnes est assimilé à une arme dès lors qu'il est utilisé pour tuer, blesser ou menacer ou qu'il est destiné, par celui qui en est porteur, à tuer, blesser ou menacer. (...) ". Aux termes de l'article L. 312-16 du code de la sécurité intérieure : " Un fichier national automatisé nominatif recense : (...) 2° Les personnes interdites d'acquisition et de détention d'armes des catégories A, B et C en application de l'article L. 312-3 ; (...) ". Aux termes de l'article R. 312-67 de ce code : " Le préfet ordonne la remise ou le dessaisissement de l'arme ou de ses éléments dans les conditions prévues aux articles L. 312-7 ou L. 312-11 lorsque : 1° Le demandeur ou le déclarant se trouve dans une situation prévue aux 1°, 2° ou 3° de l'article L. 312-16 ; (...) ". 3. Il ressort de l'arrêté contesté du 30 avril 2020 que le préfet des Côtes-d'Armor, pour ordonner à M. B... de se dessaisir de toutes les armes en sa possession dans un délai de trois mois s'est fondé sur l'article L. 312-3 du code de la sécurité intérieure, en retenant que le bulletin n° 2 du casier judiciaire de l'intéressé comportait une condamnation mentionnée à l'article précité. Il ressort des pièces du dossier que le tribunal de grande instance de Saint-Brieuc a prononcé à l'encontre de M. B..., le 20 janvier 2014, une peine de cinq mois d'emprisonnement notamment pour violence avec usage ou menace d'une arme sans incapacité. Le requérant ne saurait utilement se prévaloir de ce que les faits sont anciens, dès lors qu'il n'est ni établi ni même allégué qu'il aurait obtenu l'effacement de la condamnation précitée du bulletin n° 2 de son casier judiciaire. En tout état de cause, contrairement à ce qu'il soutient, une voiture peut être regardée comme une arme par destination au sens de l'article 132-75 du code pénal donc comme une arme au sens de l'article 222-13 du même code. Dans ces conditions, et quelle que soit par ailleurs l'attitude de l'intéressé depuis cette condamnation, le préfet était tenu, en application des dispositions précitées du 1° de l'article L. 312-3, et des articles L. 312-16 et R. 312-67 du code de la sécurité intérieure de prendre à son encontre une mesure d'interdiction d'acquisition et de détention d'armes des catégories A, B et C et de dessaisissement de ses armes, ainsi que, par voie de conséquence, de procéder à son inscription au FINIADA et au retrait de son permis de chasse. Compte tenu de la situation de compétence liée dans laquelle se trouvait le préfet, les autres moyens soulevés par M. B... à l'encontre de l'arrêté contesté, qui n'ont pas pour objet de remettre en cause cette compétence liée, sont inopérants. 4. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le préfet, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions relatives aux frais liés au litige. DECIDE : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au préfet des Côtes-d'Armor. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Lainé, président de chambre, - M. Derlange, président assesseur, - Mme Picquet, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 novembre 2023. La rapporteure P. Picquet Le président L. LainéLe greffier La rapporteure P. Picquet Le président L. LainéLe greffier C. Wolf La République mande et ordonne au préfet des Côtes-d'Armor en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22NT02534 |
CETATEXT000048424291 | J4_L_2023_11_00022NT02684 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/42/CETATEXT000048424291.xml | Texte | CAA de NANTES, 4ème chambre, 17/11/2023, 22NT02684, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-17 00:00:00 | CAA de NANTES | 22NT02684 | 4ème chambre | excès de pouvoir | C | M. LAINÉ | LAUNAY | Mme Pénélope PICQUET | Mme ROSEMBERG | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Le groupe " Bien vivre ensemble à Vue ", M. B... E..., M. F... C... et M. A... D... ont demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation des délibérations prises lors de la séance du conseil municipal de la commune de Vue (Loire-Atlantique) du 26 mai 2021. Par un jugement no 2107093 du 29 juin 2022, le tribunal administratif de Nantes a annulé ces délibérations. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 12 août 2022 et régularisée le 13 septembre 2022, la commune de Vue, représentée par Me Launay, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 29 juin 2022 ; 2°) de rejeter la demande du groupe " Bien vivre ensemble à Vue ", de M. E..., de M. C... et de M. D... ; 3°) de mettre à la charge solidairement de ces derniers une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la demande de première instance était irrecevable pour défaut de qualité à agir et pour absence d'intérêt à agir et elle ne comportait aucun moyen, en méconnaissance de l'article R. 411-1 du code de justice administrative et dès lors que la délibération du 26 mai 2021 décidant le huis clos était devenue définitive faute de contestation et de production de cette délibération à l'appui de la demande de première instance ; - M. E... pouvait être exclu de la séance du conseil municipal en application de l'article L. 2121-16 du code général des collectivités territoriales ; - l'article L. 2121-18 du code général des collectivités territoriales n'a pas été méconnu. Par un mémoire en défense, enregistré le 1er mars 2023, M. E..., M. C... et M. D... concluent : 1°) au rejet de la requête ; 2°) à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Vue une somme de 2 400 euros au bénéfice de M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que : - la demande de première instance n'était pas irrecevable ; - les délibérations en cause ont été prises en méconnaissance des articles L. 2121-16 et L. 2121-18 du code général des collectivités territoriales. Vu : - le code général des collectivités territoriales ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Picquet, - les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique, - et les observations de Me Launay pour la commune de Vue et de Me Crestin pour MM. E..., C... et D.... Considérant ce qui suit : 1. MM. E..., D... et C... étaient conseillers municipaux d'opposition de la commune de Vue, rassemblés sur la liste " Bien vivre ensemble à Vue ". Lors de la séance du conseil municipal du 26 mai 2021, un incident verbal a opposé M. E... et la maire en raison du refus réitéré du conseiller municipal d'appeler le premier édile par son titre " Mme la maire ". La maire a alors demandé à M. E... de sortir de la salle en raison du trouble à l'ordre public que selon elle il occasionnait. Face au refus de l'intéressé, elle a suspendu la séance du conseil municipal pour appeler les forces de l'ordre. A l'arrivée de la gendarmerie, M. E... a obtempéré et a quitté la salle. Ses colistiers, M. C... et M. D..., l'ont accompagné à l'extérieur de la salle. La maire a alors demandé au public et aux journalistes présents de quitter la salle du conseil municipal et les portes de la salle ont été fermées. Estimant que les conditions de mise en œuvre du huis clos n'avaient pas été respectées, le groupe " Bien vivre ensemble à Vue ", M. E..., M. C... et M. D... ont demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation de l'ensemble des délibérations adoptées lors de la séance du conseil municipal de Vue du 26 mai 2021. Par un jugement du 29 juin 2022, le tribunal administratif de Nantes a annulé ces délibérations. La commune de Vue fait appel de ce jugement. Sur les fins de non-recevoir opposées à la demande de première instance : 2. En premier lieu, il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, les fins de non-recevoir tirées de ce que la demande de première instance était irrecevable pour défaut de qualité à agir, absence de moyen en méconnaissance de l'article R. 411-1 du code de justice administrative et dès lors que la délibération du 26 mai 2021 décidant le huis clos était devenue définitive, que la commune de Vue reprend en appel sans apporter d'éléments nouveaux. 3. En second lieu, la seule circonstance, à la supposer établie, que M. C... se serait volontairement exclu du conseil municipal lors de la séance du 26 mai 2021 n'est pas de nature à le priver de son intérêt pour agir, qu'il tient de sa seule qualité de membre de l'assemblée délibérante, à l'encontre des délibérations votées par le conseil municipal le 26 mai 2021. Par conséquent, la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt pour agir de M. C... doit être écartée. Sur les conclusions à fin d'annulation : 4. Aux termes de l'article L. 2121-16 du code général des collectivités territoriales : " Le maire a seul la police de l'assemblée. / Il peut faire expulser de l'auditoire ou arrêter tout individu qui trouble l'ordre. En cas de crime ou de délit, il en dresse un procès-verbal et le procureur de la République en est immédiatement saisi. ". Aux termes de l'article L. 2121-18 du même code : " Les séances des conseils municipaux sont publiques. / Néanmoins, sur la demande de trois membres ou du maire, le conseil municipal peut décider, sans débat, à la majorité absolue des membres présents ou représentés, qu'il se réunit à huis clos. (...) ". 5. Il ressort des pièces du dossier que la maire de la commune de Vue a demandé aux forces de l'ordre, dans le cadre des pouvoirs de police de l'assemblée qu'elle tient de l'article L. 2121-16 du code général des collectivités territoriales, d'expulser de la salle du conseil municipal, lors de la séance du 26 mai 2021, un conseiller municipal, M. E.... Il n'est pas contesté par la commune que lors de cette expulsion, la maire a également demandé au public de sortir de cette salle. Le huis clos a été voté par les membres du conseil municipal présents dans la salle sans que le public ait eu la possibilité de revenir dans la salle avant ce vote. Ainsi, le vote du huis clos n'a pas eu lieu lors d'une séance publique. Dans ces conditions, la méconnaissance des dispositions de l'article L. 2121-18 du code général des collectivités territoriales constituant une irrégularité substantielle, les délibérations adoptées lors de cette séance à huis clos doivent être annulées. 6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen soulevé, que la commune de Vue n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé les délibérations prises lors de la séance du conseil municipal du 26 mai 2021. Sur les frais liés au litige : 7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de MM. E..., C... et D..., qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée à ce titre par la commune de Vue. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Vue une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés en appel par M. C... et non compris dans les dépens. DECIDE : Article 1er : La requête de la commune de Vue est rejetée. Article 2 : La commune de Vue versera à M. C... une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Vue, à M. B... E..., à M. F... C... et à M. A... D.... Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Lainé, président de chambre, - M. Derlange, président assesseur, - Mme Picquet, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 novembre 2023. La rapporteure P. Picquet Le président L. LainéLe greffier La rapporteure P. Picquet Le président L. LainéLe greffier C. Wolf La République mande et ordonne au préfet de la Loire-Atlantique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22NT02684 |
CETATEXT000048424292 | J4_L_2023_11_00022NT02751 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/42/CETATEXT000048424292.xml | Texte | CAA de NANTES, 4ème chambre, 17/11/2023, 22NT02751, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-17 00:00:00 | CAA de NANTES | 22NT02751 | 4ème chambre | excès de pouvoir | C | M. LAINÉ | CENTAURE AVOCATS CLAISSE | Mme Pénélope PICQUET | Mme ROSEMBERG | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis 15B Allée du Commandant F... à Nantes, Mme L... D... B... et M. E... D..., MM. Pierre et Lionel B..., Mme K... et M. N... I..., MM. Amaury, Christophe et Jacques de Lepinau, M. A... M..., ainsi que la société civile immobilière Friedland ont demandé au tribunal administratif de Nantes de désigner un expert avant de juger et d'une part, d'annuler l'arrêté du 19 mars 2019 par lequel la présidente de Nantes Métropole a déclaré en état de péril le bâtiment A de l'immeuble situé 15 bis Allée du Commandant F... à Nantes et mis en demeure les copropriétaires concernés de réaliser les travaux afin d'y mettre fin et d'annuler la décision implicite de rejet du recours gracieux formé contre cet arrêté et la décision expresse du 11 juillet 2019 rejetant ce recours, d'autre part, d'annuler l'arrêté du 1er août 2019 par lequel la présidente de Nantes Métropole a déclaré en état de péril le bâtiment A de l'immeuble situé 15 bis Allée du Commandant F... à Nantes et mis en demeure les copropriétaires concernés de réaliser les travaux destinés à y mettre fin. Mme C... G... et M. J... H... ont, quant à eux, demandé au tribunal d'annuler l'arrêté du 4 août 2021 par lequel la présidente de Nantes Métropole a abrogé l'arrêté de péril du 1er août 2019 relatif au bâtiment A de l'immeuble situé au 15B allée du Commandant F... à Nantes et d'enjoindre à la présidente de Nantes Métropole de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir la sécurité publique en prescrivant l'ancrage, l'appui et le traitement des poutres, ainsi que le remplacement des planchers de leur logement, sous astreinte de 500 euros par jour de retard. Par un jugement nos 1907867, 1910617 et 2109930 du 23 juin 2022, le tribunal administratif de Nantes a annulé l'arrêté de la présidente de Nantes Métropole du 4 août 2021 en tant qu'il prononce la mainlevée des dispositions de l'arrêté du 1er août 2019 par lesquelles cette autorité a mis en demeure les copropriétaires concernés de réaliser les travaux de remplacement ou de doublage des poutres supportant le sol des pièces humides du logement appartenant à Mme G... et à M. H..., situé au premier étage du bâtiment A (article 1er), a annulé l'arrêté de la présidente de Nantes Métropole du 1er août 2019 en tant qu'il met en demeure les copropriétaires concernés de réaliser les travaux de remplacement ou de doublage des poutres supportant le sol des pièces humides du logement appartenant à Mme G... et à M. H..., situé au premier étage du bâtiment A (article 2), a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions tendant à l'annulation des dispositions de l'arrêté de la présidente de Nantes Métropole du 1er août 2019 prescrivant la réalisation des autres travaux liés à l'état de péril affectant le bâtiment A (article 3) et sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté de la présidente de Nantes Métropole du 19 mars 2019, et de la décision rejetant le recours gracieux formé contre cet arrêté (article 4) et a rejeté le surplus des conclusions présentées par Mme G... et M. H... (article 5). Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 22 août 2022, et un mémoire, enregistré le 21 avril 2023, qui n'a pas été communiqué, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis 15B Allée du Commandant F... à Nantes, Mme L... D... B... et M. E... D..., MM. Pierre et Lionel B..., Mme K... et M. N... I..., MM. Amaury, Christophe et Jacques de Lepinau, M. A... M..., ainsi que la société civile immobilière Friedland, représentés par Me Maudet, demandent à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 23 juin 2022 en tant qu'il a rejeté leurs demandes d'annulation et en tant qu'il a annulé l'arrêté du 4 août 2021 en tant qu'il prononce la mainlevée des dispositions de l'arrêté du 1er août 2019 par lesquelles cette autorité a mis en demeure les copropriétaires concernés de réaliser les travaux de remplacement ou de doublage des poutres supportant le sol des pièces humides du logement appartenant à Mme G... et à M. H..., situé au premier étage du bâtiment A ; 2°) d'annuler les arrêtés des 19 mars 2019 et 1er août 2019 de la présidente de Nantes Métropole ; 3°) de mettre à la charge de Nantes Métropole une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que : - il n'y avait pas non-lieu à statuer s'agissant de l'arrêté de la présidente de Nantes Métropole du 19 mars 2019 et s'agissant de l'arrêté de la présidente de Nantes Métropole du 1er août 2019 en tant qu'il portait sur les travaux autres que ceux à effectuer dans le logement de Mme G... et de M. H..., dès lors que ces arrêtés entraînaient la suspension de l'ensemble des loyers versés en contrepartie de l'occupation d'un logement ; - les arrêtés des 19 mars 2019 et 1er août 2019 ont été pris sans respecter le principe du contradictoire, ce qui a privé M. D..., Mme B... et le syndic d'une garantie ; - l'arrêté du 4 août 2021 ne devait pas être annulé par le tribunal dès lors que les travaux concernant les poutres ont été effectués. Par un mémoire en défense, enregistré le 28 mars 2023, Nantes Métropole, représentée par Me Moghrani, conclut : 1°) au rejet de la requête en tant qu'elle est dirigée contre le jugement attaqué en tant qu'il a jugé que les conclusions à fin d'annulation dirigées contre les arrêtés du 19 mars 2019 et 1er août 2019, pour ce dernier concernant les travaux autres que ceux à effectuer dans le logement de Mme G... et M. H..., étaient devenues sans objet et qu'il n'y avait plus lieu d'y statuer ; 2°) par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a annulé l'arrêté du 1er août 2019 en tant qu'il met en demeure les copropriétaires concernés de réaliser les travaux de remplacement ou de doublage des poutres supportant le sol des pièces humides du logement appartenant à Madame G... et Monsieur H... situé au premier étage du bâtiment A ; 3°) à ce qu'il soit mis à la charge du syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis 15B Allée du Commandant F... à Nantes, de Mme L... D... B... et M. E... D..., de MM. Pierre et Lionel B..., de Mme K... et M. N... I..., de MM. Amaury, Christophe et Jacques de Lepinau, de M. A... M... et de la société civile immobilière Friedland une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - comme l'ont jugé les premiers juges, il y avait non-lieu à statuer s'agissant de l'arrêté de la présidente de Nantes Métropole du 19 mars 2019 et s'agissant de l'arrêté de la présidente de Nantes Métropole du 1er août 2019 en tant qu'il portait sur les travaux autres que ceux à effectuer dans le logement de Mme G... et de M. H... ; - l'arrêté du 4 août 2021 n'avait pas à être annulé dès lors que les travaux qui avaient été prescrits par l'architecte expert, et dont la réalisation était sollicitée aux termes de l'arrêté de péril du 1er août 2019, ont bien été réalisés dans leur intégralité ; - un non-lieu à statuer aurait dû être prononcé s'agissant des conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er août 2019 en tant qu'il prescrivait des travaux de remplacement ou de doublage des poutres et à titre subsidiaire, dès lors que l'information a été donnée au syndicat des copropriétaires par le biais du syndic, conformément aux dispositions de l'article R. 511-6 du code de la construction et de l'habitation, l'obligation d'information prescrite par les dispositions de l'article R. 511-1 du même code doit être regardée comme étant satisfaite. La requête a été communiquée à Mme C... G... et M. J... H... qui n'ont pas produit de mémoire en défense. Mme G... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 octobre 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de la construction et de l'habitation ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Picquet, - les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique, - et les observations de Me Paulic, pour le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis 15B allée du Commandant F... et autres, et de Me Reis substituant Me Moghrani pour Nantes Métropole. Une note en délibéré, présentée pour le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis 15B allée du Commandant F... et autres, a été enregistrée le 25 octobre 2023. Considérant ce qui suit : 1. Au 15 bis allée du Commandant F... à Nantes (Loire-Atlantique) est implanté un immeuble composé de quatre bâtiments. Le bâtiment A de cet immeuble, dont la façade principale donne sur cette voie publique, comprend lui-même quatre niveaux surmontés de combles aménagés. Par un arrêté du 19 mars 2019 pris sur le fondement des dispositions des articles L. 511-1 et L. 511-2 du code de la construction et de l'habitation relatives à la procédure dite de "péril ordinaire", la présidente de Nantes Métropole, établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre compétent en matière d'habitat, a prescrit à différents copropriétaires de l'immeuble la réalisation d'un certain nombre de travaux destinés à remédier à des désordres affectant les poutres des pièces humides du logement situé au 1er étage, appartenant à Mme C... G... et M. J... H..., les façades du puits de lumière édifié sur le mur pignon Est du bâtiment, la façade Nord-Ouest de ce bâtiment donnant sur la cour commune intérieure, la façade Est du patio et le palier haut du quatrième étage. Un recours gracieux formé contre cet arrêté a été rejeté. L'arrêté du 19 mars 2019 a cependant été abrogé par l'article 1er d'un arrêté de la présidente de Nantes Métropole du 1er août 2019, pour inclure de nouveaux copropriétaires, et l'article 2 de ce même arrêté a prescrit de nouveau la réalisation de ces mêmes travaux sur le fondement des dispositions des articles L. 511-1 et L. 511-2 du code de la construction et de l'habitation. Par un arrêté du 4 août 2021, la présidente de Nantes Métropole, après avoir estimé que l'ensemble de ces travaux avaient été exécutés et qu'il avait été mis fin à l'état de péril ayant affecté le bâtiment A, a abrogé l'ensemble des dispositions de son arrêté du 1er août 2019. Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis 15B allée du Commandant F... à Nantes, Mme L... D... B... et M. E... D..., MM. Pierre et Lionel B..., Mme K... et M. N... I..., MM. Amaury, Christophe et Jacques de Lepinau, M. A... M..., ainsi que la société civile immobilière Friedland, copropriétaires auxquels incombe la réalisation des travaux prescrits, ont demandé au tribunal administratif de Nantes de désigner un expert avant de juger et, d'une part, d'annuler l'arrêté précité du 19 mars 2019 et d'annuler la décision implicite de rejet du recours gracieux formé contre cet arrêté et la décision expresse du 11 juillet 2019 rejetant ce recours, d'autre part, d'annuler l'arrêté précité du 1er août 2019. Mme C... G... et M. J... H... ont, quant à eux, demandé au tribunal d'annuler l'arrêté précité du 4 août 2021 et d'enjoindre à la présidente de Nantes Métropole de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir la sécurité publique en prescrivant l'ancrage, l'appui et le traitement des poutres, ainsi que le remplacement des planchers de leur logement, sous astreinte de 500 euros par jour de retard. Par un jugement du 23 juin 2022, le tribunal administratif a annulé l'arrêté de la présidente de Nantes Métropole du 4 août 2021 en tant qu'il prononce la mainlevée des dispositions de l'arrêté du 1er août 2019 mettant en demeure les copropriétaires concernés de réaliser les travaux de remplacement ou de doublage des poutres supportant le sol des pièces humides du logement appartenant à Mme G... et à M. H..., situé au premier étage du bâtiment A (article 1er), a annulé l'arrêté de la présidente de Nantes Métropole du 1er août 2019 en tant qu'il met en demeure les copropriétaires concernés de réaliser les travaux de remplacement ou de doublage des poutres supportant le sol des pièces humides du logement appartenant à Mme G... et à M. H... (article 2), a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions tendant à l'annulation des dispositions de l'arrêté de la présidente de Nantes Métropole du 1er août 2019 prescrivant la réalisation des autres travaux liés à l'état de péril affectant le bâtiment A (article 3) et sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté de la présidente de Nantes Métropole du 19 mars 2019 et de la décision rejetant le recours gracieux formé contre cet arrêté (article 4) et a rejeté le surplus des conclusions présentées par Mme G... et M. H... (article 5). Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis 15B allée du Commandant F... à Nantes et autres font appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté leurs demandes d'annulation et en tant qu'il a annulé l'arrêté du 4 août 2021 en tant qu'il prononce la mainlevée des dispositions de l'arrêté du 1er août 2019 mettant en demeure les copropriétaires concernés de réaliser les travaux de remplacement ou de doublage des poutres supportant le sol des pièces humides du logement appartenant à Mme G... et à M. H.... Nantes Métropole, par la voie de l'appel incident, fait appel de ce jugement en tant qu'il a annulé l'arrêté du 1er août 2019 en tant qu'il met en demeure les copropriétaires concernés de réaliser les travaux de remplacement ou de doublage des poutres supportant le sol des pièces humides du logement appartenant à Madame G... et Monsieur H.... 2. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de la construction et de l'habitation dans sa rédaction alors applicable : " Le maire peut prescrire la réparation (...) des murs, bâtiments ou édifices quelconques lorsqu'ils menacent ruine et qu'ils pourraient, par leur effondrement, compromettre la sécurité ou lorsque, d'une façon générale, ils n'offrent pas les garanties de solidité nécessaires au maintien de la sécurité publique, dans les conditions prévues à l'article L. 511-2. (...) ". Selon les dispositions alors inscrites au premier alinéa du I de l'article L. 511-2 de ce code : " Le maire, par un arrêté de péril pris à l'issue d'une procédure contradictoire dont les modalités sont définies par décret en Conseil d'Etat, met le propriétaire de l'immeuble menaçant ruine (...) en demeure de faire dans un délai déterminé, selon le cas, les réparations nécessaires pour mettre fin durablement au péril ou les travaux de démolition (...) ". Les dispositions du premier alinéa du III de ce même article énoncent : " Sur le rapport d'un homme de l'art, le maire constate la réalisation des travaux prescrits ainsi que leur date d'achèvement et prononce la mainlevée de l'arrêté de péril et, le cas échéant, de l'interdiction d'habiter et d'utiliser les lieux. ". 3. Aux termes des dispositions du dernier alinéa du A du I de l'article L. 5211-9-2 du code général des collectivités territoriales, " (...) les maires des communes membres d'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre compétent en matière d'habitat transfèrent au président de cet établissement les prérogatives qu'ils détiennent en application des articles (...) L. 511-1 à L. 511-4, (...) du code de la construction et de l'habitation. (...). ". 4. La contestation d'un arrêté de péril ordinaire, pris sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 511-1 et du I de l'article L. 511-2 du code de la construction et de l'habitation, relève du plein contentieux. Sur les conclusions présentées par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis 15B allée du Commandant F... à Nantes et autres : En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué : 5. En premier lieu, il résulte de l'instruction que l'article 1er de l'arrêté de la présidente de Nantes Métropole du 1er août 2019 a abrogé l'ensemble des dispositions de l'arrêté pris par cette même autorité le 19 mars 2019. Cet arrêté du 19 mars 2019 a été remplacé par les dispositions des articles 2 et suivants de l'arrêté du 1er août 2019 qui sont de même portée et qui étaient également contestées par les requérants devant le tribunal administratif et ce dernier, dans le jugement attaqué, ayant statué par une même décision, n'a pas annulé l'arrêté du 1er août 2019 en tant qu'il a abrogé l'arrêté du 19 mars 2019. Par conséquent, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis 15B allée du Commandant F... à Nantes et autres ne sont pas fondés à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité en ayant prononcé à tort un non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté de la présidente de Nantes Métropole du 19 mars 2019 et de la décision rejetant le recours gracieux formé contre cet arrêté. 6. En second lieu, lorsque l'autorité administrative, en cas de péril, met en demeure les intéressés de réaliser des réparations, sur le fondement des dispositions de l'article L. 511-2 du code de la construction et de l'habitation, l'exécution complète des mesures prescrites par cette mise en demeure prive d'objet le recours tendant à son annulation, sur lequel il n'y a, dès lors, plus lieu de statuer. 7. Il résulte de l'instruction que, par un arrêté du 4 août 2021, pris au cours de la première instance, la présidente de Nantes Métropole, sur le rapport d'un architecte missionné par cet établissement public, a estimé que les travaux prescrits par son arrêté du 1er août 2019 avaient été entièrement réalisés et que le bâtiment A n'était plus en état de péril. En conséquence, elle a, par cet arrêté du 4 août 2021, prononcé la mainlevée de son arrêté du 1er août 2019. 8. Il est constant que les travaux liés aux désordres affectant les façades du puits de lumière, la façade Nord-Ouest, la façade Est du patio et le palier haut du quatrième étage, prescrits par l'arrêté du 1er août 2019, ont été réalisés. D'ailleurs, l'arrêté du 4 août 2021 ayant prononcé la mainlevée n'a pas été contesté devant le tribunal en tant qu'il portait sur ces travaux. La circonstance que l'arrêté précité a également eu pour conséquence la suspension des loyers versés pour l'occupation des logements, telle que prévue à l'article L. 521-2 du code de la construction et de l'habitation, est sans incidence sur le contentieux objectif seul ici en cause, les requérants n'ayant présenté aucune demande indemnitaire. Par conséquent, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis 15B allée du Commandant F... à Nantes et autres ne sont pas fondés à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité en ayant à tort prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions tendant à l'annulation des dispositions de l'arrêté de la présidente de Nantes Métropole du 1er août 2019 en tant qu'il a prescrit la réalisation des travaux liés aux désordres affectant les façades du puits de lumière, la façade Nord-Ouest, la façade Est du patio et le palier haut du quatrième étage, liés à l'état de péril affectant le bâtiment A. En ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué : 9. Il résulte des dispositions citées au point 2 du III de l'article L. 511-2 et du dernier alinéa du A du I de l'article L. 5211-9-2 du code général des collectivités territoriales que la présidente d'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre compétent en matière d'habitat ne peut prononcer la mainlevée d'un arrêté de péril et, le cas échéant, de l'interdiction d'habiter et d'utiliser les lieux, si les travaux prescrits par cet arrêté n'ont pas été entièrement réalisés. 10. L'arrêté de péril du 1er août 2019 prescrivait la réalisation du " remplacement ou doublement des poutres bois des pièces humides du logement situé au niveau 1er (lot 5) ". Pour constater la réalisation des travaux ainsi prescrits, la présidente de Nantes Métropole s'est fondée sur les constatations retracées dans le rapport établi le 1er juillet 2021 de l'architecte et expert judiciaire qui avait établi le constat initial le 28 juin. Il résulte des termes de ce rapport, étayé de photographies, que l'architecte a indiqué que " les poutres bois du niveau 1 se trouvant dans les pièces humides de l'appartement (...) ont été remplacées et ou doublées par des nouvelles poutres bois de section similaire " et que " le traitement du bois a été réalisé ". Toutefois, ce rapport précise également que " le traitement des planchers au-dessus de l'alimentation reste à réaliser afin de lever l'état de péril. ". Un rapport établi le 15 décembre 2021 par un expert dans le domaine du bois, produit devant le tribunal et auquel sont jointes des photographies, précise que, s'agissant du plancher intermédiaire du logement n° 5, la zone au-dessus du local commercial n'a pas été traitée, les poutres n'ayant pas été renforcées. Aucun des éléments produits dans le dossier ne vient infirmer ces éléments, les factures et les attestations communiquées n'étant pas suffisamment précises. Il n'est pas établi ni même allégué que les zones non traitées ne porteraient pas sur des pièces humides. Dans ces conditions, les travaux prescrits n'ayant pas été entièrement réalisés, le syndicat des copropriétaires et autres et Nantes Métropole ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont annulé l'arrêté de la présidente de Nantes Métropole du 4 août 2021 de mainlevée de son arrêté du 1er août 2019 en tant qu'il prescrivait le remplacement ou le doublement des poutres supportant le sol des pièces humides du logement n° 5. Sur les conclusions d'appel incident présentées par Nantes Métropole : En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué : 11. Pour les motifs indiqués au point 10, Nantes Métropole n'est pas fondée à soutenir que dès lors que l'arrêté du 4 août 2021 a prononcé la mainlevée de l'arrêté du 1er août 2019 du fait de l'exécution de l'ensemble des travaux prescrits, les conclusions tendant à l'annulation de cet arrêté du 1er août 2019 étaient devenues sans objet et que c'est à tort que les premiers juges n'ont pas prononcé un non-lieu à statuer s'agissant des conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 1er août 2019 en tant qu'il prescrivait les travaux de remplacement ou de doublement des poutres supportant le sol des pièces humides du logement n° 5. En ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué : 12. Il résulte des dispositions, citées au point 2, du premier alinéa du I de l'article L. 511-2 du code de la construction et de l'habitation et du dernier alinéa du A du I de l'article L. 5211-9-2 du code général des collectivités territoriales que la présidente d'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre compétent en matière d'habitat, à laquelle le maire a transféré les pouvoirs prévus en application des articles L. 511-1 à L. 511-4 du code de la construction et de l'habitation, ne peut prendre un arrêté de péril qu'à l'issue d'une procédure contradictoire. Aux termes de l'article R. 511-1 du code de la construction et de l'habitation : " Lorsque les désordres affectant des murs, bâtiments ou édifices sont susceptibles de justifier le recours à la procédure prévue à l'article L. 511-2, le maire en informe, en joignant tous éléments utiles en sa possession, le propriétaire et les titulaires de droits réels immobiliers et les invite à présenter leurs observations dans un délai qu'il fixe et qui ne peut être inférieur à un mois. (...) ". Selon l'article R. 511-6 du même code : " Lorsque des désordres affectant les seules parties communes d'un immeuble en copropriété sont susceptibles de justifier le recours à la procédure prévue à l'article L. 511-2, l'information prévue par l'article R. 511-1 est faite au syndicat des copropriétaires pris en la personne du syndic, qui la transmet aux copropriétaires dans un délai qui ne peut excéder vingt et un jours. / Le syndic dispose alors, pour présenter des observations, d'un délai qui ne peut être inférieur à deux mois à compter de la date à laquelle il a reçu l'information faite par le maire. ". 13. Il résulte de l'instruction que si Nantes Métropole a envoyé un courrier, daté du 10 septembre 2018, au syndic de l'immeuble situé au 15B allée du Commandant F... à Nantes afin de l'informer de la procédure de péril et de lui demander de s'assurer que l'ensemble des copropriétaires a été informé de cette procédure, le syndic n'a pas été invité à produire ses observations. De même, aucun courrier invitant Mme D... B... et M. D... à produire leurs observations sur cette procédure ne leur a été envoyé par Nantes Métropole. Les intéressés ont ainsi été, chacun, privés de la garantie tenant à la mise en œuvre, à leur égard, de la procédure contradictoire prévue par les dispositions précitées des articles L. 511-2 et R. 511-1 du code de la construction et de l'habitation. Il suit de là que la procédure à l'issue de laquelle a été pris l'arrêté de la présidente de Nantes Métropole du 1er août 2019 en tant qu'il met en demeure les copropriétaires qu'il désigne de réaliser les travaux de remplacement ou de doublage des poutres supportant le sol des pièces humides du logement appartenant à Mme G... et à M. H..., est entachée d'une irrégularité de nature à affecter la légalité des dispositions de cet arrêté liées à l'état de ces poutres. Par conséquent, Nantes Métropole n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont annulé partiellement l'arrêté du 1er août 2019 en accueillant ce moyen. 14. Il résulte de tout ce qui précède que le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis 15B allée du Commandant F... à Nantes et autres ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté le surplus de leurs demandes d'annulation et a annulé partiellement l'arrêté du 4 août 2021 et que Nantes Métropole n'est pas fondée à soutenir, par la voie de l'appel incident, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a annulé l'arrêté du 1er août 2019 en tant qu'il met en demeure les copropriétaires concernés de réaliser les travaux de remplacement ou de doublage des poutres supportant le sol des pièces humides du logement appartenant à Mme G... et M. H.... Doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions des parties relatives aux frais liés au litige. DECIDE : Article 1er : La requête du syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis 15B allée du Commandant F... à Nantes et autres est rejetée. Article 2 : Les conclusions d'appel incident de Nantes Métropole sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis 15B allée du Commandant F... à Nantes, représentant unique des requérants, à Nantes Métropole, à Mme C... G... et à M. J... H... Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Lainé, président de chambre, - M. Derlange, président assesseur, - Mme Picquet, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 novembre 2023. La rapporteure P. Picquet Le président L. LainéLe greffier La rapporteure P. Picquet Le président L. LainéLe greffier C. Wolf La République mande et ordonne au préfet de la Loire-Atlantique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22NT02751 |
CETATEXT000048424293 | J4_L_2023_11_00022NT02821 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/42/CETATEXT000048424293.xml | Texte | CAA de NANTES, 3ème chambre, 17/11/2023, 22NT02821, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-17 00:00:00 | CAA de NANTES | 22NT02821 | 3ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme BRISSON | SELAS CAP CODE | M. Xavier CATROUX | M. BERTHON | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du président de la fédération départementale des chasseurs d'Ille-et-Vilaine du 19 mars 2021 en tant qu'elle intègre au territoire de l'association communale de chasse de Parigné la parcelle D 258 située sur la commune de Parigné (Ille-et-Vilaine). Par un jugement n° 2102416 du 27 juin 2022, le tribunal administratif de Rennes a annulé cette décision. Procédure devant la cour : Par une requête et des mémoires enregistrés les 30 août 2022, 12 décembre 2022 et 27 janvier 2023, la fédération départementale des chasseurs d'Ille-et-Vilaine, représentée par Me Lagier, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 27 juin 2022 du tribunal administratif de Rennes ; 2°) de rejeter la demande de M. B... devant le tribunal ; 3°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le jugement attaqué est irrégulier, dès lors que les premiers juges n'ont pas répondu au moyen soulevé en défense tiré de ce que la décision contestée était fondée sur l'article R. 422-55 du code de l'environnement ; - c'est à tort que le tribunal a annulé la décision du président de la fédération départementale des chasseurs d'Ille-et-Vilaine au motif qu'elle méconnaissait l'article L. 422-18 du code de l'environnement, relatif aux modalité d'exercice du droit d'opposition, dès lors que cette décision est fondée sur l'article R. 422-55 du code de l'environnement qui régit l'intégration dans le territoire de la l'association de chasse agréée de fractions d'un territoire de chasse qui justifiait jusqu'alors du droit d'opposition et qui ne justifient plus à elles seules de ce droit à la suite du morcellement de ce territoire ; - les anciens propriétaires de la parcelle D. 258, qui ont consenti un bail de chasse à M. B... le 1er février 2018 puis l'ont vendu à dernier le 5 juillet 2019 ne disposaient pas du droit de chasse sur cette parcelle. Par des mémoires en défense enregistrés les 24 novembre 2022 et 12 janvier 2023, M. B..., représentée par Me Thoumazeau, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la fédération départementale des chasseurs d'Ille-et-Vilaine en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que les moyens soulevés par la fédération départementale des chasseurs d'Ille-et-Vilaine ne sont pas fondés. Vu les autres pièces des dossiers. Vu : - le code de l'environnement ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Catroux, - les conclusions de M. Berthon, rapporteur public, - et les observations de Me Poirier, représentant M. B.... Considérant ce qui suit : 1. M. B... a acquis le 5 juillet 2019 une parcelle cadastrée D 258 d'une superficie 7 hectares 89 ares et 15 centiares à Parigné (Ille-et-Vilaine). Le 11 novembre 2019, le président de l'association communale de chasse agréée (ACCA) de Parigné a demandé en application de l'article R. 422-55 du code de l'environnement à la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) d'Ille-et-Vilaine d'intégrer cette parcelle au sein du territoire de chasse de son association. Par un courrier du 5 juin 2020, M. B... a été informé par la Fédération départementale des chasseurs d'Ille-et-Vilaine de la demande présentée par l'ACCA et a été invité à présenter ses observations. Par une lettre du 25 juillet 2020, M. B... a fait valoir qu'il était détenteur de baux de chasse sur des parcelles contiguës à la parcelle D 258 et que la totalité de la superficie d'un seul tenant formée par l'ensemble de ces parcelles était supérieure à 20 hectares. La fédération départementale des chasseurs d'Ille-et-Vilaine a, par une décision du 19 mars 2021, décidé l'incorporation de la parcelle appartenant à M. B... au territoire de l'ACCA de Parigné. Par un jugement du 27 juin 2022, dont la fédération départementale des chasseurs d'Ille-et-Vilaine relève appel, le tribunal administratif de Rennes a annulé cette décision. Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal : 2. Aux termes de l'article L. 422-10 du code de l'environnement : " L'association communale est constituée sur les terrains autres que ceux : / (...) 3° Ayant fait l'objet de l'opposition des propriétaires ou détenteurs de droits de chasse sur des superficies d'un seul tenant supérieures aux superficies minimales mentionnées à l'article L. 422-13 (...) / 5° Ayant fait l'objet de l'opposition de propriétaires, de l'unanimité des copropriétaires indivis qui, au nom de convictions personnelles opposées à la pratique de la chasse, interdisent, y compris pour eux-mêmes, l'exercice de la chasse sur leurs biens, sans préjudice des conséquences liées à la responsabilité du propriétaire, notamment pour les dégâts qui pourraient être causés par le gibier provenant de ses fonds. (...) ". Aux termes de l'article L. 422-13 du même code : " I. - Pour être recevable, l'opposition des propriétaires ou détenteurs de droits de chasse mentionnés au 3° de l'article L. 422-10 doit porter sur des terrains d'un seul tenant et d'une superficie minimum de vingt hectares. (...). ". Aux termes de l'article L. 422-18 de ce code : " L'opposition formulée en application du 3° ou du 5° de l'article L. 422-10 prend effet à l'expiration de la période de cinq ans en cours, sous réserve d'avoir été notifiée six mois avant le terme de cette période. (...) / Le droit d'opposition mentionné au premier alinéa du présent article est réservé aux propriétaires et aux associations de propriétaires ayant une existence reconnue lors de la création de l'association. ". Aux termes de l'article R. 422-55 du même code : " Si, pour quelque cause et dans quelque condition que ce soit, un territoire de chasse pour lequel il a été fait opposition en application du 3° de l'article L. 422-10 vient à être morcelé, toute fraction du territoire qui ne justifierait plus à elle seule le droit à opposition est, par décision du président de la fédération départementale des chasseurs, à la diligence du président de l'association communale de chasse agréée, suivant sa situation, soit comprise immédiatement dans le territoire de l'association, soit soumise à la procédure définie aux articles R. 422-59 à R. 422-61. / Avant de statuer, le président de la fédération départementale des chasseurs informe le propriétaire, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par un envoi recommandé électronique au sens de l'article L. 100 du code des postes et des communications électroniques, du projet d'intégration de son territoire au sein de l'association. Le propriétaire dispose d'un délai de trois mois à compter de la réception de cette lettre pour formuler ses observations ou, le cas échéant, son opposition en application du 5° de l'article L. 422-10. " 3. Il ressort des pièces du dossier que, pour prononcer en application de l'article R. 422-55 du code de l'environnement, l'incorporation de la parcelle D 258 appartenant à M. B... au territoire de l'ACCA de Parigné par la décision en litige du 19 mars 2021, la fédération départementale des chasseurs d'Ille-et-Vilaine s'est fondée sur la circonstance que les parcelles, dont celle en cause, issues du morcellement du terrain appartenant initialement à M. A... et bénéficiant de l'opposition cynégétique ne constituaient plus à elles seules des territoires de chasse d'un seul tenant d'une superficie supérieure à 20 ha hors périmètre de la zone de 150 m autour des habitations. 4. En relevant que la fédération départementale des chasseurs d'Ille-et-Vilaine avait méconnu les dispositions de l'article L. 422-18 du code de l'environnement en refusant d'accueillir l'opposition cynégétique de M. B..., formée au titre du 3° de l'article L. 422-10 du code de l'environnement, au seul motif qu'il n'était pas propriétaire de l'ensemble des terres formant une superficie de plus de 20 hectares et d'un seul tenant sur lesquelles il était détenteur d'un droit de chasse, le tribunal s'est fondé sur des circonstances qui étaient sans incidence sur la légalité de la décision contestée. En effet, de telles circonstances ne permettaient pas de remettre utilement en cause le bien-fondé du motif, rappelé au point précédent, de la décision contestée, cette décision n'ayant pas pour objet de rejeter une objection cynégétique, mais seulement de prononcer l'intégration, dans le territoire de l'ACCA, d'une fraction d'un territoire de chasse morcelé bénéficiant précédemment d'une opposition cynégénétique, l'autorité administrative étant tenue de prononcer cette intégration, dès lors que les conditions prévues par l'article R. 422-55 du code de l'environnement sont remplies. Par suite, ainsi que le soutient la fédération départementale des chasseurs d'Ille-et-Vilaine, c'est à tort que les premiers juges ont accueilli le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 422-18 du code de l'environnement ou de l'erreur de droit au regard de cet article, qui était inopérant. 5. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par M. B.... Sur l'autre moyen soulevé contre la décision contestée : 6. Il ressort des pièces du dossier que la parcelle D 258, qui est d'une superficie de 7 hectares 89 ares et 15 centiares, ne justifiait plus à elle seule, étant inférieure à 20 hectares, le droit à opposition. Si M. B... est titulaire d'un droit de chasse sur des parcelles, situées sur d'autres communes que Parigné, ces parcelles ne sont pas issues du morcellement du territoire de chasse bénéficiant initialement de l'opposition formée par M. A..., l'ancien propriétaire du terrain dont est issue la parcelle D 258. Enfin, il est constant que M. B... n'a pas formé d'opposition, sur le fondement du 5° de l'article L. 422-10 du code de l'environnement au titre de convictions personnelles opposées à la pratique de la chasse. Par suite, la fédération départementale des chasseurs d'Ille-et-Vilaine a fait une exacte application de l'article R. 422-55 du code de l'environnement. 7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la fédération départementale des chasseurs d'Ille-et-Vilaine est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a annulé la décision du 19 mars 2021. Sur les frais d'instance : 8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à que soit mis à la charge de la fédération départementale des chasseurs d'Ille-et-Vilaine, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. 9. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. B... une somme à verser à la fédération départementale des chasseurs d'Ille-et-Vilaine sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement du 27 juin 2022 du tribunal administratif de Rennes est annulé. Article 2 : La demande de M. B... devant le tribunal administratif de Rennes est rejetée. Article 3 : Les conclusions des parties présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la fédération départementale des chasseurs d'Ille-et-Vilaine et à M. C... B.... Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Brisson, présidente, - M. Vergne, président assesseur, - M. Catroux, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 novembre 2023. Le rapporteur, X. CATROUXLa présidente, C. BRISSON La greffière, A. MARTIN La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22NT02821 |
CETATEXT000048424294 | J4_L_2023_11_00022NT02908 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/42/CETATEXT000048424294.xml | Texte | CAA de NANTES, 4ème chambre, 17/11/2023, 22NT02908, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-17 00:00:00 | CAA de NANTES | 22NT02908 | 4ème chambre | plein contentieux | C | M. LAINÉ | SELARL CABINET GRIFFITHS DUTEIL ET ASSOCIES | Mme Laure CHOLLET | Mme ROSEMBERG | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société Sogea Nord-Ouest a demandé au tribunal administratif de Caen, à titre principal, de condamner la commune de Carpiquet à lui verser une somme de 541 501,55 euros TTC, à titre subsidiaire, de condamner solidairement les sociétés Atelier Arcos Architecture, prise en la personne de Me Gorrias en sa qualité de liquidateur judiciaire, et Atelier B+H, prise en la personne de Mme A... en sa qualité de liquidateur judiciaire, à lui verser une somme de 462 857,75 euros TTC, à titre plus subsidiaire, de condamner solidairement ces deux sociétés avec la société SNTPF, venant aux droits de la société Leroyer, la société Masselin Energie, venant aux droits de la société Cégélec, et la société Elairgie Argentan, venant aux droits de la société Sani Chauffage, à lui verser une somme de 436 514,40 euros TTC, ces sommes devant être assorties des intérêts moratoires et de la capitalisation des intérêts. Par un jugement n° 1802202 du 30 juin 2022, le tribunal administratif de Caen a condamné la commune de Carpiquet à verser à la société Sogea Nord-Ouest une somme de 8 964 euros TTC, assortie des intérêts et de la capitalisation des intérêts (article 1er), a rejeté le surplus des conclusions de la requête (article 2), a rejeté les conclusions de la commune de Carpiquet (article 3) et a mis à la charge de la société Sogea Nord-Ouest les frais d'expertise (article 4) ainsi que la somme de 500 euros à verser aux sociétés Elairgie Argentan, SNTPF, Masselin Energie et Apave Nord-Ouest au titre des frais liés au litige (article 5). Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 6 septembre 2022 et 2 mai 2023, la société Sogea Nord-Ouest, représentée par Me Griffiths, demande à la cour : 1°) de réformer les articles 1er, 2, 4 et 5 du jugement du 30 juin 2022 du tribunal administratif de Caen ; 2°) à titre principal, d'une part, de condamner la commune de Carpiquet à lui verser une somme de 50 809,90 euros TTC au titre de sa dernière situation de travaux, d'autre part, de condamner la commune de Carpiquet et les sociétés Atelier Arcos Architecture, devenue Agence Lignes et Architectures, prise en la personne de Me Gorrias, liquidateur judiciaire, et B+H Architecture, prise en la personne de Mme A..., liquidateur judiciaire, à lui payer une somme de 310 901,28 euros TTC au titre de sa rémunération complémentaire, ces sommes étant assorties des intérêts moratoires et de la capitalisation des intérêts ; 3°) à titre subsidiaire, de condamner la commune de Carpiquet à lui verser une somme de 50 809,90 euros TTC au titre de sa dernière situation de travaux et de 310 901,28 euros TTC au titre de sa rémunération complémentaire, assortie des intérêts moratoires et de la capitalisation des intérêts ; 4°) à titre plus subsidiaire, de condamner les sociétés Atelier Arcos Architecture, devenue Agence Lignes et Architectures, prise en la personne de Me Gorrias, et B+H Architecture prise en la personne de Mme A..., liquidateur judiciaire, la somme de 310 901,28 euros TTC au titre de sa rémunération complémentaire, assortie des intérêts moratoires et de la capitalisation des intérêts ; 5°) en tout état de cause, de rejeter toute condamnation dirigée à son encontre ; 6°) de mettre à la charge de la commune de Carpiquet, de la société Atelier Arcos Architecture et de la société Atelier B+H une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les frais d'expertise. Elle soutient que : - le jugement attaqué est irrégulier dès lors, d'une part, qu'il a relevé à tort un moyen qui n'était pas d'ordre public tiré de l'absence de " demande d'indemnisation préalable ", d'autre part, ce moyen n'a pas été régulièrement communiqué aux parties ; elle a présenté une " demande d'indemnisation préalable " avec son projet de décompte final ; - les premiers juges ont commis une erreur de droit en faisant application de l'article R. 421-1 du code de justice administrative au litige ; ils ont dénaturé les pièces du dossier ; - elle est fondée à demander le paiement d'une somme en principal de 50 809,90 euros TTC, assortie des intérêts moratoires calculés par l'expert à la somme de 24 833,90 euros à la date du 1er janvier 2018, soit la somme de 75 643,80 euros TTC ; - elle doit être indemnisée à hauteur de 5 980 euros HT au titre de la surconsommation de gros béton pour les fondations, soit 7 176 euros TTC ; - elle doit être indemnisée d'une somme de 78 900 euros HT, par la société Arcos Architecture, en sa qualité de mandataire du groupement solidaire de maîtrise d'œuvre, et par la société Atelier B+ H, sur le fondement de la responsabilité extra-contractuelle, mais aussi par le maître d'ouvrage, compte-tenu de la perturbation de l'avancement des travaux avec la suspension de ces travaux pour six semaines suivant ordre de service notifié par la maîtrise d'œuvre le 18 juillet 2005 ; en effet, le maître d'ouvrage est resté passif devant les difficultés liées à l'établissement des plans de synthèse par le maître d'œuvre et a décidé tardivement d'installer la fibre optique ; ce préjudice ne fait pas doublon avec ceux relatifs à la prolongation du chantier ; - elle doit être indemnisée d'une somme de 173 969 euros HT, par la société Arcos Architecture, en sa qualité de mandataire du groupement solidaire de maîtrise d'œuvre, et par la société Atelier B+ H, sur le fondement de la responsabilité extra-contractuelle, mais aussi par le maître d'ouvrage, au titre des pertes de frais de chantier pour la prolongation de l'exécution du marché d'une durée de 40 semaines en raison des différents ordres de service et avenants qui lui ont été notifiés ; les deux premiers avenants n'indiquent pas que les coûts des délais supplémentaires sont inclus dans ces prix, contrairement aux six avenants suivants, et ne peuvent être réputés comprendre ces coûts en vertu de l'article 10.11 du CCAG-Travaux ; les avenants n° 2 et 3 comportaient des réserves sur les délais supplémentaires ; - il convient d'ajouter à ces sommes la somme de 23 631,90 euros au titre de la révision des prix et de déduire la somme de 30 000 euros au titre des gains de chantier ; - la capitalisation des intérêts devait intervenir à la date du dépôt de la requête, soit au 12 septembre 2018 puisqu'ils étaient dus depuis au moins une année, le point de départ des intérêts ayant été fixé par le tribunal au 1er avril 2008 ; - les frais d'expertise et les frais irrépétibles auraient dû être mis à la charge exclusive de la commune de Carpiquet et de la maîtrise d'œuvre, compte-tenu des fautes retenues par l'expert. Par un mémoire en défense, enregistré le 6 février 2023, la commune de Carpiquet, représentée par Me Salmon, demande à la cour : 1°) de rejeter la requête de la société Sogea Nord-Ouest ; 2°) par la voie de l'appel incident, d'annuler le jugement du 30 juin 2022 en tant qu'il a fait droit à la demande de la société Sogea Nord-Ouest au titre des travaux supplémentaires relatifs à l'habillage de la nourrice et à la serrurerie ; 3°) de mettre à la charge de la société Sogea Nord-Ouest une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - les travaux liés à l'habillage de la nourrice du bassin étaient prévus au marché et ne présentaient pas un caractère indispensable ; ils se rattachent à la mission étanchéité de Sogea Nord-Ouest et ne sauraient être considérés comme une prestation supplémentaire ; au demeurant, la société ne démontre pas le caractère indispensable de ces travaux qui ne sont pas une condition au bon fonctionnement de l'ouvrage ; cet habillage ne vise qu'à prévenir les risques d'infiltration et à garantir la parfaite intégration dans l'architecture du bâtiment ; - les travaux liés à la serrurerie ne sont pas des travaux supplémentaires mais sont inclus dans la mission de métallerie ; au demeurant, la société Sogea Nord-Ouest ne démontre pas en quoi ces travaux étaient indispensables ; - la demande d'indemnisation adressée par la société Sogea Nord-Ouest à la commune ne portait pas sur la dernière situation de travaux d'un montant de 75 643,80 euros HT et ces conclusions tendant au versement de cette somme sont irrecevables ; - les autres moyens soulevés par la société Sogea Nord-Ouest ne sont pas fondés. La requête a été communiquée à Me Gorrias en qualité de liquidateur judiciaire de la société Atelier Arcos Architecture et à Mme A... en qualité de liquidateur de la société Atelier B+H, qui n'ont pas produit de mémoire en défense. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des marchés publics ; - le décret n°76-87 du 21 janvier 1976 approuvant le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de travaux ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Chollet, - les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique ; - et les observations de Me Maerten, substituant Me Griffiths, représentant la société Sogea Nord-Ouest. Considérant ce qui suit : 1. La commune de Carpiquet a entrepris la construction d'un centre aqualudique. La maîtrise d'œuvre de cette opération a été confiée, par acte d'engagement du 20 mars 2003, à un groupement d'entreprises constitué par la société Atelier Arcos architecture, mandataire commun du groupement, la société Atelier B+H, maître d'œuvre d'exécution et différents intervenants. La société Atelier Arcos architecture a été chargée d'une mission d'ordonnancement, de pilotage et de coordination des travaux (OPC). Le marché a été divisé en 18 lots. Le lot n°2 " Macro-Lot " comprenant " le gros œuvre, charpente bois, bardage bois, charpente métallique, couverture mobile et couverture amovible, bardage métallique, étanchéité, métallerie, menuiseries extérieures et nettoyage " a été confié à la société Sogea Nord-Ouest, qui a sollicité quinze sous-traitants. Les travaux ont été réceptionnés le 28 juin 2007 avec réserves. La société Sogea Nord-Ouest a adressé le 3 décembre 2007 à la maîtrise d'œuvre son projet de décompte final, qui portait en outre sur la réclamation d'une somme de 346 516 euros HT correspondant d'une part, à la rémunération de travaux supplémentaires à hauteur de 18 419,78 euros HT, d'autre part, à une demande d'indemnisation d'un préjudice du fait de l'allongement de la durée du marché. Compte-tenu du silence de la commune, elle a sollicité le juge des référés du tribunal administratif de Caen qui, par une ordonnance du 18 mai 2009, a désigné un expert qui a remis son rapport le 21 novembre 2017. La société Sogea Nord-Ouest relève appel du jugement du 30 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Caen a seulement condamné la commune de Carpiquet à lui verser une somme de 8 964 euros TTC, assortie des intérêts et de la capitalisation des intérêts (article 1er), a rejeté le surplus des conclusions de la requête (article 2), et a mis à sa charge les frais d'expertise (article 4) ainsi que ceux liés au litige (article 5). La commune de Carpiquet demande, par la voie de l'appel incident, l'annulation de l'article 1er de ce jugement. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Les parties ont été informées par un courrier du 20 mai 2022 de ce que le tribunal était susceptible de soulever, sur le fondement de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, un moyen d'ordre public tiré de " l'irrecevabilité des conclusions tendant au versement de la somme de 75 643,80 euros correspondant à la dernière situation de travaux, dès lors que cette somme n'a pas fait l'objet d'une demande d'indemnisation préalable ". Cette information précise a permis aux parties de connaître le moyen susceptible de fonder la décision du tribunal et, par suite, de le discuter utilement. En outre, la société Sogea Nord-Ouest ne justifie pas en quoi ce moyen n'aurait pas été régulièrement communiqué aux parties. Par suite, le jugement attaqué n'est pas entaché d'irrégularité pour ce motif. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne le paiement d'une somme de 75 643,80 euros TTC : 3. La société Sogea Nord-Ouest demande le paiement d'une somme de 50 809,90 euros TTC au titre de la dernière situation de travaux, assortie des intérêts moratoires tels que calculés par l'expert au 1er janvier 2018, soit 24 833,90 euros. Elle précise que cette demande a fait l'objet d'une réclamation préalable en apparaissant sur le projet de décompte final où elle avait alors fixé cette somme à 67 511,23 euros HT. Toutefois, il résulte de l'instruction que l'expert ne disposait pas des situations de travaux et que la somme de 50 809,90 euros TTC qu'il a calculée correspond à la différence entre le total des travaux figurant dans l'acte d'engagement et des travaux modificatifs notifiés et les sommes encaissées par Sogea. Il ne s'est ainsi basé que sur des flux financiers pour établir le montant de la dernière situation de travaux. Dès lors, en l'absence de précisions sur ce que recouvrent les prestations ou travaux qui resteraient à payer à Sogea par la commune de Carpiquet à ce titre, permettant d'établir leur réalité, et alors même que la maîtrise d'œuvre avait fixé le solde de la situation de travaux à 91 888 euros HT, il n'y a pas lieu de faire droit à cette demande. En ce qui concerne le paiement d'une somme de 5 980 euros HT : 4. Lorsqu'une entreprise demande le paiement de travaux supplémentaires réalisés dans le cadre d'un marché public de travaux à prix global et forfaitaire, il lui appartient tout d'abord d'établir que ces travaux n'étaient pas compris dans le prix de son marché. Le cas échéant, il lui appartient d'établir soit que la réalisation de ces travaux lui a été demandée par ordre de service du maître d'œuvre, soit, en l'absence d'ordre de service écrit ou même d'ordre verbal, que ceux-ci étaient indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art. La seule circonstance que les travaux aient été utiles au maître d'ouvrage n'est pas suffisante pour en obtenir le paiement. 5. Il résulte de l'instruction, notamment de l'article 2.1.0.14.2 du cahier des clauses techniques particulières (CCTP) du lot n° 2 attribué à la société Sogea Nord-Ouest que, s'agissant des bétons, " Une étude préliminaire de faisabilité géotechnique a été réalisée par CEBTP. / Le rapport de sondage est annexé au présent dossier et l'entrepreneur doit en tirer les conclusions nécessaires en ce qui concerne la nature des terres, leur résistance etc.. / Il lui appartiendra de procéder à un examen du terrain et de faire exécuter à ses frais des sondages complémentaires s'il le juge utile, étant entendu qu'il sera donné un prix forfaitaire pour l'ensemble des terrassements et fondations. / Le prix pour l'ensemble des terrassements et fondations étant forfaitaire, les erreurs de quantités, divergences et ambiguïtés de toutes sortes pouvant apparaître dans la décomposition des prix, ne pourront en aucun cas conduire à une modification du montant porté dans les pièces du marché. ". Il est constant que l'étude du centre d'expertise du bâtiment et des travaux publics (CEBTP) situait le niveau du calcaire à la côte de 47,50 NGF et qu'il est apparu pendant l'exécution des travaux que le toit du calcaire rocheux n'a été rencontré qu'au-dessous de la côte de 47,05 NGF, soit 45 cm plus profond que prévu. Il en a résulté que les quantités de béton mises en œuvre ont été de l'ordre de 260 m3 alors que le détail quantitatif estimatif du marché prévoyait la mise en œuvre de 208 m3 de béton, soit un supplément de 52 m3. Toutefois, la circonstance qu'il y ait eu un surcoût dû à une erreur de conception, au demeurant sans gravité, ou un manque de prudence, ne suffit pas à démontrer que la mise en œuvre de béton pour une volumétrie supérieure constituerait des travaux supplémentaires nécessitant leur remboursement dans le cadre du marché à forfait. Aucune faute de la commune de Carpiquet, qui s'est adjoint les services du centre d'expertise du bâtiment et des travaux publics pour être garantie contre les mauvaises surprises techniques comme celle relevant de l'imprécision du niveau du calcaire, n'est de nature à engager sa responsabilité contractuelle. Par suite, la société Sogea Nord-Ouest ne peut demander le versement d'une somme de 5 980 euros HT, soit 7 176 euros TTC, à ce titre. En ce qui concerne le paiement d'une somme de 78 900 euros HT : 6. Le maître d'œuvre et le maître d'ouvrage ont notifié à la société Sogea Nord-Ouest un ordre de service de suspension des travaux pour une durée de six semaines à compter du 18 juillet 2005. La société demande le paiement d'une somme de 78 900 euros HT en réparation du préjudice lié à cette suspension et se prévaut de l'expertise judiciaire qui a estimé le coût des frais de chantier pendant cette durée. 7. En premier lieu, les difficultés rencontrées dans l'exécution d'un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l'entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés trouvent leur origine dans des sujétions imprévues ayant eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat soit qu'elles sont imputables à une faute de la personne publique commise notamment dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l'estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en œuvre, en particulier dans le cas où plusieurs cocontractants participent à la réalisation de travaux publics. 8. D'une part, il résulte de l'instruction, notamment de l'expertise, que " les fibres optiques incorporées à la demande du maître d'ouvrage n'ont pas entraîné un arrêt complet du chantier ". La société Sogea Nord-Ouest a d'ailleurs précisé devant les premiers juges " qu'elle ne prétend pas (...) qu'elle n'a pu travailler en aucun cas sur cette zone mais que ces travaux ont simplement été désorganisés par la réalisation des travaux complémentaires confiés à Cégélec et que ses équipes ont, par voie de conséquence, travaillé en sous activité pendant la durée des travaux confiés à Cégélec ". Il en résulte que la société n'est pas fondée à invoquer une faute de la commune de Carpiquet consistant en la prise de décision tardive d'installer la fibre optique. 9. D'autre part, contrairement à ce que soutient la société Sogea Nord-Ouest, il ne résulte d'aucun élément de l'instruction qu'une faute pourrait être imputée à la commune de Carpiquet s'agissant des difficultés d'établissements des plans de synthèse par le maître d'œuvre. 10. En outre, si la société Sogea Nord-Ouest soutient que la commune de Carpiquet est demeurée passive devant les difficultés ayant conduit à la suspension du chantier en juillet 2005, elle n'assortit ces allégations d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé. 11. Enfin, les causes de la suspension des travaux alléguées par la société Sogea Nord-Ouest ne peuvent être regardées comme des sujétions imprévues. 12. En second lieu, dans le cadre d'un litige né de l'exécution de travaux publics, le titulaire du marché peut rechercher la responsabilité quasi délictuelle des autres participants à la même opération de construction avec lesquels il n'est lié par aucun contrat, notamment s'ils ont commis des fautes qui ont contribué à l'inexécution de ses obligations contractuelles à l'égard du maître d'ouvrage, sans devoir se limiter à cet égard à la violation des règles de l'art ou à la méconnaissance de dispositions législatives et réglementaires. Il peut en particulier rechercher leur responsabilité du fait d'un manquement aux stipulations des contrats qu'ils ont conclus avec le maître d'ouvrage. 13. La société Sogea Nord-Ouest soutient que les sociétés Atelier Arcos Architecture, devenue Agence Lignes et Architectures, prise en la personne de Me Gorrias, liquidateur judiciaire, et B+H Architecture, pris en la personne de Mme A..., liquidateur judiciaire, sont responsables des problèmes liés à la validation des plans de fondations, canalisations, niveau -1 et RDC ainsi que des erreurs dans les plans de synthèse et que la suspension du chantier est liée à ces difficultés. Toutefois, il ressort sans ambiguïté des termes de l'expertise que l'expert " n'est pas en mesure d'indiquer si le maître d'œuvre a une part de responsabilité dans l'ordre de service de suspension des travaux ". Par ailleurs, la société Sogea Nord-Ouest n'apporte aucun élément permettant d'établir que ces deux sociétés du groupement de maîtrise d'œuvre ont commis des fautes qui ont contribué à l'inexécution de ses obligations contractuelles à l'égard du maître d'ouvrage. Dans ces conditions, la responsabilité quasi-délictuelle des sociétés précitées ne peut être engagée. En ce qui concerne le paiement d'une somme de 173 969 euros HT : 14. Aux termes de l'article 10 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) - Travaux, applicable au marché : " Contenu et caractère des prix. / 10.1. Contenu des prix : / 10.11. Les prix sont réputés comprendre toutes les dépenses résultant de l'exécution des travaux, y compris les frais généraux, impôts et taxes, et assurer à l'entrepreneur une marge pour risques et bénéfice. Sauf stipulation contraire, ils sont indiqués dans le marché hors taxe à la valeur ajoutée (T.V.A.). / A l'exception des seules sujétions mentionnées dans le marché comme n'étant pas couvertes par les prix, ceux-ci sont réputés tenir compte de toutes les sujétions d'exécution des travaux qui sont normalement prévisibles dans les conditions de temps et de lieu où s'exécutent ces travaux (...) ". 15. Il résulte de l'instruction que les deux premiers avenants au marché, datés du 25 avril 2005 et 31 août 2005, n'ont pas pour objet de modifier le délai global des travaux. Si des courriers et devis de la société indiquent que ces travaux impliquent le décalage du planning d'une semaine, la société Sogea Nord-Ouest n'apporte aucun élément de nature à établir que les prix des avenants n'incluaient pas le coût du délai supplémentaire, ni ne justifie la réalité des coûts supplémentaires exposés. Il en va de même pour les avenants n° 3 à 8 qui indiquent explicitement que " le coût des délais supplémentaires est inclus dans l'offre de l'entreprise, elle ne pourra prétendre à aucune autre indemnité que le montant stipulé du devis ", conformément à l'article 10.11 du CCAG. La société ne justifie pas non plus d'une faute de la commune de Carpiquet ayant conduit à la prolongation du chantier de quarante semaines. Par suite, la société Sogea Nord-Ouest n'est pas fondée à demander à la commune de Carpiquet le versement de la somme de 173 969 euros HT au titre des frais de chantier correspondant à ce décalage. Elle n'est pas davantage fondée, par voie de conséquence, à soutenir que les sociétés Atelier Arcos Architecture, prise en la personne de Me Gorrias, liquidateur judiciaire, et Atelier B+H Architecture, prise en la personne de Mme A..., liquidateur judiciaire, doivent être condamnées au versement de cette somme au motif que la maîtrise d'œuvre aurait fait une " analyse erronée de cette demande ". En ce qui concerne la capitalisation des intérêts : 16. La capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond, même si, à cette date, les intérêts sont dus depuis moins d'une année. En ce cas, cette demande ne prend toutefois effet qu'à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière. La capitalisation des intérêts a été demandée dans la requête enregistrée devant le tribunal administratif le 12 septembre 2018. Il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 12 septembre 2018, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date. 17. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par la commune de Carpiquet, que la société Sogea Nord-Ouest est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a fixé la date de la capitalisation des intérêts au 1er janvier 2019. Sur l'appel incident de la commune de Carpiquet : 18. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la société Sogea Nord-Ouest a réalisé, sur demande de la maîtrise d'œuvre, après devis du 28 juillet 2006, des travaux d'habillage en maçonnerie de la nourrice du bassin compte-tenu des missions d'étanchéité qui lui avaient été confiées au point 7 du cahier des clauses techniques particulières de son lot n° 2. Alors même que l'ordre de service à l'avenant n° 7 du 1er août 2006, produit par la Sogea Nord-Ouest, n'a été signé ni par elle ni au demeurant par la commune de Carpiquet et est ainsi irrégulier, la société Sogea Nord-Ouest peut toutefois être indemnisée des dépenses qui se sont révélées utiles à la commune de Carpiquet. Or, il résulte de l'instruction que ces travaux, outre leur caractère esthétique pour camoufler la nourrice du bassin posée par une autre entreprise, avaient pour objet la pose de parpaings et d'enduit ciment autour de la nourrice dans le but de prévenir toute infiltration et présentent ainsi un caractère utile pour le maître d'ouvrage. Dans ces conditions, la commune n'est pas fondée à soutenir que la société Sogea Nord-Ouest n'aurait pas dû être rémunérée pour ces travaux. 19. En second lieu, il est constant qu'en cours de réunion de chantier du 27 mars 2007, le maître d'œuvre a demandé à la société Sogea Nord-Ouest d'établir un devis pour la pose d'éléments complémentaires de serrurerie nécessaires pour assurer la protection collective d'accès aux terrasses. La société a exécuté ces travaux sans ordre de service. Toutefois, ces travaux, qui ont consisté en la pose d'un arceau complémentaire et d'une main courante, ne faisaient pas partie de la mission métallerie confiée à l'intéressée et présentent un caractère indispensable à la réalisation de l'ouvrage pour des raisons de sécurité, contrairement à ce que soutient la commune de Carpiquet, qui n'est pas fondée à soutenir que la société Sogea Nord-Ouest n'aurait pas dû être indemnisée d'une somme de 1 980 euros HT. 20. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Carpiquet n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes l'a condamnée à verser à la Sogea Nord-Ouest une somme de 8 964 euros TTC. Sur les frais d'expertise : 21. La société Sogea Nord-Ouest, qui ne peut utilement se prévaloir des conclusions de l'expert qui a estimé qu'elle était fondée à leur demander la somme de 541 501,55 euros TTC au titre de son indemnisation, ne justifie pas en quoi les frais d'expertise, d'un montant total de 55 621,19 euros TTC, devraient être mis exclusivement à la charge de la commune de Carpiquet, ou " éventuellement " à la charge de la maîtrise d'œuvre alors qu'elle est également partie perdante au litige. Sur les frais liés au litige : 22. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser à chacune des parties la charge des frais exposés à l'occasion de la présente instance d'appel et, ainsi, de rejeter l'ensemble des conclusions présentées en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DECIDE : Article 1er : Les intérêts échus à la date du 12 septembre 2018 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts. Article 2 : L'article 1er du jugement du 9 juin 2022 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1 du présent arrêt. Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Sogea Nord-Ouest, à la commune de Carpiquet, à Me Gorrias en qualité de liquidateur judiciaire de la société Atelier Arcos Architecture, à Mme A... en qualité de liquidateur de la société Atelier B+H et aux sociétés Atelier Arcos Architecture, devenue Agence Lignes et Architectures, et Atelier B+H. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Lainé, président de chambre, - M. Derlange, président assesseur, - Mme Chollet, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 novembre 2023. La rapporteure, L. CHOLLET Le président, L. LAINÉ Le greffier, C. WOLF La République mande et ordonne au préfet du Calvados en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22NT02908 |
CETATEXT000048424295 | J4_L_2023_11_00022NT02929 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/42/CETATEXT000048424295.xml | Texte | CAA de NANTES, 3ème chambre, 17/11/2023, 22NT02929, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-17 00:00:00 | CAA de NANTES | 22NT02929 | 3ème chambre | plein contentieux | C | Mme BRISSON | SELARL LE ROY GOURVENNEC PRIEUR | M. Xavier CATROUX | M. BERTHON | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes, par deux recours distincts, d'annuler, d'une part, les décisions du 21 mars et du 22 novembre 2018 par lesquelles le directeur général du centre hospitalier universitaire régional (CHRU) de Brest a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de ses arrêts de travail du 11 au 31 décembre 2017 et du 3 janvier au 13 avril 2018 et ses soins du 11 décembre 2017 au 13 avril 2018 et, d'autre part, la décision du 23 décembre 2020 par laquelle il a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de ses arrêts de travail du 19 mars 2020 au 5 février 2021. Par un jugement nos 1900434, 2100970 du 8 juillet 2022, le tribunal administratif de Rennes a annulé les décisions du 21 mars et du 22 novembre 2018 et rejeté le surplus des demandes de Mme A.... Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire enregistrés les 8 septembre 2022 et 22 février 2023, Mme A..., représentée par Me Potin, demande à la cour : 1°) à titre principal, d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 8 juillet 2022 en tant qu'il a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 23 décembre 2020 et d'annuler cette décision ; 2°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale afin notamment de déterminer si les troubles dont elle souffre depuis le 19 mars 2020 constituent une rechute de son accident de service du 7 novembre 2017 ; 3°) d'enjoindre au directeur général du CHRU de Brest de reconnaître l'imputabilité au service des arrêts et soins du 19 mars 2020 au 5 février 2021, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire régional de Brest la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - à titre principal, la décision contestée est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation, dès lors que les arrêts de travail postérieurs au 19 mars 2020 résultent d'une rechute de l'accident de service qu'elle a subi le 7 novembre 2017 et que son état antérieur ne peut être regardé comme la cause exclusive de ces arrêts ; - à titre subsidiaire, cette décision est entachée d'un vice de procédure au regard de l'article 3 de l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière, dès lors qu'aucun médecin spécialisé dans son affection n'a participé aux débats ; - si la cour ne s'estimait pas suffisamment éclairée, il conviendra qu'elle ordonne avant dire-droit une expertise médicale afin notamment de déterminer si les troubles dont elle souffre depuis le 19 mars 2020 constituent une rechute de son accident de service du 7 novembre 2017. Par un mémoire en défense enregistré le 6 janvier 2023, le centre hospitalier universitaire régional de Brest, représenté par la Selarl Le Roy, Gourvennec, Prieur, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ; - l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Catroux, - les conclusions de M. Berthon, rapporteur public, - et les observations de Me Plunier, représentant le centre hospitalier universitaire régional de Brest. Considérant ce qui suit : 1. Mme A..., aide-soignante au sein du centre hospitalier universitaire régional (CHRU) de Brest, a été victime d'un accident de service le 7 novembre 2017 survenu à la suite d'une manipulation d'une patiente. Elle a bénéficié d'arrêts de travail pour une lombalgie droite aiguë à compter du 9 novembre 2017, puis une lombo-sciatique droite L5-S1. Par une décision du 20 décembre 2017, le directeur général du CHRU de Brest a reconnu l'imputabilité au service des arrêts de travail dont a bénéficié Mme A... du 9 novembre au 7 décembre 2017 à la suite de son accident de service du 7 novembre 2017. Par des décisions du 21 mars 2018 et du 22 novembre 2018, le directeur général du CHRU de Brest a toutefois refusé de reconnaître l'imputabilité au services des arrêts de travail du 11 au 31 décembre 2017 et du 3 janvier au 13 avril 2018. Mme A... a repris son activité dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique du 13 novembre 2019 au 11 mai 2020 et a été placée de nouveau en arrêt de travail. Par une décision du 11 mai 2020, le directeur général du CHRU de Brest a reconnu l'imputabilité au service de ces arrêts de travail. A la suite de la réception d'un complément d'expertise du docteur B..., le directeur général du CHRU de Brest a toutefois, par une décision du 22 juillet 2020, retiré sa décision du 11 mai 2020. A la suite d'un avis défavorable de la commission de réforme du 17 décembre 2020, il a refusé de reconnaître l'imputabilité au service des arrêts de travail du 19 mars 2020 au 5 février 2021 par une décision du 23 décembre 2020. Mme A... a demandé au tribunal administratif de Rennes, par deux recours distincts, d'annuler les décisions des 21 mars et 22 novembre 2018 ainsi que du 23 décembre 2020. Par un jugement avant dire-droit du 19 mai 2021, le tribunal a ordonné une expertise médicale, confiée à un médecin spécialiste en rhumatologie afin de déterminer notamment si les soins et arrêts de travail dont Mme A... a bénéficié à compter du 11 décembre 2017 présentaient un lien direct avec l'accident de service du 7 novembre 2017, ou s'ils relevaient exclusivement d'un état antérieur. Par un jugement du 8 juillet 2022, le tribunal administratif de Rennes a annulé les décisions du 21 mars et du 22 novembre 2018 et rejeté le surplus des demandes de Mme A.... Cette dernière relève appel du jugement en tant qu'il rejette sa demande d'annulation de la décision du 23 décembre 2020. 2. En premier lieu, aux termes de l'article 16 de l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière : " La commission de réforme doit être saisie de tous témoignages, rapports et constatations propres à éclairer son avis. Elle peut faire procéder à toutes mesures d'instructions, enquêtes et expertises qu'elle estime nécessaires. Dix jours au moins avant la réunion de la commission, le fonctionnaire est invité à prendre connaissance, personnellement ou par l'intermédiaire de son représentant, de son dossier, dont la partie médicale peut lui être communiquée, sur sa demande, ou par l'intermédiaire d'un médecin ; il peut présenter des observations écrites et fournir des certificats médicaux. La commission entend le fonctionnaire, qui peut se faire assister d'un médecin de son choix. Il peut aussi se faire assister par un conseiller ". En vertu des dispositions de l'article 3 du même arrêté, la commission de réforme comprend " 1. Deux praticiens de médecine générale, auxquels est adjoint, s'il y a lieu, pour l'examen des cas relevant de sa compétence, un médecin spécialiste qui participe aux débats mais ne prend pas part aux votes [...] ". 3. Il résulte des dispositions citées au point précédent que, dans le cas où il est manifeste, eu égard aux éléments dont dispose la commission de réforme, que la présence d'un médecin spécialiste de la pathologie invoquée par un agent est nécessaire pour éclairer l'examen de son cas, l'absence d'un tel spécialiste est susceptible de priver l'intéressé d'une garantie et d'entacher ainsi la procédure devant la commission d'une irrégularité justifiant l'annulation de la décision attaquée. 4. Il ressort des pièces du dossier que la commission de réforme disposait lorsqu'elle a, le 15 novembre 2018, examiné le cas de Mme A... de l'expertise médicale du docteur B..., médecin spécialisé notamment en orthopédie, traumatologie, évaluation et traitement de la douleur, rééducation et réadaptation fonctionnelles. Dans ces conditions, il n'est pas manifeste que la commission aurait dû s'adjoindre lors de cette réunion un médecin spécialiste de la pathologie invoquée par l'intéressée pour rendre un avis éclairé et cette dernière n'a, dès lors, pas été privée d'une garantie. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure doit être écarté. 5. En second lieu, aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986, dans sa rédaction applicable : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. (...) ". 6. Il résulte de ces dispositions que la prise en charge par l'administration de l'intégralité de la rémunération ou des frais médicaux découlant de la maladie ou d'un accident de service d'un fonctionnaire est soumise à la condition que l'affection mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'accomplir son service soit en lien direct, mais non nécessairement exclusif, avec un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de ses fonctions. En outre, l'existence d'un état pathologique antérieur, fût-il évolutif, ne permet d'écarter l'imputabilité au service de l'état d'un agent que lorsqu'il apparaît que cet état a déterminé, à lui seul, l'incapacité professionnelle de l'intéressé. 7. Il ressort des pièces du dossier que, si Mme A... ne souffrait pas de la région lombaire avant son accident de service du 7 novembre 2017, elle présentait déjà alors un état pathologique antérieur consistant en une étroitesse de son canal lombaire, une discopathie dégénérative discarthrosique aux vertèbres L3-L4, L4-L5, L5-S1 et une arthrose inter-apophysaire postérieure. Selon le médecin rhumatologue, désigné par le tribunal, cet état pathologique antérieur aurait probablement continué d'évoluer de façon silencieuse pour se manifester au bout d'un certain temps par des épisodes de lombalgies chroniques, mais a été aggravé par l'accident de service. Il ressort de plus du rapport du même expert que la pathologie de Mme A... pour laquelle elle a été en arrêt de travail à compter du 9 novembre 2017, qui a été causée directement mais non exclusivement par l'accident de service, s'est consolidée le 2 janvier 2019. Si l'intéressée a de nouveau souffert de lombalgies à compter de sa reprise du travail à mi-temps le 13 novembre 2019, il ne ressort pas des pièces du dossier que ces symptômes présenteraient un lien direct avec l'accident de service survenu plus de deux ans plus tôt et qui avait cessé de produire ses effets. Il en ressort, au contraire, qu'elle résulte exclusivement de l'état de santé antérieur de la requérante. Dans ces conditions, il n'est pas établi que la réapparition des symptômes constitue une rechute de la pathologie reconnue comme imputable à l'accident de service, alors même que le poste sur lequel Mme A... avait été affecté à la suite de sa reprise du travail en novembre 2019 n'avait pas fait l'objet des adaptations préconisées par le médecin de prévention. Par suite, le directeur général du CHRU de Brest n'a pas commis d'erreur d'appréciation en refusant de reconnaître l'imputabilité au service des arrêts de travail de Mme A... pour la période du 19 mars 2020 au 5 février 2021. 8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de recourir à l'expertise sollicitée, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Sur les frais d'instance : 9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le centre hospitalier universitaire régional de Brest qui n'est pas la partie perdante à l'instance, verse à Mme A..., la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. 10. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Mme A... une somme que demande le centre hospitalier universitaire régional de Brest au même titre. DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée. Article 2 : Les conclusions du centre hospitalier universitaire régional de Brest présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et au centre hospitalier universitaire régional de Brest. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Brisson, présidente, - M. Vergne, président assesseur, - M. Catroux, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 novembre 2023. Le rapporteur, X. CATROUXLa présidente, C. BRISSON La greffière, A. MARTIN La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 No 22NT02929 |
CETATEXT000048424296 | J4_L_2023_11_00022NT03172 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/42/CETATEXT000048424296.xml | Texte | CAA de NANTES, 4ème chambre, 17/11/2023, 22NT03172, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-17 00:00:00 | CAA de NANTES | 22NT03172 | 4ème chambre | excès de pouvoir | C | M. LAINÉ | QUENTEL | Mme Laure CHOLLET | Mme ROSEMBERG | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté de péril imminent du 26 avril 2019 du maire de la commune de Huelgoat, ainsi que la décision du 29 mai 2019 de rejet de son recours gracieux. Par un jugement n° 1902990 du 4 août 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté cette demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 3 octobre 2022 et 12 mai 2023, M. B..., représenté par Me Logeat, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 4 août 2022 du tribunal administratif de Rennes ; 2°) d'annuler l'arrêté de péril imminent du 26 avril 2019 du maire de la commune de Huelgoat ; 3°) de mettre à la charge de la commune de Huelgoat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le jugement attaqué est insuffisamment motivé s'agissant du respect de la condition provisoire des mesures ordonnées et n'examine pas le moyen tiré du caractère incomplet de l'arrêté du maire ; - l'arrêté du 26 avril 2019 est insuffisamment motivé ; - les mesures édictées par un maire en application de l'article L. 511-3 du code de la construction et de l'urbanisme ne peuvent être que provisoires ; la démolition de la toiture et de la charpente ne peuvent être regardées comme des mesures provisoires ; l'écart entre l'arrêté de péril imminent et l'intervention de la commune démontre qu'il n'y avait pas d'urgence ; - l'arrêté du 26 avril 2019 est incomplet en ce qu'il ne prend pas en compte la mitoyenneté de l'immeuble avec un bâtiment propriété de la commune ; les désordres trouvent leur origine dans ce bâtiment appartenant à la commune duquel se déverse des eaux sur sa propriété ; - les mesures prescrites par l'arrêté du 26 avril 2019 sont disproportionnées et constituent une atteinte au droit de propriété ; il a sollicité la commune le 26 octobre 2021 afin que des artisans puissent intervenir sur son bâtiment mais celle-ci n'a jamais répondu et a fait intervenir une entreprise qu'elle a choisie ; les travaux réalisés ont été mal exécutés ; - l'arrêté du 26 avril 2019 est entaché d'un détournement de procédure ; - il reprend l'ensemble des moyens de première instance. Par deux mémoires en défense, enregistrés les 7 février et 3 juin 2023, la commune de Huelgoat, représentée par Me Quentel, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de M. B... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code de la construction et de l'habitation ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Chollet, - les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique ; - et les observations de Me Clairay, représentant M. B... et de Me Quentel, représentant la commune de Huelgoat. Considérant ce qui suit : 1. M. B... est propriétaire d'une maison d'habitation inhabitée, située 1 rue des Cendres, sur une parcelle cadastrée section AD n°58, sur le territoire de la commune de Huelgoat (Finistère). Compte-tenu de la chute de bouts de bois et d'ardoises provenant de la toiture de cet immeuble, et en l'absence de travaux de sécurisation par M. B... en dépit des courriers de la mairie le sollicitant à cet effet, une expertise a été diligentée par le tribunal administratif de Rennes par ordonnance du 7 mars 2019 à la demande de la commune. L'expert a déposé son rapport le 11 mars 2019, complété le 19 avril 2019. Le maire de Huelgoat a pris le 26 avril 2019 un arrêté de péril imminent concernant cette construction et a mis en demeure M. B..., dans un délai de 15 jours à compter de la notification de cet arrêté, de procéder à la démolition de la toiture et de la charpente de son immeuble. M. B... relève appel du jugement du 4 août 2022 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Il résulte des motifs du jugement que le tribunal administratif de Rennes s'est prononcé sur le moyen tiré du caractère incomplet de l'arrêté du maire au point 7. Il est en outre suffisamment motivé aux points 6 et 7 s'agissant de ce moyen et de celui tiré de l'absence de respect de la condition tenant au caractère provisoire des mesures ordonnées par le maire dans le cadre d'un arrêté dit de péril imminent. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'irrégularités pour ces motifs. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 3. En premier lieu, les moyens tirés de l'insuffisante motivation de l'arrêté du 26 avril 2019 et du défaut d'information de l'architecte des bâtiments de France de l'engagement de la procédure prévue par l'article L. 511-3 du code de la construction et de l'habitation, que le requérant reprend en appel sans apporter de nouveaux éléments, doivent être écartés par adoption des motifs retenus aux points 2 à 4 du jugement attaqué. 4. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 511-3 du code de la construction et de l'habitation dans sa rédaction alors applicable : " En cas de péril imminent, le maire, après avertissement adressé au propriétaire, demande à la juridiction administrative compétente la nomination d'un expert qui, dans les vingt-quatre heures qui suivent sa nomination, examine les bâtiments, dresse constat de l'état des bâtiments mitoyens et propose des mesures de nature à mettre fin à l'imminence du péril s'il la constate. / Si le rapport de l'expert conclut à l'existence d'un péril grave et imminent, le maire ordonne les mesures provisoires nécessaires pour garantir la sécurité, notamment, l'évacuation de l'immeuble. / Dans le cas où ces mesures n'auraient pas été exécutées dans le délai imparti, le maire les fait exécuter d'office. En ce cas, le maire agit en lieu et place des propriétaires, pour leur compte et à leurs frais. / (...) ". 5. D'autre part, la propriété figure au nombre des droits de l'homme consacrés par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Aux termes de son article 17 : " La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité ". En l'absence de privation du droit de propriété, il résulte néanmoins de l'article 2 de la Déclaration de 1789 que les limites apportées à son exercice doivent être justifiées par un motif d'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi. 6. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expert du 19 avril 2019, que, s'agissant du bâtiment en litige appartenant à M. B..., " l'état du clos couvert, et notamment l'éventrement de la charpente, rendent le péril d'effondrement certain. De plus, la grande quantité d'ardoises non fixées entraîne à ce jour de nombreuses chutes qui peuvent s'avérer très dangereuses. (...) le péril est imminent ". L'expert préconise en conséquence " sans délai la démolition de la toiture et de la charpente de cette bâtisse ", son état étant " beaucoup trop inquiétant pour envisager de raccommoder les protections déjà mises en place depuis des années. De plus, l'état de dégradation des menuiseries pourrait générer des appels d'air violents qui faciliteraient l'effondrement de la charpente et de la couverture. (...) ". L'expert conclut alors à l'existence d'un péril grave et imminent. Il n'est pas contesté par M. B... que la toiture et la charpente du bâtiment dont il est propriétaire sont dans un état de dégradation avancée mettant en danger la sécurité publique. Il en résulte qu'en prescrivant par arrêté du 26 avril 2019 la démolition de la toiture et de la charpente, la commune de Huelgoat n'a pas excédé par leur nature et leur ampleur les mesures provisoires pouvant seules être légalement prescrites à un propriétaire selon la procédure de péril imminent prévue par les dispositions de l'article L. 511-3 du code de la construction et de l'habitation et à même de garantir la sécurité publique et n'a pas non plus méconnu ces dispositions. 7. Par ailleurs, si M. B... a déposé le 20 mai 2019 une déclaration préalable de travaux portant sur " la dépose de la couverture, des voliges et dépose de la charpente. Confortation des arases et tous travaux de moellonnage complémentaires incluant l'évacuation des gravas à la décharge contrôlée ", il n'a cependant pas mis en œuvre les travaux prescrits par l'arrêté en litige alors même que le maire a pris un arrêté de non-opposition à cette déclaration préalable dès le 27 juin 2019. En effet, il ressort d'un procès-verbal de constat du 28 septembre 2020 ainsi que d'un rapport de constat d'urgence établi en avril 2021 à la suite d'une ordonnance du tribunal administratif de Rennes du 28 décembre 2020, que les travaux n'étaient pas exécutés à ces dates, laissant ainsi perdurer le péril. Il ne résulte d'ailleurs pas de l'instruction, contrairement à ce que M. B... soutient, qu'il ait mandaté des entreprises pour procéder aux travaux nécessaires pour faire cesser le péril imminent entre le 26 avril 2019 et janvier 2022. Ainsi, par courrier du 26 octobre 2021, M. B... a informé le maire de Huelgoat avoir missionné une entreprise pour " protéger la toiture (...), mettre en place un support pour refixer la gouttière et le fel'x ", toutes mesures insuffisantes pour remédier au péril imminent. La durée du temps écoulé entre la date de l'arrêté de péril imminent et l'exécution d'office des travaux par la commune en janvier 2022 est sans incidence sur le caractère urgent de la mesure provisoire alors au demeurant que l'arrêté en litige a demandé à M. B... de procéder à ces démolitions dans un délai de quinze jours à compter de la date d'affichage de l'arrêté, sans succès. 8. En outre, M. B... n'est pas fondé à invoquer les conséquences de la mesure de démolition au 21 mars 2022, à savoir l'absence de protection sur le pignon mitoyen du bâtiment qui a provoqué des dégâts des eaux importants sur l'ensemble des bâtiments de sa parcelle, dès lors qu'il lui appartenait de réaliser de tels travaux de protection qui n'entrent pas dans le champ des mesures nécessaires pour faire cesser le péril imminent. 9. Enfin, M. B... ne justifie pas que la mesure prescrite, circonscrite à la charpente et à la toiture, porterait atteinte à son droit de propriété, quand bien même il serait nécessaire de procéder également à des études pour supprimer toutes les liaisons hydrauliques provenant des deux bâtiments du n° 3 rue des Cendres avec les bâtiments mitoyens du n° 1 et n° 2 venelles de l'Eglise et de traiter tous les problèmes provoqués par les champignons lignivores à partir des liaisons hydrauliques trouvant leur origine dans les bâtiments voisins appartenant à la commune. 10. En troisième lieu, les dispositions de l'article L. 511-2 du code de construction et de l'habitation alors applicable ne concernent que le caractère contradictoire de la procédure de péril ordinaire. M. B... n'est par suite pas fondé à invoquer la méconnaissance de ces dispositions en ce qu'elles prévoient que, dans les cas où il apparaît que la partie de l'immeuble menaçant ruine dont la démolition ou la réparation est envisagée se trouve en copropriété ou en mitoyenneté, l'arrêté de péril doit mettre en cause tous les copropriétaires et propriétaires mitoyens. Le moyen tiré du " caractère incomplet " de l'arrêté de péril imminent du 26 avril 2019, pris sur le fondement de l'article L. 511-3 du même code, doit être par suite écarté. 11. En quatrième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 6 que l'arrêté du 26 avril 2019 est justifié par l'état de délabrement de la propriété du requérant. Ainsi, il ne résulte pas de l'instruction que la procédure de péril imminent soit entachée d'un détournement de procédure, alors même que, par un courrier du 3 juillet 2018, le maire de Huelgoat lui avait fait part de sa recherche de terrains dans le cœur du bourg et de ce que l'îlot lui appartenant avait été identifié comme " endroit à reconquérir ", qu'un article publié dans le quotidien Ouest France du 27 mai 2019 fait état d'un projet de construction d'une maison médicale dans le bourg et que l'avocat du requérant l'a informé, par courrier du 6 mai 2019, que la commune souhaite acheter l'intégralité de " l'ilot litigieux " à M. B... en contrepartie de quoi elle renoncerait à exiger les travaux provisoires prescrits par l'arrêté de péril. Par suite, ce moyen doit être écarté. 12. En dernier lieu, à supposer que les travaux de démolition de la toiture et de la charpente, exécutés sur demande de la commune de Huelgoat, ne l'ont pas été dans les règles de l'art, cette circonstance est sans incidence sur la légalité de l'arrêté du 26 avril 2019. 13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de M. B... une somme de 1 500 euros à verser à la commune de Huelgoat sur le fondement de ces dispositions. DECIDE : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Il est mis à la charge de M. B... une somme de 1 500 euros à verser à la commune de Huelgoat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la commune de Huelgoat. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Lainé, président de chambre, - M. Derlange, président assesseur, - Mme Chollet, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 novembre 2023. La rapporteure, L. CHOLLET Le président, L. LAINÉ Le greffier, C. WOLF La République mande et ordonne au préfet du Finistère en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22NT03172 |
CETATEXT000048424297 | J4_L_2023_11_00022NT03332 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/42/CETATEXT000048424297.xml | Texte | CAA de NANTES, 4ème chambre, 17/11/2023, 22NT03332, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-17 00:00:00 | CAA de NANTES | 22NT03332 | 4ème chambre | plein contentieux | C | M. LAINÉ | SELARL CADRAJURIS | Mme Laure CHOLLET | Mme ROSEMBERG | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner l'Etat à lui verser une somme de 126 065,60 euros en réparation des préjudices financier et moral qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité de deux mesures de fermeture administrative de la discothèque " Le VIP ", située à Venansault, prises par le préfet de la Vendée. Par un jugement n° 1907509 du 25 mai 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté cette demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 21 octobre 2022 et 19 juin 2023, M. A..., représenté par Me Flynn, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 25 mai 2022 du tribunal administratif de Nantes ; 2°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 126 065,60 euros en réparation des préjudices financier et moral qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité de deux mesures de fermeture administrative de la discothèque " Le VIP ", située à Venansault, prises par le préfet de la Vendée, et d'assortir cette somme des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : - les arrêtés des 17 février et 31 mai 2016 du préfet de la Vendée ont été suspendus par le juge des référés en raison du doute sérieux quant à leur légalité, puis annulés par deux jugements du 4 novembre 2016 ; ces deux décisions étant illégales, la préfecture de Vendée a commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ; - l'EURL Guepass a subi un préjudice matériel et financier du fait de la fermeture administrative illégale de la discothèque, qui a été fermée onze jours sur l'année 2016 ; les pertes d'exploitation ont conduit à sa liquidation judiciaire en juillet 2016, ou, à minima, une perte de chance d'y échapper ; il est fondé à demander la somme de 106 065,60 euros correspondant au capital qu'il avait investi dans cette société ainsi qu'une somme de 20 000 euros du fait des troubles dans ses conditions d'existence et de son préjudice moral. Par un mémoire en défense, enregistré le 20 février 2023, le préfet de la Vendée conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 août 2022. Vu les autres pièces du dossier ; Vu le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Chollet, - et les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A... était gérant de l'EURL Guepass, qui exploitait à Venansault (Vendée) une discothèque. Par un arrêté du 17 février 2016, annulé par un jugement devenu définitif du tribunal administratif de Nantes du 4 novembre 2016, le préfet de la Vendée a ordonné la fermeture de l'établissement pour une durée d'un mois à compter du 18 février 2016 compte-tenu d'infractions constitutives de travail illégal, en application de l'article L. 8211-1 du code du travail. Par un arrêté du 27 avril 2016, le préfet de la Vendée a ordonné la fermeture de l'établissement pour une durée de trois mois, en application de l'article L. 253-4 du code de la sécurité intérieure, pour défaut de déclaration d'un système de vidéoprotection de onze caméras. Par un second jugement du 4 novembre 2016, le tribunal administratif a annulé la décision du 31 mai 2016 refusant d'abroger la décision de fermeture administrative de trois mois du 27 avril 2016, pour erreur manifeste d'appréciation alors que l'exploitant avait enlevé les caméras irrégulièrement installées. M. A..., estimant que la liquidation judiciaire de l'EURL Guepass, prononcée le 13 juillet 2016 par le tribunal de commerce de La Roche-sur-Yon, résultait de ces deux mesures administratives illégales, a demandé au tribunal administratif de Nantes, en son nom propre, de condamner l'Etat à lui verser une somme de 126 065,60 euros en réparation des préjudices financier et moral qu'il estime avoir subis du fait de ces deux arrêtés illégaux. Il relève appel du jugement du 25 mai 2022 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande. 2. Toute illégalité est constitutive d'une faute. Ainsi, la décision par laquelle l'autorité administrative rejette illégalement une demande constitue une faute de nature à engager sa responsabilité, à condition, notamment, que l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre l'illégalité ainsi commise et le préjudice invoqué puisse être établi. 3. Il résulte de l'instruction, notamment de la proposition de plan d'apurement du passif du 14 juin 2016 de l'EURL Guepass, que les difficultés de cette entreprise, ayant conduit à sa liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de la Roche-sur-Yon du 13 juillet 2016, ont pour origine un chiffrage inexact des travaux nécessaires à l'ouverture de la discothèque, avec un dépassement du budget initial de 150 000 euros en raison notamment du coût des mises aux normes et du retard sur les travaux du bâtiment qui a dû reporter son ouverture de juin 2014 à octobre 2014, ainsi qu'une mauvaise appréciation de l'estimation du chiffre d'affaires pouvant être escompté, basé sur la somme de 1 140 000 euros alors que le chiffre d'affaires n'a pas dépassé 600 000 euros la première année d'ouverture. En outre, les loyers étant dus à compter de février 2014 alors que la discothèque n'était pas encore ouverte, l'entreprise a dû les acquitter sans contrepartie à hauteur de 50 000 euros et l'ensemble de ces charges a obéré sa trésorerie. Le passif de l'entreprise au 14 juin 2016 était ainsi évalué à 1 447 991,03 euros et, s'il est indiqué dans ce plan que les deux mesures de fermeture administrative du préfet de la Vendée ont généré une perte de chiffre d'affaires d'environ 140 000 euros, il ne résulte pas de l'instruction que la liquidation judiciaire n'aurait pas été prononcée en l'absence de ces périodes brèves de fermeture. Au contraire, il ressort du jugement du 13 juillet 2016 que la liquidation judiciaire de l'entreprise a été prononcé au motif qu'elle avait " généré de nouvelles dettes auxquelles elle ne pouvait faire face ". Dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que la fermeture administrative de la discothèque du fait des deux arrêtés du préfet de la Vendée des 17 février et 31 mai 2016 ait un lien de causalité direct et certain avec cette liquidation judiciaire. 4. Au surplus, M. A... ne justifie pas la perte personnelle d'un investissement en capital de 106 065,60 euros en produisant le " K-Bis " de la société faisant état d'un capital social de 20 000 euros ainsi qu'un relevé de la comptabilité de l'entreprise mentionnant un apport en compte courant d'associé de la SARL GUEMAS d'un montant de 86 065,60 euros. Il ne justifie pas davantage d'un préjudice moral et d'un trouble dans ses conditions d'existence en produisant un certificat médical du 14 mars 2018 mentionnant une situation de syndrome anxiodépressif au 10 avril 2017 et se bornant à relater les dires du requérant. 5. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande indemnitaire. Ses conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, par voie de conséquence, être rejetées. DECIDE : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Flynn et au préfet de la Vendée. Une copie du présent arrêt sera adressée pour information au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Lainé, président de chambre, - M. Derlange, président assesseur, - Mme Chollet, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 novembre 2023. La rapporteure, L. CHOLLET Le président, L. LAINÉ Le greffier, C. WOLF La République mande et ordonne au préfet de la Vendée en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22NT03332 |
CETATEXT000048424298 | J4_L_2023_11_00022NT03402 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/42/CETATEXT000048424298.xml | Texte | CAA de NANTES, 4ème chambre, 17/11/2023, 22NT03402, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-17 00:00:00 | CAA de NANTES | 22NT03402 | 4ème chambre | excès de pouvoir | C | M. LAINÉ | SCP ARES GARNIER DOHOLLOU SOUET ARION ARDISSON GREARD COLLET LEDERF-DANIEL LEBLANC | M. Stéphane DERLANGE | Mme ROSEMBERG | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 12 novembre 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de reconnaissance de maladie professionnelle imputable au service, d'enjoindre à la ministre de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie et de procéder à la reconstitution de ses droits. Par un jugement n° 2000169 du 22 septembre 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 31 octobre 2022 et 13 et 20 juin 2023, M. A..., représenté par Me Michelet, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 22 septembre 2022 ; 2°) d'annuler la décision du 12 novembre 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de reconnaissance de maladie professionnelle imputable au service et d'enjoindre au ministre de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie et de procéder à la reconstitution de ses droits ; 3°) de mettre à la charge du défendeur une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - les premiers juges ne se sont pas prononcés sur les moyens soulevés tirés de la présomption d'imputabilité au service de sa maladie remplissant les conditions du tableau 30 A listant les maladies professionnelles et qu'à défaut de présomption, il existe un lien direct entre sa maladie et son activité professionnelle ; - il a été exposé à l'amiante lors de son service à la mairie de Plouescat et sur la base de défense Brest-Lorient ; - selon l'article 37-19 du décret n° 87-602, la déclaration professionnelle doit être faite en cas de mobilité au dernier employeur, peu important que la maladie ait été contractée auprès d'une autre administration employeur ; - il remplit les conditions du tableau 30 A listant les maladies professionnelles ; l'imputabilité au service de sa maladie doit être présumée ; - à défaut de présomption, il existe un lien direct entre sa maladie et son activité professionnelle. - il présente un déficit fonctionnel permanent supérieur à 25 % et il existe un lien direct et essentiel entre sa maladie et son activité professionnelle alors qu'aucune autre cause d'exposition n'a pu être relevée. La requête a été communiquée au ministre des armées, qui n'a pas produit de mémoire en défense. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ; - le code de la sécurité sociale ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Derlange, président assesseur, - les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique, - et les observations de Me Michelet, pour M. A.... Considérant ce qui suit : 1. M. A... est fonctionnaire. Du mois de mai 1987 au 31 décembre 2013, il avait été employé aux services techniques de la mairie de Plouescat. Depuis le 1er janvier 2014, il est affecté au groupement de soutien de la base de défense de Brest-Lorient du ministère des armées, en qualité d'agent technique principal en charge de la conduite de véhicules routiers au sein du service de soutien commun. Un scanner thoracique réalisé le 14 septembre 2017 a révélé la présence de " plages de réticulations intralobulaires sous-pleurales postérieures " et des lésions asbestosiques. La commission de réforme de Quimper, au cours de sa séance du 19 septembre 2019, a rendu un avis défavorable à sa demande de reconnaissance de maladie professionnelle. Par une décision du 12 novembre 2019, la ministre des armées a refusé de reconnaître cette maladie comme imputable au service. M. A... a demandé l'annulation de cette décision devant le tribunal administratif de Rennes. Il relève appel du jugement du 22 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. M. A... soutient que les premiers juges ont omis de se prononcer sur les moyens qu'il a soulevés tirés de la présomption d'imputabilité au service de sa maladie remplissant les conditions du tableau 30 A listant les maladies professionnelles et de ce qu'à défaut de présomption, il existe un lien direct entre sa maladie et son activité professionnelle. 3. Toutefois, il ressort des points 4 et 5 du jugement attaqué que les premiers juges se sont prononcés sur ces moyens, en particulier en indiquant : " Dès lors, M. A... ne démontre pas de lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec les conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause. ". Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 4. Aux termes du IV de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 en vigueur à la date de la décision contestée : " Est présumée imputable au service toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnées aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ce tableau. / Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée par un tableau peut-être reconnue imputable au service lorsque le fonctionnaire ou ses ayants-droits établissent qu'elle est directement causée par l'exercice des fonctions / Peut également être reconnue imputable au service une maladie non désignée dans les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale lorsque le fonctionnaire ou ses ayants-droits établissent qu'elle est essentiellement et directement causée par l'exercice des fonctions et qu'elle entraîne une incapacité permanente à un taux déterminé et évalué dans les conditions prévues par décret en conseil d'Etat. ". 5. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec les conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. 6. Si M. A... soutient qu'il a été exposé à l'amiante lors de son affectation, à compter du 1er janvier 2014, au groupement de la base de défense Brest-Lorient en qualité d'agent technique principal en charge de la conduite de véhicules routiers au sein du service de soutien commun, il ne produit pas d'éléments suffisamment précis et probants pour l'établir. En outre, la seule circonstance que la maladie soit apparue durant son affectation sur cette base ne peut suffire à justifier l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre la pathologie dont il souffre et le service. D'ailleurs, il résulte des certificats médicaux établis par les médecins qui l'ont examiné les 7 novembre 2017 et 18 janvier 2018 qu'il avait déclaré avoir été exposé à l'amiante uniquement au cours de la période 1987 à 1995, lors de son service auprès de la commune de Plouescat. Faute d'établir un lien de causalité direct et certain entre sa maladie et l'exercice de ses fonctions au sein d'un service relevant de l'Etat, M. A... n'est pas, pour ce seul motif, fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Sur les conclusions aux fins d'injonction : 7. Le présent arrêt, qui rejette la requête de M. A..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions de l'intéressé aux fins d'injonction doivent être rejetées. Sur les frais liés au litige : 8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que M. A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Lainé, président de chambre, - M. Derlange, président assesseur, - Mme Picquet, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 novembre 2023. Le rapporteur, S. DERLANGE Le président, L. LAINÉ Le greffier, C. WOLF La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22NT03402 |
CETATEXT000048424299 | J4_L_2023_11_00022NT03550 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/42/CETATEXT000048424299.xml | Texte | CAA de NANTES, 3ème chambre, 17/11/2023, 22NT03550, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-17 00:00:00 | CAA de NANTES | 22NT03550 | 3ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme BRISSON | LEMONNIER | M. Xavier CATROUX | M. BERTHON | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : L'exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) Gounit Kerjecal et M. A... B... ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 1er juin 2021 prise par le préfet de la région Bretagne rejetant leur demande d'autorisation d'exploiter des terres agricoles d'une superficie totale de 9 hectares, 38 ares et 78 centiares situées à Combrit (Ille-et-Vilaine). Par un jugement no 2106273 du 22 septembre 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire enregistrés les 19 novembre 2022 et 8 juin 2023, l'EARL Gounit Kerjecal et M. B..., représentés par Me Barthe, demandent à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 22 septembre 2022 du tribunal administratif de Rennes ; 2°) d'annuler la décision du Préfet de la région Bretagne du 1er juin 2021 ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que : - la décision contestée est insuffisamment motivée, dès lors que le préfet s'est borné à se référer à l'avis de commission départementale d'orientation de l'agriculture (CDOA), sans mentionner les circonstances justifiant de ne pas prendre en compte l'existence d'un agrandissement excessif pour refuser l'opération ; - elle méconnaît les dispositions de l'article L. 331-3-1 du code rural et de la pêche maritime ; - elle méconnaît les dispositions de l'article 3, I, a) du schéma directeur régional des exploitations agricoles de Bretagne, dès lors qu'elle se fonde sur l'autorisation d'un agrandissement excessif en dépit de l'existence d'une autre demande relevant d'une priorité définie par ce schéma directeur ; - à supposer même que l'article 3, I, a) du SDREA doive être interprété en ce qu'un agrandissement excessif peut être autorisé en l'absence d'une candidature par un projet d'agriculture biologique ou par un établissement de recherche, d'enseignement ou d'insertion, une telle disposition serait contraire à l'article L. 331-3-1 du code rural et de la pêche maritime et entacherait d'un défaut de base légale la décision contestée ; - la décision contestée méconnaît les orientations du SDREA. Par un mémoire en défense enregistré le 25 mai 2023, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que : - le moyen tiré de la méconnaissance des orientations du SDREA est inopérant, - les autres moyens soulevés par l'EARL Gounit Kerjecal et M. B... ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code rural et de la pêche maritime ; - l'arrêté du préfet de la région Bretagne du 4 mai 2018 fixant le schéma directeur régional des exploitations agricoles de Bretagne ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Catroux, - et les conclusions de M. Berthon, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. L'exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) Gounit Kerjecal a formé, le 4 janvier 2021, une demande d'autorisation d'exploiter des terres agricoles d'une superficie totale de 9 hectares 38 ares et 78 centiares situées sur la commune de Combrit (Finistère). Une demande d'autorisation d'exploiter a été faite pour les mêmes parcelles, le 29 mars 2021, par M. C..., exploitant agricole pratiquant en particulier l'élevage. Par une décision du 1er juin 2021, notifiée le 30 juin 2021, le préfet de la région Bretagne a rejeté la demande d'autorisation d'exploiter de l'EARL Gounit Kerjecal. Cette décision a fait l'objet d'un recours gracieux qui a été implicitement rejeté. L'EARL Gounit Kerjecal ainsi que son unique associé ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 1er juin 2021. Par un jugement du 22 septembre 2022, le tribunal a rejeté cette demande. L'EARL Gounit Kerjecal et M. B... relèvent appel de ce jugement. 2. D'une part, aux termes de l'article L. 331-3-1 du code rural et de la pêche maritime : " L'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2 peut être refusée : / 1° Lorsqu'il existe un candidat à la reprise ou un preneur en place répondant à un rang de priorité supérieur au regard du schéma directeur régional des structures agricoles mentionné à l'article L. 312-1 (...) ; / 3° Si l'opération conduit à un agrandissement ou à une concentration d'exploitations au bénéfice d'une même personne excessifs au regard des critères définis au 3° de l'article L. 331-1 et précisés par le schéma directeur régional des structures agricoles en application de l'article L. 312-1, sauf dans le cas où il n'y a pas d'autre candidat à la reprise de l'exploitation ou du bien considéré, ni de preneur en place ; (...). ". 3. D'autre part, aux termes du I de l'article 3 du schéma directeur régional des exploitations agricoles (SDREA) de Bretagne : " Règles et dispositions particulières : / a) règles s'appliquant à toutes les priorités : En cas de demandes concurrentes relevant du même rang de priorité, les candidatures sont classées au regard des critères et règles fixés à l'article 5. / Si ce classement ne permet pas de les départager, des autorisations sont délivrées pour chacune d'elles. / Au sein d'une même priorité, on départagera les demandes en fonction des sous-priorités. / Tout demandeur exploitant ses terres en mode de production biologique ou en conversion et demandant des terres en agriculture biologique (parcelles déjà converties ou en cours de conversion) pour les maintenir en agriculture biologique est prioritaire par rapport aux autres demandeurs relevant du même rang de priorité. / Les candidats ayant un projet d'installation en agriculture biologique bénéficient également de cette sous-priorité. (...). / En cohérence avec les orientations du SDREA, une priorité pourra être accordée, après avis motivé de la CDOA, aux demandes d'autorisation d'exploiter présentées par des établissements de recherche, d'enseignement ou d'insertion à caractère agronomique, économique, social ou environnemental n'ayant pas le caractère d'une exploitation agricole familiale, du fait de leur rôle important dans la formation des agriculteurs et le développement agricole. (...). / Les agrandissements et concentrations d'exploitations excessifs tels que défini au point 4 de l'article 5, peuvent être autorisés, si et seulement si, aucune demande concurrente ne relève des priorités décrites ci-dessus. (...) ". Aux termes du II du même article : " Les priorités : / Priorité 1 : maintien de l'exploitation du preneur en place (...) / Priorité 2 : échanges de parcelles ou parcelles ou îlot de parcelles de proximité de bâtiment d'élevage du demandeur (...) / Priorité 3 : réinstallation d'agriculteur avant perdu plus de 2/3 de son exploitation. (...) / Priorité 4 : / 4-1 Reprise de l'exploitation par le conjoint (...). / 4-2 Installation d'agriculteur à titre exclusif ou principal ou agrandissement d'une société par l'installation d'agriculteur à titre exclusif ou principal (...). / Priorité 5 : Zones soumises à contraintes environnementales (ZSCE) (...). / Priorité 6 : compensation des surfaces perdues de l'exploitation (...). / Priorité 7 : attribution de parcelle ou d'îlot de parcelles enclavé(e) ou de parcelle de liaison (...) / Priorité 8 : consolidation d'exploitation avant un IDE/UTA composé à plus de 70% de productions animales ou de fruits et légumes frais (...). / Priorité 9 : réunion d'exploitations ou agrandissement : (...) / Réunion d'exploitations tel que définie à l'article 1. Agrandissements d'exploitations se situant au-delà du seuil de viabilité avant l'opération projetée. Agrandissement à raison de surfaces au-delà de l'application de la priorité 8 en cas de plafonnement (...). / Priorité 10 : Autres cas d'installation (...). / Priorité 11 : autres cas. ". 4. L'article 5 du SDREA de Bretagne définit, à son point 4, les agrandissements et concentrations d'exploitations excessifs comme ceux qui concernent les exploitations, dont : " / la surface par UTA est supérieure à 4 fois le seuil de déclenchement défini à l'article 3 ; et / l'IDE par UTA exploitant est supérieur à 200 % de la moyenne régionale ". 5. En premier lieu, la décision contestée comporte les visas des dispositions qu'elle applique. Elle mentionne la circonstance, qui ressort des pièces du dossier, que la demande d'agrandissement de M. C..., concurrente de celle de l'EARL Gounit Kerjecal, relevait, alors même que cet agrandissement présente un caractère excessif au regard des critères fixés par le point 4 de l'article 5 du SDREA, du rang de priorité 9 du SDREA supérieur à celui de la demande de l'EARL Gounit Kerjecal, qui avait pour objet une installation à titre secondaire de son unique associé, qui relevait du rang de priorité 10. Elle observe, pour justifier l'autorisation d'exploiter accordée à M. C..., en dépit du caractère excessif de l'agrandissement envisagé, que l'une des orientations du SDREA est de maintenir l'élevage. Par suite, et alors même qu'elle ne fait pas état de la teneur de l'avis de la CDOA concernant les demandes d'autorisations d'exploiter en litige, elle comporte l'énoncé des circonstances de droit et de fait qui la fondent. 6. En deuxième lieu, l'administration a relevé que l'agrandissement projeté par M. C... présentait un caractère excessif au regard des dispositions citées ci-dessus de l'article 5 du SDREA. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, si les dispositions précitées de l'article L. 331-3-1 du code rural et de la pêche maritime permettent au préfet de refuser de délivrer une autorisation d'exploiter des terres agricoles au demandeur dont le projet d'agrandissement présente un caractère excessif lorsqu'il existe une demande concurrente, elles ne lui interdisent pas de délivrer une autorisation dans ces conditions. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 331-3-1 du code rural et de la pêche maritime doit, dès lors, être écarté. 7. En troisième lieu, les dispositions précitées du a) du I de l'article 3 du SDREA de Bretagne ont pour effet d'interdire au préfet de délivrer une autorisation d'exploiter au demandeur dont le projet d'agrandissement présente un caractère excessif, lorsqu'une demande concurrente relève, par rapport à la première, d'une priorité définie par le SDREA et d'un rang supérieur. En prenant la décision contestée, le préfet de la région Bretagne n'a pas méconnu ces dispositions ou commis d'erreur de droit à leur égard, dès lors notamment que le projet d'agrandissement de M. C... présentait un caractère prioritaire comparativement à celui de l'EARL Gounit Kerjecal qui consistait dans une installation à titre secondaire. 8. En quatrième lieu, eu égard à ce qui a été dit au point 6, l'article L. 331-3-1 du code rural et de la pêche maritime n'oblige pas l'administration à opposer un refus d'autorisation d'exploiter pour toute demande d'agrandissement présentant un caractère excessif au regard des critères fixés par le SDREA en présence d'une demande concurrente, quel que soit le rang de priorité de cette dernière. Les dispositions précitées du a) du I de l'article 3 du SDREA de Bretagne ne sont, dès lors, pas contraires à l'article L. 331-3-1 du code rural et de la pêche maritime, en ce que ces dispositions du SDREA ont pour effet d'obliger le préfet à rejeter les demandes d'autorisation d'exploiter pour des agrandissements présentant un caractère excessif dans les seules hypothèses de demandes concurrentes relevant de rangs de priorité supérieurs. Le moyen tiré, par voie d'exception de l'illégalité du a) du I de l'article 3 du SDREA de Bretagne doit, par suite, être écarté. 9. En dernier lieu, les requérants ne peuvent utilement se prévaloir des orientations du SDREA, qui ne constituent pas la base légale des décisions prises par l'autorité administrative sur les demandes d'autorisation d'exploiter. Par suite, et alors qu'au demeurant le maintien de l'élevage figure tout comme la favorisation de l'installation des exploitations parmi ces orientations, le moyen tiré de leur méconnaissance ne peut qu'être écarté comme inopérant. 10. Il résulte de ce qui précède que l'EARL Gounit Kerjecal et M. B... ne sont pas fondés à soutenir que, c'est à tort, que par le jugement attaquée le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande d'annulation de la décision du préfet de la région Bretagne du 1er juin 2021. Leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être écartées. DÉCIDE : Article 1er : La requête de l'EARL Gounit Kerjecal et de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'exploitation agricole à responsabilité limitée Gounit Kerjecal, à M. A... B... et au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Brisson, présidente, - M. Vergne, président assesseur, - M. Catroux, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 novembre 2023. Le rapporteur, X. CATROUXLa présidente, C. BRISSON La greffière, A. MARTIN La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22NT03550 |
CETATEXT000048424300 | J4_L_2023_11_00022NT03669 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424300.xml | Texte | CAA de NANTES, 4ème chambre, 17/11/2023, 22NT03669, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-17 00:00:00 | CAA de NANTES | 22NT03669 | 4ème chambre | excès de pouvoir | C | M. LAINÉ | EDEN AVOCATS | M. Stéphane DERLANGE | Mme ROSEMBERG | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 26 avril 2022 par lequel le préfet du Calvados lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement n° 2201621 du 7 octobre 2022, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 25 novembre 2022, Mme A..., représentée par Me Madeline, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen du 7 octobre 2022 ; 2°) d'annuler l'arrêté du 26 avril 2022 du préfet du Calvados ; 3°) d'enjoindre au préfet du Calvados de lui délivrer un titre de séjour, dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, ou de réexaminer sa situation, dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, après lui avoir remis une autorisation de séjour valable pendant la durée de ce réexamen ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le préfet du Calvados a méconnu l'article L. 425-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - il n'a pas examiné complètement, sérieusement et loyalement son dossier faute d'avoir pris en compte sa demande, à titre subsidiaire, de titre de séjour en tant que salariée et sa demande d'admission au séjour en raison de son intégration professionnelle ; - le préfet du Calvados a méconnu l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - il a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - il a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la décision d'obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ; - la décision fixant le pays de destination est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision d'obligation de quitter le territoire français ; - le préfet du Calvados a méconnu les articles L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - il a commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de son arrêté sur sa situation personnelle. Par des mémoires en défense, enregistrés le 16 janvier et le 19 octobre 2023, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens de la requérante ne sont pas fondés. Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 octobre 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Derlange, président assesseur, - et les observations de Me Pollono, pour Mme A.... Considérant ce qui suit : 1. Mme A..., ressortissante camerounaise, née le 4 avril 1982, a sollicité le 28 décembre 2021 le renouvellement de son titre de séjour. Par un arrêté du 26 avril 2022, le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer le titre demandé, l'a obligée à quitter le territoire dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme A... relève appel du jugement du 7 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. Aux termes de l'article L. 425-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui dépose plainte contre une personne qu'il accuse d'avoir commis à son encontre des faits constitutifs des infractions de traite des êtres humains ou de proxénétisme, visées aux articles 225-4-1 à 225-4-6 et 225-5 à 225-10 du code pénal, ou témoigne dans une procédure pénale concernant une personne poursuivie pour ces mêmes infractions, se voit délivrer, sous réserve qu'il ait rompu tout lien avec cette personne, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / Elle est renouvelée pendant toute la durée de la procédure pénale, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites. ". 3. Il est constant que Mme A... s'est vue délivrer à deux reprises une carte de séjour temporaire sur le fondement de l'article L. 425-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour la période du 13 mars 2020 au 12 mars 2022, alors même qu'elle ne remplissait plus les conditions pour se voir délivrer un tel titre de séjour depuis le classement sans suite de sa plainte le 27 décembre 2019. Il est également constant que dans sa pré-demande de renouvellement en ligne du 28 décembre 2021 de son titre de séjour Mme A... a fait état de ses efforts d'intégration, notamment professionnelle et a produit une copie de son contrat de travail et un diplôme / justificatif de formation. Il ressort des copies des courriels échangés du 7 au 25 mars 2022, entre l'association accompagnant Mme A... dans ses démarches et les services préfectoraux, que l'intéressée a demandé à l'administration, au motif que du fait du classement sans suite de sa plainte elle craignait un rejet de sa demande, si elle devait ou pouvait compléter sa demande pour solliciter un titre de séjour en tant que salariée ou son admission exceptionnelle au séjour mais qu'en réponse elle a été invitée à attendre le traitement de la demande initiale autrement elle prendrait le risque de voir son dossier " classé sans suite " et qu'une demande d'autorisation de travail devait être formulée par l'employeur. Dans ces conditions, en traitant la demande de renouvellement de la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " de Mme A... sous le seul angle de l'article L. 425-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au caractère manifestement vain depuis fin 2019, alors qu'eu égard à son contenu et aux échanges que l'administration a eu par courriel avec celle-ci, cette demande pouvait être regardée comme une demande de carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " notamment au titre des articles L. 423-23 ou L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", le préfet du Calvados s'est mépris sur la portée de la demande de la requérante. Dans ces conditions, la décision contestée refusant la délivrance d'un titre de séjour à Mme A... doit être annulée. 4. Par voie de conséquence de l'annulation de cette décision, il y a lieu également d'annuler les décisions litigieuses du préfet du Calvados obligeant Mme A... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination. 5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 avril 2022 du préfet du Calvados. Sur les conclusions aux fins d'injonction : 6. Il résulte du moyen d'annulation retenu au point 3 que le présent arrêt n'implique qu'une mesure de réexamen de la demande de Mme A..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Sur les frais liés au litige : 7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au profit de Me Madeline, dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n° 2201621 du 7 octobre 2022 du tribunal administratif de Caen est annulé. Article 2 : L'arrêté du 26 avril 2022 par lequel le préfet du Calvados a refusé le renouvellement du titre de séjour de Mme A..., l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination est annulé. Article 3 : Il est enjoint au préfet du Calvados de réexaminer la demande de Mme A..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Article 4 : L'Etat versera à Me Madeline la somme de 1 200 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., à Me Madeline et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Une copie en sera transmise, pour information, au préfet du Calvados. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Lainé, président de chambre, - M. Derlange, président assesseur, - Mme Picquet, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 novembre 2023. Le rapporteur, S. DERLANGE Le président, L. LAINÉ Le greffier, C. WOLF La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22NT03669 |
CETATEXT000048424301 | J4_L_2023_11_00022NT03825 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424301.xml | Texte | CAA de NANTES, 4ème chambre, 17/11/2023, 22NT03825, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-17 00:00:00 | CAA de NANTES | 22NT03825 | 4ème chambre | excès de pouvoir | C | M. LAINÉ | CABINET LEXCAP RENNES | Mme Laure CHOLLET | Mme ROSEMBERG | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La SELARL Pharmacie de l'Université a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler le contrat conclu le 12 décembre 2019 entre le centre communal d'action sociale de Saint-Brieuc et la pharmacie du Centre, ayant pour objet des prestations d'externalisation des médicaments pour deux établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes ou, à titre subsidiaire, de résilier ce contrat. Par un jugement n° 2000720 du 13 octobre 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté cette demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 8 décembre 2022 et 19 juin 2023, la SELARL Pharmacie de l'Université, représentées par Me Lahalle, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 13 octobre 2022 du tribunal administratif de Rennes ; 2°) d'annuler le contrat conclu le 12 décembre 2019 entre le centre communal d'action sociale de Saint-Brieuc et la pharmacie du Centre, ou, à titre subsidiaire, de résilier ce contrat ; 3°) de mettre à la charge du centre communal d'action sociale de Saint-Brieuc une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le contrat en litige est un contrat ayant pour objet la concession d'un service, soumis aux obligations de publicité et de mise en concurrence ; il a pour objet de confier au prestataire un droit d'exploitation au sens du code de la commande publique ; les patients conservent le libre choix de leur fournisseur de produits pharmaceutiques, ce qui expose le titulaire du contrat à un aléa économique ; le risque d'insolvabilité ne peut être exclu pour les médicaments non intégralement remboursés par la sécurité sociale ; le centre communal d'action sociale ne verse aucun prix au titulaire et ne prend pas en charge d'éventuelles pertes subies par l'opérateur privé ; - l'erreur du centre communal d'action sociale de Saint-Brieuc, qui a qualifié le contrat de marché public lors de la procédure de consultation, a induit en erreur sur la nature du contrat et la procédure de passation applicable alors qu'aucun projet de contrat ne figurait au cahier des charges ; le centre communal d'action sociale a ainsi omis de procéder à la phase d'analyse des candidatures, en méconnaissance des articles L. 3123-18 et L. 3123-19 du code de la commande publique ; la phase de négociation, qui demeure le principe en matière de passation des concessions, n'a pas été mise en œuvre, ce qui l'a empêchée d'améliorer son offre et de remporter la consultation ; en attribuant une note identique à tous les candidats, le pouvoir adjudicateur a privé le critère financier de toute portée ; elle aurait pu obtenir une note supérieure sur ce critère s'il avait fait l'objet d'un analyse comparative au regard du contenu respectif des offres ; - à supposer même que le contrat s'analyse en un contrat de marché public, il aurait dû faire l'objet d'un allotissement conformément à l'article L. 2113-10 du code de la commande publique ; cette irrégularité est susceptible de l'avoir lésé en ce que sa proposition aurait été différente dans le cadre d'un périmètre de prestations réduit ; - le cahier des charges du contrat de concession ne prévoyait aucune durée ; elle n'a donc pas pu présenter utilement son offre par rapport au critère de la durée sur laquelle elle devait s'engager ; - le contrat conclu présente un caractère illicite ; il méconnait le principe de libre choix du pharmacien prévu à l'article L. 1110-8 du code de la santé publique ; le contrat est contraire au devoir d'indépendance des pharmaciens prévu à l'article R. 4235-18 du code de la santé publique eu égard aux conditions d'exécution qu'il impose à l'attributaire. Par un mémoire en défense, enregistré le 23 février 2023, le centre communal d'action sociale de Saint-Brieuc, représenté par Me Berrezai, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la Pharmacie de l'Université une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la requête d'appel est irrecevable dès lors qu'elle reprend intégralement et exclusivement la requête de première instance et méconnaît l'article R. 411-1 du code de justice administrative ; - la qualification du contrat en litige n'a aucun rapport avec l'éviction de la Pharmacie de l'Université ; les critères de sélection auraient été identiques qu'il s'agisse d'un contrat de marché public ou d'une concession ; - le contrat conclu sur le fondement de l'article L. 5126-10 du code de la santé publique ne relève pas du champ de la commande publique et n'est soumis à aucune obligation de publicité et de mise en concurrence préalable ; il s'agit d'un contrat sui generis ; en tout état de cause, il ne peut s'agir d'un contrat de concession au sens de l'article L. 1121-1 du code de la commande publique en l'absence de transfert d'un risque d'exploitation ; en tout état de cause, la Pharmacie de l'Université n'a été lésée par aucun manquement commis aux règles de procédures imposées aux concessions ; - le contrat conclu n'est pas illicite. La requête a été communiquée à la pharmacie du Centre qui n'a pas produit de mémoire en défense. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code de l'action sociale et des familles ; - le code de la commande publique ; - le code de santé publique ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Chollet, - les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique ; - et les observations de Me Cazo, substituant Me Lahalle, représentant la Pharmacie de l'Université et de Me Geffroy, représentant le centre communal d'action sociale de Saint-Brieuc. Considérant ce qui suit : 1. Le centre communal d'action sociale (CCAS) de Saint-Brieuc a, le 1er avril 2019, sur demande expresse de l'agence régionale de santé, lancé une consultation en vue de la conclusion d'un contrat avec une pharmacie, en application de l'article L. 5126-10 du code de la santé publique, ayant pour objet l'externalisation de la préparation individualisée des médicaments des résidents de deux établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). Par courrier du 3 juin 2019, la Pharmacie de l'Université a été informée que son offre avait été rejetée. La convention a été conclue entre le CCAS de Saint-Brieuc et la Pharmacie du Centre le 12 décembre 2019. La Pharmacie de l'Université relève appel du jugement du 13 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce contrat. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne la nature du contrat : 2. D'une part, aux termes de l'article L. 123-5 du code de l'action sociale et des familles : " (...) / Le centre communal d'action sociale peut créer et gérer en services non personnalisés les établissements et services sociaux et médico-sociaux mentionnés à l'article L. 312-1. (...) ". Aux termes de l'article L. 312-1 du même code : " I.- Sont des établissements et services sociaux et médico-sociaux, au sens du présent code, les établissements et les services, dotés ou non d'une personnalité morale propre, énumérés ci-après : / (...) / 6° Les établissements et les services qui accueillent des personnes âgées ou qui leur apportent à domicile une assistance dans les actes quotidiens de la vie, des prestations de soins ou une aide à l'insertion sociale ; / (...) ". Aux termes de l'article L. 311-1 du même code : " L'action sociale et médico-sociale, au sens du présent code, s'inscrit dans les missions d'intérêt général et d'utilité sociale suivantes : / (...) / 5° Actions d'assistance dans les divers actes de la vie, de soutien, de soins et d'accompagnement, y compris à titre palliatif ; / (...) / Ces missions sont accomplies par des personnes physiques ou des institutions sociales et médico-sociales. / Sont des institutions sociales et médico-sociales au sens du présent code les personnes morales de droit public ou privé gestionnaires d'une manière permanente des établissements et services sociaux et médico-sociaux mentionnés à l'article L. 312-1. / (...) ". 3. D'autre part, aux termes de l'article L. 2 du code de la commande publique : " Sont des contrats de la commande publique les contrats conclus à titre onéreux par un acheteur ou une autorité concédante, pour répondre à ses besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services, avec un ou plusieurs opérateurs économiques. / (...) ". Aux termes de l'article L. 1111-1 du même code : " Un marché est un contrat conclu par un ou plusieurs acheteurs soumis au présent code avec un ou plusieurs opérateurs économiques, pour répondre à leurs besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services, en contrepartie d'un prix ou de tout équivalent ". 4. Enfin, aux termes de l'article L. 5126-10 du code de la santé publique : " I.- (...) / II. -Les établissements mentionnés au 6° du I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles qui ne disposent pas de pharmacies à usage intérieur ou qui ne sont pas membres d'un groupement de coopération sanitaire ou d'un groupement de coopération sociale et médicosociale gérant une pharmacie à usage intérieur concluent, avec un ou plusieurs pharmaciens titulaires d'officine, une ou des conventions relatives à la fourniture en produits de santé mentionnés au I de l'article L. 5126-1 des personnes hébergées en leur sein. La ou les conventions désignent un pharmacien d'officine référent pour l'établissement. Ce pharmacien concourt à la bonne gestion et au bon usage des médicaments destinés aux résidents. Il collabore également, avec les médecins traitants, à l'élaboration, par le médecin coordonnateur mentionné au V de l'article L. 313-12 du même code, de la liste des médicaments à utiliser préférentiellement dans chaque classe pharmaco-thérapeutique. / Ces conventions précisent les conditions destinées à garantir la qualité et la sécurité de la dispensation ainsi que le bon usage des médicaments en lien avec le médecin coordonnateur mentionné au V de l'article L. 313-12 du même code. Elles sont transmises par les établissements au directeur général de l'agence régionale de santé ainsi qu'à la caisse primaire d'assurance maladie dont ils relèvent et, par les pharmaciens, au conseil compétent de l'ordre. Les personnes hébergées ou leurs représentants légaux conservent la faculté de demander que leur approvisionnement soit assuré par un pharmacien de leur choix. / Les conventions sont conformes à une convention type définie par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale ". 5. Le contrat pour la conclusion duquel le CCAS de Saint-Brieuc a lancé la procédure litigieuse a pour objet " d'assurer aux résidents des établissements du CCAS qui le souhaitent (...) l'organisation d'une prestation qualifiée visant à la sécurisation du parcours du médicament au sein de l'établissement, ainsi qu'au bon usage des produits de santé par une formation et/ou une information pertinentes ". Ce contrat lui permet donc de remplir d'une manière plus efficace sa mission de prestations de soins et d'accompagnement en qualité de gestionnaire d'EHPAD, mission notamment définie à l'article L. 311-1 du code de l'action sociale et des familles. Le titulaire doit s'engager à proposer les conditions d'une bonne organisation de la dispensation aux résidents de médicaments, produits ou objets mentionnés à l'article L. 4211-1 du code de la santé publique, sur demande des résidents des établissements, de leur représentant légal et/ou de leur médecin traitant, exprimé par écrit, soumis ou non à prescription, remboursables ou non, et notamment prévoir la fréquence de leurs livraisons entre l'officine et les établissements du CCAS, leur préparation sous paquets scellés totalement tracés et le reconditionnement éventuel des médicaments en sachets-dose et le suivi du parcours des produits pharmaceutiques au sein de l'établissement. Le titulaire participe aux obligations de suivi individualisé régulier des patients, en lien avec le personnel médical, en utilisant notamment un cahier de liaison afin " d'optimiser l'analyse pharmaceutique de l'ordonnance dans une optique clinique " et de " permettre dans le meilleur délai d'adaptation éventuelle des traitements ". Le service ainsi rendu par la pharmacie cocontractante ne fait l'objet d'aucune rémunération sous la forme d'un prix, mais la convention prévoit que " l'intérêt des parties contractantes résident dans le développement d'une relation durable, fondée sur la satisfaction en toute transparence des exigences socio-sanitaires des résidents selon des standards opposables de qualité élevée et de traçabilité totale, définis dans les projets d'établissement et proposés par l'officine ". Les établissements du CCAS s'engagent à cet effet à " présenter et expliquer, auprès des résidents, la politique de qualification de la prestation pharmaceutique sécurisée ". Le titulaire se rémunère donc en exploitant de manière durable l'accès à la clientèle des EHPAD pour le droit à dispensation de produits pharmaceutiques et doit, pour se faire, participer au suivi du patient dans sa dimension pharmaceutique, avec l'organisation conjointe de la transmission de toutes les informations nécessaires à la bonne prise en charge des résidents, l'organisation de la transmission de leurs cartes vitales à l'officine pendant le temps nécessaire à la facturation des médicaments à l'Assurance Maladie et vérifier la corrélation entre la prescription et les médicaments préparés. 6. Dans ces conditions, cette convention, dont la rémunération du service rendu prend la forme d'un accès privilégié à la clientèle présente dans les établissements médico-sociaux gérés par le CCAS pour une durée de trois ans en vue de la dispensation de prestations pharmaceutiques, présente le caractère d'un marché public. En ce qui concerne la licéité du contrat : 7. Indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l'excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d'un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles. Ce recours doit être exercé, y compris si le contrat contesté est relatif à des travaux publics, dans un délai de deux mois à compter de l'accomplissement des mesures de publicité appropriées, notamment au moyen d'un avis mentionnant à la fois la conclusion du contrat et les modalités de sa consultation dans le respect des secrets protégés par la loi. La légalité du choix du cocontractant, de la délibération autorisant la conclusion du contrat et de la décision de le signer, ne peut être contestée qu'à l'occasion du recours ainsi défini. Le tiers agissant en qualité de concurrent évincé de la conclusion d'un contrat administratif ne peut ainsi, à l'appui d'un recours contestant la validité de ce contrat, utilement invoquer, outre les vices d'ordre public, que les manquements aux règles applicables à la passation de ce contrat qui sont en rapport direct avec son éviction. 8. En premier lieu, la Pharmacie de l'Université n'est pas fondée à invoquer la méconnaissance des dispositions de l'article L. 2113-10 du code de la commande publique dès leur que l'objet du marché ne permet pas l'identification de prestations distinctes. 9. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 3121-1 du code de la commande publique : " L'autorité concédante organise librement une procédure de publicité et mise en concurrence qui conduit au choix du concessionnaire dans le respect des dispositions des chapitres I à V du présent titre et des règles de procédure fixées par décret en Conseil d'Etat. / Elle peut recourir à la négociation. (...) ". Il résulte de ce qui a été dit aux points 5 et 6 que la Pharmacie de l'Université ne peut utilement invoquer la méconnaissance des dispositions de l'article L. 3121-1 du code de la commande publique qui ne concerne que les contrats de concessions de service public. 10. En troisième lieu, il ne résulte pas de l'instruction que le CCAS de Saint-Brieuc aurait méconnu les articles L. 3123-1 et suivants du code de la commande publique relatifs aux conditions de participation des candidats à la procédure de passation, notamment leur capacité et aptitude à candidater. La requérante ne justifie au demeurant pas avoir été lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine à cette occasion. 11. En quatrième lieu, il résulte des termes du rapport d'analyse des offres que les trois candidates ont obtenu la note maximale au titre du critère prix en proposant toutes de ne facturer aucun prix au CCAS de Saint-Brieuc et de se rémunérer exclusivement grâce aux versements faits par les résidents ou l'assurance-maladie. Ce critère n'a ni pour objet ni pour effet de désavantager la candidature de la Pharmacie de l'Université par rapport aux autres candidatures. En outre, la Pharmacie de l'Université ne justifie pas ni même n'allègue que son offre présentait des conditions financières de nature à lui donner l'avantage sur les autres candidats. Dans ces conditions, elle ne justifie pas de l'irrégularité de ce critère. 12. En cinquième lieu, la Pharmacie de l'Université n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'a pas pu présenter utilement son offre par rapport au critère de la durée sur laquelle elle devait s'engager dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que la durée du contrat était un critère pour analyser les offres des candidats et qu'elle a pu présenter la sienne dans les mêmes conditions que les autres. 13. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 1110-8 du code de la santé publique dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Le droit du malade au libre choix de son praticien et de son établissement de santé est un principe fondamental de la législation sanitaire. / Les limitations apportées à ce principe par les différents régimes de protection sociale ne peuvent être introduites qu'en considération des capacités techniques des établissements, de leur mode de tarification et des critères de l'autorisation à dispenser des soins remboursables aux assurés sociaux. ". 14. Il résulte de l'instruction, notamment du préambule du cahier des charges et de la convention signée avec une autre officine, que les résidents hébergés dans les établissements du CCAS de Saint-Brieuc conservent leur droit au libre choix de l'officine et devront formaliser par un accord le choix spécifique de recourir à l'offre de service résultant de la conclusion du contrat avec la pharmacie du Centre. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le contrat en cause serait illicite au motif qu'il méconnaîtrait le principe de libre choix du patient défini par l'article L. 1110-8 du code de la santé publique manque en fait et doit être écarté. 15. En dernier lieu, aux termes de l'article R. 4235-18 du code de la santé publique : " Le pharmacien ne doit se soumettre à aucune contrainte financière, commerciale, technique ou morale, de quelque nature que ce soit, qui serait susceptible de porter atteinte à son indépendance dans l'exercice de sa profession, notamment à l'occasion de la conclusion de contrats, conventions ou avenants à objet professionnel. ". 16. Il ne résulte pas de l'instruction que les conditions d'exécution du marché porteraient atteinte à l'indépendance du pharmacien dispensateur, contrairement à ce que soutient la requérante. 17. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée à la requête, que la Pharmacie de l'Université n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Sur les frais liés au litige : 18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du CCAS de Saint-Brieuc la somme demandée par la Pharmacie de l'Université. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la Pharmacie de l'Université une somme de 1 500 euros, sur le fondement de ces mêmes dispositions, à verser au CCAS de Saint-Brieuc. DECIDE : Article 1er : La requête de la Pharmacie de l'Université est rejetée. Article 2 : Il est mis à la charge de la Pharmacie de l'Université une somme de 1 500 euros à verser au centre communal d'action sociale de Saint-Brieuc sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la Pharmacie de l'Université, à la Pharmacie du Centre et au centre communal d'action sociale de Saint-Brieuc. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Lainé, président de chambre, - M. Derlange, président assesseur, - Mme Chollet, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 novembre 2023. La rapporteure, L. CHOLLET Le président, L. LAINÉ Le greffier, C. WOLF La République mande et ordonne au préfet des Côtes-d'Armor en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22NT03825 |
CETATEXT000048424302 | J4_L_2023_11_00022NT04101 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424302.xml | Texte | CAA de NANTES, 4ème chambre, 17/11/2023, 22NT04101, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-17 00:00:00 | CAA de NANTES | 22NT04101 | 4ème chambre | plein contentieux | C | M. LAINÉ | ABC ASSOCIATION BERTHAULT COSNARD | Mme Pénélope PICQUET | Mme ROSEMBERG | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Le département d'Ille-et-Vilaine a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner la société Heude Bâtiment à lui verser la somme de 62 856 euros toutes taxes comprises (TTC) en réparation des désordres affectant la salle de sport et la dalle portée en béton avec quartz pour véhicules lourds du centre d'incendie et de secours de Fougères, de mettre à la charge de cette société la somme de 5 471,63 euros au titre des frais d'expertise judiciaire et de prononcer ces condamnations avec intérêt au taux légal à compter de l'enregistrement de la demande de première instance, capitalisation des intérêts et actualisation sur la base de l'indice BT 01 du coût de la construction le plus récent au jour du jugement. Par un jugement no 1903772 du 10 novembre 2022, le tribunal administratif de Rennes a condamné la société Heude Bâtiment à verser au département d'Ille-et-Vilaine la somme de 62 856 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 22 juillet 2019 et capitalisation des intérêts échus à la date du 22 juillet 2020 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date et a mis les frais d'expertise, d'un montant de 5 471,63 euros, à la charge de la société Heude Bâtiment. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 28 décembre 2022 et 19 avril 2023, la société par actions simplifiée (SAS) Heude Bâtiment, représentée par Me Peltier, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 10 novembre 2022 ; 2°) de rejeter la demande du département d'Ille-et-Vilaine ; 3°) de mettre à la charge de ce dernier une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - sa responsabilité contractuelle ne saurait être engagée en l'absence d'une obligation de résultat s'agissant des désordres allégués et dès lors qu'elle a respecté son obligation de moyens ; - la garantie de parfait achèvement ne saurait être mise en œuvre en l'absence de manquement contractuel de sa part ; - à cet égard, les désordres n'ont qu'un caractère esthétique et n'affectent pas la solidité de l'ouvrage ; - le département a accepté l'aléa d'apparition des fissures esthétiques ; - les fissures apparaissent aléatoirement sur les ouvrages en béton alors même que les règles de l'art ont été respectées ; - c'est à tort que le tribunal a prononcé sa condamnation à supporter financièrement des travaux qui ne sont pas de nature à remédier à un désordre esthétique ; - il n'existe aucun lien de causalité entre l'exécution de l'ouvrage par ses soins et les désordres, de sorte que ceux-ci ne lui sont pas imputables ; - elle n'a en tout état de cause commis aucune faute au regard des conditions météorologiques du coulage et de la réalisation de joints de dilatation. Par un mémoire en défense, enregistré le 2 mars 2023, et un mémoire enregistré le 19 mai 2023 qui n'a pas été communiqué, le département d'Ille-et-Vilaine conclut : 1°) au rejet de la requête ; 2°) à ce qu'il soit mis à la charge de la SAS Heude Bâtiment une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - les travaux du lot n°5 ont été partiellement réceptionnés par décision du 19 juin 2017, avec la date du 28 mars 2017 comme date retenue pour l'achèvement des travaux, sous réserve de la réalisation de différentes prestations avant le 24 juillet 2017 et notamment la reprise des fissures de la dalle portée quartz véhicules lourds et de celles constatées sur les voiles béton de la salle de sport et ces réserves n'ont jamais été levées ; - il résulte des règles de l'art que la société Heude Bâtiment était tenue, à tout le moins, à l'obligation de maitrise du risque et de limitation des différentes fissures ; - au regard de leur nombre important, ces différentes fissures rendent l'aspect esthétique du centre d'incendie et de secours inacceptable ; - la responsabilité contractuelle de la société Heude bâtiment peut donc être engagée sur le fondement de la garantie de parfait achèvement ; - certaines des fissures affectant l'ouvrage, et notamment la salle de sport, sont évolutives et dès lors, elles sont susceptibles de porter atteinte à la durabilité de l'ouvrage ; - les désordres sont imputables à cette société dès lors que les fissures proviennent des conditions de coulage du béton. Vu : - l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Picquet, - les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique, - et les observations de Me Geffroy pour le département d'Ille-et-Vilaine. Considérant ce qui suit : 1. Par acte d'engagement du 6 novembre 2014, le département d'Ille-et-Vilaine a confié à la société par actions simplifiée (SAS) Heude Bâtiment le lot n°5 " Gros-œuvre - Maçonnerie " des travaux de reconstruction du centre d'incendie et de secours de Fougères. Le 9 décembre 2015, le département a accepté l'entreprise déclarée comme sous-traitante par la SAS Heude Bâtiment, pour le coulage de dallages et planchers. Les travaux du lot " Gros-œuvre - Maçonnerie " ont été réceptionnés le 19 juin 2017 avec des réserves tenant, notamment, à la présence de fissures dans les murs en béton de la salle de sport et sur la dalle portée en béton avec quartz pour véhicules lourds. Par courrier du 23 février 2018, le département a notifié à la SAS Heude Bâtiment la prolongation du délai de garantie de parfait achèvement pour ces désordres, jusqu'à la levée des réserves. Par ordonnance du 21 juin 2018 du président du tribunal administratif de Rennes, un expert a été nommé à la demande du département d'Ille-et-Vilaine avec mission, notamment, de rechercher les causes des désordres, de déterminer les personnes responsables et d'indiquer la nature et le coût des travaux propres à y remédier. Le département d'Ille-et-Vilaine a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner la SAS Heude Bâtiment à lui verser la somme de 62 856 euros TTC en réparation de ces désordres, sur le fondement de la responsabilité contractuelle ou de la garantie de parfait achèvement ou, à titre subsidiaire, sur le fondement de la garantie décennale. Par un jugement du 10 novembre 2022, le tribunal, sur le fondement de la garantie de parfait achèvement, a condamné la SAS Heude Bâtiment à verser au département d'Ille-et-Vilaine la somme de 62 856 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 22 juillet 2019 avec capitalisation des intérêts échus à la date du 22 juillet 2020 à chaque échéance annuelle à compter de cette date et a mis les frais d'expertise, d'un montant de 5 471,63 euros, à la charge de la SAS Heude Bâtiment. La SAS Heude Bâtiment fait appel de ce jugement. Sur la responsabilité de la SAS Heude Bâtiment : 2. Aux termes de l'article 41.6 du cahier des clauses administratives générales applicable au marché : " Lorsque la réception est assortie de réserves, le titulaire doit remédier aux imperfections et malfaçons correspondantes dans le délai fixé par le représentant du pouvoir adjudicateur ou, en l'absence d'un tel délai, trois mois avant l'expiration du délai de garantie défini à l'article 44.1. / Au cas où ces travaux ne seraient pas faits dans le délai prescrit, le maître de l'ouvrage peut les faire exécuter aux frais et risques du titulaire, après mise en demeure demeurée infructueuse. ". Aux termes de l'article 44.1 : " (...) Le délai de garantie est, sauf prolongation décidée comme il est précisé à l'article 44.2, d'un an à compter de la date d'effet de la réception. / Pendant le délai de garantie, outre les obligations qui peuvent résulter pour lui de l'application de l'article 41.4, le titulaire est tenu à une obligation dite " obligation de parfait achèvement " au titre de laquelle il doit : / a) Exécuter les travaux ou prestations éventuels de finition ou de reprise prévus aux articles 41.5 et 41.6 ; / b) Remédier à tous les désordres signalés par le maître de l'ouvrage ou le maître d'œuvre, de telle sorte que l'ouvrage soit conforme à l'état où il était lors de la réception ou après correction des imperfections constatées lors de celles-ci ; / c) Procéder, le cas échéant, aux travaux confortatifs ou modificatifs dont la nécessité serait apparue à l'issue des épreuves effectuées conformément aux stipulations prévues par les documents particuliers du marché (...) / Les dépenses correspondant aux travaux complémentaires prescrits par le maître de l'ouvrage ou le maître d'œuvre ayant pour objet de remédier aux déficiences énoncées aux b et c ci-dessus ne sont à la charge de l'entrepreneur que si la cause de ces déficiences lui est imputable. L'obligation de parfait achèvement ne s'étend pas aux travaux nécessaires pour remédier aux effets de l'usage ou de l'usure normale. (...) ". 3. D'une part, en vertu des principes dont s'inspire l'article 1792-6 du code civil, la garantie de parfait achèvement due par l'entreprise s'étend à la reprise des désordres ayant fait l'objet de réserves dans le procès-verbal de réception comme à ceux qui apparaissent et sont signalés dans l'année suivant la date de réception. D'autre part, en l'absence de stipulations particulières prévues par les documents contractuels, lorsque la réception de l'ouvrage est prononcée avec réserves, les rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs se poursuivent au titre des travaux ou des parties de l'ouvrage ayant fait l'objet des réserves. Les relations contractuelles entre le responsable du marché et l'entrepreneur se poursuivent non seulement pendant le délai de garantie, mais encore jusqu'à ce qu'aient été expressément levées les réserves exprimées lors de la réception. 4. Il résulte de l'instruction et en particulier du rapport d'expertise du 18 mars 2019 que les fissures, qui ont fait l'objet de réserves non levées, sur le dallage porté quartz du garage des véhicules lourds et sur les voiles en béton de la salle de sport sont d'ordre esthétique et sont dues à des phénomènes de retrait du béton liés à la conjonction d'une longueur importante, près de 47 mètres sans joint de dilatation, et de la période de coulage du béton, en été avec séchage du béton plus rapide. Le cahier des clauses techniques particulières (CCTP) stipule à l'article 05.2.2.8 que " les voiles doivent être coulés toute hauteur en une seule fois afin d'éviter les fissures ultérieures au droit des dalles ". Il stipule également, à l'article 05.2.2.7.3.5 que, s'agissant du dallage porté quartz surcharge véhicules lourds, son aspect sera lissé et que " toutes dégradations de revêtement quartz (taches, épaufrures, etc.) relèvent de la responsabilité du présent lot. ". En outre la norme européenne NF EN 1992-1-1, mentionnée dans le CCTP, indique que la fissuration doit être limitée, ne rendant pas l'aspect de la structure inacceptable. Il résulte de l'instruction que 27 fissures ont été constatées sur le dallage porté quartz surcharge du garage des véhicules lourds et 13 fissures sur les voiles en béton de la salle de sport. Ainsi, au vu de ce nombre important de fissures, dont une a d'ailleurs été regardée comme évolutive par l'expert dans son rapport du 18 mars 2019, la SAS Heude Bâtiment n'est pas fondée à soutenir que ces fissures étaient contractuellement conformes, alors même qu'il ne s'agit que de fissures de retrait, d'une faible ouverture et d'ordre esthétique, pouvant survenir de manière aléatoire. Il résulte du rapport d'expertise judiciaire que ces désordres sont directement liés aux travaux relatifs au coulage du béton et qu'il s'agit donc exclusivement d'un manquement contractuel d'exécution imputable, pour les voilages en béton de la salle de sport, au titulaire du lot n° 5, la SAS Heude Bâtiment, et, pour le dallage quartz porté véhicules lourds, au titulaire et à son sous-traitant dont il doit répondre. Sur les travaux de nature à remédier aux désordres : 5. Contrairement à ce que soutient la SAS Heude Bâtiment, il ne résulte pas de l'instruction que les travaux consistant à ouvrir les fissures, les nettoyer et les garnir de résine, tels que préconisés par l'expert judiciaire dans son rapport et retenus par le tribunal administratif de Rennes dans le jugement attaqué, ne seraient pas de nature à remédier aux désordres et auraient pour conséquence de rendre les fissures plus apparentes et visibles qu'elles ne le sont actuellement. 6. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Heude Bâtiment n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes l'a condamnée à verser au département d'Ille-et-Vilaine la somme de 62 856 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 22 juillet 2019 et capitalisation des intérêts échus à la date du 22 juillet 2020 et à chaque échéance annuelle à compter de cette date et a mis à sa charge les frais d'expertise. Sur les frais liés au litige : 7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du département d'Ille-et-Vilaine qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée à ce titre par la SAS Heude Bâtiment. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par le département d'Ille-et-Vilaine en appel et non compris dans les dépens. DECIDE : Article 1er : La requête de la SAS Heude Bâtiment est rejetée. Article 2 : La SAS Heude Bâtiment versera au département d'Ille-et-Vilaine la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Heude Bâtiment et au département d'Ille-et-Vilaine. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Lainé, président de chambre, - M. Derlange, président assesseur, - Mme Picquet, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 novembre 2023. La rapporteure P. Picquet Le président L. LainéLe greffier La rapporteure P. Picquet Le président L. LainéLe greffier C. Wolf La République mande et ordonne au préfet d'Ille-et-Vilaine en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22NT04101 |
CETATEXT000048424303 | J4_L_2023_11_00023NT00222 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424303.xml | Texte | CAA de NANTES, 3ème chambre, 17/11/2023, 23NT00222, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-17 00:00:00 | CAA de NANTES | 23NT00222 | 3ème chambre | plein contentieux | C | Mme BRISSON | BOURDON VINCENT | Mme Judith LELLOUCH | M. BERTHON | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner le centre hospitalier de Saint-Lô à lui verser la somme de 136 219,62 euros en réparation des préjudices qu'elle impute à la prise en charge de son époux. Dans cette même instance, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Manche a demandé au tribunal de condamner le centre hospitalier de Saint-Lô à lui verser une somme de 77 886,22 euros au titre du remboursement des débours exposés en faveur de son assuré. Par un jugement n° 2002587 du 25 novembre 2022, le tribunal administratif de Caen a fait partiellement droit à ces demandes en condamnant le centre hospitalier à verser à Mme C... une somme de 26 320 euros et une somme de 11 682,93 euros à la CPAM de la Manche. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 25 janvier 2023, Mme B... C... veuve A..., représentée par Me Boudevin, demande à la cour : 1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Caen du 25 novembre 2022 en tant qu'il n'a fait que partiellement droit à sa demande et de condamner le centre hospitalier de Saint-Lô à lui verser la somme globale de 80 969,62 euros en réparation des préjudices résultant de la prise en charge de son époux par le centre hospitalier ; 2°) de mettre à la charge du centre hospitalier la somme de 1 200 euros au titre des frais d'expertise ; 3°) de mettre à la charge du centre hospitalier une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; Elle soutient que : - la responsabilité du centre est engagée dès lors que l'intervention chirurgicale n'était pas conforme aux bonnes pratiques médicales et qu'elle a fait perdre à D...A... une chance d'éviter l'accident vasculaire cérébral survenu qui doit être évaluée à 15% ; - les indemnités allouées par les premiers juges doivent être majorées et portées aux sommes de : ) 3 750 euros au titre des souffrances endurées par D... A... évaluées à 5/7 sur une échelle de 7 ; ) 2 250 euros au titre de son préjudice esthétique évalué à 4,5/7 ; ) 1 500 euros au titre du préjudice d'agrément ; ) 751,50 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire total ; ) 1 355,62 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel ; ) 21 780 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ; ) 13 087,50 euros au titre du besoin temporaire de D... A... en assistance d'une tierce personne avant sa consolidation ; ) 34 245 euros au titre du besoin permanent en assistance d'une tierce personne après la consolidation de l'intéressé ; ) 2 250 euros au titre du préjudice moral et du préjudice d'accompagnement qu'elle a subi en propre du fait des graves séquelles de son mari et de sa perte d'autonomie. Par des mémoires enregistrés les 31 janvier et 12 juin 2023, la caisse primaire d'assurance maladie de la Manche, représentée par Me Bourdon, demande à la cour, par la voie de l'appel incident : 1°) à titre principal, de porter la somme que le centre hospitalier de Saint-Lô a été condamné à lui verser en remboursement des débours qu'elle a exposés en faveur de son assuré à la somme de 77 886,22 euros, et à titre subsidiaire de condamner le centre hospitalier à lui verser une fraction de cette somme par application d'un taux de perte de chance qui ne pourra être inférieur à 15 %, avec intérêts au taux légal à compter du 25 novembre 2022 ; 2°) de porter l'indemnité forfaitaire de gestion à laquelle elle a droit en application de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale à la somme de 1 162 euros ; 3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Saint-Lô les entiers dépens ; 4°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Saint-Lô une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - les débours de 77 886,22 euros qu'elle justifie avoir exposés en faveur de D... A..., sont imputables à la faute du centre hospitalier de Saint-Lô ; - l'indemnité forfaitaire de gestion doit être actualisée et portée à la somme de 1 162 euros afin de tenir compte de l'arrêté du 15 décembre 2022. Par un mémoire en défense, enregistré le 12 juin 2023 le centre hospitalier de Saint-Lô, représenté par Me Le Prado, conclut au rejet de la requête d'appel et demande à la cour, par la voie de l'appel incident, de minorer les sommes allouées par le jugement attaqué à Mme C... et à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Manche. Il soutient que : - les moyens invoqués par Mme C... ne sont pas fondés, et ses demandes de majoration des indemnités allouées doivent être rejetées ; - le jugement attaqué doit être réformé : o en ramenant l'indemnisation du préjudice esthétique accordée par les premiers juges à la somme de 535,71 euros ; o en rejetant la demande d'indemnisation du préjudice d'agrément ; o en ramenant l'indemnisation du déficit fonctionnel total à la somme de 1 541,74 euros ; o en rejetant la demande de la CPAM de la Manche relative aux dépenses de santé futures. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de la santé publique ; - le code de sécurité sociale ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Lellouch, - les conclusions de M. Berthon, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. Le 18 juin 2010, à la suite de la survenue de trois accidents ischémiques transitoires et d'un accident vasculaire cérébral mineur, D... A..., né le 7 septembre 1945, a été admis au centre hospitalier de Saint-Lô. Après quelques jours au sein de l'unité d'hébergement de courte durée, il a été hospitalisé dans le service de neurologie. Les examens réalisés ont mis en évidence une sténose à 60% de la carotide interne droite et l'indication d'une chirurgie (thrombo endartériectomie) a été posée. Dans les suites de l'intervention, réalisée le 30 juin 2010, D... A... a présenté une paralysie faciale, une paralysie des membres inférieur et supérieur gauche et une cécité totale d'un œil. Il a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Caen qui a ordonné une expertise médicale par ordonnance du 21 décembre 2018. Le rapport de l'expert a été déposé le 9 mai 2019. D... A... est décédé le 1er octobre 2019. Après avoir présenté le 14 octobre 2020 une demande préalable indemnitaire auprès du centre hospitalier de Saint-Lô, Mme C..., sa veuve, a saisi le tribunal administratif de Caen d'une demande tendant à la condamnation de cet établissement à lui verser la somme de 136 219,62 euros en réparation des préjudices résultant de la prise en charge médicale de son époux. Mme C... demande à la cour de réformer le jugement du 25 novembre 2022 du tribunal administratif de Caen en portant la somme de 80 969,62 euros que le centre hospitalier a été condamné à lui verser à la somme de 80 969,62 euros. La CPAM de la Manche demande également la réformation du jugement en sollicitant que la somme obtenue en remboursement des débours soit portée à celle de 77 886,22 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 25 novembre 2022, et l'indemnité forfaitaire de gestion à la somme de 1 162 euros. Le centre hospitalier de Saint-Lô conclut au rejet de la requête d'appel et demande à la cour, par la voie de l'appel incident, de minorer les sommes mises à sa charge par le jugement attaqué. Par jugement du 25 novembre 2022, le tribunal administratif de Caen a jugé que l'indication opératoire posée était contraire aux bonnes pratiques et de nature à engager la responsabilité de l'établissement hospitalier et qu'eu égard aux antécédents de M. A... et aux risques d'accidents vasculaires cérébraux spontanés, cette faute avait fait perdre à l'intéressé une chance de 15% d'éviter un tel accident. Alors que le centre hospitalier de Saint-Lô ne conteste pas que l'indication opératoire est constitutive d'une faute médicale de nature à engager sa responsabilité, les parties à l'instance ne remettent pas en cause le taux de perte de chance retenu par les premiers juges. Sur l'évaluation des préjudices : En ce qui concerne les préjudices de D... A... : 2. Il résulte du rapport d'expertise que l'accident vasculaire cérébral survenu au décours de l'intervention du 30 juin 2010 a entraîné la survenue d'une hémiparésie gauche prédominant au membre supérieur, d'une paralysie faciale, d'une hémianopsie latérale homonyme gauche ainsi qu'une baisse très importante de l'acuité visuelle de l'œil droit. Depuis la consolidation de son état, fixée par l'expert au 30 juin 2013, il est demeuré atteint de séquelles imputables à l'accident vasculaire cérébral, à savoir une hémiplégie gauche motrices et sensitives, une perte du champ visuel gauche et une cécité de l'œil droit. S'agissant du déficit fonctionnel temporaire : 3. Il résulte de l'instruction que l'accident vasculaire cérébral survenu au décours de l'intervention chirurgicale a été à l'origine pour D... A... d'un déficit fonctionnel temporaire total du 30 juin 2010, date de l'intervention, au 2 décembre 2010, période au cours de laquelle il était hospitalisé au centre hospitalier de Saint-Lô puis au centre de rééducation fonctionnelle Le Normandy. L'expert a évalué à 75% son déficit fonctionnel partiel pendant la période de rééducation en externe au centre de rééducation fonctionnelle, soit du 3 décembre 2010 au 15 avril 2011, puis à 65% pendant la période de suivi en ambulatoire du 16 avril 2011 au 30 juin 2013, date de consolidation de son état. Il sera fait une juste appréciation de ce poste de préjudice en l'évaluant, sur la base d'un taux journalier de 17 euros, à la somme de 13 277,85 euros [(156 jours * 17) + (134 jours * 17 * 0,75) + (807 jours * 17 * 0,65)]. Après application du taux de perte de chance, il y a lieu de mettre à la charge du centre hospitalier de Saint-Lô une somme arrondie de 1 992 euros à ce titre. S'agissant du déficit fonctionnel permanent : 4. Au vu des séquelles neurologiques de son accident, D... A... est demeuré atteint d'un taux d'incapacité permanente de 60% à compter de la date de consolidation, fixée au 30 juin 2013 par l'expert, et jusqu'à la date de son décès, le 1er octobre 2019, à l'âge de soixante-quatorze-ans. Après application du taux de perte de chance de 15% retenu, il sera fait une équitable appréciation de ce chef de préjudice en l'évaluant à la somme de 7 500 euros. S'agissant du besoin d'assistance d'une tierce personne : 5. D'une part, les premiers juges ont retenu un besoin temporaire en assistance d'une tierce personne de 4 heures par jour du 3 décembre 2010 au 15 avril 2011, puis de deux heures par jour du 16 avril 2011 jusqu'au 30 juin 2013, date de consolidation de son état de santé. Il y a lieu d'évaluer ce besoin temporaire en assistance d'une tierce personne, en tenant compte du niveau de rémunération constaté entre 2011 et 2013 augmenté des charges sociales et des majorations de rémunération pour travail du dimanche et d'une année de 412 jours pour tenir compte des congés payés et des jours fériés, à la somme de 4 907,60 euros, après application du taux de perte de chance de 15%. 6. D'autre part, le besoin permanent en assistance d'une tierce personne correspondant à deux heures par jour d'aide non spécialisée, entre la consolidation et le décès de D... A..., soit entre le 30 juin 2013 et le 1er octobre 2019, doit être évalué en tenant compte du niveau de rémunération constaté entre 2013 et 2019 augmenté charges sociales et des majorations de rémunération pour travail du dimanche et d'une année de 412 jours, soit après l'application du taux de perte de chance de 15% à la somme de 10 483,73 euros. S'agissant des souffrances endurées : 7. L'expert a évalué à 5 sur une échelle de 7 les souffrances endurées par D... A... directement imputables à l'accident vasculaire cérébral intervenu au décours de l'intervention. Il sera fait une équitable appréciation de ce chef de préjudice en l'évaluant, comme l'ont fait les premiers juges, à la somme de 15 000 euros. Eu égard au taux de perte de chance d'éviter cet accident retenu, il y a lieu de mettre à la charge du centre hospitalier de Saint-Lô une somme de 2 250 euros à ce titre. S'agissant du préjudice esthétique : 8. Il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise, que l'accident vasculaire cérébral survenu au décours de la chirurgie du 30 juin 2010 a été à l'origine d'un préjudice esthétique tant temporaire que permanent évalué par l'expert judiciaire à 4,5 sur une échelle de 7. Mme C... insiste en particulier sur la boiterie, l'obligation de se présenter en fauteuil roulant ou alité ainsi que l'altération de son expression consécutive aux séquelles neurologiques de D... A.... Il sera fait une équitable appréciation du préjudice esthétique ainsi subi par l'intéressé entre le 30 juin 2010 et son décès en décembre 2019 en l'évaluant à la somme de 10 000 euros. Eu égard au taux de perte de chance retenu, le centre hospitalier de Saint-Lô sera condamné à verser à Mme C... une somme de 1 500 euros à ce titre. S'agissant du préjudice d'agrément : 9. L'expert judiciaire renvoie dans son rapport aux doléances de D... A... pour l'évaluation son préjudice d'agrément. L'intéressé a fait valoir devant l'expert être privé de ses activités de jardinage, la surface de son jardin étant de 400 m² et ne plus être en mesure d'exercer les activités de vannerie, de pêche à pied et d'encadrement qu'il pratiquait. Si la requérante ne produit pas de justificatifs des activités de son défunt époux, il résulte de l'instruction que les accidents cardio-vasculaires qui ont conduit à son admission au centre hospitalier le 18 juin 2023 sont survenus alors qu'il se livrait à une activité de jardinage. Il y a lieu d'indemniser ce poste de préjudice à hauteur de 750 euros après application du taux de perte de chance. 10. Il résulte de ce qui précède que l'ensemble des préjudices subis par D... A... doit être évalué à la somme globale de 29 383,33 euros. Sur les préjudices propres de Mme C... : 11. Mme C... a subi un préjudice moral important à raison de la détresse de son époux liée aux séquelles neurologiques temporaires et permanentes de son accident vasculaire cérébral dont le centre hospitalier de Saint-Lô est responsable à hauteur de 15%. Elle a en outre subi des troubles dans ses conditions d'existence résultant de l'aide et de l'assistance de son mari dans certains actes de la vie courante. Il sera fait une équitable appréciation de ce préjudice moral et d'accompagnement en l'évaluant à la somme de 10 000 euros. Eu égard au taux de perte de chance, il y a lieu de condamner le centre hospitalier à lui verser une somme de 1 500 euros à ce titre. Sur les conclusions de la CPAM de la Manche : 12. La CPAM de la Manche justifie avoir exposé en faveur de son assuré D... A... des débours d'un montant de 77 886,94 euros correspondant à des frais d'hospitalisation au centre hospitalier de Saint-Lô puis au centre de rééducation fonctionnelle Le Normandy du 30 juin 2010 au 4 décembre 2010, des frais médicaux du 22 octobre 2010 au 12 décembre 2012 et des frais pharmaceutiques, de consultation, de kinésithérapie et d'orthoptiste exposés entre la date de consolidation de l'assuré et son décès. Il résulte de l'instruction, notamment de l'attestation du médecin conseil de la CPAM, que ces débours présentent un lien de causalité direct et certain avec l'accident vasculaire cérébral de D... A... dont le centre hospitalier de Saint-Lô est responsable à hauteur de 15%. Dans ces conditions, la CPAM est seulement fondée à demander la condamnation du centre hospitalier à lui verser la somme de 11 683 euros, laquelle portera intérêts au taux légal à compter du 25 novembre 2022, date à compter de laquelle elle les réclame. 13. Si le jugement attaqué du 25 novembre 2022 du tribunal administratif de Caen, a fixé la somme due à la CPAM du Calvados au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, à la somme de 1 114 euros correspondant au plafond fixé par l'arrêté du 14 décembre 2021 alors en vigueur et si le plafond a été réévalué pour l'année 2023 par un arrêté du 15 décembre 2022, la caisse ne peut prétendre à une augmentation du montant de cette indemnité forfaitaire de gestion dès lors que le présent arrêt n'a pas pour conséquence une majoration des sommes qui lui sont dues au titre des frais qu'elle a engagés en lien avec la faute du centre hospitalier. 14. Il résulte de tout ce qui précède que l'indemnité globale que le centre hospitalier de Saint-Lô a été condamné à verser à Mme C... doit être portée de 26 320 euros à 30 883,33 euros. Il y a lieu, en conséquence, de réformer en ce sens le jugement attaqué du tribunal administratif de Caen. Sur les frais liés à l'instance : 15. En application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu de laisser les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 1 200 euros, à la charge définitive du centre hospitalier de Saint-Lô. 16. Dans les circonstances de l'espèce et en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu de mettre à la charge du centre hospitalier de Saint-Lô, d'une part, la somme de 1 500 euros demandée par Mme C... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, et d'autre part, une somme de 1 000 euros à la CPAM de la Manche au même titre. D E C I D E : Article 1er : La somme de 26 320 euros que le centre hospitalier de Saint-Lô a été condamné à verser à Mme C... par l'article 1er du jugement du 25 novembre 2022 du tribunal administratif de Caen est portée à la somme de 30 883,33 euros. Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Caen du 25 novembre 2022 est réformé en tant qu'il est contraire à l'article 1er. Article 3 : Le centre hospitalier de Saint-Lô versera à Mme C... une somme de 1 500 euros et à la CPAM du Calvados une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C..., au centre hospitalier de Saint-Lô et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Manche. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : Mme Brisson, présidente, M. Vergne, président assesseur, Mme Lellouch, première conseillère, Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 novembre 2023. La rapporteure, J. LELLOUCH La présidente, C. BRISSON La greffière, A. MARTIN La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23NT00222 |
CETATEXT000048424304 | J4_L_2023_11_00023NT00304 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424304.xml | Texte | CAA de NANTES, 3ème chambre, 17/11/2023, 23NT00304, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-17 00:00:00 | CAA de NANTES | 23NT00304 | 3ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme BRISSON | SELAS BOUZID AVOCAT | M. Georges-Vincent VERGNE | M. BERTHON | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par l'administration sur son recours formé contre la décision du 11 décembre 2020 par laquelle le préfet de la région Bretagne a rejeté sa demande d'autorisation d'exploiter des terres agricoles sur les parcelles cadastrées n° YT 66, YS 97AJ, YS 97AK, YT 65, YT 75 à Plélan-le-Grand (Morbihan), ainsi que cette décision du 11 décembre 2020. Par un jugement n° 2100287 du 14 novembre 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté cette demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire enregistrés le 6 février et le 22 septembre 2023, M. A... B..., représenté par Me Bouzid, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 14 novembre 2022 ; 2°) d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par l'administration sur son recours formé contre la décision du 11 décembre 2020 par laquelle le préfet de la région Bretagne a rejeté sa demande d'autorisation d'exploiter des terres agricoles sur les parcelles cadastrées n° YT 66, YS 97AJ, YS 97AK, YT 65, YT 75 à Plélan-le-Grand, ainsi que cette décision du 11 décembre 2020 ; 3°) d'enjoindre au préfet de la région Bretagne de réexaminer sa demande d'autorisation d'exploiter des terres agricoles sur les parcelles cadastrées n° YT 66, YS 97AJ, YS 97AK, YT 65, YT 75 à Plélan-le-Grand, dans un délai de trois mois à compter de la décision à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - il exerce depuis le 1er juillet 2019 en qualité d'agriculteur céréalier biologique ; - il est jeune agriculteur, ses terres sont situées plus près des parcelles en litige, et son chiffre d'affaires est inférieur à celui de ses concurrents ; - la décision ayant rejeté sa demande est entachée d'erreur de droit ; sa demande répondait en effet parfaitement à la priorité définie par l'article L. 331-1 du code rural, consistant en la promotion et le développement des systèmes de production agro-écologique et portant sur des terres auparavant exploitées de façon conventionnelle, devait être prioritaire par rapport à celle de l'EARL Hervault qui a été retenue ; - elle est entachée d'erreur d'appréciation dès lors que sa demande, relevant de la priorité 4.2.6 du schéma directeur régional des exploitations agricoles (SDREA de Bretagne), aurait dû être considérée comme prioritaire. Par un mémoire, enregistré le 14 juin 2023, l'EARL Hervault, représentée par Me Chevalier, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. B... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que : - la requête d'appel est irrecevable, faute de comporter une critique du jugement contesté ; - les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés. Par un mémoire en défense, enregistré le 6 septembre 2023, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 10 janvier 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code rural et de pêche maritime ; - l'arrêté du préfet de la région Bretagne du 4 mai 2018 arrêtant le schéma directeur régional des exploitations agricoles de Bretagne ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Vergne, - les conclusions de M. Berthon, rapporteur public, - et les observations de Me Chevalier, représentant l'EARL Hervault. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., qui exploite depuis le 1er juillet 2019 environ 30 hectares de terres pour des cultures céréalières en mode d'agriculture biologique (orge, maïs et colza), a présenté le 28 octobre 2020 au préfet de la région Bretagne une demande d'autorisation d'exploiter des terres agricoles devenues vacantes, auparavant exploitées pour l'élevage de vaches laitières, puis de vaches allaitantes, d'une surface de 5,4835 ha, situées à Plélan-le-Grand (Morbihan), cadastrées n° YT 66, YS 97AJ, YS 97AK, YT 65, YT 75. Sa demande tendant à l'annulation de la décision du 11 décembre 2020 lui refusant cette autorisation ainsi que de la décision implicite de rejet de son recours gracieux a été rejetée par un jugement du tribunal administratif de Rennes n° 2100287 du 14 novembre 2022, dont il relève appel. Sur les conclusions à la fin d'annulation : 2. D'une part, aux termes de l'article L. 331-1 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt : " (...) L'objectif principal du contrôle des structures est de favoriser l'installation d'agriculteurs, y compris ceux engagés dans une démarche d'installation progressive. / Ce contrôle a aussi pour objectifs de : 1o Consolider ou maintenir les exploitations afin de permettre à celles-ci d'atteindre ou de conserver une dimension économique viable au regard des critères du schéma directeur régional des exploitations agricoles ; 2o Promouvoir le développement des systèmes de production permettant de combiner performance économique et performance environnementale, dont ceux relevant du mode de production biologique au sens de l'article L. 641-13, ainsi que leur pérennisation ; 3o Maintenir une agriculture diversifiée, riche en emplois et génératrice de valeur ajoutée, notamment en limitant les agrandissements et les concentrations d'exploitations au bénéfice, direct ou indirect, d'une même personne physique ou morale excessifs au regard des critères précisés par le schéma directeur régional des exploitations agricoles. ". Aux termes de l'article L. 331-3 du même code : " L'autorité administrative assure la publicité des demandes d'autorisation dont elle est saisie, selon des modalités définies par décret. / Elle vérifie, compte tenu des motifs de refus prévus à l'article L. 331-3-1, si les conditions de l'opération permettent de délivrer l'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2 et se prononce sur la demande d'autorisation par une décision motivée ". Enfin, aux termes de l'article L. 331-3-1 du même code : " L'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2 peut être refusée : / 1° Lorsqu'il existe un candidat à la reprise ou un preneur en place répondant à un rang de priorité supérieur au regard du schéma directeur régional des structures agricoles mentionné à l'article L. 312-1 ; (...) ". 3. D'autre part, aux termes de l'article 3 du schéma directeur régional des exploitations agricoles (SDREA) de Bretagne : " I - Les règles et dispositions particulières / a) Règles s'appliquant à toutes les priorités : en cas de demandes concurrentes relevant du même rang de priorité, les candidatures sont classées au regard des critères et règles fixées à l'article 5. Si ce classement ne permet pas de les départager, des autorisations sont délivrées pour chacune d'elles. / Au sein d'une même priorité, on départagera les demandes en fonction des sous-priorités / Tout demandeur exploitant ses terres en mode de production biologique ou en conversion et demandant des terres en agriculture biologique (parcelles déjà converties ou en cours de conversion) pour les maintenir en agriculture biologique est prioritaire par rapport aux autres demandeurs relevant du même rang de priorité. / Les candidats ayant un projet d'installation en agriculture biologique bénéficient également de cette sous-priorité. Hormis pour les candidats à l'installation, le statut d'exploitant en agriculture biologique sera justifié par l'attestation en agriculture biologique ou dernière attestation de contrôle de l'organisme certificateur.". 4. En premier lieu, si le requérant fait valoir que l'opération d'agrandissement de son exploitation ayant justifié sa demande d'autorisation répond parfaitement aux objectifs assignés au contrôle des structures des exploitations agricoles par l'article L. 331-1 du code rural, et notamment à celui de la promotion et du développement des systèmes de production agro-écologique, l'article L. 331-1 dont il se prévaut renvoit, pour son application, aux critères du schéma directeur des exploitations agricoles défini régionalement, soit, au cas particulier, à l'arrêté du préfet de la région Bretagne du 4 mai 2018 arrêtant le schéma directeur régional des exploitations agricoles de Bretagne. Au cas d'espèce, il n'est ni démontré ni même réellement soutenu par le requérant, qui n'excipe pas de l'illégalité de cet acte réglementaire, que l'arrêté du 4 mai 2018 qui lui a été appliqué et qui décline l'ensemble des objectifs figurant à l'article L. 331-1 précité du code rural et de la pêche maritime serait contraire, en tout ou partie, à ces dispositions législatives. Par suite, c'est à bon droit que le préfet a fait application à la demande de M. B... des priorités et critères fixés par cet arrêté. Le moyen du requérant tiré de l'erreur de droit ne peut, par suite, être accueilli. 5. En deuxième lieu, M. B..., qui se prévaut de la priorité 4.2.6 du schéma directeur régional des exploitations agricoles de Bretagne en faisant valoir sa qualité d'agriculteur biologique, doit être regardé comme invoquant la sous-priorité 4.2.5 réservant, au sein de la priorité 4.2, une priorité de 5ème rang au " demandeur s'engageant en agriculture biologique sur des terres conventionnelles ". Toutefois, la priorité 4.2 ne vise que l'" installation d'agriculteur à titre exclusif ou principal ou [l']agrandissement d'une société par l'installation d'agriculteur à titre exclusif ou principal ", ce qui ne correspondait pas à la situation du requérant, déjà installé comme agriculteur, selon ses propres écritures, depuis le 1er juillet 2019 et qui ne peut, dans ces conditions, se prévaloir des dispositions qu'il invoque. 6. En troisième lieu, les circonstances mises en avant par le requérant, tenant au caractère récent de son installation, à la proximité géographique de son exploitation avec les terres en question et au niveau de son chiffre d'affaires, ne relèvent d'aucune des sous-priorités de la " Priorité 9 : agrandissement et/ou réunion d'exploitations " du SDREA, qui a été mise en œuvre à bon droit pour l'examen de sa candidature, et ne pouvaient donc justifier que celle-ci soit retenue au lieu de celle de l'EARL Hervault, laquelle était mieux classée que la sienne dans l'ordre des sous-priorités applicables. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le préfet de la région Bretagne aurait commis une erreur d'appréciation dans l'application des dispositions qu'il a mises en œuvre doit être écarté. 7. En quatrième lieu, M. B... ne peut invoquer utilement les annonces faites par les autorités gouvernementales d'objectifs de développement des surfaces agricoles exploitées en mode biologique, qui ne présentent pas le caractère de dispositions législatives ou réglementaires opposables. 8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de la requête d'appel, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 11 décembre 2020 par laquelle le préfet de la région Bretagne lui a refusé l'autorisation d'exploiter les terres agricoles en cause, et de la décision ayant rejeté son recours gracieux. Sur les frais liés au litige : 9. D'une part, en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le tribunal ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge. Les conclusions présentées à ce titre par M. B... doivent dès lors être rejetées. D'autre part, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de l'EARL Hervault tendant à la mise à la charge de M. B..., en application des mêmes dispositions, d'une somme de 3 000 euros au titre des frais d'instance. DECIDE : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Les conclusions de l'EARL Hervault fondées sur les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à l'EARL Hervault et au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire. Copie du présent arrêt sera adressée au préfet de la région Bretagne. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Brisson, présidente, - M. Vergne, président-assesseur, - Mme Lellouch, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 novembre 2023. Le rapporteur, G.-V. VERGNE La présidente, C. BRISSON La greffière A. MARTIN La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23NT00304 |
CETATEXT000048424305 | J4_L_2023_11_00023NT01073 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424305.xml | Texte | CAA de NANTES, 3ème chambre, 08/11/2023, 23NT01073, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-08 00:00:00 | CAA de NANTES | 23NT01073 | 3ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme BRISSON | NKOGHE | M. Georges-Vincent VERGNE | M. BERTHON | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 20 décembre 2022 par lequel le préfet du Finistère l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et lui a fait interdiction de retour pour une durée de deux ans. Par un jugement n° 2206465 du 16 mars 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 12 avril 2023, M. E... D..., représenté par Me Nkoghe, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 16 mars 2023 ; 2°) d'annuler la décision d'obligation de quitter le territoire prise à son encontre le 20 décembre 2022, assortie d'une interdiction de retour de deux ans ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le jugement est irrégulier en raison de son insuffisance de motivation ; - l'arrêté litigieux méconnaît les dispositions du 5° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il justifie contribuer à l'entretien et l'éducation de son fils B... par sa présence habituelle au même domicile, par son exercice de l'autorité parentale, en l'emmenant régulièrement à la crèche et en s'occupant de lui quotidiennement, et en assumant diverses dépenses dans son intérêt. Par un mémoire enregistré le 13 juillet 2023, le préfet du Finistère conclut au rejet de la requête de M. D.... Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la convention internationale des droits de l'enfant ; - l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Le rapport de M. Vergne a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. E... D..., ressortissant algérien né en 1991, a déclaré sans toutefois en justifier être entré en France le 22 décembre 2015. Il a présenté le 31 mars 2022, pour la première fois, une demande de titre de séjour, auprès des services de la préfecture du Finistère, en qualité de père d'enfant français. Cette demande a été rejetée par le préfet de ce département par un arrêté du 20 octobre 2022 que M. D... n'a pas contesté au contentieux. Par la suite, le même préfet a pris le 20 décembre 2022, à l'encontre de l'intéressé, alors incarcéré, un arrêté l'obligeant à quitter le territoire sans délai et lui interdisant le retour pour une durée de deux ans. M. D... relève appel du jugement du 16 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Si M. D..., qui entend contester la régularité formelle du jugement de première instance, soutient que celui-ci n'est pas suffisamment motivé, cette affirmation n'est assortie d'aucune critique de la motivation retenue par le tribunal administratif de Rennes dans son jugement du 16 mars 2023, dont il ressort, au demeurant, qu'il répond expressément aux moyens contenus dans le mémoire produit par le requérant dans l'instance. Par suite, M. D... n'est pas fondé à soutenir que ce jugement serait entaché d'irrégularité. Sur les conclusions à fin d'annulation : 3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 5° L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans ; ". 4. M. D... fait valoir qu'il est père d'un enfant français, B..., né le 10 décembre 2019, sur lequel il exerce l'autorité parentale, et qu'il contribue à son entretien et à son éducation. Toutefois, l'intéressé n'a reconnu son enfant que le 27 mars 2021. Il n'établit pas, par les justificatifs insuffisamment probants qu'il produit, y compris en appel, composés principalement de tickets de caisse et de factures correspondant à des achats épisodiques, ainsi que de deux chèques de banque établis au nom de B... A... à partir d'un compte dont le titulaire n'est pas identifiable, qu'il contribuerait matériellement à l'entretien de son fils. De même, eu égard à leur teneur, aux dates auxquelles elles ont été établies, et à l'absence de précision sur les faits relatés et les dates ou périodes auxquelles ces faits ont pu être observés, les attestations de tiers peu circonstanciées produites ne permettent pas d'établir que M. D... contribuerait effectivement et régulièrement, depuis au moins deux ans, à l'entretien et à l'éducation de son enfant. Il en est de même des déclarations, certes plus précises, de Mme A... dans son attestation du 7 avril 2023, et de l'attestation préimprimée et complétée par la directrice de la crèche Graines de Soleil de Brest, attestant le 9 mars 2022, pour valoir ce que de droit, que M. D... " participe à l'éducation de son enfant " sans autre précision. En outre, le requérant a déclaré lors de son audition du 15 décembre 2022 au commissariat de police de Brest, à propos de ses liens avec Mme C... A..., mère de son enfant : " Nous sommes toujours en contact " et " On s'écrit et on s'envoie des lettres ", mentionnant ne plus être en couple avec Mme A..., devenue une amie, chez qui il se déclarait toutefois domicilié, et il indiquait être sans ressources. Par les éléments qu'il produit, M. D... ne justifie pas de l'existence d'une communauté de vie avec la mère de son enfant ou même d'une résidence dans le même logement à Brest depuis un temps significatif à la date de la décision litigieuse, et notamment avant son incarcération à la maison d'arrêt de Brest du 29 juillet au 21 décembre 2022. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français aurait été prise en méconnaissance des dispositions du 5° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté. 5. En second lieu, aux termes de l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". 6. Pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus au point 4 et en l'absence de preuve suffisante d'une relation affective s'étant développée entre M. D... et son fils, reconnu plus d'un an après sa naissance et âgé de trois ans à la date de la décision litigieuse, il ne peut être considéré que le préfet du Finistère, qui s'est prononcé dans sa décision sur une éventuelle violation de l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, aurait méconnu ces stipulations. Il suit de là que le moyen tiré de cette méconnaissance, à le supposer invoqué, doit être écarté. 7. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 décembre 2022 par lequel le préfet du Finistère l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et lui a fait interdiction de retour pour une durée de deux ans. Sur les frais liés au litige : 8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les conclusions présentées à ce titre par le requérant ne peuvent, par suite, qu'être rejetées. DECIDE : Article 1er : La requête de M. D... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée, pour information, au préfet du Finistère. Délibéré après l'audience du 12 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Brisson, présidente, - M Vergne, président-assesseur, - M Catroux, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 novembre 2023. Le rapporteur, GV. VERGNE La présidente, C. BRISSON La greffière, A. MARTIN La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, et à tous mandataires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23NT01073 |
CETATEXT000048424306 | J4_L_2023_11_00023NT01344 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424306.xml | Texte | CAA de NANTES, 3ème chambre, 17/11/2023, 23NT01344, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-17 00:00:00 | CAA de NANTES | 23NT01344 | 3ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme BRISSON | VERVENNE | M. Georges-Vincent VERGNE | M. BERTHON | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 24 octobre 2022 par lequel le préfet du Finistère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement n° 2205771 du 24 mars 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la requête de M. A.... Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire enregistrés les 10 mai 2023 et 5 octobre 2023 M. B... A..., représenté par Me Vervenne, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 24 mars 2023 ; 2°) d'annuler l'arrêté du 24 octobre 2022 par lequel le préfet du Finistère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ; 3 ) d'enjoindre au préfet du Finistère à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour avec autorisation de travailler, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement sous astreinte de 50 euros par jour de retard, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa demande dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement sous la même astreinte et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travailler ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son avocat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : En ce qui concerne le refus de titre de séjour : - l'allégation de fraude sur son âge et son état civil fondant la décision litigieuse est entachée d'erreur de fait et de droit ; - le fait que les premiers juges lui aient opposé l'absence de production du jugement supplétif du 12 juin 2017, estimant un tel document nécessaire à la solution du litige sans le mettre en mesure de produire ce document méconnaît le principe du contradictoire et les stipulations de l'article 6 §1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la durée de conservation des données le concernant dans la base Visabio méconnaît l'article R. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les dispositions des articles 3 et 4 (5°) de la loi n°78-17 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ; à la date de la décision contestée, ces données ne pouvaient plus être conservées ni utilisées ; - la décision méconnait les articles L. 811-2, R. 431-10 et R. 431-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - elle méconnaît l'article 47 du code civil ; - elle méconnaît l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - elle méconnaît l'article 21 de l'accord franco-ivoirien de coopération en matière de justice du 24 avril 1961 ; - elle méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français : - cette décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ; - elle n'est pas motivée ; En ce qui concerne la fixation du pays de destination : - cette décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ; - elle méconnaît les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont le préfet n'a pas fait application. Par un mémoire enregistré le 12 octobre 2023, le préfet du Finistère conclut au rejet de la requête. Il soutient qu'aucun moyen n'est fondé. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 14 avril 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code civil ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Vergne, - les conclusions de M. Berthon, rapporteur public ; - et les observations de Me Guilbaud, représentant M. A.... Une note en délibéré, présentée pour M A..., a été enregistrée le 31 octobre 2023. Considérant ce qui suit : 1. M. B... A..., ressortissant ivoirien, déclare être né le 7 janvier 2003 à Adjamé (Côte-d'Ivoire) et être entré en France le 23 juin 2018, à l'âge de quinze ans. Il a été pris en charge en tant que mineur étranger isolé. Le procureur de la République de Quimper, après avoir obtenu des éléments de nature à établir que l'intéressé avait engagé en Côte-d'Ivoire des démarches de demande de visa sous une identité le faisant apparaître comme étant majeur, a saisi le juge des enfants du tribunal judiciaire de Quimper le 21 novembre 2018 aux fins de mainlevée des mesures de protection prises antérieurement. Le placement de M. A... à l'aide sociale à l'enfance (ASE) a toutefois été ordonné par ce juge, par un jugement en assistance éducative du 8 février 2019. M. A... s'est inscrit en 2019 en première année de certificat d'aptitude professionnelle (CAP) " Métiers du plâtre et de l'isolation " au centre de formation des apprentis du bâtiment de Quimper et a obtenu ce diplôme en juin 2021. Devenu majeur, il a sollicité, le 12 janvier 2021, auprès de la préfecture du Finistère, la délivrance d'une carte de séjour sur le fondement des dispositions des articles L. 313-11 2° bis et 7°, L. 313-15 et L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, recodifiés aux articles L. 423-22, L. 423-23, L. 435-3 et L. 422-1 de ce code. Par un arrêté du 24 octobre 2022, le préfet du Finistère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement du 24 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa requête tendant à l'annulation de ces décisions. Sur la légalité de l'arrêté du 24 octobre 2022 : 2. D'une part, aux termes de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : 1° les documents justifiant de son état civil ; 2° les documents justifiant de sa nationalité ; (...) ". L'article L. 811-2 du même code prévoit que la vérification des actes d'état civil étrangers doit être effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. L'article 47 du code civil précise que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ". La force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. 3. D'autre part, il n'appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, hormis le cas où le jugement produit aurait un caractère frauduleux. 4. Le préfet du Finistère a rejeté la demande de titre de séjour présentée par M. A... au motif principal que la consultation du fichier Visabio prévu à l'article L. 611-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile lui avait permis de constater, en se fondant sur la correspondance des empreintes digitales, que l'intéressé avait précédemment sollicité un visa sous l'identité de M. B... A..., né le 10 décembre 1984 à Williamsville (Côte-d'Ivoire), de sorte qu'il existait un doute sérieux sur l'identité du requérant et que la minorité de celui-ci à son entrée en France et à la date de sa prise en charge par l'aide sociale à l'enfance n'était pas établie. 5. M. A... produit la copie d'un extrait d'acte de naissance délivré par les autorités ivoiriennes le 26 avril 2018, faisant référence à un jugement supplétif n° 4672 du 12 juin 2017 du tribunal d'Abidjan-Plateau, la copie d'un certificat de nationalité daté du 16 avril 2019, ainsi qu'un passeport biométrique qui lui a été délivré le 12 décembre 2019. Ces documents comportent tous la mention d'une date de naissance de l'intéressé le 7 janvier 2003 à Adjamé (Côte-d'Ivoire), et, s'agissant de l'extrait d'acte de naissance, dont il ressort des pièces du dossier qu'il a été examiné en septembre 2018 à la demande du Parquet de Quimper par le service de la direction zonale de la police aux frontières, il n'est pas fait état d'anomalies qui auraient attiré l'attention de ce service et déterminé celui-ci à émettre un avis négatif sur son authenticité. Le préfet fait valoir, il est vrai, que la consultation du fichier Visabio lui a permis de constater, en se fondant sur la correspondance des empreintes digitales, que M. A... a sollicité et obtenu un visa de court de séjour le 28 mars 2018, valable du 4 au 30 avril 2018, auprès des autorités françaises en Côte d'Ivoire, en se déclarant né le 10 décembre 1984, donc âgé de 33 ans. Mais l'apparence physique du demandeur et bénéficiaire du visa, telle que révélée par sa photo sur la fiche d'identification Visabio produite par l'administration, est très différente, sans confusion possible, de celle du requérant sur toutes les photographies figurant sur les documents qu'il produit, notamment ses récépissés de demande de titre de séjour, et correspond à celle d'un homme manifestement plus âgé, plausiblement né en 1984, et non à un jeune homme qui serait né en 2003, 19 ans plus tard. La portée de cette demande de visa pour établir l'âge et l'identité réels du requérant s'en trouve donc très affaiblie et il n'est pas établi que le requérant serait entré en France sous couvert de ce visa comme le soutient l'administration, et non par un parcours migratoire passant par le Mali, l'Algérie, la Libye et la traversée de la Méditerranée en passant par l'Italie comme il l'a soutenu dans son récit d'exil. De même, la minorité du requérant n'a pas été considérée comme exclue ou non vraisemblable, ni par le service d'accueil des mineurs isolés qui l'a recueilli et accompagné, ni par le juge des enfants qui l'a rencontré à l'audience du 7 février 2019. Au contraire, l'état de minorité du requérant a été constaté dans un jugement du 8 février 2019, qui rappelle la position en ce sens du service départemental de l'aide sociale à l'enfance, mentionnant néanmoins que, si les radiographies osseuses réalisées pouvaient faire conclure à la minorité de l'intéressé, l'examen dentaire concluait à sa majorité, mais que le doute devait lui profiter. Enfin, si l'authenticité ou la valeur probante de l'extrait d'acte de naissance produit par M. A... pour justifier de son âge et de son identité, en date du 26 avril 2018, est contestée, ce document mentionne qu'il a été établi au vu d'un jugement supplétif tenant lieu d'acte de naissance n° 4672 rendu le 12 juin 2017 par le tribunal d'Abidjan-Plateau, qui est produit en appel, et la production tardive de ce document ne permet pas d'en écarter la validité. Cette décision juridictionnelle est accompagnée d'un extrait du registre de transcription du 24 avril 2018 de la commune d'Adjamé. L'administration n'établit pas le caractère frauduleux de ces documents, dont les mentions correspondent à celles de l'ensemble des autres documents produits par le requérant. Dès lors, l'état civil de celui-ci doit être regardé comme établi. Par suite, le refus de titre en litige est entaché d'une erreur de fait s'agissant du caractère établi de l'identité et de l'âge du requérant. 5. En second lieu, il ne résulte pas de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision en ne se fondant que sur les autres motifs de refus d'admission au séjour opposés à M. A.... 6. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens soulevés, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation du refus de titre de séjour du 24 octobre 2022 ainsi que, par voie de conséquence, de la décision portant obligation de quitter le territoire français et de celle fixant le pays de destination. Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte : 7. Le présent arrêt implique seulement, eu égard au motif qui le fonde, que le préfet du Finistère réexamine la demande d'admission au séjour de M. A... et le munisse dans l'attente d'une autorisation provisoire de séjour et de travail. Il y a lieu de lui enjoindre d'y procéder dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte. Sur les frais liés au litige : 8. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Ainsi, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 1 200 euros à Me Vervenne, avocat de M. A..., dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n° 2205771 du 24 mars 2023 du tribunal administratif de Rennes et l'arrêté du 25 février 2022 pris à l'encontre de M. A... sont annulés. Article 2 : Il est enjoint au préfet du Finistère de réexaminer la demande d'admission au séjour de M. A..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et, dans l'attente de ce réexamen, de munir l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour et de travail. Article 3 : L'État versera à Me Vervenne une somme de 1 200 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet du Finistère. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Brisson, présidente, - M. Vergne, président-assesseur, - Mme Lellouch, première conseillère, Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 novembre 2023. Le rapporteur, G.-V. VERGNE La présidente, C. BRISSON La greffière, A. MARTIN La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, et à tous mandataires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23NT01344 |
CETATEXT000048424308 | J4_L_2023_11_00023NT01455 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424308.xml | Texte | CAA de NANTES, 3ème chambre, 17/11/2023, 23NT01455, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-17 00:00:00 | CAA de NANTES | 23NT01455 | 3ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme BRISSON | PAPINOT | M. Xavier CATROUX | M. BERTHON | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler, d'une part, l'arrêté du 16 avril 2023 par lequel le préfet du Calvados l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il sera susceptible d'être reconduit d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans et, d'autre part, l'arrêté du 17 avril 2023 prononçant son assignation à résidence dans le département du Calvados pour une durée de quarante-cinq jours. Par un jugement n° 2300992 du 26 avril 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire enregistrés les 19 mai et 4 juillet 2023, M. B..., représenté par Me Papinot, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 26 avril 2023 ; 2°) d'annuler les arrêtés du préfet du Calvados des 16 et 17 avril 2023 ; 3°) d'enjoindre au préfet du Calvados de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail, et de réexaminer sa situation dans le délai de deux mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge de l'État, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 500 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : Sur la décision portant obligation de quitter le territoire : - elle est insuffisamment motivée ; - elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ; - elle est entachée d'un vice de procédure, dès lors que l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) n'a pas été préalablement recueilli ; - elle méconnaît le 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article L. 425-9 du même code ; - elle méconnaît l'article 8 du la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; - elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire Français d'une durée de trois ans : - elle est insuffisamment motivée ; - elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ; - elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle méconnaît l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; Sur la décision portant assignation à résidence : - elle est insuffisamment motivée ; - elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ; - elle méconnaît l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'elle n'est ni nécessaire ni proportionnée ; - elle est entachée d'une erreur de droit, dès lors que le préfet s'est estimé en situation de compétence liée ; - elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation. Par des mémoires en défense enregistrés les 3 et 5 juillet 2023, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête. Il fait valoir qu'aucun de moyens soulevés par M. B... n'est fondé. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de M. Catroux a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A... B..., ressortissant géorgien né le 23 septembre 1971, est entré irrégulièrement en France, selon ses déclarations, le 27 juin 2014. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 19 novembre 2014, décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 23 juillet 2015. Par un arrêté du 30 mai 2018, le préfet du Calvados a rejeté la demande de titre de séjour présentée par l'intéressé et l'a obligé à quitter le territoire français. Puis, le 6 décembre 2019, un arrêté portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français et interdiction de retour sur le territoire français a été pris à son encontre. Le 14 février 2022, le préfet du Calvados a rejeté une nouvelle demande de titre de séjour pour raisons médicales présentée par le requérant et l'a obligé à quitter le territoire français. Enfin, à la suite de l'interpellation pour vol de l'intéressé, par un arrêté du 16 avril 2023, le préfet du Calvados l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il sera susceptible d'être reconduit et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans et, par un arrêté du 17 avril 2023, le préfet l'a assigné à résidence dans le département du Calvados pour une durée de quarante-cinq jours. M. B... relève appel du jugement du 26 avril 2023 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux derniers arrêtés. Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire : 2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) / 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ". Aux termes de l'article R. 611-1 du même code : " Pour constater l'état de santé de l'étranger mentionné au 9° de l'article L. 611-3, l'autorité administrative tient compte d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ". 3. Il ressort de l'avis du collège des médecins de l'OFII du 10 septembre 2021, que si l'état de santé de M. B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans son pays d'origine, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et peut y voyager sans risque. M. B... soutient que l'administration devait ressaisir ce collège avant de prendre la mesure d'éloignement en litige, dès lors notamment que ses pathologies sont évolutives et que l'avis du 10 septembre 2021 concernant son état de santé était trop ancien. Toutefois, les éléments médicaux qu'il produit établissent seulement qu'il continuait en 2023 à faire l'objet d'un suivi et de soins médicaux, notamment de traitements médicamenteux, pour plusieurs maladies chroniques, déjà diagnostiquées et traitées en 2021, dont notamment une maladie hépatique. Ils ne permettent pas, en revanche, de démontrer une aggravation de ses pathologies ou une évolution défavorable de son état de santé, qui serait de nature à remettre en cause la pertinence de l'avis médical du 10 septembre 2021 relatif à la possibilité de soins appropriés en Géorgie pour les mêmes pathologies. De plus, il ne ressort pas des extraits de rapport de l'OSAR de juin 2020 que fait valoir le requérant que les traitements appropriés à son état de santé ne seraient pas possibles en Géorgie. Ces extraits relatent, au contraire, en particulier, que les personnes souffrant de maladie du foie peuvent obtenir des soins appropriés, même si l'assurance maladie universelle ne prend pas en charge tous les actes médicaux. Les moyens tirés du vice de procédure tenant à l'absence d'une nouvelle consultation du collège médical de l'OFII, de la méconnaissance des dispositions citées au point précédent, et, en tout état de cause, de celles de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doivent, dès lors, être écartés. 4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bienêtre économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. " 5. M. B... séjournait en France depuis près de neuf ans à la date de la décision contestée. Il est célibataire. S'il fait valoir être père de deux enfants mineurs résidant en France, il ne ressort d'aucune pièce du dossier qu'il entretiendrait des liens avec ceux-ci. La durée du séjour de l'intéressé en France s'explique pour l'essentiel par le maintien de l'intéressé en situation irrégulière en dépit de trois précédents refus d'admission au séjour et obligations de quitter le territoire français pris à son encontre. De plus, le requérant ne conteste pas avoir été condamné à sept reprises entre 2015 et 2019 à des peines d'emprisonnement pour vol avec violence, tentative de vol avec port d'arme, usurpation d'identité, transport de cannabis, violence sur agent de la force publique, vol et escroquerie, faux et usage de faux, violence et vol commis en réunion. Enfin, la décision attaquée a été prise dans le cadre d'une garde à vue de M. B... pour des faits de vol. Il ressort de la décision contestée que l'intéressé a fait l'objet d'un signalement le 16 août 2022 pour des faits de non-respect d'une obligation ou interdiction imposée par un juge aux affaires familiales dans une ordonnance de protection d'une victime de violences familiales ou de menace de mariage forcé et qu'au moment de cette décision il venait de faire l'objet d'une interpellation pour vol. Compte tenu de ces faits, dont certains étaient très récents, de leur caractère répété et de leur gravité, le comportement de M. B... constituait une menace pour l'ordre public. Par suite, l'obligation de quitter le territoire français en litige n'a pas porté au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard du but en vue duquel elle été prise. Elle ne méconnaît donc pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes raisons, elle ne méconnaît pas davantage l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et n'est entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation. 6. En dernier lieu, le requérant reprend en appel les moyens invoqués en première instance tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français à son encontre est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation, sans apporter d'éléments de fait ou de droit nouveaux. Dans ces conditions, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge. Sur la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans : 7. En premier lieu, la décision portant interdiction de retour sur le territoire français comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit qui la fondent et est, dès lors, suffisamment motivée. Il ressort des termes mêmes de l'arrêté contesté, et notamment de sa motivation, que cette décision a été prise après un examen particulier de la situation de l'intéressé. 8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 (...) ". 9. Eu égard à ce qui a été dit au point 5 et à la circonstance que M. B... avait déjà fait l'objet de trois précédentes mesures d'éloignement, les moyens tirés de ce que l'interdiction de retour prise à sonencontre méconnaîtrait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et serait entachée d'une erreur d'appréciation doivent être écartés. Sur la légalité de la décision portant assignation à résidence : 10. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet se serait cru en situation de compétence liée pour assigner M. B... à résidence. L'erreur de droit, ainsi soulevée, ne peut, dès lors, qu'être écartée. 11. En dernier lieu, le requérant reprend en appel, sans apporter d'éléments de fait ou de droit nouveaux, les moyens invoqués en première instance tiré de ce que la décision l'assignant à résidence est insuffisamment motivée, entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation, méconnaît l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation. Dans ces conditions, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge. 12. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Une copie en sera transmise, pour information, au préfet du Calvados. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Brisson, présidente, - M. Vergne, président assesseur, - M. Catroux, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 novembre 2023. Le rapporteur, X. CATROUXLa présidente, C. BRISSON La greffière, A. MARTIN La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N°23NT01455 |
CETATEXT000048424309 | J4_L_2023_11_00023NT01620 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424309.xml | Texte | CAA de NANTES, 4ème chambre, 17/11/2023, 23NT01620, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-17 00:00:00 | CAA de NANTES | 23NT01620 | 4ème chambre | excès de pouvoir | C | M. LAINÉ | LELOUEY | Mme Pénélope PICQUET | Mme ROSEMBERG | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 21 février 2023 par lequel le préfet de la Manche lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour en France pour une durée d'un an. Par un jugement n° 2300843 du 9 mai 2023, le tribunal administratif de Caen a annulé l'arrêté du 21 février 2023 par lequel le préfet de la Manche a fait obligation à Mme B... de quitter le territoire dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et lui a interdit le retour pour une durée d'un an. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 2 juin 2023, le préfet de la Manche demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen du 9 mai 2023 ; 2°) de rejeter la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Caen. Il soutient que l'annulation par la cour du jugement concernant l'époux de Mme B... entraînera l'annulation du jugement attaqué. Par un mémoire en défense, enregistré le 27 juillet 2023, Mme B..., représentée par Me Lelouey, conclut : 1°) au rejet de la requête ; 2°) à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au profit de son avocate, Me Lelouey, en application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que le moyen soulevé par le préfet de la Manche n'est pas fondé. Mme B... a obtenu le maintien de plein droit du bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 septembre 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Le rapport de Mme Picquet a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. Mme A... B..., de nationalité géorgienne, entrée en France le 7 aout 2022 avec son époux, M. D... C..., et son fils mineur, a vu sa demande d'asile rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 23 novembre 2022. Par un arrêté du 21 février 2023 dont l'intéressée a demandé au tribunal administratif de Caen l'annulation, le préfet de la Manche lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et lui a interdit le retour en France pour une durée d'un an. Par un jugement du 9 mai 2023, le tribunal administratif de Caen a annulé cet arrêté du 21 février 2023. Le préfet de la Manche fait appel de ce jugement. Sur le moyen accueilli par le tribunal administratif de Caen dans le jugement attaqué : 2. Par un arrêt de ce jour, la cour a annulé le jugement du 9 mai 2023 du tribunal administratif de Caen annulant l'arrêté du 21 février 2023 par lequel le préfet de la Manche a fait obligation à M. C... de quitter le territoire dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et lui a interdit le retour pour une durée d'un an. Ainsi, c'est à tort que le premier juge a accueilli le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de son épouse, Mme B..., devait être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la mesure prise à l'encontre de son mari, ainsi que la décision fixant le pays de destination et l'interdiction de retour en France. 3. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B... devant le tribunal administratif et devant la cour. Sur les autres moyens soulevés par Mme B... : En ce qui concerne le moyen commun aux conclusions dirigées contre l'arrêté contesté : 4. Par un arrêté du 22 novembre 2021 régulièrement publié, M. Laurent Simplicien, secrétaire général de la préfecture de la Manche, a reçu délégation du préfet de la Manche à l'effet de signer tous les arrêtés et décisions en toutes matières ressortissant au service de l'immigration. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté doit, dès lors, être écarté comme manquant en fait. En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français : 5. Mme B... est entrée en France le 7 août 2022, soit seulement six mois avant l'arrêté contesté. Son époux, de nationalité géorgienne, a fait également l'objet d'une obligation de quitter le territoire français dont la légalité est confirmée par un arrêt de la cour de ce jour. S'ils ont un enfant né en 2017, scolarisé en école maternelle, il n'est ni établi ni même allégué qu'il ne pourrait pas poursuivre sa scolarité dans son pays d'origine. Les menaces dont sa famille et elle feraient l'objet en Géorgie en raison des opinions politiques de son mari ne sont étayées par aucune pièce du dossier, alors d'ailleurs que leurs demandes d'asile ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. Si son époux souffre de problèmes rénaux et suit un traitement médicamenteux avec des examens prévus, à supposer même que l'absence de traitement puisse entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité il ne ressort pas des pièces du dossier que des médicaments antidouleurs ou des anxiolytiques ne seraient pas disponibles en Géorgie, de même que la possibilité d'y effectuer des examens ou d'y subir des interventions chirurgicales. Le seul rapport général de l'Organisation suisse d'aide aux réfugiés ne suffit pas à établir que le coût du traitement de son époux en Géorgie serait tel qu'il ne pourrait pas y avoir effectivement accès. Ainsi, rien ne fait obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue en Géorgie. Dans ces conditions, les moyens tirés de ce que la décision contestée a été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation de l'intéressée doivent être écartés. En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination : 6. Aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ". 7. Pour les mêmes motifs que ceux indiqués au point 8, les moyens tirés de ce que la décision contestée méconnait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés. En ce qui concerne l'interdiction de retour : 8. En premier lieu, en vertu de l'article L. 613-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les décisions d'interdiction de retour sur le territoire français sont motivées. La décision contestée indique que la durée de présence de l'intéressée sur le territoire français est d'environ six mois, que ses liens personnels et familiaux en France ne sont pas anciens, stables et intenses compte tenu du fait qu'elle a vécu jusqu'à l'âge de 38 ans dans son pays d'origine, que son époux fait également l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, que leur enfant né en 2017, de nationalité géorgienne, peut les accompagner, qu'elle n'a pas fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement, qu'elle ne constitue pas par son comportement une menace pour l'ordre public et que, compte tenu des circonstances propres au cas d'espèce, il y a lieu d'édicter à l'encontre de l'intéressée une interdiction de retour pendant un an, laquelle ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit de mener une vie privée et familiale. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la décision contestée est insuffisamment motivée doit être écarté. 9. En second lieu, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de rechercher si les motifs qu'invoque l'autorité compétente sont de nature à justifier légalement dans son principe et sa durée la décision d'interdiction de retour et si la décision ne porte pas au droit de l'étranger au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. 10. Compte tenu de la brièveté du séjour en France de l'intéressée et de son absence de liens d'une particulière intensité sur ce territoire, son époux et leur enfant pouvant l'accompagner dans leur pays d'origine, le préfet n'a pas méconnu l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en fixant à un an la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français prise à son encontre, alors même que les intéressés ne représentent pas une menace pour l'ordre public, que l'époux de l'intéressée souhaiterait déposer une demande de titre de séjour fondée sur son état de santé et que les recours contre les rejets de sa demande d'asile et de celle de son mari étaient pendants devant la Cour nationale du droit d'asile. En particulier, l'intéressée ne bénéficiait plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des dispositions combinées des articles L. 542-2 et L. 531-24 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. 11. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Manche est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a annulé son arrêté du 21 février 2023. Sur les frais liés au litige : 12. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que le conseil de Mme B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n° 2300843 du 9 mai 2023 du tribunal administratif de Caen est annulé. Article 2 : Les conclusions présentées par Mme B... devant le tribunal administratif de Caen et devant la cour sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Mme A... B.... Copie en sera adressée pour information au préfet de la Manche. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Lainé, président de chambre, - M. Derlange, président-assesseur, - Mme Picquet, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 novembre 2023. La rapporteure P. Picquet Le président L. Lainé Le greffier C. Wolf La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23NT01620 |
CETATEXT000048424310 | J4_L_2023_11_00023NT01677 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424310.xml | Texte | CAA de NANTES, 4ème chambre, 17/11/2023, 23NT01677, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-17 00:00:00 | CAA de NANTES | 23NT01677 | 4ème chambre | excès de pouvoir | C | M. LAINÉ | HOURMANT | Mme Laure CHOLLET | Mme ROSEMBERG | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 16 février 2023 par lequel le préfet du Calvados l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Par un jugement n° 2300679 du 16 mai 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Caen a annulé la décision du 16 février 2023 fixant le pays de destination, a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des frais liés au litige et a rejeté le surplus des conclusions de la requête. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés le 9 juin 2023 et le 18 octobre 2023, le préfet du Calvados demande à la cour d'annuler les articles 2 et 3 du jugement du 16 mai 2023 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Caen. Il soutient que : - il n'a pas entaché la décision fixant le pays de destination d'un défaut d'examen de la situation personnelle de M. C... ; la demande d'asile de ce dernier a été rejetée le 21 janvier 2022 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 24 octobre 2022 ; la demande de réexamen a également été rejetée pour irrecevabilité le 22 décembre 2022 par l'OFPRA ; la situation de M. C... a été prise en compte et ce dernier n'a pas démontré qu'il encourt un risque de traitements inhumains ou dégradants contraire à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour en Afghanistan ; la province de Sari-Pol n'est pas considérée comme étant dans une situation de violence aveugle à l'égard des civils ; - les autres moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés. Par deux mémoires, enregistrés le 16 octobre 2023 et le 20 octobre 2023 (ce dernier n'ayant pas été communiqué), M. C..., représenté par Me Hourmand, demande à la cour : 1°) de rejeter la requête du préfet du Calvados ; 2°) par la voie de l'appel incident, d'annuler l'arrêté du 16 février 2023 en tant que le préfet du Calvados l'a obligé à quitter le territoire français et l'a interdit de retour sur le territoire ; 2°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : - la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une incompétence de son auteur et méconnaît les dispositions de l'article L. 542-1 et du b du 2° de l'article L. 542-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la décision fixant le pays de destination est entachée d'une incompétence de son auteur, d'un défaut d'examen de sa situation personnelle, méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - l'interdiction de retour sur le territoire français est fondée sur des décisions illégales portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination. M. C... a été maintenu au bénéfice de l'aide juridictionnelle par décision du 12 octobre 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de Mme Chollet a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. C..., ressortissant afghan né le 20 février 1995 à Sar-é-Pol, est entré en France le 10 juin 2021 selon ses déclarations. Le préfet du Calvados relève appel du jugement du 16 mai 2023 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Caen a annulé la décision du 16 février 2023 fixant le pays à destination duquel l'intéressé est susceptible d'être éloigné. M. C... demande, par la voie de l'appel incident, l'annulation des décisions du 16 février 2023 portant obligation de quitter le territoire français et interdiction de retour sur ce territoire. Sur l'appel principal du préfet du Calvados : 2. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Calvados, qui mentionne que la demande d'asile de M. C... a été rejetée le 31 janvier 2022 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 24 octobre 2022, que sa demande de réexamen a été considérée comme irrecevable par l'OFPRA le 28 décembre 2022, et procède à l'examen de sa situation au regard de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de l'intéressé avant de fixer le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné. 3. Dès lors, le préfet du Calvados est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Caen a annulé la décision fixant le pays de destination sur le motif tiré du défaut d'examen de la situation personnelle de M. C.... Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C... devant le tribunal administratif de Caen et la cour. 4. En premier lieu, par un arrêté du 19 janvier 2023, publié au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture n° 14-2023-012 du même jour et consultable sur le site internet de la préfecture, le préfet du Calvados a donné délégation à M. B... A..., chef du bureau de l'asile et de l'éloignement, à l'effet de signer notamment les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte en litige doit, par suite, être écarté. 5. En second lieu, le requérant soutient qu'il serait exposé à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour en Afghanistan du fait de la perception négative par les talibans et la société afghane des ressortissants ayant quitté le pays pour s'installer en Europe, de son isolement familial en cas de retour et de la situation de violence aveugle des provinces d'Afghanistan qu'il devra traverser pour retourner dans sa province de Sar-é-Pol, à commencer par celle de Kaboul dont l'aéroport constitue le point d'accès en Afghanistan. Toutefois, il ne produit aucun élément au dossier permettant de justifier de la réalité de risques personnels en cas de retour en Afghanistan. Au surplus, sa demande d'asile a été rejetée tant par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides que par la Cour nationale du droit d'asile ainsi qu'il a été dit au point 2. Dans ces conditions, les moyens tirés de ce que la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés. 6. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Calvados est fondé à soutenir que c'est à tort que, par les articles 2 et 3 du jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Caen a annulé la décision du 16 février 2023 fixant le pays à destination duquel M. C... est susceptible d'être éloigné et a mis à sa charge une somme de 1 000 euros au titre des frais liés au litige. Sur l'appel incident de M. C... : 7. En premier lieu, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision portant obligation de quitter le territoire français du 16 février 2023 doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 4. 8. En deuxième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 542-1 et du b du 2° de l'article L. 542-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que le requérant reprend en appel sans apporter de nouveaux éléments, doit être écarté par adoption des motifs retenus aux points 4 à 6 du jugement attaqué. 9. En dernier lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas annulée, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision lui interdisant le retour sur ce territoire doit être annulée par voie de conséquence. 10. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 4 du jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Caen a rejeté le surplus de ses conclusions. Ses conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, par voie de conséquence, être rejetées. DECIDE : Article 1er : Le jugement du 16 mai 2023 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Caen est annulé. Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Caen ainsi que ses conclusions d'appel incident et celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C..., à Me Hourmand et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Une copie en sera transmise pour information au préfet du Calvados. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Lainé, président de chambre, - M. Derlange, président assesseur, - Mme Chollet, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 novembre 2023. La rapporteure, L. CHOLLET Le président, L. LAINÉ Le greffier, C. WOLF La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23NT01677 |
CETATEXT000048424311 | J4_L_2023_11_00023NT01843 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424311.xml | Texte | CAA de NANTES, 3ème chambre, 17/11/2023, 23NT01843, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-17 00:00:00 | CAA de NANTES | 23NT01843 | 3ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme BRISSON | LELOUEY | M. Xavier CATROUX | M. BERTHON | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... C... A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 29 juillet 2022 par lequel le préfet du Calvados lui a refusé un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Par un jugement n° 2201620 du 12 mai 2023, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 21 juin 2023, M. B... C... A..., représenté par Me Lelouey, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 12 mai 2023 ; 2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Calvados du 29 juillet 2022 ; 3°) d'enjoindre au préfet du Calvados, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour ou à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de le munir dans l'attente d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ; 4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : - l'arrêté en litige méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il est en outre entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences du refus sur sa situation personnelle et il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ; - il méconnaît l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - il méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - il méconnaît l'article L. 423-7, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un mémoire en défense, enregistré le 26 juillet 2023, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens invoqués par M. A... ne sont pas fondés. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 septembre 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Catroux, - et les conclusions de M. Berthon, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. B... C... A..., ressortissant guinéen né le 18 juin 1981, est entré en France le 22 octobre 2007 muni d'un visa de type D. Il a été admis au séjour du 2 janvier 2008 au 30 septembre 2013 en qualité d'étudiant, puis jusqu'au 6 août 2017 pour raisons médicales. Il a sollicité le renouvellement de son titre de séjour pour raisons médicales le 5 décembre 2017. Par un arrêté du 15 mai 2019, le préfet du Calvados a rejeté cette demande. L'intéressé a alors sollicité le 21 avril 2021 la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des articles L. 435-1 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Du silence gardé sur cette demande est né, le 25 décembre 2021, une décision implicite, à laquelle s'est substitué le refus exprès de lui délivrer un titre de séjour, pris par le préfet du Calvados, par un arrêté du 29 juillet 2022. M. A... relève appel du jugement du 12 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation du refus de titre de séjour qui lui a été opposé. 2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ". Aux termes du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale (...) ". 3. M. A... est le père de quatre enfants qui ont la nationalité française et qui sont nés de son union avec une ressortissante guinéenne naturalisée avant l'édiction de la décision contestée. Pour refuser de délivrer à M. A... un titre de séjour en sa qualité de parent d'enfants français, le préfet s'est fondé sur la circonstance que les éléments produits par l'intéressé, et notamment des factures de cantine au nom de la mère et de tickets de caisse, étaient insuffisants pour établir qu'il contribuait effectivement à l'éducation et à l'entretien de ses quatre enfants français. Il ressort des pièces du dossier que le requérant doit, en vertu d'une décision du juge aux affaires familiales de juin 2016 verser une somme de 60 euros par mois pour ses deux enfants les plus âgés et dispose à leur égard d'un droit de visite et d'hébergement. L'intéressé, qui est séparé de la mère des enfants, allègue participer à hauteur de ses capacités, quand il le peut, à l'entretien et à l'éducation des enfants. Il ne justifie pas verser la pension alimentaire ordonnée par le juge aux affaires familiales. Les éléments qu'il produit pour établir sa contribution à l'entretien de ses enfant, relatifs pour la plupart à des achats de nourriture, de chaussures ou de vêtements, sont peu nombreux et concernent la période 2018-2019 ou sont postérieurs à la décision contestée. Compte tenu de leur caractère irrégulier, épars et des modestes montants en cause, ils ne suffisent pas à établir qu'il contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, depuis la naissance des enfants ou depuis au moins deux ans. De même, les éléments versés au dossier sur la participation à l'éducation des enfants, et notamment quelques photographies en présence de certains des enfants et un certificat de 2019 d'un directeur d'école, rédigé en termes très généraux, et les attestations de son ancienne compagne, ne suffisent pas à démontrer la réalité de l'investissement personnel de l'intéressé dans l'éducation de ses enfants. Enfin, si l'intéressé soutient avoir repris entre 2020 et 2022 la vie commune avec la mère des enfants, les documents qu'il produit à l'appui de ses allégations ne permettent pas de l'établir. Par suite, le préfet a fait une exacte application des dispositions précitées en refusant de délivrer au requérant un titre de séjour sur leur fondement. Pour les mêmes raisons, et alors que ce refus d'admission au séjour n'a pas pour effet par lui-même de séparer l'intéressé de ses enfants et qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que ceux-ci, de nationalité française, ne pourraient pas, le cas échéant, lui rendre visite régulièrement en Guinée, en cas d'un retour dans ce pays, le préfet n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant. 4. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes de l'article L. 435-1 du même code : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14 ". 5. Il ressort des pièces du dossier que M. A... résidait en France depuis près de quinze ans à la date de la décision en litige. Toutefois, il avait été admis au séjour tout d'abord en qualité d'étudiant, ce qui ne lui donnait pas vocation à s'installer en France puis pour des raisons de santé qui ont cessé d'être en 2019. Ainsi qu'il a été dit précédemment, il vit séparé de la mère de ses quatre enfants et n'établit pas être particulièrement investi dans leur éducation ou contribuer à leur entretien dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil. Contrairement à ce qu'il allègue, il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant, sans logement ni ressources tirées d'une activité, serait particulièrement intégré, notamment professionnellement ou, en dépit de sa participation à des activités sportives, socialement, en France, où il n'a que peu travaillé, malgré la durée de son séjour et les diplômes et qualifications obtenus. Enfin, il a été condamné en 2014 à quatre mois d'emprisonnement avec sursis pour des faits, qui n'étaient pas très anciens, mais étaient d'une particulière gravité, puisqu'il s'agissait de violence sur une personne chargée de mission de service public. Dans ces conditions, en l'absence d'atteinte disproportionnée porté par un refus d'admission au séjour au droit au respect de la vie privée et familiale de M. A..., le préfet n'a méconnu ni l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Les éléments que fait valoir l'intéressé ne constituant pas des motifs exceptionnels ou des circonstances humanitaires justifiant l'admission au séjour, le préfet n'a pas non plus commis d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du même code. 6. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que la demande présentée au titre des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. DECIDE : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Une copie en sera adressée, pour information, au préfet du Calvados. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Brisson, présidente, - M. Vergne, président assesseur, - M. Catroux, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 novembre 2023. Le rapporteur, X. CATROUXLa présidente, C. BRISSON La greffière, A. MARTIN La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23NT01843 |
CETATEXT000048424312 | J4_L_2023_11_00023NT01853 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424312.xml | Texte | CAA de NANTES, 3ème chambre, 17/11/2023, 23NT01853, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-17 00:00:00 | CAA de NANTES | 23NT01853 | 3ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme BRISSON | DELILAJ | M. Xavier CATROUX | M. BERTHON | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme E... A... et M. D... A... ont demandé, par deux recours distincts, au tribunal administratif de Rennes d'annuler les arrêtés du 15 mars 2023 par lesquels le préfet du Morbihan les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ou, à titre subsidiaire, de suspendre l'exécution de ces arrêtés dans l'attente de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. Par un jugement nos 2301759, 2301760 du 22 mai 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 22 juin 2022, M. et Mme A..., représentés par Me Delilaj, demandent à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 22 mai 2023 ; 2°) d'annuler les arrêtés du préfet du Morbihan du 15 mars 2023 ou, à titre subsidiaire, de suspendre l'exécution de ces arrêtés dans l'attente de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 Ils soutiennent que : - le jugement attaqué a été rendu en méconnaissance du principe du contradictoire, dès lors qu'ils n'ont été mis à même de s'exprimer dans leur langue, par le concours d'un interprète, en application de l'article L. 614-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à aucune des deux audiences qu'a tenues le magistrat désigné, puisque l'interprète était absent lors de la première et que la parole ne leur a pas été donné par ce magistrat à la seconde ; - les arrêtés sont insuffisamment motivés ; - ils sont entachés d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaissent les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - l'exécution des arrêtés doit être suspendue dans l'attente de la décision de la Cour nationale du droit d'asile en raison des craintes encourues en cas de retour dans son pays d'origine. Par un mémoire en défense, enregistré le 31 juillet 2023, le préfet du Morbihan conclut au rejet de la requête. Le préfet fait valoir que les moyens soulevés par M. et Mme A... ne sont pas fondés. Mme A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 août 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de M. Catroux a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. et Mme A..., de nationalité albanaise, sont entrés régulièrement en France en septembre 2022 selon leurs déclarations et ont demandé l'asile. Par une décision du 31 janvier 2023, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté leur demande. Le préfet du Morbihan a, , par des arrêtés du 15 mars 2023, pris à l'encontre de chacun d'eux, sur le fondement du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, des obligations de quitter le territoire français, dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de M. et Mme A.... M. et Mme A... relèvent appel du jugement du 22 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés et à la suspension de l'exécution de ces arrêtés dans l'attente de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Aux termes de l'article L. 614-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque la décision portant obligation de quitter le territoire français prise en application des 1°, 2° ou 4° de l'article L. 611-1 est assortie d'un délai de départ volontaire, le président du tribunal administratif peut être saisi dans le délai de quinze jours suivant la notification de la décision. / (...) Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cette fin parmi les membres de sa juridiction ou parmi les magistrats honoraires inscrits sur la liste mentionnée à l'article L. 222-2-1 du code de justice administrative statue dans un délai de six semaines à compter de sa saisine. / L'étranger peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné à cette fin le concours d'un interprète et la communication du dossier contenant les pièces sur la base desquelles la décision contestée a été prise. / L'audience est publique. Elle se déroule sans conclusions du rapporteur public, en présence de l'intéressé, sauf si celui-ci, dûment convoqué, ne se présente pas. L'étranger est assisté de son conseil s'il en a un. (...)". 3. Il ressort des pièces du dossier que M. et Mme A... avaient demandé au tribunal dans leurs requêtes introductives d'instance de désigner un interprète en langue albanaise. La circonstance que l'interprète en cette langue qui devait apporter son concours à l'audience du 10 mai 2023, Mme C... B..., et qui avait prêté serment à cet effet, le 5 mai 2023, n'était pas présente est sans incidence sur la régularité de la procédure, dès lors que l'affaire a été renvoyée pour cette raison à l'audience du 19 mai 2023. Il ressort, de plus, des pièces du dossier que lors de cette dernière audience, après laquelle le jugement attaqué a été rendu, cette interprète a pu apporter son concours aux requérants. Si les requérants font valoir que le magistrat désigné ne leur a pas donné la parole lors de cette audience, ils y étaient représentés par leur avocat. Il ne ressort d'aucun élément du dossier et n'est pas même allégué que ce dernier aurait sollicité en vain du magistrat désigné que les requérants puissent s'exprimer avec le concours de leur interprète au cours de cette audience. La circonstance que font valoir les requérants qu'ils n'auraient pas été invités par le juge à prendre la parole à l'audience n'entache la procédure devant le tribunal d'aucune méconnaissance du principe du contradictoire ni le jugement attaqué d'aucune irrégularité. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 4. En premier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". 5. Les requérants soutiennent qu'ils auraient fait l'objet de menaces en Albanie à la suite d'une tentative d'enlèvement de leur fille. Mais, ils n'apportent en dehors leurs propres déclarations, très sommaires et peu circonstanciées, aucun élément de nature à démontrer la réalité des menaces alléguées. De plus, comme l'Office français de protection des réfugiés et apatrides l'a relevé dans les décisions prises en leur encontre, ils n'étayent, en dehors de leurs propos évasifs, d'aucun élément probant les craintes qu'ils invoquent relatives aux risques de traitement inhumains et dégradants en cas de retour dans leur pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté et la demande de suspension de l'exécution des arrêtés en litige doit être rejetée. 6. En deuxième lieu, les requérants reprennent en appel, sans apporter d'éléments de fait ou de droit nouveaux, les moyens invoqués en première instance tirés de ce que les décisions contestées sont insuffisamment motivées, entachées d'une erreur manifeste d'appréciation et d'une méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Dans ces conditions, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge. 7. En dernier lieu, compte tenu de ce qui a été dit précédemment, les requérants ne font pas état, en l'espèce, d'éléments sérieux de nature à justifier leur maintien sur le territoire français jusqu'à la décision de la Cour nationale du droit d'asile et la suspension de l'exécution des mesures d'éloignement prises à leur encontre. 8. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes d'annulation et de suspension de l'exécution des arrêtés du 15 mars 2023. Leurs conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, par voie de conséquence être également rejetées. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... A... et M. D... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Une copie en sera adressée, pour information, au préfet du Morbihan. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Brisson, présidente, - M. Vergne, président-assesseur, - M. Catroux, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 novembre 2023. Le rapporteur, X. CatrouxLa présidente, C. Brisson La greffière, A. Martin La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N°23NT01853 |
CETATEXT000048424313 | J4_L_2023_11_00023NT01923 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424313.xml | Texte | CAA de NANTES, 4ème chambre, 17/11/2023, 23NT01923, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-17 00:00:00 | CAA de NANTES | 23NT01923 | 4ème chambre | excès de pouvoir | C | M. LAINÉ | NDIAYE | Mme Laure CHOLLET | Mme ROSEMBERG | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 12 janvier 2023 par lequel le préfet de l'Orne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Par un jugement n° 2300453 du 9 juin 2023, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 26 juin 2023, M. B..., représenté par Me Ndiaye, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 9 juin 2023 du tribunal administratif de Caen ; 2°) d'annuler l'arrêté du 12 janvier 2023 du préfet de l'Orne ; 3°) d'enjoindre au préfet de l'Orne de réexaminer sa situation administrative dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans cette attente ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle méconnaît l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988. Par un mémoire en défense, enregistré le 26 juillet 2023, le préfet de l'Orne conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de Mme Chollet a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., ressortissant tunisien né le 27 septembre 1971 à Hammamet (Tunisie) est entré en France le 28 mai 2011 selon ses déclarations. Il relève appel du jugement du 9 juin 2023 du tribunal administratif de Caen rejetant sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 janvier 2023 par lequel le préfet de l'Orne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. 2. En premier lieu, en ce qui concerne les ressortissants tunisiens, l'article 11 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 en matière de séjour et de travail stipule : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord./ Chaque Etat délivre notamment aux ressortissants de l'autre Etat tous titres de séjour autres que ceux visés au présent Accord, dans les conditions prévues par sa législation ". L'article 3 du même accord stipule que " Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent, après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention ''salarié'' ". Le protocole relatif à la gestion concertée des migrations entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne, signé le 28 avril 2008 stipule, à son point 2.3.3, que " le titre de séjour portant la mention ''salarié'', prévu par le premier alinéa de l'article 3 de l'accord du 17 mars 1988 modifié est délivré à un ressortissant tunisien en vue de l'exercice, sur l'ensemble du territoire français, de l'un des métiers énumérés sur la liste figurant à l'Annexe I du présent protocole, sur présentation d'un contrat de travail visé par l'autorité française compétente sans que soit prise en compte la situation de l'emploi (....) ". Aux termes de l'article L. 313-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, la première délivrance de la carte de séjour temporaire et celle de la carte de séjour pluriannuelle mentionnée aux articles L. 313-20, L. 313-21, L. 313-23 et L. 313-24 sont subordonnées à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 311-1 (...) ". 3. Il résulte de la combinaison de ces stipulations et dispositions que la délivrance aux ressortissants tunisiens d'un titre de séjour portant la mention " salarié " est subordonnée à la présentation d'un visa de long séjour et d'un contrat visé par les services en charge de l'emploi. 4. M. B... fait valoir qu'il disposait, à la date de la décision contestée, d'un contrat de travail signé en juillet 2013 avec la société Phoenix Pharma ainsi que deux certificats de travail délivrés par l'agence Adecco et la société Actif'Man, enfin d'un certificat de compétence " protection des animaux dans le cadre de leur mise à mort ". Toutefois, il ne justifie ni de la possession d'un visa de long séjour ni d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 juin 1988 doit être écarté. 5. En second lieu, le requérant se prévaut de la présence en France d'un frère, titulaire d'une carte de résident, et deux sœurs, de nationalité française, et soutient qu'il vit en France et y travaille depuis " plusieurs années ". Toutefois, l'intéressé, célibataire et sans enfant, titulaire d'emplois successifs de courtes durées en intérim dans le secteur de l'agro-alimentaire, ne justifie pas de l'intensité de ses attaches en France et n'établit pas, par la seule production d'une attestation de sa sœur du 7 juin 2022 et de sa belle-sœur du 13 février 2023, être dépourvu de toute attache dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 39 ans, alors au demeurant qu'il n'est pas contesté qu'il est titulaire d'un passeport tunisien renouvelé le 15 août 2020 qui lui a permis de retourner en Tunisie, notamment en 2013 et 2014. Compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, les moyens tirés de ce que cette décision aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé, doivent être écartés. 6. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DECIDE : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B..., à Me Ndaiye et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Une copie en sera transmise pour information au préfet de l'Orne. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Lainé, président de chambre, - M. Derlange, président assesseur, - Mme Chollet, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 novembre 2023. La rapporteure, L. CHOLLET Le président, L. LAINÉ Le greffier, C. WOLF La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23NT01923 |
CETATEXT000048424314 | J4_L_2023_11_00023NT01948 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424314.xml | Texte | CAA de NANTES, 4ème chambre, 17/11/2023, 23NT01948, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-17 00:00:00 | CAA de NANTES | 23NT01948 | 4ème chambre | excès de pouvoir | C | M. LAINÉ | SELARL CHRISTOPHE LAUNAY | Mme Laure CHOLLET | Mme ROSEMBERG | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 21 novembre 2022 par lequel le préfet du Calvados lui a refusé le renouvellement d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné. Par un jugement n° 2202817 du 26 mai 2023, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 30 juin 2023, M. A..., représenté par Me Launay, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 26 mai 2023 du tribunal administratif de Caen ; 2°) d'annuler l'arrêté du 21 novembre 2022 du préfet du Calvados ; 3°) d'enjoindre au préfet du Calvados de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de quarante-huit heures à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans le même délai, sous astreinte de 75 euros par jour de retard, et de le munir d'une autorisation provisoire de séjour dans cette attente ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la décision lui refusant le renouvellement d'un titre de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; elle méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; le préfet aurait dû consulter la commission du titre de séjour ; - les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination sont fondées sur une décision illégale de refus de renouvellement de titre de séjour. Par un mémoire en défense, enregistré le 25 juillet 2023, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de Mme Chollet a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., ressortissant camerounais né le 23 mai 1984 à Douala (Cameroun) est entré en France le 2 juin 2015 selon ses déclarations. Il relève appel du jugement du 26 mai 2023 du tribunal administratif de Caen rejetant sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 novembre 2022 par lequel le préfet du Calvados lui a refusé le renouvellement d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / (...) ". 3. Le requérant fait valoir qu'il justifie d'un séjour sur le territoire français depuis le 2 juin 2015, qu'il est père d'un enfant français né le 16 mai 2017 pour lequel il exerce l'autorité parentale, qu'il a la volonté d'établir une relation stable avec lui et de contribuer financièrement à son éducation et ses soins. Toutefois, un jugement avant-dire droit du juge aux affaires familiales du 18 octobre 2022 indique sans ambiguïté qu'il n'existe pas de relation " stable et sécure " entre l'enfant et le père, qui n'a pas honoré tous les rendez-vous du point rencontre tel qu'octroyé par un arrêt du 11 octobre 2019 de la Cour d'Appel de Reims et qui a, selon le rapport de l'espace de rencontre alors rédigé " mis à mal le lien avec sa fille " et " cumule plus d'absences que de droits de visite réalisés ", et lui refuse en conséquence un droit d'hébergement tout en maintenant la résidence habituelle de l'enfant chez sa mère. Le requérant n'est en outre pas fondé à se prévaloir du rapport d'une enquête sociale du 6 mars 2023 et d'une ordonnance du juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Châlons-en-Champagne du 20 juin 2023, qui au demeurant souligne que le lien paternel a été repris très récemment et n'accorde au requérant qu'une rencontre mensuelle avec son enfant en lieu neutre pendant huit mois, dès lors que ces éléments sont postérieurs à la décision contestée. Il ressort en outre des pièces du dossier que le requérant n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident, selon ses déclarations, un enfant né en 2008, sa mère et deux frères et une sœur et où il a vécu jusqu'à l'âge de 31 ans. Dans ces conditions, alors même que M. A... semble montrer récemment des efforts pour renouer sa relation avec son enfant, la décision lui refusant le renouvellement d'un titre de séjour n'a pas porté au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, elle ne méconnaît pas l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle. 4. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 3, la décision refusant le renouvellement d'un titre de séjour ne méconnaît pas les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. 5. Selon l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : / 1° Lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer ou de renouveler la carte de séjour temporaire prévue aux articles (...) L. 423-23 (...) / (...) ". Il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du cas des seuls ressortissants étrangers auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et qui remplissent effectivement celles des conditions prévues à l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 que M. A... ne remplit pas les conditions de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-23 de ce code. Par suite, le moyen tiré du défaut de saisine de la commission du titre de séjour ne peut qu'être écarté. 6. La décision portant refus de renouvellement de titre de séjour n'étant pas annulée, M. A... n'est pas fondé à se prévaloir de cette annulation, par voie de conséquence, à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français et de celle fixant le pays de destination. 7. Il résulte de tout ce qui précède M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DECIDE : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A..., à Me Launay et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Une copie en sera transmise pour information au préfet du Calvados. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Lainé, président de chambre, - M. Derlange, président assesseur, - Mme Chollet, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 novembre 2023. La rapporteure, L. CHOLLET Le président, L. LAINÉ Le greffier, C. WOLF La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23NT01948 |
CETATEXT000048424315 | J4_L_2023_11_00023NT02004 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424315.xml | Texte | CAA de NANTES, 3ème chambre, 17/11/2023, 23NT02004, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-17 00:00:00 | CAA de NANTES | 23NT02004 | 3ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme BRISSON | SEMINO | Mme Judith LELLOUCH | M. BERTHON | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... a demandé au tribunal administratif de tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 28 mars 2023 du préfet du Morbihan portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixation du pays de renvoi en cas d'éloignement d'office et interdiction de retour en France pendant une durée d'un an. Par un jugement n° 2301709 du 4 avril 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 4 juillet 2023, M. C..., représenté par Me Semino, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 4 avril 2023 ; 2°) d'annuler l'arrêté du 28 mars 2023 du préfet du Morbihan portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant son pays de renvoi, et portant interdiction de retour sur le territoire français pendant un an et à titre subsidiaire, d'abroger cet arrêté ; 3°) d'enjoindre au préfet du Morbihan, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa situation en lui délivrant dans l'attente une autorisation provisoire de séjour ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991. Il soutient que : En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué : - le tribunal administratif de Rennes a omis de répondre au moyen opérant invoqué dans son mémoire complémentaire enregistré le 31 mars 2023 tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi devait être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la mesure d'éloignement prise à son encontre ; - les premiers juges ont statué ultra petita en répondant aux moyens, qui n'étaient pas invoqués, tirés de l'exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi, de la méconnaissance de l'intérêt supérieur de l'enfant garanti par l'article 3 § 1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; En ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué : - la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur sa situation personnelle ; - la décision lui refusant un délai de départ volontaire est entachée des mêmes illégalités que la mesure d'éloignement ; - la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant un an méconnaît les dispositions des articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - à titre subsidiaire, l'arrêté litigieux doit être abrogé du fait de son illégalité au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en raison du changement dans les circonstances de fait dès lors qu'il est aujourd'hui père d'un enfant dont la mère réside en France de manière régulière sous couvert d'une carte pluriannuelle et dont il contribue matériellement et effectivement à ses besoins. Par un mémoire en défense, enregistré le 31 juillet 2023, le préfet du Morbihan conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens invoqués par M. A... ne sont pas fondés. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 mai 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Lellouch, - les observations de Me Nigues, substituant Me Semino, représentant M. A.... Considérant ce qui suit : 1. M. B... A..., ressortissant comorien né le 23 août 1997, est entré en France irrégulièrement le 22 juillet 2021 en provenance du Sénégal. Son passeport n'étant pas revêtu du visa réglementaire, il a fait l'objet d'un refus d'entrée sur le territoire français. Par arrêté du 23 juillet 2021, le préfet des Bouches-du-Rhône l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit le retour en France pendant deux ans. Il s'est maintenu sur le territoire après sa libération de la zone d'attente. A la suite de son interpellation par les gendarmes de Ploërmel (56), le préfet du Morbihan, par un arrêté du 28 mars 2023, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé son pays de renvoi et lui a interdit le retour en France pendant un an. M. A... relève appel du jugement du 4 avril 2023 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 28 mars 2023 du préfet du Morbihan. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Il ressort des motifs du jugement attaqué, en particulier de son point 12 que les premiers juges ont répondu au moyen opérant tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi devait être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français sur la base de laquelle elle a été prise, sans qu'y fasse obstacle la circonstance selon laquelle les premiers juges ont qualifié de manière erronée ce moyen d'exception d'illégalité. 3. M. A... avait invoqué, devant les premiers juges, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination devait être annulé, par voie de conséquence, de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français. Bien qu'il l'ait qualifié d'exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français, en écartant ce moyen, le tribunal n'a pas, contrairement à ce que M. A... soutient, statué sur un moyen qui n'était pas invoqué. De même, le tribunal a répondu au moyen, invoqué par M. A... dans sa requête sommaire, tiré de ce que le préfet avait méconnu l'intérêt supérieur de l'enfant. La circonstance que le tribunal aurait, pour rejeter la demande, écarté un moyen qui n'était pas invoqué est, par elle-même, sans incidence sur la régularité du jugement. 4. Il résulte de ce qui précède que le jugement attaqué n'est pas entaché d'irrégularité. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne la mesure d'éloignement : 5. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. ". Il ressort des pièces du dossier que M. A... relevait de l'hypothèse prévue par ces dispositions dans laquelle l'autorité administrative peut obliger un étranger en situation irrégulière à quitter le territoire. 6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Pour l'application de ces stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine. 7. Ainsi qu'il a été rappelé au point 1, il ressort des pièces du dossier que M. A... a tenté de rejoindre la France le 22 juillet 2021. Dépourvu de visa, il a fait l'objet d'un refus d'entrée et a été placé en zone d'attente. Par arrêté du 23 juillet 2021, le préfet du Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai à destination des Comores et lui a interdit le retour en France pendant deux ans. M. A... s'est néanmoins maintenu sur le territoire français. Il se prévaut d'une relation de couple depuis le mois d'août 2021 avec une compatriote titulaire d'une carte pluriannuelle, avec laquelle il a eu un enfant né près d'un mois après l'intervention de l'arrêté litigieux et avec laquelle il a conclu, le 5 avril 2023, postérieurement à cet arrêté, un pacte civil de solidarité. Toutefois, eu égard aux conditions dans lesquelles M. A... a construit sa cellule familiale en France, alors qu'il venait de faire l'objet d'un refus d'entrée sur le territoire, d'une obligation de quitter le territoire français sans délai et d'une interdiction de retour sur le territoire français, le préfet du Morbihan n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en lui faisant obligation de quitter le territoire français le 28 mars 2023 ni commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur la situation personnelle de l'intéressé. En ce qui concerne la décision portant refus de délai de départ volontaire : 8. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. " Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) 4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ; 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) ". 9. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré irrégulièrement sur le territoire français et n'a pas sollicité de titre de séjour, qu'il s'est soustrait à une précédente mesure d'éloignement et qu'il a clairement manifesté, dans le cadre de son audition par les gendarmes de la brigade de Ploërmel le 28 mars 2023, son refus de se conformer à une nouvelle obligation de quitter le territoire français. Eu égard au risque élevé qu'il se soustraie à la mesure d'éloignement litigieuse, et pour les mêmes motifs que ceux qui ont été rappelés au point 7, le préfet du Morbihan n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire malgré la naissance imminente de son enfant. Il n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. A.... En ce qui concerne l'interdiction de retour en France : 10. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. ". 11. M. A... ne fait valoir aucun motif exceptionnel ou considération humanitaire, seuls susceptibles de justifier que l'autorité administrative n'assortisse pas la mesure d'éloignement d'une interdiction de retour sur le territoire français. M. A... ne justifie que de deux ans de présence en France et, ainsi qu'il a été dit, il a déjà fait l'objet d'une mesure d'obligation de quitter le territoire français dès son entrée sur le territoire français. Il ne ressort pas des pièces du dossier que sa compagne, une compatriote en situation régulière, ne puisse pas venir lui rendre visite aux Comores pendant la période au cours de laquelle il est interdit de retour en France. Dès lors, en décidant de lui interdire le retour en France pendant une durée d'un an, le préfet du Morbihan n'a pas fait une inexacte application des dispositions des articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs que ceux qui viennent d'être exposés, le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être accueilli. Sur les conclusions subsidiaires à fin d'abrogation : 12. La légalité des décisions contestées, qui ont le caractère de décisions individuelles, s'appréciant à la date à laquelle elles ont été prises, M. A... n'est pas fondé à en demander directement l'abrogation au juge, en s'appuyant sur des changements postérieurs, de fait ou de droit, à leur édiction. Par suite, de telles conclusions, au demeurant présentées pour la première fois en appel, ne peuvent qu'être rejetées. 13. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Les conclusions à fin d'injonction ainsi que la demande présentée au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées par voie de conséquence. DECIDE : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Une copie sera transmise au préfet du Morbihan. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - Mme Brisson, présidente de chambre, - M. Vergne, président-assesseur, - Mme Lellouch, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 novembre 2023. La rapporteure, J. Lellouch La présidente, C. Brisson La greffière, A. Martin La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23NT02004 |
CETATEXT000048424316 | J4_L_2023_11_00023NT02074 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424316.xml | Texte | CAA de NANTES, 4ème chambre, 17/11/2023, 23NT02074, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-17 00:00:00 | CAA de NANTES | 23NT02074 | 4ème chambre | excès de pouvoir | C | M. LAINÉ | NERAUDAU | Mme Pénélope PICQUET | Mme ROSEMBERG | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 13 mars 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert vers la Roumanie. Par un jugement n° 2304901 du 26 mai 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 11 juillet 2023, Mme B..., représentée par Me Néraudau, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement de la magistrate désignée du tribunal administratif de Nantes du 26 mai 2023 ; 2°) d'annuler l'arrêté du 13 mars 2023 du préfet de Maine-et-Loire ; 3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans les meilleurs délais ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il n'est pas suffisamment motivé, le premier juge répondant à trois moyens de légalité interne dans un seul et même point n° 12 ; - l'arrêté contesté n'est pas suffisamment motivé ; - il n'est pas établi qu'elle se soit effectivement vu délivrer, par écrit ou tout le moins oralement, dans une langue qu'elle comprend et dès le début de la procédure, les informations prévues à l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ; - elle n'a pas bénéficié du droit à l'information lors de la prise d'empreinte prévu par l'article 13 du règlement n° 2016/679 ; - elle n'a pas bénéficié d'un entretien dans les conditions prévues à l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ; - l'arrêté contesté est entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation ; - le préfet a méconnu le paragraphe 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ; - l'arrêté méconnaît l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le préfet de Maine-et-Loire a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013. Par un mémoire, enregistré le 21 septembre 2023, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés. Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 juin 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; - le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ; - le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de Mme Picquet a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. Mme B..., ressortissante guinéenne née le 31 juillet 1997, entrée en France selon ses déclarations le 5 février 2023, a présenté une demande d'asile le 14 février 2023 auprès de la préfecture de la Loire-Atlantique. Les recherches entreprises sur le fichier EURODAC ayant révélé que la requérante avait sollicité l'asile auprès des autorités roumaines le 6 janvier 2023, le préfet a saisi ces autorités le 16 février 2023 d'une demande de reprise en charge de l'intéressée, laquelle a été acceptée le 1er mars 2023, sur le fondement de l'article 18 c) du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Mme B... a demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation de l'arrêté du 13 mars 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités roumaines pour l'examen de sa demande d'asile. Par un jugement du 26 mai 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Mme B... fait appel de ce jugement. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ". 3. La seule circonstance que la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes ait écarté les moyens tirés de la méconnaissance du 2 de l'article 3 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne dans un point unique ne suffit pas établir qu'elle aurait insuffisamment motivé sa décision sur ces points. La magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes, qui n'était pas tenue de répondre à tous les arguments présentés par la requérante, a répondu avec la précision requise au point 12 du jugement attaqué, aux moyen soulevés à ce titre pour Mme B.... Dans ces conditions, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement attaqué doit être écarté. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 4. En premier lieu, il y a lieu d'écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par la première juge les moyens tirés de ce que l'arrêté contesté n'est pas suffisamment motivé et est entaché d'un défaut d'examen particulier de la situation de l'intéressée, que cette dernière reprend en appel sans apporter d'éléments nouveaux. 5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : /a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; /b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; /c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; /d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; /e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; /f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits (...). /2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. (...) ". 6. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre l'ensemble des éléments d'information prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. La remise de ces éléments doit intervenir en temps utile pour lui permettre de faire valoir ses observations, c'est-à-dire au plus tard lors de l'entretien prévu par les dispositions de l'article 5 du même règlement, entretien qui doit notamment permettre de s'assurer qu'il a compris correctement ces informations. Eu égard à leur nature, la remise par l'autorité administrative de ces informations prévues par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie. 7. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... s'est vu remettre, le 14 février 2023, le jour même de l'enregistrement de sa demande d'asile en préfecture, et à l'occasion de l'entretien individuel, en temps utile, les brochures A et B conformes aux modèles figurant à l'annexe X du règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014, dont elle a signé les pages de garde sous la mention " je reconnais avoir reçu le guide complet dans une langue que je comprends ", ces brochures étant en langue française et contenant les informations prescrites par les dispositions précitées. Dans ces conditions, son droit à l'information résultant de l'article 4 précité du règlement n° 604/2013 n'a pas été méconnu. 8. En troisième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'Etat membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. (...) ". 9. Il ressort des mentions figurant sur le compte-rendu signé par Mme B... qu'elle a bénéficié le 14 février 2023, soit avant l'intervention de la décision contestée, de l'entretien individuel prévu par l'article 5 précité du règlement n° 604/2013. La seule circonstance que l'agent qui a conduit cet entretien est seulement identifié par la mention " Préfecture de la Loire-Atlantique - L'agent habilité " et ses initiales manuscrites ne permet pas de tenir pour établi que cet entretien n'aurait pas été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. Par ailleurs, aucun élément du dossier n'établit que cet entretien n'aurait pas été mené dans des conditions qui en auraient garanti la confidentialité. Enfin, il ressort du compte-rendu de cet entretien, effectué en français, eu égard aux détails précis qu'il expose, qu'il a permis à Mme B... de faire état des informations utiles. Dès lors, le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 n'est pas fondé et doit être écarté. 10. En quatrième et dernier lieu, aux termes du 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable (...) ". Aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". 11. Ces dispositions doivent être appliquées dans le respect des droits garantis par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par ailleurs, eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les Etats membres de l'Union européenne, lorsque la demande de protection internationale a été introduite dans un Etat autre que la France, que cet Etat a accepté de prendre ou de reprendre en charge le demandeur et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet Etat membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire. La seule circonstance qu'à la suite du rejet de sa demande de protection par cet Etat membre l'intéressé serait susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ne saurait caractériser la méconnaissance par cet Etat de ses obligations. 12. Mme B... fait état de l'existence de défaillances affectant les conditions d'accueil et de prise en charge des demandeurs d'asile objets de mesures de transfert auprès des autorités roumaines. Toutefois, les documents qu'elle produit à l'appui de ces affirmations ne permettent pas de tenir pour établi que sa propre situation serait exposée à un risque sérieux de ne pas être traitée par les autorités roumaines dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile, alors que la Roumanie est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Si le rapport cité par la requérante fait état d'une pratique de refoulement des demandeurs d'asile à la frontière roumano-serbe, de difficultés d'accès à un interprète dans le cadre de la procédure d'asile et de conditions d'hébergement difficiles, ce document ne suffit pas à caractériser l'existence, dans ce pays, de défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs d'asile. Il n'en ressort pas, en particulier, que les conditions matérielles d'accueil seraient caractérisées par des carences structurelles d'une ampleur telle qu'il y aurait lieu de conclure d'emblée, et quelles que soient les circonstances, à l'existence de risques suffisamment réels et concrets, pour l'ensemble des demandeurs de protection internationale, indépendamment de leur situation personnelle, d'être systématiquement exposés à une situation de dénuement matériel extrême qui porterait atteinte à leur santé physique ou mentale ou les mettrait dans un état de dégradation incompatible avec la dignité humaine, prohibé par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cela n'établit pas davantage que le renvoi de la requérante vers la Roumanie en exécution d'une décision de transfert, en application du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, entraînerait un risque sérieux qu'elle soit exposée à des traitements indignes de ce type en violation des règles du droit européen de l'asile. Il ne ressort des pièces du dossier ni qu'une décision d'éloignement aurait été prise à son encontre par les autorités roumaines, ni qu'elle ne serait pas en mesure de faire valoir devant ces autorités, responsables de l'examen de sa demande d'asile, tout élément nouveau relatif à l'évolution de sa situation personnelle et à la situation qui prévaut en Guinée. Si elle soutient avoir été mariée de force dans son pays, avoir vécu dans des conditions difficiles en Roumanie et que sa demande d'asile dans ce pays a été retirée, cela ne suffit pas à établir qu'elle se trouvait à la date de l'arrêté contesté dans une situation de vulnérabilité exceptionnelle imposant d'instruire sa demande d'asile en France. Par ailleurs, alors que la décision de transfert litigieuse n'emporte pas éloignement vers la Guinée, Mme B... ne peut utilement soutenir que le préfet aurait dû prendre en compte les risques auxquels elle serait exposée dans ce pays. Par suite, les moyens tirés de ce que la décision litigieuse serait contraire au §2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doivent être écartés. 13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'annulation doivent être rejetées. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Une copie en sera transmise, pour information, au préfet de Maine-et-Loire. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Lainé, président de chambre, - M. Derlange, président-assesseur, - Mme Picquet, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 novembre 2023. La rapporteure P. Picquet Le président L. LainéLe greffier C. Wolf La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23NT02074 |
CETATEXT000048424317 | J5_L_2023_11_00018NC00386 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424317.xml | Texte | CAA de NANCY, 3ème chambre, 14/11/2023, 18NC00386, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-14 00:00:00 | CAA de NANCY | 18NC00386 | 3ème chambre | plein contentieux | C | M. WURTZ | CABINET CLAPOT - LETTAT | Mme Guénaëlle HAUDIER | M. MARCHAL | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Par un arrêt du 3 mars 2020, la cour, avant de statuer sur les conclusions de la requête de M. et Mme F..., agissant tant en leur nom personnel qu'en leur qualité de représentants légaux de leurs enfants mineurs C..., H... et B... I..., tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Besançon du 19 décembre 2017 et à la condamnation de l'ONIAM ou, à titre subsidiaire, de l'Hôpital Nord Franche-Comté et de son assureur, la SHAM, à les indemniser des préjudices subis du fait de la lésion du plexus brachial, des troubles neurologiques et du kyste latéro-médullaire dont leur fille C... est atteinte, a, après avoir annulé ce jugement, ordonné une mesure d'expertise médicale en vue notamment de déterminer les dommages en lien avec la lésion du plexus brachial dont a été victime C... F..., de préciser si l'état de santé de cette dernière est consolidé et de fixer la date de consolidation ou l'échéance au terme de laquelle elle interviendra et de donner à la cour tous les éléments lui permettant d'évaluer l'ensemble des préjudices patrimoniaux et personnels subis par C... F.... Les experts, désignés par une ordonnance de la présidente de la cour du 5 juin 2020, ont déposé leur rapport le 15 décembre 2020. Par une ordonnance du 6 janvier 2021, les honoraires des experts, les docteurs D... et J..., ont été liquidés et taxés par la présidente de la cour respectivement à 1 313,20 euros et 1 975,10 euros. Par des mémoires, enregistrés le 1er février 2021 et le 19 février 2021, l'Hôpital Nord Franche-Comté, représenté par Me Le Prado, maintient ses conclusions tendant au rejet de la requête, par les mêmes moyens que précédemment. Par des mémoires, enregistrés le 8 février 2021 et le 8 mars 2021, M. K... F... et son épouse Mme A... F..., agissant tant en leur nom personnel qu'en leur qualité de représentants légaux de leurs enfants mineurs C... et B... I... et Mme H... F..., devenue majeure en cours d'instance, représentés par la Selarl Clapot-Lettat, demandent à la cour : 1°) de condamner l'ONIAM à verser une provision de 350 000 euros en réparation des préjudices subis par C... et une provision de 20 000 euros en réparation du préjudice propre de Mme A... F..., avec les intérêts légaux à compter de la date de la réclamation préalable et leur capitalisation ; 2°) de déclarer l'arrêt à intervenir opposable à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Saône et à la Mutuelle Vivinter ; 3°) de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que : - il ressort du rapport d'expertise que les troubles neurologiques et le kyste latéro-médullaire sont en lien avec la lésion du plexus brachial ; - les experts ont estimé que les dommages subis par C... sont la conséquence d'un accident médical non fautif et non d'une faute de la sage-femme qui a pratiqué l'accouchement ; - le préjudice subi par C... peut être estimé à la somme provisionnelle de 350 000 euros et celui de Mme A... F..., sa mère, à la somme provisionnelle de 20 000 euros. Par un mémoire, enregistré le 8 février 2021, l'Office national des accidents médicaux des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté par Me Welsch, conclut, à titre principal, au rejet de la requête et, subsidiairement, à ce que la somme mise à sa charge n'excède pas 31 080 euros. Il soutient que : - soit la manœuvre de Mc Roberts a été mal réalisée et le dommage lui est imputable, soit elle a été correctement réalisée, comme l'a admis la cour dans l'arrêt avant dire-droit, et la lésion du plexus brachial est alors consécutive à la dystocie des épaules et non à un acte de soins qui dans l'un et l'autre cas ne permettent pas l'indemnisation au titre de la solidarité nationale ; - les requérants ont déjà perçu une indemnité provisionnelle de 10 000 euros et doivent en outre justifier des prestations reçues ; - l'indemnisation des victimes indirectes n'est prévue qu'en cas de décès de la victime. Par une ordonnance du 1er septembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 22 septembre 2023 à 12h00. La caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Saône a produit un mémoire, enregistré le 13 octobre 2023, qui n'a pas été communiqué. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de la santé publique ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Barteaux, - les conclusions de M. Marchal, rapporteur public, - et les observations de Me Pontille pour les consorts F.... Considérant ce qui suit : 1. Mme F... a été admise le 6 juin 2011 à l'Hôpital Nord Franche-Comté où elle a accouché, par voie basse, de son troisième enfant, C.... L'accouchement a été compliqué par une dystocie des épaules nécessitant des manœuvres qui ont été réalisées par une sage-femme. Dans les suites de cet accouchement, l'enfant a présenté une lésion du plexus brachial ainsi que des troubles neurologiques. Estimant que l'état C... était imputable à un accident médical, ses parents, agissant tant en leur nom propre qu'en leur qualité de représentants légaux de leurs trois enfants mineurs, ont demandé au tribunal administratif de Besançon de condamner, à titre principal, l'ONIAM à réparer les préjudices subis du fait de cet accident médical et, subsidiairement, l'Hôpital Nord Franche-Comté à indemniser les préjudices résultant des fautes commises lors de l'accouchement de Mme F.... Par un jugement du 19 décembre 2017, dont M. et Mme F... ont fait appel, le tribunal administratif de Besançon a rejeté leurs demandes. 2. Par un arrêt avant dire droit du 3 mars 2020, la cour, après avoir écarté la responsabilité de l'Hôpital Nord Franche-Comté, a estimé que la lésion du plexus brachial consécutive aux manœuvres obstétricales résultait d'un acte de soins et que les dommages répondaient aux conditions de gravité et d'anormalité permettant une indemnisation des préjudices au titre de la solidarité nationale. Par le même arrêt, elle a ordonné une mesure d'expertise médicale en vue notamment de déterminer les dommages en lien avec la lésion du plexus brachial dont a été victime C... F... et de préciser si les troubles neurologiques et le kyste latéro-médullaire dont souffre l'enfant sont en rapport avec cette lésion, d'indiquer si l'état de santé de cette dernière est consolidé et, à défaut, de fixer la date de consolidation ou l'échéance au terme de laquelle elle interviendra et enfin de donner à la cour tous les éléments lui permettant d'évaluer l'ensemble des préjudices patrimoniaux et personnels subis par C... F.... A la suite du rapport d'expertise déposé par le collège d'experts le 15 décembre 2020, les parties ont à nouveau conclu. Sur l'indemnisation au titre de la solidarité nationale : 3. L'ONIAM conteste le principe même de l'indemnisation au titre de la solidarité nationale en faisant valoir que la lésion du plexus brachial résulte soit d'une manœuvre de Mc Roberts mal réalisée par la sage-femme et donc fautive, engageant alors la responsabilité de l'Hôpital Nord Franche-Comté, soit, si cette manœuvre n'est pas fautive, que la lésion du plexus brachial, qui est assimilable à un état antérieur de l'enfant, ne saurait être regardée comme un accident médical non fautif ouvrant droit à une réparation au titre de la solidarité nationale. Toutefois, ainsi qu'il a été rappelé au point 2, la cour a, dans son arrêt avant dire droit du 3 mars 2020, statué sur le principe même de la réparation par l'ONIAM des préjudices consécutifs à la lésion du plexus brachial et l'a, en outre, condamné, dans le dispositif, à verser aux requérants une provision de 10 000 euros. Ainsi, compte tenu de l'autorité de chose jugée qui s'attache tant au dispositif de cet arrêt qu'aux motifs qui en sont le soutien nécessaire, l'ONIAM n'est pas fondé à remettre en cause l'indemnisation au titre de la solidarité nationale. Sur l'étendue des préjudices indemnisables au titre de la solidarité nationale : 4. Il ressort du rapport d'expertise du 15 décembre 2020 que les troubles neurologiques et le kyste latéro-médullaire (ou méningocèle) sont en lien avec la lésion du plexus brachial. Par suite, les requérants sont fondés à solliciter la réparation par l'ONIAM de l'ensemble des préjudices en lien avec ces dommages. Sur l'indemnisation des préjudices de l'enfant C... : 5. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise du 15 décembre 2020, que l'état de santé C... n'est pas encore consolidé et qu'une nouvelle expertise devra être réalisée à l'âge de 15 ou 16 ans, avec un bilan ophtalmologique préalable. Cette circonstance ne s'oppose pas à l'indemnisation des préjudices d'ores et déjà certains. En ce qui concerne le préjudice patrimonial : 6. Lorsque, au nombre des conséquences dommageables d'un accident engageant la responsabilité d'une personne publique, figure la nécessité pour la victime de recourir à l'assistance d'une tierce personne à domicile pour les actes de la vie courante, la circonstance que cette assistance serait assurée par un membre de sa famille est, par elle-même, sans incidence sur le droit de la victime à en être indemnisée. 7. Les requérants sollicitent une indemnité provisionnelle au titre de ce besoin d'assistance. Il ressort du rapport d'expertise que l'état de santé de la jeune C... nécessite que lui soit apportée une aide quotidienne par une tierce personne à raison de 3 heures depuis sa sortie de la maternité, soit le 14 juin 2011, et non le 14 juin 2020 comme mentionné par erreur dans ce rapport, en raison de la mobilité limitée de son bras gauche. Si Mme F... fait valoir qu'elle s'est arrêtée de travailler pour s'occuper de sa fille à l'issue de son congé de maternité, il ne résulte pas de l'instruction que cette dernière aurait demandé une plus grande attention qu'un autre enfant jusqu'à l'âge de deux ans. Il convient, par suite, d'évaluer le besoin d'aide à compter du 6 juin 2013, date des deux ans de la fillette. Il résulte du rapport d'expertise que le besoin d'assistance par une tierce personne n'est pas spécialisé. Dans ces conditions, il y a lieu de retenir un taux moyen du SMIC avec charges de 14 euros pour la période du 6 juin 2013 au 31 décembre 2019 puis de 16 euros pour la période du 1er janvier 2020 au 14 novembre 2023, date de lecture du présent arrêt, calculé sur une durée annualisée de 412 jours pour tenir compte des majorations des dimanches, congés et jours fériés. Ce chef de préjudice peut ainsi être fixé à la somme de 190 391,41 euros. 8. Toutefois, comme le fait valoir l'ONIAM, il convient de déduire de cette somme les prestations de même nature que les intéressés ont pu percevoir, telles que l'allocation d'éducation d'enfant handicapé ou la prestation de compensation du handicap. Or, en dépit d'une mesure d'instruction en ce sens, les requérants se sont abstenus, sans aucune justification, de répondre à cette mesure. Dans ces conditions, la cour n'est pas en mesure d'apprécier si ce chef de préjudice est déjà indemnisé, en tout ou partie, par des prestations de même nature et ne peut, par suite, déterminer un montant d'indemnité provisionnelle qui restera dans les limites du montant total alloué ultérieurement. La demande d'indemnisation à ce titre ne peut, dès lors, qu'être rejetée. En ce qui concerne les préjudices personnels : S'agissant du déficit fonctionnel temporaire : 9. Il ressort du rapport d'expertise qu'Aliyah F... a subi un déficit fonctionnel temporaire total du 13 au 17 septembre 2011, puis durant trois semaines à compter du 18 septembre 2011, en raison du port d'une coquille en plâtre, et, enfin, du 30 janvier 2013 au 31 janvier 2013, soit au total 28 jours. Elle a également subi un déficit fonctionnel temporaire partiel de 50 % de sa naissance, le 6 juin 2011, jusqu'au 12 juin 2014, durant 1 075 jours après déduction des 28 jours de déficit fonctionnel temporaire total, suivi d'un déficit fonctionnel partiel de 40 % du 13 juin 2014 jusqu'à la date du présent arrêt, soit 3 440 jours. Selon le rapport d'expertise, l'enfant conserve des séquelles importantes au niveau du bras gauche qui, malgré des séances de kinésithérapie, n'est toujours pas fonctionnel. Dans ces conditions, ce chef de préjudice peut être justement apprécié, sur une base journalière de 20 euros, à la somme provisionnelle de 38 830 euros. S'agissant des souffrances endurées : 10. Les experts ont estimé que les souffrances endurées ne pourront être évaluées à un niveau inférieur à 4 sur une échelle de 7, en tenant compte des investigations, traitements, interventions, complications déjà supportés par C... F... et de la souffrance morale qu'elle pourra encore développer. Eu égard à ces éléments, il sera fait une juste appréciation de son préjudice en l'évaluant, jusqu'à la date de consolidation, à la somme provisionnelle de 7 000 euros. S'agissant du préjudice esthétique temporaire : 11. Il résulte du rapport d'expertise que le préjudice esthétique temporaire ne peut être estimé à un niveau inférieur à 4 sur une échelle de 7, compte tenu notamment d'une cicatrice de 16 centimètres dans la zone latéro-cervicale gauche, d'une autre de 6 centimètres au niveau de la clavicule ainsi que de trois autres dont une de 11 centimètres sur la face interne du bras gauche le long du biceps et une de 24 centimètres sur la partie postérieure de la jambe gauche. Il y a lieu d'accorder à ce titre une indemnité provisionnelle de 8 000 euros. S'agissant de l'indemnisation au titre du déficit fonctionnel et des préjudices d'agrément, sexuel et esthétique après consolidation : 12. L'état de l'enfant n'est pas encore consolidé, ainsi qu'il a été indiqué au point 5, et devra être examiné, dans le cadre d'une nouvelle expertise, vers l'âge de 15 ou 16 ans. Toutefois, le rapport d'expertise mentionne que le déficit fonctionnel permanent ne devrait pas être inférieur à 30 %. Ce préjudice futur apparaît donc suffisamment certain pour permettre une indemnisation. Par suite, il y a lieu d'accorder à ce titre une indemnité provisionnelle de 80 000 euros. 13. Eu égard au préjudice esthétique temporaire que présente déjà l'enfant, le préjudice esthétique après consolidation peut également être regardé comme suffisamment certain. Il y a lieu, dès lors, de l'indemniser par la somme provisionnelle de 8 000 euros. 14. En revanche, les pièces du dossier ne permettent pas de regarder les préjudices d'agrément et sexuel futurs comme étant certains. Les requérants ne sont, par suite, pas fondés à solliciter une indemnisation provisionnelle en réparation de ces deux chefs de préjudice permanent qui ne pourront être évalués, le cas échéant, qu'après la consolidation de l'état de l'enfant C.... Sur l'indemnisation des préjudices de Mme A... F... : 15. Mme F... fait valoir qu'elle a cessé de travailler en 2016 et 2017 pour s'occuper de sa fille et demande, en conséquence, l'indemnisation provisionnelle du préjudice financier qu'elle estime avoir subi à ce titre. Toutefois, l'intéressée n'a pas répondu à la mesure d'instruction tendant à la production de tout justificatif de sa situation financière au cours de cette période, notamment de ses avis d'imposition. En se bornant à produire une fiche de paie correspondant à l'emploi qu'elle exerçait à la date de l'accouchement de sa fille, Mme F... ne met pas la cour en mesure d'apprécier le caractère certain du préjudice allégué, ni son étendue. Par suite, cette demande d'indemnisation doit être rejetée. 16. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. et Mme F..., en leur qualité de représentants légaux de leur fille mineure, C..., sont fondés à demander la condamnation de l'ONIAM à leur verser une indemnité provisionnelle de 141 830 euros à valoir sur l'indemnisation définitive des préjudices subis par cette dernière et de laquelle devra être déduite la provision déjà versée de 10 000 euros. Sur les intérêts moratoires et leur capitalisation : 17. Les requérants n'établissent pas la date de réception par l'ONIAM de leur réclamation préalable datée du 3 juin 2015. Par suite, ils sont seulement fondés à demander les intérêts de la somme mise à la charge de l'Office au point 16 à compter de la date d'enregistrement de leur demande au greffe du tribunal le 5 juin 2015. 18. La capitalisation des intérêts a été demandée le 16 février 2018. A cette date, il était dû au moins une année d'intérêts. Dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande au 16 février 2018 puis à chaque échéance annuelle. Sur les frais d'expertise : 19. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge définitive de l'ONIAM les frais de l'expertise, liquidés et taxés par une ordonnance du 6 janvier 2021 à la somme totale de 3 288,30 euros. Sur les conclusions à fin d'appel en déclaration de jugement commun : 20. Aux termes du huitième alinéa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, relatif au recours subrogatoire des caisses de sécurité sociale contre le responsable d'un accident ayant entraîné un dommage corporel : " L'intéressé ou ses ayants droit doivent indiquer, en tout état de la procédure, la qualité d'assuré social de la victime de l'accident ainsi que les caisses de sécurité sociale auxquelles celle-ci est ou était affiliée pour les divers risques. Ils doivent appeler ces caisses en déclaration de jugement commun ou réciproquement. (...) ". En application de ces dispositions, il incombe au juge administratif, saisi d'un recours indemnitaire de la victime contre une personne publique regardée comme responsable de l'accident, de mettre en cause les caisses auxquelles la victime est ou était affiliée. Symétriquement, lorsque le juge est saisi d'un recours indemnitaire introduit contre la personne publique par une caisse agissant dans le cadre de la subrogation légale, il lui incombe de mettre en cause la victime. Le défaut de mise en cause, selon le cas, de la caisse ou de la victime entache la procédure d'irrégularité. 21. D'une part, par un mémoire enregistré le 3 juillet 2019, la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Saône a déclaré ne pas intervenir à l'instance. Par suite, il y a lieu, en application des dispositions précitées, de lui déclarer le présent arrêt commun. 22. D'autre part, les dispositions précitées n'imposent pas la mise en cause des mutuelles en cas de recours indemnitaire de la victime contre une personne publique responsable de son dommage. Il s'ensuit que les conclusions tendant à ce que le présent arrêt soit déclaré commun à la mutuelle Vivinter doivent être rejetées. Sur les frais liés au litige : 23. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'ONIAM une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. et Mme F... et non compris dans les dépens. D E C I D E : Article 1er : L'ONIAM est condamné à verser à M. et Mme F..., en qualité de représentants légaux de leur fille mineure C..., la somme provisionnelle de 141 830 euros, dont sera déduite la provision déjà versée de 10 000 euros. La somme ainsi due sera majorée des intérêts au taux légal à compter du 5 juin 2015. Les intérêts échus à la date du 16 février 2018 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts. Article 2 : Les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 3 288,30 euros, sont mis à la charge définitive de l'ONIAM. Article 3 : L'ONIAM versera à M. et Mme F... la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le présent arrêt est déclaré commun à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Saône. Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté. Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. K... F..., à Mme A... F..., à Mme H... F..., à l'Hôpital Nord Franche-Comté, à la Société hospitalière d'assurances mutuelles, à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Saône, à la mutuelle Vivinter, à M. G... D... et à M. E... J.... Délibéré après l'audience du 17 octobre 2013, à laquelle siégeaient : - M. Wurtz, président, - Mme Bauer, présidente-assesseure, - M. Barteaux, premier conseiller, Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2023. Le rapporteur, Signé : S. BARTEAUX Le président, Signé : Ch. WURTZLe greffier, Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, Le greffier : F. LORRAIN N° 18NC00386 2 |
CETATEXT000048424319 | J5_L_2023_11_00020NC02164 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424319.xml | Texte | CAA de NANCY, 1ère chambre, 16/11/2023, 20NC02164, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de NANCY | 20NC02164 | 1ère chambre | plein contentieux | C | M. WALLERICH | DEGRE 7 AVOCATS | Mme Marion BARROIS | Mme ANTONIAZZI | Vu la procédure suivante : Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés le 29 juillet 2020, le 22 janvier 2021, le 21 juillet 2021 et le 15 mai 2023, Mme A... B..., M. D... C... et l'association Ligue de protection des oiseaux (LPO), représentés par Me Prévalet, demandent à la cour : 1°) d'annuler l'arrêté du 21 avril 2020 du préfet du Doubs portant autorisation unique d'un parc éolien de la société Communailes Sud sur le territoire des communes d'Avoudrey, de Longechaux et de Grandfontaine sur Creuze ; 2°) d'enjoindre à l'administration de prendre sous sa responsabilité et à ses frais, toutes dispositions afin que les travaux entrepris par la société Communailes Sud cessent immédiatement ; 3°) de mettre à la charge solidaire de l'Etat et de la société Communailes Sud le versement de la somme de 2 500 euros à chacun des requérants sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que : - la présentation des capacités financières de l'exploitant est insuffisante et a nui à l'information complète du public ; - l'absence des derniers avis de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) et de celui de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites (CNDPS) dans le dossier d'enquête publique a nui à l'information du public ; - la mission régionale d'autorité environnementale de Bourgogne-Franche-Comté (MRAE) et le conseil national de la protection de la nature (CNPN) auraient dû être saisis à nouveau à la suite des nombreux compléments apportés au projet et à l'étude d'impact initiale ; - l'étude d'impact est insuffisante sur ses volets avifaunistique, acoustique et sur l'analyse des effets cumulés avec les autres parcs éoliens ; - l'étude de dangers est insuffisante quant aux risques sur les eaux souterraines et sur le bétail ; - les demandes de dérogation à l'interdiction de destruction des espèces protégées ne sont pas suffisamment précises et dès lors non conformes aux dispositions de l'arrêté du 19 février 2007 ; - l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé quant à la dérogation accordée ; - les mesures d'évitement, de réduction et de compensation ne permettent pas le maintien dans un état de conservation favorable des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle ; - l'exploitant n'a pas examiné l'existence de mesures alternatives ; - la dérogation accordée n'est pas suffisamment précise ; - l'installation projetée entraine des nuisances sonores pour les habitations situées à proximité ; - la demande d'autorisation de défrichement est irrégulière en ce qu'elle ne comporte pas le bon numéro SIRET de la société bénéficiaire. Par des mémoires en défense, enregistrés le 25 novembre 2020, le 28 mai 2021, le 4 octobre 2021 et le 6 juin 2023, la société Communailes Sud, représentée par Me Gossement, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 500 euros soit mise à la charge de chacun des requérants sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que la requête est irrecevable dès lors que les requérants n'ont pas qualité ni intérêt pour agir et qu'en tout état de cause, les moyens soulevés ne sont pas fondés. Par un mémoire en défense enregistré le 26 avril 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés et à titre subsidiaire, que dans l'hypothèse où la cour retiendrait un vice régularisable, de prononcer un sursis à statuer sur le fondement de l'article L. 181-18 du code de l'environnement. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement ; - l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 ; - l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 ; - le code de l'environnement ; - le décret n° 2014-450 du 2 mai 2014 ; - le décret n° 2016-1110 du 11 août 2016 ; - l'arrêté du 23 avril 2007 modifié fixant la liste des mammifères protégés sur l'ensemble du territoire et les modalités de leur protection ; - l'arrêté du 19 février 2007 fixant les conditions de demande et d'instruction des dérogations définies au 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement portant sur des espèces de faune et de flore sauvages protégées ; - l'arrêté du 29 octobre 2009 modifié fixant la liste des oiseaux protégés sur l'ensemble du territoire et les modalités de leur protection ; - l'arrêté du 26 août 2011 relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent au sein d'une installation soumise à autorisation au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Barrois, première conseillère, - les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique, - les observations de Me Prévalet, représentant Mme B..., M. C... et l'association Ligue de protection des oiseaux, - et les observations de Me Thomas, représentant la société Communailes Sud. Une note en délibéré, enregistrée le 23 octobre 2023 a été présentée pour la société Communailes Sud. Une note en délibéré, enregistrée le 26 octobre 2023 a été présentée pour Mme B... et autres. Considérant ce qui suit : 1. Le 14 décembre 2016, la société Communailes Sud a déposé une demande d'autorisation unique en vue d'exploiter un parc éolien sur le territoire des communes d'Avoudrey, de Longechaux et de Grandfontaine sur Creuze, complétée à plusieurs reprises jusqu'en juin 2019. Par un arrêté du 21 avril 2020, le préfet du Doubs a délivré l'autorisation unique d'exploiter un parc composé de quatre éoliennes et d'un poste de livraison. Par la présente requête, Mme B..., M. C... et la ligue de protection des oiseaux en demandent l'annulation. Sur la fin de non-recevoir soulevée en défense par la société Communailes Sud : 2. Aux termes de l'article R. 181-50 du code de l'environnement : " Les décisions mentionnées aux articles L. 181-12 à L. 181-15 peuvent être déférées à la juridiction administrative : / (...) 2° Par les tiers intéressés en raison des inconvénients ou des dangers pour les intérêts mentionnés à l'article L. 181-3 (...) ". L'article L. 181-3 de ce code énonce : " I. L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas (...) ". Parmi ces intérêts, l'article L. 511-1 du même code mentionne les dangers ou les inconvénients pour la commodité du voisinage, la santé, la protection de la nature, de l'environnement et des paysages ainsi que la conservation des sites et des monuments. 3. En premier lieu, les tiers personnes physiques doivent justifier d'un intérêt suffisamment direct leur donnant qualité pour demander l'annulation, compte tenu des inconvénients et dangers que présente pour eux l'installation en cause, appréciés notamment en fonction de la situation des intéressés et de la configuration des lieux. En l'espèce, les requérants personnes physiques résident à une distance de 790 mètres de l'éolienne la plus proche de leur lieu d'habitation et de 1 000 mètres des trois autres éoliennes et invoquent notamment, en s'appuyant sur les indications figurant dans l'étude d'impact du projet, les atteintes à la commodité du voisinage qu'ils subiront du fait de l'impact visuel en raison des ombres portées sur les maisons et de l'impact sonore des éoliennes qui dépassent les seuils réglementaires nocturnes. Il en résulte qu'ils justifient d'un intérêt suffisamment direct pour demander l'annulation de l'arrêté du 21 avril 2020. 4. En second lieu, aux termes de l'article L. 142-1 du code de l'environnement : " Toute association ayant pour objet la protection de la nature et de l'environnement peut engager des instances devant les juridictions administratives pour tout grief se rapportant à celle-ci. Toute association de protection de l'environnement agréée au titre de l'article L. 141-1 ainsi que les fédérations départementales des associations agréées de pêche et de protection du milieu aquatique et les associations agréées de pêcheurs professionnels justifient d'un intérêt pour agir contre toute décision administrative ayant un rapport direct avec leur objet et leurs activités statutaires et produisant des effets dommageables pour l'environnement sur tout ou partie du territoire pour lequel elles bénéficient de l'agrément dès lors que cette décision est intervenue après la date de leur agrément. ". 5. D'une part, aux termes de l'article 2 de ses statuts, la ligue de protection des oiseaux- délégation Franche Comté (LPO), agréée au titre de l'article L. 142-1 du code de l'environnement pour la Franche Comté par arrêté du 26 avril 2018 pour une durée de cinq ans, a notamment pour objet d'agir pour l'oiseau, la faune sauvage, la nature et l'homme et lutter contre le déclin de la biodiversité, par la connaissance, la protection, l'éducation et la mobilisation. Elle fait valoir que certaines des espèces concernées par l'arrêté en litige, qui sont des espèces nicheuses, hivernantes et migratrices, sont présentes dans le département du Doubs, font partie de la faune qui caractérise les milieux de ce département et que l'installation en cause y portera atteinte. D'autre part, aux termes de l'article 14 de ses statuts, le conseil d'administration a compétence pour décider d'engager toute action devant les juridictions de l'ordre administratif et de son article 16, le président assure le fonctionnement de l'association qu'il représente en justice. Il résulte d'un relevé de décision du 21 juillet 2020, que le bureau a autorisé en urgence le président pour qu'il dépose au nom de l'association sa requête le 29 juillet suivant et que cette autorisation a été régularisée par deux délibérations du conseil d'administration des 12 septembre et 15 décembre 2020 signées du secrétaire et du président de séance. 6. Ainsi, il résulte de ce qui précède que Mme B..., M. C... et la LPO justifient d'un intérêt leur donnant qualité pour demander l'annulation de l'arrêté du 21 avril 2020. Par suite, la fin de non-recevoir est écartée. Sur le cadre juridique : 7. Aux termes de l'article 15 de l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 : " Les dispositions de la présente ordonnance entrent en vigueur le 1er mars 2017, sous réserve des dispositions suivantes : / 1° Les autorisations délivrées au titre du chapitre IV du titre Ier du livre II ou du chapitre II du titre Ier du livre V du code de l'environnement dans leur rédaction antérieure à la présente ordonnance, ou au titre de l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 ou de l'ordonnance n° 2014-619 du 12 juin 2014, avant le 1er mars 2017, sont considérées comme des autorisations environnementales relevant du chapitre unique du titre VIII du livre Ier de ce code, avec les autorisations, enregistrements, déclarations, absences d'opposition, approbations et agréments énumérés par le I de l'article L. 181-2 du même code que les projets ainsi autorisés ont le cas échéant nécessités ; les dispositions de ce chapitre leur sont dès lors applicables, notamment lorsque ces autorisations sont contrôlées, modifiées, abrogées, retirées, renouvelées, transférées, contestées ou lorsque le projet autorisé est définitivement arrêté et nécessite une remise en état ; / 2° Les demandes d'autorisation au titre du chapitre IV du titre Ier du livre II ou du chapitre II du titre Ier du livre V du code de l'environnement, ou de l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 ou de l'ordonnance n° 2014-619 du 12 juin 2014 régulièrement déposées avant le 1er mars 2017 sont instruites et délivrées selon les dispositions législatives et réglementaires dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la présente ordonnance ; après leur délivrance, le régime prévu par le 1° leur est applicable (...) ". Sous réserve des dispositions de son article 15, l'article 16 de la même ordonnance a abrogé les dispositions de l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014. 8. Il appartient au juge du plein contentieux des installations classées pour la protection de l'environnement d'apprécier le respect des règles relatives à la forme et la procédure régissant la demande d'autorisation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date de délivrance de l'autorisation et celui des règles de fond régissant le projet en cause au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date à laquelle il se prononce, sous réserve du respect des règles d'urbanisme qui s'apprécie au regard des circonstances de fait et de droit applicables à la date de l'autorisation, la juridiction statuant comme juge de l'excès de pouvoir contre l'autorisation unique en tant qu'elle vaut permis de construire. Toutefois, en vertu du 2° de l'article 15 de l'ordonnance du 26 janvier 2017, les demandes d'autorisation régulièrement déposées avant le 1er mars 2017, comme en l'espèce, sont instruites et délivrées selon les dispositions législatives et réglementaires dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 26 janvier 2017. La légalité de telles autorisations doit donc être appréciée, pour ce qui concerne la forme et la procédure, au regard des règles applicables avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 26 janvier 2017. Sur les conclusions à fin d'annulation de l'autorisation unique environnementale délivrée le 21 avril 2020 par le préfet du Doubs : En ce qui concerne la présentation des capacités financières de l'exploitant : 9. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances affectant le dossier soumis à enquête publique ne sont susceptibles de vicier la procédure et ainsi d'entacher d'irrégularité l'autorisation que si elles ont eu pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative. 10. En vertu du 5° de l'article R. 512-3 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable à la date de délivrance de l'autorisation attaquée, la demande d'autorisation mentionne " les capacités techniques et financières de l'exploitant ". Il résulte de ces dispositions que le pétitionnaire est tenu de fournir, à l'appui de sa demande, des indications précises et étayées sur ses capacités techniques et financières. Si cette règle a été ultérieurement modifiée par le décret du 26 janvier 2017 relatif à l'autorisation environnementale, qui a créé l'article D. 181-15-2 du code de l'environnement en vertu duquel le dossier comprend une description des capacités techniques et financières dont le pétitionnaire dispose, ou, lorsque ces capacités ne sont pas constituées au dépôt de la demande d'autorisation, les modalités prévues pour en justifier, l'exploitant devant, dans ce dernier cas, adresser au préfet les éléments justifiant de ses capacités techniques et financières au plus tard à la mise en service de l'installation, cette évolution de la règle de droit ne dispense pas le pétitionnaire de l'obligation de régulariser une irrégularité dans la composition du dossier au vu des règles applicables à la date de délivrance de l'autorisation dès lors que l'irrégularité en cause a eu pour effet de nuire à l'information complète du public. 11. Il résulte de la demande d'autorisation d'exploitation que la société Communailes est une société de projet créée par la société MW Energies qu'elle détient à 100 % et que cette dernière serait elle-même détenue à 100 % par la société Valgest. Le dossier indique également que le montant total de l'investissement nécessaire à la réalisation du projet d'un parc éolien de quatre aérogénérateurs est de 40 millions d'euros qui seront financés à hauteur de 20 % par des fonds propres de la société Valgest et de 80 % par un emprunt bancaire. Pour autant, il n'est versé au dossier aucun engagement financier de la société Valgest et alors même que la société exploitante soutient en défense être accompagnée par la BNP, elle ne produit aucun élément en ce sens. En outre, il ressort des pièces produites que les liens capitalistiques mentionnés dans la demande d'autorisation entre les trois sociétés et présentés comme tels dans l'enquête publique ne sont pas exacts dès lors que la société MW energies n'est détenue qu'à 51 % par la société Valgest. Ainsi, les informations figurant dans le dossier de demande d'autorisation d'exploiter n'étaient pas suffisamment précises et étayées quant aux capacités financières de la société pétitionnaire. 12. Par suite, eu égard notamment à l'absence de documents produits à l'appui de sa demande délivrant des indications précises et étayées sur ses capacités financières d'éléments et à l'intérêt manifesté par plusieurs intervenants à l'enquête publique quant aux enjeux liés au financement du projet qui n'ont pas fait l'objet d'une régularisation par la suite, les lacunes entachant initialement le dossier de demande d'autorisation ont eu pour effet de nuire à la complète information du public. Par suite, cette irrégularité constitue un vice de procédure entachant d'illégalité l'autorisation délivrée par le préfet du Doubs. En ce qui concerne les avis rendus par les commissions : 13. En premier lieu, aux termes de l'article R. 123-8 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté contesté : " Le dossier soumis à l'enquête publique comprend les pièces et avis exigés par les législations et réglementations applicables au projet, plan ou programme. / Le dossier comprend au moins :/ (...) 4° Lorsqu'ils sont rendus obligatoires par un texte législatif ou réglementaire préalablement à l'ouverture de l'enquête, les avis émis sur le projet plan, ou programme (...) ". Aux termes de l'article R. 181-32 du même code : " Lorsque la demande d'autorisation environnementale porte sur un projet d'installation de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent, le préfet saisit pour avis conforme :/ 1° Le ministre chargé de l'aviation civile : /a) Pour ce qui concerne les radars primaires, les radars secondaires et les radiophares omnidirectionnels très haute fréquence (VOR), sur la base de critères de distance aux aérogénérateurs ;/ b) Pour les autres aspects de la circulation aérienne, sur tout le territoire et sur la base de critère de hauteur des aérogénérateurs./ Ces critères de distance et de hauteur sont fixés par un arrêté des ministres chargés des installations classées et de l'aviation civile ;/ 2° Le ministre de la défense, y compris pour ce qui concerne les radars et les radiophares omnidirectionnels très haute fréquence (VOR) relevant de sa compétence ;/ 3° L'architecte des Bâtiments de France si l'autorisation environnementale tient lieu des autorisations prévues par les articles L. 621-32 et L. 632-1 du code du patrimoine ;/ 4° L'établissement public chargé des missions de l'Etat en matière de sécurité météorologique des personnes et des biens sur la base de critères de distance aux aérogénérateurs fixés par un arrêté du ministre chargé des installations classées./ Ces avis sont rendus dans le délai de deux mois./ Le présent article n'est pas applicable lorsque le pétitionnaire a joint ces avis à son dossier de demande ". Enfin, aux termes de l'article R. 181-37 du même code, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté contesté : " Les avis recueillis lors de la phase d'examen en application des articles R. 181-19 à R. 181-32 sont joints au dossier mis à l'enquête (...) ". 14. Il résulte de ces dispositions que seuls les avis obligatoires, exigés préalablement à l'ouverture de l'enquête, doivent figurer dans le dossier d'enquête publique préalable à l'autorisation délivrée au titre des installations classées pour la protection de l'environnement. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, les avis émis par la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) le 28 mai 2019 et le 7 janvier 2020 et de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites (CDNPS) du 4 février 2020 ne sont pas au nombre de ceux qui doivent être obligatoirement recueillis en application des dispositions des articles R. 181-19 à R. 181-32 et joints au dossier d'enquête publique en vertu de l'article R. 181-37 du code de l'environnement. Par suite, le moyen tiré de l'absence de ces avis dans le dossier d'enquête publique est écarté. 15. En second lieu, l'organisme dont une disposition législative ou réglementaire prévoit la consultation avant l'intervention d'un texte doit être mis à même d'exprimer son avis sur l'ensemble des questions soulevées par ce texte. Par suite, dans le cas où, après avoir recueilli son avis, l'autorité compétente pour prendre le texte envisage d'apporter à son projet des modifications, elle ne doit procéder à une nouvelle consultation de cet organisme que si ces modifications posent des questions nouvelles. D'une part, aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 19 février 2007 fixant les conditions de demande et d'instruction des dérogations définies au 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement portant sur des espèces de faune et de flore sauvages protégées, dans sa rédaction applicable à la date des arrêtés attaqués : " I. - La décision est prise après avis du conseil national de la protection de la nature dans les cas suivants : 1° Demandes de dérogation constituées en vue de la réalisation de travaux, d'ouvrages ou d'aménagements soumis, en application des articles R. 122-2 et R. 122-3 du code l'environnement, à étude d'impact ou, en application des articles L. 181-1 et L. 181-2 du même code, à autorisation environnementale ; (...) ". D'autre part, aux termes de l'article L. 122-1 du code de l'environnement, " V. - Lorsqu'un projet est soumis à évaluation environnementale, le dossier présentant le projet comprenant l'étude d'impact et la demande d'autorisation déposée est transmis par le maître d'ouvrage pour avis à l'autorité environnementale ainsi qu'aux collectivités territoriales et à leurs groupements intéressés par le projet. ". 16. En l'espèce, les compléments apportés en mars et juin 2019 en réponse aux avis de la MRAE du 17 juillet 2018 et du conseil national de protection de la nature du 3 septembre 2018 qui ont bien été saisis du projet composé de quatre éoliennes et après déplacement d'un aérogénérateur, de même que les mesures complémentaires de suivi et de compensation proposées à la suite de ces observations, ne portent pas sur des questions nouvelles qui auraient nécessité une nouvelle consultation de ces instances. Par suite, les moyens tirés de ce que le Conseil national de protection de la nature et la MRAE auraient dû être à nouveau saisis sont écartés. En ce qui concerne les insuffisances de l'étude d'impact : 17. Aux termes de l'article R. 512-6 du code de l'environnement dans sa rédaction applicable au présent litige : " I. - A chaque exemplaire de la demande d'autorisation doivent être jointes les pièces suivantes : (...) / 4° L'étude d'impact prévue à l'article L. 122-1 dont le contenu est défini à l'article R. 122-5 et complété par l'article R. 512-8 (...) " et du II de l'article R. 122-5 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " En application du 2° du II de l'article L. 122-3, l'étude d'impact comporte les éléments suivants, en fonction des caractéristiques spécifiques du projet et du type d'incidences sur l'environnement qu'il est susceptible de produire : (...) 5° Une description des incidences notables que le projet est susceptible d'avoir sur l'environnement résultant, entre autres : (...) d) Des risques (...) pour l'environnement ; (...) 8° Les mesures prévues par le maître de l'ouvrage pour : - éviter les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine et réduire les effets n'ayant pu être évités ; - compenser, lorsque cela est possible, les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine qui n'ont pu être ni évités ni suffisamment réduits. S'il n'est pas possible de compenser ces effets, le maître d'ouvrage justifie cette impossibilité. / La description de ces mesures doit être accompagnée de l'estimation des dépenses correspondantes, de l'exposé des effets attendus de ces mesures à l'égard des impacts du projet sur les éléments mentionnés au 5° ; 9° Le cas échéant, les modalités de suivi des mesures d'évitement, de réduction et de compensation proposées ; (...) ". 18. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative. S'agissant du caractère épars des données ne permettant pas une information complète du public : 19. Il résulte de l'avis de la MRAE du 17 juillet 2018 qu'au regard de la modification du projet qui est réduit de huit à quatre éoliennes, mais de tailles plus importantes, et du déplacement de l'une d'entre elles qui n'a pas fait l'objet d'une nouvelle étude mais de nombreux compléments soit sous la forme de documents distincts, soit sous la forme notamment d'avant-propos et d'encart dans l'étude initiale qui rendent la lecture et la compréhension des données difficiles et fastidieuses, l'autorité a recommandé la réécriture de l'étude d'impact et du résumé non technique en reprenant l'ensemble des modifications l'amenant au projet à quatre éoliennes. Même si la DREAL dans un courrier du 12 décembre 2018 a estimé que seule la mise à jour des avant-propos était nécessaire, les données éparses soumises comme telles à enquête publique ont nui à l'information complète du public. S'agissant du volet avifaunistique : 20. Il résulte de l'étude d'impact initial complétée par les études avifaunistiques de février 2018 et de mars 2019 ainsi que par la pièce n° 9 de juin 2019, que les inventaires réalisés en 2015 et 2016 lors de vingt-trois journées d'observation puis complétés en 2017 par six journées supplémentaires s'agissant du milan royal et de la pie grièche grise selon des méthodes explicitées dans l'étude ont permis de recenser quatre-vingt-quinze espèces protégées d'oiseaux réparties en sous-groupes selon leurs caractéristiques, avifaune nicheuse, migratrice et hivernante et classées selon leur niveau de protection. Ces inventaires ont également permis d'identifier la présence de quatre couples nicheurs de milan royal, de deux cent cinquante individus en période hivernante, de trois couples de pie grièche grise ainsi que de l'existence d'un couloir principal de migration qui traverse l'aide d'étude immédiate. Il en résulte que les enjeux ont été suffisamment identifiés. Toutefois, le CNPN et la MRAE émettent des avis défavorables et critiquent à la fois la méthode d'inventaire retenue et l'analyse non exhaustive de l'impact sur des espèces d'oiseaux protégés pourtant sensibles à l'éolien et/ou en situation critique et contestent la manière dont l'impact résiduel a été calculé après application des mesures par la simple réduction du nombre d'éoliennes et la mise en place d'un système d'effarouchement dont l'efficacité n'est pas prouvée ainsi que la conclusion selon laquelle la mortalité de huit individus de pie grièche grise présente un faible risque pour l'espèce. En outre, la MRAE ajoute que le dossier ne permet d'appréhender que très imparfaitement les enjeux environnementaux du projet, ses principaux effets ainsi que les mesures d'évitement, de réduction et de compensation des impacts définies par le pétitionnaire. Enfin, l'augmentation de la hauteur des pâles dans le dernier état du projet n'a fait l'objet d'aucune mesure d'impact. Par suite, cette insuffisance de ce volet de l'étude d'impact initial a été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative. S'agissant de l'étude des effets cumulés : 21. Il résulte de l'instruction que seul le parc éolien des Monts du Lomont autorisé et situé dans l'aire d'étude éloignée du projet doit être pris en compte pour l'analyse des effets cumulés alors que la société exploitante a en outre examiné l'effet cumulé avec le parc éolien de Vellerot-lès-Vercel. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de l'étude d'impact sur les effets cumulés est écarté. S'agissant de l'étude acoustique : 22. Il résulte de l'étude d'impact et notamment des points de mesure que des dépassements des seuils réglementaires ont été constatés en période nocturne ce qui a conduit l'exploitant à prendre des mesures d'optimisation la nuit et notamment de bridage pour limiter l'effet cumulé. En outre, il n'existe pas d'obligation d'effectuer des relevés en tout point de la zone d'implantation du projet et même s'il aurait été préférable de placer des sonomètres aux lieux d'habitation les plus proches des éoliennes, ces mesures ne sont que prévisionnelles dès lors que l'installation n'est pas construite et qu'une étude de conformité acoustique sera réalisée après la mise en fonctionnement du parc et qui pourra conduire à des mesures de bridage supplémentaire. Par suite, le moyen est écarté. En ce qui concerne l'insuffisance de l'étude de danger : 23. Aux termes de l'article L. 512-1 du code de l'environnement, " Le demandeur fournit une étude de dangers qui précise les risques auxquels l'installation peut exposer, directement ou indirectement, les intérêts visés à l'article L. 511-1 en cas d'accident, que la cause soit interne ou externe à l'installation. Le contenu de l'étude de dangers doit être en relation avec l'importance des risques engendrés par l'installation. En tant que de besoin, cette étude donne lieu à une analyse de risques qui prend en compte la probabilité d'occurrence, la cinétique et la gravité des accidents potentiels selon une méthodologie qu'elle explicite. Elle définit et justifie les mesures propres à réduire la probabilité et les effets de ces accidents. " et de l'article R. 512-9 de ce même code : " I. L'étude de dangers mentionnée à l'article R. 512-6 justifie que le projet permet d'atteindre, dans des conditions économiquement acceptables, un niveau de risque aussi bas que possible, compte tenu de l'état des connaissances et des pratiques et de la vulnérabilité de l'environnement de l'installation. Le contenu de l'étude de dangers doit être en relation avec l'importance des risques engendrés par l'installation, compte tenu de son environnement et de la vulnérabilité des intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1. II. ' Cette étude précise, notamment, la nature et l'organisation des moyens de secours dont le demandeur dispose ou dont il s'est assuré le concours en vue de combattre les effets d'un éventuel sinistre. Dans le cas des installations figurant sur la liste prévue à l'article L. 515-8, le demandeur doit fournir les éléments indispensables pour l'élaboration par les autorités publiques d'un plan particulier d'intervention. L'étude comporte, notamment, un résumé non technique explicitant la probabilité, la cinétique et les zones d'effets des accidents potentiels, ainsi qu'une cartographie des zones de risques significatifs. ". 24. Ainsi que le souligne la MRAE dans son avis du 17 juillet 2018, il résulte de l'étude de danger que les potentiels de danger et leurs conséquences sont clairement identifiés et les risques quantifiés et hiérarchisés avec des propositions de mesures de sécurité notamment sur les eaux souterraines et sans que le risque sur le bétail allégué par les requérants ne soit établi. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de l'étude de danger doit être écarté. Sur les conclusions dirigées contre la dérogation accordée en application des articles L. 411-1 et L. 411-2 du code de l'environnement : 25. L'article L. 411-1 du code de l'environnement prévoit, lorsque les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation d'espèces animales non domestiques, l'interdiction de " 1° La destruction ou l'enlèvement des œufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d'animaux de ces espèces ou, qu'ils soient vivants ou morts, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur détention, leur mise en vente, leur vente ou leur achat / 2° La destruction, la coupe, la mutilation, l'arrachage, la cueillette ou l'enlèvement de végétaux de ces espèces, de leurs fructifications ou de toute autre forme prise par ces espèces au cours de leur cycle biologique, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur mise en vente, leur vente ou leur achat, la détention de spécimens prélevés dans le milieu naturel ; / 3° La destruction, l'altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d'espèces (...) ". Le I de l'article L. 411-2 du même code renvoie à un décret en Conseil d'Etat la détermination des conditions dans lesquelles sont fixées, notamment : " 4°La délivrance de dérogations aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-1, à condition qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante, pouvant être évaluée par une tierce expertise menée, à la demande de l'autorité compétente, par un organisme extérieur choisi en accord avec elle, aux frais du pétitionnaire, et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle : (...) / c) Dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d'autres raisons impératives d'intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l'environnement ; (...) ". 26. Il résulte de ces dispositions que la destruction ou la perturbation des espèces animales concernées, ainsi que la destruction ou la dégradation de leurs habitats, sont interdites. Toutefois, l'autorité administrative peut déroger à ces interdictions dès lors que sont remplies trois conditions distinctes et cumulatives tenant d'une part, à l'absence de solution alternative satisfaisante, d'autre part, à la condition de ne pas nuire au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle et, enfin, à la justification de la dérogation par l'un des cinq motifs limitativement énumérés et parmi lesquels figure le fait que le projet réponde, par sa nature et compte tenu des intérêts économiques et sociaux en jeu, à une raison impérative d'intérêt public majeur. 27. Pour déterminer si une dérogation peut être accordée sur le fondement du 4° du I de l'article L. 411-2 du code de l'environnement, il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, de porter une appréciation qui prenne en compte l'ensemble des aspects mentionnés au point précédent, parmi lesquels figurent les atteintes que le projet est susceptible de porter aux espèces protégées, compte tenu, notamment, des mesures d'évitement, réduction et compensation proposées par le pétitionnaire et de l'état de conservation des espèces concernées. 28. Pour apprécier si le projet ne nuit pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle, il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, de déterminer, dans un premier temps, l'état de conservation des populations des espèces concernées et, dans un deuxième temps, les impacts géographiques et démographiques que les dérogations envisagées sont susceptibles de produire sur celui-ci. S'agissant de l'imprécision de la demande de dérogation du 16 mars 2018 : 29. Aux termes de l'article 2 de l'arrêté du 19 février 2007, " la demande comprend [...] La description, en fonction de la nature de l'opération projetée : - des espèces (nom scientifique et nom commun) concernées ; - du nombre et du sexe des spécimens de chacune des espèces faisant l'objet de la demande ; ". 30. Il résulte de l'instruction que la demande de dérogation cite en annexes toutes les espèces protégées animales répertoriées dans la zone d'étude sans préciser les espèces sur lesquelles l'impact a été mesuré comme significatif après application des mesures de réduction et d'évitement et pour lesquelles, le pétitionnaire sollicite une dérogation à l'interdiction à leur destruction ou à celle de leurs habitats. Par suite, la demande du 16 mars 2018 ne satisfait pas aux dispositions précitées de l'arrêté du 19 février 2017. En revanche, il n'y avait pas lieu de formuler une demande de dérogation pour mettre en œuvre un système d'effarouchement dont il n'est pas établi qu'il perturberait l'avifaune nicheuse. S'agissant de l'imprécision de l'arrêté attaqué : 31. Il ressort des termes de l'arrêté attaqué que la même imprécision est constatée dès lors que la dérogation n'est accordée spécifiquement que pour la destruction de deux espèces protégées, le milan royal et la pie grièche grise alors qu'une autorisation sans autre précision est donnée à la destruction de spécimens d'espèces animales mentionnés dans la demande de dérogation. Une dérogation étant d'interprétation stricte, l'arrêté est entaché d'imprécision. S'agissant de l'insuffisance de motivation de l'arrêté attaqué quant à la dérogation autorisée : 32. Aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 19 février 2007 : " La décision précise : En cas d'octroi d'une dérogation, la motivation de celle-ci et, en tant que de besoin, en fonction de la nature de l'opération projetée, les conditions de celle-ci, notamment - nom scientifique et nom commun des espèces concernées, - nombre et sexe des spécimens sur lesquels porte la dérogation ; ". L'arrêté par lequel le préfet accorde une telle dérogation constitue une décision administrative individuelle qui déroge aux règles générales fixées par la loi ou le règlement au sens de l'article 2 de la loi du 11 juillet 1979, et est donc soumis à l'obligation de motivation prévue par ces dispositions. Lorsqu'elle délivre une dérogation à l'interdiction notamment de dérogation à l'interdiction notamment de destruction des individus, des œufs, des nids ou des habitats naturels d'espèces protégées, l'administration doit énoncer dans sa décision les éléments de droit et de fait qui la conduisent à l'accorder, de sorte que les motifs de la décision en soient connus à sa seule lecture. Toutefois, ces dispositions n'impliquent ni que l'administration prenne explicitement parti sur le respect par le projet qui lui est soumis de chacune des règles dont il lui appartient d'assurer le contrôle ni qu'elle retrace dans la motivation de sa décision les étapes de la procédure préalable à son édiction. 33. Il ressort des énonciations de l'arrêté attaqué que le projet contribue à l'atteinte des objectifs fixés par le schéma régional éolien de la région du 8 octobre 2012 et que comme le souligne la société exploitante, le nouvel article L. 411-2-1 du code de l'environnement introduit une présomption que les projets d'installation de production d'énergies renouvelables répondent à une raison impérative d'intérêt public majeur. Par ailleurs, le préfet du Doubs indique que la société exploitante a examiné l'existence d'une autre solution alternative moins attentatoire à la biodiversité. Enfin, l'arrêté mentionne que la dérogation à l'interdiction notamment de destruction des individus, des œufs, des nids ou des habitats naturels d'espèces protégées est donnée sous réserve que les mesures de la séquence " éviter, réduire et compenser " (ERC) soient respectées et qu'elles fassent l'objet d'un suivi permettant de confirmer pour chacune des espèces concernées l'adéquation des mesures proposées. Par suite, l'arrêté attaqué est suffisamment motivé conformément aux dispositions de l'arrêté du 19 février 2007. S'agissant de l'existence d'une raison impérative d'intérêt public majeur : 34. En l'espèce, le projet d'installation de production d'énergies renouvelables qui contribue à l'atteinte des objectifs fixés par le schéma régional éolien de la région du 8 octobre 2012, bénéficie en application du nouvel article L. 411-2-1 du code de l'environnement d'une présomption au regard de la condition de raison impérative d'intérêt public majeur. Même si les requérants soutiennent que le parc éolien ne contribuerait que modestement à cet objectif par une capacité de production de 18 MW correspondant à l'approvisionnement de 6 000 foyers et dont, en outre, l'estimation prévisionnelle de production annuelle ne prend pas en compte le plan de bridage et de mise à l'arrêt des éoliennes, alors que le département du Doubs dispose déjà d'un parc de soixante-douze éoliennes pouvant produire 192 MW, ces éléments ne sont toutefois pas suffisants pour renverser cette présomption. S'agissant du maintien dans un état de conservation favorable des populations d'espèces protégées concernées : 35. Même si la CNDPS a émis un avis favorable le 4 février 2020 tenant plus à des raisons économiques et financières qu'à la prise en compte de la protection de l'environnement, il résulte des avis de la MRAE, du CNPN et de l'inspection des installations classés, tous défavorables, que les mesures de réduction, d'évitement et de compensation complétées par le pétitionnaire pour répondre aux critiques desdites instances et qui reposent notamment sur un système d'effarouchement et de détection dont l'efficacité n'est pas prouvée, sur la suppression de quatre éoliennes dont l'impact n'a pas été précisément mesuré, sur un bridage des éoliennes restantes en période de fenaison dans un périmètre et pour une durée insuffisants et sur des mesures compensatoires qui tiennent au bon vouloir d'exploitants agricoles, ne permettent pas de réduire l'impact résiduel à un seuil non significatif et demeurent ainsi insuffisantes pour maintenir dans un bon état de conservation deux espèces protégées, vulnérable et en état critique, le milan royal et la pie grièche grise dont la population est en diminution constante et dont la présence et la protection dans le département du Doubs présentent un intérêt majeur pour la conservation de ces espèces. Par ailleurs, la demande de dérogation et l'arrêté l'accordant visent un ensemble d'espèces protégées d'oiseaux qui, de par son caractère trop général, ne permet pas d'apprécier si la condition du maintien dans un état de conservation favorable de ces autres espèces protégées est respectée. Il en est de même de la situation des chiroptères, sensibles à l'éolien et présents dans la zone et pourtant non visés par cette décision. Par suite, la dérogation délivrée méconnaît le I de l'article L. 411-2 du code de l'environnement et est ainsi entachée d'illégalité. Sur les conclusions à fin de régularisation présentées par le préfet du Doubs : 36. Aux termes de l'article L. 181-18 du code de l'environnement : " I.- Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre une autorisation environnementale, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés : / 1° Qu'un vice n'affecte qu'une phase de l'instruction de la demande d'autorisation environnementale, ou une partie de cette autorisation, peut limiter à cette phase ou à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et demander à l'autorité administrative compétente de reprendre l'instruction à la phase ou sur la partie qui a été entachée d'irrégularité ; / 2° Qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé par une autorisation modificative peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation. Si une telle autorisation modificative est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. / II.- En cas d'annulation ou de sursis à statuer affectant une partie seulement de l'autorisation environnementale, le juge détermine s'il y a lieu de suspendre l'exécution des parties de l'autorisation non viciées ". 37. La faculté ouverte par les dispositions précitées du 2° du I de l'article L. 181-18 du code de l'environnement relève de l'exercice d'un pouvoir propre du juge, qui n'est pas subordonné à la présentation de conclusions en ce sens. Lorsqu'il n'est pas saisi de telles conclusions, le juge du fond peut toujours mettre en œuvre cette faculté, mais il n'y est pas tenu, son choix relevant d'une appréciation qui échappe au contrôle du juge de cassation. En revanche, lorsqu'il est saisi de conclusions en ce sens, le juge est tenu de mettre en œuvre les pouvoirs qu'il tient du 2° du I de l'article L. 181-18 du code de l'environnement si les vices qu'il retient apparaissent, au vu de l'instruction, régularisables. 38. Toutefois, compte-tenu des circonstances particulières de l'espèce et de la nécessité de soumettre de nouveau à enquête publique la présentation des capacités financières de la société exploitante et l'étude d'impact, insuffisante et éparse, qui impliquera nécessairement une nouvelle saisine de la MRAE et de l'inspection des installations classées ainsi que de l'obligation de présenter une nouvelle demande de dérogation devant répondre aux conditions de l'arrêté du 19 février 2017 et dont les modalités devront permettre d'assurer le maintien dans un état de conservation favorable des espèces protégées qui seront correctement identifiées et qui conduira également à saisir à nouveau le CNPN, ces vices qui affectent l'ensemble des phases de délivrance de l'autorisation unique, sont d'une importance telle qu'ils ne peuvent faire l'objet de la régularisation en application de l'article L. 181-18 du code de l'environnement dans un délai plus raisonnable que la présentation d'un nouveau dossier de demande d'autorisation. Par suite, la demande de régularisation présentée par l'Etat est rejetée. 39. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... et autres sont fondés à demander l'annulation de l'arrêté du 21 avril 2020 du préfet du Doubs. Sur les conclusions à fin d'injonction : 40. L'annulation de l'arrêté du 21 avril 2020 portant autorisation unique du parc éolien implique nécessairement l'arrêt des travaux. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que les travaux liés au projet en litige auraient débuté. Par suite, ces conclusions ne peuvent qu'être rejetées. Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 41. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à chaque requérant de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme A... B..., M. D... C... et l'association de la ligue de protection des oiseaux et non compris dans les dépens. 42. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la société Communailes Sud présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D É C I D E : Article 1er : L'arrêté en date du 21 avril 2020 du préfet du Doubs est annulé. Article 2 : Les conclusions à fin de sursis à statuer sur le fondement de l'article L. 181-18 du code de l'environnement présentées par l'Etat sont rejetées. Article 3 : L'Etat versera à Mme A... B..., M. D... C... et l'association Ligue de protection des oiseaux une somme de 1 500 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 5 : Les conclusions de la société Communailes Sud présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., à M. D... C..., à l'association Ligue de protection des oiseaux, au préfet du Doubs, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la société Communailes Sud. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Wallerich, président de chambre, - M. Sibileau, premier conseiller, - Mme Barrois, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. La rapporteure, Signé : M. BarroisLe président, Signé : M. Wallerich La greffière, Signé : S. Robinet La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, S. Robinet 2 N° 20NC02164 |
CETATEXT000048424320 | J5_L_2023_11_00020NC02435 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424320.xml | Texte | CAA de NANCY, 3ème chambre, 14/11/2023, 20NC02435, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-14 00:00:00 | CAA de NANCY | 20NC02435 | 3ème chambre | excès de pouvoir | C | M. WURTZ | D4 AVOCATS ASSOCIÉS | Mme Sandra BAUER | M. MARCHAL | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal de Châlons-en-Champagne d'enjoindre à l'administration de lui communiquer la décision de non recevabilité de sa candidature et, le cas échéant, celle de son classement, d'annuler ces décisions et d'enjoindre à l'université de Reims Champagne-Ardenne de reprendre la procédure de recrutement. Par une ordonnance n° 1901963 du 19 juin 2020, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté cette demande sur le fondement des 4° et 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 20 août 2020, M. B..., représenté par Me Guimet, demande à la cour : 1°) d'annuler cette ordonnance du 19 juin 2020 ; 2°) d'annuler les décisions d'irrecevabilité et de classement de sa candidature ; 3°) d'enjoindre à l'université de Reims Champagne-Ardenne de réexaminer sa candidature ; 4°) de mettre à la charge de l'université de Reims Champagne-Ardenne une somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - l'ordonnance susvisée est irrégulière dès lors que le recours aux dispositions du 4° et du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative n'est pas justifié ; elle n'a pas procédé à l'examen de tous les moyens ni précisé en quoi ils étaient irrecevables, inopérants ou non fondés, et l'a privé de la collégialité de principe à laquelle il avait droit ; - sur le fond, les décisions litigieuses sont entachées d'un défaut de motivation ; - elles ne comportent pas de signature, ni l'indication du nom et prénom et la qualité de leur auteur ; - elles sont entachées d'erreur d'appréciation dès lors qu'il n'a pas été régulièrement informé de l'audition ; - elles sont entachées d'erreur de droit s'agissant de l'application des dispositions du décret n°84-431 du 6 juin 1984 et de l'article 9 de l'arrêté du 13 février 2015 ; - c'est à tort que le tribunal n'a pas fait droit à sa demande de sursis à statuer. Par un mémoire en défense, enregistré le 17 septembre 2020, l'université de Reims Champagne-Ardenne, représenté par Me Dreyfus, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. B... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - faute de qualification de l'intéressé et en l'absence de dispense, sa candidature ne pouvait qu'être écartée, de sorte que l'ensemble des moyens soulevés sont inopérants ; - les décisions d'irrecevabilité et de classement de sa candidature n'ont pas été matérialisées autrement que par le courrier du 17 juillet 2019. Par un courrier du 3 octobre 2023, la cour a informé les parties de ce que la décision à intervenir était susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office tiré de l'incompétence du tribunal administratif pour connaître de la demande en annulation des décisions attaquées, qui sont relatives au recrutement d'un professeur de l'enseignement supérieur nommé par décret du Président de la République en vertu de l'article 2 de l'ordonnance n° 58-1136 du 28 novembre 1958 et dont la contestation ressortit donc, en application du 3° de l'article R. 311-1 du code de justice administrative, à la compétence de premier et dernier ressort du Conseil d'Etat. Par un mémoire du 10 octobre 2023, M. B..., représenté par Me Guimet, a produit des observations en réponse au moyen d'ordre public. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - l'ordonnance n° 58-1136 du 28 novembre 1958 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Bauer, - les conclusions de M. Marchal, rapporteur public, - et les observations de Me Michel pour l'université de Reims Champagne-Ardenne. Considérant ce qui suit : Sur la régularité de l'ordonnance attaquée : 1. Aux termes de l'article R. 351-2 du code de justice administrative : " Lorsqu'une cour administrative d'appel ou un tribunal administratif est saisi de conclusions qu'il estime relever de la compétence du Conseil d'Etat, son président transmet sans délai le dossier au Conseil d'Etat qui poursuit l'instruction de l'affaire (...) ". 2. Selon l'article R. 311-1 du code de justice administrative : " Le Conseil d'Etat est compétent pour connaître en premier et dernier ressort (...) : 3° Des litiges concernant le recrutement et la discipline des agents publics nommés par décret du Président de la République en vertu des dispositions de l'article 13 (3e alinéa) de la Constitution et des articles 1er et 2 de l'ordonnance n° 58-1136 du 28 novembre 1958 portant loi organique concernant les nominations aux emplois civils et militaires de l'Etat (...) ". En vertu de l'article 2 de l'ordonnance du 28 novembre 1958 à laquelle il est ainsi renvoyé, les professeurs des universités sont nommés par décret du Président de la République. 3. M. B..., maître de conférences, a contesté devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne des actes se rapportant à la procédure de recrutement d'un professeur de droit sur un poste vacant de l'université de Reims Champagne-Ardenne et d'enjoindre à l'université de reprendre l'examen de sa candidature. Ainsi, en vertu du 3° de l'article R. 311-1 du code de justice administrative cité ci-dessus, le présent litige relève de la compétence du Conseil d'Etat en premier et dernier ressort. Dès lors, c'est à tort que le tribunal administratif s'est reconnu compétent pour juger ce litige. Il y a donc lieu d'annuler l'ordonnance attaquée pour ce motif, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés et, statuant par la voie de l'évocation, de transmettre la présente requête au Conseil d'Etat. D E C I D E : Article 1er : L'ordonnance n° 1901963 du 19 juin 2020 du tribunal administratif de Châlons-en-Chanpagne est annulée. Article 2 : Le dossier de la requête de M. B... est transmis au Conseil d'Etat. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au président de l'université de Reims Champagne-Ardenne. Délibéré après l'audience du 17 octobre 2023, à laquelle siégeaient : M. Wurtz, président, Mme Bauer, présidente-assesseure, M. Meisse, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2023. La rapporteure, Signé : S. BAUER Le président, Signé : Ch. WURTZ Le greffier, Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, Le greffier : F. LORRAIN N° 20NC02435 2 |
CETATEXT000048424321 | J5_L_2023_11_00020NC02758 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424321.xml | Texte | CAA de NANCY, 3ème chambre, 14/11/2023, 20NC02758, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-14 00:00:00 | CAA de NANCY | 20NC02758 | 3ème chambre | plein contentieux | C | M. WURTZ | SELARL LE TEMPS DES DROITS | Mme Sandra BAUER | M. MARCHAL | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner l'établissement public local d'enseignement et de formation professionnelle agricoles (EPLEFPA) du Bas-Rhin à lui verser la somme de 7 200 euros, montant à parfaire au jour du jugement, au titre des primes non versées à compter du 1er septembre 2018, et de lui enjoindre de rétablir sa rémunération à hauteur de 2 800 euros par mois par intégration de la somme mensuelle de 900 euros au titre de ses primes. Par un jugement n° 1903938 du 30 juillet 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 22 septembre 2020, M. A..., représenté par Me Rosenstiehl, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 30 juillet 2020 ; 2°) de condamner l'établissement public local d'enseignement et de formation professionnelle agricoles (EPLEFPA) du Bas-Rhin à lui verser la somme de 21 600 euros, montant à parfaire au jour de l'arrêt au titre des primes non versées à compter du 1er septembre 2018 ; 3°) d'enjoindre à cet établissement de rétablir sa rémunération à hauteur de 2 800 euros par mois par intégration de la somme mensuelle de 900 euros au titre de ses primes ; 4°) de mettre à la charge de l'EPLEFPA du Bas-Rhin une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le jugement du tribunal est irrégulier à défaut de production de la minute de la décision dûment signée par le président de chambre, le rapporteur et le greffier d'audience ; - le tribunal a dénaturé les faits ; son poste de chargé de développement à temps plein ne constituait pas une mission spécifique supplémentaire à son poste de formateur, mais correspondait à une activité à temps plein conformément aux avenants 12 et 13 sur la base d'un forfait de 209 jours travaillés par an avec un rythme hebdomadaire de 39 heures ; la mission spécialisée de responsable des plateformes Paysage - Horticulture qui lui a été proposée à compter du 1er septembre 2018 ne lui donnait pas de droit à prime mais lui imposait une obligation de réaliser des heures supplémentaires à hauteur de 320 heures annuelles en dehors de son activité de formateur de 720 heures en face à face (soit 1 440 heures en équivalent travail administratif), de sorte que le volume de travail annuel légal était dépassé ; par ailleurs, ces propositions lui ont été transmises par un courrier recommandé du 9 septembre 2018 avec demande de réponse pour le 10 septembre 2018, de sorte qu'il n'a pu bénéficier du délai règlementaire d'un mois prévu par l'article 45-4 du décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ; les missions qu'il exerçait précédemment lui ont été retirées pour être réaffectées à d'autres agents recrutés en contrat de travail à durée déterminée en septembre 2018 ou sous-traitées à des prestataires extérieurs, l'EPLEFPA n'a versé aux débats aucune délibération portant suppression du poste de chargé de développement ou création du poste de chargé d'ingénierie ; les échanges de courriels avec le directeur de l'EPLEFPA mettent en évidence la pression exercée par la direction pour qu'il signe les avenants ; - il aurait dû bénéficier de la prime de fonction et de résultat (PFR) à compter de la rentrée 2018, celle-ci étant prévue par l'avenant n°13 sans la limiter à l'année scolaire en cause ou, en tout état de cause, d'une autre prime permettant de pallier une baisse significative de sa rémunération ; le décret n° 2014-513 du 20 mai 2014 qui a abrogé la PFR en avait prévu le remplacement par le régime indemnitaire tendant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel (RIFSEEP) ; la délibération n° 16 du 17 novembre 2016 prévoit le passage de certains agents de l'EPLEFPA au régime RIFSEEP et la création d'un nouveau régime indemnitaire pour les chargés de développement ayant déjà bénéficié auparavant de la PFR ; - en plus des charges courantes, il paie mensuellement un loyer de 1 250 euros, rembourse un prêt à la consommation de 255 euros mensuels et paie des frais de scolarité à sa fille ; il se trouve placé dans une situation intolérable du fait de la perte de la prime. Par un mémoire en défense, enregistré le 11 mars 2021, l'établissement public local d'enseignement et de formation professionnelle agricoles du Bas-Rhin, représenté par Me Zimmer, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. A... une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que : - seule la minute du jugement, conservée au dossier du tribunal, doit être signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ; cette dernière a été transmise par le tribunal à la cour administrative d'appel ; - l'intéressé n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause les faits retenus par le tribunal et qui n'ont pas été dénaturés ; il n'exerce plus les fonctions de chargé de développement, et s'agissant de ses seules fonctions initiales de formateur, aucune prime particulière ne s'y attache ; il ne bénéficiait d'aucun droit acquis au maintien des missions qui lui avaient été confiées selon les avenants 12 et 13 ; l'absence éventuelle de respect des formes réglementaires applicables conformément aux dispositions de l'article 45-4 du décret du 17 janvier 1986 s'agissant des nouvelles propositions qui lui ont été faites en 2018 ne saurait entraîner de droit au maintien de ses missions antérieures ; l'avenant 13, dont il était précisé qu'il ne s'appliquait qu'à l'année scolaire 2014/2015, n'a pas fait l'objet d'un retrait mais a été modifié par l'avenant 14, signé par l'intéressé, qui prévoit que le nouveau régime indemnitaire octroyé est exclusif de toute autre prime ou rémunération ; le régime de la PFR a été supprimé en 2014 ; le poste de chargé de mission et de développement ne figure pas en annexe de la délibération du 3 juillet 2018, de sorte qu'il est établi que le poste n'a pas été reconduit ; les fiches de poste correspondant au poste de chargé de mission développement auparavant exercé par l'intéressé et celle du chargé d'ingénierie et de développement ne sont pas équivalentes ; la circonstance selon laquelle il aurait signé les avenants 15 et 16 sous la contrainte n'est pas établie, alors en tout état de cause qu'il a signé l'avenant 14 mettant fin au régime indemnitaire institué par l'avenant 13 ; - si l'intéressé soutient que la PFR aurait été remplacée par le RIFSEEP, il ne justifie d'aucun droit acquis à sa perception et il n'exerce en tout état de cause plus de fonction ouvrant droit à une prime. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 11 janvier 1984 ; - le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l'Etat ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Bauer, - les conclusions de M. Marchal, rapporteur public, - et les observations de Me Poinsignon pour M. A... et de Me Koromyslov pour l'établissement public local d'enseignement et de formation professionnelle agricoles. Considérant ce qui suit : 1. M. A... a été recruté par l'établissement public local d'enseignement et de formation professionnelle agricoles ((EPLEFPA) du Bas-Rhin en qualité de formateur à plein temps, par un contrat à durée déterminée de droit public du 1er avril 2005 pour la période du 1er mars 2005 au 31 août 2005, régulièrement renouvelé depuis lors par avenant et transformé en contrat à durée indéterminée à compter du 1er novembre 2009. Par un avenant du 1er septembre 2013, l'intéressé s'est vu confier à titre temporaire de nouvelles fonctions de chargé de mission pour le développement pour l'année 2013/2014, assorties d'une prime spécifique, qui ont été reconduites jusqu'à l'année scolaire 2017/2018. M. A... a ensuite refusé une proposition d'avenant par lequel, à compter de la rentrée 2018, il reprendrait son activité de formateur et, d'autre part, assurerait les fonctions spécifiques de responsable des plateformes techniques de Paysage - Horticulture - Maraîchage, et a, de ce fait, été réintégré dans ses seules missions de formateur à plein temps définies dans son contrat initial du 1er avril 2005, entraînant la perte de sa prime spécifique d'environ 900 euros par mois et obérant ainsi sa rémunération de 32 %. Par un jugement du 30 juillet 2020, dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'EPLEFPA du Bas-Rhin à lui verser la somme de 7 200 euros, montant à parfaire au jour du jugement au titre des primes non versées à compter du 1er septembre 2018, et à ce qu'il lui soit enjoint de rétablir sa rémunération à hauteur de 2 800 euros par mois par intégration de la somme mensuelle de 900 euros au titre de ses primes. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Aux termes des dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. ". Il résulte de ces dispositions que seule la minute du jugement est signée, à l'exclusion de l'ampliation délivrée aux parties. En l'espèce, la minute signée est conservée au dossier du tribunal et a été transmise à la cour. Par suite, le requérant n'est pas fondé à se prévaloir d'une irrégularité du jugement attaqué sur ce point. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 3. Si M. A... a entendu soutenir que l'EPLEFPA aurait commis une faute dans l'exécution de ses engagements contractuels en ne le reconduisant pas dans ses fonctions de chargé de mission pour le développement, il ressort des pièces du dossier que l'avenant 12, modifiant initialement les attributions de M. A... pour l'affecter sur ledit poste de chargé de mission, ainsi que l'avenant 13 qui a suivi et en a repris les dispositions, précisaient qu'ils s'appliquaient à chaque année scolaire en cours, de sorte qu'il ne peut en être inféré une reconduction tacite les années ultérieures. Il ne peut dès lors utilement être soutenu que les avenants 14 et 15 aient pu avoir pour effet de retirer ou d'abroger les précédents, chaque avenant ayant en réalité cessé de produire ses effets et étant expiré à la signature du suivant. 4. Par ailleurs, si M. A... n'a pas signé l'avenant 14, il est constant qu'il a signé l'avenant 15, sans qu'il soit justifié d'une quelconque pression de sa hiérarchie à cette fin, cet avenant ayant eu pour effet de substituer au bénéfice de la prime de fonctions et de résultat afférente au poste de chargé de mission pour le développement, par ailleurs abrogée, un nouveau régime indemnitaire, spécifiquement lié à l'exercice des fonctions de chargé de mission et excluant toute autre prime. L'intéressé ne saurait se prévaloir d'un droit acquis au RIFSEEP, aucun remplacement automatique n'étant prévu entre ce nouveau régime et celui abrogé de la PFR, et alors en tout état de cause que ce dernier s'applique de droit aux seuls fonctionnaires de l'Etat, et non aux agents contractuels. 5. Il est constant que M. A... a refusé de signer le nouvel avenant qui lui était proposé à compter du 1er septembre 2018 lui proposant, d'une part, de reprendre son activité de formateur et, d'autre part, d'assurer les fonctions spécifiques de responsable des plateformes techniques de Paysage - Horticulture - Maraîchage, modification qui lui aurait permis de bénéficier d'une nouvelle prime spécifique de nature à lui conserver sa rémunération. L'intéressé ne justifie d'aucun droit à être reconduit sur son poste de chargé de mission pour le développement, qui ne figure plus au tableau des emplois annexé à la délibération du conseil d'administration de l'établissement du 3 juillet 2018, et ne démontre pas, en tout état de cause, que le poste de " chargé d'ingénierie et de développement " s'y substituerait. 6. Il s'ensuit que l'EPLEFPA n'a ainsi pas commis une faute en replaçant M. A... dans ses fonctions de formateur à temps plein telles qu'elles résultaient de son contrat de travail initial du 1er avril 2005, et auxquelles il est constant qu'aucune prime spécifique n'est attachée. L'intéressé n'est dès lors pas fondé à revendiquer le maintien des rémunérations accessoires dont il a pu bénéficier du fait de fonctions spécifiques qu'il n'occupe plus. 7. Les circonstances par ailleurs invoquées, à les supposer établies, que les formalités règlementaires prévues par l'article 45-4 du décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 pour la transmission de la proposition qui lui a été faite au 1er septembre 2018 n'aient pas été respectées ou que la nouvelle proposition qui lui a été faite au 1er septembre 2018 aurait entraîné un dépassement du volume annuel légal de temps de travail sont enfin dépourvues de tout lien de causalité avec le préjudice invoqué par M. A... concernant la perte de la prime litigieuse. 8. Il résulte de tout ce qui précède que l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté ses conclusions à fin d'indemnisation du préjudice invoqué, consistant dans l'absence de versement, à compter du 1er septembre 2018, des primes qui étaient attachées aux fonctions de chargé de mission pour le développement. Les conclusions de M. A... à fin d'annulation du jugement attaqué doivent, par suite, être rejetées, ainsi que par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. 9. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... la somme sollicitée par l'établissement public local d'enseignement et de formation professionnelle agricoles du Bas-Rhin en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Les conclusions présentées par l'établissement public local d'enseignement et de formation professionnelle agricoles du Bas-Rhin au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à l'établissement public local d'enseignement et de formation professionnelle agricoles (EPLEFPA) du Bas-Rhin. Délibéré après l'audience du 17 octobre 2023, à laquelle siégeaient : M. Wurtz, président, Mme Bauer, présidente-assesseure, M. Barteaux, premier conseiller, Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2023. La rapporteure, Signé : S. BAUER Le président, Signé : Ch. WURTZ Le greffier, Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, Le greffier : F. LORRAIN N° 20NC02758 2 |
CETATEXT000048424322 | J5_L_2023_11_00020NC02855 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424322.xml | Texte | CAA de NANCY, 3ème chambre, 14/11/2023, 20NC02855, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-14 00:00:00 | CAA de NANCY | 20NC02855 | 3ème chambre | excès de pouvoir | C | M. WURTZ | SELARL GRIMALDI-MOLINA ET ASSOCIES | Mme Sandra BAUER | M. MARCHAL | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme D... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler son compte-rendu d'évaluation pour l'année 2018 notifié le 26 février 2019, ensemble la décision du 27 mars 2019 portant rejet de son recours gracieux formé le 19 mars 2019 et le compte-rendu d'évaluation pour l'année 2018 comportant le visa de l'autorité territoriale. Par une ordonnance n° 1904593 du 30 juillet 2020, le président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 30 septembre 2020, et un mémoire complémentaire, enregistré le 14 décembre 2021, Mme C..., représentée par Me Grimaldi, demande à la cour : 1°) d'annuler cette ordonnance du 30 juillet 2020 du tribunal administratif de Strasbourg ; 2°) d'annuler le compte-rendu d'évaluation pour l'année 2018 notifié le 26 février 2019, ensemble la décision du 27 mars 2019 portant rejet de son recours gracieux formé le 19 mars 2019 et le compte-rendu d'évaluation pour l'année 2018 comportant le visa de l'autorité territoriale ; 3°) d'enjoindre à la commune de Colmar de réexaminer sa valeur professionnelle et les acquis de son expérience professionnelle pour l'année 2018, dans un délai de deux mois à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ; 4°) de condamner la commune de Colmar à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - c'est à tort que sa demande a été rejetée pour tardiveté dès lors que l'historique d'envoi établi par les services postaux démontre que la décision en cause lui a été notifiée le 16 avril 2020 ; - les dispositions de l'article 76 de la loi n°84-53 modifiée et de l'article 2 du décret n°2014-1526 du 16 décembre 2014 ont été méconnues dans la mesure où son entretien professionnel a été mené par deux personnes, Mme B..., responsable d'une des structures dans laquelle elle avait effectué des remplacements en 2018, ainsi que Mme A..., cheffe du service petite enfance ; elle a également effectué des remplacements au sein de trois autres sites en 2018, dont les responsables n'étaient pas présents ; aucune allusion sur sa valeur professionnelle à propos de ces autres remplacements n'a été mentionnée dans le compte-rendu ; si la commune soutient que l'entretien a été mené par Mme A... en qualité de supérieure hiérarchique directe, c'est bien le nom de Mme B... qui figure en tant qu'évaluateur ; or, seule sa supérieure hiérarchique directe, qui n'est pas déterminée en l'espèce, était en droit de mener l'entretien ; - les dispositions de l'article 76 de la loi n° 84-53 modifiée et celle de l'article 6 du décret précité ont été méconnues dès lors que le compte-rendu était intégralement rédigé avant l'entretien, et n'a pas été modifié ; elle a dû signer le compte-rendu en même temps que ses évaluatrices à la fin de l'entretien et n'a pas pu rédiger d'observations ayant trait aux difficultés liées à ses conditions de travail ; par ailleurs, le visa de l'autorité territoriale est complété par une appréciation complémentaire rajoutée sur le compte-rendu d'évaluation après notification, alors que la rédaction alors en vigueur de l'article 76 précité de la loi n° 83-54 n'autorisait pas l'autorité territoriale à apposer ses propres observations au moment du visa ; - le compte-rendu d'évaluation est entaché d'erreur manifeste d'appréciation sur sa valeur professionnelle dès lors qu'elle n'a jamais refusé le travail d'agent d'exécution demandé, mais a simplement relevé que celui-ci ne correspondait pas aux termes de la fiche de poste définissant les missions de l'éducateur de jeunes enfants, agent de conception et d'encadrement ; le travail d'exécution réalisé dans les autres structures n'a pas été relevé par la supérieure hiérarchique directe ; ses conditions de travail sont difficiles du fait des nombreux changements d'horaires, de lieux de travail, l'installant dans la précarité et empêchant tout travail dans la durée, et des souffrances relevées régulièrement, notamment par le médecin du travail ; Par un mémoire en défense, enregistré le 25 novembre 2020, la commune de Colmar, représentée par Me Rouquet, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme C... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que : - l'accusé de réception du courrier de rejet du recours gracieux est daté du 13 avril 2018 et ne fait aucune mention du fait que le courrier aurait été retiré à une date ultérieure ; l'historique produit aux termes duquel le courrier aurait en fait été reçu ultérieurement n'a pas été produit en première instance, de sorte que la requérante ne peut s'en prévaloir ; - l'entretien a été mené par Mme A..., cheffe du service petite enfance, supérieure hiérarchique directe de Mme C... ; aucune disposition n'interdit la présence d'une autre personne ; elle n'a été privée d'aucune garantie dans la mesure où Mme B... étant la directrice de la structure au sein duquel Mme C... a principalement exercé en 2018, elle était la personne la plus à même de porter une appréciation objective sur la qualité de son travail ; - le compte-rendu d'entretien a été notifié conformément aux dispositions de l'article 6 du décret du 16 décembre 2014 dès lors qu'aucune disposition ne prévoit un délai minimum entre l'entretien et la rédaction, puis la notification du compte-rendu ; en tout état de cause, une irrégularité éventuelle n'aurait pu exercer d'influence sur le sens de la décision ni ne l'aurait privée d'une garantie ; en effet, elle a pu s'exprimer lors de l'entretien et pouvait rédiger ses observations sur le compte-rendu avant d'y apposer sa signature, puis s'est à nouveau vu communiquer le compte-rendu visé par l'autorité territoriale ; - la circulaire du 23 avril 2012 relative aux modalités d'application du décret n° 2010-888 du 28 juillet 2010 prévoit que l'autorité hiérarchique peut apposer ses observations sur la valeur professionnelle du fonctionnaire ; en tout état de cause, la présence de ce visa, qui ne contredit en rien les observations de la supérieure hiérarchique de l'appelante, n'a exercé aucune influence sur le sens du compte-rendu et n'a pas privé l'intéressée d'une garantie dans la mesure où il lui a été communiqué ; - pour l'appréciation de la valeur professionnelle de l'agent, rien n'interdit à l'employeur public de prendre en compte la réalisation de l'ensemble des autres tâches qui lui sont confiées, y compris lorsqu'elles relèvent d'un grade inférieur au sien ; en l'espèce, les critères retenus pour l'évaluation correspondent à ceux exigés par l'article 4 du 16 décembre 2014 ; les compétences souhaitées pour le poste d'éducatrice de jeunes enfants chargée de remplacement étaient rappelées dans la fiche de poste de la requérante que cette dernière a signée ; au regard de ces éléments, la commune a considéré que de nombreuses compétences dont l'appelante était censée faire preuve, notamment en ce qui concerne la manière de servir et l'efficacité dans l'emploi, étaient encore à consolider ou à développer et a ainsi retenu un défaut d'investissement dans ses missions ; Mme C... ne produit aucun élément de nature à démontrer une erreur manifeste d'appréciation sur ce point, ni ne justifie de la difficulté alléguée de ses conditions de travail. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 modifiée ; - le décret n°2014-1526 du 16 décembre 2014 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Bauer, - et les conclusions de M. Marchal, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. Mme D... C..., éducatrice de jeunes enfants chargée de remplacements au sein du service de la petite enfance de la commune de Colmar, a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler le compte-rendu d'évaluation professionnelle dont elle a fait l'objet le 26 février 2019 au titre de l'année 2018 et d'enjoindre à la commune de réexaminer sa valeur professionnelle au titre de cette année. Par une ordonnance du 30 juillet 2020, le président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande pour tardiveté. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel, les premiers vice-présidents des tribunaux et des cours, le vice-président du tribunal administratif de Paris, les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours et les magistrats ayant une ancienneté minimale de deux ans et ayant atteint au moins le grade de premier conseiller désignés à cet effet par le président de leur juridiction peuvent, par ordonnance : / (...) / 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens ; ". Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. / (...) ". Il incombe à l'administration, lorsqu'elle oppose une fin de non-recevoir tirée de la tardiveté d'une action introduite devant une juridiction administrative, d'établir la date à laquelle la décision attaquée a été régulièrement notifiée à l'intéressé. 3. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... a formé un recours gracieux contre le compte-rendu de son évaluation au titre de l'année 2018 par un courrier du 19 mars 2019, lequel a suspendu le délai de recours jusqu'à la notification de la décision de rejet expresse édictée par le maire de la commune de Colmar le 27 mars 2019. Si la commune produit l'avis de réception de l'envoi en recommandé de cette décision, mentionnant que le pli a été présenté le 13 avril 2019 sans comporter la date explicite à laquelle il été notifié à l'intéressée, la requérante produit pour sa part l'historique d'envoi de cette lettre recommandée établi par les services postaux et faisant état d'une notification le 16 avril 2019, la circonstance que ce document ait été produit pour la première fois en appel alors que l'intéressée aurait été en mesure de le transmettre au tribunal administratif étant sans incidence sur sa recevabilité. Dans ces conditions et alors que la commune ne conteste pas les mentions portées sur cet historique, l'administration n'établit pas que la décision attaquée a été notifiée à la date du 13 avril 2019 et, par suite, que la demande enregistrée au greffe du tribunal administratif le 17 juin 2019 est tardive. Il s'ensuit que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que sa demande a été rejetée comme irrecevable par ordonnance sur le fondement des dispositions précitées de l'article R. 222-1 du code de justice administrative. 4. Il y a lieu de se prononcer immédiatement par la voie de l'évocation sur les conclusions présentées par la requérante en première instance. Sur les conclusions à fin d'annulation : 5. Aux termes de l'article 76 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée, dans sa rédaction applicable au litige : " L'appréciation, par l'autorité territoriale, de la valeur professionnelle des fonctionnaires se fonde sur un entretien professionnel annuel conduit par le supérieur hiérarchique direct qui donne lieu à l'établissement d'un compte rendu. Les commissions administratives paritaires ont connaissance de ce compte rendu ; à la demande de l'intéressé, elles peuvent demander sa révision. Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application du présent article. ". Aux termes de l'article 2 du décret n° 2014-1526 du 16 décembre 2014 relatif à l'appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires territoriaux : " Le fonctionnaire bénéficie chaque année d'un entretien professionnel qui donne lieu à compte rendu. Cet entretien est conduit par le supérieur hiérarchique direct (...) ". Aux termes de l'article 5 du même texte : " Le compte rendu de l'entretien, établi et signé par le supérieur hiérarchique direct, comporte une appréciation générale littérale exprimant la valeur professionnelle du fonctionnaire au regard des critères fixés à l'article 4. ". 6. La fiche de poste de la requérante précise que cette dernière effectue des remplacements au sein de diverses structures d'accueil de la petite enfance de la commune de Colmar, sous l'autorité des directeurs de structure à qui il appartient de définir les actions attendues au sein de l'établissement, et que Mme C... agit sous l'autorité de la cheffe du service de la petite enfance. Or il ressort des pièces du dossier que son entretien d'évaluation, s'il a bien été effectué en présence de la cheffe de service, a été conduit par la responsable de l'une des structures dans lesquelles la requérante a été amenée à effectuer un remplacement au titre de l'année 2018, et qui ne pouvait donc, pour l'application des dispositions précitées, au regard de la diversité des fonctions de remplacement effectuées par l'intéressée, être regardée comme le supérieur hiérarchique direct de la requérante nonobstant la circonstance que Mme C... aurait été affectée dans la structure dirigée par la personne qui a réalisé son évaluation la majeure partie de l'année 2018. L'évaluation a ainsi été menée dans des conditions irrégulières, selon la seule appréciation d'une responsable de structure, ce qui a privé Mme C... de la garantie d'un examen global de son service au vu de l'intégralité des tâches de remplacement effectuées et a été de nature à exercer une influence sur le sens de l'évaluation. Elle doit, par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens soulevés, être annulée. Sur les conclusions à fin d'injonction : 7. Le motif d'annulation retenu implique qu'il soit enjoint à la commune de Colmar de procéder au réexamen de la valeur professionnelle de la requérante au titre de l'année 2018 dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte. Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme C..., qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que demande la commune de Colmar au titre des frais exposés qui ne sont pas compris dans les dépens. 9. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Colmar une somme de 2 000 euros à verser à la requérante au titre de ces mêmes frais. D E C I D E : Article 1er : L'ordonnance du président de la première chambre du tribunal administratif de Strasbourg du 30 juillet 2020 est annulée. Article 2 : L'évaluation professionnelle de Mme C... au titre de l'année 2018 est annulée. Article 3 : Il est enjoint à la commune de Colmar de procéder au réexamen de la valeur professionnelle de Mme C... au titre de l'année 2018 dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Article 4 : La commune de Colmar versera à Mme C... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 5 : Les conclusions de la commune de Colmar tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C... et à la commune de Colmar. Délibéré après l'audience du 17 octobre 2023, à laquelle siégeaient : M. Wurtz, président, Mme Bauer, présidente-assesseure, M. Meisse, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2023. La rapporteure, Signé : S. BAUER Le président, Signé : Ch. WURTZ Le greffier, Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au préfet du Haut-Rhin en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, Le greffier : F. LORRAIN 2 N° 20NC02855 |
CETATEXT000048424323 | J5_L_2023_11_00020NC02919 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424323.xml | Texte | CAA de NANCY, 1ère chambre, 16/11/2023, 20NC02919, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de NANCY | 20NC02919 | 1ère chambre | excès de pouvoir | C | M. WALLERICH | SELARL JEAN PHILIPPE DEVEVEY | Mme Marion BARROIS | Mme ANTONIAZZI | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler la décision par laquelle le président de l'université de Franche-Comté a implicitement refusé de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle ainsi que la décision du 20 décembre 2017 rejetant son recours gracieux et de condamner l'université de Franche-Comté à réparer le préjudice moral qu'elle estime avoir subi en raison du harcèlement moral dont elle déclare avoir été victime. Par un jugement n° 1800313 du 6 août 2020, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 6 octobre 2020, Mme A..., représentée par Me Devevey, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Besançon du 6 août 2020 ; 2°) d'annuler la décision par laquelle le président de l'université de Franche-Comté a implicitement refusé de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle ainsi que la décision du 20 décembre 2017 rejetant son recours gracieux ; 3°) d'enjoindre à l'université de Franche Comté de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle ; 4°) de mettre à la charge de l'université le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient être victime de harcèlement moral de la part de ses collègues agrégés et aurait dû bénéficier à ce titre de la protection fonctionnelle de l'université de Franche-Comté. Par un mémoire en défense enregistré le 19 avril 2021, l'université de Franche Comté représentée par Me Ciaudo conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés. Par un mémoire en intervention, enregistré le 5 mai 2021, la Fédération des syndicats Sud Education, représentée par Me Renard, demande que la cour fasse droit aux conclusions de la requête. En réponse à une demande de pièces de la cour, l'université a communiqué les comptes rendus des états de services de Mme A... le 22 septembre 2023. Un mémoire produit le 23 juin 2022 par Mme A... n'a pas été communiqué. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le décret n° 72-581 du 4 juillet 1972 ; - le décret n° 84-431 du 6 juin 1984 ; - le décret n° 93-461 du 25 mars 1993 ; - le code de l'éducation ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Barrois, première conseillère, - les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique, - et les observations de Mme A... et celles de Me Devevey, son conseil. Considérant ce qui suit : 1. Mme A..., professeure certifiée et enseignante du second degré affectée à l'université de Franche-Comté depuis le 1er septembre 1994, a sollicité le bénéfice de la protection fonctionnelle le 28 juin 2017 qui lui a été expressément refusé par une décision du 20 décembre 2017. Mme A... fait appel du jugement du 6 août 2020 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision. Sur l'intervention de la fédération des syndicats SUD Education : 2. Eu égard à son objet de défense des intérêts professionnels et économiques et des droits matériels et moraux des salarié et membres de l'éducation nationale, la fédération des syndicats Sud Education justifie d'un intérêt à intervenir au soutien du recours en annulation de Mme A... à l'encontre de la décision par laquelle le président de l'université de Franche-Comté a implicitement refusé de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle. Par suite, son intervention est admise. Sur le bien-fondé du jugement : 3. Aux termes de l'article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : " I. - A raison de ses fonctions et indépendamment des règles fixées par le code pénal et par les lois spéciales, le fonctionnaire ou, le cas échéant, l'ancien fonctionnaire bénéficie, dans les conditions prévues au présent article, d'une protection organisée par la collectivité publique qui l'emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire. (...) IV.- La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté ". Aux termes de l'article 6 quinquies de cette même loi : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel (...) ". 4. D'une part, ces dispositions établissent à la charge de la collectivité publique et au profit des agents publics, lorsqu'ils ont été victimes d'attaques à raison de leurs fonctions, sans qu'une faute personnelle puisse leur être imputée, une obligation de protection à laquelle il ne peut être dérogé, sous le contrôle du juge, que pour des motifs d'intérêt général. Cette obligation de protection a pour objet, non seulement de faire cesser les attaques auxquelles le fonctionnaire ou l'agent public est exposé, notamment en cas de diffamation, mais aussi de lui assurer une réparation adéquate des torts qu'il a subis. La mise en œuvre de cette obligation peut notamment conduire l'administration à assister son agent dans l'exercice des poursuites judiciaires qu'il entreprendrait pour se défendre. Il appartient dans chaque cas à l'autorité administrative compétente de prendre les mesures lui permettant de remplir son obligation vis-à-vis de son agent, sous le contrôle du juge et compte tenu de l'ensemble des circonstances. 5. D'autre part, il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime de faits constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe ensuite à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. Enfin, la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. En revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui. Le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé. 6. En premier lieu, Mme A... soutient avoir subi depuis 2008 des agissements constitutifs selon elle de harcèlement moral de la part de ses collègues de l'unité de formation et de recherche (UFR) des sciences du langage, de l'homme et de la société (SLHS) du département d'histoire de l'université de Franche-Comté qui ont entrainé une souffrance au travail et des arrêts de travail et qui se révèlent dans la diminution de ses heures de cours la mettant en sous-service par rapport à ses collègues, son éviction de ses fonctions de responsable de la formation histoire ancienne en 2013 à la suite d'une modification des statuts de ce département, sa mise à l'écart par les professeurs enseignant les cours magistraux dans l'organisation des examens et le contenu des cours, l'affectation d'un nombre supérieur de corrections de copies, le blocage du directeur de l'UFR à sa demande d'inscription sur la liste d'aptitude pour accéder au grade d'agrégé en 2008 et la remise en cause constante de ses compétences par ses collègues. 7. Il ressort des pièces du dossier que même si Mme A... dont le service complet s'élève à 384 heures annuelles, a connu une diminution de ses heures de cours pour la seule année universitaire 2007/2008, celle-ci est justifiée par la suppression d'un groupe de travaux dirigés et de deux enseignements de troisième année de licence et de manière générale par le sureffectif d'enseignants affectés au département. En outre, il n'est pas établi qu'elle ait été mise à l'écart de l'organisation des examens et n'ait pas eu accès au contenu des cours magistraux pour lesquels elle était chargée de travaux dirigés ni qu'elle aurait eu un nombre supérieur de copies à corriger malgré la circonstance que certains enseignants-chercheurs estiment que cela relève de leur bon vouloir et non d'une répartition équitable. 8. En second lieu, même si l'avis défavorable à l'accession de Mme A... au grade d'agrégée par liste d'aptitude émis en 2008 par l'un des trois enseignants incriminés, alors qu'il était directeur de l'UFR et qui a été modifié par la suite par le recteur de l'académie de Besançon en un avis sans opposition, révèle une position de principe de rejet des enseignants souhaitant accéder à l'agrégation par cette voie, il ne constitue pas pour autant un fait révélateur d'une situation de harcèlement moral. De la même sorte, la décision, prise en 2013 par les membres du département d'histoire, de modifier les conditions d'accès aux fonctions de responsable de licence et de les réserver aux enseignants chercheurs qui a eu pour conséquence de démettre Mme A... de ses fonctions de responsable de licence qu'elle exerçait depuis deux ans, résulte d'une décision relative à l'organisation de ce département, adoptée collégialement, et ne révèle pas plus une volonté d'évincer personnellement Mme A..., pour des motifs étrangers à l'intérêt du service. Enfin, si une altercation a eu lieu en juillet 2013 entre Mme A... et l'un des enseignants, qui a conduit à l'absence de Mme A... pour raison de santé et à la reconnaissance par l'université d'un accident de service, ce fait n'est pas suffisant à lui seul pour reconnaitre l'existence d'une situation de harcèlement moral, en dépit des effets néfastes que cet incident a pu avoir sur la santé de Mme A.... 9. Dans ces conditions, s'il est incontestable que les relations de travail entre Mme A... et ses collègues enseignants-chercheurs n'étaient pas toujours satisfaisantes et épanouissantes, celle-ci ne peut toutefois pas être regardée comme apportant un faisceau d'indices suffisamment probants pour permettre de considérer comme au moins plausible une situation de harcèlement moral dont elle s'est dit victime de la part de ces derniers, de telle sorte que le refus du président de l'université de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle à ce titre n'est entaché d'aucune erreur d'appréciation. 10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision par laquelle le président de l'université de Franche-Comté a implicitement refusé de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle ainsi que la décision du 20 décembre 2017 rejetant son recours gracieux. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sont également rejetées. Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 11. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... le versement de la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par l'université de Franche-Comté et non compris dans les dépens. 12. Il n'y a pas lieu non plus de faire droit à la demande présentée par Mme A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D É C I D E : Article 1er : L'intervention de la Fédération Sud Education est admise. Article 2 : La requête de Mme A... est rejetée. Article 3 : Les conclusions de l'université de Franche-Comté présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A..., à la Fédération des syndicats Sud Education, à l'université de Franche Comté et à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Wallerich, président de chambre, - M. Sibileau, premier conseiller, - Mme Barrois, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023 . La rapporteure, Signé : M. BarroisLe président, Signé : M. Wallerich La greffière, Signé : S. Robinet La République mande et ordonne à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, S. Robinet 2 N° 20NC02919 |
CETATEXT000048424324 | J5_L_2023_11_00020NC03583 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424324.xml | Texte | CAA de NANCY, 3ème chambre, 14/11/2023, 20NC03583, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-14 00:00:00 | CAA de NANCY | 20NC03583 | 3ème chambre | excès de pouvoir | C | M. WURTZ | ADVEN AVOCATS | M. Stéphane BARTEAUX | M. MARCHAL | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : L'EARL du Bruehli a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la délibération du 18 décembre 2018 par laquelle le conseil municipal de Witternheim a approuvé le plan local d'urbanisme en tant qu'il classe les parcelles cadastrées section 4 n° 20, 21, 22 et 131 en secteur Aam. Par un jugement n° 1903090 du 15 octobre 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés le 10 décembre 2020 et le 14 janvier 2022, l'EARL du Bruehli, représentée par Me Gillig, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 15 octobre 2020 ; 2°) d'annuler la délibération du 18 décembre 2018 par laquelle le conseil municipal de Witternheim a approuvé le plan local d'urbanisme en tant qu'il classe les parcelles cadastrées section 4 n° 20, 21, 22 et 131 en secteur Aam ; 3°) de mettre à la charge de la commune de Witternheim la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le classement en secteur Aam d'une partie de son exploitation, située sur les parcelles cadastrées section 4 n° 20, 21, 22 et 131, repose sur des faits matériellement inexacts et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des orientations du projet d'aménagement et de développement durables et de ses effets sur la capacité de développement de son site d'élevage ; - le règlement du secteur Aam méconnaît les dispositions des articles L. 151-8 et L. 101-3 du code de l'urbanisme dès lors qu'il plafonne le cheptel d'élevage et est étranger aux objectifs de la réglementation des sols. Par des mémoires en défense, enregistrés le 9 juillet 2021 et le 1er février 2022, la commune de Witternheim, représentée par Mes Dangel et Marcantoni, conclut, à titre principal, au rejet de la requête, subsidiairement à ce qu'il soit sursis à statuer pour permettre une régularisation du plan local d'urbanisme en application de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme, et demande que la somme de 3 000 euros hors taxes soit mise à la charge de l'EARL du Bruehli en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'urbanisme ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Barteaux, - les conclusions de M. Marchal, rapporteur public, - les observations de Me Koromyslov pour l'EARL du Bruehli et de Me Dangel pour la commune de Witternheim. Considérant ce qui suit : 1. Par une délibération du 22 novembre 2010, le conseil municipal de la commune de Wittternheim a prescrit l'élaboration du plan local d'urbanisme de la commune. A l'issue de l'enquête publique qui s'est déroulée du 8 octobre au 9 novembre 2018, le conseil municipal a approuvé, par une délibération du 18 décembre 2018, le plan local d'urbanisme de la commune. L'EARL du Bruehli, propriétaire de parcelles qui sont le siège de son exploitation agricole, demande l'annulation du jugement du 15 octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette délibération du 18 décembre 2018 approuvant le plan local d'urbanisme en tant qu'il classe les parcelles cadastrées section 4 n° 20, 21, 22 et 131 en secteur Aam. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. Aux termes de l'article L. 151-8 du code de l'urbanisme : " Le règlement fixe, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables, les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols permettant d'atteindre les objectifs mentionnés aux articles L. 101-1 à L. 101-3 ". Aux termes de l'article L. 101-3 du même code : " La réglementation de l'urbanisme régit l'utilisation qui est faite du sol, en dehors des productions agricoles, notamment la localisation, la desserte, l'implantation et l'architecture des constructions. (...) ". 3. Il résulte du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Witternheim qu'au sein de la zone A, ses auteurs ont créé un secteur Aam au sein duquel sont autorisés " les extensions des constructions existantes, les bâtiments de stockage et les installations directement liées à l'exploitation agricole et uniquement dans le cadre de leur mise aux normes, y compris pour les bâtiments d'élevage, à condition que le cheptel reste à effectif constant tel qu'autorisé par l'arrêté préfectoral pris en application du régime des ICPE ". 4. Le règlement afférent au secteur Aam, bien qu'il ait été adopté pour permettre à l'exploitation requérante de mettre aux normes ses installations tout en préservant les habitants de la commune d'une aggravation des nuisances susceptibles d'être générées par son activité d'élevage porcin, a pour effet de réglementer les modalités d'exercice de son exploitation et méconnaît dès lors les dispositions précitées de l'article L. 101-3 du code de l'urbanisme. Compte tenu de l'illégalité du règlement du secteur Aam, la requérante est fondée à soutenir que le classement d'une partie des parcelles cadastrées section 4 n° 20, 21, 22 et 131 dans ce secteur est illégal. 5. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen n'est susceptible d'entraîner l'annulation de la délibération en litige. 6. Il résulte de tout ce qui précède que l'EARL du Bruehli est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération du 18 décembre 2018 approuvant le plan local d'urbanisme de la commune de de Witternheim en tant qu'il classe les parcelles cadastrées section 4 n° 20, 21, 22 et 131 en secteur Aam. Sur les conclusions à fin de sursis à statuer en application de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme : 7. Aux termes de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme : " Si le juge administratif, saisi de conclusions dirigées contre (...) un plan local d'urbanisme (...), estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'une illégalité entachant l'élaboration ou la révision de cet acte est susceptible d'être régularisée, il peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation et pendant lequel le document d'urbanisme reste applicable, sous les réserves suivantes: / 1° En cas d'illégalité autre qu'un vice de forme ou de procédure, pour (...) les plans locaux d'urbanisme, le sursis à statuer ne peut être prononcé que si l'illégalité est susceptible d'être régularisée par une procédure de modification (...). / Si la régularisation intervient avant le délai fixé, elle est notifiée au juge, qui statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations (...) ". 8. La commune de Witternheim sollicite, dans l'éventualité d'une illégalité de la délibération en litige, que la cour prononce un sursis à statuer pour lui permettre de régulariser le plan local d'urbanisme sur le fondement des dispositions de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme. Toutefois, eu égard au motif d'annulation partielle de cette délibération et à sa portée, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions. Sur les frais de l'instance : 9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'EARL du Bruehli, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que demande la commune de Witternheim au titre des frais qu'elle a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la commune de Witternheim une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par l'EARL du Bruehli et non compris dans les dépens. D E C I D E : Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 15 octobre 2020 est annulé. Article 2 : La délibération du conseil municipal de Witternheim du 18 décembre 2018 est annulée en tant qu'elle approuve le classement en secteur Aam d'une partie des parcelles cadastrées section 4 n° 20, 21, 22 et 131. Article 3 : La commune de Witternheim versera à l'EARL du Bruehli la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Les conclusions présentées par la commune de Witternheim au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié sera notifié à l'EARL du Bruehli et à la commune de Witternheim. Délibéré après l'audience du 17 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Wurtz, président, - Mme Bauer, présidente-assesseure, - M. Barteaux, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le14 novembre 2023. Le rapporteur, Signé : S. BARTEAUXLe président, Signé : Ch. WURTZLe greffier, Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne à la préfète du Bas-Rhin, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, Le greffier : F. LORRAIN N° 20NC03583 2 |
CETATEXT000048424325 | J5_L_2023_11_00020NC03776 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424325.xml | Texte | CAA de NANCY, 1ère chambre, 16/11/2023, 20NC03776, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de NANCY | 20NC03776 | 1ère chambre | excès de pouvoir | C | M. WALLERICH | SCP ARVIS & KOMLY-NALLIER | Mme Marion BARROIS | Mme ANTONIAZZI | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 29 mai 2019 par laquelle la commune de... a retiré son contrat à durée déterminée renouvelé pour la période du 1er février 2019 au 31 janvier 2022 et l'a radiée des effectifs à compter du 14 juin 2019 et d'enjoindre à la commune de ... de la réintégrer dans ses fonctions, dans un délai d'un mois courant à compter de la notification du jugement à intervenir. Par un jugement n° 1905971 du 23 octobre 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire complémentaire, respectivement enregistrés le 23 décembre 2020 et le 27 octobre 2022, Mme A..., représentée par Me Arvis, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 23 octobre 2020 ; 2°) d'annuler la décision du 29 mai 2019 par laquelle la commune de ... a retiré son contrat à durée déterminée renouvelé pour la période du 1er février 2019 au 31 janvier 2022 et l'a radiée des effectifs à compter du 14 juin 2019 ; 3°) d'enjoindre à la commune de ... de la réintégrer dans ses fonctions, dans un délai d'un mois courant à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ; 4°) de mettre à la charge de la commune de ... le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la procédure méconnaît le principe du contradictoire dès lors que le délai de réponse de deux jours ouvrés accordé pour répondre au moyen susceptible d'être relevé d'office communiqué le vendredi 9 octobre 2020 pour l'audience du mardi 13 octobre 2020 était insuffisant alors même que le 12 octobre 2020, son conseil avait demandé le renvoi de l'audience en raison de ce délai insuffisant ; - le jugement est insuffisamment motivé quant à la réponse apportée au moyen tiré du détournement de pouvoir ; - la décision attaquée du 29 mai 2019 est entachée d'un détournement de pouvoir dès lors que son contrat de travail lui a été retiré en raison de sa condamnation pénale et non de sa qualité de fonctionnaire territoriale ; - le jugement méconnaît l'autorité de la chose jugée de l'arrêt n°17VE00325 et n°17VE00327 du 12 décembre 2019 qui juge que Mme A... a été radiée des effectifs de la commune de... depuis le 1er février 2012 et de la commune de... depuis le 10 février 2012 ; - la décision attaquée du 29 mai 2019 est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'elle n'a pas eu droit à la communication personnelle et confidentielle de son dossier administratif demandé le 27 mai 2019 ; - à titre subsidiaire, elle méconnaît l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration dès lors que son recrutement n'était pas illégal et que le délai de quatre mois était dépassé ; - en tout état de cause, Mme A... pouvait être recrutée en qualité de contractuelle malgré son statut de fonctionnaire dès lors qu'elle n'est plus affectée à un emploi. Par un mémoire en défense enregistré le 3 février 2021 la commune de ... représentée par Me Jeandon conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de Mme A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des relations entre le public et l'administration, - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, - la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Barrois, première conseillère, - les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique, - et les observations de Me Jeandon, représentant la commune de .... Considérant ce qui suit : 1. Mme A..., fonctionnaire territoriale titulaire du grade de rédacteur en chef, a été recrutée à compter du 1er février 2016 sur contrat à durée déterminée de trois ans sur les fonctions de responsable du service financier de la ville de ..., renouvelé le 1er février 2019 pour une nouvelle durée de trois ans. Par un arrêté du 29 mai 2019, notifié le 3 juin, la ville a retiré son contrat et a mis fin à ses fonctions à compter du 14 juin 2019. Mme A... fait appel du jugement du 23 octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 611-7 du code de justice administrative : " Lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, le président de la formation de jugement ou, au Conseil d'Etat, la sous-section chargée de l'instruction en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent, sans qu'y fasse obstacle la clôture éventuelle de l'instruction, présenter leurs observations sur le moyen communiqué (...) ". 3. Ces dispositions, qui sont destinées à provoquer un débat contradictoire sur les moyens que le juge doit relever de sa propre initiative, impliquent que le délai accordé aux parties pour répondre au moyen communiqué soit raisonnable. 4. En l'espèce, la lettre de communication du vendredi 9 octobre 2020 informant les parties que le tribunal était susceptible de relever d'office un moyen, reçu par l'avocat de Mme A... à 12 h 18 le même jour, mentionne que des observations peuvent être présentées jusqu'à la date de l'audience, le mardi 13 octobre 2020. Toutefois, le tribunal administratif n'a finalement pas retenu ce moyen dans le jugement attaqué. Au surplus, même si le conseil de Mme A... a adressé un courrier au tribunal le 12 octobre 2020 sollicitant le renvoi du dossier à une autre audience, il n'a pas jugé utile de présenter des observations écrites et orales. Par suite, le tribunal n'a pas entaché son jugement d'irrégularité. 5. En second lieu, aux termes de l'article 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Contrairement à ce que soutient la requérante, les premiers juges n'ont pas entaché leur jugement d'une insuffisance de motivation en écartant le moyen tiré du détournement de pouvoir soulevé par Mme A... en indiquant que ce détournement n'était pas établi. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 6. D'une part, aux termes de l'article 7 de la loi du 26 janvier 1984 " Les fonctionnaires territoriaux ont vocation à occuper les emplois de la fonction publique territoriale. ", de l'article 25 de cette même loi " L'activité est la position du fonctionnaire qui, titulaire d'un grade, exerce effectivement les fonctions de l'un des emplois correspondant à ce grade. ". Par ailleurs, il résulte de l'article 25 de la loi du 26 janvier 1984 que " Le fonctionnaire exerce ses fonctions avec dignité, impartialité, intégrité et probité. " et de l'article 25 septies que " I.- Le fonctionnaire consacre l'intégralité de son activité professionnelle aux tâches qui lui sont confiées. Il ne peut exercer, à titre professionnel, une activité privée lucrative de quelque nature que ce soit, sous réserve des II à V du présent article ". 7. D'autre part, aux termes de l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration : " L'administration ne peut abroger ou retirer une décision créatrice de droits de sa propre initiative ou sur la demande d'un tiers que si elle est illégale et si l'abrogation ou le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision " et l'article 241-2 de ce même code : " Par dérogation aux dispositions du présent titre, un acte administratif unilatéral obtenu par fraude peut être à tout moment abrogé ou retiré. ". 8. Il résulte de ces dispositions qu'un acte administratif obtenu par fraude ne crée pas de droits. Ainsi, l'autorité compétente pour le prendre peut en conséquence le retirer ou l'abroger alors même que le délai de retrait de droit commun serait expiré. Toutefois, dès lors qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne fait obligation à un fonctionnaire d'informer de certains éléments la collectivité publique auprès de laquelle il postule, il ne peut être regardé comme ayant commis une fraude en n'en faisant pas état. 9. D'une part, il ne résulte d'aucune disposition législative ou réglementaire une obligation d'informer son futur employeur public de son statut de fonctionnaire lors de sa candidature à un emploi contractuel. D'autre part, les nombreux contentieux engagés par Mme A... depuis 2014 avec d'autres collectivités publiques qui se sont clos définitivement par la décision de la cour administrative d'appel de Versailles du 17 juillet 2023 et qui ont donné lieu à des décisions divergentes sur son statut, révèlent des incertitudes sur sa situation administrative et statutaire lors de la présentation de sa candidature et la difficulté à en faire mention alors qu'en outre elle n'était plus affectée sur aucun poste dans son administration d'origine depuis le 1er février 2012. Par suite, la fraude fondée sur un manquement à une obligation d'information sur sa qualité de fonctionnaire n'est pas caractérisée. 10. En l'espèce, la décision portant renouvellement de son contrat à durée déterminée pour une durée de trois ans signée le 28 novembre 2018 a été retirée au-delà du délai de quatre mois prévu à l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration par la décision attaquée du 29 mai 2019, notifiée le 3 juin suivant et n'est pas justifiée par l'existence d'une fraude. Par suite, la décision attaquée est illégale et est annulée. 11. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 29 mai 2019. Sur les conclusions à fin d'injonction de la réintégrer dans ses fonctions : 12. L'annulation d'une décision évinçant illégalement un agent public implique, en application des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, outre la réintégration juridique rétroactive de cet agent à la date de la décision d'éviction illégale, entraînant la régularisation de ses droits sociaux, sa réintégration effective dans l'emploi qu'il occupait avant son éviction illégale ou dans un emploi équivalent à celui-ci. Toutefois, si l'annulation du licenciement d'un agent contractuel implique en principe la réintégration de l'intéressé à la date de son éviction, cette réintégration doit être ordonnée sous réserve de l'examen de la date à laquelle le contrat aurait normalement pris fin si la mesure d'éviction illégale n'était pas intervenue. 13. Il résulte de ce qui précède que l'annulation de la décision du 29 mai 2019 par laquelle la commune de ... a retiré le contrat à durée déterminée de Mme A... n'implique pas sa réintégration effective dans ses fonctions dès lors que son contrat aurait pris fin le 31 janvier 2022. Par suite ses conclusions à fin d'injonction tendant à sa réintégration dans ses fonctions sont rejetées. Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 14. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de ... la somme de 1 500 euros à verser à Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que Mme A..., qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à la commune de ... une somme que celle-ci réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. D É C I D E : Article 1er : Le jugement n°1905971 du 23 octobre 2020 du tribunal administratif de Strasbourg et la décision du 29 mai 2019 par laquelle la commune de ... a retiré le contrat à durée déterminée du 1er février 2019 au 31 janvier 2022 conclu avec Mme A... et l'a radiée des effectifs à compter du 14 juin 2019 sont annulés. Article 2 : La commune de ... versera à Mme A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 4 : Les conclusions présentées par la commune de ... sur le fondement de l'article L. 761-1 sont rejetées. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à la commune de .... Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Wallerich, président de chambre, - Mme Peton, première conseillère, - Mme Barrois, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. La rapporteure, Signé : M. BarroisLe président, Signé : M. Wallerich La greffière, Signé : S. Robinet La République mande et ordonne au préfet de la Moselle en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, S. Robinet 2 N° 20NC03776 |
CETATEXT000048424326 | J5_L_2023_11_00021NC00044 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424326.xml | Texte | CAA de NANCY, 3ème chambre, 14/11/2023, 21NC00044, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-14 00:00:00 | CAA de NANCY | 21NC00044 | 3ème chambre | excès de pouvoir | C | M. WURTZ | DSC AVOCATS TA | Mme Sandra BAUER | M. MARCHAL | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. D... A... et Mme B... C... ont demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du maire de la commune de Besançon du 13 mai 2019 leur délivrant un certificat d'urbanisme négatif concernant une opération de construction d'une maison individuelle sur une parcelle de terrain cadastrée section OS n° 50, chemin des Champs à Besançon. Par un jugement n° 1901245 du 12 novembre 2020, le tribunal administratif de Besançon a rejeté leur demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 7 janvier 2021, M. A... et Mme C..., représentés par Me Garot, demandent à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 12 novembre 2020 ; 2°) d'annuler l'arrêté du maire de la commune de Besançon du 13 mai 2019 leur délivrant un certificat d'urbanisme négatif concernant une opération de construction d'une maison individuelle sur une parcelle de terrain cadastrée section OS n° 50, chemin des Champs à Besançon ; 3°) d'enjoindre au maire de la commune de Besançon de leur délivrer le certificat d'urbanisme sollicité ; 4°) de mettre à la charge de la commune de Besançon une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que : - l'arrêté attaqué ne prévoit pas, dans son dispositif, la notification aux intéressés par lettre recommandée avec accusé de réception et ne les informe pas des voies et délais de recours ; - il n'a pas été notifié à Mme C..., propriétaire indivis ; - le certificat d'urbanisme négatif est injustifié et entaché d'erreur manifeste d'appréciation ; la commune avait elle-même envisagé de préempter le terrain en cause pour y construire des logements sociaux ; cette zone classée 2AU-H est déjà urbanisée, il s'agit d'une zone pavillonnaire dans laquelle des autorisations de construire ont été accordées, de sorte que le refus opposé est discriminatoire ; la parcelle en cause est contiguë de la zone construite et en serait le prolongement naturel, son inclusion ne portant par ailleurs pas atteinte aux paysages et à l'environnement ; la soumission à une modification du plan local d'urbanisme ne peut davantage le justifier, non plus que le classement envisagé en zone naturelle qui est hypothétique. Par un mémoire en défense, enregistré le 9 juillet 2021, la commune de Besançon, représentée par Me Suissa, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge des requérants une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'urbanisme ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Bauer, - les conclusions de M. Marchal, rapporteur public, - et les observations de Me Naudin pour la commune de Besançon. Considérant ce qui suit : 1. Le 18 mars 2019, M. A... et Mme C..., propriétaires d'un terrain d'une superficie de 2 500 m² cadastré OS n° 50, situé sur le territoire de la commune de Besançon, ont sollicité la délivrance d'un certificat d'urbanisme, sur le fondement du b) de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme, concernant une opération de construction d'une maison individuelle. Par un arrêté du 13 mai 2019, le maire de Besançon leur a délivré un certificat d'urbanisme opérationnel négatif. Par un jugement du 12 novembre 2020, dont les intéressés relèvent appel, le tribunal administratif de Besançon a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cette décision. Sur les conclusions aux fins d'annulation : 2. En premier lieu, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, il convient d'écarter comme inopérants les moyens tirés du défaut de mention dans le dispositif de l'arrêté litigieux de sa notification par lettre recommandée avec accusé de réception, du défaut d'indication des voies et délais de recours et de l'absence de notification personnelle de cette décision à Mme C.... 3. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que la parcelle des requérants cadastrée OS n° 50 est classée en zone 2AU-H du plan local d'urbanisme de Besançon, dans sa version alors applicable du 26 octobre 2018. Il résulte du règlement du plan local d'urbanisme que l'urbanisation des zones 2AU est conditionnée " à une procédure de modification ou une révision du document d'urbanisme ". L'article AU2 du même règlement fixe par ailleurs les prescriptions relatives aux occupations et utilisations du sol dans l'attente d'une telle évolution du document d'urbanisme et n'autorise, s'agissant des constructions à destination d'habitation, que les travaux d'extension et d'aménagement des constructions existantes. 4. Il est constant qu'aucune procédure de modification ou de révision du plan local d'urbanisme de Besançon n'avait été mise en œuvre, à la date de l'arrêté attaqué, dans la zone " 2AU-H Torcols " où se situe la parcelle des requérants. Il résulte de l'instruction que le maire de la commune de Besançon aurait pris la même décision de délivrance aux intéressés d'un certificat d'urbanisme négatif en se fondant sur ce seul motif, sans qu'il y ait lieu de se prononcer sur la réalité et la validité d'un second motif tenant à un classement futur de la parcelle en zone N. 5. La circonstance que la commune ait envisagé, en 2015, d'user de son droit de préemption afin de construire des logements dans cette zone est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée dès lors notamment que l'arrêté portant exercice du droit de préemption a été retiré en mars 2016 du fait de l'abandon de ce projet et que le classement de la parcelle en cause n'a pas été modifié. Les requérants ne sauraient davantage arguer de la méconnaissance du principe d'égalité en faisant valoir que des autorisations individuelles d'urbanisme ont été délivrées concernant des constructions déjà existantes, ces autorisations ayant été délivrées conformément aux dispositions susmentionnées de l'article AU2 du règlement du PLU, alors que leur propre projet visait une construction initiale. 6. Il résulte de tout ce qui précède que c'est à bon droit que le tribunal a rejeté les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 13 mai 2019 attaqué présentées par M. A... et Mme C.... Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction doivent également être rejetées. Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Besançon, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que demandent M. A... et Mme C... au titre des frais qu'ils ont exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens. 9. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... et Mme C... une somme à verser à la commune de Besançon au titre de ces mêmes dispositions. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. A... et Mme C... est rejetée. Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Besançon relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A..., à Mme B... C... et à la commune de Besançon. Délibéré après l'audience du 17 octobre 2023, à laquelle siégeaient : M. Wurtz, président, Mme Bauer, présidente-assesseure, M. Meisse, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2023. La rapporteure, Signé : S. BAUER Le président, Signé : Ch. WURTZ Le greffier, Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, Le greffier : F. LORRAIN N° 21NC00044 2 |
CETATEXT000048424327 | J5_L_2023_11_00021NC00530 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424327.xml | Texte | CAA de NANCY, 3ème chambre, 14/11/2023, 21NC00530, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-14 00:00:00 | CAA de NANCY | 21NC00530 | 3ème chambre | excès de pouvoir | C | M. WURTZ | SELARL SOLER-COUTEAUX ET ASSOCIES | Mme Sandra BAUER | M. MARCHAL | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la fiche de poste du 9 juillet 2019 valant affectation pour l'année scolaire 2019/2020 et d'enjoindre à l'établissement public local d'enseignement et de formation professionnelle agricole (EPLEFPA) du Bas-Rhin de l'affecter sur un poste correspondant à ses compétences professionnelles. Par un jugement n° 1905535 du 22 janvier 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés le 23 février 2021, le 13 février 2023, le 21 avril 2023 et le 21 mai 2023, M. A..., représenté par Me Rosenstiehl, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 22 janvier 2021 ; 2°) d'annuler la fiche de poste du 9 juillet 2019 valant affectation pour l'année scolaire 2019/2020 ; 3°) de mettre à la charge de l'établissement public local d'enseignement et de formation professionnelle agricole du Bas-Rhin une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le jugement du tribunal est irrégulier à défaut de production de la minute de la décision dûment signée par le président de chambre, le rapporteur et le greffier d'audience ; - c'est à tort que le tribunal a considéré l'acte attaqué comme une mesure d'ordre intérieur insusceptible de recours ; - elle porte atteinte à ses droits et prérogatives dans la mesure où elle prévoit que l'intéressé devra réaliser des heures au centre de formation des apprentis (CFA) alors qu'il a été embauché par contrat en 2005 au centre de formation professionnelle et de promotion agricole (CFPPA) ; ces deux centres sont bien des entités distinctes dans leur mission, leur fonctionnement et leur financement au sens de l'article 4 du décret n°2014-940 du 20 août 2014, de sorte que son accord était nécessaire pour intervenir dans un autre centre et l'EPLEFPA aurait dû justifier de l'absence d'heures d'enseignements disponibles au CFPPA ; les différences de conditions de travail entre le CFA et le CFPPA sont significatives en termes de volume annuel de travail, d'horaires de travail et de pose de congés pendant les vacances scolaires ; par ailleurs, le fait de devoir partager son service entre plusieurs établissements engendre des difficultés organisationnelles, ce qui implique d'autant plus son accord ; - elle porte atteinte à ses responsabilités et à sa rémunération ; il a perdu des attributions et des perspectives de carrière compte tenu de la perte de son poste de chargé de mission développement et de la perte de la coordination de deux diplômes, le brevet professionnel Aménagements paysagers et le brevet professionnel agricole ; l'inclusion dans la fiche de poste de missions dans les deux centres, qui ne disposent pas des mêmes quotités de travail, a pour conséquence de créer une différence de rémunération des heures réalisées ; - la mesure contestée traduit une sanction à son encontre, du fait de ses relations détériorées avec la direction, et a pour objet de l'écarter de ses responsabilités et de ses fonctions en lien avec ses compétences professionnelles. Par des mémoires en défense, enregistrés le 25 juin 2021, le 12 avril 2023, le 4 mai 2023 et le 9 juin 2023, l'établissement public local d'enseignement et de formation professionnelle agricole du Bas-Rhin, représenté par Me Zimmer, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. A... une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que : - seule la minute du jugement doit être signée à l'exclusion de l'ampliation transmise aux parties ; - M. A... a été recruté en qualité de formateur, fonctions auxquelles correspond parfaitement la fiche de poste contestée ; la seule circonstance qu'il intervienne à la fois devant des étudiants de CFA et de CFPPA est sans incidence et ne caractérise pas une modification de sa situation administrative ; il s'agit de deux composantes de la même entité juridique, l'EPLEFPA du Bas-Rhin, de sorte qu'ils ne peuvent être considérés comme des établissements distincts, pour lesquels l'activité de formateur est la même ; son obligation de temps de service n'a pas été modifiée, non plus que le nombre de semaines durant lesquelles il peut être amené à intervenir en face à face pédagogique, soit 40 semaines ; enfin, les périodes de congés payés sont communes entre les deux centres et la seule circonstance que le fonctionnement du service influe sur la prise des jours de congés payés par M. A..., notamment en tenant compte des périodes de congés scolaires, est sans emport sur la situation administrative de l'intéressé ; - la fiche de poste n'emporte pas diminution de ses responsabilités ; la fonction de chargé de mission développement a été exercée uniquement de 2013 à 2018 ; l'intéressé n'a pas contesté sa nouvelle affectation de formateur pour l'année 2018/2019 qui est devenue définitive, et la fiche de poste pour l'année scolaire 2019/2020 n'a pas modifié les attributions sur cette mission ; le retrait de la mission " coordination du dispositif du brevet professionnel agricole (BPA) " n'entraîne pas de diminution des responsabilités et n'a pas d'incidence en termes de rémunération ; pour l'année 2019/2020, M. A... a été positionné sur d'autres missions pédagogiques hors face à face en lien avec l'animation et le suivi du dispositif Agrimov (public adulte en insertion) et en lien avec le suivi et l'animation de la FOAD (formation ouverte à distance) ; - l'accomplissement d'heures de formation devant un public d'apprentis de CFA et d'adultes en formation continue rattachés au CFPPA implique exactement la même rémunération ; son contrat de travail n'a nullement été modifié sur ce point ; la critique de l'intéressé porte en réalité sur l'absence de versement de la prime affectée à la fonction de chargé de mission développement, qu'il n'exerce plus depuis l'année scolaire 2018/2019 ; - la fiche de poste contestée ne saurait davantage s'analyser comme une sanction dès lors que les tâches qui lui sont confiées relèvent strictement et exclusivement de l'intérêt du service. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 11 janvier 1984 ; - le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l'Etat ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Bauer, - les conclusions de M. Marchal, rapporteur public, - et les observations de Me Poinsignon pour M. A... et de Me Koromyslov pour l'établissement public local d'enseignement et de formation professionnelle agricoles. Considérant ce qui suit : 1. M. A... a été recruté par l'établissement public local d'enseignement et de formation professionnelle agricoles ((EPLEFPA) du Bas-Rhin en qualité de formateur à plein temps, par un contrat à durée déterminée de droit public du 1er avril 2005 pour la période du 1er mars 2005 au 31 août 2005, régulièrement renouvelé depuis lors par avenant et transformé en contrat à durée indéterminée à compter du 1er novembre 2009. Par un avenant du 1er septembre 2013, l'intéressé s'est vu confier, à titre temporaire, de nouvelles fonctions de chargé de mission pour le développement pour l'année 2013/2014, assorties d'une prime spécifique, qui ont été reconduites jusqu'à l'année scolaire 2017/2018. M. A... a ensuite refusé une proposition d'avenant par lequel, à compter de la rentrée 2018, il reprendrait son activité de formateur et, d'autre part, assurerait les fonctions spécifiques de responsable des plateformes techniques de Paysage - Horticulture - Maraîchage, et a, de ce fait, été réintégré dans ses seules missions de formateur à plein temps définies dans son contrat initial du 1er avril 2005, entraînant la perte de sa prime spécifique d'environ 900 euros par mois. Par un courrier du 21 mai 2019, l'intéressé a demandé à l'EPLEFPA de le réintégrer sur un poste correspondant à ses compétences professionnelles à la rentrée 2019/2020. Par un courrier du 9 juillet 2019, l'EPLEFPA a communiqué à l'intéressé sa fiche de poste valant affectation pour la rentrée 2019/2020, soit un poste de formateur à temps plein comme en 2018/2019. Par un jugement du 22 janvier 2021, dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté comme irrecevables ses conclusions à fin d'annulation de cette fiche de poste. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Aux termes des dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. ". Il résulte de ces dispositions que seule la minute du jugement est signée, à l'exclusion de l'ampliation délivrée aux parties. En l'espèce, la minute signée est conservée au dossier du tribunal et a été transmise à la cour. Par suite, le requérant n'est pas fondé à se prévaloir d'une irrégularité du jugement attaqué sur ce point. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 3. Les mesures prises à l'égard d'agents publics qui, compte tenu de leurs effets, ne peuvent être regardées comme leur faisant grief constituent de simples mesures d'ordre intérieur insusceptibles de recours. Il en va ainsi des mesures qui, tout en modifiant leur affectation ou les tâches qu'ils ont à accomplir, ne portent pas atteinte aux droits et prérogatives qu'ils tiennent de leur statut ou de leur contrat ou à l'exercice de leurs droits et libertés fondamentaux, ni n'emportent de perte de responsabilités ou de rémunération. Le recours contre de telles mesures, à moins qu'elles ne traduisent une discrimination ou une sanction, est irrecevable. 4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a été engagé en qualité de formateur à temps complet auprès de l'EPLEFPA. Ainsi qu'il a été dit par un arrêt de la cour n° 20NC02758 de ce jour, il ne bénéficiait d'aucun droit à reconduction dans ses fonctions de chargé de mission pour le développement, ni d'aucun droit au maintien de la prime afférente. L'EPLEFPA a ainsi pu à bon droit le replacer dès la rentrée scolaire 2018/2019 dans ses seules fonctions de formateur à temps plein telles qu'elles résultaient de son contrat de travail initial du 1er avril 2005, affectation que l'intéressé n'a au demeurant pas contestée. Il est constant que la fiche de poste en litige valant affectation pour la rentrée scolaire 2019/2020 le maintient dans ces mêmes fonctions de formateur à temps plein au centre de formation professionnelle et de promotion agricole (CFPPA) et au centre de formation des apprentis (CFA). 5. Si l'article 3 de son contrat de travail initial précise qu'il exercera son activité sous l'autorité du directeur du CFPPA pour assurer les tâches liées à des formations d'insertion, il est constant que le CFPPA et le CFA sont tous deux des composantes de l'EPLEFPA dont ils ne constituent pas des entités juridiques distinctes. Dès lors, la seule circonstance que la fiche de poste litigieuse prévoit désormais que l'intéressé exercera ses fonctions de formateur dans les deux centres ne porte pas atteinte aux droits et prérogatives qu'il tient de son contrat, alors qu'il ne produit aucun élément démontrant que ce changement d'affectation entraînerait des modifications préjudiciables de ses conditions de travail, ni une diminution de ses responsabilités, de sa rémunération ou de ses perspectives de carrière. Par ailleurs, si M. A... soutient qu'il a perdu la mission de coordination du diplôme du brevet professionnel agricole, il est constant que cette suppression a été compensée par l'attribution d'autres missions pédagogiques consistant dans l'animation et le suivi du dispositif Agrimov et dans le suivi et l'animation de formations à distance, dont il n'est pas davantage établi qu'elles ne seraient pas comparables aux précédentes en termes d'attributions et de responsabilités. 6. Enfin si l'intéressé soutient que ce changement d'affectation constituerait une sanction déguisée, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il ait été inspiré par des considérations autres que l'intérêt du service. 7. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a considéré que la fiche de poste valant affectation pour 2019/2020 constituait une mesure d'ordre intérieur insusceptible de recours et a ainsi rejeté sa demande comme irrecevable. Ses conclusions à fin d'annulation doivent, par suite, être rejetées, ainsi que par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. 8. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... la somme sollicitée par l'EPLEFPA du Bas-Rhin en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Les conclusions présentées par l'établissement public local d'enseignement et de formation professionnelle agricoles du Bas-Rhin au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à l'établissement public local d'enseignement et de formation professionnelle agricoles (EPLEFPA) du Bas-Rhin. Délibéré après l'audience du 17 octobre 2023, à laquelle siégeaient : M. Wurtz, président, Mme Bauer, présidente-assesseure, M. Barteaux, premier conseiller, Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2023. La rapporteure, Signé : S. BAUER Le président, Signé : Ch. WURTZ Le greffier, Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, Le greffier : F. LORRAIN N° 21NC00530 2 |
CETATEXT000048424328 | J5_L_2023_11_00021NC01162 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424328.xml | Texte | CAA de NANCY, 3ème chambre, 14/11/2023, 21NC01162, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-14 00:00:00 | CAA de NANCY | 21NC01162 | 3ème chambre | excès de pouvoir | C | M. WURTZ | SOCIETE D'AVOCATS MAURIN & ASSOCIES | M. Eric MEISSE | M. MARCHAL | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... E... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 29 mai 2019 par lequel le maire de la commune de Saône a délivré à M. B... et à Mme D... C... un permis de construire en vue de la réalisation d'une maison individuelle sur un terrain cadastré section AC n° 21 et 74 et situé 4 rue du Bouleau sur le territoire de cette commune, ensemble la décision du 28 août 2019 rejetant son recours gracieux formé le 29 juin 2019. Par un jugement n° 1901897 du 25 février 2021, le tribunal administratif de Besançon a rejeté cette demande et a mis à la charge de M. E... le versement à la commune de Saône et à M. C... d'une somme de 800 euros pour chacun d'eux, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Procédure devant la cour : Par une requête et deux mémoires complémentaires, enregistrés les 22 avril 2021, 11 janvier 2022 et 10 février 2023, M. A... E..., représenté par Me Suissa, doit être regardé comme demandant à la cour : 1°) d'annuler le jugement n° 1901897 du tribunal administratif de Besançon du 25 février 2021 ; 2°) d'annuler l'arrêté du maire de la commune de Saône du 29 mai 2019 et la décision du 28 août 2019 portant rejet de son recours gracieux ; 3°) de mettre à la charge de la commune de Saône la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - en méconnaissance des articles L. 431-2, R. 431-7, R. 431-8 et R. 431-10 du code de l'urbanisme, le dossier de permis de construire ne permet pas d'apprécier l'insertion du projet dans son environnement et l'impact visuel des bâtiments, spécialement du garage implanté en limite de propriété, sur sa propre maison ; - le projet de construction méconnaît les articles UB 7, UB 10 et UB 11 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Saône. Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire, enregistrés les 3 novembre 2021 et 1er avril 2022, Mme D... C... et M. B... C..., représentés par Me Pilati, concluent au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. E... d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que les moyens invoqués par M. E... ne sont pas fondés. Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire, enregistrés les 10 novembre 2021 et 6 février 2023, la commune de Saône, représentée par Me Devevey, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. E... d'une somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article UB 7 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Saône est irrecevable et que, en tout état de cause, ce moyen, ainsi que les autres les moyens invoqués par M. E..., ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'urbanisme ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Meisse, - les conclusions de M. Marchal, rapporteur public, - et les observations de Me Naudin pour M. E... et de Me Devevey pour la commune de Saône. Considérant ce qui suit : 1. Propriétaires d'un terrain cadastré section AC n°21 et 74, situé 4 rue du Bouleau à Saône (Doubs), M. B... C... et Mme D... C... ont sollicité, le 30 mars 2019, la délivrance d'un permis de construire en vue de la construction d'une maison individuelle, d'une surface de plancher de 126,10 mètres carrés, comportant un garage implanté en limite séparative de propriété et deux places de stationnement non couvertes. Par un arrêté du 29 mai 2019, le maire de la commune a fait droit à cette demande. Résidant 2 rue du Bouleau sur la parcelle contiguë, cadastrée section AC n°20, M. A... E... a, par un courrier du 29 juin 2019, formé contre l'arrêté du 29 mai 2019 un recours gracieux, qui a été rejeté le 28 août 2019. Le 24 octobre 2019, le requérant a saisi le tribunal administratif de Besançon d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 mai 2019 et de la décision du 28 août 2019. Il relève appel du jugement n° 1901897 du 25 février 2021, qui rejette cette demande. Sur le bien-fondé du jugement : 2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 431-2 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural définit, par des plans et documents écrits, l'implantation des bâtiments, leur composition, leur organisation et l'expression de leur volume ainsi que le choix des matériaux et des couleurs. / Il précise, par des documents graphiques ou photographiques, l'insertion dans l'environnement et l'impact visuel des bâtiments ainsi que le traitement de leurs accès et de leurs abords. ". Aux termes de l'article R. 431-7 du même code : " Sont joints à la demande de permis de construire : (...) b) Le projet architectural défini par l'article L. 431-2 et comprenant les pièces mentionnées aux articles R. 431-8 à R. 431-12. ". Aux termes de l'article R. 431-8 du même code : " Le projet architectural comprend une notice précisant : (...) 2° Les partis retenus pour assurer l'insertion du projet dans son environnement et la prise en compte des paysages, faisant apparaître, en fonction des caractéristiques du projet : (...) b) L'implantation, l'organisation, la composition et le volume des constructions nouvelles, notamment par rapport aux constructions ou paysages avoisinants ; (...) ". Aux termes de l'article R. 431-10 du même code : " Le projet architectural comprend également : (...) c) Un document graphique permettant d'apprécier l'insertion du projet de construction par rapport aux constructions avoisinantes et aux paysages, son impact visuel ainsi que le traitement des accès et du terrain ; d) Deux documents photographiques permettant de situer le terrain respectivement dans l'environnement proche et, sauf si le demandeur justifie qu'aucune photographie de loin n'est possible, dans le paysage lointain. Les points et les angles des prises de vue sont reportés sur le plan de situation et le plan de masse. (...) ". 3. La circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable. 4. Il ressort des pièces du dossier que la maison de M. E... apparaît sur les documents photographiques et graphiques du projet architectural, lesquels permettent de situer le terrain d'assiette du projet dans son environnement proche et lointain et d'apprécier son intégration par rapport aux constructions avoisinantes. S'il est vrai que le garage n'y figure pas, son implantation en limite de propriété, mentionnée dans la notice explicative, est matérialisée sur le plan figurant au-dessus de ces documents et sur lequel sont reportés les points et les angles des prises de vue, ainsi que sur les plans de masse, de toiture et des façades sud-ouest, nord-ouest, nord-est et sud-est. Il est également représenté dans le document graphique illustrant le tableau des surfaces. En outre, contrairement aux allégations du requérant, le plan de masse fait apparaître, en sus du garage litigieux, sa propre maison d'habitation. Enfin, M. E... ne saurait utilement faire valoir, au soutien de son moyen tiré de l'incomplétude et de l'insuffisance du dossier de permis de construire, que le toit-terrasse végétalisé du garage, accessible aux époux C..., donnera directement sur les fenêtres de son salon. Dans ces conditions, alors même que le garage ne figure pas dans le document graphique d'intégration au site de la maison projetée, cette omission dans le dossier de permis de construire, eu égard aux éléments qu'il comporte par ailleurs, n'a pas été de nature à fausser l'appréciation de l'autorité administrative sur la conformité du projet de construction à la réglementation d'urbanisme applicable. 5. En deuxième lieu, aux termes de l'article UB 11 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Saône : " (...) Toiture : (...) les teintes de matériaux de couverture devront se rapprocher de celles des matériaux traditionnels de la région, soit de teinte brun-rouge, nuancé ou vieilli (...) ". 6. Il ressort des pièces du dossier, spécialement de la notice descriptive du projet architectural, du document graphique d'intégration au site du projet et du plan de toiture, que la couverture du toit de la maison projetée doit être constituée de tuiles en terre cuite plates de couleur " rouge flammé ". Contrairement à ce que soutient M. E..., cette teinte se rapproche de la teinte traditionnelle brun-rouge et peut même être regardée comme en constituant une nuance. Elle entre ainsi dans les préconisations de l'article UB 11 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Saône. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions en cause ne peut qu'être écarté. 7. En troisième lieu, aux termes de l'article UB 10 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Saône : " (...) 1- Hauteur par rapport à la largeur des voies / La distance horizontale de tout point d'un bâtiment au point le plus proche de l'alignement opposé, doit être au moins égale à la différence de niveau entre ces deux points (H = L), le bâtiment devant ensuite s'incorporer à l'intérieur d'un angle de 45°. / S'il existe l'obligation de construire en retrait de l'alignement, la limite de ce retrait se substitue à l'alignement. Dans le cas des voies privées, la limite effective de la voie privée se substitue à l'alignement. / 2- Limitation absolue de la hauteur des constructions / La hauteur des constructions mesurée au faîte du toit ne peut excéder 12 mètres. / (...) ". 8. M. E... fait valoir que, en méconnaissance de l'article UB 10 du règlement du plan local d'urbanisme, le garage de M. et Mme C..., qui doit être implanté en limite de propriété, ne s'incorpore pas, compte tenu de sa hauteur, à l'intérieur d'un angle de 45°. Toutefois, il résulte des dispositions en cause qu'une telle obligation vise à réglementer la hauteur des constructions par rapport à l'alignement sur la voie publique et non par rapport aux limites séparatives entre les propriétés. Par suite et alors que, en tout état de cause, la hauteur des constructions projetées, mesurée au faîte du toit, n'excède pas douze mètres et que l'alignement de la rue du Bouleau se trouve, au plus près, à une distance de 13,15 mètres du garage, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article UB 10 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Saône ne peut qu'être écarté. 9. En quatrième et dernier lieu, aux termes, d'une part, de l'article UB 7 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Saône : " La distance comptée horizontalement de tout point de ce bâtiment au point de la limite parcellaire qui en est le plus rapproché doit être au moins égale à la moitié de la différence d'altitude entre ces deux points, sans pouvoir être inférieure à quatre mètres. / (...) / Toutefois, une implantation en limite séparative peut être acceptée dans les cas suivants : - La construction d'un bâtiment dont la hauteur à l'égout du toit en limite séparative ne dépasse pas quatre mètres. Dans la bande de recul de quatre mètres, cette construction est obligatoirement couverte d'un toit dont la pente, au maximum de 45°, est perpendiculaire à la limite séparative. / (...) ". 10. Aux termes, d'autre part, du premier alinéa de l'article R. 600-5 du code de l'urbanisme : " Par dérogation à l'article R. 611-7-1 du code de justice administrative, et sans préjudice de l'application de l'article R. 613-1 du même code, lorsque la juridiction est saisie d'une requête relative à une décision d'occupation ou d'utilisation du sol régie par le présent code, ou d'une demande tendant à l'annulation ou à la réformation d'une décision juridictionnelle concernant une telle décision, les parties ne peuvent plus invoquer de moyens nouveaux passé un délai de deux mois à compter de la communication aux parties du premier mémoire en défense. Cette communication s'effectue dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article R. 611-3 du code de justice administrative. ". 11. Les dispositions de l'article R. 600-5 du code de l'urbanisme, prises dans l'objectif de bonne administration de la justice et de respect du droit à un délai raisonnable de jugement des recours en matière d'urbanisme, limitent le délai ouvert aux parties pour invoquer des moyens nouveaux à deux mois suivant la communication, conformément aux dispositions de l'article R. 611-3 du code de justice administrative, du premier mémoire en défense produit dans l'instance par l'un quelconque des défendeurs. Si un moyen nouveau présenté après l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la communication aux parties du premier mémoire en défense est, en principe, irrecevable, il est toujours loisible au président de la formation de jugement de fixer une nouvelle date de cristallisation des moyens s'il estime que les circonstances de l'affaire le justifient. Il doit y procéder dans le cas particulier où le moyen est fondé sur une circonstance de fait ou un élément de droit dont la partie concernée n'était pas en mesure de faire état avant l'expiration du délai de deux mois à compter de la communication aux parties du premier mémoire en défense et est susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire. 12. Contrairement à ce que soutient M. E..., le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article UB 7 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Saône, invoqué pour la première fois dans un mémoire complémentaire enregistré le 11 janvier 2022, constitue un moyen nouveau, qui est distinct de celui tiré de la méconnaissance de l'article UB 10 du même règlement. Il ressort des pièces du dossier que le premier mémoire en défense, produit dans l'instance par M. et Mme C..., a été communiqué, conformément aux dispositions de l'article R. 611-3 du code de justice administrative, le 4 novembre 2021. Alors que M. E... n'établit, ni même n'allègue, que son moyen serait fondé sur une circonstance de fait ou un élément de droit dont il n'était pas en mesure de faire état avant l'expiration du délai de deux mois à compter de la communication aux parties de ce premier mémoire en défense, ce moyen, invoqué postérieurement à la cristallisation des moyens prévue par les dispositions du premier alinéa de l'article R. 600-5 du code de l'urbanisme, est irrecevable et il ne peut, par suite, qu'être écarté. 13. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du maire de Saône du 29 mai 2019 et de la décision du 28 août 2019 portant rejet de son recours gracieux, ni à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande. Sur les frais de justice : 14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Saône, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme réclamée par M. E... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du requérant le versement à la commune de Saône d'une somme de 1 000 euros et à M. et Mme C... le versement d'une somme d'un même montant sur le fondement de ces dispositions. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. E... est rejetée. Article 2 : M. E... versera à la commune de Saône une somme de 1 000 euros et à M. et Mme C... une somme d'un montant identique en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E..., à la commune de Saône, à M. B... C... et à Mme D... C.... Délibéré après l'audience du 17 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Wurtz, président, - Mme Bauer, présidente-assesseure, - M. Meisse, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2023. Le rapporteur, Signé : E. MEISSELe président, Signé : Ch. WURTZ Le greffier, Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au préfet du Doubs, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, Le greffier : F. LORRAIN N° 21NC01162 2 |
CETATEXT000048424329 | J5_L_2023_11_00021NC02461 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424329.xml | Texte | CAA de NANCY, 1ère chambre, 16/11/2023, 21NC02461, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de NANCY | 21NC02461 | 1ère chambre | plein contentieux | C | M. WALLERICH | MAILLARD-SALIN | M. Jean-Baptiste SIBILEAU | Mme ANTONIAZZI | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La SCI Les Iles 2 a demandé au tribunal administratif de Besançon de condamner la commune de Chalezeule à lui verser une somme de 26 074,78 euros assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation de ces intérêts. Par un jugement n° 2000109 du 8 juillet 2021, le tribunal administratif de Besançon a condamné la commune de Chalezeule à verser à la SCI Les Iles 2 une somme de 19 413,73 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 7 octobre 2019 et capitalisation des intérêts au 7 octobre 2020. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 7 septembre 2021 et un mémoire complémentaire enregistré le 27 janvier 2023, la commune de Chalezeule représentée par Me Landbeck, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Besançon du 8 juillet 2021 ; 2°) de rejeter la demande présentée par la SCI Les Iles 2 devant le tribunal administratif de Besançon ; 3°) de mettre à la charge de la SCI Les Iles 2 une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la demande de la SCI Les Iles 2 était irrecevable dès lors que l'action en répétition présentée par la SCI Les Iles 2 sur le fondement de l'article L. 332-30 du code de l'urbanisme est mal dirigée car la commune n'est pas bénéficiaire de participations indues ; - elle n'est tenue à la réparation d'aucun préjudice qui trouverait, s'il était avéré, en réalité son origine dans les agissements d'Enedis, gestionnaire du réseau public de distribution d'électricité et que les équipements en cause ne sont pas des équipements publics. Par un mémoire en défense, enregistré le 2 septembre 2022, la SCI Les Iles 2, représentée par Me Maillard-Salin, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la commune de Chalezeule au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que les moyens soulevés par la commune de Chalezeule ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'urbanisme - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Sibileau, premier conseiller, - et les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. La société civile immobilière (SCI) Les Iles 2 a présenté une demande de permis d'aménager en vue de la création d'un lotissement situé sur le territoire de la commune de Chalezeule. Par un arrêté du 11 août 2017, le maire de cette commune a accordé le permis d'aménager sollicité. Le 30 octobre 2018, la société Enedis, chargée de la réalisation de l'extension du réseau public, a émis, à destination de la SCI Les Iles 2, une facture d'un montant total de 26 074,78 euros, que la société pétitionnaire a acquitté. La SCI Les Iles 2 a demandé à la commune de Chalezeule de prendre en charge cette somme. Par une décision du 18 novembre 2019, le maire de Chalezeule a rejeté cette demande. Par un jugement n° 2000109 du 8 juillet 2021 dont la commune de Chalezeule demande l'annulation, le tribunal administratif de Besançon a condamné la collectivité territoriale à payer à la SCI Les Iles 2 une somme de 19 413,73 euros. Sur le bien-fondé du jugement : 2. Aux termes de l'article L. 332-6 du code de l'urbanisme : " Les bénéficiaires d'autorisations de construire ne peuvent être tenus que des obligations suivantes : (...) 3° la réalisation des équipements propres mentionnés à l'article L. 332-15 (...) ". Aux termes de l'article L. 332-15 du même code : " L'autorité qui délivre l'autorisation de construire, d'aménager, ou de lotir exige, en tant que de besoin, du bénéficiaire de celle-ci la réalisation et le financement de tous travaux nécessaires à la viabilité et à l'équipement de la construction, du terrain aménagé ou du lotissement, notamment en ce qui concerne la voirie, l'alimentation en eau, gaz et électricité, les réseaux de télécommunication, l'évacuation et le traitement des eaux et matières usées, l'éclairage, les aires de stationnement, les espaces collectifs, les aires de jeux et les espaces plantés ". Il résulte de ces dispositions que seul peut être mis à la charge du bénéficiaire d'une autorisation d'urbanisme le coût des équipements propres à son projet. Dès lors que des équipements excèdent, par leurs caractéristiques et leurs dimensions, les seuls besoins constatés et simultanés d'un ou, le cas échéant, plusieurs projets de construction et ne peuvent, par suite, être regardés comme des équipements propres au sens de l'article L. 332-15 précité, leur coût ne peut être, même pour partie, supporté par le titulaire de l'autorisation. Il en va de même pour les équipements que la collectivité publique prévoit, notamment dans le document d'urbanisme, d'affecter à des besoins excédant ceux du projet de construction. Aux termes de l'article L. 332-30 code de l'urbanisme : " Les taxes et contributions de toute nature qui sont obtenues ou imposées en violation des dispositions des articles L. 311-4 et L. 332-6 sont réputées sans cause ; les sommes versées ou celles qui correspondent au coût de prestations fournies sont sujettes à répétition. L'action en répétition se prescrit par cinq ans à compter du dernier versement ou de l'obtention des prestations indûment exigées (...) ". 3. Il résulte de l'instruction que pour condamner la commune de Chalezeule à verser à la SCI Les Iles 2 une somme de 19 413,73 euros, le tribunal administratif de Besançon a estimé que la pétitionnaire devait être regardée comme exerçant non pas l'action en répétition prévue par les dispositions précitées mais une action récursoire dirigée contre la personne qu'elle estime être la véritable débitrice de la somme mise à sa charge par la société Enedis. Ce faisant, les premiers juges ont méconnu la combinaison des dispositions précitées dès lors que la voie de l'action en répétition était ouverte à la SCI Les Iles 2 dans les circonstances de l'espèce. Par suite, la commune de Chalezeule est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Besançon a admis une action récursoire dirigée contre elle et l'a condamnée à payer une somme de 19 413,73 euros à la SCI Les Iles 2. 4. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la SCI Les Iles 2 à l'appui de ses conclusions tendant à la condamnation de la commune de Chalezeule. Sur la recevabilité de la demande de première instance : 5. L'action en répétition des contributions aux dépenses d'équipements publics prévue à l'article L. 332-6 du code de l'urbanisme s'exerce à l'encontre de la personne bénéficiaire de ces contributions, qu'elles aient été réalisées sous la forme de participations financières ou de réalisation de travaux. La circonstance que les travaux ont été prescrits non par la commune mais par un tiers est sans incidence sur le bien-fondé de cette action en répétition. Par conséquent, la commune de Chalezeule ne peut utilement se prévaloir au stade de la recevabilité de la demande de première instance de ce que l'action en répétition serait mal dirigée. Sur la responsabilité de la commune de Chalezeule : 6. Il résulte de l'instruction et notamment de la facture émise par Enedis que la fourniture et la pose d'un poste PAC 4 UF 630 kVA et la fourniture d'un transformateur ont été mis à la charge de la SCI Les Iles 2 pour des montants respectifs de 12 528 euros et de 3 650,11 euros hors taxes, soit un montant total de 19 413,73 euros toutes taxes comprises. Or, ce transformateur a été implanté sur une parcelle appartenant à la commune et porte sur une puissance de raccordement de 630 kVA alors que le lotissement réalisé par la société SCI Les Iles 2 ne nécessite qu'une puissance de raccordement globale de 48 kVA triphasé. En outre, la société produit un échange de mail entre Enedis, la commune et un administré, résidant à proximité du futur lotissement, révélant que l'installation du nouveau poste de transformation, compte tenu de sa puissance, permettra de raccorder une partie des habitations situées dans cette rue afin de mettre fin aux difficultés du réseau basse tension. Il résulte de ce qui précède que le transformateur en cause excède par ses caractéristiques les seuls besoins constatés du lotissement construit par la SCI Les Iles 2 et ne peut ainsi être regardé comme un équipement propre au sens de l'article L. 332-15 du code de l'urbanisme cité au point 2 ci-dessus. Son coût ne peut en conséquence, même pour partie, être supporté par cette dernière. 7. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Chalezeule n'est pas fondée à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon l'a condamnée à verser une somme de 19 413,73 euros à la SCI Les Iles 2. Sur les frais d'instance : 8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SCI Les Iles 2, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune de Chalezeule demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la commune de Chalezeule une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SCI Les Iles 2 et non compris dans les dépens. D E C I D E : Article 1er : La requête de la commune de Chalezeule est rejetée. Article 2 : La commune de Chalezeule versera à la SCI Les Iles 2 la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Chalezeule et à la SCI Les Iles 2. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Wallerich, président de chambre, - M. Sibileau, premier conseiller, - Mme Barrois, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. Le rapporteur, Signé : J.-B. SibileauLe président, Signé : M. Wallerich La greffière, Signé : S. Robinet La République mande et ordonne au préfet du Doubs en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, S. Robinet 2 N° 21NC02461 |
CETATEXT000048424330 | J5_L_2023_11_00021NC02588 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424330.xml | Texte | CAA de NANCY, 1ère chambre, 16/11/2023, 21NC02588, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de NANCY | 21NC02588 | 1ère chambre | excès de pouvoir | C | M. WALLERICH | CAYLA DESTREM | M. Jean-Baptiste SIBILEAU | Mme ANTONIAZZI | Vu la procédure suivante : Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 28 septembre 2021 et un mémoire complémentaire enregistré le 7 juin 2023, la société Terra Nobilis 2, représentée par Me Cayla Destrem, demande à la cour : 1°) d'annuler l'arrêté du 28 juillet 2021 par lequel le maire de Mont-Saint-Martin a refusé de lui délivrer un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale ; 2°) de mettre à la charge de la commune de Mont-Saint-Martin une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ; - il n'est pas établi que les membres de la Commission nationale d'aménagement commercial aient été convoqués à la séance de cette commission conformément aux exigences de l'article R. 752-35 du code du commerce ; - la Commission nationale d'aménagement commercial a porté une appréciation erronée sur l'impact du projet de la société pétitionnaire au regard des objectifs visés par l'article L. 752-6 du code du commerce, s'agissant de la compatibilité du projet avec le schéma de cohérence territoriale Nord Meurthe-et-Mosellan, de la revitalisation du tissu commercial de centre-ville, de l'imperméabilisation des sols et de la desserte du projet par les modes de déplacement doux. Par un mémoire en défense, enregistré le 5 avril 2022, la Commission nationale d'aménagement commercial conclut au rejet de la requête de la société Terra Nobilis 2. Elle fait valoir que les moyens soulevés par la société Terra Nobilis 2 ne sont pas fondés. Par une intervention, enregistrée le 8 avril 2022, la commune de Longwy, représentée par Me Pareydt, demande que la cour rejette la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir d'une part que la requête est irrecevable en raison de l'absence d'intérêt à agir de la société Terra Nobilis contre le refus de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale opposé à la société Terra Nobilis 2 et d'autre part que les moyens soulevés par la société Terra Nobilis ne sont pas fondés. Par une intervention, enregistrée le 8 avril 2022, M. A... B..., représenté par Me Pareydt, demande que la cour rejette la requête de la société Terra Nobilis 2 et mette à la charge de cette dernière une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir d'une part que la requête est irrecevable en raison de l'absence d'intérêt à agir de la société Terra Nobilis contre le refus de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale opposé à la société Terra Nobilis 2 et d'autre part que les moyens soulevés par la société Terra Nobilis ne sont pas fondés. Par une intervention, enregistrée le 8 avril 2022, la société Céline Chaussures, représentée par Me Pareydt, demande que la cour rejette la requête de la société Terra Nobilis 2 et mette à la charge de cette dernière une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir d'une part que la requête est irrecevable en raison de l'absence d'intérêt à agir de la société Terra Nobilis contre le refus de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale opposé à la société Terra Nobilis 2 et d'autre part que les moyens soulevés par la société Terra Nobilis ne sont pas fondés. Un mémoire complémentaire présenté le 21 juin 2023 pour la commune de Longwy a été reçu et non communiqué. Par une ordonnance du 8 juin 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 22 juin 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de commerce ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Sibileau, premier conseiller, - les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique, - et les observations de Me Bourcellier, pour la Société Céline Chaussures, pour M. A... B... et pour la commune de Longwy. Considérant ce qui suit : 1. Le 7 décembre 2020, la société Terra Nobilis 2 a sollicité du maire de Mont-Saint-Martin la délivrance d'un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale en vue de la création d'un ensemble commercial de 5 987,14 mètres carrés de surface de vente composé de cinq cellules de plus de 300 mètres carrés et deux cellules de moins de 300 mètres carrés. Le 9 mars 2021, la commission départementale d'aménagement commercial (CDAC) de Meurthe-et-Moselle a émis un avis favorable à ce projet. Sur le recours des sociétés Brico Dépôt et Céline Chaussures, de M. A... B... et de la commune de Longwy, la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) a au contraire émis, le 10 juin 2021, un avis défavorable, lequel s'est substitué à l'avis de la commission départementale. La société Terra Nobilis 2 demande l'annulation de l'arrêté du 28 juillet 2021 du maire de Mont-Saint-Martin refusant la délivrance du permis de construire en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale. Sur la recevabilité de la requête : 2. Il ressort des pièces du dossier que le recours dont est saisi la cour doit être vu comme introduit pour le compte de la société Terra Nobilis 2 et non pour le compte de la société Terra Nobilis, malgré une regrettable erreur de plume entachant la requête. Par suite, la fin de non-recevoir tirée de l'absence d'intérêt de la requérante à demander l'annulation de l'arrêté du 28 juillet 2021 doit être rejetée. Sur la légalité de l'arrêté du 28 juillet 2021 : En ce qui concerne l'insuffisante motivation de l'arrêté du 28 juillet 2021 : 3. Aux termes de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme : " Lorsque la décision rejette la demande ou s'oppose à la déclaration préalable, elle doit être motivée. / Cette motivation doit indiquer l'intégralité des motifs justifiant la décision de rejet ou d'opposition, notamment l'ensemble des absences de conformité des travaux aux dispositions législatives et réglementaires mentionnées à l'article L. 421-6. / Il en est de même lorsqu'elle est assortie de prescriptions, oppose un sursis à statuer ou comporte une dérogation ou une adaptation mineure aux règles d'urbanisme applicables ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 600-1-4 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'il est saisi par une personne mentionnée à l'article L. 752-17 du code de commerce d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis de construire mentionné à l'article L. 425-4 du présent code, le juge administratif ne peut être saisi de conclusions tendant à l'annulation de ce permis qu'en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale. Les moyens relatifs à la régularité de ce permis en tant qu'il vaut autorisation de construire sont irrecevables à l'appui de telles conclusions ". Aux termes de l'article R. 425-22-1 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet a été soumis pour avis à la commission départementale d'aménagement commercial en application de l'article L. 752-4 du code de commerce, le permis de construire ne peut être délivré en cas d'avis défavorable de la commission départementale d'aménagement commercial ou, le cas échéant, de la Commission nationale d'aménagement commercial ". 4. Il résulte de la combinaison des dispositions précitées non seulement que le maire de Mont-Saint-Martin était tenu de refuser le permis de construire sollicité dès lors que la CNAC avait émis un avis défavorable, mais également que la société Terra Nobilis 2 ne peut utilement se prévaloir à l'appui de ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 28 juillet 2021 en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale de la méconnaissance de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme qui constitue un moyen tiré de la régularité du permis en tant qu'il vaut autorisation de construire au sens de l'article L. 600-1-4 précité. En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 752-35 du code de commerce : 5. Aux termes de l'article R. 732-35 du code de commerce : " La commission nationale se réunit sur convocation de son président. / Cinq jours au moins avant la réunion, chacun des membres reçoit, par tout moyen, l'ordre du jour ainsi que, pour chaque dossier : / 1° L'avis ou la décision de la commission départementale ; / 2° Le procès-verbal de la réunion de la commission départementale ; / 3° Le rapport des services instructeurs départementaux ; / 4° Le ou les recours à l'encontre de l'avis ou de la décision ; / 5° Le rapport du service instructeur de la commission nationale ". Aux termes de l'aliéna deuxième de l'article 12 du règlement intérieur de la CNAC : " Le jour de la séance, le secrétariat met à disposition de chacun des membres une tablette sur laquelle peuvent être consultées les pièces des dossiers. " Les pièces sont présentées selon une charte de nommage définie par le service instructeur et approuvée par le bureau de la commission ". 6. Il ressort des pièces du dossier que la CNAC, malgré une mesure d'instruction ordonnée par la cour, n'établit pas que ses membres aient été régulièrement convoqués à l'occasion de la réunion qui s'est tenue le 10 juin 2021. Toutefois, dès lors que l'information adéquate de l'ensemble des membres de la CNAC, afin qu'ils puissent exercer utilement leur mandat, constitue, en principe, une garantie pour les seuls intéressés, la société Terra Nobilis 2 n'est pas fondée à soutenir avoir été privée d'une garantie, dès lors qu'il ressort des pièces du dossier et notamment du compte-rendu de la réunion du 10 juin 2021 que le maire de Longwy, la société Céline Chaussures, la communauté d'agglomération de Longwy, l'association des commerçants de Longwy mais également la société pétitionnaire ont pu présenter leurs observations à la commission nationale dont les membres ont rejeté la demande de la société Terra Nobilis 2 à l'unanimité. Il n'est pas non plus allégué que les membres de la commission n'aient pas eu accès, comme le prévoit l'article 12 du règlement intérieur précité, à l'ensemble des pièces du dossier afin d'assurer leur complète information. De surcroît, la société Terra Nobilis 2 n'établit ni même n'allègue que l'irrégularité de la convocation des membres de la CNAC ait eu une influence sur le sens de la délibération de la commission puis de l'arrêté attaqué. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions citées au point 5 ci-dessus ne peut qu'être écarté. En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 752-6 du code de commerce : 7. Aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce dans sa rédaction applicable au litige : " I. - L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale ou, le cas échéant, avec les orientations d'aménagement et de programmation des plans locaux d'urbanisme intercommunaux comportant les dispositions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 151-6 du code de l'urbanisme. / La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : / 1° En matière d'aménagement du territoire : / a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; / (...) / d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; / e) La contribution du projet à la préservation ou à la revitalisation du tissu commercial du centre-ville de la commune d'implantation, des communes limitrophes et de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune d'implantation est membre ; / (...) 2° En matière de développement durable : / a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique et des émissions de gaz à effet de serre par anticipation du bilan prévu aux 1° et 2° du I de l'article L. 229-25 du code de l'environnement, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; (...) ". S'agissant de l'incompatibilité du projet avec le document d'orientation et d'objectifs du schéma de cohérence territoriale Nord meurthe-et-mosellan : 8. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial non de vérifier la conformité des projets d'exploitation commerciale qui leur sont soumis aux énonciations des schémas de cohérence territoriale, mais d'apprécier la compatibilité de ces projets avec les orientations générales et les objectifs qu'ils définissent. 9. Il ressort du dossier que le document d'orientation et d'objectifs du schéma de cohérence territoriale Nord meurthe-et-mosellan a pour objectif de renforcer la position de la zone d'aménagement commercial dans laquelle est situé le projet en " permettant l'accueil de nouvelles activités commerciales et de conforter celles qui existent sur la zone. L'enjeu principal est d'attirer de nouvelles enseignes et des concepts commerciaux originaux afin d'affirmer le rayonnement transfrontalier " de cette zone. Pour rejeter la demande d'autorisation d'exploitation commerciale, la CNAC s'est fondée sur la circonstance que selon elle, le projet était " partiellement incompatible " avec le document d'orientation et d'objectifs car il ne présente pas un concept original et qu'il ne proposera que des enseignes qu'elle qualifie de très classique, sans apport spécifique et qui ne feront qu'accentuer la concurrence entre les enseignes déjà existantes. Toutefois, il ressort également des pièces du dossier que le projet permettra de renforcer la position du pôle commercial existant et son attractivité dans ce secteur frontalier alors que les enseignes doivent être validées par les élus de la communauté d'agglomération. Dans ces circonstances la requérante est fondée à soutenir que le projet est compatible avec les orientations générales et ces objectifs du schéma de cohérence territoriale. S'agissant de la contribution du projet à la préservation et à la revitalisation du tissu commercial : 10. Les dispositions du e) du 1° du I de l'article L. 752-6 du code de commerce, relatives à l'effet du projet sur la préservation ou la revitalisation du tissu commercial de certains centres-villes, se bornent à prévoir un critère supplémentaire pour l'appréciation globale des effets du projet sur l'aménagement du territoire, et notamment sur le rééquilibrage des agglomérations par le développement des activités en centre-ville. En particulier, elles ne subordonnent pas la délivrance de l'autorisation à l'absence de toute incidence négative sur le tissu commercial des centres-villes mentionnés par ces dispositions. 11. Si la CNAC a estimé que le projet, qui prendra place au sein d'un pôle périphérique, n'est pas compatible avec les différentes actions menées avec l'Etat, en faveur des commerces de centre-ville, cette seule circonstance à la supposer exacte n'est pas de nature à justifier la décision attaquée. Par suite, la société Terra Nobilis 2 est fondée à soutenir que l'arrêté du 28 juillet 2021 est entaché d'une inexacte application des dispositions susvisées. S'agissant de la qualité environnementale du projet : 12. Il ressort des pièces du dossier que la CNAC a estimé que le projet impactera fortement l'environnement en relevant qu'il génèrera une imperméabilisation supplémentaire des sols et que le taux de perméabilité du site passera de 68 % à 32 %, même en comptabilisant la toiture végétalisée. Si la société Terra Nobilis 2 soutient que l'avis de la commission nationale repose sur des faits matériellement inexistants, elle n'assortit pas son argumentation de précisions suffisantes et n'apporte pas les éléments probants permettant de remettre en cause l'appréciation portée sur ce point par la commission. Par suite, ce moyen doit être écarté. S'agissant de l'accessibilité par les transports en commun : 13. Il ressort des pièces du dossier que la CNAC a estimé insuffisante la desserte en transport en commun dès lors que le site du projet ne sera desservi par un bus que toutes les demi-heures. Il ressort toutefois des pièces du dossier que le centre commercial dont il s'agit est desservi par pas moins de trois lignes de bus assurant un total de 51 rotations par jour du lundi au vendredi entre 6 heures 48 et 18 heures 33. Le samedi, un nombre total de 38 rotations sera assuré entre 6 heures 46 et 19 heures 04. Par suite, la société Terra Nobilis 2 est fondée à soutenir que la CNAC a fait, dans les circonstances de l'espèce, une inexacte application du d) du 1° du I de l'article L. 752-6 du code de commerce en retenant une insuffisante accessibilité du site par les transports en commun. En ce qui concerne la neutralisation des motifs illégaux entachant l'arrêté du 28 juillet 2021 : 14. Il résulte de ce qui précède que les motifs tirés de l'incompatibilité du projet avec le document d'orientation et d'objectifs, de la contribution du projet à la préservation et à la revitalisation du tissu commercial ainsi que de l'accessibilité par les transports en commun ne sont pas au nombre de ceux qui peuvent légalement justifier la décision attaquée. 15. Mais la CNAC s'est également fondée pour rejeter la demande de la société Terra Nobilis 2, sur deux autres motifs. 16. En premier lieu, la CNAC a estimé sans commettre d'erreur que la qualité environnementale du projet justifiait un refus de l'autorisation d'exploitation commerciale comme il a été dit au point 12 dès lors qu'il conduira à une artificialisation excessive des sols. 17. En second lieu, la CNAC a également estimé, sans que cela ne soit contesté par la requérante, que le projet méconnaissait le a du 1° du I de l'article L. 752-6 précité dès lors que le projet par sa volumétrie imposante avec trois niveaux sur un site situé en entrée du territoire français pour des clients belges ou luxembourgeois affectait fortement l'environnement et ne permettait par conséquent pas d'assurer l'intégration urbaine de l'ensemble immobilier. 18. Enfin il ressort des pièces du dossier que la CNAC aurait émis le même avis et le maire de Mont-Saint-Martin pris la même décision s'ils s'étaient fondés seulement sur ces deux motifs, ou sur l'un ou l'autre d'entre eux. 19. Il résulte de ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation présentées par la société Terra Nobilis 2 doivent être rejetées. Sur les frais d'instance : 20. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a lieu de faire droit ni aux conclusions de la société Terra Nobilis 2 présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ni à celles, en tout état de cause, de la commune de Longwy, de M. B... et de la société Céline Chaussures présentées sur le même fondement. D E C I D E : Article 1er : La requête de société Terra Nobilis 2 est rejetée. Article 2 : Les conclusions de la commune de Longwy présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Les conclusions de M. B... présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 4 : Les conclusions de la société Céline Chaussures présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Terra Nobilis 2, à la commune de Mont-Saint-Martin, à la Commission nationale d'aménagement commercial, à la société Céline Chaussures, à M. A... B... et à la commune de Longwy. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Wallerich, président de chambre, - M. Sibileau, premier conseiller, - Mme Barrois, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. Le rapporteur, Signé : J.-B. SibileauLe président, Signé : M. Wallerich La greffière, Signé : S. Robinet La République mande et ordonne au préfet de Meurthe-et-Moselle en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, S. Robinet 2 N° 21NC02588 |
CETATEXT000048424331 | J5_L_2023_11_00021NC03114 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424331.xml | Texte | CAA de NANCY, 1ère chambre, 16/11/2023, 21NC03114, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de NANCY | 21NC03114 | 1ère chambre | plein contentieux | C | M. WALLERICH | GIROUTX | Mme Marion BARROIS | Mme ANTONIAZZI | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'une part, d'annuler la décision du 31 août 2018 par laquelle le directeur du centre hospitalier Le Secq de Crepy de Boulay a mis fin à ses engagements de manière anticipée et, d'autre part, de condamner le centre hospitalier à lui verser la somme de 33 390 euros en réparation de son préjudice. Par un jugement n° 1907465 du 5 octobre 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a partiellement fait droit à ces demandes en annulant la décision du 31 août 2018, mais en rejetant ses conclusions indemnitaires. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 4 décembre 2021 et le 13 juin 2023, M. A..., représenté par Me Muller-Pistré, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du 5 octobre 2021 en tant qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires ; 2°) de faire application de la clause pénale prévue au contrat d'entremise ; 3°) de condamner le centre hospitalier à lui verser une somme de 33 390 euros au titre de la réparation de son préjudice ou, subsidiairement, à lui verser une somme de 29 150 euros ; 4°) de condamner le centre hospitalier à lui verser une somme de 5 000 euros au titre de la réparation de son préjudice moral ; 5°) de rejeter les conclusions d'appel incident du centre hospitalier de Boulay ; 6°) de mettre à la charge du centre hospitalier le versement d'une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, s'agissant des frais exposés en première instance ; 7°) de mettre à la charge du centre hospitalier le versement d'une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, s'agissant des frais exposés à hauteur d'appel, ainsi que les dépens. Il soutient que : - le tribunal administratif a estimé à juste titre que la décision du 31 août 2018 est entachée de vices de forme et de procédure et notamment d'incompétence toutefois, l'examen de la légalité interne de la décision du 31 août 2018 est surabondant et inopérant ; - le tribunal administratif a entaché son jugement d'une erreur sur la qualification juridique des faits en estimant que les faits du 23 août 2018 constituaient une faute de nature à justifier le prononcé d'une sanction disciplinaire ; - la décision du 31 août 2018 est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; - le tribunal a commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant qu'aucune indemnisation ne lui était due et en refusant de faire application de la clause pénale ; - le moyen tiré de ce que la rupture anticipée du contrat ne constituerait pas un licenciement est inopérant et mal-fondé ; - le moyen tiré de ce que le licenciement ne constituerait pas une sanction disciplinaire disproportionnée n'est pas fondé. Par un mémoire en défense, enregistré le 15 juin 2022, le centre hospitalier Le Secq de Crepy de Boulay, représenté par Me Lesné, demande à la cour : 1°) de rejeter la requête ; 2°) de mettre à la charge de M. A... le versement d'une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - c'est à tort que le tribunal a qualifié de licenciement la rupture du contrat et a retenu sa responsabilité pour faute ; - c'est à tort que les premiers juges ont retenu le caractère disproportionné de la sanction disciplinaire ; - les conclusions indemnitaires de l'appelant tendant à la réparation de son préjudice moral sont irrecevables ; - les conclusions indemnitaires tendant à la réparation de son préjudice matériel sont mal-fondées ; - la juridiction administrative n'est pas compétente pour se prononcer sur l'application de la clause pénale. Par une ordonnance du 24 juillet 2023 la clôture d'instruction a été fixée au 16 août 2023. Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que le jugement était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions à fin d'indemnisation du préjudice moral présentées par M. A... dès lors qu'elles sont présentées pour la première fois en appel et que le montant, cumulé avec celui demandé au titre de l'indemnisation du préjudice matériel dépasse le montant total de l'indemnité chiffrée en première instance. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de la santé publique ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - le décret n° 91-155 du 6 février 1991 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de la fonction publique hospitalière ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Barrois, première conseillère, - et les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B... A..., docteur en médecine, a été recruté le 16 avril 2018 en sa qualité de médecin praticien hospitalier pour effectuer un remplacement au service de médecine du centre hospitalier Le Secq de Crepy de Boulay du 16 avril 2018 au 1er juin 2018. Son contrat à durée déterminée a été renouvelé à plusieurs reprises, dont trois fois le 4 juillet 2018, pour les mois de septembre et octobre et pour le 1er et 2 novembre 2018. Néanmoins, le 31 août 2018, les contrats signés par anticipation ont été annulés. Par un courrier du 4 juin 2019, M. A... a présenté une demande indemnitaire préalable au centre hospitalier. M. A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, d'une part, l'annulation de la décision du 31 août 2018 et, d'autre part, la condamnation du centre hospitalier au versement d'une somme de 33 390 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi. Par un jugement du 5 octobre 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a partiellement fait droit à cette demande, en annulant la décision contestée, mais en rejetant ses conclusions indemnitaires. M. A... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions à fin d'indemnisation. Sur la responsabilité du centre hospitalier Le Secq de Crepy de Boulay : 2. En vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre. Sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité. Pour apprécier à ce titre l'existence d'un lien de causalité entre les préjudices subis par l'agent et l'illégalité commise par l'administration, le juge peut rechercher si, compte tenu des fautes commises par l'agent et de la nature de l'illégalité entachant la sanction, la même sanction, ou une sanction emportant les mêmes effets, aurait pu être légalement prise par l'administration. Le juge n'est, en revanche, jamais tenu, pour apprécier l'existence ou l'étendue des préjudices qui présentent un lien direct de causalité avec l'illégalité de la sanction, de rechercher la sanction qui aurait pu être légalement prise par l'administration. S'agissant de l'indemnisation demandée au titre du préjudice moral : 3. La personne qui a demandé en première instance la réparation des conséquences dommageables d'un fait qu'elle impute à une administration est recevable à détailler ces conséquences devant le juge d'appel, en invoquant le cas échéant des chefs de préjudice dont elle n'avait pas fait état devant les premiers juges, dès lors que ces chefs de préjudice se rattachent au même fait générateur et que ses prétentions demeurent dans la limite du montant total de l'indemnité chiffrée en première instance, augmentée le cas échéant des éléments nouveaux apparus postérieurement au jugement, sous réserve des règles qui gouvernent la recevabilité des demandes fondées sur une cause juridique nouvelle. 4. En l'espèce, M. A... a présenté pour la première fois en appel une demande d'indemnisation de son préjudice moral qu'il a chiffrée à 5 000 euros sans toutefois réduire pour autant le montant de l'indemnité sollicitée en première instance. Ainsi, ses prétentions en appel dépassant le montant total de l'indemnité chiffrée en première instance, ses conclusions tendant à l'indemnisation de son préjudice moral sont rejetées comme irrecevables. S'agissant de l'indemnisation demandée au titre du préjudice matériel : 5. En premier lieu, M. A... sollicite l'indemnisation de son préjudice matériel résultant de l'illégalité de son licenciement, à hauteur de 33 390 euros, correspondant, selon lui, aux honoraires qu'il aurait dû percevoir s'il n'avait pas été mis fin de manière prématurée à ses contrats, dès lors que contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, il n'aurait pas été repositionné sur des fonctions similaires dans un autre établissement hospitalier. Il résulte cependant de l'instruction, en particulier des bulletins de paie de ce dernier émis pour les mois de septembre à novembre 2018 que M. A... a exercé une activité équivalente dès le 3 septembre 2018 au centre hospitalier d'Avranches-Granville, puis à partir du mois d'octobre au centre hospitalier de l'agglomération montargoise et au centre hospitalier de Jonzac, sans qu'il ne soit établi, au regard des rémunérations effectivement perçues au titre de cette période, une perte de revenu par rapport aux revenus escomptés s'il avait poursuivi ses missions au centre hospitalier de Boulay jusqu'au terme de ses contrats. Dans ces conditions, M. A... ne démontre pas avoir subi un préjudice financier en lien avec l'illégalité fautive dont est entachée la rupture de son contrat de travail. 6. En second lieu, les tiers à un contrat administratif ne peuvent en principe se prévaloir des stipulations de ce contrat, à l'exception de ses clauses réglementaires. Par voie de conséquence M. A... ne peut pas utilement se prévaloir de la clause pénale figurant dans le contrat d'entremise conclu entre le centre hospitalier de Boulay et la société " Allo Medic Assistance ". 7. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses conclusions indemnitaires. Sur les frais d'instance : 8. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. A... la somme que le centre hospitalier demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. De même, les dispositions de cet article font obstacle à ce que les sommes demandées à ce titre par le M. A... soient mises à la charge du centre hospitalier. Sur les dépens : 9. La présente instance n'a donné lieu à l'exposé d'aucun dépens. Par suite, les conclusions présentées par le requérant sur le fondement des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier Le Secq de Crepy de Boulay sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au centre hospitalier Le Secq de Crepy de Boulay. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Wallerich, président de chambre, - Mme Peton, première conseillère, - Mme Barrois, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. La rapporteure, Signé : M. Barrois Le président, Signé : M. Wallerich La greffière, Signé : S. Robinet La République mande et ordonne au ministre de la Santé et de la Prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, S. Robinet N° 21NC03114 2 |
CETATEXT000048424332 | J5_L_2023_11_00022NC00849 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424332.xml | Texte | CAA de NANCY, 1ère chambre, 16/11/2023, 22NC00849, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de NANCY | 22NC00849 | 1ère chambre | excès de pouvoir | C | M. WALLERICH | SELARL SOLER-COUTEAUX ET ASSOCIES | M. Jean-Baptiste SIBILEAU | Mme ANTONIAZZI | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. AW... X... et Mme AV... J..., M. M... F..., Mme AO... AN..., M. G... O..., M. AG... R..., Mme AS... W... épouse R..., M. AR... AB..., Mme AL... Z... épouse AB..., M. I... H..., Mme U... B... épouse H..., M. C... AC..., Mme AF... V... épouse AC..., M. AI... AB..., M. A... AB..., M. AX... H..., M. AG... AE..., M. AA... AM..., Mme AK... AH... épouse AM..., M. AT... AB..., M. S... D..., M. AT... AJ..., M. K... P..., Mme L... AU... épouse P..., M. AG... Q..., M. E... N..., M. AW... T..., Mme AS... AQ..., désignée comme représentante unique, Mme AY... D... épouse de M. AD... Y... et l'association " Sauvegarde Faune Sauvage " ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la délibération du 17 décembre 2019 par laquelle le conseil municipal de Battenheim a approuvé la révision du plan local d'urbanisme communal. Par un jugement n° 2001668 du 3 février 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 4 avril 2022 et un mémoire complémentaire enregistré le 3 novembre 2022, Mme AO... AN..., M. G... O..., M. AI... AB..., M. A... AB..., M. AT... AB..., M. AW... T..., Mme AS... AQ... et l'association " Sauvegarde Faune Sauvage ", représentés par Me Maillard, demandent à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 3 février 2022 ; 2°) d'annuler la délibération du 17 décembre 2019 par laquelle le conseil municipal de Battenheim a approuvé la révision du plan local d'urbanisme communal ; 3°) de condamner la commune de Battenheim à leur verser la somme de 2 000 euros que le tribunal administratif de Strasbourg a mis à leur charge sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative dans le jugement attaqué ; 4°) de mettre à la charge de la commune une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que : - la délibération du 17 décembre 2019 est incompatible avec le schéma de cohérence territoriale de la région mulhousienne dans la mesure où le site 2 identifié par le plan local d'urbanisme englobe bien un espace naturel sensible, les accès au site ne sont que des amorces, la commune n'a pas vocation à faire de la spéculation immobilière et la superficie du site 2 est de 3,6 hectares alors que le schéma de cohérence territoriale de la région mulhousienne alloue 3 hectares à la commune de Battenheim et que la révision du plan local d'urbanisme n'a pas pris en compte l'intégralité des remarques formulées par le préfet du Haut-Rhin dans ses observations du 11 juin 2019 ; - le classement des zones 1AU1 et 1AU2 est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors d'une part que ce classement est incompatible avec la nature de ces zones et, d'autre part, que ce classement est motivé par la volonté d'élus de privilégier leurs propres intérêts ; - le classement d'anciennes zones AU en zones AC est entaché d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que, d'une part, ce choix n'est pas cohérent et qu'il est, d'autre part, motivé par la volonté d'élus de privilégier leurs propres intérêts ; - l'institution d'une orientation d'aménagement et de programmation ainsi que les règles posées dans le zone UC correspondant aux parcelles cadastrées section 22 n°s 169, 152, 99 et 160 sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation ; - la délibération du 17 décembre 2019 est entachée de détournement de pouvoir et de prise illégale d'intérêt ; - la délibération du 17 décembre 2019 est incompatible avec la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové en ce que la zone du AP... a été irrégulièrement ouverte à l'urbanisation. Par un mémoire en défense, enregistré le 8 juillet 2022, la commune de Battenheim, représentée par la SELARL Soler-Couteaux et Associes, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge des requérants sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens ne sont pas fondés. Un mémoire complémentaire présenté le 9 mai 2023 pour Mme AQ... et autres a été reçu et non communiqué. Un mémoire complémentaire présenté le 10 mai 2023 pour la commune de Battenheim a été reçu et non communiqué. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code pénal ; - le code de l'urbanisme ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Sibileau, premier conseiller, - les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique, - et les observations de Me Vilchez, pour la commune de Battenheim. Considérant ce qui suit : 1. Par une délibération du 17 décembre 2019, le conseil municipal de Battenheim a approuvé la révision du plan local d'urbanisme de la commune. Par un jugement n° 2001668 du 3 février 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté le recours pour excès de pouvoir formé contre cette décision notamment par Mme AS... AQ... Mme AO... AN..., M. G... O..., M. AI... AB..., M. A... AB..., M. AT... AB..., M. AW... T..., et l'association " Sauvegarde Faune Sauvage " (ci-après " Mme AQ... et autres "). Ces derniers interjettent appel de ce jugement. Sur la légalité de la délibération du 17 décembre 2019 : En ce qui concerne le moyen tiré de l'incompatibilité de la délibération avec le schéma de cohérence territoriale de la région mulhousienne : 2. Aux termes de l'article L. 151-1 du code de l'urbanisme dans sa rédaction alors en vigueur : " Le plan local d'urbanisme respecte les principes énoncés aux articles L. 101-1 à L. 101-3. Il est compatible avec les documents énumérés à l'article L. 131-4 et prend en compte ceux énumérés à l'article L. 131-5 ". Aux termes de l'article L. 131-4 du même code : " Les plans locaux d'urbanisme et les documents en tenant lieu ainsi que les cartes communales sont compatibles avec : 1° Les schémas de cohérence territoriale prévus à l'article L. 141-1 (...) ". 3. Pour apprécier la compatibilité d'un plan local d'urbanisme avec un schéma de cohérence territoriale, il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d'une analyse globale le conduisant à se placer à l'échelle de l'ensemble du territoire couvert en prenant en compte l'ensemble des prescriptions du document supérieur, si le plan ne contrarie pas les objectifs qu'impose le schéma, compte tenu des orientations adoptées et de leur degré de précision, sans rechercher l'adéquation du plan à chaque disposition ou objectif particulier. 4. En se bornant à soutenir que la révision du plan local d'urbanisme adopté par la délibération du 17 décembre 2019 est incompatible avec le schéma de cohérence territoriale de la région mulhousienne au motif que le site 2 identifié par le plan local d'urbanisme englobe un espace naturel sensible dont les accès ne sont qu'amorcés, Mme AQ... et autres n'assortissent pas le moyen des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé. De surcroît, si Mme AQ... et autres se plaignent que la commune se livrerait à de la spéculation immobilière, cette circonstance ne ressort pas des pièces du dossier. Par ailleurs, à supposer établie la circonstance que la superficie du site 2, désormais classé en zone AU est de 3,6 hectares alors que le schéma de cohérence territoriale de la région mulhousienne n'allouerait à la commune de Battenheim que 3 hectares d'urbanisation supplémentaire, Mme AQ... et autres n'établissent ni même n'allèguent que le plan local d'urbanisme contrarierait les objectifs du schéma par ce seul fait. Enfin, si les appelants soutiennent que la révision du plan local d'urbanisme aurait dû prendre en compte l'intégralité des remarques formulées par le préfet du Haut-Rhin dans ses observations du 11 juin 2019, ils n'assortissent pas cette argumentation des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé. En ce qui concerne le classement des parcelles 1AU1 et 1AU2 : 5. Aux termes de l'article R. 151-20 du code de l'urbanisme : " Les zones à urbaniser sont dites "zones AU". Peuvent être classés en zone à urbaniser les secteurs destinés à être ouverts à l'urbanisation. / Lorsque les voies ouvertes au public et les réseaux d'eau, d'électricité et, le cas échéant, d'assainissement existant à la périphérie immédiate d'une zone AU ont une capacité suffisante pour desservir les constructions à implanter dans l'ensemble de cette zone et que des orientations d'aménagement et de programmation et, le cas échéant, le règlement en ont défini les conditions d'aménagement et d'équipement, les constructions y sont autorisées soit lors de la réalisation d'une opération d'aménagement d'ensemble, soit au fur et à mesure de la réalisation des équipements internes à la zone prévus par les orientations d'aménagement et de programmation et, le cas échéant, le règlement. / Lorsque les voies ouvertes au public et les réseaux d'eau, d'électricité et, le cas échéant, d'assainissement existant à la périphérie immédiate d'une zone AU n'ont pas une capacité suffisante pour desservir les constructions à implanter dans l'ensemble de cette zone, son ouverture à l'urbanisation est subordonnée à une modification ou à une révision du plan local d'urbanisme comportant notamment les orientations d'aménagement et de programmation de la zone. " 6. D'une part, la délibération du 17 décembre 2019 a classé en zones 1AU1 et 1AU2 un ensemble de parcelles d'une surface totale de 3,6 hectares au lieu-dit AP.... Il ressort des pièces du dossier et notamment d'un courrier du 1er avril 2022 de l'Office français de la biodiversité du Haut-Rhin adressé à la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement Grand Est que si la zone en question présente un intérêt particulier en termes de biodiversité et qu'un risque d'inondation existe, l'Office ne s'oppose pas par principe à toute forme d'aménagement ou d'urbanisation des parcelles en cause. Par ailleurs, la commission départementale de la préservation des espaces naturels agricoles et forestiers du Haut-Rhin a émis le 17 mai 2019 un avis favorable au projet de révision du plan local d'urbanisme de Battenheim. Les quelques réserves émises à cette occasion ne concernent pas la zone du AP.... Enfin, la mission régionale d'autorité environnementale (MRAe) conclut à une absence d'incidences du projet sur les espèces et les habitats qui ont justifié le classement de sites, par ailleurs éloignés de plus de deux kilomètres, en zones Natura 2000. Dans ces conditions, le conseil municipal de Battenheim ne s'est pas livré à une appréciation manifestement erronée des circonstances de l'espèce en classant les parcelles en litige en zone 1AU1 et 1AU2. 7. D'autre part, Mme AQ... et autres ne sauraient utilement se prévaloir de la circonstance, à la supposer établie, que d'autres parcelles auraient, de manière plus opportune, pu être classées en zones 1AU1 et 1AU2. En ce qui concerne le moyen tiré de ce que le classement des zones 1AU1 et 1AU2 est entaché de détournement de pouvoir : 8. D'une part, si Mme AQ... et autres soutiennent que la délibération du 17 décembre 2019 vise à protéger les intérêts de deux conseillers municipaux qui sont propriétaires de parcelles désormais classées en zone AU, cette circonstance est insuffisante pour établir que ces deux élus auraient un intérêt distinct de celui de la commune et de la généralité de ses habitants. 9. D'autre part, Mme AQ... et autres soutiennent que le maire de la commune était motivé par sa seule volonté de privilégier l'urbanisation du site 2 afin de renflouer le budget de la commune, cette dernière étant notée 2/20 par " l'Argus des communes ".. Toutefois, la révision du plan local d'urbanisme a été approuvée par le conseil municipal et non par le seul maire de Battenheim. De surcroît, Mme AQ... et autres n'établissent par la seule production d'un article d'un site internet d'une association de contribuables ni l'état des finances de la commune qu'ils allèguent ni que l'adoption de la délibération du 17 décembre 2019 y apporte une amélioration notable. 10. Par suite, Mme AQ... et autres ne sont pas fondés à soutenir que la délibération du 17 décembre 2019 est entachée de détournement de pouvoir. En ce qui concerne le reclassement en zone AC de parcelles antérieurement situées en zone AU : 11. En premier lieu, les premiers juges n'ont pas commis d'erreur en écartant, par des motifs qu'il convient d'adopter, le moyen tiré par Mme AQ... et autres de ce que le classement en zone AC des parcelles cadastrées section 28 n° 182, 183, 177, 190 et 184 et d'une partie de la parcelle cadastrée section 28 n° 172 serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation. 12. En second lieu, si Mme AQ... et autres soutiennent que la délibération du 17 décembre 2019 sert les intérêts du premier adjoint au maire, également président de la commission d'urbanisme, en permettant la réalisation d'un hangar agricole à moindre frais, cette circonstance est insuffisante pour établir que cet élu aurait un intérêt distinct de celui de la commune et de la généralité de ses habitants. En ce qui concerne l'orientation d'aménagement et de programmation et les règles posées dans la zone UC : 13. Aux termes de l'article L. 151-2 du code de l'urbanisme : " le plan local d'urbanisme comprend : (...) 2° Un projet d'aménagement et de développement durables ; 3° Des orientations d'aménagements et de programmation (...) ". Aux termes de l'article L. 151-6 du même code : " Les orientations d'aménagement et de programmation comprennent, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables, des dispositions portant sur l'aménagement, l'habitat, les transports, les déplacements et, en zone de montagne, sur les unités touristiques nouvelles. (...). ". 14. Pour apprécier la cohérence ainsi exigée au sein du plan local d'urbanisme entre les orientations d'aménagement et de programmation et le projet d'aménagement et de développement durables, il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d'une analyse globale le conduisant à se placer à l'échelle du territoire couvert par le document d'urbanisme, si les orientations d'aménagement et de programmation ne contrarient pas les orientations générales et objectifs que les auteurs du document ont définis dans le projet d'aménagement et de développement durables, compte tenu de leur degré de précision. Par suite, l'inadéquation d'une orientation d'aménagement et de programmation du plan local d'urbanisme à une orientation ou un objectif du projet d'aménagement et de développement durables ne suffit pas nécessairement, compte tenu de l'existence d'autres orientations ou objectifs au sein de ce projet, à caractériser une incohérence entre cette orientation d'aménagement et de programmation et ce projet. 15. Contrairement à ce que soutiennent Mme AQ... et autres, on ne saurait déduire la méconnaissance des dispositions précitées des seules circonstances que la chambre d'agriculture ait considéré inopportune la création d'une orientation d'aménagement et de programmation, que le commissaire enquêteur ait émis des réserves ou de la circonstance que la délibération attaquée ne mette en place qu'une unique orientation d'aménagement et de programmation. En ce qui concerne le moyen tiré du détournement de pouvoir et de la prise illégale d'intérêt : 16. En premier lieu, le moyen tiré de ce que la délibération du 17 décembre 2019 soit entachée de détournement de pouvoir doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 8 et 12 ci-dessus. 17. En second lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 432-12 du code pénal dans sa version en vigueur le 17 décembre 2019 : " Le fait, par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public ou par une personne investie d'un mandat électif public, de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l'acte, en tout ou partie, la charge d'assurer la surveillance, l'administration, la liquidation ou le paiement, est puni de cinq ans d'emprisonnement et d'une amende de 500 000 €, dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l'infraction. ". 18. Il n'appartient pas au juge administratif, saisi dans le cadre d'un recours pour excès de pouvoir, de se prononcer sur la qualification pénale d'actes aux fins de censurer une décision administrative. Il suit de là que Mme AQ... et autres ne peuvent utilement soutenir que la délibération attaquée serait entachée de prise illégale d'intérêt. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que les conseillers municipaux mis en cause par les requérants auraient exercé une influence particulière afin que la délibération prenne en compte leur intérêt personnel. 19. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la délibération du 17 décembre 2019 par laquelle le conseil municipal de Battenheim a approuvé la révision du plan local d'urbanisme communal. Sur les conclusions à fin de condamnation de la commune de Battenheim : 20. Il résulte de ce qui précède que ne peuvent qu'être rejetées les conclusions à fin de condamnation de la commune de Battenheim présentées par les appelants. Sur les frais d'instance : 21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Battenheim, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme AQ... et autres demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de Mme AS... AQ..., Mme AO... AN..., M. G... O..., M. AI... AB..., M. A... AB..., M. AT... AB..., M. AW... T... et l'association " Sauvegarde Faune Sauvage " une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune de Battenheim et non compris dans les dépens. D E C I D E : Article 1er : La requête de Mme AQ... et autres est rejetée. Article 2 : Mme AS... AQ..., Mme AO... AN..., M. G... O..., M. AI... AB..., M. A... AB..., M. AT... AB..., M. AW... T... et l'association " Sauvegarde Faune Sauvage " verseront à la commune de Battenheim la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme AS... AQ..., représentante unique des autres requérants en application des dispositions de l'article R. 751-3 du code de justice administrative et à la commune de Battenheim. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Wallerich, président de chambre, - M. Sibileau, premier conseiller, - Mme Barrois, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. Le rapporteur, Signé : J.-B. SibileauLe président, Signé : M. WallerichLa greffière, Signé : S. Robinet La République mande et ordonne au préfet du Haut-Rhin en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, S. Robinet 2 N° 22NC00849 |
CETATEXT000048424333 | J5_L_2023_11_00022NC01992 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424333.xml | Texte | CAA de NANCY, 1ère chambre, 16/11/2023, 22NC01992, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de NANCY | 22NC01992 | 1ère chambre | excès de pouvoir | C | M. WALLERICH | CAYLA DESTREM | M. Jean-Baptiste SIBILEAU | Mme ANTONIAZZI | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La SAS Hermalaur et la SARL Centre aux Affaires ont demandé à la cour dans le dernier état de leurs écritures d'une part de donner acte du désistement de la Sarl Centre aux Affaires et d'autre part d'annuler, en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale, l'arrêté du 15 juillet 2019 par lequel le maire de la commune de Chaumont a accordé à la SCI AP Chaumont un permis de construire pour la création, sur un terrain situé rue Jules Chéret et rue Raymond Savignac, d'un ensemble commercial de 4 930 mètres carrés de surface de vente totale, composé d'un supermarché "Aldi " existant, d'une surface de vente de 900 mètres carrés, et de quatre cellules commerciales à créer ; Par un arrêt n° 19NC02785 du 8 juillet 2021, la cour administrative d'appel de Nancy a, d'une part, donné acte du désistement de la SARL Centre aux Affaires et d'autre part, rejeté les conclusions présentées de la SAS Hermalaur. Par une décision du 22 juillet 2022, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a d'une part annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 8 juillet 2021 en tant qu'il rejette la requête de la SAS Hermalaur et d'autre part renvoyé l'affaire dans cette mesure à la cour administrative d'appel de Nancy. Procédure devant la cour après cassation : Par un courrier du 26 juillet 2022, les parties ont été informées de la reprise d'instance après cassation. Par des mémoires en défense, enregistrés le 16 août 2022 et le 11 janvier 2023, la SCI AP Chaumont, représentée par Me Courrech, demande à la cour de rejeter la requête de la SAS Hermalaur et de mettre à la charge de celle-ci une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle se prévaut des mêmes moyens. Par un mémoire en défense, enregistré le 25 août 2022, la commune de Chaumont, représentée par Me Salamand, conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens. Par un mémoire, enregistré le 20 décembre 2022, la SAS Hermalaur, représentée par Me Cayla-Destrem, conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de commerce ; - le code de l'urbanisme - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Sibileau, premier conseiller, - les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique, - et les observations de Me Courrech, pour la SCI AP Chaumont. Considérant ce qui suit : 1. Le 9 juillet 2018, la société civile immobilière (SCI) AP Chaumont a déposé une demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale pour la création d'un ensemble commercial de 4 930 mètres carrés de surface de vente totale, composé d'un supermarché " Aldi " existant, d'une surface de vente de 900 mètres carrés, et de quatre cellules commerciales à créer : un magasin à l'enseigne " Action " d'une surface de vente de 1 000 mètres carrés, un magasin à l'enseigne " Gifi " d'une surface de vente de 1 680 mètres carrés, et deux cellules spécialisées dans la vente d'articles d'équipement de la personne, sans enseignes précisées, la première d'une surface de vente de 700 mètres carrés, la seconde d'une surface de vente de 650 mètres carrés. La commission départementale d'aménagement commercial de la Haute-Marne a émis le 5 novembre 2018 un avis favorable au projet. La société par actions simplifiée (SAS) Hermalaur, qui exploite un magasin à l'enseigne " La Foir'Fouille " sur le territoire de la commune de Chaumont, et la société à responsabilité limitée (SARL) Centre aux affaires ont formé un recours devant la Commission nationale d'aménagement commercial. Cette dernière a émis un avis favorable au projet lors de sa séance du 7 mars 2019, ce qui a conduit le maire de Chaumont à accorder le permis de construire sollicité par la SCI AP Chaumont, par un arrêté du 15 juillet 2019. La SAS Hermalaur et la SARL Centre Aux affaires demandent à la cour d'annuler ce permis de construire, en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale. Par un arrêt n° 1902785 du 8 juillet 2021, cette cour a donné acte du désistement de la SARL Centre aux Affaires et a rejeté au fond la requête de la SAS Hermalaur. Par une décision n° 456470 du 22 juillet 2022, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'arrêt du 8 juillet 2021 en tant qu'il rejette la requête de la SAS Hermalaur et a renvoyé l'affaire à la cour dans cette mesure. Sur la légalité de l'arrêté du 15 juillet 2019 : En ce qui concerne la régularité de la procédure suivie devant la Commission nationale d'aménagement commercial : 2. Aux termes de l'article L. 752-35 du code de commerce : " La commission nationale se réunit sur convocation de son président. / Cinq jours au moins avant la réunion, chacun des membres reçoit, par tout moyen, l'ordre du jour ainsi que, pour chaque dossier : / 1° L'avis ou la décision de la commission départementale ; / 2° Le procès-verbal de la réunion de la commission départementale ; / 3° Le rapport des services instructeurs départementaux ; / 4° Le ou les recours à l'encontre de l'avis ou de la décision ; / 5° Le rapport du service instructeur de la commission nationale. ". 3. Il ressort des pièces du dossier, notamment de l'attestation de convocation issue du dossier de la Commission nationale d'aménagement commercial, que les membres de cette commission ont été destinataires simultanément le 19 février 2019, par l'application www.e-convocations.com, d'une convocation en vue de la séance de la commission du 7 mars 2019, au cours de laquelle celle-ci a examiné le projet de la SCI AP Chaumont, soit dans le délai prévu par l'article R. 752-34 du code de commerce. Cette convocation était assortie de l'ordre du jour de cette séance et précisait que les documents visés à l'article R. 752-35 du code de commerce seraient disponibles, au moins cinq jours avant la tenue de la séance, sur la plateforme de téléchargement. Il n'est ni établi, ni même allégué que les membres de la Commission nationale d'aménagement commercial n'auraient pas été mis en mesure d'accéder par ces moyens aux documents en cause, dans le délai de cinq jours prévu par ce même article. Par suite le moyen tiré de l'irrégularité de la consultation de la Commission nationale d'aménagement commercial doit être écarté. En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 752-6 du code de commerce : 4. Dans sa rédaction applicable au litige, l'article L. 752-6 du code de commerce dispose : " I. - L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale ou, le cas échéant, avec les orientations d'aménagement et de programmation des plans locaux d'urbanisme intercommunaux comportant les dispositions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 151-6 du code de l'urbanisme. / La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : / 1° En matière d'aménagement du territoire : / a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; / b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; / c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; / d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; / 2° En matière de développement durable : / a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; / b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; / c) Les nuisances de toute nature que le projet est susceptible de générer au détriment de son environnement proche. / Les a et b du présent 2° s'appliquent également aux bâtiments existants s'agissant des projets mentionnés au 2° de l'article L. 752-1 ; / 3° En matière de protection des consommateurs : / [...] b) La contribution du projet à la revitalisation du tissu commercial, notamment par la modernisation des équipements commerciaux existants et la préservation des centres urbains ; / [...] / II.-A titre accessoire, la commission peut prendre en considération la contribution du projet en matière sociale. [...] ". 5. En application de ces dispositions, l'autorisation d'exploitation commerciale ne peut être accordée que si, eu égard à ses effets, le projet ne compromet pas la réalisation des objectifs prévus par la loi, appréciés notamment au regard de trois séries de critères liés à l'aménagement du territoire, au développement durable et à la protection des consommateurs que doivent prendre en considération les commissions départementales et la commission nationale d'aménagement commercial. A titre accessoire, elles peuvent également prendre en considération la contribution du projet en matière sociale. S'agissant de l'objectif d'aménagement du territoire : Quant à l'animation de la vie urbaine et rurale : 6. Il ressort des pièces du dossier que le projet s'implante en continuité du tissu urbain et que le terrain d'assiette se situe à proximité d'habitations et de bureaux. Il réhabilitera une friche militaire et constituera un complément aux commerces de centre-ville déjà existants. Le service instructeur de la Commission nationale d'aménagement commercial a constaté, sans que cela ne soit remis en cause par la requérante, que le projet est situé à proximité des quartiers prioritaires de la politique de la ville et concourra à un rééquilibrage de la localisation de l'offre commerciale au sud du territoire communal tout en créant une zone de " hard discount ". Il complète l'offre de services et de produits de proximité et améliore l'expérience et le confort d'achat du consommateur tout en limitant l'évasion commerciale vers Dijon et Troyes. L'offre commerciale proposée est ainsi complémentaire à celle du centre-ville de Chaumont qui souffre d'une vacance commerciale en augmentation. Quant aux flux de transports et l'accessibilité du projet par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone : 7. Il ressort des pièces du dossier, notamment de l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial du 7 mars 2019, que l'augmentation de trafic générée par le projet contesté sera minime au regard des marges de fréquentation du réseau routier environnant, et il est au demeurant constant que les services instructeurs n'ont pas émis de réserve sur l'aptitude de la voirie existante à absorber le flux de circulation supplémentaire généré par le projet litigieux. Il ne ressort des pièces du dossier, ni que les estimations de trafic auraient été minimisées et se seraient fondées sur des coefficients inadaptés, ni que le dossier de demande n'aurait pas tenu compte des deux cellules commerciales dont on ne connaît ni l'activité, ni l'enseigne. En outre, la requérante ne peut pas utilement soutenir que la SCI AP Chaumont n'a pas fait réaliser une étude de trafic, une telle étude n'étant requise, ni par les dispositions de l'article L. 752-6 du code de commerce, ni par aucune autre disposition de nature législative ou règlementaire. 8. Alors que l'étude de faisabilité d'un nouveau giratoire sur l'avenue de la République visant à desservir le quartier Foch et à améliorer l'accès au projet, réalisée à la demande de la commune par le bureau d'études Euro Infra Ingénierie, a intégré la réalisation du pôle commercial projeté et la création de 222 places de stationnement, il ne ressort pas des pièces du dossier que ce giratoire, dont le principe a été validé par les services de l'Etat, et qui absorbera un flux de 15 000 véhicules par jour et conservera une capacité de 74 %, serait particulièrement dangereux du fait d'un " conflit de flux ". 9. Il ressort des pièces du dossier que les livraisons par des poids lourds se feront en dehors des heures d'ouverture de l'établissement projeté, ce qui aura pour effet de limiter tout risque de conflit entre les poids lourds de livraison et les flux de la clientèle. A l'inverse, il ne ressort pas des pièces du dossier que les camions de livraison représenteront, le matin, un risque pour la sécurité des parents accompagnant leurs enfants à l'école, ni qu'ils engendreront des nuisances sonores le soir, dans un contexte où plus de 800 poids lourds empruntent déjà quotidiennement l'avenue de la République. 10. En outre, le site d'implantation du projet est desservi, toutes les 27 et 30 minutes, par deux lignes de bus : la ligne 2 Quellemèle - Chaumont le Bois, du réseau d'agglomération C MON BUS, et la ligne 3 Moulin Neuf. A ce titre, les services instructeurs ont d'ailleurs relevé la bonne desserte du projet en transports en commun. 11. Enfin, il ressort des pièces du dossier que l'avenue de la République dispose de pistes cyclables dans les deux sens de circulation, que la rue Jules Chéret est également adaptée à la circulation des deux roues avec la matérialisation de logo " vélo " au sol, et que la rue Savignac dispose de larges trottoirs susceptibles d'accueillir les piétons. Le dossier de demande de la société pétitionnaire prévoit par ailleurs la création de liaisons piétonnes entre les voies publiques, rues Chéret et Savignac, et l'entrée des magasins projetés. La Commission nationale d'aménagement commercial souligne, dans son avis du 7 mars 2019, que le projet bénéficie d'une bonne desserte par les modes de déplacements doux. Ainsi, il apparaît que 45 % des habitants de la zone de chalandise pourront accéder au site d'implantation du projet par de tels modes. 12. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de la méconnaissance du 1° du I de l'article L. 752-6 du code de commerce doit être écarté. S'agissant de l'objectif de développement durable : Quant à l'insertion paysagère et architecturale du projet : 13. Si la direction départementale des territoires de la Haute-Marne mentionne que le projet génère des paysages cloisonnés, où chaque enseigne s'entoure de son parking avec des zones de livraison arrière peu valorisantes, elle reconnaît que c'est le cas de la plupart des réalisations de ce type et a donné un avis favorable au projet de la société pétitionnaire. Celle-ci l'a d'ailleurs fait évoluer afin de tenir compte des observations formulées par les services de l'Etat. En outre, il est constant que les espaces verts projetés représenteront 1 704 mètres carrés et que 38 arbres de haute tige seront notamment plantés. Quant à la qualité environnementale du projet : 14. Il ressort des pièces du dossier et notamment de l'avis émis par le service instructeur de la Commission nationale d'aménagement commercial dont les conclusions ne sont pas sérieusement remises en cause par la requérante, que les performances thermiques des bâtiments seront supérieures à la règlementation thermique 2012 (" RT 2012 "). De surcroît, le pétitionnaire a recours à des équipements économes en énergie en recourant notamment à un éclairage par diodes électro luminescentes des enseignes lumineuses et des bâtiments, des baies vitrées en façade principales et l'implantation de ballasts électriques. Par ailleurs, des installations photovoltaïques ont été ajoutées sur le premier bâtiment. La pétitionnaire a également marqué sa volonté de limiter l'impact du magasin sur l'environnement en recourant à une collecte mutualisée des déchets ainsi qu'à une gestion écologique des eaux pluviales et de ruissellement qui seront notamment réutilisées pour l'arrosage des espaces verts ou retraités avant leur rejet dans le réseau collectif. Quant aux nuisances de toutes natures : 15. Il ressort des pièces du dossier que le projet prévoit la construction de 119 places de stationnement. Par suite, la SAS Hermalaur n'est pas fondée à soutenir que la réalisation du projet autorisé par l'arrêté du 15 juillet 2019 va générer un surplus de besoin de stationnement dans une zone où l'offre serait déjà particulièrement défaillante. 16. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de la méconnaissance du 2° du I de l'article L. 752-6 du code de commerce doit être écarté. S'agissant de la protection des consommateurs : 17. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier et notamment de l'avis du ministre chargé du commerce du 28 février 2019 soumis à la Commission nationale d'aménagement commercial et dont la teneur n'est pas sérieusement contestée par la SAS Hermalaur, que le projet de la SCI AP Chaumont permettra un rééquilibrage de la localisation de l'offre commerciale au sud de Chaumont, tout particulièrement à l'égard de la zone du moulin neuf. Il permettra la création concomitante d'une " zone hard-discount " avec des enseignes comme " Aldi ", " Gifi " ou encore " Action ". Le projet autorisé par l'arrêté contesté complètera également l'offre de services et produits domestiques de proximité, et permettra d'améliorer l'expérience et le confort d'achat du consommateur. De surcroît, un des effets induits notables sera de limiter l'évasion commerciale vers Dijon et Troyes. 18. En deuxième lieu, le moyen tiré de ce que l'arrêté du 15 juillet 2019 méconnaîtrait des enjeux et spécificités du site " cœur d'ilôt " est dépourvu des précisions permettant à la cour d'en apprécier le bien-fondé. 19. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'alinéa premier de l'article L. 600-1-4 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'il est saisi par une personne mentionnée à l'article L. 752-17 du code de commerce d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis de construire mentionné à l'article L. 425-4 du présent code, le juge administratif ne peut être saisi de conclusions tendant à l'annulation de ce permis qu'en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale. Les moyens relatifs à la régularité de ce permis en tant qu'il vaut autorisation de construire sont irrecevables à l'appui de telles conclusions. " Par suite, la SAS Hermalaur ne peut utilement se prévaloir de la circonstance que l'arrêté du 15 juillet 2019 méconnaîtrait les dispositions du plan local d'urbanisme de Chaumont. 20. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de la méconnaissance du 3° du I de l'article L. 752-6 du code de commerce doit être écarté. 21. Il résulte de l'ensemble de ce qui a été exposé ci-dessus que les conclusions présentées par la SAS Hermalaur à fin d'annulation de l'arrêté du 15 juillet 2019 doivent être rejetées. Sur les frais d'instance : 22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Chaumont, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par la SAS Hermalaur, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SAS Hermalaur une somme de 1 500 euros à verser, d'une part, à la SCI AP Chaumont et, d'autre part, à la commune de Chaumont au titre des mêmes dispositions. D E C I D E : Article 1er : La requête de la SAS Hermalaur est rejetée. Article 2 : La SAS Hermalaur versera à la commune de Chaumont la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : La SAS Hermalaur versera à la SCI AP Chaumont la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Hermalaur, à la commune de Chaumont, à la SCI AP Chaumont et à la Commission nationale d'aménagement commercial. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Wallerich, président de chambre, - M. Sibileau, premier conseiller, - Mme Barrois, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. Le rapporteur, Signé : J.-B. SibileauLe président, Signé : M. Wallerich La greffière, Signé : S. Robinet La République mande et ordonne à la préfète de la Haute-Marne, en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, S. Robinet 2 N° 22NC01992 |
CETATEXT000048424334 | J5_L_2023_11_00022NC02206 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424334.xml | Texte | CAA de NANCY, 3ème chambre, 14/11/2023, 22NC02206, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-14 00:00:00 | CAA de NANCY | 22NC02206 | 3ème chambre | excès de pouvoir | C | M. WURTZ | MANLA AHMAD | M. Stéphane BARTEAUX | M. MARCHAL | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. et Mme D... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les deux arrêtés du 29 mars 2022 par lesquels le préfet de la Moselle a refusé de renouveler leurs titres de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel ils pourront être reconduits d'office et a prononcé à leur encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois. Par un jugement n° 2203580, 2203582 du 22 juillet 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes. Procédure devant la cour : I. Par une requête et un mémoire, enregistrés le 20 août 2022 et le 10 octobre 2023, sous le n°22NC02206, M. F... D..., représenté par Me Manla Ahmad, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2203580, 2203582 du 22 juillet 2022 pour ce qui le concerne ; 2°) d'annuler l'arrêté du 29 mars 2022 le concernant ; 3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous une astreinte de 50 euros par jour de retard ; 4)°de mettre à la charge de l'Etat le versement, à son conseil, d'une somme de 1 500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : Sur la régularité du jugement : - le tribunal administratif de Strasbourg a omis de statuer sur un moyen tiré du vice de la procédure à l'issue de laquelle a été pris l'arrêté contesté dès lors que l'avis du collège de médecins de l'OFII n'a pas été émis au regard de l'ensemble de la situation médicale de son fils E... ; Sur la décision portant refus de renouvellement du titre de séjour : - elle méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que celles de l'article L. 425-10 du même code ; - elle méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ainsi que les articles 23, 24 et 28 de cette même convention ; - elle méconnaît les stipulations des articles 7 et 24 de la convention internationale relative aux droits des personnes handicapées ; - elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français : - elle méconnaît les dispositions de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il pouvait bénéficier d'un titre de séjour de plein droit en application de l'article L. 425-10 du même code ; - elle est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation ; Sur la décision prononçant une interdiction de retour sur le territoire français : - elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ; - elle est insuffisamment motivée ; - elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation. Par un mémoire en défense, enregistré le 26 septembre 2022, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés. Par un mémoire, enregistré le 19 septembre 2023, l'Office français de l'immigration et de l'intégration a produit des observations. Par une décision bureau d'aide juridictionnelle de Nancy du 17 mars 2023, M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. II. Par une requête et un mémoire, enregistrés le 20 août 2022 et le 10 octobre 2023, sous le numéro 22NC02207, Mme A... D..., représentée par Me Manla Ahmad, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2203580, 2203582 du 22 juillet 2022 pour ce qui la concerne ; 2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Moselle du 29 mars 2022 la concernant ; 3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous une astreinte de 50 euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement, à son conseil, d'une somme de 1 500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Elle soutient que : Sur la régularité du jugement : - le tribunal administratif de Strasbourg a omis de statuer sur un moyen tiré du vice de la procédure à l'issue de laquelle a été pris l'arrêté contesté dès lors l'avis du collège de médecins de l'OFII n'a pas été émis au regard de l'ensemble de la situation médicale de son fils E... ; Sur la décision portant refus de renouvellement du titre de séjour : - elle méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que celles de l'article L. 425-10 du même code ; - elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ainsi que les articles 2, 23, 24 et 28 de cette même convention ; - elle méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle méconnaît les stipulations des articles 7 et 24 de la convention internationale relative aux droits des personnes handicapées ; - elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français : - elle méconnaît les dispositions de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle pouvait bénéficier d'un titre de séjour de plein droit en application de l'article L. 425-10 du même code ; - elle est entachée d'une d'erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation ; Sur la décision prononçant une interdiction de retour sur le territoire français : - elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ; - elle est insuffisamment motivée ; - elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation. Par un mémoire en défense, enregistré le 26 septembre 2022, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés. Par une décision bureau d'aide juridictionnelle de Nancy du 17 mars 2023, Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Vu les autres pièces des dossiers. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la convention internationale des droits de l'enfant ; - la convention internationale des personnes handicapées ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport C... Barteaux a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. et Mme D..., ressortissants albanais, sont entrés en France le 20 décembre 2018, accompagnés de leurs deux enfants mineurs. Le 6 janvier 2020, ils ont sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité de parents d'enfant malade sur le fondement de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable, en raison de l'état de santé de leur fils E.... Le préfet de la Moselle leur a délivré une autorisation provisoire de séjour, renouvelée jusqu'au 21 mai 2021. M. et Mme D... ont sollicité le renouvellement de cette autorisation. Par deux arrêtés du 29 mars 2022, le préfet de la Moselle a refusé de renouveler les autorisations provisoires de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel ils pourront être reconduits d'office et a prononcé à leur encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois. Par un jugement du 22 juillet 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés. Par deux requêtes, qu'il y a lieu de joindre, M. et Mme D... relèvent appel de ce jugement. Sur la régularité du jugement : 2. Il ressort des visas et des motifs du jugement attaqué que le tribunal administratif n'a pas répondu au moyen, opérant, invoqué par M. et Mme D... dans leurs mémoires en réplique enregistrés au greffe du tribunal le 8 juillet 2022 et tiré de ce qu'il n'était pas établi, en l'absence de production du dossier médical de leur fils, que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration avait statué en prenant en considération l'ensemble des pathologies dont souffre cet enfant. Par suite, les requérants sont fondés à soutenir que le jugement attaqué est, pour ce motif, entaché d'irrégularité et à en demander l'annulation. 3. Il y a lieu de statuer, par la voie de l'évocation, sur les conclusions des demandes C... et Mme D... tendant à l'annulation des décisions portant refus de renouvellement de leurs autorisations provisoires de séjour et, par la voie de l'effet dévolutif, sur les conclusions dirigées contre les décisions portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixant le pays à destination duquel ils pourront être reconduits d'office et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français. Sur les décisions portant refus de délivrance d'une autorisation provisoire de séjour : 4. En premier lieu, par un arrêté du 31 décembre 2020, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet de la Moselle a donné à M. Delcayrou, secrétaire général, délégation pour signer, entre autres, tous actes en matière de police des étrangers. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire des décisions contestées manque en fait. 5. En deuxième lieu, les décisions en litige, qui n'ont pas à énoncer l'ensemble des éléments relatifs à la situation C... et Mme D..., comportent les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement et satisfont, par suite, à l'exigence de motivation. 6. En troisième lieu, il ressort des pièces des dossiers, en particulier du dossier médical du fils des requérants qui a été produit à l'instance par l'Office français de l'immigration et de l'intégration, que le collège de médecins de cette autorité a rendu son avis sur la base d'un dossier retraçant l'ensemble des pathologies de l'enfant. En outre et à supposer que les requérants aient entendu soulever un tel moyen, l'avis rendu par l'Office est conforme aux exigences de l'arrêté du 27 décembre 2016 susvisé. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure doit être écarté. 7. En quatrième lieu, les requérants, qui n'établissent pas avoir sollicité un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne peuvent utilement soutenir que l'absence d'examen de leur situation au regard de cet article, que le préfet n'est pas tenu d'examiner d'office, révèlerait un défaut d'examen de leurs demandes de titre de séjour. Il ne ressort pas davantage des motifs des décisions contestées, qui font référence aux enfants C... et Mme D..., que le préfet de la Moselle n'aurait pas tenu compte de l'intérêt supérieur de ces derniers. 8. En cinquième lieu, il ne ressort pas des pièces des dossiers que le préfet de la Moselle se serait estimé lié par l'avis rendu par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté. 9. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / (...) / Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée. / (...) ". Aux termes de l'article L. 425-10 du même code : " Les parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions prévues à l'article L. 425-9, ou l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, se voient délivrer, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, une autorisation provisoire de séjour d'une durée maximale de six mois. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. Cette autorisation provisoire de séjour ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle. Elle est renouvelée pendant toute la durée de la prise en charge médicale de l'étranger mineur, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites. Elle est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues à l'article L. 425-9. " 10. D'une part, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. 11. D'autre part, la partie qui justifie d'un avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile. 12. Pour refuser de renouveler l'autorisation provisoire de séjour dont bénéficiaient M. et Mme D... en qualité de parents d'un enfant malade sur le fondement de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Moselle s'est notamment fondé sur l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 6 août 2021. Il résulte de cet avis que l'état de santé du fils des requérants nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé en Albanie, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et qu'il peut y voyager sans risque. 13. Les requérants font valoir que leur fils E..., né en 2010, est atteint d'une déficience cognitive majeure associée à un trouble du spectre autistique avec épilepsie lésionnaire et une microcéphalie, qui nécessite un suivi par un neuropédiatre en hospitalisation de jour tous les deux mois. Toutefois, les comptes rendus d'hospitalisation qu'ils ont produits, antérieurs à l'avis du collège de médecins de l'OFII, qui décrivent seulement les pathologies dont souffre l'enfant ainsi que le traitement médicamenteux dont il bénéficie pour stabiliser son épilepsie, ne sont pas de nature à établir l'indisponibilité d'un suivi adapté à son handicap dans leur pays d'origine. Les considérations générales extraites d'un rapport de l'UNICEF de l'année 2015, qui relèvent en des termes généraux la stigmatisation des enfants handicapés en Albanie et les difficultés de leur prise en charge sur le plan éducatif, que corroborent des observations formulées par le Défenseur des droits dans le cadre d'autres instances contentieuses, ne sont pas davantage de nature à établir que leur fils ne pourrait pas recevoir des soins appropriés à son état de santé en Albanie. Quant au certificat médical d'un neuro-pédiatre albanais, il se borne à mentionner, sans autres précisions, que l'Albanie ne peut offrir à l'enfant la prise en charge que nécessite son état de santé. Ces diverses pièces ne sont ainsi pas de nature à remettre en cause les conclusions du collège de médecins de l'OFII concernant l'existence d'une prise en charge médicale adaptée E... en Albanie. Enfin, la circonstance que M. et Mme D... disposent en France de faibles revenus, n'est pas, par elle-même, de nature à démontrer leur impossibilité d'accéder effectivement au traitement approprié à l'état de leur enfant dans leur pays d'origine. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le préfet de la Moselle a fait une inexacte application des dispositions des articles L. 425-9 et L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de renouveler leurs autorisations provisoires de séjour. 14. En septième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". 15. Les requérants font valoir que l'état de santé de leur fils nécessite un suivi neuro-pédiatrique rapproché ainsi qu'une prise en charge spécialisée, préconisée par la maison départementale des personnes handicapées qui l'a orienté vers un institut médico-éducatif, et qu'une rupture de cette prise en charge entrainerait un risque vital. Ils invoquent également l'intérêt de leur fille à poursuivre sa scolarité à l'école élémentaire. Toutefois, il résulte de ce qui précède qu'il n'est pas établi que le fils C... et Mme D... ne pourrait pas bénéficier d'un traitement approprié à ses pathologies dans leur pays d'origine et qu'il ne pourrait pas y être scolarisé. Il n'est pas davantage établi que leur fille ne pourrait pas, eu égard notamment à son jeune âge, poursuivre sa scolarité en Albanie. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, ainsi que des articles 2, 23, 24 et 28 de cette convention, qui au demeurant ne créent des obligations qu'à l'égard des Etats sans ouvrir de droit aux intéressés, doivent être écartés. 16. En huitième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre des décisions en litige, qui ne fixent aucun pays de destination. 17. En neuvième lieu, aux termes de l'article 8 de la même convention : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". 18. Il ressort des pièces des dossiers que M. et Mme D..., qui sont entrés récemment sur le territoire français, ont été admis à y séjourner temporairement en raison de l'état de santé de leur fils. Ils n'établissent pas, en se bornant à se prévaloir notamment de leur participation aux activités d'un centre socio-culturel, de leur apprentissage du français et de l'activité sportive de leur fille, d'une intégration particulière à la société française. S'ils allèguent être dépourvus d'attaches familiales en Albanie, ils ne le démontrent pas, alors qu'ils y ont vécu la majeure partie de leur vie. Si leur fils est atteint d'un trouble autistique associé à des crises d'épilepsie et que la maison départementale des personnes handicapées s'est prononcée en faveur de son orientation vers un institut médico-éducatif, il ne ressort pas des pièces des dossiers qu'un accès effectif à un traitement adapté à sa situation ne serait pas possible en Albanie. Enfin, rien ne s'oppose à ce que la cellule familiale se reconstitue dans leur pays d'origine et à ce que leur fille y poursuive sa scolarité. Dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le préfet de la Moselle aurait porté à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée et, par suite, qu'il aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 19. En dixième lieu, aux termes de l'article 7 de la convention internationale relative aux droits des personnes handicapées : " (...). / 2. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants handicapés, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale (...)". Aux termes de l'article 24 de cette même convention : " Les États Parties reconnaissent le droit des personnes handicapées à l'éducation. En vue d'assurer l'exercice de ce droit sans discrimination et sur la base de l'égalité des chances, les États Parties font en sorte que le système éducatif pourvoie à l'insertion scolaire à tous les niveaux et offre, tout au long de la vie, des possibilités d'éducation (...). ". 20. Il résulte de ce qui a été indiqué au point 13 qu'il n'est pas établi que le fils C... et Mme D... ne pourrait pas bénéficier d'une prise en charge adaptée à son handicap en Albanie. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 2 de l'article 7 de la convention internationale relative aux droits des personnes handicapées, ainsi que de l'article 24 de la même convention, qui au demeurant ne crée pas de droits dont les personnes privées pourraient se prévaloir envers les Etats parties, doit être écarté. 21. En dernier lieu, il ne ressort pas davantage des pièces des dossiers, compte tenu notamment de ce qui a été précédemment indiqué, qu'en prenant les décisions contestées, le préfet de la Moselle aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle et familiale des requérants au regard de son pouvoir de régularisation. Sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français : 22. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) / 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ; (...) ". Aux termes de l'article L. 611-3 du même code : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ". 23. M. et Mme D... n'établissent ni même n'allèguent qu'ils rempliraient personnellement les conditions pour obtenir la délivrance d'un titre de séjour de plein droit sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, ils ne sont pas fondés à soutenir que le préfet de la Moselle a entaché d'illégalité les décisions en litige. 24. En second lieu, les requérants n'établissent pas, eu égard à ce qui a été mentionné précédemment, que le préfet de la Moselle aurait commis une erreur de droit et une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de ses décisions en les obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Sur les décisions prononçant une interdiction de retour sur le territoire français : 25. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. et Mme D... n'ont pas établi l'illégalité des décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour. Il s'ensuit que le moyen tiré de ce que les décisions prononçant une interdiction de retour sur le territoire français doivent être annulées par voie de conséquence de l'illégalité de ces dernières doit être écarté. 26. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11. ". 27. L'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément. 28. Il ressort des termes mêmes des décisions attaquées que, pour fixer à douze mois la durée des interdictions de retour sur le territoire français prononcées à l'encontre C... et Mme D..., le préfet de la Moselle a pris en compte, dans le cadre du pouvoir d'appréciation qu'il exerce à cet égard, les quatre critères énoncés par les dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour retenir en particulier la courte durée de leur présence sur le territoire français, l'absence de liens anciens, stables et intenses avec la France et le fait que, s'ils ne représentent pas une menace pour l'ordre public, ils ne justifient d'aucune circonstance particulière qui s'opposerait au prononcé à leur encontre d'une interdiction de retour. Le préfet a également indiqué que M. D... s'était soustrait à une précédente mesure d'éloignement. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les décisions en litige sont insuffisamment motivées. 29. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 18, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les décisions en litige méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 30. En dernier lieu, les requérants ne démontrent pas, ainsi qu'il a été dit au point 13, que leur fils ne pourrait pas bénéficier d'une prise en charge adaptée à son handicap en Albanie. Par suite, ils ne sont pas fondés à soutenir qu'en prononçant une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an, le préfet de la Moselle aurait entaché les décisions en litige d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de ces mesures sur leur situation. 31. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme D... ne sont fondés à demander ni l'annulation des arrêtés en tant qu'ils refusent de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour en qualité de parents d'un enfant malade, ni à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours, fixant le pays de destination et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. D E C I D E : Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 22 juillet 2022 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions à fin d'annulation des décisions du 29 mars 2022 portant refus de délivrance d'une autorisation provisoire de séjour à M. et Mme D.... Article 2 : Les conclusions présentées par M. et Mme D... en première instance tendant à l'annulation des décisions portant refus de délivrer une autorisation provisoire de séjour contenues dans l'arrêté du 29 mars 2022 et le surplus des conclusions de leurs requêtes d'appel sont rejetés. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D... née B..., à M. F... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Moselle et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Délibéré après l'audience du 17 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Wurtz, président, - Mme Bauer, présidente-assesseure, - M. Barteaux, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2023 Le rapporteur, Signé : S. BARTEAUXLe président, Signé : Ch. WURTZLe greffier, Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, Le greffier : F. LORRAIN N°s 22NC02206, 22NC02207 2 |
CETATEXT000048424335 | J5_L_2023_11_00022NC02440 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424335.xml | Texte | CAA de NANCY, 1ère chambre, 16/11/2023, 22NC02440, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de NANCY | 22NC02440 | 1ère chambre | excès de pouvoir | C | M. WALLERICH | SCP CROUVIZIER-BANTZ AVOCATS | M. Jean-Baptiste SIBILEAU | Mme ANTONIAZZI | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Par une requête enregistrée sous le n° 2201928, M. D... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle du 7 avril 2022 modifiant l'arrêté du 24 mars 2022 en tant qu'il fixe le pays de destination. Par une requête enregistrée sous le n° 2202443, M. D... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle du 25 août 2022 portant assignation à résidence Par un jugement n°s 2201928, 2202443 du 2 septembre 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nancy a rejeté ces deux recours. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 26 septembre 2022, M. D..., représenté par Me Crouvizier, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 2 septembre 2022 ; 2°) d'annuler la décision du 7 avril 2022 par laquelle le préfet de de Meurthe-et-Moselle a substitué le Tchad à la Guinée comme pays de destination ; 3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour l'autorisant à travailler dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer, pour la durée de l'instruction, une autorisation provisoire de séjour ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - l'arrêté du 7 avril 2022 est dépourvu de base légale en raison de l'illégalité affectant l'arrêté du 24 mars 2022 portant refus de titre de séjour car ce dernier est insuffisamment motivé, son droit à être entendu a été méconnu, il est entaché d'une erreur de fait quant à son âge et son état-civil, il méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile comme l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et méconnaît l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - l'arrêté du 7 avril 2022 est dépourvu de base légale en raison de l'illégalité affectant l'arrêté du 24 mars 2022 portant obligation de quitter le territoire français qui est lui-même dépourvu de base légale en raison de l'illégalité affectant le refus de titre de séjour, entaché d'une erreur de fait, insuffisamment motivée, qui ne lui a pas été notifiée, méconnaît le droit à être entendu, méconnaît l'article 8 de convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - l'arrêté du 7 avril 2022 méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par un mémoire en défense, enregistré le 14 décembre 2022, le préfet de de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par M. A... B... ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 7 décembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 26 décembre 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Le rapport de M. Sibileau, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A... B..., ressortissant tchadien déclarant être né le 20 mai 2000 est entré sur le territoire français en août 2016 selon ses dires. Le 1er septembre 2016, il a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance du département de Meurthe-et-Moselle. Le 15 novembre 2017, l'intéressé a sollicité son admission au séjour. Par un arrêté du 24 mars 2022, le préfet de Meurthe-et-Moselle a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé la Guinée comme pays de destination. Par un arrêté du 7 avril 2022, le préfet de Meurthe-et-Moselle a modifié l'article 3 de l'arrêté du 24 mars 2022 en substituant le Tchad à la Guinée comme pays de destination. Par une nouvelle décision du 25 août 2022, M. A... B... a été assigné à résidence dans le département de Meurthe-et-Moselle pour une durée de quarante-cinq jours. Par une seconde requête, il a demandé également l'annulation de cette décision. Par un jugement commun n°s 2201928, 2202443 du 2 septembre 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nancy a rejeté les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 7 avril 2022 et de l'arrêté du 25 août 2022. M. A... B... interjette appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 7 avril 2022. 2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 614-4 du code l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque la décision portant obligation de quitter le territoire français prise en application des 3°, 5° ou 6° de l'article L. 611-1 est assortie d'un délai de départ volontaire, le tribunal administratif est saisi dans le délai de trente jours suivant la notification de la décision ". 3. L'illégalité d'un acte administratif non réglementaire ne peut être utilement invoquée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure que si cette dernière décision a été prise pour l'application du premier acte ou s'il en constitue la base légale. Cette exception n'est recevable que si l'acte n'est pas devenu définitif à la date à laquelle elle est invoquée. 4. En cas de retour à l'administration, au terme du délai de mise en instance, du pli recommandé contenant la décision, la notification est réputée avoir été régulièrement accomplie à la date à laquelle ce pli a été présenté à l'adresse de l'intéressé, dès lors du moins qu'il résulte soit de mentions précises, claires et concordantes portées sur l'enveloppe, soit, à défaut, d'une attestation du service postal ou d'autres éléments de preuve, que le préposé a, conformément à la réglementation en vigueur, déposé un avis d'instance informant le destinataire que le pli était à sa disposition au bureau de poste. Il résulte de la réglementation postale, et notamment de l'instruction postale du 6 septembre 1990, qu'en cas d'absence du destinataire d'une lettre remise contre signature, le facteur doit, en premier lieu, porter la date de vaine présentation sur le volet " preuve de distribution " de la liasse postale, cette date se dupliquant sur les autres volets, en deuxième lieu, détacher de la liasse l'avis de passage et y mentionner le motif de non distribution, la date et l'heure à partir desquelles le pli peut être retiré au bureau d'instance et le nom et l'adresse de ce bureau, cette dernière indication pouvant résulter de l'apposition d'une étiquette adhésive, en troisième lieu, déposer l'avis ainsi complété dans la boîte aux lettres du destinataire et, enfin, reporter sur le pli le motif de non distribution et le nom du bureau d'instance 5. Il ressort des pièces du dossier que l'administration a notifié à M. A... B... l'arrêté du 24 mars 2022 par pli recommandé avec accusé de réception. Dans le cadre de l'instance introduite par l'intéressé devant le tribunal administratif de Nancy, le préfet de Meurthe-et-Moselle a produit la copie de l'avis de réception postal de ce pli envoyé à la dernière adresse déclarée par l'appelant, portant une étiquette adhésive sur laquelle a été cochée la mention " pli avisé et non réclamé ". L'enveloppe contenant cette notification a été renvoyée aux services de la préfecture. L'avis de réception indique également que le pli a été présenté le 1er avril 2022, date à laquelle a commencé à courir le délai de recours de l'article L. 614-4 précité. 6. Il résulte de ce qui précède que l'arrêté du 24 mars 2022 est devenu définitif faute d'avoir fait l'objet, dans les délais, d'un recours contentieux. S'agissant d'un acte non réglementaire M. A... B... n'était plus recevable à exciper de son illégalité au soutien de ses conclusions dirigées contre l'arrêté du 7 avril 2022. 7. En second lieu, le moyen tiré de ce que M. A... B... serait exposé en cas de retour dans son pays à un traitement prohibé par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est dépourvu de toute précision permettant d'en apprécier le bien-fondé. 8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 avril 2022. Par voie de conséquence, doivent être rejetées ses conclusions présentées à fin d'injonction et celles au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. A... B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée à la préfète de Meurthe-et-Moselle. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Wallerich, président de chambre, - M. Sibileau, premier conseiller, - Mme Barrois, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. Le rapporteur, Signé : J.-B. SibileauLe président, Signé : M. Wallerich La greffière, Signé : S. Robinet La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, S. Robinet 2 N° 22NC02440 |
CETATEXT000048424336 | J5_L_2023_11_00022NC02919 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424336.xml | Texte | CAA de NANCY, 1ère chambre, 16/11/2023, 22NC02919, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de NANCY | 22NC02919 | 1ère chambre | excès de pouvoir | C | M. WALLERICH | GOLDBERG | M. Jean-Baptiste SIBILEAU | Mme ANTONIAZZI | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 16 décembre 2021 par lequel la préfète du Bas-Rhin lui a refusé le renouvellement d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement n° 2202579 du 28 juin 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ce recours. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 21 novembre 2022, M. B..., représenté par Me Goldberg, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 28 juin 2022 ; 2°) d'annuler la décision du 16 décembre 2021 par laquelle la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ; 3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, moyennant la renonciation de son avocat à percevoir la contribution versée par l'État au titre de l'aide juridictionnelle. Il soutient que : s'agissant du refus de titre de séjour : - les membres du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration auteurs de l'avis du 25 janvier 2021 n'ont pas apposé eux-mêmes le fac-similé de leur signature sur l'avis dont s'agit ; - l'Office français de l'immigration et de l'intégration n'a ni mis en ligne ni communiqué les informations dont il dispose sur le système de soins au Kosovo ; - il ne peut bénéficier du traitement rendu nécessaire par son état de santé dans son pays ; - il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales s'agissant de l'obligation de quitter le territoire français : - elle est insuffisamment motivée ; - la préfète du Bas-Rhin n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ; - elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité affectant le refus de titre de séjour s'agissant de la décision fixant le pays de renvoi : - son droit à être entendu a été méconnu ; - elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité affectant le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français. Par une ordonnance du 30 janvier 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 16 février 2023. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 9 novembre 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - le code du travail ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Le rapport de M. Sibileau, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., ressortissant kosovare né le 24 avril 1993, est entré en France selon ses dires le 10 juin 2015. L'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté le 29 juillet 2016 sa demande d'admission au statut de réfugié. Le 25 novembre 2016 la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) a confirmé la décision de l'OFPRA. Il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour temporaire sur le fondement de son état de santé le 13 mars 2017. Il a bénéficié d'une première autorisation provisoire de séjour, délivrée le 13 décembre 2019, renouvelée à plusieurs reprises. Le 4 décembre 2020, il a sollicité un nouveau renouvellement de son titre de séjour. Par un arrêté du 16 décembre 2021, la préfète du Bas-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement du 28 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 16 décembre 2021. Sur la légalité de l'arrêté du 16 décembre 2021 : En ce qui concerne le refus de titre de séjour : 2. En premier lieu, il appartient au juge de l'excès de pouvoir de former sa conviction sur les points en litige au vu des éléments versés au dossier par les parties. S'il peut écarter des allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées, il ne saurait exiger de l'auteur du recours que ce dernier apporte la preuve des faits qu'il avance. Le cas échéant, il revient au juge, avant de se prononcer sur une requête assortie d'allégations sérieuses non démenties par les éléments produits par l'administration en défense, de mettre en œuvre ses pouvoirs généraux d'instruction des requêtes et de prendre toutes mesures propres à lui procurer, par les voies de droit, les éléments de nature à lui permettre de former sa conviction, en particulier en exigeant de l'administration compétente la production de tout document susceptible de permettre de vérifier les allégations du demandeur. 3. M. A... soutient que l'avis émis le 25 janvier 2021 par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration n'est pas revêtu des signatures manuscrites de ses membres mais de fac-similés électroniques. Toutefois, à l'appui de ses prétentions, l'appelant verse une copie de l'avis du 25 janvier 2021 dont il ne ressort nullement qu'il ne soit pas revêtu des signatures manuscrites de ses auteurs. Par suite, sans qu'il soit besoin d'ordonner une mesure d'instruction comme le sollicite M. A..., le moyen ne peut qu'être écarté. 4. En deuxième lieu, la circonstance que l'Office français de l'immigration et de l'intégration n'aurait ni mis en ligne l'intégralité des informations dont elle disposerait sur le système de santé kosovare ni accepté de communiquer de telles informations postérieurement à l'édiction de la décision est sans emport sur la légalité de la décision attaquée. 5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. / [...] ". 6. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte-tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile. 7. Dans son avis du 25 janvier 2021, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration précise que l'état de santé de M. A... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'il pouvait, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé de son pays d'origine, y bénéficier effectivement d'un traitement adapté et qu'au vu des éléments du dossier et à la date de l'avis, il pouvait voyager sans risque. 8. Il ressort des pièces du dossier que M. A... souffre d'une scoliose dorsolombaire à double courbure très évoluée récusée chirurgicalement sur un rachis standard malformatif avec de façon associée l'existence d'un pied creux neurobiologique, d'une vessie neurologique qui nécessiterait la réalisation d'un auto-sondage cinq fois par jour. L'intéressé justifie, par les différents certificats médicaux et ordonnances produits, qu'il doit, en raison de ses pathologies, être pris en charge. Toutefois, aucun des éléments versés par l'appelant ne se prononce sur une éventuelle indisponibilité au Kosovo du traitement ou du suivi dont il doit bénéficier. Dans ces conditions, les éléments produits ne sont pas de nature à remettre en cause l'appréciation du collège de médecins selon laquelle l'intéressé pourrait bénéficier dans son pays d'origine d'un traitement approprié. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. 9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". 10. M. A... fait valoir résider en France depuis 2015 et avoir noué des liens personnels sur le territoire. Il ressort toutefois des pièces du dossier que les autorités en charge de l'asile ont rejeté sa demande de protection internationale les 29 juillet 2016 et 25 novembre 2016. De surcroît, M. A... ne pouvait ignorer la précarité de sa situation administrative dès lors notamment que son droit au séjour dépendait de l'évolution de son état de santé et qu'il n'a bénéficié que d'autorisations provisoires de séjour. Enfin, il n'est ni marié ni père d'un enfant en France alors qu'il n'est pas contesté que son père et sa fratrie résident encore au Kosovo. Par suite, compte tenu des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions de séjour de l'intéressé en France, l'arrêté litigieux du 16 décembre 2021 n'a pas porté au droit de l'appelant au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Ainsi, la préfète du Bas-Rhin n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français : 11. En premier lieu, contrairement à ce que soutient l'appelant, l'arrêté contesté, qui comporte l'exposé des faits et des considérations de droit sur lesquels il se fonde, est suffisamment motivé. La préfète du Bas-Rhin, qui a mentionné dans son arrêté que M. A... était célibataire et sans enfant et qu'il n'était pas dépourvu de toute attache personnelle et familiale dans son pays d'origine, a procédé à un examen complet de la situation personnelle de l'intéressé. 12. Il résulte en second lieu de ce qui précède que le moyen soulevé à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français et tiré de l'exception d'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ne peut qu'être écarté. En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi : 13. En premier lieu, en l'espèce, la décision fixant le pays de renvoi a été prise après le rejet de la demande de renouvellement de titre de séjour formulée par l'intéressé, de sorte que l'administration n'avait pas à le mettre à même de présenter spécifiquement des observations sur cette mesure. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... aurait été privé de la possibilité de présenter des éléments pertinents susceptibles d'influer sur le contenu de la décision en litige. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu doit être écarté. 14. En second lieu, ainsi qu'il a été dit précédemment, les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ne sont pas entachées d'illégalité. Par suite, la décision fixant le pays de destination n'a pas été prise sur le fondement de décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français illégales. Le moyen tiré d'une telle exception d'illégalité ne peut, dès lors, qu'être écarté. 15. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Sur les conclusions à fin d'injonction : 16. Le présent arrêt, qui rejette la requête de M. A... n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions de l'intéressé tendant à ce qu'il soit enjoint à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour doivent être rejetées. Sur les frais d'instance : 17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par M. A..., au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Wallerich, président de chambre, - M. Sibileau, premier conseiller, - Mme Barrois, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. Le rapporteur, Signé : J.-B. SibileauLe président, Signé : M. Wallerich La greffière, Signé : S. Robinet La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, S. Robinet 2 N° 22NC02919 |
CETATEXT000048424337 | J5_L_2023_11_00022NC02922 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424337.xml | Texte | CAA de NANCY, 1ère chambre, 16/11/2023, 22NC02922, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de NANCY | 22NC02922 | 1ère chambre | excès de pouvoir | C | M. WALLERICH | JEANNOT | Mme Marion BARROIS | Mme ANTONIAZZI | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 19 août 2021 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant son pays de renvoi. Par un jugement n° 2103336 du 23 août 2022, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire respectivement enregistrés le 21 novembre 2022 et le 15 février 2023, M. A..., représenté par Me Jeannot, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 23 août 2022 ; 2°) d'annuler l'arrêté du 19 août 2021 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant son pays de renvoi ; 3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour valable un an et portant la mention " travailleur temporaire ", " salarié " ou " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir et de lui délivrer immédiatement une autorisation provisoire de séjour assortie d'une autorisation de travail ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir et de lui délivrer immédiatement une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 800 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : Sur la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour : - elle est entachée d'un défaut de motivation, s'agissant notamment de la critique des actes d'état civil ; - elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation ; - le préfet s'est estimé à tort être en situation de compétence liée vis-à-vis du rapport de la police de l'air et des frontières ; - ce rapport doit être écarté des débats dès lors qu'il n'est pas justifié de la qualité et de la compétence de l'auteur de celui-ci et qu'il ne respecte pas le principe du contradictoire ; - le préfet ne renverse pas la présomption d'authenticité des actes d'état civil qu'il a produits ; - le préfet n'a pas tenu compte de ce qu'une carte consulaire lui avait été délivrée, alors qu'elle implique un examen de l'authenticité de ses actes d'état civil par l'ambassade du Mali ; - dès lors que les actes d'état civil ne comportaient pas de mentions frauduleuses, il appartenait à l'autorité préfectorale de saisir les autorités maliennes de la question de l'authenticité des documents ; - elle est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur de fait dès lors qu'il remplit les conditions de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le préfet n'établit pas le caractère frauduleux du jugement supplétif ou de l'acte de naissance ; - le préfet a méconnu le point 2.1.3 de la circulaire du 28 novembre 2012 ; - le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle ; - cette décision méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; - le préfet n'a pas examiné l'existence d'éventuelles considérations ou motifs d'ordre humanitaire de nature à fonder la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors qu'il justifie de motifs sérieux de régularisation ; - cette décision est entachée d'une méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français : - cette décision est entachée d'une erreur de droit au regard de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 6 de la directive du 16 décembre 2008, dès lors que le préfet s'est estimé, à tort, en situation de compétence liée pour prendre à son encontre une décision l'obligeant à quitter le territoire français ; - elle porte atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale et a des conséquences manifestement excessives sur sa situation. Par un mémoire en défense enregistré le 8 février 2023, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 octobre 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code civil ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 ; - le décret n° 2020-1370 du 10 novembre 2020 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Barrois, première conseillère, - et les observations de Me Jeannot, représentant M. A.... Considérant ce qui suit : 1. M. B... A..., ressortissant de nationalité malienne se disant né le 4 décembre 1999, est entré sur le territoire français en décembre 2016 selon ses déclarations et a été accueilli au foyer de l'enfance SAMIE le 26 décembre 2016. Par un jugement en assistance éducative du 15 février 2017, il a été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance jusqu'à sa majorité. Par un courrier du 14 mars 2018, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour. Sa demande a été complétée en 2020 puis en 2021. Par un arrêté du 19 août 2021, le préfet de Meurthe-et-Moselle a rejeté sa demande de titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant son pays de renvoi. Par sa requête, M. A... relève appel du jugement du 23 août 2022 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 19 août 2021 : 2. D'une part, aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance ou du tiers digne de confiance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur l'insertion de cet étranger dans la société française.(...). ". D'autre part, aux termes de l'article L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que : " La vérification des actes d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil ". L'article R. 431-10 du même code prévoit que : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : / 1° Les documents justifiant de son état civil (...) ". L'article 47 du code civil dispose que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". 3. Aux termes du II de l'article 16 de la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice : " Sauf engagement international contraire, tout acte public établi par une autorité étrangère et destiné à être produit en France doit être légalisé pour y produire effet. / La légalisation est la formalité par laquelle est attestée la véracité de la signature, la qualité en laquelle le signataire de l'acte a agi et, le cas échéant, l'identité du sceau ou timbre dont cet acte est revêtu / Un décret en Conseil d'Etat précise les actes publics concernés par le présent II et fixe les modalités de la légalisation. ". Aux termes de l'article 1er du décret du 10 novembre 2020 relatif à la légalisation des actes publics établis par une autorité étrangère, applicable aux légalisations intervenues à compter du 1er janvier 2021 : " Sauf engagement international contraire, tout acte public établi par une autorité étrangère et destiné à être produit en France ou devant un ambassadeur ou chef de poste consulaire français doit être légalisé pour y produire effet. La légalisation est la formalité par laquelle est attestée la véracité de la signature, la qualité en laquelle le signataire de l'acte a agi et, le cas échéant, l'identité du sceau ou timbre dont cet acte est revêtu. Elle donne lieu à l'apposition d'un cachet dont les caractéristiques sont définies par arrêté conjoint des ministres chargés de la justice et des affaires étrangères ". 4. Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'est produit devant l'administration un acte d'état civil émanant d'une autorité étrangère qui a fait l'objet d'une légalisation, sont en principe attestées la véracité de la signature apposée sur cet acte, la qualité de celui qui l'a dressé et l'identité du sceau ou timbre dont cet acte est revêtu. En cas de doute sur la véracité de la signature, sur l'identité du timbre ou sur la qualité du signataire de la légalisation, il appartient à l'autorité administrative de procéder, sous le contrôle du juge, à toutes vérifications utiles pour s'assurer de la réalité et de l'authenticité de la légalisation. 5. En l'espèce, la circonstance que la date de naissance mentionnée sur l'extrait d'acte de naissance du 10 mars 2010 soit erronée et qu'il puisse en être déduit que cet extrait soit un faux est sans incidence sur l'authenticité du passeport délivré le 2 novembre 2020, de l'extrait d'acte de naissance établi le 12 octobre 2016, de la carte consulaire et de la fiche NINA n° 1 99 09 1 06 008 A60 H produite le 13 août 2019, tous concordants, dès lors que par une attestation du consul général du Mali en France du 27 décembre 2022, produite pour la première fois en appel et confirmant un précédent échange avec le consulat sur l'apposition du numéro NINA sur les actes de naissance, celui-ci atteste de leur validité. Il en résulte que le préfet de Meurthe-et-Moselle a commis une erreur dans l'appréciation de l'authenticité des documents d'état civil présentés par M. A.... 6. Par un second motif tiré de l'absence de caractère réel et sérieux de la formation suivie par M. A..., le préfet a refusé de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que, à la date de la décision attaquée, M. A... a, malgré les absences cumulées au cours de l'année scolaire 2018-2019, obtenu son CAP " préparation et réalisation d'ouvrages électriques " en juin 2019 ainsi que son passage de la classe de première à la classe de terminale professionnelle au titre de l'année suivante. Il a par ailleurs obtenu des notes supérieures à la moyenne au cours du premier semestre de l'année 2020-2021. Dans ces conditions, en lui opposant un tel motif, le préfet a entaché sa décision portant refus de délivrance d'une erreur manifeste d'appréciation. 7. Par suite, la décision lui refusant un titre de séjour et par voie de conséquence, celles l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant son pays de renvoi, sont entachées d'illégalités et doivent être annulées. 8. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions. Sur les conclusions à fin d'injonction : 9. L'exécution du présent arrêt implique uniquement que le préfet procède au réexamen de de la demande de titre de séjour de M. A... au regard de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, notamment de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur son insertion dans la société française sans qu'il apprécie à nouveau le caractère réel et sérieux du suivi de sa formation qui résulte des pièces du dossier. 10. Si l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que l'étranger confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et justifiant suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire " dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, il résulte de ces dispositions que le législateur a entendu permettre l'attribution à titre exceptionnel de ces cartes de séjour aux étrangers qui en formulent la demande dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire. Dès lors qu'il est constant que M. A... a sollicité la délivrance d'une carte de séjour dans l'année qui a suivi son dix-huitième anniversaire, la circonstance qu'il soit aujourd'hui âgé de plus de dix-huit ans ne saurait faire obstacle à ce que le préfet réexamine sa situation au regard l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni, le cas échéant, à ce qu'il lui délivre une carte de séjour sur ce fondement au terme de l'appréciation globale de sa situation, telle que mentionnée au point précédent. Dès lors, il y a lieu d'enjoindre au préfet de procéder à ce réexamen dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et de délivrer à M. A... un récépissé de demande de titre de séjour, lequel l'autorisera en l'espèce à travailler. Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 : 11. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Jeannot, avocat de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Jeannot de la somme de 1 500 euros. D É C I D E : Article 1er : Le jugement n° 2103336 du 23 août 2022 du tribunal administratif de Nancy et l'arrêté en date du 19 août 2021 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a rejeté la demande de titre de séjour présentée par M. A... et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant son pays de destination sont annulés. Article 2 : Il est enjoint au préfet de Meurthe-et-Moselle de procéder dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt au réexamen de la demande de titre de séjour de M. A... au regard de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile selon les modalités précisées aux points 9 et 10 du présent arrêt et de délivrer à M. A... un récépissé de demande de titre de séjour l'autorisant à travailler pendant la durée de ce réexamen. Article 3 : L'Etat versera à Me Jeannot, avocat de M. A..., une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Jeannot renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Jeannot et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Wallerich, président de chambre, - M. Sibileau, premier conseiller, - Mme Barrois, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. La rapporteure, Signé : M. BarroisLe président, Signé : M. Wallerich La greffière, Signé : S. Robinet La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, S. Robinet 2 N° 22NC02922 |
CETATEXT000048424338 | J5_L_2023_11_00022NC02948 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424338.xml | Texte | CAA de NANCY, 1ère chambre, 16/11/2023, 22NC02948, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de NANCY | 22NC02948 | 1ère chambre | excès de pouvoir | C | M. WALLERICH | BOUKARA | Mme Marion BARROIS | Mme ANTONIAZZI | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les décisions du 15 janvier et du 19 octobre 2021 par lesquelles le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un certificat de résidence d'une durée de validité de dix ans. Par un jugement n° 2101743 du 17 octobre 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 24 novembre 2022, Mme A..., représentée par Me Boukara, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 17 octobre 2022 ; 2°) d'annuler les décisions du 15 janvier et du 19 octobre 2021 par lesquelles le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un certificat de résidence d'une durée de validité de dix ans ; 3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence d'une durée de dix ans en application des stipulations de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien, dans le délai de 15 jours suivant la notification de la décision à intervenir, subsidiairement, de réexaminer sa situation, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative pour la procédure de première instance ; 5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative pour la procédure d'appel. Elle soutient que : - le préfet a méconnu l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour alors qu'elle doit bénéficier d'un certificat de résidence de dix ans sur le fondement de l'article 7 bis b) de l'accord franco-algérien ; - les décisions attaquées sont insuffisamment motivées en fait ; - elles sont entachées d'un défaut d'examen de sa demande ; - le préfet a commis une erreur de droit en examinant un autre fondement que celui de sa demande ; - elles méconnaissent l'article 7 bis b) de l'accord franco-algérien dès lors que la condition d'une résidence régulière de trois années ne peut lui être opposée. La requête a été communiquée au préfet du Haut-Rhin qui n'a pas présenté de mémoire en défense. Le préfet du Haut-Rhin a communiqué le 18 octobre 2023 le certificat de résidence algérien délivré le 9 janvier 2023 à Mme A... pour une durée de dix ans. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Barrois, première conseillère, - et les observations de Me Jeannot, substituant Me Boukara, pour Mme A.... Considérant ce qui suit : 1. Mme A..., ressortissante algérienne née en 1945, est entrée en France en dernier lieu le 18 janvier 2018 sous couvert de son passeport algérien revêtu d'un visa de court séjour. Elle a sollicité le 29 janvier 2018 la délivrance d'un titre de séjour en raison de son état de santé. Le préfet du Haut-Rhin lui ayant opposé un refus le 17 août 2018, elle a demandé le 16 avril 2019 son admission au séjour sur le fondement des stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Elle a obtenu le 24 septembre 2019 un certificat de résidence d'une durée d'un an qui lui a été régulièrement renouvelé jusqu'au 23 septembre 2021. Par lettres des 18 janvier et 26 août 2021, Mme A... a sollicité, sur le fondement de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien, la délivrance d'un certificat de résidence d'une durée de validité de dix ans que le préfet du Haut-Rhin a refusée par des décisions des 15 janvier et 19 octobre 2021. Mme A... fait appel du jugement du 17 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions. 2. Par des décisions des 15 janvier et 19 octobre 2021, le préfet du Haut-Rhin a rejeté la demande de délivrance d'un certificat de résidence d'une durée de validité de dix ans présentée le 18 janvier 2021 par Mme A.... Toutefois, il ressort des pièces du dossier que postérieurement à l'introduction de sa requête, Mme A... s'est vu remettre une carte de résident valable du 24 septembre 2022 au 23 septembre 2032 d'une durée de dix ans. Dans ces conditions, les conclusions de la requête dirigées contre le jugement par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions des 15 janvier et 19 octobre 2021 sont devenues sans objet. 3. En vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme A... en première instance et en appel et non compris dans les dépens. D É C I D E : Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de Mme A... tendant à l'annulation des décisions des 15 janvier et 19 octobre 2021. Article 2 : L'Etat versera à Mme A... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Wallerich, président de chambre, - M. Sibileau, premier conseiller, - Mme Barrois, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023. La rapporteure, Signé : M. BarroisLe président, Signé : M. Wallerich La greffière, Signé : S. Robinet La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, S. Robinet 2 N° 22NC02948 |
CETATEXT000048424339 | J5_L_2023_11_00022NC02966 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424339.xml | Texte | CAA de NANCY, 1ère chambre, 16/11/2023, 22NC02966, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de NANCY | 22NC02966 | 1ère chambre | excès de pouvoir | C | M. WALLERICH | MAINNEVRET - MALBLANC | Mme Marion BARROIS | Mme ANTONIAZZI | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme C... A... et M. D... B... ont demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler les arrêtés du 12 juillet 2022 par lesquels le préfet de l'Aube les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement n° 2201793-2201794 du 28 septembre 2022, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a, d'une part, annulé les arrêtés susmentionnés et, d'autre part, enjoint au préfet de l'Aube de leur délivrer un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 25 novembre 2022, la préfète de l'Aube demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 28 septembre 2022 ; 2°) de rejeter les demandes présentées par Mme A... et M. B... devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne. La préfète soutient que : - le magistrat désigné a commis une erreur de droit en retenant le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales fondé exclusivement sur la scolarité des trois enfants les plus âgés alors que les requérants ne produisent aucun élément sur leur propre intégration professionnelle ou sociale ; - les arrêtés attaqués ne méconnaissent pas davantage l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant dès lors qu'il n'est pas établi que les enfants ne pourraient poursuivre leur scolarité dans leur pays d'origine. Par un mémoire en défense enregistré le 3 janvier 2023, Mme A... et M. D... B..., représentés par Me Mainnevret, concluent au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de la préfète de l'Aube sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Ils soutiennent que les moyens soulevés par la préfète ne sont pas fondés. Mme A... et M. B... ont été admis chacun au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par des décisions du 2 mai 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Barrois, première conseillère, - et les observations de Me Mainnevret, représentant Mme A... et M. B.... Considérant ce qui suit : 1. Mme A... et M. B..., de nationalité pakistanaise, déclarent être entrés sur le territoire français le 13 août 2018 accompagnés de leurs cinq enfants âgés de 9 à 17 ans. Ils ont sollicité des autorités françaises leur admission au séjour au titre de l'asile en raison de craintes en cas de retour dans leur pays d'origine. Leurs demandes d'asile ont été rejetées par décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 23 novembre 2021, confirmées par décisions du 6 avril 2022 de la Cour nationale du droit d'asile. Le 9 juillet 2020, ils ont sollicité un titre de séjour en qualité d'étranger malade et leurs demandes, en l'absence de production des documents demandés par la préfecture le 3 septembre 2020, ont été classées sans suite le 21 juin 2022. Par arrêtés du 12 juillet 2022, la préfète de l'Aube les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé leur pays de destination. Le préfet de l'Aube relève appel du jugement du 28 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé ces arrêtés et enjoint à la délivrance de titres de séjour mention " vie privée et familiale ". Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne : 2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ". 3. Il résulte du jugement attaqué que le président du tribunal a, à juste titre, estimé dans les circonstances particulières de l'espèce que les arrêtés du 12 juillet 2022 portaient une atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale en France de Mme A... et de M. B... dès lors qu'ils résident en France depuis 2018 avec leurs enfants scolarisés au collège et au lycée et dont les très bons résultats scolaires révèlent les importants efforts qu'ils ont effectués pour une intégration sociale et scolaire réussie telle qu'elle résulte également des nombreuses attestations établies en leur faveur par l'ensemble de leurs professeurs. La décision attaquée qui porte également atteinte à l'intérêt supérieur des enfants méconnaît ainsi, dans les circonstances particulières de l'espèce, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 4. Il résulte de tout ce qui précède que la préfète de l'Aube n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé ses arrêtés en date du 12 juillet 2022 obligeant M. B... et Mme A... à quitter le territoire français en fixant son pays de destination en compagnie de leurs enfants mineurs. Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 : 5. Mme A... et M. B... ont obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, leur avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Mainnevret avocat de Mme A... et M. B... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Mainnevret de la somme de 1 500 euros. D É C I D E : Article 1er : La requête de la préfète de l'Aube est rejetée. Article 2 : L'Etat versera à Me Mainnevret, avocat de Mme A... et de M. B... une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Mainnevret renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié M. D... B..., à Mme C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée à la préfète de l'Aube. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Wallerich, président de chambre, - M. Sibileau, premier conseiller, - Mme Barrois, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. La rapporteure, Signé : M. BarroisLe président, Signé : M. Wallerich La greffière, Signé : S. Robinet La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, S. Robinet 2 N° 22NC02966 |
CETATEXT000048424340 | J5_L_2023_11_00022NC03066 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424340.xml | Texte | CAA de NANCY, 1ère chambre, 16/11/2023, 22NC03066, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de NANCY | 22NC03066 | 1ère chambre | excès de pouvoir | C | M. WALLERICH | AMM | Mme Marion BARROIS | Mme ANTONIAZZI | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 10 novembre 2022 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle l'a obligé à quitter le territoire français sans délai. Par un jugement n° 2203290 du 28 novembre 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 7 décembre 2022, M. A..., représenté par Me Amm demande : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 28 novembre 2022 ; 2°) d'annuler l'arrêté du 10 novembre 2022 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an ; 3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un certificat de résidence " vie privée et familiale " sur le fondement de l'article 6-4 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, à défaut de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : - la décision contestée ne lui a pas été notifiée dans une langue qu'il comprenait et dès lors, les voies et délais de recours ne lui sont pas opposables ; - l'intitulé de la décision qui ne mentionne que l'obligation de quitter le territoire alors qu'elle contient un refus d'admission au séjour et une interdiction de retour sur le territoire pour une durée de 12 mois est trompeur et ne lui a pas permis de contester les autres décisions ; - le refus d'admission au séjour a été édicté à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que le préfet n'a pas saisi la commission du titre de séjour ; - il méconnaît l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - l'obligation de quitter le territoire est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ; - elle méconnaît le 5° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le préfet a commis une erreur de droit en se fondant sur le 2° de l'article L. 611-1 de ce même code alors qu'il avait demandé le renouvellement de son certificat de résidence ; - elle méconnaît l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - les décisions refusant d'accorder un délai de départ volontaire, fixant le pays de destination et lui interdisant le retour sur le territoire seront annulées par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire. Par un mémoire en défense enregistré le 10 février 2023, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête. Il soutient que : - les conclusions dirigées contre le refus de titre sont irrecevables comme tardives dès lors que la requête de première instance ne demandait l'annulation que de l'obligation de quitter le territoire français ; - les moyens de la requête ne sont pas fondés. Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions de M. A... dirigées contre la décision de refus d'admission au séjour du 10 novembre 2022, qui, formulées pour la première fois en appel, présentent le caractère de conclusions nouvelles et sont, comme telles, irrecevables. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 janvier 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Le rapport de Mme Barrois, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. C... A..., ressortissant algérien né le 30 avril 1990, est entré en France le 10 janvier 2015 selon ses déclarations. Il s'est vu délivrer plusieurs certificats de résidence algérien en qualité de père d'enfant français dont le dernier expirait le 11 mars 2022. Incarcéré au centre de détention d'Ecrouves à la suite de condamnations pour des faits de violence, il en a sollicité le renouvellement par une demande adressée à la préfecture de Meurthe-et-Moselle le 16 février 2022. Par sa requête enregistrée le 16 août 2022, M. A... demande au tribunal d'annuler la mesure d'éloignement dont il soutenait avoir fait l'objet, sans régulariser sa requête par la production de la décision attaquée. En cours d'instance, son conseil fait valoir qu'il devait en réalité être regardé comme ayant sollicité l'annulation de la décision implicite de refus de renouvellement de son certificat de résidence à laquelle s'est substitué l'arrêté du 10 novembre 2022 portant refus de titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination duquel il est susceptible d'être éloigné et lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. M. A... relève appel du jugement du 28 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Sur les conclusions à fin d'annulation du refus d'admission au séjour : 2. Il résulte des termes de la requête introductive de première instance et du jugement attaqué qui y répond, que M. A... a dirigé exclusivement ses conclusions à fin d'annulation contre l'obligation de quitter le territoire français sans délai et a soulevé à son encontre les moyens tirés de la méconnaissance de l'article L. 521-2 du code et de l'atteinte disproportionnée à son droit à une vie privée et familiale, repris et précisés par son avocat commis d'office, destinataire de la procédure le 21 novembre 2022, lors de l'audience du 24 novembre 2022 devant le tribunal administratif de Nancy. 3. Ainsi, les conclusions tendant à l'annulation du refus d'admission au séjour, qui n'ont pas été soumises aux premiers juges, ont le caractère de conclusions nouvelles en cause d'appel et sont, par suite, irrecevables. Dès lors, la fin de non-recevoir opposée en défense par le préfet doit être accueillie. Sur les conclusions à fin d'annulation de l'obligation de quitter le territoire français : 4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français (...)5° L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans ;(...) ". 5. Même s'il est constant que M. A... est père de deux enfants de nationalité française nés respectivement le 15 décembre 2018 et le 12 juillet 2020, il ne ressort pas davantage des pièces produites en appel qu'en première instance que M. A... contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de ses enfants dès lors qu'en outre il est séparé de leur mère et ne réside pas avec ses enfants pour lesquels il n'a pas de droit de garde et que sa fille B... avec laquelle il se prévaut d'entretenir des liens affectifs est prise en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance jusqu'au 30 décembre 2022 et n'a rendu visite qu'une seule fois à son père pendant son incarcération. Enfin, la simple production d'une attestation d'une personne indiquant qu'elle aurait reçu une somme de 300 euros en vue d'acheter des vêtements pour son fils et faire des courses pour son ex-compagne est insuffisante pour établir sa contribution financière effective. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est écarté. 6. En deuxième lieu, contrairement ce que soutient M. A..., il résulte des termes mêmes de la décision attaquée que le préfet de Meurthe-et-Moselle a bien fondé sa décision sur le 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et non sur son 2°. 7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. ". Il ressort des pièces du dossier qu'en dépit des efforts qu'il a consentis durant sa période d'incarcération, M. A... ne justifie d'aucune perspective concrète de réinsertion et que même s'il fait valoir qu'à sa levée d'écrou, il sera domicilié chez un membre de sa famille, le requérant n'établit pas être dépourvu de toute attache familiale dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-quatre ans alors qu'il résulte en outre de ce qui est exposé au point 5 qu'il n'entretient pas de liens affectifs étroits avec ses enfants pour lesquels il ne contribue ni à leur éducation, ni à leur entretien. Dans ces conditions, et compte tenu également de la gravité et du caractère récent des faits pour lesquels M. A... a été condamné par la juridiction répressive qui a conduit à son incarcération du 6 juillet 2021 au 9 décembre 2022, la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts d'intérêt public en vue desquels la décision a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est écarté. 8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces dernières dispositions que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant est écarté. 9. En dernier lieu, il résulte de ce qui précède que M. A... n'établit pas l'illégalité de la décision par laquelle le préfet de Meurthe-et-Moselle lui a fait obligation de quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré de ce que les décisions lui refusant un délai de départ volontaire, fixant le pays de destination et lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an devraient être annulées en raison d'une telle illégalité est écarté. 10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. D É C I D E : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Wallerich, président de chambre, - M. Sibileau, premier conseiller, - Mme Barrois, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. La rapporteure, Signé : M. BarroisLe président, Signé : M. Wallerich La greffière, Signé : S. Robinet La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, S. Robinet 2 N° 22NC03066 |
CETATEXT000048424341 | J5_L_2023_11_00022NC03075 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424341.xml | Texte | CAA de NANCY, 1ère chambre, 16/11/2023, 22NC03075, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de NANCY | 22NC03075 | 1ère chambre | excès de pouvoir | C | M. WALLERICH | LE JUNTER | Mme Marion BARROIS | Mme ANTONIAZZI | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 11 mars 2022 par lequel le préfet de police de Paris l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné, et l'arrêté du même jour portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de 24 mois. Par un jugement n° 2202693 du 26 septembre 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire respectivement enregistrés le 8 décembre 2022 et le 30 mars 2023, M. A..., représenté par Me Le Junter, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 26 septembre 2022 ; 2°) d'annuler l'arrêté du 11 mars 2022 par lequel le préfet de police de Paris l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné, et l'arrêté du même jour portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de 24 mois ; 3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sous astreinte de 150 euros par jour de retard dans un délai de 15 jours suivant notification de la décision à intervenir ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : Sur les moyens dirigés contre l'ensemble des décisions : - l'arrêté est entaché d'incompétence dès lors qu'il n'est pas établi que le préfet aurait été absent ou empêché ; - les décisions attaquées sont insuffisamment motivées ; - le préfet de police n'a pas procédé à l'examen individuel sérieux de sa situation avant de prendre l'arrêté attaqué dès lors qu'il n'a pris en compte ni sa présence en situation régulière pendant 22 ans, ni la situation régulière de sa compagne, ni son activité professionnelle et ni la présence de trois frères en situation régulière dont un de nationalité française ; - les décisions attaquées sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de leurs conséquences sur sa situation personnelle ; Sur les moyens dirigés contre l'obligation de quitter le territoire français : - la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur de fait dès lors qu'il justifie d'une adresse stable et que sa compagne est titulaire d'un titre de séjour ; - la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; Sur les moyens dirigés contre la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire : - la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire est entachée d'erreur de droit au regard de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il a reçu une convocation à comparaître à une audience en novembre 2022 ; - la même décision est entachée d'une erreur d'appréciation quant au risque de fuite ; Sur les moyens dirigés contre la décision fixant le pays de destination : - il est fondé à exciper de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire sans délai à l'encontre de la décision fixant le pays de destination ; - la décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; Sur les moyens dirigés contre la décision portant interdiction de retour sur le territoire français : - il est fondé à exciper de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire à l'encontre de la décision portant interdiction de retour ; - la décision est entachée d'une erreur de fait dès lors que sa compagne est titulaire d'un titre de séjour ; - la même décision est entachée d'une erreur d'appréciation quant à son principe, compte tenu des circonstances humanitaires relatives à sa situation, et quant à sa durée, eu égard à l'intensité de ses liens avec la France ; - elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par un mémoire en défense, enregistré le 14 mars 2023, le préfet de police conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés et sollicite une neutralisation de motifs quant à la régularité de la situation en France de la compagne de M. A.... M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 novembre 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Le rapport de Mme Barrois, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B... A..., ressortissant sénégalais né le 11 mai 1967, déclare être entré en France en 1998. A la suite de son interpellation par les services de police le 10 mars 2022, il a fait l'objet de deux arrêtés du préfet de police de Paris du 11 mars 2022 l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, fixant le pays à destination duquel il pourra être éloigné et lui interdisant le retour sur le territoire français pour une durée de vingt-quatre mois. M. A... fait appel du jugement du 26 septembre 2022 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés. Sur les conclusions aux fins d'annulation : S'agissant des moyens communs à l'ensemble des décisions : 2. Le requérant reprend en appel les moyens qu'il avait invoqué en première instance tirés de l'incompétence de l'auteur des arrêtés attaqués, de leur insuffisance de motivation et du défaut d'examen particulier de sa situation. Il y a lieu d'écarter ces moyens à l'appui desquels le requérant ne présente aucun élément de fait ou de droit nouveau, par adoption de motifs retenus à bon droit par le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nancy. S'agissant des moyens dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire français : 3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 2° L'étranger, entré sur le territoire français sous couvert d'un visa désormais expiré ou, n'étant pas soumis à l'obligation du visa, entré en France plus de trois mois auparavant, s'est maintenu sur le territoire français sans être titulaire d'un titre de séjour ou, le cas échéant, sans demander le renouvellement du titre de séjour temporaire ou pluriannuel qui lui a été délivré (...) ". 4. Aucune des pièces du dossier ne permet d'établir que M. A... a obtenu ou même seulement demandé la régularisation de sa situation en France. Par suite, le préfet de police de Paris pouvait se fonder sur le 2° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour obliger M. A... à quitter le territoire français au seul motif que l'intéressé s'est maintenu sur le territoire français sans être titulaire d'un titre de séjour sans que le requérant puisse utilement faire valoir la situation de sa compagne et la stabilité de son adresse qui, au demeurant ne ressortent pas des pièces soumises à la cour. Dès lors, le moyen tiré d'éventuelles erreurs de fait sur ces deux points ne peut qu'être écarté. 5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien- être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". 6. Même si M. A... se prévaut d'une situation stable en France depuis 1998, de sa relation avec une compatriote en situation régulière, mère d'un enfant français dont il s'occuperait, de la présence de trois frères en situation régulière en France, et de l'exercice d'une activité professionnelle il ne produit aucune pièce au soutien de ces allégations alors qu'au contraire le préfet de police produit un refus de titre de séjour au nom de sa compagne du 11 février 2021. Dans ces conditions, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle sont écartés. S'agissant des moyens dirigés contre la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire : 7. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet " et de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour (...) 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale (...) ". 8. En premier lieu, si M. A... fait valoir qu'il devait comparaître le 22 novembre 2022 devant le tribunal judiciaire de Metz, la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire n'a ni pour objet ni pour effet de le priver du droit de se défendre devant cette juridiction, dès lors qu'il pourra, le cas échéant, s'adresser au tribunal, en vertu de l'article 410 du code de procédure pénale, pour faire valoir qu'il est dans l'impossibilité de comparaître pour une cause indépendante de sa volonté. Par suite, la décision contestée ne méconnaît pas le droit à un procès équitable garanti par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 9. En deuxième lieu, il est constant que M. A... s'est prévalu d'un faux passeport français lors de son interpellation par les services de police le 10 mars 2022. Par ailleurs, il ne soutient ni même n'allègue être entré régulièrement sur le territoire français et avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour. Ces seuls motifs suffisent au préfet de police pour estimer qu'il existe un risque que M. A... se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français. Ainsi, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police a fait une inexacte application des dispositions combinées des articles L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. 10. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police aurait méconnu l'articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni entachée sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle. S'agissant des moyens dirigés contre la décision fixant le pays de destination : 11. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire sans délai à l'encontre de la décision fixant le pays de destination. 12. M. A... n'est pas davantage fondé à invoquer la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales à l'encontre de la décision fixant le pays de destination. S'agissant des moyens dirigés contre la décision portant interdiction de retour sur le territoire français : 13. En premier lieu, M. A... n'établit pas, ainsi qu'il vient d'être dit, l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire. Par suite, il n'est pas fondé à en exciper l'illégalité à l'encontre de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français. 14. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ". Il résulte de ces dispositions que lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, le préfet assortit, en principe et sauf circonstances humanitaires, l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour. La durée de cette interdiction doit être déterminée en tenant compte des critères tenant à la durée de présence en France, à la nature et l'ancienneté des liens de l'intéressé avec la France, à l'existence de précédentes mesures d'éloignement et à la menace pour l'ordre public représentée par la présence en France de l'intéressé. 15. Pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 6 et 9, le préfet de police de Paris n'a ni commis d'erreur de fait, ni fait une inexacte application des dispositions précitées en fixant à vingt-quatre mois la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français. De même, pour les mêmes motifs que ceux exposés précédemment le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est écarté. 16. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. D É C I D E : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de police de Paris. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Wallerich, président de chambre, - M. Sibileau, premier conseiller, - Mme Barrois, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2022. La rapporteure, Signé : M. BarroisLe président, Signé : M. Wallerich La greffière, Signé : S. Robinet La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, S. Robinet 2 N° 22NC03075 |
CETATEXT000048424342 | J5_L_2023_11_00022NC03076 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424342.xml | Texte | CAA de NANCY, 1ère chambre, 16/11/2023, 22NC03076, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de NANCY | 22NC03076 | 1ère chambre | excès de pouvoir | C | M. WALLERICH | OPYRCHAL | Mme Marion BARROIS | Mme ANTONIAZZI | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 1er décembre 2021 par lequel le préfet de la Haute-Marne l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement n° 2102866 du 27 janvier 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 8 décembre 2022, M. A..., représenté par Me Opyrchal, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 27 janvier 2022 ; 2°) d'annuler l'arrêté du 1er décembre 2021 par lequel le préfet de la Haute-Marne l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ; 3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Marne de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Par un mémoire en défense, enregistré le 9 février 2023, le préfet de la Haute-Marne conclut au non-lieu à statuer, l'arrêté ayant été abrogé en raison de l'octroi de la protection subsidiaire le 15 décembre 2022. Par un mémoire enregistré le 18 octobre 2023, M. A... déclare se désister purement et simplement de la requête. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 novembre 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Le rapport de Mme Barrois, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., de nationalité ukrainienne, déclare être entré en France le 3 octobre 2020. Il a sollicité des autorités françaises son admission au séjour au titre de l'asile en raison de craintes en cas de retour dans son pays d'origine. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 16 avril 2021, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 15 octobre 2021. Par un arrêté du 1er décembre 2021, le préfet de la Haute-Marne l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... fait appel du jugement du 27 janvier 2022 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. 2. Le désistement de M. A... est pur et simple. Rien ne s'oppose à ce qu'il en soit donné acte. D É C I D E : Article 1er : Il est donné acte du désistement de la requête de M. A.... Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Marne. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Wallerich, président de chambre, - M. Sibileau, premier conseiller, - Mme Barrois, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. La rapporteure, Signé : M. BarroisLe président, Signé : M. Wallerich La greffière, Signé : S. Robinet La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, S. Robinet 2 N° 22NC03076 |
CETATEXT000048424343 | J5_L_2023_11_00022NC03229 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424343.xml | Texte | CAA de NANCY, 1ère chambre, 16/11/2023, 22NC03229, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de NANCY | 22NC03229 | 1ère chambre | excès de pouvoir | C | M. WALLERICH | CHAMPY | M. Jean-Baptiste SIBILEAU | Mme ANTONIAZZI | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... D... B... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 20 septembre 2022 par lequel le préfet du Jura a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire d'une durée d'un an. Par un jugement n° 2201560 du 1er décembre 2022, le tribunal administratif de Besançon a rejeté ce recours. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 23 décembre 2022 et un mémoire complémentaire enregistré le 24 février 2023, M. C... D... B..., représenté par Me Champy, demande à la cour dans le dernier état de ses écritures : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Besançon du 1er décembre 2022 ; 2°) d'annuler la décision du 20 septembre 2022 par laquelle le préfet du Jura, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pour une durée d'un an ; 3°) d'enjoindre au préfet du Jura, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans le même délai ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, moyennant la renonciation de son avocat à percevoir la contribution versée par l'État au titre de l'aide juridictionnelle. Il soutient que : s'agissant de l'obligation de quitter le territoire français : - elle est entachée d'incompétence ; - elle est insuffisamment motivée ; - son droit à être entendu a été méconnu ; - le préfet du Jura a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle ; - elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. s'agissant de la décision fixant le pays de renvoi : - elle est entachée d'incompétence ; - elle est entachée d'un vice de procédure dès lors que le principe du contradictoire n'a pas été respecté ; -elle est insuffisamment motivée ; - elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité affectant l'obligation de quitter le territoire français ; - elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. s'agissant de l'interdiction de retour sur le territoire français : - elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité affectant l'obligation de quitter le territoire français ; - elle est disproportionnée. Par un mémoire en défense, enregistré le 28 juillet 2023, le préfet du Jura conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 6 février 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Le rapport de M. Sibileau, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. C... D... B..., ressortissant pakistanais né le 8 décembre 1970, est entré en France selon ses dires le 6 décembre 2015. L'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté le 10 octobre 2016 sa demande d'admission au statut de réfugié. Le 20 juillet 2017 la Cour nationale du droit d'asile a confirmé la décision de l'OFPRA. M. B... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour temporaire sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile le 27 juin 2022. Par un arrêté du 20 septembre 2022, le préfet du Jura a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant un an. M. B... relève appel du jugement du 1er décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 20 septembre 2022. Sur les moyens communs : 2. En premier lieu, M. Justin Babillotte, secrétaire général de la préfecture du Jura, a reçu, par arrêté préfectoral du 23 août 2022, régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs de l'Etat dans le Jura, délégation de signature aux fins de prendre les mesures de la nature de celles contenues dans l'arrêté attaqué. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte litigieux doit être écarté. 3. En second lieu, aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui s'est substitué à l'article L. 513-2 du même code dont se prévaut M. B... : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". 4. M. B..., dont la demande d'admission au statut de réfugié a d'ailleurs été rejetée par une décision du directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, en date du 10 octobre 2016, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 20 juillet 2017, soutient risquer d'être exposé à des traitements prohibés par les stipulations précisés en cas de retour au Pakistan. Toutefois il ne produit à l'appui de ses allégations aucune précision ni aucun justificatif, susceptible d'établir qu'il court personnellement des risques en cas de retour dans son pays. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français : 5. En premier lieu, contrairement à ce que soutient l'appelant, l'arrêté contesté, qui comporte l'exposé des faits et des considérations de droit sur lesquels il se fonde, est suffisamment motivé. Le préfet du Jura, qui a mentionné dans son arrêté que l'appelant ne produit pas d'éléments justifiant de considérations humanitaires particulières, qu'il n'a pas d'attaches familiales et personnelles en France, que son épouse et ses enfants vivent au Pakistan, a procédé à un examen complet de la situation personnelle de M. B.... 6. En deuxième lieu, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, notamment de son arrêt C-383/13 M. A..., N. R./Staatssecretaris van Veiligheid en Justitie du 10 septembre 2013, que toute irrégularité dans l'exercice des droits de la défense lors d'une procédure administrative concernant un ressortissant d'un pays tiers en vue de son éloignement ne saurait constituer une violation de ces droits et, en conséquence, que tout manquement, notamment, au droit d'être entendu n'est pas de nature à entacher systématiquement d'illégalité la décision prise. Il revient à l'intéressé d'établir devant le juge chargé d'apprécier la légalité de cette décision que les éléments qu'il n'a pas pu présenter à l'administration auraient pu influer sur le sens de cette décision et il appartient au juge saisi d'une telle demande de vérifier, lorsqu'il estime être en présence d'une irrégularité affectant le droit d'être entendu, si, eu égard à l'ensemble des circonstances de fait et de droit spécifiques de l'espèce, cette violation a effectivement privé celui qui l'invoque de la possibilité de mieux faire valoir sa défense dans une mesure telle que cette procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent. 7. En l'espèce, l'obligation de quitter le territoire a été prise sur le fondement des dispositions du 2°, 3° et 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, après le rejet d'une demande de titre de séjour de l'intéressé, de sorte que l'administration n'avait pas à le mettre à même de présenter spécifiquement des observations sur cette mesure. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... aurait été privé de la possibilité de présenter des éléments pertinents susceptibles d'influer sur le contenu de la décision en litige. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu doit être écarté. 8. En troisième lieu, aux termes de l'alinéa premier de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ". 9. M. B... soutient qu'il est présent en France de manière continue depuis sept ans au jour de la décision attaquée, qu'il a travaillé treize mois sur les deux années précédant cette décision au moyen de contrats à durée déterminée puis à durée indéterminée depuis 2021, qu'il justifie à ce titre d'expérience et de compétences dans le domaine de la restauration et, enfin, que le centre de ses intérêts privés se situe en France. Toutefois, la durée du séjour de M. B... sur le territoire français trouve essentiellement son origine dans son refus d'exécuter les décisions d'éloignement prises à son encontre. L'intéressé ne produit aucun élément de nature à démontrer une intégration particulière sur le territoire français. Il ressort au contraire des pièces du dossier qu'il est célibataire, sans charge de famille en France, mais également père d'enfants nés au Pakistan et dont il n'est pas démontré qu'ils ne résideraient plus dans leur pays d'origine. Dans ces conditions, M. B... ne peut pas être regardé comme justifiant de circonstances humanitaires ou d'un motif exceptionnel d'admission au séjour au sens des dispositions précitées de l'article L. 435-1 précité. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté. Sur la décision fixant le pays de destination : 10. En premier lieu, le moyen tiré de la violation du principe du contradictoire doit être écarté dès lors que la décision contestée fait suite à une demande de M. B.... 11. En deuxième lieu, la décision fixant le pays de destination est suffisamment motivée en fait par l'indication que l'intéressé est de nationalité pakistanaise, qu'il pourra être reconduit d'office à la frontière du pays dont il a la nationalité ou à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible, et qu'il n'établit pas que sa vie ou sa liberté est menacée ou qu'il est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans le cadre de l'exécution de la décision. Dès lors, le moyen tiré d'une insuffisante motivation doit être écarté. 12. En troisième lieu, ainsi qu'il a été dit précédemment, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, la décision fixant le pays de destination n'a pas été prise sur le fondement d'une décision faisant obligation de quitter le territoire français illégale. Le moyen tiré d'une telle exception d'illégalité ne peut, dès lors, qu'être écarté. 13. En quatrième et dernier lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est dépourvu de toute précision permettant d'en apprécier le bien-fondé. Sur l'interdiction de retour sur le territoire français : 14. En premier lieu, ainsi qu'il a été dit précédemment, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, la décision portant interdiction de retour sur le territoire français n'a pas été prise sur le fondement d'une décision faisant obligation de quitter le territoire français illégale. Le moyen tiré d'une telle exception d'illégalité ne peut, dès lors, qu'être écarté. 15. En second lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour (...) ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ". Il résulte de ces dispositions que lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, le préfet assortit, en principe et sauf circonstances humanitaires, l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour. La durée de cette interdiction doit être déterminée en tenant compte des critères tenant à la durée de présence en France, à la nature et l'ancienneté des liens de l'intéressé avec la France, à l'existence de précédentes mesures d'éloignement et à la menace pour l'ordre public représentée par la présence en France des intéressés. 16. Si M. B... soutient que la présence de sa famille en France constitue une circonstance humanitaire au sens de l'article L. 612-6 précité, il n'établit ni que ses enfants et son épouse seraient effectivement en France ni de surcroît qu'ils y résideraient régulièrement. 17. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence les conclusions présentées par M. B... à fin d'injonction et celles au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet du Jura. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Wallerich, président de chambre, - M. Sibileau, premier conseiller, - Mme Barrois, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. Le rapporteur, Signé : J.-B. SibileauLe président, Signé : M. Wallerich La greffière, Signé : S. Robinet La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, S. Robinet 2 N° 22NC03229 |
CETATEXT000048424344 | J5_L_2023_11_00022NC03246 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424344.xml | Texte | CAA de NANCY, 3ème chambre, 14/11/2023, 22NC03246, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-14 00:00:00 | CAA de NANCY | 22NC03246 | 3ème chambre | excès de pouvoir | C | M. WURTZ | BERTIN | Mme Sandra BAUER | M. MARCHAL | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler la décision du 26 janvier 2022 par laquelle le préfet du Doubs a refusé de renouveler son autorisation provisoire de séjour, ainsi que l'arrêté du 23 août 2022 par lequel il a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement n° 2201325, 2201448 et 2201585 du 1er décembre 2022, le tribunal administratif de Besançon a rejeté ses demandes. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 27 décembre 2022, Mme A..., représentée par Me Bertin, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 1er décembre 2022 du tribunal administratif de Besançon ; 2°) d'annuler la décision du 26 janvier 2022 portant refus de renouvellement de son autorisation provisoire de séjour ainsi que l'arrêté du 23 août 2022 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi ; 3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " visiteur " dans un délai de deux mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir et dans cette attente de lui remettre un récépissé de demande ou, à titre subsidiaire, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour d'une durée de trois mois dans un délai de huit jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre infiniment subsidiaire, de procéder au réexamen de ses demandes dans un délai de huit jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : En ce qui concerne la décision portant refus de renouvellement de son autorisation provisoire de séjour : - la décision attaquée est insuffisamment motivée en droit, laquelle était requise s'agissant d'une demande de prolongation de visa pour force majeure et prévue par le code des relations entre le public et l'administration ; - elle méconnaît l'article 33-1 du règlement (CE) n° 810/2009 du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 ; l'ordonnance n° 2020/328 du 25 mars 2020 prévoyait une prolongation de validité de 6 mois des autorisations provisoires de séjours et visas de long séjour expirant entre le 16 mars et le 15 juin 2020 ; - elle est entachée d'erreur de droit du fait de la remise en cause d'un droit provisoire au séjour acquis sans fraude, en l'absence de changement dans les circonstances de fait et de droit ; - elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; à supposer qu'elle ait pu rentrer en Chine, elle aurait dû se soumettre à un confinement prolongé dans un contexte d'isolement familial et social incompatible avec son âge et son état de santé ; elle bénéficie en France d'une prise en charge matérielle et financière par sa fille et son gendre en situation régulière ; En ce qui concerne la décision portant refus de séjour : - elle est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen individuel de sa situation ; - elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet s'est cru, à tort, en situation de compétence liée en raison de l'absence de visa long séjour et de moyens d'existence suffisants ; - elle est entachée d'une erreur de fait quant à ses ressources ; - elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de son état de santé et des conditions d'accueil en Chine ; - elle méconnaît les stipulations l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français : - elle est irrégulière en raison de l'illégalité entachant la décision de refus de renouvellement de son autorisation provisoire de séjour. Par un mémoire en défense, enregistré le 26 janvier 2023, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête. Il soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ; - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le règlement n° 810/2009 du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 établissant un code communautaire des visas ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de Mme Bauer a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. Mme A..., ressortissante chinoise née le 24 février 1958, est entrée en France le 16 juillet 2019 sous couvert d'un visa de type D portant la mention " long séjour temporaire ", valable jusqu'au 1er juillet 2020, pour y visiter sa fille et ses petits-enfants. En raison du contexte sanitaire lié à l'épidémie de Covid-19, Mme A... n'a pu regagner son pays pendant la période de validité de son visa et s'est vu délivrer, le 20 juillet 2020, une autorisation provisoire de séjour valable jusqu'au 31 août suivant et renouvelée à plusieurs reprises, jusqu'au 20 janvier 2022. Par une décision du 26 janvier 2022, le préfet du Doubs a refusé de renouveler son autorisation provisoire de séjour et par un arrêté du 23 août 2022, il a également rejeté la demande du 4 mai 2022 de délivrance d'un titre de séjour portant la mention " visiteur " de l'intéressée, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement du 1er décembre 2022, dont Mme A... relève appel, le tribunal administratif de Besançon a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de ces décisions. Sur les conclusions aux fins d'annulation : En ce qui concerne la décision de refus de renouvellement de l'autorisation provisoire de séjour du 26 janvier 2022 : 2. En premier lieu, il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, d'écarter les moyens tirés de l'insuffisance de motivation en droit et de la méconnaissance des dispositions du règlement (CE) n° 810/2009 du 13 juillet 2009. 3. En deuxième lieu, Mme A... ne disposait d'aucun droit acquis à la prolongation de son autorisation provisoire de séjour, laquelle avait déjà été renouvelée à cinq reprises du 31 août 2020 jusqu'à la fin du mois de janvier 2022. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté. 4. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision contestée, la limitation du trafic aérien avec la Chine, en raison de laquelle lui avait été délivrée puis renouvelée une autorisation provisoire de séjour, avait disparu et qu'ainsi que l'ont retenu à bon droit les premiers juges, la requérante n'établit pas avoir été dans l'impossibilité de se rendre en Chine par voie aérienne entre la dernière date de renouvellement de son autorisation provisoire de séjour et la décision de refus attaquée. L'autorisation provisoire de séjour sollicitée n'ayant ni pour objet ni pour effet de permettre son installation durable sur le territoire, les circonstances selon lesquelles elle bénéficierait en France d'une prise en charge médicale, matérielle et affective par sa fille et son gendre sont sans incidence sur la légalité du refus qui lui a été opposé. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté. En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour du 23 août 2022 : 5. En premier lieu, il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, d'écarter les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de la décision de refus de titre de séjour et du défaut d'examen particulier de la situation de l'intéressée. 6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 426-20 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui apporte la preuve qu'il peut vivre de ses seules ressources, dont le montant doit être au moins égal au salaire minimum de croissance net annuel, indépendamment de l'allocation aux adultes handicapés mentionnée à l'article L. 821-1 du code de la sécurité sociale et de l'allocation supplémentaire mentionnée à l'article L. 815-24 du même code, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " visiteur " d'une durée d'un an. / Il doit en outre justifier de la possession d'une assurance maladie couvrant la durée de son séjour et prendre l'engagement de n'exercer en France aucune activité professionnelle (...) ". Aux termes de l'article L. 412-1 du même code : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues aux articles L. 412-2 et L. 412-3, la première délivrance d'une carte de séjour temporaire ou d'une carte de séjour pluriannuelle est subordonnée à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 411-1 ". Aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et des demandeurs d'asile : " Sous réserve des engagements internationaux de la France ou du livre II, tout étranger âgé de plus de dix-huit ans qui souhaite séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois doit être titulaire de l'un des documents de séjour suivants : 1° Un visa de long séjour ; 2° Un visa de long séjour conférant à son titulaire, en application du second alinéa de l'article L. 312-2, les droits attachés à une carte de séjour temporaire ou à la carte de séjour pluriannuelle prévue aux articles L. 421-9 à L. 421-11 ou L. 421-13 à L. 421-24, ou aux articles L. 421-26 et L. 421-28 lorsque le séjour envisagé sur ce fondement est d'une durée inférieure ou égale à un an ; (...) ". 7. Il ressort des pièces du dossier que, pour refuser à l'intéressée la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " visiteur ", le préfet du Doubs s'est fondé, ainsi qu'il pouvait le faire et sans qu'il apparaisse qu'il se soit cru lié à tort par ces éléments, sur les circonstances que l'intéressée ne justifiait plus, à la date de sa demande, d'un visa de long séjour en cours de validité, exigé par l'article L. 412-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et qu'elle ne disposait pas de moyens d'existence suffisants au regard des dispositions de l'article L. 426-20 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. A cet égard est sans incidence la circonstance que la fille de Mme A... et son époux disposent d'un revenu suffisant pour la prendre en charge dès lors que les dispositions précitées exigent que les ressources propres du demandeur soient au moins égales au salaire minimum de croissance net annuel, tel n'étant pas le cas dès lors que la requérante ne justifie que d'une retraite mensuelle équivalent à 457,46 euros. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'erreur de fait doit donc être écarté. 8. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". 9. Si la requérante se prévaut de la présence en France de sa fille et de son gendre, qui disposent de revenus suffisants pour la prendre en charge, et de problèmes de santé nécessitant un suivi régulier, lequel ne pourra être assuré en cas de retour dans son pays d'origine en raison des conditions d'accueil de cet Etat, le titre de séjour sollicité portant la mention " visiteur " n'a pas vocation à lui conférer un droit au séjour permanent en France et implique, en tout état de cause, son retour dans son pays d'origine. Dans ces circonstances, la décision de refus de titre de séjour n'a pas porté au droit de Mme A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. 10. En dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale (...) ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. 11. La fille de l'intéressée étant majeure à la date de sa demande de délivrance d'un titre de séjour, Mme A... n'est pas fondée à se prévaloir de ces dispositions. En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français du 23 août 2022 : 12. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'illégalité, par voie d'exception, de la décision portant refus de renouvellement de son autorisation provisoire de séjour doit être écarté. 13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté ses demandes en annulation des décisions attaquées. Il s'ensuit que ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées, de même que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D E C I D E : Article 1er : La requête susvisée présentée par Mme A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet du Doubs. Délibéré après l'audience du 17 octobre 2023, à laquelle siégeaient : M. Wurtz, président, Mme Bauer, présidente-assesseure, M. Meisse, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2023. La rapporteure, Signé : S. BAUER Le président, Signé : Ch. WURTZ Le greffier, Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, Le greffier : F. LORRAIN N° 22NC03246 2 |
CETATEXT000048424345 | J5_L_2023_11_00023NC00099 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424345.xml | Texte | CAA de NANCY, 1ère chambre, 16/11/2023, 23NC00099, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de NANCY | 23NC00099 | 1ère chambre | excès de pouvoir | C | M. WALLERICH | CHAIB | Mme Marion BARROIS | Mme ANTONIAZZI | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 29 juillet 2021 par laquelle le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour. Par un jugement n° 2102583 du 23 novembre 2021, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire enregistrés les 10 janvier et 17 avril 2023, M. A..., représenté par Me Chaib, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 23 novembre 2021 ; 2°) d'annuler la décision du 29 juillet 2021 par laquelle le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour ; 3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer une carte de séjour temporaire l'autorisant à travailler dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : - la décision de refus de titre de séjour est entachée d'incompétence en l'absence de délégation de compétence au signataire de l'acte ; - son état civil et son âge sont établis par l'ensemble des éléments produits et le préfet ne renverse pas la présomption d'authenticité de l'article 47 du code civil ; - il peut ainsi se prévaloir d'un droit au séjour sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il en remplit les conditions. Par un mémoire en défense, enregistré le 31 mars 2023, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés dès lors que le nouvel extrait d'acte de naissance est également irrégulier et qu'il ne justifie ni suivre une formation qualifiante au titre de l'année scolaire 2022/2023, ni du caractère réel et sérieux de ses études. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 novembre 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention franco-ivoirienne du 24 avril 1961 ; - le code civil ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Barrois, première conseillère, - et les observations de Me Jeannot, substituant Me Chaib, représentant M. A.... Considérant ce qui suit : 1. M. A..., ressortissant ivoirien, déclarant être né le 10 avril 2002, est entré sur le territoire français le 28 janvier 2019. Il a été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance par une ordonnance de placement provisoire du 2 avril 2019 puis par une ordonnance d'ouverture d'une tutelle d'Etat du 15 avril 2019. Par un courrier du 10 août 2019, reçu par les services de la préfecture de Meurthe-et-Moselle le 20 septembre 2019, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en se prévalant de son inscription en certificat d'aptitude professionnel (CAP) " maintenance des véhicules " au lycée professionnel de Dombasle-sur-Meurthe. Par une décision du 29 juillet 2021, le préfet de Meurthe-et-Moselle a rejeté sa demande de titre de séjour. M. A... relève appel du jugement du 23 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Sur le cadre du litige : 2. D'une part, aux termes de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : / 1° Les documents justifiants de son état civil ; / 2° Les documents justifiants de sa nationalité ; (...) ". Aux termes de l'article L. 811-2 du même code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Aux termes de l'article 20 de l'accord franco-ivoirien du 24 avril 1961 : " Par acte de l'état civil, au sens des articles 18 et 19 ci-dessus, il faut entendre : les actes de naissance, les actes de déclaration d'un enfant sans vie, les actes de reconnaissance des enfants naturels dressés par les officiers de l'état civil, les avis de légitimation, les actes de mariage, les actes de décès, les transcriptions des ordonnances, jugements ou arrêts en matière d'état civil, les transcriptions des jugements ou arrêts de divorce et de séparation de corps ". Selon l'article 21 de ce même accord : " Seront admis, sans légalisation, sur les territoires respectifs de la République Française et de la République de Côte d'Ivoire les documents suivants établis par les autorités administratives et judiciaires de chacun des deux Etats : les expéditions des actes de l'état civil, les expéditions des décisions, ordonnances, jugements, arrêts et autres actes judiciaires, les affidavits, déclarations écrites ou autres documents judiciaires enregistrés ou déposés dans les tribunaux des deux Etats, les actes notariés, les certificats de vie des rentiers-viagers (...) ". 3. Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'est produit devant l'administration un acte d'état civil émanant d'une autorité étrangère qui a fait l'objet d'une légalisation, sont en principe attestées la véracité de la signature apposée sur cet acte, la qualité de celui qui l'a dressé et l'identité du sceau ou timbre dont cet acte est revêtu. En cas de doute sur la véracité de la signature, sur l'identité du timbre ou sur la qualité du signataire de la légalisation, il appartient à l'autorité administrative de procéder, sous le contrôle du juge, à toutes vérifications utiles pour s'assurer de la réalité et de l'authenticité de la légalisation. En outre, la légalisation se bornant à attester de la régularité formelle d'un acte, la force probante de celui-ci peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. Par suite, en cas de contestation de la valeur probante d'un acte d'état civil légalisé établi à l'étranger, il revient au juge administratif de former sa conviction en se fondant sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. A la condition que l'acte d'état civil étranger soumis à l'obligation de légalisation et produit à titre de preuve devant l'autorité administrative ou devant le juge présente des garanties suffisantes d'authenticité, l'absence ou l'irrégularité de sa légalisation ne fait pas obstacle à ce que puissent être prises en considération les énonciations qu'il contient. En particulier, lorsqu'elle est saisie d'une demande d'admission au séjour sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il appartient à l'autorité administrative d'y répondre, sous le contrôle du juge, au vu de tous les éléments disponibles, dont les évaluations des services départementaux et les mesures d'assistance éducative prononcées, le cas échéant, par le juge judiciaire, sans exclure, au motif qu'ils ne seraient pas légalisés dans les formes requises, les actes d'état civil étrangers justifiant de l'identité et de l'âge du demandeur. 4. D'autre part, aux termes de l'article 20 de l'accord franco-ivoirien du 24 avril 1961 : " Par acte de l'état civil, au sens des articles 18 et 19 ci-dessus, il faut entendre : les actes de naissance, les actes de déclaration d'un enfant sans vie, les actes de reconnaissance des enfants naturels dressés par les officiers de l'état civil, les avis de légitimation, les actes de mariage, les actes de décès, les transcriptions des ordonnances, jugements ou arrêts en matière d'état civil, les transcriptions des jugements ou arrêts de divorce et de séparation de corps ". Selon l'article 21 de ce même accord : " Seront admis, sans légalisation, sur les territoires respectifs de la République Française et de la République de Côte d'Ivoire les documents suivants établis par les autorités administratives et judiciaires de chacun des deux Etats : les expéditions des actes de l'état civil, les expéditions des décisions, ordonnances, jugements, arrêts et autres actes judiciaires, les affidavits, déclarations écrites ou autres documents judiciaires enregistrés ou déposés dans les tribunaux des deux Etats, les actes notariés, les certificats de vie des rentiers-viagers (...) ". Il résulte de ces stipulations que l'extrait du registre d'état civil ne figurant pas sur la liste des actes exemptés de légalisation, il ne saurait être regardé comme bénéficiant de la présomption instituée par l'article 47 du code civil. Sur les conclusions à fin d'annulation : 5. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que pour justifier de sa minorité et de son état civil, M. A... a produit un passeport biométrique valable du 7 septembre 2020 au 6 septembre 2025, un extrait du registre des actes d'état civil de Lopou du 6 novembre 2018 le déclarant né le 10 avril 2002 à Vieil-Ousrou en Côte d'Ivoire, un certificat de nationalité ivoirienne du 18 décembre 2018 du président du tribunal de première instance de Yopougon ainsi qu'en dernier lieu, un nouvel extrait du registre des actes d'état civil du 31 janvier 2022 légalisé le 10 février 2022 par le sous-préfet de Lopou et le 16 février 2022 par le secrétaire général de préfecture à Abidjan qui confirme les précédents documents. 6. Même s'il ressort du rapport d'examen technique documentaire du 5 mars 2020 que le premier extrait d'acte de naissance n'étant pas légalisé, il serait irrecevable au regard de l'article 47 du code civil et que le certificat de nationalité contreviendrait aux articles 97 et 98 du code de la nationalité ivoirien, il résulte néanmoins du rapport du 30 mars 2023 relatif au nouvel extrait du registre des actes d'état civil du 31 janvier 2022 que même s'il manque les mentions obligatoires prévues aux articles 24, 42 et 42 du code de l'état civil ivoirien, le document est cohérent avec les éléments portés sur les deux documents précédemment expertisés en mars 2020 et que le passeport expertisé le 17 février 2021 est conforme et présente toutes les garanties de son caractère authentique. Par suite, M. A... a bien justifié de sa nationalité et de son état civil. 7. En second lieu, aux termes de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable ". 8. Il résulte de ce qui est exposé au point 6 que M. A... a bien sollicité le 10 août 2019 à l'âge de dix-sept ans une carte de séjour salarié. De plus, il ressort du rapport de la structure d'accueil que M. A... s'est parfaitement intégré et qu'il n'a plus aucun contact avec sa famille. Enfin, le caractère réel et sérieux de sa formation ne peut être remis en cause dès lors qu'il a obtenu son certificat d'aptitude professionnel (CAP) " maintenance des véhicules " au lycée professionnel de Dombasle-sur-Meurthe en juin 2021 avec une moyenne générale supérieure à 14/20 avant de poursuivre sa scolarité en première professionnelles pour l'année 2021/2022. Par suite, à la date de la décision attaquée, M. A... remplissait les conditions pour obtenir un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. 9. Il résulte de tout ce qui précède que la décision du 29 juillet 2021 du préfet de Meurthe-et-Moselle est annulée et que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Sur les conclusions à fin d'injonction : 10. Eu égard au motif d'annulation de l'arrêté attaqué ci-dessus retenu et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que des éléments de fait ou de droit nouveaux justifieraient que l'autorité administrative oppose une nouvelle décision de refus, le présent arrêt implique nécessairement que cette autorité délivre à M. A... un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de délivrer ce titre dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a toutefois pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte. Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 : 11. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Chaib avocat de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Chaib de la somme de 1 500 euros. D É C I D E : Article 1er : Le jugement n° 2102583 du 23 novembre 2021 du tribunal administratif de Nancy et l'arrêté du 29 juillet 2021 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a rejeté la demande de titre de séjour présentée par M. A... sont annulés. Article 2 : Il est enjoint au préfet de Meurthe-et-Moselle de délivrer à M. A... une carte de séjour temporaire sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. Article 3 : L'Etat versera à Me Chaib, avocat de Me A..., une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Chaib renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Chaib et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée à la préfète de Meurthe-et-Moselle Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Wallerich, président de chambre, - M. Sibileau, premier conseiller, - Mme Barrois, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. La rapporteure, Signé : M. BarroisLe président, Signé : M. Wallerich La greffière, Signé : S. RobinetLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, S. Robinet 2 N° 23NC00099 |
CETATEXT000048424346 | J5_L_2023_11_00023NC00117 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424346.xml | Texte | CAA de NANCY, 3ème chambre, 14/11/2023, 23NC00117, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-14 00:00:00 | CAA de NANCY | 23NC00117 | 3ème chambre | excès de pouvoir | C | M. WURTZ | DOLLÉ | Mme Sandra BAUER | M. MARCHAL | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 15 octobre 2021 par lequel le préfet de la Moselle l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans. Par un jugement n° 2107048 du 1er février 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa requête. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 12 janvier 2023, M. A..., représenté par Me Dollé, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 1er février 2022 du tribunal administratif de Strasbourg ; 2°) d'annuler l'arrêté du 15 octobre 2021 par lequel le préfet de la Moselle l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans ; 3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer un titre de séjour ou un récépissé de demande ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation dans un délai déterminé, au besoin sous astreinte ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il soutient que : Sur la décision préfectorale portant obligation de quitter le territoire français : - elle a été prise en méconnaissance du droit d'être entendu et révèle un défaut d'examen personnel de sa situation ; - elle méconnaît les dispositions du 1° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Sur l'interdiction de retour sur le territoire français : - elle est entachée d'insuffisance de motivation dans son principe et dans sa durée ; - elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation. Par un mémoire en défense, enregistré le 31 janvier 2023, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête. Il soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 décembre 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Bauer, - et les observations de Me Dollé pour M. A.... Une note en délibéré, présentée pour M. A..., a été enregistrée le 17 octobre 2023. Considérant ce qui suit : 1. M. B... A..., ressortissant ivoirien, a déclaré être entré en France irrégulièrement le 24 février 2020. Se déclarant mineur isolé, il a sollicité sa prise en charge par le centre départemental de l'enfance de Metz qui lui a opposé un refus au terme de la période d'évaluation pour contestation de la réalité de sa minorité. Par un jugement du 19 mars 2021, le juge des enfants, saisi d'un recours à l'encontre de la décision du centre départemental de l'enfance, a prononcé une mesure d'assistance éducative à son égard et a saisi le procureur aux fins de vérification de ses documents d'identité et d'état civil. Au vu des résultats de l'enquête effectuée, M. A... a fait l'objet d'un placement en garde à vue le 14 octobre 2021 pour des faits de détention frauduleuse de faux documents administratifs constatant un droit, une identité ou une qualité. Par un arrêté du 15 octobre 2021, le préfet de la Moselle lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français. Par un jugement du 1er février 2022, dont l'intéressé relève appel, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté les conclusions de l'intéressé à fin d'annulation de ces décisions. Sur les conclusions à fin d'annulation : Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire : 2. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants :1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ;(...) ;5° Le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public ;(...) ". 3. En premier lieu, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (arrêt C-141/12 et C-372/12 du 17 juillet 2014), que l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne s'adresse non pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations par une autorité d'un Etat membre est inopérant. D'autre part, une atteinte au droit d'être entendu garanti par les principes généraux du droit de l'Union européenne n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle une décision faisant grief est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de la décision. 4. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que M. A... a été mis à même de présenter toutes observations utiles sur les conditions d'obtention des documents administratifs ivoiriens dont il s'est prévalu, de même que sur son droit au séjour et sur l'éventualité d'une mesure d'éloignement, au cours de la garde à vue dont il a fait l'objet le 14 octobre 2021 à l'occasion de la procédure pour détention et usage de faux documents intentée à son encontre. Il n'établit ainsi nullement avoir été empêché de présenter l'attestation d'authenticité de son passeport biométrique ivoirien qui lui a été délivrée par le consulat général de Côte d'Ivoire à Paris alors, en tout état de cause, que le caractère authentique de ce dernier n'a pas fait l'objet d'une contestation, seules ses conditions d'obtention ayant été critiquées. La circonstance, à la supposer établie, que l'administration n'ait pas vérifié ces conditions d'obtention auprès des autorités consulaires ne saurait caractériser un défaut d'examen de sa situation, alors qu'il est constant que les services de police ont procédé, sur instruction du procureur de la République près le tribunal judiciaire de Metz du 2 juillet 2021, à une évaluation des documents administratifs en possession de l'intéressé. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être préalablement entendu et du défaut d'examen particulier de la situation de M. A... ne peuvent qu'être écartés. 5. En second lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français :1° L'étranger mineur de dix-huit ans ; (...) ". Aux termes de l'article L. 811-2 du même code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies à l'article 47 du code civil. ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française. ". Ce dernier article pose une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère. Il incombe à l'administration de renverser cette présomption en apportant la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question. 6. Il ressort des pièces du dossier que si M. A... a présenté plusieurs documents administratifs faisant état de sa situation de minorité, l'examen technique documentaire, mené le 16 juillet 2021 sur instruction du procureur de la République, a permis d'établir que, tant l'extrait de registre d'état-civil que la copie intégrale d'acte de naissance et le certificat de nationalité ivoirienne produits par l'intéressé comportaient de nombreuses irrégularités et de conclure que, si le passeport biométrique présenté par M. A... et obtenu sur la base de ces documents présentait, quant à lui, un caractère authentique, il avait été obtenu de manière indue. L'expertise osseuse également conduite le 14 octobre 2021 a par ailleurs révélé une importante discordance par rapport à l'âge civil déclaré, concluant à un âge d'au moins 26 ans. Si le requérant se prévaut du jugement du tribunal correctionnel de Metz du 29 octobre 2021 le renvoyant des fins de la poursuite dans le cadre de la procédure pour détention et usage de faux documents, l'autorité de la chose jugée s'attachant aux décisions des juges répressifs devenues définitives ne s'attache qu'à la constatation matérielle des faits mentionnée dans le jugement. Or, ledit jugement ne comporte aucune mention de ses motifs, alors au demeurant qu'il relève par ailleurs que l'intéressé est né le 5 janvier 1995, et non, comme ce dernier l'allègue, le 5 janvier 2004. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté. Sur la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire français : 7. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11. ". 8. En premier lieu, il résulte des termes de la décision litigieuse qu'elle comporte les éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement, le préfet de la Moselle ayant notamment analysé la situation de M. A... au regard des critères prévus par les dispositions précitées. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté. 9. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé n'était présent en France que depuis moins de deux ans à la date de la mesure d'éloignement et n'y justifie pas de liens personnels et familiaux, ni de circonstance humanitaire particulière justifiant l'absence d'édiction d'une mesure d'interdiction de retour. La seule circonstance qu'il poursuit des études en France ne suffit pas à caractériser une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, alors en tout état de cause qu'il ne justifie pas ne pas pouvoir mener à bien sa scolarité dans son pays d'origine où résident toujours ses parents. Les moyens tirés de la méconnaissance de ces stipulations et de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle doivent par suite être écartés. 10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande en annulation des décisions attaquées. Il s'ensuit que ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées, de même que celles présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. D E C I D E : Article 1er : La requête susvisée présentée par M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Moselle. Délibéré après l'audience du 17 octobre 2023, à laquelle siégeaient : M. Wurtz, président, Mme Bauer, présidente-assesseure, M. Meisse, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2023. La rapporteure, Signé : S. BAUER Le président, Signé : Ch. WURTZ Le greffier, Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, Le greffier : F. LORRAIN N° 23NC00117 2 |
Subsets and Splits