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CETATEXT000048448367 | J4_L_2023_11_00022NT00999 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/44/83/CETATEXT000048448367.xml | Texte | CAA de NANTES, 6ème chambre, 21/11/2023, 22NT00999, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-21 00:00:00 | CAA de NANTES | 22NT00999 | 6ème chambre | plein contentieux | C | M. GASPON | LECOUR | Mme Valérie GELARD | Mme BOUGRINE | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... Poncel a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision implicite du Garde des sceaux, ministre de la justice refusant de modifier l'arrêté du 10 février 2020 prononçant son reclassement au 8ème échelon du grade de directeur pénitentiaire d'insertion et de probation de classe normale avec un reliquat d'ancienneté de 1 an 11 mois et 26 jours. Par un jugement n° 2001558 du 1er février 2022, le tribunal administratif de Caen a annulé la décision implicite de rejet du Garde des sceaux, ministre de la justice, et lui a enjoint de procéder à la révision de l'arrêté prononçant le reclassement de M. Poncel dans le corps des directeurs pénitentiaires d'insertion et de probation, conformément au point 9 de ses motifs, et d'en tirer toutes les conséquences qui s'imposent sur sa situation financière et administrative, dans un délai de deux mois à compter de sa notification. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 1er avril 2022, régularisée le 13 avril 2022, le Garde des sceaux, ministre de la justice demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 1er février 2022 ; 2°) de rejeter la demande présentée devant le tribunal administratif par M. Poncel. Il soutient que : - les dispositions de l'article 4 du décret du 23 décembre 2006 n'étaient pas applicables à M. Poncel dès lors qu'il était conseiller pénitentiaire d'insertion et de probation ; - l'intéressé n'entrait pas dans le champ d'application de l'article 5 de ce décret dans la mesure où en vertu de l'article 24 du décret du 30 janvier 2019, il devait être réputé avoir accompli l'ensemble de ses services dans un corps de catégorie A. Par un mémoire en défense, enregistré le 25 mai 2022, M. Poncel, représenté par Me Lecour, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que les moyens soulevés par le Garde des sceaux, ministre de la justice ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020; - le décret n° 2006-1827 du 23 décembre 2006 ; - le décret n° 2010-1639 du 23 décembre 2010 ; - le décret n° 2010-1640 du 23 décembre 2010 ; - le décret n° 2010-1641 du 23 décembre 2010 ; - le décret n° 2019-50 du 30 janvier 2019 ; - le décret n°2019-52 du 30 janvier 2019 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Gélard, - les conclusions de Mme Bougrine, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. Poncel, conseiller pénitentiaire d'insertion et de probation, a été promu au choix au grade de directeur pénitentiaire d'insertion et de probation. Par un arrêté du 10 février 2020, il a été reclassé, à la date du 13 janvier 2020, au 8ème échelon du grade de directeur pénitentiaire d'insertion et de probation de classe normale. Par un courrier du 14 février 2020, l'intéressé a contesté son reclassement. Il a saisi le tribunal administratif de Caen d'une demande tendant à l'annulation de la décision implicite du Garde des sceaux, ministre de la justice refusant de modifier son arrêté du 10 février 2020. Par un jugement du 1er février 2022, le tribunal administratif de Caen a annulé la décision implicite du Garde des sceaux, ministre de la justice. Les premiers juges ont également enjoint au ministre de procéder, sous deux mois, à la révision de l'arrêté prononçant le reclassement de M. Poncel dans le corps des directeurs pénitentiaires d'insertion et de probation, conformément au point 9 du jugement, et d'en tirer toutes les conséquences s'imposant sur sa situation financière et administrative. Le ministre relève appel de ce jugement. Sur la légalité de l'arrêté du 10 février 2020. 2. Aux termes de l'article 1er du décret du 23 décembre 2006 relatif aux règles du classement d'échelon consécutif à la nomination dans certains corps de catégorie A de la fonction publique de l'Etat : " Les dispositions du présent décret s'appliquent aux personnes nommées dans les corps de fonctionnaires de catégorie A de la fonction publique de l'Etat figurant en annexe, sans préjudice de l'application des dispositions plus favorables instituées par les statuts particuliers de ces corps. ". Le corps des directeurs d'insertion et de probation de l'administration pénitentiaire figure sur cette annexe. 3. Il ressort des termes de l'arrêté du 10 février 2020, que M. Poncel a été nommé directeur pénitentiaire d'insertion et de probation avec effet au 13 janvier 2020. A compter de cette date, l'intéressé n'était donc plus conseiller pénitentiaire d'insertion et de probation. Par suite, la circonstance que ce grade ne figure pas à l'annexe mentionnée à l'article 1er du décret du 23 décembre 2006 est sans incidence sur sa situation. Dès lors, contrairement à ce que soutient le ministre, l'intéressé entrait dans le champ d'application des dispositions du décret du 23 décembre 2006 mentionné ci-dessus. 4. Aux termes de l'article 4 du même décret du 23 décembre 2006 : " (...) Toutefois, les agents qui, avant leur nomination dans l'un des corps relevant du présent décret, appartenaient à un autre corps ou cadre d'emplois de catégorie A ou de même niveau doté d'un indice brut terminal inférieur ou égal à 801 et qui, avant leur nomination dans ce corps ou cadre d'emplois, appartenaient à un corps ou cadre d'emplois de catégorie B ou de même niveau, doté d'un indice brut terminal au moins égal à 638, peuvent demander à être classés en application des dispositions de l'article 5 en tenant compte de la situation qui serait la leur s'ils n'avaient cessé d'appartenir à ce corps ou cadre d'emplois de catégorie B. ". Aux termes de l'article 5 du même texte : " Les fonctionnaires appartenant avant leur accession à la catégorie A à un corps ou à un cadre d'emplois de catégorie B ou de même niveau sont classés à l'échelon comportant l'indice le plus proche de l'indice qu'ils détenaient avant leur nomination, augmenté de 60 points d'indice brut. (...) ". 5. Il ressort des pièces du dossier que, par un arrêté du 14 mars 2019, M. Poncel a été reclassé dans le grade de conseiller pénitentiaire d'insertion et de probation de 1ère classe relevant désormais de la catégorie A en vertu du décret du 30 janvier 2019 portant statut particulier du corps des conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation. Avant sa nomination en qualité de directeur pénitentiaire d'insertion et de probation, par l'arrêté litigieux du 10 février 2020 prenant effet au 13 janvier 2020, il exerçait donc des fonctions de catégorie A. L'indice brut terminal du 9ième échelon du grade de conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation de 1ère classe était alors de 773 points. L'intéressé remplissait donc la première condition prévue à l'article 4 du décret du 23 décembre 2006. Avant le décret du 30 janvier 2019, les conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation constituaient un corps de catégorie B de la fonction publique d'Etat. Ainsi, jusqu'à sa nomination en qualité de conseiller pénitentiaire d'insertion et de probation de 1ère classe, avec effet au 1er février 2019, M. Poncel était un agent de catégorie B. Si le II de l'article 24 de ce même décret dispose que " Les services accomplis dans les grades du corps régi par le décret du 23 décembre 2010 précité sont assimilés à des services accomplis dans le corps d'intégration. ", ces dispositions transitoires relatives à la constitution du corps, n'avaient pour seul objet que de permettre aux agents concernés de conserver leur ancienneté en vue d'un avancement d'échelon ou de grade notamment, mais en aucun cas, de leur conférer la qualité d'agent de catégorie A depuis leur entrée dans le corps des conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation. L'indice brut terminal du grade de conseiller pénitentiaire d'insertion et de probation hors classe était alors de 769 points. M. Poncel remplissait dès lors la seconde condition prévue à l'article 4 du décret précité. Il pouvait par suite se prévaloir des dispositions de cet article et par voie de conséquence de celle de l'article 5 du même décret. 6. Compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, M. Poncel pouvait solliciter le bénéfice des dispositions plus favorables de l'article 5 du décret du 23 décembre 2016. Par suite, en refusant de le reclasser à l'échelon comportant l'indice le plus proche de l'indice qu'il détenait avant sa nomination, augmenté de 60 points d'indice brut, c'est à juste titre que le tribunal administratif a jugé que le ministre avait entaché sa décision d'une erreur de droit. 8. Il résulte de tout ce qui précède, que le Garde des sceaux, ministre de la justice n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a, d'une part, annulé sa décision implicite refusant de modifier le reclassement de M. Poncel et, d'autre part, lui a enjoint de réexaminer sa situation dans un sens conforme aux dispositions précitées du décret du 23 décembre 2016. Sur les frais liés au litige : 9. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. Poncel d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : La requête du Garde des sceaux, ministre de la justice, est rejetée. Article 2 : L'Etat versera à M. Poncel une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au Garde des sceaux, ministre de la justice et à M. A... Poncel. Délibéré après l'audience du 27 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - Mme Gélard, première conseillère, - M. Pons, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 novembre 2023. La rapporteure, V. GELARDLe président, O. GASPON La greffière, I. PETTON La République mande et ordonne au Garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22NT00999 |
CETATEXT000048448368 | J4_L_2023_11_00022NT01685 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/44/83/CETATEXT000048448368.xml | Texte | CAA de NANTES, 6ème chambre, 21/11/2023, 22NT01685, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-21 00:00:00 | CAA de NANTES | 22NT01685 | 6ème chambre | excès de pouvoir | C | M. GASPON | MATEL | Mme Valérie GELARD | Mme BOUGRINE | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 27 octobre 2019 par laquelle le directeur interdépartemental des routes Ouest a implicitement rejeté sa demande tendant au paiement de ses heures de veille qualifiée à domicile. Par un jugement n° 1906477 du 5 avril 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 1er juin 2022, M. B..., représenté par Me Matel, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 5 avril 2022 ; 2°) d'annuler la décision implicite de rejet mentionnée ci-dessus ; 3°) d'enjoindre au ministre de la transition écologique et solidaire de réexaminer sa demande ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - tout agent qui se trouve sous la direction de son employeur, même hors des lieux habituels de travail, doit être reconnu comme étant sous la direction de sa hiérarchie ; - le bilan d'activité des centres d'ingénierie et de gestion du trafic pour l'année 2019 permet de comptabiliser en moyenne 10 évènements routiers lors des astreintes du lundi au vendredi et entre 20 et 40 durant les samedis, dimanches et jours fériés ; ces chiffres attestent de la fréquence moyenne des sollicitations effectives auxquelles les agents d'astreinte étaient confrontés ; - l'indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires est allouée aux personnels de catégories A et B et non aux agents de catégorie C, comme lui ; - s'il reconnaît avoir perçu 159,20 euros par semaine d'astreinte, le forfait de 310 euros versé en 2017 sous la forme d'heures supplémentaires sur le fondement d'une note interne illégale, ne correspond pas au nombre d'évènements hebdomadaires et au temps impartis pour les traiter. Par un mémoire en défense, enregistré le 21 septembre 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête. Il soutient que M. B... conteste pour la première fois en appel le caractère forfaitaire de la rémunération reçue au titre des heures d'intervention et que les moyens soulevés par l'intéressé ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 ; - le décret n°2000-815 du 25 août 2000 ; - le décret n°2002-60 du 14 janvier 2002 ; - le décret n° 2015-415 du 14 avril 2015 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Gélard, - et les conclusions de Mme Bougrine, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., fonctionnaire de catégorie C au ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, est affecté à la Direction Interdépartementale des Routes de l'Ouest (DIR Ouest). En qualité de chef d'équipe d'exploitation principal des travaux publics de l'Etat, il est rattaché au Centre d'Ingénierie Gestion du Trafic (CIGT) de Vannes, chargé de la surveillance du réseau routier. Entre le 1er avril 2007 et le 31 mai 2019, un système d'astreintes à domicile était organisé. Les agents devaient assurer des astreintes dénommées " heures de veille qualifiée à domicile " du lundi au jeudi de 20 h à 6 h ainsi que du vendredi à partir de 20 h jusqu'au lundi suivant à 6 h. Par un courrier du 27 août 2019, M. B... et cinq autres agents également opérateurs au CIGT de Vannes, ont présenté auprès du directeur interdépartemental des routes Ouest une demande tendant au paiement des heures d'astreintes effectuées entre le 1er janvier 2016 et le 31 mai 2019. M. B... relève appel du jugement du 5 avril 2022, par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite rejetant sa demande. Sur la qualification et la rémunération des astreintes organisées jusqu'au 31 mai 2019 : 2. En premier lieu, aux termes de l'article 2 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail : " Aux fins de la présente directive, on entend par : / 1. " Temps de travail " : toute période durant laquelle le travailleur est au travail, à la disposition de l'employeur et dans l'exercice de son activité ou de ses fonctions, conformément aux législations et/ou pratiques nationales ; / 2. " Période de repos " : toute période qui n'est pas du temps de travail (...) ". 3. Par ailleurs, aux termes de l'article 2 du décret du 25 août 2000 relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique de l'Etat et dans la magistrature : " La durée du travail effectif s'entend comme le temps pendant lequel les agents sont à la disposition de leur employeur et doivent se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles. ". L'article 5 du même texte dispose que : " Une période d'astreinte s'entend comme une période pendant laquelle l'agent, sans être à la disposition permanente et immédiate de son employeur, a l'obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d'être en mesure d'intervenir pour effectuer un travail au service de l'administration, la durée de cette intervention étant considérée comme un temps de travail effectif. ". 4. Contrairement à ce que soutient M. B..., ni les dispositions de la directive européenne précitée, ni celles du décret du 25 août 2000, ne permettent d'affirmer que les astreintes à domicile doivent être systématiquement, même en dehors de toute intervention, considérée comme du temps de travail. 5. Par son arrêt du 9 mars 2021, RJ c/ Stadt Offenbach am Main (C-580/19), ainsi qu'aux points 93 à 95 de son arrêt du 15 juillet 2021 B.K. c/ Republika Slovenija (Ministrstvo za obrambo) (C-742/19), la Cour de justice de l'Union européenne a cependant jugé que les périodes d'astreinte effectuées sur des lieux de travail qui ne se confondent pas avec le domicile du travailleur devaient normalement être qualifiées, dans leur intégralité, de temps de travail, dès lors que le travailleur doit alors rester éloigné de son environnement social et familial et bénéficie d'une faible latitude pour gérer le temps pendant lequel ses services ne sont pas sollicités. S'agissant des autres périodes d'astreinte, la Cour a jugé qu'elles étaient également susceptibles d'être qualifiées de temps de travail selon qu'elles permettent ou non au travailleur de gérer librement son temps pendant ses périodes d'astreinte et de consacrer ce temps à ses propres intérêts. Elle a dit pour droit, aux points 48 à 53 de son arrêt du 9 mars 2021, qu'une telle qualification devait faire l'objet d'une appréciation au cas par cas, prenant en compte, premièrement, le temps de réaction laissé au travailleur, deuxièmement, les contraintes et facilités accordées au travailleur pendant cette période et, troisièmement, la fréquence moyenne des prestations effectives normalement réalisées par ce travailleur. 6. Il ressort des pièces du dossier et notamment du courrier du 27 août 2019 signé par M. B... et cinq autres de ses collègues, que les astreintes litigieuses se déroulaient les lundi, mardi, mercredi et jeudi de 20 h à 6 h et du vendredi soir à partir de 20 h jusqu'au lundi matin suivant à 6 h, tous les jours de l'année. Si le temps de réaction laissé au travailleur d'astreinte n'est pas indiqué, en vertu des dispositions de l'article 3 de l'arrêté du 23 février 2010 pris pour l'application du décret n° 2000-815 du 25 août 2000 relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique de l'Etat, dans les services et certains établissements publics du ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat, ces astreintes étaient mises en place " lorsque les exigences de continuité du service ou d'impératifs de sécurité l'imposent " et pour " permettre les interventions en dehors de l'horaire normal du service, pour faire face aux situations ci-après : 1° Prévention des accidents imminents ou réparation des accidents survenus sur les infrastructures de transports routier, fluvial et maritime et leurs équipements, aux équipements publics et aux matériels ; 2° Surveillance ou viabilité des infrastructures de transports routier, fluvial et maritime et aéroportuaire (...)". Il est constant par ailleurs, que le rôle de M. B... n'était pas d'intervenir lui-même sur les lieux de l'accident ou de l'incident, mais de contacter par téléphone, les équipes de la DIRO chargées d'intervenir matériellement sur le réseau, ainsi qu'en cas de besoin la gendarmerie ou les sapeurs-pompiers. Compte tenu de ces impératifs de sécurité, l'agent d'astreinte devait en conséquence intervenir pour alerter et déclencher les moyens d'intervention dans un délai le plus court possible. A cette fin, il disposait d'un téléphone de service et en cas de besoin, un véhicule pouvait être mis à sa disposition par son employeur. Il ne bénéficiait en revanche d'aucune autre facilité spécifique accordée, et notamment pas de logement de service, pour prendre en compte ces contraintes professionnelles. Par suite, les deux premiers critères évoqués ci-dessus, tenant au temps de réaction laissé au travailleur et aux contraintes et facilités qui lui sont accordées, permettant de qualifier le temps d'astreinte de temps de travail, doivent être regardés comme réunis. 7. Pour justifier de la fréquence moyenne des prestations normalement réalisées par les agents d'astreinte, M. B... se prévaut du bilan d'activité des centres d'ingénierie et de gestion du trafic pour l'année 2019. Le tableau figurant en page 12 de ce document permet de constater que, s'agissant du CIGT de Vannes, pour la période du 1er janvier 2019 au 1er juin 2019, en moyenne les agents d'astreintes devaient gérer entre 1,5 et 11 évènements le soir en semaine et entre 9,25 et 25,75 évènements le week-end et les jours fériés. Le même bilan, en page 22, fait apparaitre une augmentation régulière du nombre d'accidents ou d'incidents depuis 2014. Ces seuls éléments, qui se fondent sur des moyennes calculées à partir des données des six premiers mois de l'année 2019, ne sont toutefois pas suffisants pour attester de la charge de travail effective des agents d'astreintes, et en particulier de M. B..., au cours des astreintes qu'il a dû assurer entre le 1er janvier 2016 et le 31 mai 2019. Le requérant ne peut dès lors être regardé comme justifiant que durant ces astreintes, alors qu'il se trouvait à son domicile dans son environnement social et familial, il ne disposait pas d'un temps suffisant pour se consacrer à des occupations personnelles. Il s'ensuit, qu'en considérant que les astreintes assurées par M. B... ne pouvaient dès lors être qualifiées de temps de travail, pour l'intégralité de leur durée, l'administration s'est livrée à une exacte appréciation de sa situation. 8. En second lieu, aux termes de l'article 2 du décret du 14 janvier 2002 relatif aux indemnités horaires pour travaux supplémentaires : " I. - 1° Les indemnités horaires pour travaux supplémentaires peuvent être versées, dès lors qu'ils exercent des fonctions ou appartiennent à des corps, grades ou emplois dont les missions impliquent la réalisation effective d'heures supplémentaires, aux fonctionnaires de catégorie C et aux fonctionnaires de catégorie B. 2° Le versement des indemnités horaires pour travaux supplémentaires à ces fonctionnaires est subordonné à la mise en œuvre par leur employeur de moyens de contrôle automatisé permettant de comptabiliser de façon exacte les heures supplémentaires qu'ils auront accomplies (...) ". L'article 6 du même texte dispose que : " Le nombre des heures supplémentaires accomplies dans les conditions fixées par le présent décret ne peuvent dépasser un contingent mensuel de 25 heures. / Lorsque des circonstances exceptionnelles le justifient et pour une période limitée, le contingent mensuel peut être dépassé sur décision du chef de service qui en informe immédiatement les représentants du personnel au comité technique compétent. / Des dérogations au contingent mensuel peuvent être accordées, à titre exceptionnel, dans les limites prévues au I de l'article 3 du décret du 25 août 2000 susvisé, après consultation du comité technique ministériel ou du comité technique d'établissement, pour certaines fonctions dont la nature est précisée par arrêté conjoint des ministres chargés du budget, de la fonction publique et du ministre concerné ". 9. Par ailleurs, aux termes de l'article 9 du décret du 14 janvier 2002 relatif aux indemnités horaires pour travaux supplémentaires, applicables notamment aux agents de catégorie C : " Une période d'astreinte telle que définie à l'article 5 du décret du 25 août 2000 susvisé ne peut être rémunérée au titre des heures supplémentaires. Cependant lorsque des interventions sont effectuées au cours d'une période d'astreinte, ne sont pas compensées et donnent lieu à la réalisation d'heures supplémentaires, elles peuvent être rémunérées à ce titre. ". Par ailleurs, aux termes de l'article 1er du décret du 14 avril 2015 relatif à l'indemnisation des astreintes et à la compensation ou à la rémunération des interventions aux ministères chargés du développement durable et du logement : " Peuvent bénéficier d'une indemnité d'astreinte, dès lors qu'ils sont appelés à participer à un service d'astreinte au sens de l'article 5 du décret du 25 août 2000 susvisé : (...) 2° Sans préjudice des dispositions du décret du 17 décembre 2012 susvisé, les agents des ministères chargés du développement durable et du logement exerçant leurs fonctions dans les directions départementales des territoires et dans les directions départementales des territoires et de la mer. ". L'article 3 du même décret prévoit que : " L'indemnité d'astreinte est exclusive de toute autre indemnisation ou compensation en temps des astreintes ou des permanences. " et l'article 4 que " Les interventions effectuées à l'occasion d'une période d'astreinte peuvent donner lieu à une compensation en temps majorée ou une rémunération. ". 10. Enfin, aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 14 avril 2015 fixant les montants de l'indemnité d'astreinte et la rémunération horaire des interventions aux ministères chargés du développement durable et du logement (NOR : DEVK1425770A) : " (...) les activités ouvrant droit aux différentes catégories d'indemnisation de l'astreinte sont les suivantes : 1° L'indemnité d'astreinte d'exploitation mentionnée au 1° de l'article 2 du décret précité peut être allouée pour les activités mentionnées aux 1° et 2° de l'article 3 de l'arrêté du 23 février 2010 susvisé ou au 1° de l'article 1er de l'arrêté du 27 mai 2011 susvisé (...).". En vertu de l'article 2 de ce texte, les montants de l'indemnité d'astreinte d'exploitation, correspondant à celle effectuée par le requérant, sont pour une semaine complète de 159,20 euros, pour un service de nuit de 10,75 euros, pour le samedi de 37,40 euros, pour le dimanche ou les jours fériés de 46,55 euros et pour les astreintes du week-end, du vendredi soir au lundi matin, de 116,20 euros. En outre, l'article 4 de cet arrêté prévoit que : " L'indemnisation horaire des interventions versée en application du titre II du décret du 14 avril 2015 susvisé pendant les périodes d'astreinte est de : 16 € pour une intervention effectuée un jour de semaine ; 22 € pour une intervention effectuée une nuit, un samedi, un dimanche ou un jour férié. ". 11. Ainsi qu'il a été rappelé aux points 8 et 9, le versement des indemnités horaires pour travaux supplémentaires permet la rémunération du nombre exact d'heures supplémentaires réalisées par les agents de catégorie C. En revanche, une période d'astreinte, en dehors de toute intervention, peut seulement faire l'objet d'une indemnisation. Il ressort de la note du 22 mars 2019 de la DIR Ouest, produite au dossier, que depuis le 1er janvier 2014 les astreintes à domicile étaient rémunérées sur la base d'une somme de 310 euros par semaine d'astreinte. Si le requérant conteste le caractère forfaitaire de cette rémunération, son bulletin de paye du mois de décembre 2018 fait apparaître un montant global de 712,64 euros versé au titre du mois d'octobre 2018. Cette somme recouvre des indemnités de 231,79 euros pour les 14 premières heures supplémentaires, de 257,58 euros pour les heures supplémentaires effectuées les dimanches et jours fériés et de 223,27 euros pour la période du vendredi soir au lundi matin. ces éléments confirment ainsi que l'indemnisation des astreintes ne présentait aucun caractère forfaitaire. Par ailleurs, si le requérant entend contester le montant des indemnisations ainsi versées, il n'est pas contesté qu'elles ont été réévaluées en se basant sur l'activité réelle de l'année N-1 de chaque CIGT et que pour l'année 2018 un rattrapage de 150 à 250 euros a été versé à quatre reprises pour chacun des agents concernés. Le bulletin de paie de M. B... du mois de décembre 2018 fait ainsi apparaître, en plus de son traitement brut du mois concerné, et des montants rappelés ci-dessus un rappel de 159,20 euros effectué au titre du " rattrapage " de l'année en cours. Ces seuls éléments ne permettent pas de considérer que les indemnités ainsi versées seraient insuffisantes au regard des dispositions rappelées ci-dessus et des contraintes réelles imposées à ces agents. Par suite, le moyen ne peut qu'être écarté, dans ses deux branches. 12. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le ministre, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Sur les frais liés au litige : 13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. B... de la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Une copie en sera adressée, pour information, au préfet d'Ille-et-Vilaine. Délibéré après l'audience du 27 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - Mme Gélard, première conseillère, - M. Pons, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 novembre 2023. La rapporteure, V. GELARDLe président, O. GASPON La greffière, I. PETTON La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22NT01685 |
CETATEXT000048448369 | J4_L_2023_11_00022NT01689 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/44/83/CETATEXT000048448369.xml | Texte | CAA de NANTES, 6ème chambre, 21/11/2023, 22NT01689, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-21 00:00:00 | CAA de NANTES | 22NT01689 | 6ème chambre | excès de pouvoir | C | M. GASPON | MATEL | Mme Valérie GELARD | Mme BOUGRINE | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 27 octobre 2019 par laquelle le directeur interdépartemental des routes Ouest a implicitement rejeté sa demande tendant au paiement de ses heures de veille qualifiée à domicile. Par un jugement n° 1906478 du 5 avril 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 1er juin 2022, M. A..., représenté par Me Matel, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 5 avril 2022 ; 2°) d'annuler la décision implicite de rejet mentionnée ci-dessus ; 3°) d'enjoindre au ministre de la transition écologique et solidaire de réexaminer sa demande ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - tout agent qui se trouve sous la direction de son employeur, même hors des lieux habituels de travail, doit être reconnu comme étant sous la direction de sa hiérarchie ; - le bilan d'activité des centres d'ingénierie et de gestion du trafic pour l'année 2019 permet de comptabiliser en moyenne 10 évènements routiers lors des astreintes du lundi au vendredi et entre 20 et 40 durant les samedis, dimanches et jours fériés ; ces chiffres attestent de la fréquence moyenne des sollicitations effectives auxquelles les agents d'astreinte étaient confrontés ; - l'indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires est allouée aux personnels de catégories A et B et non aux agents de catégorie C, comme lui ; - s'il reconnaît avoir perçu 159,20 euros par semaine d'astreinte, le forfait de 310 euros versé en 2017 sous la forme d'heures supplémentaires sur le fondement d'une note interne illégale, ne correspond pas au nombre d'évènements hebdomadaires et au temps impartis pour les traiter. Par un mémoire en défense, enregistré le 21 septembre 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête. Il soutient que M. A... conteste pour la première fois en appel le caractère forfaitaire de la rémunération reçue au titre des heures d'intervention et que les moyens soulevés par l'intéressé ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 ; - le décret n°2000-815 du 25 août 2000 ; - le décret n°2002-60 du 14 janvier 2002 ; - le décret n° 2015-415 du 14 avril 2015 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Gélard, - et les conclusions de Mme Bougrine, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., fonctionnaire de catégorie C au ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, est affecté à la Direction Interdépartementale des Routes de l'Ouest (DIRO). En qualité de chef d'équipe d'exploitation principal des travaux publics de l'Etat, il est rattaché au Centre d'Ingénierie Gestion du Trafic (CIGT) de Vannes chargé de la surveillance du réseau routier. Entre le 1er avril 2007 et le 31 mai 2019, un système d'astreintes à domicile était organisé. Les agents devaient assurer des astreintes dénommées " heures de veille qualifiée à domicile " du lundi au jeudi de 20 h à 6 h ainsi que du vendredi à partir de 20 h jusqu'au lundi suivant à 6 h. Par un courrier du 27 août 2019, M. A... et cinq autres agents également opérateurs au CIGT de Vannes, ont présenté auprès du directeur interdépartemental des routes Ouest une demande tendant au paiement des heures d'astreintes réalisées entre le 1er janvier 2016 et le 31 mai 2019. M. A... relève appel du jugement du 5 avril 2022, par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite rejetant sa demande. Sur la qualification et la rémunération des astreintes organisées jusqu'au 31 mai 2019 : 2. En premier lieu, aux termes de l'article 2 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail : " Aux fins de la présente directive, on entend par : / 1. " Temps de travail " : toute période durant laquelle le travailleur est au travail, à la disposition de l'employeur et dans l'exercice de son activité ou de ses fonctions, conformément aux législations et/ou pratiques nationales ; / 2. " Période de repos " : toute période qui n'est pas du temps de travail (...) ". 3. Par ailleurs, aux termes de l'article 2 du décret du 25 août 2000 relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique de l'Etat et dans la magistrature : " La durée du travail effectif s'entend comme le temps pendant lequel les agents sont à la disposition de leur employeur et doivent se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles. ". L'article 5 du même texte dispose que : " Une période d'astreinte s'entend comme une période pendant laquelle l'agent, sans être à la disposition permanente et immédiate de son employeur, a l'obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d'être en mesure d'intervenir pour effectuer un travail au service de l'administration, la durée de cette intervention étant considérée comme un temps de travail effectif. " 4. Contrairement à ce que soutient M. A..., ni les dispositions de la directive européenne précitée, ni celles du décret du 25 août 2000, ne permettent d'affirmer que les astreintes à domicile doivent être systématiquement, même en dehors de toute intervention, considérée comme du temps de travail. 5. Par son arrêt du 9 mars 2021, RJ c/ Stadt Offenbach am Main (C-580/19), ainsi qu'aux points 93 à 95 de son arrêt du 15 juillet 2021 B.K. c/ Republika Slovenija (Ministrstvo za obrambo) (C-742/19), la Cour de justice de l'Union européenne a cependant jugé que les périodes d'astreinte effectuées sur des lieux de travail qui ne se confondent pas avec le domicile du travailleur devaient normalement être qualifiées, dans leur intégralité, de temps de travail, dès lors que le travailleur doit alors rester éloigné de son environnement social et familial et bénéficie d'une faible latitude pour gérer le temps pendant lequel ses services ne sont pas sollicités. S'agissant des autres périodes d'astreinte, la Cour a jugé qu'elles étaient également susceptibles d'être qualifiées de temps de travail selon qu'elles permettent ou non au travailleur de gérer librement son temps pendant ses périodes d'astreinte et de consacrer ce temps à ses propres intérêts. Elle a dit pour droit, aux points 48 à 53 de son arrêt du 9 mars 2021, qu'une telle qualification devait faire l'objet d'une appréciation au cas par cas, prenant en compte, premièrement, le temps de réaction laissé au travailleur, deuxièmement, les contraintes et facilités accordées au travailleur pendant cette période et, troisièmement, la fréquence moyenne des prestations effectives normalement réalisées par ce travailleur. 6. Il ressort des pièces du dossier et notamment du courrier du 27 août 2019 signé par M. A... et cinq autres de ses collègues, que les astreintes litigieuses se déroulaient les lundi, mardi, mercredi et jeudi de 20 h à 6 h et du vendredi soir à partir de 20 h jusqu'au lundi matin suivant à 6 h, tous les jours de l'année. Si le temps de réaction laissé au travailleur d'astreinte n'est pas indiqué, en vertu des dispositions de l'article 3 de l'arrêté du 23 février 2010 pris pour l'application du décret n° 2000-815 du 25 août 2000 relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique de l'Etat, dans les services et certains établissements publics du ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat, ces astreintes étaient mises en place " lorsque les exigences de continuité du service ou d'impératifs de sécurité l'imposent " et pour " permettre les interventions en dehors de l'horaire normal du service, pour faire face aux situations ci-après : 1° Prévention des accidents imminents ou réparation des accidents survenus sur les infrastructures de transports routier, fluvial et maritime et leurs équipements, aux équipements publics et aux matériels ; 2° Surveillance ou viabilité des infrastructures de transports routier, fluvial et maritime et aéroportuaire (...)". Il est constant par ailleurs, que le rôle de M. A... n'était pas d'intervenir lui-même sur les lieux de l'accident ou de l'incident, mais de contacter par téléphone, les équipes de la DIRO chargées d'intervenir matériellement sur le réseau, ainsi qu'en cas de besoin la gendarmerie ou les sapeurs-pompiers. Compte tenu de ces impératifs de sécurité, l'agent d'astreinte devait en conséquence intervenir pour alerter et déclencher les moyens d'intervention dans un délai le plus court possible. A cette fin, il disposait d'un téléphone de service et en cas de besoin, un véhicule pouvait être mis à sa disposition par son employeur. Il ne bénéficiait en revanche d'aucune autre facilité spécifique accordée, et notamment pas de logement de service, pour prendre en compte ces contraintes professionnelles. Par suite, les deux premiers critères évoqués ci-dessus, tenant au temps de réaction laissé au travailleur et aux contraintes et facilités qui lui sont accordées, permettant de qualifier le temps d'astreinte de temps de travail, doivent être regardés comme réunis. 7. Pour justifier de la fréquence moyenne des prestations normalement réalisées par les agents d'astreinte, M. A... se prévaut du bilan d'activité des centres d'ingénierie et de gestion du trafic pour l'année 2019. Le tableau figurant en page 12 de ce document permet de constater que, s'agissant du CIGT de Vannes, pour la période du 1er janvier 2019 au 1er juin 2019, en moyenne les agents d'astreintes devaient gérer entre 1,5 et 11 évènements le soir en semaine et entre 9,25 et 25,75 évènements le week-end et les jours fériés. Le même bilan, en page 22, fait apparaitre une augmentation régulière du nombre d'accidents ou d'incidents depuis 2014. Il produit également le compte rendu d'une réunion " d'audit " des CIGT, qui s'est tenue le 12 septembre 2016, indiquant que " la charge qui pèse sur la veille qualifiée dans son format actuel peut dans certains cas (évènements importants, crise) rendre difficile la gestion des temps de repos des agents ". Ces seuls éléments, qui se fondent sur des moyennes calculées à partir des données des six premiers mois de l'année 2019 et sur des éléments constatés pour l'ensemble de la région Ouest, ne sont toutefois pas suffisants pour attester de la charge de travail effective des agents d'astreintes, et en particulier de M. A..., au cours des astreintes qu'il a dû assurer entre le 1er janvier 2016 et le 31 mai 2019. Le requérant ne peut dès lors être regardé comme justifiant que durant ces astreintes, alors qu'il se trouvait à son domicile dans son environnement social et familial, il ne disposait pas d'un temps suffisant pour se consacrer à des occupations personnelles. Il s'ensuit, qu'en considérant que les astreintes assurées par M. A... ne pouvaient dès lors être qualifiées de temps de travail, pour l'intégralité de leur durée, l'administration s'est livrée une exacte appréciation de sa situation. 8. En second lieu, aux termes de l'article 2 du décret du 14 janvier 2002 relatif aux indemnités horaires pour travaux supplémentaires : " I. - 1° Les indemnités horaires pour travaux supplémentaires peuvent être versées, dès lors qu'ils exercent des fonctions ou appartiennent à des corps, grades ou emplois dont les missions impliquent la réalisation effective d'heures supplémentaires, aux fonctionnaires de catégorie C et aux fonctionnaires de catégorie B. 2° Le versement des indemnités horaires pour travaux supplémentaires à ces fonctionnaires est subordonné à la mise en œuvre par leur employeur de moyens de contrôle automatisé permettant de comptabiliser de façon exacte les heures supplémentaires qu'ils auront accomplies (...) ". L'article 6 du même texte dispose que : " Le nombre des heures supplémentaires accomplies dans les conditions fixées par le présent décret ne peuvent dépasser un contingent mensuel de 25 heures. / Lorsque des circonstances exceptionnelles le justifient et pour une période limitée, le contingent mensuel peut être dépassé sur décision du chef de service qui en informe immédiatement les représentants du personnel au comité technique compétent. / Des dérogations au contingent mensuel peuvent être accordées, à titre exceptionnel, dans les limites prévues au I de l'article 3 du décret du 25 août 2000 susvisé, après consultation du comité technique ministériel ou du comité technique d'établissement, pour certaines fonctions dont la nature est précisée par arrêté conjoint des ministres chargés du budget, de la fonction publique et du ministre concerné ". 9. Par ailleurs, aux termes de l'article 9 du décret du 14 janvier 2002 relatif aux indemnités horaires pour travaux supplémentaires, applicables notamment aux agents de catégorie C : " Une période d'astreinte telle que définie à l'article 5 du décret du 25 août 2000 susvisé ne peut être rémunérée au titre des heures supplémentaires. Cependant lorsque des interventions sont effectuées au cours d'une période d'astreinte, ne sont pas compensées et donnent lieu à la réalisation d'heures supplémentaires, elles peuvent être rémunérées à ce titre. ". Par ailleurs, aux termes de l'article 1er du décret du 14 avril 2015 relatif à l'indemnisation des astreintes et à la compensation ou à la rémunération des interventions aux ministères chargés du développement durable et du logement : " Peuvent bénéficier d'une indemnité d'astreinte, dès lors qu'ils sont appelés à participer à un service d'astreinte au sens de l'article 5 du décret du 25 août 2000 susvisé : (...) 2° Sans préjudice des dispositions du décret du 17 décembre 2012 susvisé, les agents des ministères chargés du développement durable et du logement exerçant leurs fonctions dans les directions départementales des territoires et dans les directions départementales des territoires et de la mer. ". L'article 3 du même décret prévoit que : " L'indemnité d'astreinte est exclusive de toute autre indemnisation ou compensation en temps des astreintes ou des permanences. " et l'article 4 que " Les interventions effectuées à l'occasion d'une période d'astreinte peuvent donner lieu à une compensation en temps majorée ou une rémunération. ". 10. Enfin, aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 14 avril 2015 fixant les montants de l'indemnité d'astreinte et la rémunération horaire des interventions aux ministères chargés du développement durable et du logement (NOR : DEVK1425770A) : " (...) les activités ouvrant droit aux différentes catégories d'indemnisation de l'astreinte sont les suivantes : 1° L'indemnité d'astreinte d'exploitation mentionnée au 1° de l'article 2 du décret précité peut être allouée pour les activités mentionnées aux 1° et 2° de l'article 3 de l'arrêté du 23 février 2010 susvisé ou au 1° de l'article 1er de l'arrêté du 27 mai 2011 susvisé (...).". En vertu de l'article 2 de ce texte, les montants de l'indemnité d'astreinte d'exploitation, correspondant à celle effectuée par le requérant, sont pour une semaine complète de 159,20 euros, pour un service de nuit de 10,75 euros, pour le samedi de 37,40 euros, pour le dimanche ou les jours fériés de 46,55 euros et pour les astreintes du week-end, du vendredi soir au lundi matin, de 116,20 euros. En outre, l'article 4 de cet arrêté prévoit que : " L'indemnisation horaire des interventions versée en application du titre II du décret du 14 avril 2015 susvisé pendant les périodes d'astreinte est de : 16 € pour une intervention effectuée un jour de semaine ; 22 € pour une intervention effectuée une nuit, un samedi, un dimanche ou un jour férié. ". 11. Ainsi qu'il a été rappelé aux points 8 et 9, le versement des indemnités horaires pour travaux supplémentaires permet la rémunération du nombre exact d'heures supplémentaires réalisées par les agents de catégorie C. En revanche, une période d'astreinte, en dehors de toute intervention, peut seulement faire l'objet d'une indemnisation. Il ressort de la note du 22 mars 2019 de la DIR Ouest, produite au dossier, que depuis le 1er janvier 2014 les astreintes à domicile étaient rémunérées sur la base d'une somme de 310 euros par semaine d'astreinte. Si le requérant conteste le caractère forfaitaire de cette rémunération, son bulletin de paye du mois de janvier 2017 fait apparaître que la somme de 310,72 euros qui a lui a été versée était calculée sur la base de 27,62 heures rémunérées au taux horaire de 11,25 euros. Son bulletin de paie du mois de février 2019 confirme que l'indemnisation des astreintes ne présentait aucun caractère forfaitaire. Par ailleurs, si le requérant entend contester le montant des indemnisations ainsi versées, il n'est pas contesté qu'elles ont été réévaluées en se basant sur l'activité réelle de l'année N-1 de chaque CIGT et que pour l'année 2018 un rattrapage de 150 à 250 euros a été versé à quatre reprises pour chacun des agents concernés. Le bulletin de paie du requérant du mois de février 2019 fait ainsi apparaître, en plus de son traitement brut du mois concerné, un montant global de 596,39 euros versé au titre du mois de décembre 2018. Cette somme recouvre des indemnités de 173,65 euros pour les 14 premières heures supplémentaires, de 226,44 euros pour les heures supplémentaires effectuées les dimanches et jours fériés et de 196,30 euros pour la période d'astreinte du vendredi soir au lundi matin. Ce bulletin de salaire atteste également du versement d'un rappel de 333,51 euros effectué au titre du " rattrapage " des années antérieures, mentionné ci-dessus. Ces seuls éléments ne permettent pas de considérer que les indemnités ainsi versées seraient insuffisantes au regard des dispositions rappelées ci-dessus et des contraintes réelles imposées à ces agents. Par suite, le moyen ne peut qu'être écarté, dans ses deux branches. 12. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le ministre, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Sur les frais liés au litige : 13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. A... de la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Une copie en sera adressée, pour information, au préfet d'Ille-et-Vilaine. Délibéré après l'audience du 27 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - Mme Gélard, première conseillère, - M. Pons, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 novembre 2023. La rapporteure, V. GELARDLe président, O. GASPON La greffière, I. PETTON La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N°22NT01689 |
CETATEXT000048448370 | J4_L_2023_11_00022NT01723 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/44/83/CETATEXT000048448370.xml | Texte | CAA de NANTES, 6ème chambre, 21/11/2023, 22NT01723, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-21 00:00:00 | CAA de NANTES | 22NT01723 | 6ème chambre | plein contentieux | C | M. GASPON | WOLFF | M. François PONS | Mme BOUGRINE | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes : - d'annuler la décision du 8 juin 2020 par laquelle le centre expert des ressources humaines et de la solde du ministère des armées a rejeté son recours administratif préalable obligatoire contre le titre de perception du 28 janvier 2020 émis par le directeur départemental des finances publiques du Finistère portant remboursement de 80 % de ses frais de scolarité, soit une somme de 41 098,10 euros ; - d'annuler la décision du 11 juin 2020 par laquelle la direction départementale des finances publiques du Finistère l'a invité à rembourser la somme mise à sa charge par ce titre de perception et de le décharger du remboursement de ses frais de scolarité ; À titre subsidiaire : - de réformer les décisions attaquées, dans un sens favorable, en le déchargeant de la totalité du remboursement des frais de scolarité ou, à défaut, en le déchargeant partiellement du remboursement ses frais de scolarité ; A titre encore plus subsidiaire : - de renvoyer le litige devant la commission des recours des militaires, pour révision du quantum de ses frais de scolarité au regard de sa situation personnelle, ou directement au ministre des armées. Par un jugement n°2003580 du 6 avril 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et des mémoires, enregistrés le 6 juin 2022, le 11 août 2023 et les 5 et 11 septembre 2023, M. A..., représenté par Me Wolff, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 6 avril 2022 ; 2°) d'annuler ou de réformer la décision du ministre des armées du 4 novembre 2019 demandant le remboursement de 80 % de ses frais de scolarité et le titre de perception émis le 28 janvier 2020 par le directeur départemental des finances publiques du Finistère ou, à titre subsidiaire, de réduire à de plus justes proportions la somme mise à sa charge ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, par réformation du jugement de première instance, ainsi que la somme de 2 000 euros au titre de l'instance d'appel. Il soutient que : - c'est à tort que les premiers juges ont écarté comme irrecevables ses conclusions dirigées contre le courrier du 11 juin 2020 par lequel l'administratrice générale des finances publiques de la direction départementale des finances publiques du Finistère l'a informé du rejet de son recours par l'ordonnateur, dès lors que cet acte lui fait grief et qu'il est indissociable du titre de perception émis le 28 janvier 2020 ; - c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la commission de recours des militaires s'était déclarée à bon droit incompétente pour connaître du recours de M. A..., en raison de l'existence de circonstances de fait particulières et dès lors qu'aucune voie de recours ne lui était ouverte pour faire recalculer ses frais de scolarité au regard des circonstances exceptionnelles entourant sa démission ; - sa démission doit être requalifiée en démission pour motifs exceptionnels : * sa visite médicale du 27 août 2019 faisait état d'une inaptitude à la conduite de véhicules légers pendant une durée de 24 mois ; * il ne pouvait plus partir en opérations extérieures ; * les barèmes de détermination de son aptitude médicale à servir ont été appliqué de manière erronée ; * sa dernière visite médicale du 28 octobre 2021 démontre qu'il est inapte définitivement à servir, malgré le fait quelle conclue à son inaptitude temporaire à servir pour une durée de deux ans ; * sa démission présente un caractère exceptionnel au sens du décret du 12 septembre 2008 ; * il souffrait d'hypersomnies et d'apnées du sommeil au moment de sa dernière évaluation médicale faite au moment de sa démission et il a subi de nombreux traumatismes physiques lors de son enseignement à saint-Cyr ; - il a subi un harcèlement de la part de son supérieur hiérarchique direct à Mourmelon. Par un mémoire en défense, enregistré le 14 juin 2022, le directeur départemental des finances publiques du Finistère conclut à ce qu'il soit mis en cause dans la présente instance en qualité d'observateur. Il soutient qu'il n'est chargé que du recouvrement du titre de perception du 28 janvier 2020. Par un mémoire en défense, enregistré le 4 aout 2023, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que la requête est irrecevable car elle méconnaît les dispositions de l'article R. 414-5 du code de justice administrative et soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de la défense ; - le décret n° 2008-947 du 12 septembre 2008 ; - le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Pons, - les conclusions de Mme Bougrine, rapporteure public, - et les observations de Me Joyeux, substituant Me Wolff, pour M. A.... Considérant ce qui suit : 1. M. A... a intégré l'école spéciale militaire de Saint-Cyr le 1er septembre 2014 en qualité d'élève-officier de l'armée de terre. Il a demandé son admission à l'état d'officier de carrière le 19 novembre 2014 et s'est engagé à servir pour une période de six ans à compter de sa nomination dans le corps des officiers de carrière, qui est intervenue le 1er août 2017. Le 18 janvier 2019, il a présenté sa démission qui a été agréée par un arrêté du 6 mars 2019. Par ce même arrêté, il lui a été indiqué qu'une fois radié des cadres, il serait tenu de rembourser les frais de sa scolarité supportés par l'État pour assurer sa formation. M. A... a été radié des cadres le 1er septembre 2019. Le centre expert des ressources humaines et de la solde du ministère des armées l'a alors informé, par lettres des 18 octobre 2019 et 4 novembre 2019, que compte-tenu de son temps de service de deux ans et un mois, il devait rembourser 80 % de ses frais de scolarité, soit une somme de 41 098,10 euros. Le 28 janvier 2020, la direction départementale des finances publiques du Finistère a émis un titre de perception afin de recouvrer cette somme. Le 25 mars 2020, M. A... a formé un recours administratif auprès de la commission des recours des militaires ainsi qu'auprès de la direction départementale des finances publiques du Finistère, qui, au titre de service comptable chargé du recouvrement d'une créance non fiscale, a transmis ce recours à l'ordonnateur, en l'occurrence aux services du ministère des armées. Le 17 avril 2020, la commission des recours des militaires s'est déclarée incompétente pour connaître du recours de M. A.... Le 8 juin 2020, le centre expert des ressources humaines et de la solde a rejeté le recours de M. A... en lui indiquant que sa décision pouvait être contestée devant la juridiction compétente dans un délai de deux mois. Le 11 juin 2020, l'administratrice générale des finances publiques du Finistère a notifié à M. A... la décision du 8 juin 2020 rejetant son recours et l'a invité à acquitter la somme de 41 098,10 euros mis à sa charge par le titre de perception du 28 janvier 2020. M. A... relève appel du jugement du tribunal administratif de Rennes du 6 avril 2022 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 8 juin 2020 et du courrier du 11 juin 2020. Sur la recevabilité : 2. Les conclusions de M. A... dirigées contre la lettre par laquelle l'administration informe un militaire qu'il doit rembourser une somme indument payée et qu'en l'absence de paiement spontané de sa part, un titre de perception lui sera notifié sont nouvelles en appel et, à ce titre, irrecevables dans la présente instance. La lettre en cause constituant une mesure préparatoire qui n'est pas susceptible de recours, les conclusions demandant son annulation étaient à ce titre irrecevables devant le premier juge. Par suite, les conclusions tendant à l'annulation du courrier du ministre des armées du 4 novembre 2019 sont irrecevables. Sur la régularité du jugement attaqué : 3. Le courrier du 11 juin 2020 par lequel l'administratrice générale des finances publiques de la direction départementale des finances publiques du Finistère a informé M. A... du rejet de son recours par l'ordonnateur, lui a notifié à nouveau cette décision et lui a rappelé qu'il devait lui verser la somme mis à sa charge par le titre de perception en litige, ne comporte aucun caractère décisoire et est purement informatif. M. A... n'est donc pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont écarté comme irrecevables ses conclusions dirigées contre le courrier du 11 juin 2020. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 4. En premier lieu, il convient d'écarter le moyen selon lequel c'est à tort que la commission de recours des militaires s'est à bon droit déclarée incompétente pour connaître du recours de M. A... dirigé contre le titre de perception du 28 janvier 2020, par adoption des motifs retenus par le jugement attaqué dans ses paragraphes 4 à 8. 5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 5 du décret du 12 septembre 2008 fixant certaines dispositions applicables aux élèves militaires des écoles militaires d'élèves officiers de carrière : " Lors de leur admission en école, les élèves officiers de carrière présentent une demande en vue d'être admis à l'état d'officier de carrière à l'issue de leurs études et s'engagent à servir en cette qualité pour une période, fixée par arrêté du ministre de la défense, (...), comprise entre six et huit ans. Au cours de cette période, la démission des intéressés ne peut être acceptée que pour des motifs exceptionnels. L'acceptation de la démission de l'état d'officier de carrière est prononcée par un arrêté du ministre de la défense (...). ". Aux termes de l'article 16 de ce même décret : " I. Sont tenus à remboursement : / (...) / 2° dans les conditions fixées à l'article 18, les officiers de carrière. / II. - Toutefois : / (...) 2° Sur décision du ministre de la défense (...) le remboursement n'est pas dû si l'inexécution totale ou partielle de l'engagement de servir n'est pas imputable aux intéressés. ". Aux termes de l'article 18 de ce décret : " Les officiers de carrière ne satisfaisant pas à l'engagement prévu à l'article 5 sont tenus au remboursement des frais de formation. / (...) / Le remboursement que doivent effectuer, le cas échéant, officiers de carrière varie en fonction du temps passé au service de l'État et porte (...) sur la totalité ou sur une fraction de la somme des rémunérations perçues au cours de la scolarité (...) ". Ce même article comporte un tableau indiquant le pourcentage de la rémunération devant être remboursé en fonction, d'une part, de la durée de l'engagement souscrit et, d'autre part, du temps passé au service de l'État après la nomination au premier grade d'officier. 6. La rupture de l'engagement de servir motivant la demande de remboursement des frais exposés par l'État durant la scolarité de M. A... en qualité d'élève officier de l'armée de terre au sein de l'école spéciale militaire de Saint-Cyr, résulte de la démission de M. A..., demandée par celui-ci le 18 janvier 2019 et agréée par un arrêté de la ministre des armées du 6 mars 2019. Cette demande de démission, au vu des motifs alors avancés, est sans lien avec l'état de santé de M. A... et avec ses pathologies, présentées par le requérant comme constituant un obstacle au déroulement de sa carrière. Le requérant se borne à faire état de restrictions d'emploi figurant sur un certificat médico-administratif d'aptitude, établi à la suite d'une visite médicale qui s'est déroulée le 27 août 2019, à faire valoir les répercussions qu'auraient pu avoir ces restrictions sur ses perspectives de carrière, sur sa notation et sur les missions qui pouvaient lui être confiées, et de la probabilité que ces restrictions soient reconduites à l'expiration de ce certificat d'aptitude valable vingt-quatre mois, alors que ce document est postérieur de sept mois à sa demande de démission. La dernière visite médicale du 28 octobre 2021 du requérant, qui conclut à l'inaptitude temporaire à servir de l'intéressé pour une durée de deux ans, n'est pas davantage de nature à démontrer que la démission de M. A... présenterait un caractère exceptionnel, au sens des dispositions précitées du décret du 12 septembre 2008. M. A... n'établit donc pas avoir été contraint de démissionner en raison de son état de santé. Enfin, à supposer que M. A... soutienne que sa démission résulterait d'un harcèlement moral subi de la part de son supérieur hiérarchique direct à Mourmelon, il ne produit aucun élément de nature à faire présumer le harcèlement moral allégué. 7. Le remboursement des frais de sa scolarité supportés par l'État pour assurer la formation des élèves militaires des écoles militaires d'élèves officiers de carrière ne constituant pas une sanction, au sens des dispositions précitées, et M. A... ne faisant valoir aucun élément, tenant notamment à sa situation financière, familiale ou professionnelle, constitutive d'une erreur de fait de nature à induire la réduction, par application du tableau évoqué au point 5, de la somme mise à sa charge par le titre de perception en litige, les conclusions subsidiaires du requérant tendant à réduire à de plus justes proportions la somme mise à sa charge par le titre de perception en cause ne peuvent qu'être rejetées. 8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non recevoir soulevée par le ministre des armées fondée sur l'article R. 414-5 du code de justice administrative, que M. A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 6 avril 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Sur les frais liés à l'instance : 9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre des armées. Une copie en sera adressée pour information à la direction départementale des finances publiques du Finistère. Délibéré après l'audience du 27 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - Mme Gélard, première conseillère - M. Pons, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 novembre 2023. Le rapporteur, F. PONSLe président, O. GASPON La greffière, I. PETTON La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N°22NT01723 |
CETATEXT000048448371 | J4_L_2023_11_00023NT01517 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/44/83/CETATEXT000048448371.xml | Texte | CAA de NANTES, 6ème chambre, 21/11/2023, 23NT01517, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-21 00:00:00 | CAA de NANTES | 23NT01517 | 6ème chambre | excès de pouvoir | C | M. GASPON | NERAUDAU | M. François PONS | Mme BOUGRINE | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 16 février 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile. Par un jugement n°2303904 du 18 avril 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 24 mai 2023, M. A..., représenté par Me Néraudau, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du 18 avril 2023 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes et l'arrêté du 16 février 2023 du préfet de Maine-et-Loire ; 2°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire, à titre principal, de lui remettre une attestation de demande d'asile en procédure normale et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans les meilleurs délais ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat, au bénéfice de son conseil, une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : - le jugement attaqué est insuffisamment motivé ; - la décision de transfert méconnait l'article 4 du règlement du 26 juin 2013 et l'article 13 du règlement général sur la protection des données du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 : * il n'est pas démontré que son droit à l'information a été garanti dès le début de la procédure d'asile ; * il n'a pas pu bénéficier d'une information complète et effective en temps utile ; - au moment de sa prise d'empreintes, M. A... n'était pas informé des éléments relatifs à l'utilisation de ses empreintes et données personnelles ; - les conditions de son entretien individuel méconnaissent les dispositions de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 : * l'exigence de confidentialité n'a pas été respectée ; * le résumé d'entretien est incomplet ; * il n'a pas été mené par une personne qualifiée en droit national et le premier juge a inversé la charge de la preuve en retenant qu'aucun élément du dossier ne permettait d'établir que l'entretien n'aurait pas été mené par une personne qualifiée ; - contrairement à ce qu'a estimé le préfet et le premier juge, à la date de la décision contestée, l'exécution des arrêtés de réadmission était suspendue, ce qui explique l'absence de réponse des autorités italiennes à la demande de prise en charge de l'intéressé ; - la décision de transfert méconnait l'article 3-2 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 en raison des défaillances systémiques que connaît l'Italie qui n'est plus en capacité matérielle de reprendre en charge des demandeurs d'asile ; - la décision de transfert est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, elle méconnait l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 ainsi que les articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; - il craint de subir des mauvais traitements en cas de renvoi en Guinée. Par un mémoire en défense, enregistré le 29 septembre 2023, le préfet de Maine-et-Loire conclut au non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation de la requête et au rejet des conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient qu'il a décidé d'abroger l'arrêté portant transfert de l'intéressé vers l'Italie. Le préfet de Maine-et-Loire a produit, le 3 octobre 2023, l'arrêté du 29 septembre 2023 portant abrogation de l'arrêté de transfert de M. A... vers l'Italie. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 mai 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; - le règlement (UE) n° 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 ; - le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ; - le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 - le règlement (UE) n°118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 modifiant le règlement (CE) n° 1560/2003 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Pons, - et les observations de Me Néraudau, représentant M. A.... Considérant ce qui suit : 1. M. A..., ressortissant guinéen, déclare être entré irrégulièrement en France le 30 novembre 2022. Le 7 décembre 2022, il a présenté une demande d'asile auprès de la préfecture de Loire-Atlantique. La consultation du fichier " Eurodac " ayant révélé que l'intéressé avait irrégulièrement franchi la frontière italienne dans les 12 mois du dépôt de sa première demande, le préfet a saisi les autorités italiennes le 12 décembre 2022 d'une demande de prise en charge de M. A.... Après accord implicite de ces autorités, par arrêté du 16 février 2023, le préfet de Maine-et-Loire a décidé de remettre M. A... aux autorités italiennes. M. A... relève appel du jugement du 18 avril 2023 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Sur l'étendue du litige : 2. D'une part, aux termes de l'article 29 du règlement n° 604-2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 : " Le transfert du demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), de l'Etat membre requérant vers l'Etat membre responsable s'effectue conformément au droit national de l'Etat membre requérant, après concertation entre les Etats membres concernés, dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3. /2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'Etat membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite. ". 3. D'autre part, l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date à laquelle le tribunal administratif statue au principal sur cette demande, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel, ni le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale. 4. Le délai initial de six mois dont disposait le préfet de Maine-et-Loire pour procéder à l'exécution de la décision de transférer M. A... vers l'Italie a été interrompu par la saisine de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes. Ce délai a recommencé à courir intégralement à compter du jugement du 18 avril 2023 rendu par ce dernier et il ne ressort pas des pièces du dossier que ce délai ait fait l'objet d'une prolongation ou que cet arrêté aurait reçu exécution pendant sa période de validité. Par suite, l'arrêté en cause est caduc à la date du présent arrêt. La France, devenue responsable de la demande d'asile des intéressés, sur le fondement des dispositions du 2 de l'article 29 du règlement n°604-2013 rappelées ci-dessus, doit donc leur délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale et instruire cette demande. Le litige ayant perdu son objet, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. A... tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 février 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités italiennes. Sur les frais liés au litige : 5. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale au titre de la présente instance. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, la somme de mille (1 000) euros, à verser à Me Néraudau, avocate du requérant. Ce versement vaudra, conformément à cet article 37, renonciation à ce qu'elle perçoive la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle dont bénéficie l'intéressée. DÉCIDE : Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. A... tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 février 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités italiennes. Article 2 : L'Etat versera la somme de mille (1 000) euros à Me Néraudau en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991. Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Une copie en sera adressée, pour information, au préfet de Maine-et-Loire. Délibéré après l'audience du 27 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - Mme Gélard, première conseillère - M. Pons, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 novembre 2023. Le rapporteur, F. PONSLe président, O. GASPON La greffière, I. PETTON La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N°23NT01517 |
CETATEXT000048448372 | J4_L_2023_11_00023NT01524 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/44/83/CETATEXT000048448372.xml | Texte | CAA de NANTES, 6ème chambre, 21/11/2023, 23NT01524, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-21 00:00:00 | CAA de NANTES | 23NT01524 | 6ème chambre | excès de pouvoir | C | M. GASPON | NERAUDAU | M. François PONS | Mme BOUGRINE | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... C... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 15 février 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile. Par un jugement n°2303713 du 7 avril 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 25 mai 2023, M. B..., représenté par Me Néraudau, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du 7 avril 2023 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes et l'arrêté du 15 février 2023 du préfet de Maine-et-Loire ; 2°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire, à titre principal, de lui remettre une attestation de demande d'asile en procédure normale et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans les meilleurs délais ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat, au bénéfice de son conseil, une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : - la décision de transfert méconnait l'article 4 du règlement du 26 juin 2013 et l'article 13 du règlement général sur la protection des données du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 : * il n'est pas démontré que son droit à l'information a été garanti dès le début de la procédure d'asile ; * il n'a pas pu bénéficier d'une information complète et effective en temps utile ; - au moment de sa prise d'empreintes, M. B... n'était pas informé des éléments relatifs à l'utilisation de ses empreintes et données personnelles ; - les conditions de son entretien individuel méconnaissent les dispositions de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 : * l'exigence de confidentialité n'a pas été respectée ; * le résumé d'entretien est incomplet ; * il n'a pas été mené par une personne qualifiée en droit national et le premier juge a inversé la charge de la preuve en retenant qu'aucun élément du dossier ne permettait d'établir que l'entretien n'aurait pas été mené par une personne qualifiée ; - le premier juge a considéré à tort que la circulaire italienne suspendant les transferts Dublin aurait trait " aux conditions d'exécution " des décisions de transfert ; - contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, à la date de la décision contestée, l'exécution des arrêtés de réadmission était suspendue, ce qui explique l'absence de réponse des autorités italiennes à la demande de prise en charge de l'intéressé ; - la décision de transfert méconnait l'article 3-2 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 en raison des défaillances systémiques que connaît l'Italie qui n'est plus en capacité matérielle de reprendre en charge des demandeurs d'asile ; - la décision de transfert est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, elle méconnait l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 ainsi que les articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; - il craint de subir des mauvais traitements en cas de renvoi en Guinée. Par un mémoire en défense, enregistré le 29 septembre 2023, le préfet de Maine-et-Loire conclut au non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation de la requête et au rejet des conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient qu'il a décidé d'abroger l'arrêté portant transfert de l'intéressé vers l'Italie. Le préfet de Maine-et-Loire a produit, le 3 octobre 2023, l'arrêté du 29 septembre 2023 portant abrogation de l'arrêté de transfert de M. B... vers l'Italie M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 mai 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; - le règlement (UE) n° 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 ; - le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ; - le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 - le règlement (UE) n°118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 modifiant le règlement (CE) n° 1560/2003 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Pons, - et les observations de Me Néraudau, représentant M. B.... Considérant ce qui suit : 1. M. B..., ressortissant guinéen a déclaré être entré irrégulièrement en France le 11 novembre 2022. Le 23 novembre 2022, il a présenté une demande d'asile auprès de la préfecture de Loire-Atlantique. Par un arrêté du 15 février 2023, le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert vers l'Italie, Etat responsable de sa demande d'asile. M. B... relève appel du jugement du 7 avril 2023 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Sur l'étendue du litige : 2. D'une part, aux termes de l'article 29 du règlement n° 604-2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 : " Le transfert du demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), de l'Etat membre requérant vers l'Etat membre responsable s'effectue conformément au droit national de l'Etat membre requérant, après concertation entre les Etats membres concernés, dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3. /2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'Etat membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite. ". 3. D'autre part, l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date à laquelle le tribunal administratif statue au principal sur cette demande, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel, ni le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale. 4. Le délai initial de six mois dont disposait le préfet de Maine-et-Loire pour procéder à l'exécution de la décision de transférer M. B... vers l'Italie a été interrompu par la saisine de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes. Ce délai a recommencé à courir intégralement à compter du jugement du 7 avril 2023 rendu par ce dernier et il ne ressort pas des pièces du dossier que ce délai ait fait l'objet d'une prolongation ou que cet arrêté aurait reçu exécution pendant sa période de validité. Par suite, l'arrêté en cause est caduc à la date du présent arrêt. La France, devenue responsable de la demande d'asile des intéressés, sur le fondement des dispositions du 2 de l'article 29 du règlement n°604-2013 rappelées ci-dessus, doit donc lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale et instruire cette demande. Le litige ayant perdu son objet, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. B... tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 février 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités italiennes. Sur les frais liés au litige : 5. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale au titre de la présente instance. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, la somme de mille (1 000) euros, à verser à Me Néraudau, avocate des requérants. Ce versement vaudra, conformément à cet article 37, renonciation à ce qu'elle perçoive la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle dont bénéficie l'intéressée. DÉCIDE : Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. B... tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 février 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités italiennes. Article 2 : L'Etat versera la somme de mille (1 000) euros à Me Néraudau en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991. Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Une copie en sera adressée, pour information, au préfet de Maine-et-Loire. Délibéré après l'audience du 27 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - Mme Gélard, première conseillère - M. Pons, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 novembre 2023. Le rapporteur, F. PONSLe président, O. GASPON La greffière, I. PETTON La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N°23NT01524 |
CETATEXT000048448373 | J4_L_2023_11_00023NT01826 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/44/83/CETATEXT000048448373.xml | Texte | CAA de NANTES, 6ème chambre, 21/11/2023, 23NT01826, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-21 00:00:00 | CAA de NANTES | 23NT01826 | 6ème chambre | excès de pouvoir | C | M. GASPON | DESFRANCOIS | M. François PONS | Mme BOUGRINE | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 16 février 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile. Par un jugement n°2303731 du 18 avril 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés le 20 juin et le 27 septembre 2023, Mme A..., représentée par Me Desfrançois, doit être regardée comme demandant à la cour : 1°) d'annuler le jugement du 18 avril 2023 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes et l'arrêté du 16 février 2023 du préfet de Maine-et-Loire ; 2°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire, à titre principal, de lui remettre une attestation de demande d'asile en procédure normale et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans les meilleurs délais ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat, au bénéfice de son conseil, une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Elle soutient que : - la décision de transfert est insuffisamment motivée ; - elle méconnait l'article 4 du règlement du 26 juin 2013 et l'article 13 du règlement général sur la protection des données du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 : * il n'est pas démontré que son droit à l'information a été garanti dès le début de la procédure d'asile ; * elle n'a pas pu bénéficier d'une information complète et effective en temps utile ; - les conditions de son entretien individuel méconnaissent les dispositions de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 : * il n'a pas été mené par une personne qualifiée en droit national ; - la décision de transfert est entachée d'un défaut d'examen de son état de santé et de sa particulière vulnérabilité ; - elle méconnait l'article 3-2 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, ainsi que les articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, en raison des défaillances systémiques que connaît l'Italie qui n'est plus en capacité matérielle de reprendre en charge des demandeurs d'asile : * depuis le 5 décembre 2022, l'Italie a indiqué, via une circulaire, suspendre les transferts dans le cadre de la procédure Dublin ; - la décision de transfert est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnait l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 : * elle n'a jamais pu consulter de médecin en Italie. Par un mémoire en défense, enregistré le 29 septembre 2023, le préfet de Maine-et-Loire conclut au non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation de la requête et au rejet des conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient qu'il a décidé d'abroger l'arrêté portant transfert de l'intéressée vers l'Italie. Le préfet de Maine-et-Loire a produit, le 3 octobre 2023, l'arrêté du 29 septembre 2023 portant abrogation de l'arrêté de transfert de Mme A... vers l'Italie Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 mai 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; - le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Pons, - et les observations de Me Desfrançois, représentant Mme A.... Considérant ce qui suit : 1. Mme A..., ressortissante guinéenne, a déclaré être entrée irrégulièrement en France le 29 novembre 2022. Le 7 décembre 2022, sa demande d'asile a été enregistrée au guichet unique de la préfecture de Loire-Atlantique. A la suite du relevé de ses empreintes digitales, il a été constaté dans le fichier " Eurodac " que l'intéressée avait irrégulièrement franchi les frontières italiennes dans les douze mois précédant l'enregistrement de sa demande d'asile. Saisies par les autorités françaises, le 12 décembre 2022, les autorités italiennes ont accepté de la prendre en charge par un accord implicite. Par un arrêté du 16 février 2023, le préfet de Maine-et-Loire a décidé de la transférer aux autorités italiennes pour l'examen de sa demande d'asile. Mme A... relève appel du jugement du 18 avril 2023 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Sur l'étendue du litige : 2. D'une part, aux termes de l'article 29 du règlement n° 604-2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 : " Le transfert du demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), de l'Etat membre requérant vers l'Etat membre responsable s'effectue conformément au droit national de l'Etat membre requérant, après concertation entre les Etats membres concernés, dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3. /2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'Etat membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite. ". 3. D'autre part, l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date à laquelle le tribunal administratif statue au principal sur cette demande, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel, ni le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale. 4. Le délai initial de six mois dont disposait le préfet de Maine-et-Loire pour procéder à l'exécution de la décision de transférer Mme A... vers l'Italie a été interrompu par la saisine du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes. Ce délai a recommencé à courir intégralement à compter du jugement du 18 avril 2023 rendu par ce dernier et il ne ressort pas des pièces du dossier que ce délai ait fait l'objet d'une prolongation ou que cet arrêté aurait reçu exécution pendant sa période de validité. Par suite, l'arrêté en cause est caduc à la date du présent arrêt. La France, devenue responsable de la demande d'asile des intéressés, sur le fondement des dispositions du 2 de l'article 29 du règlement n°604-2013 rappelées ci-dessus, doit donc lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale et instruire cette demande. Le litige ayant perdu son objet, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de Mme A... tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 février 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités italiennes. Sur les frais liés au litige : 5. Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale au titre de la présente instance. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, la somme de mille (1 000) euros, à verser à Me Desfrançois, avocat des requérants. Ce versement vaudra, conformément à cet article 37, renonciation à ce qu'il perçoive la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle dont bénéficie l'intéressé. DÉCIDE : Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de Mme A... tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 février 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités italiennes. Article 2 : L'Etat versera la somme de mille (1 000) euros à Me Desfrançois en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991. Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Une copie en sera adressée, pour information, au préfet de Maine-et-Loire. Délibéré après l'audience du 27 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - Mme Gélard, première conseillère - M. Pons, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 novembre 2023. Le rapporteur, F. PONSLe président, O. GASPON La greffière, I. PETTON La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N°23NT01826 |
CETATEXT000048448374 | J4_L_2023_11_00023NT01829 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/44/83/CETATEXT000048448374.xml | Texte | CAA de NANTES, 6ème chambre, 21/11/2023, 23NT01829, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-21 00:00:00 | CAA de NANTES | 23NT01829 | 6ème chambre | excès de pouvoir | C | M. GASPON | DESFRANCOIS | M. François PONS | Mme BOUGRINE | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 15 février 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile. Par un jugement n°2303730 du 18 avril 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés le 20 juin et le 27 septembre 2023, Mme B..., représentée par Me Desfrançois, doit être regardée comme demandant à la cour : 1°) d'annuler le jugement du 18 avril 2023 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes et l'arrêté du 15 février 2023 du préfet de Maine-et-Loire ; 2°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire, à titre principal, de lui remettre une attestation de demande d'asile en procédure normale et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans les meilleurs délais ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat, au bénéfice de son conseil, une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Elle soutient que : - la décision de transfert est insuffisamment motivée ; - elle méconnait l'article 4 du règlement du 26 juin 2013 et l'article 13 du règlement général sur la protection des données du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 : * il n'est pas démontré que son droit à l'information a été garanti dès le début de la procédure d'asile ; * elle n'a pas pu bénéficier d'une information complète et effective en temps utile ; - les conditions de son entretien individuel méconnaissent les dispositions de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 : * il n'a pas été mené par une personne qualifiée en droit national ; - elle méconnait l'article 3-2 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, ainsi que les articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, en raison des défaillances systémiques que connaît l'Italie qui n'est plus en capacité matérielle de reprendre en charge des demandeurs d'asile : * depuis le 5 décembre 2022, l'Italie a indiqué, via une circulaire, suspendre les transferts dans le cadre de la procédure Dublin ; - la décision de transfert est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnait l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013. Par un mémoire en défense, enregistré le 29 septembre 2023, le préfet de Maine-et-Loire conclut au non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation de la requête et au rejet des conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient qu'il a décidé d'abroger l'arrêté portant transfert de l'intéressée vers l'Italie. Le préfet de Maine-et-Loire a produit, le 3 octobre 2023, l'arrêté du 29 septembre 2023 portant abrogation de l'arrêté de transfert de Mme B... vers l'Italie. Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 mai 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; - le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Pons, - et les observations de Me Néraudau, représentant Mme B.... Considérant ce qui suit : 1. Mme B..., ressortissante de République du Congo, est entrée régulièrement en France le 14 novembre 2022. Le 29 novembre 2022, sa demande d'asile a été enregistrée au guichet unique de la préfecture de Loire-Atlantique La consultation du fichier " Visabio " a révélé que l'intéressée était en possession d'un visa périmé depuis moins de six mois lors du dépôt de sa demande d'asile, délivré par les autorités italiennes. Saisies par les autorités françaises, le 8 décembre 2022, les autorités italiennes ont accepté leur responsabilité par accord explicite. Par un arrêté du 15 février 2023, le préfet de Maine-et-Loire a décidé de transférer l'intéressée aux autorités italiennes pour l'examen de sa demande d'asile. Mme B... relève appel du jugement du 18 avril 2023 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Sur l'étendue du litige : 2. D'une part, aux termes de l'article 29 du règlement n° 604-2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 : " Le transfert du demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), de l'Etat membre requérant vers l'Etat membre responsable s'effectue conformément au droit national de l'Etat membre requérant, après concertation entre les Etats membres concernés, dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3. /2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'Etat membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite. ". 3. D'autre part, l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date à laquelle le tribunal administratif statue au principal sur cette demande, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel, ni le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale. 4. Le délai initial de six mois dont disposait le préfet de Maine-et-Loire pour procéder à l'exécution de la décision de transférer Mme B... vers l'Italie a été interrompu par la saisine du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes. Ce délai a recommencé à courir intégralement à compter du jugement du 18 avril 2023 rendu par ce dernier et il ne ressort pas des pièces du dossier que ce délai ait fait l'objet d'une prolongation ou que cet arrêté aurait reçu exécution pendant sa période de validité. Par suite, l'arrêté en cause est caduc à la date du présent arrêt. La France, devenue responsable de la demande d'asile des intéressés, sur le fondement des dispositions du 2 de l'article 29 du règlement n°604-2013 rappelées ci-dessus, doit donc lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale et instruire cette demande. Le litige ayant perdu son objet, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de Mme B... tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 février 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités italiennes. Sur les frais liés au litige : 5. Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale au titre de la présente instance. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, la somme de mille (1 000) euros, à verser à Me Desfrançois, avocat des requérants. Ce versement vaudra, conformément à cet article 37, renonciation à ce qu'il perçoive la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle dont bénéficie l'intéressée. DÉCIDE : Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de Mme B... tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 février 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités italiennes. Article 2 : L'Etat versera la somme de mille (1 000) euros à Me Desfrançois en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991. Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., à Me Desfrançois et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Une copie en sera adressée, pour information, au préfet de Maine-et-Loire. Délibéré après l'audience du 27 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - Mme Gélard, première conseillère - M. Pons, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 novembre 2023. Le rapporteur, F. PONSLe président, O. GASPON La greffière, I. PETTON La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N°23NT01829 |
CETATEXT000048448375 | J4_L_2023_11_00023NT02335 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/44/83/CETATEXT000048448375.xml | Texte | CAA de NANTES, 6ème chambre, 21/11/2023, 23NT02335, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-21 00:00:00 | CAA de NANTES | 23NT02335 | 6ème chambre | excès de pouvoir | C | M. GASPON | LIETAVOVA | Mme Valérie GELARD | Mme BOUGRINE | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 7 avril 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile. Par un jugement n° 2306520 du 6 juin 2023, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 31 juillet 2023, Mme B..., représentée par Me Lietavova, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 6 juin 2023 ; 2°) d'annuler l'arrêté du 7 avril 2023 ; 3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de lui délivrer une attestation de demandeur d'asile en procédure normale et, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa situation ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991. Elle soutient que : - l'arrêté de transfert est insuffisamment motivé ; - le préfet n'a pas procédé à un examen complet de sa situation personnelle et familiale ; - cette décision méconnaît les stipulations de l'article 4 du règlement du 26 juin 2013 ; - cette décision méconnaît les stipulations de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 ; - cette décision méconnaît les stipulations de l'article 3.2 du règlement du 26 juin 2013 ; - cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par un mémoire en défense, enregistré le 23 août 2023, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés. Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 juillet 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; - le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ; - le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Gélard, - et les observations de Me Lietavova, pour Mme B.... Considérant ce qui suit : 1. Mme B..., ressortissante guinéenne, relève appel du jugement du 6 juin 2023 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 avril 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile. Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté de transfert aux autorités italiennes : 2. Aux termes de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'Etat membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'Etat membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Il résulte de ces dispositions que si une demande d'asile est examinée par un seul Etat membre et qu'en principe cet Etat est déterminé par application des critères d'examen des demandes d'asile fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre, l'application de ces critères est toutefois écartée en cas de mise en œuvre de la clause dérogatoire énoncée au paragraphe 1 de l'article 17 du règlement, qui procède d'une décision prise unilatéralement par un Etat membre. Cette faculté laissée à chaque Etat membre est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile. Ces dispositions doivent être appliquées dans le respect des droits garantis par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 3. Lors de son entretien individuel, Mme B..., qui a quitté son pays d'origine le 5 septembre 2022, a déclaré que son concubin, M. C... B..., résidait en France. S'il ressort des pièces du dossier que la demande d'asile présentée par l'intéressé, qui est également né en Guinée, a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la cour nationale du droit d'asile respectivement les 11 octobre 2021 et 16 décembre 2021, et si une obligation de quitter le territoire français a été prise à son encontre le 25 mai 2022, il n'est pas contesté qu'il n'a cependant pas vocation à retourner en Italie. Par ailleurs, la requérante, qui est âgée de 25 ans seulement, atteste par les documents médicaux qu'elle produit, qu'elle était enceinte depuis le 6 décembre 2022. Ainsi qu'elle le soutient, la décision contestée aurait donc pour effet de la séparer du père de son enfant. En outre, le compte-rendu de l'examen gynécologique réalisé le 21 février 2023 mentionne une perte de poids de 7 kg depuis le début de sa grossesse et la sage-femme du centre hospitalier de Laval où elle est suivie a certifié le 28 février 2023 que son état nécessitait une prise en charge au titre des " soins urgents et vitaux ". Enfin, si les empreintes digitales de Mme B... ont été enregistrées le 10 novembre 2022 par les autorités italiennes dans le fichier Eurodac, sous le N° IT 2 AG06Y3Z, ce qui atteste qu'elle n'a pas déposé de demande d'asile dans ce pays, l'intéressée précise qu'elle est entrée en France le 20 novembre 2022, de sorte que son séjour en Italie a été particulièrement bref. Au vu de l'ensemble de ces éléments, Mme B... est fondée à soutenir qu'en ne dérogeant pas aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile et en prononçant son transfert aux autorités italiennes, lesquelles n'ont accepté qu'implicitement sa prise en charge, le préfet de Maine-et-Loire a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, l'arrêté litigieux doit être annulé pour ce motif. 4. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Sur les conclusions à fin d'injonction : 5. Compte tenu du motif d'annulation retenu, l'exécution de l'arrêt implique qu'il soit enjoint au préfet de Maine-et-Loire, dans un délai qu'il y a lieu de fixer à un mois, de délivrer à Mme B... une attestation de demander d'asile en procédure normale. Sur les frais liés au litige : 6. Mme B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Son avocate peut ainsi se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, à la condition de renoncer à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Lietavova, avocate de la requérante, d'une somme de 1 000 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n° 2306520 du tribunal administratif de Nantes en date du 6 juin 2023, ainsi que l'arrêté du 7 avril 2023 du préfet de Maine-et-Loire portant transfert de Mme B... auprès des autorités italiennes sont annulés. Article 2 : Il est enjoint au préfet de Maine-et-Loire de délivrer à Mme B... une attestation de demande d'asile en procédure normale dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. Article 3 : L'Etat versera à Me Lietavova, conseil de Mme B..., la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Une copie en sera adressée pour information au préfet de Maine-et-Loire. Délibéré après l'audience du 27 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - Mme Gélard, première conseillère, - M. Pons, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 novembre 2023. La rapporteure, V. GELARDLe président, O. GASPON La greffière, I. PETTON La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23NT02335 |
CETATEXT000048448376 | J4_L_2023_11_00023NT02365 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/44/83/CETATEXT000048448376.xml | Texte | CAA de NANTES, 6ème chambre, 21/11/2023, 23NT02365, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-21 00:00:00 | CAA de NANTES | 23NT02365 | 6ème chambre | excès de pouvoir | C | M. GASPON | DESFRANCOIS | Mme Valérie GELARD | Mme BOUGRINE | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 20 avril 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile. Par un jugement n° 2307280 du 16 juin 2023, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 2 août 2023, Mme A..., représentée par Me Desfrancois, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 16 juin 2023 ; 2°) d'annuler l'arrêté du 20 avril 2023 ; 3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de lui délivrer une attestation de demandeur d'asile en procédure normale et, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa situation dans les meilleurs délais ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991. Il soutient que : - l'arrêté de transfert est insuffisamment motivé ; - le préfet n'a pas procédé à un examen de sa vulnérabilité ; - cette décision méconnaît les stipulations de l'article 4 du règlement du 26 juin 2013 ; - cette décision méconnaît les stipulations de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 ; - cette décision méconnaît les stipulations des articles 3.2 du règlement du 26 juin 2013, 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; depuis le 5 décembre 2022 l'Italie a indiqué, dans une circulaire, être en situation d'urgence migratoire et suspendre les transferts dans le cadre de la procédure Dublin ; les Pays-Bas on suspendu les transferts vers l'Italie " en ce que les autorités italiennes elles-mêmes ont indiqué que les transferts vers l'Italie ne sont pas possibles en raison du manque de structures d'accueil " en référence à la lettre circulaire de Rome datant de décembre 2022 ; - cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par un mémoire en défense, enregistré le 6 octobre 2023, et une production de pièce enregistrée le 9 octobre 2023, le préfet de Maine-et-Loire conclut au non-lieu à statuer sur les conclusions de la requête à la suite de l'abrogation de la décision de transfert en cause. Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 juillet 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; - le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ; - le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Gélard, - et les observations de Me Desfrançois, représentant Mme A.... Considérant ce qui suit : 1. Mme A..., ressortissant guinéenne, relève appel du jugement du 16 juin 2023 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 avril 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile. Sur l'exception de non- lieu à statuer opposée par le préfet de Maine-et-Loire : 2. Un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un acte administratif n'a d'autre objet que d'en faire prononcer l'annulation avec effet rétroactif. Si, avant que le juge n'ait statué, l'acte attaqué est rapporté par l'autorité compétente et si le retrait ainsi opéré acquiert un caractère définitif faute d'être critiqué dans le délai du recours contentieux, il emporte alors disparition rétroactive de l'ordonnancement juridique de l'acte contesté, ce qui conduit à ce qu'il n'y ait lieu pour le juge de la légalité de statuer sur le mérite du pourvoi dont il était saisi. Il en va ainsi, quand bien même l'acte rapporté aurait reçu exécution. Dans le cas où l'administration se borne à procéder à l'abrogation de l'acte attaqué, cette circonstance prive d'objet le pourvoi formé à son encontre, à la double condition que cet acte n'ait reçu aucune exécution pendant la période où il était en vigueur et que la décision procédant à son abrogation soit devenue définitive. 3. Le préfet de Maine-et-Loire se prévaut d'un arrêté du 6 octobre 2023 abrogeant l'arrêté contesté portant transfert de Mme A... vers l'Italie, sans préciser notamment si l'intéressée se serait vue délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale. Par ailleurs, l'arrêté litigieux a été exécuté en ce qu'il a fait obstacle à tout dépôt de demande d'asile tant qu'il était en vigueur. En outre, l'arrêté du 6 octobre 2023, dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait été notifié à l'intéressée, ne présente pas de caractère définitif. Par suite, l'exception de non-lieu à statuer opposée par le préfet de Maine-et-Loire doit être écartée. Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté de transfert aux autorités italiennes : 4. En premier lieu, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Les Etats membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux (...). La demande est examinée par un seul Etat membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable (...) 2. Lorsque aucun État membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés dans le présent règlement, le premier État membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite est responsable de l'examen. / Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entrainent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable. / Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable. ". 5. Ces dispositions doivent être appliquées dans le respect des droits garantis par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, et notamment son article 4, et par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et notamment son article 3. 6. Par ailleurs, eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les Etats membres de l'Union européenne, lorsque la demande de protection internationale a été introduite dans un Etat autre que la France, que cet Etat a accepté de prendre ou de reprendre en charge le demandeur et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile ou les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet Etat membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire. La seule circonstance qu'à la suite du rejet de sa demande de protection par cet Etat membre l'intéressé serait susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ne saurait caractériser la méconnaissance par cet Etat de ses obligations. 7. La requérante invoque la méconnaissance des dispositions précitées du 2. de l'article 3 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013. Dans son arrêté contesté du 20 avril 2023, le préfet de Maine-et-Loire a relevé que les autorités italiennes, saisies le 7 février 2023 d'une demande de reprise en charge de Mme A... en application du règlement précité, avaient fait connaître leur accord explicite le 3 avril 2023, qu'elles devaient être regardées comme étant responsables de l'examen de sa demande d'asile et que l'intéressée n'établissait pas " de risque personnel constituant une atteinte grave au droit d'asile en cas de remise aux autorités responsables de l'examen de sa demande d'asile ". 8. Toutefois, indépendamment des considérations liées à la situation sanitaire du pays, la requérante se prévaut d'une lettre circulaire du 5 décembre 2022, adressée à l'ensemble des services des autres Etats chargés de l'application du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, par laquelle le ministère de l'intérieur italien a indiqué à ces Etats qu'ils étaient priés de suspendre temporairement les transferts vers l'Italie, à l'exception de ceux liés à la réunification familiale des mineurs non accompagnés, à compter du 6 décembre 2022, pour des raisons liées à l'indisponibilité des installations d'accueil. En application des dispositions précitées de l'article 3-2 du règlement n° 604/2013, il appartient à l'autorité préfectorale, lorsqu'elle détermine l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale, d'apprécier s'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile ou dans les conditions d'accueil des demandeurs. En se prévalant de la lettre circulaire du 5 décembre 2022 par laquelle l'Etat italien, par une information officielle diffusée à tous les Etats membres, a fait état de l'indisponibilité des installations d'accueil sur son territoire à compter du 6 décembre 2022, la requérante apporte la preuve que ses craintes relatives au défaut de protection en Italie sont fondées, alors que le préfet de Maine-et-Loire n'établit ni même n'allègue que l'indisponibilité des installations d'accueil invoquée par l'Italie avait cessé à la date du 20 avril 2023 à laquelle il a décidé le transfert de Mme A... vers ce pays. Il s'ensuit que doit être accueilli le moyen tiré par la requérante de ce que le préfet a méconnu les dispositions précitées du 2. de l'article 3 du règlement n° 604/2013 en retenant qu'il n'y avait pas de sérieuses raisons de croire qu'il existait sur tout le territoire de la république italienne des défaillances systémiques dans la procédure d'asile ou dans les conditions d'accueil des demandeurs d'asile. 9. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Sur les conclusions à fin d'injonction : 10. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. ". Aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. / La juridiction peut également prescrire d'office l'intervention de cette nouvelle décision. ". 11. L'annulation de la décision de transfert vers l'Italie de Mme A... est prononcée au motif que le préfet de Maine-et-Loire a méconnu les dispositions du 2. de l'article 3 du règlement n°604-2013 du 26 juin 2013, dès lors qu'il y avait de sérieuses raisons de croire qu'il existait en Italie, à la date de l'arrêté contesté, des défaillances systémiques dans les conditions d'accueil des demandeurs. Compte tenu de ce motif d'annulation, le présent arrêt implique nécessairement que le préfet de Maine-et-Loire délivre à Mme A..., ainsi qu'elle le demande, une attestation de demande d'asile en procédure normale, sous réserve d'un changement de circonstances de fait et dans le respect des dispositions des alinéas 2 et 3 du 2. de l'article 3 précité du règlement. Sur les frais liés au litige : 12. Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale au titre de la présente instance. Aussi, et dans la mesure où l'Etat est la partie perdante à cette instance, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à sa charge, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, la somme de mille (1 000) euros, à verser à Me Desfrançois avocat de la requérante. Ce versement vaudra, conformément à cet article 37, renonciation à ce qu'il perçoive la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle dont bénéficie l'intéressée. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n° 2307280 du 16 juin 2023 du tribunal administratif de Nantes et l'arrêté du 20 avril 2023 du préfet de Maine-et-Loire décidant du transfert de Mme A... aux autorités italiennes sont annulés. Article 2 : Il est enjoint au préfet de Maine-et-Loire d'enregistrer, dans le délai d'un mois, la demande d'asile de Mme A... en procédure normale, sous réserves d'un changement de circonstances de fait et dans le respect des dispositions des alinéas 2 et 3 du 2. de l'article 3 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013. Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 4 : L'Etat versera la somme de mille (1 000) euros à Me Desfrançois en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Une copie en sera adressée pour information au préfet de Maine-et-Loire. Délibéré après l'audience du 27 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - Mme Gélard, première conseillère - M. Pons, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 novembre 2023. La rapporteure, V. GELARDLe président, O. GASPON La greffière, I. PETTON La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23NT02365 |
CETATEXT000048448377 | J4_L_2023_11_00023NT02383 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/44/83/CETATEXT000048448377.xml | Texte | CAA de NANTES, 6ème chambre, 21/11/2023, 23NT02383, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-21 00:00:00 | CAA de NANTES | 23NT02383 | 6ème chambre | excès de pouvoir | C | M. GASPON | LACHAUX | Mme Valérie GELARD | Mme BOUGRINE | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 11 mai 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités croates, responsables de l'examen de sa demande d'asile. Par un jugement n° 2307400 du 15 juin 2023, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 4 août 2023, M. B..., représenté par Me Lachaux, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 15 juin 2023 ; 2°) d'annuler l'arrêté du 11 mai 2023 ; 3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de lui remettre un dossier de demande d'asile et de lui délivrer une attestation de demande d'asile ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991. Il soutient que : - le magistrat désigné a omis de répondre au moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3.2 du règlement du 26 juin 2013 ; à tout le moins le jugement attaqué est insuffisamment motivé ; - l'arrêté de transfert méconnaît les stipulations de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 ; - cette décision méconnaît les stipulations des articles 3.2 du règlement du 26 juin 2013, 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; - cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013. Par un mémoire en défense, enregistré le 16 octobre 2023, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 juillet 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; - le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ; - le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de Mme Gélard, a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., ressortissant afghan, relève appel du jugement du 15 juin 2023 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 mai 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités croates, responsables de l'examen de sa demande d'asile. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Il ressort du jugement attaqué que le magistrat désigné a rappelé au point 8, les dispositions de l'article 3.2 du règlement du 26 juin 2013, au point 10, le fait qu'eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les Etats membres de l'Union européenne, les craintes dont un demandeur fait état quant au défaut de protection dont il pourrait faire l'objet dans l'un de ces Etats, doivent en principe être présumées non fondées dès lors que cet Etat a accepté sa reprise en charge. Il a également jugé que les pièces communiquées par l'intéressé ne permettaient pas de faire présumer que les autorités croates ne procèderaient pas à un examen sérieux des demandes d'asile. Ce faisant, le magistrat désigné doit être regardé comme ayant suffisamment répondu au moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3.2 du règlement, alors même qu'il n'a pas expressément indiqué que ce moyen devait en conséquence être écarté. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait irrégulier à raison de ces motifs. Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté de transfert aux autorités croates : 3. En premier lieu, il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus par le premier juge, le moyen invoqué par le requérant, tiré de ce que la décision contestée serait contraire à l'article 5 du règlement n° 604 2013 du 26 juin 2013, que l'intéressé réitère en appel, sans apporter de précisions nouvelles. 4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Les Etats membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux (...). La demande est examinée par un seul Etat membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable (...) 2. Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entrainent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable ". Par ailleurs, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ". 5. Ces dispositions doivent être appliquées dans le respect des droits garantis par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 6. Il ressort des pièces du dossier que les autorités Croates ont explicitement accepté le 2 mai 2023 la reprise en charge de M. B.... L'intéressé ne produit aucune décision d'éloignement qui aurait été prise à son encontre par les autorités de ce pays et qui l'exposerait effectivement à un risque d'éloignement vers l'Afghanistan. Par suite, et compte tenu de ce qui a été dit aux points 4 et 5, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions des articles 3.2 du règlement du 26 juin 2013, 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ne peuvent qu'être écartés. 7. En troisième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'Etat membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'Etat membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Il résulte de ces dispositions que si une demande d'asile est examinée par un seul Etat membre et qu'en principe cet Etat est déterminé par application des critères d'examen des demandes d'asile fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre, l'application de ces critères est toutefois écartée en cas de mise en œuvre de la clause dérogatoire énoncée au paragraphe 1 de l'article 17 du règlement, qui procède d'une décision prise unilatéralement par un Etat membre. Cette faculté laissée à chaque Etat membre est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile. Ces dispositions doivent être appliquées dans le respect des droits garantis par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 8. Lors de son entretien individuel, M. B... a déclaré ne pas avoir de problème de santé. Par ailleurs, s'il justifie de la présence régulière en France d'un cousin, cette seule circonstance n'est pas de nature à établir qu'en ne dérogeant pas aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile et en prononçant son transfert aux autorités croates, le préfet de Maine-et-Loire aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Par suite ce moyen ne peut qu'être écarté. Sur le surplus des conclusions : 9. Les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par M. B... et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées par voie de conséquence du rejet de ses conclusions principales. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Une copie en sera adressée, pour information, au préfet de Maine-et-Loire. Délibéré après l'audience du 27 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - M. Coiffet, président-assesseur, - Mme Gélard, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 novembre 2023. La rapporteure, V. GELARDLe président, O. GASPON La greffière, I. PETTON La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23NT02383 |
CETATEXT000048448380 | J6_L_2023_10_00023MA01729 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/44/83/CETATEXT000048448380.xml | Texte | CAA de MARSEILLE, , 19/10/2023, 23MA01729, Inédit au recueil Lebon | 2023-10-19 00:00:00 | CAA de MARSEILLE | 23MA01729 | plein contentieux | C | DI CESARE | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2014 et 2015. Par un jugement n° 2105381 du 16 mai 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 5 juillet 2023, Mme A..., représentée par Me Di Cesare, demande au juge des référés de la Cour de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la mise en recouvrement des impositions contestées. Elle soutient que : - la condition d'urgence est satisfaite eu égard au montant très important des impositions en litige et à l'impossibilité totale dans laquelle elle se trouve de les acquitter ; - la proposition de rectification aurait dû lui être notifiée à titre personnel pour la période postérieur au décès de son mari, et en tant que personne mariée avant son décès ; - la proposition de rectification est insuffisamment motivée ; - elle conteste être maître de l'affaire ; - elle critique la méthode de reconstitution de l'administration fiscale. Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour sous le n° 23MA01728, le 5 juillet 2023 par laquelle Mme A... demande l'annulation du jugement du tribunal administratif de Marseille du 16 mai 2023, et la décharge des impositions en litige. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative. Vu la décision par laquelle la présidente de la Cour a désigné Mme Paix, présidente en application de l'article L. 511-2 du code de justice administrative, pour juger les référés. Considérant ce qui suit : 1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision... ". Aux termes de l'article L. 522-1 du même code : " Le juge des référés statue au terme d'une procédure contradictoire écrite ou orale. / Lorsqu'il lui est demandé de prononcer les mesures visées aux articles L. 521-1 et L. 521-2, de les modifier ou d'y mettre fin, il informe sans délai les parties de la date et de l'heure de l'audience publique. / Sauf renvoi à une formation collégiale, l'audience se déroule sans conclusions du commissaire du Gouvernement ". Enfin, aux termes de l'article L. 522-3 de ce code : " Lorsque la demande ne présente pas un caractère d'urgence ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée, le juge des référés peut la rejeter par une ordonnance motivée sans qu'il y ait lieu d'appliquer les deux premiers alinéas de l'article L. 522-1 ". 2. Le contribuable qui a saisi le juge de l'impôt de conclusions tendant à la décharge d'une imposition à laquelle il a été assujetti est recevable à demander au juge des référés, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de la mise en recouvrement de l'imposition, dès lors que celle-ci est exigible. Le prononcé de cette suspension est subordonné à la double condition, d'une part, qu'il soit fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux sur la régularité de la procédure d'imposition ou sur le bien-fondé de l'imposition et, d'autre part, que l'urgence justifie la mesure de suspension sollicitée. Sur la régularité de la procédure d'imposition : 3. Aux termes du 8 de l'article 6 du code général des impôts : " En cas de décès de l'un des conjoints ou partenaires liés par un pacte civil de solidarité, l'impôt afférent aux bénéfices et revenus non encore taxés est établi au nom des époux ou partenaires. Le conjoint ou le partenaire survivant est personnellement imposable pour la période postérieure au décès. " Aux termes de l'article 204 de ce code : " 1. Dans le cas de décès du contribuable ou de l'un ou l'autre des époux soumis à une imposition commune, l'impôt sur le revenu est établi en raison des revenus dont le défunt a disposé pendant l'année de son décès et des bénéfices industriels et commerciaux réalisés depuis la fin du dernier exercice taxé. L'impôt porte également sur les revenus dont la distribution ou le versement résulte du décès, s'ils n'ont pas été précédemment imposés et sur ceux que le défunt a acquis sans avoir la disposition antérieurement à son décès. (...) / 1 bis. Les impositions établies après le décès dans les conditions prévues par l'article L. 172 du livre des procédures fiscales en cas d'omission ou d'insuffisance d'imposition, ainsi que toutes autres impositions dues par les héritiers du chef du défunt, ne sont pas admises en déduction du revenu des héritiers pour l'établissement de l'impôt sur le revenu dont ces derniers sont passibles. / 2. La déclaration des revenus imposables en vertu du présent article est produite par les ayants droit du défunt. Le cas échéant, le notaire chargé de la succession peut produire cette déclaration à la demande des ayants droit si la succession n'est pas liquidée à la date de production de la déclaration. Elle est soumise aux règles et sanctions prévues à l'égard des déclarations annuelles. Les demandes d'éclaircissements et de justifications prévues par les articles L 10 et L 16 du livre des procédures fiscales ainsi que les propositions de rectification mentionnées à l'article L 57 du même livre peuvent être valablement adressées à l'un quelconque des ayants droit ou des signataires de la déclaration de succession. ". 4. Il résulte de ces dispositions que Mme A... ayant la qualité d'ayant-droit de son mari, décédé le 29 mai 2015, elle pouvait se voir réclamer les impositions au titre de la période postérieure à son décès, à son nom propre, et au titre de la période antérieure, en sa qualité de membre du foyer fiscal auquel elle appartenait avec son mari. La circonstance qu'elle n'a reçu qu'une seule proposition de rectification au titre de ces deux périodes ne constitue pas un vice de procédure de nature à entraîner la décharge des impositions litigieuses. 5. En second lieu, aux termes de l'article L 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. / (...) ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. / (...) ". 6. Ainsi que l'a relevé le tribunal administratif de Marseille au point 10 de son jugement, Mme A..., dans sa réponse adressée à la proposition de rectification du 18 décembre 2017 qui lui a été adressée personnellement, a fait valoir qu'il convenait de se référer, s'agissant des revenus de capitaux mobiliers issus de la SARL Jiban, à la réponse de cette société à la proposition de rectification dont cette dernière avait été destinataire. De plus la proposition de rectification adressée à la société a été remise en mains propres à son fils, régulièrement mandaté, et dès le 20 décembre 2017. Mme A... doit donc être considérée comme ayant disposé de l'ensemble des informations suffisantes pour formuler ses observations au sens de l'article L 57 du livre des procédures fiscales. Sur le bien-fondé des impositions en litige : 7. En premier lieu Mme A... mentionne que plusieurs personnes détenaient la signature sur les comptes bancaires de la SARL Jiban, que sa fille était particulièrement impliquée dans l'organisation des voyages, que l'un des salariés de la société, qui a par ailleurs détourné des fonds procédait à la réservation de séjours, que l'association Oneg prestige et la société Créa Event's détenue par sa fille et le mari de celle-ci ont également pris des décisions de gestion et d'organisation de voyages. Toutefois ces circonstances, alors que la requérante ne conteste pas qu'elle avait la signature bancaire sur tous les comptes et a signé tous les bordereaux de virements effectués pour l'activité d'organisation de voyages de la SARL société Jiban au cours des années 2014 et 2015, à l'exception d'un seul, et qu'il ne saurait y avoir plusieurs maîtres de l'affaire, sont insuffisantes à faire échec à cette qualité, en ce qui la concerne. 8. En second lieu, Mme A... conteste la reconstitution du chiffre d'affaires pour des séjours organisés à Rosas en 2014 et à Ibiza en 2015. S'agissant du voyage à Rosas en se bornant à soutenir que le chiffre d'affaires est impossible à réaliser alors que, malgré le défaut de justificatifs produits par la société, l'administration fiscale a réduit le nombre de participants, et pris en compte des factures payées en espèce, Mme A... ne conteste pas utilement le chiffre d'affaires finalement retenu par l'administration. S'agissant du voyage à Ibiza, Mme A... ne conteste pas utilement le chiffre d'affaires réalisé par la SARL Jiban en se bornant à indiquer que le chiffre d'affaires devrait être diminué de 300 nuitées, alors que ces données chiffrées résultent des éléments qu'elle a elle-même transmis à l'administration fiscale. 9. Il résulte de ce qui précède, en l'absence, en l'état du dossier, de moyen sérieux, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur le caractère d'urgence, qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L. 522-3 du code de justice administrative et de rejeter la requête de Mme A.... ORDONNE : Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée. Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme B... A.... Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est outre-mer. Fait à Marseille, le 19 octobre 2023. N° 23MA017292 |
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CETATEXT000048448388 | J6_L_2023_11_00022MA01629 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/44/83/CETATEXT000048448388.xml | Texte | CAA de MARSEILLE, 1ère chambre, 16/11/2023, 22MA01629, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de MARSEILLE | 22MA01629 | 1ère chambre | excès de pouvoir | C | M. PORTAIL | ALPAVOCAT | Mme Caroline POULLAIN | M. QUENETTE | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la délibération du 4 avril 2018 par laquelle le conseil municipal de la commune de Châteauneuf-Val-Saint-Donat a approuvé le plan local d'urbanisme communal, ensemble la décision implicite portant rejet de son recours gracieux. Par un jugement n° 1808077 du 7 avril 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 7 juin 2022 et 17 avril 2023, M. B..., représenté par la SCP Alpavocat, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du 7 avril 2022 ; 2°) d'annuler la délibération du 4 avril 2018, subsidiairement en tant seulement que le plan local d'urbanisme classe les parcelles cadastrées C n° 481, 482 et 492 et l'ensemble des parcelles du hameau des Jas en zone agricole, ensemble la décision implicite portant rejet de son recours gracieux ; 3°) de mettre à la charge de la commune de Châteauneuf-Val-Saint-Donat une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la requête contient des moyens d'appel la rendant recevable ; - le jugement est irrégulier en ce qu'il a considéré que la commune était valablement représentée par son maire ; - les écritures de la commune sont irrecevables dès lors qu'il n'est pas justifié que son maire serait habilité à la représenter ; - les dispositions de l'article L. 153-21 du code de l'urbanisme ont été méconnues dès lors que des modifications substantielles ont été apportées au plan local d'urbanisme postérieurement à l'enquête publique ; - les dispositions des articles L. 101-2 et L. 151-4 du code de l'urbanisme ont été méconnues dans la mesure où le zonage, particulièrement le classement de certaines parcelles de caractère agricole en zone urbaine, favorise la dispersion des zones urbaines ; - l'article L. 371-3 du code de l'environnement n'a pas été respecté dès lors que le schéma régional de cohérence écologique n'a pas été pris en compte ; - le zonage Ap est dans son ensemble entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que certaines parcelles supportant des habitations y ont été intégrées, sans que cela ne soit justifié par leur potentiel, et que ces parcelles se trouvent en continuité de la partie urbanisée de la commune ; - le classement de la parcelle cadastrée section C n° 481 en zone agricole, Ap de surcroît, est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ; celle-ci n'a jamais été exploitée, n'a aucun potentiel agricole, se trouve en secteur urbanisé, à proximité du cimetière et d'habitations, est entourée de voies de circulation et est viabilisée ; - ce classement est incohérent avec le projet d'aménagement et de développement durables et le rapport de présentation qui retiennent l'objectif prioritaire de comblement des dents creuses et d'accueil de nouveaux habitants. Par un mémoire en défense, enregistré le 25 janvier 2023, la commune de Châteauneuf-Val-Saint-Donat, représentée par Me Loiseau, conclut au rejet de la requête, subsidiairement après avoir permis une régularisation, et à ce qu'une somme de 3 600 euros soit mise à la charge de M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la requête est irrecevable dès lors qu'elle se borne à reprendre les écritures de première instance et ne comporte pas de moyens contre le jugement attaqué ; - les moyens de la requête ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'environnement ; - le code général des collectivités territoriales ; - le code de l'urbanisme ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Poullain, - les conclusions de M. Quenette, rapporteur public, - et les observations de Me Loiseau, représentant la commune de Châteauneuf-Val-Saint-Donat. Considérant ce qui suit : 1. M. B... est propriétaire d'une parcelle cadastrée section C n° 481, située sur la commune de Châteauneuf-Val-Saint-Donat. Il relève appel du jugement du tribunal administratif de Marseille qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération du 4 avril 2018 par laquelle le conseil municipal de la commune a approuvé le plan local d'urbanisme, classant cette parcelle en zone Ap, ensemble la décision implicite portant rejet de son recours gracieux. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Lorsqu'une partie est une personne morale, il appartient à la juridiction administrative saisie, qui en a toujours la faculté, de s'assurer, le cas échéant, que le représentant de cette personne morale justifie de sa qualité pour agir au nom de cette partie. Tel est le cas lorsque cette qualité est contestée sérieusement par l'autre partie ou qu'au premier examen, l'absence de qualité du représentant de la personne morale semble ressortir des pièces du dossier. 3. Aux termes de l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales : " Le maire peut, en outre, par délégation du conseil municipal, être chargé, en tout ou partie, et pour la durée de son mandat : / (...) 16° D'intenter au nom de la commune les actions en justice ou de défendre la commune dans les actions intentées contre elle, dans les cas définis par le conseil municipal, (...) ". Aux termes de l'article L. 2132-1 du même code : " Sous réserve des dispositions du 16° de l'article L. 2122-22, le conseil municipal délibère sur les actions à intenter au nom de la commune. ". Enfin, aux selon l'article L. 2132-2 de ce code : " Le maire, en vertu de la délibération du conseil municipal, représente la commune en justice. ". 4. Il ressort des pièces du dossier soumis au tribunal que, si la commune de Châteauneuf-Val-Saint-Donat n'a produit aucune délibération de son conseil municipal donnant délégation à son maire pour agir en justice ou l'autorisant à défendre à l'instance l'opposant à M. B..., la qualité à agir du maire au nom de la commune n'était pas contestée. Il ne ressortait, par ailleurs, au premier examen, d'aucun des éléments au vu desquels le tribunal a statué que le maire fût dépourvu d'une telle qualité. Le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité, faute pour le tribunal d'avoir relevé le défaut de qualité du maire de la commune à à agir en défense pour son compte, doit donc être écarté. Sur la recevabilité des écritures en défense de la commune de Châteauneuf-Val-Saint-Donat : 5. La commune a produit dans l'instance la délibération de son conseil municipal du 23 février 2023 donnant délégation au maire, notamment pour défendre la collectivité dans les actions intentées contre elle. Par suite, le moyen tiré de ce que les écritures de la commune ne seraient pas recevables faute d'avoir été présentées par une personne détenant la qualité pour ce faire doit être écarté. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne la légalité externe : 6. Aux termes de l'article L. 153-21 du code de l'urbanisme : " A l'issue de l'enquête, le plan local d'urbanisme, éventuellement modifié pour tenir compte des avis qui ont été joints au dossier, des observations du public et du rapport du commissaire ou de la commission d'enquête, est approuvé par : / (...) / 2° Le conseil municipal (...) ". Il résulte de ces dispositions que le projet de plan ne peut subir de modifications, entre la date de sa soumission à l'enquête publique et celle de son approbation, qu'à la double condition que ces modifications ne remettent pas en cause l'économie générale du projet et qu'elles procèdent de l'enquête. 7. En l'espèce, si postérieurement à l'enquête publique, ainsi que le relève le requérant, quatre secteurs ont vu leur zonage basculer en zone A, ceux-ci étaient auparavant classés en zone Ap, de sorte que la seule évolution qui en est résulté est la possibilité, dans certains cas, d'y construire des bâtiments agricoles. Par ailleurs, les changements apportés aux règles de constructibilité dans le secteur faisant l'objet de l'orientation d'aménagement et de programmation n° 1, donnant plus de souplesse aux porteurs de projets, ne concernent en tout état de cause qu'une très petite zone urbaine. En outre, certaines insuffisances de justifications, particulièrement s'agissant de la délimitation de la zone humide, ou oublis, telle la mention des activités forestières ou pastorales en marge de celles agricoles, ont été simplement corrigés. Ainsi, les modifications apportées au projet de plan local d'urbanisme postérieurement à l'enquête publique n'ont pas remis en cause l'économie générale du projet et le moyen tenant à la méconnaissance de l'article L. 153-21 du code de l'urbanisme doit être écarté. En ce qui concerne la légalité interne : 8. En premier lieu, aux termes de l'article L. 101-2 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable à la date de la délibération litigieuse : " Dans le respect des objectifs du développement durable, l'action des collectivités publiques en matière d'urbanisme vise à atteindre les objectifs suivants : / 1° L'équilibre entre : / (...) / b) Le renouvellement urbain, le développement urbain maîtrisé, la restructuration des espaces urbanisés, la revitalisation des centres urbains et ruraux ; / c) Une utilisation économe des espaces naturels, la préservation des espaces affectés aux activités agricoles et forestières et la protection des sites, des milieux et paysages naturels ; / (...) ". En application de l'article L. 151-4 du même code, le rapport de présentation " analyse la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers au cours des dix années précédant l'approbation du plan ou depuis la dernière révision du document d'urbanisme et la capacité de densification et de mutation de l'ensemble des espaces bâtis, en tenant compte des formes urbaines et architecturales. Il expose les dispositions qui favorisent la densification de ces espaces ainsi que la limitation de la consommation des espaces naturels, agricoles ou forestiers. ". 9. En l'espèce, le rapport de présentation expose les dispositions favorisant la densification des espaces bâtis et limitant la consommation des espaces naturels, agricoles ou forestiers, en précisant avoir retenu des coefficients d'emprise au sol maximum dans les zones Ua, Uj, Ub, Uba et Ubb, ainsi qu'une densité minimale de dix logements par hectare en zone Uja. Il indique également qu'est prévue la consommation de 4,99 hectares nécessaire pour satisfaire les besoins, non contestés, en logements et équipements projetés pour la douzaine d'années à venir, et que celle-ci sera " réalisée essentiellement sur des dents creuses (3,65 ha, soit près de 71,5 % des surfaces constructibles du PLU), donc dans des parties actuellement urbanisées ce qui doit garantir une densification du tissu urbain ". Il est aussi relevé, notamment, que les consommations représentent 1,25 hectares de surfaces agricoles, soit 0,35 % de ces surfaces au niveau communal, et 3,74 hectares de surfaces naturelles, soit 0,22 % de ces surfaces au niveau communal, seulement trois parcelles d'espaces naturels étant classées en zone constructible en extension de l'urbanisation. Si M. B... évoque la situation de trois parcelles agricoles en particulier, cadastrées section A n° 267 et section B n° 95 et 372, qui sont situées en continuité du centre du village et sont classées en zone urbaine, il ne ressort pas des pièces du dossier, et il n'est d'ailleurs pas soutenu, que leur consommation, qui figure bien sur les cartes de présentation, n'aurait pas été prise en compte dans les données exposées au rapport. Aucun élément ne permet par ailleurs de conclure que des parcelles urbanisées auraient à tort été considérées comme agricoles dans ces calculs, alors que les définitions de chaque espace ont été reprises dans cette partie du rapport. Il résulte ainsi de l'ensemble de ces éléments que les dispositions de l'article L. 151-4 du code de l'urbanisme ont été respectées et que le projet est compatible avec le principe d'équilibre énoncé à l'article L. 101-2 du code de l'urbanisme. 10. En deuxième lieu, l'article L. 371-3 du code de l'environnement précise, dans sa version applicable, que : " Les collectivités territoriales et leurs groupements compétents en matière d'aménagement de l'espace ou d'urbanisme prennent en compte les schémas régionaux de cohérence écologique lors de l'élaboration ou de la révision de leurs documents d'aménagement de l'espace ou d'urbanisme dans les conditions fixées aux articles L. 131-2 et L. 131-7 du code de l'urbanisme. ". Aux termes de l'article L. 131-2 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable : " Les schémas de cohérence territoriale prennent en compte : / (...) / 2° Les schémas régionaux de cohérence écologique prévus à l'article L. 371-3 du code de l'environnement ; / (...) ". Aux termes de l'article L. 131-7 du même code, dans sa version alors en vigueur : " En l'absence de schéma de cohérence territoriale, les plans locaux d'urbanisme (...) prennent en compte les documents énumérés à l'article L. 131-2 (...) ". 11. Il ressort du rapport de présentation que la zone classée U au plan local d'urbanisme chevauche en partie une zone humide définie à l'inventaire départemental des zones humides, figurant en trame bleue au schéma régional de cohérence écologique. Toutefois, au regard de ce chevauchement et avant de retenir ce classement, la commune a fait procéder à des analyses techniques à travers un inventaire floristique et des relevés pédologiques, lesquels n'ont pas confirmé le caractère de zone humide des parcelles concernées. Dans ces circonstances, et alors que M. B... ne critique ni les méthodes, ni les résultats de ces analyses, le moyen tiré de ce que les auteurs du plan local d'urbanisme se seraient écartés des orientations fondamentales du schéma régional de cohérence écologique et ne l'auraient ainsi pas pris en compte doit être écarté. 12. En troisième lieu, en vertu de l'article L. 151-5 du code de l'urbanisme, le projet d'aménagement et de développement durables du plan local d'urbanisme définit notamment " Les orientations générales des politiques d'aménagement, d'équipement, d'urbanisme, de paysage, de protection des espaces naturels, agricoles et forestiers, et de préservation ou de remise en bon état des continuités écologiques ". En vertu de l'article L. 151-9 du même code : " Le règlement délimite les zones urbaines ou à urbaniser et les zones naturelles ou agricoles et forestières à protéger. / Il peut préciser l'affectation des sols selon les usages principaux qui peuvent en être faits ou la nature des activités qui peuvent y être exercées et également prévoir l'interdiction de construire. / Il peut définir, en fonction des situations locales, les règles concernant la destination et la nature des constructions autorisées ". Aux termes de l'article R. 151-22 du code de l'urbanisme : " Les zones agricoles sont dites " zones A ". Peuvent être classés en zone agricole les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles ". L'article R. 151-23 du même code précise : " Peuvent être autorisées, en zone A : / 1°-Les constructions et installations nécessaires à l'exploitation agricole ou au stockage et à l'entretien de matériel agricole par les coopératives d'utilisation de matériel agricole agréées au titre de l'article L. 525-1 du code rural et de la pêche maritime ; / 2° Les constructions, installations, extensions ou annexes aux bâtiments d'habitation, changements de destination et aménagements prévus par les articles L. 151-11, L. 151-12 et L. 151-13, dans les conditions fixées par ceux-ci ". 13. Il résulte de ces dispositions qu'une zone agricole, dite " zone A ", du plan local d'urbanisme a vocation à couvrir, en cohérence avec les orientations générales et les objectifs du projet d'aménagement et de développement durables, un secteur, équipé ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles. 14. Le règlement a en l'espèce défini, au sein de la zone agricole, une " zone Ap ", où aucune construction n'est autorisée, y compris agricole, compte-tenu de ses caractéristiques agronomiques et paysagères sauf les constructions de services publics ou d'intérêts collectifs techniques ou non compatibles avec le voisinage des zones habitées. 15. Il ressort des pièces du dossier que la " zone Ap " au sein de laquelle se trouve la parcelle cadastrée section C n° 481 en litige constitue un ensemble homogène dont le caractère agricole et paysager est avéré, entouré au nord par le village, à l'ouest et au sud par les quartiers du " jas de l'Amagnon ", des " Jas " et du " jas des Bides " et se poursuivant à l'est sur une très vaste étendue. Son classement en zone agricole est cohérent avec le parti d'urbanisme de la commune, au regard de l'orientation n° 5 du projet d'aménagement et de développement durables qui vise à développer l'urbanisation en conservant le caractère rural de la commune, notamment en modérant la consommation d'espace et l'étalement urbain et en conservant les formes urbaines existantes, particulièrement les " jas " en périphérie directe desquels et entre lesquels l'urbanisation doit être limitée. Contrairement à ce que soutient le requérant, ce zonage n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, alors même que certaines des parcelles qui y sont situées, éparses et en nombre limité, supportent une construction. 16. Particulièrement, le classement de la parcelle litigieuse, qui n'est pas bâtie, n'est ni incohérent avec le projet d'aménagement et de développement durables, ni entaché d'une telle erreur alors même qu'elle n'aurait jamais été exploitée, que son potentiel agronomique, biologique ou économique serait limité, que deux habitations sont situées à sa proximité immédiate, qu'elle se situe non loin du quartier des " Jas " et qu'elle est viabilisée et desservie par des voies de circulation. Il ne saurait en effet être sérieusement contesté qu'elle ne constitue pas une dent creuse en zone urbaine mais qu'elle s'insère dans le secteur plus vaste décrit ci-dessus. 17. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Sur les frais liés au litige : 18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune de Châteauneuf-Val-Saint-Donat qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... une somme de 2 000 euros à verser à la commune de Châteauneuf-Val-Saint-Donat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D É C I D E: Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : M. B... versera une somme de 2 000 euros à la commune de Châteauneuf-Val-Saint-Donat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la commune de Châteauneuf-Val-Saint-Donat. Délibéré après l'audience du 26 octobre 2023, à laquelle siégeaient : -M. Portail, président, -M. d'Izarn de Villefort, président assesseur, -Mme Poullain, première conseillère, Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023. 2 N° 22MA01629 |
CETATEXT000048448393 | J6_L_2023_11_00023MA00471 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/44/83/CETATEXT000048448393.xml | Texte | CAA de MARSEILLE, 1ère chambre, 16/11/2023, 23MA00471, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de MARSEILLE | 23MA00471 | 1ère chambre | C | M. PORTAIL | CABINET BUSSON | M. Philippe D'IZARN DE VILLEFORT | M. QUENETTE | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : L'association Ligue de défense des Alpilles a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 12 avril 2019 par lequel le maire de la commune des Baux-de-Provence a délivré à la société civile immobilière (SCI) Baumanière un permis de construire un hôtel de 11 chambres d'une surface de plancher de 1 748,85 m² sur un terrain situé RD 27 de Maillane à Saint-Martin de Craux, lieu-dit A... d'enfer, sur des parcelles cadastrées section AE n° 0060, 0061,0071, 0072, 0073, 0074, 0075, ensemble la décision rejetant son recours gracieux. Par un jugement n° 1908878 du 28 décembre 2022, le tribunal administratif de Marseille a, sur le fondement de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, sursis à statuer sur cette requête jusqu'à l'expiration d'un délai de quatre mois à compter de la notification de ce jugement imparti à la SCI Baumanière et à la commune des Baux-de-Provence pour notifier au tribunal un permis de construire régularisant les vices mentionnés aux points 9, 12 et 18 de ce même jugement. Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire enregistrés le 27 février 2023 et le 15 septembre 2023, la SCI Baumanière, représentée par Me Le Mière, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 28 décembre 2022 ; 2°) de rejeter la demande de la Ligue de défense des Alpilles devant le tribunal administratif de Marseille ; 3°) de mettre à la charge de la Ligue de défense des Alpilles la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le jugement attaqué a été pris en méconnaissance du principe du contradictoire dès lors que les observations des parties sur la mise en œuvre des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme n'ont pas été communiquées ; - en outre, les mentions relatives à la date de lecture du jugement sont contradictoires ; - de plus, le tribunal administratif aurait dû soulever d'office l'irrecevabilité de la demande de première instance ; - la demande de la Ligue de défense des Alpilles devant le tribunal administratif de Marseille est irrecevable dans la mesure où celle-ci n'a pas été représentée par sa présidente, comme l'exigeaient les statuts de l'association ; - cette demande est également tardive, compte tenu de la date de notification de la décision du 25 juillet 2019 rejetant le recours gracieux. Par des mémoires en défense enregistrés le 14 août 2023 et le 25 septembre 2023, la Ligue de défense des Alpilles, représentée par Me Busson, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 400 euros soit mise à la charge de la SCI Baumanière au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens soulevés par la SCI Baumanière ne sont pas fondés. Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt est susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré du non-lieu à statuer sur la requête en tant que le jugement avant dire droit du 28 décembre 2022 met en œuvre les pouvoirs que le juge tient de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, dès lors que le maire des Baux-de-Provence a délivré à la SCI Baumanière un permis de construire modificatif le 9 août 2023. La SCI Baumanière et la Ligue de défense des Alpilles ont présenté des observations enregistrées, respectivement, le 19 octobre 2023 et le 23 octobre 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des postes et des communications électroniques ; - le code de l'urbanisme ; - l'arrêté du 7 février 2007 pris en application de l'article R. 2-1 du code des postes et des communications électroniques et fixant les modalités relatives au dépôt et à la distribution des envois postaux ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. d'Izarn de Villefort, -les conclusions de M. Quenette, rapporteur public, - et les observations de Me Bedot, représentant la SCI Baumanière, et de Me Busson, représentant la Ligue de défense des Alpilles. Une note en délibéré, présentée par la SCI Baumanière, a été enregistrée le 27 octobre 2023. Considérant ce qui suit : 1. L'association Ligue de défense des Alpilles a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 12 avril 2019 par lequel le maire de la commune des Baux-de-Provence a délivré à la société civile immobilière (SCI) Baumanière un permis de construire un hôtel de 11 chambres à Saint-Martin de Craux, lieu-dit A... d'enfer, ainsi que la décision rejetant son recours gracieux. Par un jugement du 28 décembre 2022, le tribunal administratif de Marseille a, sur le fondement de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, sursis à statuer sur cette requête jusqu'à l'expiration d'un délai de quatre mois à compter de la notification de ce jugement et imparti à la SCI Baumanière et à la commune des Baux-de-Provence pour notifier au tribunal un permis de construire régularisant les vices mentionnés aux points 9, 12 et 18 de ce même jugement. La SCI Baumanière relève appel de ce jugement. Sur l'étendue du litige : 2. Aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé ". 3. Lorsque le juge administratif décide de recourir à l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, le bénéficiaire de l'autorisation initiale d'urbanisme et l'autorité qui l'a délivrée peuvent contester le jugement avant dire droit en tant qu'il a jugé que cette autorisation était affectée d'un vice entachant sa légalité. Ils peuvent également contester ce jugement en tant qu'il fait application des dispositions de l'article L. 600-5-1, ces conclusions étant cependant privées d'objet à compter de la délivrance du permis destiné à régulariser le vice. L'annulation du jugement en tant qu'il a fait application des dispositions de l'article L. 600-5-1 peut cependant toujours être prononcée par voie de conséquence de son annulation en tant qu'il a jugé que l'autorisation initiale d'urbanisme était affectée d'un vice. 4. Compte tenu de la nature des moyens soulevés et de ses conclusions, la SCI Baumanière, doit être regardée comme relevant appel du jugement du 28 décembre 2022 à la fois en tant que celui-ci a jugé que cette autorisation était affectée de vices entachant sa légalité et en tant qu'il fait application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme. Dans la mesure cependant où le maire des Baux-de-Provence a délivré à la SCI Baumanière un permis de construire modificatif le 9 août 2023, ces conclusions dirigées contre ce jugement en tant qu'il a fait application des dispositions précitées sont devenues sans objet. Il n'y a pas lieu d'y statuer. Sur la régularité du jugement : 5. En premier lieu, l'article 13 des statuts de la Ligue de défense des Alpilles stipule que " (...) Le président représentera valablement l'association et notamment devant toutes les autorités judiciaires et administratives. Néanmoins, toute décision qui entraînerait l'engagement ou l'abandon d'une procédure judiciaire devra être prise par le conseil d'administration à la majorité. (...) ". 6. La Ligue de défense des Alpilles a, au cours de l'instruction devant le tribunal administratif, produit l'autorisation donnée à cette fin à son vice-président par le conseil d'administration à l'issue d'un vote électronique réalisé le 15 mai 2020. Ainsi que le soutient à bon droit la SCI Baumanière, il résulte des stipulations précitées de l'article 13 de ses statuts que seul le président de cette association peut la représenter régulièrement devant les juridictions et qu'il doit en outre être autorisé par le conseil d'administration lorsqu'il engage une procédure au nom de celle-ci. Ainsi, la demande de première instance n'a pas été présentée par une personne ayant qualité pour agir au nom de la Ligue de défense des Alpilles. Il résulte cependant des dispositions de l'article R. 612-1 du code de justice administrative que, lorsque des conclusions sont entachées d'une irrecevabilité susceptible d'être couverte après l'expiration du délai de recours, telle que le défaut de qualité pour agir d'un requérant, la juridiction ne peut les rejeter en relevant d'office cette irrecevabilité qu'après avoir invité leur auteur à les régulariser. En s'abstenant de relever d'office l'irrecevabilité de la demande présentée par la Ligue de défense des Alpilles et de l'inviter à la régulariser avant, non pas de rejeter cette demande mais de juger que le permis de construire dont l'intéressée demande l'annulation est entaché des vices qu'il a caractérisé, le tribunal administratif n'a pas entaché le jugement attaqué d'irrégularité. 7. En second lieu, aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision fait apparaître la date de l'audience et la date à laquelle elle a été prononcée. ". 8. La SCI Baumanière soutient que le jugement attaqué, qui mentionne deux dates de lecture différentes, méconnaît les dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative. Toutefois, dès lors que la date d'audience du 15 décembre 2022 mentionnée dans le jugement, dont il n'est pas contesté qu'elle correspond à la date effective, conduit sans aucun doute possible à retenir comme date de lecture celle du 28 décembre 2022, et non celle du 28 décembre 2023, qui correspond d'ailleurs à un jour futur, cette erreur purement matérielle est sans incidence sur la régularité du jugement attaqué. 9. En troisième lieu, si la requérante fait également valoir que le jugement attaqué a été pris en méconnaissance du principe du contradictoire, dès lors que les observations des parties sur la mise en œuvre des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme n'ont pas été communiquées, une telle irrégularité affecterait ce jugement en tant seulement qu'il a fait application de ces dispositions. Dès lors qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le jugement dans cette mesure, ce moyen est inopérant. Sur la recevabilité de la demande de première instance : 10. En réponse au moyen soulevé par la SCI Baumanière dans sa requête d'appel tiré de l'irrecevabilité de la demande de première instance exposée au point 6, la Ligue de défense des Alpilles a produit un extrait du procès-verbal de la réunion de son conseil d'administration tenue le 22 mai 2023 à l'issue de laquelle cet organe a décidé, notamment, de " confirmer le recours devant le tribunal administratif pour obtenir l'annulation du permis de construire du 12 avril 2019 " et d'" autoriser l'association à défendre en appel ". En dépit de la formulation maladroite des termes de cette délibération, le conseil d'administration doit être regardé comme ayant autorisé rétroactivement le président de l'association à engager le recours dont s'agit devant le tribunal administratif de Marseille. Si la SCI Baumanière soutient que cette autorisation ne saurait régulariser la demande de première instance présentée par une personne n'ayant pas qualité pour représenter la Ligue de défense des Alpilles, d'une part, ainsi qu'il a déjà été mentionné au point 6, le tribunal administratif n'avait pas invité celle-ci à régulariser cette irrecevabilité, d'autre part, ni la SCI Baumanière, ni la commune des Baux-de-Provence n'ont opposé la fin de non-recevoir correspondante en première instance. Dans ces conditions, l'appelante n'est pas fondée à soutenir que l'irrecevabilité de la demande présentée devant le tribunal administratif n'a pas été régularisée en appel. 11. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. (...). ". Aux termes de l'article R. 421-2 de ce code : " Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, dans les cas où le silence gardé par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet, l'intéressé dispose, pour former un recours, d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle est née une décision implicite de rejet. Toutefois, lorsqu'une décision explicite de rejet intervient avant l'expiration de cette période, elle fait à nouveau courir le délai de recours. (... ) ". Selon les dispositions de l'article R. 421-5 du même code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision. ". Aux termes de l'article 5 de l'arrêté du 7 février 2007 pris en application de l'article R. 2-1 du code des postes et des communications électroniques et fixant les modalités relatives au dépôt et à la distribution des envois postaux : " En cas d'absence du destinataire à l'adresse indiquée par l'expéditeur lors du passage de l'employé chargé de la distribution, un avis du prestataire informe le destinataire que l'envoi postal est mis en instance pendant un délai de quinze jours à compter du lendemain de la présentation de l'envoi postal à son domicile ainsi que du lieu où cet envoi peut être retiré. / Au moment du retrait par le destinataire de l'envoi mis en instance, l'employé consigne sur la preuve de distribution les informations suivantes : / (...) / - la date de distribution. / La preuve de distribution comporte également la date de présentation de l'envoi. / Les modalités de l'information du destinataire sont fixées dans les conditions générales de vente ainsi que celles relatives au retour de l'envoi postal à l'expéditeur en cas de non-distribution ". Aux termes de l'article 7 du même arrêté : " A la demande de l'expéditeur, et moyennant rémunération de ce service additionnel fixée dans les conditions générales de vente, le prestataire peut établir un avis de réception attestant de la distribution de l'envoi. Cet avis est retourné à l'expéditeur et comporte les informations suivantes : / (...) / - la date de présentation si l'envoi a fait l'objet d'une mise en instance ; / - la date de distribution (...) ". 12. En cas de retour à l'administration, au terme du délai de mise en instance, du pli recommandé contenant la décision, la notification est réputée avoir été régulièrement accomplie à la date à laquelle ce pli a été présenté à l'adresse de l'intéressé, dès lors du moins qu'il résulte soit de mentions précises, claires et concordantes portées sur l'enveloppe, soit, à défaut, d'une attestation du service postal ou d'autres éléments de preuve, que le préposé a, conformément à la réglementation en vigueur, déposé un avis d'instance informant le destinataire que le pli était à sa disposition au bureau de poste. Compte tenu des modalités de présentation des plis recommandés prévues par la réglementation postale, doit être regardé comme portant des mentions précises, claires et concordantes suffisant à constituer la preuve d'une notification régulière le pli recommandé retourné à l'administration auquel est rattaché un volet " avis de réception " sur lequel a été apposée la date de vaine présentation du courrier et qui porte, sur l'enveloppe ou l'avis de réception, l'indication du motif pour lequel il n'a pu être remis. 13. L'exercice par un tiers d'un recours administratif ou contentieux contre un permis de construire montre qu'il a connaissance de cette décision et a, en conséquence, pour effet de faire courir à son égard le délai de recours contentieux, alors même que la publicité concernant ce permis n'aurait pas satisfait aux exigences prévues par l'article A. 424-17 du code de l'urbanisme. Au cas d'espèce, il ressort des pièces du dossier que la Ligue de défense des Alpilles a présenté auprès du maire des Baux-de-Provence, à l'encontre du permis de construire délivré à la SCI Beaumanière le 12 avril 2019, un recours gracieux reçu par la commune le 11 juin 2019. Le maire a rejeté ce recours par une décision du 25 juillet 2019 mentionnant les voies et délai de recours et expédiée par lettre recommandée avec accusé de réception à l'association intimée que celle-ci déclare n'avoir pas reçue. Le pli est revenu à l'expéditeur le 19 septembre suivant, l'enveloppe ne portant aucune mention et notamment pas l'indication du motif pour lequel il n'a pu être remis. La commune n'a pu produire l'avis de réception mais seulement l'avis de passage dont le numéro correspond à celui de l'envoi et dont aucune rubrique n'est renseignée. L'historique " Traceo " de cet envoi, qui ne mentionne pas que la Ligue de défense des Alpilles aurait été avisée par un avis d'instance que le pli était à sa disposition au bureau de poste, révèle que des erreurs ont été commises dans l'exécution de la prestation, ce que confirme le courriel de La Poste reproduit dans les mémoires produits par l'association. La commune n'a pas davantage produit une attestation du service postal ou d'autres éléments de preuve de nature à établir le dépôt d'un avis d'instance. Par suite, la preuve de la notification de la décision du 25 juillet 2019 rejetant le recours gracieux n'étant pas rapportée, le recours contentieux enregistré au greffe du tribunal administratif le 14 octobre 2019 n'est pas tardif. 14. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI Baumanière n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a jugé que le permis de construire qui lui a été délivré le 12 avril 2019 est entaché des vices mentionnés aux points 9, 12 et 18 de ce jugement. Sur les frais liés au litige : 15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la Ligue de défense des Alpilles, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la SCI Baumanière demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la SCI Baumanière une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la Ligue de défense des Alpilles et non compris dans les dépens. D É C I D E : Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la SCI Baumanière dirigées contre le jugement du tribunal administratif de Marseille du 28 décembre 2022 en tant qu'il fait application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme. Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la SCI Baumanière est rejeté. Article 3 : La SCI Baumanière versera à la Ligue de défense des Alpilles une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière Baumanière et à la Ligue de défense des Alpilles. Délibéré après l'audience du 26 octobre 2023, où siégeaient : - M. Portail, président, - M. d'Izarn de Villefort, président assesseur, - M. Claudé-Mougel, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023. N° 23MA00471 2 nb |
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CETATEXT000048448401 | J7_L_2023_11_00022DA02457 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/44/84/CETATEXT000048448401.xml | Texte | CAA de DOUAI, 2ème chambre, 14/11/2023, 22DA02457, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-14 00:00:00 | CAA de DOUAI | 22DA02457 | 2ème chambre | plein contentieux | C | M. Sorin | SELARL SAINT ROCH AVOCATS | M. Guillaume Vandenberghe | Mme Regnier | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Les consorts U... et El R... ont demandé au tribunal administratif de Lille de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à leur verser la somme totale de 486 810 euros en réparation des préjudices subis par Ahmed U..., décédé le 13 novembre 2016 lors de sa prise en charge au centre hospitalier régional et universitaire de Lille. Par un jugement n° 2004831 du 28 septembre 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande. Procédure devant la cour : Par une requête et des mémoires, enregistrés les 24 novembre, 20 décembre 2022 et 8 mars 2023, les ayants-droits d'Ahmed U..., Mme O... U... née S..., M. M... U..., Mme D... U..., M. K... U..., son fils L... U... et sa fille P... U..., M. C... U..., M. H... U..., M. N... U..., M. I... U..., son fils F... U..., Mme E... U..., M. B... U..., M. T... U..., Mme G... U... épouse A... R..., son fils Q... A... R... et Mme J... A... R..., représentés par Me Alexia Navarro, demandent à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de condamner l'ONIAM à leur verser la somme totale de 486 810 euros en réparation de leurs préjudices ; 3°) de mettre à la charge de l'ONIAM le paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, outre les dépens. Ils soutiennent que : - contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, l'expertise réalisée au cours de la procédure devant la commission de conciliation (CCI) est régulière ; - il existe un lien de causalité entre l'intervention chirurgicale du 14 octobre 2016 et la crise d'agitation ayant précédé la défenestration d'Ahmed U... ; - il a été victime d'un aléa thérapeutique entraînant la responsabilité de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux ; - la victime et ses ayants droit doivent être indemnisés de leurs préjudices. Par des mémoires en défense, enregistrés les 9 février et 17 octobre 2023, l'ONIAM, représenté par Me Olivier Saumon, demande à la cour de rejeter la requête et de le mettre hors de cause. Il fait valoir que les moyens soulevés par les appelants ne sont pas fondés. Par un mémoire en défense, enregistré le 25 mai 2023, le centre hospitalier régional universitaire de Lille, représenté par la société d'avocats Le Prado-Gilbert, demande à la cour de rejeter la requête et de le mettre hors de cause. Il fait valoir que les moyens soulevés par les appelants ne sont pas fondés. La requête a été communiquée à la caisse primaire d'assurance maladie de Lille, qui n'a pas produit d'observations. Par une ordonnance du 4 octobre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 octobre 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de la santé publique ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Guillaume Vandenberghe, - les conclusions de Mme Caroline Regnier, rapporteure publique, - et les observations de Me Pauline Collette, pour les consorts U... et El R.... Considérant ce qui suit : 1. A l'occasion du traitement d'une pneumopathie dans un hôpital privé, des examens ont révélé la présence de nodules dans les deux poumons d'Ahmed U..., né en 1943. Le 2 mai 2016, il a bénéficié d'une segmentectomie du lobe inférieur gauche du poumon avec curage médiastinal au sein de l'hôpital Calmette du centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Lille. L'augmentation de la taille du nodule présent dans le poumon droit a nécessité une nouvelle hospitalisation à compter du 13 octobre 2016. Le lendemain, Ahmed U... a été opéré d'une lobectomie du poumon droit avec curage médiastinal. Dans la nuit du 16 au 17 octobre, le patient a présenté des signes d'agitation et d'angoisse, suivis d'une crise de délire et d'agressivité nécessitant la pose d'une contention mécanique. Aux alentours de six heures, il est parvenu à se libérer de cette contention et après avoir arraché les drains thoraciques post-opératoires, il a brisé une fenêtre à l'aide d'un extincteur et s'est jeté dans le vide, chutant de deux étages. A la suite de cette défenestration, Ahmed U... a été transféré aux urgences de l'hôpital Salengro pour la prise en charge de ses multiples fractures, puis en soins intensifs de l'hôpital Huriez, dépendant du CHRU de Lille, compte tenu de la dégradation de son état respiratoire consécutif à ce traumatisme. Le 13 novembre 2016, Ahmed U... est décédé à l'âge de 73 ans des suites d'une défaillance multi-viscérale, cardiaque, hépatique et rénale. 2. Insatisfaits de sa prise en charge au CHRU de Lille, la veuve du défunt, ses enfants et petits-enfants ont saisi la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (CCI) du Nord-Pas-de-Calais qui a ordonné une expertise, dont le rapport a été déposé le 18 novembre 2019. Par avis du 26 février 2020, la CCI a rejeté la demande de la famille en estimant que le décès du patient n'est pas en relation avec un acte de prévention, de diagnostic ou de soins. Ceux-ci ont alors saisi le tribunal administratif de Lille d'une demande tendant à la condamnation de cet établissement à les indemniser des préjudices qu'ils estiment avoir subis. Ils relèvent appel du jugement du 28 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 3. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " II. - Lorsque la responsabilité d'un (...) établissement, (...) n'est pas engagée, (...) un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. (...)". 4. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que si une intervention chirurgicale d'un patient peut être suivie d'un état d'agitation, la violente crise d'Ahmed U... demeure inexpliquée, en dépit d'un bilan médical approfondi. Les experts n'ont relevé aucun précédent d'une telle intensité dans la littérature médicale, alors qu'il n'est pas contesté que la qualité de la prise en charge du patient et de sa surveillance à la suite de l'intervention du 14 octobre 2023 est exempte de reproches. Dès lors, les appelants ne sont pas fondés à soutenir que les préjudices qu'ils allèguent avoir subis à compter du 14 octobre 2016 jusqu'au décès d'Ahmed U... le 13 novembre 2016 constituent un aléa médical inhérent à l'intervention chirurgicale ou sont en lien avec un accident médical directement imputable à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins réalisés au CHRU de Lille qui seraient de nature à engager la responsabilité de l'ONIAM sur le fondement de la solidarité nationale. 5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du rapport d'expertise, que les consorts U... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande. Sur les frais liés au litige : 6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'ONIAM, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. DÉCIDE : Article 1er : La requête présentée par les consorts U... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme O... U... née S..., qui a été désignée à cette fin dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 751-3 du code de justice administrative, au centre hospitalier régional universitaire de Lille, à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et à la caisse primaire d'assurance maladie de Lille. Délibéré après l'audience publique du 31 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - M. Thierry Sorin, président, - M. Marc Baronnet, président-assesseur, - M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2023. Le rapporteur, Signé : G. VandenbergheLe président de chambre, Signé : T. Sorin La greffière, Signé : A.S. Villette La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme La greffière, Anne-Sophie Villette 2 N°22DA02457 |
CETATEXT000048448402 | JG_L_2023_11_000000447107 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/44/84/CETATEXT000048448402.xml | Texte | Conseil d'État, 5ème - 6ème chambres réunies, 21/11/2023, 447107, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-21 00:00:00 | Conseil d'État | 447107 | 5ème - 6ème chambres réunies | Excès de pouvoir | C | Mme Flavie Le Tallec | M. Florian Roussel | Vu la procédure suivante : Par une requête et quatre mémoires, enregistrés le 1er décembre 2020, les 26 octobre et 24 novembre 2021 et les 9 mai et 27 juillet 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Association Mousse, l'Association stop homophobie, l'Association familles-lgbt, l'Association adheos, l'Association les élus locaux contre le sida : ensemble, luttons contre le sida et l'Association flag ! demandent au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions implicites du 30 novembre 2020 par lesquelles le ministre de l'intérieur et la ministre des armées ont rejeté leurs demandes tendant à l'abrogation de l'arrêté du 12 septembre 2016 fixant les conditions physiques et médicales d'aptitude exigées des personnels militaires de la gendarmerie nationale et des candidats à l'admission en gendarmerie, l'arrêté du 6 mai 2000 fixant les conditions d'aptitude médicale des sapeurs-pompiers professionnels et volontaires et les conditions d'exercice de la médecine professionnelle et préventive au sein des services départementaux d'incendie et de secours, l'arrêté du 2 août 2010 relatif aux conditions d'aptitude physique particulières pour l'accès aux emplois de certains corps de fonctionnaires (policiers), l'arrêté du 20 décembre 2012 relatif à la détermination du profil médical d'aptitude en cas de pathologie médicale ou chirurgicale, ainsi que l'instruction n° 2100/DEF/DCSSA/AST/AME relative à la détermination de l'aptitude médicale à servir ; 2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite du 30 novembre 2020 par laquelle la ministre des armées a rejeté leurs demandes tendant à l'abrogation de l'arrêté du 10 juillet 2017 relatif aux normes d'aptitude applicables aux commissaires aux armées, aux aumôniers militaires et au personnel militaire rattaché au corps des commissaires des armées, ainsi que l'arrêté du 20 décembre 2012 relatif à la détermination du profil médical d'aptitude en cas de pathologie médicale ou chirurgicale ; 3°) d'annuler pour excès de pouvoir l'instruction mentionnée ci-dessus ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au profit de chacune des associations requérantes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le règlement UE 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 ; - le code de la défense ; - le code de la santé publique ; - le code de la sécurité sociale ; - le code général de la fonction publique ; - la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 ; - le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de Mme Flavie Le Tallec, maître des requêtes en service extraordinaire, - les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public ; Considérant ce qui suit : 1. Par des décisions du 30 novembre 2020, les ministres de l'intérieur et de la défense ont implicitement rejeté les demandes présentées par l'association Mousse et autres, tendant d'une part, à l'abrogation des arrêtés du 12 septembre 2016 fixant les conditions physiques et médicales d'aptitude exigées des personnels militaires de la gendarmerie nationale et des candidats à l'admission en gendarmerie, du 6 mai 2000 fixant les conditions d'aptitude médicale des sapeurs-pompiers professionnels et volontaires et les conditions d'exercice de la médecine professionnelle et préventive au sein des services départementaux d'incendie et de secours, du 2 août 2010 relatif aux conditions d'aptitude physique particulières pour l'accès aux emplois de certains corps de fonctionnaires (policiers), du 20 décembre 2012 relatif à la détermination du profil médical d'aptitude en cas de pathologie médicale ou chirurgicale, ainsi que de l'instruction n° 2100/DEF/DCSSA/AST/AME relative à la détermination de l'aptitude médicale à servir, d'autre part, de l'arrêté du 10 juillet 2017 relatif aux normes d'aptitude applicables aux commissaires aux armées, aux aumôniers militaires et au personnel militaire rattaché au corps des commissaires des armées, ainsi que de l'arrêté du 20 décembre 2012 précédemment mentionné. L'association Mousse et autres doivent être regardés comme demandant l'annulation pour excès de pouvoir de ces décisions, ainsi que l'abrogation des différents arrêtés auxquels ces décisions s'appliquent, en tant, d'une part, que ces textes posent des restrictions à l'aptitude médicale des personnes atteintes du VIH pour les personnels qu'ils concernent, en tant, d'autre part, qu'ils traitent de manière différente les personnes atteintes du VIH candidates à certains emplois et celles déjà en poste et en tant, enfin, qu'ils institueraient des traitements de données à caractère personnel. Les demandes d'abrogation des arrêtés des 20 décembre 2012, 12 septembre 2016 et 10 juillet 2017 doivent toutefois être regardées comme dirigées contre les arrêtés du 29 mars 2021, 8 juin 2021 et 30 novembre 2021 qui leur ont été substitués après l'introduction de la requête, sans en modifier la substance. Sur l'intervention de l'association AIDES : 2. L'association AIDES justifie d'un intérêt suffisant la rendant recevable à intervenir à l'appui des conclusions présentées par l'association Mousse et les autres associations requérantes. Sur la réglementation contestée : 3. En premier lieu, l'article 1er de l'arrêté du 29 mars 2021 mentionné au point 1 dispose : " Dans le cadre de la détermination et du contrôle de l'aptitude médicale à servir du personnel militaire, les praticiens des armées se réfèrent au présent arrêté pour attribuer un coefficient aux différents sigles du profil médical:/ - des candidats à l'engagement ou au volontariat dans les armées ;/ - des candidats à l'engagement spécial dans les réserves ;/ - du personnel militaire d'active ou de réserve./ Complément indispensable à cet arrêté, des textes réglementaires sous timbre de chaque armée, direction et service ou de la gendarmerie nationale précisent les profils médicaux ainsi que les conditions requises pour l'aptitude médicale à l'engagement et aux diverses spécialités ". Aux termes de l'article 5 du même arrêté : " Confronté à une affection décrite dans un article du répertoire analytique, le médecin du service de santé des armées est tenu de respecter les indications qui y sont données en matière de cotation du profil médical puis de déterminer l'aptitude médicale en se référant aux textes réglementaires des armées, directions et services ou de la gendarmerie nationale. Quand le coefficient peut fluctuer entre deux bornes, le médecin choisit la valeur lui paraissant la mieux adaptée à la situation clinique ". Il ressort de ces dispositions ainsi que des précisions apportées dans le cadre de l'instruction de la présente requête, que si le médecin évaluateur dispose d'une marge d'appréciation lorsque le coefficient mentionné laisse le choix entre plusieurs valeurs, les tableaux de cotation attachés aux différentes pathologies recensées dans le répertoire analytique défini par cette annexe II de l'arrêté du 29 mars 2021 s'imposent à lui, si la personne en relève, lors de la cotation des différents sigles du référentiel. 4. Le point 2.2.2 de l'annexe II à cet arrêté est consacré à l'infection par le virus de l'immunodéficience humaine (VIH) et associe l'infection au VIH asymptomatique, traitée, avec charge virale indétectable et immunité cellulaire satisfaisante à un coefficient G3 à G4, et l'infection au VIH traitée avec charge virale détectable et/ou immunité cellulaire perturbée (inférieure à 500 CD4/mm3) à un coefficient G4, les autres catégories d'infections à ce virus étant affectées d'un coefficient variant entre 3 et 5. 5. En deuxième lieu, s'agissant des sapeurs-pompiers, selon l'article 2 de l'arrêté du 6 mai 2000, l'aptitude médicale est prononcée par un médecin sapeur-pompier habilité ; l'article 3 du même arrêté dispose que : " L'évaluation médicale s'appuie sur un document d'orientation spécifique ou, à défaut, sur l'instruction en vigueur lors de cette évaluation n° 2100/DEF/DCSSA/AST/AME (...) relative à la détermination de l'aptitude médicale à servir, en s'aidant de la cotation des sigles S, I, G, Y, C, O et P ". Il ressort des pièces du dossier, en particulier des réponses apportées par le ministre de l'intérieur dans le cadre de l'instruction de la présente requête, que cette évaluation est menée conformément aux règles définies par l'arrêté du 29 mars 2021 précité, qui conduit les personnes présentant une infection au VIH asymptomatique, traitée, avec charge virale indétectable et immunité cellulaire satisfaisante à se voir affecter un coefficient de 3 à 4 au titre de l'appréciation de leur état général. Il en résulte que les personnes atteintes du VIH, traitées, asymptomatiques, avec immunité satisfaisante et charge virale indétectable ne peuvent pas être déclarées aptes à l'exercice d'un premier emploi de sapeur-pompier professionnel ou de sapeur-pompier volontaire du service civil ou de sapeur-pompier volontaire toute mission et ne peuvent l'être pour les emplois mentionnés au 2° de l'article 9 de l'arrêté mentionné ci-dessus, que si un coefficient 3 est affecté à leur état général. 6. En troisième lieu, s'agissant des candidats à l'admission en gendarmerie, l'article 3 de l'arrêté du 8 juin 2021 précise que " la cotation des affections ou de leurs séquelles est déterminée selon l'arrêté du 29 mars 2021 ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions avec les autres dispositions du même arrêté que les personnes atteintes du VIH, traitées, asymptomatiques, avec immunité satisfaisante et charge virale indétectable ne peuvent être admises à ces emplois, pour ceux, très majoritaires, pour lesquels le coefficient 2 est requis, ou ne peuvent l'être, pour les emplois pour lesquels le coefficient 3 est requis, que s'ils se voient attribuer ce coefficient. 7. En quatrième lieu, s'agissant des policiers, l'arrêté du 2 août 2010 relatif aux conditions d'aptitude physique particulières pour l'accès aux emplois de certains corps de fonctionnaires prévoit, pour une série d'emplois de fonctionnaires actifs des services de la police nationale, que pour satisfaire à la condition d'aptitude physique, le candidat doit se voir affecter un coefficient de 2 au titre de l'état général. 8. En cinquième lieu, s'agissant des normes d'aptitude applicables aux commissaires aux armées, aux aumôniers militaires et au personnel militaire rattaché au corps des commissaires des armées, l'article 2 de l'arrêté du 30 novembre 2021 prévoit que leur aptitude médicale est déterminée et contrôlée selon les modalités définies par l'arrêté du 20 décembre 2012, remplacé par l'arrêté du 21 avril 2022 mentionné ci-dessus, et que " Les normes médicales d'aptitude sont exprimées sous la forme d'un profil médical d'aptitude " SIGYCOP ", dont les paramètres sont définis par l'arrêté du 29 mars 2021 susvisé (...) ". Pour l'ensemble des emplois concernés, il résulte des annexes à cet arrêté que le sigle G doit être affecté d'un coefficient 3. Par suite, les personnes atteintes du VIH, traitées, asymptomatiques, avec immunité satisfaisante et charge virale indétectable ne peuvent exercer un premier emploi relevant des catégories mentionnées dans l'annexe à l'arrêté du 30 novembre 2021 que si leur état général est évalué à 3. 9. En sixième lieu, il ressort des articles 9 et 10 de l'arrêté du 6 mai 2000 fixant les conditions d'aptitude médicale des sapeurs-pompiers professionnels et volontaires et les conditions d'exercice de la médecine professionnelle et préventive au sein des services départementaux d'incendie et de secours et des annexes III et V de l'arrêté du 8 juin 2021 fixant les conditions physiques et médicales d'aptitude exigées des personnels militaires de la gendarmerie nationale et des candidats à l'admission en gendarmerie, que, pour les personnes qui relèvent des dispositions de ces textes, la cotation de l'état général exigée pour l'évaluation de l'aptitude en cours de carrière diffère de la cotation de l'état général exigée pour l'évaluation de l'aptitude lors de l'admission à de telles fonctions. Sur le non-lieu à statuer : 10. En premier lieu, lorsque, postérieurement à l'introduction d'une requête dirigée contre un refus d'abroger des dispositions à caractère réglementaire, l'autorité qui a pris le règlement litigieux procède à son abrogation expresse ou implicite, le litige né de son refus d'abroger perd son objet. Il en va toutefois différemment lorsque cette même autorité reprend, dans un nouveau règlement, les dispositions qu'elle abroge, sans les modifier ou en ne leur apportant que des modifications de pure forme. 11. Il ressort des pièces du dossier que l' arrêté du 9 mai 2023 modifiant l'arrêté du 29 mars 2021 relatif à la détermination du profil médical d'aptitude en cas de pathologie médicale ou chirurgicale a remplacé le tableau du 2.2.2 de l'annexe II de cet arrêté par un nouveau tableau qui distingue la situation des personnes atteintes d'une infection au VIH asymptomatique, avec charge virale inférieure à 50 copies/ mL et lymphocytes T CD4+ supérieurs à 500/mm3, selon qu'elles sont traitées depuis plus ou moins de 12 mois et prévoit, pour les personnes traitées depuis plus de 12 mois, que leur état général est affecté, selon la tolérance au traitement, d'un coefficient compris entre 2 et 3. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que, les modifications apportées à la réglementation contestée n'étant pas de pure forme, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête dirigées contre les décisions attaquées en tant qu'elles concernent les arrêtés des 6 mai 2000, 29 mars 2021, 8 juin 2021 et 30 novembre 2021, en tant qu'ils concernent les personnes atteintes du VIH asymptomatique, traitée, avec charge virale indétectable et immunité cellulaire satisfaisante (supérieure à 500 CD4/mm3) et en tant qu'ils concernent les personnes atteintes d'une infection au VIH traitée avec charge virale détectable et/ou immunité cellulaire perturbée (inférieure à 500 CD4/mm3), y compris en tant que ces dispositions traitent de manière différente les personnes atteintes du VIH candidates à certains emplois et celles déjà en poste. 12. En second lieu, il résulte des pièces du dossier que l'arrêté du 2 août 2010 a été abrogé, en tant qu'il concerne les trois corps actifs de la police nationale, par un arrêté du 25 novembre 2022 relatif à l'appréciation des conditions de santé particulières exigées pour l'exercice des fonctions relevant des corps de fonctionnaires actifs des services de la police nationale, qui ne fait plus référence à l'instruction mentionnée au point 12 et qui ne prévoit pas non plus que les conditions de santé sont appréciées en faisant application de l'arrêté du 29 mars 2021 relatif à la détermination du profil médical d'aptitude en cas de pathologie médicale ou chirurgicale. Il n'y a dès lors plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête en tant qu'elles sont dirigées contre le refus d'abroger l'arrêté du 2 août 2010 et en tant qu'elles demandent l'abrogation de cet arrêté. Sur les conclusions dirigées contre l'instruction 2100/DEF/DCSSA/AST/AME : 13. Il ressort des pièces du dossier que l'instruction n° 510862/DEF/DCSSA/PC/MA du 22 mai 2014, que le ministre des armées produit en défense, a abrogé l'instruction 2100/DEF/DCSSA/AST/AME relative à la détermination de l'aptitude médicale à servir, dont les requérants ne sont dès lors pas recevables à demander l'annulation. Sur le surplus des conclusions à fins d'annulation : 14. Contrairement à ce qui est soutenu, les arrêtés critiqués ne prévoient ni n'impliquent nécessairement par eux-mêmes la collecte ou la conservation de données à caractère personnel relatives à l'état de santé des fonctionnaires ou des candidats aux emplois de fonctionnaires auxquels les dispositions attaquées s'appliquent. Par suite, le moyen tiré de la violation des articles 5 et 9 du règlement général sur la protection des données ne peut qu'être écarté. 15. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres fins de non-recevoir soulevées par les ministres défendeurs, le surplus des conclusions de la requête doit être rejeté. 16. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme que demandent les associations requérantes au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D E C I D E : -------------- Article 1er : L'intervention présentée par l'association Aides est admise. Article 2 : il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête dirigées contre les décisions implicites du 30 novembre 2020 et contre les arrêtés des 6 mai 2000, 2 août 2010, 29 mars 2021, 8 juin 2021 et 30 novembre 2021. Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête présentée par l'Association Mousse, l'Association stop homophobie, l'Association familles-lgbt, l'Association adheos, l'Association les élus locaux contre le sida : ensemble, luttons contre le sida et l'Association flag ! est rejeté. Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'association Mousse, première requérante dénommée, au ministre de l'intérieur et des outre-mer, au ministre des armées, à la Défenseure des droits et à l'association Aides. Délibéré à l'issue de la séance du 25 octobre 2023 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre ; M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre ; M. Alain Seban, conseiller d'Etat ; Mme Fabienne Lambolez, conseillère d'Etat ; M. Olivier Yeznikian, M. Cyril Roger-Lacan, M. Laurent Cabrera, conseillers d'Etat et Mme Flavie Le Tallec, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure. Rendu le 21 novembre 2023. Le président : Signé : M. Rémy Schwartz La rapporteure : Signé : Mme Flavie Le Tallec Le secrétaire : Signé : M. Bernard Longieras |
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CETATEXT000048448409 | JG_L_2023_11_000000471142 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/44/84/CETATEXT000048448409.xml | Texte | Conseil d'État, 5ème - 6ème chambres réunies, 21/11/2023, 471142, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-21 00:00:00 | Conseil d'État | 471142 | 5ème - 6ème chambres réunies | Plein contentieux | C | M. Christophe Barthélemy | M. Florian Roussel | Vu la procédure suivante : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 6 mai 2022 par laquelle le ministre de l'intérieur a implicitement refusé de procéder à la rectification du relevé d'information intégral relatif à son permis de conduire, de lui enjoindre de lui réattribuer huit points retirés à la suite des infractions des 23 février et 5 novembre 2009, avec effet de droit respectivement au 13 octobre et au 5 novembre 2019 et de rectifier en conséquence le relevé d'information intégral relatif à son permis de conduire. Par un jugement n° 2202814 du 14 décembre 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif a annulé la décision attaquée et enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer d'ajouter, dans le délai de trois mois, sept points au permis de conduire de M. A... à la date du 13 octobre 2019 et un point à la date du 5 novembre 2019, dans la limite d'un maximum de douze points, ainsi que de procéder à un nouvel examen de sa situation pour en tirer toutes les conséquences sur ses droits à conduire. Par un pourvoi enregistré le 7 février 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande de M. A.... Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code de la route ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Christophe Barthélemy, conseiller d'Etat en service extraordinaire, - les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. Il ressort du dossier soumis au juge du fond que M. A... a commis deux infractions au code de la route le 23 février 2009, constituant une contravention de troisième classe et une contravention de quatrième classe, ainsi qu'une infraction le 5 novembre 2009, constituant une contravention de troisième classe, qui ont entraîné la perte de respectivement sept points et un point sur son permis de conduire. Le 13 juin 2015, le permis de M. A... a été affecté du nombre maximal de douze points, en l'absence d'infraction pendant une période consécutive de trois ans. M. A... a commis par la suite un certain nombre d'infractions au code de la route qui ont conduit le ministre de l'intérieur et des outre-mer à constater la perte de ses douze points et à lui adresser en conséquence une décision " 48 SI ", portant invalidation de son permis de conduire. M. A..., qui n'a pas contesté cette décision et qui a restitué son permis de conduire au préfet d'Ille et Vilaine le 24 janvier 2022, a demandé le 19 avril 2022 au ministre de l'intérieur de lui restituer, sur le fondement du 5ème alinéa de l'article L. 223-6 du code de la route, les huit points retirés en conséquence des infractions commises les 23 février et 5 novembre 2019, en créditant rétroactivement son permis de conduire de sept points et d'un point dix ans après chacune de ces deux infractions, ainsi que quatre points supplémentaires pour avoir suivi un stage de sensibilisation à la sécurité routière les 29 et 30 octobre 2021. 2. Aux termes du troisième alinéa de l'article L. 223-1 du code de la route : " Lorsque le nombre de points est nul, le permis perd sa validité ". En vertu du I de l'article L. 223-5 du même code : " I.- En cas de retrait de la totalité des points, l'intéressé reçoit de l'autorité administrative l'injonction de remettre son permis de conduire au préfet de son département de résidence et perd le droit de conduire un véhicule. ". Selon l'article L. 223-6 du code de la route : " Si le titulaire du permis de conduire n'a pas commis, dans le délai de deux ans à compter de la date du paiement de la dernière amende forfaitaire, de l'émission du titre exécutoire de la dernière amende forfaitaire majorée, de l'exécution de la dernière composition pénale ou de la dernière condamnation définitive, une nouvelle infraction ayant donné lieu au retrait de points, son permis est affecté du nombre maximal de points. / Le délai de deux ans mentionné au premier alinéa est porté à trois ans si l'une des infractions ayant entraîné un retrait de points est un délit ou une contravention de la quatrième ou de la cinquième classe. / Toutefois, en cas de commission d'une infraction ayant entraîné le retrait d'un point, ce point est réattribué au terme du délai de six mois à compter de la date mentionnée au premier alinéa, si le titulaire du permis de conduire n'a pas commis, dans cet intervalle, une infraction ayant donné lieu à un nouveau retrait de points. / Le titulaire du permis de conduire qui a commis une infraction ayant donné lieu à retrait de points peut obtenir une récupération de points s'il suit un stage de sensibilisation à la sécurité routière, qui peut être effectué dans la limite d'une fois par an. Lorsque le titulaire du permis de conduire a commis une infraction ayant donné lieu à un retrait de points égal ou supérieur au quart du nombre maximal de points et qu'il se trouve dans la période du délai probatoire défini à l'article L. 223-1, il doit se soumettre à cette formation spécifique qui se substitue à l'amende sanctionnant l'infraction. / Sans préjudice de l'application des alinéas précédents du présent article, les points retirés du fait de contraventions des quatre premières classes au présent code sont réattribués au titulaire du permis de conduire à l'expiration d'un délai de dix ans à compter de la date à laquelle la condamnation est devenue définitive ou du paiement de l'amende forfaitaire correspondante ". Enfin, en vertu du I de l'article R. 223-1 du code de la route, pris en application de l'article L. 223-8 du même code : " Le permis de conduire est affecté d'un nombre maximal de douze points ". 3. En vertu du 5ème alinéa de l'article L. 223-6 du code de la route, le titulaire du permis de conduire peut, à l'expiration d'un délai de dix ans à compter de la date à laquelle la condamnation est devenue définitive ou du paiement de l'amende forfaitaire correspondante, obtenir la réattribution des points retirés du fait de contraventions des quatre premières classes, mais non des points perdus du fait de contraventions de la cinquième classe ou d'un délit. Il résulte également de ces dispositions que cette réattribution de points en application du 5ème alinéa de l'article L. 223-6 du code de la route ne peut plus intervenir, même lorsque des points ont été retirés à la suite de contraventions des quatre premières classes, dès lors que l'intéressé a bénéficié, au cours de la période de dix ans précitée, d'une reconstitution du nombre maximal de points obtenue en application des dispositions des deux premiers alinéas de cet article. Il en va de même lorsque la demande de réattribution porte sur des retraits d'un point qui ont déjà été restitués, au cours de la même période de dix ans, après une période de six mois ou d'un an conformément aux dispositions du 3ème alinéa du même article. L'intéressé ne peut davantage prétendre à la réattribution des points retirés du fait de contraventions des quatre premières classes qui ont été récupérés à la suite d'un stage de sensibilisation à la sécurité routière effectué en vertu des dispositions du 4ème alinéa du même article. Enfin, la perte de validité du permis de conduire prononcée par une décision devenue " 48 SI " définitive fait de même obstacle à la réattribution de points en application des dispositions du 5ème alinéa de l'article L. 223-6 du code de la route. 4. Dès lors, en jugeant que le ministre de l'intérieur, saisi sur le fondement du 5ème alinéa de l'article L. 223-6 du code de la route, avait illégalement refusé de réattribuer à M. A... sept points et un point à l'expiration de délais de dix ans courant à compter, respectivement, des 13 octobre et 5 novembre 2009, dates auxquelles les condamnations afférentes aux infractions au code de la route sont devenues définitives ou le paiement des amendes forfaitaires est intervenu, sans tenir compte de la circonstance qui ressortait des pièces du dossier qui lui était soumis que M. A... avait bénéficié, le 13 juin 2015, de la reconstitution intégrale du capital de points de son permis de conduire, le magistrat désigné du tribunal administratif a commis une erreur de droit. 5. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur et des outre-mer est fondé à demander l'annulation du jugement qu'il attaque. 6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative. 7. Il résulte de ce qui a été dit aux points 3 et 4 que la perte de validité du permis de conduire de l'intéressé prononcée par une décision " 48 SI " devenue définitive fait par elle-même obstacle à la réattribution, en application des dispositions du 5ème alinéa de l'article L. 223-6 du code de la route, des huit points perdus par M. A... au cours de l'année 2009 et correspondant à des contraventions des quatre premières classes. La demande présentée par M. A... au tribunal administratif par laquelle il sollicite l'annulation de la décision lui refusant la réattribution de ces points tend en réalité à remettre en cause la décision " 48 SI " devenue définitive. Elle est, par suite, et ainsi que l'a soutenu le ministre de l'intérieur en première instance, irrecevable. Il y a lieu, dès lors, de la rejeter. D E C I D E : -------------- Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rennes du 14 décembre 2022 est annulé. Article 2 : La demande de M. A... présentée devant le tribunal administratif de Rennes est rejetée. Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. B... A.... Délibéré à l'issue de la séance du 25 octobre 2023 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre ; M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre ; M. Alain Seban, conseiller d'Etat ; Mme Fabienne Lambolez, conseillère d'Etat ; M. Olivier Yeznikian, M. Cyril Roger-Lacan, M. Laurent Cabrera, conseillers d'Etat et M. Christophe Barthélemy, conseiller d'Etat en service extraordinaire-rapporteur. Rendu le 21 novembre 2023. Le président : Signé : M. Rémy Schwartz Le rapporteur : Signé : M. Christophe Barthélemy Le secrétaire : Signé : M. Bernard Longieras |
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CETATEXT000048448423 | J_L_2023_11_00023TL01895 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/44/84/CETATEXT000048448423.xml | Texte | CAA de TOULOUSE, , 21/11/2023, 23TL01895, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-21 00:00:00 | CAA de TOULOUSE | 23TL01895 | plein contentieux | C | HIRTZLIN-PINÇON | Vu l'ensemble des pièces du dossier. Vu : - le code de la sécurité sociale ; - le code du travail ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ; - le décret n° 2003-1370 du 31 décembre 2003 ; - le code de justice administrative. Considérant que : En ce qui concerne la compétence du juge administratif : 1. Avant tout procès et avant même que puisse être déterminée, eu égard aux parties éventuellement appelées en la cause principale, la compétence sur le fond du litige, et dès lors que ce dernier est de nature à relever, fût-ce pour partie, de l'ordre de juridiction auquel il appartient, le juge des référés a compétence pour ordonner une mesure d'instruction sans que soit en cause le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires. Il n'en est autrement que lorsqu'il est demandé au juge des référés d'ordonner une mesure d'instruction qui porte à titre exclusif sur un litige dont la connaissance au fond n'appartient manifestement pas à l'ordre de juridiction auquel il appartient. 2. Aux termes de l'article 1er du décret du 31 décembre 2003 modifié fixant les dispositions applicables aux agents contractuels de droit public de Pôle emploi : " Le présent décret fixe les dispositions particulières applicables aux agents de Pôle emploi recrutés par contrat de droit public à durée indéterminée avant la création de cette institution et qui n'ont pas opté pour la convention collective prévue à l'article L. 5312-9 du code du travail. / Les dispositions générales applicables aux agents non titulaires de l'Etat prévues par le décret du 17 janvier 1986 susvisé leur sont applicables, sous réserve des dispositions du présent décret. ". Aux termes de l'article 17 du décret du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents non titulaires de l'Etat pris pour l'application de l'article 7 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statuaires relatives à la fonction publique de l'Etat, et applicables à la situation de Mme E... B..., recrutée par contrat de droit public à durée indéterminée avant la création de Pôle emploi et qui n'a pas opté pour la convention collective : " ( ...) 3° L'agent non titulaire définitivement inapte pour raison de santé à reprendre ses fonctions à l'issue d'un congé de maladie, de grave maladie, d'accident du travail, ou de maternité, de paternité ou d'adoption est licencié ". 3. Pôle emploi soutient que les mesures d'expertise demandées échappent partiellement à la compétence du juge administratif des référés dès lors que la reconnaissance d'une maladie professionnelle et la détermination des préjudices subis par Mme E... B... relèvent du régime de sécurité sociale soumis au droit privé. Il résulte toutefois de l'instruction que Mme E... B... sollicite une mesure d'expertise médicale afin de contester la légalité de la décision du 16 septembre 2022 par laquelle Pôle emploi l'a licenciée pour inaptitude définitive à reprendre ses fonctions à l'issue d'un congé de maladie ou de grave maladie. A cet égard, ainsi que le précise Pôle emploi lui-même dans ses écritures, l'instance n° 2206618 engagée le 16 novembre 2022 par Mme E... B... devant le tribunal administratif de Toulouse porte à titre principal sur l'annulation pour excès de pouvoir de cette décision. Il est constant que Pôle emploi, établissement public à caractère administratif en vertu de l'article R. 5312-1 du code du travail, a suivi la procédure prescrite par les dispositions du décret du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l'Etat, en sollicitant notamment l'avis des comités médicaux départementaux et supérieurs préalablement à la décision de licenciement. Il apparaît ainsi que le contrat de travail de l'intéressée, recrutée en 1999 par l'Agence nationale pour l'emploi et qui n'a pas opté pour la convention collective prévue à l'article L. 5312-9 du code du travail, est un contrat de droit public au sens du décret de 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l'Etat. Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que le fond du litige opposant Pôle emploi à Mme E... B... est de nature à relever, au moins en partie, de la compétence de la juridiction administrative. Par suite, l'exception d'incompétence soulevée par Pôle emploi doit être écartée. Sur l'utilité de l'expertise : 4. Aux termes de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction (...) ". L'utilité d'une mesure d'instruction ou d'expertise qu'il est demandé au juge des référés d'ordonner sur le fondement de cette disposition doit être appréciée, d'une part, au regard des éléments dont le demandeur dispose ou peut disposer par d'autres moyens et, d'autre part, bien que ce juge ne soit pas saisi du principal, au regard de l'intérêt que la mesure présente dans la perspective d'un litige principal, actuel ou éventuel, auquel elle est susceptible de se rattacher. S'il résulte de l'article R. 626-1 du code de justice administrative qu'il peut être fait application des dispositions de l'article R. 532-1, alors même qu'une requête à fin d'annulation est en cours d'instruction, il appartient au juge des référés d'apprécier l'utilité de la mesure demandée sur ce fondement 5. Ainsi qu'il a été exposé au point 3, Mme E... B... a introduit, le 16 novembre 2022, une requête demandant au juge de l'excès de pouvoir d'annuler la décision de licenciement du 16 septembre 2022 et de désigner, avant dire droit, un expert afin de déterminer l'aptitude au travail, le lien de causalité entre sa pathologie et le service, la date de consolidation s'il y a lieu, le taux d'incapacité permanente partielle qui en résulte ainsi qu'évaluer les divers préjudices qu'elle a subis. L'intéressée ne produit cependant aucune pièce médicale de nature à infirmer les avis du 4 mars 2021 et du 18 février 2022 du comité médical départemental et du comité médical supérieur et, en se bornant à faire valoir la rapidité de la procédure de référé, ne justifie d'aucune circonstance particulière, notamment d'urgence, de nature à donner à la mesure sollicitée un caractère distinct de celle qu'elle a sollicité du juge du fond. Si elle a cité une décision du Conseil d'Etat relative à la réparation du préjudice des agents publics victimes d'accidents de service et a conclu à ce que l'expert évalue ses préjudices, elle ne donne aucune précision ni ne produit aucun document sur ce point. Dans ces conditions, la mesure d'utilité demandée par Mme E... B... devant le tribunal administratif de Toulouse est dépourvue du caractère d'utilité requis par les dispositions précitées. 6. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité de l'ordonnance attaquée, Pôle emploi est fondé à soutenir que c'est à tort que le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a ordonné l'expertise demandée. Sur les frais exposés et non compris dans les dépens : 7. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de Pôle emploi au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions présentées sur le même fondement par Mme E... B... ne peuvent qu'être rejetées. O R D O N N E : Article 1er : L'ordonnance susvisée du 20 juillet 2023 du tribunal administratif de Toulouse est annulée. Article 2 : La demande de Mme B... devant le tribunal administratif de Toulouse est rejetée. Article 3 : Le surplus des conclusions de Pôle emploi est rejeté. Article 4 : Les conclusions de Mme B... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à Pôle emploi, à Mme C... E... B... et à M. D... A..., expert. Fait à Toulouse, le 21 novembre 2023 Le président, J-F. MOUTTE La République mande et ordonne au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance. Pour expédition conforme, La greffière en chef N° 23TL01895 2 |
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CETATEXT000048452233 | J1_L_2023_11_00021PA02866 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/22/CETATEXT000048452233.xml | Texte | CAA de PARIS, 2ème chambre, 22/11/2023, 21PA02866, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-22 00:00:00 | CAA de PARIS | 21PA02866 | 2ème chambre | plein contentieux | C | Mme TOPIN | BOUDRIOT | M. Franck MAGNARD | M. SEGRETAIN | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La SAS Partager La Croissance a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de contribution sociale sur cet impôt et de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2013, 2014 et 2015, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des retenues à la source qui lui ont été réclamés au titre de ces mêmes périodes, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1914310-9 du 8 avril 2021, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande. Procédure devant la Cour : Par une requête et des mémoires enregistrés les 28 mai 2021, 8 novembre 2021 et 10 mars 2022, la société Partager la croissance, représentée par Me Pierre Boudriot, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures : 1°) d'annuler le jugement du 8 avril 2021 du Tribunal administratif de Montreuil ; 2°) de prononcer la décharge en droits et pénalités des impositions litigieuses ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 100 euros au titre l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la réponse à la proposition de rectification du 13 décembre 2016 a été adressée dans les délais ; - la réponse à la proposition de rectification du 27 juillet 2017 a été adressée dans les délais, cette proposition de rectification n'ayant pas été reçue avant le 31 juillet ; - la proposition de rectification reçue le 31 juillet 2017 ouvre un nouveau délai de réponse quand bien même une proposition de rectification aurait été reçue le 28 juillet ; - l'accusé de réception de la proposition de rectification reçue le 28 juillet ne comporte aucune signature ; - elle a par suite refusé les redressements et demandé un délai supplémentaire de 30 jours dans le délai légal ; - le service, en n'accordant pas le délai supplémentaire de 30 jours n'a pas respecté les recommandations de la doctrine administrative référencée D. adm. 13 L-1514 n° 33, 1-7-2002 ; BOI-CF-IOR-10-50 n° 400, 4-2-2015 ; - compte tenu des montants en jeu, la société n'a pu accepter tacitement les redressements ; - l'administration a semblé dans un premier temps considérer que les rehaussements étaient valablement contestés ; - elle a méconnu la garantie liée à un débat oral et contradictoire ainsi que son obligation de loyauté ; - la doctrine administrative prévoit de ne pas envoyer de proposition de rectification pendant les congés estivaux ; - l'avis de mise en recouvrement du 15 septembre 2017 est prématuré ; - l'administration a effectué des traitements informatiques sur le logiciel " Emmy " sans respecter les formalités prévues à l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales ; - elle n'a pas refusé d'effectuer des traitements sur la taxe sur la valeur ajoutée déductible ; - l'administration a procédé à de nouveaux traitements en la matière ; - l'administration n'a pas respecté les formalités de mise en œuvre du contrôle informatisé en ce qui concerne le logiciel Emmy ; - les écarts entre la liasse fiscale et la comptabilité sont infimes ; - la compensation entre les créances et les dettes est régulière ; - une comptabilité ne saurait être écartée au motif qu'elle ne correspond pas aux déclarations fiscales déposées ; - la doctrine administrative référencée BOI-CF-COM-10-10-10 n° 110, 12-9-2012 ; BOI-CF-DG-40-20 n° 40 et 50, 12-9-2012 est à cet égard invocable ; - le service était en mesure de rattacher les pièces justificatives aux écritures comptables ; - la doctrine administrative référencée BOI-CF-IOR-10-20-20120912 prévoit que le défaut de valeur probante ne peut résulter que d'irrégularités ayant un caractère de gravité indiscutable ; - la doctrine administrative référencée BOI-CF-IOR-10-20-20120912 précise que la constatation du défaut de comptabilité est opérée immédiatement par la rédaction d'un procès-verbal qui doit indiquer le défaut de présentation de la comptabilité ou des documents en tenant lieu ; or, le service a constaté que la société a bien fourni les fichiers des écritures comptables sous format dématérialisé ; - la taxe sur la valeur ajoutée collectée non déclarée au titre de l'année 2013 doit être compensée à hauteur de 2 410 456 euros par la prise en compte d'une taxe déductible ; - le versement de la prime est la contrepartie d'une prestation de services qui lui permet d'obtenir des certificats d'économie d'énergie dont l'achat et la vente entrent dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée ; - la taxe sur la valeur ajoutée figurant sur la facture Easytarget et grevant les dépenses d'abonnement au logiciel Salesforce qu'elle utilise est déductible ; - il en est de même en ce qui concerne les factures Groupe Moniteur en date du 6 novembre 2014, du 19 septembre 2014 et du 31 janvier 2015, s'agissant de dépenses de présentation au Salon des Mairies et des collectivités locales ; - concernant les factures Idex et Eco Co2, la société entend se prévaloir de la refacturation par Geo-France des montants de CEE ou de primes acquis, bien que le règlement en ait été fait directement à la société Idex ou Eco Co2 ; - les dépenses de location sont affectées à l'activité de la société et la taxe correspondante est déductible ; - les dépenses facturées par la société Geo PLC sont déductibles même si elles ont été payées à la société Geo France qui a absorbé la société Geo PLC en 2014 ; les factures procèdent des conventions établies et se rapportent tant au personnel utilisé qu'aux primes traitées par Geo France pour le compte de la requérante ; la société Geo France lui a facturé le coût des primes qui permettent à Geo France de créer des certificats d'économie d'énergie, ce qui explique le libellé " prime CEE " ; - en remettant en cause ces achats " primes CEE ", le service remet en cause le principe même de son activité qui consiste en l'achat et la revente de certificats d'économie d'énergie ; - la facture de 28 247 285 euros a été produite ; - les conditions d'exploitation n'ont pas changé au cours de la période, et l'administration n'a pas remis en cause les charges au titre de l'année 2013 ; - le profit sur le Trésor est contesté par voie de conséquence de la contestation des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ; - la somme taxée au titre du chiffre d'affaires de l'année 2013 correspond à des remboursements de frais ; - la société Geo PLC, vérifiée au titre de l'année 2013, n'a pas été redressée à cet égard ; - le chiffre d'affaires soumis à la taxe sur la valeur ajoutée n'a pas été rehaussé à cet égard ; - elle s'est substituée à la société Geo PLC pour l'exécution d'une convention avec la société Saur et n'a consenti aucune renonciation à recettes ; - l'administration ne pouvait procéder à une reconstitution de recettes sans écarter la comptabilité, laquelle était probante ; - l'administration n'établit pas la disparition des passifs redressés ; - l'administration ne pouvait réintégrer le passif injustifié au titre de l'année 2014 dès lors qu'elle avait interrompu la prescription au titre de l'année 2013 ; - le compte Atteno est soldé au 31 décembre 2015 ; - le compte fournisseur divers au 31 décembre 2015 est de 724 598, 53 euros ; - les redressements en matière de contribution sur la valeur ajoutée des entreprises et de contribution sociale à l'impôt sur les sociétés et en matière de revenus distribués sont contestés pour les mêmes motifs ; - les chèques imputés au compte fournisseur de la société Winsite avaient pour bénéficiaire la société Winsite ; - les décaissements par chèques effectués en 2015 pour un montant total de 12 141,62 euros, débités du compte 6044000, se rapportent à des règlements de notes de frais ; - le virement de 195 000 euros en date du 17/02/14 a pour bénéficiaire la société PI Indodata ; - la qualification de distribution occulte concernant ce virement est contestée ; - le virement en date du 27 février 2014 de 72 500 euros a été effectué au bénéfice de la société Investicijiu un Progresa ; - la qualification de distribution occulte concernant ce virement est contestée ; - les trois virements intervenus en mars 2014 pour un montant total de 480 000 euros ont pour bénéficiaire la société MH international ; - la qualification de distributions occultes concernant ces virements est contestée, même si cet engagement hors bilan n'a pas fait l'objet d'une comptabilisation ; - les pénalités pour manquement délibéré relatives au profit sur le Trésor ne sont ni justifiées ni motivées ; - les autres pénalités pour manquement délibéré ne sont pas justifiées. Par des mémoires en défense, enregistrés les 9 août 2021 et 3 mars 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête. Il soutient que : - les moyens présentés par la société requérante ne sont pas fondés. Par ordonnance du 15 mars 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 30 mars 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Magnard, - les conclusions de M. Segretain, rapporteur public, - et les observations de Me Pefanis, substituant Me Boudriot, représentant la SAS Partager La Croissance. Une note en délibéré, enregistrée le 13 novembre 2023, a été présentée pour la SAS Partager La Croissance. Considérant ce qui suit : 1. La SAS Partager La Croissance, qui exerce notamment une activité de conseil en organisation et de commercialisation de tous biens et services, dont la collecte et la cession de certificats d'économie d'énergie, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité qui a porté sur la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015. A l'issue de cette procédure, l'administration a établi, pour les années 2013, 2014 et 2015, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de contribution sociale sur cet impôt et de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et, au titre de la période du 13 avril 2013 au 31 décembre 2015, une retenue à la source, assortis de majorations. La SAS Partager La Croissance relève appel du jugement du 8 avril 2021 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande en décharge de ces impositions. Sur la régularité de la procédure d'imposition : En ce qui concerne la régularité de la procédure de vérification : 2. Aux termes de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " I. - Lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, le contribuable satisfait à l'obligation de représentation des documents comptables mentionnés au premier alinéa de l'article 54 du code général des impôts en remettant au début des opérations de contrôle, sous forme dématérialisée répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget, une copie des fichiers des écritures comptables définies aux articles 420-1 et suivants du plan comptable général. (...) / L'administration peut effectuer des tris, classements ainsi que tous calculs aux fins de s'assurer de la concordance entre la copie des enregistrements comptables et les déclarations fiscales du contribuable. (...) / II. - En présence d'une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés et lorsqu'ils envisagent des traitements informatiques, les agents de l'administration fiscale indiquent par écrit au contribuable la nature des investigations souhaitées. Le contribuable formalise par écrit son choix parmi l'une des options suivantes : / a) Les agents de l'administration peuvent effectuer la vérification sur le matériel utilisé par le contribuable ; / b) Celui-ci peut effectuer lui-même tout ou partie des traitements informatiques nécessaires à la vérification. Dans ce cas, l'administration précise par écrit au contribuable, ou à un mandataire désigné à cet effet, les travaux à réaliser ainsi que le délai accordé pour les effectuer. Les résultats des traitements sont alors remis sous forme dématérialisée répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget ; c) Le contribuable peut également demander que le contrôle ne soit pas effectué sur le matériel de l'entreprise. Il met alors à la disposition de l'administration les copies des documents, données et traitements soumis à contrôle. Ces copies sont produites sur tous supports informatiques, répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget. (...) ". 3. La SAS Partager La Croissance soutient que le service vérificateur a procédé sans y être autorisé à des traitements informatiques, notamment sur le logiciel " Emmy " alors qu'elle avait choisi d'effectuer elle-même ces traitements, en application des dispositions précitées du b) du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales. Le ministre fait toutefois valoir qu'en raison de contraintes techniques liées aux caractéristiques du logiciel comptable utilisé, la société s'est trouvée dans l'incapacité d'effectuer les traitements demandés par le service vérificateur et que dans ces conditions ce dernier a été amené, répondant favorablement à la proposition de la société, d'effectuer des traitements sur la base de documents qu'elle lui a remis. Si la société requérante fait valoir de son côté qu'elle n'a pas refusé d'effectuer des traitements sur la taxe sur la valeur ajoutée déductible, elle ne conteste pas le fait que des fichiers ont été remis à l'administration à cette fin et n'établit pas avoir effectué les traitements dont s'agit. La seule circonstance que l'administration a, sur la base des fichiers qui lui ont été remis, procédé en dehors de l'entreprise, sans formuler de nouvelles demandes, à des traitements informatiques ne révèle par suite aucune méconnaissance des dispositions précitées. En ce qui concerne la régularité de la procédure de rectification : 4. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. / Sur demande du contribuable reçue par l'administration avant l'expiration du délai mentionné à l'article L. 11, ce délai est prorogé de trente jours. (...) / Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée. ". Aux termes de l'article L. 11 du même livre : " A moins qu'un délai plus long ne soit prévu par le présent livre, le délai accordé aux contribuables pour répondre (...) d'une manière générale, à toute notification émanant d'un agent de l'administration des impôts est fixé à trente jours à compter de la réception de cette notification ". 5. Il résulte en premier lieu de l'instruction que la proposition de rectification en date du 13 décembre 2016 relative à l'année 2013 a donné lieu à des observations formulées le 10 février 2017, lesquelles ont fait l'objet d'une réponse aux observations du contribuable adressée le 25 septembre 2017. La société requérante ne soutient pas avoir été, au titre de l'année en cause, privée des garanties attachées à la mise en œuvre de la procédure contradictoire. Le moyen tiré de ce que la réponse à la proposition de rectification du 13 décembre 2016 a été adressée dans les délais est par suite dépourvu de portée. 6. En deuxième lieu, la société requérante fait valoir que suite à la proposition de rectification du 27 juillet 2017 relative aux années 2014 et 2015, elle a présenté dans le délai légal une demande de prorogation du délai de trente jours, de sorte que ses observations, qui ont été adressées le 27 septembre 2017, ont également été présentées dans le délai légal. Elle en déduit qu'en ne répondant pas à ses observations, l'administration l'a privée des garanties attachées à la procédure de rectification contradictoire. Il résulte toutefois de l'instruction que la proposition de rectification en cause a été distribuée le 28 juillet 2017 à l'adresse de son siège social à Paris au 101 rue de Sèvres, ainsi qu'il ressort de l'accusé de réception sur laquelle figure le tampon de la société auprès de laquelle la société requérante était domiciliée. La réception du document en cause doit par suite être regardée comme établie à la date du 28 juillet, alors même que l'accusé de réception ne comporte pas de signature. La proposition de rectification a d'ailleurs été également distribuée à la même date place Edouard VII à Paris, adresse de l'établissement secondaire déclaré de la société requérante, ainsi que cela ressort du document postal produit au dossier qui indique une distribution au 28 juillet. La circonstance invoquée par la société requérante tirée de ce que ce document serait également revêtu d'un tampon en date du 31 juillet est dès lors dépourvue de portée à cet égard. La demande de prorogation, dont il est constant qu'elle a été adressée à l'administration le 29 août, soit après l'expiration du délai de 30 jours, était par suite tardive. L'administration a pu par suite à bon droit considérer que les redressements avaient été tacitement acceptés, se dispenser de répondre aux observations du contribuable, et mettre en recouvrement les impositions correspondantes dès le 15 septembre 2017, sans que puisse exercer une quelconque influence à cet égard le fait qu'elle a été reçue en entretien le 10 octobre 2017 par le chef de brigade. La procédure ayant été régulièrement suivie ainsi qu'il vient d'être dit, la société requérante ne saurait valablement soutenir qu'elle a été privée de la garantie liée à un débat oral et contradictoire et que l'administration aurait méconnu l'obligation de loyauté. Les doctrines invoquées sont relatives à la procédure d'imposition et ne sont, pour ce seul motif, pas invocables sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales. Sur le bien-fondé des redressements litigieux : En ce qui concerne la charge de la preuve : 7. Aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré ". 8. Ainsi qu'il a été dit au point 6., la SAS Partager La Croissance a présenté des observations après l'expiration du délai de trente jours qui lui était imparti à la suite de la notification de la proposition de rectification en date du 27 juillet 2017. Il suit de là que la société requérante doit être regardée comme ayant tacitement accepté les rectifications établies par l'administration au titre des années 2014 et 2015. Par voie de conséquence, il lui incombe d'établir le caractère exagéré des impositions correspondantes. En ce qui concerne la comptabilité : 9. Il résulte de l'instruction que contrairement à ce qui est soutenu, l'administration n'a procédé à aucune reconstitution de recettes mais s'est bornée à faire usage de son droit de rectifier les déclarations de résultats et de chiffre d'affaires souscrites par le contribuable, en identifiant notamment des insuffisances de chiffre d'affaires et de produits déclarés, des charges et de la taxe sur la valeur ajoutée déduites à tort et des écritures de passif injustifiées, toutes rectifications compatibles avec l'existence d'une comptabilité régulière. Il résulte en outre de l'instruction que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires n'ayant pas été saisie, l'existence d'une comptabilité irrégulière n'est pas de nature à influer sur la charge de la preuve en application de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, la charge de la preuve incombant d'ailleurs, et en tout état de cause, à la société requérante en ce qui concerne les années 2014 et 2015 ainsi qu'il a été dit précédemment. Le moyen tiré de ce que la comptabilité de la société requérante serait régulière est par suite sans influence sur l'issue du litige. En ce qui concerne le rappel de taxe sur la valeur ajoutée collectée notifié au titre de l'année 2013 : 10. La SAS Partager La Croissance ne conteste pas le rappel de taxe sur la valeur ajoutée collectée dont elle a fait l'objet au titre de cette période, mais fait valoir que la taxe sur la valeur ajoutée collectée non déclarée au titre de l'année 2013 doit être compensée à hauteur de 2 410 456 euros par la prise en compte d'une taxe déductible. Toutefois, elle n'apporte pas plus en appel qu'en première instance d'élément pour étayer le bien-fondé de la compensation dont elle se prévaut. En ce qui concerne le caractère déductible de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les primes versées : 11. Aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. -Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. (...) / IV. - 1° Les opérations autres que celles qui sont définies au II, notamment la cession ou la concession de biens meubles incorporels (...) sont considérés comme des prestations de services (...) ". Aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. (...) ". 12. Il résulte de l'instruction que la société requérante a notamment pour activité économique l'acquisition en vue de la revente de certificats d'économie d'énergie. Cette activité s'appuie sur des actions, organisées pour un certain nombre d'entre elles dans le cadre de partenariats avec des entreprises spécialisées dans la fourniture de matériaux de construction, d'incitation à la réalisation d'économies d'énergie par le versement de contributions financières ou de primes aux bénéficiaires de travaux. Le versement de ces primes a donné lieu de la part de certains de leurs bénéficiaires à des factures faisant mention de la taxe sur la valeur ajoutée, taxe que la société requérante a prise en compte au titre de sa propre taxe sur la valeur ajoutée déductible. La SAS Partager La Croissance soutient que l'activité qu'elle réalise correspond à une prestation de services et qu'à cette fin elle achète, par le versement de primes, des dossiers d'économies d'énergie, qui en constituent la matière première, sur la base de contrats et d'engagements pris par les partenaires ou bénéficiaires avant l'engagement des travaux, et qu'ainsi la prime entre dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée, quel qu'en soit le bénéficiaire final. Il résulte toutefois de l'instruction que le versement de ces primes, qui a pour objet d'inciter directement ou indirectement un bénéficiaire à effectuer des travaux générateurs d'économies d'énergie, ne constitue pas la contrepartie directe et la rémunération d'une livraison de bien ou d'une prestation individualisable. La société requérante ne saurait utilement se prévaloir, à cet égard, des règles applicables aux subventions versées à des entreprises qui vendent des biens ou des prestations de services à des tiers. Dans ces conditions, les bénéficiaires des primes n'étaient en tout état de cause pas autorisés légalement à faire figurer de la taxe sur la valeur ajoutée sur les factures destinées à la société requérante. Cette dernière n'est donc pas fondée à prétendre à la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée portée sur ces factures. En ce qui concerne les charges déduites du résultat imposable au titre des exercices clos en 2014 et 2015 et le caractère déductible de la taxe sur la valeur ajoutée correspondante : 13. D'une part, aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d'œuvre, le loyer des immeubles dont l'entreprise est locataire / (...) ". Si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive. En vertu de ces principes, lorsqu'une entreprise a déduit en charges une dépense réellement supportée, conformément à une facture régulière relative à un achat de prestations ou de biens dont la déductibilité par nature n'est pas contestée par l'administration, celle-ci peut demander à l'entreprise qu'elle lui fournisse tous éléments d'information en sa possession susceptibles de justifier la réalité et la valeur des prestations ou biens ainsi acquis. La seule circonstance que l'entreprise n'aurait pas suffisamment répondu à ces demandes d'explication ne saurait suffire à fonder en droit la réintégration de la dépense litigieuse, l'administration devant alors fournir devant le juge tous éléments de nature à étayer sa contestation du caractère déductible de la dépense. Le juge de l'impôt doit apprécier la valeur des explications qui lui sont respectivement fournies par le contribuable et par l'administration. 14. D'autre part, aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. / 2. Le droit à déduction prend naissance lorsque la taxe déductible devient exigible chez le redevable. (...) II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : / a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures ". Les dispositions de l'article 242 nonies A, devenues le I de cet article, de l'annexe II au code général des impôts précisent que : " Les mentions obligatoires qui doivent figurer sur les factures en application du II de l'article 289 du code général des impôts sont les suivantes : 1° Le nom complet et l'adresse de l'assujetti et de son client /(...)/ 8° Pour chacun des biens livrés ou des services rendus, la quantité, la dénomination précise, le prix unitaire hors taxes et le taux de taxe sur la valeur ajoutée légalement applicable ou, le cas échéant, le bénéfice d'une exonération ; (...)". 15. En premier lieu, il est constant que les factures établies par la société Easytarget et par la société Groupe Moniteur ne sont pas libellées au nom de la société requérante. Si cette dernière fait valoir que la facture émise par la société Easytarget correspond à des dépenses d'abonnement au logiciel Salesforce qu'elle utilise et que les factures Groupe Moniteur sont des dépenses de présentation au salon des mairies et des collectivités locales, elle n'apporte pas le moindre élément de nature à établir que ces dépenses ont été engagées dans le cadre de son activité. C'est donc à bon droit que l'administration a réintégré ces dépenses dans le résultat taxable et écarté la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée correspondante. 16. En deuxième lieu, en se bornant à faire valoir, s'agissant des factures émises par les sociétés Idex et Eco Co2 que " la société entend se prévaloir de la refacturation par Geo-France des montants de certificats d'économie d'énergie ou de primes acquis, bien que le règlement en ait été fait directement à la société Idex ou Eco Co2 ", sans fournir de documents susceptibles d'éclairer la portée de ce moyen et d'en établir le bien-fondé, la société requérante ne met pas la Cour en mesure de constater que l'administration aurait à tort refusé les déductions de charges et de taxe sur la valeur ajoutée correspondantes. 17. En troisième lieu, le service vérificateur a remis en cause la déductibilité des sommes, ainsi que de la taxe sur la valeur ajoutée correspondante, se rapportant à des loyers payés par la SAS Partager La Croissance, correspondant à un contrat de sous-location avec la société CBRE Global Investor France, portant sur des locaux à usage de bureaux d'une superficie de plus de 900 m² et six places de stationnement situés 11 place Edouard VII à Paris ainsi qu'à la location d'emplacements de stationnement situés à la même adresse, loués à la Société Foncière Lyonnaise. Il résulte de l'instruction que la société requérante ne dispose pas de véhicule inscrit à son actif ni ne loue de véhicule, qu'elle n'emploie aucun salarié, qu'aucune charge d'assurance n'avait été comptabilisée au titre de ces locations et qu'aucun contrat d'assurance ne lui avait été communiqué. En se bornant à se prévaloir de ce que les locaux en cause servaient à entreposer ses archives et à recevoir sa clientèle et plus généralement à héberger ses services administratifs, sans produire le moindre document à l'appui de son moyen, la société n'établit pas l'utilisation desdits locaux à des fins professionnelles. L'intervention des agents du service vérificateur dans ces locaux, postérieure à cette période, ne saurait suffire à justifier d'une telle utilisation au cours de la période vérifiée. 18. En quatrième lieu, le service vérificateur a remis en cause la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée figurant sur sept factures adressées par la société Geo France à la SAS Partager La Croissance, pour des montants de 5 074 149,60 euros en 2014 et 6 531 854 euros en 2015, ainsi que la déductibilité des résultats imposables des dépenses en cause pour des montants de 25 370 748 euros en 2014 et 32 659 270 euros en 2015, estimant que la nature et la réalité des prestations ainsi que l'adéquation du montant facturé avec la contrepartie retirée par la société requérante n'étaient pas justifiées et qu'il n'était pas établi que lesdites dépenses avaient été engagées en vue de la réalisation d'opérations imposables à la taxe sur la valeur ajoutée. La SAS Partager La Croissance soutient que ces charges sont justifiées par les pièces qu'elle produit et qu'elle sont fondées dès lors qu'elles correspondent, d'une part, au coût des moyens matériels et humains nécessaires pour exercer son activité qui lui sont fournis par la société Geo France, qui assure directement le traitement des affaires ou indirectement par l'intermédiaire de ses différentes filiales, dans le cadre de conventions d'assistance, d'autre part, aux primes de certificats d'économie d'énergie traitées par la société Geo France pour son compte. 19. Il résulte d'une part de l'instruction que les factures qui portent sur de la " masse salariale " ne comportent aucun détail des prestations rendues. Si la société requérante justifie avoir été liée, durant les années en cause, aux sociétés Geo PLC et Geo France par des conventions d'assistance administrative et financière, lesdites conventions, au demeurant signées par la même personne représentant les différentes parties au contrat, prévoient que la rémunération due est déterminée par des bons de commande signés par les parties et les quatre bons de commande produits ne permettent aucun recoupement avec le montant facturé. La convention d'assistance et de prestations commerciales et marketing, également produite par la société requérante, n'est pas davantage de nature à justifier des montants facturés. Plus généralement, en se bornant à des considérations abstraites sur la nature de son activité et sur le recours nécessaire au personnel du groupe, et en établissant que des dossiers ont été réalisés pour l'obtention de certificats d'économie d'énergie, et en l'absence de tout élément permettant d'identifier les personnels concernés, leur temps de travail et la nature précise de leurs missions, la société requérante, à qui incombe la charge de la preuve et qui est en outre seule en mesure de le faire, n'établit pas la réalité et l'ampleur du recours à du personnel extérieur. Par suite, la société requérante ne conteste pas valablement les rehaussements notifiés à ce titre. Il résulte d'autre part de l'instruction que l'administration n'a pas remis en cause l'inscription en charges des factures GEO 151203 du 3 décembre 2105, GEO 151102 du 5 novembre 2015, GEO 150703 du 31 juillet 2015 ni la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée correspondante. Par suite, les moyens relatifs à ces factures sont dépourvus de portée. En ce qui concerne le chiffre d'affaires non comptabilisé au titre de l'exercice 2013 : 20. Il résulte de l'instruction que la comparaison des données du compte individuel "Emmy " de la SAS Partager La Croissance avec les écritures comptables de cette société a fait apparaitre que celle-ci avait omis de comptabiliser le produit de la vente de certificats d'économie d'énergie à sa société mère, la société Geo PLC, pour un montant de 7 675 000 euros. La SAS Partager La Croissance soutient, ainsi qu'elle l'avait fait valoir lors de la vérification de comptabilité, que cette somme correspond à un remboursement de frais lui incombant qui ont été supportés au cours des exercices 2011 et 2012 par la société Geo PLC. En se bornant à faire valoir à nouveau, sans produire les pièces annoncées, que la somme perçue correspond à des remboursements de frais, elle n'apporte pas d'éléments permettant à la Cour d'apprécier le bien-fondé et la portée de son moyen. La circonstance que la vérification de la société Geo PLC n'ait donné lieu à aucun rehaussement et qu'aucun rappel de taxe sur la valeur ajoutée n'ait été effectué à ce titre à l'égard de la société requérante est à cet égard dépourvue de portée. L'administration a pu dès lors estimer à bon droit que la SAS Partager La Croissance avait omis d'inclure dans ses produits de l'exercice clos en 2013 la somme de 7 675 000 euros. En ce qui concerne la renonciation à recettes au titre de l'exercice clos en 2015 : 21. Le service vérificateur a constaté que l'examen du compte individuel " Emmy " de la SAS Partager La Croissance faisait apparaitre que celle-ci avait transféré à la société Saur, sans contrepartie, un volume de 39 835 162 kWh Cumac le 12 octobre 2015 et a estimé qu'une telle opération constituait un acte anormal de gestion correspondant à une renonciation à recettes d'un montant de 92 816 euros. La société requérante soutient que ce versement a été effectué sur le fondement de la convention de partenariat conclue le 24 juin 2011 entre la société Saur et la société Geo PLC, à laquelle elle s'est substituée en juillet 2011 pour l'exécution de cette convention, dont l'objet est de permettre la réalisation et la valorisation d'opérations d'économies d'énergie que la société Saur est susceptible de réaliser sur son patrimoine et qui permettait à cette dernière société d'obtenir le transfert à son profit par la société Geo PLC de certificats d'économie d'énergie. Toutefois, pas plus en appel qu'en première instance, la société requérante n'apporte la preuve de la substitution dont elle se prévaut, le courriel adressé par la société Saur à la société Geo PLC en mars 2013 n'en faisant pas mention. Le fait que la convention susmentionnée ait prévu une possibilité de substitution ne saurait valoir preuve que cette substitution est effectivement intervenue au profit de la société requérante. Il suit de là que l'administration a pu constater à bon droit l'existence d'une renonciation de recettes d'un montant de 92 816 euros au titre de l'exercice clos en 2015 et procéder par voie de conséquence au rehaussement du chiffre d'affaires de la société requérante. En ce qui concerne le passif injustifié : 22. Le service vérificateur a constaté qu'au 1er janvier 2014 la SAS Partager La Croissance avait comptabilisé les sommes de 994 104,98 euros et 1 472 098,53 euros au passif de deux comptes fournisseurs. Il en a déduit, compte tenu de l'incapacité de la société requérante de justifier de cette dette malgré les demandes qui lui avaient été adressées, que le résultat imposable de l'exercice clos en 2014 devait être rehaussé de la somme de 2 466 203,40 euros. Il appartient en tout état de cause à la société requérante de justifier du bien-fondé de ses écritures de passif et l'intéressée ne saurait se dispenser de cette obligation en faisant valoir que l'administration n'établit pas la disparition des dettes ainsi comptabilisées. En outre, et contrairement à ce qui est soutenu, lors de la notification de la proposition de rectification en date du 27 juillet 2017, par laquelle l'administration a déterminé ce rehaussement, l'exercice clos en 2014 était le premier exercice non prescrit, quand bien même la proposition de rectification en date du 13 décembre 2016 avait interrompu la prescription en que ce qui concerne l'exercice clos en 2013, conformément à l'article L. 189 du livre des procédures fiscales, pour des montants qui n'avaient pas été abandonnés dans l'intervalle entre les deux propositions de rectification. Il suit de là que l'administration a pu constater à bon droit l'existence d'un passif injustifié de 2 466 203,40 euros au titre de l'exercice clos en 2014, sans que la société requérante puisse utilement se prévaloir de l'état du solde de certains comptes fournisseurs à la clôture de l'exercice 2015. Sur les pénalités : En ce qui concerne l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts : 23. Aux termes de l'article 117 du code général des impôts : " Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte des déclarations de la personne morale visées à l'article 116, celle-ci est invitée à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution. / En cas de refus ou à défaut de réponse dans ce délai, les sommes correspondantes donnent lieu à l'application de la pénalité prévue à l'article 1759 ". Aux termes de l'article 1759 du même code : " Les sociétés et les autres personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent, directement ou par l'intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240, elles ne révèlent pas l'identité, sont soumises à une amende égale à 100 % des sommes versées ou distribuées. (...) ". 24. Le service vérificateur a relevé que la SAS Partager La Croissance ne lui avait pas communiqué l'identité du bénéficiaire réel de diverses dépenses que celle-ci avait engagées. En l'espèce, il résulte de l'instruction que par la proposition de rectification en date du 27 juillet 2017, la société requérante a été invitée à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution. Il résulte de ce qui est dit au point 6. qu'elle n'a communiqué à l'administration aucune réponse dans le délai de trente jours qui lui était imparti. Il suit de là que c'est à bon droit que l'administration a mis à sa charge l'amende prévue par les dispositions précitées de l'article 1759 du code général des impôts. Si la société requérante soutient que les destinataires des chèques et virements par lesquels ces sommes ont été payées sont tous identifiés en citant à cet effet divers noms de particuliers et d'entreprises, un tel moyen est inopérant dès lors que les pénalités litigieuses trouvent leur fondement dans l'absence de réponse dans les délais à la demande formulée par l'administration en vertu des dispositions précitées de l'article 117 du code général des impôts. Le moyen tiré de ce que les sommes en cause ne sont pas constitutives de distributions occultes n'est en tout état de cause pas assorti des précisions et pièces permettant à la Cour d'en apprécier le bien-fondé et la portée. En ce qui concerne la majoration pour manquement délibéré : 25. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ". 26. Il résulte de ce qui précède que la société requérante avait procédé, pour des montants très importants et dans une proportion très importante, à une minoration de la taxe sur la valeur ajoutée collectée, et, à l'inverse, à des majorations importantes de la taxe sur la valeur ajoutée déductible ainsi que de ses charges et, par ailleurs, n'avait pas comptabilisé une partie de son chiffre d'affaires tout en renonçant à certaines recettes sans contrepartie pour la société. La société requérante ne conteste pas utilement les pénalités pour manquement délibéré en reprenant les arguments développés précédemment et relatifs au bien-fondé de l'imposition qui ont été écartés précédemment. Par ailleurs, l'administration a motivé les pénalités appliquées au profit sur le Trésor en indiquant que ce dernier était la conséquence directe des omissions constaté en matière de taxe sur la valeur ajoutée. Contrairement à ce qui est soutenu, l'administration à ce faisant suffisamment motivé et justifié les pénalités afférentes au profit sur le Trésor, lequel procède d'omissions volontaires, alors même que la société n'aurait pas volontairement omis de le soumettre à l'impôt. 27. Il résulte de tout ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la société requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. DECIDE : Article 1er : La requête de la société Partager La Croissance est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Partager La Croissance et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Ile-de-France (division juridique). Délibéré après l'audience du 8 novembre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Topin, présidente, - M. Magnard, premier conseiller, - Mme Fullana, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 novembre 2023. Le rapporteur, F. MAGNARDLa présidente, E. TOPIN Le greffier, C. MONGIS La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 7 2 N° 21PA02866 |
CETATEXT000048452234 | J1_L_2023_11_00021PA05300 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/22/CETATEXT000048452234.xml | Texte | CAA de PARIS, 8ème chambre, 20/11/2023, 21PA05300, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-20 00:00:00 | CAA de PARIS | 21PA05300 | 8ème chambre | plein contentieux | C | Mme MENASSEYRE | MARTIN | Mme Marie-Dominique JAYER | Mme BERNARD | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La SA Clinique du Pré a demandé au tribunal administratif de Paris " d'annuler la saisie à tiers détenteur émise à son encontre le 12 mars 2021 au profit de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris (AP-HP) d'un montant de 1 062,60 euros " et de condamner l'Assistance publique - hôpitaux de Paris à lui rembourser la somme de 1 062,60 euros assortie des frais de saisie de 72 euros et des intérêts légaux dus depuis le 18 mars 2021, date de blocage de la somme par sa banque. Par une ordonnance n° 2110763/6-1 du 21 septembre 2021, le président de la 6ème section du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 1er octobre 2021, la SA Clinique du Pré représentée par Me Martin, demande à la cour : 1°) d'annuler l'ordonnance n° 2110763 du 21 septembre 2021 du président de la 6ème section du tribunal administratif de Paris ; 2°) " d'annuler la saisie à tiers détenteur du 12 mars 2021 émise par la direction spécialisée de finance publiques de l'AP-HP pour un montant de 1 062, 60 euros " et de condamner l'AP-HP à lui rembourser cette somme majorée des frais de saisie de 72 euros et des intérêts au taux légal à compter du 18 mars 2021 ; 3°) de mettre à la charge de l'AP - HP la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - l'ordonnance est irrégulière en ce que, ainsi que le mentionnent les voies de recours figurant au recto de l'acte attaqué, le juge administratif est bien compétent pour connaître de sa demande dès lors que, si la saisie à tiers détenteur contestée concerne une créance non fiscale de l'AP-HP et relève des dispositions de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales, sa contestation porte sur le bien-fondé de la créance ; - avant l'instruction ministérielle publiée au bulletin officiel du 15 juin 2018, les actes de biologie médicale et d'anatomo-cytopathologie réalisés hors nomenclature ne pouvaient être refacturés aux établissements prescripteurs ; - en tout état de cause, sa qualité d'établissement demandeur n'est pas établie en l'absence de prescription médicale dûment signée par un médecin exerçant en son sein, de fiche d'envoi ou d'information par le laboratoire transmetteur du tarif des examens et d'accord préalable de sa part conformément à l'article R. 162-17 du code de la sécurité sociale ; - il s'en infère que la saisie à tiers détenteur est dépourvue de base légale et que les sommes prélevées doivent lui être remboursées. La requête a été communiquée à l'Assistance publique - hôpitaux de Paris qui n'a pas produit de mémoire. Par une ordonnance du 21 septembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 19 octobre 2022 à 12 heures. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des collectivités territoriales ; - le code de la santé publique ; - le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Jayer, - les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. La société Clinique du Pré, établissement de santé privé à but lucratif, a notamment pour activité les soins de traitement du cancer par radiothérapie. Elle relève appel de l'ordonnance du 21 septembre 2021 par laquelle le président de la 6ème section du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de la saisie à tiers détenteur diligentée à son encontre le 12 mars 2021 au bénéfice de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris (AP-HP), pour une créance d'un montant total de 1 062,60 euros correspondant à la facturation d'actes d'anatomopathologie et de biologie hors nomenclature, ainsi que sa demande de condamnation de l'AP-HP à lui rembourser cette somme avec intérêts au taux légal à compter du 18 mars 2021, outre les frais de saisie de 72 euros. Sur la régularité de l'ordonnance : 2. D'une part, aux termes de l'article L. 6145-9 du code de la santé publique : " I.- Les créances des établissements publics de santé sont recouvrées selon les modalités définies aux articles L. 1611-5 et L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales (...) " et aux termes de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales : " Les dispositions du présent article s'appliquent également aux établissements publics de santé. / 1° En l'absence de contestation, le titre de recettes individuel ou collectif émis par la collectivité territoriale ou l'établissement public local permet l'exécution forcée d'office contre le débiteur. / (...) L'action dont dispose le débiteur d'une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale ou un établissement public local pour contester directement devant la juridiction compétente le bien-fondé de ladite créance se prescrit dans le délai de deux mois à compter de la réception du titre exécutoire ou, à défaut, du premier acte procédant de ce titre ou de la notification d'un acte de poursuite. / 2° La contestation qui porte sur la régularité d'un acte de poursuite est présentée selon les modalités prévues à l'article L. 281 du livre des procédures fiscales. (...) ". 3. D'autre part, aux termes de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction en vigueur depuis le 1er janvier 2019 : " Les contestations relatives au recouvrement des impôts, taxes, redevances, amendes, condamnations pécuniaires et sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables publics doivent être adressées à l'administration dont dépend le comptable qui exerce les poursuites. / (...) Les contestations relatives au recouvrement ne peuvent pas remettre en cause le bien-fondé de la créance. Elles peuvent porter : / 1° Sur la régularité en la forme de l'acte ; / 2° A l'exclusion des amendes et condamnations pécuniaires, sur l'obligation au paiement, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués et sur l'exigibilité de la somme réclamée. / Les recours contre les décisions prises par l'administration sur ces contestations sont portés dans le cas prévu au 1° devant le juge de l'exécution. Dans les cas prévus au 2°, ils sont portés : / (...) c) Pour les créances non fiscales des collectivités territoriales, des établissements publics locaux et des établissements publics de santé, devant le juge de l'exécution ". 4. Il ressort de ces dispositions que l'ensemble du contentieux du recouvrement des créances non fiscales des établissements publics de santé est de la compétence du juge de l'exécution, tandis que le contentieux du bien-fondé de ces créances relève de celle du juge compétent pour en connaître sur le fond. Il en résulte également que le bien-fondé d'une créance ne peut utilement être invoqué à l'appui de la contestation d'un acte de poursuites. 5. En premier lieu, il résulte des termes mêmes de la demande introduite devant le tribunal par la société Clinique du Pré, assistée par un avocat, que cette demande, qui visait seulement la saisie administrative à tiers détenteur du 12 mars 2021 et non les titres de recettes qui l'ont précédée, était exclusivement dirigée contre un acte de poursuites émis pour le recouvrement de créances non fiscales de l'établissement public de santé AP - HP et ne pouvait, de ce fait, tendre qu'à la décharge de l'obligation de payer les sommes réclamées. 6. Même lorsqu'elle repose sur une critique, inopérante, du bien-fondé de la créance, une telle demande ressortit au contentieux du recouvrement. Dès lors, seul le juge de l'exécution est compétent pour en connaître au fond. Sont, à cet égard, indifférentes, tant les mentions figurant sur les voies de recours accompagnant la notification de l'acte attaqué, que la circonstance que le premier juge ait initié dans un premier une procédure de médiation. 7. En deuxième lieu, les conclusions de la requête tendent, à titre principal, à l'annulation de la saisie de 1 062,60 euros pratiquée sur le compte bancaire ouvert par la société Clinique du Pré dans les comptes de la Banque Populaire et, à titre accessoire de ces conclusions, à la demande de condamnation de l'AP-HP au remboursement de la somme de 1 062,60 euros assortie, par voie de conséquence, des frais bancaires de 72 euros causés par cette procédure de saisie et des intérêts légaux dus depuis le 18 mars 2021. En l'absence de toute référence à une faute ou à un préjudice, la clinique ne peut être regardée comme ayant entendu donner à sa demande de remboursement de frais bancaires le caractère d'une demande indemnitaire mettant en cause la responsabilité de l'AP-HP sur laquelle le juge administratif serait compétent pour se prononcer. Eu égard au caractère purement accessoire de ces conclusions, et à l'incompétence du juge administratif pour connaître des conclusions principales dirigées contre la saisie administrative à tiers détenteur émise par l'établissement public de santé en vue du recouvrement de frais d'actes, elles ne sauraient relever de la compétence de la juridiction administrative. 8. Dans ces conditions, la société Clinique du Pré n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par l'ordonnance attaquée, le président de la 6ème section du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître. Sur les frais du litige : 9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'AP-HP, qui n'est pas la partie perdante, au titre des frais exposés par la société Clinique du Pré à l'occasion du présent litige. DÉCIDE : Article 1er : La requête de la SA Clinique du Pré est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SA Clinique du Pré et à l'Assistance publique - hôpitaux de Paris Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France. Délibéré après l'audience du 20 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Anne Menasseyre, présidente, - Mme Jayer, première conseillère, - Mme Larsonnier, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 novembre 2023. La rapporteure, M-D JAYERLa présidente, A. MENASSEYRE Le greffier, P. TISSERAND La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 21PA05300 |
CETATEXT000048452235 | J1_L_2023_11_00021PA06233 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/22/CETATEXT000048452235.xml | Texte | CAA de PARIS, 2ème chambre, 22/11/2023, 21PA06233, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-22 00:00:00 | CAA de PARIS | 21PA06233 | 2ème chambre | plein contentieux | C | Mme TOPIN | SELARL REINHART MARVILLE TORRE | Mme Maguy FULLANA | M. SEGRETAIN | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société par actions simplifiées unipersonnelle (SASU) Menarini Diagnostics France a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des compléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, de la taxe additionnelle à cette cotisation, des frais de gestion et de la retenue à la source auxquels elle a été assujettie au titre des années 2011, 2012 et 2013. Par un jugement n° 1912702/9 et n° 1912706/9 du 7 octobre 2021, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 7 décembre 2021 et 19 septembre 2022, la SASU Menarini Diagnostics France, représentée par Me Olivier Goldstein, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement n° 1912702/9 et n° 1912706/9 du 7 octobre 2021 du Tribunal administratif de Montreuil ; 2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses, en droits et pénalités ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le jugement est irrégulier en ce qu'il est entaché d'une insuffisance de motivation ; - les transactions qui la lient au groupe Menarini sont exclusives de tout transfert indirect de bénéfices au sens de l'article 57 du code général des impôts et l'administration ne peut s'immiscer dans la gestion de la société en l'absence d'acte anormal de gestion ; - pour le calcul des rehaussements, l'application de la médiane au détriment du premier intervalle interquartile n'est pas adaptée compte tenu de la situation du groupe et du contexte économique. Par deux mémoires en défense enregistrés les 21 février et 21 novembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens présentés par la requérante ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 21 novembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 22 décembre 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Fullana, - les conclusions de M. Segretain, rapporteur public, - et les observations de Me Baccarani, substituant Me Goldstein, représentant la SASU Menarini Diagnostics France. Considérant ce qui suit : 1. La SASU Menarini Diagnostics France (AMDF), qui exerce une activité d'achat et de revente d'appareils et de produits de diagnostics dans le domaine de l'autodiagnostic et des laboratoires, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, à l'issue de laquelle une proposition de rectification du 22 juin 2015 lui a été notifiée, l'administration estimant que la politique de prix pratiquée par le groupe dont elle fait partie conduisait à un transfert de bénéfices au profit de deux sociétés italiennes au sens de l'article 57 du code général des impôts. Au terme de la procédure, la société AMDF a été assujettie à des compléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et à une retenue à la source au titre des années 2011 à 2013 assortis des intérêts de retard et, pour la retenue à la source, de majorations. Par la présente requête, la société AMDF relève appel du jugement du 7 octobre 2021 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments présentés par la société requérante, ont statué aux points 6 à 13 du jugement attaqué sur le moyen tiré de l'absence d'un transfert indirect de bénéfices, en examinant notamment la situation économique et financière de la société AMDF, le contexte économique et technologique du marché du diagnostic, les difficultés étrangères au groupe alléguées par la requérante, la politique tarifaire pratiquée au sein du groupe, et non en se fondant sur la seule existence de pertes récurrentes. Les premiers juges se sont également prononcés sur le recours par l'administration à la méthode transactionnelle de la marge nette et la méthode du prix comparable pour procéder à la réintégration dans les bénéfices imposables de la rémunération que la société requérante aurait dû percevoir. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement attaqué manque en fait et doit être écarté. Sur le bien-fondé des impositions : 3. Aux termes de l'article 57 du code général des impôts : " Pour l'établissement de l'impôt sur le revenu dû par les entreprises qui sont sous la dépendance ou qui possèdent le contrôle d'entreprises situées hors de France, les bénéfices indirectement transférés à ces dernières, soit par voie de majoration ou de diminution des prix d'achat ou de vente, soit par tout autre moyen, sont incorporés aux résultats accusés par les comptabilités. Il est procédé de même à l'égard des entreprises qui sont sous la dépendance d'une entreprise ou d'un groupe possédant également le contrôle d'entreprises situées hors de France. / (...) A défaut d'éléments précis pour opérer les rectifications prévues aux premier, deuxième et troisième alinéas, les produits imposables sont déterminés par comparaison avec ceux des entreprises similaires exploitées normalement ". Ces dispositions instituent, dès lors que l'administration établit l'existence d'un lien de dépendance et d'une pratique entrant dans leurs prévisions, une présomption de transfert indirect de bénéfices par les entreprises qui sont sous la dépendance ou qui possèdent le contrôle d'entreprises situées hors de France au profit de ces dernières, qui ne peut être utilement combattue par les entreprises imposables en France qu'à charge, pour elles, d'apporter la preuve que les avantages qu'elles ont consentis ont été justifiés par l'obtention de contreparties favorables à leur propre exploitation. En ce qui concerne l'existence d'un transfert indirect de bénéfices : 4. Il est constant que la société AMDF, créée en 2003, est détenue en totalité par la société Menarini France. Cette dernière est détenue par la société italienne A. Menarini Industrie Farmaceutiche Riunite SRL (Menarini IFR) à hauteur de 86,50 % de son capital, directement ou par l'intermédiaire de la filiale, la société A. Menarini Farmaceutica Internazionale (AMFI). La société AMDF exerce une activité d'achat et de revente d'appareils et de produits de diagnostics dans le domaine, d'une part, de l'autodiagnostic, consistant en la distribution de lecteurs de glycémie et la vente de consommables liés, branche dite " Check-up ", et d'autre part, des laboratoires consistant en la vente et l'installation de matériels dans les laboratoires, branche dite " Laboratoires ". Il est tout aussi constant que la société Menarini IFR assure le suivi de la création et du développement des produits nouveaux, que les produits que le groupe vend sont acquis auprès de sociétés tierces qui les fabriquent, que les contrats d'approvisionnement sont négociés au niveau du groupe pour l'ensemble des sociétés qui les distribuent en Europe, à l'exception de certains produits de la branche " Laboratoires " que la société AMDF achète directement auprès de sociétés tierces, et que la société italienne A. Menarini Diagnostics SRL (AMDI) sélectionne les produits qui sont distribués par les sociétés du groupe. Il résulte également de l'instruction que la société AMDF a pour activité fonctionnelle le développement de l'image de marque et des produits sur le marché français, qu'elle gère les commandes et leur suivi, le recouvrement et la facturation, qu'elle prend ainsi en charge la fonction logistique, commercialise les produits grâce à ses propres forces de vente et, depuis 2012, à l'aide également, contre rémunération, du personnel commercial de la société Menarini France pour l'activité " Check-up ". Du fait de ses fonctions, la société AMDF assume l'intégralité des risques de stocks, des délais de paiement et des créances douteuses, les risques de marché étant partagés pour leur part entre les sociétés AMDF et AMDI. La société italienne Menarini IFR a, quant à elle, la fonction d'entrepreneuse principale, celle-ci déterminant les orientations stratégiques du groupe et gérant la marque au niveau international. La société AMDF ne conteste pas exercer, ainsi que l'a relevé l'administration dans la proposition de rectification du 22 juin 2015, la fonction principale de distributeur du groupe Menarini en France, en dépit de la circonstance qu'elle acquiert une partie de ses produits directement auprès d'une société tierce pour la branche " Laboratoires ". 5. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la société AMDF réalise des pertes d'exploitation récurrentes depuis sa création en dépit de la rentabilité propre à chaque branche d'activité et quelle que soit l'évolution de son chiffre d'affaires, alors même qu'elle n'est plus en phase de pénétration du marché, comme elle le reconnaît elle-même dans le questionnaire sur sa politique de prix de transfert. Il est constant que la société AMDF a bénéficié d'importantes et régulières recapitalisations en nombre et en montant depuis sa création sous la forme d'abandon de créance de sommes en compte courant en contrepartie d'une augmentation de capital. Il résulte également de l'instruction que le groupe, au niveau consolidé, réalise d'importants bénéfices et dégage des taux de marge nette importants tout comme le fournisseur du groupe, la société AMDI. Si la société fait valoir en défense que la référence à la situation bénéficiaire du groupe est inexacte dans la mesure où la date de création des différentes entités diffère, que les fonctions et les risques supportés sont sensiblement différents et que le groupe exerce plusieurs activités dans le domaine pharmaceutique, de la médication hors prescription et du diagnostic, elle ne conteste pas sérieusement le fait qu'elle enregistre des pertes récurrentes dans un groupe dont les résultats sont positifs, quand bien même serait retenu au niveau du groupe le résultat net et non le résultat d'exploitation consolidé. Si la société AMDF fait également valoir que sa situation n'est pas isolée, que d'autres filiales de l'activité " Check-up " ont enregistré des résultats déficitaires durant les exercices en litige tandis que d'autres ont réalisé des résultats bénéficiaires, cette circonstance n'est pas de nature à exclure par principe, comme elle le soutient, l'existence d'une politique de transfert inadaptée. 6. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que les taux de marge brute sur les produits de la gamme G-IHCO, acquis auprès de la société Leica par la société AMDI et revendus à la société AMDF en vue de leur distribution par cette dernière sur le marché français sont très faibles par rapport aux autres produits commercialisés par la société AMDF et sont quasiment vendus à prix coûtant. L'administration a relevé que cette gamme de produits représentait néanmoins une part importante du chiffre d'affaires de la société requérante et que celle-ci n'avait aucun intérêt propre à la vente de ces produits et de les maintenir à un volume aussi important tandis que l'intérêt du groupe était lui indéniable, les contrats d'approvisionnement conclus avec le fournisseur tiers étant négociés au niveau du groupe pour l'ensemble des structures de distribution afin d'obtenir les marchandises au meilleur prix et assurer un débouché pour leur distribution. Si la société fait valoir que les bénéfices réalisés par la société AMDI proviennent très majoritairement de ses ventes sur le marché italien et non des ventes intragroupe, il résulte des propres chiffres produits par la société requérante que le taux de marge de la société AMDI sur les ventes intragroupe est positif. En outre, alors que la société AMDF a soutenu lors de la procédure de vérification de comptabilité que le prix des produits acquis auprès de la société AMDI et revendus sur le marché français était fixé selon la méthode du prix de revente, cette méthode, comme le relève l'administration, aurait dû lui permettre par essence de dégager un bénéfice sur ses ventes. Si la société requérante fait valoir désormais que la société AMDI réalise des pertes nettes sur ses ventes avec elle et qu'il aurait été en réalité recouru à une autre méthode basée sur des achats à prix fixe, la grille d'achat étant la même pour l'ensemble des filiales en charge de la distribution des produits sur le marché européen, et sur des prix de vente adaptés au marché local, elle ne produit aucun élément étayé de nature à appuyer ces allégations alors qu'elle a refusé de produire les contrats de distribution conclus au niveau du groupe. La société requérante ne peut davantage raisonnablement soutenir que les prix fixés entre AMDI et AMDF correspondent à des prix de pleine concurrence au motif qu'ils seraient également pratiqués avec les autres filiales du groupe, lesquelles sont également des entreprises liées. 7. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que les taux de marge nette de la société AMDF sont négatifs sur l'ensemble des produits qu'elle distribue, en dépit de la rentabilité propre à chaque branche, et qu'elle ne dégage aucun bénéfice. Il résulte de l'instruction que la marge nette négative constatée sur l'ensemble des produits s'explique essentiellement par un poste de dépenses " autres charges et charges externes " très élevé en proportion du chiffre d'affaires réalisé, le montant de ce poste associé à la somme des achats de marchandises revendues étant égal, voire supérieur certaines périodes, au chiffre d'affaires généré par la société AMDF. La société fait valoir qu'elle a procédé à des investissements significatifs pour conquérir des parts de marché et assurer la pérennité de son activité, qu'elle supporte des coûts directs et indirects importants notamment pour la promotion de la branche " Check-up ", laquelle est aussi assurée par la société Menarini France au titre d'un contrat de prestations de service qui a conduit, corrélativement, à une réduction significative de sa masse salariale qui n'a pas été prise en compte par l'administration. Toutefois, même en intégrant la diminution de la masse salariale, le poste " autres charges et charges externes " reste très élevé en proportion du chiffre d'affaires. La société requérante ne justifie par ailleurs pas de son intérêt propre à exposer de telles dépenses pour commercialiser des produits qui ne lui permettent pas de dégager un bénéfice alors qu'elle assure sans contrepartie la présence du groupe Menarini sur le marché français, y compris pour ses autres activités, ainsi qu'un débouché pour les produits achetés par les autres sociétés du groupe auprès de fournisseurs tiers à des conditions tarifaires négociées. 8. En quatrième lieu, la société soutient que ses pertes proviennent en réalité de difficultés économiques étrangères au groupe tenant, d'une part, aux difficultés liées à la revente des produits Leica pour la branche " Laboratoires " et, d'autre part, à l'environnement macro-économique défavorable et à la complexité du marché du diagnostic in vitro. Toutefois, s'agissant des difficultés liées aux produits Leica pour lesquels les marges brutes constatées sont particulièrement mauvaises et ne représentent qu'une partie de l'activité de la société AMDF, cette dernière a refusé de fournir les contrats d'approvisionnement conclus avec la société Leica par elle et au niveau du groupe. Si elle expose qu'elle a dû acquérir un stock de marchandises importants sans possibilité de le distribuer en totalité, une telle circonstance est sans incidence sur l'appréciation de la marge puisque l'administration n'a tenu compte que des achats revendus et non du stock. En outre, la société ne peut valablement recalculer la marge des ventes en intégrant rétrospectivement le prix de cession du fonds de commerce à la société Leica qui est intervenue postérieurement aux années en litige et qui, au demeurant, inclut pour sa valorisation des actifs corporels et incorporels sans lien direct avec le calcul de la marge brute. Enfin, s'agissant de la complexité du marché que la société présente comme en recomposition, caractérisé par des acteurs de taille importante, hautement concurrentiel, dans une industrie de la santé comportant de nombreuses contraintes réglementaires, ces difficultés concernent également les entreprises concurrentes ainsi que l'a relevé l'administration fiscale et cette dernière en a tenu compte dans son analyse de comparabilité en distinguant une période de 2007 à 2011 et une autre période de 2012 à 2013, sans que la société requérante n'en conteste la pertinence. 9. En dernier lieu, l'administration s'est également fondée, pour conclure à un transfert indirect de bénéfices, sur une étude de comparabilité avec un panel d'entreprises indépendantes mettant en évidence que le poste " autres charges et achats externes " représentait 13,04 % du chiffre d'affaires de ces sociétés contre 28 % à 43 % de celui de AMDF et que ces entreprises réalisaient toutes des marges nettes positives, à l'exception d'une entreprise qui, pour l'exercice 2011, justifiait d'une marge nette négative de 0,16%, tandis qu'AMDF a réalisé des marges nettes négatives entre 23,48 % et 33,96 % sur la même période. Les résultats globaux de la société AMDF étant déficitaires, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la branche " Laboratoires " aurait dû être exclue de cette étude. Par ailleurs, l'administration a sélectionné des entreprises actives, créées avant 2005 et ne pouvant plus être considérées, au même titre que la société AMDF, comme en phase de pénétration du marché et exerçant une activité similaire de commerce de gros via des critères tels que " laboratoire ", " diagnostic " et " médical " et portant principalement sur la distribution de produits, les entreprises ayant une activité de production, d'exportation ou de prestations de services trop importante ayant été exclues du panel. Ces entreprises étaient indépendantes sur les exercices vérifiés, y compris les sociétés Jasco et Pari Pulmoned, elles exerçaient dans le même secteur des activités comparables, sans être nécessairement strictement identiques et visaient le même type de public de sorte que la société requérante n'est pas non plus fondée à soutenir que les entreprises choisies n'auraient pas été comparables ou indépendantes. 10. Il résulte de tout ce qui précède que l'administration, qui, contrairement à ce qui est soutenu, ne se fonde pas sur la seule situation déficitaire de la société AMDF et ne peut être regardée comme s'étant immiscée de manière infondée dans la gestion de cette dernière, apporte la preuve qui lui incombe de l'existence de pratiques entrant dans le champ des dispositions de l'article 57 du code général des impôts et consistant en un transfert de bénéfices, d'une part, au profit de la société AMFI qui a procédé à des majorations des prix d'achat des produits de la gamme G-IHCO, et d'autre part au profit de Menarini IFR, concernant des dépenses importantes supportées par la société requérante au profit du groupe sans contreparties équivalentes. En ce qui concerne la détermination de la rémunération de pleine concurrence : 11. Il résulte de l'instruction que, pour procéder à la réintégration dans les bénéfices imposables des années 2011 à 2013 de la rémunération que la société AMDF aurait dû percevoir, l'administration a retenu deux méthodes de calcul. S'agissant des prix d'achat majorés sur la gamme G-IHCO, la méthode dite " du prix comparable sur le marché libre " a été utilisée pour réévaluer, en se basant plus précisément sur la gamme G-ECCH qui est la seule gamme de produits acquise auprès de la société AMDI et de fournisseurs tiers. Le taux de marge brute moyen réalisé sur cette gamme ressortant à 40,54 % sur la période 2007-2013, les prix des achats de marchandises de la société AMDF auprès de la société AMDI pour la gamme G-IHCO ont été ajustés en conséquence. L'administration a également appliqué la méthode transactionnelle de la marge nette pour calculer la juste rémunération globale de la société distributrice, en se basant sur une comparaison avec le panel de sociétés indépendantes. Elle a retenu comme taux la médiane de pleine concurrence du panel correspondant à des taux de marge nette de 3,60 % pour la période 2007-2011 et de 2,18 % pour la période 2012-2013. L'application de cette méthode a enfin été circonscrite par défalcation des résultats retenus au titre de l'application de la première méthode pour éviter une double imposition. 12. En premier lieu, s'agissant de l'application de la méthode du prix comparable, la société requérante critique la référence unique, à savoir la gamme de produits G-ECCH, à laquelle l'administration a recouru et qui, selon elle, ne représente pas un échantillon représentatif du marché pertinent permettant d'opérer une distribution statistique satisfaisante en application des préconisations de l'Organisation de coopération et de développement économiques. Elle ajoute que l'administration n'a procédé à aucune analyse des facteurs de comparabilité en termes de produits, de volumes, d'analyse fonctionnelle et de marché et à aucun ajustement pour pallier le défaut de comparabilité alors que les spécificités des gammes G-ECCH et G-IHCO sont différentes. Toutefois, il est constant que l'administration a recouru au seul comparable interne correspondant à des produits acquis directement par la société auprès de fournisseurs tiers. En outre, il résulte de l'instruction que ces deux gammes de produits s'adressent à la même clientèle, dans le même secteur d'activité, que la gamme des produits G-IHCO représente une part de chiffre d'affaires au sein de la gamme G qui est suffisamment représentative, que la seule circonstance qu'il n'existe qu'une gamme de produits comparable ne la rend pas moins fiable en tant que telle et que la société requérante ne mentionne, par ailleurs, pas les ajustements qu'il serait opportun de réaliser. Enfin, la circonstance qu'un autre produit de la gamme, non acquis directement auprès d'un tiers et représentant une part très marginale du chiffre d'affaires, génère une marge brute moyenne inférieure à celle de la gamme G-IHCO n'est pas de nature à remettre en cause le bien-fondé de la méthode employée par l'administration. 13. En deuxième lieu, s'agissant de l'application de la méthode transactionnelle de la marge nette, la société AMDF fait tout d'abord valoir que l'administration ne remet pas valablement en cause la méthode utilisée du prix de revente, qui a été validée par un cabinet indépendant et qui est préconisée par l'Organisation de coopération et de développement économiques. Il résulte toutefois de l'instruction que la méthode du prix de revente, qui est certes préconisée par l'Organisation de coopération et de développement économiques, n'est néanmoins pertinente que lorsque la marge permet de couvrir les frais de vente. Or, en l'espèce, cette marge est très faible voire négative et en tout état de cause, la société AMDF n'a pas fourni les contrats de commercialisation conclus au niveau du groupe afin d'étudier la répartition des coûts et des marges réalisés. À l'inverse, la méthode transactionnelle qui s'applique au niveau de la marge nette plutôt qu'à celui de la marge brute tient compte de l'ensemble des charges supportées par la société et permet ainsi d'examiner la rémunération globale de l'entreprise au regard des fonctions qu'elle assume et de l'intégralité de l'activité opérationnelle. Après avoir analysé les fonctions de distributeur de la société AMDF, l'administration pouvait valablement retenir le panel de sociétés comparables exerçant sur un marché similaire pour opérer une comparaison des marges nettes sur l'ensemble des activités de la société AMDF. Si comme le soutient la société requérante, certaines des entreprises du panel ont des chiffres d'affaires moindres ou au contraires plus élevés que le sien, il ne résulte pas de l'instruction que compte tenu des taux de marge nette comparés, leur prise en compte lui serait défavorable. En outre, si les deux sociétés ayant l'activité la plus éloignée de la requérante étaient exclues du panel, la médiane recalculée serait supérieure et serait donc défavorable à la société requérante. Enfin, la société requérante ne présente aucune alternative, se bornant à soutenir qu'aucun comparable externe n'est mobilisable. Par suite, la société AMDF n'est pas fondée à remettre en cause le bien-fondé de la méthode transactionnelle de la marge nette. 14. En dernier lieu, la société requérante demande à la Cour, à titre subsidiaire, qu'au lieu de la médiane qui a été retenue par l'administration pour déterminer l'intervalle de pleine concurrence, qui constitue la fourchette de prix acceptable, soit appliqué l'intervalle interquartile bas pour le calcul des rehaussements résultant de l'application de la méthode de la marge transactionnelle de la marge nette. Toutefois, d'une part l'administration a comparé la marge nette de la société avec la médiane interquartile du panel, éliminant ainsi les valeurs extrêmes et les risques d'erreur, et a retenu deux périodes différentes afin de tenir compte des difficultés conjoncturelles invoquées par la société. D'autre part, et en tout état de cause, la société ne justifie pas que l'application d'un intervalle interquartile bas serait plus appropriée pour le calcul des rehaussements. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de retenir l'intervalle interquartile bas pour le calcul desdits rehaussements. 15. Il résulte de tout ce qui précède que la société AMDF n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Sa requête doit dès lors être rejetée, y compris ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DECIDE : Article 1er : La requête de la société Menarini Diagnostics France est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SASU Menarini Diagnostics France et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Ile-de-France (division juridique). Délibéré après l'audience du 8 novembre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Topin, présidente, - M. Magnard, premier conseiller, - Mme Fullana, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 novembre 2023. La rapporteure, M. FULLANA La présidente, E. TOPIN Le greffier, C. MONGIS La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 21PA06233 |
CETATEXT000048452236 | J1_L_2023_11_00022PA00292 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/22/CETATEXT000048452236.xml | Texte | CAA de PARIS, 8ème chambre, 20/11/2023, 22PA00292, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-20 00:00:00 | CAA de PARIS | 22PA00292 | 8ème chambre | plein contentieux | C | Mme MENASSEYRE | TSOUDEROS | Mme Aude COLLET | Mme BERNARD | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme E... D... et Mme B... F... ont demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) à leur verser la somme de 5 000 euros et de 15 000 euros chacune au titre de l'indemnisation de leur préjudice moral et d'affection, de 8 263,06 euros au titre des frais funéraires et de 3 000 euros au titre des souffrances endurées par Mme A... C... du fait de sa prise en charge par les services de l'hôpital Sainte-Périne. Par jugement n° 2102908/6-3 du 19 novembre 2021, le tribunal administratif de Paris a condamné l'AP-HP à verser à Mme D... et à Mme F... la somme totale de 5 653 euros en réparation des préjudices subis par leur mère et la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire enregistrés les 19 janvier et 20 juin 2022, l'AP-HP, représentée par Me Tsouderos, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2102908 du 19 novembre 2021 du tribunal administratif de Paris ; 2°) de rejeter la requête de première instance de Mme D... et Mme F.... Elle soutient que : - le lien de causalité entre l'irrégularité de l'alimentation de la patiente durant la période de confinement et le décès de Mme C... n'est pas établi ; - son état de santé était très précaire et son état physique a pu se dégrader du seul fait du retentissement psychique lié à la circonstance qu'à compter du début du confinement, elle n'a plus vu aucun membre de sa famille ; - c'est à tort que le tribunal a estimé que sa responsabilité était engagée alors que le personnel du service ne pouvait nullement pallier l'impossibilité pour les proches de Mme C... de continuer à apporter à celle-ci des repas qu'elle affectionnait, ni se substituer à eux pour obtenir de la patiente qu'elle s'alimente correctement ; - les établissements de santé se sont trouvés confrontés à une situation exceptionnelle avec la crise sanitaire due au coronavirus, qui a impliqué une adaptabilité et une très forte mobilisation des soignants et la suspension des visites imposée à compter du 11 mars 2020 par le gouvernement durant la première vague de pandémie ce qui a eu un retentissement sur les patients mais il serait injuste d'en faire supporter les conséquences néfastes sur le service public hospitalier. Par ordonnance du 7 mars 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 23 juin 2022. Par une ordonnance du 22 juin 2022, le report de la clôture d'instruction a été fixée au 9 septembre 2022. Par un courrier du 14 mars 2023, Mme D... et Mme F... ont été mises en demeure de produire des observations en défense. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de la santé publique, - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Collet, - et les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. Mme A... C..., née le 6 décembre 1933, a été hospitalisée à partir du 27 juillet 2018 en unité de soins de longue durée au sein de l'hôpital Sainte-Périne, dépendant de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris en raison d'une perte d'autonomie due à une maladie de Parkinson évoluée avec dénutrition sévère. Une prise en charge diététique a été mise en place, permettant à la patiente de reprendre plus de cinq kilos durant son séjour dans cet établissement. Mme C... est décédée le 5 avril 2020, soit pendant la période du premier confinement lié à la pandémie de covid 19. Par courrier du 14 octobre 2020, Mme D... et Mme F..., filles de Mme C..., ont adressé une demande préalable d'indemnisation à l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) laquelle leur a opposé une décision implicite de rejet. Par jugement n°2102908 du 19 novembre 2021, dont l'AP-HP relève appel, le tribunal administratif de Paris a condamné l'AP-HP à verser à Mme D... et à Mme F..., conjointement, la somme totale de 5 653 euros en réparation des préjudices résultant tant pour leur mère que pour elles-mêmes de la désorganisation fautive du service et la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. 2. Aux termes des dispositions l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. ". 3. Il résulte de l'instruction que Mme C..., âgée de 86 ans au moment de son décès, était prise en charge depuis 20 mois au sein de l'établissement de santé Sainte-Périne et que, alors qu'elle avait un poids de 41,9 kilogrammes à son arrivée au sein de l'hôpital, dans un contexte de perte d'autonomie sur maladie de Parkinson évoluée avec troubles cognitifs et dénutrition sévères et troubles de la déglutition, le dernier relevé de poids effectué le 4 mars 2020 atteignait 46,40 kilogrammes. Son décès le 5 avril 2020 a été considéré comme étant survenu " sans pathologie intercurrente notable ". Par ailleurs, il ressort du compte-rendu d'hospitalisation que son entourage assurait une présence quasi quotidienne à ses côtés notamment autour des repas pour l'accompagner dans son alimentation et que durant la période de confinement et d'interdiction des visites, Mme D... a continué à apporter pour sa mère des déjeuners qu'elle déposait à l'accueil. Si l'hôpital Sainte-Périne indique que " la prise alimentaire était irrégulière " il précise avoir essayé de suppléer à la présence de la fille de Mme C... pendant les repas, et des contacts téléphoniques ont été organisés avec sa fille pour essayer de pallier l'absence de visites. Le compte-rendu ajoute que si le processus médical ayant conduit au décès de Mme C... n'a pas été clairement identifié, il est retenu qu'il est " très vraisemblable que le contexte inédit pour tous de l'épidémie et de la suspension des visites à l'hôpital, a eu un retentissement tant sur l'état de santé physique et psychique de Mme C..., que sur la disponibilité des équipes à reconsidérer sa prise en charge dans ce contexte ". Il ressort toutefois du même compte-rendu que le décès s'inscrit dans un processus pathologique caractérisé par une maladie de Parkinson très évoluée avec un état grabataire, une dénutrition sévère et des difficultés d'alimentation très importante, et qu'il ne saurait être exclu qu'une infection à covid asymptomatique ait eu lieu dans les jours précédant le décès. 4. Au vu de ces éléments, et alors que la cause du décès de Mme C... n'est pas établie, la seule circonstance qu'il soit survenu dans le mois qui a suivi les mesures de confinement interdisant le déplacement de toute personne hors de son domicile ne saurait suffire à démontrer qu'il serait imputable à une carence dans la prise en charge de la patiente par l'établissement hospitalier. Si les pièces du dossier font apparaître que l'accompagnement quotidien que ses filles assuraient auprès de Mme C... au moment de la prise de repas était devenu impossible du fait de ces mesures, et que cette rupture a inévitablement été préjudiciable à l'intéressée, ces éléments ne permettent pas de caractériser l'existence d'une faute qui aurait été commise dans l'organisation du service de l'hôpital Sainte-Périne et qui pourrait être regardée comme étant à l'origine du décès de Mme C... survenu le 5 avril 2020, alors que les établissements de santé devaient faire face à une situation exceptionnelle et inédite, sollicitant l'adaptabilité et une très forte mobilisation des soignants. 5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité de jugement, que l'AP-HP est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, elle a été condamnée à verser à Mme D... et à Mme F... la somme totale de 5 653 euros en réparation des préjudices subis par leur mère et la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il s'ensuit que, d'une part, le jugement attaqué doit être annulé et, d'autre part, dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel les conclusions indemnitaires de Mme E... D... et Mme B... F... présentées en première instance doivent être rejetées en l'absence de faute établie dans la prise en charge, par les services de l'hôpital Sainte-Périne, de leur mère, Mme C..., de nature à engager la responsabilité de l'AP-HP. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n° 2102908 du 19 novembre 2021 du tribunal administratif de Paris est annulé. Article 2 : Les conclusions de la demande présentées par Mme D... et Mme F... devant le tribunal administratif de Paris sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris, à Mme E... D... et à Mme B... F.... Délibéré après l'audience du 20 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Menasseyre, présidente, - Mme Jayer, première conseillère, - Mme Collet, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 novembre 2023. La rapporteure, A. COLLET La présidente, A. MENASSEYRE Le greffier, P. TISSERAND La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22PA00292 |
CETATEXT000048452237 | J1_L_2023_11_00022PA01658 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/22/CETATEXT000048452237.xml | Texte | CAA de PARIS, 8ème chambre, 20/11/2023, 22PA01658, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-20 00:00:00 | CAA de PARIS | 22PA01658 | 8ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme MENASSEYRE | ICARD | Mme Marie-Dominique JAYER | Mme BERNARD | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au Conseil d'Etat, qui a transmis sa requête au tribunal administratif de Paris par ordonnance du 15 juillet 2021, d'annuler la décision du 13 novembre 2020 par laquelle le garde des Sceaux, ministre de la justice a rejeté sa demande de nomination en qualité de notaire dans un office à créer à la résidence de Quiberon, Chantemerle-sur-la-Soie, Cognac, Olonne-sur-Mer, Saint-Gilles-Croix-de-Vie, Andernos-les-Bains, Arcachon, Pau, Vieux-Boucau-les-Bains, Cauterets, Saint-Jean-le-Vieux, Poullan-sur-Mer, La Turballe, Talmont-sur-Gironde, Sainte-Marie-de-Ré ou Tonnay-Boutonne, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux formé le 2 février 2021. Par une ordonnance n° 2115695/6-2 du 26 août 2021, la vice-présidente de la 6ème section du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire additionnel enregistrés les 11 avril 2022 et 24 juillet 2022, M. B... représentée par Me Icard, demande à la cour : 1°) d'annuler l'ordonnance n° 2115695 du 26 août 2021 de la vice-présidente de la 6ème section du tribunal administratif de Paris ; 2°) d'annuler la décision du 13 novembre 2020 du garde des Sceaux, ministre de la justice ; 3°) d'enjoindre au garde des Sceaux, ministre de la justice de procéder au réexamen de sa demande sous astreinte de cinq cents euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - ses recours en première instance et en appel sont recevables ; - l'ordonnance attaquée est irrégulière, ne pouvait être prise au motif que sa demande était irrecevable, dès lors qu'une demande de régularisation aurait dû lui être adressée et qu'il a pu valablement motiver sa demande par référence à la lettre adressée le 5 octobre 2020 ; - la décision attaquée est entachée d'une inexacte qualification juridique de sa situation dès lors qu'il remplit les critères d'honorabilité exigés par l'article 3 du décret n° 73-609 du 5 juillet 1973 ; - elle est également entachée d'une erreur de fait ; - elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que le ministre de la justice ne pouvait pas porter une appréciation entre les demandeurs remplissant les conditions générales d'aptitude, lesquels disposent, en vertu de la loi, d'un égal droit à être nommé. Par un mémoire en défense enregistré le 11 octobre 2022, le garde des Sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête. Il soutient, à titre principal, que l'ordonnance attaquée est régulière et, à titre subsidiaire, que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 12 octobre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 28 octobre 2022 à 12 heures. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 ; - le décret n° 73-609 du 5 juillet 1973 ; - le décret n° 2016-661 du 20 mai 2016 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Jayer, - les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique. Considérant ce qui sut : 1. Le 1er février 2019, à la suite de la publication par un arrêté du 3 décembre 2018 du garde des Sceaux, ministre de la justice d'une carte d'offices de notaires créés, M. B... a candidaté en vue de sa nomination dans l'un de seize d'entre eux. Sa candidature aux fins de nomination en qualité de titulaire de l'office notarial créé à la résidence de Rochefort a été tirée au sort en rang utile. Le 28 août 2020, le chef du bureau de gestion des officiers ministériels de la direction des affaires civiles et du sceau l'a informé qu'une décision de rejet de sa candidature était envisagée compte tenu de son comportement au sein d'un autre office ayant donné lieu à un jugement du 5 février 2013 du tribunal de grande instance de Saintes confirmé par un arrêt du 20 février 2014 de la cour d'appel de Poitiers, faisant état de manquements répétés de sa part à ses obligations professionnelles, révélant son inaptitude à exercer de façon normale ses fonctions et portant atteinte aux intérêts de ses clients. Un manquement à l'obligation d'honorabilité exigée par l'article 3 du décret n° 73-609 du 5 juillet 1973 relatif à la formation professionnelle dans le notariat et aux conditions d'accès aux fonctions de notaire a été, en outre, regardé comme caractérisé et comme faisant obstacle à sa nomination en qualité de titulaire d'un office notarial. Invité à présenter des observations, M. B... a adressé un courrier au bureau de gestion des officiers ministériels le 5 octobre suivant. Le 13 novembre 2020, ses demandes de nomination ont été rejetées par le garde des Sceaux, ministre de la justice. Le recours gracieux dirigé contre ce refus ayant été implicitement rejeté, M. B... a saisi le Conseil d'Etat d'une demande d'annulation des décisions du 13 novembre 2020 et portant rejet de recours gracieux. Cette demande a été transmise au tribunal administratif de Paris par ordonnance du 15 juillet 2021 du président de la section du contentieux du Conseil d'Etat. M. B... relève appel de l'ordonnance du 26 août 2021 par laquelle la vice-présidente de la 6ème section du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande comme irrecevable. Sur la régularité de l'ordonnance attaquée : 2. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " (...) les présidents de formation de jugement des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance : (...) 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens ; / (...) 7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. ". Aux termes de l'article R. 411-1 du même code : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours ". 3. Les dispositions du 7° de l'article R. 222-1 précité permettent ainsi le rejet par ordonnance, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé après la production de ce mémoire, des requêtes qui, bien qu'assorties, avant l'expiration du délai de recours, d'un ou plusieurs moyens, ne peuvent qu'être rejetées, dès lors qu'il est manifeste qu'aucun des moyens qu'elles comportent n'est assorti des précisions permettant au juge d'en apprécier le bien-fondé. Une ordonnance rejetant une requête sur ce fondement, à la différence d'une ordonnance prise en vertu de l'article R. 411-1, la rejette comme non fondée et non comme irrecevable. 4. Il ressort des pièces du dossier que la requête adressée par le requérant au tribunal renvoyait aux observations de l'intéressé du 5 octobre 2020 faisant état de ce qu'il n'avait pas été sanctionné, de ce que les juges judiciaires avaient relevé son honnêteté et sa compétence mais nul manquement de sa part à ses obligations d'honneur et de probité. Toutefois, un requérant ne pouvant utilement critiquer une décision administrative en se bornant à renvoyer le juge aux écritures qu'il a présentées lors de la procédure contradictoire préalable à son adoption, une telle argumentation était inopérante ainsi que l'a d'ailleurs relevé le premier juge. Cependant, dès lors qu'une argumentation, même inopérante, était invoquée, la requête ne pouvait être regardée comme ne contenant l'exposé d'aucun moyen et, dès lors, irrecevable. Par suite, si la vice-présidente de la 6ème section du tribunal administratif de Paris aurait pu rejeter la requête, comme non fondée, sur le fondement du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, elle ne pouvait la rejeter comme irrecevable, sur celui du 4° du même article. Par suite, le requérant est, pour ce motif, fondé à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée. 5. Il y a lieu pour la cour de statuer immédiatement par la voie de l'évocation sur la demande de M. B.... Sur les conclusions aux fins d'annulation : 6. Il ressort des pièces du dossier, qu'en cause d'appel, au soutien de ses conclusions aux fins d'annulation de la décision litigieuse, M. B... invoque, en les assortissant désormais de précisons suffisantes, les moyens tirés de l'erreur de fait, de l'erreur de droit et de l'inexacte qualification juridique de sa situation au regard des critères d'honorabilité exigés par l'article 3 du décret n° 73-609 du 5 juillet 1973. 7. Aux termes de l'article 52 de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques : " I. - Les notaires (...) peuvent librement s'installer dans les zones où l'implantation d'offices apparaît utile pour renforcer la proximité ou l'offre de services. / Ces zones sont déterminées par une carte établie conjointement par les ministres de la justice et de l'économie, sur proposition de l'Autorité de la concurrence en application de l'article L. 462-4-1 du code de commerce. (...) / A cet effet, cette carte identifie les secteurs dans lesquels, pour renforcer la proximité ou l'offre de services, la création de nouveaux offices de notaire (...) apparaît utile. / (...) / II. Dans les zones mentionnées au I, lorsque le demandeur remplit les conditions de nationalité, d'aptitude, d'honorabilité, d'expérience et d'assurance requises pour être nommé en qualité de notaire (...), le ministre de la justice le nomme titulaire de l'office de notaire (...) créé. Un décret précise les conditions d'application du présent alinéa. ". Il résulte de ces dispositions qu'un notaire dont la candidature à nomination en tant que titulaire dans un office créé a été retenue conformément aux dispositions du décret du 20 mai 2016 relatif aux officiers publics et ministériels, dispose d'un droit à être nommé, sous réserve de souscrire aux conditions tenant notamment à l'honorabilité. 8. Aux termes de l'article 3 du décret du 5 juillet 1973 relatif à la formation professionnelle dans le notariat et aux conditions d'accès aux fonctions de notaire : " Nul ne peut être nommé notaire s'il ne remplit les conditions suivantes : (...) 2° N'avoir pas été l'auteur de faits contraires à l'honneur et à la probité (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article 49 du même décret : " Peuvent demander leur nomination sur un office à créer les personnes qui remplissent les conditions générales d'aptitude aux fonctions de notaire ". 9. Lorsqu'il vérifie le respect, par un candidat à nomination en qualité de titulaire d'un office notarial, de la condition tenant au fait de n'avoir pas été l'auteur de faits contraires à l'honneur et à la probité, il appartient ainsi au ministre de la justice d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si l'intéressé a commis des faits contraires à l'honneur et à la probité qui sont, compte tenu notamment de leur nature, de leur gravité, de leur ancienneté ainsi que du comportement postérieur de l'intéressé, susceptibles de justifier légalement un refus de nomination. 10. Il ressort des pièces du dossier qu'une procédure aux fins de démission d'office de M. B..., alors unique associé d'une société titulaire d'un office de notaire, a été mise en œuvre par le garde des Sceaux, ministre de la justice à compter du 17 octobre 2014. Cette procédure a été diligentée en conséquence d'un jugement du 5 février 2013, confirmé par arrêt de la cour d'appel de Poitiers du 20 février 2014, par lequel le tribunal de grande instance de Saintes, se fondant notamment sur un rapport d'inspection de la chambre des notaires de la Charente-Maritime pour l'année 2012, a constaté l'inaptitude de l'officier public ministériel à assurer l'exercice normal de ses fonctions. La matérialité des faits opposés à l'intéressé par le garde des Sceaux, ministre de la justice avait également été regardée comme établie par la cour d'appel de Poitiers dans un précédent arrêt du 4 juillet 2013. Il résulte notamment de ces décisions du juge judiciaire qu'en percevant de manière injustifiée des émoluments de formalités et d'honoraires, en ne respectant pas des règles concernant l'exécution de formalités de dépôts des actes à la conservation des hypothèques -service de publicité foncière- à l'enregistrement, en étant déficient dans la gestion des comptes clients créditeurs et en ayant donné des procurations à son épouse au mépris des règles légales d'interdiction d'instrumenter, M. B... a manqué à ses obligations professionnelles et a porté atteinte aux intérêts de ses clients en conduisant son étude en état virtuel de cessation de paiement. Des comptes rendus d'inspection ont par ailleurs révélé que plus d'une centaine de clients de l'étude s'était plainte auprès des instances ordinales de carences et de manque de diligence de la part de M. B... dans le règlement de successions, avec parfois pour conséquence des pénalités infligées aux clients de l'étude par l'administration fiscale. De tels manquements ont perduré. Il résulte ainsi clairement des pièces du dossier que, si la procédure de démission d'office initiée fin 2014 n'a pas abouti, c'est au seul motif que dans ce contexte, le requérant avait demandé au garde des Sceaux son retrait de la société titulaire de l'office au sein duquel il exerçait, retrait qui a été accepté par arrêté du 25 novembre 2015. Il s'en infère que, M. B... pouvait être regardé comme ne présentant plus les garanties d'aptitude nécessaires au fonctionnement normal d'un office de notaire et ayant manqué à ses obligations professionnelles et déontologiques d'honneur et de probité, ce quand bien même aucune sanction disciplinaire n'a en définitive prononcée. Dès lors, c'est sans commettre d'erreur de fait, de droit, de qualification juridique et d'appréciation des faits que le garde des Sceaux, ministre de la justice a refusé de le nommer dans l'office créé à la résidence de Rochefort. 11. Il résulte de ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 13 novembre 2020 du garde des Sceaux, ministre de la justice. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles portant sur les frais liés au litige ne peuvent qu'être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : L'ordonnance n° 2115695 du 26 août 2021 de la vice-présidente de la 6ème section du tribunal administratif de Paris est annulée. Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Paris et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au garde des Sceaux, ministre de la justice. Délibéré après l'audience du 20 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Anne Menasseyre, présidente, - Mme Jayer, première conseillère, - Mme Larsonnier, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 novembre 2023. La rapporteure, M-D JAYERLa présidente, A. MENASSEYRE Le greffier, P. TISSERAND La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22PA01658 |
CETATEXT000048452238 | J1_L_2023_11_00022PA01858 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/22/CETATEXT000048452238.xml | Texte | CAA de PARIS, 2ème chambre, 22/11/2023, 22PA01858, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-22 00:00:00 | CAA de PARIS | 22PA01858 | 2ème chambre | plein contentieux | C | Mme TOPIN | SCP AYACHE, SALAMA ET ASSOCIES | Mme Emmanuelle TOPIN | M. SEGRETAIN | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler les décisions des 18 novembre 2019 et 27 décembre 2019 par lesquelles le comptable des finances publiques, responsable du pôle de recouvrement spécialisé parisien 2, a refusé de réaffecter la somme de 211 532,39 euros au paiement d'impositions devenues exigibles au titre des années 2009 et 2010. Par un jugement n° 2002774/2-2 du 21 février 2022, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée le 22 avril 2022, M. A... représenté par Me Jacques Messeca et Me Albane Renard, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du 21 février 2022 du Tribunal administratif de Paris ; 2°) de prononcer l'annulation des décisions sollicitée devant ce tribunal ; 3°) de confirmer l'injonction de réaffectation de la somme de 211 532,39 euros, ou, à titre subsidiaire, de 163 960,51 euros, au paiement des impositions dues au titre des années 2009 et 2010, ou à défaut de prononcer le remboursement de cette somme assortie des intérêts moratoires ; 4°) de confirmer l'injonction de rembourser la différence entre la somme de 211 532,39 euros ou à défaut de 163 960,51 euros, et le montant des acomptes déjà payés au jour de l'ordonnance au titre des rehaussements d'impôts pour les années 2009 et 2010 ; 5°) de confirmer l'injonction de mainlevée des hypothèques légales afférentes à la dette relative aux impositions 2009 et 2010 ; 6°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le jugement attaqué est entaché d'erreurs de droit et d'erreurs manifestes d'appréciations ; - les actes de poursuite concernant le paiement des rehaussements d'imposition au titre des années 2009 et 2010 portent atteinte à ses intérêts et droits fondamentaux ; - les sommes recouvrées au titre de l'année 2012 doivent être restituées en application de l'article R. 277-3-1 du livre des procédures fiscales ; - l'administration n'avait pas le pouvoir de refuser discrétionnairement la réaffectation sollicitée. Par un mémoire en défense enregistré le 5 juillet 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête. Il soutient que : - les conclusions à fin d'annulation sont irrecevables ; - les conclusions à fin d'injonction sont irrecevables ; - les conclusions à fin de mainlevée des hypothèques sont présentées devant une juridiction incompétente pour en connaître ; - les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 7 décembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 3 janvier 2023. Par un courrier du 5 septembre 2023, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir est susceptible d'être fondé sur le moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions à fin d'annulation des décisions des 18 novembre 2019 et 27 décembre 2019, qui doivent être regardées comme tendant à la décharge de l'obligation de payer la somme de 163 960,51 euros, en raison de la présentation de la réclamation préalable après l'expiration du délai de deux mois fixé à l'article R.* 281-3-1 du livre des procédures fiscales ou du délai raisonnable, qui ne saurait en principe excéder un an, courant à compter de la date à laquelle l'acte de poursuite a été notifié au requérant. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ; - le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Topin, - et les conclusions de M. Segretain, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. et Mme A... ont fait l'objet d'un examen contradictoire de leur situation fiscale à l'issue duquel des rehaussements d'impositions sur le revenu et de cotisations sociales au titre des années 2009 et 2010 ont été mis en recouvrement. L'administration a poursuivi le recouvrement de ces impositions après le jugement du 13 mars 2018 du Tribunal administratif de Paris rejetant leur recours tendant à leur décharge. A la suite d'un autre examen contradictoire de leur situation fiscale, l'administration a mis en recouvrement des impositions supplémentaires à l'impôt sur le revenu, aux cotisations sociales et à la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus au titre des années 2011 et 2012. L'administration a procédé par un avis à tiers détenteur du 3 novembre 2015 à la saisie d'une assurance vie pour un montant de 163 951,63 euros. M. et Mme A... ont par un courrier du 8 décembre 2015 sollicité la décharge de ces impositions au titre de 2011 et 2012 et sollicité le sursis de paiement. Par un courrier du 11 avril 2019, ils ont demandé à l'administration de réaffecter les sommes saisies au titre du paiement de ces impositions aux sommes dues au titre des impositions supplémentaires mises à leur charge au titre des années 2009 et 2010. L'administration a refusé de faire droit à cette demande pour le montant saisi sur l'assurance vie par l'avis à tiers détenteur du 3 novembre 2015. Les contribuables ont réitéré leur demande par des lettres du 18 septembre et 11 décembre 2019, qui a été rejetée par des courriers des 18 novembre et 27 décembre 2019. Par un jugement du 21 février 2022, dont M. A... relève appel, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à l'annulation des décisions rejetant leur demande de réaffectation. 2. En premier lieu, M. A... doit être regardé, au regard de ses conclusions et des moyens à leur appui, comme demandant à être déchargé de l'obligation de payer la somme de 163 951,63 euros que l'administration a saisie par l'avis à tiers détenteur du 3 novembre 2015 en vue du paiement des impositions supplémentaires au titre de l'année 2012. 3. En second lieu, en vertu de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales, les contestations relatives au recouvrement des impôts, taxes, redevances et sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables publics doivent être adressées à l'administration dont dépend le comptable qui exerce les poursuites. Selon l'article R. 281-3-1 du même livre, les réclamations préalables doivent, sous peine d'irrecevabilité, être présentées à l'administration dans un délai de deux mois à partir de la notification de tout acte de poursuite si le motif invoqué porte sur l'obligation de payer ou le montant de la dette ou du premier acte de poursuite permettant d'invoquer tout autre motif. Si la notification de la décision ne comporte pas les mentions prévues par l'article R. 421-5 du code de justice administrative ou si la preuve de la notification de cette décision n'est pas établie, le contribuable doit adresser sa réclamation dans un délai raisonnable à compter de la date à laquelle l'acte de poursuite lui a été notifié ou de celle à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance. Sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le contribuable, ce délai ne saurait excéder un an. 4. Aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ". Aux termes de l'article 117 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : " Les titres de perception émis en application de l'article L. 252 A du livre des procédures fiscales peuvent faire l'objet de la part des redevables (...) d'une opposition à l'exécution en cas de contestation de l'existence de la créance, de son montant ou de son exigibilité (...) ". Aux termes de l'article 118 de ce même décret : " Avant de saisir la juridiction compétente, le redevable doit adresser une réclamation appuyée de toutes justifications utiles au comptable chargé du recouvrement de l'ordre de recouvrer. / La réclamation doit être déposée, sous peine de nullité (...) En cas d'opposition à l'exécution d'un titre de perception, dans les deux mois qui suivent la notification de ce titre ou du premier acte de poursuite qui procède du titre en cause (...). / L'autorité compétente délivre un reçu de la réclamation, précisant la date de réception de cette réclamation. Elle statue dans un délai de six mois (...). A défaut d'une décision notifiée dans ces délais, la réclamation est considérée comme rejetée. ". Aux termes de l'article 119 de ce décret : " Le débiteur peut saisir la juridiction compétente dans un délai de deux mois à compter de la date de notification de la décision prise sur sa réclamation ou, à défaut de cette notification, dans un délai de deux mois à compter de la date d'expiration des délais prévus à l'article 118. ". Il résulte de ces dispositions qu'en l'absence d'accusé de réception comportant les mentions prévues par ces dernières dispositions, les délais de recours contentieux contre une décision implicite de rejet ne sont, en principe, pas opposables à son destinataire. 5. Le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance. 6. Il résulte de l'instruction que l'avis à tiers détenteur du 3 novembre 2015, qui avait pour objet de recouvrer les impositions supplémentaires au titre de 2012 et dont la copie produite au dossier ne mentionne pas les voies et délais de recours, a été notifié à M. et Mme A... le 7 novembre 2015 et que ces derniers ont formé, pour la première fois, par une lettre du 11 avril 2019 une demande de réaffectation de la somme saisie par cet avis au titre des impositions dues en 2012 sur les sommes dues au titres des impositions des années 2009 et 2010. Cette réclamation, qui visait à contester l'obligation de payer les suppléments d'imposition mis à leur charge au titre de 2012, objet de l'avis, a ainsi été formée au-delà du délai raisonnable d'un an. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les fins de non-recevoir opposées par le ministre, les conclusions à fin de décharge de l'obligation de payer doivent être rejetées ainsi que par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DECIDE : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris. Délibéré après l'audience du 8 novembre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Topin, présidente, - M. Magnard, premier conseiller, - Mme Fullana, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 novembre 2023. La présidente-rapporteure, E. TOPINL'assesseur le plus ancien, F. MAGNARD Le greffier, C. MONGIS La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22PA01858 |
CETATEXT000048452239 | J1_L_2023_11_00022PA01904 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/22/CETATEXT000048452239.xml | Texte | CAA de PARIS, 8ème chambre, 20/11/2023, 22PA01904, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-20 00:00:00 | CAA de PARIS | 22PA01904 | 8ème chambre | plein contentieux | C | Mme MENASSEYRE | DE BOISBOISSEL | Mme Aude COLLET | Mme BERNARD | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La SCI du 10 passage Lisa, Mme E... B... et Mme C... D... ont demandé au tribunal administratif de Paris de condamner la ville de Paris à leur verser une indemnité de 115 118,50 euros en réparation du préjudice qu'elles estiment avoir subi en raison des désordres affectant leur cabinet médical situé au 8 bis passage Lisa à Paris 11ème arrondissement. Par jugement n°s 1711208/5-1 et 1902597/5-1 du 11 mars 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire enregistrés les 26 avril et 16 novembre 2022, la SCI du 10 passage Lisa, Mme E... B... et Mme C... D..., représentées par Me de Boisboissel, demandent à la cour dans le dernier état de leurs écritures : 1°) d'annuler le jugement n°s 1711208/5-1 et 1902597/5-1 du 11 mars 2022 du tribunal administratif de Paris en tant que leur demande a été rejetée ; 2°) de condamner, après avoir fixé à 70 % la quote-part de la responsabilité lui incombant, la ville de Paris à verser à la SCI du 10 passage Lisa la somme de 113 100,47 euros en réparation des préjudices subis en raison des désordres affectant le cabinet médical ; 3°) de condamner la ville de Paris à verser à Mmes D... et B... la somme de 10 920 euros en réparation du préjudice subi en raison de ces désordres ; 4°) de mettre à la charge de la ville de Paris à verser à la SCI du 10 passage Lisa la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; 5°) de mettre à la charge de la ville de Paris la somme de 5 729,85 euros au titre des frais d'expertise et 70 % de la facture qui sera émise par le médiateur à verser à la SCI du 10 passage Lisa. Elles soutiennent que : - la responsabilité à hauteur de 70 % de la ville de Paris est engagée sans faute pour les désordres causés au cabinet médical en raison d'un dysfonctionnement de canalisations publiques ; - le lien de causalité direct et certain entre les défaillances des canalisations publiques et la survenance des désordres et de leur aggravation est établi ; - la SCI du 10 passage Lisa est fondée à solliciter la réparation intégrale des préjudices subis au titre des coûts induits par les travaux conservatoires et de remise en état ainsi que les pertes de loyers et les troubles subis ; - Mmes D... et B... sont fondées à solliciter une indemnisation intégrale des préjudices qu'elles ont subis au titre des troubles dans leurs conditions d'existence. Par un mémoire en défense enregistré le 13 octobre 2022, la ville de Paris, représentée par son maire, représenté par Me Phelip, conclut, à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à un partage de responsabilité, et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge solidaire de la SCI du 10 passage Lisa, de Mme B... et de Mme D... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. . Elle soutient que les moyens soulevés par la SCI du 10 passage Lisa, Mme B... et Mme D... ne sont pas fondés et que les constatations de l'expert sont contredites par ses propres constatations, ou procèdent d'erreurs factuelles manifestes, alors que le regard incriminé n'est pas situé sur le domaine public mais dans la cour de la SCI, et que les dommages en cause trouvent leur origine dans les défectuosités de réseaux privatifs, aggravées par l'absence de fondations de l'immeuble et que les prétentions des requérantes sont excessives. Vu les autres pièces du dossier. Vu le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Collet, - les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique, - les observations de Me de Boisboissel, avocat de la SCI du 10 passage Lisa, de Mme B... et de Mme D... ; - et les observations de Me Phelip, avocat de la ville de Paris. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., d'une part, et la société civile immobilière (SCI) du 10 passage Lisa et Mmes D... et B..., d'autre part, sont respectivement propriétaires d'une maison d'habitation et d'un cabinet médical situés au 8 bis et 10 passage Lisa à Paris 11ème arrondissement. Ils ont constaté la présence de plusieurs fissures dans leur propriété mitoyenne et, estimant que ces désordres trouvaient leur origine dans l'écoulement d'eaux pluviales hors des réseaux publics d'évacuation des eaux, ils ont sollicité du juge des référés du tribunal de grande instance de Paris la désignation d'un expert, lequel a rendu son rapport le 10 octobre 2014. Ce dernier a considéré que l'obstruction d'une canalisation et la non étanchéité d'un regard situés tous deux sous la voie publique avaient provoqué des refoulements d'eau importants sur le terrain de la maison de M. A... et du cabinet médical, à l'origine du basculement de l'angle de la maison de M. A... et de l'apparition de nombreuses fissures sur les murs intérieurs et les façades des deux propriétés, et a imputé les dommages en résultant à hauteur de 70 % à la ville de Paris, 25 % à la SCI du 10 passage Lisa et 5 % à M. A.... Par courrier du 4 octobre 2018 reçu le 8 octobre suivant, et qui est demeuré sans réponse, la SCI du 10 passage Lisa et Mmes D... et B... ont demandé à la ville de Paris le versement d'une indemnité en réparation des désordres causés à leur immeuble. Par jugement n°s 1711208 et 1902597 du 11 mars 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande d'indemnisation. La SCI du 10 passage Lisa et Mmes D... et B... doivent être regardées comme relevant appel de ce jugement en tant que leur demande enregistrée sous le n°1902597 a été rejetée et elles sollicitent notamment la condamnation de la ville de Paris à leur verser une indemnité de 113 100,47 euros pour la SCI du 10 passage Lisa et de 10 920 euros pour Mmes D... et B... en réparation des préjudices qu'elles estiment avoir subis en raison des désordres affectant leur cabinet médical situé au 10 passage Lisa. Sur l'action en réparation : 2. Le maître d'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure. Dans le cas d'un dommage causé à un immeuble, la fragilité ou la vulnérabilité de celui-ci ne peuvent être prises en compte pour atténuer la responsabilité du maître de l'ouvrage, sauf lorsqu'elles sont elles-mêmes imputables à une faute de la victime. En dehors de cette hypothèse, de tels éléments ne peuvent être retenus que pour évaluer le montant du préjudice indemnisable. 3. Il résulte de l'instruction que des fissures et un basculement de pignon ont été constatés sur les parties mitoyennes de la maison de M. A... et du cabinet médical de la SCI du 10 passage Lisa. L'expert désigné par le tribunal de grande instance de Paris a conclu dans son rapport rendu le 10 octobre 2014 que les désordres survenus dans les deux immeubles ont pour origine, d'une part, un défaut de fonctionnement de la canalisation publique située entre les deux regards qu'il a dénommés " R et R1 ", situés sous la voie publique, canalisation obstruée par une canette de boisson et par de la terre et, d'autre part, un mauvais état des canalisations privatives des propriétés de la SCI du 10 passage Lisa et de M. A.... Il a considéré que le défaut de fonctionnement de la canalisation publique a obligé les eaux pluviales arrivant au regard public R, dont une paroi était cassée, à trouver un autre chemin en étant refoulées dans le terrain sous la cuisine de M. A... jusqu'au cabinet médical. Ce cheminement des eaux pluviales a ainsi, selon lui, créé une cavité très importante entre les deux immeubles dont une partie des murs de refend se sont trouvés sur un vide auquel se sont ajoutées les arrivées d'eau provenant des canalisations privatives de la SCI du 10 passage Lisa et, dans une moindre mesure, de la canalisation privative de M. A.... Il a imputé les dommages en résultant à hauteur de 70 % à la ville de Paris, 25 % à la SCI du 10 passage Lisa et 5 % à M. A.... . 4. Selon le rapport d'expertise précité, le mauvais état de l'ensemble des canalisations enterrées de la SCI du 10 passage Lisa a contribué à la création de l'affouillement sous la maison de M. A... et d'une fissure circulaire constatée sur la canalisation enterrée sous la cuisine de M. A.... Ainsi, la note de l'expert du 19 juillet 2011 a relevé que dans la propriété de la SCI du 10 passage Lisa, deux canalisations en grès qui conduisent les eaux de la propriété vers le regard R1 sont raccordées sans aucun joint sur les éléments en PVC de ce regard et que le dernier tronçon de la canalisation en grès des eaux usées ne pénètre pas dans l'élément PVC de sorte que ces eaux usées se sont accumulées en partie dans le terrain juste devant le regard R1 ce qui explique l'affaissement de terrain sous les pavés derrière la grille. L'expert a également constaté la présence de deux cassures sur la dernière partie de cette canalisation des eaux usées posée directement sur la terre. Par ailleurs, s'agissant de la canalisation des eaux pluviales, il a relevé l'absence de joint au niveau de la jonction des deux éléments de fonte au niveau du sol, de sorte que les eaux pluviales pouvaient ressortir à cet endroit, et la présence, juste derrière la descente de cette canalisation, d'un fontis important semblant s'étendre sous les deux maisons sur une longueur de 1,60 mètre avec une hauteur du vide mesurée à l'entrée du fontis de 70 centimètres. Les photographies prises par le cabinet Érard en juillet 2011 montrent la présence d'un affouillement d'environ 50 centimètres de hauteur et d'environ 80 centimètres de profondeur sous la descente de la canalisation d'évacuation des eaux pluviales de la SCI du 10 passage Lisa ainsi que la présence de cassures ou de déboîtement total au milieu de la cour s'agissant des autres canalisations du cabinet médical qui fuient car elles sont devenues poreuses et qu'elles sont sectionnées. Ce cabinet a également constaté que la partie devant aller sous la grille et se connecter au réseau public avait disparu et que le siphon de sol ainsi que la canalisation privative étaient totalement obstrués. Ces éléments sont confirmés par le rapport technique du 26 mai 2011 et la note aux parties du 29 septembre 2011 adressée par l'expert, desquels il ressort que les canalisations situées sur les parties privatives n'étaient pas étanches et que ce défaut a conduit à un affouillement très important du terrain à l'origine des désordres constatés sur l'immeuble de M. A.... Il résulte, par ailleurs, s'agissant de la maison de M. A..., du rapport établi le 5 octobre 2011 par la société Lavillaugouet que lorsque la canalisation principale a été mise au jour, même si elle était en bon état, une fissure radiale a été localisée en aval de la culotte de raccordement des différentes vidanges de la cuisine. Les tests d'étanchéité réalisés n'ont montré aucune fuite sur la partie située dans la tranchée mais seulement des ruissellements au niveau des évacuations du WC et du lavabo, le caractère fuyard des canalisations apparentes en charge et la présence d'un suintement au droit du lavabo. Ces éléments permettent d'établir que la partie privative des canalisations de la propriété de la SCI du 10 passage Lisa et celles de M. A... était affectée de défectuosités qui pouvaient être à l'origine des fuites ayant entrainé les désordres litigieux. 5. S'agissant de la zone du regard R, se trouvant à proximité de la maison de M. A..., et du regard R1 situé dans la ruelle, ouvrages publics destinés à l'évacuation des eaux pluviales, l'expert a aussi constaté que la canalisation de départ de ces eaux pluviales du regard R en fonte était obstruée par de la terre et que son raccordement sur la canalisation PVC qui aboutit au regard R1 n'était pas conforme aux règles de l'art de sorte que ces regards et cette canalisation enterrée n'étaient, selon lui, pas étanches. L'expert affirme dans son rapport que les deux parois du regard R situées du côté des deux propriétés étaient soit cassées soit affaissées, constat présent aussi dans le rapport du 26 mai 2011 de la société Lavillaugouet indiquant qu'à l'ouverture du regard de visite, la maçonnerie est affaissée, de l'eau stagne au fond et le départ est vraisemblablement écrasé. Toutefois, dans son rapport du 7 avril 2014 faisant suite à la note de synthèse du 28 janvier 2014, le cabinet Érard, mandaté par la ville de Paris, indique qu'aucune cassure n'a été détectée sur les regards R et R1 en produisant plusieurs photographies prises en juillet 2011 venant étayer ses affirmations. Par ailleurs, l'expert a également relevé dans son rapport l'absence d'affaissement de terrain à l'aplomb du regard des eaux pluviales R alors même que la canalisation en fonte chargée d'évacuer ces eaux était complètement bouchée par de la terre et qu'à son extrémité, elle était obstruée par la présence d'une canette qui était enrobée de terre au niveau du raccordement sans joint avec la canalisation PVC qui rejoint le regard R1. Il en a déduit que les eaux pluviales du regard R ne pouvaient pas poursuivre leur chemin dans les égouts publics par cette canalisation bouchée et qu'elles ont ainsi cherché un autre chemin dans le terrain pour se répandre entre les propriétés du 8 bis et du 10 passage Lisa en passant sous la cuisine de M. A... et en créant un affouillement très important. Cette affirmation est toutefois contredite par le cabinet Érard qui a relevé l'absence de tout désordre de sol autour du regard R, l'absence d'affaissement et e cavité et la présence d'un sol sec, ce qui démontre selon ce rapport le caractère non fuyard de ce regard. Il a noté, par ailleurs, que les eaux de ruissellement et d'écoulement provenant des canalisations du cabinet médical se sont chargées en terre provenant de la SCI du 10 passage Lisa et les ont obstruées sans toutefois empêcher le passage des eaux pluviales du regard R vers le regard R1. Si l'expert indique que l'absence d'eau sous le regard R s'explique par l'existence d'un vide permettant à l'eau " d'aboutir directement au fontis et de poursuivre son chemin au-delà du fontis ", cette affirmation ne permet pas d'expliquer comment, dans ces conditions, le défaut d'étanchéité qu'il impute au regard R peut être à l'origine des affouillements en cause. Le rapport du cabinet Erard relève, par ailleurs, les nombreuses défectuosités des canalisations situées sur le réseau privatif du cabinet médical. Il souligne également la proximité immédiate entre les affouillements et les désordres provoqués par les fuites des réseaux privatifs, et souligne que les regards incriminés sont situés " largement en aval " du lieu des affouillements. Ces objections ne sont pas combattues de façon satisfaisante par le rapport d'expertise auquel se réfèrent les requérantes, lequel indique tout à la fois que les désordres trouvent leur origine dans le refoulement, rendu possible par des ouvertures sur les parois du regard R, des eaux pluviales arrivant au regard R et qui se seraient donc répandues entre les deux propriétés du 8 bis et du 10 passage Lisa, et que la création d'un vide permettant à l'eau d'emprunter un chemin plus direct explique simultanément l'absence d'eau sous le regard R. Au vu de ces éléments, une partie importante des conclusions du rapport de l'expert judiciaire désigné par le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris se trouve contredite par les pièces produites par la ville de Paris. Eu égard à ces contradictions, à l'absence d'explication satisfaisante tenant au mécanisme par lequel l'obstruction du réseau d'évacuation d'eau pluviales, située à distance des habitations, a pu être à l'origine des désordres incriminés, aux incertitudes affectant l'existence et l'étendue des défectuosités affectant le regard R et aux défectuosités avérées des canalisations et de la descente d'eaux pluviales de la SCI du 10 passage Lisa et des canalisations privatives de M. A..., la ville de Paris est fondée à soutenir que l'existence d'un lien de causalité direct entre les désordres survenus dans la propriété de la SCI du 10 passage Lisa et l'existence ou le fonctionnement des ouvrages publics dont elle a la garde n'est pas établie. 6. Il s'ensuit que la SCI du 10 passage Lisa, Mme B... et Mme D... ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a rejeté leurs demandes. Leurs conclusions indemnitaires ainsi que, par voie de conséquence, celles tendant à ce que les frais de médiateur soient mis à la charge de la ville de Paris ne peuvent qu'être rejetées. Sur les frais liés à l'instance : 7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la ville de Paris, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à verser à la SCI du 10 passage Lisa la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a pas non plus lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la SCI du 10 passage Lisa par application des mêmes dispositions à verser à la ville de Paris la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Sur les dépens : 8. Aucun dépens n'ayant été exposé au cours de l'instance d'appel, les conclusions présentées à ce titre ne peuvent qu'être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : La requête de la SCI du 10 passage Lisa, de Mme B... et de Mme D... est rejetée. Article 2 : Les conclusions de la ville de Paris, présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI du 10 passage Lisa, à Mme E... B..., à Mme C... D... et à la ville de Paris. Délibéré après l'audience du 20 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Menasseyre, présidente, - Mme Jayer, première conseillère, - Mme Collet, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 novembre 2023. La rapporteure, A. COLLET La présidente, A. MENASSEYRE Le greffier, P. TISSERAND La République mande et ordonne au préfet de Paris, préfet de la région d'Ile-de-France en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22PA01904 |
CETATEXT000048452240 | J1_L_2023_11_00022PA02386 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/22/CETATEXT000048452240.xml | Texte | CAA de PARIS, 8ème chambre, 20/11/2023, 22PA02386, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-20 00:00:00 | CAA de PARIS | 22PA02386 | 8ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme MENASSEYRE | DLA PIPER FRANCE LLP | Mme Virginie LARSONNIER | Mme BERNARD | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Par une demande enregistrée sous le n° 1901594, M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 6 juillet 2018 par laquelle l'inspecteur du travail de l'unité de contrôle n° 1 de Seine-Saint-Denis a autorisé la société TNT Express France à procéder à son licenciement, ainsi que la décision implicite née le 8 janvier 2019 par laquelle la ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social a rejeté son recours hiérarchique formé contre cette décision. Par une demande enregistrée sous le n° 1907260, M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 6 mai 2019 par laquelle la ministre du travail a retiré sa décision implicite rejetant son recours hiérarchique, annulé la décision de l'inspecteur du travail du 6 juillet 2018 et autorisé son licenciement. Par un jugement n°s 1901594, 1907260 du 28 mars 2022, le tribunal administratif de Montreuil a prononcé un non-lieu à statuer sur la demande n° 1901594 et a rejeté la demande n° 1907260. Procédure devant la cour : Par une requête et des mémoires enregistrés le 24 mai 2022 et les 17 juillet et 4 août 2023, M. B..., représenté par Me Cittadini, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures : 1°) d'annuler le jugement du 28 mars 2022 du tribunal administratif de Montreuil ; 2°) d'annuler la décision de la ministre du travail du 6 mai 2019 ; 3°) d'annuler la décision de l'inspecteur du travail du 6 juillet 2018 ; 4°) de mettre à la charge de la société FedEx Express FR la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : S'agissant de la régularité du jugement : - les conclusions tendant à l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail du 6 juillet 2018 ayant autorisé son licenciement, ainsi que la décision implicite née le 8 janvier 2019 par laquelle la ministre du travail a rejeté son recours hiérarchique ne pouvaient être regardées comme privées d'objet dès lors que l'autorisation de procéder à son licenciement lui a porté préjudice ; en prononçant un non-lieu à statuer sur ces conclusions, le tribunal a méconnu son intérêt à agir et son droit à l'accès au juge ; - les comptes du groupe FEDEX ne lui ayant pas été communiqués, les premiers juges ne pouvaient pas fonder leur jugement sur ces pièces ; - le tribunal n'a pas suffisamment motivé sa réponse aux moyens tirés de ce que la ministre du travail était tenue de mener une enquête contradictoire et sa décision du 6 mai 2019 retirant sa décision implicite rejetant le recours hiérarchique du salarié est tardive et, par suite, illégale ; S'agissant de la décision de la ministre du travail du 6 mai 2019 : - la décision de la ministre du travail du 6 mai 2019 retirant la décision implicite rejetant le recours hiérarchique du salarié est entachée d'illégalité dès lors qu'elle est intervenue après l'expiration du délai de recours contentieux de deux mois, prévu par la jurisprudence Dame Cachet ; en outre, le retrait de la décision de l'inspecteur du travail n'est pas intervenu dans le délai fixé par l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration ; - la ministre du travail était tenue de procéder à une enquête contradictoire ; - la décision contestée a été prise en méconnaissance du principe du contradictoire et des droits de la défense en ce que la ministre du travail s'est fondée sur des éléments qui ne lui ont pas été communiqués, notamment les éléments comptables permettant de justifier de la situation financière de la société TNT Express National, et qui n'étaient pas joints à la demande de licenciement ; - il n'a pas été invité par la ministre du travail à présenter ses observations écrites, notamment sur les éléments comptables de la société, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration et des articles R. 2421-4 et R. 2421-11 du code du travail ; il n'a pas en outre été en mesure de présenter ses observations ; - la décision contestée est insuffisamment motivée quant au respect par l'employeur de son obligation de recherche de reclassement ; - la ministre du travail n'a pas contrôlé, d'une part, si la demande d'autorisation de licenciement pour motif économique formée par la société TNT Express National, immédiatement avant le transfert total de l'entreprise à effet du 1er septembre 2018, n'avait pas, en réalité, pour objet d'éluder l'application des dispositions d'ordre public de l'article L. 1224-1 du code du travail et, d'autre part, si l'obligation de reclassement avait été respectée au sein du groupe FEDEX ; - la ministre du travail n'a pas contrôlé la réalité du motif économique, notamment au regard de la situation économique de l'ensemble des sociétés du groupe ; - en l'absence de communication du registre unique du personnel, la ministre du travail n'a pas été en mesure d'opérer son contrôle sur l'ensemble des postes existants au sein de la société TNT Express National et des autres sociétés du groupe et, par suite, sur les différentes mesures, telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail qui auraient pu lui être proposées ; - elle ne pouvait légalement prendre en compte des éléments nouveaux intervenus postérieurement à la décision de l'inspecteur du travail ; - la réalité du motif économique de la demande de licenciement n'est pas établie, notamment au regard du périmètre du secteur d'activité du groupe auquel appartient l'entreprise dès lors notamment qu'aucun élément comptable relativement au groupe FEDEX n'a été communiqué à l'appui de la demande d'autorisation de licenciement ; - la société TNT Express National n'a pas satisfait à son obligation de recherche de reclassement au sein de la société et des sociétés du groupe auquel elle appartient ; il n'a pas été retenu sur le poste de responsable de relais sur lequel il avait postulé alors qu'il occupait ce poste dans les faits depuis plusieurs mois dans le cadre d'avenants à son contrat de travail ; - la demande d'autorisation de licenciement est en lien avec son mandat ; S'agissant de la décision de l'inspecteur du travail : - la décision de la ministre du travail du 6 mai 2019 ne s'étant pas substituée à la décision de l'inspecteur du travail, il a intérêt à agir contre cette décision qui lui fait grief ; - la demande d'autorisation de licenciement a été présentée par la directrice des ressources humaines acting qui ne justifie pas avoir reçu délégation de pouvoir ; - l'inspecteur du travail par intérim était territorialement incompétent, l'établissement dont il relevait étant situé dans le Val d'Oise ; en outre, le supérieur hiérarchique de l'inspecteur du travail qui a instruit son recours hiérarchique n'était lui-même pas compétent pour mener l'enquête contradictoire dans le cadre de ce recours ; - l'inspecteur du travail par intérim ne justifie pas de la décision lui confiant l'intérim ; par suite, il est incompétent pour prendre la décision contestée ; - la décision contestée n'est pas signée et est antidatée au 6 juillet 2017 ; dans ces conditions, du fait du défaut de cette formalité substantielle, elle n'existe pas juridiquement et ne peut produire d'effets de droit ; - l'inspecteur du travail a méconnu le principe du contradictoire ; - l'inspecteur du travail n'a pas contrôlé si la demande d'autorisation de licenciement n'avait pas en réalité pour objet d'éluder l'application des dispositions d'ordre public de l'article L. 1224-1 du code du travail ; - la réalité du motif économique de la demande de licenciement n'est pas établie ; - l'inspecteur du travail n'a pas contrôlé si la société TNT Express National a satisfait à son obligation de recherche de reclassement au sein du groupe auquel elle appartient ; - la société TNT Express National n'a pas satisfait à son obligation de recherche de reclassement au sein de la société et du groupe auquel elle appartient ; il n'a pas été retenu sur le poste de responsable de relais sur lequel il avait postulé alors qu'il occupait ce poste dans les faits depuis plusieurs mois dans le cadre d'avenants à son contrat de travail ; c'est le dernier poste occupé dans les faits qui doit être retenu pour apprécier le respect de l'obligation de reclassement ; - la demande d'autorisation de licenciement est en lien avec son mandat ; - eu égard à la gravité des motifs d'illégalité dont est entachée la décision de l'inspecteur du travail dont certains ne pouvaient faire l'objet de régularisation, la ministre du travail ne pouvait légalement retirer sa décision implicite rejetant son recours hiérarchique et annulé la décision de l'inspecteur du travail ; - la ministre du travail ne pouvait pas, en tout état de cause, par sa décision du 6 mai 2018 autoriser son licenciement, cette compétence appartenant à l'inspecteur du travail ; en tout état de cause, l'expiration du délai imparti pour annuler la décision de l'inspecteur du travail a eu pour effet de priver la ministre du travail de sa compétence pour autoriser le licenciement. Par un mémoire en défense enregistré le 2 mars 2023, la société FedEx Express FR, venant aux droits de la société TNT Express National, représentée par Me Danesi, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le jugement doit être confirmé en ce qu'il a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions tendant à l'annulation des décisions du 6 juillet 2018 et du 8 janvier 2019 ; - les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés. Par un mémoire enregistré le 25 juillet 2023, le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion conclut au rejet de la requête. Il se réfère à ses écritures de première instance. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code du commerce ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - le code du travail ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Larsonnier, - les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique, - et les observations de Me Cardon, représentant M. B.... Considérant ce qui suit : 1. La société TNT Express National - devenue la société FedEx Express FR -, appartenant au groupe FEDEX, dont l'activité est le transport express de colis, de documents et de fret, a demandé à l'inspecteur du travail l'autorisation de licencier pour motif économique M. B..., recruté le 21 octobre 2002, occupant en dernier lieu le poste de chef d'équipe au sein de l'établissement de Bonneuil-en-France et exerçant le mandat de délégué syndical. Par une décision du 6 juillet 2018, l'inspecteur du travail a accordé l'autorisation sollicitée. Par un courrier du 4 septembre 2018, reçu le 7 septembre suivant, M. B... a formé un recours hiérarchique contre cette décision. Par une décision du 6 mai 2019, la ministre du travail a retiré sa décision implicite née le 8 janvier 2019 rejetant le recours hiérarchique formé par M. B..., annulé la décision de l'inspecteur du travail du 6 juillet 2018 et autorisé le licenciement du salarié. Par un jugement du 28 mars 2022, dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Montreuil a constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions de la demande de M. B... tendant à l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail du 6 juillet 2018 et de la décision implicite de la ministre du travail rejetant son recours hiérarchique et a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de la décision de la ministre du travail du 6 mai 2019. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. En premier lieu, le juge de l'excès de pouvoir ne peut, en principe, déduire d'une décision juridictionnelle rendue par lui-même ou par une autre juridiction qu'il n'y a plus lieu de statuer sur des conclusions à fin d'annulation dont il est saisi, tant que cette décision n'est pas devenue irrévocable. Il en va toutefois différemment lorsque, faisant usage de la faculté dont il dispose dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, il joint les requêtes pour statuer par une même décision, en tirant les conséquences nécessaires de ses propres énonciations. Dans cette hypothèse, toutes les parties concernées seront, en cas d'exercice d'une voie de recours, mises en cause et celle à laquelle un non-lieu a été opposé, mise à même de former, si elle le souhaite, un recours incident contre cette partie du dispositif du jugement. 3. A ce titre, lorsque le juge est parallèlement saisi de conclusions tendant, d'une part, à l'annulation d'une décision et, d'autre part, à celle de son retrait et qu'il statue par une même décision, il lui appartient de se prononcer sur les conclusions dirigées contre le retrait puis, sauf si, par l'effet de l'annulation qu'il prononce, la décision retirée est rétablie dans l'ordonnancement juridique, de constater qu'il n'y a plus lieu pour lui de statuer sur les conclusions dirigées contre cette dernière. 4. Il ressort des pièces du dossier que le tribunal a été saisi parallèlement d'une première demande présentée par M. B... tendant à l'annulation de la décision du 6 juillet 2018 de l'inspecteur du travail accordant à la société TNT Express France l'autorisation de procéder à son licenciement et de la décision implicite de la ministre du travail rejetant son recours hiérarchique formé contre cette décision et d'une seconde demande tendant à l'annulation de la décision du 6 mai 2019 de la ministre du travail retirant sa décision implicite rejetant son recours hiérarchique, annulant la décision de l'inspecteur du travail du 6 juillet 2018 et autorisant son licenciement. Saisi de ces demandes présentées par le même requérant et qui présentaient à juger des questions semblables, le tribunal pouvait faire usage de la faculté dont il dispose dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice de joindre ces procédures pour statuer par une seule décision. 5. Ayant procédé à la jonction des demandes présentées par M. B..., il appartenait au tribunal de se prononcer d'abord sur les conclusions à fin d'annulation de la décision de la ministre du travail du 6 mai 2019 prononçant le retrait de sa décision implicite rejetant le recours hiérarchique formé par M. B... et annulant la décision de l'inspecteur du travail du 6 juillet 2018. Il ressort des points 9 à 26 du présent arrêt que c'est à juste titre que les premiers juges ont estimé que la décision de la ministre du travail du 6 mai 2019 n'est pas entachée d'illégalité et qu'ils ont rejeté, par suite, les conclusions tendant à l'annulation de cette décision. Dans ces conditions, ils pouvaient, sans entacher leur jugement d'irrégularité, ni en tout état de cause méconnaître le droit d'accès au juge garanti par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, juger que les conclusions tendant à l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail du 6 juillet 2018 et de la décision implicite de la ministre du travail née le 8 janvier 2019 qui avaient disparu de l'ordonnancement juridique, étaient devenues sans objet et, par suite, constater qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur ces conclusions. 6. En deuxième lieu, il ressort du point 16 du jugement attaqué que les premiers juges ne se sont pas fondés sur les comptes consolidés du groupe Fedex pour estimer que la réalité du motif économique tiré de la réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité invoqué à l'appui de la demande d'autorisation de licenciement de M. B... était établie mais se sont bornés à relever qu'il ressortait des pièces du dossier que les comptes consolidés du groupe Fedex avaient été examinés par la ministre du travail qui a notamment retenu que le groupe Fedex présentait un résultat d'exploitation déficitaire de 20,4 millions d'euros sur l'exercice comptable 2016 et de 11 millions d'euros sur l'exercice comptable 2017 pour apprécier le motif tiré de la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise au niveau du groupe. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le tribunal se serait fondé sur les comptes consolidés du groupe Fedex qu'il ne lui aurait pas communiqués. En outre, il ressort des pièces du dossier que le tribunal a communiqué à M. B... l'ensemble des mémoires et des pièces produits dans les procédures n° 1901594 et n° 1907260. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire par le tribunal doit être écarté. 7. En troisième et dernier lieu, il ressort, d'une part, des points 7 et 8 du jugement et, d'autre part, de ses points 9 et 10 que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments présentés par M. B..., ont répondu de manière suffisamment précise aux moyens tirés de la méconnaissance du caractère contradictoire de l'enquête par la ministre du travail et de ce que la décision de la ministre du travail du 6 mai 2019 serait entachée d'illégalité en ce qu'elle est intervenue après l'expiration du délai de deux mois courant à compter de la naissance de la décision implicite, créatrice de droit. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement attaqué doit être écarté. 8. Il ressort des points 2 à 7 que le jugement n'est pas entaché d'irrégularité. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne les conclusions tendant à l'annulation de la décision de la ministre du travail du 6 mai 2019 : S'agissant de la légalité externe : 9. En premier lieu, aux termes de l'article R. 2421-4 du code du travail : " L'inspecteur du travail procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat. (...) ". Aux termes de l'article R. 2422-1 du même code : " Le ministre chargé du travail peut annuler ou réformer la décision de l'inspecteur du travail sur le recours de l'employeur, du salarié ou du syndicat que ce salarié représente ou auquel il a donné mandat à cet effet. Ce recours est introduit dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de l'inspecteur. Le silence gardé pendant plus de quatre mois sur ce recours vaut décision de rejet ". 10. Il résulte des dispositions précitées de l'article R. 2421-4 du code du travail que l'inspecteur du travail, saisi d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé, doit procéder à une enquête contradictoire. Le caractère contradictoire de l'enquête impose à l'autorité administrative que le salarié protégé puisse notamment être mis à même de prendre connaissance de l'ensemble des pièces produites par l'employeur à l'appui de sa demande. Pour l'application de cette règle, le ministre chargé du travail, saisi d'un recours contre une décision relative au licenciement d'un salarié protégé sur le fondement de l'article R. 2422-1 du code du travail, doit, en application de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration, communiquer le recours au tiers au profit duquel la décision contestée par ce recours a créé des droits, et recueillir ses observations. Si, en revanche, il ne résulte d'aucune disposition législative ou réglementaire ni d'aucun principe que le ministre soit tenu de procéder à une enquête contradictoire au sens de l'article R. 2421-4 cité, il en va autrement lorsque l'inspecteur du travail n'a pas lui-même respecté les obligations de l'enquête contradictoire. 11. Il ressort des pièces du dossier que l'employeur, représenté par la responsable des ressources humaines, a été entendu par l'inspecteur du travail le 19 juin 2018. Le 25 juin 2018, M. B... a été reçu en entretien dans les locaux de l'inspection du travail. Pendant cet entretien, il a été informé de la teneur des échanges qui ont eu lieu avec son employeur, il a pu consulter l'ensemble des documents présents à l'appui de la demande d'autorisation de licenciement et a été informé de la possibilité de présenter ses observations. Toutefois, l'inspecteur du travail a communiqué à M. B... les explications apportées par l'employeur sur les raisons pour lesquelles il n'a pas été retenu sur le poste de responsable relais situé sur le site de Tremblay-en-France le 5 juillet 2018, soit un jour seulement avant de prendre sa décision. Estimant que M. B... n'avait pas disposé d'un temps suffisant pour présenter ses observations, la ministre du travail a annulé la décision du 6 juillet 2018 de l'inspecteur du travail pour méconnaissance du principe du contradictoire. Dans ces conditions, la ministre du travail était tenue de reprendre l'enquête contradictoire. 12. Il ressort des pièces du dossier que par un courrier du 21 septembre 2018, M. B... a été convoqué à un entretien avec le directeur adjoint du travail fixé au 12 octobre 2018. M. B... ainsi pu présenter ses observations orales. Cependant, la ministre du travail ayant été saisie d'un recours hiérarchique formé par M. B... lui-même, elle n'était pas tenue de l'inviter à présenter des observations écrites. Il appartenait à ce dernier, s'il l'estimait utile, de compléter son recours administratif par de nouvelles observations écrites. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'il n'a pas été mis en mesure de présenter ses observations, ni que la ministre du travail aurait méconnu les obligations de l'enquête contradictoire prévue par les dispositions de l'article R. 2421-4 du code du travail. 13. En deuxième lieu, M. B... soutient que la ministre du travail se serait fondée sur des éléments comptables qui ne lui auraient pas été communiqués. Il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport de l'inspecteur du travail établi le 22 octobre 2018 à la suite du recours hiérarchique, que l'ensemble des pièces recueillies pendant l'enquête contradictoire menée par l'inspecteur du travail ont pu être consultées par M. B... lors de son entretien le 25 juin 2018. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier, qu'en dépit d'une référence aux comptes consolidés du groupe FEDEX dans sa décision, la ministre du travail s'est contentée de reprendre les termes de la demande d'autorisation de licenciement. Dans ces conditions, la ministre du travail n'a pas méconnu le principe du contradictoire en ne communiquant pas à M. B... les comptes consolidés du groupe FEDEX. 14. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration : " L'administration ne peut abroger ou retirer une décision créatrice de droits de sa propre initiative ou sur la demande d'un tiers que si elle est illégale et si l'abrogation ou le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant la prise de décision ". Aux termes de l'article R. 2422-1 du code du travail : " Le ministre chargé du travail peut annuler ou réformer la décision de l'inspecteur du travail sur le recours de l'employeur, du salarié ou du syndicat que ce salarié représente ou auquel il a donné mandat à cet effet. / Ce recours est introduit dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de l'inspecteur. Le silence gardé pendant plus de quatre mois sur ce recours vaut décision de rejet ". 15. Il résulte des dispositions précitées que le rejet implicite du recours hiérarchique formé par le salarié contre une décision de l'inspecteur du travail, né du silence gardé pendant quatre mois par le ministre du travail, peut être retiré, si celui-ci est illégal, par une décision expresse du ministre prise dans un délai de quatre mois qui suit la naissance de cette décision implicite. Dans ce même délai de quatre mois, le ministre du travail peut également retirer la décision de l'inspecteur du travail, sous réserve de l'illégalité de cette décision, alors même que le délai de quatre mois à compter de la naissance de la décision de l'inspecteur du travail, prévu par l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration est expiré. Il suit de là que la ministre du travail a pu légalement, par sa décision expresse du 6 mai 2019, retirer sa décision implicite née le 8 janvier 2019 et la décision de l'inspecteur du travail du 6 juillet 2018, toutes deux entachées d'illégalité. 16. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " (...) doivent être motivées les décisions qui : / 4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 de ce code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". En outre, aux termes de l'article R. 2421-5 du code du travail relatif à la motivation de la décision de l'inspecteur du travail à laquelle la décision du ministre s'est substituée : " La décision de l'inspecteur du travail est motivée (...) ". 17. M. B... soutient que la décision de la ministre du travail est insuffisamment motivée quant au respect par l'employeur de son obligation de recherche de reclassement. La décision contestée vise les articles L. 2411-3 et suivants du code du travail et indique que la recherche des possibilités de reclassement du salarié doit s'effectuer dans les entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent entre elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel. Elle mentionne que par courrier du 29 novembre 2017, l'employeur a adressé au salarié une liste de postes dont notamment deux postes de chef d'équipe, de même qualification, de coefficient et de rémunération équivalente et situés au sein de la société TNT Express France, le plus près possible de son domicile et de son ancien lieu de travail, l'un se trouvant sur le site de Tremblay-en-France et l'autre sur le site d'Alfortville et que M. B... n'a pas donné de suite à ces propositions. Dans ces conditions, alors que ces deux offres répondaient parfaitement aux exigences posées par l'article L. 1233-4 du code du travail et qu'en tout état de cause, la ministre du travail n'est pas tenue de mentionner l'ensemble des offres de reclassement proposées à l'intéressé, la décision contestée comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles la ministre du travail s'est fondée pour estimer que l'employeur avait proposé à M. B... des postes de nature équivalente à son ancien poste et qu'il devait être regardé comme ayant satisfait à ses obligations en matière de reclassement. S'agissant de la légalité interne : 18. Aux termes de l'article L. 1233-3 du code du travail : " Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :(...) 3° A une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ; (...) /La matérialité de la suppression, de la transformation d'emploi ou de la modification d'un élément essentiel du contrat de travail s'apprécie au niveau de l'entreprise. /Les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise s'apprécient au niveau de cette entreprise si elle n'appartient pas à un groupe et, dans le cas contraire, au niveau du secteur d'activité commun à cette entreprise et aux entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national, sauf fraude. /Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce. /Le secteur d'activité permettant d'apprécier la cause économique du licenciement est caractérisé, notamment, par la nature des produits biens ou services délivrés, la clientèle ciblée, ainsi que les réseaux et modes de distribution, se rapportant à un même marché. (...) ". 19. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Lorsque l'employeur sollicite une autorisation de licenciement pour motif économique fondée sur le refus du salarié protégé d'accepter une modification de son contrat de travail, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si cette modification était justifiée par un motif économique. A cet égard, lorsque la demande d'autorisation de licenciement pour motif économique est fondée sur la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise, l'autorité administrative doit s'assurer du bien-fondé d'un tel motif, en appréciant la réalité de la menace pour la compétitivité de l'entreprise, le cas échéant, au niveau du secteur d'activité dont relève l'entreprise en cause au sein du groupe. 20. En premier lieu, la décision de l'inspecteur du travail accordant ou refusant l'autorisation de licencier un salarié protégé est soumise au contrôle hiérarchique dans les conditions du droit commun. Dans le cas où l'inspecteur a autorisé le licenciement, la décision ainsi prise, qui a créé des droits au profit de l'employeur intéressé, ne peut être annulée ou réformée par le ministre compétent que pour des motifs de légalité, compte tenu des circonstances de fait et de droit existant à la date à laquelle s'est prononcé l'inspecteur du travail. 21. Il ressort des termes de la décision contestée, ainsi qu'il a déjà été dit au point 11, que la ministre du travail a annulé la décision de l'inspecteur du travail au motif qu'en communiquant à M. B... les explications apportées par l'employeur sur les raisons pour lesquelles il n'avait pas été retenu sur le poste de responsable relais situé sur le site de Tremblay-en-France le 5 juillet 2018, soit un jour seulement avant de prendre sa décision, l'inspecteur du travail avait méconnu le principe du contradictoire. Dans ces conditions, la ministre du travail ne s'est pas fondée sur des éléments postérieurs à la décision de l'inspecteur du travail du 6 juillet 2018 pour apprécier sa légalité. 22. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment de la demande d'autorisation de licencier M. B... adressée à l'inspecteur du travail par la société TNT Express National et de la note sur le projet de réorganisation présentée devant le comité d'établissement Ile-de-France de la société TNT Express National en février 2017, que la société TNT Express National et le groupe Fedex auquel elle appartient exercent leurs activités dans le cadre du même secteur, celui de la livraison expresse de fret, colis et documents, et que ce secteur est très concurrentiel tant au niveau national que mondial. A la concurrence des opérateurs postaux nationaux ou régionaux et des transporteurs logisticiens historiques s'ajoute désormais celle des géants du e-commerce qui souhaitent contrôler leur logistique. Ce contexte très concurrentiel a entraîné une baisse des prix de vente moyens de la société TNT Express National et des autres sociétés du groupe Fedex, soit 13 % en moyenne depuis 2012, ce qui a eu des répercussions sur la rentabilité des sociétés. Au niveau national, dans son secteur historique de la livraison domestique interentreprises, la société TNT Express National a vu ses parts de marché diminuer en 2015. Par ailleurs, le développement du e-commerce du fait des achats des particuliers, exigeants en matière de prix et de maîtrise des conditions de livraison des envois, a pour conséquence une augmentation des volumes des colis (+9,5% entre 2015 et 2016) plus rapide que la valeur du marché (+6,5 % entre 2015 et 2016). Afin de maintenir leurs parts de marché, la société TNT Express National et les sociétés du groupe Fedex ont réduit les coûts de fonctionnement et élargi l'offre commerciale. La société TNT Express National a également décidé de moderniser ses outils et ses sites de production en investissant sur des sites mieux adaptés notamment en infrastructures de tri et davantage automatisés afin de gérer davantage de volumes. Ainsi, dans le cadre de cette réorganisation, la société TNT Express National a décidé de procéder au déménagement de cinq sites de production situés en Ile-de-France, dont celui de Bonneuil-en-France où travaillait M. B..., vers trois nouveaux sites, dont celui de Tremblay-en-France. Au vu de l'ensemble de ces éléments, et alors qu'il n'appartient ni à la ministre du travail, ni au juge administratif, d'apprécier la pertinence des choix stratégiques de l'entreprise, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la ministre du travail, qui a exercé son contrôle sur la réalité du motif économique invoqué par l'employeur au regard de la situation de la société TNT Express National mais également au regard de la situation du groupe FEDEX, aurait commis une erreur d'appréciation en estimant que la réorganisation décidée par la société TNT Express National s'avérait nécessaire afin de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise. Par suite, le moyen tiré de ce que le motif économique ne serait pas établi doit être écarté. 23. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 1233-4 du code du travail : " Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel./ Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce. /Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure./ L'employeur adresse de manière personnalisée les offres de reclassement à chaque salarié ou diffuse par tout moyen une liste des postes disponibles à l'ensemble des salariés, dans des conditions précisées par décret. /Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises ". 24. M. B... soutient qu'il exerçait, dans les faits, les fonctions de responsable de relais et que l'employeur n'a pas satisfait à son obligation de recherche de reclassement au sein de la société TNT Express national et des sociétés du groupe FEDEX. Cependant, le requérant ne verse aux débats aucun élément permettant d'étayer l'affirmation selon laquelle il exerçait les fonctions de responsable de relais. Il ressort de l'avenant à son contrat de travail conclu le 1er octobre 2012 qu'il exerçait les fonctions de chef d'équipe. En outre, il ressort de la liste des offres de reclassement qui lui ont été proposées le 29 novembre 2017 par la société TNT Express national que les propositions de postes de chef de relais correspondaient à des postes de niveau supérieur au poste qu'il occupait et que la prise de fonction nécessitait une formation préalable. Dans ces conditions, M. B... doit être regardé comme exerçant les fonctions de chef d'équipe et, par suite, le sérieux des offres de reclassement proposées par l'employeur doit être apprécié au regard de cet emploi. 25. Il ressort des pièces du dossier, notamment du courrier du 29 novembre 2017, que la société TNT Express national a proposé à M. B..., parmi les nombreux postes mentionnés, quinze postes de chef d'équipe, dont deux postes de chef d'équipe, de mêmes qualifications, avec le même coefficient et la même rémunération que ceux de son ancien poste et situés à Tremblay-en-France, soit à une douzaine de kilomètres de son ancien lieu de travail de Bonneuil-en-France, ainsi qu'à Alfortville, c'est-à-dire le plus près possible de son domicile et de son ancien poste. M. B... n'a pas répondu à ces propositions. La société TNT Express national ayant proposé au salarié deux offres de reclassement sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupait assorti d'une rémunération équivalente, conformément aux exigences posées par l'article L. 1233-4 du code du travail, et situés très près de son ancien lieu de travail, la ministre du travail n'a pas méconnu la portée de son contrôle, ni commis d'erreur d'appréciation en estimant, au vu de ces deux seules offres de reclassement, et en tout état de cause sans solliciter la communication du registre unique du personnel, que l'employeur avait respecté son obligation de reclassement. 26. En quatrième et dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que M. B... était investi dans son mandat de délégué du personnel puis, à compter de 2015, dans celui de délégué syndical. Il a notamment participé à l'action collective portée en 2013 devant le conseil des prud'hommes et devant la cour d'appel de Versailles en vue d'obtenir le rappel de salaire dû au titre de l'accord sur la réduction des écarts de salaire de 2005 conclu lors des négociations annuelles obligatoires au titre de 2004 et 2005. M. B... soutient que depuis 2012, son employeur a porté atteinte à l'exercice de son mandat à de nombreuses reprises, notamment en ne le convoquant pas aux réunions, en particulier à la réunion au titre de la négociation annuelle obligatoire. Toutefois, il ne verse aucune pièce au soutien de ces allégations. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'exercice actif de son mandat serait en lien avec la mesure de licenciement. Le requérant se prévaut également de ce que son casier aurait été ouvert et vidé de son contenu en son absence et produit un courrier du 22 janvier 2018 adressé au chef du centre de Tremblay-en-France par lequel il demande à récupérer ses effets personnels. Toutefois, à supposer même que le casier de M. B... ait été vidé sans son autorisation du fait du déménagement du site de Bonneuil-en-France à celui de Tremblay-en-France, cette circonstance est insuffisante pour établir l'existence d'une discrimination à son égard en raison de l'exercice de son mandat. Par suite, l'administration, dont il ressort des pièces du dossier qu'elle a exercé son contrôle sur une éventuelle discrimination syndicale, n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant que la demande d'autorisation de licenciement du salarié n'avait pas de lien avec son mandat représentatif. En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation de la décision de l'inspecteur du travail du 6 juillet 2018 et de la décision implicite de la ministre du travail rejetant le recours hiérarchique : 27. Lorsque le juge est parallèlement saisi de conclusions tendant, d'une part, à l'annulation d'une décision et, d'autre part, à celle de son retrait ou de son annulation et qu'il statue par une même décision, il lui appartient de se prononcer sur les conclusions dirigées contre le retrait ou l'annulation puis, sauf si, par l'effet de l'annulation qu'il prononce, la décision retirée est rétablie dans l'ordonnancement juridique, de constater qu'il n'y a plus lieu pour lui de statuer sur les conclusions dirigées contre cette dernière. 28. Ainsi qu'il a été dit aux points 4 et 5, les premiers juges, après avoir rejeté les conclusions à fin d'annulation de la décision du 6 mai 2019 par laquelle la ministre du travail a retiré sa décision implicite rejetant le recours hiérarchique de M. B... et a annulé de manière rétroactive la décision de l'inspecteur du travail du 6 juillet 2018 accordant l'autorisation de le licencier, ont prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de la demande de première instance tendant à l'annulation de ces deux dernières décisions. Si M. B... persiste à demander en appel l'annulation de ces deux décisions, il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 5 du présent arrêt qu'il n'est pas fondé à contester le non-lieu à statuer prononcé par le tribunal administratif sur ce point. En outre, il résulte des points 9 à 26 du présent arrêt que l'ensemble des moyens invoqués par M. B..., dirigés contre la décision 6 mai 2019, doivent être écartés. Les conclusions présentées par M. B... en appel, tendant à l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail du 6 juillet 2018 et de la décision implicite de la ministre du travail rejetant son recours hiérarchique, ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées. 29. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montreuil a prononcé un non-lieu à statuer sur ses conclusions à fin d'annulation de la décision de l'inspecteur du travail du 6 juillet 2018 et de la décision implicite de la ministre du travail rejetant son recours hiérarchique et a rejeté le surplus de sa demande Sur les frais liés à l'instance : 30. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société FedEx Express FR, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... le versement d'une somme à la société FedEx Express FR sur le fondement des mêmes dispositions. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Les conclusions de la société FedEx Express FR présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à la société FedEx Express FR et au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion. Délibéré après l'audience du 20 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Menasseyre, présidente de chambre, - Mme Jayer, première conseillère, - Mme Larsonnier, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 novembre 2023. La rapporteure, V. LARSONNIER La présidente, A. MENASSEYRE Le greffier, P. TISSERAND La République mande et ordonne au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 22PA02386 2 |
CETATEXT000048452241 | J1_L_2023_11_00022PA02508 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/22/CETATEXT000048452241.xml | Texte | CAA de PARIS, 2ème chambre, 22/11/2023, 22PA02508, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-22 00:00:00 | CAA de PARIS | 22PA02508 | 2ème chambre | plein contentieux | C | Mme TOPIN | CABINET FIDAL | M. Franck MAGNARD | M. SEGRETAIN | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... a demandé au Tribunal administratif de Paris, à titre principal, de prononcer la décharge de l'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux mis à sa charge au titre de l'année 2016, et, à titre subsidiaire, de surseoir à statuer sur sa requête dans l'attente du traitement de la plainte pour escroquerie, abus de confiance et faux et usage de faux qu'il a déposée le 26 janvier 2021 auprès du procureur de la République de Paris à l'encontre de M. B... et de son avocat. Par un jugement n° 2102566/2-2 du 11 avril 2022, le Tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande. Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire enregistrés les 1er juin et 18 novembre 2022, M. A..., représenté par Me Alexandre Baux, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement du 11 avril 2022 du Tribunal administratif de Paris ; 2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses. Il soutient que : - dès lors qu'il n'a pu avoir conscience qu'en 2019 de l'escroquerie dont il a fait l'objet, sa réclamation datant de 2020 est recevable ; - il n'a jamais reçu les sommes déclarées ; - il y a lieu de surseoir à statuer en l'attente de la décision du juge judiciaire relative à l'escroquerie dont il a fait l'objet. Par un mémoire en défense enregistré le 19 septembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête. Il soutient que : - les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 2 novembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 18 novembre 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Magnard, - les conclusions de M. Segretain, rapporteur public, - et les observations de Me Baux, représentant M. A.... Considérant ce qui suit : 1. M. et Mme A... ont été imposés à l'impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux au titre de l'année 2016 sur la base de leur déclaration réalisée le 6 juin 2017, laquelle indiquait la perception, en 2016, d'une somme de 770 000 euros correspondant aux intérêts des placements à revenu fixe encaissés au Royaume-Uni par l'intermédiaire de la société Global World New Invest Limited. L'imposition correspondante a été mise en recouvrement le 31 juillet 2017. Par une réclamation contentieuse adressée au service le 16 novembre 2020, M. A... a contesté cette imposition au motif qu'il avait été victime d'agissements frauduleux de la part de la société Global World New Invest Limited, représentée par M. B.... Par la présente requête, M. A... relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant, à titre principal, à ce que soit prononcée la décharge de l'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux mis à sa charge au titre de l'année 2016 et, à titre subsidiaire, à ce qu'il soit sursis à statuer sur sa requête dans l'attente du traitement de sa plainte pour escroquerie par l'autorité judiciaire. 2. Aux termes de l'article R* 196-1 du livre des procédures fiscales : " Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts, doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas : / a) De la mise en recouvrement du rôle ou de la notification d'un avis de mise en recouvrement ; / b) Du versement de l'impôt contesté lorsque cet impôt n'a pas donné lieu à l'établissement d'un rôle ou à la notification d'un avis de mise en recouvrement ; / c) De la réalisation de l'événement qui motive la réclamation. Ne constitue pas un tel événement une décision juridictionnelle ou un avis mentionné aux troisième et cinquième alinéas de l'article L. 190 ". Seuls doivent être regardés comme constituant le point de départ du délai ainsi prévu les événements qui sont de nature à exercer une influence sur le bien-fondé de l'imposition, soit dans son principe, soit dans son montant. 3. M. A... qui a déclaré le 6 juin 2017, au titre de ses revenus pour 2016, une somme de 770 000 euros, soutient avoir été victime d'une escroquerie de la part de M. B... et de M. D..., son avocat. Il fait valoir qu'en raison de cette escroquerie, il n'a pas perçu ladite somme correspondant aux gains attendus du placement du capital de 490 000 euros auprès de la société d'investissement Global World New Invest Limited, dont M. B... est le gérant, et, a en outre perdu le capital investi. Il soutient que cette escroquerie lui a été révélée à la lecture d'un courrier du 2 août 2019 de sa banque, la BNP Paribas, par lequel il a appris que, contrairement à ce que lui avaient assuré MM. B... et D..., la banque portugaise Bankinter SA n'avait jamais émis les virements de 150 000 et 170 000 euros qui lui étaient dus en avance de la somme totale de 770 000 euros oralement promise. Il soutient que le courrier du 2 août 2019 doit être regardé comme un événement au sens des dispositions précitées du c) de l'article R* 196-1 du livre des procédures fiscales de nature à ouvrir, à compter de cette date, le délai de réclamation, lequel expire par suite le 31 décembre 2021, et non le 31 décembre 2019 en application du a) du même article comme le soutient l'administration fiscale en défense. 4. L'événement de nature à fonder l'ouverture du délai de recours à ce titre ne saurait être constitué par la découverte de la fraude dont M. A... soutient avoir été victime, mais par la seule constatation de l'absence de perception de la somme de 770 000 euros en cause. Or, il résulte de l'instruction, que M. A..., qui avait déclaré en 2017 la somme de 770 000 euros, sur la simple base, selon ses propres dires, d'une information orale relative à une promesse de versement, a été informé, dès le 30 novembre 2017, de l'absence de réception, par sa banque, du virement des sommes de 150 000 euros et 170 000 euros censées en représenter une avance. M. A... à qui il était loisible, dans ces circonstances, d'engager, par lui-même, dès l'année 2017, des démarches auprès de la banque Bankinter SA afin de s'assurer que les virements avaient bien été émis, non seulement n'avait en 2017 aucun indice sérieux relatif à la matérialité de ces virements, mais disposait au contraire des éléments de nature à en remettre en cause leur existence. Il était d'ailleurs ainsi en mesure dès l'année 2017, ayant constaté qu'il n'avait pas perçu la somme déclarée au titre de ses revenus 2016, de former une réclamation auprès de l'administration fiscale pour faire modifier sa déclaration. Le courrier du 2 août 2019 par lequel la BNP Paribas l'a informé que la banque Bankinter SA lui avait signalé ne pas avoir émis les virements ne saurait en conséquence constituer un événement au sens des dispositions précitées du c) de l'article R* 196-1 du livre des procédures fiscales de nature à ouvrir, à compter de cette date, le délai de réclamation. Par suite, dès lors que M. A... n'a adressé sa réclamation contentieuse que le 16 décembre 2020, soit à une date postérieure à la deuxième année suivant celle de la mise en recouvrement du rôle, sa réclamation était tardive et par suite irrecevable. 5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il y ait lieu de sursoir à statuer, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. DECIDE : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris. Délibéré après l'audience du 8 novembre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Topin, présidente, - M. Magnard, premier conseiller, - Mme Fullana, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 novembre 2023. Le rapporteur, F. MAGNARDLa présidente, E. TOPIN Le greffier, C. MONGIS La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 22PA02508 2 |
CETATEXT000048452242 | J1_L_2023_11_00022PA02550 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/22/CETATEXT000048452242.xml | Texte | CAA de PARIS, 2ème chambre, 22/11/2023, 22PA02550, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-22 00:00:00 | CAA de PARIS | 22PA02550 | 2ème chambre | plein contentieux | C | Mme TOPIN | SELARL GROUPAVOCATS | M. Franck MAGNARD | M. SEGRETAIN | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société Pacific Press a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française : 1°) à titre principal, de prononcer la restitution du crédit de taxe sur la valeur ajoutée de 85 330 319 F CFP dont elle bénéficiait au 1er janvier 2020 ; 2°) à titre subsidiaire, de dire que le crédit de taxe sur la valeur ajoutée reportable après contrôle s'élève à la somme de 35 076 405 F CFP ; 3°) de mettre à la charge de la Polynésie française une somme de 250 000 F CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 2100204 du 1er mars 2022, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté cette demande. Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire enregistrés les 2 juin et 4 novembre 2022, la société Pacific Press, représentée par Me François Quinquis, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de la Polynésie française du 1er mars 2022 ; 2°) de prononcer la restitution du crédit de taxe sur la valeur ajoutée de 85 330 319 F CFP dont elle bénéficiait au 1er janvier 2020 ; 3°) de mettre à la charge de la Polynésie française les dépens et une somme de 300 000 F CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le jugement est insuffisamment motivé ; - les travaux d'impression doivent être regardés comme des opérations de façon de publications de presse au sens de l'article Lp 342-3 du code des impôts ; - la loi métropolitaine telle qu'elle a été interprétée par la doctrine administrative admet l'application du taux réduit pour les opérations de façon ; - les opérations d'impression et de vente forment une opération complexe unique relevant du taux réduit, même si elles sont effectuées par des opérateurs distincts ; - l'opération d'impression constitue une opération accessoire de l'opération de vente qui n'a pas de caractère facultatif ; - l'opération unique procède de l'absence de lien entre celui qui réalise l'opération accessoire et l'acquéreur final ; - elle réalise des prestations accessoires à des publications de presse et non des supports de presse. Par un mémoire en défense enregistré le 4 octobre 2022, la Polynésie française, représentée par Me Gilles Jourdainne et Me Vasanthi Daviles-Estines conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société requérante de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 5 octobre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 7 novembre 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ; - le code des impôts de la Polynésie française ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Magnard, - et les conclusions de M. Segretain, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. La Société Pacific Press, qui exerce une activité d'imprimerie et de reprographie consistant en l'impression des périodiques Tahiti Info, la Dépêche et Tiki Mag, qui a sollicité le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée de 100 976 063 F CFP, a fait l'objet le 19 octobre 2020 d'une proposition de rectification visant à appliquer le taux de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) de 16 % au lieu de celui de 5 % dont la société estimait bénéficier en qualité d'éditeur de presse. La société Pacific Press relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande de restitution du crédit de TVA de 85 330 319 F CFP dont elle s'estime titulaire au titre du premier trimestre 2020 en raison de l'application du taux de 5 %. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments présentés par la société requérante à l'appui de ses moyens, ont statué sur le moyen tiré de ce que l'opération d'impression d'une publication de presse est indissociable de, et accessoire à, l'opération de publication et relève en conséquence du taux de taxe sur la valeur ajoutée réduit de 5 % dans le cadre d'une opération complexe unique. La société requérante n'est par suite pas fondée à soutenir que le jugement serait insuffisamment motivé. Sur le bien-fondé de la demande de restitution : 3. Aux termes de l'article LP. 341-1 du code des impôts de la Polynésie française : " Lorsque plusieurs produits ou services sont passibles de taux différents mais sont vendus sous un prix global, chacun doit être soumis à l'imposition à raison de son prix et au taux qui lui est propre ". Aux termes de l'article 342-1 du même code : " Le taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée est fixé à 16 % (...) ". Aux termes de l'article LP. 342-3 du même code, dans sa version applicable à l'espèce : " Le taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée est fixé à 5 %. (...) / I - Le taux réduit s'applique aux opérations d'importation, de vente, de livraison, de commission, de courtage ou de façon portant sur les produits suivants : 6°) publications de presse satisfaisant aux obligations de la loi sur la presse et ayant un caractère d'intérêt général quant à la diffusion de la pensée : instruction, éducation, information, récréation du public ". 4. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la société Pacific Press exerce une activité d'imprimerie, consistant en des travaux d'impression de journaux de presse et de livraison de ces produits notamment à sa cliente, la société " Fenua communication ", laquelle exerce une activité d'éditeur et de publication de presse au sens du 6°) de l'article LP. 342-3 du code des impôts précité. Les travaux d'impression, qui ne sont pas réalisés à partir des matériaux fournis par le client, ne sauraient être regardés comme des opérations de façon de publications de presse au sens de l'article LP. 342-3 du code des impôts. La circonstance que la doctrine administrative applicable en métropole admet, en ce qui concerne les livres, l'application du taux réduit aux opérations de façon et considère, à cet effet, l'impression comme une opération de façon, ne saurait être valablement invoquée, s'agissant de la mise en œuvre des dispositions de l'article LP. 342-3 du code des impôts de la Polynésie française. 5. En second lieu, les travaux d'impression, qui sont réalisés au bénéfice de l'éditeur du journal pour l'exercice de sa propre activité et non au bénéfice de l'acquéreur final, ne sauraient être regardés comme des opérations accessoires de l'opération de publication, alors même qu'ils conditionnent cette opération et que leur coût est pris en compte dans le prix payé par l'acheteur du journal. Ils ne sont par suite, et contrairement à ce qui est soutenu, pas taxables au taux réduit dans le cadre d'une opération complexe unique. La seule circonstance qu'il n'existe pas de lien contractuel entre l'imprimeur et l'acquéreur final ne saurait suffire à constater l'existence d'une opération unique regroupant la publication du journal et les opérations matérielles réalisées en amont. 6. Il résulte de tout ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la Polynésie française, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la société requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la Polynésie française tendant à l'application de ces dispositions. DECIDE : Article 1er : La requête de la société Pacific Press est rejetée. Article 2 : Les conclusions de la Polynésie française tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Pacific Press et à la Polynésie française. Délibéré après l'audience du 8 novembre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Topin, président, - M. Magnard, premier conseiller, - Mme Fullana, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 novembre 2023. Le rapporteur, F. MAGNARDLa présidente, E. TOPIN Le greffier, C. MONGIS La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 22PA02550 2 |
CETATEXT000048452243 | J1_L_2023_11_00022PA02627 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/22/CETATEXT000048452243.xml | Texte | CAA de PARIS, 8ème chambre, 20/11/2023, 22PA02627, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-20 00:00:00 | CAA de PARIS | 22PA02627 | 8ème chambre | plein contentieux | C | Mme MENASSEYRE | S.E.L.A.F.A. CABINET CASSEL | Mme Aude COLLET | Mme BERNARD | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 18 mai 2017 par laquelle le président de la commission de recours des militaires a rejeté son recours préalable obligatoire contre la décision par laquelle le ministre des armées a implicitement refusé, suite à la demande préalable d'indemnisation reçue le 17 décembre 2015, de lui verser une indemnité de 21 000 euros en réparation des préjudices résultant pour lui du retard avec lequel il lui a concédé sa pension militaire d'invalidité et de condamner l'Etat à lui verser cette somme. Par ordonnance du 10 juillet 2019, le président du tribunal administratif de Melun a transmis le dossier de la requête au tribunal administratif de Paris. Par jugement n° 1914709/5-3 du 18 mai 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 7 juin 2022, M. B..., représenté par la SELAFA Cabinet Cassel, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 1914709 du 18 mai 2022 du tribunal administratif de Paris ; 2°) d'annuler la décision du 18 mai 2017 par laquelle le président de la commission de recours des militaires a rejeté son recours préalable obligatoire contre la décision par laquelle le ministre des armées a implicitement refusé, suite à la demande préalable d'indemnisation reçue le 17 décembre 2015, de lui verser une indemnité de 21 000 euros en réparation des préjudices résultant pour lui du retard avec lequel il lui a concédé sa pension militaire d'invalidité ; 3°) de condamner le ministre des armées à lui verser la somme de 21 000 euros en réparation du préjudice que lui a causé le retard avec lequel il lui a concédé sa pension militaire d'invalidité, somme assortie des intérêts légaux à compter de la date de sa demande préalable ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le tribunal s'est mépris sur ses conclusions dès lors qu'il n'a pas attaqué une décision implicite de rejet de la commission de recours des militaires mais une décision expresse de rejet du 18 mai 2017 prise par le président de cette commission ; - dès lors que la décision attaquée du 18 mai 2017 ne mentionnait pas les voies et délais de recours, ces derniers ne lui étaient pas opposables de sorte que c'est à tort que le jugement attaqué lui a opposé une forclusion ; - le président de la commission de recours des militaires a entaché son ordonnance rejetant son recours pour incompétence d'une erreur de droit dès lors que la commission était compétente pour se prononcer sur sa demande ; - le retard mis par le ministre de la défense pour traiter sa demande de concession d'une pension militaire d'invalidité constitue une carence fautive de nature à engager la responsabilité de l'Etat ; - ce retard lui a causé un préjudice financier en raison des difficultés qu'il a rencontrées pour rembourser un crédit bancaire qu'il évalue à 1 000 euros ; - il lui a causé un préjudice moral qu'il évalue à 20 000 euros. Par un mémoire en défense enregistré le 8 novembre 2022, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Collet, - et les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 18 mai 2017 par laquelle le président de la commission de recours des militaires a rejeté son recours préalable obligatoire contre la décision par laquelle le ministre des armées a implicitement refusé de faire droit à sa demande préalable d'indemnisation reçue le 17 décembre 2015, tendant au versement d'une indemnité de 21 000 euros en réparation des préjudices résultant pour lui du retard fautif avec lequel il lui a concédé sa pension militaire d'invalidité, et de condamner l'Etat à lui verser cette somme. Par jugement n° 1914709 du 18 mai 2022, dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande au motif qu'elle était tardive. 2. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ". L'article R. 421-5 de ce code dispose que : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ". Il résulte de ces dispositions que lorsque la notification ne comporte pas les mentions requises, ce délai n'est pas opposable. 3. Toutefois, le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance. 4. Ce délai raisonnable est opposable au destinataire de la décision lorsqu'il saisit une juridiction incompétente, alors que la juridiction administrative était compétente, dès lors qu'il a introduit cette instance avant son expiration. Ce requérant est ensuite recevable à saisir la juridiction administrative jusqu'au terme d'un délai de deux mois à compter de la notification ou de la signification de la décision par laquelle la juridiction saisie s'est, de manière irrévocable, déclarée incompétente. 5. M. B... a saisi le tribunal des pensions militaires des Hauts-de-Seine le 7 juin 2017 d'une contestation de la décision implicite de rejet née du silence gardé par le ministre des armées sur sa demande d'indemnisation préalable, décision implicite à laquelle s'est postérieurement substituée la décision du 18 mai 2017 par laquelle le président de la commission de recours des militaires a rejeté son recours préalable obligatoire contre le refus implicite de réparer les préjudices résultant pour lui du retard fautif avec lequel lui a été concédée sa pension militaire d'invalidité. Par jugement du 28 novembre 2017, ce tribunal s'est déclaré incompétent et l'a renvoyé à mieux se pourvoir. M. B... a alors saisi le tribunal administratif de Melun le 27 février 2018. Pour juger que sa requête était tardive, les premiers juges ont considéré que le tribunal avait été saisi plus de deux mois après la notification du jugement du tribunal des pensions des Hauts-de-Seine, intervenue selon eux le 28 novembre 2017. En se bornant à soutenir qu'en l'absence de mention des voies et délais de recours dans la décision du 18 mai 2017 précitée, aucun délai de recours ne lui était opposable, alors qu'il résulte de ce qui a été dit au point 4 que, en cas de saisine d'une juridiction incompétente, le justiciable dispose d'un délai de deux mois à la suite de la décision par laquelle le premier juge qu'il a saisi s'est déclaré incompétent pour connaître de ce recours pour former un recours contre une décision administrative non assortie de la mention des voies et délais de recours, M. B... ne conteste pas utilement la forclusion qui lui a été opposée par le tribunal administratif de Paris. 6. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes. Ses conclusions à fin d'annulation et d'indemnisation, ainsi que, par voie de conséquence, celles qu'il a présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. A... B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 20 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Menasseyre, présidente, - Mme Jayer, première conseillère, - Mme Collet, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 novembre 2023. La rapporteure, A. COLLET La présidente, A. MENASSEYRE Le greffier, P. TISSERAND La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22PA02627 |
CETATEXT000048452244 | J1_L_2023_11_00022PA02854 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/22/CETATEXT000048452244.xml | Texte | CAA de PARIS, 2ème chambre, 22/11/2023, 22PA02854, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-22 00:00:00 | CAA de PARIS | 22PA02854 | 2ème chambre | plein contentieux | C | Mme TOPIN | TETZLAFF | M. Franck MAGNARD | M. SEGRETAIN | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. et Mme B... ont demandé au Tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2015. Par un jugement n° 1809519/2 du 21 avril 2022, le Tribunal administratif de Melun a rejeté ces demandes. Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire enregistrés les 21 juin et 28 octobre 2022, M. et Mme B..., représentés par Me Alain Tetzlaff, demandent à la Cour : 1°) d'annuler le jugement du 21 avril 2022 du Tribunal administratif de Melun ; 2°) de prononcer la décharge et la restitution, assortie des intérêts de droit des impositions litigieuses ; 3°) d'ordonner l'application du système du quotient prévu à l'article 163-0 A du code général des impôts à leurs revenus exceptionnels imposés initialement au titre de l'année 2015. Ils soutiennent que : - en sa qualité de membre du groupe familial du dirigeant des sociétés " Etablissements Semanaz et Compagnie " et " Semanaz Financière ", Mme B... était en droit de bénéficier, sur le fondement de l'instruction 5 C-1-07 du 22 janvier 2007, au même titre que son époux qui était le dirigeant en droit de ces sociétés, des abattements remis en cause par le service ; - Mme B... doit être regardée comme ayant été dirigeante des sociétés " Etablissements Semanaz et Compagnie " et " Semanaz Financière " ; - l'administration ne peut exiger rétroactivement que Mme B... respecte des conditions qui n'étaient pas exigées par la doctrine administrative entre 2010 et 2015 ; - une telle exigence est contraire aux dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales et à la volonté du législateur de favoriser les transmissions d'entreprise ; - le changement en 2015 de l'interprétation administrative des dispositions de l'article 150-0 D ter du code général des impôts, qui est plus restrictive que celle résultant de l'instruction 5 C-1-07 du 22 janvier 2007, encore applicable jusqu'au 14 octobre 2014, méconnaît le principe d'égalité devant la loi ainsi que le principe d'égalité devant les charges publiques ; - ils doivent en conséquence pouvoir bénéficier de l'abattement proportionnel renforcé ; - les parts de Mme B... étaient détenues depuis plus de 8 ans et elle peut en tout état de cause se prévaloir d'un abattement à ce titre. Par un mémoire en défense enregistré le 29 septembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête. Il soutient que : - les moyens soulevés par M. et Mme B... ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Magnard, - les conclusions de M. Segretain, rapporteur public, - et les observations de Me Tetzlaff, représentant M. et Mme B.... Considérant ce qui suit : 1. Mme B... a cédé le 9 juillet 2015 les parts qu'elle détenait dans les sociétés " Etablissements Semanaz et Compagnie " et " Semanaz Financière " à la société " Quartz Management ". A l'issue d'un contrôle sur pièces du dossier fiscal personnel de M. et Mme B..., le service a remis partiellement en cause le bénéfice des abattements sur les plus-values réalisées à cette occasion, dont Mme B... avait estimé pouvoir bénéficier en application des dispositions des articles 150-0 D ter et 150-0 D du code général des impôts. Les requérants relèvent appel du jugement du 21 avril 2022 en tant que le Tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande en décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de contributions sociales qui en ont découlé. 2. D'une part, aux termes du I de l'article 150-0 D ter du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à la date des cessions en litige : " 1. Les gains nets mentionnés au 1 de l'article 150-0 D et déterminés dans les conditions prévues au même article retirés de la cession à titre onéreux d'actions, de parts de sociétés ou de droits portant sur ces actions ou parts sont réduits d'un abattement fixe de 500 000 € et, pour le surplus éventuel, de l'abattement prévu au 1 quater dudit article 150-0 D lorsque les conditions prévues au 3 du présent I sont remplies / (...) / 3. Le bénéfice des abattements mentionnés au 1 est subordonné au respect des conditions suivantes : / (...) / 2° Le cédant doit : / a) Avoir exercé au sein de la société dont les titres ou droits sont cédés, de manière continue pendant les cinq années précédant la cession et dans les conditions prévues au 1° de l'article 885 O bis, l'une des fonctions mentionnées à ce même 1° / (...) ". Aux termes de l'article 885 O bis de ce code, dans sa rédaction applicable à la date des cessions en litige : " Les parts et actions de sociétés (...) sont (...) considérées comme des biens professionnels si leur propriétaire remplit les conditions suivantes : / 1° Etre, soit gérant nommé conformément aux statuts d'une société à responsabilité limitée ou en commandite par actions, soit associé en nom d'une société de personnes, soit président, directeur général, président du conseil de surveillance ou membre du directoire d'une société par actions / Les fonctions énumérées ci-dessus doivent être effectivement exercées et donner lieu à une rémunération normale. Celle-ci doit représenter plus de la moitié des revenus à raison desquels l'intéressé est soumis à l'impôt sur le revenu (...) ". 3. D'autre part, aux termes de l'article 150-0 D du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à la date des cessions en litige : " (...) / Les gains nets résultant de la cession à titre onéreux ou retirés du rachat d'actions, de parts de sociétés, de droits démembrés portant sur ces actions ou parts, ou de titres représentatifs de ces mêmes actions, parts ou droits, mentionnés à l'article 150-0 A (...) sont réduits d'un abattement déterminé dans les conditions prévues, selon le cas, au 1 ter ou au 1 quater du présent article / (...) / 1 quater. A.- Par dérogation au 1 ter, lorsque les conditions prévues au B sont remplies, les gains nets sont réduits d'un abattement égal à : / 1° 50 % de leur montant lorsque les actions, parts ou droits sont détenus depuis au moins un an et moins de quatre ans à la date de la cession / 2° 65 % de leur montant lorsque les actions, parts ou droits sont détenus depuis au moins quatre ans et moins de huit ans à la date de la cession / 3° 85 % de leur montant lorsque les actions, parts ou droits sont détenus depuis au moins huit ans à la date de la cession / B.- L'abattement mentionné au A s'applique : / (...) / 2° Lorsque le gain est réalisé dans les conditions prévues à l'article 150-0 D ter / (...) ". 4. Il résulte des dispositions mentionnées au 2. qui, compte tenu de leur caractère dérogatoire, doivent être interprétées strictement, que le bénéfice de l'abattement prévu à l'article 150-0 D ter est subordonné au respect de plusieurs conditions relatives à la personne du cédant, tenant notamment à l'exercice effectif de fonctions de direction normalement rémunérées au sein de la société dont les titres sont cédés et à ce qu'il ait cessé toute fonction au sein de cette même société et fait valoir ses droits à la retraite au cours d'une période de quatre années allant de deux ans avant à deux ans après la cession. S'agissant de la condition relative à la nature des fonctions exercées par le cédant, le 1° de l'article 885 O bis, auquel renvoie l'article 150-0 D ter, ne prévoit, dans le cas où la société dont il s'agit est une société par actions, aucune autre condition que l'exercice des fonctions de président, directeur général, président du conseil de surveillance ou membre du directoire. Par suite, le respect de ces conditions s'apprécie nécessairement, dans le cas d'un couple marié, au niveau de chaque conjoint pris isolément. Si les dispositions du 1 de l'article 6 du code général des impôts soumettent les personnes mariées à une imposition commune pour les revenus perçus par chacune d'elles, cette règle n'implique pas, par elle-même, d'apprécier au niveau du foyer fiscal le respect des conditions d'éligibilité à l'abattement pour durée de détention applicable aux cessions réalisées par les dirigeants de sociétés lors de leur départ en retraite. Il résulte également de la combinaison de ces dispositions, qui, ainsi qu'il vient d'être dit, doivent être interprétées strictement, que le bénéfice de l'avantage fiscal prévu par l'article 150-0 D ter du code général des impôts est réservé, dans le cas où la société dont il s'agit est une société par actions, aux présidents, directeurs généraux, présidents du conseil de surveillance ou membres du directoire nommés conformément aux statuts de ces sociétés, à l'exclusion, notamment, des personnes qui en auraient exercé ces fonctions en fait. 5. Il est constant que Mme B... n'a pas exercé au sein des sociétés " Etablissements Semanaz et Compagnie " et " Semanaz Financière ", qui étaient des sociétés par actions, l'une des fonctions visées au 1° de l'article 885 O bis du code général des impôts pendant les cinq années précédant la cession des parts qu'elle détenait dans ces sociétés. Dans ces conditions, et alors même que M. et Mme B... s'attachent à démontrer que Mme B... aurait dans les faits dirigé ces sociétés aux côtés de son époux qui en était le dirigeant légal, c'est à bon droit que le service a considéré que l'abattement fixe de 500 000 euros prévu par les dispositions du 1. du I. de l'article 150-0 D ter du code général des impôts ainsi que, par voie de conséquence, l'abattement proportionnel de 85 % pour durée de détention prévu au A du 1 quater de l'article 150-0 D du même code n'étaient pas applicables à la cession des parts de ces sociétés. 6. Enfin, si les requérants font valoir que les parts de Mme B... étaient détenues depuis plus de 8 ans et qu'un abattement de droit commun de 65 % était applicable à ce titre, il résulte en tout état de cause de l'instruction qu'à l'issue de l'acceptation partielle le 19 septembre 2018 de leurs réclamations préalables, l'abattement demandé a été appliqué à la plus-value en cause et le dégrèvement correspondant accordé. Les moyens développés à cet égard sont par suite inopérants à l'appui d'une contestation des impositions restant en litige. Sur l'interprétation administrative de la loi fiscale : 7. D'une part, aux termes du second alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente (...) ". Lorsque sont contestées, sur le fondement d'une interprétation plus favorable de l'administration, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu frappant la plus-value résultant d'une cession de titres ou de droits, il convient de se placer, pour déterminer l'interprétation invocable, à la date du fait générateur de cette plus-value, c'est-à-dire à la date à laquelle est intervenue la cession, et non pas au 31 décembre de l'année d'imposition, date du fait générateur de l'impôt sur le revenu. 8. D'autre part, selon l'instruction du ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique publiée au bulletin officiel des impôts sous la référence 5 C-1-07 du 22 janvier 2007 : " (...) / 142. En principe, seul le cédant qui remplit les conditions énoncées au B de la présente sous-section peut bénéficier des dispositions de l'article 150-0 D ter. Les dispositions de l'article 150-0 D ter ne s'appliquent donc pas aux cessions réalisées par les autres membres du groupe familial (...), dès lors qu'ils ne remplissent pas eux-mêmes les conditions précitées / 143. Il est toutefois admis que les dispositions de l'article 150-0 D ter s'appliquent également aux gains nets de cession de titres de sociétés réalisés par certains ou par tous les autres membres du groupe familial, lorsque les conditions suivantes sont remplies : / - les cessions réalisées par les autres membres du groupe familial portent sur l'intégralité des actions, parts ou droits qu'ils détiennent dans la société concernée / - les cessions réalisées par les autres membres du groupe familial interviennent à la même date que la cession effectuée par le ou les cédants qui remplissent les conditions mentionnées au B de la présente sous-section / - en cas de cession à une entreprise, les autres membres du groupe familial ne doivent pas détenir, directement ou indirectement, de participation (droits de vote ou droits financiers) dans la société cessionnaire / - les cessions réalisées par l'ensemble des membres du groupe familial (cédants remplissant les conditions prévues au B de la présente sous-section et autres membre de la famille) doivent porter sur plus de 25 % des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux de la société concernée / (...) ". Cette instruction, par dérogation à la loi fiscale, permet à un cédant qui n'a pas exercé des fonctions de direction mais qui fait partie du même groupe familial qu'une personne qui les a exercées et qui cède, le même jour, ses propres parts, de bénéficier de l'abattement prévu par les dispositions de l'article 150-0 D ter du code général des impôts. 9. En premier lieu, M. et Mme B... ne peuvent utilement se prévaloir du bénéfice du paragraphe 143 de l'instruction référencée 5 C-1-07 du 22 janvier 2007 dès lors que, si ce paragraphe a été repris au paragraphe 260 de l'instruction référencée BOI-RPPM-PVBMI-20-20-20-40 du 12 septembre 2012, ce dernier paragraphe a été, en tout état de cause, rapporté par l'instruction référencée BOI-RPPM-PVBMI-20-20-20-40 du 14 octobre 2014, soit avant la date de cession des parts détenues par Mme B... dans les sociétés " Etablissements Semanaz et Compagnie " et " Semanaz Financière ". Si les requérants se prévalent d'un document se présentant comme une " lettre d'intention " du 5 février 2015 par laquelle la société " Quartz Management " leur a manifesté son intérêt à acquérir les sociétés " Etablissements Semanaz et Compagnie " et " Semanaz Financière ", ce document, dont la date, qui n'est pas certaine, est au demeurant postérieure au 14 octobre 2014, est sans incidence sur l'issue du litige dès lors qu'il résulte de ce qui a été dit précédemment que c'est au jour de la cession des parts à l'origine de la plus-value qu'il convient de se placer pour déterminer l'interprétation administrative de la loi fiscale applicable au présent litige. 10. En second lieu, les dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, qui instituent un mécanisme de garantie au profit du redevable qui se prévaut de l'interprétation de la loi formellement admise par l'administration et dont il respecte les termes, même lorsque cette interprétation ajoute à la loi ou la contredit, ne permettent pas, contrairement à ce qui est soutenu, de se prévaloir d'une interprétation de la loi fiscale qui a été rapportée à la date du fait générateur de l'impôt et cela alors même que l'interprétation rapportée a pu déterminer les choix du contribuable. Contrairement à ce qui est également soutenu, dès lors qu'à la date du fait générateur de l'impôt, l'instruction référencée 5 C-1-07 du 22 janvier 2007 a été rapportée, la circonstance qu'elle ne puisse plus être invoquée n'est pas constitutive d'une application rétroactive de la doctrine publiée le 14 octobre 2014, et ne saurait en tout état de cause, eu égard à la situation différente de contribuables dont l'imposition a été établie du chef de faits générateurs intervenus à une date différente, révéler une méconnaissance du principe d'égalité devant la loi ni du principe d'égalité devant les charges publiques. Dès lors qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la loi fiscale prévoit que le respect des conditions relatives à la nature des fonctions exercées par le cédant s'apprécie nécessairement, dans le cas d'un couple marié, au niveau de chaque conjoint pris isolément, les requérants ne sauraient en tout état de cause valablement invoquer la volonté du législateur pour demander l'application d'une doctrine, au demeurant rapportée, qui ajoutait à la loi fiscale. 11. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande. DECIDE : Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris. Délibéré après l'audience du 8 novembre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Topin, présidente, - M. Magnard, premier conseiller, - Mme Fullana, première conseillère. Rendu public par mise à disposition du greffe le 22 novembre 2023. Le rapporteur, F. MAGNARDLa présidente, E. TOPIN Le greffier, C. MONGIS La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 22PA02854 2 |
CETATEXT000048452245 | J1_L_2023_11_00022PA02889 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/22/CETATEXT000048452245.xml | Texte | CAA de PARIS, 2ème chambre, 22/11/2023, 22PA02889, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-22 00:00:00 | CAA de PARIS | 22PA02889 | 2ème chambre | plein contentieux | C | Mme TOPIN | Cabinet Z | M. Franck MAGNARD | M. SEGRETAIN | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la réduction de la cotisation primitive d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2015. Par un jugement n° 1914181/10 du 22 février 2022, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande. Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire enregistrés les 21 juin et 18 octobre 2022, M. A..., représenté par Me Cédric de Kervenoaël, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement du 22 février 2022 du Tribunal administratif de Montreuil ; 2°) de lui accorder la déduction des frais réels pour le calcul de l'impôt sur le revenu 2015 pour un montant de 133 365,95 euros et de prononcer en conséquence le remboursement du trop versé d'impôt sur le revenu ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens. Il soutient que : - les justificatifs adressés à la société civile de droit allemand Scorpions GbR qui est une société civile de personnes, fiscalement transparente, doivent être regardés comme des frais déductibles du revenu imposable au nom de ses associés ; - les frais dont la déduction est demandée ont un caractère nécessaire ; - il a fourni la copie des factures, la méthode de répartition par concert pour les factures qui concernaient plusieurs concerts, la preuve du paiement desdites factures, et le récapitulatif intégral des postes de charges de l'année 2015, pour les concerts en France et à l'étranger ; - le montant total des revenus générés par l'activité sur le sol français en 2015 de la société civile de droit allemand Scorpions GbR s'élève à 2 287 224 euros et les charges pour l'exercice de l'activité en 2015 s'élèvent à 436 607,85 euros ; - cette société a respecté ses obligations comptables et fiscales en Allemagne ; - les recettes perçues en France et les charges y afférentes étant exclues pour la détermination du résultat de la société Scorpions GbR imposable à son nom en Allemagne, la prise en compte des charges litigieuses à son niveau n'entraîne pas de double déduction des dépenses réalisées pour les concerts en France ; - l'égalité de traitement des contribuables face à l'administration lorsque ceux-ci sont dans une situation identique a été méconnue. Par un mémoire en défense enregistré le 20 septembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête. Il soutient que : - les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la Constitution et la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ; - le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Magnard, - et les conclusions de M. Segretain, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., ressortissant et résident allemand, est musicien, membre du groupe " Scorpions ", et détient un tiers des parts de la société civile de droit allemand " Scorpions GbR ". L'intéressé a déclaré des revenus de source française, dans la catégorie des traitements et salaires, d'un montant de 828 516 euros au titre de l'année 2015. Ces revenus ont été soumis à la retenue à la source, sur le fondement de l'article 182 A bis du code général des impôts, ainsi qu'à l'impôt sur le revenu à l'exception de la fraction libératoire, d'un montant de 41 867 euros. La cotisation d'impôt sur le revenu, d'un montant total de 244 979 euros, établie selon les déclarations de l'intéressé, a été mise en recouvrement le 31 octobre 2017. Par une réclamation du 19 décembre 2017, M. A... a sollicité la déduction des frais réels exposés au cours de l'année 2015, s'élevant, selon la déclaration rectificative déposée, à 165 653 euros. L'administration fiscale a rejeté cette réclamation le 21 août 2019. Par la présente requête M. A... relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la réduction de la cotisation d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2015. 2. Aux termes de l'article 83 du code général des impôts : " Le montant net du revenu imposable est déterminé en déduisant du montant brut des sommes payées et des avantages en argent ou en nature accordés : (...) 3° Les frais inhérents à la fonction ou à l'emploi lorsqu'ils ne sont pas couverts par des allocations spéciales. La déduction à effectuer du chef des frais professionnels est calculée forfaitairement en fonction du revenu brut, après défalcation des cotisations, contributions et intérêts mentionnés aux 1° à 2° quinquies et à l'article 83 bis ; elle est fixée à 10 % du montant de ce revenu. Elle est limitée à 12 170 € pour l'imposition des rémunérations perçues en 2015 (...) Les bénéficiaires de traitements et salaires sont également admis à justifier du montant de leurs frais réels, soit dans la déclaration visée à l'article 170, soit sous forme de réclamation adressée au service des impôts dans le délai prévu aux articles R* 196-1 et R* 196-3 du livre des procédures fiscales (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour pouvoir déduire ses frais réels, le contribuable doit fournir des éléments justificatifs suffisamment précis pour permettre d'apprécier le montant des frais effectivement exposés par lui à l'occasion de l'exercice de sa profession. Il ne peut ni se borner à présenter un calcul théorique de ces frais, ni à faire état de dépenses réelles sans établir qu'elles constituent une charge inhérente à son activité professionnelle. 3. M. A... a été imposé en France sur les salaires perçus en contrepartie des prestations artistiques qu'il a personnellement réalisées sur le territoire et peut donc seulement déduire les frais qu'il a personnellement exposés et qui sont inhérents à l'exercice de son activité professionnelle en France. Il résulte de l'instruction que les factures produites sont libellées au nom de la société " Scorpions GbR ", qui s'est acquittée de leur paiement ainsi qu'en attestent les relevés bancaires produits qui se rapportent au compte ouvert au nom de cette société. Il appartient à M. A... d'établir dans quelle proportion ces factures ont été payées pour son compte et dans quelle mesure elles sont nécessaires à l'activité salariée personnelle de l'intéressé sur le territoire français. En se bornant à fournir l'intégralité des factures supportées par la société " Scorpions GbR " et la preuve de leur paiement par cette dernière, un tableau de répartition de l'ensemble des factures non assorti des éléments permettant à la Cour de vérifier la justesse de la clé de répartition utilisée, la copie des factures afférentes à un seul des concerts donné en France, sans qu'il soit possible d'identifier les dépenses spécifiquement imputables à l'activité salariée personnelle de M. A..., M. A... n'apporte pas la preuve qui lui incombe. Par suite, M. A..., qui ne saurait utilement se prévaloir, pour justifier du caractère déductible des sommes litigieuses en application des dispositions précitées du code général des impôts, de ce que les recettes perçues en France et les charges y afférentes étaient exclues pour la détermination du résultat de la " Scorpions GbR " imposable à son nom en Allemagne et de ce que la prise en compte des charges litigieuses à son niveau n'entraine pas de double déduction des dépenses réalisées pour les concerts en France, n'établit pas avoir personnellement exposé, à l'occasion de l'exercice de sa profession, au titre des représentations données en France en 2015, des frais excédant le montant de 12 170 euros, déduit forfaitairement en application du 3° de l'article 83 du code général des impôts. Le requérant étant taxé en France en qualité de salarié, dans la catégorie des traitements et salaires et selon les règles applicables à cette catégorie de revenus, les modalités d'imposition, au niveau de ses associés, des résultats de la société Scorpions GbR en Allemagne et la circonstance que cette société y aurait respecté ses obligations comptables et fiscales sont sans influence sur l'issue du litige. 4. En dernier lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points précédents que l'imposition contestée a été établie conformément à la loi fiscale. Par suite, M. A..., qui ne soulève par mémoire distinct aucune question prioritaire de constitutionnalité, ne peut utilement se prévaloir du principe d'égalité des citoyens devant la loi, garanti par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. M. A... n'ayant pas fait l'objet d'un rehaussement d'impositions antérieures, la décision par laquelle l'administration fiscale a partiellement admis la réclamation présentée par un autre associé de Scorpions GbR ne constitue en tout état de cause pas une prise de position formelle invocable sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales. 5. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que le requérant demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. DECIDE : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Copie en sera adressée à la direction des impôts des non-résidents. Délibéré après l'audience du 8 novembre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Topin, présidente, - M. Magnard, premier conseiller, - Mme Fullana, première conseillère. Rendu public par mise à disposition du greffe le 22 novembre 2023. Le rapporteur, F. MAGNARDLa présidente, E. TOPIN Le greffier, C. MONGIS La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 22PA02889 2 |
CETATEXT000048452246 | J1_L_2023_11_00022PA03101 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/22/CETATEXT000048452246.xml | Texte | CAA de PARIS, 8ème chambre, 20/11/2023, 22PA03101, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-20 00:00:00 | CAA de PARIS | 22PA03101 | 8ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme MENASSEYRE | CABINET GRIFFITHS DUTEIL ASSOCIES | Mme Virginie LARSONNIER | Mme BERNARD | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : L'office public de l'habitat du département de la Seine-Maritime " Habitat 76 " a demandé au tribunal administratif de Rouen : 1°) d'annuler le courrier de l'Agence nationale des fréquences (Anfr) du 24 octobre 2019 lui accordant l'aide à la réception pour les travaux de l'immeuble André Malraux situé allée Jean de la Varende à Oissel, ensemble la décision de rejet de son recours gracieux du 17 janvier 2020 ; 2°) d'annuler la décision de l'Anfr du 27 février 2020 en tant qu'elle a limité à une somme de 144,10 euros le montant de l'aide à la réception accordée pour les travaux sur l'immeuble situé rue des Bas Jardins à Canteleu ; 3°) d'annuler la décision implicite du 23 février 2020 par laquelle l'Anfr lui a refusé le remboursement intégral des frais qu'il a engagés au titre de l'aide à la réception dans les 730 autres logements dont il assure la gestion ; 4°) d'enjoindre à l'Anfr de réexaminer les 731 demandes d'aide à la réception dans un délai de trois semaines, sous astreinte de 150 euros par jour de de retard ; 5°) de mettre à la charge de l'Anfr une somme de 4 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par une ordonnance du 18 septembre 2020, le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Rouen a, en application des dispositions de l'article R. 351-3 du code de justice administrative, transmis au tribunal administratif de Melun la demande de l'office public de l'habitat du département de la Seine-Maritime " Habitat 76 ". Par un jugement n° 2007477 du 12 mai 2022, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et des mémoires enregistrés les 7 juillet et 27 octobre 2022 et le 5 avril 2023, l'office public de l'habitat du département de la Seine-Maritime " Habitat 76 ", représenté par Me Griffiths, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du 12 mai 2022 du tribunal administratif de Melun ; 2°) d'annuler la décision de l'Anfr du 24 octobre 2019, ainsi que la décision de rejet de son recours gracieux du 17 janvier 2020 ; 3°) d'annuler la décision de l'Anfr du 27 février 2020 en tant qu'elle a limité à une somme de 144,10 euros le montant de l'aide à la réception des services de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre accordée pour les travaux sur l'immeuble situé rue des Bas Jardins à Canteleu ; 4°) d'annuler les 729 décisions implicites de l'Anfr en tant qu'elles ont limité à une somme de 144,10 euros le montant de l'aide à la réception des services de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre accordée pour les travaux de chaque immeuble dont il assure la gestion ; 5°) d'enjoindre à l'Anfr de réexaminer ses 731 demandes d'aide à la réception des services de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre dans un délai de trois semaines à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ; 6°) de mettre à la charge de l'Anfr la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - en l'absence de réponse au moyen tiré de la méconnaissance du principe de sécurité juridique, pourtant invoqué devant le tribunal, le jugement est irrégulier ; - le courrier du 24 octobre 2019 est une décision lui faisant grief susceptible de recours pour excès de pouvoir ; en outre, il s'agit de la première décision de principe dans le cadre de l'opération complexe constituée par les 731 décisions de l'Anfr refusant d'accorder l'aide à la réception des services de télévision pour la totalité des travaux effectués dans le cadre du changement des fréquences de la télévision numérique terrestre ; dans ces conditions, ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 24 octobre 2019, et de la décision du 17 janvier 2020 rejetant son recours gracieux formé contre cette décision sont recevables ; - la condition selon laquelle le montant de l'aide doit couvrir les seules dépenses utiles et indispensables à l'adaptation de l'antenne n'est pas prévue par le décret du 19 novembre 2015 qui prévoit au contraire, en son article 7, que " le montant de l'aide est égal aux frais réellement engagés " pour les travaux réalisés pour assurer la continuité de réception ; l'Anfr ne pouvait donc légalement limiter le montant de l'aide qui lui a été accordée au seul coût de la main d'œuvre nécessaire au réglage du matériel au motif qu'il n'était pas en mesure d'établir que le remplacement des modèles de stations WISI VS 21 et AVAT 3 TELEVES était indispensable ; - l'Anfr n'établit pas que le simple réglage du matériel existant suffisait pour remédier aux perturbations de réception des services de télévision dues au changement de fréquence de la télévision numérique terrestre ; en revanche, il produit des pièces justifiant que le remplacement de stations WISI VS 21 et AVAT 3 TELEVES était indispensable et qu'en l'absence de filtres disponibles pour régler par anticipation les nouvelles fréquences, tout changement par anticipation des fréquences était exclu sous peine d'entraîner la perte de fréquences du plan de fréquence existant et de causer l'absence de réception de certaines chaînes jusqu'au jour du changement effectif du plan de fréquences ; la solution consistant à la pose du système VS référencé en avril 2019 sur le site de l'Anfr est la solution la plus pérenne et la moins onéreuse afin de répondre à l'évolution télévisuelle future et de respecter les règles fixées par l'Anfr ; - le revirement de position de l'Anfr consistant à ne rembourser que les frais de réglages et la main-d'œuvre méconnaît le principe d'égalité par rapport aux demandes présentées lors de phases précédentes de réaménagement pour lesquelles elle a accordé l'aide à la réception des services de télévision pour financer les rénovations ou les remplacements des stations de réception ; - ce revirement de position de l'Anfr, soudain, imprévisible et injustifié, méconnaît le principe de sécurité juridique. Par des mémoires en défense, enregistrés les 27 septembre 2022 et 17 mars 2023, l'Agence nationale des fréquences, représentée par Me Weigel, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge de l'office public de l'habitat du département de la Seine-Maritime " Habitat 76 " au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés. Par un courrier du 10 octobre 2023, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la décision de la cour est susceptible de se fonder sur le moyen d'ordre public, relevé d'office, tiré de ce que les conclusions de l'office public de l'habitat du département de la Seine-Maritime " Habitat 76 " tendant à l'annulation de la décision du 27 février 2020 de l'Agence nationale des fréquences ont été présentées pour la première fois dans le mémoire enregistré le 28 février 2022 au greffe du tribunal administratif de Melun, soit au-delà du délai raisonnable fixé par la décision d'Assemblée du Conseil d'Etat du 13 juillet 2016, M. A... , n°387763, sont tardives. Par un mémoire enregistré le 13 octobre 2023, l'office public de l'habitat du département de la Seine-Maritime " Habitat 76 " a présenté des observations en réponse au moyen d'ordre public. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des postes et des communications électroniques ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 ; - le décret n° 2015-1500 du 19 novembre 2015 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Larsonnier, - les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique, - et les observations de Me Maerten, représentant l'office public de l'habitat du département de la Seine-Maritime " Habitat 76 ", et de Me Brun, représentant l'Agence nationale des fréquences. Considérant ce qui suit : 1. L'office public de l'habitat du département de la Seine-Maritime (OPH) " Habitat 76 " a présenté à l'Agence nationale des fréquences (Anfr) des demandes d'aide à la réception des services de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre à la suite des travaux d'adaptation d'antenne en vue de remédier aux perturbations de réception des services de télévision dues au changement de fréquence de la télévision numérique terrestre (TNT), réalisés sur les immeubles dont il assure la gestion pour un montant total de 309 176,45 euros, soit un montant par logement de 422,95 euros. Par une décision du 24 octobre 2019, l'Anfr a informé l'OPH " Habitat 76 " que l'aide à la réception des services de télévision lui était accordée pour couvrir tout ou partie des frais engagés pour effectuer les travaux nécessaires de l'immeuble André Malraux situé allée Jean de la Varende à Oissel et a indiqué que seuls les travaux indispensables pour assurer la continuité de la réception des services de télévision seraient pris en charge, conformément à l'article 1er du décret du 19 novembre 2015 relatif à l'aide à la réception instituée par le deuxième alinéa de l'article 99 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. Par un courrier du 20 décembre 2019, reçu le 23 décembre suivant par l'Anfr, l'OPH " Habitat 76 " a sollicité le retrait de la décision du 24 octobre 2019 au motif qu'elle n'indiquait pas le montant de l'aide qui serait accordée et a demandé le remboursement intégral des frais qu'il avait engagés dans les travaux pour l'ensemble des immeubles dont il assurait la gestion. Par une décision du 17 janvier 2020, l'Anfr a rejeté son recours formé contre la décision du 24 octobre 2019 ainsi que sa demande de remboursement intégral des travaux sans toutefois préciser le montant de l'aide à la réception des services de télévision qui lui serait allouée. Par une décision du 27 février 2020, l'Anfr a accordé une somme de 144,10 euros au titre de cette aide pour les travaux effectués sur l'immeuble situé rue des Bas Jardins à Canteleu. Elle a effectué directement des versements d'un montant de 144,10 euros pour les travaux effectués sur les autres immeubles. Ces versements révèlent les décisions par lesquelles l'Anfr a refusé d'accorder, au titre de l'aide à la réception des services de télévision, le remboursement intégral des frais engagés par l'OPH " Habitat 76 " dans les 730 autres logements dont il assure la gestion. Par un jugement du 12 mai 2022, dont l'OPH " Habitat 76 " relève appel, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de l'Anfr du 24 octobre 2019, de sa décision du 17 janvier 2020, de sa décision du 27 février 2020 en tant qu'elle limite à une somme de 144,10 euros le montant de l'aide à la réception des services de télévision accordée pour les travaux sur l'immeuble situé rue des Bas Jardins à Canteleu et de la décision implicite née le 23 février 2020 par laquelle l'ANFR a refusé le remboursement intégral des frais engagés par l'OPH " Habitat 76 " dans les 730 autres logements dont il assure la gestion. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Il ressort des pièces du dossier que l'OPH " Habitat 76 " a présenté devant le tribunal administratif un mémoire complémentaire le 28 février 2022 dans lequel il soulevait le moyen tiré de l'atteinte au principe de sécurité juridique du fait du revirement de position de l'Anfr dans le traitement des demandes d'aide à la réception des services de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre. Ce moyen soulevé à l'encontre de décisions individuelles et d'une éventuelle doctrine de l'Anfr est inopérant. Cependant, le tribunal n'a pas analysé ce moyen inopérant. Contrairement à ce que soutient l'Anfr, le moyen tiré de l'atteinte au principe de sécurité juridique ne se confond pas avec celui tiré de la méconnaissance du principe d'égalité. Par suite, en l'absence de réponse à ce moyen, qui n'a pas été analysé, l'OPH " Habitat 76 " est fondé à soutenir que le jugement est entaché d'irrégularité et doit être annulé. 3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de l'OPH " Habitat 76 " présentée devant le tribunal administratif de Melun. Sur la recevabilité des conclusions à fin d'annulation de la décision du 24 octobre 2019 et de la décision du 17 janvier 2020 rejetant le recours gracieux de l'OPH " Habitat 76 " : 4. Il ressort des termes de la décision du 24 octobre 2019 que l'Anfr a décidé d'accorder à l'OPH " Habitat 76 " l'aide à la réception des services de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre pour couvrir tout ou partie des frais engagés pour effectuer les travaux nécessaires et a précisé, en se livrant à une interprétation de l'article 1er du décret du 19 novembre 2015 relatif à l'aide à la réception instituée par le deuxième alinéa de l'article 99 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, que seuls les travaux indispensables pour assurer la continuité de la réception des services de télévision pourront être pris en charge. L'OPH " Habitat 76 " ayant sollicité le remboursement des frais correspondant à l'intégralité des travaux réalisés en vue de remédier aux perturbations de réception des services de télévision dues au changement de fréquence de la TNT, cette interprétation de l'article 1er du décret du 19 novembre 2015 est susceptible de lui faire grief. Dans ces conditions, la décision du 24 octobre 2019 de l'Anfr et la décision rejetant le recours formé par l'OPH " Habitat 76 " contre cette décision sont des décisions susceptibles de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir. Par suite, la fin de non-recevoir opposée devant la cour par l'Anfr, tirée de l'irrecevabilité des conclusions à fin d'annulation de ces décisions doit être écartée. Sur l'étendue du litige : 5. Si l'Anfr invoque l'existence d'une décision implicite, née selon elle le 23 février 2020 du silence gardé sur la demande de remboursement de l'intégralité des travaux effectués présentée le 23 décembre 2019 par l'OPH " Habitat 76 ", elle a cependant expressément rejeté cette demande par une décision du 17 janvier 2020. En outre, par une décision du 27 février 2020, l'Anfr a accordé la somme de 144,10 euros au titre de l'aide à la réception pour les travaux sur l'immeuble situé rue des Bas Jardins à Canteleu et a rejeté le surplus de la demande. Ces décisions expresses se sont substituées à la décision implicite du 23 février 2020. Par ailleurs, les versements effectués en faveur de l'OPH " Habitat 76 " d'un montant de 144,10 euros pour chacun des 730 sites concernés révèlent les décisions de l'Anfr refusant d'accorder la totalité du montant sollicité au titre de l'aide à la réception des services de télévision qui se sont également substituées à la décision implicite qui serait intervenue le 23 février 2020. Dans ces conditions et eu égard à ce qui a également été dit au point 4, les conclusions à fin d'annulation présentées par l'OPH " Habitat 76 " doivent être regardées comme dirigées contre les décisions de l'Anfr du 24 octobre 2019, des 17 janvier et 27 février 2020 ainsi que contre les décisions révélées par les versements effectués à hauteur seulement de 144,10 euros pour les 730 immeubles autres que celui de la rue des Bas Jardins à Canteleu gérés par le requérant. Sur les conclusions à fin d'annulation : . Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ; (...). 7. En premier lieu, la décision du 24 octobre 2019 vise le décret n° 2015-1500 du 19 novembre 2015 et précise que l'aide à la réception des services de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre sollicitée par l'OPH " Habitat 76 " est accordée pour couvrir tout ou partie des frais engagés pour effectuer les travaux nécessaires de l'immeuble André Malraux situé allée Jean de la Varende à Oissel mais toutefois que seuls les travaux indispensables pour assurer la continuité de la réception des services de télévision seront pris en charge conformément à l'article 1er du décret du 19 novembre 2015. La décision renvoie également à son site internet à fin de suivre l'état d'avancement des demandes. Dans ces conditions, et alors que l'Anfr n'avait pas encore instruit la demande d'aide et n'était donc pas en mesure de préciser le montant de l'aide accordée, elle a suffisamment énoncé les considérations de droit et de fait fondant sa décision. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision du 24 octobre 2019 doit être écarté. 8. En deuxième lieu, par sa décision du 27 février 2020, l'Anfr a accordé à l'OPH " Habitat 76 " l'aide à la réception des services de télévision pour les travaux effectués dans l'immeuble situé rue des Bas Jardins à Canteleu à hauteur de 144,10 euros. L'article 7 du décret du 19 novembre 2015 visé ci-dessus prévoit un plafond au montant de l'aide à la réception des services de télévision, sans ouvrir un droit automatique à l'obtention de ce montant maximal. Dans ces conditions, quand bien même le montant de l'aide accordée ne correspond pas au montant sollicité par le requérant, cette décision ne saurait être regardée comme une décision défavorable au sens des dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, cette décision n'étant pas au nombre de celles qui doivent être motivées en application des dispositions précitées, le moyen tiré de l'insuffisance de sa motivation doit être écarté. 9. En troisième lieu, pour le même motif que celui énoncé au point 8, le moyen tiré de l'insuffisante motivation des décisions de l'Anfr accordant à l'OPH " Habitat 76 " l'aide à la réception des services de télévision pour les travaux effectués dans les 730 immeubles autres que celui de la rue des Bas Jardins à Canteleu dont il assure la gestion, à hauteur de 144,10 euros chacun, et révélées par le versement de cette aide, doit être écarté. En ce qui concerne la légalité interne : 10. Aux termes du deuxième alinéa de l'article 99 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsque l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique procède à un réaménagement de fréquences pour tenir compte d'une réaffectation des fréquences en application de l'article 21, une aide est également attribuée, sans condition de ressources, aux foyers dont le local d'habitation se situe dans une zone géographique dans laquelle la continuité de la réception des services de télévision en clair ne peut être assurée par voie hertzienne terrestre sans une intervention sur le dispositif de réception ou la modification du mode de réception, dans des cas définis par décret. En habitat collectif, cette aide est attribuée au représentant légal d'un immeuble collectif, d'une copropriété ou d'un ensemble locatif. ". 11. Aux termes de l'article 1er du décret du 19 novembre 2015 relatif à l'aide à la réception instituée par le deuxième alinéa de l'article 99 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication : " L'aide instituée par le deuxième alinéa de l'article 99 de la loi du 30 septembre 1986 susvisée visant à contribuer à la continuité de la réception des services de télévision diffusés en clair par voie hertzienne terrestre couvre tout ou partie des frais engagés par un foyer ou le représentant légal d'un immeuble collectif, d'une copropriété ou d'un ensemble locatif : - soit pour adapter l'antenne, individuelle ou collective, permettant la réception des services de télévision en clair diffusés par voie hertzienne terrestre ;/- soit pour accéder à l'offre d'un distributeur de services ou d'un opérateur de réseau satellitaire qui propose la reprise des services en cause ". Aux termes de l'article 3 du même décret : " Pour bénéficier de l'aide, le foyer doit satisfaire aux conditions suivantes : 1° Il ne reçoit dans sa résidence principale des services de télévision que par voie hertzienne terrestre ; 2° Il détient un appareil récepteur de télévision ou un dispositif assimilé dans sa résidence principale située dans une zone géographique arrêtée par le conseil d'administration de l'Agence nationale des fréquences et où la réception des services de télévision mentionnés à l'article 1er est perturbée ou susceptible de l'être ; 3° Il déclare à l'agence être en situation régulière au regard de l'administration fiscale s'agissant de la contribution à l'audiovisuel public ". Aux termes de l'article 5 de ce même décret : " La demande est adressée à l'Agence nationale des fréquences au plus tard six mois après la perturbation de la réception des services de télévision. En habitat collectif, la demande peut être formulée par le représentant légal de l'immeuble collectif, de la copropriété ou de l'ensemble locatif dans lequel se situe le ou les foyers en cause. L'Agence nationale des fréquences précise les modalités de dépôt de la demande d'aide et les pièces permettant d'apprécier les conditions d'éligibilité mentionnées à l'article 3 ". Aux termes de l'article 6 de ce même décret : " Le montant de l'aide est établi sur la base du justificatif d'achat ou du service fait fourni par le demandeur ". Aux termes de l'article 7 de ce décret : " (...) En habitat collectif toutefois, le montant maximal de l'aide, qui ne peut excéder 500 euros, est fixé par le conseil d'administration de l'Agence nationale des fréquences ". 12. En premier lieu, il résulte des dispositions des articles 1er , 6 et 7 du décret du 19 novembre 2015 précitées que l'aide à la réception des services de télévision en clair diffusés par voie hertzienne terrestre a pour objet de couvrir tout ou partie des frais engagés pour adapter l'antenne, individuelle ou collective, permettant la réception de ces services ou pour accéder à l'offre d'un distributeur de services ou d'un opérateur de réseau satellitaire qui propose la reprise des services en cause, en cas de réaménagement de fréquences, que le montant de cette aide est établi sur la base du justificatif d'achat ou du service fait fourni par le demandeur et que ce montant ne peut excéder en tout état de cause, en cas d'habitat collectif, 500 euros. Il s'ensuit que l'Anfr n'a pas ajouté une condition à l'attribution de cette aide qui ne serait pas fixée par les dispositions réglementaires en estimant que les travaux ouvrant droit à cette aide étaient en l'espèce les seuls travaux destinés à adapter l'antenne collective afin de permettre la réception des services de télévision, ce qui devait la conduire à vérifier la nature de ces travaux et, par suite, à contrôler nécessairement leur caractère utile au regard de la seule opération d'adaptation de l'antenne de l'immeuble permettant la réception des services de télévision au vu des pièces justificatives présentées par le demandeur. Par suite, l'OPH " Habitat 76 " n'est pas fondé à soutenir que l'Anfr aurait commis une erreur de droit en n'accordant l'aide sollicitée que pour les seuls travaux utiles ou indispensables à l'adaptation des antennes des immeubles dont il assure la gestion. 13. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que l'Anfr a refusé d'accorder l'aide à la réception des services de télévision en vue du remboursement des frais engagés par l'OPH " Habitat 76 " pour le remplacement des stations WISI VS21 et AVANT TELEVES par la station VS 50. Il ressort du courriel du 9 décembre 2019 du responsable de la société Sogire et de l'attestation du 12 mars 2020 du directeur France de la société Wisi communications Gmbh et Co. KG que les stations WISI VS21 nécessitent, pour leur reprogrammation, un clavier de programmation et une télécommande permettant de régler ces stations qui ne sont plus commercialisés depuis respectivement 2012 et 2011. Cependant, cette circonstance, et à supposer même que la société Sogire n'aurait plus qu'un seul clavier de reprogrammation comme elle l'a indiqué, ne permet pas d'établir que d'autres sociétés d'antennistes ne disposeraient plus de tels outils et qu'il ne serait ainsi plus possible de reprogrammer les stations WISI VS21 situées sur les immeubles gérés par le requérant lors du changement de fréquences de la télévision numérique terrestre. En outre, il ressort du courriel du 4 février 2020 du directeur général de la société Televes France que la programmation différée des stations AVANT 3 TELEVES est possible en rajoutant des canaux grâce " à l'entrée de couplage pour raccordement d'autres centrales ", ce qui permet ainsi une programmation différée du changement de fréquences, et que " l'ajout de canaux ne nécessite pas forcément l'ajout d'un filtre mécanique ". Dans ces conditions, même si ces dernières stations sont obsolètes et à supposer même que l'ajout d'une nouvelle station à ces stations déjà installées afin de pouvoir ouvrir de nouveaux canaux serait une solution technique moins pertinente à terme que leur remplacement par une station programmable qui constitue la solution la plus pérenne et, sur le long terme, la moins onéreuse afin de répondre à l'évolution télévisuelle future, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'ouverture de nouveaux canaux serait techniquement impossible sans remplacement des anciennes stations. Par ailleurs, si l'Anfr a pu conseiller aux sociétés d'antennistes d'installer des stations pérennes et moins onéreuses, dont la station VS 50, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle ait indiqué qu'une telle installation serait nécessairement prise en charge dans le cadre de l'aide à la réception des services de télévision. Dans ces conditions, l'Anfr n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en estimant que le remplacement des stations WISI VS21 et AVANT TELEVES par la station VS 50 sur les immeubles gérés par le requérant n'était pas utile ou indispensable à la réception des nouvelles fréquences de la TNT et en limitant, par suite, le montant de l'aide à la réception des services de télévision au remboursement des seuls frais de réglages et de la main-d'œuvre associée. 14. En troisième lieu, l'appelant soutient qu'en refusant d'accorder l'aide à la réception des services de télévision pour la totalité des travaux qu'il a engagés sur les immeubles dont il assure la gestion au motif qu'une partie de ces travaux n'étaient pas utiles ou indispensables pour la seule opération d'adaptation de l'antenne de l'immeuble permettant la réception des services de télévision, l'Anfr a méconnu le principe d'égalité de traitement entre les demandeurs de l'aide, dès lors qu'elle avait accordé cette aide par le passé, notamment à l'office d'HLM de Béziers en 2018, pour l'ensemble des travaux effectués quand bien même ces derniers portaient sur un changement de la station collective TNT. Toutefois, le motif de refus opposé par l'Anfr découle des dispositions du décret du 19 novembre 2015 lui-même ainsi qu'il a été dit au point 12. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité doit être écarté. 15. En quatrième lieu, l'OPH " Habitat 76 " ne saurait utilement soulever le principe de sécurité juridique pour contester les décisions prises par l'Anfr accordant ou refusant d'accorder l'aide à la réception des services de télévision, qui ne revêtent pas de caractère réglementaire. En outre, à supposer que l'Anfr ait élaboré puis modifié une doctrine en matière d'attribution de l'aide en litige, le changement de cette doctrine n'entre pas davantage dans le champ d'application de ce principe. Par suite, ce moyen est inopérant et doit être écarté. 16. Il résulte de tout ce qui précède que l'OPH " Habitat 76 " n'est pas fondé à demander l'annulation des décisions de l'Anfr lui accordant l'aide à la réception des services de télévision au titre des travaux effectués sur les 371 immeubles dont il assure la gestion à hauteur seulement de 144,10 euros chacun. Sur les conclusions à fin d'injonction : 17. Le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par l'OPH " Habitat 76 " n'implique aucune mesure d'exécution. Il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions à fin d'injonction présentées par l'OPH " Habitat 76 ". Sur les frais liés à l'instance : 18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Anfr qui n'est pas, dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que l'OPH " Habitat 76 " demande au titre des frais liés à l'instance. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'OPH " Habitat 76 " la somme sollicitée par l'Anfr sur le fondement de ces mêmes dispositions. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n° 2007477 du 12 mai 2022 du tribunal administratif de Melun est annulé. Article 2 : La demande présentée par l'OPH " Habitat 76 " devant le tribunal administratif de Melun et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés. Article 3 : Les conclusions de l'Agence nationale des fréquences présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'office public de l'habitat du département de la Seine-Maritime " Habitat 76 " et à l'Agence nationale des fréquences. Délibéré après l'audience du 20 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Menasseyre, présidente de chambre, - Mme Jayer, première conseillère, - Mme Larsonnier, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 novembre 2023. La rapporteure, V. LARSONNIER La présidente, A. MENASSEYRE Le greffier, P. TISSERAND La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 22PA03101 2 |
CETATEXT000048452247 | J1_L_2023_11_00022PA03147 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/22/CETATEXT000048452247.xml | Texte | CAA de PARIS, 8ème chambre, 20/11/2023, 22PA03147, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-20 00:00:00 | CAA de PARIS | 22PA03147 | 8ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme MENASSEYRE | NJOYA | Mme Virginie LARSONNIER | Mme BERNARD | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler les titres exécutoires n° IDF 1 192900004399 et n° IDF 1 192900004404 émis le 13 mai 2019 par la direction départementale des finances publiques de la Seine-Saint-Denis pour le recteur de l'académie de Paris et d'un montant respectif de 245,54 et 539,67 euros en remboursement de trop-perçus de rémunération et de la décharger du paiement de ces sommes. Par un jugement n° 2006025 du 13 mai 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire enregistrés les 11 juillet 2022 et 17 février 2023, Mme A..., représentée par Me Njoya, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du 13 mai 2022 du tribunal administratif de Paris ; 2°) d'annuler les titres exécutoires n° IDF 1 192900004399 et n° IDF 1 192900004404 émis le 13 mai 2019 par la direction départementale des finances publiques de la Seine-Saint-Denis pour le recteur de l'académie de Paris et d'un montant respectif de 245,54 et 539,67 euros en remboursement de trop-perçus de rémunération ; 3°) de lui accorder la remise gracieuse de sa dette ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me Njoya au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'État. Elle soutient que : - elle aurait dû bénéficier d'un plein traitement pendant l'ensemble de ses congés de maladie dès lors qu'elle n'a jamais été placée en congé de maladie pendant plus d'un mois cumulé par année civile ; - le remboursement du trop-perçu de traitement pendant les périodes de congé de maladie du 10 au 19 novembre 2017 et du 17 au 31 janvier 2018 ne peut être exigé deux fois; - le titre de perception n° IDF 1 192900004404 émis le 13 mai 2019 est dépourvu de fondement légal dès lors qu'elle n'a pas été placée en arrêt maladie pendant la période du 30 mars 2018 au 10 avril 2018 et qu'elle n'a pas perçu d'indemnités journalières de la part de la caisse primaire d'assurance maladie au titre de cette période ; malgré sa demande, son employeur ne lui a pas communiqué les justificatifs concernant cet arrêt maladie ; dans ces conditions, le recteur de l'académie de Paris ne peut lui réclamer un trop-perçu de rémunération au titre de cette période ; - l'administration ne peut légalement émettre deux titres de perception et deux mises en demeure portant sur des sommes différentes mais concernant des périodes identiques ; - la somme qu'elle a indûment perçue s'élève à seulement 245,54 euros et elle a déjà été retenue sur sa rémunération ; - les pénalités qui lui ont été appliquées ne sont pas dues dès lors qu'elle a formé une réclamation contre les titres de perceptions contestés auprès de la direction départementale des finances publiques de la Seine-Saint-Denis dès juin 2019 ; - à titre subsidiaire, elle sollicite la remise gracieuse totale de la dette au vu de sa bonne foi, de son état de santé et de sa situation financière. Par un mémoire enregistré le 5 avril 2023, le directeur départemental des finances publiques de la Seine-Saint-Denis demande à la Cour de le déclarer hors de cause et conclut au rejet de la requête. Il soutient que : - le recteur de l'académie de Paris est seul compétent pour conclure en défense, au nom de l'État, en matière de contestations relatives à la régularité du titre de perception, l'existence de la créance, son montant ou son exigibilité ; - en outre, le comptable public ne peut décider seul d'accorder une remise gracieuse. Par un mémoire en défense enregistré le 25 avril 2023, le recteur de l'académie de Paris conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés. Par un courrier du 5 octobre 2023, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la décision de la cour est susceptible de se fonder sur le moyen d'ordre public, relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions présentées par Mme A... tendant à ce que la cour lui accorde une remise gracieuse de sa dette dès lors que le juge administratif ne peut se substituer à l'administration qui seule peut se prononcer en ce sens et dont le refus peut, le cas échéant, être contesté devant le juge administratif. Par une décision du 21 novembre 2022, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a admis Mme A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ; - le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Larsonnier, - les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique, - et les observations de Me Njoya, représentant Mme A.... Considérant ce qui suit : 1. Le 27 janvier 2017, Mme A... a été recrutée par le recteur de l'académie de Paris pour la période comprise entre le 30 janvier 2017 et le 31 août 2017 en qualité d'accompagnante d'élèves en situation de handicap. Son contrat a été renouvelé du 1er septembre 2017 au 31 août 2018. Pendant la période d'exécution de ces contrats, elle a dû être à plusieurs reprises placée en congés du fait de son état de santé. Diverses retenues sur traitement ont été pratiquées sur ses bulletins de paie d'avril, mai, juin, juillet et août 2018 en raison d'un trop-perçu de traitement. Son contrat étant arrivé à échéance, le directeur départemental des finances publiques de la Seine-Saint-Denis agissant pour le recteur de l'académie de Paris a émis à son encontre le 13 mai 2019 des titres de perception n° IDF 1 192900004399 et n° IDF 1 192900004404 d'un montant respectif de 245,54 et de 539,67 euros correspondant à un trop-perçu de traitement sur les périodes durant lesquelles l'intéressée était placée en congé de maladie. Par un jugement du 13 mai 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces titres de perception et à la décharge de l'obligation de payer les sommes de 245,54 et de 539,67 euros. Mme A... relève appel de ce jugement et doit être regardée comme demandant également à la cour de prononcer la décharge du paiement de ces sommes. Sur la recevabilité des conclusions tendant à ce que la cour accorde une remise gracieuse de la dette : 2. Les conclusions présentées par Mme A... tendant à ce que la cour lui accorde une remise gracieuse de sa dette sont irrecevables dès lors que le juge administratif ne peut se substituer à l'administration qui seule peut se prononcer en ce sens et dont le refus peut, le cas échéant, être contesté devant le juge administratif. Il appartient le cas échéant à la requérante, si elle s'y croit fondée, de demander au recteur de l'académie de Paris de lui accorder la remise gracieuse de sa dette ou, à tout le moins, un rééchelonnement de celle-ci. Sur les conclusions à fin d'annulation des titres de perception : 3. Aux termes de l'article 12 du décret du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l'Etat pris pour l'application des articles 7 et 7 bis de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " L'agent non titulaire en activité bénéficie, sur présentation d'un certificat médical, pendant une période de douze mois consécutifs si son utilisation est continue ou au cours d'une période comprenant trois cents jours de services effectifs si son utilisation est discontinue, de congés de maladie dans les limites suivantes : Après quatre mois de services : - un mois à plein traitement ; - un mois à demi-traitement ; /Après deux ans de services : - deux mois à plein traitement ;- deux mois à demi-traitement ; /Après trois ans de services : - trois mois à plein traitement ; - trois mois à demi-traitement ". Aux termes de l'article 2 du même décret : " La réglementation du régime général de sécurité sociale ainsi que celle relative aux accidents du travail et aux maladies professionnelles sont applicables, sauf dispositions contraires, aux agents contractuels visés à l'article 1er du présent décret. (...) Les prestations en espèces versées par les caisses de sécurité sociale en matière de maladie, (...) sont déduites du plein ou du demi-traitement maintenu par l'administration durant les congés prévus aux articles 12 à 15. (...) ". 4. En premier lieu, il résulte de l'instruction que Mme A... a été recrutée par le recteur de l'académie de Paris à partir du 30 janvier 2017 et qu'elle ne disposait pas d'une durée de service de deux ans à la date de ses congés de maladie. En outre, il ressort du relevé récapitulatif des périodes d'absence pour maladie de Mme A... qu'elle n'a pas été placée en congé de maladie de manière continue. Dans ces conditions, Mme A... bénéficiait, en application des dispositions précitées de l'article 12 du décret du 17 janvier 1986, de congés de maladie d'un mois à plein traitement et d'un mois à demi-traitement au cours d'une période comprenant trois cents jours de services effectifs. Il résulte de l'instruction et il n'est pas contesté que la requérante a été placée en congé de maladie à plein traitement du 6 juin au 5 juillet 2017, soit pendant la durée d'un mois fixée par les dispositions précitées. Elle a été placée en congés de maladie du 6 au 7 juillet 2017 (deux jours), du 10 au 19 novembre 2017 (dix jours), du 17 au 31 janvier 2018 (quinze jours), soit pendant vingt-sept jours. La requérante soutient qu'elle n'a pas été placée en congé de maladie pendant la période du 30 mars 2018 au 10 avril 2018. Toutefois, il résulte de l'instruction, notamment de l'arrêté du 17 mai 2018 du recteur de l'académie de Paris, que Mme A... a été placée en congé de maladie ordinaire à demi-traitement du 30 mars 2018 au 3 avril 2018, soit pendant cinq jours. Il ne résulte pas de l'instruction que Mme A... a contesté cet arrêté. Dans ces conditions, pendant la période du 6 juillet 2017 au 3 avril 2018, Mme A... a été placée en congés de maladie pendant un total de trente-deux jours. Au titre de ces congés, elle ne pouvait légalement percevoir qu'un demi-traitement pendant une période équivalente à un mois. Mme A... ayant continué à percevoir un plein traitement, le recteur de l'académie de Paris était fondé à lui demander le remboursement du trop-perçu de rémunération au titre de ces congés de maladie. En outre, le recteur de l'académie de Paris a fait une exacte application des dispositions de l'article 12 du décret du 17 janvier 1986 en estimant que Mme A... avait épuisé ses droits à traitement à partir du 4 avril 2018 et qu'elle devait donc être placée en congé sans traitement. Par un arrêté du 4 juin 2018, il a, par suite, placé l'intéressée en congé de maladie sans traitement pour la période du 4 avril au 10 avril 2018. Il ne résulte pas de l'instruction que Mme A... a contesté cet arrêté. Il s'ensuit que Mme A... n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait dû percevoir un plein traitement pendant l'ensemble de ses congés de maladie. 5. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que Mme A... a indûment perçu 160,92 euros au titre de la période du 10 au 19 novembre 2017, 225,29 euros au titre de la période du 17 au 31 janvier 2018, 45,48 euros au titre de la période du 30 mars au 3 avril 2018 et 227,42 euros au titre de la période du 4 au 10 avril 2018. 6. S'agissant du trop-perçu de 160,92 euros, une retenue sur traitement de 53 euros a été effectuée sur le bulletin de paie du mois de juin 2018 de l'intéressée, qui restait donc redevable de la somme de 107,92 euros. Le recteur de l'académie de Paris a ainsi pu mettre à la charge de Mme A... cette somme par le titre exécutoire n° IDF 1 192900004404. En ce qui concerne le trop-perçu de 225,29 euros pour la période du 17 au 31 janvier 2018, il résulte de l'instruction qu'aucune retenue sur traitement n'a été effectuée. Dans ces conditions, la somme de 225,29 euros a été mise à juste titre à la charge de l'intéressée par le titre de perception n° IDF 1 192900004399. S'agissant du trop-perçu de 45,48 euros pour la période du 30 mars au 3 avril 2018, une retenue sur traitement de 33,16 euros a été effectuée sur le bulletin de paie de juillet 2018 de Mme A... qui restait donc redevable d'une somme de 12,32 euros. Cette somme a ainsi été mise à juste titre à sa charge par le titre exécutoire n° IDF 1 192900004404. En ce qui concerne le trop-perçu de 227,42 euros pour la période du 4 au 10 avril 2018, une retenue sur traitement de 28,26 euros a été effectuée sur le bulletin de paie d'août 2018 de Mme A... et le recteur de l'académie de Paris a pu mettre à sa charge le différentiel, c'est-à-dire la somme de la somme de 199,16 euros, par le titre exécutoire n° IDF 1 192900004404. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la somme qu'elle a indûment perçue s'élève à seulement 245,54 euros et que le trop-perçu aurait été intégralement retenu sur sa rémunération. 7. En troisième lieu, si les titres de perception n° IDF 1 192900004399 et n° IDF 1 192900004404 émis à l'encontre de Mme A... le 13 mai 2019 par le directeur départemental des finances publiques de la Seine-Saint-Denis mentionnent tous deux le remboursement d'un " trop-perçu demi-traitement suite à un congé de maladie demi-traitement " pour la période du 10 au 19 novembre 2018, il résulte de l'instruction que le titre de perception n° IDF 1 192900004399 d'un montant de 245,54 euros concerne le remboursement des indemnités journalières versées par la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Seine-Saint-Denis au titre de cette période à hauteur de 18,28 euros alors que le titre de perception n° IDF 1 192900004404 d'un montant de 539,67 euros porte sur le remboursement du trop-perçu de traitement au titre de cette même période à hauteur de 107,92 euros. Mme A... ne conteste pas les montants retenus par le recteur de l'académie de Paris au titre du trop-perçu de traitement et des indemnités journalières en matière de maladie versées par la CPAM, dont le montant est au demeurant justifié par l'attestation de paiement des indemnités journalières établie par la CPAM de la Seine-Saint-Denis le 1er mars 2019, et qui, en application des dispositions de l'article 2 du décret du 17 janvier 1986 citées au point 2, doivent être déduites du demi-traitement maintenu par l'administration. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le recteur de l'académie de Paris lui demanderait de rembourser deux fois le trop-perçu de traitement au titre de la période du 10 au 19 novembre 2018. 8. En quatrième lieu, si les titres de perception en litige mentionnent un remboursement d'un " trop-perçu traitement du 17 janvier au 31 janvier 2018 suite à un congé de maladie ", il résulte de l'instruction que le titre de perception n° IDF 1 192900004399 d'un montant de 245,54 euros correspond au remboursement du trop-perçu de traitement au titre de cette période à hauteur de 225,29 euros et que le titre de perception n° IDF 1 192900004404 d'un montant de 539,67 euros concerne le remboursement des indemnités journalières en matière de maladie versées par la CPAM restant dues, soit 141,18 euros sur un montant total justifié par l'attestation de la CPAM de la Seine-Saint-Denis du 1er mars 2019 de 196,08 euros, la somme de 55 euros ayant déjà été précomptée sur le traitement du mois de mai 2018 de l'intéressée. Mme A... ne conteste pas les montants retenus par le recteur de l'académie de Paris au titre du trop-perçu de traitement et des indemnités journalières en matière de maladie versées par la CPAM. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que les titres de perception contestés porteraient sur le remboursement du même trop-perçu sur demi-traitement au titre du congé de maladie de Mme A... pour la période du 17 janvier au 31 janvier 2018 doit être écarté. 9. En cinquième lieu, la requérante soutient qu'elle n'a pas été placée en congé de maladie pendant la période du 30 mars 2018 au 10 avril 2018, qu'elle n'a ainsi pas perçu d'indemnités journalières de maladie au titre de cette période et que, dans ces conditions, le titre de perception n° IDF 1 192900004404 émis le 13 mai 2019 est dépourvu de fondement légal. Toutefois, il résulte de l'instruction, ainsi qu'il a déjà été dit au point 4, que Mme A... a été placée en congé de maladie ordinaire à demi-traitement du 30 mars 2018 au 3 avril 2018 par un arrêté du 17 mai 2018, puis en congé de maladie sans traitement pour la période du 4 avril au 10 avril 2018 par un arrêté du 4 juin 2018. Mme A... ne verse aucune pièce établissant qu'elle aurait repris son activité professionnelle le 4 avril 2018 comme elle le soutient. Il résulte de l'instruction que le titre de perception n° IDF 1 192900004404 d'un montant global de 539,67 euros n'a pas pour objet le remboursement d'indemnités journalières de maladie au titre de la période du 30 mars 2018 au 10 avril 2018 pendant laquelle Mme A... était en congés de maladie. En revanche, il ressort des bulletins de paie d'avril et de mai 2018, que Mme A... a perçu un plein traitement alors qu'elle n'aurait dû percevoir qu'un demi-traitement du 30 mars 2018 au 3 avril 2018 et qu'elle avait épuisé ses droits à traitement à compter du 4 avril 2018. Dans ces conditions, le recteur de l'académie de Paris était fondé à solliciter le remboursement du trop-perçu de traitement pendant ces périodes et de l'application du jour de carence le 30 mars 2017. 10. En sixième et dernier lieu, Mme A... ne peut utilement soutenir, à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation des titres de perception émis le 13 mai 2019, que l'administration ne pouvait légalement lui adresser des mises en demeure de payer des sommes d'un montant différent de celui mentionné sur les titres de perception, ni lui appliquer des majorations sur le fondement de l'article L. 257-0 A du livre des procédures fiscales alors qu'elle a formé, le 4 juillet 2020, une contestation contre les titres de perception en litige auprès de la direction départementale des finances publiques de la Seine-Saint-Denis. Ces moyens qui portent sur les seules mises en demeure sont inopérants et doivent, par suite, être écartés. 11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. Copies en seront envoyées pour information au recteur de l'académie de Paris et au directeur départemental des finances publiques de la Seine-Saint-Denis. Délibéré après l'audience du 20 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Menasseyre, présidente de chambre, - Mme Jayer, première conseillère, - Mme Larsonnier, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 novembre 2023. La rapporteure, V. LARSONNIER La présidente, A. MENASSEYRE Le greffier, P. TISSERAND La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 22PA03147 2 |
CETATEXT000048452248 | J1_L_2023_11_00022PA03172 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/22/CETATEXT000048452248.xml | Texte | CAA de PARIS, 2ème chambre, 22/11/2023, 22PA03172, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-22 00:00:00 | CAA de PARIS | 22PA03172 | 2ème chambre | plein contentieux | C | Mme TOPIN | GUILLOT | M. Franck MAGNARD | M. SEGRETAIN | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société Kinor a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer, d'une part, la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2014, 2015 et 2016 ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er octobre 2013 au 30 septembre 2016, d'autre part, la réduction de la retenue à la source, du prélèvement forfaitaire non libératoire appliqués au titre des années 2015 et 2016, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 2014915/9 du 12 mai 2022, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande. Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire enregistrés les 12 juillet 2022 et 17 janvier 2023, la société Kinor, représentée par Me Jacques Guillot, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Montreuil du 12 mai 2022 ; 2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 893 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le redressement de taxe sur la valeur ajoutée collectée de 12 500 euros, le rejet d'une charge de 1 995,78 euros, et le rejet de la facture Kechet de 15 000 euros ne sont pas régulièrement motivés ; - une partie des dividendes attribués au titre de l'année 2016 ayant été versée en 2015 sous forme d'avance, celle-ci ne peut être prise en compte pour établir ces impositions en 2016 ; - la doctrine administrative référencée 5 I 321 n° 1 1-12-1997, BOI-RPPM-RCM 20-10-10 n° 1, 20-12-2019 assimile l'inscription au crédit d'un compte à un encaissement ; - la base de calcul de la retenue à la source est erronée ; - les prélèvements sociaux doivent être réduits en conséquence ; - la somme de 12 500,21 euros ne correspond pas à une dette de taxe sur la valeur ajoutée ; - la taxe déductible à régulariser avait été déduite au titre d'une période prescrite ; - une écriture de régularisation n'a pas été prise en compte ; - elle justifie des dépenses de location de salle et de la taxe déductible correspondante ; - elle justifie du caractère déductible des charges remises en cause par le vérificateur au titre des exercices clos en 2014, 2015 et 2016 ; - elle conteste par voie de conséquence le redressement au titre du profit sur le Trésor ainsi que les pénalités. Par un mémoire en défense enregistré le 7 novembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 2 janvier 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 18 janvier 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Magnard, - et les conclusions de M. Segretain, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. La SARL Kinor, qui exerce une activité de traiteur, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre des exercices clos les 30 septembre 2014, 2015 et 2016. Elle relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2014, 2015 et 2016, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er octobre 2013 au 30 septembre 2016, ainsi qu'à la réduction de la retenue à la source et du prélèvement forfaitaire non libératoire appliqués au titre des années 2015 et 2016, à la suite de ce contrôle. Sur la procédure : 2. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. (...) ". 3. La proposition de rectification en date du 22 décembre 2017 notifiée à la société requérante comporte la mention des références des textes et énonce les règles sur le fondement desquelles les rappels de taxe sur la valeur ajoutée ainsi que les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés ont été établis. Le redressement de 12 500,21 euros y est justifié par le fait qu'une partie de la taxe collectée n'a pas été portée dans les déclarations de chiffre d'affaires de l'exercice clos en 2015. La circonstance que par l'effet d'une erreur matérielle, il a été indiqué que la somme de 12 500,21 euros correspondait à un solde de taxe sur la valeur ajoutée débiteur, au lieu d'un solde créditeur, ne pouvait pas par elle-même faire obstacle à ce que la société puisse formuler utilement ses observations, ce qu'elle a d'ailleurs fait par un courrier du 26 février 2018. La réintégration dans le résultat taxable à l'impôt sur les sociétés de charges précisément identifiées à l'annexe 1 de la proposition de rectification pour des montants de 1 995,78 euros et de 15 000 euros a été motivée respectivement par le fait que la charge n'avait pas été engagée dans l'intérêt de l'entreprise et qu'elle n'était pas justifiée. La société requérante a ainsi disposé de l'ensemble des informations nécessaires pour contester utilement les impositions en litige, quand bien même certaines informations figurant sur la proposition de rectification seraient erronées. Il suit de là que les dispositions des articles L. 57 et R. 57-1 du livre des procédures fiscales n'ont pas été méconnues. Sur le bien-fondé des impositions : En ce qui concerne la charge de la preuve : 4. Aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification (...) le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré (...) ". 5. Il résulte de l'instruction que par sa lettre d'observations en date du 26 février 2018, la société requérante a expressément accepté les rehaussements figurant dans la proposition de rectification en date du 22 décembre 2017, en tant qu'ils concernent, d'une part, la retenue à la source prévue par l'article 119 bis du code général des impôts, le prélèvement forfaitaire non libératoire à l'impôt sur le revenu et les prélèvements sociaux sur les dividendes, d'autre part, les rappels de taxe sur la valeur ajoutée fondés sur un montant de taxe collectée non reversée ainsi que sur un montant de taxe déductible estimée fictive par l'administration et, enfin, les rectifications de la base taxable à l'impôt sur les sociétés fondées sur l'existence d'un profit sur le Trésor limité aux montants de 11 258 euros, 35 598 euros et 25 953 euros respectivement pour chacun des exercices clos en 2014, 2015 et 2016. Dès lors, en application des dispositions de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales la société requérante supporte, dans cette mesure, la charge de la preuve de l'exagération des impositions qu'elle conteste. Pour le surplus, la charge de la preuve du bien-fondé des rehaussements appartient à l'administration. En ce qui concerne les impositions résultant de la distribution de dividendes : 6. Il est constant que la SARL Kinor, dont le capital est détenu à parts égales par ses deux associés, M. D... B..., domicilié en France, et Mme C... A... épouse B... domiciliée en Israël, a procédé au titre des exercices clos les 30 septembre 2014, 2015 et 2016 à la distribution de dividendes à ses deux associés tout en omettant de déposer auprès des services fiscaux les déclarations se rapportant, en ce qui concerne le premier de ces associés, au prélèvement libératoire de 21 % prévu par l'article 117 quater du code général des impôts et aux prélèvements sociaux constitués par la contribution sociale généralisée, la contribution au remboursement de la dette sociale, le prélèvement social sur les revenus du patrimoine et les contributions additionnelles correspondantes et, en ce qui concerne la seconde associée, à la retenue à la source prévue par les dispositions de l'article 119 bis du code général des impôts. 7. D'une part, la société requérante soutient que, pour ce qui concerne l'année 2016, l'administration ne pouvait calculer ces impositions sur la base de dividendes d'un montant global de 126 775 euros, dès lors qu'en vertu d'une décision de son assemblée générale du 31 mars 2016, et après déduction des sommes de 8 525 euros et de 8 250 euros représentatives de la retenue à la source inscrites au compte n° 45700 " retenue à la source à payer ", une somme de 110 000 euros a été inscrite le 30 septembre 2016 au crédit du compte n° 45710 " acomptes sur dividendes " autorisant ainsi en 2015 la distribution anticipée de dividendes de l'année 2016 à hauteur de 42 232 euros, de sorte que les dividendes versés aux associés en 2016 sont d'un montant de 67 800 euros, réparti également entre eux. Elle fait valoir qu'en conséquence et par application des articles 12 et 156 du code général des impôts, la base d'imposition des dividendes distribués en 2016 doit être de 33 900 euros pour chacun des associés. A l'appui de ses allégations elle se borne toutefois à produire des inscriptions figurant au grand livre général de l'exercice clos en 2016 retraçant les opérations effectuées sur le compte n° 45710. Si ces écritures comptables sont de nature à établir que des opérations de débit ont été effectuées tout au long de cet exercice depuis ce compte, elles ne suffisent pas, en l'absence notamment de production d'une décision de l'assemblée générale de la société autorisant le versement de telles avances, à justifier l'existence de l'avance de distribution invoquée. Au demeurant, il ressort de ces écritures comptables que le plus souvent le bénéficiaire des sommes n'est pas identifié ni identifiable, sous réserve de quelques virements faisant apparaitre que les bénéficiaires sont, selon les cas, l'un ou l'autre des associés. Ainsi, la SARL Kinor n'apporte pas la preuve, dont la charge lui incombe, que l'assiette de calcul des impositions en litige au titre de l'année 2016 devrait être réduite en défalquant des dividendes distribués par anticipation au cours de l'année précédente. La doctrine administrative référencée 5 I 321 n° 1 1-12-1997 et BOI-RPPM-RCM 20-10-10 n° 1 20-12-2019 qui assimile l'inscription au crédit d'un compte courant d'associé à un encaissement ne fait pas de la loi fiscale une interprétation différente de ce qui précède et n'est par suite pas invocable sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales. 8. D'autre part, aux termes de l'article 119 bis du code général des impôts : " 1. Les revenus de capitaux mobiliers entrant dans les prévisions des articles 118, 119, 238 septies B et 1678 bis donnent lieu à l'application d'une retenue à la source dont le taux est fixé par le 1 de l'article 187, lorsqu'ils bénéficient à des personnes qui ont leur siège en France ou à l'étranger ou qui n'ont pas leur domicile fiscal en France (...) ". Aux termes de l'article 187 du même code : " 1. Sous réserve des dispositions du 2, le taux de la retenue à la source prévue à l'article 119 bis est fixé à : / (...) 15 % pour les revenus visés au 1° de l'article 118 (...) ". 9. La SARL Kinor soutient que la retenue à la source déterminée au titre des années 2015 et 2016 aurait dû être calculée sur la base des dividendes effectivement perçus, nets de retenue à la source, soit respectivement les sommes de 16 102,50 euros et de 33 900 euros. Toutefois, pour l'application des dispositions précitées de l'article 119 bis du code général des impôts, si la retenue à la source devait, en l'espèce, être liquidée au taux conventionnel de 15 % sur la somme correspondant au " montant brut des revenus mis en paiement " au sens de l'article 48 de l'annexe II au code général des impôts dès lors qu'il est constant que ce prélèvement n'avait pas été acquitté spontanément par la société Kinor, le montant brut des dividendes mis en paiement devait comprendre, en plus des produits effectivement versés à Mme A..., un montant égal à l'avantage résultant, pour cette dernière, de ce que la somme ainsi reçue n'avait pas supporté la retenue à la source. C'est par suite à bon droit que le taux de la retenue à la source appliqué aux sommes versées pour tenir compte de cet avantage a été fixé à 15/85ème par l'administration. En outre, ainsi qu'il a été dit au point 7., la société requérante ne justifie pas de la réduction de la base d'imposition qu'elle invoque. Par suite, elle n'est pas davantage fondée à soutenir que pour ce motif la retenue à la source aurait été calculée sur une base erronée. En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée : S'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée collectée : 10. Aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. (...) ". Aux termes de l'article 269 du même code : " 1 Le fait générateur de la taxe se produit : / a) Au moment où la livraison, l'acquisition intracommunautaire du bien ou la prestation de services est effectué (...) ". 11. L'administration a déduit des écritures comptables de la société requérante que celle-ci avait omis de déclarer et de reverser au Trésor, au titre de l'exercice clos en 2015, un montant de taxe sur la valeur ajoutée collectée de 12 500 euros. Si la société requérante soutient que cette dette est inexistante dès lors que le vérificateur a constaté que cette somme constituait un solde débiteur de taxe, il résulte de l'instruction que la constatation d'un solde débiteur de taxe procède d'une erreur matérielle consistant pour l'administration à inverser la colonne débit et la colonne crédit du compte de taxe sur la valeur ajoutée collectée. La société requérante n'apporte dès lors pas la preuve qui lui incombe de ce que le rappel de taxe sur la valeur ajoutée collectée de 12 500 euros serait injustifié. S'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée déductible : 12. Aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1- La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération (...) II. - 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures ; ". Il résulte de ces dispositions qu'un assujetti ne peut exercer son droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les éléments du prix d'une opération imposable que lorsqu'il s'est acquitté du prix demandé pour les biens qui lui ont été livrés ou pour les services qui lui ont été rendus et qu'il détient une facture mentionnant la taxe sur la valeur ajoutée. 13. En premier lieu, l'administration a remis en cause au titre respectivement des exercices clos en 2014, 2015 et 2016, des montants de taxe sur la valeur ajoutée déductible de 11 257,75 euros, 23 097,82 euros et 25 953,17 euros, estimant, au vu de soldes créditeurs constatés au compte de taxe sur la valeur ajoutée déductible, lesquels sont de nature à faire présumer que le contribuable a déduit plus de taxe sur la valeur ajoutée qu'il n'était en droit de le faire, que ces montants, qui résultaient d'une majoration de la taxe déductible dont la société requérante disposait au regard des opérations qu'elle avait réalisées, étaient constitutifs d'une taxe sur la valeur ajoutée fictive. Il appartient en conséquence à la société Kinor d'établir que le rappel est exagéré au regard des droits à déduction de taxe dont elle disposait effectivement au cours de cette période. 14. La SARL Kinor soutient d'une part, en ce qui concerne l'exercice clos en 2014, que la taxe sur la valeur ajoutée déductible en cause comprend un montant de 8 076,95 euros, qui figurait en taxe à régulariser lors de l'exercice précédent qui était prescrit lors du contrôle fiscal. Toutefois, en se bornant à produire un extrait du grand livre général sur lequel figure au 1er octobre 2013 un montant de taxe sur la valeur ajoutée à régulariser de 8 076,95 euros inscrit au crédit du compte n° 44566 puis au débit du compte n° 44580, non étayé par des pièces permettant de connaître la nature de cette somme et a fortiori de justifier qu'il s'agissait d'une taxe déduite à tort au titre d'une période prescrite, la société requérante n'établit pas que la somme retenue par le service au titre de la taxe sur la valeur ajoutée déduite à tort au cours de l'exercice clos en 2014 aurait été exagérée. 15. La SARL Kinor soutient d'autre part, en ce qui concerne l'exercice clos en 2015, que le solde du compte à régulariser est de 25 823,28 euros, et non 46 855,78 euros, dès lors que l'administration aurait dû prendre en compte une écriture de 21 032,50 euros portée au compte " TVA à régulariser " au 1er octobre 2014. Il résulte toutefois de l'instruction que pour rappeler à hauteur de 23 097,82 euros le montant de taxe déductible en litige, l'administration fiscale s'est fondée sur une opération d'extourne de 34 355,57 euros qui avait artificiellement fait disparaitre le solde créditeur du compte de taxe sur la valeur ajoutée déductible au 30 septembre 2015, et diminué le rappel d'un " à nouveau " de 11 257,75 euros correspondant à la taxe déduite à tort et déjà redressée au titre de l'exercice précédent. En se bornant à produire un extrait du grand livre général sur lequel figurent au 30 septembre 2015 au crédit du compte n° 44580, un montant de taxe sur la valeur ajoutée à régulariser de 46 855,78 euros ainsi qu'un solde de 25 823,28 euros après déduction d'un montant de 21 032,50 euros qui était inscrit au débit du compte au 1er octobre 2014, sans fournir le moindre élément permettant d'apprécier la consistance de ces écritures au regard du rappel effectué par le service, la société requérante n'établit pas l'exagération des sommes rappelées à ce titre. 16. En second lieu, l'administration a remis en cause au titre des exercices clos en 2014, 2015 et 2016, des montants de taxe sur la valeur ajoutée déductible qu'elle a estimés dépourvus de pièces justificatives. La SARL Kinor conteste le refus de prise en compte par l'administration au titre de l'exercice clos en 2014 de la taxe ayant grevé une dépense de 22 875 euros hors taxes correspondant à une location de salle. Les duplicatas de factures de l'entreprise Hilton produites à ce titre ne sont pas libellés au nom de la société requérante et ne sauraient suffire à ouvrir à cette dernière un droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée qu'ils mentionnent. Au surplus, il ne résulte pas de l'instruction, au regard du libellé de ces documents, que les dépenses correspondantes aient été engagées pour les besoins des opérations imposables, les factures produites par la société à destination de ses clients ne permettant pas le recoupement entre la date des prestations fournies à ses derniers et la date des prestations acquises auprès de l'entreprise Hilton. D'autre part, la facture de l'entreprise Marriott a été établie en novembre 2015 et ne comporte aucune mention permettant d'établir ainsi que le soutient la société, qu'il s'agirait d'un duplicata établi à cette date. La société requérante ne disposait par suite pas, au titre de la période allant du 1er octobre 2013 au 30 septembre 2014 au titre de laquelle elle a déduit la taxe correspondante, d'une facture lui permettant d'exercer son droit à déduction conformément aux dispositions précitées de l'article 271 du code général des impôts. Dans ces conditions, l'administration a pu à bon droit estimer que la dépense de 22 875 euros ne pouvait ouvrir droit à une taxe sur la valeur ajoutée déductible pour la société requérante et remettre en cause par voie de conséquence le montant de taxe déduit à tort. En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés : 17. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature (...) ". Si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive. En vertu de ces principes, lorsqu'une entreprise a déduit en charges une dépense réellement supportée, conformément à une facture régulière relative à un achat de prestations ou de biens dont la déductibilité par nature n'est pas contestée par l'administration, celle-ci peut demander à l'entreprise qu'elle lui fournisse tous éléments d'information en sa possession susceptibles de justifier la réalité et la valeur des prestations ou biens ainsi acquis. La seule circonstance que l'entreprise n'aurait pas suffisamment répondu à ces demandes d'explication ne saurait suffire à fonder en droit la réintégration de la dépense litigieuse, l'administration devant alors fournir devant le juge tous éléments de nature à étayer sa contestation du caractère déductible de la dépense. Le juge de l'impôt doit apprécier la valeur des explications qui lui sont respectivement fournies par le contribuable et par l'administration. 18. En premier lieu, l'administration a remis en cause la déduction, au titre de l'exercice clos en 2015, de charges pour un montant de 10 900 euros et 11 750 euros, et, au titre de l'exercice clos en 2016, d'une charge de 8 289,30 euros au motif qu'elle étaient dépourvues de justificatifs. La société requérante soutient que dans sa lettre du 29 mars 2018 en réponse à ses observations l'administration a abandonné les rappels de taxe sur la valeur ajoutée relatifs à ces dépenses. Toutefois, et ainsi que l'ont estimé à bon droit les premiers juges, qui ont suffisamment motivé leur jugement à cet égard, la seule circonstance que l'administration ait renoncé à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée concernant les dépenses mentionnées ci-dessus ne suffit pas à établir que celles-ci constitueraient des charges déductibles du résultat imposable. Les observations de la société relatives aux écritures comptables constatées à l'ouverture de l'exercice suivant en ce qui concerne la somme de 11 750 euros ne sont pas de nature à justifier du bien-fondé de l'écriture de charge constatée au titre de l'exercice clos en 2015. Le moyen tiré de ce que " la réception des factures de charges par la société confirme la validité de factures à recevoir à la clôture de l'exercice 2014/2015 " n'est pas assorti des pièces justificatives permettant d'en apprécier le bien-fondé et la portée. 19. En deuxième lieu, l'administration a remis en cause la déduction, au titre des exercices clos en 2014 et 2015, de charges de montants respectifs de 420,95 euros correspondant à une prestation fournie par l'entreprise Mercedes et de 1 308,60 euros correspondant à une prestation fournie par l'entreprise Regul Family Flor, après avoir relevé que les factures produites pour en justifier étaient libellées au nom de " Kinor Décor ". La société requérante soutient que la première de ces factures a été libellée par erreur au nom de " Kinor Décor " et que la seconde correspond à une prestation de fourniture de fleurs réalisée par l'entreprise Kinor Décor, qu'elle a payée. Toutefois, elle n'apporte aucun élément permettant d'établir de manière probante qu'elle aurait été bénéficiaire des prestations ainsi facturées, de sorte que tant l'administration que les premiers juges, qui ont suffisamment motivé leur jugement sur ce point, ont pu à bon droit estimer que les dépenses correspondantes ne constituaient pas des charges déductibles de son résultat imposable. 20. En troisième lieu, l'administration a remis en cause la déduction, au titre des exercices clos en 2015 et 2016, de charges de montants respectifs de 18 500 euros et 15 000 euros correspondant à des dépenses engagées auprès de l'entreprise Kechet, après avoir estimé, pour la première de ces dépenses qu'aucun justificatif n'était fourni et, pour la seconde, que la société requérante avait produit une facture qui n'était pas rédigée en langue française. Si la SARL Kinor fait valoir que ces dépenses correspondent à l'achat de produits alimentaires casher nécessaires à son activité de traiteur et produit pour ces deux dépenses des factures assorties d'une traduction, ces factures, dont le destinataire est désigné par la seule formule " dear Kinor France ", ne peuvent en tout état de cause être regardées comme étant libellées au nom de la société requérante, et aucun élément du dossier ne permet de constater que la société requérante a effectivement bénéficié de contreparties en échange du paiement de ces factures. Par suite, l'administration a pu à bon droit estimer que les dépenses correspondantes ne constituaient pas des charges déductibles de son résultat imposable. 21. En quatrième lieu, l'administration a remis en cause la déduction, au titre des exercices clos en 2015 et 2016, de charges de montants respectifs de 1 995,78 euros et 1 410,12 euros correspondant à des dépenses de voyages en Israël facturées par l'entreprise Baltard Tourisme 2001, les estimant sans lien avec l'intérêt de la société et ainsi, en tout état de cause, injustifiées. La SARL Kinor soutient que ces dépenses correspondent à des voyages professionnels effectués en Israël afin de rencontrer des fournisseurs et des partenaires dans le cadre de son développement commercial. Toutefois, les factures de cette entreprise de voyages, qu'elle verse aux débats, sont libellées au seul nom de M. D... B..., gérant de la société, et elle ne fournit en outre aucun justificatif permettant d'établir que ces voyages présenteraient un lien avec son activité, et notamment aucune information sur les fonctions exercées dans la société par les autres participants à ces voyages. Par suite, l'administration a pu à bon droit estimer que les dépenses correspondantes ne constituaient pas des charges déductibles de son résultat imposable. 22. En cinquième lieu, l'administration a remis en cause la déduction de diverses charges correspondant à des dépenses de voyages et de séjours en Espagne, organisés selon les dires de la société requérante lors de la fête religieuse de Pessah afin de fidéliser sa clientèle et de promouvoir son image. La SARL Kinor soutient que la dépense de 1 060 euros engagée auprès de l'opérateur Transavia correspondant à un trajet aller et retour entre Paris et Malaga concerne un séjour effectué par trois membres de son personnel à l'occasion de la fête de Pessah et non par des clients. Toutefois, elle se borne à alléguer qu'elle organise des séjours en Espagne pour fidéliser et développer sa clientèle sans apporter d'éléments permettant de justifier précisément du but de ce voyage, ni d'ailleurs établir que les voyageurs appartiendraient à son personnel. Dans ces conditions, l'administration a pu à bon droit estimer que les dépenses correspondantes ne constituaient pas des charges déductibles de son résultat imposable. 23. En sixième lieu, l'administration a remis en cause la déduction, au titre de l'exercice clos en 2016, de charges de montants de 300 euros et de 10 000 euros correspondant à des dépenses engagées auprès des entreprises Hôtel IPV et Yossi Apport Affaire Hadad, après avoir relevé qu'aucun justificatif n'était fourni. La SARL Kinor soutient qu'il est établi qu'elle a accueilli un groupe à l'hôtel IPV en Espagne, mais sans produire la facture qu'elle prétend avoir fournie. En outre, elle allègue avoir engagé la seconde de ces dépenses pour l'organisation de l'opération " repas casher " lors d'un séjour en Espagne, dans le cadre des fêtes de Pessah, en précisant que le paiement a été effectué par un tiers, qu'elle a remboursé ensuite, mais ne produit pas davantage de justificatif. Dès lors, l'administration a pu à bon droit estimer que ces dépenses ne constituaient pas des charges déductibles de son résultat imposable. 24. En septième lieu, l'administration a remis en cause la déduction, au titre de l'exercice clos en 2016, d'une charge d'un montant de 1 389,84 euros correspondant à une dépense engagée auprès de l'entreprise Shlomo Rent a Car, après avoir relevé qu'aucun justificatif n'était fourni. La SARL Kinor soutient toutefois que cette dépense correspond à une location de voiture en Israël, en se prévalant à ce titre d'une facture datée du 30 août 2016. Toutefois, si elle allègue que cette location est intervenue à l'occasion d'un déplacement professionnel effectué dans ce pays par son gérant, M. B..., elle n'apporte aucun élément pour justifier du lien entre cette location et son activité. Il suit de là que l'administration a pu à bon droit estimer que cette dépense ne constituait pas une charge déductible de son résultat imposable. 25. En huitième lieu, l'administration a remis en cause la déduction, au titre de l'exercice clos en 2016, d'une charge d'un montant de 2 421,03 euros correspondant à un ajustement constaté dans ses écritures comptables au 1er octobre 2015, après avoir relevé qu'aucun justificatif n'était fourni. La SARL Kinor ne produit aucune pièce susceptible de justifier la réalité de cette charge et se borne à soutenir que cette somme correspond à une écriture d'opérations diverses qui comporte une contrepartie qui n'a pas été indiquée par le vérificateur. En l'absence du moindre élément concret susceptible de justifier du bien-fondé de cette écriture ou d'établir que l'écriture en cause a été sans effet sur le résultat imposable, la société requérante ne conteste pas valablement le rehaussement litigieux. 26. En dernier lieu, l'administration a remis en cause la déduction, au titre de l'exercice clos en 2014, d'une charge de location de salle d'un montant de 22 875 euros. Si la SARL Kinor soutient que cette charge est justifiée par les factures qui ont été produites, ces documents, ainsi qu'il a été dit au point 16., sont dépourvus de caractère probant. Par suite, l'administration a pu à bon droit estimer qu'une telle dépense ne constituait pas une charge déductible de son résultat imposable. 27. Il résulte de tout ce qui précède que la société Kinor n'est pas fondée à contester par voie de conséquence les prélèvements sociaux auxquels elle a été assujettie, le redressement dont elle a fait l'objet au titre du profit sur le Trésor non plus que les pénalités mises à sa charge, ni à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la société requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. DECIDE : Article 1er : La requête de la société Kinor est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Kinor et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Ile-de-France (division juridique). Délibéré après l'audience du 8 novembre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Topin, présidente, - M. Magnard, premier conseiller, - Mme Fullana, première conseillère, Rendu public par mise à disposition au greffe 22 novembre 2023. Le rapporteur, F. MAGNARDLa présidente, E. TOPIN Le greffier, C. MONGIS La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 22PA03172 2 |
CETATEXT000048452249 | J1_L_2023_11_00022PA03294 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/22/CETATEXT000048452249.xml | Texte | CAA de PARIS, 2ème chambre, 22/11/2023, 22PA03294, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-22 00:00:00 | CAA de PARIS | 22PA03294 | 2ème chambre | plein contentieux | C | Mme TOPIN | NAS | Mme Emmanuelle TOPIN | M. SEGRETAIN | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société à responsabilité limitée (SARL) Acropost a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 septembre 2016, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 2005166/2-2 du 16 mai 2022, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée le 19 juillet 2022, Me Denis Gasnier, liquidateur judiciaire de la société Acropost représenté par Me Louis-François Nas, demande à la Cour : 1°) de prononcer la décharge sollicitée devant ce tribunal ; 2°) de mettre à la charge l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que la procédure d'imposition est irrégulière dès lors que l'administration n'a pas respecté la durée de l'examen sur place de la comptabilité prévue à l'article L. 52 du livre des procédures fiscales. Par un mémoire en défense enregistré le 25 novembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête. Il soutient que le moyen soulevé par la requérante n'est pas fondé. Par une ordonnance du 2 janvier 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 19 janvier 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Topin, - et les conclusions de M. Segretain, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. La SARL Acropost, qui exploite des établissements de vente de fournitures de bureau d'une part, et de vente de jouets d'autre part, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015, étendue en matière de taxe sur la valeur ajoutée jusqu'au 30 septembre 2016, à l'issue de laquelle des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ont été mis à sa charge. Me Denis Gasnier, liquidateur judiciaire de la société relève appel du jugement du 16 mai 2022 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions. 2. Aux termes de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales, dans sa version alors applicable : " I. - Sous peine de nullité de l'imposition, la vérification sur place des livres ou documents comptables ne peut s'étendre sur une durée supérieure à trois mois en ce qui concerne : 1° Les entreprises industrielles et commerciales ou les contribuables se livrant à une activité non commerciale dont le chiffre d'affaires ou le montant annuel des recettes brutes n'excède pas les limites prévues au I de l'article 302 septies A du code général des impôts ; (...) / III. - En cas de mise en œuvre du I de l'article L. 47 A, le délai de trois mois prévu au I du présent article est suspendu jusqu'à la remise de la copie des fichiers des écritures comptables à l'administration. (...) ". Aux termes du I de l'article L. 47 A du même livre : " I. - Lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, le contribuable qui fait l'objet d'une vérification de comptabilité satisfait à l'obligation de représentation des documents comptables mentionnés au premier alinéa de l'article 54 du code général des impôts en remettant au début des opérations de contrôle, sous forme dématérialisée répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget, une copie des fichiers des écritures comptables définies aux articles 420-1 et suivants du plan comptable général (...) ". 3. En premier lieu, il résulte de l'instruction que les impositions en litige sur la période du 1er janvier 2015 au 30 septembre 2016 ont été établies suivant une procédure régulière de taxation d'office prévues aux articles L. 66 2° et 3° du livre des procédures fiscales à défaut pour la société requérante d'avoir déposé ses déclarations relatives à l'impôt sur les sociétés et à la taxe sur la valeur ajoutée. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure relative à ces impositions est inopérant. 4. En second lieu, concernant les rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2014 poursuivis suivant une procédure contradictoire, il résulte de la proposition de rectification du 31 juillet 2017 que la comptabilité informatisée de l'exercice n'a pas été remise et qu'un procès-verbal de non présentation a été dressé le 5 décembre 2016. Par suite, en application du III du L. 52 du livre des procédures fiscales, le délai de trois mois imparti à l'administration pour procéder sur place à la vérification des livres et documents comptables a été suspendu et, en l'absence de toute remise ultérieure de la comptabilité informatisée, la société Acropost n'est pas fondée à soutenir que les dispositions applicables au litige de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales auraient été méconnues. 5. Il résulte de tout ce qui précède que la société Acropost n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence. DECIDE : Article 1er : La requête de la SARL Acropost est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Me Denis Gasnier, liquidateur judiciaire la SARL Acropost et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris. Délibéré après l'audience du 8 novembre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Topin, présidente, - M. Magnard, premier conseiller, - Mme Fullana, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 novembre 2023. La présidente-rapporteure, E. TOPINL'assesseur le plus ancien, F. MAGNARD Le greffier, C. MONGIS La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22PA03294 |
CETATEXT000048452252 | J1_L_2023_11_00022PA03437 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/22/CETATEXT000048452252.xml | Texte | CAA de PARIS, 8ème chambre, 20/11/2023, 22PA03437, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-20 00:00:00 | CAA de PARIS | 22PA03437 | 8ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme MENASSEYRE | SELARLU BICHET AVOCATS | Mme Aude COLLET | Mme BERNARD | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 5 août 2019 par laquelle l'inspectrice du travail de l'unité de contrôle n° 2 du Val-de-Marne a autorisé son licenciement pour motif disciplinaire. Par jugement n° 1908982 du 20 mai 2022, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 23 juillet 2022, M. A..., représenté par Me Bichet, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement n° 1908982 du 20 mai 2022 du tribunal administratif de Melun ; 2°) d'annuler la décision du 5 août 2019 par laquelle l'inspectrice du travail a autorisé son licenciement ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le jugement est insuffisamment motivé faute de justifier la neutralisation de motif à laquelle se sont livrés les premiers juges ; - le jugement est entaché d'erreurs manifestes d'appréciation ; - la décision du 5 août 2019 est insuffisamment motivée ; - la décision contestée ne pouvait annuler la décision implicite de rejet du recours gracieux de son employeur, qui était pour lui créatrice de droits, intervenue à une date qui n'a pas été portée à sa connaissance, pas plus que la prolongation des délais mentionnée dans la décision ; - la décision implicite de rejet n'est pas mentionnée dans la décision attaquée de sorte qu'il lui est impossible de connaitre la date de cette décision implicite ; - il n'a jamais été informé de la prorogation du délai de recours ; - la matérialité des faits qui lui sont reprochés n'est pas établie dès lors qu'il n'était pas en situation d'absences injustifiées mais en crédit d'heures de délégation syndicale et que pendant le congé de formation, les absences reprochées correspondent à des arrêts maladie ; - les faits qui lui sont reprochés ne sont pas d'une gravité suffisante pour justifier une autorisation de licenciement pour faute grave ; - il y a un lien entre la demande d'autorisation de licenciement et l'exercice de son mandat, que révèlent tant l'annulation d'une précédente autorisation que les conditions d'exercice de ses fonctions d'opérateur de sécurité définies par son employeur depuis sa réintégration, ainsi que la condamnation de son employeur pour discrimination syndicale prononcée en sa faveur par le conseil des prud'hommes. Par un mémoire en défense enregistré le 15 septembre 2022, la société ICTS France, représentée par Me Verdier, conclut au rejet de la requête et à ce que M. A... soit condamné à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés. La requête a été transmise au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion qui n'a pas produit d'observations. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des relations entre le public et l'administration ; - le code du travail ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Collet, - et les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. Par courrier du 11 mars 2019, la société ICTS France a saisi l'inspection du travail d'une demande d'autorisation de licenciement pour motif disciplinaire de M. A..., recruté en contrat à durée indéterminée le 15 novembre 2005, et qui exerçait en dernier lieu les fonctions d'opérateur de sûreté sur le site d'Orly. Il était, à la date de la demande, représentant de la section syndicale au sein de l'établissement d'Orly. Une décision implicite de rejet est née du silence gardé sur cette demande par l'inspecteur du travail, décision contre laquelle la société ICTS France a formé un recours gracieux le 3 juin 2019, réceptionné le 4 juin 2019. Par décision du 5 août 2019, l'inspectrice du travail de l'unité de contrôle n° 2 du Val-de-Marne a autorisé le licenciement de M. A... pour faute grave. Par jugement n°1908982 du 20 mai 2022, dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision. Sur la régularité du jugement : 2. D'une part, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". 3. Il ressort, en particulier des points 12 et 15 du jugement attaqué, que les premiers juges ont énoncé de façon suffisamment complète et précise les motifs pour lesquels ils ont considéré que les dépassements du crédit d'heures de délégation par M. A... constituaient à eux seuls une faute suffisamment grave pour justifier l'autorisation de licenciement sollicitée. Par suite, le tribunal administratif, contrairement à ce que soutient M. A..., a suffisamment motivé son jugement. Le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué pour ce motif ne peut donc qu'être écarté. 4. D'autre part, hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Par suite, M. A... ne peut, en tout état de cause, utilement se prévaloir pour contester la régularité du jugement attaqué, de ce qu'il serait entaché d'erreurs manifestes d'appréciation. Sur la légalité de la décision du 5 août 2019 de l'inspectrice du travail : 5. En premier lieu, M. A... soulève un moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision du 5 août 2019 de l'inspectrice du travail. Toutefois, il n'apporte à l'appui de ce moyen, déjà soulevé devant le tribunal administratif de Melun, aucun élément nouveau susceptible de remettre en cause l'appréciation portée à juste titre par les premiers juges. Il y a dès lors lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par ces derniers au point 6 du jugement attaqué. 6. En deuxième lieu, les circonstances que la date de la décision implicite de rejet n'ait pas été mentionnée dans la décision attaquée, de sorte qu'il ne sait pas quand cette décision est née et que M. A..., n'ait pas été informé de la prorogation du délai de recours sont, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité de la décision attaquée du 5 août 2019. 7. En troisième lieu, la demande d'autorisation de licenciement ayant été reçue par l'inspectrice du travail le 13 mars 2019, une décision implicite de rejet est donc née le 13 mai 2019. En application des dispositions de l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration, l'inspectrice du travail disposait d'un délai de quatre mois pour retirer sa décision implicite créatrice de droit, soit jusqu'au 13 septembre 2019. La décision du 5 août 2019 est donc valablement intervenue dans le délai de retrait. M. A... n'est, par suite, pas fondé à soutenir que la décision contestée ne pouvait, pour ce motif, annuler une décision implicite de rejet qui était pour lui créatrice de droits. En ce qui concerne la matérialité des faits et leur gravité : 8. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque leur licenciement est envisagé, celui-ci ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec leur appartenance syndicale. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi. 9. D'une part, aux termes des dispositions de l'article L. 2142-1-3 du code du travail : " Chaque représentant de la section syndicale dispose d'un temps nécessaire à l'exercice de ses fonctions. Ce temps est au moins égal à quatre heures par mois. Les heures de délégation sont de plein droit considérées comme temps de travail et payées à l'échéance normale. (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'un représentant de section syndicale dispose d'un crédit d'heures de délégation mensuel d'une durée minimale de quatre heures pouvant être dépassé uniquement en cas de circonstances exceptionnelles. 10. La société ICTS France soutient que M. A... a dépassé à plusieurs reprises son quota de quatre heures de délégation notamment au cours des mois de décembre 2018 et de janvier et février 2019 correspondant respectivement à 22,5 heures, 4 heures et 6 heures 30 soit un total de 33 heures sans fournir de justification alors même qu'elle lui avait notifié un avertissement le 25 octobre 2018 pour les mêmes motifs s'agissant des mois d'août et de septembre 2018. Si M. A... soutient que ces 33 heures ont bien été utilisées dans le cadre de sa délégation, il n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations permettant d'établir que les heures contestées précitées entraient bien dans le cadre de son crédit d'heures de délégation mensuel d'une durée de quatre heures ou que le dépassement de ce crédit serait justifié par des circonstances exceptionnelles. Par suite, les faits qui lui sont reprochés doivent être regardés comme établis et sont, eu égard à leur importance et à leur répétition, d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement de M. A.... 11. D'autre part, l'exécution d'un congé individuel de formation suspend l'exécution du contrat de travail et les obligations qui y sont attachées, à l'exception de l'obligation de loyauté. Le manquement du salarié, bénéficiaire d'un congé individuel de formation, à l'obligation qui lui incombe de suivre la formation dispensée ne constitue pas dans ses rapports avec son employeur une faute justifiant son licenciement, ni un manquement à son obligation de loyauté, mais un manquement à une obligation légale inhérente à l'exécution du congé, distincte de l'exécution du contrat de travail, assorti par la loi d'une sanction spécifique, à savoir la perte du bénéfice du congé lui-même. Le salarié qui bénéficie d'un congé individuel de formation est tenu de justifier de sa présence effective à cette formation à son employeur. 12. La société ICTS France soutient que M. A... n'a pas justifié de sa présence continue au cours de son congé individuel de formation du 4 octobre 2017 au 14 mai 2018. Il ressort des pièces du dossier que l'intéressé n'a fourni aucun justificatif concernant ses absences des 13, 19, 20 et 24 avril 2018 et des 2, 3 et 9 mai 2018 auprès de son employeur et de l'organisme de formation. S'il soutient qu'il était en arrêt maladie pendant lesdites absences, il n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations permettant d'en justifier le bien-fondé. Néanmoins, cette absence de justification bien que fautive, n'est pas d'une gravité suffisante permettant de justifier légalement que soit autorisé le licenciement pour faute grave de M. A.... 13. Toutefois, il résulte de l'instruction que l'inspectrice du travail aurait pris la même décision si elle s'était fondée sur la seule faute liée au non-respect par M. A... du crédit d'heures de délégation mensuel qui lui a été alloué en tant que représentant de section syndicale. Dès lors, le moyen tiré par M. A... de ce que les faits qui lui sont reprochés ne seraient pas d'une gravité suffisante pour justifier une autorisation de licenciement pour faute grave doit être écarté. En ce qui concerne le lien avec le mandat exercé par M. A... : 14. La circonstance que M. A... a fait l'objet d'une autorisation de licenciement le 22 décembre 2011, annulée par la cour administrative de Versailles le 28 janvier 2014, n'est pas de nature à caractériser l'existence d'un lien entre la demande d'autorisation de licenciement présentée près de huit ans plus tard, et le mandat syndical exercé par l'intéressé. Si le conseil de prud'hommes de Villeneuve-Saint-Georges a, dans son jugement du 6 novembre 2019, considéré que la société ICTS France avait fait preuve de résistances dans le processus de réintégration de M. A... et dans son affectation effective sur un poste en prenant en compte son appartenance au syndicat CFTC, caractérisant une discrimination syndicale, ces agissements se sont déroulés entre 2014 et 2016 et ne permettent pas, par eux-mêmes, de caractériser l'existence d'un lien entre le mandat syndical exercé par l'intéressé et l'autorisation de licenciement sollicitée par la société ICTS France le 11 mars 2019 pour des manquements objectifs et graves commis par l'intéressé. Les conditions d'exercice, par M. A..., de ses fonctions d'opérateur de sécurité définies par son employeur depuis sa réintégration n'apparaissent pas davantage caractériser l'existence d'un lien entre l'autorisation sollicitée et l'exercice par l'intéressé de son mandat. Par suite, le moyen tiré de ce que l'inspectrice du travail se serait méprise sur l'existence d'un lien entre l'autorisation de licenciement sollicitée et le mandat syndical qu'il exerçait au moment de la demande ne peut qu'être écarté. 15. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 5 août 2019 par laquelle l'inspectrice du travail a autorisé son licenciement. Sur les frais d'instance : 16. Les dispositions de l'article L. 761-1 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par M. A... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. A... une somme au profit de la société ICTS France sur le fondement des mêmes dispositions. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Les conclusions de la société ICTS France, présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à la société ICTS France et au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion. Délibéré après l'audience du 20 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Menasseyre, présidente, - Mme Jayer, première conseillère, - Mme Collet, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 novembre 2023. La rapporteure, A. COLLET La présidente, A. MENASSEYRE Le greffier, P. TISSERANDLa République mande et ordonne au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22PA03437 |
CETATEXT000048452253 | J1_L_2023_11_00022PA03675 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/22/CETATEXT000048452253.xml | Texte | CAA de PARIS, 5ème chambre, 10/11/2023, 22PA03675, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-10 00:00:00 | CAA de PARIS | 22PA03675 | 5ème chambre | plein contentieux | C | Mme VINOT | CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE | M. Jacques DUBOIS | Mme LESCAUT | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société Invest Conseils a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la réduction de la cotisation d'impôt sur les sociétés supportée au titre de l'exercice 2017 à hauteur d'un montant de 533 198 euros. Par un jugement n° 2010825 du 9 juin 2022, le tribunal administratif a rejeté sa requête. Procédure devant la Cour : Par une requête et des mémoires enregistrés les 5 août 2022 et 25 avril 2023, la société Invest Conseils, représentée par Me Vezinhet, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement du 9 juin 2022 du tribunal administratif de Paris ; 2°) de prononcer la réduction de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2017 à hauteur de 533 198 euros ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 10 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. La société Invest Conseils soutient que : - elle remplit toutes les conditions pour bénéficier du régime des sociétés mères-filiales : elle est soumise à l'IS au taux normal ; sa participation dans la filiale écossaise est de 8,5 % soit plus que le taux minimum exigé de 5 % ; ses titres de participation ont une forme nominative et sont détenus depuis plus de deux ans ; elle a opté pour ce régime par voie de réclamation, comme le permet la jurisprudence issue de la décision du Conseil d'Etat du 20 décembre 2017 n° 414974 ; - le partnership de droit écossais dont elle a perçu le dividende ayant donné lieu à l'imposition contestée ne peut être considéré comme une société de libre partenariat (SLP), dans la mesure où il a été créé en 2007 avant donc la création en droit français du statut de la SLP, ses caractéristiques ne correspondent pas avec celles d'une société de libre partenariat, dès lors que, d'abord, ses statuts excluent toute participation d'un associé commanditaire, contrairement à ce que prévoit l'article L. 214-162-3 du code monétaire et financier régissant les SLP, ensuite, elle ne présente aucune politique d'investissement, et l'objet de sa structure est de portée relativement étendue alors qu'une SLP est nécessairement constituée en vue de gérer un portefeuille d'actifs et que ses statuts doivent présenter les règles d'investissement et d'engagement, encore, son capital social n'atteint pas celui de 300 000 euros prévu à l'article L. 224-24 code monétaire et financier, enfin, une SLP est soumise à des obligations réglementaires strictes auxquelles elle-même n'est pas soumise. Par un mémoire, enregistré le 28 mars 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens invoqués dans la requête ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur les gains en capital, signée à Londres le 19 juin 2008 ; - le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Dubois ; - les conclusions de Mme Lescaut, rapporteure publique ; - et les observations de Me Vezinhet, pour la société Invest Conseils. Considérant ce qui suit : 1. La société par actions simplifiée Invest Conseils exerce l'activité de conseil en gestion, investissement, et prise de participation dans toutes les opérations financières. Elle a notamment perçu en 2017 un versement d'un montant de 1 683 723 euros, versé par un " partnership " de droit écossais dont elle détient 8,5 pourcent des droits. Elle s'est acquittée au titre de l'exercice clos en 2017 d'un impôt sur les sociétés d'un montant de 736 325 euros. Par réclamation du 23 janvier 2019, elle a sollicité la réduction à hauteur de 533 198 euros de l'impôt ainsi acquitté, estimant pouvoir bénéficier du régime des sociétés mère-filiale pour l'imposition de ce versement. Elle relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la réduction, à hauteur de la somme de 533 198 euros, de la cotisation d'impôt sur les sociétés acquittée au titre de l'exercice 2017. Sur les conclusions à fin de réduction de l'imposition en litige : 2. D'une part, aux termes de l'article 145 du code général des impôts : " 1. Le régime fiscal des sociétés mères, tel qu'il est défini à l'article 216, est applicable aux sociétés et autres organismes soumis à l'impôt sur les sociétés au taux normal qui détiennent des participations satisfaisant aux conditions ci-après (...) ". Aux termes de l'article 216 du même code : " I. Les produits nets des participations, ouvrant droit à l'application du régime des sociétés mères et visées à l'article 145, touchés au cours d'un exercice par une société mère, peuvent être retranchés du bénéfice net total de celle-ci, défalcation faite d'une quote-part de frais et charges. / La quote-part de frais et charges visée au premier alinéa est fixée uniformément à 5 % du produit total des participations, crédit d'impôt compris (...) ". 3. D'autre part, aux termes de l'article L. 214-154 du code monétaire et financier : " Un fonds professionnel spécialisé prend la forme d'une SICAV, d'un fonds commun de placement ou d'une société en commandite simple. Selon le cas, sa dénomination est alors, respectivement, celle de " société d'investissement professionnelle spécialisé ", de " fonds d'investissement professionnel spécialisé " ou de " société de libre partenariat ". L'article 1655 A du code général des impôts dispose : " Pour l'imposition de leurs bénéfices et celle de leurs associés, les sociétés de libre partenariat mentionnées à l'article L. 214-154 du code monétaire et financier sont assimilées à un fonds professionnel de capital investissement constitué sous la forme d'un fonds commun de placement pour l'application du présent code et de ses annexes et elles sont soumises aux mêmes obligations déclaratives que ces fonds ". Aux termes de l'article 137 bis du même code : " I. Les sommes ou valeurs réparties par un fonds commun de placement (...) constituent des revenus de capitaux mobiliers perçus par les porteurs de parts à la date de cette répartition ". 4. Il appartient au juge de l'impôt, saisi d'un litige portant sur le traitement fiscal d'une opération impliquant une société de droit étranger, d'identifier d'abord, au regard de l'ensemble des caractéristiques de cette société et du droit qui en régit la constitution et le fonctionnement, le type de société de droit français auquel la société de droit étranger est assimilable. Compte tenu de ces constatations, il lui revient ensuite de déterminer le régime applicable à l'opération litigieuse au regard de la loi fiscale française. 5. Il résulte de l'instruction que la société Invest Conseils a perçu en 2017 des versements d'un " partnership " de droit écossais, la société Mezzanine Management Fund IV Founder Partner SLP. Ainsi que cela ressort des statuts du 12 octobre 2007 dont une traduction a été versée aux débats par la société Invest Conseils, ce " partnership " de droit écossais a été institué sous forme de commandite au sens du " Limited Partnership Act de 1907 " écossais, par une convention du 21 juin 2007 conclue entre la société Mezzanine Management Founder Partner GP Limited, désignée en qualité de " General partner " soit, selon la traduction versée aux débats, " associé commandité " et plusieurs autres associés, dont les sociétés Invest Conseils et Kennedy Conseil, qualifiés de " Limited Partners " soit, selon la même traduction, des associés commanditaires, et est l'" Associé fondateur " de la société en commandite de droit anglais Mezzanine Management Fund IV 'A'. Compte tenu de cette distinction, opérée par ses statuts, entre associés commandités, responsables indéfiniment et solidairement des dettes sociales, et associés commanditaires, responsables à hauteur de leur seul apport en capital dans la société, et ainsi d'ailleurs qu'en conviennent les parties, ledit " partnership " de droit écossais doit être assimilé à une société en commandite simple de droit français. 6. Toutefois, l'administration fiscale considère que la société Mezzanine Management Fund IV Founder Partner SLP exerce une activité de fonds professionnel spécialisé, de sorte qu'elle doit également être assimilée à une société de libre partenariat au sens des dispositions de l'article L. 214-154 du code monétaire et financier, une telle qualification faisant obstacle à l'application du régime des sociétés mère-filiale. La société Invest Conseils soutient que le " partnership " de droit écossais qui lui a versé les sommes en cause ne saurait être assimilé à une société de libre partenariat de droit français. 7. En premier lieu, contrairement à ce que soutient la société requérante sur laquelle repose, en vertu des dispositions du second alinéa de l'article R*. 194-1 du livre des procédures fiscales, la charge de démontrer l'exagération de l'impôt qu'elle a acquitté conformément à sa déclaration, la circonstance que le " partnership " de droit écossais a été constitué antérieurement à la création de la catégorie juridique de la société de libre partenariat, par l'article 145 de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, n'est pas de nature à faire obstacle à ce qu'il puisse être assimilé à une société de libre partenariat. 8. En deuxième lieu, la circonstance que les statuts du " partnership " de droit écossais excluent les associés commanditaires de la gestion de la société n'est pas incompatible avec les dispositions de l'article L. 214-162-3 du code monétaire et financier dès lors que, si ces dispositions permettent qu'un associé commanditaire procède à un acte de gestion externe de la société dans l'hypothèse seulement où il dispose de la qualité de gérant, elles n'imposent pas qu'un associé commanditaire puisse disposer de la qualité de gérant. 9. En troisième lieu, la société requérante soutient que les statuts du 12 octobre 2007 du " partnership " écossais ne comportent pas de règles précises d'investissement et d'engagement de sorte qu'ils sont incompatibles avec les dispositions de l'article L. 214-162-7 du code monétaire et financier selon lesquelles " Par dérogation aux articles L. 214-24-55 et L. 214-24-56, les statuts déterminent les règles d'investissement et d'engagement de la société de libre partenariat. (...) ". Cependant, il ressort de ces dispositions qu'elles ont pour objet non pas de faire peser des contraintes spécifiques sur les sociétés de libre partenariat mais de leur permettre de déroger aux règles fixées par les articles L. 214-24-55 et L. 214-24-56 du même code, lesquels déterminent la nature des titres et instruments financiers devant figurer à l'actif d'un fonds d'investissement à vocation générale ouvert à des investisseurs non-professionnels. De plus, la requérante n'apporte aucune précision quant au " Limited Partnership Act de 1907 " écossais qui régit le fonctionnement du " partnership ", ainsi que le précise le B) de l'exposé préalable des statuts du 12 octobre 2007. En outre, elle n'a pas produit, malgré la mesure d'instruction diligentée en ce sens, la convention constitutive en date du 21 juin 2007 ni celle du 19 juillet 2007 procédant à la modification de cette convention, alors qu'il ne résulte pas des statuts du 12 octobre 2007 produits à l'instance, compte tenu notamment des termes du F de leur exposé préalable, que ces conventions, notamment celle du 21 juin 2007, auraient été abrogées dans leur intégralité par les statuts du 12 octobre 2007 et non pas seulement mises à jour, l'article 17.5 de ces statuts indiquant seulement qu'ils annulent et remplacent ceux conclus le 19 juillet 2007 entre la société Mezzanine Management Founder Partner GP, associé commandité, la société Mezzanine Management Found IV Founder Partner Limited et les société Invest Conseils et Kennedy Conseil. Enfin, la société requérante n'apporte aucune précision sur les " Statuts des fonds de la Société " encadrant l'activité des sociétés distinctes, Mezzanine Management Fund IV'A' et Fonds Parallel, au sein desquelles doivent s'accomplir les investissements du " partnership " écossais en vertu des stipulations de l'article 2.2 des statuts du 12 octobre 2017, selon lesquelles " La Société a pour objet d'exercer l'activité d'associé commanditaire des Fonds de la société et de bénéficier de son investissement en qualité d'Associé Fondateur des Fonds de la Société, sous réserve des stipulations des Statuts des Fonds de la société et en conformité avec celles-ci, d'investir dans les Fonds de la société et d'exercer l'ensemble des activités et opérations que le gérant estime nécessaires ou souhaitables au titre de ses fonctions d'Associé Fondateur (...) ", et n'a pas estimé utile de produire les statuts de ces fonds à l'appui de ses prétentions. Il suit de là qu'elle n'est pas fondée à soutenir que les statuts du " partnership " de droit écossais seraient incompatibles avec les dispositions de l'article L. 214-162-7 du code monétaire et financier. 10. En quatrième lieu, la société requérante soutient que les dispositions de l'article L. 214-24 du code monétaire et financier s'opposeraient à ce que le " partnership " écossais puisse être assimilé à une société de libre partenariat, en ce qu'elles imposent aux fonds d'investissement alternatifs français la constitution d'un capital social d'un montant minimum de 300 000 euros lorsqu'ils ne délèguent pas globalement la gestion de leur portefeuille à une société de gestion de portefeuille. Cependant, il ressort des statuts du " partnership " écossais et de l'attestation de paiement du versement versée au dossier que la gestion de celui-ci est en l'espèce déléguée à une société distincte, la société Mezzanine Management Limited qualifiée de " Manager ", c'est-à-dire de gérant selon la traduction fournie par la société, de sorte que le " partnership " n'est ainsi pas soumis à cette règle de détention d'un capital social d'au moins 300 000 euros. 11. Enfin, la seule circonstance que les sociétés de libre partenariat de droit français sont soumises à des obligations réglementaires, telles que l'obligation de désigner un dépositaire chargé de la conservation des actifs, et sont placées sous le contrôle de l'autorité des marchés financiers à laquelle ne saurait, par construction, être soumis le " partnership " écossais, ne saurait en elle-même faire obstacle à l'assimilation à laquelle l'administration fiscale a procédé. A supposer que la société requérante doive être regardée comme faisant également valoir que le " partnership " écossais ne serait soumis à aucune obligation émanant d'un " régulateur " écossais compétent et ne serait pas placé sous le contrôle d'une institution écossaise équivalente à l'autorité des marchés financiers, ce moyen n'est pas assorti des précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé dès lors notamment que la requérante n'expose aucun élément d'analyse du " Limited Partnership Act de 1907 " écossais, ainsi qu'il a été dit. De même, si la société requérante soutient encore que les règles régissant les sociétés de libre partenariat en matière de modalités d'émission et de libération des parts et titres, ou celles permettant à ces sociétés de " comporter un ou plusieurs compartiments qui sont autant de patrimoines distincts ", seraient incompatibles avec les statuts du " partnership " écossais, les moyens ainsi soulevés ne sont pas assortis des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé. 12. Il suit de là que la société requérante n'apporte pas d'éléments probants qui tendraient à démontrer que le " partnership " écossais devrait être assimilé en droit français seulement à une société en commandite simple, et non à une société de libre partenariat soumise aux dispositions de l'article 1655 sexies A du code général des impôts et dont les redistributions sont imposables, sur le fondement de l'article 137 bis du code général des impôts, entre les mains des porteurs de parts. Elle n'est, en conséquence, pas fondée à revendiquer l'application du régime mère-filiale prévu par les dispositions précitées de l'article 216 du code général des impôts au titre des sommes versées en 2017 par le " partnership " de droit écossais. 13. Il résulte de tout ce qui précède, et dès lors qu'aucune des stipulations de la convention fiscale franco-britannique ne s'oppose à l'imposition en France du versement perçu par la société Invest Conseils en 2017 du " partnership " de droit écossais, que la requête de la société Invest Conseils doit être rejetée. Sur les frais exposés et non compris dans les dépens : 14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la société Invest Conseils au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. DECIDE : Article 1er : La requête de la société Invest Conseils est rejetée. Article 2 : Le présent jugement sera notifié à la société Invest Conseils et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Copie sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Île-de-France et de Paris. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Vinot, présidente, - Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure, - M. Dubois, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 novembre 2023. Le rapporteur, J. DUBOIS La présidente, H. VINOT La greffière, A. MAIGNAN La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22PA03675 |
CETATEXT000048452254 | J1_L_2023_11_00022PA03898 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/22/CETATEXT000048452254.xml | Texte | CAA de PARIS, 8ème chambre, 20/11/2023, 22PA03898, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-20 00:00:00 | CAA de PARIS | 22PA03898 | 8ème chambre | plein contentieux | C | Mme MENASSEYRE | ELMOSNINO | Mme Marie-Dominique JAYER | Mme BERNARD | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de condamner la commune de Bourail à lui verser une somme de 55 200 000 francs CFP majorée des intérêts au taux légal à compter de la date de réception de sa réclamation préalable, en réparation des dommages causés par les ouvrages publics dont la commune a la garde. Par un jugement n°2100364 du 19 mai 2022, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée le 22 août 2022, Mme A... représentée par Me Elmosnino, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement n°2100364 du 19 mai 2022 du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ; 2°) de condamner la commune de Bourail à lui verser la somme de 55 200 000 francs CFP portant intérêts au taux légal à compter de la date de réception de sa réclamation préalable et capitalisés ; 3°) de mettre à la charge de la commune de Bourail une somme de 350 000 francs CFP sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - c'est à tort que le tribunal a estimé que sa demande était irrecevable et mal dirigée dès lors, d'une part, que la responsabilité sans faute se relève d'office et, d'autre part, que la route en litige appartient bien à la commune de Bourail ; - la responsabilité sans faute de cette dernière est engagée à son égard, en qualité de tiers au titre de dommages de travaux publics, les inondations affectant sa propriété étant causées par un sous-dimensionnement des radiers OH3 et OH4 dont la commune de Bourail a la garde, à l'origine d'un préjudice anormal et spécial ; - elle est ainsi fondée à réclamer une indemnité à hauteur de la somme totale de 55 000 000 francs CFP correspondant à la valeur vénale de son bien, au titre des troubles de jouissance subis et des frais de destruction et de reconstruction de sa maison nécessaires à la sauvegarde de son habitation, ainsi qu'une somme de 200 000 francs CFP au titre du remboursement des frais d'études techniques et de conseil engagés. La requête a été communiquée à la commune de Bourail qui n'a pas produit de mémoire. Par une ordonnance du 20 avril 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 22 mai 2023 à 12 heures. Vu les autres pièces du dossier. Vu le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Jayer, - les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. Selon acte authentique du 6 novembre 2002, Mme A... est devenue propriétaire d'un terrain et d'une maison d'habitation situés dans la zone littorale de Poé, sur le territoire de la commune de Bourail. Par courrier du 1er décembre 2020 reçu par son destinataire le 3 décembre suivant, elle a adressé une réclamation indemnitaire au maire de Bourail en demandant à la commune de lui allouer la somme totale de 52 500 000 francs CFP à titre de dommages-intérêts, en réparation des préjudices résultant pour elle de mentions erronées figurant, selon elle, sur le certificat d'urbanisme délivré avant qu'elle acquière ces biens immobiliers. En l'absence de réponse, elle a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de condamner la commune de Bourail à lui verser une somme de 55 200 000 francs CFP portant intérêts au taux légal à compter de la date de réception de sa réclamation préalable. Mme A... relève appel du jugement du 19 mai 2022 portant rejet, pour irrecevabilité, de sa demande. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision (...) / Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle. ". Il résulte de ces dispositions que, pour être recevable, la demande présentée au juge tendant à la réparation des conséquences dommageables d'un fait qui est lui imputé par l'administration doit être précédée d'une réclamation donnant lieu à une décision liant le contentieux indemnitaire à l'égard du demandeur pour l'ensemble des dommages causés par ce fait générateur, quels que soient les chefs de préjudice auxquels se rattachent les dommages invoqués par la victime et que sa réclamation ait ou non spécifié les chefs de préjudice en question. Si la victime est alors recevable à demander au juge administratif, dans les deux mois suivant la notification de la décision ayant rejeté sa réclamation, la condamnation de l'administration à l'indemniser de tout dommage ayant résulté de ce fait générateur, y compris en invoquant des chefs de préjudice qui n'étaient pas mentionnés dans sa réclamation, elle ne saurait, en revanche, saisir le juge d'une demande indemnitaire portant sur la réparation de dommages causés par un fait générateur dont elle n'a pas fait état dans sa réclamation. 3. Il résulte de l'instruction que, dans son courrier du 1er décembre 2020 demandant à la commune réparation des préjudices invoqués, Mme A... a expressément fondé ses prétentions sur la faute constituée, selon elle, par le caractère erroné du certificat d'urbanisme qui lui a été délivré le 8 novembre 2002 dans le cadre de l'acquisition de sa propriété, faisant état de ce que la parcelle qu'elle allait acquérir n'était pas inondable. Elle s'est en revanche abstenue d'y faire état d'un autre fait générateur invoqué devant les premiers juges et de ce que la responsabilité de la commune serait également engagée en raison de dommages de travaux publics causés par les radiers OH3 et OH4, dont elle estime que la garde incombait à cette collectivité. Les responsabilités successivement invoquées l'ont ainsi été, d'une part, sur le fondement de la responsabilité pour faute, du fait de l'irrégularité d'un certificat d'urbanisme et, d'autre part, sur le fondement de la responsabilité sans faute, à raison de dommages de travaux publics. Alors même que cette dernière est d'ordre public, dès lors que Mme A... se prévaut d'un fait générateur distinct de celui invoqué dans sa réclamation préalable du 1er décembre 2020 sans avoir postérieurement lié le contentieux par une nouvelle réclamation préalable, c'est à bon droit, et sans entacher leur jugement d'irrégularité, que les premiers juges ont accueilli la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de la demande dont ils étaient saisis. Sur les frais du litige : 4. Les dispositions énoncées par l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Bourail, qui n'est pas la partie perdante dans le cadre de la présente instance, la somme que Mme A... réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à la commune de Bourail. Délibéré après l'audience du 20 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Anne Menasseyre, présidente, - Mme Jayer, première conseillère, - Mme Collet, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 novembre 2023. La rapporteure, M-D JAYERLa présidente, A. MENASSEYRE Le greffier, P. TISSERANDLa République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22PA03898 |
CETATEXT000048452255 | J1_L_2023_11_00022PA03986 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/22/CETATEXT000048452255.xml | Texte | CAA de PARIS, 8ème chambre, 20/11/2023, 22PA03986, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-20 00:00:00 | CAA de PARIS | 22PA03986 | 8ème chambre | plein contentieux | C | Mme MENASSEYRE | NITKOWSKI | Mme Marie-Dominique JAYER | Mme BERNARD | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Melun de faire injonction à la Compagnie générale des Eaux-Veolia de procéder aux travaux de réparation de la canalisation défectueuse et du raccordement au " tout-à-l'égout " au droit de sa maison sise 7, rue de Reims à Gentilly sous astreinte de 200 euros par jour de retard, de condamner la Compagnie générale des Eaux-Veolia et à lui verser la somme de 178 480 euros, à parfaire, en réparation du préjudice subi du fait du sinistre survenu dans sa maison avec intérêt et capitalisation des intérêts, de condamner solidairement les défendeurs à lui rembourser les frais avancés dans le cadre de la procédure, soit 5 707,86 euros, et de mettre les frais d'expertise, taxés à la somme de 6 600 euros, à la charge solidaire des défendeurs. Par un jugement n° 1909811 du 30 juin 2022, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire ampliatif enregistrés le 26 août 2022 et le 11 octobre 2022, un mémoire en réplique enregistré le 22 décembre 2022, M. C... représenté par Me Nitkowski, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures : 1°) d'annuler le jugement n°1909811 du 30 juin 2022 du tribunal administratif de Melun ; 2°) de condamner solidairement la Compagnie générale des Eaux-Veolia et la société Axa Corporate Solutions à lui verser la somme totale de 192 500 euros, à parfaire, avec intérêts à compter de la première demande ; 3°) de mettre les frais avancés dans le cadre de la procédure, soit la somme de 5 707,86 euros TTC, à la charge solidaire de la Compagnie générale des Eaux-Veolia et de la société Axa Corporate Solutions, avec intérêts à compter de la première demande ; 4°) de mettre les frais d'expertise, soit la somme de 6 600 euros TTC, à la charge solidaire de la Compagnie générale des Eaux-Veolia et de la société Axa Corporate Solutions ; 5°) de condamner solidairement la Compagnie générale des Eaux-Veolia et la société Axa Corporate Solutions au paiement de la somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le tribunal n'a pas communiqué le mémoire de la Compagnie générale des Eaux-Veolia réitérant la fin de non-recevoir, enregistré le jour de la clôture de l'instruction, ce qui l'a empêché de produire l'acte notarié établissant sa qualité pour agir, es qualité d'usufruitier ; il établit cette qualité ; - il résulte du rapport d'expertise que la responsabilité de la Compagnie générale des Eaux-Veolia est engagée, l'expert judiciaire ayant conclu, sans réserves, que les dommages affectant l'immeuble situé 7, rue de Reims à Gentilly, étaient imputables à des fuites du réseau géré par la Compagnie générale des Eaux-Veolia, en amont de son pavillon ; celle-ci a au demeurant reconnu sa responsabilité dans la déclaration de sinistre qu'elle a adressée à son assureur, a effectué plusieurs interventions et travaux sur le réseau sans que les premiers juges ne répondent à cette argumentation ; les désordres se sont aggravés au fil du temps ; - son préjudice s'établit comme suit : * 74 000 euros au titre de travaux de structure et d'intérêts sur un emprunt bancaire, * 20 000 euros au titre de travaux d'intérieur à réaliser, * 6 500 euros au titre de travaux extérieurs à réaliser, * 16 500 euros au titre d'un préjudice de jouissance, * 8 000 euros au titre d'un préjudice d'agrément, * 5 000 euros au titre d'un préjudice esthétique, * 30 000 euros au titre de l'immobilisation du bien et de la perte de chance de sa location, * 5 000 euros au titre d'un préjudice moral. Par un mémoire en défense enregistré le 28 novembre 2022, la société Veolia eau-Compagnie générale des eaux et la société Axa corporate solutions représentées par Me Gourvès, concluent : 1°) à titre principal, au rejet de la requête comme irrecevable ; 2)°à titre subsidiaire, à son rejet au fond ; 3°) à ce que la communauté d'agglomération du Val de Bièvre soit condamnée à la garantir de toutes condamnations prononcées à son encontre ; 4°) à la condamnation de la partie perdante à payer à la société Veolia la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elles soutiennent, à titre principal, que le requérant n'établit toujours pas son intérêt à agir et, à titre subsidiaire, que la responsabilité de la société Veolia eau-Compagnie générale des eaux n'est pas engagée, que le lien de causalité entre les désordres invoqués avec les dommages subis n'est pas établi, que sa propre faute est opposable à la victime et que les préjudices dont se prévaut M. C... ne sont pas établis. L'établissement public territorial n°12 Grand Orly Seine Bièvre venant aux droits des anciennes communautés d'agglomération du Val-de-Bièvre (CAVB), n'a pas conclu. Par une ordonnance du 20 avril 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 22 mai 2023 à 12 heures. Vu les autres pièces du dossier. Vu le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Jayer, - les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique, - et les observations de M. C.... Considérant ce qui suit : 1. Le tribunal administratif de Melun a rejeté la demande indemnitaire de M. C... comme irrecevable au motif que, si l'intéressé soutenait agir en qualité de représentant de l'indivision des nus-propriétaires -en l'espèce ses enfants- ainsi qu'en sa qualité d'usufruitier du bien subissant les dommages invoqués, en se référant dans ses écritures à un acte notarié du 28 janvier 2013 attestant à son profit de la " donation en usufruit de la maison familiale ", il ne résultait pas de l'instruction que ce document -au demeurant non mentionné dans l'inventaire des pièces communiquées- aurait été produit dans le cadre de l'instance, en dépit du défaut de qualité pour agir opposé au requérant par son contradicteur. Il a ainsi jugé que l'intéressé n'établissait pas sa qualité d'usufruitier ou ne justifiait pas du mandat que lui auraient donné les nus-propriétaires. 2. Un requérant doit justifier de la qualité qui lui donne intérêt pour agir. S'agissant d'un litige relatif à un bien immobilier, il doit ainsi établir un intérêt personnel en qualité de nu-propriétaire ou d'usufruitier, titulaire de droits réels sur le bien objet du litige. Il peut le faire à tout moment de la procédure devant les juges du fond, y compris pour la première fois en appel. 3. Au cas d'espèce, M. C... se prévaut de sa qualité d'usufruitier du bien endommagé en produisant, pour la première fois en appel, un acte notarié du 28 janvier 2013 : en l'espèce un acte rectificatif d'un acte de donation reçu par notaire les 22 et 25 septembre 2000. Il résulte des termes de cet acte que la donatrice du bien situé 7, rue de Reims à Gentilly est Mme A... veuve C..., sa mère, et que les quatre donataires sont les petits-enfants de cette dernière qui sont également les enfants du requérant. Aux termes de l'acte de donation de septembre 2 000, Mme A... veuve C... a fait donation à chacun de ses petits-enfants de la nue-propriété du bien en s'en étant réservé l'usufruit sa vie durant. Aux termes de l'acte notarié du 28 janvier 2013, ledit usufruit a également été réservé, après son décès, sur la tête de son fils, pour que celui-ci en jouisse jusqu'à son propre décès. Cet acte mentionne, au demeurant, que le requérant, devenu usufruitier : " supportera, en sus des réparations dites d'entretien, les grosses réparations telles qu'elles sont définies à l'article 606 du code civil " et qu'il " supportera également seul toutes les réparations et/ou travaux qui découleraient de l'affaissement du sous-sol sur lequel est construite la maison " et précise qu'une importante fuite dans les canalisations d'eau sous la rue serait à l'origine de l'affaissement progressif de la partie extérieure de la maison. M. C... a également produit l'acte de décès de sa mère qui fait apparaître que celle-ci est décédée le 15 décembre 2013. La recevabilité d'un recours s'appréciant à la date de son introduction, il est ainsi désormais établi qu'à la date d'introduction du recours devant le tribunal administratif de Melun, le 31 octobre 2019, le requérant était usufruitier du bien objet du litige et tenu, en outre, au paiement des grosses réparations. Il justifie dès lors de sa qualité lui donnant intérêt à agir pour demander réparation des préjudices dont il se prévaut. 4. Par suite, il y a lieu d'annuler le jugement attaqué et, dans les circonstances de l'espèce, de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Melun pour que celui-ci statue sur les conclusions de M. C.... 5. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions, d'une part, de M. C... et, d'autre part, de la Compagnie générale des Eaux-Veolia et de la société Axa Corporate Solutions, tendant à l'application, au titre de la présente instance, des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n°1909811 du 30 juin 2022 du tribunal administratif de Melun est annulé. Article 2 : L'affaire est renvoyée devant le tribunal administratif de Melun. Article 3 : Les conclusions présentées par les parties devant la cour sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., à la société Veolia Eau, à la société Axa Corporate Solutions et à l'établissement public territorial Grand-Orly Seine Bièvre. Délibéré après l'audience du 20 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Anne Menasseyre, présidente, - Mme Jayer, première conseillère, - Mme Collet, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 novembre 2023. La rapporteure, M-D JAYERLa présidente, A. MENASSEYRE Le greffier, P. TISSERANDLa République mande et ordonne à la préfète du Val-de-Marne en ce qui la concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22PA03986 |
CETATEXT000048452256 | J1_L_2023_11_00022PA04056 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/22/CETATEXT000048452256.xml | Texte | CAA de PARIS, 2ème chambre, 22/11/2023, 22PA04056, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-22 00:00:00 | CAA de PARIS | 22PA04056 | 2ème chambre | plein contentieux | C | Mme TOPIN | FRAHIER | Mme Emmanuelle TOPIN | M. SEGRETAIN | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société à responsabilité limitée (SARL) Hair Brea a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés au titre des exercices 2013, 2014 et 2015 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er octobre 2012 au 30 avril 2016, ainsi que des pénalités correspondantes, et à titre subsidiaire de la décharger des seules pénalités et majorations. Par un jugement n° 2121044/2-2 du 8 juillet 2022, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire enregistrés les 2 septembre et 14 octobre 2022, la SARL Hair Brea, représentée par Me Jean-François Frahier, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement attaqué ; 2°) de prononcer la décharge sollicitée devant ce tribunal ; 3°) de mettre à la charge l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la comptabilité a, à tort, été écartée ; - la méthode de reconstitution de la comptabilité est viciée et aboutit à des impositions exagérées. Par un mémoire en défense enregistré le 19 janvier 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête. Il soutient que - la requête est irrecevable à défaut de présentation de moyens d'appel nouveaux ou de critiques du jugement attaqué en méconnaissance des dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ; - les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 23 février 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 13 mars 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Topin, - et les conclusions de M. Segretain, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. La SARL Hair Brea, qui exerce une activité de salon de coiffure, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de la période du 1er octobre 2012 au 30 septembre 2015, étendue en matière de taxe sur la valeur ajoutée jusqu'au 30 avril 2016, à l'issue de laquelle des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ont été mis à sa charge ainsi que des intérêts de retard et des pénalités. La société Hair Brea relève appel du jugement du 8 juillet 2022 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions. 2. Aux termes de l'article 54 du code général des impôts : " Les contribuables mentionnés à l'article 53 A sont tenus de représenter à toute réquisition de l'administration tous documents comptables, inventaires, copies de lettres, pièces de recettes et de dépenses de nature à justifier l'exactitude des résultats indiqués dans leur déclaration./ Si la comptabilité est tenue en langue étrangère, une traduction certifiée par un traducteur juré doit être représentée à toute réquisition de l'administration. ". Aux termes du I de l'article L. 47 A du même livre : " I. - Lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, le contribuable qui fait l'objet d'une vérification de comptabilité satisfait à l'obligation de représentation des documents comptables mentionnés au premier alinéa de l'article 54 du code général des impôts en remettant au début des opérations de contrôle, sous forme dématérialisée répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget, une copie des fichiers des écritures comptables définies aux articles 420-1 et suivants du plan comptable général (...) ". 3. Il résulte de la proposition de rectification du 27 décembre 2016 que d'une part la société n'a pas présenté les pièces justificatives du détail des recettes journalières pour la période du 1er octobre 2012 au 30 avril 2015, ce que la requérante ne conteste pas utilement en se bornant à faire valoir qu'elle a remis tous les livres et documents comptables exigés par la loi lors de la vérification. Or l'absence de présentation de telles pièces suffit pour que la comptabilité d'une entreprise soit regardée comme dépourvue de valeur probante. D'autre part, la société Hair Brea ne conteste pas avoir fait usage sur la période du 1er mai 2015 au 30 avril 2016, au titre de laquelle la sauvegarde des données du logiciel de caisse a été produite lors de la vérification, d'un logiciel frauduleux lui ayant permis d'effacer de l'enregistrement comptable les recettes réglées en espèce, ce qui est de nature à vicier la comptabilité pour la période considérée. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que l'administration a, à tort, écarté la comptabilité de l'entreprise doit être écarté. 4. En second lieu, il résulte de l'instruction que l'administration a reconstitué les recettes en espèces effacées du logiciel de comptabilité du 1er mai au 30 septembre 2015 et a appliqué la moyenne de ces recettes non déclarées ainsi constatée aux chiffres d'affaires déclaré pour les autres périodes contrôlées, au cours desquelles il n'est pas contesté que le logiciel frauduleux a également été utilisé, conduisant à un rehaussement du chiffre d'affaires de 10 695 euros, 10 419 euros et 10 607 euros au titre respectivement des exercices clos en 2013, 2014 et 2015 et de 12 656 euros au titre de la période du 1er octobre 2015 au 30 avril 2016. La société requérante soutient que cette méthode de reconstitution des recettes est radicalement viciée dès lors que les conditions d'exercice de l'activité des exercices 2012 à 2014 ont été différentes de celles de 2015 et qu'il n'a pas été tenu compte des remises et promotions appliquées. Toutefois, au regard de la méthode de reconstitution des seules recettes réglées en espèces, les circonstances ainsi invoquées par la société sont sans incidence sur la méthode utilisée par l'administration. En tout état de cause, si elle fait valoir à ce titre qu'elle a employé moins de salariés qui en outre étaient moins compétents, elle ne l'établit pas par la seule production d'un document manuscrit dépourvu de valeur probante présenté comme un listing du personnel. Elle n'établit pas plus l'incidence de l'absence d'exercice d'activité du gérant qui a été hospitalisé entre août 2012 et janvier 2013 sur le chiffre d'affaires de cette période, alors que l'administration fait valoir, sans être contredite, que le chiffre d'affaires déclaré pour l'exercice 2013 n'a pas connu de variation significative par rapport à ceux déclarés en 2012, 2014 et 2015. Enfin, elle ne justifie pas de l'incidence des promotions et remises de fidélités sur les rehaussements en litige. Par suite, la société Hair Brea, qui ne propose pas par ailleurs d'autre méthode de reconstitution de ses recettes frauduleusement effacées de sa comptabilité, n'est pas fondée à soutenir que la méthode de reconstitution appliquée par l'administration est radicalement viciée. 5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par l'administration, que la société Hair Brea n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence. DECIDE : Article 1er : La requête de la société Hair Brea est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Hair Brea et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris Délibéré après l'audience du 8 novembre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Topin, présidente, - M. Magnard, premier conseiller, - Mme Fullana, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 novembre 2023. La présidente-rapporteure, E. TOPINL'assesseur le plus ancien, F. MAGNARD Le greffier, C. MONGIS La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22PA04056 |
CETATEXT000048452257 | J1_L_2023_11_00022PA04913 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/22/CETATEXT000048452257.xml | Texte | CAA de PARIS, 8ème chambre, 20/11/2023, 22PA04913, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-20 00:00:00 | CAA de PARIS | 22PA04913 | 8ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme MENASSEYRE | ZEKRI | Mme Virginie LARSONNIER | Mme BERNARD | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 25 janvier 2022 par lequel le préfet de police de Paris lui a retiré son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trente-six mois et l'a informé de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen pour la durée de l'interdiction de retour. Par un jugement n° 2214822 du 19 octobre 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 18 novembre 2022, M. B..., représenté par Me Zekri, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement du 19 octobre 2022 du tribunal administratif de Paris ; 2°) d'annuler l'arrêté du 25 janvier 2022 du préfet de police de Paris ; 3°) d'enjoindre au préfet de police de Paris de lui délivrer un certificat de résidence algérien d'une durée d'un an dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer, dans l'attente de ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - les premiers juges n'ont pas répondu de manière suffisamment précise aux moyens tirés du défaut d'examen particulier de sa situation et de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 432-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, des stipulations des articles 6-1 et 6-5 de l'accord franco-algérien, des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ; - il est entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation ; - l'arrêté contesté, qui est entaché d'un vice de procédure, méconnaît les dispositions des articles L. 432-13 à L. 432-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le préfet de police de Paris aurait dû saisir la commission du titre de séjour ; - il est entaché d'une erreur de fait et méconnaît les dispositions de l'article L. 432-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que son comportement n'est pas constitutif d'une menace à l'ordre public ; - il méconnaît les stipulations des articles 6-1 et 6-5 de l'accord franco-algérien et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales compte tenu de son ancienneté sur le territoire français et de son intégration personnelle et professionnelle ; - il méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour les mêmes motifs ; - il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation. Par un mémoire en défense, enregistré le 20 juillet 2023, le préfet de police de Paris conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés. Par ordonnance du 20 juillet 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 6 septembre 2023 à 12 heures. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de Mme Larsonnier a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., ressortissant algérien né le 12 avril 1975, entré en France le 20 août 1996 selon ses déclarations, s'est vu délivrer un certificat de résidence algérien sur le fondement des stipulations du b de l'article 7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, valable du 12 mai 2021 au 11 mai 2022. Par un arrêté du 25 janvier 2022, le préfet de police de Paris a procédé au retrait de son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trente-six mois et l'a informé de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen pour la durée de l'interdiction de retour. Par un jugement du 19 octobre 2022, dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Sur les conclusions à fin d'annulation : 2. Aux termes de l'article 7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Les dispositions du présent article (...) fixent les conditions de délivrance du certificat de résidence aux ressortissants algériens autres que ceux visés à l'article 6 nouveau, ainsi qu'à ceux qui s'établissent en France après la signature du premier avenant à l'accord : (...) b) Les ressortissants algériens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée reçoivent après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les services du ministre chargé de l'emploi, un certificat de résidence valable un an pour toutes professions et toutes régions, renouvelable et portant la mention " salarié " : cette mention constitue l'autorisation de travail exigée par la législation française ; (...) ". 3. Si les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régissent d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, les stipulations de cet accord ne font pas obstacle à ce que l'autorité compétente puisse procéder au retrait du certificat de résidence délivré à un ressortissant algérien lorsque sa présence en France constitue une menace pour l'ordre public. 4. Il ressort des termes de l'arrêté en litige que pour retirer à M. B... son certificat de résidence, le préfet de police de Paris s'est fondé sur la menace que sa présence en France constituait pour l'ordre public dès lors qu'il avait d'une part, tenté en 2017 d'obtenir frauduleusement une carte d'identité et un passeport français et d'autre part, qu'il avait présenté une fausse facture d'électricité en date du 19 mai 2017 comme justificatif de domicile. Il résulte de l'instruction que le 4 juillet 2017 ont été déposés auprès des services de la mairie d'Orly une déclaration de perte de carte d'identité de nationalité française ainsi qu'un formulaire de demande de délivrance d'une carte nationale d'identité et d'un passeport biométrique français. Ces documents ont été établis au nom de M. A... B... et sont revêtus de la signature de l'intéressé. Les demandes de M. B... ont été rejetées le 7 juin 2018 par les services de la préfecture de Créteil pour fraude documentaire. Il ressort de la fiche de renseignements établie au nom de M. B... versée au dossier par le préfet de police de Paris que ces faits ont fait l'objet d'un signalement auprès du procureur de la République du tribunal de grande instance de Créteil le 31 juillet 2018. M. B..., en se bornant à faire valoir que devant sa détresse de ne pas obtenir de titre de séjour, un tiers lui aurait proposé de régulariser sa situation contre une somme d'argent et qu'il aurait seulement signé les documents qui lui ont été présentés, ne conteste pas utilement la matérialité des faits qui lui sont reprochés. En revanche, alors que M. B... soutient ne pas avoir présenté de fausse facture EDF, il ne ressort pas des pièces versées aux débats qu'il aurait produit un faux justificatif de domicile en date du 19 mai 2017. Le requérant est ainsi fondé à soutenir qu'en retenant ce dernier élément, la décision contestée est entachée d'une erreur de fait. Dans ces conditions, eu égard à leur ancienneté et à leur caractère isolé, les faits consistant à souscrire une déclaration de perte d'une carte nationale d'identité et un formulaire dans le but d'obtenir frauduleusement une carte d'identité et un passeport français ne permettent pas à eux-seuls de considérer que la présence en France de M. B..., qui établit résider habituellement sur le territoire français depuis au moins 2011 et auquel un certificat de résidence a été délivré en août 2021, constitue une menace pour l'ordre public. Il s'ensuit qu'en procédant au retrait du certificat de résidence de M. B... pour ce motif, le préfet de police de Paris a commis une erreur d'appréciation. Par suite, le requérant est fondé à soutenir que la décision contestée est entachée d'illégalité et doit être annulée. Il en est de même, par voie de conséquence, des décisions portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays à destination duquel il pourra être éloigné et de celle prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trente-six mois assortie d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, qui sont ainsi dépourvues de base légale. 5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Sur les conclusions à fin d'injonction : 6. Eu égard à la nature du certificat de résidence illégalement retiré, la présente décision n'implique pas nécessairement, à la date à laquelle elle est rendue, qu'un certificat de résidence soit délivré à M. B..., mais seulement qu'il soit procédé au réexamen de sa situation. Il y a lieu d'enjoindre au préfet de police de Paris ou au préfet territorialement compétent de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt et de lui délivrer sans délai, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler. Il y a également lieu d'enjoindre au préfet de police de Paris de procéder à l'effacement du signalement de M. B... aux fins de non admission dans le système d'information Schengen. Sur les conclusions au titre des frais liés à l'instance : 7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante dans la présente instance, la somme de 1 500 euros à verser à M. B... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n° 2214822 du 19 octobre 2022 du tribunal administratif de Paris et l'arrêté du 25 janvier 2022 du préfet de police de Paris sont annulés. Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de Paris ou au préfet territorialement compétent de procéder au réexamen de la situation de M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt, de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler et de procéder à l'effacement du signalement de M. B... aux fins de non admission dans le système d'information Schengen. Article 3 : L'Etat versera à M. B... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de police de Paris. Délibéré après l'audience du 20 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Menasseyre, présidente de chambre, - Mme Jayer, première conseillère, - Mme Larsonnier, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 novembre 2023. La rapporteure, V. LARSONNIER La présidente, A. MENASSEYRE Le greffier, P. TISSERAND La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 22PA04913 2 |
CETATEXT000048452258 | J1_L_2023_11_00022PA05166 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/22/CETATEXT000048452258.xml | Texte | CAA de PARIS, 8ème chambre, 20/11/2023, 22PA05166, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-20 00:00:00 | CAA de PARIS | 22PA05166 | 8ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme MENASSEYRE | CALVO PARDO | Mme Virginie LARSONNIER | Mme BERNARD | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. D... B... C... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 4 mars 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois. Par un jugement n° 2203626 du 18 novembre 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 5 décembre 2022, M. B... C..., représenté par Me Calvo Pardo, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du 18 novembre 2022 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montreuil ; 2°) d'annuler l'arrêté du 4 mars 2022 du préfet de la Seine-Saint-Denis ; 3°) d'enjoindre au préfet territorialement compétent de procéder au réexamen de sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ; 4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français : - la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ; - la décision contestée est entachée d'erreurs de fait en ce qu'il est entré régulièrement en France et qu'il présente des garanties de représentation dès lors qu'il est en possession d'un passeport en cours de validité et qu'il dispose d'une résidence stable ; - le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ; - sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public ; - il remplit les conditions de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment en qualité de salarié ; par suite, il ne pouvait légalement faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ; - il n'a pas pu obtenir un rendez-vous pour déposer une demande de titre de séjour auprès des services de la préfecture de la Seine-Saint-Denis ; - la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales eu égard à la durée de sa présence en France, à l'intensité de ses liens personnels et familiaux et à son intégration professionnelle ; - le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation dès lors qu'il est privé de la possibilité de voir sa situation administrative examinée par l'administration au regard de l'ensemble des documents qu'il a en sa possession pour justifier de l'intensité de ses liens personnels, familiaux et professionnels en France ; Sur la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire : - il est entré régulièrement en France et il présente des garanties de représentation dès lors qu'il est en possession d'un passeport en cours de validité et qu'il dispose d'une résidence stable ; dans ces conditions, le préfet aurait dû lui accorder un délai de départ volontaire ; Sur la décision prononçant une interdiction de retour sur le territoire français de douze mois : - le préfet aurait dû lui accorder un délai de départ volontaire et, par suite, il ne pouvait légalement prendre une décision prononçant une interdiction de retour sur le territoire français ; - la décision contestée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation. La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas présenté de mémoire en défense. Vu les autres pièces des dossiers. Vu : - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de Mme Larsonnier a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B... C..., ressortissant tunisien né le 2 octobre 1995 à Gabis (Tunisie), est entré en France le 23 juillet 2016 muni d'un visa Schengen de type C. Par un arrêté du 4 mars 2022, le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois. Par un jugement du 18 novembre 2022, dont M. B... C... relève appel, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français : 2. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; / 2° L'étranger, entré sur le territoire français sous couvert d'un visa désormais expiré ou, n'étant pas soumis à l'obligation du visa, entré en France plus de trois mois auparavant, s'est maintenu sur le territoire français sans être titulaire d'un titre de séjour ou, le cas échéant, sans demander le renouvellement du titre de séjour temporaire ou pluriannuel qui lui a été délivré ; (...) / 6° L'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois a méconnu les dispositions de l'article L. 5221-5 du code du travail.(...) ". Aux termes de l'article L. 5221-5 du code du travail : " Un étranger autorisé à séjourner en France ne peut exercer une activité professionnelle salariée en France sans avoir obtenu au préalable l'autorisation de travail mentionnée au 2° de l'article L. 5221-2. (...) ". 3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. (...) ". 4. La décision contestée vise notamment la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en particulier son article 8, ainsi que les articles L. 611-1 à L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle indique que M. A... se disant M. B... C..., né le 2 octobre 1995 à Gabis, de nationalité tunisienne, a déclaré être entré en France en juillet 2016, qu'il n'a pas été en mesure de présenter un document transfrontière au moment de son interpellation, qu'il ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français conformément aux dispositions de l'article L. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'il n'est pas titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. Elle mentionne en outre que M. B... C... n'a effectué aucune démarche administrative et n'a pas démontré la volonté de régulariser sa situation au regard du droit au séjour et qu'il a déclaré exercer illégalement une activité professionnelle sans être titulaire d'un titre de séjour l'autorisant à travailler. Elle indique que l'intéressé a déclaré vivre en France depuis juillet 2016, qu'il ne justifie pas de l'intensité, de l'ancienneté et de la stabilité de ses liens personnels et familiaux en France ou de conditions d'existence pérennes ni même d'une insertion particulièrement forte dans la société française et porte l'appréciation selon laquelle, compte tenu des circonstances propres au cas d'espèce, il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Ainsi, le préfet de la Seine-Saint-Denis a suffisamment énoncé les considérations de droit et de fait fondant sa décision portant obligation de quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision contestée doit être écarté. 5. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment de la copie du visa Schengen de type C valable du 1er juillet 2016 au 1er septembre 2016 délivré à M. B... C... le 24 juin 2016 et de la copie de son passeport que l'intéressé est entré régulièrement en France le 23 juillet 2016. Dans ces conditions, M. B... C... est fondé à soutenir que la décision contestée, qui se fonde notamment sur la circonstance qu'il ne justifiait pas être entré régulièrement sur le territoire français, est entachée d'erreur de fait. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le requérant s'est maintenu en situation irrégulière sur le territoire français après l'expiration de son visa et qu'à la date de la décision contestée, il exerçait l'activité de boulanger depuis le 1er juin 2020 au sein de la société Le Délice sans être muni d'une autorisation de travail. Dans ces conditions, il entrait dans le champ d'application des dispositions du 2° et 6° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile citées au point 2. Il s'ensuit que le préfet de la Seine-Saint-Denis pouvait légalement, pour ces motifs, obliger M. B... C... à quitter le territoire français. 6. En troisième lieu, le requérant soutient que la décision contestée est entachée d'erreur de fait en ce qu'il présente des garanties de représentation dès lors qu'il est en possession d'un passeport en cours de validité et qu'il dispose d'une résidence stable. Cette circonstance, à la supposer établie, est en tout état de cause sans incidence sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français qui n'est pas fondée sur l'absence de garanties de représentation de l'intéressé mais qui est légalement fondée, ainsi qu'il a déjà été dit, sur les motifs tirés de son maintien en situation irrégulière sur le territoire français et sur l'exercice d'une activité professionnelle en étant dépourvu d'autorisation de travail. Par suite, ce moyen doit être écarté. 7. En quatrième lieu, la circonstance que la présence en France de M. B... C... ne constituerait pas une menace pour l'ordre public est, pour le même motif que celui énoncé au point 6, sans incidence sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français. 8. En cinquième lieu, lorsque la loi prescrit qu'un ressortissant étranger doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement faire l'objet d'une mesure d'éloignement. Toutefois, les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne prévoient pas la délivrance de plein droit d'un titre de séjour mais laissent à l'administration un large pouvoir pour apprécier si l'admission au séjour d'un étranger répond à des considérations humanitaires ou si elle se justifie au regard des motifs exceptionnels dont l'intéressé se prévaut. Par suite, elles ne font pas obstacle, alors même que M. B... C... en remplirait les conditions, à ce qu'il lui soit fait obligation de quitter le territoire français. 9. En sixième lieu, si M. B... C... soutient qu'il n'a pas été en mesure de déposer sa demande de titre de séjour faute de pouvoir obtenir un rendez-vous auprès des services de la préfecture de la Seine-Saint-Denis du fait des dysfonctionnements de la plateforme informatique, il ne produit aucune pièce au soutien de ces affirmations. En tout état de cause, il n'établit pas remplir les conditions lui permettant de bénéficier de plein droit d'un titre de séjour. Dès lors, le moyen tiré de ce que le préfet ne pouvait l'obliger à quitter le territoire français du fait qu'il pouvait bénéficier de plein droit d'un titre de séjour ne peut qu'être écarté. 10. En septième lieu, la circonstance que le préfet de la Seine-Saint-Denis a relevé dans sa décision que le requérant ne justifiait pas être entré régulièrement sur le territoire français au moment de son interpellation, alors ainsi qu'il a déjà été dit, que l'intéressé établit devant le juge être entré en France muni d'un visa ne saurait faire regarder la décision contestée comme entachée d'un défaut d'examen dès lors qu'il ressort des pièces du dossier et des termes mêmes de la décision contestée, qui font état d'éléments de fait propres à la situation de l'intéressé, que le préfet a procédé à l'examen particulier de la situation personnelle de M. B... C.... 11. En huitième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". 12. Il ressort des pièces du dossier que M. B... C... est entré régulièrement en France le 23 juillet 2016. Il verse au dossier de nombreuses pièces de différente nature établissant sa résidence habituelle en France à compter de 2016. Cependant, la durée de son séjour n'est que de cinq ans et demi à la date de la décision contestée. M. B... C... est célibataire et sans charge de famille en France. Il se prévaut de ses attaches familiales en France où réside sa sœur en situation régulière ainsi que de ses liens personnels. Toutefois, il n'établit pas l'existence des liens personnels invoqués, ni être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 20 ans. Il verse au dossier notamment un certificat d'affiliation de couverture santé de la société Allianz mentionnant son embauche le 1er juillet 2018 au sein de la société Le Fournil de Venoix, un avis d'impôt sur les revenus 2018 établi en 2020 mentionnant des revenus de 8 606 euros, un contrat de travail à durée indéterminée conclu le 1er juin 2020 pour un emploi de vendeur en boulangerie, le formulaire Cerfa de demande d'autorisation de travail pour un emploi de boulanger rempli par son employeur le 26 juillet 2021, la demande de régularisation de la situation administrative de l'intéressé du même jour émanant de son employeur ainsi que des bulletins de salaire pour les mois de juin à août 2020 et d'octobre à décembre 2020, de mars à juin 2021, de septembre à novembre 2021, de février et mars 2022. Cependant, cette activité professionnelle présente un caractère récent à la date de la décision contestée, soit environ trois ans et demi. Les pièces postérieures à la décision contestée sont en outre sans incidence sur sa légalité qui s'apprécie à la date à laquelle elle a été prise. Au vu de l'ensemble de ces éléments, notamment la durée du séjour de l'intéressé, et même si celui-ci exerce une activité professionnelle, qu'il subviendrait à ses besoins et qu'il maîtrise la langue française, le préfet de la Seine-Saint-Denis en obligeant M. B... C... à quitter le territoire français, n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise. Ainsi, le moyen tiré de ce que cette décision aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. 13. En neuvième et dernier lieu, M. B... C... soutient que la décision contestée fait obstacle à toute possibilité d'obtenir la régularisation de sa situation administrative alors qu'il remplit les conditions pour obtenir un titre de séjour et que, par suite, la décision contestée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation. Toutefois, il ressort notamment des points 9 et 12 que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. B... C.... Sur la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire : 14. Aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. (...) ". Aux termes de l'article L. 612-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants :1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; (...) ; 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants :1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, (...), qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale (...) ". 15. Il ressort des termes de la décision contestée que pour refuser d'accorder à M. B... C... un délai de départ volontaire, le préfet s'est fondé, d'une part, sur la circonstance que le comportement de l'intéressé, qui a été interpellé pour des faits de conduite sans permis, constitue une menace pour l'ordre public, d'autre part, sur le fait qu'il ne présente pas de garanties de représentation suffisante dans la mesure où il est dépourvu de document de voyage en cours de validité et que s'il a déclaré un lieu de résidence, il n'apporte pas la preuve d'y demeurer de manière stable et effective et, enfin, sur le fait qu'il ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français et n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour. 16. Il ressort des pièces du dossier que M. B... C... est entré régulièrement en France le 23 juillet 2016, qu'il dispose d'un passeport en cours de validité et qu'il justifie, par la production notamment de ses bulletins de salaire de novembre 2021, février et mars 2022, d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale. Dans ces conditions, le préfet ne pouvait retenir ces motifs pour fonder sa décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire. Cependant, compte tenu de la menace pour l'ordre public que constitue sa présence en France du fait de la conduite d'un véhicule sans être titulaire du permis de conduire, le préfet pouvait, pour ce seul motif, refuser légalement d'accorder à M. B... C... un délai de départ volontaire. Sur la décision prononçant une interdiction de retour sur le territoire français de douze mois : 17. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 de ce code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 (...), l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ". 18. Il ressort du point 16 que le préfet de la Seine-Saint-Denis pouvait légalement refuser d'accorder à M. B... C... un délai de départ volontaire. Il s'ensuit qu'en application des dispositions de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précitées, le préfet pouvait assortir sa décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Le requérant ne justifie d'aucune circonstance humanitaire faisant obstacle à ce qu'une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français soit prise à en encontre. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir qu'il ne pouvait légalement faire l'objet d'une décision prononçant une interdiction de retour sur le territoire français. 19. Il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a déjà été dit, que M. B... C... réside habituellement en France depuis son entrée régulière sur le territoire national le 23 juillet 2016, soit depuis cinq ans et demi à la date de la décision contestée. L'intéressé, célibataire et sans charge de famille en France, se prévaut de la présence de sa sœur en situation régulière sur le territoire français et de ses relations personnelles en France. Toutefois, il n'établit pas l'existence des liens personnels invoqués. Au vu de l'ensemble de ces éléments, et même si l'intéressé exerce l'activité professionnelle de boulanger, en fixant à douze mois la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français, le préfet n'a pas fait une inexacte application de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'a entaché sa décision d'aucune erreur d'appréciation. 20. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquences, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. B... C... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis. Délibéré après l'audience du 20 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Menasseyre, présidente de chambre, - Mme Jayer, première conseillère, - Mme Larsonnier, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 novembre 2023. La rapporteure, V. LARSONNIER La présidente, A. MENASSEYRE Le greffier, P. TISSERAND La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. No 22PA05166 2 |
CETATEXT000048452259 | J1_L_2023_11_00022PA05364 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/22/CETATEXT000048452259.xml | Texte | CAA de PARIS, 8ème chambre, 20/11/2023, 22PA05364, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-20 00:00:00 | CAA de PARIS | 22PA05364 | 8ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme MENASSEYRE | SEMAK | Mme Virginie LARSONNIER | Mme BERNARD | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 17 octobre 2022 par lequel le préfet de la Moselle l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an et a procédé à un signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen. Par un jugement n° 2221807 du 9 décembre 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de M. A... B... en vue de l'admission à l'aide juridictionnelle provisoire, annulé l'arrêté du 17 octobre 2022 du préfet de la Moselle, enjoint au préfet territorialement compétent d'examiner à nouveau la situation administrative de M. A... B... dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement et mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 19 décembre 2022, le préfet de la Moselle demande à la cour : 1°) d'annuler les articles 2 à 4 du jugement du 9 décembre 2022 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris ; 2°) de rejeter la demande de M. A... B... présentée devant le tribunal administratif de Paris. Il soutient que : - durant son audition, M. A... B... n'a pas évoqué son état de santé et il n'a porté à la connaissance de l'administration aucun élément sérieux et circonstancié concernant son état de santé ; il n'a pas demandé à rencontrer un médecin avant son audition aux fins de vérification de son droit au séjour ; - M. A... B... n'établit pas ne pas pouvoir bénéficier effectivement d'un traitement adapté à son état de santé dans son pays d'origine par la production d'un document relativement ancien et rédigé en espagnol ; il ressort d'un rapport d'ONUSIDA de 2021 que 80 % de la population péruvienne infectée par le VIH bénéficie d'un traitement par des antirétroviraux et de l'article de RFI du 1er décembre 2022 que les traitements sont gratuits au Pérou depuis 2004 ; en tout état de cause, l'absence de traitement médical identique à celui dont il a bénéficié en France ne permet pas d'établir une absence de traitement et de prise en charge médicale adaptés à son état de santé au Pérou ; M. A... B... ne rentrait donc pas dans le champ d'application du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; par suite, il n'était pas tenu de mettre en œuvre la procédure prévue par l'article R. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - il renvoie à ses écritures de première instance concernant les autres moyens soulevés par M. A... B... devant le tribunal. La requête a été communiquée à M. A... B... qui n'a pas produit de mémoire en défense. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de Mme Larsonnier a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A... B..., de nationalité péruvienne, né le 6 juillet 1994 à Lambayeque (Pérou), entré en France en septembre 2021 selon ses déclarations, a été interpellé le 17 octobre 2022 par les services de la police aux frontières de Metz à l'issue d'un contrôle d'identité. Par un arrêté du 17 octobre 2022, le préfet de la Moselle lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an et a procédé à un signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen. Par un jugement du 9 décembre 2022, dont le préfet de la Moselle relève appel, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté. 2. Aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. " 3. Il ressort des pièces du dossier, notamment du certificat établi le 21 octobre 2022 par un praticien hospitalier de l'hôpital Ambroise Paré, postérieur à la décision contestée mais se référant à une situation antérieure et qui peut donc être pris en compte dans le présent litige, que M. A... B... présente une infection par le virus de l'immunodéficience humaine (VIH) de stade B diagnostiquée en février 2021, qu'il est pris en charge par le service de médecine interne de l'hôpital Ambroise Paré depuis novembre 2021 et que le traitement médicamenteux quotidien qui lui est prescrit est composé de trois molécules, le bictégravir, le lamivudine et le tenovofir alafenamide. Ce certificat médical mentionne en outre que l'absence de prise en charge médicale " pourrait avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité avec une mise en jeu du pronostic vital ". Pour annuler la décision portant obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de M. A... B..., le premier juge a estimé que le préfet de la Moselle a méconnu les dispositions du 9° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au motif que l'intéressé établit, notamment par la production de ce certificat médical, la nécessité de la prise quotidienne de son traitement et des conséquences d'une exceptionnelle gravité que pourrait entraîner l'interruption de cette trithérapie, que la liste nationale des médicaments essentiels au Pérou établie par le ministre de la santé le 28 décembre 2018 versée au dossier par l'intéressé ne comprend qu'une des trois molécules composant son traitement médicamenteux et que le préfet de la Moselle n'apportait aucun élément de nature à remettre en cause ni la gravité de la pathologie de l'intéressé, ni l'indisponibilité alléguée des soins dans son pays d'origine. 4. Pour contester le motif d'annulation retenu par le premier juge rappelé au point précédent, le préfet de la Moselle soutient que la liste nationale des médicaments essentiels au Pérou établie le 28 décembre 2018 est rédigée en espagnol, et serait ainsi difficilement incompréhensible pour les non-hispanophones, et relativement ancienne. Il produit pour la première fois en appel la " fiche pays " du Pérou en date de 2021 établie dans le cadre du programme commun des Nations unies sur le VIH/sida (ONUSIDA) qui mentionne notamment que 72 000 adultes sont infectés par le VIH dont 81 % bénéficient d'un traitement antiviral ainsi qu'un article de presse de RFI de 2021 mentionnant que les traitements contre le VIH sont gratuits au Pérou. Toutefois, ces considérations générales ne permettent pas d'établir que M. A... B..., qui présente ainsi qu'il a déjà été dit une infection par le VIH de stade B, pourrait effectivement bénéficier d'un traitement médicamenteux adapté à son état de santé au Pérou alors que deux des trois molécules composant sa trithérapie ne sont pas mentionnées sur la liste nationale des médicaments essentiels au Pérou du 28 décembre 2018. Dans ces conditions, le préfet de la Moselle, qui ne conteste pas que l'état de santé de M. A... B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, n'est pas fondé à soutenir que l'intéressé ne rentrait pas dans le champ d'application du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, même si M. A... B... n'a pas demandé à rencontrer un médecin avant son audition par les services de police, ni présenté d'éléments d'information suffisamment précis sur son état de santé pendant son audition ainsi que le soutient le préfet de la Moselle, il ne pouvait légalement faire l'objet d'une mesure portant obligation de quitter le territoire français. 5. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Moselle n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 17 octobre 2022. DÉCIDE : Article 1er : La requête du préfet de la Moselle est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. C... A... B.... Copie en sera adressée au préfet de la Moselle. Délibéré après l'audience du 20 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Menasseyre, présidente de chambre, - Mme Jayer, première conseillère, - Mme Larsonnier, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 novembre 2023. La rapporteure, V. LARSONNIER La présidente, A. MENASSEYRE Le greffier, P. TISSERAND La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 22PA05364 2 |
CETATEXT000048452260 | J1_L_2023_11_00023PA00015 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/22/CETATEXT000048452260.xml | Texte | CAA de PARIS, 8ème chambre, 20/11/2023, 23PA00015, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-20 00:00:00 | CAA de PARIS | 23PA00015 | 8ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme MENASSEYRE | GUILLOU | Mme Virginie LARSONNIER | Mme BERNARD | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 9 décembre 2022 par lequel le préfet d'Eure-et-Loir l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné et les arrêtés des 9 et 19 décembre 2022 par lesquels le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a assigné à résidence. Par un jugement n°s 2217691, 2218151 du 30 décembre 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté du 19 décembre 2022 du préfet de la Seine-Saint-Denis, a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a, par l'article 3 de ce jugement, rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 3 janvier 2023, M. A... B..., représenté par Me Guillou, demande à la cour : 1°) d'annuler l'article 3 du jugement du 30 décembre 2022 du tribunal administratif de Montreuil; 2°) d'annuler l'arrêté du 9 décembre 2022 par lequel le préfet d'Eure-et-Loir l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement ; 3°) d'annuler l'arrêté du 9 décembre 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a assigné à résidence ; 4°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis ou au préfet territorialement compétent de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer, dans l'attente de ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ; 5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : S'agissant de la décision du 9 décembre 2022 du préfet d'Eure-et-Loir portant obligation de quitter le territoire français sans délai : - elle est insuffisamment motivée ; - elle est entachée d'un défaut d'examen personnel de sa situation ; - elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; S'agissant de la décision du 9 décembre 2022 du préfet de la Seine-Saint-Denis portant assignation à résidence : - elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai ; - elle est insuffisamment motivée ; - elle a été abrogée par la décision du 19 décembre 2022 ; c'est à tort que le tribunal n'a pas pris en compte cette abrogation ; - elle méconnaît les dispositions de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations du 1 de l'annexe II relatif à la gestion concertée des flux migratoires annexé à l'accord-cadre relatif à la gestion concertée des migrations et au développement solidaire, signé à Tunis le 28 avril 2008 dès lors que le préfet n'établit pas qu'il existait un obstacle à ce qu'il puisse regagner immédiatement son pays d'origine, aucun laissez-passer consulaire n'étant nécessaire à la réalisation des formalités de départ ; - elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation pour les mêmes motifs. Par un mémoire en défense enregistré le 11 août 2023, le préfet d'Eure-et-Loir conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés. La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit de mémoire en défense. Par ordonnance du 12 septembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 29 septembre 2023 à 12 heures. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - l'accord du 17 mars 1988 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie, en matière de séjour et de travail ; - l'accord-cadre franco-tunisien relatif à la gestion concertée des migrations et au développement solidaire et le protocole relatif à la gestion concertée des migrations du 28 avril 2008, publiés par décret n° 2009-905 du 24 juillet 2009 ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Larsonnier, - et les observations de Me Tharkane, représentant M. A... B.... Considérant ce qui suit : 1. M. A... B..., ressortissant tunisien né le 7 janvier 1997, entré en France le 26 janvier 2022 selon ses déclarations, a été interpellé le 9 décembre 2022 démuni de tout document justifiant son droit au séjour lors d'un contrôle routier opéré sur réquisition du procureur de la République près le tribunal judiciaire de Chartres. Par un arrêté du 9 décembre 2022, le préfet d'Eure-et-Loir l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné. Par des arrêtés des 9 et 19 décembre 2022, le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. Par un jugement du 30 décembre 2022, la magistrate désignée par le tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté du 19 décembre 2022 du préfet de la Seine-Saint-Denis, a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros et a rejeté le surplus des conclusions de la demande. M. A... B... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 décembre 2022 du préfet d'Eure-et-Loir et de l'arrêté du 9 décembre 2022 du préfet de la Seine-Saint-Denis. Sur les conclusions à fin d'annulation : En ce qui concerne la décision du 9 décembre 2022 du préfet d'Eure-et-Loir portant obligation de quitter le territoire français sans délai : 2. En premier lieu, la décision contestée vise la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment son article 8, les accords conclus entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne ainsi que les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment ses articles L. 611-1, L. 611-3 et L. 612-1 et suivants. Elle précise l'identité, la date et le lieu de naissance de M. A... B... et mentionne que l'intéressé serait entré irrégulièrement en France le 26 janvier 2022, démuni des documents exigés par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'il n'a jamais effectué de démarches en vue de régulariser sa situation administrative et qu'il est ainsi dépourvu de tout droit au séjour sur le territoire français. La décision mentionne en outre que l'intéressé a déclaré travailler en France sans titre de séjour l'y autorisant, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 5221-5 du code du travail, qu'il ne possède aucun document d'identité en cours de validité, qu'il a déclaré, lors de son audition le 9 décembre 2022, ne pas vouloir quitter le territoire français et repartir dans son pays d'origine et être célibataire et sans charge de famille en France. La décision porte l'appréciation selon laquelle M. A... B... ne justifie pas de liens privés et familiaux particulièrement stables, intenses et anciens sur le territoire français, qu'au surplus il n'atteste pas être dépourvu d'attaches familiales dans le pays dont il a la nationalité dans lequel il a vécu pendant vingt-quatre ans et où résident ses parents et qu'en conséquence, son éloignement ne méconnaît pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle indique qu'il n'entre dans aucun cas d'attribution d'un titre de séjour de plein droit en application du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'il ne peut pas bénéficier de l'une des protections prévues par l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces conditions, la décision en litige comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté. 3. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier, et notamment de la motivation exposée ci-dessus, que le préfet d'Eure-et-Loir a procédé à un examen particulier de la situation de l'intéressé. 4. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale ". 5. M. A... B... soutient être entré régulièrement en France le 26 janvier 2022 et verse au dossier une copie du visa qui lui a été délivré par les autorités maltaises et valable du 14 janvier 2022 au 29 avril 2022. Si ce document ne permet pas d'établir la date exacte de l'entrée sur le territoire français de l'intéressé, la durée de sa présence sur le territoire français présente en tout état de cause un caractère très récent, moins de cinq mois, à la date de la décision contestée. Il ressort des pièces du dossier, en particulier du procès-verbal d'audition du 9 décembre 2022 établi par les services de gendarmerie, que M. A... B... a déclaré être célibataire et sans charge de famille en France. Si le requérant se prévaut de la présence régulière en France de son frère et de sa sœur, chez laquelle il est hébergé, et produit leur titre de séjour en cours de validité, il n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales en Tunisie où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de 25 ans et où résident ses parents. M. A... B... verse également aux débats un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet pour un poste de soudeur conclu le 23 novembre 2022, le bulletin de salaire de novembre 2022 et l'attestation de déclaration préalable à l'embauche reçue par les services de l'URSSAF le 23 novembre 2022. Cependant, ces éléments sont insuffisants pour établir qu'il serait particulièrement inséré dans la société française compte tenu du caractère très récent de cette activité professionnelle. Eu égard à l'ensemble de ces éléments, en particulier la durée et les conditions de son séjour en France, le préfet d'Eure-et-Loir n'a pas, en obligeant M. A... B... à quitter le territoire français sans délai, porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. En ce qui concerne l'arrêté du 9 décembre 2022 du préfet de la Seine-Saint-Denis portant assignation à résidence : 6. Aux termes de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants : / 1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins d'un an auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé ; (...) ". Aux termes de l'article L. 732-3 du même code : " L'assignation à résidence prévue à l'article L. 731-1 ne peut excéder une durée de quarante-cinq jours. Elle est renouvelable une fois dans la même limite de durée. " 7. Aux termes de l'article 3, intitulé : " Réadmission des personnes en situation irrégulière ", du protocole relatif à la gestion concertée des flux migratoires annexé à l'accord-cadre relatif à la gestion concertée des migrations et au développement solidaire, signé à Tunis le 28 avril 2008 : " 3.1. Conformément au principe d'une responsabilité partagée en matière de lutte contre l'immigration irrégulière, la France et la Tunisie réadmettent, dans le respect de la dignité et des droits fondamentaux des personnes, leurs ressortissants en situation irrégulière sur le territoire de l'autre Partie. (...) Dans le respect des procédures et des délais légaux et réglementaires en vigueur en France et en Tunisie, les deux Parties procèdent à l'identification de leurs ressortissants et à la délivrance des laissez-passer consulaires nécessaires à leur réadmission sur la base des documents énumérés à l'annexe II au présent Protocole. ". En outre, aux termes de l'annexe II, intitulée : " Identification des nationaux ", à ce protocole : " 1. La réadmission d'un ressortissant d'une des deux Parties est exécutée par la Partie requérante, sans délivrance d'un laissez-passer consulaire par la Partie requise, lorsque l'intéressé est en possession d'un passeport en cours de validité délivré par la Partie requise. (...). ". 8. Il ressort des termes de la décision contestée que le préfet de la Seine-Saint-Denis, qui a relevé que M. A... B... était en possession d'une copie d'un passeport en cours de validité, a décidé d'assigner l'intéressé à résidence pour une durée de quarante-cinq jours au motif que l'exécution de la mesure d'éloignement nécessitait des démarches consulaires dans le but d'obtenir un laissez-passer consulaire. Cependant, il ressort des stipulations de l'annexe II du protocole relatif à la gestion concertée des flux migratoires annexé à l'accord-cadre relatif à la gestion concertée des migrations et au développement solidaire du 28 avril 2008 citées au point 8 que si le ressortissant tunisien dispose d'un passeport en cours de validité, la délivrance d'un laissez-passer consulaire par les autorités tunisiennes n'est pas requise pour sa réadmission en Tunisie. Dans ces conditions, le préfet de la Seine-Saint-Denis ne pouvait légalement, pour assigner à résidence M. A... B... pour une durée de quarante-cinq jours, se fonder sur le motif tiré de ce que l'obtention d'un laisser-passer consulaire était requis pour permettre l'exécution de la mesure d'éloignement du 9 décembre 2022 prise par le préfet d'Eure-et-Loir. Par suite, l'arrêté du 9 décembre 2022 est entaché d'illégalité et doit être annulé. 9. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés à l'encontre de l'arrêté du 9 décembre 2022 du préfet de la Seine-Saint-Denis, que M. A... B... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Sur les conclusions à fin d'injonction : 10. Le présent arrêt qui annule seulement l'arrêté du 9 décembre 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a assigné à résidence M. A... B... pour une durée de 45 jours n'appelle pas de mesure particulière d'exécution. Par suite, les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis ou au préfet territorialement compétent de réexaminer sa situation, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler doivent être rejetées. Sur les frais liés à l'instance : 11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante dans la présente instance, le versement à M. A... B... de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n°s 2217691, 2218151 du 30 décembre 2022 du tribunal administratif de Montreuil est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 9 décembre 2022 du préfet de la Seine-Saint-Denis assignant à résidence M. A... B... pour une durée de 45 jours. Article 2 : L'arrêté du 9 décembre 2022 du préfet de la Seine-Saint-Denis assignant à résidence M. A... B... pour une durée de 45 jours est annulé. Article 3 : L'Etat versera à M. A... B... la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet d'Eure-et-Loir et au préfet de la Seine-Saint-Denis. Délibéré après l'audience du 20 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Menasseyre, présidente de chambre, - Mme Jayer, première conseillère, - Mme Larsonnier, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 novembre 2023. La rapporteure, V. LARSONNIER La présidente, A. MENASSEYRE Le greffier P. TISSERAND La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 23PA00015 2 |
CETATEXT000048452261 | J1_L_2023_11_00023PA00285 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/22/CETATEXT000048452261.xml | Texte | CAA de PARIS, 2ème chambre, 22/11/2023, 23PA00285, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-22 00:00:00 | CAA de PARIS | 23PA00285 | 2ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme TOPIN | SEMAK | Mme Maguy FULLANA | M. SEGRETAIN | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 24 septembre 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné. Par un jugement n° 2207297/10 du 18 octobre 2022, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 20 janvier 2023, M. A..., représenté par Me Amélie Semak, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du 18 octobre 2022 du Tribunal administratif de Montreuil ; 2°) d'annuler l'arrêté du 24 septembre 2021 ; 3°) d'enjoindre au préfet territorialement compétent de lui délivrer une carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " dans le délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard, à titre subsidiaire, de lui enjoindre de réexaminer sa situation dans le même délai et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente de ce réexamen, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros TTC sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué : - il est insuffisamment motivé ; - les premiers juges ont omis de statuer sur le moyen tiré de l'erreur de droit présenté à l'encontre du refus de titre de séjour ; En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour : - la décision est insuffisamment motivée ; - elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ; - elle est entachée d'une erreur de droit liée à la dénaturation de sa demande ; - elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français : - la décision est illégale à raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ; - elle méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination : - la décision est illégale à raison de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français. La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas, en dépit de la mise en demeure qui lui a été adressée le 14 juin 2023, produit de mémoire en défense. Par une ordonnance du 5 septembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 22 septembre 2023. Par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près du Tribunal judiciaire de Paris du 8 décembre 2022, M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de Mme Fullana a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., ressortissant haïtien né le 31 mars 1956 et entré en France le 18 décembre 2004 sous couvert d'un visa C, a initialement sollicité la délivrance d'une carte de séjour au titre de l'admission exceptionnelle. Par un jugement n° 1903386 du 15 octobre 2019 confirmé par la Cour administrative d'appel de Versailles, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 21 mars 2019 refusant la délivrance du titre de séjour sollicité et l'a enjoint à réexaminer la situation de M. A... dans un délai de deux mois suivant la notification du jugement. Par un arrêté du 24 septembre 2021, le préfet de la Seine-Saint-Denis a, après réexamen de sa situation, rejeté la demande de titre de séjour de M. A..., l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement n° 2207297/10 du 18 octobre 2022 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande dirigée contre cet arrêté. Sur les conclusions à fin d'annulation : 2. Le requérant soutient que la décision portant refus de séjour est entachée d'une erreur de droit en l'absence d'examen de sa demande de titre de séjour pour raisons de santé. Il ressort de la lettre que M. A... a adressée au préfet le 8 juin 2021 qu'il a sollicité subsidiairement, dans le cadre du réexamen de sa demande de titre de séjour à la suite des décisions juridictionnelles rappelées au point 1, une demande d'admission au séjour pour soins sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Or, il ressort de l'arrêté en litige que le préfet de la Seine-Saint-Denis a uniquement examiné la demande au titre de l'admission exceptionnelle. Dès lors, le préfet qui n'a pas subsidiairement examiné la demande de titre de séjour pour raisons de santé a entaché sa décision d'une erreur de droit. A cet égard, la circonstance que l'arrêté en litige a été précédé d'un arrêté du 18 juin 2021 rejetant, dans des termes identiques, la demande d'admission au séjour à la suite de l'injonction de réexamen prononcée par le jugement du 15 octobre 2019, arrêté qui a, au demeurant, été annulé pour la même erreur de droit tirée du défaut d'examen de la demande de délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé, par un jugement du Tribunal administratif de Montreuil n° 2204769/11 du 29 novembre 2022 devenu définitif, est sans incidence sur l'erreur de droit entachant l'arrêté en litige. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, le refus de titre de séjour en litige et, par voie de conséquence, l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et la décision fixant le pays de renvoi sont entachés d'illégalité et doivent être annulés. 3. Il résulte ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte : 4. Eu égard à ses motifs, le présent arrêt aurait seulement impliqué que le préfet de la Seine-Saint-Denis procède au réexamen de la situation de M. A.... Toutefois, dans les circonstances de l'espèce, une injonction de procéder à ce réexamen ayant déjà été prononcée par le Tribunal administratif de Montreuil par jugement n° 2204769/11 du 29 novembre 2022 devenu définitif, il n'y a pas lieu de prononcer à nouveau une telle injonction. Dès lors, les conclusions à fin d'injonction sous astreinte présentées par M. A... doivent être rejetées. Sur les frais liés à l'instance : 5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de mettre à la charge de l'Etat le versement au conseil de M. A..., Me Semak, d'une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, sous réserve que Me Semak renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle. DECIDE : Article 1er : Le jugement n° 2207297/10 du 18 octobre 2022 du Tribunal administratif de Montreuil et l'arrêté du 24 septembre 2021 du préfet de la Seine-Saint-Denis sont annulés. Article 2 : L'Etat versera au conseil de M. A..., Me Semak, une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle. Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au préfet de la Seine-Saint-Denis et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée à Me Amélie Semak. Délibéré après l'audience du 8 novembre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Topin, présidente, - M. Magnard, premier conseiller, - Mme Fullana, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 novembre 2023. La rapporteure, M. FULLANALa présidente, E. TOPIN Le greffier, C. MONGIS La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 No 23PA00285 |
CETATEXT000048452262 | J1_L_2023_11_00023PA00627 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/22/CETATEXT000048452262.xml | Texte | CAA de PARIS, 8ème chambre, 20/11/2023, 23PA00627, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-20 00:00:00 | CAA de PARIS | 23PA00627 | 8ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme MENASSEYRE | CABINET BARDON & DE FAY | Mme Virginie LARSONNIER | Mme BERNARD | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : L'Association française des courtiers et prestataires de services d'investissement (AFCoPSI) a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite, née le 10 septembre 2018, par laquelle le directeur général de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes a refusé d'engager une procédure de sanction sur le fondement de l'article L. 222-16-1 du code de la consommation à l'encontre des éditeurs de services télévisuels M6 et BeIN. Par un jugement n° 1820611/2-3 du 12 novembre 2020, le tribunal administratif de Paris a annulé cette décision implicite et a enjoint à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes de mettre en œuvre ses pouvoirs de sanction à l'encontre des éditeurs de services de télévision M6 et BeIN, dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement. Par un arrêt n° 20PA04187 du 6 juillet 2021, la cour administrative d'appel de Paris a : - annulé l'article 2 du jugement n° 1820611/2-3 du tribunal administratif de Paris du 12 novembre 2020 ; - enjoint à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes de réexaminer la demande présentée par l'Association française des courtiers et prestataires de services d'investissement tendant à l'engagement d'une procédure de sanction sur le fondement de l'article L. 222-16-1 du code de la consommation à l'encontre des éditeurs de services télévisuels M6 et BeIN, et de prendre une décision expresse sur cette demande dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt ; - rejeté les conclusions présentées par l'Association française des courtiers et prestataires de services d'investissement. Par des lettres des 24 février 2021, 27 septembre 2021 et 12 juillet 2022, l'Association française des courtiers et prestataires de services d'investissement, représentée par Me de Faÿ, a demandé à la cour, dans le dernier état de ses écritures, en application des dispositions des articles L. 911-4 et R. 921-1 et suivants du code de justice administrative, d'assurer l'exécution de cet arrêt. Par une lettre du 29 septembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a informé la cour des mesures prises par ses services pour assurer l'exécution de l'arrêt de la Cour du 6 juillet 2021. Par une lettre enregistrée le 17 janvier 2023, l'Association française des courtiers et prestataires de services d'investissement estime que l'arrêt susvisé n'est toujours pas exécuté. Par une ordonnance du 14 février 2023, la présidente de la cour a décidé l'ouverture d'une procédure juridictionnelle en vertu de l'article R. 921-6 du code de justice administrative. Par un mémoire enregistré le 28 septembre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la demande d'exécution présentée par l'Association française des courtiers et prestataires de services d'investissement. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code monétaire et financier ; - le code de la consommation ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Larsonnier, - les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique, - et les observations de Mme A..., représentant le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Considérant ce qui suit : 1. Par une lettre du 2 juillet 2018 reçue le 10 juillet suivant, l'Association française des courtiers et prestataires de services d'investissement (AFCoPSI) a saisi la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) du ministère de l'économie, des finances et de la relance d'une demande de sanction, en application de l'article L. 222-16-1 du code de la consommation, à l'encontre des éditeurs de services de communication audiovisuelle M6 et BeIN, en indiquant que lors de la diffusion sur ces deux chaînes, le 16 mai 2018, du match de football opposant l'Olympique de Marseille à l'Atlético Madrid, les joueurs de cette dernière équipe arboraient sur leur maillot le logo de la société Plus500, prestataire de services d'investissement proposant des contrats financiers dont la publicité est interdite par l'article L. 533-12-7 du code monétaire et financier. Par une décision implicite née le 10 septembre 2018 du silence gardé sur sa demande, la DGCCRF a rejeté la demande de l'AFCoPSI. Par un jugement n° 1820611 du 12 novembre 2020, le tribunal administratif de Paris a annulé cette décision et a enjoint à la DGCCRF de mettre en œuvre ses pouvoirs de sanction à l'encontre des éditeurs de services de télévision M6 et BeIN, dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement. Par un arrêt n° 20PA04187 du 6 juillet 2021, la cour administrative d'appel de Paris a annulé l'article 2 de ce jugement et a enjoint à la DGCCRF de réexaminer la demande présentée par l'AFCoPSI tendant à l'engagement d'une procédure de sanction sur le fondement de l'article L. 222-16-1 du code de la consommation à l'encontre des éditeurs de services télévisuels M6 et BeIN, et de prendre une décision expresse sur cette demande dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt et a rejeté les conclusions présentées par l'Association française des courtiers et prestataires de services d'investissement. L'AFCoPSI demande à la cour de prescrire les mesures d'exécution qu'appelle cet arrêt. 2. Aux termes de l'article L. 911-4 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander au tribunal administratif ou à la cour administrative d'appel qui a rendu la décision d'en assurer l'exécution.(...)/Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte (...) ". 3. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de la consommation : " Lorsque les agents habilités constatent un manquement ou une infraction avec les pouvoirs prévus au présent livre, ils peuvent, après une procédure contradictoire, enjoindre à un professionnel, en lui impartissant un délai raisonnable qu'ils fixent, de se conformer à ses obligations, de cesser tout agissement illicite ou de supprimer toute clause illicite ou interdite. (...) ". 4. L'exécution de l'arrêt de la cour du 6 juillet 2021, devenu définitif, impliquait que la DGCCRF procède à un nouvel examen de la demande de sanction, en application de l'article L. 222-16-1 du code de la consommation, à l'encontre des éditeurs de services de communication audiovisuelle M6 et BeIN, présentée le 10 juillet 2018 par l'AFCoPSI et qu'à l'issue de ce réexamen, elle statue sur cette demande par une décision expresse dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt. Par un courrier du 31 août 2021, la DGCCRF a informé l'AFCoPSI qu'elle procédait au réexamen de sa demande et que " les services d'enquête de la DGCCRF, ayant constaté un manquement aux articles L. 222-16-1 et L. 222-16-2 du code de la consommation, apporteront les suites appropriées dans les meilleurs délais ". Il résulte de l'instruction que le 22 mai 2022, les services du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique ont adressé aux opérateurs BeIN et M6 des lettres les informant de l'intention du ministre d'engager la procédure d'injonction de cessation de pratiques illicites et de la possibilité de présenter des observations jusqu'au 24 juin 2022. Par un courrier du 24 juin 2022, reçu le 28 juin suivant, l'opérateur BeIN a " contesté fermement les manquements constatés et la position de l'administration ". Le 30 décembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a, sur le fondement l'article L. 521-1 du code de la consommation, prononcé à l'encontre de la SAS Bein Sports France d'une part, et de la SA Métropole Télévision -M6 et de la SAS M6 Distribution Digital d'autre part, des injonctions de cessation des pratiques illicites de diffusion de diverses publicités visibles sur les maillots de joueurs de l'Atlético de Madrid lors d'une compétition de football pour le sponsor Plus 500. Ces injonctions ont, en outre, été publiées sur les réseaux sociaux de la DGCCRF à compter du 30 décembre 2022 pour une durée d'un mois. Ces mesures de police administrative ont également fait l'objet d'une dépêche de l'Agence France Presse le 20 janvier 2023, publiée le même jour dans le Monde. Par un courrier du 19 juin 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a informé le président de l'AFCoPSI de l'exécution de ces mesures de police administrative. Dans ces conditions, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a exécuté l'article 2 de l'arrêt de la Cour du 6 juillet 2021. 5. Il résulte de ce qui précède que l'article 2 de l'arrêt de la cour du 6 juillet 2021 ayant été entièrement exécuté le 30 décembre 2022, la demande de l'Association française des courtiers et prestataires de services d'investissement tendant à ce que la cour prenne les mesures d'exécution qu'appelle cet arrêt doit être rejetée. DÉCIDE : Article 1er : La requête de l'Association française des courtiers et prestataires de services d'investissement est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'Association française des courtiers et prestataires de services d'investissement et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Délibéré après l'audience du 20 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Menasseyre, présidente de chambre, - Mme Jayer, première conseillère, - Mme Larsonnier, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 novembre 2023. La rapporteure, V. LARSONNIER La présidente, A. MENASSEYRE Le greffier, P. TISSERAND La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 23PA00627 2 |
CETATEXT000048452263 | J1_L_2023_11_00023PA00692 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/22/CETATEXT000048452263.xml | Texte | CAA de PARIS, 8ème chambre, 20/11/2023, 23PA00692, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-20 00:00:00 | CAA de PARIS | 23PA00692 | 8ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme MENASSEYRE | LGAVOCATS | Mme Virginie LARSONNIER | Mme BERNARD | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du 10 janvier 2022 par lesquelles la préfète du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Par un jugement n° 2201377 du 19 janvier 2023, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 17 février 2023, M. B..., représenté par Me Levildier, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du 19 janvier 2023 du tribunal administratif de Melun ; 2°) d'annuler les décisions du 10 janvier 2022 par lesquelles la préfète du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français ; 3°) d'enjoindre à la préfète du Val-de-Marne de lui délivrer une carte de séjour temporaire, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - les décisions contestées ont été prises en méconnaissance des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que la préfète du Val-de-Marne aurait dû saisir la commission du titre de séjour eu égard à sa résidence habituelle en France depuis plus de dix ans ; - elles sont entachées d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ; - elles sont entachées d'une erreur de fait en ce qu'elles mentionnent qu'il ne justifie pas résider habituellement en France depuis plus de dix ans à la date des décisions contestées et que ses enfants résident à l'étranger ; - elles méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la préfète du Val-de-Marne a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de ses décisions sur sa situation personnelle. Par un mémoire en défense enregistré le 31 mars 2023, la préfète du Val-de-Marne conclut au rejet de la requête. Elle soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Larsonnier, - et les observations de Me Nourredine, avocate de M. B.... Considérant ce qui suit : 1. M. B..., ressortissant haïtien né en 1979, est entré en France, selon ses déclarations, le 13 mars 2001. Le 6 décembre 2021, il a sollicité son admission exceptionnelle au séjour. Par un arrêté du 10 janvier 2022, la préfète du Val-de-Marne a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'issue de ce délai. M. B... relève appel du jugement du 19 janvier 2023 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions de refus de séjour et portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Sur les conclusions à fin d'annulation : 2. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié", "travailleur temporaire" ou "vie privée et familiale", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14 (...) ". La consultation obligatoire de la commission du titre de séjour, telle qu'elle est prévue par ces dispositions a pour objet d'éclairer l'autorité administrative sur la possibilité de régulariser la situation administrative d'un étranger et constitue pour ce dernier une garantie substantielle. L'existence et la transmission de cet avis sont l'un des éléments qui garantissent les droits de la défense de l'étranger en lui permettant de faire valoir auprès de l'autorité qui va prendre la décision ses réactions par rapport à l'avis de la commission du titre de séjour. Il s'agit donc de garanties substantielles. 3. M. B... soutient que la préfète du Val-de-Marne aurait dû saisir la commission du titre de séjour avant de prendre la décision litigieuse dès lors qu'il justifie résider habituellement en France depuis plus de dix ans. Il ressort des pièces du dossier que pour établir sa présence habituelle sur le territoire français au titre de 2017, M. B... verse au dossier des relevés de versements de la caisse primaire d'assurance maladie du Val d'Oise pour des consultations chez un médecin généraliste et des actes de biologie en février et décembre 2017, des relevés bancaires des 10 juillet 2017 et 9 janvier 2018 établis par la Banque Postale mentionnant notamment des retraits à des distributeurs automatiques en juin 2017 et une remise de chèque en décembre 2017, des courriers des 28 avril et 4 mai 2017 par lesquels ce même établissement bancaire répond respectivement à une réclamation du 30 mars 2017 et à un courrier du 25 avril 2017 adressés par M. B..., des factures d'EDF des 28 mars, 15 mai, 27 septembre et 3 décembre 2017 ainsi que des courriers de relance de cette société des 7 juin et 17 octobre 2017 du fait de retard de paiement. Au titre de 2018, M. B... produit un relevé de versement de la caisse primaire d'assurance maladie du Val d'Oise pour une consultation chez un médecin généraliste le 22 février 2018, un courrier du ministre des finances du 28 décembre 2018, des relevés bancaires des 9 janvier et 9 mars 2018 établis par la Banque Postale mentionnant notamment des retraits à des distributeurs automatiques en février 2018 ainsi qu'un récépissé de transfert d'argent de décembre 2018, un courrier de cet établissement bancaire du 12 avril 2018, des factures d'EDF des 28 mars et 27 septembre 2018 et des courriers de relance de cette société des 4 janvier, 19 mars et 28 juin 2018 du fait d'un défaut de paiement, une lettre du 13 novembre 2018 par lequel son avocat sollicite des services de la sous-préfecture de Nogent-sur-Marne un rendez-vous pour déposer sa demande de titre de séjour ainsi qu'un courrier du 10 mai 2018 de la société Free portant sur la résiliation d'un forfait et la relance pour non paiement d'une facture. Au vu de ces nombreuses pièces de nature différente, M. B... doit être regardé comme justifiant de sa résidence habituelle sur le territoire français au titre de 2017 et 2018. 4. Si en reprenant devant la cour la motivation de sa décision de refus de titre de séjour selon laquelle M. B... n'établit pas résider habituellement en France au titre des années 2016, 2017, 2018, 2020 et 2021, la préfète du Val-de-Marne entend contester le jugement en tant que les premiers juges ont estimé que l'intéressé justifie résider habituellement en France au titre de 2016, 2020 et 2021, il ressort des pièces du dossier qu'au titre de 2016, l'intéressé verse aux débats un avis d'opposition administrative du 28 janvier 2016 émanant de la trésorerie du Val-de-Marne du fait du défaut de paiement d'une amende, d'une mise en demeure de payer de la direction générale des finances publiques du 8 août 2016, une déclaration de recette du centre des finances publiques de Créteil attestant d'un versement de 60 euros le 14 novembre 2016, une convocation du 10 mai 2016 du juge aux affaires familiales du Tribunal de grande instance de Créteil dans le cadre d'une médiation, un relevé de versements de la caisse primaire d'assurance maladie du Val d'Oise pour une consultation chez un spécialiste et des frais de pharmacie du 12 décembre 2016, des relevés bancaires des 11 janvier et 9 février 2016 établis par la Banque Postale mentionnant notamment des retraits à des distributeurs automatiques, un récépissé d'une opération financière du 30 juin 2016, des courriers de la Banque Postale des 14 mars, 27 mai et 19 octobre 2016 portant respectivement mise en demeure avant résiliation de contrat et résiliation de contrat et un avis d'imposition au titre de 2016. Au titre de 2020, M. B... produit un courrier du 11 janvier 2020 lui notifiant une ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal administratif de Melun, la copie de cette ordonnance par laquelle le juge des référés a enjoint au préfet du Val-de-Marne de lui fixer un rendez-vous en vue du dépôt de sa demande de titre de séjour, des récépissés de demandes de chèques de banque émis par le bureau de la Banque Postale de Vitry-sur-Seine les 22 mai et 27 juin 2020 en cohérence avec la localisation de son lieu de résidence, un récépissé d'opérations financières du 22 août 2020, un avis d'imposition au titre de 2020 et un courrier de l'agence solidarité transports Ile-de-France du 15 septembre 2020. Au titre de 2021, l'intéressé présente un courrier du 26 juillet 2021 des services de la sous-préfecture de Nogent-sur-Marne lui demandant de compléter son dossier de demande de titre de séjour, une ordonnance émanant du groupe hospitalier Nord-Essonne du 27 mars 2021 et des examens radiologiques du 8 juillet 2021. Il ressort en outre de la lecture de la décision contestée que l'intéressé a été reçu par les services de la préfecture en dernier lieu le 6 décembre 2021. Dans ces conditions, au vu de l'ensemble de ces pièces, M. B... établit sa résidence habituelle en France au titre de 2016, 2020 et 2021. 5. Il résulte des points 3 et 4 que M. B... établit sa résidence habituelle en France depuis plus de dix ans à la date de la décision contestée. Par suite, il est fondé à soutenir que la préfète du Val-de-Marne aurait dû saisir la commission du titre de séjour avant de prendre la décision contestée et a, par suite, méconnu les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile citées au point 2, privant M. B... d'une garantie. Il s'ensuit que la décision du 10 janvier 2022 de la préfète du Val-de-Marne refusant de délivrer à M. B... un titre de séjour doit être annulée. Il en est de même, par voie de conséquence, de la décision portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, qui est ainsi dépourvue de base légale. 6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, le moyen retenu par le présent arrêt étant le mieux à même de régler le litige à la date de l'arrêté contesté, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 janvier 2022 de la préfète du Val-de-Marne. Sur les conclusions à fin d'injonction : 7. Le présent arrêt, par lequel la cour fait droit aux conclusions à fin d'annulation présentées par M. B..., n'implique pas, eu égard au motif d'annulation ci-dessus énoncé, que l'administration prenne une nouvelle décision dans un sens déterminé. Par suite, les conclusions du requérant tendant à ce que lui soit délivré un titre de séjour sous astreinte doivent être rejetées. Il y a seulement lieu d'enjoindre à la préfète du Val-de-Marne ou au préfet territorialement compétent de statuer à nouveau sur la situation de l'intéressé en saisissant la commission du titre de séjour dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans l'attente de sa décision, une autorisation provisoire de séjour. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte. Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros au titre des frais liés à l'instance exposés par M. B.... DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n° 2201377 du 19 janvier 2023 du tribunal administratif de Melun et les décisions du 10 janvier 2022 par lesquelles la préfète du Val-de-Marne a refusé de délivrer à M. B... un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours sont annulés. Article 2 : Il est enjoint à la préfète du Val-de-Marne ou au préfet territorialement compétent de procéder au réexamen de la demande de titre de séjour présentée par M. B... en saisissant la commission du titre de séjour dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans l'attente de sa décision, une autorisation provisoire de séjour. Article 3 : L'Etat versera à M. B... la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions présentées par M. B... est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Melun et à la préfète du Val-de-Marne. Délibéré après l'audience du 20 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - Mme Menasseyre, présidente de chambre, - Mme Jayer, première conseillère, - Mme Larsonnier, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 novembre 2023. La rapporteure, V. LARSONNIER La présidente, A. MENASSEYRE Le greffier, P. TISSERAND La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 23PA00692 2 |
CETATEXT000048452264 | J1_L_2023_11_00023PA01828 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/22/CETATEXT000048452264.xml | Texte | CAA de PARIS, 2ème chambre, 22/11/2023, 23PA01828, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-22 00:00:00 | CAA de PARIS | 23PA01828 | 2ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme TOPIN | DOOKHY | Mme Maguy FULLANA | M. SEGRETAIN | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... C... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 21 décembre 2022 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français. Par un jugement n° 2300076/8 du 5 avril 2023, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 3 mai 2023, M. A..., représenté par Me Parvèz Dookhy, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du 5 avril 2023 du Tribunal administratif de Paris ; 2°) d'annuler l'arrêté du 21 décembre 2022 portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français ; 3°) d'enjoindre au préfet territorialement compétent de lui délivrer un titre de séjour. Il soutient que le préfet a, en refusant de l'admettre exceptionnellement au séjour, entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation. Par un mémoire en défense, enregistré le 1er juin 2023, le préfet de police conclut au rejet de la requête. Il soutient que le moyen unique de la requête n'est pas fondé. Par une ordonnance du 5 septembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 26 septembre 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de Mme Fullana a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., ressortissant bangladais né le 3 juillet 1989, qui soutient être entré en France le 1er août 2017, a sollicité, le 18 octobre 2021, son admission exceptionnelle au séjour. Par un arrêté du 21 décembre 2022, le préfet de police a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement n° 2300076/8 du 5 avril 2023, dont le requérant relève appel, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté en tant qu'il lui refuse la délivrance d'un titre de séjour et l'oblige à quitter le territoire français. 2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ". 3. En présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de ces dispositions par un étranger, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. Il appartient, en effet, à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour. 4. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., qui soutient résider habituellement sur le territoire français depuis le mois d'août 2017, exerce depuis le 22 août 2019 une activité de " sushi man " pour le compte de la société " L'Arbre de Vie ", laquelle a établi à son bénéfice une lettre de motivation, bénéficiant depuis le 1er octobre 2021 d'un contrat à durée indéterminée à temps plein pour un salaire d'ailleurs supérieur au salaire minimum interprofessionnel de croissance. M. A... ne se prévaut d'aucune attache particulière en France et n'est pas dénué de famille dans son pays d'origine où résident son épouse, ses parents et sa fratrie. Dès lors et en dépit des efforts d'insertion de l'intéressé sur le territoire français, compte tenu de sa situation personnelle et familiale, de sa durée d'emploi limitée, de son absence de qualifications professionnelles, et de sa présence d'environ cinq ans et demi en France, c'est sans erreur manifeste d'appréciation que le préfet de police a pu estimer que sa situation ne relevait pas de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels au sens et pour l'application de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et lui refuser la délivrance d'un titre de séjour sur ce fondement. 5. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées. DECIDE : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de police. Délibéré après l'audience du 8 novembre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Topin, présidente, - M. Magnard, premier conseiller, - Mme Fullana, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 novembre 2023. La rapporteure, M. FULLANALa présidente, E. TOPIN Le greffier, C. MONGIS La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 No 23PA01828 |
CETATEXT000048452265 | J1_L_2023_11_00023PA01835 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/22/CETATEXT000048452265.xml | Texte | CAA de PARIS, 2ème chambre, 22/11/2023, 23PA01835, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-22 00:00:00 | CAA de PARIS | 23PA01835 | 2ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme TOPIN | LASFARGEAS | Mme Maguy FULLANA | M. SEGRETAIN | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... D... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 17 février 2023 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné. Par un jugement n° 2304832/8 du 20 avril 2023, la magistrate désignée du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 3 mai 2023, M. D..., représenté par Me Sylvia Lasfargeas, demande à la Cour : 1°) de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle ; 2°) d'annuler l'article 2 de ce jugement du 20 avril 2023 du Tribunal administratif de Montreuil ; 3°) d'annuler l'arrêté du 17 février 2023 ; 4°) d'enjoindre, sous astreinte, au préfet territorialement compétent de lui délivrer une carte de séjour temporaire et, à titre subsidiaire, de lui enjoindre de réexaminer sa situation dans le même délai et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente de ce réexamen ; 5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : - le jugement est irrégulier dès lors qu'il est insuffisamment motivé ; - l'arrêté en litige est entaché d'incompétence ; - il méconnaît son droit d'être entendu et est dès lors entaché d'un vice de procédure ; - il méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés ; - il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle. Par un mémoire en défense, enregistré le 10 juillet 2023, le préfet de police conclut au rejet de la requête. Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé. Par une ordonnance du 5 septembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 26 septembre 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de Mme Fullana a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. D..., né le 16 juillet 2002 et entré sur le territoire français le 12 avril 2019 selon ses déclarations, a présenté une demande d'admission au titre de l'asile le 2 juillet 2020. Par un arrêté du 17 février 2023, le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. D... relève appel du jugement n° 2304832/8 du 20 avril 2023 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Sur l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle : 2. Par une décision du 4 octobre 2023, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle de M. D.... Il s'ensuit que les conclusions du requérant tendant à son admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle sont devenues sans objet. Il n'y a, dès lors, plus lieu d'y statuer. Sur la régularité du jugement attaqué : 3. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". 4. Contrairement à ce que soutient M. D..., il ressort des termes du jugement attaqué que celui-ci est suffisamment motivé, le bien-fondé des réponses apportées au regard des éléments du dossier étant en tout état de cause sans incidence sur la régularité du jugement. Par suite, le moyen tiré d'une insuffisante motivation du jugement doit être écarté. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 5. En premier lieu, par un arrêté n° 2023-00059 du 23 janvier 2023 régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture, le préfet de police a donné à M. E... C..., chef du bureau de l'accueil de la demande d'asile, délégation à l'effet de signer les décisions dans la limite de ses attributions, dont relève la police des étrangers. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué manque en fait et doit être écarté. 6. En deuxième lieu, lorsqu'il présente une demande d'asile, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche, qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de rejet de sa demande d'asile, il pourra faire l'objet d'un refus de titre de séjour et, lorsque la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire lui a été définitivement refusé, d'une mesure d'éloignement du territoire français. Il lui appartient, lors du dépôt de sa demande d'asile, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles et notamment celles de nature à permettre à l'administration d'apprécier son droit au séjour au regard d'autres fondements que celui de l'asile. Il lui est loisible, tant au cours de l'instruction de sa demande, qu'après que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile ont statué sur sa demande d'asile, de faire valoir auprès de l'administration toute information complémentaire utile. 7. M. D... a été entendu par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et par la Cour nationale du droit d'asile dans le cadre de l'examen de sa demande d'asile et pouvait faire valoir à tout moment auprès de la préfecture les éléments pertinents relatifs à sa situation personnelle. Si l'intéressé soutient qu'il a tenté en vain de déposer une demande d'admission exceptionnelle au séjour et a été placé dans l'impossibilité de réaliser une telle démarche en ligne avant que ne soit prise la mesure d'éloignement litigieuse, il ne produit aucun élément à l'appui de ses allégations. Par suite, le préfet de police, qui n'était pas tenu d'inviter M. D... à formuler des observations avant l'édiction de cette mesure, ne l'a pas privé de son droit à être entendu. 8. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. ". 9. Il ressort des pièces du dossier que M. D... est arrivé en France en avril 2019, y a obtenu un certificat d'aptitude d'électricien en 2022 et était inscrit pour l'année scolaire 2022/2023 en classe de première dans un lycée professionnel afin de poursuivre des études dans les métiers de l'électricité. S'il produit de nombreuses attestations de la part de la communauté éducative, de ses familles d'accueil successives et de relations rencontrées depuis son arrivée sur le territoire français qui font état de ses efforts d'intégration et de ses grandes qualités humaines, M. D... est célibataire et sans enfant à charge et ne démontre pas être dépourvu d'attaches dans son pays de naissance (A...) où réside sa mère. Dans ces conditions et eu égard notamment à la durée de son séjour en France, le préfet de police n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard du but poursuivi. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes raisons, la décision attaquée n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation de M. D.... 10. En dernier lieu, aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ". Si le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations est inopérant à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français, qui n'a ni pour objet ni pour effet de contraindre M. D... à retourner dans son pays d'origine, il peut, en revanche, être utilement invoqué à l'encontre de la décision fixant le pays de destination. 11. Il ressort des pièces du dossier que la demande d'asile de M. D..., présentée le 2 juillet 2020, a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 11 mai 2021, rejet confirmé par la Cour nationale du droit d'asile le 14 décembre 2022 qui a reconnu l'existence de risques auxquels était exposé M. D... en cas de retour en Angola mais estimé que celui-ci pouvait prétendre à la nationalité congolaise (A...), pays dont sa mère a la nationalité, dans lequel il est né et ne fait état d'aucun risque de persécutions ou de craintes pour sa vie et sa sécurité. Dans ces conditions, les risques en cas de retour en Angola au regard des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être regardés comme établis. Par suite, l'arrêté attaqué, en tant qu'il inclut nécessairement l'Angola comme pays de renvoi, méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 12. Il résulte de ce qui précède que M. D... est seulement fondé à demander l'annulation de la décision du 17 février 2023 par laquelle le préfet de police a fixé comme pays de destination l'Angola. Sur les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte : 13. Le présent jugement, qui n'annule que la décision fixant le pays de renvoi en tant qu'elle fixe l'Angola comme pays de destination, n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées. Sur les frais du litige : 14. Il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat la somme que M. D... demande au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DECIDE : Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'aide juridictionnelle à titre provisoire présentée par M. D.... Article 2 : L'arrêté du 17 février 2023 du préfet de police est annulé en tant qu'il fixe l'Angola comme pays de destination. Article 3 : Le jugement n° 2304832/8 du 20 avril 2023 du Tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt. Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. D... est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de police. Délibéré après l'audience du 8 novembre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Topin, présidente, - M. Magnard, premier conseiller, - Mme Fullana, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 novembre 2023. La rapporteure, M. FULLANALa présidente, E. TOPIN Le greffier, C. MONGIS La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 No 23PA01835 |
CETATEXT000048452269 | J3_L_2023_11_00019BX00877 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/22/CETATEXT000048452269.xml | Texte | CAA de BORDEAUX, 5ème chambre, 21/11/2023, 19BX00877, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-21 00:00:00 | CAA de BORDEAUX | 19BX00877 | 5ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme JAYAT | SCP CHONG-SIT & DOUTRELONG | Mme Laury MICHEL | M. GUEGUEIN | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... D... et Mme F... B... ont demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler l'arrêté du 8 décembre 2015 par lequel le maire de Cayenne a accordé à M. E... un permis de construire pour la réalisation d'une maison d'habitation sur une parcelle cadastrée BM 686 située 1222 route de Bourda à Cayenne. Par un jugement n° 1700141 du 27 décembre 2018, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté leur demande. Procédure devant la cour : Par un premier arrêt du 9 mars 2021, la cour a annulé le jugement du 27 décembre 2018 du tribunal administratif de la Guyane et, après avoir écarté les autres moyens soulevés, a sursis à statuer sur la légalité du permis de construire du 8 décembre 2015 jusqu'à l'expiration d'un délai de quatre mois à compter de la notification de l'arrêt pour permettre la notification à la cour, par M. E..., d'une mesure de régularisation des vices tirés de l'absence d'accord de l'architecte des bâtiments de France, de la méconnaissance des dispositions du 1 de l'article U4.7 du règlement du plan local d'urbanisme relatives à l'implantation des constructions par rapport aux limites séparatives et de la méconnaissance des règles de hauteur prévues à l'article U4.10 du règlement du plan local d'urbanisme. Par un second arrêt du 31 mai 2022, la cour a, après avoir écarté les autres moyens soulevés, de nouveau sursis à statuer sur la légalité du permis de construire du 8 décembre 2015 et celle du permis de construire modificatif délivré le 13 juillet 2021 jusqu'à l'expiration d'un délai de quatre mois à compter de la notification de l'arrêt pour permettre la notification à la cour, par M. E..., d'une mesure de régularisation des vices tirés de l'absence d'accord de l'architecte des bâtiments de France et de la méconnaissance des règles de hauteur prévues à l'article U4.10 du règlement du plan local d'urbanisme. Par des mémoires enregistrés les 19 octobre 2022, 11 mai et 4 juillet 2023 M. E..., représenté par Me Bonfait, conclut au rejet de la requête dès lors que le permis de construire modificatif délivré par le maire de Cayenne le 28 juin 2023 et communiqué à l'instance régularise les vices relevés par la cour. Par un mémoire enregistré le 10 mai 2023, le ministre de la culture a présenté ses observations. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code du patrimoine ; - le code de l'urbanisme ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme G..., - les conclusions de M. Gueguein, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. Par un arrêté du 8 décembre 2015, le maire de Cayenne a accordé à M. E... un permis de construire pour la réalisation d'une maison d'habitation sur une parcelle cadastrée BM 686 située 1222 route de Bourda à Cayenne (Guyane). Saisi d'une requête de M. D... et Mme B..., voisins immédiats du terrain d'assiette du projet, tendant à l'annulation de cet arrêté, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté leur demande par un jugement du 27 décembre 2018. Par un arrêt du 9 mars 2021, la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé le jugement du 27 décembre 2018 du tribunal administratif de la Guyane et, après avoir écarté les autres moyens soulevés, a sursis à statuer sur la légalité du permis de construire du 8 décembre 2015 jusqu'à l'expiration d'un délai de quatre mois à compter de la notification de l'arrêt pour permettre la notification à la cour, par M. E..., d'une mesure de régularisation des vices tirés de l'absence d'accord de l'architecte des bâtiments de France, de la méconnaissance des dispositions du 1 de l'article U4.7 du règlement du plan local d'urbanisme de Cayenne relatives à l'implantation des constructions par rapport aux limites séparatives et de la méconnaissance des règles de hauteur prévues à l'article U4.10 du règlement du plan local d'urbanisme. Par arrêté du 13 juillet 2021, le maire de Cayenne a accordé à M. E... un permis de construire modificatif. Par un arrêt du 31 mai 2022, la cour a de nouveau sursis à statuer sur la légalité du permis de construire du 8 décembre 2015 et celle du permis de construire modificatif délivré le 13 juillet 2021 jusqu'à l'expiration d'un délai de quatre mois à compter de la notification de l'arrêt pour permettre la notification à la cour, par M. E..., d'une mesure de régularisation des vices tirés de l'absence d'accord de l'architecte des bâtiments de France et de la méconnaissance des règles de hauteur prévues à l'article U4.10 du règlement du plan local d'urbanisme. Le 23 juin 2022, M. E... a déposé une nouvelle demande de permis de construire modificatif, qui a fait l'objet d'un refus de l'architecte des bâtiments de France (ABF) le 26 août 2022. M. E... a déposé une troisième demande de permis de construire modificatif le 28 avril 2023. Par un arrêté du 28 juin 2023, le maire de Cayenne lui a accordé le permis de construire modificatif sollicité. Sur la régularisation du permis de construire initial du 8 décembre 2015 et de son modificatif du 13 juillet 2021 : 2. Aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé. ". 3. Lorsqu'une autorisation d'urbanisme est entachée d'incompétence, qu'elle a été délivrée en méconnaissance des dispositions législatives ou réglementaires relatives à l'utilisation du sol ou sans que soient respectées des formes ou formalités préalables à la délivrance de l'autorisation, l'illégalité qui en résulte peut être régularisée par la délivrance d'une autorisation modificative dès lors que celle-ci est compétemment accordée pour le projet en cause, qu'elle assure le respect des règles de fond applicables à ce projet, répond aux exigences de forme ou a été précédée de l'exécution régulière de la ou des formalités qui avaient été omises. Elle peut, de même, être régularisée par une autorisation modificative si la règle relative à l'utilisation du sol qui était méconnue par l'autorisation initiale a été entretemps modifiée ou si cette règle ne peut plus être regardée comme méconnue par l'effet d'un changement dans les circonstances de fait de l'espèce. Il en va de même dans le cas où le bénéficiaire de l'autorisation initiale notifie en temps utile au juge une décision individuelle de l'autorité administrative compétente valant mesure de régularisation à la suite d'un jugement décidant, en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, de surseoir à statuer sur une demande tendant à l'annulation de l'autorisation initiale. Dès lors que cette nouvelle autorisation assure la régularisation de l'autorisation initiale, les conclusions tendant à l'annulation de l'autorisation initialement délivrée doivent être rejetées. En ce qui concerne l'accord de l'architecte des bâtiments de France : 4. Aux termes de l'article L. 621-30 du code du patrimoine, dans sa version applicable au litige : " (...) Est considéré (...) comme étant situé dans le champ de visibilité d'un immeuble classé ou inscrit au titre des monuments historiques tout autre immeuble, nu ou bâti, visible du premier ou visible en même temps que lui et situé dans un périmètre déterminé par une distance de 500 mètres du monument (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 621-31 du même code, dans sa version applicable au litige : " Lorsqu'un immeuble est (...) situé dans le champ de visibilité d'un édifice classé ou inscrit au titre des monuments historiques, il ne peut faire l'objet (...) d'aucune construction nouvelle (...) sans une autorisation préalable (...) ". Aux termes de l'article L. 621-32 du même code, dans sa version alors applicable : " I. - Le permis de construire (...) tient lieu de l'autorisation prévue au premier alinéa de l'article L. 621-31 si l'architecte des Bâtiments de France a donné son accord (...) ". Il résulte de ces dispositions combinées qu'un projet de construction situé dans le champ de visibilité d'un immeuble protégé au titre des monuments historiques ne peut être autorisé sans l'accord de l'architecte des bâtiments de France. 5. Ainsi qu'il a été jugé au point 12 de l'arrêt avant dire droit du 9 mars 2021 de la cour, le projet étant situé dans le champ de visibilité de la résidence " Chalet Bourda " protégée au titre des monuments historiques, il ne peut être autorisé sans l'accord de l'architecte des bâtiments de France. Il ressort des pièces du dossier que le maire de Cayenne a accordé à M. E... le 28 juin 2023 un permis de construire modificatif pour lequel l'architecte des bâtiments de France a donné son accord le 21 juin 2023. Par suite, le vice entachant le permis initial et le permis de construire modificatif du 13 juillet 2021 a été régularisé par le permis modificatif du 28 juin 2023. En ce qui concerne la méconnaissance de l'article U4.10 du règlement du plan local d'urbanisme : 6. Aux termes de l'article U4.10 du règlement du plan local d'urbanisme, relatif à la hauteur maximale des constructions : " 1. La hauteur des constructions individuelles ne pourra excéder 7.20 m, cette hauteur étant mesurée à l'égout du toit et 12 m au faîtage (...) ". Aux termes de l'article 5 des dispositions générales du même règlement : " Définition de la hauteur maximale. La hauteur maximale fixée à l'article 10 du règlement de chaque zone, est la différence d'altitude maximale admise entre le point de référence cité dans le règlement et sa projection verticale sur le sol naturel, tel qu'il apparaît au levé altimétrique effectué avant tous les travaux d'adaptation du terrain lié au projet considéré (...) ". 7. Il ressort des pièces du dossier que le projet modifié prévoit trois niveaux, deux niveaux en sous-sol et un niveau en rez-de-chaussée. S'il prévoit un niveau de moins que le projet de 2021, il ressort des plans joints à la demande de permis de construire modificatif que l'égout de toit du projet modifié se porte à une hauteur de 3,97 mètres contre 3,12 mètres dans le projet de 2021. Par suite, le vice retenu dans l'arrêt avant-dire droit du 31 mai 2022 ne peut être regardé comme régularisé, la différence d'altitude entre l'égout du toit et sa projection verticale sur le sol naturel s'élevant désormais à 9,31 mètres (5,34 + 3,97) et restant supérieure à la hauteur maximale de 7,20 mètres prévue pour ce point de référence. Sur les conséquences de l'absence de régularisation de certains des vices retenus : 8. Il résulte de ce qui a été dit au point 7 que l'arrêté du 28 juin 2023 n'a pas permis de régulariser le permis de construire initial du 8 décembre 2015 tel que modifié par le permis du 13 juillet 2021. Par suite, les arrêtés des 8 décembre 2015, 13 juillet 2021 et 28 juin 2023 doivent être annulés. Sur les frais liés au litige : 9. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a lieu de mettre à la charge d'aucune des parties à l'instance une quelconque somme au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DÉCIDE : Article 1er : Les arrêtés du 8 décembre 2015, du 13 juillet 2021 et du 28 juin 2023 sont annulés. Article 2 : Les conclusions des parties présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., à Mme F... B..., à la commune de Cayenne et à M. C... E.... Copie pour information en sera délivrée au préfet de la Guyane. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023 à laquelle siégeaient : Mme Elisabeth Jayat, présidente, M. Sébastien Ellie, premier conseiller, Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2023. La rapporteure, Héloïse G...La présidente, Elisabeth Jayat La greffière, Virginie Santana La République mande et ordonne au préfet de la Guyane en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. 2 N°19BX00877 |
CETATEXT000048452273 | J3_L_2023_11_00021BX02217 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/22/CETATEXT000048452273.xml | Texte | CAA de BORDEAUX, 5ème chambre, 21/11/2023, 21BX02217, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-21 00:00:00 | CAA de BORDEAUX | 21BX02217 | 5ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme JAYAT | CABINET LAPUELLE | M. Sébastien ELLIE | M. GUEGUEIN | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : L'Association Pour la Protection des Arbres en bord des Routes (ASPPAR) a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 22 octobre 2018 par lequel le maire de Condom a délivré à la commune de Condom un permis d'aménager portant sur la rénovation des allées De Gaulle. Par un jugement n° 1802900 du 24 mars 2021, le tribunal administratif de Pau a rejeté la demande de l'association. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 26 mai 2021, l'ASPPAR, représentée par la SELAS Cabinet Lapuelle, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du 24 mars 2021 ; 2°) d'annuler l'arrêté du 22 octobre 2018 ; 3°) de mettre à la charge de la commune de Condom la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il a rejeté la requête de l'association pour défaut d'intérêt lui donnant qualité pour agir contre l'arrêté en cause ; - le pétitionnaire ne disposait d'aucune qualité pour solliciter le permis d'aménager en cause, en méconnaissance des dispositions des articles R. 423-1 et R. 431-5 du code de l'urbanisme ; - le dossier de demande de permis d'aménager est incomplet, en méconnaissance des dispositions des articles R. 441-2 et R. 441-5 du code de l'urbanisme, en ce qu'il ne comporte pas d'étude d'impact, de plan de l'état actuel du terrain et de plan masse ; en outre, l'avis de la commission départementale de la nature, du passage et des sites n'a pas été demandé ; - l'arrêté en cause méconnait les dispositions de l'article L. 350-3 du code de l'environnement, en ce qu'il porte atteinte à un alignement d'arbres ; - l'arrêté attaqué méconnait les dispositions générales du plan local d'urbanisme qui identifie, en application des dispositions de l'article L. 151-19 du code de l'urbanisme, les allées De Gaulle comme une partie d'un chemin de randonnée à préserver. Par un mémoire enregistré le 30 juillet 2021, la commune de Condom, représentée par la SCP Courrech et Associés, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de l'ASPPAR en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que : - l'association ne justifie pas d'un intérêt lui donnant qualité pour agir au regard de son objet et de son champ géographique ; - les moyens soulevés sont infondés. Par une ordonnance du 16 mai 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 17 juillet 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'environnement ; - le code de l'urbanisme ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Sébastien Ellie ; - les conclusions de M. Stéphane Gueguein, rapporteur public ; - et les observations de Me Laporte représentant la commune de Condom. Considérant ce qui suit : 1. Le maire de la commune de Condom a accordé à cette commune, le 22 octobre 2018, un permis d'aménager autorisant le réaménagement des allées De Gaulle impliquant la suppression ou le remplacement de plusieurs arbres. L'Association Pour la Protection des Arbres en bord des Routes (ASPPAR) demande à la cour d'annuler le jugement du 24 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 octobre 2018. 2. L'intérêt pour agir d'une association contre un acte administratif est subordonné à une double exigence d'adéquation entre son objet et l'acte attaqué, tant du point de vue de la nature des intérêts qu'elle défend que de son ressort géographique. En l'absence de précisions sur le champ d'intervention d'une association dans les stipulations de ses statuts définissant son objet, il appartient au juge administratif d'apprécier son intérêt à agir contre la décision qu'elle attaque en prenant en compte les indications fournies sur ce point par les autres stipulations des statuts, notamment par le titre de l'association et les conditions d'adhésion, éclairées, le cas échéant, par d'autres pièces du dossier qui lui sont soumises. 3. Aux termes de l'article 3 des statuts de l'ASPPAR : " Cette association a pour objet la défense des droits de ses membres, usagers et usagères des routes, et la promotion de toute action, et de toute initiative tendant à assurer la conservation des arbres plantés en alignement en bord des routes nationales, départementales et communales, la replantation de ceux qui ont été abattus depuis 1980, et d'une façon générale, la protection des sites, des paysages et de l'environnement, et l'amélioration du cadre de vie. / Les moyens d'action de l'association comprennent l'initiation du public et de l'administration, la diffusion d'informations, le débat public et le dialogue avec les élus et l'administration, la collecte des fonds, le financement d'actions judiciaires et de travaux d'expertise, l'identification, la protection, l'aménagement et la plantation des arbres, la publication des comptes rendus d'opinions et d'activités sur l'objectif de l'association ainsi que toute autre action susceptible de protéger et de valoriser les arbres d'alignement en bord des routes ". 4. Il ressort des pièces du dossier que si l'objet social de l'ASPPAR est en adéquation avec l'aménagement des allées De Gaulle qui implique de modifier l'alignement des arbres, le champ géographique d'intervention de l'association n'est pas défini par ses statuts. De nombreux adhérents de l'association sont domiciliés sur tout le territoire français et le titre de l'association ne fait pas ressortir un objectif particulier d'intervention dans le département du Gers. Aucun des éléments versés au dossier d'appel ne permet de regarder le ressort géographique de l'association comme limité à ce département. Dans ces conditions, ce ressort doit être regardé comme national, alors même que l'association entend " recentrer " son activité sur le département du Gers ainsi qu'il ressort du procès-verbal de l'assemblée générale de l'association du mois de novembre 2018. Ainsi, l'ASPAR ne justifie pas de son intérêt à agir au regard de l'opération autorisée par la décision contestée, qui est d'intérêt communal. La demande de l'ASPPAR est donc irrecevable, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif de Pau. 5. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'ASPPAR la somme de 1 500 euros à verser à la commune de Condom au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DÉCIDE : Article 1er : La requête de l'ASPPAR est rejetée. Article 2 : L'ASPPAR versera la somme de 1 500 euros à la commune de Condom au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'Association Pour la Protection des Arbres en bord des Routes et à la commune de Condom. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023 où siégeaient : Mme Elisabeth Jayat, présidente, M. Sébastien Ellie, premier conseiller, Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2023. Le rapporteur, Sébastien Ellie La présidente, Elisabeth Jayat La greffière, Virginie Santana La République mande et ordonne au préfet des Pyrénées-Atlantiques en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. 2 N°21BX02217 |
CETATEXT000048452274 | J3_L_2023_11_00021BX02660 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/22/CETATEXT000048452274.xml | Texte | CAA de BORDEAUX, 5ème chambre, 21/11/2023, 21BX02660, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-21 00:00:00 | CAA de BORDEAUX | 21BX02660 | 5ème chambre | plein contentieux | C | Mme JAYAT | SIRIEZ | Mme Héloïse PRUCHE-MAURIN | M. GUEGUEIN | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La SELARL Malmezat Prat, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL Signoret Jean-Louis, a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2012 au 9 juillet 2014 en droits, intérêts de retard et pénalités pour un montant de 326 695 euros. Par un jugement n° 1902452 du 1er avril 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 21 juin 2021 et 5 juin 2023, la SELARL Malmezat Prat, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL Signoret Jean-Louis, représentée par Me Siriez, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement n° 1902452 du tribunal administratif de Bordeaux du 1er avril 2021 ; 2°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2012 au 9 juillet 2014 en droits, intérêts de retard et pénalités pour un montant de 326 695 euros ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : Sur la régularité du jugement attaqué : - le tribunal administratif n'a pas répondu au moyen tiré de ce que le transfert d'une partie du chiffre d'affaires taxable à 19,6% sur le chiffre d'affaires taxable à 5,5 % relevait d'une erreur de plume qui n'a eu aucune conséquence sur les résultats ou sur la TVA ; Sur la régularité de la procédure d'imposition : - la procédure a été menée de manière précipitée par l'administration dès lors que l'avis de vérification du 6 octobre 2014 a été envoyé très rapidement après la fin du délai de deux mois imparti au mandataire pour déposer les déclarations fiscales de 2014 à la suite de la liquidation judiciaire de la société prononcée le 9 juillet 2014 ; elle a été contrôlée le 28 octobre 2014, le mandataire ne pouvant avoir le temps de s'organiser ; en outre, elle n'a pas bénéficié de la procédure de relance amiable à la suite de la mise en demeure ; - l'avis de mise en recouvrement est irrégulier dès lors qu'il est dépourvu de signature ; - en application de la doctrine de l'administration référencée BOI-REC-PREA-10-10-20 n°150, 18-2-2019, l'avis de mise en recouvrement doit être daté et signé et il doit indiquer la qualité, le nom et le prénom du signataire ; - la proposition de rectification est insuffisamment motivée ; Sur le bienfondé des impositions en litige : En ce qui concerne la TVA collectée : -s'agissant de la TVA collectée déclarée au titre de l'année 2014, des circonstances permettent de justifier que des encaissements aient été non déclarés ; - s'agissant de la TVA collectée déclarée au titre des années 2012 et 2013, les calculs présentés par l'administration sont erronés en ce que d'une part, cette dernière a inclus à tort les produits exceptionnels sur opérations en capital dans le chiffre d'affaires HT taxable à la TVA et d'autre part, en ce que le calcul des encaissements est erroné ; - l'écriture relevée dans le journal d'opérations diverses au 31 décembre 2012 comme transférant une partie des résultats taxables à un taux de 19,6% à 5,5% n'est qu'une erreur de plume qui n'a eu aucune conséquence sur le chiffre d'affaires déclaré à la TVA ; En ce qui concerne la TVA déductible : - l'administration ne pouvait lui reprocher d'avoir comptabilisé de la TVA déductible à raison de la TVA inscrite en compte 44586 " TVA sur factures non parvenues ", alors même que qu'elle n'a pas procédé au contrôle des fournisseurs ou des fournitures en cause ; Sur les pénalités : - la pénalité pour manquement délibéré est insuffisamment motivée et n'est pas justifiée. Par des mémoires enregistrés les 22 décembre 2021 et 20 juin 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés. Par ordonnance du 20 juin 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 7 juillet 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme A..., - et les conclusions de M. Gueguein, rapporteur public, - les observations de Me Touche représentant la SARL Malmezat Prat, mandataire liquidateur de la Société Signoret Jean-Louis. Considérant ce qui suit : 1. La société Signoret Jean-Louis, représentée par son liquidateur judiciaire la SELARL Malzemat Prat, qui avait pour activité la réalisation de travaux publics, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité du 28 octobre 2014 au 28 janvier 2015. A la suite de cette vérification de comptabilité, l'administration fiscale lui a adressé, le 19 février 2015, une proposition de rectification notamment en matière de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) au titre de la période du 1er janvier 2012 au 9 juillet 2014. Par un avis de mise en recouvrement du 15 avril 2015, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ont été mis à sa charge au titre de cette période en droits, intérêts de retard et pénalités pour un montant total de 326 695 euros. Par une réclamation du 28 décembre 2018, la SELARL Malzemat Prat agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Signoret Jean-Louis, a contesté ces rappels. L'administration fiscale a rejeté la réclamation de la société le 20 mars 2019. La SELARL Malzemat Prat, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Signoret Jean-Louis, relève appel du jugement du 1er avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande de décharge de ces rappels de taxe. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Il résulte de l'instruction, et notamment du point 9 du jugement attaqué, que le tribunal administratif a répondu au moyen tiré de ce que le transfert d'une partie du chiffre d'affaires taxable à 19,6% sur le chiffre d'affaires taxable à 5,5 % relevait d'une erreur de plume et de ce que cette erreur n'avait eu aucune conséquence sur les résultats ou sur la TVA. Ainsi et alors qu'ils n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments développés devant eux, les premiers juges ont statué de manière suffisamment précise sur cet argument, sans entacher leur jugement d'aucune omission. Par suite, ce jugement n'est pas entaché de l'irrégularité alléguée. Sur la régularité de la procédure d'imposition : 3. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la société Signoret Jean-Louis, en difficulté financière depuis plusieurs années, s'est déclarée en cessation de paiement en 2014 et que le tribunal de commerce de Bordeaux a prononcé, le 9 juillet 2014, la résolution du plan de redressement judiciaire arrêté en 2005 et son placement en liquidation judiciaire. L'appelante soutient que la procédure d'imposition en litige aurait été " précipitée " dès lors que l'administration lui a adressé un avis de vérification de comptabilité le 6 octobre 2014 et que cette vérification a débuté le 28 octobre 2014, alors même qu'elle venait d'être nommée en tant que mandataire liquidateur. Elle soutient en outre qu'elle n'a pas bénéficié " d'une procédure de relance amiable " après avoir fait l'objet d'une mise en demeure le 14 octobre 2014 de déposer une déclaration de résultats au titre de l'exercice 2014, dès lors qu'elle n'avait pas déposé cette dernière dans les 60 jours suivant le jugement ouvrant la procédure de liquidation judiciaire telle que le prévoit le code général des impôts. Cependant, comme l'ont à juste titre retenu les premiers juges, il ne résulte pas de l'instruction que ces circonstances, à les supposer établies, auraient été de nature à entacher d'un quelconque vice la procédure de contrôle et de rectification en litige. Par suite, le moyen doit être écarté dans ses deux branches. 4. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même code : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une notification de redressements doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler utilement ses observations. 5. L'appelante se prévaut des dispositions précitées et soutient que la proposition de rectification qui lui a été adressée le 19 février 2015 était insuffisamment motivée dès lors que s'agissant des rappels de TVA au titre de la période du 1er janvier au 9 juillet 2014, l'administration se contente de faire état des encaissements non déclarés d'après les paiements des clients mais ne procède à aucun examen des circonstances qui pourraient justifier que des encaissements ne soient pas considérés comme acquis, et, s'agissant des rappels de TVA au titre de la période correspondant à l'année 2013, l'administration ne précise pas les détails des écritures incriminées reprochant sans autre motif à la société d'avoir comptabilisé de la TVA déductible de manière injustifiée. Or, s'agissant de la TVA déductible et les rappels consécutifs au titre des périodes concernées, le service vérificateur indique les motifs de droit qui ont fondé sa proposition de rectification, les faits constatés et explique les raisons pour lesquelles il considère que les sommes qu'il retient correspondent à un montant de TVA déduit à tort par la société sur les périodes 2013 et 2014. Ainsi, et alors que de manière globale, comme l'ont estimé à juste titre les premiers juges, la proposition mentionne les impôts concernés par la rectification envisagée et explique la méthode utilisée pour aboutir aux rehaussement proposées, le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté. 6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci ". Aux termes de l'articles L. 252 A du livre des procédures fiscales : " Constituent des titres exécutoires les arrêtés, états, rôles, avis de mise en recouvrement, titres de perception ou de recettes que l'Etat, les collectivités territoriales ou les établissements publics dotés d'un comptable public délivrent pour le recouvrement des recettes de toute nature qu'ils sont habilités à recevoir ". Aux termes de l'article L. 256 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction antérieure au 1er janvier 2017, applicable au litige : " Un avis de mise en recouvrement est adressé par le comptable public compétent à tout redevable des sommes, droits, taxes et redevances de toute nature dont le recouvrement lui incombe lorsque le paiement n'a pas été effectué à la date d'exigibilité. (...) / L'avis de mise en recouvrement est individuel. Il est signé et rendu exécutoire par l'autorité administrative désignée par décret (...) ". Aux termes de l'article R. 256-1 du même livre : " L'avis de mise en recouvrement prévu à l'article L. 256 indique pour chaque impôt ou taxe le montant global des droits, des pénalités et des intérêts de retard qui font l'objet de cet avis. (...) / Lorsque l'avis de mise en recouvrement est consécutif à une procédure de rectification, il fait référence à la proposition prévue à l'article L. 57 ou à la notification prévue à l'article L. 76 et, le cas échéant, au document adressé au contribuable l'informant d'une modification des droits, taxes et pénalités résultant des rectifications ". Aux termes de l'article R.*256-3 du même livre : " L'avis de mise en recouvrement est rédigé en double exemplaire : / a) Le premier, dit " original ", est déposé au service compétent de la direction générale des finances publiques ou à la recette des douanes et droits indirects chargé du recouvrement ; / b) Le second, dit " ampliation ", est destiné à être notifié au redevable ou à son fondé de pouvoir ". Aux termes de l'article R. 256-6 du même livre : " La notification de l'avis de mise en recouvrement comporte l'envoi au redevable, soit au lieu de son domicile, de sa résidence ou de son siège, soit à l'adresse qu'il a lui-même fait connaître au service compétent de la direction générale des finances publiques ou au service des douanes et droits indirects compétent, de l'" ampliation " prévue à l'article R. * 256-3. (...) ". 7. La loi du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016 a modifié les dispositions citées au point précédent de l'article L. 256 du livre des procédures fiscales, pour prévoir que l'avis de mise en recouvrement " est émis et rendu exécutoire par l'autorité administrative désignée par décret, selon les modalités prévues aux articles L. 212-1 et L. 212-2 du code des relations entre le public et l'administration ". Elle a également modifié les dispositions de l'article L. 212-2 de ce dernier code, pour ajouter les avis de mise en recouvrement à la liste, figurant à cet article, des actes dispensés de la signature de leur auteur, dès lors qu'ils comportent ses prénom, nom et qualité ainsi que la mention du service auquel celui-ci appartient, quelles que soient les modalités selon lesquelles ils sont portés à la connaissance des intéressés. L'ensemble de ces nouvelles dispositions s'applique, en vertu du A du V de l'article 90 de la loi du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016, aux avis de mise en recouvrement émis à compter du 1er janvier 2017. Il résulte de ces dispositions que les avis de mise en recouvrement émis à compter du 1er janvier 2017 n'ont pas nécessairement à comporter la signature de leur auteur, dès lors que, par les autres mentions qu'ils comportent, ils sont conformes aux prescriptions de l'article L. 212-2 du code des relations entre le public et l'administration. 8. Pour l'application des dispositions antérieures, citées au point 6, applicables au litige, le contribuable auquel a été adressé, avant le 1er janvier 2017, un avis de mise en recouvrement, lequel constitue un titre exécutoire authentifiant la créance de l'administration, doit être à même de vérifier que son signataire est effectivement l'autorité compétente en vertu des dispositions des articles L. 256, L. 257 A et R. 256-8 du livre des procédures fiscales. Si l'ampliation de l'avis de mise en recouvrement adressée au contribuable n'a pas nécessairement à comporter de signature dès lors que l'original déposé au service compétent en est revêtu, il résulte des dispositions de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration qu'elle doit en revanche comporter les mentions de nature à permettre l'identification de son auteur et sa qualité. 9. Il résulte de l'instruction que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée, les pénalités et les intérêts de retard ont été réclamés à la société Signoret Jean-Louis par un avis de mise en recouvrement ampliatif en date du 15 avril 2015, pour un montant de 326 695 euros. Outre la date, ce document comporte l'identification de la 2ème brigade régionale de vérification de Bordeaux, chargée du recouvrement, et, dans le cadre " nom et qualité du signataire ", une mention " Le comptable public " recouvert d'un nom, tous deux difficilement lisibles, sous lequel est indiqué " Contrôleur principal des finances publiques ". Toutefois, le document comporte par ailleurs dans la rubrique " affaire suivie par " l'apposition d'un tampon mentionnant : " Gisèle Poireau - Contrôleur principal des finances publiques ". La comparaison des deux mentions permet de déchiffrer ce même nom, en réalité apposé à l'aide du même tampon, sur la mention " Le comptable public ". Ainsi, l'avis de mise en recouvrement adressé à la société appelante comportait les mentions de nature à lui permettre l'identification de son auteur et de sa qualité. Si, par ailleurs, ce document ne comportait pas la signature de la comptable publique, l'original produit par le ministre en défense la comporte bien. Enfin, la société appelante ne peut utilement se prévaloir de la doctrine de l'administration référencée BOI-REC-PREA-10-10-20 n°150, 18-2-2019, selon laquelle l'avis de mise en recouvrement doit être daté et signé et indiquer la qualité, le nom et le prénom du signataire, une telle instruction qui ne comporte aucune interprétation de la loi fiscale étant exclue du champ de la garantie de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de l'avis de mise en recouvrement doit être écarté. Sur le bien-fondé des rappels de TVA : 10. Comme l'ont estimé à juste titre les premiers juges, la SELARL Malmezat-Prat, agissant en qualité de mandataire liquidateur pour la société Signoret Jean-Louis, n'ayant pas répondu à la proposition de rectification, il lui appartient, en application de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, de démontrer le caractère exagéré des rappels de TVA mis à la charge de cette société au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013. Il en est de même au titre de la période correspondant à l'année 2014. En ce qui concerne la TVA collectée : 11. Aux termes de l'article 266 du code général des impôts : " 1. La base d'imposition est constituée : a. Pour les livraisons de biens, les prestations de services et les acquisitions intracommunautaires, par toutes les sommes, valeurs, biens ou services reçus ou à recevoir par le fournisseur ou le prestataire en contrepartie de ces opérations, de la part de l'acheteur, du preneur ou d'un tiers, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations ; (...) ". Aux termes de l'article 269 du même code : " 1. Le fait générateur de la taxe se produit : / a) Au moment où la livraison, l'acquisition intracommunautaire du bien ou la prestation de services est effectué ; (...) / 2. La taxe est exigible : / (...) c) Pour les prestations de services autres que celles visées au b bis, lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération ou, sur option du redevable, d'après les débits ". En outre, aux termes de l'article 261 du même code : " Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : (...) 3. (Biens usagés) : 1° a. Sous réserve, le cas échéant, des dispositions des 1° et 2° du III de l'article 257, les ventes de biens usagés faites par les personnes qui les ont utilisés pour les besoins de leurs exploitations. Toutefois, l'exonération ne s'applique pas aux biens qui ont ouvert droit à déduction complète ou partielle de la taxe sur la valeur ajoutée lors de leur achat, acquisition intracommunautaire, importation ou livraison à soi-même. Les dispositions du deuxième alinéa ne s'appliquent ni aux biens cédés à des personnes qui ont souscrit un contrat de crédit-bail ou de location avec option d'achat avant le 8 septembre 1989, ni aux véhicules destinés à la location simple, inscrits à l'actif des entreprises de location avant le 8 septembre 1989, si ces véhicules sont cédés à des personnes autres que des négociants en biens d'occasion (Loi n° 89-935 du 29 décembre 1989, art. 31 I 2 et 3) ; ". 12. Il résulte de l'instruction que le service vérificateur a constaté que le rapprochement entre le chiffre d'affaires déclaré à la TVA et celui issu de la compatibilité de la société contrôlée mettait en évidence des discordances importantes et non expliquées. Il a reconstitué, au vu de la comptabilité présentée, les encaissements imposables au titre de chaque période à partir du chiffre d'affaires porté au compte de résultats, affecté de la variation des soldes des comptes clients, des avances reçues et des traites escomptées. Il a conclu à une minoration du chiffre d'affaires de 473 563 euros en 2012, de 76 077 euros en 2013 et de 328 221 euros en 2014. 13. D'une part, s'agissant de la TVA collectée déclarée au titre de la période du 1er janvier au 9 juillet 2014, la société appelante se prévaut, pour contester les rappels effectués à ce titre, de circonstances permettant de justifier que des encaissements aient été non déclarés et notamment le fait qu'ils n'étaient pas définitivement acquis. Toutefois, elle n'apporte aucun élément au soutien de ses allégations. Par suite, et alors que comme il a été dit au point 10, la charge de la preuve lui incombe, elle n'est pas fondée à soutenir que ces rappels seraient exagérés. 14. D'autre part, s'agissant de la TVA collectée déclarée au titre de la période correspondant aux années 2012 et 2013, l'appelante soutient que les calculs présentés par l'administration sont erronés en ce que cette dernière a inclus à tort les produits exceptionnels sur opérations en capital dans le chiffre d'affaires HT taxable à la TVA. Elle n'apporte toutefois aucun élément à l'appui de ses allégations. En outre, comme l'ont estimé à juste titre les premiers juges, elle ne produit aucun élément permettant de retenir que les cessions d'éléments d'actif intervenues en 2012 et 2013 concerneraient des biens qui n'avaient pas ouvert droit à déduction lors de leur acquisition, et seraient ainsi exonérées de TVA en vertu du a du 1° du 3 de l'article 261 du code général des impôts. 15. En ce qui concerne le calcul des encaissements, la requérante fait valoir que les données chiffrées retenues par l'administration s'agissant des périodes 2012 et 2013 sont erronées et que sur la base de ses propres calculs, l'insuffisance de la TVA collectée ne se porte qu'à hauteur de 49 321 euros contre 88 817 euros pour l'année 2012 et fait apparaître un excédent de déclaration de 70 246 euros contre un rappel de 13 275 euros pour l'année 2013. Cependant, si elle produit sa comptabilité en appel, elle n'apporte aucun élément justificatif des sommes qu'elle avance permettant de remettre en cause les rappels opérés par l'administration. 16. Enfin, la société requérante soutient que l'écriture relevée dans le journal d'opérations diverses au 31 décembre 2012 comme transférant une partie des résultats taxables à un taux de 19,6% à 5,5% n'est qu'une erreur de plume qui n'a eu aucune conséquence sur le chiffre d'affaires déclaré à la TVA dès lors qu'aucun chiffre d'affaires n'a été comptabilisé et déclaré au taux de 5,5%. Toutefois, cette circonstance, à la supposer établie, n'a aucune influence sur le bien-fondé des rappels opérés dès lors qu'il résulte de l'instruction que le service n'a pas tenu compte du taux de taxe erroné inscrit en comptabilité. En ce qui concerne la TVA déduite : 17. Aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. - 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. / 2. Le droit à déduction prend naissance lorsque la taxe déductible devient exigible chez le redevable. (...) / 3. La déduction de la taxe ayant grevé les biens et les services est opérée par imputation sur la taxe due par le redevable au titre du mois pendant lequel le droit à déduction a pris naissance. II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas :/a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures (...) ;/c) Celle qui est acquittée par les redevables eux-mêmes lors de l'achat ou de la livraison à soi-même des biens ou des services ; (...)/ 2. La déduction ne peut pas être opérée si les redevables ne sont pas en possession soit desdites factures, (...) (...) ". 18. La société requérante soutient que l'administration lui a reproché, à tort, d'avoir comptabilisé de la TVA déductible à raison de la TVA inscrite en compte 44586 " TVA sur factures non parvenues ", pour des sommes de 3 380 euros et 57 400 euros, respectivement au 31 décembre 2012 et 31 décembre 2013, et ce sans procéder au contrôle des fournisseurs ou des fournitures en cause. Toutefois, et alors qu'elle supporte la charge de la preuve, elle ne justifie pas des factures, ni de tout autre document, de nature à lui permettre de procéder à la déduction de cette TVA. Par suite, ce moyen doit être écarté. Sur les pénalités : 19. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; ". 20. D'une part, la société requérante reprend en appel, sans critique du jugement et sans élément nouveau, le moyen tiré de l'insuffisante motivation des pénalités fiscales qui lui ont été appliquées. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges. 21. D'autre part, il résulte de l'instruction qu'eu égard à l'importance des sommes rectifiées, au fait que la société a déjà fait l'objet d'une précédente procédure de vérification s'étant soldée par des rappels de TVA pour déduction par anticipation notamment, l'administration a pu légalement faire application de la pénalité de 40 % pour manquement délibéré, quand bien même il résulte de l'instruction que la société contrôlée n'a pas eu l'intention de placer une partie des prestations réalisées sous le régime du taux de TVA à 5,5% au lieu d'un taux à 19,6%. 22. Il résulte de tout ce qui précède que la SELARL Malmezat Prat, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL Signoret Jean-Louis, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande de décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2012 au 9 juillet 2014 en droits, intérêts de retard et pénalités pour un montant de 326 695 euros. Sur les conclusions relatives aux frais de l'instance : 23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement d'une quelconque somme à la SELARL Malmezat-Prat au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. DECIDE : Article 1 : La requête de la SELARL Malmezat-Prat agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société Signoret Jean-Louis est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à SELARL Malmezat-Prat agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société Signoret Jean-Louis et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Une copie en sera adressée à la direction régionale du contrôle fiscal du Sud-ouest. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023 à laquelle siégeaient : Mme Elisabeth Jayat, présidente, M. Ellie, premier conseiller, Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère, Rendu public par mise à disposition au greffe 21 novembre 2023. La rapporteure, Héloïse A... La présidente, Elisabeth JayatLa greffière, Virginie Santana La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. 2 N°21BX02660 |
CETATEXT000048452275 | J3_L_2023_11_00021BX02701 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/22/CETATEXT000048452275.xml | Texte | CAA de BORDEAUX, 5ème chambre, 21/11/2023, 21BX02701, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-21 00:00:00 | CAA de BORDEAUX | 21BX02701 | 5ème chambre | plein contentieux | C | Mme JAYAT | HASENOHRLOVA-SILVAIN | Mme Edwige MICHAUD | M. GUEGUEIN | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société Technical Systems SRO a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2013. Par un jugement n°1902758 du 29 avril 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 29 juin 2021, la société Technical Systems SRO, représentée par Me Hasenohrlova, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 29 avril 2021 ; 2°) d'annuler la décision du 11 février 2019 par laquelle la direction spécialisée du contrôle fiscal a rejeté sa réclamation formée à l'encontre des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période comprise entre le 1er janvier 2010 et le 31 décembre 2013. Elle soutient que : - la décision du 11 février 2019 a été prise par une autorité incompétente ; - elle méconnaît les articles 256 A, 259 et 283 du code général des impôts dès lors que son activité n'est pas imposable à la taxe sur la valeur ajoutée en France. Par un mémoire en défense, enregistré le 21 décembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par la société Technical Systems SRO ne sont pas fondés. Par ordonnance du 10 mars 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 31 mars 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la Convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République socialiste tchécoslovaque tendant à éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur les revenus, signée à Paris le 1er juin 1973 ; - la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ; - le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Michaud, - les conclusions de M. Gueguein, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. La société Technical Systems SRO est une société de droit slovaque, créée en 2008, ayant son siège social déclaré à Pieštany en Slovaquie et dont l'associée unique est une ressortissante slovaque. Le gérant de cette société est un ressortissant slovaque, M. B... A.... Cette société a développé une activité de sous-traitance de pose de panneaux photovoltaïques sur le territoire français pour le compte d'entreprises françaises notamment entre 2010 et 2013. En 2015, elle a fait l'objet d'une vérification générale de comptabilité qui a porté sur la période du 3 janvier 2008 au 31 décembre 2013. À l'issue des opérations de contrôle, le service l'a informée, par une proposition de rectification du 30 mai 2016, de son intention de l'assujettir à la taxe sur la valeur ajoutée à raison des prestations de services réalisées en France entre le 1er janvier 2010 et le 31 décembre 2013. Au terme de la procédure, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée augmentés de majorations et de pénalités lui ont été réclamés selon la procédure de taxation d'office, pour les montants de 320 665 euros au titre de l'année 2010, 877 918 euros au titre de l'année 2011, 770 177 euros au titre de l'année 2012 et 165 071 euros au titre de l'année 2013, soit un total de 2 133 821 euros. Par une décision du 11 février 2019, l'administration fiscale a rejeté la réclamation formée par la société Technical Systems SRO à l'encontre de ces rappels de taxe sur la valeur ajoutée. Par un jugement du 29 avril 2021, dont la société Technical Systems SRO fait appel, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande de la société tendant à la décharge de ces rappels de taxe. 2. En premier lieu, les vices qui entachent la décision par laquelle la réclamation d'un contribuable est rejetée sont sans influence sur le bien-fondé de l'imposition contestée ou sur la régularité de la procédure d'établissement de cette imposition. Il suit de là que le moyen tiré de l'incompétence du fonctionnaire du signataire de la décision de rejet de la réclamation de la société est inopérant. 3. En second lieu, aux termes de l'article 256 A du code général des impôts : " Sont assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée les personnes qui effectuent de manière indépendante une des activités économiques mentionnées au cinquième alinéa, quels que soient le statut juridique de ces personnes, leur situation au regard des autres impôts et la forme ou la nature de leur intervention. / (...) / Les activités économiques visées au premier alinéa se définissent comme toutes les activités de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, y compris les activités extractives, agricoles et celles des professions libérales ou assimilées. (...) ". Aux termes de l'article 259 du même code : " Le lieu des prestations de services est situé en France : 1° Lorsque le preneur est un assujetti agissant en tant que tel et qu'il a en France : a) Le siège de son activité économique, (...) ". Aux termes de l'article 283 du même code : " 1. Aux termes de l'article 283 du même code : " 1. La taxe sur la valeur ajoutée doit être acquittée par les personnes qui réalisent les opérations imposables, sous réserve des cas visés aux articles 275 à 277 A où le versement de la taxe peut être suspendu. (...). 2. Lorsque les prestations mentionnées au 1° de l'article 259 sont fournies par un assujetti qui n'est pas établi en France, la taxe doit être acquittée par le preneur. (...) ". 4. Il résulte de ces dispositions que lorsque le lieu des prestations de services se trouve en France parce qu'elles sont fournies à des assujettis remplissant les conditions définies à l'article 259 du code général des impôts, le redevable de la taxe sur la valeur ajoutée afférente est le prestataire qui les fournit s'il est lui-même établi en France. Doit être regardé comme tel le prestataire qui a en France un établissement stable depuis lequel les prestations sont fournies et qui présente un degré suffisant de permanence et une structure apte, du point de vue de l'équipement humain et technique, à rendre possibles, de manière autonome, les prestations de services considérées. Dès lors que celles-ci peuvent être rattachées à un tel établissement, il n'y a pas lieu de rechercher si ce rattachement est fiscalement plus rationnel qu'un rattachement au siège de l'activité économique du prestataire. 5. D'une part, une vérification de comptabilité de la société Technical Systems SRO a été opérée entre le 4 février 2015 et le 25 mai 2016 au domicile du gérant de cette société situé à Lormont en Gironde et une demande d'assistance administrative a été adressée aux autorités administratives slovaques le 19 mars 2015 sur le fondement de l'article 28 de la convention fiscale entre la France et la Tchécoslovaquie signée le 1er juin 1973 à laquelle les autorités slovaques ont répondu le 31 décembre 2015. Les renseignements que l'administration a recueillis à l'occasion de cette opération ont révélé que cette société travaille depuis 2010 sur le territoire français pour des entreprises françaises dans le cadre de contrats de sous-traitance, de sorte qu'entre 2010 et 2013, la part du chiffre d'affaires de l'entreprise réalisé en France était supérieure à 98%. Il en ressort également que le gérant de la société requérante et sa compagne, directrice administrative et commerciale de la société, résidaient ensemble au cours de la période vérifiée à une adresse située à Lormont en Gironde, depuis laquelle étaient rédigés en français les devis, contrats et factures de cette entreprise. Il résulte également de l'instruction et notamment des indications non utilement contredites sur ces points de la proposition de rectification du 30 mai 2016, que selon les statuts de la société, l'organe statutaire de la société est son gérant, seul habilité à agir et à signer des documents au nom de la société de manière autonome, que l'activité de pose de panneaux photovoltaïques en France ne nécessitait aucune structure en Slovaquie, que les entreprises françaises pour le compte desquelles travaillait la société requérante fournissaient sur place l'essentiel des matériaux, que la gestion administrative et commerciale de la société s'exerçait à partir du domicile personnel de M. A... situé à Lormont, que ce dernier signait tous les contrats pour lesquels il s'engageait au nom de la société et qu'en sa qualité de dirigeant de la société, il a exercé de manière permanente sur l'intégralité de la procédure vérifiée, ses pouvoirs de direction depuis la France, et en particulier depuis son adresse personnelle à Lormont. Par ailleurs, il résulte également de l'instruction que la directrice administrative et commerciale, qui parle couramment le français, était l'interlocutrice des clients de l'entreprise, s'occupait du suivi des documents contractuels, et organisait également l'intervention, le détachement et l'hébergement de salariés slovaques détachés pour réaliser des prestations en France. Les éléments produits par la société requérante concernant la situation personnelle de son gérant et ses intérêts en Slovaquie ne suffisent pas à contredire les affirmations de l'administration fiscale qui ressortent des opérations de vérification, d'autant que le ministre des finances slovaque indique, dans un courrier du 10 mars 2020 adressé à son homologue français, que le gérant de la société requérante a le centre de ses intérêts économiques en France. Dans ces conditions, et alors même que le siège social et le compte bancaire de l'entreprise ont été fixés en Slovaquie, pays dans lequel réside son associé unique et se tiennent ses assemblées générales, que les déclarations fiscales de la société ont été déposées en Slovaquie au titre des exercices 2008 à 2013, que la société fournissait la main d'œuvre d'origine slovaque et aurait acquitté un impôt slovaque sur les sociétés, la société Technical Systems SRO doit être regardée comme disposant d'un établissement stable situé en France présentant un degré suffisant de permanence et une structure apte, du point de vue de l'équipement humain et technique, à rendre possibles, de manière autonome, les prestations de services considérées. 6. D'autre part, il est constant que les entreprises pour le compte desquelles la société requérante a travaillé en France entre 2010 et 2013 ont la qualité de preneur assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée ayant le siège de leur activité économique en France au sens du 1° de l'article 289 du code général des impôts. Par ailleurs, il résulte du point précédent que le prestataire, à savoir la société requérante, est établie en France. Il en résulte que la société requérante était redevable de la taxe sur la valeur ajoutée au titre des années 2010 à 2013. 7. Il résulte de ce qui a été dit aux points 3 à 6 que c'est à bon droit que l'administration fiscale a estimé que la société Technical Systems SRO était redevable de la taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2013. 8. Il résulte de tout ce qui précède que la société Technical Systems SRO n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. DECIDE : Article 1er : La requête de la société Technical Systems SRO est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Technical Systems SRO et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023 à laquelle siégeaient : Mme Elisabeth Jayat, présidente, M. Sébastien Ellie, premier conseiller, Mme Edwige Michaud, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2023. La rapporteure, Edwige MichaudLa présidente, Elisabeth Jayat La greffière, Virginie Santana La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. 2 N° 21BX02701 |
CETATEXT000048452276 | J3_L_2023_11_00021BX02702 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/22/CETATEXT000048452276.xml | Texte | CAA de BORDEAUX, 5ème chambre, 21/11/2023, 21BX02702, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-21 00:00:00 | CAA de BORDEAUX | 21BX02702 | 5ème chambre | plein contentieux | C | Mme JAYAT | HASENOHRLOVA-SILVAIN | Mme Edwige MICHAUD | M. GUEGUEIN | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société Technical Systems SRO a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge des rappels de cotisations sur la valeur ajoutée des entreprises qui lui ont été réclamés au titre des années 2011 et 2012. Par un jugement n°1902886 du 29 avril 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 29 juin 2021, la société Technical Systems SRO, représentée par Me Hasenohrlova, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 29 avril 2021 ; 2°) d'annuler la décision du 18 février 2019 par laquelle la direction spécialisée du contrôle fiscal a rejeté sa réclamation formée à l'encontre des rappels de cotisations sur la valeur ajoutée des entreprises qui lui ont été réclamés au titre des années 2011 et 2012. Elle soutient que : - la décision du 18 février 2019 a été prise par une autorité incompétente ; - elle méconnaît les articles 1586 ter et 1447 du code général des impôts ; - elle méconnaît les articles 4 et 7 de la convention fiscale entre la France et la Tchécoslovaquie du 1er juin 1973. Par un mémoire en défense, enregistré le 21 décembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par la société Technical Systems SRO ne sont pas fondés. Par ordonnance du 10 mars 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 31 mars 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la Convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République socialiste tchécoslovaque tendant à éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur les revenus, signée à Paris le 1er juin 1973 ; - le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme A..., - les conclusions de M. Gueguein, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. La société Technical Systems SRO est une société de droit slovaque créée en 2008 ayant son siège social déclaré à Pieštany en Slovaquie. Elle a exercé une activité de sous-traitance de pose de panneaux photovoltaïques sur le territoire français pour le compte d'entreprises françaises notamment entre 2010 et 2013. Elle a fait l'objet d'une vérification générale de comptabilité entre le 4 février 2015 et le 25 mai 2016 qui a porté sur la période du 3 janvier 2008 au 31 décembre 2013. À l'issue des opérations de contrôle, le service l'a informée, par une proposition de rectification du 30 mai 2016, de son intention de l'imposer à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises au titre des années 2011 et 2012, à raison des prestations de services réalisées en France. Au terme de la procédure, des rappels de cotisations sur la valeur ajoutée des entreprises ont été mis en recouvrement, pour un total de 26 532 euros. Par une décision du 18 février 2019, l'administration fiscale a rejeté la réclamation formée par la société Technical Systems SRO à l'encontre de ces rappels de cotisations sur la valeur ajoutée des entreprises. Par un jugement n°1902886 du 29 avril 2021, dont la société fait appel, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande de la société Technical Systems SRO tendant à la décharge de ces rappels. 2. En premier lieu, les vices qui entachent la décision par laquelle la réclamation d'un contribuable est rejetée sont sans influence sur le bien-fondé de l'imposition contestée ou sur la régularité de la procédure d'établissement de cette imposition. Il suit de là que le moyen tiré de l'incompétence du fonctionnaire signataire de la décision de rejet de la réclamation de la société est inopérant. 3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 1447-0 du code général des impôts dans sa version applicable au litige : " Il est institué une contribution économique territoriale composée d'une cotisation foncière des entreprises et d'une cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. ". Aux termes de l'article 1586 ter du code général des impôts dans sa version applicable au litige : " I. - Les personnes (...) morales (...) qui exercent une activité dans les conditions fixées aux articles 1447 et 1447 bis et dont le chiffre d'affaires est supérieur à 152 500 € sont soumises à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. (...) ". Aux termes de l'article 1447 du même code dans sa version applicable au litige : " I. - La cotisation foncière des entreprises est due chaque année par les personnes (...) morales, (...) qui exercent à titre habituel une activité professionnelle non salariée. (...). III. - Les personnes et sociétés mentionnées au I ne sont pas soumises à la cotisation foncière des entreprises à raison de leurs activités qui ne sont assujetties ni à l'impôt sur les sociétés ni à l'impôt sur le revenu en raison des règles de territorialité propres à ces impôts. ". 4. Il est constant que la société requérante a exercé en France en 2011 et 2012 une activité professionnelle non salariée et que le montant de son chiffre d'affaires pour les opérations réalisées en France au titre de chacune de ces deux années a été supérieur à 152 500 euros. Par suite, le moyen tiré de ce que la société ne remplirait pas les conditions d'assujettissement prévues par les dispositions précitées des articles 1586 ter et 1447 du code général des impôts doit être écarté. 5. En troisième lieu, aux termes de l'article 2 de la Convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République socialiste tchécoslovaque tendant à éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur les revenus, signée à Paris le 1er juin 1973 : " Impôts visés. 1. La présente Convention s'applique aux impôts sur le revenu et sur la fortune perçus dans chacun des deux Etats contractants, quel que soit le système de perception. 2. Sont considérés comme impôts sur le revenu et sur la fortune, les impôts perçus sur le revenu total, sur la fortune totale, ou sur des éléments du revenu ou de la fortune, y compris les impôts sur les gains provenant de l'aliénation de biens mobiliers ou immobiliers, et les impôts sur les plus-values. 3. Les impôts actuels auxquels s'applique la Convention sont : A. - En ce qui concerne la France : a) L'impôt sur le revenu ; b) L'impôt sur les sociétés, y compris toute retenue à la source, tout précompte ou tout versement anticipé afférents aux impôts visés ci-dessus ; c) La contribution des patentes. (...). 4. La Convention s'appliquera aussi aux impôts futurs de nature identique ou analogue qui s'ajouteraient aux impôts actuels ou qui les remplaceraient. Les autorités compétentes des Etats contractants se communiqueront les modifications apportées à leurs législations fiscales respectives. ". Aux termes de l'article 4 de cette même convention : " Domicile fiscal. 1. Pour l'application de la présente Convention, une personne est considérée comme domiciliée dans un Etat contractant quand cette personne est assujettie à l'impôt dans cet Etat, en raison de son domicile, de son siège de direction ou de tout autre critère de nature analogue. (...). Lorsque, selon les dispositions du paragraphe 1, une personne autre qu'une personne physique est considérée comme domiciliée dans chacun des Etats contractants, elle est réputée domiciliée dans l'Etat contractant où se trouve son siège de direction effective. ". Aux termes de l'article 5 de cette convention : " 1. Au sens de la présente Convention, l'expression " établissement stable " désigne une installation fixe d'affaires où l'entreprise exerce tout ou partie de son activité. 2. L'expression " établissement stable " comprend notamment : a) Un siège de direction ; b) Une succursale ; c) Un bureau ; ". Aux termes de l'article 7 de cette même convention : " Bénéfices des entreprises. 1. Les bénéfices d'une entreprise d'un Etat contractant ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l'entreprise n'exerce son activité dans l'autre Etat contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé. Si l'entreprise exerce son activité d'une telle façon, les bénéfices de l'entreprise sont imposables dans l'autre Etat mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables audit établissement stable. (...) ". 6. Les renseignements que l'administration a recueillis à l'occasion de l'opération de vérification rappelée au point 1 ont révélé que la société requérante travaille depuis 2010 sur le territoire français pour des entreprises françaises dans le cadre de contrats de sous-traitance, de sorte qu'entre 2010 et 2013, la part du chiffre d'affaires de l'entreprise réalisé en France était supérieure à 98%. Il en ressort également que le gérant de la société requérante et sa compagne, directrice administrative et commerciale de la société, résidaient ensemble au cours de la période vérifiée, à une adresse située à Lormont en Gironde, depuis laquelle étaient rédigés en français les devis, contrats et factures de cette entreprise. Il résulte de l'instruction et notamment des éléments non utilement contestés sur ces points de la proposition de rectification du 30 mai 2016 que le gérant de la société Technical Sytems SRO signait tous les contrats pour lesquels il s'engageait au nom de la société, que l'activité de pose de panneaux photovoltaïques en France ne nécessitait aucune structure en Slovaquie et que les entreprises françaises pour le compte desquelles travaillait cette société fournissaient sur place l'essentiel des matériaux. Par ailleurs, la directrice administrative et commerciale, était l'interlocutrice des clients de l'entreprise, s'occupait du suivi des documents contractuels, et organisait l'intervention, le détachement et l'hébergement de salariés slovaques pour réaliser des prestations en France. Dans ces conditions, la société requérante doit être regardée comme disposant d'un bureau en France où elle exerce tout ou partie de son activité. Ainsi, et alors même que le siège social et le compte bancaire de l'entreprise ont été fixés en Slovaquie, pays dans lequel réside son associée unique et se tiennent ses assemblées générales, que les déclarations fiscales de la société ont été déposées en Slovaquie au titre des exercices 2008 à 2013, que la société fournissait la main d'œuvre d'origine slovaque et aurait acquitté un impôt slovaque sur les sociétés, la société Technical Systems SRO doit être regardée comme exerçant son activité en France par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé, au sens des stipulations précitées. C'est donc à bon droit que l'administration fiscale a estimé que les bénéfices imputables à cet établissement devaient être assujettis à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises au titre des années 2011 et 2012. 7. Il résulte de ce qui précède que la société Technical Systems SRO n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. DECIDE : Article 1er : La requête de la société Technical Systems SRO est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Technical Systems SRO et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023 à laquelle siégeaient : Mme Elisabeth Jayat, présidente, M. Sébastien Ellie, premier conseiller, Mme Edwige Michaud, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2023. La rapporteure, Edwige A...La présidente, Elisabeth Jayat La greffière, Virginie Santana La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. 2 N° 21BX02702 |
CETATEXT000048452277 | J3_L_2023_11_00021BX02945 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/22/CETATEXT000048452277.xml | Texte | CAA de BORDEAUX, 5ème chambre, 21/11/2023, 21BX02945, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-21 00:00:00 | CAA de BORDEAUX | 21BX02945 | 5ème chambre | plein contentieux | C | Mme JAYAT | GARITEY | M. Sébastien ELLIE | M. GUEGUEIN | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. et Mme A... ont demandé au tribunal administratif de la Martinique de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2014, 2015 et 2016 ainsi que des intérêts et majorations correspondants. Par un jugement n° 2000580 du 17 mai 2021, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté la demande de M. et Mme A.... Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 9 juillet 2021, M. et Mme A..., représentés par Me Garitey, demandent à la cour : 1°) d'annuler le jugement du 17 mai 2021 ; 2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2014, 2015 et 2016 ; 3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que : - le jugement est irrégulier en ce qu'il a omis de se prononcer sur le moyen tiré du caractère irrégulier de la procédure suivie en méconnaissance du guide pratique des décisions administratives, opposable à l'administration en vertu de l'article L. 312-3 du code des relations entre le public et l'administration ; - les propositions de rectification qui leur ont été adressées ne mentionnaient pas la possibilité de former un recours hiérarchique ; - la procédure de vérification de la comptabilité de la SCI Ore est irrégulière, en ce que les garanties générales de la procédure contradictoire n'ont pas été respectées. Par deux mémoires enregistrés le 23 décembre 2021 et le 11 septembre 2023, ce dernier n'ayant pas été communiqué, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés sont infondés. Par une ordonnance du 30 août 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 22 septembre 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des impôts ; - le livre des procédures fiscales ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Sébastien Ellie ; - les conclusions de M. Stéphane Gueguein, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. et Mme A... ont fait l'objet d'un contrôle sur pièces de leurs déclarations de revenus des années 2014, 2015 et 2016 à l'issue duquel l'administration fiscale a, après envoi de propositions de rectification n° 2120 des 12 décembre 2017 (revenus 2014) et 17 juillet 2018 (revenus 2015 et 2016), rehaussé la base d'imposition sur le revenu en raison de la réintégration de leurs revenus fonciers provenant de la SCI Ore dont ils détiennent chacun 50% des parts, et de pensions alimentaires et réductions et crédits d'impôt estimés non justifiés. Les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux pour les années 2014 à 2016 ont été mises en recouvrement pour un montant total de 73 038 euros. M. et Mme A... demandent à la cour d'annuler le jugement du 17 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de la Martinique a rejeté leur requête tendant à la décharge de l'ensemble des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à leur charge. Sur la régularité du jugement : 2. Il résulte de l'instruction que le tribunal administratif ne s'est pas prononcé sur le moyen, repris en appel, tiré de ce que la procédure suivie était irrégulière en ce que l'administration fiscale n'a pas indiqué au requérant la possibilité de former un recours hiérarchique, en méconnaissance des dispositions du guide pratique de la décision administrative, opposable aux administrés en application de l'article L. 312-3 du code des relations entre le public et l'administration. Toutefois, les requérants ne peuvent utilement invoquer le " guide pratique de la prise de décision administrative " publiée par la préfecture du Nord qui, s'il indique qu'il convient de mentionner les possibilités de recours hiérarchique contre une décision, ne décrit toutefois pas cette mention comme une condition de la régularité de la décision mais rappelle seulement que l'absence de mention des voies et délais de recours a une incidence sur la recevabilité des recours dirigés contre la décision. Ainsi, le jugement dont il est fait appel n'est pas entaché d'irrégularité faute de s'être expressément prononcé sur ce moyen inopérant. Sur la régularité de la procédure : 3. En premier lieu, l'administration n'est tenue de faire figurer dans la notification de ses décisions que les délais et voies de recours contentieux ainsi que les délais de recours administratifs préalables obligatoires. Aucune disposition législative ou réglementaire, avant comme après l'entrée en vigueur des dispositions de l'article L. 54 C du livre des procédures fiscales, le 12 août 2018, n'impose à l'administration fiscale de faire mention dans la proposition de rectification, de la possibilité de former un recours hiérarchique. M. et Mme A... ne peuvent non plus utilement invoquer le " guide pratique de la prise de décision administrative ", ainsi qu'il a été dit au point 1 du présent arrêt. Enfin, les requérants ne peuvent invoquer, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, le contenu du paragraphe n°480 de la doctrine référencée BOI-CF-PGR-30-10 qui est relatif à la procédure administrative et ne peut, par suite, être regardé comme comportant une interprétation du texte fiscal au sens de l'article L. 80 A. Les requérants ne sont donc pas fondés à soutenir que la procédure suivie par l'administration fiscale était irrégulière en ce que les propositions de rectification qui leur ont été adressées ne mentionnaient pas la possibilité de former un recours hiérarchique. 4. En deuxième lieu, il ne résulte pas de l'instruction que l'administration fiscale aurait procédé à une vérification de comptabilité de la SCI Ore, dès lors qu'aucune pièce du dossier ne fait ressortir un contrôle de la SCI elle-même, la rectification des revenus fonciers des requérants résultant, ainsi que le fait valoir l'administration et ainsi qu'il résulte de l'instruction, du simple rapprochement entre les déclarations de revenus de M. et Mme A..., d'une part, et les déclarations de revenus de la SCI, d'autre part. La seule circonstance que l'administration était en possession des bilans de la SCI Ore, sans qu'elle procède à l'examen des écritures comptables au regard de pièces justificatives des opérations retracées dans la comptabilité afin d'en vérifier la régularité et la sincérité, ne permet pas de considérer qu'elle aurait procédé à la vérification de la comptabilité de cette société. Par suite, les garanties de procédure propres au contrôle de la comptabilité d'une société n'avaient pas à être mises en œuvre par l'administration fiscale. 5. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) / Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée ". Comme l'ont relevé les premiers juges, les requérants sont réputés avoir tacitement accepté les propositions de rectification en litige, dès lors qu'ils n'ont apporté à l'appui de leur recours, aucun élément de nature à laisser croire qu'ils auraient été reçus par l'administration postérieurement à la notification des propositions de rectification et qu'ils auraient alors manifesté leur désaccord sur les rectifications pour les années 2015 et 2016. L'administration fiscale n'avait donc pas à adresser à M. et Mme A... une lettre en réponse aux observations des contribuables faisant suite à la proposition de rectification. 6. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à demander la décharge en droits et pénalités des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2014, 2015 et 2016. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Une copie en sera adressée à la direction régionale du contrôle fiscal du Sud-ouest. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023 où siégeaient : Mme Elisabeth Jayat, présidente, M. Sébastien Ellie, premier conseiller, Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2023. Le rapporteur, Sébastien Ellie La présidente, Elisabeth Jayat La greffière, Virginie Santana La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. 2 N°21BX02945 |
CETATEXT000048452278 | J3_L_2023_11_00021BX03331 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/22/CETATEXT000048452278.xml | Texte | CAA de BORDEAUX, 5ème chambre, 21/11/2023, 21BX03331, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-21 00:00:00 | CAA de BORDEAUX | 21BX03331 | 5ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme JAYAT | BAROCHE | M. Sébastien ELLIE | M. GUEGUEIN | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société à responsabilité limitée (SARL) Le Potager Gourmand a demandé au tribunal administratif de La Réunion de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ainsi que des pénalités correspondantes mis à sa charge au titre des exercices clos en 2013, 2014 et 2015. M. B... A..., gérant de la SARL Le Potager Gourmand, a demandé au tribunal de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux et des pénalités correspondantes mis à sa charge au titre de l'année 2013. M. et Mme A... ont demandé au tribunal de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux et des pénalités correspondantes mis à leur charge au titre des années 2014 et 2015. Par un jugement n° 1901451, 1901413 et 1901414 du 15 juin 2021, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté ces trois demandes. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés le 3 août 2021 et le 15 mars 2022, la SARL Le Potager Gourmand et M. et Mme A..., représentés par la SAS Baroche et Associés, demandent à la cour : 1°) d'annuler le jugement du 15 juin 2021 ; 2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels la SARL Le Potager Gourmand a été assujettie au titre des exercices clos en 2013, 2014 et 2015 ; 3°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux auxquels M. et Mme A... ont été assujettis au titre des années 2013, 2014 et 2015 ; 4°) de prononcer le paiement des intérêts moratoires en faveur de la SARL Le Potager Gourmand et de M. et Mme A... pour la partie des sommes déjà versée à l'administration ; 5°) de mettre à la charge de l'État une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que : - la procédure de rectification est irrégulière dès lors que : o le chiffre d'affaires de la société a été reconstitué à partir d'éléments correspondant à un exercice qui ne faisait pas l'objet de la vérification et qu'ils n'ont pas bénéficié d'un délai suffisant pour se faire assister par un conseil, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales ; o les propositions de rectification du 11 octobre 2016 adressées à M. et Mme A... sont insuffisamment motivées en méconnaissance des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ; - la rectification est infondée, dès lors que : o la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires de la société est sommaire et aboutit à des résultats exagérés ; o l'administration fiscale n'a pas tenu compte du régime des travailleurs non-salariés applicable à M. A..., la partie des revenus dépassant 10% du capital social devant être intégrée dans l'assiette des cotisations sociales dues au titre des revenus d'activité ; - les pénalités sont infondées dès lors que l'administration n'apporte pas la preuve d'un manquement délibéré des requérants dans leurs déclarations d'impôts, en méconnaissance des dispositions de l'article 1729 du code général des impôts. Par deux mémoires enregistrés le 17 février 2022 et le 3 juillet 2023, ce dernier n'ayant pas été communiqué, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés sont infondés. Par une ordonnance du 16 mai 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 17 juillet 2023. Vu les autres pièces du dossier. - Vu : - le code de l'action sociale et des familles ; - le code général des impôts ; - le livre des procédures fiscales ; - le code de la sécurité sociale ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Sébastien Ellie ; - les conclusions de M. Stéphane Gueguein, rapporteur public Considérant ce qui suit : 1. La société à responsabilité limitée (SARL) Le Potager Gourmand, détenue par M. et Mme A..., a fait l'objet d'une vérification de comptabilité de son activité de vente de fruits et légumes pour la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015. À l'issue de ce contrôle, le service vérificateur lui a notifié, par une proposition de rectification du 28 juillet 2016, des suppléments d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour un montant de 326 612 euros. Il a également notifié à M. et Mme A..., par deux propositions de rectification du 11 octobre 2016, des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre de l'année 2013 et des années 2014 et 2015, pour un montant total de 505 643 euros. La SARL Le Potager Gourmand et M. et Mme A... demandent à la cour d'annuler le jugement du 15 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de la Réunion a rejeté leurs demandes tendant à la décharge de l'ensemble de ces impositions, en droits et pénalités. Sur la régularité de la procédure : 2. Aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction alors en vigueur : " (...) une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. / Cet avis doit préciser les années soumises à vérification (...) ". 3. En premier lieu, il est constant qu'un avis de vérification a été remis en main propre à M. A..., gérant de la SARL Le Potager Gourmand, le 20 mai 2016, pour l'informer de l'engagement d'une vérification de la comptabilité de la société portant sur les exercices clos en 2013, 2014 et 2015. Par ailleurs, ainsi que l'ont jugé à bon droit les premiers juges, la vérification peut sans irrégularité porter sur un exercice non mentionné sur l'avis de vérification, dès lors que ce contrôle s'avère utile à la vérification de la période indiquée sur cet avis et que les redressements notifiés n'ont concerné que cette période. Ainsi, la circonstance que les investigations menées par le service ont porté sur des opérations effectuées au cours des mois de mai et juin 2016 qui n'étaient pas visées par l'avis de vérification n'entache pas d'irrégularité la procédure d'imposition. 4. En deuxième lieu, pour apprécier si le délai s'écoulant entre la réception de l'avis et le début de la vérification fiscale est suffisant pour permettre au contribuable de se faire assister par le conseil de son choix, il y a lieu de ne tenir compte, dans la computation de ce délai, ni du jour de la réception de l'avis, ni de celui marquant le début des opérations de contrôle fiscal. Il y a lieu également d'exclure les samedis, dimanches et jours fériés. Les requérants, qui ont reçu l'avis de vérification le vendredi 20 mai 2016 pour une première opération de contrôle le 27 mai 2016, ont disposé d'un délai de quatre jours ouvrés, du lundi 23 mai au jeudi 26 mai 2016, pour recourir aux services du conseil de leur choix, délai suffisant au sens des dispositions de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales. 5. En dernier lieu, l'article L. 57 du livre des procédures fiscales dispose que : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée ". Il résulte de ces dispositions que l'administration doit indiquer au contribuable, dans la proposition de rectification, les motifs et le montant des rehaussements envisagés, leur fondement légal et la catégorie de revenus dans laquelle ils sont opérés, ainsi que les années d'imposition concernées. Hormis le cas où elle se réfère à un document qu'elle joint à la proposition de rectification ou à la réponse aux observations du contribuable, l'administration peut satisfaire cette obligation en se bornant à se référer aux motifs retenus dans une proposition de rectification, ou une réponse à ses observations, consécutive à un autre contrôle et qui lui a été régulièrement notifiée, à la condition qu'elle identifie précisément la proposition ou la réponse en cause et que celle-ci soit elle-même suffisamment motivée. 6. Il résulte de l'instruction que la SARL Le Potager Gourmand s'est vu notifier une proposition de rectification comportant les motifs et le montant des rehaussements envisagés, leur fondement légal et la catégorie de revenus dans laquelle ils étaient opérés, ainsi que les années d'imposition concernées. Contrairement à ce que soutient la société requérante, la proposition de rectification comporte les bases de calcul des rappels de TVA, année par année ainsi que le taux applicable de 2,10%. 7. Les propositions de rectification adressées à M. et Mme A... le 11 octobre 2016 indiquent que le rehaussement est fondé sur la vérification de comptabilité de la société, faisant ressortir des distributions liées à des recettes non déclarées sur les exercices clos de 2013 à 2015, l'administration ajoutant que la société n'avait pas présenté de comptabilité sincère et probante. Elles mentionnent l'article 109-1-1° du code général des impôts, fondement légal de la rectification et indiquent que ces sommes, précisément détaillées par année, entrent dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers (2013 et 2014) et dans les traitements et salaires (2015). M. A... a en outre reconnu les distributions de revenus réalisées par la société à son profit, en sa qualité de gérant, et les époux A... ont déposé des déclarations de revenus rectificatives dont les éléments ont été repris par les propositions de rectification du 11 octobre 2016 adressées par l'administration fiscale. Celles-ci sont par suite suffisamment motivées au regard des exigences des dispositions précitées, M. et Mme A... ayant disposé dans les circonstances particulières de l'espèce, des informations leur permettant de formuler leurs observations ou de faire connaître leur acceptation. Sur le bien-fondé des impositions en litige : En ce qui concerne la reconstitution du chiffre d'affaires de la société : 8. Aux termes de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales : " Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables ". L'article L. 13 A du même livre dispose que : " Le défaut de présentation de la comptabilité est constaté par procès-verbal que le contribuable est invité à contresigner. Mention est faite de son refus éventuel ". L'article L. 193 du même livre dispose que : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ". Enfin, l'article R. 194-1 du même livre dispose que : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré ". 9. L'administration procède à la vérification de comptabilité d'une entreprise lorsqu'en vue d'assurer l'établissement d'impôts ou de taxes totalement ou partiellement éludés par les intéressés, elle contrôle sur place la sincérité des déclarations fiscales souscrites par cette entreprise ou ce contribuable en les comparant avec les écritures comptables ou les pièces justificatives dont elle prend alors connaissance et dont, le cas échéant, elle peut remettre en cause l'exactitude. En l'absence de données fiables permettant de déterminer les conditions d'exploitation d'exercices vérifiés, il est loisible tant à l'administration fiscale, dans le cadre des opérations de reconstitution de chiffre d'affaires, qu'au contribuable, pour critiquer la reconstitution ainsi opérée, de se référer aux données de l'activité d'exercices antérieurs ou postérieurs, pourvu que les conditions d'exploitation, établies par tout moyen, de ces exercices n'aient pas varié ou qu'elles puissent être ajustées pour tenir compte de leur évolution. Il appartient à la société d'apporter la preuve de l'exagération de l'évaluation faite par l'administration de ses bases d'impositions sans pouvoir se référer, de manière pertinente, à sa comptabilité pour apporter cette preuve. Par ailleurs, l'absence de présentation des pièces justificatives de recettes suffit pour que la comptabilité d'une entreprise soit regardée comme dépourvue de valeur probante. 10. Au regard des documents présentés par la SARL Le Potager Gourmand, qui ne comportaient aucun inventaire des stocks, fichiers d'écritures comptables et justificatifs de recettes, l'administration a valablement pu dresser un procès-verbal constatant le défaut de présentation de la comptabilité de la société et procéder à la reconstitution du chiffre d'affaires au regard d'autres éléments. Pour reconstituer le chiffre d'affaires de la société, l'administration a tout d'abord constaté la faiblesse des paiements en espèces pour ce type de commerces au regard de l'étude des recettes comptabilisées sur la période vérifiée, comparée au ticket récapitulatif dressé par le vérificateur le 1er juin 2016 et du récapitulatif de recettes édités pour le mois de mai 2016. L'administration a ainsi constaté, pour ce dernier mois, une proportion de 69% de paiements en espèces, ces derniers étant 2,21 fois plus importants que les autres modes de paiement. Elle a ainsi appliqué un coefficient de 221,88% aux paiements autres qu'en espèces réalisés sur la période vérifiée. Pour contester la méthode ainsi utilisée, la société se borne à faire valoir que l'administration a procédé à une extrapolation en utilisant des éléments qui ne portent pas sur la période couverte par la vérification, qui reposent sur des constatations réalisées uniquement sur un mois de l'année et sans tenir compte du nombre réel de jours d'ouverture de l'établissement. Ce faisant, elle n'établit pas que cette méthode serait excessivement sommaire ni qu'elle aurait conduit à la détermination d'un coefficient inexact, dès lors que l'administration ne disposait d'aucun document justificatif du détail des recettes journalières, qu'elle est fondée sur l'examen d'un nombre suffisant de ventes au regard des conditions d'exploitation du magasin ouvert tous les jours de l'année et qu'il n'est pas démontré que ces conditions d'exploitation auraient connu une modification sensible entre 2012 et 2016. Dans ces conditions, la société requérante, qui a par ailleurs déposé des déclarations rectificatives d'impôt sur les sociétés mentionnant des bénéfices recalculés au regard de la reconstitution des recettes de la société finalement retenus par l'administration pour établir les impositions en litige, n'apporte pas la preuve que la méthode utilisée par l'administration est excessivement sommaire ni qu'elle aboutit à une évaluation exagérée des bases d'imposition. En ce qui concerne les prélèvements sociaux : 11. L'article L. 136-3 du code de la sécurité sociale soumet les revenus des travailleurs indépendants à la contribution sociale sur les revenus d'activités mentionnée à l'article L. 136-1 du même code, cette contribution étant assise sur le montant brut des traitements, indemnités, émoluments, salaires, allocations, pensions ainsi que le prévoit l'article L. 136-2 de ce code. Aux termes de l'article L. 131-6 du même code : " Les cotisations d'assurance maladie et maternité, d'allocations familiales et d'assurance vieillesse des travailleurs indépendants non agricoles sont assises sur leur revenu d'activité non salarié. (...) Est également prise en compte, dans les conditions prévues au deuxième alinéa, la part (...) des revenus (...) qui est supérieure à 10 % du capital social ". Aux termes du I de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction alors applicable, relatif à la contribution sur les revenus du patrimoine, aux dispositions duquel renvoient directement ou indirectement le I de l'article 1600-0 C du code général des impôts relatif à la contribution sociale généralisée sur les revenus du patrimoine, l'article 1600-0 G du code général des impôts relatif à la contribution pour le remboursement de la dette sociale, l'article L. 1600-0 F bis du code général des impôts relatif au prélèvement social, l'article 1600-0 S du code général des impôts relatif à la contribution additionnelle " solidarité autonomie " et l'article L. 14-10-4 du code de l'action sociale et des familles relatif au prélèvement de solidarité : " Les personnes physiques fiscalement domiciliées en France au sens de l'article 4 B du code général des impôts sont assujetties à une contribution sur les revenus du patrimoine assise sur le montant net retenu pour l'établissement de l'impôt sur le revenu, à l'exception de ceux ayant déjà supporté la contribution au titre des articles L. 136-3, L. 136-4 et L. 136-7 : (...) ". 12. Il résulte de ces dispositions que les revenus tirés d'une activité non salariée sont assujettis à la contribution sociale sur les revenus d'activité dès lors que cette activité est exercée à titre professionnel, que ce soit de manière accessoire ou non. En outre, la part de ces revenus perçue par le gérant majoritaire d'une société à responsabilité limitée, relevant en cette qualité du régime des travailleurs non-salariés non agricoles, doit être regardée, pour son assujettissement aux prélèvements sociaux, comme des revenus d'activité pour leur fraction excédant 10 % du capital social. Cette fraction entrant ainsi dans le champ des contributions portant sur les revenus d'activité, elle ne saurait être soumise à celles assises sur les revenus du patrimoine. 13. En sa qualité de gérant majoritaire d'une SARL, M. A... peut se prévaloir de la qualité de travailleur non-salarié dès lors qu'il ne relève pas des catégories énumérées à l'article L. 311-3 du code de la sécurité sociale affiliées au régime général de la sécurité sociale. Il est ainsi assujetti aux cotisations sociales prévues par les dispositions de l'article L. 131-6 du code de la sécurité sociale, dès lors que ses fonctions de gérant caractérisent en l'espèce une activité professionnelle. Si l'administration fait valoir qu'aucun élément ne permet de considérer que M. A... aurait versé la contribution sociale sur les revenus d'activité et de remplacement prévue par l'article L. 136-3 du code de la sécurité sociale pour les revenus distribués au titre des années 2013 et 2014, une telle situation n'autorise pas l'administration fiscale à faire application d'un autre régime social au gérant majoritaire d'une SARL, sauf à établir que ces revenus doivent être qualifiés de revenus du patrimoine ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Il en résulte que la part des revenus distribués à M. A... pour les années 2013 et 2014 supérieure à 10% du capital social de la société doit être réintégrée à l'assiette des cotisations sociales du gérant due à la sécurité sociale des indépendants. La part du dividende inférieure à 10% du capital social de la société est quant à elle soumise aux prélèvements sociaux à hauteur de 15,5%, taux en vigueur en 2013 et 2014. M. A... est ainsi fondé à soutenir que c'est à tort que l'administration fiscale a imposé les revenus distribués pour les années 2013 et 2014 excédant 10% du capital social comme des revenus du patrimoine. M. A... doit ainsi être déchargé de la somme de 79 042 euros. Sur les pénalités : 14. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt (...) entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré ". La pénalité pour mauvaise foi prévue par ces dispositions a pour seul objet de sanctionner la méconnaissance par le contribuable de ses obligations déclaratives. Pour établir cette mauvaise foi, l'administration doit apporter la preuve, d'une part, de l'insuffisance, de l'inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations et, d'autre part, de l'intention de l'intéressé d'éluder l'impôt. 15. Il résulte de l'instruction que M. A... est le principal associé et gérant de la SARL Le Potager Gourmand, laquelle n'a pas été en mesure de produire une comptabilité sincère et probante. Les contrôles réalisés par l'administration fiscale sur cette société ont fait ressortir une sous-évaluation importante des recettes de cette société, les paiements en espèces n'étant pas systématiquement comptabilisés, ce qui a conduit à un redressement de près de 800 000 euros, pénalités et intérêts de retard inclus. La mauvaise foi des contribuables est suffisamment caractérisée en l'espèce par l'administration en raison de l'importance des revenus non déclarés, de l'absence de comptabilité permettant de retracer les recettes réelles, de l'absence d'inventaire des stocks, ces manquements graves n'étant pas isolés mais au contraire répétés sur les trois années vérifiées par l'administration. Le gérant majoritaire d'une SARL ne saurait se prévaloir de sa méconnaissance du fonctionnement normal de ses obligations administratives et fiscales pour se soustraire au paiement de l'impôt. Le fait que les requérants aient finalement déposé des déclarations rectificatives avant la notification des propositions de rectification ne suffit pas pour écarter les autres éléments précédemment évoqués, dès lors que ces déclarations résultent des opérations de contrôle réalisées en 2016. 16. En revanche, la majoration de 40% ne saurait être appliquée aux cotisations sociales telles que calculées par l'administration, dès lors que les revenus distribués en 2013 et 2014 à M. A... ne pouvaient se voir appliquer le taux de 15,5% applicable aux contributions sociales des salariés, ainsi qu'il a été dit au point 14 du présent arrêt. M. A... est ainsi fondé à demander la décharge de la somme de 31 616 euros, correspondant à 40% de 79 042 euros. 17. Il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé à demander la décharge en droits et pénalités des suppléments de prélèvements sociaux auxquels il a été assujetti au titre des années 2013 et 2014 à hauteur de 110 658 euros. 18. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à verser à M. A... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DÉCIDE : Article 1er : M. A... est déchargé des prélèvements sociaux auxquels il a été assujetti au titre des années 2013 et 2014 et des pénalités correspondantes à hauteur de la somme de 110 658 euros. Article 2 : L'État versera à M. A... une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 4 : Le jugement du 15 juin 2021 est réformé en ce qu'il est contraire au présent arrêt. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Le Potager Gourmand, à M. et Mme B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Une copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal du Sud-ouest. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023 où siégeaient : Mme Elisabeth Jayat, présidente, M. Sébastien Ellie, premier conseiller, Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre2023. Le rapporteur, Sébastien Ellie La présidente, Elisabeth Jayat La greffière, Virginie Santana La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. 2 N°21BX03331 |
CETATEXT000048452279 | J3_L_2023_11_00021BX03447 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/22/CETATEXT000048452279.xml | Texte | CAA de BORDEAUX, 5ème chambre, 21/11/2023, 21BX03447, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-21 00:00:00 | CAA de BORDEAUX | 21BX03447 | 5ème chambre | plein contentieux | C | Mme JAYAT | CABINET KGA AVOCATS | M. Sébastien ELLIE | M. GUEGUEIN | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : L'association du Sporting Langevin a demandé au tribunal administratif de La Réunion de condamner la Ligue réunionnaise de football (LRF) à lui verser la somme de 60 653,14 euros assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation en raison de la faute commise par la ligue qui s'est abstenue d'exécuter la mesure proposée par le conciliateur du Comité national olympique et sportif français (CNOSF). Par un jugement n° 1901600 du 28 juin 2021, le tribunal administratif de La Réunion a condamné la LRF à verser à l'association du Sporting Langevin la somme de 44 260 euros assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts et a rejeté le surplus des conclusions de la requête. Procédure devant la cour : Par une requête et trois mémoires enregistrés les 20 août 2021, 1er avril 2022 et 29 juillet 2022 la Ligue réunionnaise de football, représentée par la SELAS KGA avocats, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du 28 juin 2021 ; 2°) de rejeter la demande de l'association du Sporting Langevin ; 3°) de mettre à la charge de l'association du Sporting Langevin une somme de 6 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la demande est irrecevable en ce que l'association ne justifie pas de la qualité de son président pour la représenter en justice ; - elle est tardive ; - elle n'a pas été précédée d'une demande indemnitaire préalable ; - elle n'a pas été précédée de la saisine préalable du CNOSF ; - la requête méconnait le principe de l'autorité de la chose jugée ; - la créance alléguée était prescrite ; - la demande indemnitaire est infondée en l'absence de faute commise par la LRF, de préjudice subi par l'association et de lien de causalité entre la faute et le préjudice allégués. Par deux mémoires enregistrés les 2 mars 2022 et 8 juin 2022, l'association du Sporting Langevin demande à la cour : 1°) de confirmer le jugement du 28 juin 2021 en ce qu'il a mis à la charge de la LRF la somme de 1 500 euros au titre des frais d'instance ; 2°) de réformer le jugement du 28 juin 2021 pour le surplus et condamner la LRF à lui verser la somme de 60 653,14 euros en réparation du préjudice qu'elle a subi, cette somme étant assortie des intérêts au taux légal à compter du 14 octobre 2014 et de la capitalisation des intérêts ; 3°) de mettre à la charge de la LRF la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, outre les entiers dépens. Elle fait valoir que les moyens soulevés sont infondés. Par une ordonnance du 10 juin 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 25 août 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code du sport ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Sébastien Ellie ; - les conclusions de M. Stéphane Gueguein, rapporteur public ; - et les observations de Me Derouesne représentant la ligue Réunionnaise de football. Considérant ce qui suit : 1. Par une décision du 29 avril 2014, le bureau de la Ligue réunionnaise de football (LRF) a retiré l'association du Sporting Langevin des compétitions officielles de la saison 2014 séniors et jeunes à compter du 30 avril 2014. Le 12 mai 2014, la commission régionale de validation des dossiers a indiqué que les licenciés du club étaient libres de signer dans un nouveau club, en étant dispensés du cachet de mutation. Le conciliateur désigné par le Comité national olympique et sportif français, saisi par l'association du Sporting Langevin, a proposé que la LRF rapporte ces deux décisions. Par une décision du 15 septembre 2014, la LRF a rapporté la décision du 29 avril 2014 et autorisé l'association du Sporting Langevin à participer à nouveau aux compétitions, sous réserve du respect de plusieurs conditions. La LRF demande à la cour d'annuler le jugement du 28 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de La Réunion l'a condamnée à verser à l'association du Sporting Langevin la somme de 44 260 euros en réparation des préjudices qu'elle soutient avoir subis du fait de l'inexécution de cette conciliation. Par la voie de l'appel incident, l'association demande à la cour de réformer le jugement et de condamner la LRF à lui verser la somme de 60 653,14 euros en réparation du préjudice qu'elle a subi. 2. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative dans sa rédaction en vigueur à la date de la réclamation préalable de l'association, le 7 octobre 2014 : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. / Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle ". L'article R. 421-3 du même code, dans sa rédaction en vigueur à la même date, dispose que : " Toutefois, l'intéressé n'est forclos qu'après un délai de deux mois à compter du jour de la notification d'une décision expresse de rejet : 1° En matière de plein contentieux (...) ". Aux termes de l'article R. 421-5 du même code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ". L'article L. 100-3 du code des relations entre le public et l'administration dispose que : " Au sens du présent code et sauf disposition contraire de celui-ci, on entend par : / 1° Administration : les administrations de l'État, les collectivités territoriales, leurs établissements publics administratifs et les organismes et personnes de droit public et de droit privé chargés d'une mission de service public administratif, y compris les organismes de sécurité sociale ; / (...) ". 3. Il résulte de ces dispositions que les articles R. 421-1 et R. 421-5 du code de justice administrative s'appliquent aux décisions prises par les personnes privées participant à l'exécution d'une mission de service public administratif, telle qu'une ligue régionale de football. Le délai pour présenter un recours tendant à la mise en jeu de la responsabilité d'une personne publique n'est opposable qu'à la condition d'avoir été mentionné dans la notification de la décision rejetant la réclamation indemnitaire préalablement adressée à l'administration lorsque cette décision est expresse. Le manquement à l'obligation de mention des voies et délais du recours contentieux a ainsi pour conséquence, en principe, de faire obstacle à ce que le délai à l'intérieur duquel doit être exercé le recours contentieux contre une décision administrative soit opposé au requérant. Toutefois, l'auteur d'un recours juridictionnel tendant à l'annulation d'une décision administrative doit être réputé avoir eu connaissance de la décision qu'il attaque au plus tard à la date à laquelle il a formé son recours. Si un premier recours contre une décision notifiée sans mention des voies et délais de recours a été rejeté, son auteur ne peut introduire un second recours contre la même décision que dans un délai de deux mois à compter de la date d'enregistrement du premier au greffe de la juridiction saisie. En revanche, si une fois expiré ce délai de deux mois, la victime saisit à nouveau le juge d'une demande indemnitaire portant sur la réparation de dommages causés par le même fait générateur, cette demande est tardive et, par suite, irrecevable. Il en va ainsi alors même que ce recours indemnitaire aurait été précédé d'une nouvelle décision administrative de rejet à la suite d'une nouvelle réclamation portant sur les conséquences de ce même fait générateur. 4. Il résulte de l'instruction que l'association du Sporting Langevin a formulé auprès de la LRF, association chargée d'une mission de service public administratif, une demande indemnitaire préalable le 7 octobre 2014, par laquelle elle demandait le versement d'une indemnité de 40 000 euros destinée à réparer l'ensemble de ses préjudices. La LRF a rejeté cette demande par un courrier du 28 octobre 2014, lequel ne mentionnait pas les voies et délai de recours. L'association a contesté cette décision dans le cadre du contentieux introduit devant le tribunal administratif de La Réunion puis la cour administrative d'appel de Paris et ayant donné lieu au jugement n° 1500378 du 20 avril 2017 et à l'arrêt n° 17PA22202 du 4 juillet 2019. Par cet arrêt la cour a rejeté définitivement la demande en raison de son irrecevabilité. Ainsi, l'association requérante ne pouvait pas introduire à nouveau un recours contre la décision du 28 octobre 2014 après rejet de son premier recours par la cour administrative d'appel de Paris, en application des textes précités. Par suite, la LRF est fondée à soutenir que la demande de l'association du Sporting Langevin était tardive et, par suite, irrecevable. 5. Il résulte de ce qui précède que la LRF est fondée à demander l'annulation du jugement du 28 juin 2021, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, et que l'appel incident de l'association du Sporting Langevin doit être rejeté. 6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association du Sporting Langevin la somme de 1 500 euros à verser à la LRF en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n° 1901600 du 28 juin 2021 du tribunal administratif de La Réunion est annulé. Article 2 : La demande présentée par l'association du Sporting Langevin devant le tribunal administratif de La Réunion ainsi que ses conclusions d'appel sont rejetées. Article 3 : L'association du Sporting Langevin versera à la Ligue réunionnaise de football la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la Ligue régionale de football et à l'association du Sporting Langevin. Copie pour information en sera adressée au Comité national olympique et sportif français. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023 où siégeaient : Mme Elisabeth Jayat, présidente, M. Sébastien Ellie, premier conseiller, Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2023. Le rapporteur, Sébastien Ellie La présidente, Elisabeth Jayat La greffière, Virginie Santana La République mande et ordonne à la ministre des sports en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. 2 N°21BX03447 |
CETATEXT000048452280 | J3_L_2023_11_00021BX03488 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/22/CETATEXT000048452280.xml | Texte | CAA de BORDEAUX, 5ème chambre, 21/11/2023, 21BX03488, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-21 00:00:00 | CAA de BORDEAUX | 21BX03488 | 5ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme JAYAT | HUGLO LEPAGE AVOCATS SAS;HUGLO LEPAGE AVOCATS SAS;HUGLO LEPAGE AVOCATS SAS | Mme Edwige MICHAUD | M. GUEGUEIN | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : L'association des habitants de L'Houmée, Mme E... F..., Mme B... C... et M. D... A..., ont demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la preuve de dépôt de déclaration de modification d'une installation classée qui a été délivrée à la société civile immobilière (SCI) La Charente par le préfet de la Charente-Maritime le 24 septembre 2019 ainsi que la décision rejetant implicitement leur recours gracieux exercé le 8 décembre 2019 contre cette preuve de dépôt. Par un jugement n°2000196 du 24 juin 2021, le tribunal administratif de Poitiers a annulé la preuve de dépôt de la déclaration de modification déposée le 24 septembre 2019, a mis à la charge de la SCI La Charente une somme globale de 1 200 euros à verser à l'association des habitants de L'Houmée, Mme E... F..., Mme B... C... et M. D... A... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de la demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés le 25 août 2021 et le 22 juillet 2022, la SCI La Charente, représentée par Me Odah, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 24 juin 2021 ; 2°) de mettre à la charge de l'association des habitants de L'Houmée, de Mme E... F..., de Mme B... C... et de M. D... A..., une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le jugement est irrégulier en ce qu'il ne comporte pas les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont le tribunal administratif de Poitiers a fait application en méconnaissance de l'article R. 741-2 du code de justice administrative ; - le projet n'était pas soumis à une autorisation au titre de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement dès lors que, d'une part, le volume du stockage des deux alinéas de la rubrique 2160 ne devait pas être cumulé, et, d'autre part, les constructions projetées ne forment pas un projet unique avec les constructions existantes : - le projet ne porte pas atteinte aux intérêts protégés par l'article L. 511-1 du code de l'environnement. Par des mémoires en défense, enregistrés le 22 juin 2022 et le 7 décembre 2022, l'association des habitants de L'Houmée, Mme E... F... et M. D... A..., représentés par la SAS Huglo Lepage avocats, concluent au rejet de la requête et demandent à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de l'Etat et de la SCI La Charente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que : - les moyens soulevés par la SCI La Charente ne sont pas fondés ; - le dossier de modification de déclaration est incomplet au regard des exigences de l'article R. 512-47 du code de l'urbanisme et de l'annexe I de l'arrêté du 28 décembre 2007 portant prescriptions générales et faisant l'objet du contrôle périodique applicables aux installations classées pour la protection de l'environnement soumises à déclaration sous la rubrique n° 2160 ; - l'acte attaqué est entaché de détournement de procédure ; - le projet porte atteinte aux intérêts protégés par l'article L. 511-1 du code de l'environnement ; - l'exploitation de l'installation projetée est incompatible avec le classement du terrain d'assiette du projet en zone naturelle. Par un mémoire enregistré le 25 septembre 2023, la SCI La Charente déclare se désister de sa requête et demande à la cour de laisser les frais d'instance à la charge de chacune des parties. Par un mémoire enregistré le 28 septembre 2023, l'association des habitants de L'Houmée, Mme F... et M. A... demandent à la cour de donner acte du désistement pur et simple de la SCI La Charente et de mettre à la charge de l'Etat et de la SCI La Charente une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'environnement ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme C..., - les conclusions de M. Gueguein, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. La SCI La Charente a déposé le 31 janvier 2018 auprès de la préfecture de la Charente-Maritime un dossier de déclaration initiale au titre de la législation relative aux installations classées pour la protection de l'environnement, en vue de l'installation, sur un terrain situé sur la commune de La Vallée, d'un silo à grains composé de 3 cellules de stockage relevant de l'alinéa 2 de la rubrique 2160 de la nomenclature des installations classées, d'une capacité de 12 801 m3, d'une installation de combustion d'une capacité de 2,6 Mw et de gaz inflammables pour une capacité de 16 tonnes. Le 16 avril 2018, la SCI La Charente a déposé une première déclaration de modification de l'installation augmentant la capacité de l'activité des silos de 12 801 m3 à 14 505 m3. L'exploitant a déposé une seconde déclaration de modification le 15 mai 2018 en vue d'augmenter la capacité de l'activité de gaz inflammables à 30,64 tonnes. Il a déposé le 24 septembre 2019 une nouvelle déclaration de modification en vue d'une nouvelle activité de silos et installations de stockage de céréales relevant de l'alinéa 1 de la rubrique 2160 de la nomenclature des installations classées, d'une capacité de 14 125 m3. La SCI La Charente relève appel du jugement du 24 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a annulé la preuve de dépôt de cette dernière déclaration de modification. 2. La SCI La Charente, par un mémoire enregistré le 25 septembre 2023, a déclaré se désister de sa requête. Ce désistement est pur et simple et rien ne s'oppose à ce qu'il en soit donné acte. 3. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande présentée par l'association des habitants de L'Houmée, Mme F... et M. A... sur le fondement l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DECIDE : Article 1er : Il est donné acte du désistement de la requête de la SCI La Charente. Article 2 : Les conclusions présentées par l'association des habitants de L'Houmée, Mme F... et M. A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI La Charente, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à l'association des habitants de L'Houmée, désignée en application de l'article R.751-3 du code de justice administrative. Une copie en sera adressée pour information au préfet de la Charente-Maritime. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023 à laquelle siégeaient : Mme Elisabeth Jayat, présidente, M. Sébastien Ellie, premier conseiller. Mme Edwige Michaud, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2023. La rapporteure, Edwige C...La présidente, Elisabeth Jayat La greffière, Virginie Santana La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. 2 N° 21BX03488 |
CETATEXT000048452281 | J3_L_2023_11_00021BX03492 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/22/CETATEXT000048452281.xml | Texte | CAA de BORDEAUX, 5ème chambre, 21/11/2023, 21BX03492, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-21 00:00:00 | CAA de BORDEAUX | 21BX03492 | 5ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme JAYAT | ODAH SCARLETTE | Mme Edwige MICHAUD | M. GUEGUEIN | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme E... F..., Mme B... C... et M. D... A... ont demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 19 septembre 2019 par lequel le maire de La Vallée a accordé un permis de construire à la société civile immobilière (SCI) La Charente pour la création d'un silo à grains comprenant cinq cellules de stockage ainsi que la décision du maire de La Vallée du 4 novembre 2019 rejetant leur recours gracieux formé le 6 octobre 2019 contre cet arrêté. Par un jugement n°2000013 du 24 juin 2021, le tribunal administratif de Poitiers a annulé l'arrêté du 19 septembre 2019. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 25 août 2021 et 22 juillet 2022, la société SCI La Charente, représentée par Me Odah, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 24 juin 2021 ; 2°) de mettre à la charge de Mme F..., Mme C... et M. A... une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le jugement est irrégulier en ce qu'il ne comporte pas les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont le tribunal administratif de Poitiers a fait application, en méconnaissance de l'article R. 741-2 du code de justice administrative ; - le jugement attaqué méconnaît le 2° de l'article L. 161-4 du code de l'urbanisme dès lors que la construction projetée revêt le caractère d'une installation agricole au sens de l'article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime ; - le jugement attaqué méconnaît le 1° de l'article L. 161-4 du code de l'urbanisme dès lors que la construction projetée constitue bien une extension d'une construction existante. Par un mémoire, enregistré le 1er février 2022, la commune de La Vallée, représentée par la SCP BCJ Brossier-Carré-Joly : 1°) s'associe aux conclusions de la SCI La Charente tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Poitiers du 24 juin 2021 ; 2°) demande à la cour de mettre à la charge de Mme F..., Mme C... et M. A... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - l'arrêté attaqué méconnaît le 1° de l'article L. 161-4 du code de l'urbanisme dès lors que la construction projetée constitue bien une extension d'une construction existante ; - le jugement attaqué est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au sens du 1° de l'article L. 161-4 du code de l'urbanisme ; - le jugement attaqué méconnaît le 2° de l'article L. 161-4 du code de l'urbanisme dès lors que la construction projetée revêt le caractère d'une installation agricole au sens de l'article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime. Par des mémoires en défense, enregistrés le 22 juin 2022 et le 29 mars 2023, Mme E... F... et M. D... A..., représentés par la SAS Huglo Lepage Avocats, concluent au rejet de la requête et demandent à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la commune de La Vallée et de la SCI La Charente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que : - les moyens soulevés par la SCI La Charente ne sont pas fondés ; - l'arrêté du 19 septembre 2019 n'a pas été précédé de l'avis de la commission de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers, en méconnaissance de l'article L. 161-4 du code de l'urbanisme ; - l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation des risques pour la salubrité et la sécurité publique au sens de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ; - l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions de l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme dès lors que le dossier de permis de construire devait comprendre une étude d'impact ou la décision de l'autorité environnementale dispensant le projet de l'évaluation environnementale requises par les articles L. 181-14 et R. 181-46 du code de l'environnement. Par ordonnance du 29 mars 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 21 avril 2023. Les parties ont été informées, le 16 août 2023, en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, de ce que la cour était susceptible de surseoir à statuer sur la requête de la SCI La Charente en vue de la régularisation du vice tiré de la méconnaissance de la carte communale de la commune de La Vallée et de l'article L. 161-4 du code de l'urbanisme. Mme E... F... et M. D... A... ont présenté leurs observations sur ce moyen par mémoire enregistré le 3 septembre 2023. Les parties ont été informées, le 20 septembre 2023, en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, de ce que la cour était susceptible de surseoir à statuer sur la requête de la SCI La Charente en vue de la régularisation du vice tiré de l'absence de consultation de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers prévue par l'article L. 161-4 du code de l'urbanisme. Par un mémoire enregistré le 25 septembre 2023, la SCI La Charente déclare se désister de sa requête et demande à la cour de laisser les frais d'instance à la charge de chacune des parties. Par un mémoire enregistré le 28 septembre 2023, Mme F... et M. A... demandent à la cour de donne acte du désistement pur et simple de la SCI La Charente et de mettre à la charge de la commune de La Vallée et de la SCI La Charente une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un mémoire enregistré le 5 octobre 2023, la commune de La Vallée déclare accepter le désistement de la SCI La Charente et conclut au rejet des conclusions de Mme F... et M. A... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'urbanisme ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme C..., - les conclusions de M. Gueguein, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. Le 21 juin 2019, la SCI de la Charente a déposé une demande de permis de construire en vue de la création d'un silo à grains comprenant cinq cellules de stockage sur un terrain situé sur la commune de La Vallée (Charente-Maritime). Par un arrêté du 19 septembre 2019, le maire de La Vallée a délivré le permis de construire sollicité. La SCI La Charente relève appel du jugement du 24 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a annulé l'arrêté du 19 septembre 2019. 2. La SCI La Charente, par un mémoire enregistré le 25 septembre 2023, a déclaré se désister de sa requête. Ce désistement est pur et simple et rien ne s'oppose à ce qu'il en soit donné acte. 3. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande présentée par Mme F... et M. A... sur le fondement l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DECIDE : Article 1er : Il est donné acte du désistement de la requête de la SCI La Charente. Article 2 : Les conclusions présentées par Mme F... et M. A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI La Charente, à la commune de La Vallée et à Mme E... F... désignée en application de l'article R. 751-3 du code de justice administrative. Copie en sera adressée au préfet de la Charente-Maritime. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023 à laquelle siégeaient : Mme Elisabeth Jayat, présidente, M. Sébastien Ellie, premier conseiller, Mme Edwige Michaud, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2023. La rapporteure, Edwige C... La présidente, Elisabeth Jayat La greffière, Virginie Santana La République mande et ordonne au préfet de la Charente-Maritime en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. 2 N° 21BX03492 |
CETATEXT000048452282 | J3_L_2023_11_00022BX01515 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/22/CETATEXT000048452282.xml | Texte | CAA de BORDEAUX, 5ème chambre, 21/11/2023, 22BX01515, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-21 00:00:00 | CAA de BORDEAUX | 22BX01515 | 5ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme JAYAT | COLLET | Mme Héloïse PRUCHE-MAURIN | M. GUEGUEIN | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. D... F... a demandé au tribunal d'annuler la décision du 24 décembre 2020 par laquelle la préfète de la Gironde lui a interdit définitivement l'exercice des fonctions d'enseignant, d'animateur, d'encadrant et d'entraîneur d'activités physiques et sportives, ainsi que la décision du 12 avril 2021 de rejet de son recours gracieux. Par un jugement n° 2102713 du 13 avril 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté de la préfète de la Gironde du 24 décembre 2020 et la décision du 12 avril 2021 en tant seulement qu'ils interdisent à M. F... d'exercer les fonctions mentionnées à l'article L. 212-1 du code du sport à l'égard d'un public majeur. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 1er juin 2022, le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports demande à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 13 avril 2022. Il soutient que : - c'est à tort que le tribunal administratif de Bordeaux a considéré que l'arrêté contesté était entaché d'une erreur d'appréciation en tant qu'il portait sur un public majeur ; l'article L. 212-13 du code des sports ne distingue pas, s'agissant du danger pour la santé et la sécurité physique ou morale des pratiquants, selon l'âge de ces pratiquants ; - la gravité des actes reprochés à M F... justifie l'interdiction contestée dès lors qu'il présente un danger pour la santé et la sécurité physique et morale de tous les sportifs qu'il est susceptible d'encadrer, quel que soit leur âge. Par un mémoire et des pièces enregistrés les 7 avril et 29 juin 2023, M. F..., représenté par Me Collet, demande, par la voie de l'appel incident, l'annulation de l'arrêté du 24 décembre 2020 dans son ensemble. Il soutient que : - les conditions de l'article L. 212-13 du code du sport ne sont pas réunies dès lors que son maintien en activité ne constitue pas un danger pour la sécurité des pratiquants ; - les moyens de l'appelant ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code du sport ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Héloïse Pruche-Maurin ; - les conclusions de M. Stéphane Gueguein, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. Suite à un signalement et une enquête administrative, la préfète de la Gironde a, par arrêté du 24 décembre 2020 interdit de manière définitive à M. D... F..., éducateur sportif au sein du centre équestre de Quentin, d'exercer toutes fonctions d'enseignant, d'animateur, d'encadrant et d'entraîneur d'activités physiques et sportives, sur le fondement des dispositions de l'article L. 212-13 du code du sport. M. F... a formé un recours gracieux à l'encontre de cette décision le 23 février 2021, rejeté par une décision du 12 avril 2021. Par la présente requête, le ministre des sports et des jeux olympiques et paralympiques relève appel du jugement du 13 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du 24 décembre 2020, ensemble la décision du 12 avril 2021, en tant qu'ils interdisent à M. F... d'exercer les fonctions mentionnées à l'article L. 212-1 du code du sport à l'égard d'un public majeur. M. F... demande, par la voie de l'appel incident, l'annulation totale de l'arrêté du 24 décembre 2020. Sur l'appel principal : 2. Aux termes de l'article L. 212-13 du code du sport, dans sa version applicable au litige : " L'autorité administrative peut, par arrêté motivé, prononcer à l'encontre de toute personne dont le maintien en activité constituerait un danger pour la santé et la sécurité physique ou morale des pratiquants l'interdiction d'exercer, à titre temporaire ou définitif, tout ou partie des fonctions mentionnées à l'article L. 212-1.(...) Cet arrêté est pris après avis d'une commission comprenant des représentants de l'Etat, du mouvement sportif et des différentes catégories de personnes intéressées. Toutefois, en cas d'urgence, l'autorité administrative peut, sans consultation de la commission, prononcer une interdiction temporaire d'exercice limitée à six mois. (...). ". 3. Il résulte de ces dispositions que pour assurer la protection des pratiquants d'une activité physique ou sportive, l'autorité administrative peut interdire à une personne d'exercer une activité d'enseignement, d'animation ou d'encadrement d'une telle activité, une mission arbitrale, une activité de surveillance de baignade ou piscine ouverte au public, ou d'exploiter un établissement dans lequel sont pratiquées des activités physiques ou sportives, lorsque son maintien en activité " constituerait un danger pour la santé et la sécurité physique ou morale des pratiquants ". Le législateur a ainsi défini les conditions d'application de cette mesure de police, que l'autorité compétente est tenue, même en l'absence de disposition explicite en ce sens, d'abroger à la demande de l'intéressé si les circonstances qui ont pu motiver légalement son intervention ont disparu et qu'il est établi qu'il n'existe plus aucun risque pour les pratiquants. 4. Il ressort des pièces du dossier et notamment et de l'information judiciaire ouverte suite à la mise en examen de M. F... du chef d'agression sexuelle sur un mineur de plus de 15 ans par une personne ayant autorité sur la victime et à son placement en qualité de témoin assisté du chef de tentative de corruption de mineur de plus de 15 ans, que le jeune C... E..., âgé de 17 ans lors des faits reprochés et qui pratiquait l'équitation depuis l'âge de 13 ans, a, dans ce cadre, noué une relation amicale avec M. F..., éducateur sportif et de 7 ans son ainé, notamment lors de son intégration au sein de son équipe de horse-ball. Auditionné dans le cadre de l'enquête préliminaire par la brigade de recherches de la gendarmerie de Bouliac, M. E... a indiqué avoir, lors de déplacements de l'équipe de horse-ball encadrés par M. F..., partagé la même chambre que ce dernier. Il a relaté une première tentative de rapprochement de la part de M. F... lors d'un premier déplacement, qu'il avait repoussée. Il a également dénoncé s'être réveillé dans la nuit, lors d'un déplacement à Lamotte-Beuvron au courant de l'été 2000, subissant une fellation de la part de M. F... tandis que ce dernier tentait de lui prendre la main pour se masturber. Entendu sur ces faits, M. F... a reconnu les faits relatés mais a indiqué que la relation sexuelle était consentie. Il a également indiqué avoir, ce soir-là, consommé du cannabis en compagnie du jeune E.... Par ailleurs, M. B... A..., compagnon de l'époque de M. F..., de deux ans son cadet et pratiquant de horse-ball dans son club, a indiqué, lors de son audition, que leur relation avait débuté, alors qu'il était tout juste majeur, par la pratique du même type de faits commis par M. F... et non consentis par M. A.... En outre, il ressort de l'enquête pénale diligentée sous commission rogatoire que l'expertise informatique des différents supports saisis lors de la perquisition du domicile de M. F... a permis de révéler la consultation de nombreuses images pornographiques dont quatre mettant en scène des jeunes hommes pouvant être mineurs ou jeunes adultes. Ainsi, et quand bien même l'information judiciaire n'a pas permis de mettre à jour d'autres passages à l'acte et qu'elle s'est conclue, s'agissant des faits de tentative de corruption de mineur de plus de 15 ans, par un non-lieu à statuer faute de charges suffisantes pour établir la commission de cette infraction, il est constant que M. F... a eu une relation sexuelle avec un mineur dans le cadre de la pratique de son sport et alors qu'il en était l'encadrant. Il ressort également des pièces du dossier que M. F... a, encore, dans le cadre de son activité d'éducateur sportif, consommé du cannabis avec ce mineur, et à d'autres occasions en présence d'autres mineurs. Dans ces conditions, même si les faits remontent à plusieurs années, et alors que M. F... argue principalement du caractère consenti de sa relation sexuelle avec M. E..., sans démontrer aucune prise de conscience ultérieure de la gravité des faits qui lui ont été reprochés, et qu'il ressort des pièces du dossier que le non-lieu à statuer sur ces faits est fondé sur la prescription de l'infraction, c'est à bon droit que la préfète de la Gironde a estimé que le maintien en activité de M. F... constituait un danger pour la sécurité physique ou morale des pratiquants. Par ailleurs, au regard de la nature et de la gravité des faits reprochés, il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal de Bordeaux, le danger constitué par le maintien en activité de M. F... concerne, comme le soutient le ministre, tout autant les majeurs, notamment ceux pouvant présenter des fragilités, que les mineurs qu'il serait susceptible d'encadrer. 5. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté de la préfète de la Gironde du 24 décembre 2020 et la décision du 12 avril 2021 en tant qu'ils interdisent à M. F... d'exercer les fonctions mentionnées à l'article L. 212-1 du code du sport à l'égard d'un public majeur au motif que les faits reprochés à l'intéressé ne présentent pas un danger pour la santé ou sécurité physique ou morale des pratiquants majeurs. 6. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. F... à l'encontre de l'arrêté du 24 décembre 2020 lors de sa demande de première instance ainsi que ceux présentés, par la voie de l'appel incident, devant la cour d'appel de Bordeaux. Sur l'appel incident et les moyens présentée par M. F... dans sa demande de première instance : 7. D'une part, pour les motifs exposés au point 4, M. F... n'est pas fondé à soutenir que son maintien en activité, au regard des faits repris par la préfète pour motiver son arrêté, ne constituait pas un danger pour la sécurité physique ou morale des pratiquants. D'autre part, si M. F... se prévaut de l'ancienneté des faits commis en 2000, soit vingt ans avant l'arrêté contesté, une telle circonstance n'est pas par elle-même de nature à entacher l'arrêté contesté d'illégalité dès lors qu'il n'est pas contesté que la préfète n'a été informée des faits qu'en 2020, les différents protagonistes s'étant jusque-là refusés à les signaler. Enfin, si M. F... soutient que la mesure d'interdiction définitive est disproportionnée, les actes qu'il a commis, en toute connaissance de cause, à l'encontre d'un mineur qu'il encadrait, et comme il a été dit, en l'absence totale de prise de conscience ultérieure de la gravité de ces actes, suffisent à justifier qu'il lui soit interdit de manière pérenne de se trouver, dans l'exercice de son activité professionnelle, tout autant de mineurs que de majeurs. 8. Il résulte de ce qui précède que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal, par le juge attaqué, a annulé pour partie l'arrêté préfectoral du 24 décembre 2020 et la décision de rejet du recours gracieux de M. F... du 12 avril 2021 et que M. F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal n'a pas fait droit au surplus de ses conclusions en annulation de ces décisions. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n° 2102713 du 13 avril 2022 du tribunal administratif de Bordeaux prononçant l'annulation partielle des décisions des 24 décembre 2020 et 12 avril 2021 est annulé. Article 2 : La demande présentée par M. F... devant le tribunal administratif de Bordeaux et ses conclusions présentées par la voie de l'appel incident sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... F... et au ministre des sports et des jeux olympiques et paralympiques Copie en sera adressée au préfet de la Gironde. Délibéré après l'audience 24 octobre 2023 à laquelle siégeaient : Mme Elisabeth Jayat, présidente, M. Sébastien Ellie, premier conseiller, Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe 21 novembre 2023. La rapporteure, Héloïse Pruche-MaurinLa présidente, Elisabeth Jayat La greffière, Virginie Santana La République mande et ordonne au ministre des sports et des jeux olympiques et paralympiques en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. 2 N°22BX01515 |
CETATEXT000048452283 | J3_L_2023_11_00023BX01445 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/22/CETATEXT000048452283.xml | Texte | CAA de BORDEAUX, 5ème chambre, 21/11/2023, 23BX01445, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-21 00:00:00 | CAA de BORDEAUX | 23BX01445 | 5ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme JAYAT | HUGON | Mme Edwige MICHAUD | M. GUEGUEIN | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 14 novembre 2022 par lequel la préfète de la Gironde a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement n°2300462 du 26 avril 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du 14 novembre 2022. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 26 mai 2023, le préfet de la Gironde demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 26 avril 2023 en tant qu'il annule sa décision de refus de séjour et l'enjoint à délivrer à M. B... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ; 2°) de mettre à la charge de M. B... une somme de 1 200 euros au profit de l'Etat en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : - le jugement attaqué méconnaît l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 47 du code civil dès lors que l'acte de naissance et la carte consulaire que l'intéressé a produits à l'appui de sa demande de titre de séjour ne sont pas authentiques ; - les documents d'état civil présentés par M. B... à l'appui de sa demande de titre de séjour présentée sur le fondement de l'article L. 432-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'étaient pas authentiques. Par un mémoire en défense, enregistré le 29 août 2023, M. B..., représenté par Me Hugon, conclut à titre principal au rejet de la requête et à titre subsidiaire, à l'annulation de l'arrêté de la préfète de la Gironde du 14 novembre 2022, à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Gironde sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, de lui délivrer une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir en application de l'article L. 911-3 du code de justice administrative, à défaut, à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Gironde sur le fondement de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour, l'autorisant à travailler, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, en application de l'article L. 911-3 du code de justice administrative et à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros hors taxes soit 1 813 euros toutes taxes et droits de plaidoirie compris à verser à son conseil, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés et reprend ses moyens de première instance. M. B... a été maintenu au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 juillet 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code civil ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Edwige Michaud, - et les observations de Me Hugon, représentant M. A... B.... Considérant ce qui suit : 1. M. B..., de nationalité malienne, est entré irrégulièrement en France le 14 juillet 2019. Il a été placé auprès du service d'aide sociale à l'enfance à compter du 20 septembre 2019. Il a sollicité le 24 février 2022 auprès de la préfète de la Gironde un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 14 novembre 2022, la préfète de la Gironde a rejeté cette demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 26 avril 2023 dont le préfet relève appel, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cet arrêté. 2. Pour prononcer l'annulation de l'arrêté du 14 novembre 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a retenu à l'encontre du refus de titre de séjour, le moyen tiré de ce que les documents d'état civil produits par le requérant à l'appui de sa demande de titre de séjour ne sont pas frauduleux, l'erreur de droit commise par le préfet qui a examiné si la situation de l'intéressé répondait à des motifs exceptionnels alors que cette condition n'est pas prévue par les dispositions de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'erreur d'appréciation commise par la préfète de la Gironde dans l'application de ces mêmes dispositions. 3. Aux termes de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire (...), l'étranger qui a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance ou à un tiers digne de confiance au plus tard le jour de ses seize ans se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Cette carte est délivrée sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation qui lui a été prescrite, de la nature des liens de l'étranger avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur son insertion dans la société française. ". 4. En premier lieu, aux termes de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : 1° Les documents justifiants de son état civil ; 2° Les documents justifiants de sa nationalité ; (...). / (...) l'intervention de la décision relative au titre de séjour sollicité sont subordonnées à la production de ces documents. (...). ". Aux termes de l'article L. 811-2 du même code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies à l'article 47 du code civil ", Aux termes de l'article 47 du code civil dans sa version applicable au litige : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents. 5. Il ressort des pièces du dossier qu'à l'appui de sa demande de titre de séjour, M. B... a notamment produit afin d'établir sa minorité lors de sa prise en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance, un jugement supplétif n°4413 de la République du Mali et un acte de naissance n°337/CRK de la République du Mali. Selon les analyses de la cellule " fraude documentaire et à l'identité " de la direction zonale de la police aux frontières sud-ouest consignées dans un rapport du 6 mai 2022, l'acte de naissance présente le caractère d'un faux document en raison de plusieurs anomalies. En revanche, les auteurs du rapport ont estimé que le jugement supplétif d'acte de naissance présentait toutes les caractéristiques d'un acte conforme. En outre, M. B... produit un constat d'un huissier de justice au Mali du 16 décembre 2022 qui indique que le jugement supplétif n°4413 du 30 octobre 2019 est enregistré dans les registres d'état civil du centre principal de Koussané sous le n°337/CRK du registre spécial 6 novembre 2019. L'huissier a en outre joint à son constat la minute du jugement supplétif. Et le préfet de la Gironde ne conteste pas l'authenticité de cet acte d'huissier. Dans ces conditions, les actes d'état civil produits par M. B... étaient authentiques. Par voie de conséquence, le préfet de la Gironde n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a retenu le motif tiré de l'absence de caractère frauduleux de ces actes. 6. En second lieu, le préfet ne conteste pas les autres motifs d'annulation retenus par le tribunal, tirés de l'erreur de droit et de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. 7. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Gironde n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du 14 novembre 2022. 8. Si une personne publique qui n'a pas eu recours au ministère d'avocat peut néanmoins demander au juge le bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des frais spécifiques exposés par elle à l'occasion de l'instance, elle ne saurait se borner à faire état d'un surcroît de travail de ses services et doit faire état précisément des frais qu'elle aurait exposés pour défendre à l'instance. En tout état de cause, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande le préfet de la Gironde au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, et dès lors que M. B... bénéficie de l'aide juridictionnelle totale, l'avocat du requérant peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Hugon, avocate de M. B..., de la somme de 1 213 euros, droit de plaidoirie compris. DECIDE : Article 1er : La requête du préfet de la Gironde est rejetée. Article 2 : L'Etat versera à Me Hugon la somme de 1 213 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ce versement emportant renonciation à percevoir les sommes correspondantes à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. A... B.... Copie en sera adressée au préfet de la Gironde. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023 à laquelle siégeaient : Mme Elisabeth Jayat, présidente, M. Sébastien Ellie, premier conseiller, Mme Edwige Michaud, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2023. La rapporteure, Edwige Michaud La présidente, Elisabeth Jayat La greffière, Virginie Santana La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. 2 N° 23BX01445 |
CETATEXT000048452284 | J3_L_2023_11_00023BX01470 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/22/CETATEXT000048452284.xml | Texte | CAA de BORDEAUX, , 20/11/2023, 23BX01470, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-20 00:00:00 | CAA de BORDEAUX | 23BX01470 | plein contentieux | C | SELARL CABANES AVOCATS | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société GTM Guadeloupe a demandé au juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe de condamner la commune des Abymes, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, à lui verser à titre de provision une somme de 130 836,25 euros toutes taxes comprises. Par une ordonnance n° 2300025 du 16 mai 2023, le juge des référés du tribunal a fait droit à la demande de la société GTM Guadeloupe. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire enregistrés le 31 mai 2023 et le 21 juin 2023, la commune des Abymes, représentée par la SELAS Adaltys Affaires Publiques agissant par Me Heymans, demande au juge des référés de la cour : 1°) d'annuler l'ordonnance n° 2300025 du 16 mai 2023 du juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe ; 2°) de rejeter la demande de la société GTM ; 3°) à titre subsidiaire, à être garantie des condamnations éventuellement prononcées à son encontre par la société Icade Promotion ; 4°) de mettre à la charge de la société GTM Guadeloupe la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - c'est à tort que le premier juge a estimé que la créance invoquée par la société GTM Guadeloupe présentait un caractère non sérieusement contestable ; ainsi, la somme réclamée par la société devant le juge des référés était nettement inférieure à celle mentionnée dans le décompte général et définitif du marché ; il existait dès lors une incertitude sur le montant de la créance réclamée ; - elle avait signé une convention de maîtrise d'ouvrage déléguée avec la société Icade Promotion aux termes de laquelle cette dernière était chargée de régler les sommes dues à la société GTM Guadeloupe ; contrairement à ce qu'a estimé le juge des référés, elle a répondu à l'avance de fonds réclamée par Icade Promotion pour le paiement des entreprises ; il appartenait dès lors au mandataire et à lui seul de procéder à ce règlement ; c'est à tort que le juge des référés a déduit du courrier de la société Icade Promotion du 1er mars 2023 que la commune n'avait pas procédé à l'avance de fonds sollicitée ; le mandataire disposait bien des fonds pour régler les entreprises, et notamment la société GTM Guadeloupe ; - à titre subsidiaire, elle serait fondée à appeler en garantie la société Icade Promotion qui n'a pas respecté les obligations découlant du contrat de maîtrise d'ouvrage déléguée en ne réglant pas à la société Icade Promotion les sommes dues en dépit des avances de fonds effectuées. Par un mémoire en défense, enregistré le 26 septembre 2023, la société GTM Guadeloupe, représentée par la SELARL Cabanes Avocats agissant par Me Cabanes, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la commune des Abymes la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que tous les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de la commande publique ; - la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 ; - le code de justice administrative. Le président de la cour a désigné M. B... A... pour statuer comme juge des référés en application du livre V du code de justice administrative. Considérant ce qui suit : 1. Dans le cadre d'un marché de travaux publics portant sur la reconstruction de l'école mixte 3 au Raizet, la société GTM Guadeloupe a été attributaire du lot n° 2 " Bâtiment " par un acte d'engagement signé le 7 décembre 2015 avec la société Icade Promotion, mandataire de la commune des Abymes, maître de l'ouvrage. Le montant définitif de ce marché a été fixé, après avenants, à 12 417 943,71 euros toutes taxes comprises. Les travaux du lot n° 2 ont fait l'objet d'un procès-verbal de réception avec des réserves qui ont été levées le 22 octobre 2020. Le décompte général et définitif du lot n° 2, en date du 15 juin 2021, a fait apparaitre, au profit de la société GTM Guadeloupe, un solde créditeur de 273 164,14 euros toutes taxes comprises. Par un courriel du 13 avril 2022, la société GTM Guadeloupe a demandé à la société Icade Promotion, maître de l'ouvrage délégué, le versement des sommes lui restant dues au titre de l'exécution financière de son marché. En l'absence de réponse à sa demande, la société a saisi le juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe, sur le fondement des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, d'une demande tendant à la condamnation de la commune des Abymes à lui verser une provision de 130 836,25 euros toutes taxes comprises. Par une ordonnance du 16 mai 2023, dont la commune des Abymes relève appel, le juge des référés du tribunal a fait droit à la demande de la société GTM Guadeloupe. 2. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie ". Il résulte de ces dispositions que pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude. 3. Aux termes des dispositions de l'article 3 de la loi du 12 juillet 1985 sur la maîtrise d'ouvrage publique, applicables au marché en litige et reprises en substance aux articles L. 2422-6 et suivants du code de la commande publique : " Dans la limite du programme et de l'enveloppe financière prévisionnelle qu'il a arrêtés, le maître de l'ouvrage peut confier à un mandataire, dans les conditions définies par la convention (...) l'exercice, en son nom et pour son compte, de tout ou partie des attributions suivantes de la maîtrise d'ouvrage : (...) 5° Versement de la rémunération (...) des travaux ; (...) Le mandataire n'est tenu envers le maître de l'ouvrage que de la bonne exécution des attributions dont il a personnellement été chargé par celui-ci. Le mandataire représente le maître de l'ouvrage à l'égard des tiers dans l'exercice des attributions qui lui ont été confiées jusqu'à ce que le maître de l'ouvrage ait constaté l'achèvement de sa mission (...) ". Aux termes de l'article 2 du contrat par lequel la commune des Abymes a délégué à la société Icade Promotion la maîtrise d'ouvrage des travaux du marché en litige : " Définition de la mission et des obligations des cocontractants. (...) Le mandat est dit " financier (...) Le mandataire est autorisé à percevoir les subventions allouées à l'opération pour le compte de la ville. Elles seront imputées directement sur le compte de l'opération. Elles seront appelées par le mandataire (...) ". Aux termes de l'article 5 du contrat de maîtrise d'ouvrage déléguée : " Modalités de règlement des sommes dues à la société (...) Le paiement du solde du coût définitif interviendra dès présentation des décomptes généraux et définitifs ". 4. Il apparaît, au vu des stipulations précitées, que la société Icade Promotion a reçu pour mission, en qualité de maître de l'ouvrage délégué, de régler à la société GTM Guadeloupe les sommes dues au titre des travaux exécutés. A cette fin, la société Icade Promotion doit préalablement adresser à la commune un appel de fonds lui permettant de constituer la trésorerie nécessaire à l'exécution de sa mission. 5. Il résulte de l'instruction que le décompte général et définitif du 15 juin 2021 faisait apparaître que la commune des Abymes restait redevable, envers la société GTM Guadeloupe, des sommes respectives de 168 960,16 euros, 118 167,47 euros et 36 872,21 euros (toutes taxes comprises) au titre des sous-lots " gros œuvre ", " charpente bois " et " serrurerie " du marché. Le 15 juin 2021, la société Icade Promotion a adressé à la commune un appel de fonds n° 30 d'un montant de 722 184,85 euros toutes taxes comprises. Au 12 novembre 2021, la commune des Abymes a établi un état récapitulatif des appels de fonds, au nombre de trente, émanant de la société Icade Promotion pour un montant total de 14 806 819,85 euros, toutes taxes comprises, représentant un taux d'avancement de 97,81 % de l'exécution financière du marché. Cet état récapitulatif incluait l'appel de fonds n° 30, et il apparaît au vu du document intitulé " mémoire des dépenses pour le groupe scolaire du Raizet " que les sommes précitées de 168 960,16 euros, 118 167,47 euros et 36 872,21 euros ont été réglées par la commune à son mandataire le 18 février 2022 au titre de l'appel de fonds n° 30, validé par le comptable public le 5 mai 2022. 6. Par un courriel du 1er mars 2023, la société Icade Promotion a adressé à la commune des Abymes un appel de fonds n° 31 pour lui permettre de procéder au règlement de sommes restant dues au titre des lots du marché. Toutefois, il apparaît que cet appel de fonds ne concernait pas la société GTM mais d'autres intervenants au marché, ainsi que l'établit le document intitulé " AF 31 - mémoire des dépenses pour le groupe scolaire du Raizet ". 7. Dans ces circonstances, il apparaît que la société Icade Promotion disposait, antérieurement à la décision du juge des référés, des fonds lui permettant de régler les sommes restant dues à la société GTM Guadeloupe. En exécution de la convention de maîtrise d'ouvrage déléguée il incombait à la société Icade Promotion, et non à la commune des Abymes, de procéder à ce versement. Dans ces conditions, et quand bien même l'obligation de payer invoquée par la société GTM Guadeloupe n'apparait pas, par elle-même, sérieusement contestable dès lors qu'elle constitue la contrepartie de prestations qu'elle a réalisées au titre de son marché, la créance qu'elle invoquait à l'encontre de la commune ne pouvait être regardée comme n'étant pas sérieusement contestable. 8. Il résulte de tout ce qui précède que la commune des Abymes est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe l'a condamnée à verser à la société GTM Guadeloupe la somme de 130 836,25 euros. Dès lors, cette ordonnance doit être annulée, et la demande présentée en première instance par la société GTM Guadeloupe doit être rejetée. 9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle aux conclusions présentées par la société GTM Guadeloupe tendant à ce que la commune des Abymes, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, lui verse une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de faire application de ces mêmes dispositions en mettant à la charge de la société GTM Guadeloupe la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune et non compris dans les dépens. ORDONNE : Article 1er : L'ordonnance n° 2300025 du 16 mai 2023 du juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe est annulée. Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif de la Guadeloupe par la société GTM Guadeloupe est rejetée. Article 3 : La société GTM Guadeloupe versera à la commune des Abymes la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Les conclusions présentées par la société GTM Guadeloupe au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à la commune des Abymes, à la société GTM Guadeloupe et à la société Icade Promotion. Fait à Bordeaux, le 20 novembre 2023. Le juge des référés, B... A... La République mande et ordonne au préfet de la Réunion, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance. N° 23BX01470 2 |
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CETATEXT000048452285 | J3_L_2023_11_00023BX01481 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/22/CETATEXT000048452285.xml | Texte | CAA de BORDEAUX, 5ème chambre, 21/11/2023, 23BX01481, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-21 00:00:00 | CAA de BORDEAUX | 23BX01481 | 5ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme JAYAT | AUTEF | Mme Héloïse PRUCHE-MAURIN | M. GUEGUEIN | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 8 décembre 2021 par lequel la préfète de la Gironde a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement n° 2201265 du 1er juin 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 31 mai 2023, M. A..., représenté par Me Autef, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2201265 du tribunal administratif de Bordeaux du 1er juin 2022 ; 2°) d'annuler l'arrêté du 8 décembre 2021 de la préfète de la Gironde ; 3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le même délai à compter de cette notification en lui attribuant une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des articles 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle et L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : Sur la régularité du jugement : - les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de l'authenticité de ses actes d'état civil entachant ainsi le jugement attaqué d'insuffisance de motivation ; Sur la légalité de la décision de refus de titre de séjour : - elle méconnaît les dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que : - les éléments mis en lumière par le rapport de la direction zonale sud-ouest de la police aux frontières ne permettent pas de renverser la présomption d'authenticité des actes d'état civil qu'il a produits lors de sa demande de titre de séjour ; - les autorités guinéennes n'ont pas été saisies de la question ; - il établit la réalité de son état civil par les nouveaux actes d'état civil qu'il produit ; - il remplit le critère relatif au suivi d'une formation qualifiante depuis au moins 6 mois, condition qui n'a d'ailleurs pas été examinée par la préfète qui a ainsi entaché sa décision d'une erreur de droit ; - il remplit les autres critères posés par l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la décision attaquée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français : - elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de séjour sur laquelle elle se fonde ; - la décision attaquée méconnaît les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi : - elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision d'obligation de quitter le territoire français. Par un mémoire en défense enregistré le 28 août 2023, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête. Il soutient que : - la requête est irrecevable car tardive ; - les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision n°2022/010134 du 28 juillet 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code civil ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Héloïse Pruche-Maurin ; - et les observations de Me Autef représentant M. B... A.... Considérant ce qui suit : 1. M. A..., de nationalité guinéenne, est entré en France en octobre 2018 et a été placé auprès des services de l'aide sociale à l'enfance de la Gironde. Le 13 octobre 2020, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 8 décembre 2021, la préfète de la Gironde a refusé cette délivrance et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et d'une décision fixant le pays de renvoi. M. A... relève appel du jugement du 1er juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté préfectoral. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Ces dispositions n'imposent cependant pas au juge administratif de répondre à chacun des arguments des parties. 3. Le tribunal a répondu, de manière suffisamment circonstanciée au regard de l'argumentation dont il était saisi, au moyen soulevé en première instance par M. A... et tiré de l'authenticité des actes d'état civil qu'il a présentés à l'appui de sa demande de titre de séjour. Par suite, ce dernier n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait insuffisamment motivé. Sur la légalité de l'arrêté du 8 décembre 2021 : En ce qui concerne la décision de refus de séjour : 4. D'une part, aux termes de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. ". Lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans, qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation ainsi portée. 5. D'autre part, aux termes de l'article L. 811-2 du même code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies à l'article 47 du code civil ", ce dernier disposant que " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. 6. Il ressort des termes de l'arrêté contesté que, pour rejeter la demande de titre de séjour sollicitée par M. A... sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la préfète de la Gironde s'est fondée d'une part, sur le caractère frauduleux des documents d'état civil présentés à l'appui de sa demande et d'autre part, sur la circonstance que sa demande ne répond pas à des critères d'admission exceptionnelle au séjour. 7. D'une part, il ressort des pièces du dossier que, pour établir son identité, M. A... a transmis à l'administration, dans le cadre de l'instruction de sa demande, un jugement supplétif du 15 avril 2019 rendu par le juge de paix du tribunal de première instance de Kindia ainsi qu'un extrait de registre d'état civil établi le 23 avril 2019 par l'officier d'état civil de la commune urbaine de Telimélé, indiquant qu'il est né le 9 février 2002, ces deux pièces ayant fait l'objet d'une légalisation. Pour contester l'authenticité de ces différents documents, la préfète de la Gironde s'est appuyée sur un rapport d'analyse technique du 9 juin 2021 établi par la cellule de lutte contre la fraude documentaire et à l'identité de la direction zonale sud-ouest de la police aux frontières (PAF) qui a rendu un avis très défavorable sur l'authenticité des documents. Selon ce rapport, le jugement supplétif du 15 avril 2019 ne peut qu'être un faux dès lors qu'il mentionne que la requête a été présentée le 15 avril 2019 par le père de l'intéressé alors que celui-ci a déclaré le décès de son père en 2008, que les alignements de texte pré imprimé ne sont pas conformes, des zones non pré-imprimées étant remplies à la machine à écrire et comportant de nombreuses fautes de frappe et de syntaxe. Par ailleurs, selon ce rapport, l'extrait de registre de l'état civil comporte une mention erronée en indiquant " la juge de paix de Téliméle " alors que le juge de paix du tribunal de 1ère instance est un homme. Toutefois, le requérant produit en appel un nouveau jugement supplétif du 22 septembre 2022 rendu par le juge de paix du tribunal de première instance de Kindia portant rectification du jugement supplétif du 15 avril 2019 et attestant de l'exacte même identité, ainsi qu'un jugement rectificatif de la même autorité ordonnant le changement de nom du requérant sur le jugement supplétif du 15 avril 2019 au vu de l'erreur commise, et enfin, un extrait de registre d'état civil établi le 3 octobre 2022 par l'officier d'état civil de la commune urbaine de Telimélé. Ainsi, et alors que les autorités guinéennes n'ont pas été saisies aux fins de contre-vérification des documents d'état civil produits par M. A... lors de l'instruction de sa demande, et que l'authenticité des nouveaux documents produits en appel n'est pas remise en cause, il ressort de l'ensemble des éléments produits par les parties que l'identité du requérant est établie et qu'il justifie avoir été mineur lors de son entrée en France et, en particulier, avoir été âgé de seize à dix-huit ans lorsqu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance. 8. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que depuis qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance en octobre 2018, M. A... s'est orienté vers le métier de jardinier-paysagiste. En contrat d'apprentissage depuis 2019, il a obtenu son certificat d'aptitude professionnelle agricole (CAP) le 30 juin 2021, spécialité " Jardinier paysagiste ". Il ressort de l'avis de sa structure d'accueil qu'il s'est montré " volontaire et assidu " dans le suivi de sa formation et que son employeur s'est engagé à le recruter à l'issue de son CAP. Toutefois, si M. A... a toujours déclaré, depuis son arrivée en France et sa prise en charge en structure d'accueil, que son père était décédé en 2008 du paludisme et sa mère en 2013 d'une maladie cardiaque, cette affirmation n'est étayée par aucune pièce du dossier et l'intéressé n'apporte en appel toujours aucun élément permettant d'établir la réalité de ces décès, point pourtant contesté par le préfet. En outre, il ressort des mentions mêmes du jugement supplétif du 22 septembre 2022, qu'il produit en appel, que la mention " feu " précède le nom de son père mais pas celui de sa mère. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé n'aurait conservé, comme il l'affirme, aucun lien avec son pays d'origine. Il ne ressort pas non plus des pièces du dossier qu'il aurait noué des liens d'une particulière intensité en France. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la préfète de la Gironde aurait entaché la décision par laquelle elle lui a refusé un titre de séjour d'une erreur manifeste d'appréciation. Il résulte de l'instruction que la préfète aurait pris la même décision en se fondant sur ce seul motif tiré de ce que sa demande ne répond pas aux critères d'admission exceptionnelle au séjour. 9. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". 10. Si M. A... se prévaut de la formation qualifiante qu'il a suivie et de la validation de son certificat d'aptitude professionnelle, ces seuls éléments relatifs au parcours classique dans le cadre du placement auprès de l'aide sociale à l'enfance d'un jeune mineur, ne traduisent pas pour autant une insertion professionnelle particulière en France. En outre, et alors que M. A... est célibataire et sans charge de famille en France, il ne ressort pas des pièces du dossier, comme indiqué au point 8, qu'il serait dépourvu, contrairement ce qu'il allègue, de toute attache dans son pays d'origine. Dans ces conditions, la préfète de la Gironde n'a pas, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but poursuivi. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français : 11. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour doit être écarté. 12. En deuxième lieu, compte tenu des circonstances exposées aux points 8 et 10, le moyen tiré de ce que la décision d'obligation de quitter le territoire français méconnaitrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi : 13. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'illégalité de la décision fixant le pays de renvoi pour cause d'illégalité de la décision d'obligation de quitter le territoire français doit être écarté. 14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. DECIDE : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Une copie en sera adressée au préfet de la Gironde. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2013 à laquelle siégeaient : Mme Elisabeth Jayat, présidente de chambre, M. Sébastien Ellie, premier conseiller, Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère, Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2023. La rapporteure, Héloïse Pruche-Maurin La présidente, Elisabeth Jayat La greffière, Virginie Santana La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. 2 N°23BX01481 |
CETATEXT000048452286 | J3_L_2023_11_00023BX01639 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/22/CETATEXT000048452286.xml | Texte | CAA de BORDEAUX, 5ème chambre, 21/11/2023, 23BX01639, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-21 00:00:00 | CAA de BORDEAUX | 23BX01639 | 5ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme JAYAT | AUTEF | Mme Edwige MICHAUD | M. GUEGUEIN | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 2 février 2022 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement n°2201392 du 16 juin 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés le 15 juin 2023 et le 30 août 2023, M. B... A..., représenté par Me Autef, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 16 juin 2022 ; 2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Gironde du 2 février 2022 ; 3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le mois suivant la notification de la décision à intervenir, et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir et de lui délivrer, le temps de l'instruction de son dossier, une autorisation provisoire de séjour ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à Me Autef, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : - sa requête n'est pas tardive ; Sur la décision de refus de titre de séjour : - la décision est insuffisamment motivée en droit et en fait au regard des exigences de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - c'est à tort que la préfecture de la Gironde a retenu que les documents justifiant son état civil produits à l'appui de sa demande de titre de séjour étaient entachés de fraude, dès lors qu'en l'absence de saisine par la préfecture de la Gironde des autorités maliennes quant à l'authenticité des actes civils qu'il a produits sur le fondement de l'article 1er du décret n°2015-740 du 24 décembre 2015, le rapport de la direction zonale de la police aux frontières, qui ne lui a pas été communiqué, ne suffit pas à remettre en cause leur présomption d'authenticité garantie par l'article 47 du code civil ; - la décision méconnaît l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le préfet n'a pas procédé à l'examen du caractère réel et sérieux de sa formation, ni tenu compte de l'avis de la structure d'accueil ; - la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; Sur l'obligation de quitter le territoire français : - la décision est privée de base légale en ce qu'elle se fonde sur une décision de refus de titre de séjour illégale ; - elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; Sur la décision fixant le pays de destination : - la décision est privée de base légale en ce qu'elle se fonde sur une décision de refus de titre de séjour et une obligation de quitter le territoire français illégales. Par un mémoire en défense, enregistré le 25 juillet 2023, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés. Par ordonnance du 13 juillet 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 11 septembre 2023. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 septembre 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Edwige Michaud, - et les observations de Me Autef, représentant M A... B.... Considérant ce qui suit : 1. M. A... est entré irrégulièrement en France le 25 novembre 2018. Il a sollicité le 28 octobre 2020 un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 2 février 2022, la préfète de la Gironde a rejeté cette demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement du 16 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Sur la légalité du refus de séjour : 2. En premier lieu, l'arrêté attaqué indique que M. A... a sollicité le 28 octobre 2020 son admission au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La préfète de la Gironde a rejeté cette demande en exposant que l'intéressé avait produit à l'appui de sa demande des documents d'état-civil entachés de fraude, au visa des articles L. 811-2 et R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 47 du code civil. Il a également exposé les éléments de la situation personnelle de l'intéressé sur lesquels il s'est fondé, et notamment l'ancienneté de sa présence en France, ses liens en France et dans son pays d'origine, pour considérer que les conditions de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'étaient pas remplies. Ces motifs permettaient à M. A... de comprendre et de contester les motifs de l'arrêté. A supposer que ces motifs soient erronés au regard des conditions posées par ces dispositions, cette circonstance n'entache pas l'arrêté d'une insuffisance de motivation. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation du refus de séjour pris à l'encontre de M. A... doit être écarté. 3. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 431-10 même code : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : 1° Les documents justifiants de son état civil ; 2° Les documents justifiants de sa nationalité ; (...). / (...) l'intervention de la décision relative au titre de séjour sollicité sont subordonnées à la production de ces documents. (...) ". Aux termes de l'article L. 811-2 du même code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies à l'article 47 du code civil ". Aux termes de l'article 47 du code civil dans sa version applicable au litige : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents. 4. Il ressort des pièces du dossier que pour établir son identité, M. A... a transmis à l'administration dans le cadre de l'instruction de sa demande, un extrait de jugement supplétif n°2087 de la République du Mali, un acte de naissance n°149 de la République du Mali ainsi qu'une carte d'identité consulaire malienne. Pour contester l'authenticité de ces documents, la préfète de la Gironde s'est appuyée sur un rapport d'analyse technique du 2 avril 2021 établi par la cellule de lutte contre la fraude documentaire et à l'identité de la direction zonale sud-ouest de la police aux frontières. Selon ce rapport, les supports de l'extrait du jugement supplétif et de l'extrait d'acte de naissance sont non conformes, et l'acte de naissance comporte plusieurs anomalies notamment dans le type d'impression, des informations sont absentes de cet acte de naissance comme le nom de l'imprimeur du papier ou encore le numéro en rouge qui permet de relier l'acte à son origine et enfin, cet acte de naissance comporte des fautes d'orthographe, de sorte que l'auteur du rapport estime que cet acte de naissance présente les caractéristiques techniques d'un document contrefait. Le service conclut qu'aucune valeur probante ne peut être accordée à ces deux documents " irréguliers ". 5. Toutefois, M. A... produit un document d'un huissier de justice au Mali du 8 août 2023 qui indique que le jugement supplétif n°2087 du 24 avril 2019 est enregistré dans les registres d'état civil du centre principal de Ambidédi sous le n°149 du registre spécial du 29 avril 2019. L'huissier a en outre joint à son constat la minute du jugement supplétif et la copie du volet n° 1 de l'acte de naissance n° 149 de l'intéressé. Le préfet de la Gironde ne conteste pas l'authenticité de cet acte d'huissier. En outre, le rapport de la cellule fraude ne remet pas en cause le formalisme de l'extrait de jugement supplétif ni celui de l'extrait d'acte de naissance produits par le requérant. M. A... établit ainsi l'authenticité des documents d'état civil qu'il a produits au soutien de sa demande de titre de séjour présentée à l'appui de sa demande. Dans ces conditions, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, la préfète de la Gironde ne pouvait légalement rejeter la demande de titre de séjour dont elle était saisie au motif que M. A... ne justifiait pas, à la date de l'acte attaqué, de son identité. 6. En troisième lieu, le préfet, comme il a été dit, a également estimé que les conditions de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'étaient pas remplies. 7. Aux termes de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version applicable au litige : " Dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou s'il entre dans les prévisions de l'article L. 421-35, l'étranger qui a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance au plus tard le jour de ses seize ans se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Cette carte est délivrée sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation qui lui a été prescrite, de la nature des liens de l'étranger avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur son insertion dans la société française ". 8. Si le préfet n'a pas remis en cause, dans son arrêté, le caractère réel et sérieux de la formation suivie par M. A... ni fait référence à l'avis de la structure qui le suit, cette circonstance ne traduit, par elle-même, ni une absence d'examen réel et sérieux de la situation de l'intéressé, ni une erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. 9. Pour estimer que les conditions des dispositions précitées n'étaient pas remplies, le préfet a considéré que M. A... n'avait pas d'attaches privée ou familiale stables en France, qu'il ne justifiait pas d'une ancienneté de séjour significative sur le territoire, qu'il ne justifiait pas d'une insertion durable en France et qu'il n'était pas isolé dans son pays d'origine où résident sa mère et sa sœur. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance avant ses 16 ans jusqu'à sa majorité, qu'il a bénéficié de contrats de protection jeune majeur puis d'un contrat de professionnalisation et d'un contrat d'apprentissage, que son employeur lui a proposé un contrat de travail à durée indéterminée et à temps complet, en qualité d'employé de commerce et qu'aux termes de l'avis de la structure d'accueil du 17 décembre 2021, il travaille et les retours de ses responsables sont positifs bien qu'il ait encore besoin d'un accompagnement éducatif. Malgré ses efforts d'insertion, il ressort cependant également des pièces du dossier que M. A... n'était en France que depuis 3 ans et 3 mois à la date de la décision contestée, qu'il n'est pas isolé dans son pays d'origine ou résident sa mère et sa sœur et que s'il s'est lié d'amitié avec des collègues ou de jeunes maliens, comme le souligne le rapport de sa structure d'accueil, il ne justifie pas d'attaches privées ou familiales anciennes et stables sur le territoire français. Dans ces conditions, en estimant que les conditions de la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'étaient pas remplies, le préfet n'a pas méconnu ces dispositions. 10. Il résulte de l'instruction, et notamment des écritures en défense devant le tribunal, que le préfet aurait pris la même décision s'il ne s'était pas fondé sur le caractère frauduleux des documents d'état civil de M. A... mais seulement sur le fait que les conditions de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'étaient pas remplies. Dès lors que ce motif suffisait à justifier légalement l'arrêté, le caractère erroné du motif tiré de la fraude n'est pas de nature à entraîner l'annulation de l'arrêté contesté. 11. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". 12. Il ressort des pièces du dossier que si M. A... justifie d'efforts d'insertion professionnelle, il est célibataire et sans charge de famille en France où il séjournait depuis un peu plus de 3 ans seulement à la date de l'arrêté contesté. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier, comme indiqué au point 9, qu'il serait dépourvu, contrairement ce qu'il allègue, de toute attache dans son pays d'origine. Dans ces conditions, la préfète de la Gironde n'a pas, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, porté au droit au respect de la vie privée et familiale de M. A... une atteinte disproportionnée au but poursuivi. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français : 13. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour doit être écarté. 14. En deuxième lieu, compte tenu des circonstances exposées aux points 9 et 11, le moyen tiré de ce que la décision d'obligation de quitter le territoire français méconnaitrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination : 15. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'illégalité de la décision fixant le pays de destination pour cause d'illégalité du refus de séjour et de la décision d'obligation de quitter le territoire français doit être écarté. 16. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. DECIDE : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Gironde. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023 à laquelle siégeaient : Mme Elisabeth Jayat, présidente, M. Sébastien Ellie, premier conseiller, Mme Edwige Michaud, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2023. La rapporteure, Edwige MichaudLa présidente, Elisabeth Jayat La greffière, Virginie Santana La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. 2 N° 23BX01639 |
CETATEXT000048452289 | J4_L_2023_11_00023NT01461 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/22/CETATEXT000048452289.xml | Texte | CAA de NANTES, 6ème chambre, 21/11/2023, 23NT01461, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-21 00:00:00 | CAA de NANTES | 23NT01461 | 6ème chambre | excès de pouvoir | C | M. GASPON | PRELAUD | M. François PONS | Mme BOUGRINE | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... G... et Mme B... F... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les arrêtés du 13 mars 2023 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire a décidé leur transfert aux autorités italiennes, responsables de l'examen de leur demande d'asile. Par un jugement n°2304700, 2304702 du 26 avril 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 22 mai 2023, M. G... et Mme F..., représentés par Me Prélaud, demandent à la cour : 1°) d'annuler le jugement du 26 avril 2023 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes ainsi que les arrêtés du 13 mars 2023 du préfet de Maine-et-Loire ; 2°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire, à titre principal, de leur remettre une attestation de demande d'asile en procédure normale et, à titre subsidiaire, de réexaminer leur situation dans un délai de 7 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat, au bénéfice de leur conseil, une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Ils soutiennent que : Sur la régularité du jugement attaqué : - la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a omis de statuer sur le moyen tiré de la violation de l'article 3-2 du règlement (UE) n° 604/2013, soulevé indépendamment du moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : - la motivation des arrêtés de transfert est insuffisante ; - les arrêtés de transfert sont entachés d'un vice de procédure tiré de l'absence d'habilitation de l'auteur de la consultation du fichier " Visabio ", en méconnaissance de l'article R. 142-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - les arrêtés de transfert méconnaissent les dispositions de l'article 21 du règlement n° 604/2013, en l'absence de décision sur la demande de prise en charge du troisième enfant du couple, le jeune D... : * il n'est pas établi que l'Italie a été saisie d'une requête aux fins de prise en charge de l'enfant D..., né le 22 février 2023 et que cet Etat ait accepté sa responsabilité à l'égard de cet enfant ; - les arrêtés de transfert méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la Convention internationale des droits de l'enfant : * le préfet n'a pas tenu compte de leur vie privée et familiale sur le territoire français ; - les arrêtés de transfert méconnaissent l'article 4 du règlement n°604/2013, faute d'avoir bénéficié de toutes les informations requises, par écrit ou à défaut expliqué oralement, et dans une langue qu'ils comprennent ; - ils n'ont pas bénéficié d'un entretien individuel préalablement à la notification des décisions de transfert, conformément aux dispositions de l'article 5 du règlement n°604/2013 : * l'entretien n'a pas respecté les règles de confidentialité ; * il n'a pas été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national ; - les arrêtés de transfert méconnaissent l'article 3-2 du règlement n°604/2013 en raison des défaillances systémiques constatées en Italie dans la procédure d'asile et l'accueil des demandeurs d'asile ; - les arrêtés de transfert sont entachés d'une erreur manifeste d'appréciation, elles méconnaissent l'article 17 du règlement n° 604/2013 ; - les arrêtés de transfert méconnaissent les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'UE, dès lors qu'ils sont susceptibles de subir des traitements inhumains et dégradants en Italie ; - les arrêtés de transfert méconnaissent les dispositions de l'article L. 522-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en ce qu'ils justifient être en situation de particulière vulnérabilité, dès lors que, outre la vulnérabilité intrinsèque liée à leur statut de demandeur d'asile, ils sont accompagnés de leurs trois enfants mineurs, dont le dernier est âgé d'à peine un mois. Par un mémoire en défense, enregistré le 29 septembre 2023, le préfet de Maine-et-Loire conclut au non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation des requêtes et au rejet des conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient qu'il a décidé d'abroger les arrêtés portant transfert des intéressés vers l'Italie. Le préfet de Maine-et-Loire a produit, le 3 octobre 2023, l'arrêté du 29 septembre 2023 portant abrogation de l'arrêté de transfert de M. G... vers l'Italie. M. G... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 septembre 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ; - la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; - le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, dit " Dublin III " ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Pons, - et les observations de Me Prélaud, représentant M. G... et Mme F.... Considérant ce qui suit : 1. M. G... et sa conjointe Mme F..., ressortissants arméniens, déclarent être entrés régulièrement en France le 7 décembre 2022. Le 21 décembre 2022, leurs demandes d'asile ont été enregistrées au guichet unique de la préfecture de la Loire-Atlantique. La consultation du fichier Visabio a révélé que les intéressés étaient chacun en possession d'un visa périmé depuis moins de six mois lors du dépôt de leurs demandes d'asile, délivrés par les autorités italiennes. Saisies par les autorités françaises, le 28 décembre 2022, les autorités italiennes ont accepté leur responsabilité par accords explicites du 22 février 2023. Par deux arrêtés du 13 mars 2023, le préfet de Maine-et-Loire a décidé de les transférer aux autorités italiennes pour l'examen de leurs demandes d'asile. Par un jugement du 26 avril 2023, dont M. G... et Mme F... relèvent appel, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande. Sur l'étendue du litige : 2. D'une part, aux termes de l'article 29 du règlement n° 604-2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 : " Le transfert du demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), de l'Etat membre requérant vers l'Etat membre responsable s'effectue conformément au droit national de l'Etat membre requérant, après concertation entre les Etats membres concernés, dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3. /2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'Etat membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite. ". 3. D'autre part, l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date à laquelle le tribunal administratif statue au principal sur cette demande, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel, ni le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale. 4. Le délai initial de six mois dont disposait le préfet de Maine-et-Loire pour procéder à l'exécution des décisions de transférer M. G... et Mme F... vers l'Italie a été interrompu par la saisine de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes. Ce délai a recommencé à courir intégralement à compter du jugement du 26 avril 2023 rendu par ce dernier et il ne ressort pas des pièces du dossier que ce délai ait fait l'objet d'une prolongation ou que ces arrêtés auraient reçu exécution pendant leur période de validité. Par suite, les arrêtés en cause sont caducs à la date du présent arrêt. La France, devenue responsable de la demande d'asile des intéressés, sur le fondement des dispositions du 2 de l'article 29 du règlement n°604-2013 rappelées ci-dessus, doit donc leur délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale et instruire cette demande. Le litige ayant perdu son objet, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. G... et de Mme F... tendant à l'annulation des arrêtés du 13 mars 2023 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire a décidé leur transfert aux autorités italiennes. Sur les frais liés au litige : 5. M. G... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale au titre de la présente instance. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, la somme de mille (1 000) euros, à verser à Me Prélaud avocate des requérants. Ce versement vaudra, conformément à cet article 37, renonciation à ce qu'elle perçoive la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle dont bénéficie l'intéressée. DÉCIDE : Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions des requêtes de M. G... et de Mme F... tendant à l'annulation des arrêtés du 13 mars 2023 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire a décidé leur transfert aux autorités italiennes en vue de l'examen de leur demande d'asile. Article 2 : L'Etat versera la somme de mille (1 000) euros à Me Prélaud en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991. Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... G..., à Mme B... F... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Une copie en sera transmise, pour information, au préfet de Maine-et-Loire. Délibéré après l'audience du 27 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - Mme Gélard, première conseillère - M. Pons, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 novembre 2023. Le rapporteur, F. PONSLe président, O. GASPON La greffière, I. PETTON La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N°23NT01461 |
CETATEXT000048452296 | J6_L_2023_11_00021MA04801 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/22/CETATEXT000048452296.xml | Texte | CAA de MARSEILLE, 1ère chambre, 16/11/2023, 21MA04801, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de MARSEILLE | 21MA04801 | 1ère chambre | excès de pouvoir | C | M. PORTAIL | SELARL MAUDUIT LOPASSO GOIRAND & ASSOCIES | Mme Caroline POULLAIN | M. QUENETTE | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... E... et Mme K... I... ont demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 7 octobre 2017 par lequel le maire de Hyères-les-Palmiers a délivré à M. C... et Mme D... un permis pour la construction d'une surélévation et de toitures terrasses sur un immeuble situé 22 avenue des Hirondelles ainsi que pour la modification du portail de la propriété, ensemble la décision portant rejet de leur recours gracieux, et de condamner les pétitionnaires à leur verser la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts. Par un jugement n° 1801313 du 18 mai 2021, le tribunal administratif de Toulon a annulé cet arrêté en tant qu'il autorisait la surélévation et les toitures terrasses, ensemble et dans cette mesure la décision portant rejet du recours gracieux et a rejeté la demande indemnitaire. Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 13 décembre 2021 et 15 septembre 2022, M. F... C... et Mme G... D..., représentés par Me Lopasso, demandent à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 18 mai 2021 en tant qu'il prononce ces annulations ; 2°) de rejeter les demandes d'annulation de M. et Mme I... présentées devant le tribunal administratif ; 3°) de mettre à la charge M. et Mme I... une somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que : - leur requête a été introduite dans le délai requis, au regard de la date à laquelle ils n'étaient plus en mesure de contester la décision rejetant leur demande d'aide juridictionnelle ; - le permis avait été régulièrement affiché et le recours administratif, comme la demande de première instance par voie de conséquence, étaient tardifs ; - les consorts I... n'ont pas justifié de leur intérêt à agir ; - aucun élément ne prouve que la construction initiale sur leur propriété aurait dû être régularisée, alors qu'elle figurait à l'identique sur les plans cadastraux de 1960 ; - dès lors que la surélévation intervient sur une construction légalement autorisée, la distance de 3 mètres en limite séparative n'est pas applicable et les dispositions de l'article Uec7 du règlement du plan local d'urbanisme ont été respectées. Par des mémoires en défense, enregistrés les 8 février et 23 juin 2022, M. et Mme I..., représentés par Me La Balme, concluent au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 10 000 euros soit mise à la charge solidaire de la commune de Hyères-les-Palmiers et des consorts H... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que : - la requête est tardive dès lors que la saisine du bureau de l'aide juridictionnelle du Conseil d'Etat n'est pas susceptible d'avoir interrompu le délai d'appel ; - les moyens de la requête ne sont pas fondés. La demande d'aide juridictionnelle de M. C... et Mme D... a été rejetée par une décision du 1er octobre 2021 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'urbanisme ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ; - le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Poullain, - les conclusions de M. Quenette, rapporteur public, - et les observations de Me Lopasso, représentant M. C... et Mme D..., et de Me Morvan, substituant Me La Balme, représentant M. et Mme I.... Considérant ce qui suit : 1. M. C... et Mme D... sont propriétaires d'une maison d'habitation située 22 avenue des Hirondelles à Hyères-les-Palmiers, édifiée sur un terrain cadastré section IM n° 166. Par arrêté du 7 octobre 2017, le maire de la commune leur a délivré un permis pour la construction sur l'immeuble existant d'une surélévation et de toitures terrasses ainsi que pour la modification du portail de leur propriété. Ils relèvent appel du jugement du 18 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de Toulon, saisi par leurs voisins, M. et Mme I..., a annulé cet arrêté en tant qu'il autorisait la surélévation et les toitures terrasses, ensemble et dans cette mesure la décision portant rejet du recours gracieux. Sur la fin de non-recevoir opposée en défense : 2. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 à R. 751-4-1 ". 3. D'une part, aux termes de l'article R. 351-1 du code de justice administrative : " Lorsque le Conseil d'Etat est saisi de conclusions relevant de la compétence d'une autre juridiction administrative, et sous réserve des dispositions de l'article R. 351-4, le président de la section du contentieux, saisi par la chambre chargée de l'instruction du dossier, règle la question de compétence et attribue, le cas échéant, le jugement de tout ou partie de l'affaire à la juridiction qu'il déclare compétente ". Lorsque l'affaire entre dans le cas de transmission des dossiers prévu par cet article, la date à retenir pour apprécier la recevabilité du recours est celle de son enregistrement au secrétariat du Conseil d'Etat qui, incompétemment saisi, procède à la transmission du dossier. 4. D'autre part, aux termes de l'article 39 du décret du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Lorsqu'une demande d'aide juridictionnelle (...) est adressée au bureau d'aide juridictionnelle (...) avant l'expiration du délai imparti pour le dépôt du pourvoi ou des mémoires, ce délai est interrompu. Un nouveau délai court à compter du jour de la réception par l'intéressé de la notification de la décision du bureau d'aide juridictionnelle ou, si elle est plus tardive, de la date à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné ". Il ressort de ces dispositions qu'un requérant qui a sollicité dans les délais requis le bénéfice de l'aide juridictionnelle est tenu, à peine de forclusion, d'introduire son recours contentieux dans les deux mois suivant la notification de la décision du bureau d'aide juridictionnelle, qu'elle soit positive ou négative, ou, si elle est plus tardive, la date à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné. 5. Il résulte de la combinaison de ces dispositions qu'une demande d'aide juridictionnelle présentée au bureau d'aide juridictionnelle du Conseil d'Etat interrompt le délai d'appel, alors même que le litige relève de la compétence de la cour administrative d'appel. 6. En l'espèce, la demande d'aide juridictionnelle formée pour les requérants devant le bureau d'aide juridictionnelle du Conseil d'Etat le 1er juin 2021, alors d'ailleurs que le courrier du 18 mai 2021 notifiant le jugement du tribunal administratif de Toulon mentionnait par erreur la possibilité de pourvoi devant le Conseil d'Etat, a interrompu le délai d'appel contre ce jugement. Le bureau d'aide juridictionnelle du Conseil d'Etat a transmis cette demande au bureau de la cour administrative d'appel le 31 août 2021. Un nouveau délai de recours a ainsi couru à compter de la notification, par courrier du 15 octobre 2021, de la décision dudit bureau portant rejet de la demande d'aide juridictionnelle. Dès lors, la requête, introduite le 13 décembre 2021, n'était pas tardive et la fin de non-recevoir opposée en défense doit être écartée. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne les moyens d'annulation retenus : 7. En premier lieu, lorsqu'une construction a fait l'objet de transformations sans les autorisations d'urbanisme requises, il appartient au propriétaire qui envisage d'y faire de nouveaux travaux de déposer une déclaration ou de présenter une demande de permis portant sur l'ensemble des éléments de la construction qui ont eu ou auront pour effet de modifier le bâtiment tel qu'il avait été initialement approuvé. Il en va ainsi même dans le cas où les éléments de construction résultant de ces travaux ne prennent pas directement appui sur une partie de l'édifice réalisée sans autorisation. Il appartient à l'administration de statuer au vu de l'ensemble des pièces du dossier, en tenant compte, le cas échéant, de l'application des dispositions de l'article L. 421-9 du code de l'urbanisme emportant régularisation des travaux réalisés depuis plus de dix ans sous réserve qu'ils ne l'aient pas été sans permis de construire en méconnaissance des prescriptions légales alors applicables. 8. En l'espèce, la demande de permis mentionne que le projet consiste en l'élévation d'un niveau sur le corps principal du bâtiment d'origine, entouré d'une terrasse couverte construite sur l'emprise exacte du bâti restant. Si les requérants entendent justifier de la régularité de la construction d'origine par la mention d'un permis de construire n° PC 5001 délivré le 16 septembre 1969, il ressort des pièces du dossier que ce permis concernait des travaux de " transformation de façade " de ce qui constituait alors le lot n° 48 du lotissement Ayguade, consistant " en une surélévation de l'ancienne toiture de l'annexe pour l'aligner à la toiture du bâtiment principal ". Ce permis ne portait ainsi pas sur la construction de l'annexe elle-même. Les consorts I... soutiennent que cette partie du bâtiment a été édifiée sans autorisation postérieurement à la construction de la partie principale de l'immeuble. Toutefois, pour étayer leur affirmation, ceux-ci se bornent à produire les demandes de permis de construire une habitation, déposées respectivement le 8 juin 1956 sur le lot n° 26 du lotissement, et le 28 avril 1961 sur le lot n° 27, ne faisant apparaître qu'un seul bâtiment rectangulaire, dépourvu d'annexe, sur le lot n° 48 voisin. Il ne ressort pas de ces seuls éléments, sur lesquels le lot litigieux n'apparaît que de façon accessoire, que cette annexe, directement concernée par la surélévation de toiture autorisée en 1969, n'aurait pas été régulièrement édifiée. Si les défendeurs évoquent également un écart de métrage entre le permis délivré en 1969 et le permis litigieux, celui-ci concerne la superficie du terrain et non de la construction elle-même. Il ne ressort ainsi pas des pièces du dossier que la construction sur laquelle le projet intervient aurait fait l'objet de transformations sans les autorisations d'urbanisme requises. 9. En second lieu, les dispositions de l'article UE 7 du règlement du plan local d'urbanisme communal prévoient, en secteur UEc dont relève la parcelle litigieuse, que les constructions doivent être implantées en ordre discontinu avec un recul minimum de 3 mètres des limites séparatives. Il résulte toutefois de ce qui vient d'être exposé au point précédent que les requérants peuvent se prévaloir de l'exception ménagée à cette règle pour les cas de " surélévation d'un bâtiment existant légalement autorisé à condition que celle-ci s'effectue en continuité du nu de la façade existante ". L'arrêté litigieux, qui autorise une telle construction en continuité, ne méconnaît dès lors pas ces dispositions. 10. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur les motifs tirés de l'irrégularité de la construction initiale et de la méconnaissance de l'article UE 7 du règlement du plan local d'urbanisme pour annuler l'arrêté litigieux et la décision portant rejet du recours gracieux. 11. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par les consorts I... devant le tribunal administratif de Toulon à fin d'annulation des décisions en litige. En ce qui concerne les autres moyens présentés devant le tribunal administratif : 12. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le maire de la commune de Hyères-les-Palmiers a, par arrêté du 13 mars 2015 régulièrement publié, affiché et transmis au contrôle de légalité, donné délégation à M. François Cornileau, conseiller municipal délégué, à l'effet de signer notamment les autorisations individuelles d'urbanisme. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté litigieux doit dès lors être écarté. 13. En deuxième lieu, l'article R. 431-7 du code de l'urbanisme prévoit que : " Sont joints à la demande de permis de construire : / (...) / b) Le projet architectural défini par l'article L. 431-2 et comprenant les pièces mentionnées aux articles R. 421-8 à R. 431-12 ". Aux termes de l'article R. 431-8 de ce code : " Le projet architectural comprend une notice précisant : / 1° L'état initial du terrain et de ses abords indiquant, s'il y a lieu, les constructions, la végétation et les éléments paysagers existants ; / 2° Les partis retenus pour assurer l'insertion du projet dans son environnement et la prise en compte des paysages, faisant apparaître, en fonction des caractéristiques du projet : / a) L'aménagement du terrain, en indiquant ce qui est modifié ou supprimé ; / b) L'implantation, l'organisation, la composition et le volume des constructions nouvelles, notamment par rapport aux constructions ou paysages avoisinants ; / (...) ". L'article R. 431-9 du même code précise : " Le projet architectural comprend également un plan de masse des constructions à édifier ou à modifier coté dans les trois dimensions. (...) ". Enfin, aux termes de l'article R. 431-10 du même code : " Le projet architectural comprend également : / a) Le plan des façades et des toitures ; (...) / b) Un plan en coupe précisant l'implantation de la construction par rapport au profil du terrain ; (...) / c) Un document graphique permettant d'apprécier l'insertion du projet de construction par rapport aux constructions avoisinantes et aux paysages, son impact visuel ainsi que le traitement des accès et du terrain ; / (...) ". 14. La circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable. 15. En l'espèce, si le plan de la façade nord PCMI 5.3 pouvait laisser penser qu'une distance de plusieurs mètres séparait la construction litigieuse de la limite séparative entre la propriété des requérants et celle des consorts I..., la mitoyenneté d'angle était représentée sans ambiguïté sur les repérages photographiques ainsi que sur les plans de masse PCMI 2b et 2c, de sorte qu'il ne saurait être sérieusement soutenu que des inexactitudes entacheraient le dossier et auraient été susceptibles de fausser l'appréciation portée par l'administration sur la demande de permis quant à la conformité du projet à la réglementation applicable. 16. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 442-9 du code de l'urbanisme : " Les règles d'urbanisme contenues dans les documents du lotissement, notamment le règlement, le cahier des charges s'il a été approuvé ou les clauses de nature réglementaire du cahier des charges s'il n'a pas été approuvé, deviennent caduques au terme de dix années à compter de la délivrance de l'autorisation de lotir si, à cette date, le lotissement est couvert par un plan local d'urbanisme ou un document d'urbanisme en tenant lieu. / De même, lorsqu'une majorité de colotis a demandé le maintien de ces règles, elles cessent de s'appliquer immédiatement si le lotissement est couvert par un plan local d'urbanisme ou un document d'urbanisme en tenant lieu, dès l'entrée en vigueur de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové. / (...) ". 17. Il ressort des pièces du dossier que le cahier des charges du lotissement Ayguade a été approuvé par le préfet du Var le 16 mai 1950. En application des dispositions citées ci-dessus et dès lors que la commune de Hyères-les-Palmiers était couverte par un plan local d'urbanisme, les règles d'urbanisme que ce cahier des charges contenait étaient ainsi nécessairement devenues caduques à la date de la délivrance du permis de construire litigieux. M. et Mme I... ne sont dès lors pas fondés à se prévaloir des dispositions des articles 15 et 18 de ce cahier des charges. 18. Enfin, en quatrième lieu, si M. et Mme I... soutiennent que la construction, d'ores et déjà réalisée, leur porte préjudice et n'est conforme ni au permis litigieux, ni aux prescriptions de l'article 11 du règlement du plan local d'urbanisme applicable à la zone UE au regard du bardage utilisé en bordure de terrasse et sur l'ensemble de la façade de la surélévation, ces circonstances sont en tout état de cause dépourvues d'incidence sur la légalité dudit permis lui-même. 19. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées à la demande de première instance, que M. C... et Mme D... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a annulé l'arrêté du maire de la commune de Hyères-les-Palmiers du 7 octobre 2017, en tant qu'il leur a délivré un permis de construire une surélévation et des toitures terrasses, ensemble et dans cette mesure la décision portant rejet du recours gracieux. Sur les frais liés au litige : 20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M. C... et de Mme D... qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, tandis que la commune de Hyères-les-Palmiers n'est pas partie à l'instance. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. et Mme I... une somme de 2 000 euros à ce titre. D É C I D E : Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement du tribunal administratif de Toulon du 18 mai 2021 sont annulés. Article 2 : La demande d'annulation présentée par M. et Mme I... devant le tribunal administratif de Toulon est rejetée. Article 3 : M. et Mme I... verseront la somme globale de 2 000 euros à M. C... et Mme D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... C... et Mme G... D... et à M. A... E... et Mme K... B.... Copie de la présente décision sera transmise au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Toulon et à la commune de Hyères-les-Palmiers. Délibéré après l'audience du 26 octobre2023, à laquelle siégeaient : - M. Portail, président, - M. d'Izarn de Villefort, président assesseur, - Mme Poullain, première conseillère, Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023. 2 N° 21MA04801 nb |
CETATEXT000048452304 | J6_L_2023_11_00022MA02979 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/23/CETATEXT000048452304.xml | Texte | CAA de MARSEILLE, 1ère chambre, 16/11/2023, 22MA02979, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de MARSEILLE | 22MA02979 | 1ère chambre | excès de pouvoir | C | M. PORTAIL | TRAVERSINI | M. Philippe D'IZARN DE VILLEFORT | M. QUENETTE | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 1er avril 2022 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de sa destination. Par un jugement n° 2202212 du 8 novembre 2022, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée le 5 décembre 2022, M. A..., représenté par Me Traversini, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement du 8 novembre 2022 du tribunal administratif de Nice ; 2°) d'annuler l'arrêté du 1er avril 2022 du préfet des Alpes-Maritimes ; 3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles et en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : - la décision portant refus de séjour méconnaît les stipulations de l'article 6-1) de l'accord franco-algérien, dans la mesure où il établit sa présence sur le territoire français depuis plus de dix ans ; - elle méconnaît les articles 6-5) de l'accord franco-algérien, 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au regard de sa vie privée et familiale ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; - elle méconnaît les articles 7-b) de l'accord franco-algérien et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au regard de son insertion professionnelle ; elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences d'une telle décision sur sa situation personnelle ; - elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; - le jugement attaqué est entaché d'une erreur de droit au regard des motifs exceptionnels d'admission au séjour ; - la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale, par la voie d'exception de l'illégalité de la décision portant refus de séjour. La demande d'aide juridictionnelle de M. A... a été rejetée par une décision du 27 janvier 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille. Par une ordonnance du 26 avril 2023, la présidente de la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté le recours de M. A... dirigé contre la décision du 27 janvier 2023. La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes, qui n'a pas produit de mémoire. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour du 27 décembre 1968 modifié ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de M. d'Izarn de Villefort a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., de nationalité algérienne, demande l'annulation du jugement par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er avril 2022 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de sa destination. Sur les conclusions à fin d'annulation : 2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / 1) au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant (...) ". 3. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré en France le 14 mars 2002 sous couvert d'un visa C - Etats Schengen d'une durée de validité de six mois. Il soutient qu'il se maintient de manière continue sur le territoire français depuis cette date. L'intéressé produit à ce titre de nombreux éléments permettant d'établir sa présence, sur la période de dix ans antérieurement à la date de la décision contestée, soit depuis l'année 2012, ces documents étant notamment composés de diverses factures, de cartes d'aide médicale de l'Etat, de documents médicaux et bancaires, de promesses d'embauche ou encore d'attestations d'hébergement ou de connaissances. Il se prévaut également de courriers administratifs ou de son avocat, reçus notamment dans le cadre de ses demandes de titre de séjour ou des recours devant le tribunal administratif exercés à l'encontre des décisions dont il a fait l'objet, s'agissant en particulier de son recours enregistré le 11 février 2019 tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet de sa demande de titre de séjour du 30 mars 2018. L'ensemble des pièces produites par M. A... permettent d'établir de manière suffisamment certaine sa présence sur le territoire français depuis plus de dix ans à la date du 1er avril 2022 à laquelle le préfet des Alpes-Maritimes lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour. Dans ces conditions, l'intéressé est fondé à soutenir que cette décision méconnaît les stipulations précitées de l'article 6-1) de l'accord franco-algérien. L'illégalité de cette décision entache d'illégalité, par voie de conséquence, les décisions l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination. 4. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande. Sur les conclusions à fin d'injonction : 5. Eu égard au motif pour lequel le présent arrêt prononce l'annulation de l'arrêté en litige et dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'un changement dans les circonstances de droit ou de fait y ferait obstacle, l'annulation de l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 1er avril 2022 implique nécessairement la délivrance à M. A... d'un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu d'adresser au préfet une injonction en ce sens, en lui impartissant un délai d'exécution d'un mois. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction de l'astreinte demandée par M. A.... Sur les frais liés au litige : 6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens. D É C I D E : Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 8 novembre 2022 et l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 1er avril 2022 sont annulés. Article 2 : Il est enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de délivrer à M. A... un titre de séjour d'une durée de validité d'un an portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. Article 3 : L'Etat versera à M. A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes et au tribunal judiciaire de Nice. Délibéré après l'audience du 26 octobre 2023, où siégeaient : - M. Portail, président, - M. d'Izarn de Villefort, président assesseur, - M. Claudé-Mougel, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023 2 N° 22MA02979 |
CETATEXT000048452314 | J7_L_2023_11_00022DA00367 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/23/CETATEXT000048452314.xml | Texte | CAA de DOUAI, 4ème chambre, 16/11/2023, 22DA00367, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de DOUAI | 22DA00367 | 4ème chambre | plein contentieux | C | M. Heinis | SOCIETE D'AVOCATS HEPTA | M. François-Xavier Pin | M. Arruebo-Mannier | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société en commandite par actions (SCA) Viagetic Capital 1 a demandé au tribunal administratif de Lille de lui accorder le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée au titre du mois d'août 2017 d'un montant de 153 704 euros ou, subsidiairement, d'un montant de 146 353 euros. Par un jugement n° 1902818 du 16 décembre 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 17 février 2022, la SCA Viagetic Capital 1, représentée par Me Blanquart, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de lui accorder ce remboursement ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la décision de rejet de sa réclamation est insuffisamment motivée, en méconnaissance de l'article R. 198-10 du livre des procédures fiscales ; - elle est fondée à se prévaloir, sur le fondement des dispositions du 1° de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, combinées à celles du premier alinéa de l'article L. 80 A de ce livre, de la décision de rescrit du 23 mars 2017 prise par l'administration à la suite de demandes formulées par les sociétés Viagetic Capital 2 et 3 et qui lui est opposable ; - en l'absence de réponse dans un délai de trois mois à la demande de rescrit qu'elle avait présentée le 22 janvier 2015, l'administration doit être regardée, en application de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, comme ayant donné un accord implicite à sa demande ; - elle exerce la seule activité de marchand de biens immobiliers qui ne justifie pas la création de secteurs distincts d'activité ; - en toute hypothèse, les frais généraux doivent être rattachés aux deux secteurs d'activité, de sorte que l'administration aurait dû appliquer un coefficient de taxation forfaitaire en fonction du chiffre d'affaires total en application du 2° du 3 du III de l'article 206 de l'annexe II au code général des impôts ; - à titre subsidiaire, elle était en droit de déduire la taxe sur la valeur ajoutée afférente à ses frais généraux d'un montant de 146 353 euros, représentant la différence entre le montant de la demande de remboursement et le montant de la taxe déductible correspondant aux frais d'acquisition devant faire l'objet d'un traitement différencié du fait du décalage de la date éventuelle de déduction au jour de la revente des biens. Par un mémoire en défense, enregistré le 18 juillet 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par la SCA Viagetic Capital 1 ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 20 octobre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 30 novembre 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Pin, président-assesseur, - les conclusions de M. Arruebo-Mannier, rapporteur public, - et les observations de Me Rousseau, représentant la SCA Viagetic Capital 1. Considérant ce qui suit : Sur l'objet du litige : 1. La SCA Viagetic Capital 1, qui exerce une activité de marchand de biens consistant dans l'acquisition de biens immobiliers en viager en vue de leur revente ou, à titre exceptionnel, de leur mise en location au terme d'une convention de viager à défaut de revente, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er octobre 2015 au 31 octobre 2017, au terme de laquelle l'administration a notamment considéré que la taxe sur la valeur ajoutée dont elle s'était acquittée lors de l'acquisition d'immeubles achevés depuis plus de cinq ans n'était pas immédiatement déductible. Elle a en conséquence rejeté la demande de remboursement de crédit de taxe sur la valeur ajoutée présentée par la SCA Viagetic Capital 1 au titre du mois d'août 2017 pour un montant de 153 704 euros. La SCA Viagetic Capital 1 relève appel du jugement du 16 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant au remboursement de ce crédit de taxe sur la valeur ajoutée. Sur la régularité de la décision ayant rejeté la réclamation : 2. Les irrégularités qui peuvent entacher les décisions prises par le directeur départemental des finances publiques sur les réclamations contentieuses dont il a été saisi sont sans influence sur la validité de l'imposition contestée ou l'étendue du droit à remboursement revendiqué. 3. La SCA Viagetic Capital 1 a déposé une demande de remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée, laquelle constitue, au sens des dispositions de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales, une réclamation contentieuse. Ainsi, la société requérante ne peut utilement soutenir que la décision du 6 février 2019 portant rejet de sa réclamation contentieuse était insuffisamment motivée. Sur le bien-fondé du refus de remboursement opposé par l'administration : En ce qui concerne l'application de la loi fiscale : S'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée sur les achats d'immeubles : 4. Aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. (...) ". Aux termes de l'article 261 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : / (...) 5. (Opérations immobilières) : / (...) 2° Les livraisons d'immeubles achevés depuis plus de cinq ans (...) ". Aux termes de l'article 260 du même code : " Peuvent sur leur demande acquitter la taxe sur la valeur ajoutée : / (...) 5° bis Les personnes qui réalisent une opération visée au 5 de l'article 261 (...) ". Aux termes de l'article 201 quater de l'annexe II à ce code : " L'option prévue au 5° bis de l'article 260 du code général des impôts s'exerce distinctement par immeuble, fraction d'immeuble ou droit immobilier mentionné au 1 du I de l'article 257 de ce code, relevant d'un même régime au regard des articles 266 et 268 du même code. Il doit être fait mention de cette option dans l'acte constatant la mutation ". 5. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que lorsqu'un immeuble achevé depuis plus de cinq ans est acquis en vue de sa revente, la taxe sur la valeur ajoutée ayant éventuellement grevé le prix d'acquisition n'est pas déductible sauf exercice, au moment de la revente, de l'option prévue au 5° bis de l'article 260 du code général des impôts. Par suite, la taxe acquittée lors de l'acquisition du bien n'est pas déductible avant cette date, quand bien même l'immeuble donnerait lieu, dans l'attente de sa revente, à des opérations de location soumises à la taxe sur la valeur ajoutée. 6. D'une part, il résulte de l'instruction, notamment de la proposition de rectification du 30 mars 2018, que la SCA Viagetic Capital 1, dans le cadre de son activité de marchand de biens, a acquis auprès de particuliers des immeubles à usage d'habitation achevés depuis plus de cinq ans dans l'intention de les revendre. Elle a ainsi entendu lier directement et immédiatement ces acquisitions à des opérations de revente d'immeubles achevés depuis de plus de cinq ans, lesquelles sont exonérées, sauf exercice de l'option au moment de la revente, de taxe sur la valeur ajoutée. Ces biens immobiliers ne pouvaient par suite être regardés, avant la date d'exercice de cette option, comme affectés à une opération soumise à la taxe sur la valeur ajoutée et la taxe grevant leur coût d'acquisition n'était dès lors pas déductible avant cette date. 7. D'autre part, il est constant que la SCA Viagetic Capital 1 n'avait revendu aucun de ces biens immobiliers lorsqu'elle a sollicité le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée au titre du mois d'août 2017. Il suit de là que la taxe sur la valeur ajoutée acquittée par la société dans le cadre de son activité de marchand de biens, lors de l'acquisition des immeubles en cause, ne pouvait être déduite qu'au moment de leur revente en cas d'exercice de l'option prévue au 5° bis de l'article 260 du code général des impôts, et non immédiatement. 8. Enfin, si la SCA Viagetic Capital 1 fait valoir qu'elle devait être regardée comme n'exerçant qu'une activité de marchand de biens et que c'est à tort que l'administration a considéré qu'elle exerçait également une activité de refacturation de prestations intra-groupe relevant d'un secteur distinct d'activité, une telle circonstance demeure sans incidence sur le caractère déductible de la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les acquisitions d'immeubles. S'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée sur les frais généraux : 9. Aux termes de l'article 205 de l'annexe II au code général des impôts : " La taxe sur la valeur ajoutée grevant un bien ou un service qu'un assujetti à cette taxe acquiert, importe ou se livre à lui-même est déductible à proportion de son coefficient de déduction ". Aux termes de l'article 206 de cette annexe : " I. - Le coefficient de déduction mentionné à l'article 205 est égal au produit des coefficients d'assujettissement, de taxation et d'admission. / II. - Le coefficient d'assujettissement d'un bien ou d'un service est égal à sa proportion d'utilisation pour la réalisation d'opérations imposables. Les opérations imposables s'entendent des opérations situées dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée en vertu des articles 256 et suivants du code général des impôts, qu'elles soient imposées ou légalement exonérées. / III. - 1. Le coefficient de taxation d'un bien ou d'un service est égal à l'unité lorsque les opérations imposables auxquelles il est utilisé ouvrent droit à déduction. / 2. Le coefficient de taxation d'un bien ou d'un service est nul lorsque les opérations auxquelles il est utilisé n'ouvrent pas droit à déduction. / 3. Lorsque le bien ou le service est utilisé concurremment pour la réalisation d'opérations imposables ouvrant droit à déduction et d'opérations imposables n'ouvrant pas droit à déduction, le coefficient de taxation est calculé selon les modalités suivantes : / 1° Ce coefficient est égal au rapport entre :/ a. Au numérateur, le montant total annuel du chiffre d'affaires afférent aux opérations ouvrant droit à déduction, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations ; / b. Et, au dénominateur, le montant total annuel du chiffre d'affaires afférent aux opérations imposables, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations. / Les sommes mentionnées aux deux termes de ce rapport s'entendent tous frais et taxes compris, à l'exclusion de la taxe sur la valeur ajoutée ; / 2° Lorsqu'un assujetti a constitué des secteurs distincts d'activité en application de l'article 209, le chiffre d'affaires à retenir pour le calcul du rapport mentionné au 1° est celui du ou des secteurs pour lesquels le bien ou le service est utilisé (...) / IV. - 1. Le coefficient d'admission d'un bien ou d'un service est égal à l'unité, sauf dans les cas décrits aux 2 à 4 ". Aux termes du I de l'article 209 de la même annexe : " Les opérations situées hors du champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée et les opérations imposables doivent être comptabilisées dans des comptes distincts pour l'application du droit à déduction. / Il en va de même pour les secteurs d'activité qui ne sont pas soumis à des dispositions identiques au regard de la taxe sur la valeur ajoutée. (...) ". 10. La SCA Viagetic Capital 1 fait valoir qu'à supposer même, comme l'a indiqué, par un courrier du 19 juillet 2018, le supérieur hiérarchique du vérificateur à l'issue de l'entretien du 13 juillet précédent, que l'activité d'acquisition d'immeubles de plus de cinq ans en vue de leur revente et celle de refacturation de prestations aux sociétés Viagetic Capital 2, 3, 4 et 5 aient constitué des secteurs distincts pour les besoins de la taxe sur la valeur ajoutée, ses dépenses constitutives de frais généraux et qui entretiennent ainsi un lien direct et immédiat avec l'ensemble de son activité économique assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée, étaient, quant à elles, immédiatement déductibles. 11. Toutefois, si la requérante indique que ces frais généraux s'élèvent à la somme de 146 353 euros, après avoir retranché du montant du crédit d'impôt dont elle demande le remboursement une somme de 7 351 euros correspondant à la taxe acquittée sur les frais d'acquisition d'immeubles qui n'était pas immédiatement déductible ainsi qu'il a été dit, elle n'apporte aucun élément, ainsi que l'oppose le ministre en défense, de nature à justifier que la somme au titre de laquelle elle sollicite le bénéfice d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée se rattacherait à des frais généraux. Elle n'est, ainsi, pas fondée à soutenir que l'administration aurait dû tenir compte des frais allégués pour lui appliquer un coefficient de taxation calculé en fonction de son chiffre d'affaires total sur le fondement du 2° du 3 du III de l'article 206 de l'annexe II au code général des impôts. 12. Dans ces conditions, c'est à bon droit que le service a remis en cause, sur le terrain de la loi fiscale, le crédit de taxe sur la valeur ajoutée dont la société requérante se prévaut. En ce qui concerne le bénéfice de la doctrine administrative : 13. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. (...) ". 14. Aux termes de l'article L. 80 B du même livre : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : / 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal ; elle se prononce dans un délai de trois mois lorsqu'elle est saisie d'une demande écrite, précise et complète par un redevable de bonne foi. (...) ". Peuvent se prévaloir de cette garantie, pour faire échec à l'application de la loi fiscale, les contribuables qui se trouvent dans la situation de fait sur laquelle l'appréciation invoquée a été portée ainsi que les contribuables qui, à la date de la prise de position de l'administration, ont été partie à l'acte ou ont participé à l'opération qui a donné naissance à cette situation sans que les autres contribuables puissent utilement invoquer une rupture à leur détriment du principe d'égalité. 15. Toutefois, la garantie prévue par le premier alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, auquel renvoie l'article L. 80 B du même livre, ne peut être invoquée que pour contester les rehaussements d'impositions auxquels procède l'administration. Le rejet par le service d'une demande de remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée ne constitue pas un rehaussement d'impositions permettant à un contribuable de se prévaloir, sur le fondement de ces dispositions, de l'interprétation administrative de la loi fiscale. 16. Il résulte de ce qui précède que la SCA Viagetic Capital 1 ne peut utilement, en tout état de cause, se prévaloir des décisions de rescrit du 23 mars 2017 rendues par les services de la direction régionale des finances publiques des Hauts-de-France et du département du Nord et concernant la situation des sociétés Viagetic Capital 2 et Viagetic Capital 3. 17. Pour le même motif, la requérante ne peut utilement, en tout état de cause, invoquer l'absence de réponse, dans le délai de trois mois prévu au 1° de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, à sa demande de rescrit présentée par un courrier du 22 mars 2015, pour se prévaloir d'une prise de position tacite de l'administration fiscale sur l'existence d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée restituable. 18. Il résulte de tout ce qui précède que la SCA Viagetic Capital 1 n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées. DECIDE : Article 1er : La requête de la SCA Viagetic Capital 1 est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCA Viagetic Capital 1 et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Copie en sera transmise à l'administratrice générale des finances publiques chargée de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord. Délibéré après l'audience du 26 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Marc Heinis, président de chambre, - M. François-Xavier Pin, président-assesseur, - M. Bertrand Baillard, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023. Le président-rapporteur, Signé : F.-X. Pin Le président de chambre, Signé : M. A...La greffière, Signé : E. Héléniak La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme, La greffière, Elisabeth Héléniak 2 N°22DA00367 |
CETATEXT000048452315 | J7_L_2023_11_00022DA00701 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/23/CETATEXT000048452315.xml | Texte | CAA de DOUAI, 4ème chambre, 16/11/2023, 22DA00701, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de DOUAI | 22DA00701 | 4ème chambre | plein contentieux | C | M. Heinis | GUEY BALGAIRIES | M. François-Xavier Pin | M. Arruebo-Mannier | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge des cotisations primitives d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2013 à 2015, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement no 1902439-1910419 du 16 décembre 2021, le tribunal administratif de Lille a, à son article 1er , constaté un non-lieu à statuer à concurrence des sommes dégrevées en cours d'instance, à l'article 2, déchargé M. A... des cotisations primitives d'impôt sur le revenu et de contributions sociales correspondant à la taxation des revenus de capitaux mobiliers ayant résulté de la reconstitution des résultats imposables à l'impôt sur les sociétés de la SARL Hallal Meat services au titre des exercices clos en 2014 et en 2015, ainsi que des pénalités s'y rapportant, à l'article 3, mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et, à l'article 4, rejeté de surplus des demandes. Procédure devant la cour : Par une requête et des mémoires, enregistrés les 28 mars 2022, 24 janvier 2023 et 13 mars 2023, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande à la cour : 1°) d'annuler les articles 2 et 3 de ce jugement ; 2°) de remettre à la charge de M. A... les impositions, en droits et pénalités, dont la décharge a été prononcée par ce jugement. Il soutient que : - c'est à tort que les premiers juges ont considéré que la proposition de rectification adressée à M. A... était insuffisamment motivée, en méconnaissance de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ; - à titre subsidiaire, l'insuffisance de motivation de la proposition de rectification du 21 septembre 2016 doit être qualifiée d'erreur non substantielle au sens de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales ; - l'appel incident présenté par M. A... est irrecevable en ce qu'il porte sur des impositions non contestées par l'appel principal ; en tout état de cause, il n'est pas fondé ; - M. A... ne justifie pas des charges, à hauteur de 220 249,62 euros, qui auraient été supportées par la société Hallal Meat services au titre de l'exercice clos en 2014 alors, au demeurant, que l'administration a admis, au titre de cet exercice, la déduction de charges d'un montant supérieur. Par un mémoire en défense et un mémoire, enregistrés le 29 novembre 2022 et le 13 février 2023, M. A..., représenté par Me Guey Balgairies, conclut : 1°) au rejet de la requête ; 2°) par la voie de l'appel incident, à l'annulation de l'article 4 du jugement attaqué ; 3°) à la décharge des cotisations primitives d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2013 à 2015 ; 4°) à ce que la somme de 2 400 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - les moyens soulevés par le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique ne sont pas fondés ; - il justifie de la réalité, du montant et du bien-fondé de la déduction, au titre des charges de la société Hallal Meat services de l'exercice clos en 2014, de dépenses d'acquisition de matériels de petit outillage et d'ingrédients nécessaires à son activité de boucherie, de salaires et cotisations sociales, ainsi que de cotisations au régime social des indépendants ; - à titre incident, il sollicite la décharge totale des cotisations primitives d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2013 à 2015 ; - la proposition de rectification du 21 septembre 2016 n'a pas été envoyée à l'adresse qu'il avait transmise à l'administration, de sorte que la procédure est irrégulière ; - le rôle n'a pas été homologué par un agent disposant d'une délégation de signature régulière. Par une ordonnance du 13 septembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 27 septembre 2023. Une note en délibéré, présentée pour M. A..., a été enregistrée le 26 octobre 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Pin, président-assesseur, - les conclusions de M. Arruebo-Mannier, rapporteur public, - et les observations de Me Guey Balgairies, représentant M A.... Considérant ce qui suit : Sur l'objet du litige : 1. La SARL Hallal Meat services et la SASU Boucherie C..., qui exploitaient chacune un commerce de détail de viande et de produits à base de viande et dont M. A... était le gérant et l'unique associé, ont fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les périodes, respectivement, du 1er janvier 2013 au 5 mai 2015 et du 1er juin 2013 au 30 juin 2015, à l'issue de laquelle le vérificateur, après avoir dressé un procès-verbal d'absence de présentation de comptabilité, a procédé à une reconstitution des chiffres d'affaires et des résultats de ces deux sociétés. En conséquence, M. A... a été assujetti, au titre des années 2013 à 2015, à des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales résultant de la réintégration dans ses bases imposables à l'impôt sur le revenu, selon la procédure contradictoire, d'omissions de recettes que l'administration a regardées comme des revenus distribués imposables entre ses mains dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur le fondement du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts s'agissant des distributions de la SARL Hallal Meat services et sur le fondement du a de l'article 111 de ce code s'agissant des distributions de la SASU Boucherie C.... 2. M. A... a demandé la décharge de ces impositions au tribunal administratif de Lille qui, par un jugement du 16 décembre 2021, après avoir constaté un non-lieu à statuer à concurrence du dégrèvement de 44 964 euros prononcé par l'administration en cours d'instance au titre de l'année 2014, a déchargé le contribuable des cotisations d'impôt sur le revenu et des contributions sociales correspondant à la taxation des revenus de capitaux mobiliers ayant résulté de la reconstitution des résultats imposables à l'impôt sur les sociétés de la société Hallal Meat services au titre des exercices clos en 2014 et en 2015, ainsi que des pénalités s'y rapportant, et a rejeté le surplus de la demande. Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique relève appel de ce jugement en tant qu'il a partiellement déchargé M. A... des impositions en litige. Par la voie de l'appel incident, M. A... conclut à l'annulation de ce jugement en tant qu'il n'a fait intégralement droit à sa demande de décharge. Sur la recevabilité de l'appel incident : 3. Un appel incident est recevable, sans condition de délai, s'il ne soumet pas au juge un litige distinct de celui soulevé par l'appel principal, portant notamment sur des années d'imposition différentes. Les conclusions de M. A... formées par la voie d'un appel incident enregistré le 29 novembre 2022, postérieurement au délai d'appel, en ce qu'elles concernent les impositions mises à sa charge au titre de l'année 2013, soulèvent un litige distinct de celui soulevé par l'appel formé par le ministre qui est relatif aux impositions établies au titre des années 2014 et 2015. Par suite, cet appel incident qui concerne, pour partie, une année d'imposition autre que celles sur lesquelles porte l'appel principal du ministre, est irrecevable en tant qu'il concerne l'année 2013, comme l'oppose à bon droit le ministre, et doit, dès lors, être rejeté dans cette mesure. Sur le motif de décharge retenu par le tribunal administratif : 4. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition (...) ". 5. D'une part, il résulte de ces dispositions que l'administration doit indiquer au contribuable, dans la proposition de rectification, les motifs et le montant des rehaussements envisagés, leur fondement légal et la catégorie de revenus dans laquelle ils sont opérés, ainsi que les années d'imposition concernées. Hormis le cas où elle se réfère à un document qu'elle joint à la proposition de rectification, l'administration peut satisfaire à cette obligation en se bornant à se référer aux motifs retenus dans une proposition de rectification consécutive à un autre contrôle et qui a été régulièrement notifiée au contribuable, à la condition qu'elle identifie précisément la proposition en cause et que celle-ci soit elle-même suffisamment motivée. 6. D'autre part, une proposition de rectification doit, en principe, pour satisfaire aux exigences de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, être notifiée à la dernière adresse communiquée par le contribuable à l'administration fiscale aux fins d'y recevoir ses courriers. Cette adresse est celle connue de l'administration fiscale à la date d'envoi du pli contenant la proposition de rectification. 7. Il n'est pas contesté que la proposition de rectification du 21 septembre 2016 relative à la situation de M. A..., notifiée par une lettre recommandée dont l'avis de réception comporte la mention " présenté / avisé le 26/9/16 " avec la case " pli avisé et non réclamé " cochée sur l'étiquette adhésive " restitution de l'information à l'expéditeur ", n'a pas exposé la méthode de reconstitution des chiffres d'affaires et résultats de la SARL Hallal Meat services. 8. Toutefois, pour le calcul des bases d'imposition, cette proposition de rectification s'est référée aux rehaussements envisagés par l'administration dans la proposition de rectification du 19 septembre 2016 destinée à cette société à la suite de la vérification de sa comptabilité. Pour la première fois en appel, le ministre justifie qu'une copie de la proposition de rectification du 19 septembre 2016 destinée à la société Hallal Meat services a été expédiée le 20 septembre 2016 à l'adresse de M. A... puis retournée au service le 10 octobre 2018 à l'issue du délai de mise en instance, accompagnée de la mention " pli avisé et non réclamé ". Il n'est pas soutenu, ni même allégué, que cette proposition de rectification était insuffisamment motivée. 9. Si M. A... soutient qu'il avait alors déménagé et que la proposition de rectification concernant sa situation personnelle et la copie de la proposition de rectification concernant la société Hallal Meat services n'ont pas été envoyées à l'adresse qu'il avait mentionnée dans ses déclarations de revenus au titre des années 2014 et 2015, il résulte de l'instruction, notamment de ces déclarations, que l'intéressé n'établit pas avoir communiqué à l'administration une autre adresse que celle à laquelle ces documents ont été notifiés. Par suite, le service apporte la preuve que la copie de la proposition de rectification concernant la société Hallal Meat services a été régulièrement adressée à M. A... concomitamment à la proposition de rectification qui lui a été adressée personnellement. 10. Dans ces conditions, M. A... doit être regardé comme ayant disposé des informations lui permettant de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation en application des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales. 11. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a estimé que la procédure d'imposition suivie était irrégulière au motif que la proposition de rectification adressée personnellement à M. A... était insuffisamment motivée s'agissant des revenus distribués ayant résulté de la rectification du résultat imposable de la société Hallal Meat services au titre des exercices clos en 2014 et 2015. 12. Toutefois il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Lille et devant la cour. Sur la régularité de la procédure d'imposition : 13. En premier lieu, pour les mêmes motifs que ceux indiqués ci-dessus, M. A... n'établit pas que l'adresse à laquelle le pli contenant la proposition de rectification qui lui était personnellement adressée a été envoyé n'était pas la dernière adresse connue des services fiscaux à cette date. 14. En second lieu, aux termes de l'article 1658 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable : " Les impôts directs et les taxes assimilées sont recouvrés en vertu soit de rôles rendus exécutoires par arrêté du directeur général des finances publiques ou du préfet, soit d'avis de mise en recouvrement. / Pour l'application de la procédure de recouvrement par voie de rôle prévue au premier alinéa, le représentant de l'Etat dans le département peut déléguer ses pouvoirs aux agents de catégorie A placés sous l'autorité des directeurs départementaux des finances publiques ou des responsables de services à compétence nationale, détenant au moins un grade fixé par décret en Conseil d'Etat. La publicité de ces délégations est assurée par la publication des arrêtés de délégation au recueil des actes administratifs de la préfecture. ". 15. Pour l'application de ces dispositions, l'article 376-0 bis de l'annexe II au code général des impôts précise que le grade mentionné au second alinéa de l'article 1658 de ce code est celui d'administrateur des finances publiques adjoint. L'article 1659 du même code dispose : " La date de mise en recouvrement des rôles est fixée par l'autorité compétente pour les homologuer en application de l'article 1658 en accord avec le directeur départemental des finances publiques. Cette date est indiquée sur le rôle ainsi que sur les avis d'imposition délivrés aux contribuables ". 16. Il résulte de l'instruction, et, notamment des avis d'imposition produits par M. A... en première instance, que les cotisations primitives d'impôt sur le revenu et de contributions sociales qui lui ont été assignées au titre des années 2014 et 2015 ont été mises en recouvrement le 31 décembre 2016. Il résulte en outre des décisions d'homologation du rôle d'impôt sur le revenu et de contributions sociales n° 933 produit par le ministre afférent aux années 2014 et 2015, dont sont extraits les avis d'imposition adressés à M. A..., ainsi qu'il résulte du numéro de rôle qu'ils visent, que les rôles dans lesquels sont comprises les impositions contestées ont été homologués par une décision du 1er décembre 2016, laquelle indique que la date de mise en recouvrement a été fixée au 31 décembre 2016. 17. Si M. A... soutient que cette décision d'homologation du rôle a été signée par une personne incompétente, il résulte des pièces produites par l'administration d'une part que le préfet du Nord a donné délégation de pouvoir, par un arrêté du 21 février 2012 publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture, aux fins de rendre exécutoires les rôles d'impôts directs, aux collaborateurs du directeur régional des finances publiques de la région la région Nord-Pas-de-Calais et du département du Nord ayant au moins le grade d'administrateur des finances publiques adjoint, à l'exclusion de ceux ayant la qualité de comptable, et d'autre part que le signataire de la décision d'homologation du rôle, qui a le grade d'administrateur des finances publiques adjoint, et dont il est constant qu'il n'exerçait pas la fonction de comptable, était au nombre des agents ayant régulièrement reçu délégation pour signer la décision en cause. Sur le bien-fondé des impositions : En ce qui concerne les revenus distribués par la SARL Hallal Meat services : 18. Aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré ". 19. Il est constant que M. A... n'a pas fait parvenir d'observations au service dans le délai de trente jours prévu par l'article R. 57-1 du livre des procédures fiscales en réponse à la proposition de rectification du 21 septembre 2016 qui lui a été régulièrement notifiée. Dès lors, il doit être regardé comme ayant accepté ces redressements et, de ce fait, supporte, devant le juge de l'impôt, la charge de la preuve du caractère exagéré des impositions. 20. Aux termes des dispositions du 1 de l'article 109 du code général des impôts : " Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital. (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article 110 du même code : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109, les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés. ". Aux termes de l'article 47 de l'annexe II à ce code : " Toute rectification du bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés au titre d'une période sera prise en compte au titre de la même période pour le calcul des sommes distribuées. ". 21. A l'issue de la vérification de comptabilité de la SARL Hallal Meat services, dont M. A... était le gérant et l'unique associé, l'administration a, en l'absence de comptabilité, reconstitué les chiffres d'affaires et résultats de cette société et a estimé que les recettes non déclarées par cette société, s'élevant à la somme de 128 575 euros et de 20 593 euros au titre des exercices clos respectivement les 31 décembre 2014 et 31 décembre 2015, n'ayant été ni mises en réserve ni incorporées au capital, devaient être considérées comme des revenus distribués imposables au titre des années 2014 et 2015 dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers en application du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, entre les mains de M. A..., en sa qualité de maître de l'affaire qu'il ne conteste pas. 22. Pour reconstituer les chiffres d'affaires et résultats des exercices clos en 2014 et 2015 de la société Hallal Meat services, qui n'avait présenté aucun document comptable ou pièce justificative, le vérificateur a déterminé les montants d'achats de marchandises tels qu'ils avaient pu être révélés par l'exercice du droit de communication auprès des fournisseurs de la société, soit respectivement 869 525 euros et 139 266 euros. Le vérificateur a ensuite appliqué à ces montants le coefficient de marge de 1,211 résultant du rapport entre le chiffre d'affaires déclaré par la société au titre de l'exercice 2013 et le montant d'achat de marchandises au cours de cet exercice. Selon cette méthode retenue par le service, le chiffre d'affaires de la société s'est établi, au titre des exercices 2014 et 2015, à respectivement 998 100 euros et 159 859 euros. Enfin, pour déterminer le résultat imposable, le vérificateur a admis comme charges le montant des achats reconstitués. 23. Au vu des factures produites au contentieux par M. A..., l'administration a admis, en première instance, la déduction de charges complémentaires d'un montant de 53 832 euros au titre de l'exercice clos en 2014 et a prononcé le dégrèvement correspondant le 7 février 2020. Pour les autres dépenses considérées comme injustifiées par l'administration, M. A... conteste l'imposition entre ses mains des sommes réputées distribuées par la société Hallal Meat services, dont il était le gérant et l'unique associé, au motif qu'il s'agissait d'achats de matériaux, de produits alimentaires et de charges salariales et patronales justifiés par les besoins de l'exploitation. 24. Le contribuable justifie tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité, par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. 25. Toutefois, d'une part, M. A... n'a apporté aucun élément de nature à établir que les factures d'achats d'outillages, d'équipements et de matériaux de construction, dont certaines ne sont d'ailleurs pas libellées au nom de la société Hallal Meat services, ont été exposées pour les besoins de cette société qui exerçait une activité de boucherie ou que des factures émises au nom de la société Boucherie C... ont en réalité constitué des dépenses engagées dans l'intérêt de la société Hallal Meat services et supportées par cette dernière. 26. D'autre part, M. A..., en s'abstenant de présenter des factures ou tout autre justificatif, n'a pas davantage justifié de l'achat par la société Hallal Meat services d'épices destinées à l'assaisonnement des viandes. 27. Enfin, si M. A... soutient que la société Hallal Meat services a employé quatre salariés au cours de l'exercice 2014 et que le montant des salaires et charges sociales s'est élevé à la somme totale de 68 740 euros, il n'a pas produit les déclarations annuelles de données sociales remplies par la société et n'a pas justifié de la réalité de l'engagement des charges alléguées par la seule production de bordereaux de cotisations de charges salariales afférents aux premier et troisième trimestres de l'année 2014 et de bulletins de paie concernant les seuls mois de janvier et septembre 2014. L'échéancier prévisionnel de cotisations pour l'année 2014, établi le 14 décembre 2013 par le régime social des indépendants, n'est pas davantage de nature à justifier du caractère certain de la dette alléguée par M. A... tant dans son principe que dans son montant. 28. Dans ces conditions, M. A... n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, de l'exagération des bénéfices reconstitués par l'administration au titre des exercices clos en 2014 et 2015 et réintégrés dans ses revenus imposables en tant que revenus distribués. 29. Il résulte de ce qui précède qu'il n'est pas établi que la méthode de reconstitution du chiffres d'affaires de la SARL Hallal Meat services retenue par l'administration était entachée d'erreurs. Par suite, c'est à bon droit que le service a rectifié les résultats imposables de cette société et a imposé entre les mains de M. A... les bénéfices distribués correspondants. En ce qui concerne l'application de la majoration de 1,25 aux contributions sociales : 30. Si M. A... soutient que la majoration des contributions sociales prévue au 2° du 7 de l'article 158 du code général des impôts n'est pas applicable, compte tenu de la décision n° 2016-610 QPC du 10 février 2017 du Conseil constitutionnel, il résulte de l'instruction que le dégrèvement de cette majoration a été prononcé le 27 février 2018 par l'admission partielle de la réclamation. Le moyen tiré de la méconnaissance de la réserve d'interprétation donnée par cette décision du Conseil constitutionnel doit donc être écarté. 31. Il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a prononcé la décharge des cotisations primitives d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, en droits et pénalités, auxquelles M. A... a été assujetti au titre des années 2014 et 2015 dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers résultant de revenus distribués par la société Hallal Meat Service et, d'autre part, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 4 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté le surplus de sa demande. Sur les conclusions de M. A... tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 32. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. DECIDE : Article 1er : Les articles 2 et 3 du jugement no 1902439, 1910419 du tribunal administratif de Lille du 16 décembre 2021 sont annulés. Article 2 : Les cotisations primitives d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles M. A... a été assujetti au titre des années 2014 et 2015 et dont le tribunal administratif de Lille a prononcé la décharge, sont remises à sa charge à raison de l'intégralité des droits et pénalités, restant en litige, qui lui ont été assignés. Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Lille du 16 décembre 2021 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt. Article 4 : Les conclusions de la demande de M. A... devant le tribunal administratif de Lille relatives aux impositions et pénalités mentionnées à l'article 2 ainsi que l'ensemble de ses conclusions présentées devant la cour sont rejetées. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Copie en sera transmise à l'administratrice générale des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord. Délibéré après l'audience du 26 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Marc Heinis, président de chambre, - M. François-Xavier Pin, président-assesseur, - M. Bertrand Baillard, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023. Le président-rapporteur, Signé : F.-X. Pin Le président de chambre, Signé : M. B...La greffière, Signé : E. Héléniak La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme, La greffière, Elisabeth Héléniak 2 N°22DA00701 |
CETATEXT000048452316 | J7_L_2023_11_00022DA01136 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/23/CETATEXT000048452316.xml | Texte | CAA de DOUAI, 4ème chambre, 16/11/2023, 22DA01136, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de DOUAI | 22DA01136 | 4ème chambre | plein contentieux | C | M. Heinis | CABINET ASEA | M. François-Xavier Pin | M. Arruebo-Mannier | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La commune de Noyelles-Godault a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner l'Etat à lui verser la somme de 53 461 euros, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation, en réparation du préjudice financier qu'elle estime avoir subi, au titre des années 2018 et 2019, en raison de l'absence de mise en œuvre du dispositif de compensation prévu au III de l'article 48 de la loi de finances rectificative n°2016-1918 du 29 décembre 2016. Par un jugement n° 1909747 du 21 avril 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 31 mai 2022, la commune de Noyelles-Godault, représentée par Me Sevino, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 87 713 euros correspondant au préjudice qu'elle estime avoir subi au titre des années 2019 à 2021 ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - en omettant de mettre en œuvre le système de compensation prévu au III de l'article 48 de la loi de finances rectificative n°2016-1918 du 29 décembre 2016 alors que le gouvernement est à l'initiative de la procédure budgétaire, l'Etat a fait preuve d'une carence fautive ; - les mesures de compensation prévues par l'article 48 de la loi de finances rectificative n°2016-1918 du 29 décembre 2016 n'ont pas été reprises à l'article 1388 quinquies B du code général des impôts lors de sa codification ; la responsabilité de l'Etat est engagée à raison de cette erreur de codification ; - les informations erronées qui lui ont été données par le préfet du Pas-de-Calais quant à la compensation de la mesure d'abattement par une majoration de la dotation globale de fonctionnement l'ont induite en erreur de sorte que l'Etat a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ; il existe un lien de causalité entre la perte de recettes non compensée et la faute de l'Etat à avoir diffusé des informations erronées ; - l'Etat a commis une faute lourde d'une part, en s'abstenant, dans le cadre du contrôle de légalité, de censurer la délibération qui a mis en œuvre l'abattement alors que cette délibération était dépourvue de base légale en ce qu'elle indiquait que cet abattement ferait l'objet d'une compensation et, d'autre part, en ne censurant pas son budget alors même que, pour le même motif, ce budget n'avait pas été adopté à l'équilibre réel ; - les conséquences financières subies s'élèvent à la somme de 87 713 euros. Par un mémoire en défense, enregistré le 10 janvier 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par la commune de Noyelles-Godault ne sont pas fondés. La requête a été communiquée au ministre de l'intérieur et des outre-mer qui n'a pas produit de mémoire. Par ordonnance du 12 janvier 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 30 mars 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la Constitution ; - le code général des impôts ; - le code de l'urbanisme ; - le code général des collectivités territoriales ; - la loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016, notamment son article 48 ; - loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019, notamment son article 16 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Pin, président-assesseur, - les conclusions de M. Arruebo-Mannier, rapporteur public, - et les observations de Me Bennani, représentant la commune de Noyelles-Godault. Considérant ce qui suit : Sur l'objet du litige : 1. L'article 1388 quinquies B du code général des impôts, issu de l'article 48 de la loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016, a prévu la possibilité, sur délibération d'une collectivité ou d'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, d'instituer un abattement de 50 % de la base d'imposition à la taxe foncière sur les propriétés bâties situées dans le périmètre d'un projet d'intérêt général, justifié par la pollution de l'environnement. 2. Par une délibération du 28 septembre 2017, le conseil municipal de la commune de Noyelles-Godault a décidé d'instituer, à compter de l'imposition de l'année 2018, l'abattement prévu à l'article 1388 B quinquies du code général des impôts pour les propriétés bâties situées dans le périmètre du site de l'ancienne usine Metaleurop Nord, qualifié de projet d'intérêt général, au sens de l'article L. 102-1 du code de l'urbanisme, par un arrêté du préfet du Pas-de-Calais du 7 octobre 2015, et justifié par la pollution de l'environnement. 3. Estimant avoir droit à la réparation d'une perte de recettes fiscales ayant résulté de l'absence de mise en œuvre par l'Etat du mécanisme de compensation prévu aux III et IV de l'article 48 de la loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 et après avoir vainement formé une réclamation indemnitaire auprès du préfet du Pas-de-Calais, la commune de Noyelles-Godault a demandé au tribunal administratif de Lille de l'indemniser du préjudice financier qu'elle estime avoir subi à hauteur de 53 461 euros au titre des années 2018 et 2019. La commune de Noyelles-Godault relève appel du jugement du 21 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande et sollicite de la cour qu'elle condamne l'Etat à lui payer désormais la somme totale de 87 713 euros à raison des pertes de recettes fiscales qu'elle estime avoir supportées de 2018 à 2021. Sur le cadre juridique du litige : 4. D'une part, aux termes de l'article 1388 quinquies B du code général des impôts, issu du I de l'article 48 de la loi du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016 : " Sur délibération de la collectivité territoriale ou de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, prise dans les conditions prévues au I de l'article 1639 A bis, la base d'imposition à la taxe foncière sur les propriétés bâties situées dans le périmètre d'un projet d'intérêt général, au sens de l'article L. 102-1 du code de l'urbanisme, justifié par la pollution de l'environnement, peut faire l'objet d'un abattement de 50 %. Pour bénéficier de l'abattement prévu au premier alinéa du présent article, le propriétaire doit adresser aux services des impôts du lieu de situation des biens, avant le 1er janvier de chaque année, une déclaration conforme au modèle établi par l'administration et comportant tous les éléments d'identification des biens ". 5. D'autre part, aux termes de l'article 48 de la loi du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016, dans sa rédaction initiale : " I.- Après l'article 1388 quinquies A du code général des impôts, il est inséré un article 1388 quinquies B ainsi rédigé : / " Art. 1388 quinquies B.-Sur délibération de la collectivité territoriale ou de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, prise dans les conditions prévues au I de l'article 1639 A bis, la base d'imposition à la taxe foncière sur les propriétés bâties situées dans le périmètre d'un projet d'intérêt général, au sens de l'article L. 102-1 du code de l'urbanisme, justifié par la pollution de l'environnement, peut faire l'objet d'un abattement de 50 %. / " Pour bénéficier de l'abattement prévu au premier alinéa du présent article, le propriétaire doit adresser aux services des impôts du lieu de situation des biens, avant le 1er janvier de chaque année, une déclaration conforme au modèle établi par l'administration et comportant tous les éléments d'identification des biens. " / II- Par dérogation au I de l'article 1639 A bis du code général des impôts, les collectivités territoriales et leurs établissements de coopération intercommunale à fiscalité propre peuvent délibérer jusqu'au 5 février 2017 afin d'instituer l'abattement prévu à l'article 1388 quinquies B du même code pour les impositions dues à compter de 2017. / III.- La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du I est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement. / IV.- La perte de recettes résultant pour l'Etat du III est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts ". Les III et IV de cet article ont été abrogés par le 3° du 8 du G du I de l'article 16 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020. Sur la responsabilité de l'Etat pour faute : En ce qui concerne l'absence de dépôt d'un projet de loi nécessaire à la mise en œuvre du mécanisme de compensation prévu au III de l'article 48 de la loi du 29 décembre 2016 : 6. La commune de Noyelles-Godault soutient que le gouvernement a commis une faute en s'abstenant de soumettre au Parlement, en application des dispositions de l'article 39 de la Constitution, un projet de loi tendant à majorer la dotation globale de fonctionnement dans le but, conformément au III de l'article 48 de la loi du 29 décembre 2016, de compenser la perte de recettes fiscales pour les collectivités territoriales. 7. Toutefois, la question ainsi soulevée touche aux rapports entre les pouvoirs publics constitutionnels, échappe, par là-même, à la compétence de la juridiction administrative et n'est, par suite, pas susceptible, par sa nature, de servir de fondement à une action en responsabilité. 8. En tout état de cause, le législateur ne pouvant lui-même se lier, une disposition législative posant le principe de l'intervention d'une loi ultérieure ne saurait constituer une promesse dont le non-respect constituerait une faute susceptible d'engager, devant le juge administratif, la responsabilité de l'Etat. En ce qui concerne l'erreur de codification : 9. Il résulte de l'économie générale et de la rédaction de l'article 48 de la loi du 29 décembre 2016 cité au point 5 que si le législateur a prévu, au paragraphe I de cet article, de créer l'article 1388 quinquies B du code général des impôts, il n'a pas prévu que les paragraphes II à IV de ce même article 48 feraient l'objet d'une codification. 10. Par suite, et en tout état de cause, la commune de Noyelles-Godault n'est pas fondée à soutenir que la responsabilité de l'Etat est engagée à défaut de codification du III de l'article 48 de la loi du 29 décembre 2016 au sein de l'article 1388 quinquies B du code général des impôts. En ce qui concerne la communication d'informations erronées : 11. Il résulte de l'instruction que, par un courrier du 6 septembre 2017, le préfet du Pas-de-Calais a rappelé aux communes et établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre situés dans le périmètre du projet d'intérêt général lié au site de l'ancienne usine Metaleurop l'existence de l'abattement prévu à l'article 1388 quinquies B du code général des impôts, a précisé que les collectivités concernées avaient la faculté d'instituer cet abattement, a rappelé les modalités de compensation telles qu'elles figuraient au III de l'article 48 de la loi du 29 décembre 2016 et a joint à ce courrier une note de la direction départementale des finances publiques du Pas-de-Calais indiquant aux collectivités la procédure à suivre si elles entendaient instaurer un tel abattement. 12. Contrairement à ce que soutient la commune de Noyelles-Godault, ce courrier du préfet du Pas-de-Calais, qui se bornait à reproduire les dispositions législatives alors applicables, ne contenait pas d'informations erronées de nature à l'avoir induite en erreur dans le choix d'instaurer cet abattement. En ce qui concerne l'exercice du contrôle de légalité : 13. Aux termes de l'article 72 de la Constitution : " Les collectivités territoriales de la République (...) s'administrent librement par des conseils élus (...). Dans les collectivités territoriales de la République, le représentant de l'État, (...), a la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois ". Aux termes de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales : " Le représentant de l'Etat dans le département défère au tribunal administratif les actes mentionnés à l'article L. 2131-2 qu'il estime contraires à la légalité (...) ". 14. Les carences de l'Etat dans l'exercice du contrôle de légalité des actes des collectivités territoriales ne sont susceptibles d'engager la responsabilité de l'Etat que si elles présentent le caractère d'une faute lourde. 15. Par la délibération du 28 septembre 2017, le conseil municipal de Noyelles-Godault a institué, à compter de l'imposition de l'année 2018, l'abattement prévu à l'article 1388 quinquies B du code général des impôts, après avoir rappelé les termes du courrier du préfet du Pas-de-Calais du 6 septembre 2017 évoqué au point 11 quant à la compensation des pertes de recettes fiscales prévue au III de l'article 48 de la loi du 29 décembre 2016. 16. Le conseil municipal de Noyelles-Godault s'est ainsi borné à reprendre le texte du III de l'article 48 de la loi du 29 décembre 2016. Sa délibération n'était donc pas entachée d'illégalité même si ce III ne précisait pas les modalités de la compensation des pertes de recettes pour les collectivités ayant opté pour la mise en place de l'abattement prévu à l'article 1388 quinquies B du code général des impôts. 17. Dans ces conditions, la commune de Noyelles-Godault n'est pas fondée à soutenir que l'exercice du contrôle de la légalité de cette délibération par le préfet du Pas-de-Calais révèle une carence caractérisant une faute lourde susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat. En ce qui concerne l'exercice du contrôle budgétaire : 18. Aux termes de l'article L. 1612-4 du code général des collectivités territoriales : " Le budget de la collectivité territoriale est en équilibre réel lorsque la section de fonctionnement et la section d'investissement sont respectivement votées en équilibre, les recettes et les dépenses ayant été évaluées de façon sincère, et lorsque le prélèvement sur les recettes de la section de fonctionnement au profit de la section d'investissement, ajouté aux recettes propres de cette section, à l'exclusion du produit des emprunts, et éventuellement aux dotations des comptes d'amortissements et de provisions, fournit des ressources suffisantes pour couvrir le remboursement en capital des annuités d'emprunt à échoir au cours de l'exercice ". Aux termes de l'article L. 1612-5 de ce ode : " Lorsque le budget d'une collectivité territoriale n'est pas voté en équilibre réel, la chambre régionale des comptes, saisie par le représentant de l'Etat dans un délai de trente jours à compter de la transmission prévue aux articles L. 2131-1, L. 3131-1 et L. 4141-1, le constate et propose à la collectivité territoriale, dans un délai de trente jours à compter de la saisine, les mesures nécessaires au rétablissement de l'équilibre budgétaire et demande à l'organe délibérant une nouvelle délibération. (...) ". 19. Il résulte de l'instruction que, contrairement à ce que soutient la commune de Noyelles-Godault, aucun vote en déséquilibre de son budget ou de chacune des sections de fonctionnement et d'investissement n'est intervenu au cours de la période en cause, de sorte que le préfet du Pas-de-Calais n'avait pas à saisir la chambre régionale des comptes en application de l'article L. 1612-5 du code général des collectivités territoriales. 20. Dans ces conditions, la requérante ne saurait soutenir que la responsabilité pour faute lourde de l'Etat se trouve engagée à raison de manquements aux obligations du préfet du Pas-de-Calais en matière de contrôle budgétaire, au cours de la période dont il s'agit. 21. Il résulte de ce qui précède que la commune de Noyelles-Godault n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées. DECIDE : Article 1er : La requête de la commune de Noyelles-Godault est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Noyelles-Godault, au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera transmise pour information au préfet du Pas-de-Calais. Délibéré après l'audience du 26 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Marc Heinis, président de chambre, - M. François-Xavier Pin, président-assesseur, - M. Bertrand Baillard, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023. Le président-rapporteur, Signé : F.-X. Pin Le président de chambre, Signé : M. A...La greffière, Signé : E. Héléniak La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui les concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme, La greffière, Elisabeth Héléniak 2 N°22DA01136 |
CETATEXT000048452317 | J7_L_2023_11_00022DA01638 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/23/CETATEXT000048452317.xml | Texte | CAA de DOUAI, 4ème chambre, 16/11/2023, 22DA01638, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de DOUAI | 22DA01638 | 4ème chambre | plein contentieux | C | M. Heinis | GUEY BALGAIRIES | M. Bertrand Baillard | M. Arruebo-Mannier | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels il a été assujetti au titre de la période du 1er janvier 2008 au 28 février 2009. Par un jugement n° 1504529 du 29 mars 2018, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande. Procédure devant la cour avant renvoi : Par une requête et des mémoires, enregistrés le 2 juin 2018, le 19 décembre 2019 et le 24 août 2020, M. B..., représenté par Me Guey, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels il a été assujetti au titre de la période du 1er janvier 2008 au 28 février 2009. Il soutient que : - sa requête est recevable dès lors qu'il disposait, en application de l'article R. 196-3 du livre des procédures fiscales, d'un délai égal à celui de l'administration pour présenter sa réclamation, lequel était de dix années ainsi que le prévoient les dispositions de l'article L. 176 du même livre ; - la procédure d'imposition méconnaît l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales dès lors que la proposition de rectification ne mentionne pas la réponse apportée par les autorités belges à la demande d'assistance administrative internationale présentée par le service vérificateur ; - il ne disposait pas d'un établissement stable en France mais exerçait son activité de vente de cartes téléphoniques en Belgique ; - il a auto-liquidé la taxe sur la valeur ajoutée en Belgique ; - la pénalité de 80 % n'est pas fondée dès lors qu'il a rempli ses obligations fiscales en Belgique. Par des mémoires, enregistrés le 22 novembre 2018 et les 6 janvier et 27 octobre 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés. Par un arrêt n°18DA01134 du 28 janvier 2021, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel de M. B... contre ce jugement. Par une décision n° 451206 du 22 juillet 2022, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a, sur la demande de M. B..., annulé l'arrêt du 28 janvier 2021 et a renvoyé l'affaire à la cour. Procédure devant la cour après renvoi : Par des mémoires en défense, enregistrés les 16 août 2022, 15 février 2023 et 20 octobre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête de M. B.... Il soutient que : - il entend se référer à ses précédentes écritures et abandonner le moyen tiré de l'irrecevabilité de la demande de M. B... ; - le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales est inopérant ; - la charge de la preuve pèse sur M. B... ; - l'activité de M. B... est imposable à la taxe sur la valeur ajoutée en France ; - la pénalité de 80 % est fondée ; - à titre subsidiaire, il y a lieu de substituer à la pénalité de 80 % celle de 40 % prévue au b du 1 de l'article 1728 du code général des impôts. Par des mémoires, enregistrés les 1er octobre 2022 et 19 octobre 2023, M. B..., représenté par Me Guey, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lille du 29 mars 2018 ; 2°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels il a été assujetti au titre de la période du 1er janvier 2008 au 28 février 2009. Il soutient que : - l'administration a utilisé des éléments communiqués à la suite de la demande d'assistance administrative internationale sans le mentionner dans la proposition de rectification ; - il ne disposait pas d'un établissement stable en France mais exerçait son activité de vente de cartes téléphoniques en Belgique ; - il a auto-liquidé la taxe sur la valeur ajoutée en Belgique ; - la pénalité de 80 % n'est pas fondée. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Bertrand Baillard, premier conseiller, - les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public, - et les observations de Me Guey, représentant M. B.... Une note en délibéré, présentée par M. B..., a été enregistrée le 26 octobre 2023. Considérant ce qui suit : Sur l'objet du litige : 1. M. B... exploitait à titre personnel une entreprise immatriculée en Belgique ayant notamment pour activité le négoce de cartes téléphoniques prépayées. Estimant que M. B... disposait d'un établissement stable pour l'exercice de cette activité en France, l'administration a procédé à une vérification de sa comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2007 au 28 février 2009, à l'issue de laquelle, par une proposition de rectification en date du 9 juin 2010, le service a notamment mis à la charge de l'intéressé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en raison de l'exercice, en France, d'une activité occulte de vente de cartes téléphoniques du 1er janvier 2008 au 28 février 2009, lesquels ont été assortis de la majoration de 80 % prévue au c du 1 de l'article 1728 du code général des impôts. 2. Par un jugement du 29 mars 2018, le tribunal administratif de Lille a rejeté comme irrecevable la demande de M. B... tendant à la décharge de ces rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités afférentes, au motif que sa réclamation, formée le 29 décembre 2014, était tardive. Par un arrêt du 28 janvier 2021, la cour a rejeté l'appel formé par M. B... contre ce jugement. Par une décision n° 451206 du 22 juillet 2022 le Conseil d'Etat a, sur la demande du contribuable, annulé cet arrêt au motif que la réclamation de M. B... ne pouvait pas être regardée comme tardive dès lors que le contribuable exerçant une activité occulte disposait, pour présenter ses propres réclamations, d'un délai égal à celui fixé à l'administration pour établir l'impôt, lequel expirait le 31 décembre de la dixième année suivant celle au cours de laquelle la proposition de rectification lui avait été régulièrement notifiée. Le Conseil d'Etat a en conséquence renvoyé l'affaire à la cour. Sur la régularité du jugement du tribunal administratif de Lille du 29 mars 2018 : 3. D'une part, aux termes de l'article R. 196-3 du livre des procédures fiscales : " Dans le cas où un contribuable fait l'objet d'une procédure de reprise ou de rectification de la part de l'administration des impôts, il dispose d'un délai égal à celui de l'administration pour présenter ses propres réclamations ". 4. D'autre part, aux termes du premier alinéa de l'article L. 176 du livre des procédures fiscales : " Pour les taxes sur le chiffre d'affaires, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année suivant celle au cours de laquelle la taxe est devenue exigible conformément aux dispositions du 2 de l'article 269 du code général des impôts ". Le troisième alinéa du même article, dans sa rédaction applicable au litige, dispose : " Par exception aux dispositions du premier alinéa, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle la taxe est devenue exigible conformément aux dispositions du 2 de l'article 269 du code général des impôts (...) lorsque le contribuable exerce une activité occulte. L'activité occulte est réputée exercée lorsque le contribuable n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et soit n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, soit s'est livré à une activité illicite ". En vertu des dispositions de l'article L. 189 du livre des procédures fiscales, la prescription est interrompue, notamment, par la notification d'une proposition de rectification. 5. Il résulte des dispositions rappelées aux points 3 et 4 que le contribuable qui a fait l'objet d'une procédure de reprise ou de rectification dispose, pour présenter ses propres réclamations, d'un délai égal à celui fixé à l'administration pour établir l'impôt, lequel expire, s'agissant des taxes sur le chiffre d'affaires et lorsque le contribuable exerce une activité occulte, le 31 décembre de la dixième année suivant celle au cours de laquelle la proposition de rectification lui a été régulièrement notifiée. 6. Pour rejeter la demande de M. B... comme irrecevable, le tribunal a d'abord estimé que si les dispositions précitées de l'article L. 176 du livre des procédures fiscales prévoient, par exception, un délai dérogatoire de reprise de dix ans lorsque le contribuable exerce une activité occulte, ces dispositions n'ont pas pour effet de porter le délai de réclamation d'un contribuable exerçant une telle activité à dix ans lorsque l'administration a mis en œuvre son droit de reprise, à son égard, dans le délai de droit commun de trois ans. Il en a déduit que la réclamation de M. B... était tardive au regard des dispositions de l'article R. 196-3 du livre des procédures fiscales dès lors que l'administration n'avait pas fait usage du délai de reprise prolongé et a fait droit à la fin de non-recevoir opposée par l'administration fiscale en défense. 7. Toutefois, il résulte de ce qui été dit au point 5 qu'en rejetant pour ce motif comme irrecevable la demande de M. B..., le tribunal a entaché son jugement d'irrégularité. M. B... est donc fondé à en demander l'annulation. 8. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Lille. Sur la régularité de la procédure d'imposition : 9. Aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. ". 10. L'obligation ainsi faite à l'administration d'informer le contribuable de l'origine et de la teneur des renseignements qu'elle a utilisés pour procéder à des rectifications a pour objet de permettre à celui-ci, notamment, de discuter utilement leur provenance ou de demander que les documents qui, le cas échéant, contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent, afin qu'il puisse vérifier l'authenticité de ces documents et en discuter la teneur ou la portée. Les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales instituent ainsi une garantie au profit de l'intéressé. Toutefois, la méconnaissance de ces dispositions par l'administration demeure sans conséquence sur le bien-fondé de l'imposition s'il est établi qu'eu égard à la teneur du renseignement, nécessairement connu du contribuable, celui-ci n'a pas été privé, du seul fait de l'absence d'information sur l'origine du renseignement, de cette garantie. 11. La proposition de rectification du 9 juin 2010 a d'abord indiqué que le service vérificateur avait procédé, le 12 février 2010, à une demande d'assistance administrative auprès de l'administration fiscale belge qui " visait notamment une demande de copie des relevés bancaires de votre compte professionnel n° (...) détenu auprès de la succursale de la banque Fortis à Mouscron pour l'ensemble de la période vérifiée " puis a relevé, parmi les indices d'une domiciliation de M. B... en France, la circonstance que " en ce qui concerne les ordres de virement effectués auprès de la banque Fortis en faveur de la société Avenir Telecom, il ressort que l'adresse de correspondance était celle de votre habitation principale en France ". 12. Il résulte du rapprochement des indications ainsi fournies par la proposition de rectification que, contrairement à ce que soutient M. B..., l'administration a informé le contribuable de l'origine et de la teneur des renseignements qu'elle avait utilisés pour procéder à des rectifications. En tout état de cause, les ordres de virement ainsi exploités émanaient de M. B... lui-même de sorte qu'il en avait nécessairement connaissance. Dès lors et en tout état de cause, le contribuable n'a pas été privé de la garantie instituée par l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales. Sur le lieu d'exercice de l'activité de M. B... : 13. Aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. / (...) ". Aux termes de l'article 259 du même code, dans sa rédaction applicable : " Le lieu des prestations de services est réputé se situer en France lorsque le prestataire a en France le siège de son activité ou un établissement stable à partir duquel le service est rendu ou, à défaut, son domicile ou sa résidence habituelle. ". 14. Pour l'application des dispositions citées au point précédent, il convient de déterminer le point de rattachement des services rendus afin d'établir le lieu des prestations de services. L'endroit où le prestataire a établi le siège de son activité économique apparaît comme un point de rattachement prioritaire, la prise en considération d'un autre établissement à partir duquel la prestation de services est rendue ne présentant un intérêt que dans le cas où le rattachement au siège ne conduit pas à une solution rationnelle du point de vue fiscal ou crée un conflit avec un autre Etat membre. Un établissement ne peut être utilement regardé, par dérogation au critère prioritaire du siège, comme lieu des prestations de services d'un assujetti, que s'il présente un degré suffisant de permanence et une structure apte, du point de vue de l'équipement humain et technique, à rendre possibles, de manière autonome, les prestations de services considérées. 15. En premier lieu, il résulte de l'instruction, et notamment de la proposition de rectification du 9 juin 2010, que M. B... qui était domicilié à Roubaix, a débuté, en juin 2008, une activité de négoce de cartes téléphoniques prépayées émanant d'opérateurs de télécommunication français et utilisables uniquement sur le réseau de télécommunication français. A ce titre, les cartes téléphoniques étaient commandées au moyen d'une adresse électronique française auprès d'une société domiciliée à Marseille, et revendues en France. 16. En deuxième lieu, si M. B... a créé, le 1er mai 2008, une entreprise immatriculée en Belgique et conclu un bail commercial à la même date pour un local situé à Mouscron (Belgique), qui était selon lui le lieu d'exercice de son activité, les factures de location d'un terminal de paiement et d'abonnement de téléphonie et d'internet produites à l'instance ne sont relatives qu'au mois de février 2009, soit le dernier mois d'activité de l'entreprise. Par ailleurs, les factures d'électricité produites pour la période allant d'octobre 2008 à février 2009, qui sont au demeurant établies au nom de M. D... B... et pas à celui de M. C... B..., sont d'un montant identique et très faible. De même, si M. B... se prévaut d'une facture relative à la pose d'une enseigne lumineuse en date du 5 janvier 2008, d'une part à cette date l'intéressé n'avait pas encore conclu de bail locatif à cette adresse et, d'autre part, ainsi que le fait valoir l'administration, l'enseigne installée sur l'immeuble en 2008 était sans lien avec l'activité exercée par le contribuable. 17. En troisième lieu, si les opérations relatives à l'activité de M. B... étaient réalisées par le biais d'un compte détenu dans une banque située en Belgique, l'administration fait valoir sans être contredite que l'adresse de correspondance figurant sur les ordres de virement émis pour les achats des cartes téléphoniques était l'adresse personnelle de M. B... et les mentions des relevés bancaires produits par l'intéressé, lequel n'a produit aucune facture relative aux opérations de vente réalisées, ne permettent pas de considérer que, comme il l'affirme, les opérations de ventes auraient été réalisées dans le local loué à Mouscron. 18. Dans ces conditions, le rattachement à l'adresse située à Mouscron de l'activité de M. B... de négoce de cartes téléphoniques prépayées conduirait à une solution qui n'est pas rationnelle du point de vue fiscal. En revanche, M. B..., qui exerçait seul son activité, disposait d'une adresse stable en France qui présentait un degré suffisant de permanence pour dispenser les prestations de service en cause. 19. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a estimé que M. B... disposait d'un établissement stable en France au sens de l'article 259 du code général des impôts et qu'il y avait lieu d'y rattacher les prestations de négoce de cartes téléphoniques prépayées au titre de l'année 2008 et de la période du 1er janvier au 28 février 2009. Sur l'auto-liquidation de la taxe sur la valeur ajoutée en Belgique : 20. Si M. B... soutient qu'il a procédé en Belgique à l'auto-liquidation de la taxe sur la valeur ajoutée sur les acquisitions de cartes téléphoniques prépayées, il n'en justifie pas, en tout état de cause, par la production d'une attestation fiscale belge du 20 décembre 2019 selon laquelle M. B... " ne doit aucun montant à titre d'impôt et taxe, amendes, intérêts, frais de poursuites ou accessoires ". Sur les pénalités : 21. Aux termes de l'article 1728 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au présent litige : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : / (...) / c. 80 % en cas de découverte d'une activité occulte. /(...) ". 22. Il résulte de ces dispositions que dans le cas où un contribuable n'a ni déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire, ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, l'administration doit être réputée apporter la preuve, qui lui incombe, de l'exercice occulte de l'activité professionnelle si le contribuable n'est pas lui-même en mesure d'établir qu'il a commis une erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ses obligations déclaratives. 23. L'administration a assorti les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige de la majoration de 80 % prévue par les dispositions précitées de l'article 1728 du code général des impôts. Pour justifier cette majoration, le service a fait valoir, dans la proposition de rectification adressée le 10 juin 2010 à M. B..., d'une part, que celui-ci n'avait jamais porté à la connaissance du service l'exercice de son activité, d'autre part, que l'intéressé n'avait souscrit aucune des déclarations fiscales qui lui incombaient pour l'année 2008 et la période allant du 1er janvier au 28 février 2009, enfin, que cette activité présentait un caractère occulte, en l'absence de telles déclarations et dès lors que M. B... ne s'était fait connaître, à raison de l'exercice de cette activité, ni d'un centre de formalités des entreprises ni du greffe du tribunal de commerce territorialement compétent. 24. Il résulte de ces éléments, au demeurant non contestés, que l'administration justifie de la preuve qui lui incombe de l'exercice occulte de l'activité professionnelle exercée par M. B.... Par ailleurs, compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, M. B... n'est pas fondé à soutenir que cette carence dans ses obligations déclaratives a résulté d'une simple erreur. C'est donc à bon droit que l'administration a mis à sa charge la majoration de 80 % prévue par le c du 1 de l'article 1728 du code général des impôts. 25. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels il a été assujetti au titre de la période du 1er janvier 2008 au 28 février 2009. Sur les conclusions présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 26. L'Etat n'étant pas partie perdante à l'instance, les conclusions de M. B... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n° 1504529 du 29 mars 2018 du tribunal administratif de Lille est annulé. Article 2 : La demande de M. B... devant le tribunal administratif de Lille et le surplus des conclusions de la requête d'appel sont rejetés. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Copie en sera transmise à l'administratrice générale des finances publiques chargée de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord. Délibéré après l'audience publique du 26 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - M. Marc Heinis, président de chambre, - M. François-Xavier Pin, président-assesseur, - M. Bertrand Baillard, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023. Le rapporteur, Signé : B. BaillardLe président de chambre, Signé : M. A... La greffière, Signé : E. Héléniak La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme, La greffière, Elisabeth Héléniak 1 2 N°22DA01638 1 3 N°"Numéro" |
CETATEXT000048452318 | J7_L_2023_11_00022DA01732 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/23/CETATEXT000048452318.xml | Texte | CAA de DOUAI, 4ème chambre, 16/11/2023, 22DA01732, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de DOUAI | 22DA01732 | 4ème chambre | plein contentieux | C | M. Heinis | SELARL DUCELLIER-WIELGOSIK | M. Bertrand Baillard | M. Arruebo-Mannier | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société à responsabilité limitée (SARL) Euromed Voyages a demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2014, pour un montant, en droits et pénalités, de 113 760 euros. Par un jugement no 1904129 du 9 juin 2022, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande. Procédure devant la cour : Par une requête et des mémoires, enregistrés les 3 août 2022, 16 décembre 2022, 8 mars 2023 et 5 juillet 2023, la SARL Euromed Voyages, représentée par la SELARL Ducellier Avocats, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de prononcer la décharge des impositions en litige ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il a omis de statuer sur l'ensemble des questions et pièces fournies par elle ; - elle justifie de la réalité des prestations réalisées pour son compte par la société Medvision Voyages ; - la somme versée de 180 000 versée à cette société en contrepartie des prestations fournies n'est pas excessive ; - elle est donc fondée à déduire cette charge au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2014 sur le fondement de l'article 238 A du code général des impôts. Par un mémoire en défense et des mémoires, enregistrés les 17 novembre 2022, 3 février 2023, 21 avril 2023 et 19 juillet 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Bertrand Baillard, premier conseiller, - et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public. Considérant ce qui suit : Sur l'objet du litige : 1. La société à responsabilité limitée (SARL) Euromed Voyages, qui exerce une activité d'agence de voyages, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier au 31 décembre 2014. A l'issue de cette vérification, par une proposition de rectification du 31 mai 2017, l'administration a remis en cause la déduction d'une facture de 180 000 euros émise par la société de droit marocain Medvision Voyages, le 30 décembre 2014, somme qu'elle a réintégrée en conséquence dans le bénéfice de la SARL Euromed Voyages. Des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés d'un montant de 60 000 euros, majorées de la pénalité de 80 % prévue au c de l'article 1728 du code général des impôts, d'un montant de 53 760 euros, ont été mises en recouvrement le 15 décembre 2017. Ses réclamations ayant été rejetées, la société a porté le litige devant le tribunal administratif d'Amiens qui, par un jugement du 24 décembre 2019 dont la SARL Euromed Voyages relève appel, a rejeté cette demande. Sur le bien-fondé des impositions supplémentaires : 2. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts, applicable à l'impôt sur les sociétés en application de l'article 209 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature (...) ". Aux termes de l'article 239 A du même code dans sa rédaction alors applicable : " Les (...) rémunérations de services, payés ou dus par une personne physique ou morale domiciliée ou établie en France à des personnes physiques ou morales qui sont domiciliées ou établies dans un Etat étranger ou un territoire situé hors de France et y sont soumises à un régime fiscal privilégié, ne sont admis comme charges déductibles pour l'établissement de l'impôt que si le débiteur apporte la preuve que les dépenses correspondent à des opérations réelles et qu'elles ne présentent pas un caractère anormal ou exagéré. /(...)/ ". 3. Pour remettre en cause le caractère de charge déductible de la facture de 180 000 euros émise le 30 décembre 2014 par la société Medvision Voyages à raison de la mise à disposition de la SARL Euromed Voyages de téléconseillers de janvier à décembre 2014 et qui n'a été réglée qu'en mars 2017, l'administration s'est fondée sur les informations communiquées par les autorités marocaines, le 9 décembre 2018, dans le cadre d'une demande d'assistance administrative internationale, selon lesquelles l'activité de la société Medvision Voyages, qui n'avait disposé d'une licence d'exploitation provisoire qu'à compter du 1er juillet 2014, n'avait généré aucun chiffre d'affaires en 2014, son résultat fiscal étant nul au titre de la même année et aucune imposition n'ayant été à ce titre acquittée par la société. Par ailleurs, les autorités marocaines ont indiqué que cette société n'avait employé aucun salarié en 2014 et n'avait donc versé aucune rémunération. Enfin, il s'est avéré que les associés de la société Medvision Voyages étaient les mêmes que ceux de la SARL Euromed Voyages. L'administration, qui a en outre relevé qu'aucun contrat au titre des prestations facturées n'avait été produit, a en conséquence estimé que la réalité des prestations facturées n'était pas établie. 4. Pour apporter la preuve qui lui incombe de ce que la dépense de 180 000 euros correspond à une opération réelle, la SARL Euromed Voyages se prévaut d'abord de relevés d'heures établis par une société tierce prestataire de la société requérante, la société Viadialog, et d'une liste mentionnant les téléconseillers employés par la société Medvision Voyages qui auraient assuré des prestations au bénéfice de la société Euromed Voyages. Toutefois, ces seuls éléments ne sont pas suffisants pour démontrer la réalité des prestations en litige, alors que l'administration fait valoir sans être sérieusement contredite que certaines informations figurant dans ces documents sont en contradiction avec d'autres informations qui lui avaient été communiquées. 5. Par ailleurs, si la production d'exemples de tickets de télépaiement peut justifier la réalité d'opérations de ventes réalisées par la SARL Euromed Voyages, elle n'est pas de nature à démontrer que ces ventes ont été réalisées par l'intermédiaire de la société Medvision Voyages. De même, si une autre société tierce, la société Centrecom, a recensé informatiquement l'ensemble des transactions réalisées par la société requérante en 2014 et si un expert en informatique a attesté, dans un rapport du 20 novembre 2017, de la fiabilité de ce traitement informatique, ces documents ne se prononcent aucunement sur la réalité des prestations facturées par la société de droit marocain. 6. Enfin, si la SARL Euromed Voyages, qui admet que la société Medvision Voyages n'était pas en règle au plan fiscal en 2014, soutient que la situation de cette société a depuis été régularisée, ainsi que le démontreraient une attestation d'affiliation à la caisse nationale de la sécurité sociale marocaine émise le 20 mars 2019, une attestation de régularité fiscale établie par les autorités marocaines le 13 décembre 2022 et un récépissé de dépôt du résultat fiscal de cette société et de sa liasse fiscale de l'exercice 2014 datant du 13 décembre 2022, ces documents sont bien postérieurs tant à l'exercice vérifié qu'aux opérations de vérification et en tout état de cause ils ne démontrent en rien la réalité des prestations en litige. 7. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la SARL Euromed Voyages n'apporte pas la preuve de la réalité des prestations facturées par la société Medvision Voyages et que c'est donc à bon droit que l'administration a remis en cause le caractère déductible de la somme de 180 000 euros sur le fondement des articles 39 et 239 A du code général des impôts. Sur les pénalités : 8. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / (...) / c. 80 % en cas de manœuvres frauduleuses (...) ". 9. Pour justifier l'application de la majoration de 80 % prévue, en cas de manœuvres frauduleuses, par le c de l'article 1729 du code général des impôts, l'administration fait valoir que, pour les mêmes motifs que ceux évoqués ci-dessus, la SARL Euromed Voyages a comptabilisé une facture fictive de la société Medvision Voyages. Ce faisant, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, de l'intention délibérée de la SARL Euromed Voyages de restreindre ou d'égarer le pouvoir de contrôle de l'administration, justifiant l'application de la majoration prévue au c de l'article 1729 du code général des impôts. 10. Il résulte de ce qui précède que la SARL Euromed Voyages n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à la décharge cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre de l'exercice 2014. Par voie de conséquence, les conclusions qu'elle présente sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : La requête de la SARL Euromed Voyages est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Euromed Voyages et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Copie en sera transmise à l'administratrice générale des finances publiques chargée de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord. Délibéré après l'audience publique du 26 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - M. Marc Heinis, président de chambre, - M. François-Xavier Pin, président-assesseur, - M. Bertrand Baillard, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023. Le rapporteur, Signé : B. BaillardLe président de chambre, Signé : M. A... La greffière, Signé : E. Héléniak La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme, La greffière, Elisabeth Héléniak 1 2 N°22DA01732 1 3 N°"Numéro" |
CETATEXT000048452319 | J7_L_2023_11_00022DA01755 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/23/CETATEXT000048452319.xml | Texte | CAA de DOUAI, 4ème chambre, 16/11/2023, 22DA01755, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de DOUAI | 22DA01755 | 4ème chambre | plein contentieux | C | M. Heinis | VAN DEN SCHRIECK | M. Jean-François Papin | M. Arruebo-Mannier | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société à responsabilité limitée (SARL) WRA, représentée par Me Christian Wiart, agissant en tant que liquidateur judiciaire de la SARL Ferme du Paradis, a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, de prononcer une réduction, en droits et pénalités, des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2012 et 2013 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période de janvier 2012 à septembre 2014, d'autre part, de prononcer la décharge de l'amende qui lui a été infligée au titre de l'année 2012 sur le fondement de l'article 1736 du code général des impôts, enfin, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 600 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 1910523 du 9 juin 2022, le tribunal administratif de Lille a déchargé la SARL Ferme du Paradis de la majoration de 40 % prévue, en cas de manquement délibéré, par le a de l'article 1729 du code général des impôts, appliquée aux droits ayant résulté de la remise en cause de l'application du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée à la vente de chevaux vivants au cours des périodes couvrant les années 2013 et 2014 et a rejeté le surplus des conclusions de cette demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 5 août 2022, Me Wiart, agissant en tant que liquidateur judiciaire de la SARL Ferme du Paradis, représenté par Me Van den Schrieck, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il n'a pas donné entière satisfaction à sa demande ; 2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des suppléments d'impôt sur les sociétés restant en litige, ainsi que la décharge de l'amende contestée ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 600 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la proposition de rectification, à la suite d'une erreur d'adresse commise par l'administration, ne lui est pas parvenue, ce qui l'a privée de la garantie de procédure tenant à la possibilité de présenter d'utiles observations ; - l'administration a retenu à tort qu'elle avait déduit par anticipation la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé la facture émise, au cours de la période allant du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2013, par M. B..., en sa qualité de négociant en viande, alors que ce fournisseur était soumis au régime des débits ; - la somme de 60 192,06 euros versée à la SARL Rôtisserie du Calaisis ne correspond pas au règlement d'une facture émise par cette société, avec laquelle elle n'entretenait aucune relation commerciale, mais à une avance de trésorerie consentie en exécution d'une convention conclue avec cette autre entité du groupe auquel elle appartient ; elle persiste dans sa demande de dégrèvement d'une somme de 9 864,25 euros à ce titre ; - la taxe sur la valeur ajoutée d'une montant de 9 800 euros ayant grevé la facture émise par la société Dausque et qui correspond à la refacturation de services entre sociétés appartenant au même groupe, devait être admise en déduction ; - c'est à tort que l'administration a soumis à la taxe sur la valeur ajoutée, au taux de 20 %, la vente de chevaux qu'elle a facturée à la SARL Haras du Prince ; cette vente, qui avait pour but de permettre à cette société de développer son activité hippique, n'ayant, en définitive, pas été réalisée, elle est fondée à solliciter un dégrèvement de 13 990 euros à ce titre ; - l'administration a estimé à tort que le changement de son fournisseur de viande habituel au profit de la société Groupe B..., autre entité du groupe auquel elle appartient, procédait d'un acte anormal de gestion et justifiait la réintégration, dans ses bénéfices imposables, d'une partie des sommes versées à cette société au titre des achats de viande ; - la seule erreur de montant affectant l'enregistrement, en tant que charges, de frais d'hypothèque afférents à une dation de paiement ne pouvait suffire à remettre en cause la déductibilité de cette dépense ; - elle justifie de la déductibilité, en tant que charge, de la prestation de transport facturée par la société Prince C... ; - les factures portant sur des locations de terres et sur la mise à disposition de personnel, qui lui ont été délivrées en 2012, ont été à bon droit comptabilisées en tant que charges de l'exercice clos en 2012, alors même que leur intitulé mentionnerait les années 2010 et 2011 ; - l'amende qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1736 du code général des impôts n'est pas fondée, dès lors qu'elle a déposé, dans les délais impartis par la loi, ses déclarations annuelles des données sociales, à la seule exception de celle afférente à l'année 2012, ce qui, s'agissant d'une première infraction, ne pouvait justifier une telle sanction. Par un mémoire en défense, enregistré le 30 janvier 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut à ce que la cour constate qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête à concurrence des remises prononcées, en cours d'instance, sur le fondement de l'article 1756 du code général des impôts et au rejet du surplus des conclusions de cette requête. Il soutient que : - le service chargé du recouvrement des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, des suppléments d'impôt sur les sociétés et de l'amende en litige ayant prononcé, en application de l'article 1756 du code général des impôts, la remise des intérêts de retard et de l'amende restant à la charge de la SARL Ferme du Paradis à la date de son placement en redressement judiciaire, les conclusions de la requête tendant à la décharge de ces pénalités et de cette amende sont devenues sans objet ; - le pli recommandé contenant la proposition de rectification du 15 décembre 2015 ayant été expédié à l'adresse du siège social de la SARL Ferme du Paradis, telle qu'elle était connue du service et telle qu'elle était, d'ailleurs, mentionnée au registre du commerce et des sociétés, et ce pli ayant été réceptionné à cette adresse le 18 décembre suivant, il ne peut être soutenu que cette société, qui n'a effectué aucune diligence auprès du service pour que son courrier lui soit expédié à une autre adresse, n'a pas été destinataire de ce document ; - la SARL Ferme du Paradis n'ayant pas formulé d'observations sur les chefs de rectification portés à sa connaissance dans la proposition de rectification qui lui a été adressée le 15 décembre 2015 et une partie de ces chefs de rectification lui ayant été notifiés dans le cadre de la mise en œuvre de la procédure de taxation d'office prévue à l'article L. 66 du livre des procédures fiscales, l'appelant supporte, en application des articles R. 194-1, L. 193 et R. 193-1 du même livre, la charge de la preuve du caractère exagéré des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des suppléments d'impôt sur les sociétés mis à la charge de cette société ; - la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé la facture émise par M. B..., négociant en viandes, en contrepartie de la location de terres, ainsi que de matériels agricoles et de la mise à disposition de personnel, a été déduite par anticipation, avant même la date de son règlement, de sorte que le service était fondé à remettre en cause cette déduction ; en se bornant à produire une copie de la première page d'une déclaration de taxe sur la valeur ajoutée souscrite par M. B..., l'appelant n'établit pas que celui-ci a opté pour les débits pour son activité de prestataire de services ; - l'administration était fondée à remettre en cause la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé la facture émise par la société Dausque et comptabilisée le 1er juillet 2012, payée par compensation avec des créances détenues sur cette société, dès lors que le libellé de cette facture, dans sa version remise à la vérificatrice, ne comportait aucune précision sur la nature de la prestation facturée ; la facture versée à l'instruction par l'appelant, laquelle n'est pas numérotée et comporte des mentions qui diffèrent de celles figurant sur la pièce justificative remise à la vérificatrice, n'est pas probante, tandis qu'aucune convention concernant la mise en disposition de personnels de la société Dausque n'a été produite ; - le service était fondé à remettre en cause l'application, par la SARL Ferme du Paradis, des taux réduits de taxe sur la valeur ajoutée de 5,5 % et de 10 % à des ventes d'équidés à la SARL Haras du Prince, dès lors que ces taux n'étaient pas applicables à ces opérations, en l'absence de tout élément de nature à établir que les chevaux vendus étaient destinés à la production de denrées alimentaires ; - l'administration était fondée à réintégrer au résultat imposable de la SARL Ferme du Paradis la somme de 78 000 euros hors taxes, facturée par la société Prince C..., dès lors que le libellé de la facture ne permettait pas de déterminer que la dépense correspondante a été engagée dans l'intérêt de l'exploitation ; la facture versée au dossier, qui n'est d'ailleurs pas numérotée, ne correspond pas à la pièce justificative remise au cours du contrôle et doit, dès lors, être écartée comme non probante ; - le service était fondé à remette en cause la déduction, en tant que charges, de frais d'hypothèques, en l'absence de justificatif de nature à appuyer cette écriture comptable, passée pour des montants différents de ceux figurant dans l'état versé au soutien de la requête ; - en renonçant, au profit de la société Groupe B..., qui s'est positionnée en tant qu'intermédiaire, à la marge qu'elle réalisait dans le cadre de ses activités d'achat et de revente de viande, la SARL Ferme du Paradis, qui n'a produit aucun élément de nature à justifier de la contrepartie qu'elle aurait pu retirer de cette renonciation, a commis un acte anormal de gestion ; dès lors, l'administration était fondée à réintégrer la marge commerciale afférente à ces transactions dans le résultat imposable de l'exercice 2013 concerné ; - en l'absence, d'ailleurs, de production de la facture correspondante, qui justifierait, selon l'appelant, leur enregistrement comptable au titre de l'exercice clos en 2012, les prestations de location de terres et de mise à disposition de personnel engagées, ainsi qu'il ressort des pièces communiquées lors du contrôle, au titre des exercices clos en 2010 et 2011 devaient être comptabilisées au titre de ces exercices, de sorte que la déduction des dépenses correspondantes en tant que charges de l'exercice clos en 2012 a été à bon droit remise en cause. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller, - les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public, - et les observations de Me Van den Schrieck, représentant Me Wiart. Considérant ce qui suit : Sur l'objet du litige : 1. La société à responsabilité limitée (SARL) Ferme du Paradis, qui était membre d'un groupe familial informel comportant plusieurs autres sociétés, exerçait une activité de commerce de détail de viande et de produits à base de viande en magasin spécialisé. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013, étendue au 30 septembre 2014 en matière de taxe sur la valeur ajoutée. 2. A l'issue de ce contrôle, au cours duquel la comptabilité présentée à la vérificatrice a été regardée comme entachée de plusieurs irrégularités de nature à en altérer le caractère probant, l'administration a entendu remettre en cause des déductions de taxe sur la valeur ajoutée opérées par anticipation en ce qui concerne des achats de prestations de services et rectifier des insuffisances de déclaration de taxe sur la valeur ajoutée collectée. Ces rectifications ont conduit à un rehaussement des bénéfices imposables réalisés par la SARL Ferme du Paradis au titre des exercices correspondants, par la prise en compte d'un profit sur le Trésor. En outre, le service a entendu, notamment, remettre en cause la déduction, en tant que charges de ces exercices, de dépenses dont l'engagement n'était pas apparu correspondre à un intérêt pour l'entreprise, non appuyées par des justificatifs ou se rattachant à un autre exercice comptable. L'administration a fait connaître à la SARL Ferme du Paradis sa position sur ces différents points par une proposition de rectification qu'elle lui a adressée le 15 décembre 2015. 3. La SARL Ferme du Paradis n'ayant pas présenté d'observations, les rappels de taxe sur la valeur ajoutée ainsi que les suppléments d'impôt sur les sociétés résultant des rehaussements notifiés ont été mis en recouvrement le 15 mars 2016, à hauteur des sommes respectives de 293 870 euros et de 153 682 euros, en droits et pénalités. S'y est ajoutée, au titre de l'année 2012, une amende, prononcée sur le fondement de l'article 1736 du code général des impôts, pour un montant total de 43 203 euros, pour absence de souscription, dans les délais légaux, de déclarations annuelles des données sociales. 4. La SARL Ferme du Paradis a été placée, à compter du 23 septembre 2016, en procédure de redressement judiciaire, laquelle a été convertie, le 18 novembre 2016, en liquidation judiciaire. Sa réclamation ayant été rejetée, la SARL WRA, représentée par Me Wiart, agissant en liquidateur judiciaire de la SARL Ferme du Paradis, a porté le litige devant le tribunal administratif de Lille en lui demandant, d'une part, de prononcer une réduction, en droits et pénalités, des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2012 et 2013 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période de janvier 2012 à septembre 2014, d'autre part, de prononcer la décharge de l'amende qui lui a été infligée au titre de l'année 2012 sur le fondement de l'article 1736 du code général des impôts, enfin, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 600 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. 5. Par un jugement du 9 juin 2022, le tribunal administratif de Lille a déchargé la SARL Ferme du Paradis de la majoration de 40 % prévue, en cas de manquement délibéré, par le a. de l'article 1729 du code général des impôts, appliquée aux droits ayant résulté de la remise en cause de l'application du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée à la vente de chevaux vivants au cours des périodes couvrant les années 2013 et 2014 et a rejeté le surplus des conclusions de cette demande. Me Wiart relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas donné entière satisfaction à sa demande. Sur l'étendue du litige : 6. Par une décision du 19 janvier 2023, prise en cours d'instance d'appel, le comptable public chargé du recouvrement des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, des suppléments d'impôt sur les sociétés et de l'amende en litige a, eu égard au placement de la SARL Ferme du Paradis en procédure de redressement judiciaire, prononcé, en application de l'article 1756 du code général des impôts, la remise, pour une somme totale de 70 333,90 euros, des intérêts de retard dont avaient été assortis ces rappels de taxe sur la valeur ajoutée et ces suppléments d'impôt sur les sociétés, ainsi que de l'amende infligée à cette société sur le fondement de l'article 1736 du même code. Dans cette mesure, les conclusions de la requête ont perdu leur objet et il n'y a donc pas lieu d'y statuer. Sur la régularité de la procédure d'imposition : 7. En vertu de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, l'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. 8. D'une part, il ressort des éléments versés à l'instruction par le ministre que l'administration a envoyé à la SARL Ferme du Paradis, le 15 décembre 2015, sous pli recommandé libellé à l'adresse, telle que connue du service, du siège social de cette société situé rue Costes et Bellonte à Calais, la proposition de rectification destinée à lui faire connaître les rehaussements envisagés en ce qui concerne son chiffre d'affaires taxable et son bénéfice imposable pour la période vérifiée. 9. D'autre part, il ressort des mêmes éléments, et notamment de l'avis de réception postal correspondant, que ce pli a été effectivement reçu le 18 décembre 2015 à cette adresse par une personne qui a apposé sa signature sur cet avis et dont il n'est pas allégué qu'elle n'était pas habilitée à le faire. Il appartenait à la SARL Ferme du Paradis, si elle estimait préférable, pour des raisons pratiques, de recevoir le courrier afférent à ce contrôle à une autre adresse, de le faire savoir en temps utile au service, ce qu'elle ne conteste pas n'avoir pas fait. 10. Dans ces conditions, la SARL Ferme du Paradis est réputée avoir reçu cette proposition de rectification, dont les mentions lui sont opposables, et, si elle n'a pas formulé d'observations sur les rectifications qui lui ont ainsi été notifiées, elle n'a pas été empêchée de le faire, ni n'a été privée de la garantie correspondante. 11. Par suite, le moyen tiré, par Me Wiart, de ce que la procédure d'imposition mise en œuvre à l'égard de la SARL Ferme du Paradis est entachée d'une irrégularité ayant privé cette société d'une garantie offerte par la loi au contribuable doit être écarté. Sur le bien-fondé des impositions en litige : En ce qui concerne la charge de la preuve : 12. D'une part, ainsi qu'il a été dit, il est constant que la SARL Ferme du Paradis n'a pas formulé d'observations sur la proposition de rectification qui lui a régulièrement été adressée le 15 décembre 2015 et qu'elle a reçue le 18 décembre suivant. Par suite, Me Wiart supporte, en application des dispositions de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, la charge de la preuve du caractère exagéré des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des suppléments d'impôt sur les sociétés qui lui ont été notifiés selon la procédure de rectification contradictoire prévue aux articles L. 55 et suivants de ce livre. 13. D'autre part, il résulte de l'instruction que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée afférents à la période couvrant le mois de mai 2014, ainsi que les suppléments d'impôt sur les sociétés se rapportant à l'exercice clos en 2013 ont été établis selon la procédure de taxation d'office, conformément aux dispositions, respectivement, du 3° et du 2° de l'article L. 66 du même livre. Il suit de là qu'en application des articles L. 193 et R. 193-1 du même livre, l'appelant supporte également la charge de la preuve du caractère exagéré de ces rappels de taxe et de ces suppléments d'impôt. En ce qui concerne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée : S'agissant de la déduction de taxe sur la valeur ajoutée par anticipation : 14. En vertu du I de l'article 256 du code général des impôts, les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel, sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée. En outre, en vertu du 2 de l'article 269 de ce code, la taxe est exigible, en ce qui concerne les prestations de service, envisagées au c) de ce même 2, lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération ou, sur option du redevable, d'après les débits. Quant à la déduction de la somme de 79 856,41 euros : 15. L'administration a remis en cause, à l'issue de la vérification de comptabilité dont la SARL Ferme du Paradis a fait l'objet, la déduction, par cette société, de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé des factures non payées par elle se rapportant à des prestations de service. 16. S'agissant d'abord de la réalité de ces prestations, si Me Wiart fait observer que ces factures ont été émises par le fournisseur de viandes de la SARL Ferme du Paradis, la société B... Henri Bernard, il résulte des éléments avancés par le ministre et non contestés que ces factures, présentées à la vérificatrice, se rapportaient, selon leurs mentions mêmes, à la location de terres et de matériels agricoles, ainsi qu'à la mise à disposition de personnel. 17. Et en tout état de cause, en se bornant à produire la copie de la première page d'une déclaration de taxe sur la valeur ajoutée souscrite par ce fournisseur qui ne comporte aucune mention sur ce point, Me Wiart, qui supporte la charge de la preuve ainsi qu'il a été dit, n'établit pas que ce fournisseur a, pour ce qui concerne son activité de prestataire de services, souscrit l'option pour les débits visée au 2 de l'article 269 du code général des impôts. 18. Dans ces conditions, l'administration était fondée à remettre en cause cette déduction anticipée de taxe sur la valeur ajoutée. Quant à la déduction de la somme de 9 864,25 euros : 19. Le service vérificateur a constaté que la SARL Ferme du Paradis avait porté en déduction, au cours de la période du 1er janvier au 31 décembre 2013, la taxe sur la valeur ajoutée, d'un montant de 9 864,25 euros, se rapportant à un paiement de 60 192,06 euros reçu de la SARL Rôtisserie du Calaisis, autre entité du groupe informel auquel elle appartient. Après avoir estimé que cette déduction de taxe n'était pas justifiée, le service l'a remise en cause. 20. La SARL Ferme du Paradis soutient que la somme de 60 192,06 euros qu'elle a reçue de la SARL Rôtisserie du Calaisis se rapporte non pas à une facture mais à une avance de trésorerie consentie par cette société en exécution d'une convention conclue entre elles et dans le but de lui permettre de financer l'acquisition d'un camping-car pour les besoins de son activité. 21. Toutefois, à supposer même l'existence d'une telle avance suffisamment établie par la convention remise à la vérificatrice, une telle opération non grevée de taxe sur la valeur ajoutée ne serait, en tout état de cause, pas de nature à justifier la déduction de cette taxe opérée par la SARL Ferme du Paradis en 2013, alors au demeurant que le véhicule en cause a été acquis en 2007. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a remis en cause la déduction de taxe opérée à ce titre. S'agissant de la taxe déduite sur une prestation non justifiée : 22. Aux termes de l'article 271 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au présent litige : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. / 2. Le droit à déduction prend naissance lorsque la taxe déductible devient exigible chez le redevable. / (...) / 3. La déduction de la taxe ayant grevé les biens et les services est opérée par imputation sur la taxe due par le redevable au titre du mois pendant lequel le droit à déduction a pris naissance. / II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est (...) : / a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures ; / (...) ". 23. Au cours du même contrôle, il a été constaté que la SARL Ferme du Paradis avait déduit, au cours de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2013, pour une somme de 9 800 euros, la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé une facture émise par la société Dausque pour un montant de 59 800 euros toutes taxes comprises, comptabilisée par la SARL Ferme du Paradis le 1er juillet 2012 en tant que charge de l'exercice clos en 2012 et payée par elle par compensation avec des créances détenues sur la société Dausque. 24. La vérificatrice a regardé le libellé de cette facture comme ne permettant pas d'identifier la nature de la prestation correspondante et le service a donc remis en cause cette déduction de taxe, après avoir estimé que l'utilisation, pour les besoins des opérations taxables de la SARL Ferme du Paradis, de l'achat réalisé ne pouvait être tenue pour établie. 25. D'une part, si Me Wiart a joint à sa requête la copie d'une facture émise le 31 juillet 2012 par une société dénommée " Duasque Traiteur ", pour le montant de 59 800 euros toutes taxes comprises et portant sur des prestations de mise à disposition de personnel dont le détail a été joint en annexe, le ministre soutient, sans être contredit, que ce document ne correspond pas à la pièce justificative présentée à la vérificatrice au cours du contrôle. 26. D'autre part, si l'appelant a aussi produit un extrait du grand livre comptable de la société Dausque présentant le détail des opérations portées en comptabilité au titre du mois de juillet 2012, ce document, qui permet seulement d'identifier la somme de 59 800 euros facturée à la SARL Ferme du Paradis comme correspondant à une prestation de services, ne comporte aucune précision sur la nature de la prestation et précise que l'opération a été comptabilisée le 1er juillet 2012, ce qui est cohérent avec la comptabilité de la SARL Ferme du Paradis, mais pas avec la copie de facture versée à l'instruction, qui indique qu'elle a été émise le 31 juillet 2012. 27. Dans ces conditions, l'administration était fondée à remettre en cause, comme non justifiée, la déduction de taxe sur la valeur ajoutée opérée à ce titre. S'agissant de la taxe collectée sur des ventes de chevaux : 28. En vertu de l'article 278 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable jusqu'au 1er janvier 2014, le taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée est fixé à 19,60 %. Dans sa rédaction applicable à compter du 1er janvier 2014, ce même article fixe le taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée à 20 %. En outre, en vertu du 3° de l'article 278 bis de ce code, dans sa rédaction applicable jusqu'au 1er janvier 2014, la taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit de 7 % en ce qui concerne notamment les opérations d'achat, de vente, de livraison portant sur les produits d'origine agricole, de la pêche, de la pisciculture et de l'aviculture n'ayant subi aucune transformation. Ces dispositions précisent toutefois qu'elles ne s'appliquent pas aux opérations relatives aux équidés lorsque ceux-ci ne sont normalement pas destinés à être utilisés dans la préparation des denrées alimentaires ou dans la production agricole. Dans leur rédaction applicable à compter du 1er janvier 2014, ces dispositions du 3° de l'article 278 bis du code général des impôts sont rédigées dans les mêmes termes, le taux réduit désormais applicable étant toutefois porté à 10 %. 29. En vertu du 1° du A de l'article 278-0 bis de ce code, la taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux, dit " super réduit ", de 5,5 % en ce qui concerne, notamment, les opérations d'achat, de vente ou de livraison portant sur les produits destinés à l'alimentation humaine. 30. Au cours de la vérification de la comptabilité de la SARL Ferme du Paradis, il a été constaté que celle-ci avait porté en comptabilité, au titre des exercices clos en 2013 et en 2014, des produits correspondant à des ventes de chevaux vivants facturées à la SARL Haras des Princes. La vérificatrice a constaté que ces ventes avaient été soumises à la taxe sur la valeur ajoutée aux taux de 10 % pour ce qui concerne la vente enregistrée le 31 décembre 2013 et au taux de 5,5 % pour ce qui concerne la vente comptabilisée le 2 janvier 2014. 31. Après avoir retenu que le taux dit " super réduit " de 5,5% prévu au 1° du A de l'article 278-0 bis du code général des impôts n'était pas applicable à la vente de chevaux vivants et constaté qu'en dépit des demandes de la vérificatrice, la SARL Ferme du Paradis n'avait fourni aucune précision quant au nombre de chevaux vendus, à leurs caractéristiques et à la finalité de ces ventes, le service a remis en cause l'application à ces opérations à la fois du taux de 5,5 %, mais aussi du taux dit " réduit " de 10 % visé au 3° de l'article 278 bis du code général des impôts, dès lors qu'il n'était pas établi que les animaux vendus étaient destinés à être utilisés dans la préparation de denrées alimentaires. 32. D'une part, Me Wiart a versé à l'instruction l'extrait du registre du commerce et des sociétés se rapportant à la SARL Haras des Princes, ainsi que les statuts de cette dernière, documents desquels il ressort que cette société exploite un centre d'insémination pour chevaux et que son objet social inclut toutes activités liées à l'élevage des chevaux. Toutefois, ces éléments ne donnent aucune précision sur les caractéristiques des chevaux présents dans l'exploitation et ne permettent en particulier pas d'établir que les chevaux ayant fait l'objet des deux ventes en cause, réalisées par la SARL Ferme du Paradis, étaient destinés à être utilisés dans la préparation de denrées alimentaires, ce que Me Wiart ne soutient d'ailleurs pas puisqu'il indique que ces ventes avaient pour objet de relancer l'activité hippique de la SARL Haras des Princes. 33. D'autre part, si Me Wiart soutient, devant la cour, que ces ventes n'ont, en définitive, pas été réalisées, il n'apporte aucun élément au soutien de cette assertion et ne fait, en particulier, aucunement état de ce que cette situation a donné lieu à une constatation comptable. 34. Dans ces conditions, Me Wiart n'est pas fondé à demander la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée correspondant. En ce qui concerne les suppléments d'impôt sur les sociétés : 35. En vertu du 1 de l'article 39 du code général des impôts, le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant notamment les frais généraux de toute nature. Il appartient au contribuable, pour l'application des dispositions du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 de ce code que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive. S'agissant de la déduction d'une charge non justifiée : 36. Au cours de la vérification de la comptabilité de la SARL Ferme du Paradis, il a été constaté que celle-ci avait porté en charge de l'exercice clos en 2012, par une écriture comptable enregistrée le 1er juillet 2012, une prestation facturée par la société Prince C... pour un montant de 78 000 euros hors taxes. 37 Après avoir constaté que les mentions de cette facture ne permettaient pas de déterminer la nature de la prestation facturée, ni de justifier de son caractère de charge de l'exercice concerné, le service a remis en cause cette déduction et réintégré la somme en cause au résultat imposable de cet exercice. 38. Si, au soutien de sa contestation de ce chef de rectification, Me Wiart a produit une facture établie le 31 juillet 2012 par une société dénommée " Prince ", portant sur le montant en cause de 78 000 euros hors taxes et concernant, selon le détail joint, la location de véhicules, le ministre fait valoir, sans être contredit, que cette facture ne correspond pas à la pièce justificative présentée à la vérificatrice, que, établie à la date du 31 juillet 2012, elle est insusceptible d'appuyer une écriture comptable enregistrée le 1er juillet 2012 et qu'aucun contrat de location n'a été fourni par la SARL Ferme du Paradis. 39. Dans ces conditions, l'administration était fondée à remettre en cause le caractère de charge déductible de cette dépense. S'agissant de la déduction en charge de frais d'hypothèque : 40. Au cours du même contrôle, la vérificatrice a constaté que l'enregistrement, dans la comptabilité de la SARL Ferme du Paradis, le 31 décembre 2013, au compte de charges 6275 " Frais bancaires ", des sommes de 54 701,07 euros et de 51 506,02 euros n'était appuyées par aucun justificatif. En conséquence, le service a remis en cause ces écritures de charges et a réintégré les sommes en cause dans le résultat imposable de l'exercice 2013. 41. Pour contester ce chef de rectification, Me Wiart soutient que ces déductions correspondent à des frais d'hypothèque se rapportant à un acte de dation en paiement daté du 23 août 2013. Il verse à l'instruction, pour en justifier, un état de frais établi par une étude notariale le 27 septembre 2018, qui fait mention, au 22 août 2013 et au 11 septembre 2013, d'une dation en paiement concernant la SARL Ferme du Paradis, mais pour des montants qui ne correspondent pas à ceux inscrits, plusieurs mois plus tard, en comptabilité. 42. Dans ces conditions et en l'absence de tout autre élément produit à l'instance, l'administration était fondée à remettre en cause le caractère de charge déductible des sommes correspondant à ces inscriptions comptables. S'agissant de l'acte anormal de gestion : 43. En vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion normale. Constitue un acte anormal de gestion l'acte par lequel une entreprise décide de s'appauvrir à des fins étrangères à son intérêt. 44. La SARL Ferme du Paradis a exercé, au cours des exercices clos en 2012 et 2013, une activité d'achat de viande de cheval et de revente de cette marchandise à la société Opale Hippo. Pour les besoins de cette activité, elle avait pour fournisseur, jusqu'au 30 juin 2013, la société de droit britannique Potter et appliquait une marge commerciale de 13,43 % lors de la revente, à la société Opale Hippo, de la viande achetée auprès de ce fournisseur. 45. Il a cependant été constaté, au cours de la vérification de la comptabilité de la SARL Ferme du Paradis, que celle-ci avait, à compter du 1er juillet 2013, changé sa pratique commerciale, en se fournissant désormais en viande de cheval auprès de la SARL Groupe B..., puis en revendant cette marchandise, sans réaliser de marge commerciale, à la société Opale Hippo. Il est en réalité apparu que la SARL Groupe B..., entité du groupe auquel appartenait la SARL Ferme du Paradis, s'était entremise, à compter du 1er juillet 2013, entre le fournisseur britannique de la SARL Ferme du Paradis et cette dernière, en bénéficiant désormais de la marge commerciale jusqu'alors réalisée, sur ces opérations, par la SARL Ferme du Paradis, lors de la revente de la viande à la société Opale Hippo. 46. L'administration a analysé cette situation comme une renonciation, par la SARL Ferme du Paradis, à sa marge commerciale, sans qu'aucun élément n'ait été fourni pour justifier d'une contrepartie à cet abandon. Ayant regardé ce changement de pratique de la SARL Ferme du Paradis comme constitutif d'un acte anormal de gestion, le service a réintégré, dans son résultat imposable de l'exercice clos en 2013, la marge commerciale ainsi abandonnée. 47. Pour contester ce chef de rehaussement, Me Wiart soutient que, dans le cadre d'une réorganisation du groupe informel dont faisait partie la SARL Ferme du Paradis, la SARL Groupe B..., créée le 1er juin 2013, a été chargée, à compter du 1er juillet 2013, de réaliser les ventes de viande chevaline à la société Opale Hippo. Il ajoute que la SARL Ferme du Paradis a cependant été contrainte de continuer à prendre part à ces transactions le temps nécessaire à l'obtention, par la SARL Groupe B..., des autorisations sanitaires nécessaires. 48. Toutefois, Me Wiart n'apporte aucun élément au soutien de ses assertions, dans une situation dans laquelle le ministre fait valoir qu'aucune cession de fonds de commerce ou de clientèle entre la SARL Ferme du Paradis et la SARL Groupe B... n'a été portée à la connaissance de l'administration au cours de l'année 2013. 49. Enfin, si Me Wiart soutient que cette nouvelle organisation répondait à l'intérêt du groupe, cette circonstance, à la supposer avérée, demeurerait sans incidence sur l'appréciation de l'intérêt propre de la SARL Ferme du Paradis dans la renonciation à sa marge commerciale à laquelle elle a consenti à compter du 1er juillet 2013. 50. En l'absence d'élément de nature à justifier d'une contrepartie réelle et directe pour la SARL Ferme du Paradis à cet appauvrissement, l'administration doit être regardée comme ayant apporté suffisamment d'indices de nature à établir que cette société a agi contre son intérêt et que ce changement dans sa pratique commerciale a procédé d'un acte anormal de gestion. 51. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration a réintégré dans le résultat imposable de la SARL Ferme du Paradis, au titre de l'exercice clos en 2013, la marge commerciale à laquelle cette société avait renoncé. S'agissant du rattachement de charges : 52. La vérification de comptabilité de la SARL Ferme du Paradis a révélé que cette société avait comptabilisé, en tant que charges de l'exercice clos en 2012, des dépenses qui, au vu des pièces présentées à la vérificatrice, avaient, en réalité, été engagées au cours des exercices clos en 2010 et 2011. 53. Me Wiart soutient que, dès lors que la facture correspondant à ces dépenses n'a été établie qu'au cours de l'année 2012, elles ne pouvaient être portées en comptabilité qu'au cours de l'exercice clos cette année. Toutefois, le ministre fait valoir, sans être contredit, que les pièces justificatives présentées au cours du contrôle pour appuyer cette écriture comptable se rapportent à une mise à disposition de personnel intervenue en 2010 et à une location de terre agricoles consentie au titre de l'année 2011, de sorte que les dépenses correspondantes devaient, en l'absence d'élément contraire, être regardées comme ayant été engagées au cours des exercices clos en 2010 et en 2011. 54. La SARL Ferme du Paradis n'ayant pas, à la clôture de chacun de ces deux exercices, enregistré en comptabilité ces dépenses en tant que charges avec, pour contrepartie, une inscription au crédit du compte 408 " Fournisseurs - Factures non parvenues " comme il lui appartenait de le faire, afin d'assurer le rattachement de ces charges aux exercices au titre desquels elles avaient été effectivement engagées, pour ensuite solder ce compte en début d'exercice suivant, afin de neutraliser l'incidence fiscale de l'enregistrement de la facture à sa réception en 2012, c'est à bon droit que l'administration a remis en cause la déduction de ces dépenses du résultat imposable de l'exercice clos en 2012. 55. Il résulte de tout ce qui précède que Me Wiart n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille, après avoir déchargé la SARL Ferme du Paradis de la majoration de 40 % prévue, en cas de manquement délibéré, par le a de l'article 1729 du code général des impôts, appliquée aux droits ayant résulté de la remise en cause de l'application du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée à la vente de chevaux vivants au cours des périodes couvrant les années 2013 et 2014, a, moyennant ce qui a été dit au point 6, rejeté le surplus des conclusions de cette demande. 56. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme à la charge de l'Etat, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au titre des frais exposés par Me Wiart et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : A concurrence de la remise de 70 333,90 euros, prononcée en cours d'instance par le comptable public, en matière d'intérêts de retard et d'amende de l'article 1736 du code général des impôts, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de Me Wiart. Article 2 : Le surplus des conclusions de cette requête est rejeté. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Me Wiart, agissant en tant que liquidateur judiciaire de la SARL Ferme du Paradis, ainsi qu'au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Copie en sera transmise à l'administratrice générale des finances publiques chargée de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord. Délibéré après l'audience publique du 26 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - M. Marc Heinis, président de chambre, - M. François-Xavier Pin, président-assesseur, - M. Jean-François Papin, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023. Le rapporteur, Signé : J.-F. PapinLe président de chambre, Signé : M. A... La greffière, Signé : E. Héléniak La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme La greffière, Elisabeth Héléniak 1 2 N°22DA01755 1 3 N°"Numéro" |
CETATEXT000048452320 | J7_L_2023_11_00022DA01820 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/23/CETATEXT000048452320.xml | Texte | CAA de DOUAI, 4ème chambre, 16/11/2023, 22DA01820, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de DOUAI | 22DA01820 | 4ème chambre | plein contentieux | C | M. Heinis | DELATTRE | M. Jean-François Papin | M. Arruebo-Mannier | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) AME a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, de prononcer une réduction, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017, d'autre part, de lui accorder la décharge des intérêts de retard appliqués sur ces rappels, ainsi que de l'amende qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1729 D du code général des impôts au titre des exercices clos en 2015, 2016 et 2017, enfin, de mettre à la charge de l'État la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 1909495 du 19 mai 2022, le tribunal administratif de Lille, après avoir constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de cette demande à concurrence du dégrèvement de 5 432 euros intervenu, en matière d'intérêts de retard, en cours d'instance, a prononcé une réduction, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée contestés, ainsi que la décharge des intérêts de retard restant en litige, a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de cette demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 18 août 2022, et par un mémoire, enregistré le 12 octobre 2023 et qui n'a pas été communiqué, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a prononcé une réduction, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige ; 2°) de remettre à la charge de l'EURL AME les fractions de rappels de taxe sur la valeur ajoutée, ainsi que la majoration de 40 % dont elles ont été assorties sur le fondement du b du 1 de l'article 1728 du code général des impôts, dont la décharge a été prononcée par ce jugement. Il soutient que : - pour prononcer une réduction, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige, le tribunal administratif a accueilli à tort un moyen qui, étant afférent au contentieux du recouvrement, au sens du 2° de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales, était inopérant au soutien de conclusions, relevant du contentieux d'assiette, tendant à la réduction de ces impositions ; - en tout état de cause, la solution retenue par les premiers juges méconnaît les dispositions de l'article 1256 du code civil, transférées, à compter du 1er octobre 2016, à l'article 1342-10 de ce code, dès lors qu'en l'absence de souscription, par l'EURL AME, de déclarations de taxe sur la valeur ajoutée pour la période en litige, l'administration ne pouvait identifier l'objet des paiements spontanés effectués par cette société et était fondée à imputer ces versements sur les créances fiscales détenues sur cette société conformément aux règles d'imputation prévues par ces dispositions ; - au surplus, le tribunal administratif n'a pu valablement prononcer la décharge de sommes correspondant à un paiement ayant déjà donné lieu à une imputation par le service vérificateur sur le montant du rappel dû au titre de l'année 2017, telle celle de 2 000 euros versée le 19 juillet 2017, ou ayant fait l'objet d'un remboursement par le service comptable, telle celle de 3 890 euros versée le 21 avril 2015. Par un mémoire en défense, enregistré le 10 décembre 2022, l'EURL AME, représentée par Me Delattre, conclut, d'une part, au rejet de la requête, d'autre part, par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il ne lui a pas donné entière satisfaction, enfin, à la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - dès lors que, pour déterminer le montant des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge, l'administration a pris en compte l'imputation, par le comptable public, des paiements qu'elle avait spontanément effectués, elle pouvait utilement contester, devant les premiers juges, la pertinence de cette analyse ; - en tout état de cause, à supposer que la cour estime que son moyen relevait du contentieux du recouvrement, elle devrait alors le regarder comme procédant d'une contestation de l'existence même de l'obligation de payer mise à sa charge et retenir que le tribunal administratif était compétent pour en connaître ; - dès lors qu'elle avait indiqué, sur ses ordres de virement, à quel titre elle effectuait ces paiements, c'est-à-dire pour le règlement de la taxe sur la valeur ajoutée à reverser dans le cadre de son activité durant la période allant du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017, le comptable public devait les affecter au règlement de cette taxe due, ce qu'il était en mesure de faire en dépit du fait qu'elle n'avait pas souscrit les déclarations y afférentes ; contrairement à ce qu'a retenu le tribunal administratif, le versement de 3 500 euros effectué le 23 août 2016 avec le libellé " acompte 2016 " ne pouvait concerner que la taxe sur la valeur ajoutée, seule susceptible d'être payée par acomptes, de sorte que cette somme doit être déduite des rappels en litige ; - si le ministre soutient que le tribunal administratif n'a pu valablement prononcer la décharge de la somme de 3 890 euros versée le 21 avril 2015 et qui aurait fait l'objet d'un remboursement par le service comptable, il ne justifie par aucune pièce ce remboursement ; - les énonciations de la doctrine administrative publiée sous la référence BOI-REC-PART-10-20-10 confortent, en son paragraphe n°40, sa position quant aux règles d'imputation des paiements. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code civil ; - le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller, - et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public. Considérant ce qui suit : Sur l'objet du litige : 1. L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) AME, qui a son siège à Roubaix (Nord), exerce une activité de transport routier de proximité de marchandises. Elle est soumise, selon l'option qu'elle a souscrite, au régime réel normal, pour l'imposition, entre les mains de son associé unique, des bénéfices industriels et commerciaux générés par cette activité et elle est donc soumise, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, à l'obligation de souscrire mensuellement des déclarations de chiffre d'affaires. 2. L'EURL AME a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période s'étendant du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017. A l'issue de ce contrôle, au cours duquel aucune comptabilité conforme aux règles applicables ne lui a été présentée, le vérificateur a opéré, à partir des encaissements figurant sur les relevés de compte bancaire de la société vérifiée et des quelques justificatifs produits par elle, une reconstitution de ses recettes taxables et il en est, notamment, résulté des rectifications en matière de taxe sur la valeur ajoutée, selon la procédure de taxation d'office prévue au 3° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales, l'EURL AME ne s'étant pas conformée à ses obligations déclaratives. 3. L'administration a fait connaître sa position à l'EURL AME par une proposition de rectification qu'elle lui a adressée le 17 juillet 2018. Ce document l'informait également du prononcé d'une amende pour non présentation de comptabilité informatisée et de ce que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée seraient augmentés de la majoration de 40 % prévue au b du 1 de l'article 1728 du code général des impôts en cas d'absence ou de retard de déclaration malgré une mise en demeure, ainsi que de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du même code. Les rappels de taxe sur la valeur ajoutée résultant des rehaussements notifiés ont été mis en recouvrement le 15 novembre 2018, à hauteur d'un montant de 149 284 euros, en droits, intérêts de retard et majoration. 4. L'EURL AME a introduit, le 1er février 2019, une réclamation par laquelle elle demandait une réduction de 80 789 euros, en droits, intérêts de retard et majoration, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ainsi mis à sa charge. L'administration n'ayant pas apporté de réponse expresse, dans le délai de six mois prévu par les dispositions de l'article R. 198-10 du livre des procédures fiscales, à la réclamation qu'elle avait formée, l'EURL AME a, comme l'y autorisaient les dispositions de l'article R. 199-1 de ce livre, porté le litige devant le tribunal administratif de Lille, en lui demandant, d'une part, de prononcer une réduction, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017, d'autre part, de lui accorder la décharge des intérêts de retard appliqués sur ces rappels, ainsi que de l'amende infligée sur le fondement de l'article 1729 D du code général des impôts au titre des exercices clos en 2015, 2016 et 2017, enfin, de mettre à la charge de l'État la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. 5. Par un jugement du 19 mai 2022, le tribunal administratif de Lille, après avoir constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de cette demande, à concurrence du dégrèvement de 5 432 euros intervenu, en matière d'intérêts de retard, en cours d'instance, a prononcé une réduction, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée contestés, ainsi que la décharge des intérêts de retard restant en litige, a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de cette demande. Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique relève appel de ce jugement, en tant qu'il a prononcé une réduction, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige. L'EURL AME, par la voie de l'appel incident, demande l'annulation du même jugement en tant qu'il ne lui a pas donné entière satisfaction. Sur l'appel principal : 6. En vertu du I de l'article 256 du code général des impôts, les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel, sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée. En outre, en vertu du 2 de l'article 269 de ce code, la taxe est exigible, en ce qui concerne les prestations de service, envisagées au c) de ce même 2, lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération ou, sur option du redevable, d'après les débits. Enfin, selon le 2 de l'article 287 du code général des impôts, les redevables soumis au régime réel normal d'imposition déposent mensuellement la déclaration visée au 1 du même article, indiquant, d'une part, le montant total des opérations réalisées, d'autre part, le détail des opérations taxables, la taxe exigible étant acquittée tous les mois. 7. Il ressort des termes mêmes de la proposition de rectification adressée le 17 juillet 2018 à l'EURL AME que, pour établir les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige, l'administration, après avoir constaté que cette entreprise n'avait pas souscrit, en dépit d'une mise en demeure, les déclarations mensuelles de chiffre d'affaires soumis à la taxe sur la valeur ajoutée auxquelles elle était tenue, en vertu des dispositions du 2 de l'article 287 du code général des impôts, en ce qui concerne la période vérifiée s'étendant du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017, a reconstitué ses recettes taxables à partir des crédits inscrits sur ses relevés de compte bancaire. Il en est résulté, au titre des périodes couvrant, respectivement, les années 2015, 2016 et 2017, des montants de taxe sur la valeur ajoutée collectée reconstitués à hauteur de 49 983 euros, 52 491 euros et 52 872 euros. L'administration a ensuite procédé, au vu des quelques justificatifs produits par l'EURL AME pour ce qui concerne les périodes couvrant les années 2015 et 2016, à la détermination de la taxe sur la valeur ajoutée déductible au titre de ces deux périodes, qu'elle a fixée, après avoir écarté quelques justificatifs consistant en des factures non libellées à l'adresse de l'EURL AME, aux sommes respectives de 8 924 euros et 6 941 euros. 8. Cependant, ayant constaté que, bien que ne s'étant pas conformée à ses obligations déclaratives, l'EURL AME avait néanmoins procédé, de façon spontanée, en 2015, 2016 et 2017, à des virements bancaires, auprès du service des impôts des entreprises, de sommes représentant les montants de 19 389 euros au titre de l'année 2015, de 22 000 euros au titre de l'année 2016 et de 35 900 euros au titre de l'année 2016, le service a regardé ceux de ces virements dont le libellé autorisait un tel rattachement comme effectués au titre de la taxe sur la valeur ajoutée à reverser pour les périodes en litige et en a tenu compte pour déterminer le montant des rappels de taxe sur la valeur ajoutée à mettre à la charge de l'EURL AME au titre de la période allant du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017. En ce qui concerne la nature du moyen invoqué par l'EURL AME : 9. Il résulte de ce qui précède que, en contestant l'imputation de ses paiements, à laquelle s'est livré le service, entre les différentes périodes au titre desquelles elle était redevable de taxe sur la valeur ajoutée à reverser, l'EURL AME, qui a d'ailleurs exclusivement introduit une réclamation d'assiette telle que visée par l'article L. 190 du livre des procédures fiscales, n'a pas soulevé, devant le tribunal administratif, un moyen relevant du contentieux du recouvrement, au sens de l'article L. 281 du même livre, qu'il aurait appartenu aux premiers juges d'écarter comme inopérant, mais a, en réalité, contesté le montant des rappels de taxe mis à sa charge. En ce qui concerne le bien-fondé du moyen invoqué par l'EURL AME : 10. En vertu de l'article 1256 du code civil, dont les dispositions ont été transférées, à compter du 1er octobre 2016, à l'article 1342-10 du même code, lorsque le débiteur n'a donné aucune indication, son paiement doit être imputé d'abord sur les dettes échues et, parmi celles-ci, sur les dettes que le débiteur avait le plus d'intérêt d'acquitter. Selon ces dispositions, à égalité d'intérêt, l'imputation se fait sur la dette la plus ancienne ou, toutes choses égales, elle se fait proportionnellement. 11. Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, il ressort des mentions mêmes de la proposition de rectification adressée le 17 juillet 2018 à l'EURL AME que le service vérificateur n'a, pour déterminer le montant des rappels de taxe sur la valeur ajoutée à mettre à la charge de cette entreprise, tenu compte des paiements effectués par celle-ci auprès du service des impôts des entreprises que lorsque le libellé de ces opérations autorisait l'affectation de ces virements bancaires au paiement de la taxe sur la valeur ajoutée due par l'EURL AME au titre de la période en litige. Il résulte, en effet, de l'instruction, et notamment des relevés de comptes bancaires versés au dossier, qu'un grand nombre de ces opérations comportait, à titre de libellé, des mentions telles que " TVA 2016 ", " TVA août 2016 ", " TVA " ou encore " acompte TVA ". 12. Il résulte également de l'instruction, et notamment des mentions du tableau annexé à la proposition de rectification, que le service vérificateur n'a, en revanche, pas tenu compte, pour déterminer le montant des rappels de taxe sur la valeur ajoutée à mettre à la charge de l'EURL AME, des virements, tous effectués en 2017, qui ne comportaient pas de libellé ou qui comportaient un libellé ne permettant pas un rattachement évident avec la taxe sur la valeur ajoutée à reverser due par l'entreprise au titre de la période en cause, le montant total des règlements qui n'ont, ainsi, pu être affectés s'élevant à 27 000 euros. 13. Pour prononcer la réduction, contestée par le ministre, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de l'EURL AME, le tribunal administratif a identifié d'autres virements effectués par l'EURL AME au service des impôts, le 21 avril 2015 pour un montant de 3 890 euros avec le libellé " TVA 1er Trimestre 2015 ", le 16 juin 2016 pour un montant de 3 000 euros avec le libellé " TVA 2016 ", le 23 septembre 2016 pour un montant de 2 500 euros avec le libellé " TVA Août 2016 ", le 20 mars 2017 pour un montant de 3 600 euros avec le libellé " TVA " et enfin le 19 juillet 2017 pour un montant de 2 000 euros avec le libellé " Acompte TVA ". Après avoir estimé que les libellés ainsi mentionnés par l'EURL AME sur ces opérations permettaient de rapprocher ces paiements de la taxe sur la valeur ajoutée due par cette entreprise au titre des périodes indiquées ou dans lesquelles s'inscrivaient ces paiements, et en avoir tiré la conséquence que l'EURL AME devait être regardée comme ayant apporté la preuve lui incombant de l'exagération des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige, le tribunal administratif a fait droit, dans cette mesure, aux conclusions de la demande à fin de réduction de ces rappels de taxe. 14. En imputant les seuls paiements pour lesquels la société débitrice avait, par le libellé correspondant, donné une indication suffisamment précise de l'affectation qu'elle entendait leur donner, les premiers juges, qui n'ont pas été empêchés d'identifier ces virements en dépit de l'absence de souscription, par l'EURL AME, de ses déclarations mensuelles, n'ont pas méconnu, pas davantage d'ailleurs que l'administration pour établir les rappels en litige, les dispositions, rappelées de l'article 1256 du code civil, qui ont été transférées, à compter du 1er octobre 2016, à l'article 1342-10 de ce code. 15. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient le ministre, il ne résulte d'aucune des pièces versées à l'instruction que le virement opéré par l'EURL AME le 19 juillet 2017 pour une somme de 2 000 euros aurait donné lieu à une imputation par le service vérificateur sur le montant du rappel dû au titre de l'année 2017, le tableau joint à la proposition de rectification du 17 juillet 2018 révélant, au contraire, que ce versement figure parmi ceux que le service n'a pas été en mesure d'affecter. 16. Enfin, si le même tableau mentionne que, comme le fait valoir le ministre, la somme de 3 890 euros versée par l'EURL AME le 21 avril 2015 au service des impôts des entreprises a fait l'objet d'un remboursement par le service comptable à une date antérieure au jugement attaqué, l'EURL AME conteste que ce remboursement ait été effectué et le ministre, qui n'a pas répliqué au mémoire présenté par l'entreprise, n'a apporté aucun justificatif à ce titre. 17. Ainsi, le ministre n'est pas fondé à soutenir que les premiers juges ont inclus à tort les deux sommes mentionnées au point précédent dans la réduction en droits et, par voie de conséquence, en pénalités, qu'ils ont prononcée. 18. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a prononcé une réduction, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de l'EURL AME au titre de la période s'étendant du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017. Sur l'appel incident : En ce qui concerne la charge de la preuve : 19. Ainsi qu'il a été dit, les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige ont été établis selon la procédure de taxation d'office prévue au 3° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales. Il s'ensuit que l'EURL AME, qui ne conteste pas la régularité de cette procédure, supporte, en application de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales, la charge de la preuve et qu'il lui appartient, en vertu de l'article R. 193-1 de ce livre, d'établir que ces rappels de taxe sur la valeur ajoutée présentent un caractère exagéré. En ce qui concerne le bien-fondé des rappels demeurant en litige : S'agissant de l'application de la loi fiscale : 20. L'EURL AME soutient que les virements bancaires qu'elle a adressés au service des impôts des entreprises les 23 août 2016 et 19 mai 2017, pour des montants respectifs de 3 500 euros et 2 500 euros, ne pouvaient être écartés comme insusceptibles de venir en paiement de la taxe sur la valeur ajoutée reversée due au titre de la période d'imposition en litige, alors même que ces opérations comportaient à titre de libellé, les mentions " acompte 2016 " et " acompte ", dès lors que ces mentions faisaient, à ses yeux, nécessairement référence à la taxe sur la valeur ajoutée, qu'elle regarde comme le seul impôt susceptible d'être acquitté par acomptes. 21. Toutefois, dès lors que les mentions que l'EURL AME a ainsi portées en tant que libellé de ces opérations ne comportent aucune précision de l'impôt et de la période concernés, c'est à bon droit que l'administration n'a pas regardé cette société comme ayant donné une indication suffisamment précise de ce qu'elle entendait affecter ces virements au paiement de la taxe sur la valeur ajoutée due par elle au titre de la période en litige. 22. Par suite, l'EURL AME n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif ne lui a pas accordé une réduction supplémentaire tenant compte des sommes correspondantes. S'agissant du bénéfice de la doctrine administrative : 23. L'EURL AME n'est pas fondée à invoquer les énonciations du paragraphe n°40 de la doctrine administrative publiée le 12 septembre 2012 sous la référence BOI-REC-PART-10-20-10, lesquelles, selon l'intitulé même de cette doctrine, concernent la mise en recouvrement ainsi que le paiement des impôts des particuliers et sont, par suite, étrangères au contentieux d'assiette des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige. En ce qui concerne les amendes infligées sur le fondement de l'article 1729 D du code général des impôts : 24. Si l'EURL AME conclut, par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Lille en tant qu'il ne lui a pas donné entière satisfaction, elle n'invoque, en cause d'appel, aucun moyen contre les amendes qui lui ont été infligées, sur le fondement de l'article 1729 D du code général des impôts, pour défaut de présentation d'une comptabilité informatisée et elle ne conteste pas davantage la fin de non-recevoir que les premiers juges ont accueillie pour rejeter ses conclusions tendant à la décharge de ces amendes, tirée de ce que l'EURL AME n'avait pas justifié, malgré la demande qui lui avait été adressée à cette fin par le tribunal administratif, de l'introduction d'une réclamation contre ces amendes. Il suit de là qu'en tout état de cause, ces conclusions ne peuvent, en cause d'appel, qu'être rejetées. 25. Il résulte de tout ce qui précède que l'EURL AME n'est pas fondée à soutenir que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a prononcé une réduction insuffisante, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période s'étendant du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017. 26. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme à la charge de l'Etat, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au titre des frais exposés par l'EURL AME et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : La requête du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est rejetée. Article 2 : Les conclusions d'appel incident de l'EURL AME, ainsi que celles qu'elle présente sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'EURL AME, ainsi qu'au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Copie en sera transmise à l'administratrice générale des finances publiques chargée de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord. Délibéré après l'audience publique du 26 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - M. Marc Heinis, président de chambre, - M. François-Xavier Pin, président-assesseur, - M. Jean-François Papin, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023. Le rapporteur, Signé : J.-F. PapinLe président de chambre, Signé : M. A... La greffière, Signé : E. Héléniak La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme La greffière, Elisabeth Héléniak 1 2 N°22DA01820 1 3 N°"Numéro" |
CETATEXT000048452321 | J7_L_2023_11_00022DA01860 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/23/CETATEXT000048452321.xml | Texte | CAA de DOUAI, 4ème chambre, 16/11/2023, 22DA01860, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de DOUAI | 22DA01860 | 4ème chambre | plein contentieux | C | M. Heinis | SOCIETE D'AVOCATS FIDAL | M. Jean-François Papin | M. Arruebo-Mannier | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme E... C... née B... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, de prononcer la décharge de son obligation solidaire de paiement de la somme globale de 3 656 166,30 euros correspondant, en principal et accessoires, à des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie avec son époux au titre des années 2009 à 2016 et à des cotisations de taxe d'habitation établies au titre des années 2016 et 2017, d'autre part, de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 2002090 du 30 juin 2021, le tribunal administratif de Lille, après avoir constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de cette demande à concurrence de la remise de l'obligation solidaire de paiement en principal et accessoires, prononcée en cours d'instance, des cotisations de contributions sociales établies au titre des années 2009 à 2011 et de la moitié, représentant une somme de 421 652,50 euros, des cotisations de contributions sociales établies au titre des années 2012 à 2016, a rejeté le surplus des conclusions de cette demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 29 août 2022, et par un mémoire, enregistré le 20 octobre 2023 et qui n'a pas été communiqué, Mme C..., représentée par Me Wibaut, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il ne lui a pas donné entière satisfaction ; 2°) de prononcer la décharge de l'obligation solidaire de paiement de la dette fiscale restant en litige ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - pour écarter ses moyens tirés de l'invocation des dispositions de l'article 17 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de même que le moyen tiré de ce que l'imposition commune des époux ne s'étend pas aux contributions sociales, le tribunal administratif a insuffisamment motivé son jugement ; - le tribunal administratif a retenu à tort, en se méprenant sur les règles de dévolution de la charge de la preuve, qu'elle n'avait apporté aucun élément de nature à établir l'absence de manœuvres frauduleuses de sa part pour se soustraire au paiement de la dette fiscale en cause, alors d'ailleurs que la donation de la nue-propriété du logement familial, qui lui est reprochée, a été effectuée par elle, dans un seul but de gestion patrimoniale, plusieurs années avant la mise en recouvrement des cotisations d'impôt sur le revenu constituant cette dette et à une date à laquelle elle n'avait pas connaissance des procédures de contrôle fiscal dont faisaient l'objet les sociétés civiles immobilières détenues par son ex-époux ; - dès lors que de telles manœuvres ne résultent pas de l'instruction et qu'il existe une disproportion marquée entre le montant de la dette fiscale en cause et, à la date de sa demande, sa situation financière et patrimoniale nette de charges, elle pouvait prétendre de plein droit à la décharge d'obligation solidaire de paiement qu'elle sollicitait ; les termes de la réponse apportée par le ministre le 5 octobre 2021 à M. A..., député, confortent son analyse sur ce point ; - le refus opposé par l'administration à sa demande est contraire aux dispositions de l'article 17 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ainsi qu'aux stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que la dette fiscale dont le paiement lui est réclamé présente un caractère confiscatoire ; - dès lors que le principe de l'imposition commune des couples mariés, prévu à l'article 6 du code général des impôts, ne s'étend pas aux prélèvements sociaux, c'est à tort et en méconnaissance du droit communautaire et conventionnel que le tribunal administratif a refusé de faire droit à ses conclusions en décharge de l'obligation solidaire de payer la part de la dette en cause correspondant aux contributions sociales établies au titre des années 2012 à 2016, relevant essentiellement de revenus personnels de son ex-époux ; le paragraphe n°50 de la doctrine administrative BOI-CTX-DRS-20 conforte son analyse sur ce point. Par un mémoire en défense, enregistré le 26 avril 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête. Il soutient que : - si l'administration n'entend plus contester que la condition tenant à la rupture de la vie commune, prévue par les dispositions du II de l'article 1691 bis du code général des impôts, était remplie à la date de la demande de décharge de l'obligation solidaire de paiement formée par Mme C..., il résulte en revanche de l'instruction que l'intéressée a tenté de se soustraire frauduleusement au paiement de la dette fiscale en cause, de sorte que ces dispositions faisaient obstacle à ce qu'il soit fait droit à sa demande, comme l'a retenu, à bon droit et sans se méprendre sur la dévolution de la charge de la preuve, le tribunal administratif ; à cet égard, à la date des opérations de contrôle des sociétés civiles immobilières détenues par l'ex-époux de Mme C..., à celle à laquelle leur foyer fiscal a fait l'objet d'un examen contradictoire de situation fiscale personnelle portant sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014 et à celle à laquelle les rehaussements en résultant ont été notifiés, les intéressés étaient encore mariés et résidaient ensemble, de sorte qu'en l'absence d'élément contraire, Mme C... doit être présumée avoir eu connaissance de ces procédures ; dans ces conditions, le seule circonstance que la donation, par Mme C..., de la nue-propriété du logement familial, ait été opérée plusieurs années avant la mise en recouvrement des impositions constituant la dette fiscale en cause n'est pas de nature à mettre en doute cette analyse, dans un contexte dans lequel l'administration avait relevé de graves manquements des époux à leurs obligations fiscales et alors que Mme C... a en outre clôturé le 11 août 2020, après la mise en recouvrement des impositions, un contrat d'assurance-vie inconnu de l'administration ; - la demande de décharge de l'obligation solidaire de paiement formée par Mme C... ne comportait pas un état exhaustif de l'état des ressources et du patrimoine immobilier de l'intéressée à la date à laquelle cette demande avait été établie ; - dès lors que la dette fiscale en cause est constituée d'impositions établies de façon proportionnelle aux revenus du foyer fiscal alors formé par Mme C... et son ex-époux, l'appelante, qui ne présente pas un état exhaustif de ses ressources et de son patrimoine, n'est fondée à se prévaloir ni des dispositions de l'article 17 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ni des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - eu égard aux règles gouvernant l'imposition des époux mariés sous le régime de la communauté universelle, Mme C... n'est pas fondée à demander la décharge de son obligation de paiement solidaire de la part de la dette en cause correspondant à la quote-part de 50 % qui lui a été attribuée des contributions sociales établies au titre des années 2012 à 2016. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; - le code civil ; - le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller, - et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public. Considérant ce qui suit : Sur l'objet du litige : 1. Mme C... née B... a formé, le 6 décembre 2018, une demande en décharge de son obligation solidaire de paiement de cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ainsi que de taxe d'habitation, établies, respectivement, au titre des années 2009 à 2016 et au titre des années 2016 et 2017, au nom du foyer fiscal qu'elle formait avec son ex-époux, cette dette fiscale représentant une somme totale de 3 656 166,30 euros. Cette demande a fait l'objet d'une décision de rejet en date du 14 janvier 2020, aux motifs que Mme C... n'établissait pas la rupture effective de la vie commune avec son ex-époux et qu'elle s'était livrée à une manœuvre frauduleuse destinée à échapper au paiement de la dette fiscale en cause. 2. Sans attendre l'issue du recours hiérarchique qu'elle a exercé contre cette décision, Mme C... a porté le litige devant le tribunal administratif de Lille, en lui demandant de prononcer la décharge de son obligation solidaire de paiement. En cours d'instance, en réponse au recours hiérarchique formé par Mme C..., le ministre a déchargé l'intéressée de l'obligation de payer les contributions sociales afférentes aux années 2009 à 2011, dès lors qu'elles se rattachaient aux seuls revenus de son ex-époux, et a laissé à sa charge l'obligation solidaire de payer la moitié des prélèvements sociaux des années 2012 à 2016, résultant de ses revenus personnels et des revenus communs du foyer fiscal. 3. Par un jugement du 30 juin 2021, le tribunal administratif de Lille, après avoir constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de la demande à concurrence de la remise de l'obligation solidaire de paiement en principal et accessoires, prononcée en cours d'instance, des cotisations de contributions sociales établies au titre des années 2009 à 2011 et de la moitié, soit une somme de 421 652,50 euros, des cotisations de contributions sociales établies au titre des années 2012 à 2016, a rejeté le surplus des conclusions de la demande. Mme C... relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait entièrement droit à sa demande. Sur la régularité du jugement attaqué : 4. D'une part, il ressort des motifs énoncés au point 6 du jugement attaqué, lesquels motifs tirent les conséquences de ceux énoncés au point 5 de ce jugement, que le tribunal administratif a apporté une réponse suffisante aux moyens tirés, par Mme C..., de l'invocation des dispositions de l'article 17 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 5. D'autre part, il ressort des motifs énoncés au point 8 de ce jugement que la réponse apportée par les premiers juges au moyen de Mme C... tiré de ce que l'imposition commune des époux ne s'étend pas aux contributions sociales a été suffisamment précise, un tel moyen étant d'ailleurs inopérant dans le cadre d'un litige afférent à un refus de décharge d'obligation solidaire de paiement. 6. Dans ces conditions, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué est, sur ces points, irrégulier comme insuffisamment motivé. Sur le bien-fondé de la demande de décharge de l'obligation solidaire de paiement : 7. En vertu de l'article 6 du code général des impôts, les personnes mariées sont, en principe, soumises à une imposition commune pour les revenus perçus par chacune d'elles et ceux de leurs enfants et des personnes à charge. 8. Par ailleurs, aux termes de l'article 1691 bis de ce code, dans sa rédaction applicable au présent litige : " I. - Les époux (...) sont tenus solidairement au paiement : / 1° De l'impôt sur le revenu lorsqu'ils font l'objet d'une imposition commune ; / 2° De la taxe d'habitation lorsqu'ils vivent sous le même toit. / II. - 1. Les personnes divorcées ou séparées peuvent demander à être déchargées des obligations de paiement prévues au I (...) lorsque, à la date de la demande : / (...) / c) Les intéressés ont été autorisés à avoir des résidences séparées ; / d) L'un ou l'autre des époux (...) a abandonné le domicile conjugal ou la résidence commune. / 2. La décharge de l'obligation de paiement est accordée en cas de disproportion marquée entre le montant de la dette fiscale et, à la date de la demande, la situation financière et patrimoniale, nette de charges, du demandeur. Elle est alors prononcée selon les modalités suivantes : / a) Pour l'impôt sur le revenu, la décharge est égale à la différence entre le montant de la cotisation d'impôt sur le revenu établie pour la période d'imposition commune et la fraction de cette cotisation correspondant aux revenus personnels du demandeur et à la moitié des revenus communs du demandeur et de son conjoint (...). / (...) / b) Pour la taxe d'habitation, la décharge est égale à la moitié de la cotisation de taxe d'habitation mise à la charge des personnes mentionnées au I ; / (...) / 3. (...) / La décharge de l'obligation de paiement ne peut pas être accordée lorsque le demandeur et son conjoint (...) se sont frauduleusement soustraits, ou ont tenté de se soustraire frauduleusement, au paiement des impositions mentionnées aux 1° et 2° du I (...), soit en organisant leur insolvabilité, soit en faisant obstacle, par d'autres manœuvres, au paiement de l'impôt. / (...) ". En ce qui concerne la soustraction frauduleuse au paiement de la dette fiscale : 9. Il résulte de l'instruction que, par un acte notarié de donation-partage établi le 28 février 2013, Mme C... a décidé d'attribuer la nue-propriété de l'immeuble d'habitation situé à Lens, constituant son domicile, à ses trois enfants nés d'un premier mariage, ainsi qu'aux enfants de ceux-ci, l'acte précisant que la valeur de la nue-propriété transmise a été estimée à 300 000 euros. 10. Pour refuser de faire droit à la demande de décharge de l'obligation de paiement de la dette fiscale faisant l'objet du présent litige, l'administration a estimé que cet acte de donation-partage procédait d'une organisation volontaire, par Mme C..., de son insolvabilité, dans le but de se soustraire frauduleusement au paiement de la dette du foyer fiscal qu'elle avait formé avec son ex-époux, dans une situation dans laquelle il n'était pas formellement établi que la communauté de vie avait cessé entre les intéressés. 11. Au soutien de cette appréciation, le ministre, qui admet désormais, en cause d'appel, l'absence de communauté de vie entre Mme C... et son ex-époux à la date de demande de décharge de l'obligation solidaire de paiement, fait cependant valoir que les revenus fonciers perçus par l'ex-époux de Mme C... des sociétés civiles immobilières dont il détenait la majorité des parts avaient, dès avant la date de l'acte de donation-partage du 28 février 2013, fait l'objet de rectifications ayant donné lieu à la notification à l'intéressé, en main propre le 30 janvier 2013, d'une proposition de rectification datée du 27 décembre 2012, qui faisait aussi état d'autres rectifications en matière de revenus de capitaux mobiliers. 12. Mme C... ne conteste pas cette situation, mais soutient que les dissensions déjà fortes, à la date de l'acte de donation-partage, avec son ex-époux ont fait obstacle à ce qu'elle ait connaissance de ces rehaussements afférents à des sociétés gérées en propre par son ex-époux et dans lesquelles elle ne détenait elle-même aucune participation. 13. Toutefois, si la donation-partage du 28 février 2013 n'est postérieure que de quelques semaines à la remise en main propre de la proposition de rectification du 27 décembre 2012 à M. C... et est aussi antérieure à la mise en recouvrement des impositions, cette proposition de rectification a procédé de la vérification, opérée antérieurement, de la comptabilité de sociétés civiles immobilières dont M. C... était l'associé et de l'exercice par l'administration de son droit de communication auprès de locataires de ces sociétés. 14. Il résulte de cette proposition de rectification que, lors de cette vérification de comptabilité, des contrôles sur place ont été réalisés au siège de deux sociétés qui était alors situé à l'adresse même du domicile conjugal de Lens. Le 28 février 2013, date de l'acte de donation-partage, à la conclusion duquel celui qui était encore l'époux de Mme C... était au demeurant présent en tant qu'intervenant, Mme C... et ce dernier étaient encore mariés, d'ailleurs sous le régime de la communauté universelle des biens présents et à venir, et résidaient toujours ensemble à l'adresse du domicile conjugal à Lens. Mme C... doit ainsi être réputée avoir eu connaissance, à la date à laquelle elle a consenti la donation-partage, de la rectification des revenus fonciers de son ex-époux. 15. Enfin, Mme C... n'a apporté aucune précision quant à l'objectif de gestion patrimoniale qu'elle aurait poursuivi en consentant la donation-partage en cause. 16. Ainsi, en réduisant son patrimoine de droits immobiliers valorisés à 300 000 euros, alors que l'administration venait d'informer son époux qu'elle envisageait de mettre à la charge du foyer fiscal un supplément de droits d'impôt sur le revenu de 577 298 euros, Mme C..., qui ne peut utilement soutenir que cette diminution du patrimoine du couple représente moins de 10 % de la dette fiscale dont le paiement a ensuite été demandé, doit être regardée comme ayant frauduleusement tenté de soustraire une partie de ses avoirs au paiement de sa dette fiscale. 17. Dans ces conditions, l'administration était fondée à rejeter, pour ce motif, la demande de décharge de l'obligation solidaire de paiement que lui avait présentée Mme C.... En ce qui concerne la proportion entre la dette fiscale et la situation de l'intéressée : 18. Mme C... soutient que les ressources qu'elle percevait, à la date de sa demande de décharge d'obligation solidaire de paiement, étaient sans commune mesure avec le montant de la dette fiscale dont il lui est demandé le paiement, laquelle s'élève, compte tenu de la remise intervenue en première instance, à la somme de 2 886 403,80 euros. 19. Toutefois, il n'y a pas lieu de rechercher s'il existe une disproportion entre les revenus du contribuable et le montant de sa dette fiscale lorsque ce contribuable est regardé, ce qui est le cas en l'espèce ainsi qu'il a été dit, comme ayant organisé volontairement son insolvabilité, compte tenu de la rédaction de l'article 1691 bis du code général des impôts et aussi puisque la disproportion qui serait mise en évidence est alors artificielle. Le moyen soulevé à ce titre par Mme C... doit donc être écarté comme inopérant. 20. En tout état de cause, il résulte de l'état que Mme C... a joint à sa demande de décharge que celle-ci estimait à la somme mensuelle de 6 667 euros le montant net de ses salaires de l'année 2019 et qu'elle y ajoutait un revenu annuel de 7 500 euros provenant de valeurs mobilières et de la location d'immeubles et de fonds de commerce. En regard, Mme C... faisait mention, dans le même état, de charges courantes qu'elle évaluait à la somme totale de 103 155 euros au titre de l'impôt sur le revenu, de la taxe foncière et de la taxe d'habitation correspondant à sa résidence principale de Lens, et à la somme de 5 000 euros au titre des charges de toutes natures liées à cet immeuble, telles les charges de copropriété, d'électricité, de gaz, de téléphone ou d'assurance. 21. Cependant, les capacités contributives de Mme C... ne peuvent être appréciées qu'en tenant également compte de ce qui était alors son patrimoine personnel. Il résulte, à cet égard, du même état que ce patrimoine était exclusivement constitué de la résidence principale de l'intéressée, qu'elle évaluait à la somme de 500 000 euros, ainsi que de parts dans les sociétés SHM et INF Consulting, que Mme C... évaluait à la somme totale de 100 000 euros. 22. Toutefois, le ministre fait valoir, sans être sérieusement contredit, que l'état ainsi dressé par Mme C... ne présente pas une situation exhaustive du patrimoine de l'intéressée à la date de sa demande de décharge, dès lors, d'une part, que Mme C... et son ex-époux demeuraient, en dépit de leur divorce, propriétaires indivis de plusieurs immeubles situés à Lens et dans les environs de cette ville et, d'autre part, que Mme C... a omis de faire mention, dans l'état produit, de ce qu'elle est la dirigeante et l'associée de la société civile immobilière (SCI) Nolymo, elle-même détentrice de la majorité des parts d'une autre SCI propriétaire de plusieurs immeubles. 23. Enfin, Mme C... n'a pas fait mention de ce qu'elle avait souscrit un contrat d'assurance vie d'un montant de 136 359 euros non porté à la connaissance de l'administration et qui a, au demeurant, été clôturé par elle le 11 août 2022 soit après la notification, par le comptable public le 10 août 2020, d'un avis à tiers détenteur à l'établissement détenteur. 24. Dans ces conditions, le moyen tiré, par Mme C..., de la disproportion marquée entre le montant de la dette fiscale dont il lui est demandé le paiement et sa situation financière et patrimoniale, nette de charges, ne peut qu'être écarté. 25. Les moyens de Mme C... tirés de la violation de l'article 17 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent également être écartés, dès lors qu'il résulte de ce qui précède que la dette fiscale dont le paiement est réclamé ne peut pas être regardée comme présentant un caractère confiscatoire. En ce qui concerne les contributions sociales : S'agissant de l'application de la loi fiscale : 26. D'une part, Mme C... ne saurait utilement se prévaloir des dispositions de l'article 6 du code général des impôts dans le cadre du présent litige, relatif au bien-fondé du refus, opposé par l'administration, à sa demande de décharge de l'obligation de paiement de la dette fiscale en cause, dès lors que ces dispositions, qui énoncent une règle afférente à l'établissement de l'impôt dû par les personnes mariées, ne peuvent être valablement invoquées que dans le cadre d'un contentieux d'assiette. 27. D'autre part, il résulte de l'instruction que les contributions sociales dont l'administration a, après la remise prononcée en première instance, laissé le paiement à la charge de Mme C... correspondent à la moitié des contributions sociales auxquelles le foyer fiscal formé par l'intéressée et son ex-époux a été assujetti au titre des années 2012 à 2016, c'est-à-dire à la somme de 421 625,50 euros en droits et pénalités. Pour les motifs ci-dessus énoncés, Mme C... ne peut, en tout état de cause, être déchargée de son obligation solidaire de paiement pour ce qui concerne cette part de contributions laissées à sa charge. S'agissant du bénéfice de la doctrine administrative : 28. Mme C... invoque, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, les énonciations du paragraphe n°50 de la doctrine administrative publiée le 14 octobre 2015 sous la référence BOI-CTX-DRS-20, qui se rapportent à la décharge de responsabilité solidaire prévue au II de l'article 1691 bis du code général des impôts, selon lesquelles : " Les revenus communs du demandeur et de son conjoint (...) s'entendent des bénéfices ou revenus que le couple a réalisés ou dont il a disposé au cours de la période d'imposition commune. / (...) / Toutefois, ces revenus peuvent ne pas être considérés comme des revenus communs si le demandeur apporte la preuve que les biens, source de ces revenus, sont la propriété exclusive de l'ex-conjoint (...) ". 29. Toutefois, ces énonciations, qui s'insèrent dans une doctrine administrative dont l'objet est d'expliciter les dispositions applicables en ce qui concerne la forme et le contenu de la demande de décharge de l'obligation solidaire de paiement ainsi que les modalités de détermination, par le service, du montant de la décharge accordée, ne peuvent être regardées comme comportant, s'agissant des conditions requises pour prétendre à une telle décharge, une interprétation formelle de la loi fiscale qui soit susceptible d'être valablement opposée à l'administration, dans le présent litige, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales. Mme C... n'est, par suite, pas fondée à s'en prévaloir. 30. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille, après avoir constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de sa demande à concurrence du montant sur lequel portait la remise prononcée par le comptable public en cours de première instance, a rejeté le surplus des conclusions de cette demande. 31. Par voie de conséquence, les conclusions que Mme C... présente sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... C..., à la direction départementale des finances publiques du Pas-de-Calais et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Délibéré après l'audience publique du 26 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - M. Marc Heinis, président de chambre, - M. François-Xavier Pin, président-assesseur, - M. Jean-François Papin, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023. Le rapporteur, Signé : J.-F. PapinLe président de chambre, Signé : M. D... La greffière, Signé : E. Héléniak La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme La greffière, Elisabeth Héléniak 1 2 N°22DA01860 1 3 N°"Numéro" |
CETATEXT000048452322 | J7_L_2023_11_00022DA02130 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/23/CETATEXT000048452322.xml | Texte | CAA de DOUAI, 4ème chambre, 16/11/2023, 22DA02130, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de DOUAI | 22DA02130 | 4ème chambre | plein contentieux | C | M. Heinis | RIGHI | M. Bertrand Baillard | M. Arruebo-Mannier | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société à responsabilité limitée (SARL) Dovre France a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge, en droits et pénalités, d'une part des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2011, 2012 et 2013 et d'autre part des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er juillet 2010 au 30 novembre 2013. Par un jugement n° 1706119 du 10 juillet 2019, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande. Procédure devant la cour avant renvoi : Par une requête, enregistrée le 10 septembre 2019, la SARL Dovre France, représentée par Me Righi et Me Lieutier, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de lui accorder la décharge, en droits et pénalités, d'une part des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de la période au titre des exercices clos en 2011, 2012 et 2013 et d'autre part des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er juillet 2010 au 30 novembre 2013 ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - l'administration a méconnu l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales ; - la réponse aux observations du contribuable était insuffisamment motivée ; - les créances détenues sur la société Le Fleuron 47, dont le service n'a pas admis la déductibilité en perte, n'avaient pas à figurer à l'actif du bilan des exercices contrôlés en raison de la prescription intervenue au cours d'exercices antérieurs et le bilan d'ouverture était donc surestimé ; elle est fondée à demander la correction de cette erreur ; - l'administration n'a pas apporté la preuve de l'acte anormal de gestion ; - elle sollicite la compensation entre, d'une part, la réintégration notifiée par le service des pertes sur créances irrécouvrables et, d'autre part, l'annulation de la reprise des provisions correspondantes constatées au titre du même exercice ; - elle maintient l'argumentation développée dans son mémoire introductif concernant la déductibilité de la provision sur stock ; l'administration n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, qu'il y aurait une irrégularité concernant les stocks ; - les pénalités dont ont été assortis les droits en litige ne sont pas fondées. Par un mémoire en défense, enregistré le 13 mars 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par la SARL Dovre France ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 22 septembre 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 15 octobre 2021. Par un arrêt n°19DA02129 du 2 décembre 2021, la cour, sur appel formé par la société Dovre France, a prononcé, d'une part, la réduction de ses bases imposables à l'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2012 à hauteur de la somme de 74 150,80 euros correspondant à la reprise d'une provision, et, d'autre part, la décharge de la majoration pour manquement délibéré appliquée aux rectifications ayant procédé de la réintégration au résultat imposable des pertes sur des créances irrécouvrables. Par une décision n° 461039 du 18 octobre 2022, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, sur la demande du ministre de l'économie, des finances et de la relance, a annulé les articles 1er à 5 de l'arrêt 2 décembre 2021 et a renvoyé, dans cette mesure, l'affaire à la cour. Procédure devant la cour après renvoi : Par un mémoire en défense, enregistré le 18 novembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête de la SARL Dovre France et à ce que les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés dont la cour a prononcé la décharge par son arrêt du 2 décembre 2021 soient remises à la charge de cette société. Il maintient les observations développées dans son précédent mémoire et soutient que : - la SARL Dovre France n'est pas fondée à solliciter une compensation ; - la majoration pour manquement délibérée mentionnée dans la proposition de rectification n'a pas été mise en recouvrement. Par des courriers, enregistrés les 25 novembre et 6 décembre 2022, Me Righi et Me Coste, représentant la SARL Dovre France, font part de la clôture de la procédure de liquidation judiciaire de cette société et soutiennent que l'affaire n'est pas en état d'être jugée. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de commerce ; - le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Bertrand Baillard, premier conseiller, - et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public. Considérant ce qui suit : Sur l'objet du litige : 1. La société à responsabilité limitée (SARL) Dovre France, qui exerce une activité de distribution pour le compte de sa société mère située en Belgique, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration a remis en cause les déficits initialement déclarés par cette société au titre des exercices clos en 2011 et 2013. En conséquence, l'administration a rappelé des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er juillet 2011 au 30 novembre 2013 et l'a assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2011, 2012 et 2013 en suivant la procédure de redressement contradictoire. 2. Par un jugement du 10 juillet 2019, le tribunal administratif de Lille a rejeté la demande de la société tendant à la décharge des suppléments d'imposition ayant procédé de cette réintégration et des pénalités correspondantes. Par un arrêt du 2 décembre 2021, la cour a partiellement fait droit à l'appel formé par la société Dovre France contre ce jugement en réduisant ses bases imposables à l'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2012 de la somme de 74 151 euros et en prononçant la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des pénalités correspondantes. Par une décision du 18 octobre 2022, sur la demande du ministre de l'économie, des finances et de la relance, le Conseil d'Etat a annulé les articles 1er à 5 de cet arrêt faisant partiellement droit aux conclusions d'appel de la société Dovre France et a renvoyé l'affaire, dans cette mesure, à la cour. Sur le non-lieu à statuer : 3. Par un jugement du 18 mars 2022, postérieur à l'enregistrement de la requête d'appel de la SARL Dovre France, le tribunal de commerce de Lille a prononcé la clôture pour insuffisance d'actif de la procédure de liquidation judiciaire ouverte à l'encontre de cette société, ce qui a entraîné la radiation de la société, la perte de sa personnalité morale et la fin du mandat de ses différents mandataires. Toutefois, des échanges de mémoires ont préalablement eu lieu entre les parties, dont il résulte que l'affaire est en état d'être jugée. 4. Dans ces conditions, à supposer même que la SARL Dovre France ait entendu présenter des conclusions à fin de non-lieu à statuer en l'état, il n'y a pas lieu d'y faire droit. Sur la recevabilité de la demande de première instance de la SARL Dovre France : 5. Si la proposition de rectification adressée à la société Dovre France le 30 juin 2015 a fait état de l'application de la majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue au a de l'article 1729 du code général des impôts aux rehaussements ayant procédé de la réintégration de la perte sur créance irrécouvrable d'un montant de 74 151 euros au titre de l'exercice clos en 2012, il résulte de l'instruction qu'une telle pénalité n'a finalement pas été mise à la charge de la société, seuls des intérêts de retard ayant été mis en recouvrement le 31 mars 2016. Dès lors, ainsi que le fait valoir le ministre dans son mémoire produit après renvoi, les conclusions de la SARL Dovre France présentées devant le tribunal administratif de Lille étaient irrecevables en ce qu'elles tendaient à la décharge de cette majoration. 6. Dans ces conditions, la SARL Dovre France n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a refusé de faire droit, dans cette mesure, à ses conclusions aux fins de décharge. Sur la demande de compensation relative à la somme de 74 150,80 euros : 7. D'une part, aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : / (...) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les comptes de l'exercice (...) ". 8. Lorsqu'une provision a été constituée dans les comptes de l'exercice, et sauf si les règles propres au droit fiscal y font obstacle, notamment les dispositions particulières du 5° du 1 de cet article limitant la déductibilité fiscale de certaines provisions, le résultat fiscal du même exercice doit, en principe, être diminué du montant de cette provision dont la reprise, lors d'un ou de plusieurs exercices ultérieurs, entraîne en revanche une augmentation de l'actif net du ou des bilans de clôture du ou des exercices correspondants. 9. D'autre part, aux termes de l'article L. 203 du livre des procédures fiscales : " Lorsqu'un contribuable demande la décharge ou la réduction d'une imposition quelconque, l'administration peut, à tout moment de la procédure et malgré l'expiration des délais de prescription, effectuer ou demander la compensation dans la limite de l'imposition contestée, entre les dégrèvements reconnus justifiés et les insuffisances ou omissions de toute nature constatées dans l'assiette ou le calcul de l'imposition au cours de l'instruction de la demande ". Aux termes de l'article L. 205 du même livre : " Les compensations de droits prévues aux articles L. 203 et L. 204 sont opérées dans les mêmes conditions au profit du contribuable à l'encontre duquel l'administration effectue une rectification lorsque ce contribuable invoque une surtaxe commise à son préjudice ou lorsque la rectification fait apparaître une double imposition ". 10. Il résulte des dispositions précitées du 5° du 1 de l'article 39 du code général des impôts qu'une provision ne saurait être déduite du résultat de l'exercice si elle n'a pas été effectivement constatée dans les écritures comptables à la clôture de l'exercice. Le défaut de constitution d'une provision n'est ainsi pas susceptible de faire l'objet d'une correction demandée par voie de réclamation ou, après l'expiration du délai de réclamation, par voie de compensation à l'occasion d'un rehaussement. 11. Il résulte de l'instruction que la provision d'un montant de 74 151,80 euros que la société Dovre France avait constituée en 2011 en raison du placement en liquidation judiciaire de la société Le Fleuron 47, sur laquelle elle détenait une créance de ce montant, a été reprise à la suite de la comptabilisation de cette somme en perte sur créances irrécouvrables au cours de l'exercice 2012 et qu'elle ne figurait donc plus au bilan de clôture de cet exercice. 12. Il résulte de ce qui précède que l'absence de déduction de cette provision du résultat imposable de cet exercice 2012 ne peut pas être regardée comme caractérisant une surtaxe commise au détriment de la société Dovre France ou une double imposition de nature à ouvrir droit à une demande de compensation à l'occasion de la réintégration par l'administration de la perte sur créance irrécouvrable. La demande de compensation de la SARL Dovre France ne peut donc pas être accueillie. 13. Il résulte de ce tout ce qui précède que la SARL Dovre France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses conclusions en ce qu'elles tendaient à la décharge, d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés ayant fait l'objet de la réduction des bases d'imposition mentionnée au point 2 et, d'autre part, de la majoration de 40 % mentionnée au point 5. Sur les conclusions présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 14. L'Etat n'étant pas partie perdante à l'instance, les conclusions de la SARL Dovre France tendant à l'application de cette disposition ne peuvent qu'être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : Les conclusions de la SARL Dovre France sont rejetées. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Dovre France et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Copie en sera transmise à l'administratrice générale des finances publiques chargée de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord. Délibéré après l'audience publique du 26 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - M. Marc Heinis, président de chambre, - M. François-Xavier Pin, président-assesseur, - M. Bertrand Baillard, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023. Le rapporteur, Signé : B. BaillardLe président de chambre, Signé : M. A... La greffière, Signé : E. Héléniak La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme, La greffière, Elisabeth Héléniak 1 2 N°22DA02130 1 3 N°"Numéro" |
CETATEXT000048452323 | J7_L_2023_11_00022DA02286 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/23/CETATEXT000048452323.xml | Texte | CAA de DOUAI, 4ème chambre, 16/11/2023, 22DA02286, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de DOUAI | 22DA02286 | 4ème chambre | plein contentieux | C | M. Heinis | SCP DHALLUIN | M. Jean-François Papin | M. Arruebo-Mannier | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société à responsabilité limitée (SARL) SOS Le Havre Intérim a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, de prononcer la décharge ou sinon une réduction de la contribution minimum de cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie à raison de l'activité exercée dans les locaux de son siège social, situés à Evreux, au titre de l'année 2020, d'autre part, de mettre à la charge de l'Etat les dépens ainsi que la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par une ordonnance no 2101457 du 27 septembre 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rouen, d'une part, a donné acte du désistement de la SARL SOS Le Havre Intérim des conclusions de sa demande à fin de décharge ou de réduction de l'imposition en litige, ainsi que de celles afférentes aux dépens, d'autre part, a rejeté le surplus des conclusions de cette demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 28 octobre 2022, la SARL SOS Le Havre Intérim, représentée par Me Dhalluin, demande à la cour : 1°) d'annuler cette ordonnance ; 2°) de prononcer la décharge sinon la réduction de l'imposition en litige ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens de l'instance sur le fondement de l'article R. 761-1 du même code. Elle soutient que : - c'est à tort que le premier juge a donné acte du désistement des conclusions de sa demande à fin de décharge ou de réduction de l'imposition en litige, ainsi que de celles afférentes aux dépens, alors qu'elle avait expressément maintenu, en réponse à la demande que le tribunal administratif lui avait adressée, les conclusions de sa demande ; il appartenait, dans ces conditions, au premier juge de constater qu'il n'y avait pas lieu, à concurrence du dégrèvement prononcé en première instance, de statuer sur les conclusions de sa demande aux fins de décharge ou de réduction de l'imposition en litige ; - c'est à tort que le premier juge a refusé de faire droit à ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative alors que l'administration lui avait accordé le dégrèvement partiel de l'imposition en litige. Par un mémoire en défense, enregistré le 11 juillet 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête. Il soutient que : - le premier juge n'a pas omis de statuer sur les conclusions présentées par la SARL SOS Le Havre Intérim sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, mais a estimé qu'il n'y avait pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'y faire droit ; - les conclusions afférentes à la charge des dépens sont dépourvues d'objet et, par suite, irrecevables. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller, - et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public. Considérant ce qui suit : Sur l'objet du litige : 1. La société à responsabilité limitée (SARL) SOS Le Havre Intérim, qui exerce une activité de recrutement et de placement de personnel intérimaire, a été assujettie, au titre de l'année 2020, à la cotisation foncière des entreprises dans les rôles de la commune d'Evreux (Eure), selon la base d'imposition minimale en vigueur dans cette commune, à raison de locaux dans lesquels est établi son siège social. Elle relève appel de l'ordonnance du 27 septembre 2022 par laquelle la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rouen, d'une part, a donné acte du désistement des conclusions de sa demande à fin de décharge ou de réduction de l'imposition en litige, ainsi que de celles afférentes aux dépens, d'autre part, a rejeté le surplus des conclusions de cette demande. Sur la régularité de l'ordonnance attaquée : 2. Aux termes de l'article R. 612-5-1 du code de justice administrative : " Lorsque l'état du dossier permet de s'interroger sur l'intérêt que la requête conserve pour son auteur, le président de la formation de jugement ou le président de la chambre chargée de l'instruction, peut inviter le requérant à confirmer expressément le maintien de ses conclusions. La demande qui lui est adressée mentionne que, à défaut de réception de cette confirmation à l'expiration du délai fixé, qui ne peut être inférieur à un mois, il sera réputé s'être désisté de l'ensemble de ses conclusions. ". 3. A l'occasion de la contestation en appel de l'ordonnance prenant acte du désistement d'un requérant en l'absence de réponse à l'expiration du délai qui lui a été fixé, il incombe au juge d'appel, saisi de moyens en ce sens, de vérifier que l'intéressé a reçu la demande mentionnée par les dispositions de l'article R. 612-5-1 du code de justice administrative, que cette demande fixait un délai d'au moins un mois au requérant pour répondre et l'informait des conséquences d'un défaut de réponse dans ce délai et que le requérant s'est abstenu de répondre en temps utile. Il appartient, en outre, au juge d'appel d'apprécier si le premier juge, dans les circonstances de l'affaire, a fait une juste application des dispositions de l'article R. 612-5-1. 4. Il ressort des pièces du dossier de première instance que, par une demande adressée le 19 juillet 2022, par l'application Télérecours, au conseil de la SARL SOS Le Havre Intérim, le président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Rouen a informé cette société, au regard du dégrèvement, intervenu en cours d'instance, de la majeure partie de l'imposition en litige, que l'examen de l'affaire l'avait conduit à s'interroger sur l'intérêt que conservait, pour cette société, la demande qu'elle avait introduite et l'a invitée à confirmer, dans un délai d'un mois, si elle entendait maintenir celle-ci. 5. Par un courrier établi, en réponse à cette demande, le 19 juillet 2022 et enregistré au greffe du tribunal administratif de Rouen le 20 juillet 2022, par l'application Télérecours, le conseil de la SARL SOS Le Havre Intérim a indiqué maintenir les conclusions de sa demande, dont il rappelait les références, en précisant qu'il entendait, par ce maintien, que le tribunal se prononce sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. 6. En estimant que la SARL SOS Le Havre Intérim devait être réputée s'être désistée des conclusions de sa demande, à l'exception de celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le premier juge n'a pas fait une exacte application des dispositions précitées de l'article R. 612-5-1 du code de justice administrative. Il a ainsi entaché son ordonnance d'une irrégularité de nature à en justifier l'annulation en ce que cette ordonnance a donné acte du désistement des conclusions de la SARL SOS Le Havre Intérim aux fins de décharge ou de réduction de l'imposition en litige, ainsi que de celles relatives aux dépens. 7. En revanche, contrairement à ce que soutient la SARL SOS Le Havre Intérim, le premier juge n'a pas omis de statuer sur les conclusions présentées par elle sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, mais, selon les termes mêmes de son ordonnance, a décidé qu'il n'y avait pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'y faire droit, ce qu'il a pu faire sans méconnaître son office. 8. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions de la demande présentée par la SARL SOS Le Havre Intérim devant le tribunal administratif de Rouen tendant à la décharge ou à la réduction de l'imposition en litige, ainsi que sur celles afférentes aux dépens, et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les autres conclusions. Sur l'étendue du litige : 9. Par une décision du 27 avril 2022, le directeur par intérim des finances publiques de la région Normandie et du département de la Seine-Maritime a accordé à la SARL SOS Le Havre Intérim un dégrèvement de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie, au titre de l'année 2020, dans les rôles de la commune d'Evreux, à hauteur de 1 170 euros, l'administration ayant admis que le principal établissement de la SARL SOS Le Havre Intérim, au sens et pour l'application des dispositions de l'article 1467 D du code général des impôts, se situe dans les locaux de son agence du Havre, dans lesquels elle exerce son activité économique. 10. Dans cette mesure, les conclusions de la demande présentée par la SARL SOS Le Havre Intérim devant le tribunal administratif de Rouen et tendant à la décharge ou à la réduction de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2020 à raison de l'activité exercée dans les locaux de son siège social, situés à Evreux, sont devenues sans objet. Sur le bien-fondé de la cotisation foncière des entreprises demeurant en litige : 11. Aux termes de l'article 1447 du code général des impôts : " I. - La cotisation foncière des entreprises est due chaque année par les personnes physiques ou morales (...) qui exercent à titre habituel une activité professionnelle non salariée. / (...) ". Aux termes de l'article 1473 du même code : " La cotisation foncière des entreprises est établie dans chaque commune où le redevable dispose de locaux ou de terrains, en raison de la valeur locative des biens qui y sont situés. / (...) ". Enfin, aux termes de l'article 1647 D de ce code, dans sa rédaction applicable au présent litige : " I. - 1. Les redevables de la cotisation foncière des entreprises sont assujettis à une cotisation minimum établie au lieu de leur principal établissement ; (...) ". Ce même article précise que cette cotisation est établie à partir d'une base dont le montant est fixé par le conseil municipal selon un barème qui est fonction du montant du chiffre d'affaires ou des recettes réalisées. 12. Le principal établissement, au sens et pour l'application des dispositions du 1 du I de l'article 1647 D du code général des impôts, correspond à celui des établissements dont le redevable dispose pour l'exercice de son activité professionnelle dans lequel il réalise son activité à titre principal. 13. Dans le dernier état de ses écritures, l'administration ne conteste pas que le principal établissement de la SARL SOS Le Havre Intérim, au sens et pour l'application des dispositions du 1 du I de l'article 1647 D du code général des impôts, est situé, ainsi que cette société le soutient, dans les locaux de son agence situés au Havre, et non dans ceux de son siège social, situés à Evreux. En outre, le service, comme il a été dit ci-dessus, a admis que cette société avait été assujettie à tort à la cotisation foncière des entreprises, au titre de l'année 2020, selon la base d'imposition minimale en vigueur dans la commune d'Evreux, à raison des locaux de son siège social, situés dans cette ville, et a prononcé le dégrèvement partiel de cette imposition. 14. Le ministre soutient, toutefois, que la SARL SOS Le Havre Intérim doit être soumise à la cotisation foncière des entreprises, dans les rôles de la commune d'Evreux, à raison des locaux de son siège social, selon une valeur locative ajustée en fonction de la quote-part d'utilisation de ces locaux par cette société, ce qui justifie que l'administration n'ait pas prononcé le dégrèvement de l'intégralité de l'imposition en litige. La SARL SOS Le Havre Intérim conteste, par son argumentation principale, cette position. 15. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la SARL SOS Le Havre Intérim a fixé son siège social dans des locaux dont elle a la disposition à Evreux et que la SAS Société Optima Service, société holding, a, elle aussi, fixé son siège social à l'adresse de ces locaux. Cette dernière, qui a le même dirigeant que la SARL SOS Le Havre Intérim, dont elle détient l'intégralité du capital social, est la société mère du groupe auquel la SARL SOS Le Havre Intérim appartient. 16. S'il résulte également de l'instruction que la SARL SOS Le Havre Intérim exerce l'essentiel de son activité économique au sein des locaux de son agence du Havre, où sont affectés la majeure partie de ses salariés et qui est mentionnée au registre du commerce et des sociétés comme constituant son établissement principal, il n'est pas contesté que cette société est dirigée depuis son siège d'Evreux, où sont effectuées les tâches administratives et financières relevant de sa gestion et où elle recommande d'ailleurs à ses clients d'adresser leurs règlements. 17. Si la SARL SOS Le Havre Intérim fait état des services qui lui sont rendus par la SAS Société Optima Service, il ne résulte pas de l'instruction que cette société assurerait intégralement, en lieu et place de la société appelante, les tâches administratives et financières relevant de sa gestion, dans le cadre de l'exécution de la convention de prestations de service et d'assistance conclue le 13 janvier 2016, puis renouvelée le 25 octobre 2019, entre la SAS Société Optima Service et ses filiales, dont la SARL SOS Le Havre Intérim. 18. En effet, si cette convention versée à l'instruction, qui a fait l'objet d'un avenant le 21 décembre 2020 rédigé dans des termes proches de la précédente, stipulait que la SAS Société Optima Service apporterait à ses filiales une assistance juridique et fiscale, une aide pour la négociation avec des tiers et la rédaction des contrats, un appui pour la gestion des contentieux, une assistance comptable et financière, une aide pour le suivi de la facturation et des paies, la mise à disposition d'un service de téléprospection, un appui pour la négociation avec les organismes sociaux et une assistance informatique courante, en revanche cette convention excluait expressément l'accomplissement de prestations relevant des missions du mandat du gérant de chacune des filiales, c'est-à-dire de leur gestion sociale propre. 19. Il suit de là que la SARL SOS Le Havre Intérim a été assujettie à bon droit à la cotisation foncière des entreprises à raison des activités qu'elle exerce dans les locaux de ce siège social d'Evreux, en tenant compte, selon ses propres indications, de sa quote-part d'occupation effective de locaux. La SARL SOS Le Havre Intérim n'est donc pas fondée à demander la décharge de la cotisation foncière des entreprises pour la fraction maintenue à sa charge par l'administration. 20. En deuxième lieu, si la SARL SOS Le Havre Intérim soutient que la SAS Société Optima Service a été imposée au titre de l'année 2020, selon la base d'imposition minimale, dans les rôles de la commune d'Evreux, à raison des activités administratives qu'elle exerce au sein de son principal établissement situé à l'adresse du siège social de la SARL SOS Le Havre Intérim, une telle circonstance n'est pas de nature à révéler qu'une même activité aurait été soumise deux fois à une même imposition, dès lors qu'il n'est pas établi que les deux sociétés n'auraient pas exercé chacune, dans ces locaux et avec leurs propres moyens, les tâches relevant de leur gestion administrative. 21. De même, si la SARL SOS Le Havre Intérim a été soumise, au titre de la même année, à la cotisation foncière des entreprises à raison de l'activité qu'elle exerce dans son établissement du Havre, son assujettissement au même impôt à raison de l'activité exercée dans les locaux de son siège social d'Evreux ne constitue pas davantage une double imposition dès lors que l'établissement principal du Havre et le siège social d'Evreux ont chacun une fonction économique distincte et entrent, à raison des activités relevant de chacune de ces fonctions, dans le champ d'application des dispositions précitées des articles 1447 et 1473 du code général des impôts. 22. Dans ces conditions, le moyen de la SARL SOS Le Havre Intérim tiré de l'existence d'une double imposition doit être écarté. 23. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL SOS Le Havre Intérim n'est pas fondée à demander la décharge de la fraction de cotisation foncière des entreprises laissée à sa charge, au titre de l'année 2020, à raison des locaux de son siège social situé à Evreux. 24. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat, qui doit être regardé comme la partie perdante, une somme globale de 500 euros au titre des frais exposés par la SARL SOS Le Havre Intérim et non compris dans les dépens. 25. En revanche, l'instance n'ayant pas donné lieu à des dépens, au sens de l'article R. 761-1 du même code, les conclusions de la SARL SOS Le Havre Intérim relatives aux dépens sont dépourvues d'objet et, par suite, irrecevables, ainsi que le relève, à bon droit, le ministre. DÉCIDE : Article 1er : L'ordonnance no 2101457 du 27 septembre 2022 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rouen est annulée en tant qu'elle a donné acte du désistement de la SARL SOS Le Havre Intérim des conclusions de sa demande à fin de décharge ou de réduction de l'imposition en litige, ainsi que de celles afférentes aux dépens. Article 2 : A concurrence du dégrèvement prononcé, au cours de la première instance, à hauteur d'un montant de 1 170 euros, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la demande de la SARL SOS Le Havre Intérim tendant à la décharge de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie à raison de l'activité exercée dans les locaux de son siège social, situés à Evreux, au titre de l'année 2020. Article 3 : L'Etat versera à la SARL SOS Le Havre Intérim la somme de 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions de la demande présentée par la SARL SOS Le Havre Intérim devant le tribunal administratif de Rouen et de sa requête est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL SOS Le Havre Intérim et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Copie en sera transmise à l'administratrice générale des finances publiques chargée de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord. Délibéré après l'audience publique du 26 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - M. Marc Heinis, président de chambre, - M. François-Xavier Pin, président-assesseur, - M. Jean-François Papin, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023. Le rapporteur, Signé : J.-F. PapinLe président de chambre, Signé : M. A... La greffière, Signé : E. Héléniak La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme La greffière, Elisabeth Héléniak 1 2 N°22DA02286 |
CETATEXT000048452324 | J7_L_2023_11_00022DA02701 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/23/CETATEXT000048452324.xml | Texte | CAA de DOUAI, 4ème chambre, 16/11/2023, 22DA02701, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de DOUAI | 22DA02701 | 4ème chambre | plein contentieux | C | M. Heu | SCP DHALLUIN | M. Bertrand Baillard | M. Arruebo-Mannier | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société à responsabilité limitée (SARL) La Grange de Fontenay a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période allant du 1er janvier 2013 au 30 avril 2016, d'autre part, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 1903674 du 24 août 2020, le tribunal administratif de Rouen a prononcé la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige et a mis à la charge de l'Etat, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 1 200 euros au titre des frais exposés par la SARL La Grange de Fontenay et non compris dans les dépens. Procédure devant la cour : Par un arrêt n°20DA1626 du 27 octobre 2022, la cour a annulé le jugement n° 1903674 du 24 août 2020 du tribunal administratif de Rouen, remis à la charge de la SARL La Grange de Fontenay des rappels de taxe sur la valeur ajoutée établis au titre de la période allant du 1er janvier 2013 au 30 avril 2016 dont la décharge avait été prononcée par ce jugement et rejeté la demande présentée par la SARL La Grange de Fontenay devant le tribunal administratif de Rouen. Par une requête, enregistrée le 8 décembre 2022, la SARL La Grange de Fontenay, représentée par Me Dhalluin, demande à la cour de rectifier une erreur matérielle ayant entaché l'arrêt n°20DA01626 du 27 octobre 2022. Elle soutient que le ministre n'avait pas demandé à la cour de remettre à sa charge la majoration de 40 % pour manquement délibéré et qu'elle-même avait indiqué avoir pris acte du dégrèvement de la majoration prononcée par l'administration. Par un mémoire enregistré le 15 février 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au non-lieu à statuer. Il soutient que la société La Grange de Fontenay a été déchargée de la majoration litigieuse de sorte que la requête de la société est dépourvue d'objet. Par une ordonnance en date du 15 février 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 15 mars 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Baillard, premier conseiller, - et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. Aux termes de l'article R. 833-1 du code de justice administrative : " Lorsqu'une décision d'une cour administrative d'appel ou du Conseil d'Etat est entachée d'une erreur matérielle susceptible d'avoir exercé une influence sur le jugement de l'affaire, la partie intéressée peut introduire devant la juridiction qui a rendu la décision un recours en rectification ". 2. Par un jugement du 24 août 2020, le tribunal administratif de Rouen a prononcé la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes auxquels la société à responsabilité limitée (SARL) La Grange de Fontenay avait été assujettie au titre de la période allant du 1er janvier 2013 au 30 avril 2016 puis a mis à la charge de l'Etat, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 1 200 euros. 3. Par un arrêt du 27 octobre 2022 n°20DA01626, la cour, saisie par le ministre de l'économie, des finances et de la relance, a annulé ce jugement et a remis à la charge de la société les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige ainsi que la majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue à l'article 1729 du code général des impôts. 4. La SARL La Grange de Fontenay expose que c'est à la suite d'une erreur matérielle que cet arrêt du 27 octobre 2022 a remis cette majoration de 40 % à sa charge. 5. D'une part, la circonstance que, postérieurement à l'enregistrement de cette requête en rectification d'erreur matérielle, un dégrèvement portant sur cette majoration de 40 % pour manquement délibéré a été prononcé n'a pas rendu ce recours sans objet. 6. D'autre part, il résulte des écritures de l'instance n° 20DA01626 que le ministre avait renoncé, en cours de procédure d'appel, à demander que cette majoration soit remise à la charge du contribuable. L'arrêt de la cour est donc entaché d'une erreur matérielle qui n'est pas imputable à la requérante. Par suite, la requête présentée par la SARL La Grange de Fontenay tendant à la rectification de cette erreur est recevable. 7. Enfin, il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de déclarer nul et non avenu l'arrêt n° 20DA01626 du 27 octobre 2022 en tant qu'il a statué sur la majoration de 40 % prévue à l'article 1729 du code général des impôts et de modifier l'article 2 du dispositif de cet arrêt pour ne remettre à la charge de la SARL La Grande de Fontenay que les droits de taxe sur la valeur ajoutée assignés pour la période du 1er janvier 2013 au 30 avril 2016, à l'exclusion de la majoration de 40 % pour manquement délibéré. DÉCIDE : Article 1er : Le recours en rectification d'erreur matérielle présenté par la SARL La Grange de Fontenay est admis. Article 2 : L'arrêt n°20DA01626 du 27 octobre 2022 est déclaré nul et non avenu en tant qu'il a statué sur la majoration de 40 % prévue à l'article 1729 du code général des impôts. Article 3 : L'article 2 du dispositif de l'arrêt en date du 27 octobre 2022 est modifié comme suit : " Article 2 : Les droits de taxe sur la valeur ajoutée établis au titre de la période allant du 1er janvier 2013 au 30 avril 2016, dont la décharge a été prononcée par ce jugement, sont remis à la charge de la SARL La Grange de Fontenay ". Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL La Grange de Fontenay et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Copie en sera transmise à l'administratrice générale des finances publiques chargée de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord. Délibéré après l'audience publique du 26 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - M. Marc Heinis, président de chambre, - M. François-Xavier Pin, président-assesseur, - M. Bertrand Baillard, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023. Le rapporteur, Signé : B. BaillardLe président de chambre, Signé : M. A... La greffière, Signé : E. Héléniak La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme, La greffière, Elisabeth Héléniak 1 2 N°22DA02701 |
CETATEXT000048452325 | J7_L_2023_11_00023DA00411 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/23/CETATEXT000048452325.xml | Texte | CAA de DOUAI, 4ème chambre, 16/11/2023, 23DA00411, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de DOUAI | 23DA00411 | 4ème chambre | excès de pouvoir | C | M. Heinis | BEHRA | M. Jean-François Papin | M. Arruebo-Mannier | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme F... A... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir la décision en date du 9 septembre 2022 par laquelle le préfet du Pas-de-Calais lui a interdit le retour sur le territoire français avant l'expiration du délai d'un an, d'autre part, de faire injonction au préfet du Pas-de-Calais de procéder à l'abrogation de sa décision du 9 septembre 2022 et à l'effacement du signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen, enfin, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 2207284 du 10 février 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé la décision du préfet du Pas-de-Calais du 9 septembre 2022, a enjoint à cette autorité de mettre en œuvre, dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement, sous réserve d'un changement de circonstances de fait ou de droit, la procédure d'effacement du signalement de Mme A... aux fins de non-admission dans le SIS, a mis à la charge de l'Etat une somme de 900 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de cette demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 6 mars 2023, le préfet du Pas-de-Calais demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement, en tant qu'il a annulé sa décision du 9 septembre 2022, lui fait injonction de mettre fin du signalement de Mme A... au fichier SIS et a mis la somme de 900 euros à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; 2°) de rejeter la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Lille, de même que les conclusions qu'elle formule en cause d'appel. Il soutient que : - le premier juge a retenu à tort que la décision faisant interdiction à Mme A... de retour sur le territoire français avant l'expiration d'un délai d'un an avait été prise en méconnaissance du droit de l'intéressée à être préalablement entendue, tel que protégé par le droit de l'Union européenne ; - les autres moyens soulevés par Mme A... devant le tribunal administratif de Lille ne sont pas fondés. Par un mémoire en défense, enregistré le 13 mai 2023, Mme A..., représentée par Me Behra, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le premier juge a retenu à juste titre que la décision lui faisant interdiction de retour sur le territoire français avant l'expiration d'un délai d'un an avait été prise en méconnaissance de son droit à être préalablement entendue, tel que protégé notamment par l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; - la décision portant interdiction de retour a été prise par une autorité incompétente ; - elle est insuffisamment motivée en droit ; - elle est entachée d'une erreur de fait, en ce que ses motifs omettent de faire état de ce qu'elle avait contesté, devant la cour administrative d'appel de Douai, l'ordonnance du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille donnant acte du désistement d'office de sa requête tendant à l'annulation du refus de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français précédemment prononcé à son égard ; - elle méconnaît des dispositions des articles L. 612-7 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors que les critères sur lesquels ces dispositions imposent à l'autorité préfectorale de se prononcer sont cumulatifs et alors que sa présence ne représente pas une menace pour l'ordre public ; - elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; - elle est contraire à l'intérêt supérieur de ses enfants, tel que protégé par les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ; - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller, a été entendu, au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. Mme F... A..., ressortissante sénégalaise née le 21 décembre 1980 à Dakar, est entrée en France le 1er avril 2016, munie d'un titre de séjour italien en cours de validité, en compagnie de ses trois enfants mineurs, nés en 2005, 2008 et 2014. S'étant maintenue, depuis lors, sur le territoire français, Mme A... a sollicité, le 7 juin 2021, du préfet du Pas-de-Calais la régularisation de sa situation administrative, au titre de l'admission exceptionnelle au séjour. Par un arrêté du 28 avril 2022, le préfet du Pas-de-Calais a refusé de faire droit à cette demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme A... a contesté cet arrêté devant le tribunal administratif de Lille, qui a donné acte du désistement de sa demande, puis devant la cour administrative d'appel de Douai. Entre-temps, par une décision du 9 septembre 2022, le préfet du Pas-de-Calais a fait interdiction à Mme A... de retour sur le territoire français avant l'expiration d'un délai d'un an. Le préfet du Pas-de-Calais relève appel du jugement du 10 février 2023 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille en tant qu'il a annulé cette décision du 9 septembre 2022, lui a enjoint de mettre en œuvre, sous réserve d'un changement de circonstances de fait ou de droit, la procédure d'effacement du signalement de Mme A... aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen (SIS) et a mis à la charge de l'Etat une somme de 900 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Sur le motif d'annulation retenu par le premier juge : 2. Aux termes du paragraphe 7 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions, organes et organismes de l'Union ". Aux termes du paragraphe 2 de ce même article : " Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ". Aux termes du paragraphe 7 de l'article 51 de la Charte : " Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions, organes et organismes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux États membres uniquement lorsqu'ils mettent en œuvre le droit de l'Union (...) ". 3. Le droit d'être entendu, principe général du droit de l'Union européenne, notamment protégé par les dispositions précitées de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, se définit comme celui de toute personne à faire connaître, de manière utile et effective, ses observations écrites ou orales au cours d'une procédure administrative, avant l'adoption de toute décision susceptible de lui faire grief. Toutefois, ce droit n'implique pas systématiquement l'obligation, pour l'administration, d'organiser, de sa propre initiative, un entretien avec l'intéressé, ni même d'inviter ce dernier à produire ses observations, mais suppose seulement que, informé de ce qu'une décision lui faisant grief est susceptible d'être prise à son encontre, il soit en mesure de présenter spontanément des observations écrites ou de solliciter un entretien pour faire valoir ses observations orales. 4. Pour annuler, par le jugement attaqué, la décision du 9 septembre 2022 par laquelle le préfet du Pas-de-Calais a fait interdiction, à Mme A..., de retourner sur le territoire français avant l'expiration d'un délai d'un an, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a estimé qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier qui lui était soumis, au nombre desquelles ne figurait pas le procès-verbal d'audition de Mme A..., que cette dernière avait été informée de ce qu'elle était susceptible de faire l'objet d'une décision portant interdiction de retour sur le territoire français et que, partant, elle n'avait pas été à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une interdiction de retour. Le premier juge a tiré de ces constats la conclusion que le droit de Mme A... à être entendue, notamment énoncé au paragraphe 2 de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, avait été méconnu. 5. Toutefois, ainsi que le fait observer le préfet du Pas-de-Calais au soutien de sa requête, sa décision du 9 septembre 2022 portant interdiction de retour fait suite à son arrêté du 28 avril 2022 par lequel il avait fait obligation à Mme A... de quitter le territoire français et lui avait imparti un délai de trente jours pour se soumettre spontanément à cette mesure. Or, l'article 4 de cet arrêté, que le préfet du Pas-de-Calais verse au dossier d'appel et que Mme A... a elle-même produit devant le tribunal administratif, indique que " L'intéressée est informée que si elle se maintient irrégulièrement sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire, l'autorité administrative pourra édicter une interdiction de retour sur le territoire français ; qu'elle est invitée dans le même délai à faire valoir ses observations auprès de l'autorité administrative, et plus particulièrement les circonstances qui feraient obstacle à la mesure envisagée. ". Cette disposition de l'arrêté du 28 avril 2022, dont Mme A... n'allègue pas ne pas avoir reçu notification et qu'elle a d'ailleurs contesté le 9 juin 2022 devant le tribunal administratif de Lille, a ainsi mis l'intéressée à même de formuler des observations, tant à l'écrit que, si elle l'estimait nécessaire, à l'oral, dans le cadre d'un rendez-vous à solliciter avec le service préfectoral compétent, sur l'interdiction de retour qui était susceptible d'être prononcée à son égard, en temps utile avant que n'intervienne cette mesure. 6. Ainsi qu'il a été rappelé au point 3, il n'incombait pas au préfet du Pas-de-Calais d'organiser, de sa propre initiative, un entretien avec l'intéressée, ni, alors même que le prononcé d'une telle mesure d'interdiction de retour n'est qu'une faculté, de lui adresser, à l'expiration du délai de départ volontaire, un courrier pour l'inviter à produire ses observations. 7. Dans ces conditions, le préfet du Pas-de-Calais est fondé à soutenir que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a accueilli à tort le moyen tiré, par Mme A..., de la méconnaissance de son droit à être préalablement entendue pour annuler la décision lui ayant fait interdiction de retour sur le territoire français. 8. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A... devant le tribunal administratif de Lille, ainsi que ceux que l'intéressée invoque en cause d'appel. 9. Il ressort des mentions de la décision du 9 septembre 2022 portant interdiction de retour que celle-ci a été signée par M. G... D..., chef du bureau du contentieux et du droit des étrangers de la préfecture du Pas-de-Calais. Par un arrêté n° 2022-10-84 du 10 août 2022, publié au n° 97 spécial du 10 août 2022 du recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet du Pas-de-Calais a donné délégation à M. E... C..., directeur des migrations et de l'intégration de la préfecture, à l'effet notamment de signer les décisions relatives aux interdictions de retour et de circulation sur le territoire français, cet arrêté précisant qu'en cas d'absence ou d'empêchement de M. C..., cette délégation pourra être exercée par les chefs de bureau placés sous son autorité et notamment par M. D.... Il ne ressort pas des pièces du dossier ni n'est même allégué que M. C... n'aurait pas été absent ou empêché à la date d'intervention de la décision contestée. Par suite, le moyen tiré, par Mme A..., de ce que cette décision aurait été prise par une autorité incompétente doit être écarté. 10. La décision contestée, dont les motifs reproduisent les dispositions de l'article L. 612-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives au cas dans lequel l'autorité préfectorale peut prononcer une interdiction de retour sur le territoire français, à l'encontre d'un étranger qui s'est maintenu irrégulièrement en France au-delà du délai de départ volontaire qui lui a été imparti pour se conformer à l'obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet, de même que celles de l'article L. 612-10 de ce code, relatives à la fixation de la durée de cette mesure, ainsi que les dispositions de l'article L. 613-5 du même code, relatives au signalement au SIS des ressortissants étrangers faisant l'objet d'une interdiction de retour, comporte l'énoncé des considérations de droit, mais aussi de fait, justifiant le prononcé d'une interdiction de retour sur le territoire français avant l'expiration d'un délai d'un an, prise à l'égard de Mme A.... 11. En outre, les motifs de cette décision, qui visent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, révèlent que la situation personnelle et familiale de Mme A... a été prise en compte par l'autorité préfectorale, de même que la présence, auprès d'elle, de ses trois enfants mineurs et la circonstance que ceux-ci sont scolarisés en France, quand bien même la convention internationale relative aux droits de l'enfant n'est pas visée. Ainsi, le moyen tiré de ce que cette décision serait insuffisamment motivée en droit ne peut qu'être écarté. 12. Les mentions de la décision contestée comportent le visa de l'ordonnance du 26 juillet 2022 par laquelle le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a donné acte du désistement d'office de la requête que Mme A... avait introduite, devant ce tribunal, contre l'arrêté du 28 avril 2022 du préfet du Pas-de-Calais refusant de délivrer un titre de séjour à l'intéressée, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et désignant le pays de destination de cette mesure d'éloignement, sans préciser que cette ordonnance a fait l'objet d'un appel introduit par l'intéressée le 12 août 2022 devant la cour administrative d'appel de Douai, qui était pendant à la date de la décision en litige. Toutefois, en ne faisant pas état de l'exercice de ce recours non suspensif par Mme A..., lequel ne faisait, par lui-même, pas légalement obstacle à ce qu'il soit fait interdiction à l'intéressée de retour sur le territoire français, le préfet du Pas-de-Calais n'a pas fondé sa décision sur des faits matériellement inexacts. 13. Aux termes de l'article L. 612-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire, l'autorité administrative édicte une interdiction de retour. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Et aux termes de l'article L. 612-10 de ce code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / (...) ". 14. Si le préfet doit tenir compte, pour décider de prononcer une interdiction de retour et fixer sa durée, de chacun des quatre critères énumérés à l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ces mêmes dispositions ne font pas obstacle à ce qu'une telle mesure soit décidée quand bien même une partie de ces critères, qui ne sont pas cumulatifs, ne serait pas remplie. 15. Il ressort des motifs mêmes de la décision contestée que, pour décider de faire interdiction à Mme A... de retour sur le territoire français et fixer à un an la durée de cette mesure, le préfet du Pas-de-Calais a tenu compte de la durée de la présence en France de l'intéressée, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, et de la circonstance que Mme A... ne s'était pas conformée, dans le délai de départ volontaire de trente jours qui lui avait été imparti, à l'obligation de quitter le territoire français dont elle faisait l'objet. Si ces motifs révèlent aussi que le préfet a estimé que rien ne permettait de retenir que la présence de Mme A... sur le territoire français pourrait représenter une menace pour l'ordre public, cette appréciation ne pouvait, eu égard à ce qui a été dit au point précédent, faire légalement obstacle, par elle-même, à ce qu'une interdiction de retour avant l'expiration d'un délai d'un an soit prononcée à l'égard de Mme A.... Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées des articles L. 612-7 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. 16. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". 17. Mme A..., qui, comme il a été dit au point 1, est entrée en France le 1er avril 2016, fait état de la présence, auprès d'elle, de ses trois enfants mineurs, dont le plus âgé est né au Sénégal en 2005 et dont les deux cadets sont nés, respectivement en 2008 et en 2014, en Italie. Elle précise que ses enfants sont scolarisés en France. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que Mme A... est, selon ses propres déclarations lors de son audition par l'agent de police judiciaire, en instance de divorce et qu'elle n'apporte aucun élément de nature à justifier d'une contribution effective de son époux, qui a fait état d'une adresse en région parisienne, à une distance de 200 kilomètres du domicile de Mme A..., à l'éducation, ni même à l'entretien de ses enfants. Par ailleurs, Mme A..., qui ne justifie pas avoir noué des liens d'une particulière intensité depuis son arrivée en France, n'établit pas, par ses seules allégations, qu'elle serait dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine, où résident, selon ses déclarations, sa mère, ainsi que ses trois frères et quatre sœurs et où elle a elle-même habituellement vécu durant vingt-sept ans, avant de s'établir durant neuf années en Italie. Enfin, l'exercice, durant huit mois, d'un emploi d'agent d'entretien ne suffit pas à justifier de perspectives sérieuses d'insertion professionnelle de Mme A..., pas davantage que la promesse d'embauche qui lui a été consentie, le 19 octobre 2022, c'est-à-dire à une date postérieure à celle de la décision contestée, sur un emploi d'esthéticienne. 18. Dans ces conditions, eu égard à la durée et aux conditions du séjour de Mme A..., la décision lui faisant interdiction de retour sur ce territoire avant l'expiration d'un délai d'un an n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale, en dépit de son engagement de bénévole dans une association caritative, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette mesure a été prise. Par suite, cette décision ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, pour prendre cette décision, le préfet du Pas-de-Calais n'a pas commis d'erreur dans l'appréciation des conséquences de cette mesure sur la situation personnelle de Mme A.... 19. Aux termes des stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Ces stipulations sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation. 20. Dès lors que, comme il a été dit ci-dessus, Mme A... ne justifie pas d'une contribution effective de son époux à l'éducation, ni même à l'entretien de ses trois enfants mineurs et que, en cas de mise à exécution de l'obligation de quitter le territoire français dont Mme A... fait l'objet, ceux-ci ont vocation à accompagner leur mère dans son pays d'origine, où elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales et où ils seront à même, en l'absence de justification du contraire, de poursuivre leur scolarité, la décision portant interdiction de retour ne peut, en tout état de cause, être regardée comme ayant été prise en méconnaissance de l'intérêt supérieur des trois enfants de Mme A..., tel que protégé par les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. 21. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Pas-de-Calais est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé sa décision du 9 septembre 2022 ayant fait interdiction à Mme A... de retour sur le territoire français avant l'expiration d'un délai d'un an et lui a enjoint de mettre en œuvre la procédure d'effacement du signalement de Mme A... aux fins de non-admission dans le SIS. 22. Dans ces conditions, c'est également à tort que, par le même jugement, le magistrat désigné, après avoir estimé que l'Etat devait être regardé comme la partie perdante dans l'instance sur laquelle il a statué, a mis à la charge de l'Etat une somme de 900 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par voie de conséquence, la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Lille doit être rejetée et il doit en être de même des conclusions qu'elle présente en appel au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n° 2207284 du 10 février 2023 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille est annulé en tant qu'il a prononcé l'annulation de la décision du 9 septembre 2022 du préfet du Pas-de-Calais ayant fait interdiction à Mme A... de retour sur le territoire français avant l'expiration d'un délai d'un an, a enjoint à cette autorité de mettre en œuvre la procédure d'effacement du signalement de Mme A... aux fins de non-admission dans le SIS et mis à la charge de l'Etat une somme de 900 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 2 : La demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Lille, ainsi que les conclusions qu'elle présente, en appel, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, au préfet du Pas-de-Calais, ainsi qu'à Mme F... A.... Délibéré après l'audience publique du 26 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - M. Marc Heinis, président de chambre, - M. François-Xavier Pin, président-assesseur, - M. Jean-François Papin, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023. Le rapporteur, Signé : J.-F. PapinLe président de chambre, Signé : M. B... La greffière, Signé : E. Héléniak La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme, La greffière, Elisabeth Héléniak 1 2 N°23DA00411 |
CETATEXT000048452326 | J7_L_2023_11_00023DA00700 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/23/CETATEXT000048452326.xml | Texte | CAA de DOUAI, 4ème chambre, 16/11/2023, 23DA00700, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de DOUAI | 23DA00700 | 4ème chambre | excès de pouvoir | C | M. Heinis | ELATRASSI-DIOME;ELATRASSI-DIOME;ELATRASSI-DIOME | M. François-Xavier Pin | M. Arruebo-Mannier | Vu les procédures suivantes : Procédures contentieuses antérieures : M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 23 août 2022 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme A... H... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 22 août 2022 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement n° 2203843-2203844 du 3 mars 2023, le tribunal administratif de Rouen a, après les avoir jointes, rejeté ces demandes. Procédures devant la cour : I. Par une requête, enregistrée le 17 avril 2023, sous le numéro 23DA00700, et un mémoire, non communiqué, enregistré le 29 septembre 2023, M. C..., représenté par Me Elatrassi-Diome, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 3 mars 2023 et cet arrêté du 23 août 2022 ; 2°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", subsidiairement de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat, à titre principal, la somme de 1 000 euros, à verser à son conseil, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à titre subsidiaire, la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour : - elle est insuffisamment motivée ; - elle est entachée du vice d'incompétence de son signataire ; - le préfet n'a pas procédé à l'examen particulier de sa situation ; - elle méconnaît l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle méconnaît le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle. En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français : - elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ; - elle est insuffisamment motivée ; - elle est entachée du vice d'incompétence de son signataire ; - le préfet n'a pas procédé à l'examen particulier de sa situation ; - elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle méconnaît le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle. En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi : - elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ; - elle est insuffisamment motivée ; - elle est entachée du vice d'incompétence de son signataire ; - elle méconnaît le 3° de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par un mémoire en défense, enregistré le 25 août 2023, préfet de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 7 septembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 29 septembre 2023. II. Par une requête, enregistrée le 17 avril 2023, sous le numéro 23DA00701, et un mémoire, non communiqué, enregistré le 29 septembre 2023, Mme C..., représentée par Me Elatrassi-Diome, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 3 mars 2023 et cet arrêté du 22 août 2022 ; 2°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", subsidiairement de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat, à titre principal, la somme de 1 000 euros, à verser à son conseil, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à titre subsidiaire, la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soulève les mêmes moyens que ceux présentés dans la requête n° 23DA00700. Par un mémoire en défense, enregistré le 25 août 2023, préfet de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 7 septembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 29 septembre 2023. Vu les autres pièces des dossiers. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de M. Pin, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : Sur l'objet du litige : 1. M. et Mme C..., ressortissants congolais nés respectivement le 26 mars 1952 et le 28 mai 1956, sont entrés en France le 10 octobre 2021 muni d'un visa court séjour pour rendre visite à leur fille. A la suite du décès de cette dernière, ils ont sollicité, le 22 février 2022, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par deux arrêtés des 22 et 23 août 2022, le préfet de la Seine-Maritime a rejeté leurs demandes de titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. Par deux requêtes distinctes, qu'il y a lieu de joindre, M. et Mme C... relèvent appel du jugement du 3 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés. Sur les moyens communs aux décisions contestées : 2. M. et Mme C... réitèrent leurs moyens tirés de l'incompétence de l'auteur des arrêtés attaqués et de l'insuffisance de motivation de l'ensemble des décisions contestées. Toutefois, ils n'apportent en appel aucun élément nouveau, de fait ou de droit, de nature à remettre en cause l'appréciation portée par les premiers juges sur ces moyens. Par suite, il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, d'écarter ces moyens. Sur les autres moyens : En ce qui concerne les décisions portant refus de titre de séjour : 3. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Maritime n'ait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. et Mme C... avant de prendre les décisions de refus de titre de séjour attaquées. 4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". 5. Aux termes du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". 6. M. et Mme C... font valoir que leur présence en France est indispensable aux côtés de leurs deux petites-filles, E..., de nationalité congolaise, et I..., de nationalité française, nées respectivement en 2013 et 2015, qu'ils ont prises en charge à la suite du décès de leur fille survenu le 11 octobre 2021. 7. Toutefois, d'une part, il ressort du rapport d'évaluation établi le 1er mars 2022 par les services du département de la Seine-Maritime que ces enfants ont indiqué ne pas connaître leurs grands-parents avant le décès de leur mère et les requérants n'établissent pas, ni même n'allèguent, avoir entretenu des liens avec leurs petites-filles avant le décès de la mère de celles-ci. 8. D'autre part, M. et Mme C... n'ont pas l'autorité parentale sur ces enfants, dont il est constant qu'elle n'a pas été retirée à leurs pères respectifs. Il ressort des pièces du dossier que M. G..., ressortissant congolais, père de E... et époux de sa mère, a maintenu des liens affectifs avec cet enfant. Il revendique également être le père de I..., qui a été conçue en République Démocratique du Congo, qui est née pendant le mariage et dont l'un des prénoms reprend son nom de famille. Si M. F..., ressortissant français, a reconnu I... à sa naissance, il a indiqué au tribunal judiciaire de Rouen, le 20 juin 2022, ne pas être le père de cet enfant et il n'a contribué ni à son éducation ni à son entretien. 9. Enfin, M. et Mme C... ont vécu la majeure partie de leur vie en République Démocratique du Congo. Ils sont entrés en France récemment, à l'âge respectivement de soixante-neuf et soixante-cinq ans. Détournant l'objet de leur visa court séjour, ils se sont maintenus irrégulièrement sur le territoire français. Ils sont sans ressources pérennes et ne justifient pas y disposer d'autres attaches privées ou familiales que leurs petits-enfants. 10. Dans ces conditions, les décisions contestées n'ont pas porté au droit des intéressés au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts qu'elles poursuivent et n'ont ainsi pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, lequel ne garantit pas à l'étranger le droit de choisir le lieu le plus approprié pour développer une vie familiale. 11. Pour les mêmes motifs, le préfet de la Seine-Maritime, dont les décisions opposées à M. et Mme C... n'ont pas eu pour objet et n'ont pas pour effet de les séparer de leurs petites-filles puisque le père de celles-ci souhaite les élever en République Démocratique du Congo, n'ont pas porté à leur intérêt supérieur une atteinte méconnaissant les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant. 12. Dans ces circonstances, les décisions en litige ne sont pas entachées d'erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur la situation personnelle des requérants. 13. En troisième lieu, pour les motifs qui ont été exposés précédemment, M. et Mme C... ne justifient pas de circonstances exceptionnelles ou humanitaires impliquant que leur soit délivré un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français : 14. En premier lieu, il résulte de l'examen de la légalité des refus de titre de séjour qui leur ont été opposés que M. et Mme C... ne sont pas fondés à exciper de l'illégalité de ces refus à l'encontre des décisions leur faisant obligation de quitter le territoire français. 15. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Maritime n'ait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. et Mme C... avant de prendre les mesures d'éloignement contestées. 16. En troisième lieu, en l'absence de toute argumentation supplémentaire, pour les mêmes motifs que ceux qui ont été énoncés ci-dessus, les moyens tirés de la méconnaissance, par les décisions portant obligation de quitter le territoire français, des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, ainsi que le moyen tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de ces décisions sur la situation personnelle des intéressés, doivent être écartés. En ce qui concerne les décisions fixant le pays de destination : 17. En premier lieu, il résulte de l'examen de la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français que M. et Mme C... ne sont pas fondés à exciper de l'illégalité de ces mesures d'éloignement à l'appui de leurs conclusions dirigées contre les décisions désignant le pays de renvoi. 18. En second lieu, aux termes du dernier alinéa de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". 19. M. et Mme C... ne font état d'aucune crainte en cas de retour dans leur pays d'origine en se bornant à soutenir que le préfet n'établit pas qu'ils n'encourraient aucun risque. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. 20. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté leurs demandes. 21. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction, sous astreinte, ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, en tout état de cause, en l'absence de dépôt de demande d'aide juridictionnelle, de l'article 37 de la loi du 19 juillet 1991 doivent également être rejetées. DECIDE : Article 1er : La requête de M. et Mme C... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C..., à Mme A... H..., épouse C..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Maritime et à Me Elatrassi-Diome. Délibéré après l'audience du 26 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Marc Heinis, président de chambre, - M. François-Xavier Pin, président-assesseur, - M. Bertrand Baillard, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023. Le président-rapporteur, Signé : F.-X. Pin Le président de chambre, Signé : M. B...La greffière, Signé : E. Héléniak La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme, La greffière, Elisabeth Héléniak 2 N°23DA00700, 23DA00701 |
CETATEXT000048452327 | J7_L_2023_11_00023DA01407 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/23/CETATEXT000048452327.xml | Texte | CAA de DOUAI, 4ème chambre, 16/11/2023, 23DA01407, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de DOUAI | 23DA01407 | 4ème chambre | excès de pouvoir | C | M. Heinis | M. Marc Heinis | M. Arruebo-Mannier | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du préfet de la Seine-Maritime du 15 avril 2020 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi. Par un jugement n° 2003432 du 25 janvier 2021, le tribunal administratif de Rouen a annulé cet arrêté et enjoint au préfet de délivrer le titre de séjour demandé. Procédure devant la cour : Par un arrêt n°21DA00373, 21DA00374 du 23 septembre 2021, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel du préfet contre ce jugement et condamné l'Etat à verser la somme de 1 000 euros à Me Marie Verilhac sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Par un courrier du 8 mars 2023, Me Verilhac a demandé à la cour d'assurer l'exécution de cette condamnation. Par une ordonnance du 19 juillet 2023, la présidente de la cour administrative d'appel de Douai a ouvert une procédure juridictionnelle en application de l'article R. 921-6 du code de justice administrative. Par des mémoires enregistrés les 31 juillet et 18 septembre 2023, Me Verilhac demande à la cour, sur le fondement de l'article L. 911-4 du code de justice administrative, de condamner l'Etat, sous astreinte, à lui verser d'une part la somme de 1 166,67 ou 1 200 euros en exécution de l'arrêt du 23 septembre 2021 et d'autre part la somme de 1 000 ou 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que le préfet a abusivement résisté à sa demande d'exécution de l'arrêt et que la condamnation aux frais irrépétibles s'entend hors taxes. Par un mémoire enregistré le 11 octobre 2023, le préfet de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des impôts ; - la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ; - le décret n°91-1266 du 19 décembre 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Marc Heinis, président de chambre, - les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public. Considérant ce qui suit : Sur l'étendue du litige : 1. Il résulte de l'instruction qu'une somme de 1 099,81 euros correspondant à un principal de 1 000 euros et des intérêts de retard de 99,81 euros a été versée à Me Verilhac le 30 juin 2023. Dans cette mesure il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête. Sur le calcul de la somme due par l'Etat : 2. Il résulte des articles L. 911-1 et L. 911-4 du code de justice administrative qu'en l'absence de définition, par la décision de justice dont l'exécution lui est demandée, des mesures qu'implique nécessairement cette décision, il appartient au juge saisi sur le fondement de l'article L. 911-4 de ce code d'y procéder lui-même, notamment quand cette décision ne fixe pas précisément le montant de la somme due ou lorsque le calcul de celle-ci soulève une difficulté sérieuse. 3. Aux termes de l'article 267 du code général des impôts : " I. - Sont à comprendre dans la base d'imposition : 1° Les impôts, taxes, droits et prélèvements de toute nature à l'exception de la taxe sur la valeur ajoutée elle-même. (...) ". 4. Il résulte de l'instruction que la SELARL Eden Avocats dont Me Verilhac est associée est assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée et ne bénéficie pas de la franchise de taxe sur la valeur ajoutée prévue à l'article 293 B du code général des impôts. 5. Lorsqu'un assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée réalise une affaire moyennant un prix ne mentionnant pas cette taxe dans des conditions ne faisant pas apparaître qu'un supplément de prix égal à la taxe applicable à l'opération doit être ajouté à ce prix, la taxe due au titre de cette affaire doit être assise sur une somme égale au prix indiqué diminué du montant de cette taxe. Or l'arrêt dont l'exécution est demandée a condamné l'Etat à verser à Me Verilhac, pour rémunérer sa prestation, " une somme de 1 000 euros " sans mentionner la taxe sur la valeur ajoutée. 6. Dans ces conditions, même si la somme mise par le juge à la charge de la partie perdante en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne saurait être inférieure au montant de la part contributive de l'Etat au financement de l'aide juridictionnelle tel qu'il est exprimé hors taxe sur la valeur ajoutée, Me Verilhac n'est pas fondée à soutenir qu'une somme complémentaire de 200 euros doit lui être versée en sus de la somme mentionnée au point 1. 7. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de la requête relatives au calcul de la somme due par l'Etat doivent être rejetées. Sur les frais exposés et non compris dans les dépens : 8. La demande présentée par Me Verilhac, partie perdante, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doit être rejetée. DÉCIDE : Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête à concurrence de la somme mentionnée au point 1. Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Me Marie Verilhac et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie de l'arrêt sera transmise, pour information, au préfet de la Seine-Maritime et au tribunal administratif de Rouen. Délibéré après l'audience publique du 26 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - M. Marc Heinis, président de chambre, - M. François-Xavier Pin, président assesseur, - M. Jean-François Papin, premier conseiller, Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023. Le président-rapporteur, Signé : M. A... Le magistrat assesseur, Signé : F-X. Pin La greffière, Signé : E. Héléniak La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme, La greffière, Elisabeth Héléniak N°23DA01407 2 |
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CETATEXT000048452328 | J7_L_2023_11_00023DA01408 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/23/CETATEXT000048452328.xml | Texte | CAA de DOUAI, 4ème chambre, 16/11/2023, 23DA01408, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de DOUAI | 23DA01408 | 4ème chambre | excès de pouvoir | C | M. Heinis | M. Marc Heinis | M. Arruebo-Mannier | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du préfet de la Seine-Maritime du 11 avril 2018 portant rejet de sa demande de regroupement familial pour sa femme et son fils mineur. Par un jugement n° 1804228 du 24 juillet 2020, le tribunal administratif de Rouen a annulé cet arrêté et enjoint au préfet d'autoriser ce regroupement familial. Procédure devant la cour : Par un arrêt n°20DA01518, 20DA01913 du 9 mars 2021, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel du préfet contre ce jugement et condamné l'Etat à verser la somme de 1 500 euros à Me Maître Eglantine Mahieu sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Par un courrier du 21 mars 2023, Me Mahieu a demandé à la cour d'assurer l'exécution de cette condamnation. Par une ordonnance du 19 juillet 2023, la présidente de la cour administrative d'appel de Douai a ouvert une procédure juridictionnelle en application de l'article R. 921-6 du code de justice administrative. Par un mémoire enregistré le 1er août 2023, Me Mahieu demande à la cour, sur le fondement de l'article L. 911-4 du code de justice administrative, de condamner l'Etat, sous astreinte, à lui verser d'une part la somme complémentaire de 250 ou 300 euros en exécution de l'arrêt du 9 mars 2021 et d'autre part la somme de 1 000 ou 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que le préfet a abusivement résisté à sa demande d'exécution de l'arrêt et que la condamnation aux frais irrépétibles s'entend hors taxes. Par un mémoire enregistré le 11 octobre 2023, le préfet de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des impôts ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ; - le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Marc Heinis, président de chambre, - les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public. Considérant ce qui suit : Sur l'étendue du litige : 1. Il résulte de l'instruction qu'une somme de 1 696,66 euros correspondant à un principal de 1 500 euros et des intérêts de retard de 196,66 euros a été versée à Me Mahieu le 30 juin 2023. Dans cette mesure il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête. Sur le calcul de la somme due par l'Etat : 2. Il résulte des articles L. 911-1 et L. 911-4 du code de justice administrative qu'en l'absence de définition, par la décision de justice dont l'exécution lui est demandée, des mesures qu'implique nécessairement cette décision, il appartient au juge saisi sur le fondement de l'article L. 911-4 de ce code d'y procéder lui-même, notamment quand cette décision ne fixe pas précisément le montant de la somme due ou lorsque le calcul de celle-ci soulève une difficulté sérieuse. 3. Aux termes de l'article 267 du code général des impôts : " I. - Sont à comprendre dans la base d'imposition : 1° Les impôts, taxes, droits et prélèvements de toute nature à l'exception de la taxe sur la valeur ajoutée elle-même. (...) ". 4. Il résulte de l'instruction que la SELARL Eden Avocats dont Me Mahieu est associée est assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée et ne bénéficie pas de la franchise de taxe sur la valeur ajoutée prévue à l'article 293 B du code général des impôts. 5. Lorsqu'un assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée réalise une affaire moyennant un prix ne mentionnant pas cette taxe dans des conditions ne faisant pas apparaître qu'un supplément de prix égal à la taxe applicable à l'opération doit être ajouté à ce prix, la taxe due au titre de cette affaire doit être assise sur une somme égale au prix indiqué diminué du montant de cette taxe. Or l'arrêt dont l'exécution est demandée a condamné l'Etat à verser à Me Mahieu, pour rémunérer sa prestation, " une somme de 1 500 euros " sans mentionner la taxe sur la valeur ajoutée. 6. Dans ces conditions, même si la somme mise par le juge à la charge de la partie perdante en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne saurait être inférieure au montant de la part contributive de l'Etat au financement de l'aide juridictionnelle tel qu'il est exprimé hors taxe sur la valeur ajoutée, Me Mahieu n'est pas fondée à soutenir qu'une somme complémentaire de 300 euros doit lui être versée en sus de la somme mentionnée au point 1. 7. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de la requête relatives au calcul de la somme due par l'Etat doivent être rejetées. Sur les frais exposés et non compris dans les dépens : 8. La demande présentée par Me Mahieu, partie perdante, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doit être rejetée. DÉCIDE : Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête à concurrence de la somme mentionnée au point 1. Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Me Eglantine Mahieu et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie de l'arrêt sera transmise, pour information, au préfet de la Seine-Maritime et au tribunal administratif de Rouen. Délibéré après l'audience publique du 26 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - M. Marc Heinis, président de chambre, - M. François-Xavier Pin, président assesseur, - M. Jean-François Papin, premier conseiller, Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023. Le président-rapporteur, Signé : M. A...Le magistrat assesseur, Signé : F-X. Pin La greffière, Signé : E. Héléniak La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme, La greffière, Elisabeth Héléniak N°23DA01408 2 |
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CETATEXT000048452329 | J7_L_2023_11_00023DA01409 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/23/CETATEXT000048452329.xml | Texte | CAA de DOUAI, 4ème chambre, 16/11/2023, 23DA01409, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de DOUAI | 23DA01409 | 4ème chambre | excès de pouvoir | C | M. Heinis | M. Marc Heinis | M. Arruebo-Mannier | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du préfet de la Seine-Maritime du 7 avril 2021 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi. Par un jugement n° 2102947 du 23 novembre 2021, le tribunal administratif de Rouen a annulé cet arrêté et enjoint au préfet de délivrer le titre de séjour demandé. Procédure devant la cour : Par un arrêt n°21DA02923 du 7 avril 2022, la cour administrative d'appel de Douai a annulé ce jugement et cet arrêté, enjoint au préfet de délivrer le titre de séjour demandé et condamné l'Etat à verser la somme de 1 000 euros à Me Eglantine Mahieu sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Par un courrier du 21 mars 2023, Me Mahieu a demandé à la cour d'assurer l'exécution de cette condamnation. Par une ordonnance du 19 juillet 2023, la présidente de la cour administrative d'appel de Douai a ouvert une procédure juridictionnelle en application de l'article R. 921-6 du code de justice administrative. Par un mémoire enregistré le 1er août 2023, Me Mahieu demande à la cour, sur le fondement de l'article L. 911-4 du code de justice administrative, de condamner l'Etat, sous astreinte, à lui verser d'une part la somme complémentaire de 166,67 ou 200 euros en exécution de l'arrêt du 7 avril 2022 et d'autre part la somme de 1 000 ou 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que le préfet a abusivement résisté à sa demande d'exécution de l'arrêt et que la condamnation aux frais irrépétibles s'entend hors taxes. Par un mémoire enregistré le 11 octobre 2023, le préfet de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des impôts ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ; - le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Marc Heinis, président de chambre, - les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public. Considérant ce qui suit : Sur l'étendue du litige : 1. Il résulte de l'instruction qu'une somme de 1 066,47 euros correspondant à un principal de 1 000 euros et des intérêts de retard de 66,47 euros a été versée à Me Mahieu le 30 juin 2023. Dans cette mesure il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête. Sur le calcul de la somme due par l'Etat : 2. Il résulte des articles L. 911-1 et L. 911-4 du code de justice administrative qu'en l'absence de définition, par la décision de justice dont l'exécution lui est demandée, des mesures qu'implique nécessairement cette décision, il appartient au juge saisi sur le fondement de l'article L. 911-4 de ce code d'y procéder lui-même, notamment quand cette décision ne fixe pas précisément le montant de la somme due ou lorsque le calcul de celle-ci soulève une difficulté sérieuse. 3. Aux termes de l'article 267 du code général des impôts : " I. - Sont à comprendre dans la base d'imposition : 1° Les impôts, taxes, droits et prélèvements de toute nature à l'exception de la taxe sur la valeur ajoutée elle-même. (...) ". 4. Il résulte de l'instruction que la SELARL Eden Avocats dont Me Mahieu est associée est assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée et ne bénéficie pas de la franchise de taxe sur la valeur ajoutée prévue à l'article 293 B du code général des impôts. 5. Lorsqu'un assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée réalise une affaire moyennant un prix ne mentionnant pas cette taxe dans des conditions ne faisant pas apparaître qu'un supplément de prix égal à la taxe applicable à l'opération doit être ajouté à ce prix, la taxe due au titre de cette affaire doit être assise sur une somme égale au prix indiqué diminué du montant de cette taxe. Or l'arrêt dont l'exécution est demandée a condamné l'Etat à verser à Me Mahieu, pour rémunérer sa prestation, " une somme de 1 000 euros " sans mentionner la taxe sur la valeur ajoutée. 6. Dans ces conditions, même si la somme mise par le juge à la charge de la partie perdante en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne saurait être inférieure au montant de la part contributive de l'Etat au financement de l'aide juridictionnelle tel qu'il est exprimé hors taxe sur la valeur ajoutée, Me Mahieu n'est pas fondée à soutenir qu'une somme complémentaire de 200 euros doit lui être versée en sus de la somme mentionnée au point 1. 7. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de la requête relatives au calcul de la somme due par l'Etat doivent être rejetées. Sur les frais exposés et non compris dans les dépens : 8. La demande présentée par Me Mahieu, partie perdante, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doit être rejetée. DÉCIDE : Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête à concurrence de la somme mentionnée au point 1. Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Me Eglantine Mahieu et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie de l'arrêt sera transmise, pour information, au préfet de la Seine-Maritime et au tribunal administratif de Rouen. Délibéré après l'audience publique du 26 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - M. Marc Heinis, président de chambre, - M. François-Xavier Pin, président assesseur, - M. Jean-François Papin, premier conseiller, Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023. Le président-rapporteur, Signé : M. A...Le magistrat assesseur, Signé : F-X. Pin La greffière, Signé : E. Héléniak La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme, La greffière, Elisabeth Héléniak N°23DA01409 2 |
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CETATEXT000048452330 | JG_L_2023_11_000000489212 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/23/CETATEXT000048452330.xml | Texte | Conseil d'État, Juge des référés, 20/11/2023, 489212, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-20 00:00:00 | Conseil d'État | 489212 | Juge des référés | Excès de pouvoir | C | SCP PIWNICA & MOLINIE | Vu les procédures suivantes : M. B... C... a demandé à la juge des référés du tribunal administratif de Marseille, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui restituer son attestation de demande d'asile en cours de validité, sous astreinte. Par une ordonnance n° 2309806 du 23 octobre 2023, la juge des référés du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. I. Sous le n° 489212, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 2 et 14 novembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : 1°) d'annuler cette ordonnance ; 2°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de renouveler son attestation de demande d'asile en procédure Dublin, sans délai à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir et sous astreinte de 200 euros par jour de retard ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - il entre dans l'office du juge des référés d'enjoindre à l'autorité préfectorale la restitution de l'attestation de demande d'asile illégalement retirée ou son renouvellement à la date d'expiration de la précédente ; - la condition d'urgence est satisfaite dès lors que le retrait de l'attestation de demande d'asile ne lui permet plus de justifier de la régularité de son séjour et le place ainsi que sa famille dans une situation de très grande vulnérabilité ; - il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à son droit de circuler librement, à son droit de solliciter l'asile à l'issue de la procédure de détermination de l'Etat membre responsable de cette demande, à son droit de mener une vie privée et familiale normale ainsi qu'à l'intérêt supérieur de sa fille ; - le retrait de son attestation de demande d'asile est illégal dès lors qu'il n'a pas entendu faire obstacle à son transfert vers l'Italie, ni se soustraire de manière systématique aux convocations préfectorales dont il a fait l'objet et qu'il ne peut donc pas être regardé comme étant en fuite. Par un mémoire en défense, enregistré le 13 novembre 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête. Il soutient que la condition d'urgence n'est pas satisfaite et que les moyens soulevés ne sont pas fondés. Mme A... C... a demandé à la juge des référés du tribunal administratif de Marseille, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui restituer son attestation de demande d'asile en cours de validité, sous astreinte. Par une ordonnance n° 2309808 du 23 octobre 2023, la juge des référés du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande II. Sous le n° 489213, par une requête, enregistrée le 2 novembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme C... demande à la juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : 1°) d'annuler cette ordonnance ; 2°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de renouveler son attestation de demande d'asile en procédure Dublin, sans délai à compter de la notification de l'ordonnance sous astreinte de 200 euros par jour de retard ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle présente des moyens identiques à ceux visés sous le premier numéro. Par un mémoire en défense, enregistré le 13 novembre 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête. Il soutient que la condition d'urgence n'est pas satisfaite et que les moyens soulevés ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la convention internationale des droits de l'enfant ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative ; Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. C... et Mme C... et, d'autre part, le ministre de l'intérieur et des outre-mer ; Ont été entendus lors de l'audience publique du 15 novembre 2023, à 10 heures 30 : - Me Molinié, avocate au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocate de M. et Mme C... ; - les représentantes du ministre de l'intérieur et des outre-mer ; à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction ; Considérant ce qui suit : 1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ". 2. D'une part, aux termes de l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers : " 1. Le transfert du demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), de l'Etat membre requérant vers l'Etat membre responsable s'effectue conformément au droit national de l'Etat membre requérant, après concertation entre les Etats membres concernés, dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3. (...) ; / 2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'Etat membre requérant. Ce délai peut être porté (...) à dix-huit-mois au maximum si la personne concernée prend la fuite. (...) ". 3. La notion de fuite au sens des dispositions précitées de l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit s'entendre comme visant notamment le cas où un ressortissant étranger se serait soustrait de façon intentionnelle et systématique au contrôle de l'autorité administrative en vue de faire obstacle à une mesure d'éloignement le concernant. 4. D'autre part, l'article L. 521-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile: " Lorsque l'enregistrement de sa demande d'asile a été effectué, l'étranger se voit remettre une attestation de demande d'asile dont les conditions de délivrance et de renouvellement sont fixées par décret en Conseil d'Etat. La durée de validité de l'attestation est fixée par arrêté du ministre chargé de l'asile. / La délivrance de cette attestation ne peut être refusée au motif que l'étranger est démuni des documents et visas mentionnés à l'article L. 311-1. Elle ne peut être refusée que dans les cas prévus aux c ou d du 2° de l'article L. 542-2. / Cette attestation n'est pas délivrée à l'étranger qui demande l'asile à la frontière ou en rétention ". Aux termes de l'article R. 573-2 du même code : " L'attestation de demande d'asile peut être retirée ou ne pas être renouvelée lorsque l'étranger se soustrait de manière intentionnelle et répétée aux convocations ou contrôles de l'autorité administrative en vue de faire échec à l'exécution d'une décision de transfert ". 5. Il résulte de l'instruction que M. C... et Mme C..., son épouse, ressortissants turcs d'origine kurde, entrés en France le 6 décembre 2022, ont présenté une demande d'asile le 22 décembre 2022 auprès de la préfecture des Bouches-du-Rhône, qui les a orientés en procédure " Dublin " et leur a délivré chacun une attestation de demande d'asile. Une fille est née en France le 31 janvier 2023. Après avoir obtenu, le 14 avril 2023, des autorités italiennes un accord pour leur prise en charge, le préfet des Bouches-du-Rhône a, le 22 mai 2023, par arrêtés, prononcé le transfert des intéressés à destination de l'Italie et les a, dans cette attente, assignés à résidence. Par deux jugements du 5 juin 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de ces arrêtés. Constatant que ni M. C... ni Mme C... ne s'étaient rendus aux convocations des 30 mars, 2 juin et 4 juillet 2023 sans apporter de justifications, le préfet a, le 1er août suivant, signalé aux autorités italiennes qu'il les déclarait " en fuite ", prolongeant ainsi le délai de transfert initialement de six mois, expirant le 6 décembre 2023, à dix-huit mois, expirant le 29 mai 2024. Après avoir prolongé par des arrêtés du 27 juillet 2023, l'assignation à résidence des intéressés jusqu'au 10 septembre suivant, le préfet a, prononcé, le 20 septembre 2023, le retrait de leur attestation de demande d'asile dont la validité expirait le 25 octobre 2023, et a cessé de les placer en assignation à résidence. M. et Mme C... relèvent chacun appel de l'ordonnance du 23 octobre 2023 par laquelle la juge des référés désignée par le président du tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande tendant à ce qu'il soit, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de leur réattribuer le bénéfice de leur attestation de demande d'asile. Il y a lieu de joindre ces requêtes qui présentent à juger les mêmes questions pour qu'il y soit statué par une seule ordonnance. 6. Il résulte de l'instruction et des échanges à l'audience que si M. et Mme C... se sont, depuis leurs arrêtés de transfert et d'assignation à résidence du 22 mai 2023, abstenus, sans justification, de se rendre aux convocations en préfecture des 2 juin et 4 juillet, en revanche, ils se sont rendus à celle du 26 juin, puis sans discontinuité à celles des 27 juillet, 7 août, 29 août et 20 septembre 2023. Il résulte également de l'instruction que ces deux absences n'ont pu avoir par elles-mêmes pour effet de faire échec à une décision de transfert, faute pour la préfecture d'avoir mis en place les éléments matériels d'exécution. S'il est vrai que le ministre fait valablement valoir à l'audience que des pratiques d'absence ponctuelles et discontinues peuvent contribuer à perturber l'organisation de ces procédures, il n'apparaît pas, au regard des pièces du dossier, notamment de la chronologie des faits et des échanges à l'audience, que l'attitude de M. et Mme C... ait eu pour objet et encore moins pour effet de contrarier, en l'espèce, ces opérations. En particulier, lorsque le préfet a signalé, le 1er août, à l'Italie que le couple était en fuite, il est constant que celui-ci s'était pourtant présenté trois jours auparavant en préfecture et s'y était vu remettre un nouvel arrêté d'assignation à résidence de 45 jours. De même, et alors que le couple s'était également présenté régulièrement aux quatre convocations successives qui leur avait été adressées, le préfet a néanmoins décidé, le 20 septembre, de retirer leur attestation de demande d'asile. Par suite, M. et Mme C... sont fondés à soutenir que, dans les circonstances de l'espèce, faute de pouvoir être regardés, notamment au 20 septembre, comme s'étant soustraits de manière intentionnelle et répétée aux convocations ou aux contrôles de l'autorité administrative en vue de faire échec à l'exécution d'une décision de transfert, le préfet des Bouches-du-Rhône a, dans l'exercice du pouvoir de retrait de l'attestation de la demande d'asile qu'il tient de l'article R. 573-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté fondamentale que constitue le droit d'asile pour l'exercice duquel l'attestation est délivrée. 7. Toutefois, compte tenu de leurs écritures et des échanges à l'audience, et bien qu'ils soient privés, à la date de la présente ordonnance, depuis près de deux mois du bénéfice de leur attestation de demande d'asile, les intéressés, qui se bornent à faire état de quelques considérations générales, n'apportent aucun élément de nature à établir que leur demande de rétablissement de cette attestation serait, en ce qui les concerne, justifiée par une situation d'urgence. Par suite, il n'y a pas lieu, en l'état de l'instruction, pour le juge du référé du Conseil d'Etat de faire usage des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, afin qu'il ordonne, à très bref délai, au préfet des Bouches-du-Rhône de leur délivrer les documents sollicités. Il s'ensuit que M. et Mme C... ne sont pas fondés à se plaindre que, par les ordonnances attaquées, la juge des référés du tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande. 8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées à ce titre par M. et Mme C... qui sont les parties perdantes. O R D O N N E : ------------------ Article 1er : La requête de M. C... et celle de Mme C... sont rejetées. Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B... C..., à Mme A... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Fait à Paris, le 20 novembre 2023 Signé : Olivier Yeznikian |
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CETATEXT000048452331 | J_L_2023_11_00021TL03822 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/23/CETATEXT000048452331.xml | Texte | CAA de TOULOUSE, 3ème chambre, 21/11/2023, 21TL03822, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-21 00:00:00 | CAA de TOULOUSE | 21TL03822 | 3ème chambre | excès de pouvoir | C | M. REY-BÈTHBÉDER | AURAVOCATS | M. Eric REY-BÈTHBÉDER | Mme PERRIN | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... C... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision du 19 mars 2019 lui interdisant d'accéder au site du Commissariat à l'énergie atomique situé à Marcoule, et la décision du 25 avril 2019 par laquelle la ministre de la transition écologique et solidaire a rejeté le recours administratif qu'il a formé contre cette décision Par un jugement n° 1902203 du 29 juin 2021, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par un arrêt avant-dire droit du 4 avril 2023, la présente cour avant de statuer sur la requête de M. B... a procédé à un supplément d'instruction tendant, après avoir appelé à la cause le ministre des armées en qualité d'observateur, à la production par lui des éléments mentionnés au point 10 de cet arrêt et, à défaut, a ordonné à la ministre de la transition écologique de communiquer à la cour les informations définies par les motifs de l'arrêt. Par un mémoire, enregistré le 27 juillet 2023, le ministre de la transition écologique a exposé qu'il ne détenait pas d'autres éléments que ceux déjà transmis et qui proviennent d'un service rattaché au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Par lettre du 6 octobre 2023, le président de la 3ème chambre a demandé au ministre de l'intérieur et des outre-mer de communiquer à la cour, après avoir sollicité l'avis de la Commission du secret de la défense nationale dans les conditions prévues par le code de la défense et, le cas échéant, déclassifié les informations en cause, toutes précisions sur les motifs ayant justifié la décision du 25 avril 2019 opposée à M. B... et, dans l'hypothèse où ce ministre estimerait que certaines de ces informations ne pourraient pas être communiquées à la cour, il lui a été demandé de lui transmettre tous les éléments relatifs à la nature des informations écartées et aux raisons pour lesquelles elles sont classifiées, de façon à permettre à la cour de se prononcer en connaissance de cause, sans porter directement ou indirectement atteinte au secret de la défense nationale. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de la défense ; - le code de la sécurité intérieure ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Rey-Bèthbéder, président-rapporteur, - les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique, Considérant ce qui suit : 1. M. B..., ingénieur en génie mécanique au sein de la société Orano Projets, a sollicité, le 28 janvier 2019, une autorisation d'accès afin de pouvoir exercer ses fonctions au sein du site du Commissariat à l'énergie atomique à Marcoule (Gard), qui constitue un point d'importance vitale et une zone protégée au titre du secret de la défense nationale. Elle lui a été refusée le 19 mars 2019, après qu'a été émis un avis défavorable, le 11 mars précédent, par le Commandement spécialisé pour la sécurité nucléaire. En application de l'article R. 1332-33 du code de la défense, il a formé, le 20 mars 2020, un recours administratif préalable obligatoire à l'encontre de cette décision, qui a été rejeté, le 25 avril suivant, par décision de la ministre de la transition écologique et solidaire. 2. M. B... relève appel du jugement du 29 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision précitée du 25 avril 2019 de la ministre de la transition écologique et solidaire. 3. Par un arrêt avant-dire droit du 4 avril 2023 la présente cour a ordonné un supplément d'instruction afin de pouvoir statuer sur la requête de M. B.... 4. D'une part, en application des articles L. 1332-1 et L. 1332-2 du code de la défense, les centres nucléaires de production d'électricité constituent des installations d'importance vitale, c'est-à-dire des établissements dont l'indisponibilité risquerait de diminuer d'une façon importante le potentiel de guerre ou économique, la sécurité ou la capacité de survie de la nation. Les articles L. 1332-2-1 et R. 1332-22-1 du même code prévoient que l'opérateur d'un de ces établissements doit expressément en autoriser l'accès aux personnes physiques ou morales appelées à y intervenir, après une enquête administrative destinée à vérifier, notamment par la consultation de traitements automatisés de données personnelles que les caractéristiques de ces personnes ne sont pas incompatibles avec un tel accès. L'article R. 1332-33 du code précité institue un recours administratif préalable obligatoire devant le ministre coordonnateur du secteur d'activités concerné, en l'espèce le ministre de la transition écologique et solidaire. 5. D'autre part, aux termes de l'article R. 2311-2 du code de la défense : " Les informations ou supports protégés font l'objet d'une classification comprenant trois niveaux : \ 1° Très Secret-Défense ; \ 2° Secret-Défense ; \ 3° Confidentiel-Défense ". L'article R. 2311-3 du même code prévoir que : " (...) Le niveau Confidentiel-Défense est réservé aux informations ou supports protégés dont la divulgation est de nature à nuire à la défense nationale ou pourrait conduire à la découverte d'un secret de la défense nationale classifié au niveau Très Secret-Défense ou Secret-Défense ". Et aux termes de l'article 413-9 du code pénal : " Présentent un caractère de secret de la défense nationale au sens de la présente section les procédés, objets, documents, informations, réseaux informatiques, données informatisées ou fichiers intéressant la défense nationale qui ont fait l'objet de mesures de classification destinées à restreindre leur diffusion ou leur accès. / (...) ". 6. Enfin, aux termes de l'article L. 2312-1 du code de la défense : " La Commission du secret de la défense nationale est une autorité administrative indépendante. Elle est chargée de donner un avis sur la déclassification et la communication d'informations ayant fait l'objet d'une classification en application des dispositions de l'article 413-9 du code pénal (...). / L'avis de la Commission du secret de la défense nationale est rendu à la suite de la demande d'une juridiction française (...) ". L'article L. 2312-4 de ce code dispose que : " Une juridiction française dans le cadre d'une procédure engagée devant elle (...) peut demander la déclassification et la communication d'informations, protégées au titre du secret de la défense nationale, à l'autorité administrative en charge de la classification. / Cette demande est motivée. / L'autorité administrative saisit sans délai la Commission du secret de la défense nationale ". 9. Il ressort des pièces du dossier et notamment de la note blanche produite par la ministre de la transition écologique et solidaire, établie par la direction générale de la sécurité intérieure le 21 octobre 2020, que M. B... a entretenu des contacts réguliers, de 2014 à 2016, avec un individu radicalisé et a eu un contact avec un velléitaire au djihad. Le Commandement spécialisé pour la sécurité nucléaire, qui a réalisé l'enquête administrative ayant donné lieu à un avis défavorable du 11 mars 2019, indique, de plus, que les renseignements classifiés font état de " liens personnels, réguliers et non fortuits " avec cette personne radicalisée. Ainsi qu'exposé dans l'arrêt avant-dire droit précité, ces éléments ne sont pas davantage circonstanciés, alors que l'appelant explique que les contacts qui lui sont reprochés n'ont eu lieu qu'à l'occasion de parties de football qu'il a concouru à organiser dans la Manche, avec le soutien de la ville de Cherbourg, qu'il n'a plus eu ensuite aucune relation avec ces personnes, et qu'il a produit, en outre, de nombreuses attestations dont il ressort que son comportement ne s'apparente en rien à celui d'un individu radicalisé. 10. Le ministre de la transition écologique a répondu à la cour qu'il n'avait pas d'autres éléments à communiquer que ceux qui ont déjà été produits à l'instance et que ces derniers provenaient de la direction générale de la sécurité intérieure, ce qui implique que seul le ministre de l'intérieur peut saisir la Commission du secret de la défense nationale d'une demande de déclassification des éléments recueillis lors de l'enquête menée par le service précité et qui ont été classifiés au niveau " confidentiel défense ". 11. Ni le ministre de la transition écologique, ni celui de l'intérieur et des outre-mer, à qui un supplément d'instruction a été adressé le 6 octobre 2023, n'ont apporté aucun élément relatif à la nature des informations écartées et aux raisons pour lesquelles elles sont classifiées ni aucun élément de nature à justifier, dans le respect des exigences liées à la sécurité nationale, la décision en litige. Dans ces conditions, il y a lieu de regarder la décision du 25 avril 2019 de la ministre de la transition écologique et solidaire comme n'étant fondée que sur les éléments portés dans la note blanche du 21 octobre 2020, dont le contenu est, ainsi qu'il a été dit plus haut, insuffisamment précis pour établir que l'appelant devait se voir refuser l'accès au site du Commissariat à l'énergie atomique à Marcoule. Par suite, M. B... est fondé à soutenir que cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et à en demander l'annulation. 12. Il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande. 13. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'État, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens. DÉCIDE: Article 1 : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 29 juin 2021 et la décision du 25 avril 2019 de la ministre de la transition écologique et solidaire sont annulés. Article 2 : L'État versera à M. B... une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à la ministre de la transition écologique, au ministre des armées et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée à la société Orano. Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023, à laquelle siégeaient : M. Rey-Bèthbéder, président, M. Bentolila, président-assesseur, Mme El Gani-Laclautre, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2023. Le président-assesseur, P. Bentolila Le président-rapporteur, É. Rey-Bèthbéder La greffière, C. Lanoux La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 21TL03822 |
CETATEXT000048452332 | J_L_2023_11_00021TL03894 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/23/CETATEXT000048452332.xml | Texte | CAA de TOULOUSE, 3ème chambre, 21/11/2023, 21TL03894, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-21 00:00:00 | CAA de TOULOUSE | 21TL03894 | 3ème chambre | plein contentieux | C | M. REY-BÈTHBÉDER | SELARL LYSIS AVOCATS | Mme Karine BELTRAMI | Mme PERRIN | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner l'État du fait de l'illégalité des décisions du ministre de la santé des 15 octobre 2009 et 5 novembre 2013 lui refusant l'autorisation d'exercer en France la profession de médecin dans la spécialité " médecine générale ", au paiement d'une indemnité d'un montant total de 615 741 euros en réparation des préjudices subis. Par un jugement n° 2001770 du 13 juillet 2021, le tribunal administratif de Montpellier a condamné l'État à lui verser la somme de 32 000 euros en réparation de ses préjudices. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 14 septembre 2021, au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, un mémoire, enregistré le 3 mars 2023 et des pièces complémentaires, enregistrées le 13 mars 2023, Mme B..., représentée par Me Girard, demande : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 13 juillet 2021 en ce qu'il a rejeté sa demande de condamnation de l'État à lui verser la somme de 515 741 euros ; 2°) de condamner l'État au paiement de la somme de 515 741 euros en réparation du préjudice financier subi du fait de la perte de revenus ; 3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - il existe un lien de causalité entre les décisions ministérielles illégales lui refusant l'autorisation d'exercer en France la profession de médecin dans la spécialité " médecine générale " et ses pertes de revenus au titre de la période du 15 octobre 2009 au 31 octobre 2019 dès lors que ces décisions ont empêché son retour à l'emploi jusqu'en 2019 et l'exercice de la profession de médecin généraliste libéral ou de praticien hospitalier ; le harcèlement subi sur son lieu de travail et le refus d'exercice de la profession de médecin en France ont été à l'origine de son état dépressif pathologique ; - elle a subi un préjudice financier du fait de la perte de ses revenus au titre de la période de 2009 à 2019 ; de 2011 à 2019, ses revenus ayant été composés d'indemnités journalières et de sa rente d'invalidité de catégorie II, son manque à gagner, calculé à partir du revenu net annuel qu'elle aurait dû percevoir en tant que praticien attaché, s'élève pour la période de 2009 à 2019 à la somme de 515 741 euros. Par un mémoire en défense, enregistré le 14 février 2023, le ministre de la santé et de la prévention conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que : - la perte de revenus alléguée par l'appelante ne présente pas de caractère certain ; les décisions ministérielles litigieuses ne l'empêchaient pas de poursuivre son activité en qualité de praticien attaché associé en tant que contractuelle ; de plus, il n'est ni établi, ni même allégué, que l'appelante aurait engagé, depuis le 31 octobre 2019, des démarches réelles et sérieuses afin de s'inscrire à un tableau départemental de l'ordre des médecins, cette dernière ayant quitté définitivement la profession de médecin en septembre 2008, à compter de son placement en congé de longue durée ; - les décisions litigieuses ne sont aucunement à l'origine de la perte de revenus de Mme B... en lien avec son état de santé, résultant du potentiel harcèlement vécu par cette dernière qui ne peut être imputable qu'à l'hôpital. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de la santé publique ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Beltrami, première conseillère, - les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique, - et les observations de Me Bequain de Coninck, représentant Mme B.... Considérant ce qui suit : 1. Mme B... est titulaire d'un diplôme de docteur en médecine délivré en 1994 par l'université d'Istanbul (Turquie) dont la valeur scientifique a été certifiée équivalente à celle du diplôme français de docteur en médecine par une décision de 2004 du ministre français chargé de l'enseignement supérieur. Elle a été recrutée en dernier lieu par le centre hospitalier de Carcassonne en tant que praticienne attachée associée à compter du 1er juillet 2006 et classée, par un avenant à son contrat de travail du 31 mars 2008, au 4ème échelon. Par une décision du 15 octobre 2009 le ministre chargé de la santé a refusé d'accorder à Mme B... l'autorisation d'exercer en France la profession de médecin dans la spécialité " médecine générale ", en application du I de l'article L. 4111-2 du code de la santé publique. La cour administrative d'appel de Marseille, par un arrêt du 25 juin 2013, devenu définitif, a annulé cette décision et a enjoint au ministre de procéder au réexamen de la demande de Mme B... dans un délai de trois mois à compter de la notification de son arrêt et, par une nouvelle décision du 5 novembre 2013, la ministre des affaires sociales et de la santé, après avoir procédé au réexamen de la demande de Mme B..., lui a de nouveau refusé cette autorisation. Cependant, par une décision du 18 septembre 2019, le Conseil d'État a annulé l'arrêt du 13 octobre 2017 de la cour administrative d'appel de Marseille et le jugement du 12 janvier 2016 du tribunal administratif de Montpellier ayant rejeté les demandes de Mme B... tendant à l'annulation de la décision du 5 novembre 2013 et a annulé cette décision, pour méconnaissance de l'autorité de la chose jugée qui s'attache à l'arrêt définitif de la cour administrative d'appel de Marseille du 25 juin 2013. Le 31 octobre 2019, en exécution de l'injonction dont était assortie la décision du Conseil d'État, la ministre des solidarités et de la santé a délivré à Mme B... l'autorisation d'exercer la profession de médecin dans la spécialité " médecine générale ". Mme B... relève appel du jugement du 13 juillet 2021 du tribunal administratif de Montpellier en tant qu'il a rejeté sa demande d'indemnisation de son préjudice financier, chiffré à 515 741 euros. Sur les conclusions indemnitaires : 2. Comme l'ont relevé à juste titre les premiers juges, les illégalités des décisions ministérielles des 15 octobre 2009 et 5 novembre 2013, constatées par un arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 25 juin 2013, devenu définitif, et par une décision du Conseil d'État du 18 novembre 2019, sont constitutives d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'État. La responsabilité de l'État s'étend sur la période courant du 15 octobre 2009, date du refus initial, au 31 octobre 2019, date de l'autorisation d'exercer la profession de médecin dans la spécialité " médecine générale " délivrée en exécution de la décision du Conseil d'État. En ce qui concerne le préjudice financier : 3. Mme B... soutient qu'elle a subi du fait des décisions ministérielles illégales lui refusant l'autorisation d'exercer la profession de médecin dans la spécialité " médecine générale " un préjudice financier lié à la perte de ses revenus professionnels sur la période du 15 octobre 2009 au 31 octobre 2019. 4. Mme B... a présenté en février 2006 une symptomatologie dépressive sévère évoquant un syndrome d'épuisement psychique et physique. Elle a ainsi été en arrêt de travail continu à partir du 12 septembre 2008 et a été placée rétroactivement en congé de longue maladie à compter de cette date puis en congé de longue durée jusqu'au terme de son contrat de praticien attaché associé intervenu le 1er juillet 2011. À cet égard, le rapport du 26 mars 2010 du comité médical réuni en vue de l'attribution d'un congé de longue durée relève qu'au jour de l'examen de Mme B..., il persiste un état dépressif majeur ne lui permettant pas de reprendre ses activités professionnelles. Malgré une amélioration de son état dépressif, M. C..., médecin psychiatre, atteste, le 9 mars 2012, de l'incapacité de Mme B... à reprendre le travail et que son état de santé justifie qu'elle soit mise en invalidité. Par une décision du 24 juin 2013, le tribunal du contentieux de l'incapacité de Montpellier constatant qu'elle présentait à la date du 11 octobre 2011, une invalidité la rendant incapable d'exercer une quelconque activité, a déclaré qu'elle devait être classée dans la 2ème catégorie des assurés invalides avec service de la pension correspondante à compter de cette date. Mme B... a alors perçu à compter du 11 octobre 2011 une pension d'invalidité d'un montant brut annuel de 16 727,99 euros. Au titre de la période de 2011 à 2019, ses revenus ont été composés de sa pension d'invalidité et des indemnités journalières perçues. 5. Il résulte ainsi de l'instruction que du fait de son état de santé, l'intéressée était dans l'incapacité de reprendre une quelconque activité sur la période de 2009 à 2019. Dès lors, même si le ministre chargé de la santé lui avait accordé l'autorisation sollicitée, elle aurait été dans l'incapacité d'exercer la profession de médecin généraliste libéral ou de praticien hospitalier. La perte de revenus de Mme B... au cours de la période de 2009 à 2019 n'est, en conséquence, pas en lien avec les décisions litigieuses. Au demeurant, Mme B... calcule le montant de son préjudice financier sur la base de la grille de revenus perçus annuellement par les praticiens attachés en fonction de leur échelon. Or, les décisions ministérielles litigieuses n'avaient ni pour objet ni pour effet de lui refuser l'exercice de cette profession. Par suite, Mme B..., qui n'établit pas le lien de causalité entre l'illégalité fautive des décisions litigieuses de l'administration et le préjudice financier résultant de la perte de revenus, n'est pas fondée à être indemnisée à ce titre. 6. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande en tant qu'elle portait sur l'indemnisation de son préjudice financier. Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de Mme B..., l'État n'étant pas la partie perdante à l'instance. DÉCIDE: Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de la santé et de la prévention. Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023 à laquelle siégeaient : M. Rey-Bèthbéder, président, M. Bentolila, président-assesseur, Mme Beltrami, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2023. La rapporteure, K. Beltrami Le président, É. Rey-Bèthbéder La greffière, C. Lanoux La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 21TL03894 |
CETATEXT000048452334 | J_L_2023_11_00021TL04789 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/23/CETATEXT000048452334.xml | Texte | CAA de TOULOUSE, 3ème chambre, 21/11/2023, 21TL04789, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-21 00:00:00 | CAA de TOULOUSE | 21TL04789 | 3ème chambre | plein contentieux | C | M. REY-BÈTHBÉDER | CABINET NORAY-ESPEIG AVOCATS | Mme Karine BELTRAMI | Mme PERRIN | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société par actions simplifiée unipersonnelle Assurances Pilliot a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler le titre exécutoire n° 2020-32-173 émis à son encontre le 29 avril 2020 à la demande du centre communal d'action sociale du Sud Minervois pour le recouvrement de la somme de 805 001,82 euros correspondant au remboursement d'indemnités journalières et de rejeter les conclusions reconventionnelles de ce dernier tendant à ce qu'elle soit condamnée à lui payer la somme de 940 872,98 euros, assortie des intérêts de retard et de leur capitalisation, et la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice subi. Par un jugement n° 2002449 du 21 octobre 2021, le tribunal administratif de Montpellier a annulé le titre exécutoire émis le 29 avril 2020 et a rejeté le surplus des conclusions des parties. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 16 décembre 2021, au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, et un mémoire, enregistré le 13 mars 2023, le centre intercommunal d'action sociale du Sud Minervois, représentée par Me Nora-Espeig, doit être regardé comme demandant à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 21 octobre 2021 ; 2°) de rejeter la demande de la société Assurances Pilliot ; 3°) de condamner la société Assurances Pilliot à lui rembourser les primes versées à hauteur de 635 950 euros ; 4°) de condamner cette société, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, à lui verser une somme de 940 872,98 euros en réparation de son inexécution fautive et une indemnité de 10 000 euros en réparation de sa résistance fautive ; 5°) de mettre à la charge de la société Assurances Pilliot la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la fin de non-recevoir soulevée en première instance devait être accueillie par les premiers juges ; en effet, la société Assurances Pilliot ne pouvait contester le titre exécutoire litigieux sans mettre en œuvre au préalable la procédure de médiation prévue à l'article 23 des conditions générales du contrat d'assurance ; - la société Assurances Pilliot, qui a encaissé les primes d'assurances pour un montant de 254 380 euros annuels, était en réalité l'exécutant de la prestation d'assurance, objet du marché public en litige ; en qualité de mandataire de la société CBL Insurance Europe Dac, la société Assurances Pilliot doit répondre des défaillances de son mandant ; en tant que mandataire d'un groupement conjoint, elle s'est engagée financièrement pour le groupement ; - sur le terrain de la responsabilité contractuelle, du fait de l'inexécution fautive du contrat par la société Assurances Pilliot, il est en droit de réclamer une indemnité de 940 872,98 euros correspondant aux sommes dues au titre du contrat d'assurances souscrit et une indemnité de 10 000 euros compte tenu de la résistance fautive du contractant dès lors qu'il ressort du courriel du 6 février 2020 que la société Assurances Pilliot devait continuer à honorer les paiements. Par un mémoire en défense, enregistré le 14 février 2022, la société Assurances Pilliot, représentée par Me Delozière, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge du centre intercommunal d'action sociale du Sud Minervois une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que : - les conclusions de l'appelant tendant à sa condamnation au paiement de la somme de 635 950 euros au titre du remboursement des primes d'assurance constituent des conclusions nouvelles irrecevables ; ces conclusions ne sont pas, en tout état de cause, fondées dès lors que cette demande de remboursement ne pouvait être formée qu'à l'encontre de l'assureur et non de son mandataire ; - l'appelant, qui n'a pas respecté la clause de conciliation préalable prévue à l'article 23 du contrat, était mal venu de soulever à son encontre devant les premiers juges la fin de non-recevoir tirée de la méconnaissance de cette procédure préalable à la saisine du juge ; - elle était contractuellement désignée comme courtier et gestionnaire du contrat ; ainsi, seule la société CBL Insurance Europe est contractuellement débitrice de l'indemnité d'assurance à l'égard de l'assuré et elle ne saurait être considérée comme solidairement tenue de son paiement avec l'assureur à l'égard de l'assuré ; - elle n'a commis aucune faute dans l'exécution du contrat ; en sa qualité de mandataire, elle n'est pas débitrice de l'indemnité d'assurance qui repose exclusivement sur l'assureur ; elle n'a pas commis de faute dans l'exécution de son mandat et de sa gestion pour le compte de la société CBL Insurance. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des assurances ; - le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Beltrami, première conseillère, - les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique, - et les observations de Me Santin, représentant le centre intercommunal d'action sociale du Sud Minervois. Une note en délibéré a été présentée le 7 novembre 2023 pour le centre intercommunal d'action sociale du Sud Minervois. Considérant ce qui suit : 1. Le centre intercommunal d'action sociale du Sud Minervois a conclu, à effet du 1er janvier 2017 et pour une durée de trois ans, un marché public de service relatif à l'assurance des risques statutaires de ses personnels avec le groupement composé des sociétés Assurances Pilliot et CBL Insurance Europe Dac. Ces dernières l'ont informé, par courrier reçu le 3 octobre 2018, de leur décision de résilier le contrat au 31 décembre 2019. Le 25 octobre, le centre intercommunal d'action sociale du Sud Minervois a refusé cette résiliation. Par courriers des 20 décembre 2018 et 11 février 2019, il a mis en demeure le groupement de reprendre les relations contractuelles. Par une ordonnance du 28 mars 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier saisi par le centre intercommunal, a ordonné la poursuite provisoire des relations contractuelles et l'exécution des prestations dues à hauteur de 53 637,51 euros, sous astreinte de 500 euros par jour de retard une fois passé le délai de 15 jours à compter de la notification de l'ordonnance. Le 29 avril 2020, la trésorerie de Narbonne agglomération a émis, à la demande du centre intercommunal d'action sociale du Sud Minervois, un titre exécutoire n° 2020-32-173 à l'encontre de la société Assurances Pilliot, pour la somme de 805 001,82 euros correspondant au remboursement d'indemnités journalières pour la période de juillet 2017 à février 2020. Le centre intercommunal d'action sociale du Sud Minervois relève appel du jugement du 21 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a annulé le titre exécutoire émis le 29 avril 2020 et a rejeté le surplus des demandes des parties. Il demande, en outre, que la société Assurances Pilliot soit condamnée à lui rembourser les primes versées à hauteur de 635 950 euros. Sur la fin de non-recevoir-opposée en défense : 2. Les conclusions tendant à la condamnation de la société Assurances Pilliot à lui rembourser les primes versées à hauteur de 635 950 euros, qui sont présentées pour la première fois en appel, constituent des conclusions nouvelles. Par suite et en tout état de cause, elles doivent être rejetées comme étant irrecevables. Sur les conclusions en annulation du titre exécutoire : 3. En premier lieu, la contestation d'un titre exécutoire émis sur la base d'un contrat n'a pas à être précédée des procédures de règlement amiable prévues par ce contrat. Par suite, le centre intercommunal d'action sociale du Sud Minervois n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont écarté sa fin de non-recevoir tirée de ce que la demande de la société Assurances Pilliot était irrecevable faute d'avoir mis en œuvre, préalablement à la saisine du juge, la procédure de médiation prévue par l'article 23 du contrat. 4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code des assurances , dans sa rédaction applicable en l'espèce : " I. - L'intermédiation en assurance ou en réassurance est l'activité qui consiste à présenter, proposer ou aider à conclure des contrats d'assurance ou de réassurance ou à réaliser d'autres travaux préparatoires à leur conclusion. (...). Est un intermédiaire d'assurance ou de réassurance toute personne qui, contre rémunération, exerce une activité d'intermédiation en assurance ou en réassurance (...) ". En vertu de l'article R. 511-2 du même code, l'activité d'intermédiation en assurance peut être assurée par un courtier d'assurances. Dans un marché public d'assurance, le courtier se trouve dans la position de mandataire de l'assureur. 5. Aux termes de l'article 45 du décret du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics : " I. - Les groupements d'opérateurs économiques peuvent participer aux procédures de passation de marchés publics. Pour la présentation d'une candidature ou d'une offre, l'acheteur ne peut exiger que le groupement d'opérateurs économiques ait une forme juridique déterminée. Le groupement est conjoint lorsque chacun des opérateurs économiques membres du groupement s'engage à exécuter la ou les prestations qui sont susceptibles de lui être attribuées dans le marché public. Le groupement est solidaire lorsque chacun des opérateurs économiques membres du groupement est engagé financièrement pour la totalité du marché public. Les candidatures et les offres sont présentées soit par l'ensemble des membres du groupement, soit par un mandataire qui justifie des habilitations nécessaires pour représenter les autres membres du groupement. Un même opérateur économique ne peut pas être mandataire de plus d'un groupement pour un même marché public. (...) " 6. L'acte d'engagement du marché en litige stipule que " l'ensemble des membres du groupement s'engagent sur la base de l'offre de groupement " et concernant la répartition des prestations exécutées par les membres du groupement conjoint, la société Assurances Pilliot s'engage à réaliser une prestation de courtier et la société CBL Insurance Europe Dac une prestation d'assureur à hauteur de 100 %. Par ailleurs, dans la lettre de candidature et de désignation du mandataire par ses co-traitants, le candidat se présente comme un groupement d'entreprises conjoint et non pas solidaire, composé de la société Assurances Pilliot et de la compagnie CBL Insurance Europe Dac en charge, pour la première, de l'exécution des prestations de gestion de la police et des sinistres et, pour la seconde, de l'exécution des prestations d'assurance. De plus, la société Assurances Pilliot, désignée comme mandataire de ce groupement, se présente comme n'étant pas un mandataire solidaire. Enfin, le contrat d'assurances n° 17272GST11 garantissant les risques statutaires des agents souscrit par le centre intercommunal d'action sociale du Sud Minervois à l'issue de la procédure de consultation, désigne la société CBL Insurance Europe Dac comme ayant la qualité d'assureur, la société Assurances Pilliot étant mentionnée en tant que courtier et gestionnaire du contrat. 7. Au vu de ces documents le centre intercommunal d'action sociale du Sud Minervois ne pouvait ignorer que seule la société CBL Insurance Europe Dac était titulaire de la prestation d'assurance et avait la qualité d'assureur à son égard. En outre, en l'absence de solidarité contractuellement prévue entre les membres du groupement, la société Assurances Pilliot ne s'était pas engagée à garantir financièrement le souscripteur du contrat en cas de défaillance de l'assureur dans l'exécution de sa prestation d'assurance. Enfin, s'il résulte de l'instruction que la société Assurances Pilliot a, notamment, établi et signé le marché pour le compte de l'assureur, centralisé et recouvré les primes dues à l'assureur et le montant de l'indemnité due par cet assureur à l'assuré et résilié le marché pour le compte de l'assureur, ces prestations s'inscrivaient dans le cadre de l'exécution de sa propre prestation de gestion de la police et des sinistres. Par conséquent, la société Assurances Pilliot ne peut être considérée comme redevable de la somme de 805 001,82 euros mise à sa charge par le titre exécutoire émis le 29 avril 2020 au titre du paiement des indemnités d'assurances dues par l'assureur au centre intercommunal d'action sociale du Sud Minervois. 8. Il résulte de ce qui précède que le centre intercommunal d'action sociale du Sud Minervois n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a annulé le titre exécutoire émis le 29 avril 2020 à l'encontre de la société Assurances Pilliot pour un montant de 805 001,85 euros. Sur les conclusions indemnitaires : 9. Le centre intercommunal d'action sociale du Sud Minervois présente des conclusions indemnitaires sur le fondement de la responsabilité contractuelle de la société Assurances Pilliot du fait de son inexécution fautive du contrat d'assurance et lui réclame, en réparation, le versement d'une indemnité correspondant au montant de l'indemnité d'assurance due par l'assureur. Mais comme cela a déjà été exposé, en sa seule qualité de mandataire, la société Assurances Pilliot n'était pas débitrice de l'indemnité d'assurance sollicitée dont la charge reposait exclusivement sur l'assureur. Dès lors, l'établissement public appelant n'est pas fondé à rechercher sa responsabilité contractuelle au titre de l'inexécution de la prestation d'assurance qui ne se rattachait pas à sa mission contractuelle. 10. Si l'appelant se prévaut de la résistance fautive de la société Assurances Pilliot dès lors qu'aux termes du courriel du 6 février 2020, cette dernière devait continuer à honorer les paiements des indemnités d'assurance, il résulte au contraire de ce message que la Banque centrale d'Irlande avait ordonné à CBL Europe Insurance Dac de cesser immédiatement de payer les indemnités. De plus, il résulte de l'instruction que la société Assurances Pilliot avait reçu, le 13 décembre 2019, la directive de l'administrateur provisoire de la société CBL Insurance Europe Dac de n'effectuer aucun paiement à un titulaire d'une police de la compagnie. Dès lors et en tout état de cause, l'appelant n'est pas fondé à engager la responsabilité contractuelle de la société Assurances Pilliot au titre de sa résistance fautive à payer les indemnités d'assurances. Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Assurances Pilliot, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que le centre intercommunal d'action sociale du Sud Minervois demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. 12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre intercommunal d'action sociale du Sud Minervois une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DÉCIDE: Article 1er : La requête du centre intercommunal d'action sociale du Sud Minervois est rejetée. Article 2 : Le centre intercommunal d'action sociale du Sud Minervois versera à la société Assurances Pilliot une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée unipersonnelle Assurances Pilliot, au centre intercommunal d'action sociale du Sud Minervois. Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023 à laquelle siégeaient : M. Rey-Bèthbéder, président, M. Bentolila, président-assesseur, Mme Beltrami, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2023. La rapporteure, K. Beltrami Le président, É. Rey-Bèthbéder La greffière, C. Lanoux La République mande et ordonne au préfet de l'Aude, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 21TL04789 |
CETATEXT000048452337 | J_L_2023_11_00021TL04818 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/23/CETATEXT000048452337.xml | Texte | CAA de TOULOUSE, 3ème chambre, 21/11/2023, 21TL04818, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-21 00:00:00 | CAA de TOULOUSE | 21TL04818 | 3ème chambre | plein contentieux | C | M. REY-BÈTHBÉDER | SCP DECOSTER - CORRET - DELOZIERE - LECLERCQ | Mme Karine BELTRAMI | Mme PERRIN | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société par actions simplifiée unipersonnelle Assurances Pilliot a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler le titre exécutoire n° 2019-98-988 émis à son encontre le 31 décembre 2019 à la demande de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes de Clermont-L'Hérault pour la somme de 86 261,74 euros correspondant au remboursement d'indemnités journalières. Par un jugement n° 2001550 du 21 octobre 2021, le tribunal administratif de Montpellier a annulé le titre exécutoire émis le 31 décembre 2019 à l'encontre de la société Assurances Pillliot. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 20 décembre 2021, au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, le centre intercommunal d'action sociale de Clermont-L'Hérault et l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Léon Ronzier, représentés par Me Moreau, demandent : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 21 octobre 2021 ; 2°) de rejeter la demande de la société Assurances Pilliot ; 3°) de mettre à la charge de la société Assurances Pilliot la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que : - eu égard à la formulation de l'acte d'engagement, le groupement des opérateurs économiques devait être considéré comme solidaire ; la société Assurances Pilliot, en tant que membre de ce groupement, pouvait être destinataire du titre contesté, non seulement en tant qu'interlocuteur unique du pouvoir adjudicataire mais aussi en tant que mandataire solidaire du second membre du groupement. Par un mémoire en défense, enregistré le 16 février 2022, la société Assurances Pilliot, représentée par Me Delozière, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge des établissements publics requérants une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que : - elle était contractuellement désignée comme courtier et gestionnaire du contrat ; seule la société CBL Insurance Europe est contractuellement débitrice de l'indemnité d'assurance à l'égard de l'assuré et elle ne saurait être considérée comme solidairement tenue de son paiement avec l'assureur à l'égard de l'assuré ; - la solidarité d'un groupement ne se présume pas ; l'acte d'engagement stipule que la nature du groupement était conjointe et non solidaire ; cette absence de solidarité résulte également de la lettre de candidature. Par une ordonnance du 19 janvier 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 26 févier 2023 à 12 heures. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des assurances ; - le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Beltrami, première conseillère, - et les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. L'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Léon Ronzier a conclu, à effet du 1er janvier 2017 et pour une durée de cinq ans, un marché public de service relatif à l'assurance des risques statutaires de ses personnels avec le groupement composé des sociétés Assurances Pilliot et CBL Insurance Europe Dac. Le 31 décembre 2019, la trésorerie de Clermont-L'Hérault a émis à la demande de l'établissement Léon Ronzier un titre exécutoire n° 2019-97-988, à l'encontre de la société Assurances Pilliot pour la somme de 76 261,74 euros correspondant au remboursement d'indemnités journalières pour la période allant jusqu'au 31 décembre 2018. Le centre intercommunal d'action sociale de Clermont-L'Hérault et l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Léon Ronzier relèvent appel du jugement du 21 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a annulé le titre exécutoire émis le 31 décembre 2019. Sur les conclusions en annulation du titre exécutoire : 2. Aux termes de l'article L. 511-1 du code des assurances du code des assurances, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " I. - L'intermédiation en assurance ou en réassurance est l'activité qui consiste à présenter, proposer ou aider à conclure des contrats d'assurance ou de réassurance ou à réaliser d'autres travaux préparatoires à leur conclusion. (...). Est un intermédiaire d'assurance ou de réassurance toute personne qui, contre rémunération, exerce une activité d'intermédiation en assurance ou en réassurance (...) ". En vertu de l'article R. 511-2 du même code, l'activité d'intermédiation en assurance peut être assurée par un courtier d'assurances. Dans un marché public d'assurance, le courtier se trouve dans la position de mandataire de l'assureur. 3. Aux termes de l'article 45 du décret du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics susvisé : " I. - Les groupements d'opérateurs économiques peuvent participer aux procédures de passation de marchés publics. Pour la présentation d'une candidature ou d'une offre, l'acheteur ne peut exiger que le groupement d'opérateurs économiques ait une forme juridique déterminée. Le groupement est conjoint lorsque chacun des opérateurs économiques membres du groupement s'engage à exécuter la ou les prestations qui sont susceptibles de lui être attribuées dans le marché public. Le groupement est solidaire lorsque chacun des opérateurs économiques membres du groupement est engagé financièrement pour la totalité du marché public. Les candidatures et les offres sont présentées soit par l'ensemble des membres du groupement, soit par un mandataire qui justifie des habilitations nécessaires pour représenter les autres membres du groupement. Un même opérateur économique ne peut pas être mandataire de plus d'un groupement pour un même marché public. (...) " 6. L'acte d'engagement du marché en litige stipule que la société Assurances Pilliot, représentée par M. A..., et la société CBL Insurance, représentée par M. C... B..., s'engagent, en qualité de contractant, à exécuter les missions objet du présent marché, dans les conditions ci-après définies. La société Assurances Pilliot est désignée comme le mandataire du groupement conjoint non solidaire formé par les deux cocontractants et il est précisé par l'acte d'engagement que la société CBL Insurance a confié la gestion de ce contrat à son intermédiaire d'assurance M. A.... Si l'acte indique, à tort, dans la rubrique " désignation de l'intermédiaire d'assurance " que M. A... représentait la société CBL Insurance, cette indication erronée constitue une simple erreur de plume. Par ailleurs, dans la lettre de candidature et de désignation du mandataire par ses co-traitants, le candidat se présente comme un groupement d'entreprises conjoint et non pas solidaire, composé de la société Assurances Pilliot et de la compagnie CBL Insurance Europe Dac en charge, pour la première, de l'exécution des prestations de gestion de la police et des sinistres et, pour la seconde, de l'exécution des prestations d'assurance. De plus, la société Assurances Pilliot, désignée comme mandataire de ce groupement, se présente comme n'étant pas un mandataire solidaire. Enfin, le contrat d'assurances n° 17293GST34 garantissant les risques statutaires des agents souscrit par l'établissement d'hébergement de personnes âgées dépendantes de Clermont-L'Hérault à l'issue de la procédure de consultation, désigne la société CBL Insurance Europe Dac comme ayant la qualité d'assureur, la société Assurances Pilliot étant mentionnée en tant que courtier et gestionnaire du contrat. 7. Au vu de ces pièces du marché ainsi que des stipulations du contrat d'assurances souscrit, l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Léon Ronzier ne pouvait ignorer que seule la société CBL Insurance Europe Dac était titulaire de la prestation d'assurance et avait la qualité d'assureur à son égard. En outre, en l'absence de solidarité contractuellement prévue entre les membres du groupement, la société Assurances Pilliot ne s'était pas engagée à garantir financièrement le souscripteur du contrat en cas de défaillance de l'assureur dans l'exécution de sa prestation d'assurance. Enfin, s'il résulte de l'instruction que la société Assurances Pilliot a, notamment, établi et signé le marché pour le compte de l'assureur, centralisé et recouvré le montant de l'indemnité due par cet assureur à l'assuré, résilié le marché pour le compte de l'assureur, ces prestations s'inscrivaient dans le cadre de l'exécution de sa propre prestation de gestion de la police et des sinistres. Par conséquent, la société Assurances Pilliot ne peut être considérée comme redevable de la somme de 86 261,74 euros mise à sa charge par le titre exécutoire émis le 31 décembre 2019 au titre du paiement des indemnités d'assurances dues par l'assureur à l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Léon Rozier. 8. Il résulte de ce qui précède que le centre intercommunal d'action sociale de Clermont-L'Hérault et l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Léon Ronzier ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a annulé le titre exécutoire émis le 31 décembre 2019 à l'encontre de la société Assurances Pilliot pour un montant de 86 261,745 euros. Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Assurances Pilliot, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que le centre intercommunal d'action sociale de Clermont-L'Hérault et l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Léon Ronzier demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. 10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre intercommunal d'action sociale de Clermont-L'Hérault et de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Léon Ronzier une somme de 750 euros, chacun, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DÉCIDE: Article 1er : La requête du centre intercommunal d'action sociale de Clermont-L'Hérault et de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Léon Ronzier est rejetée. Article 2 : Le centre intercommunal d'action sociale de Clermont-L'Hérault et l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Léon Ronzier verseront chacun à la société Assurances Pilliot une somme de 750 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée unipersonnelle Assurances Pilliot, au centre intercommunal d'action sociale de Clermont-L'Hérault et à l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Léon Ronzier. Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023 à laquelle siégeaient : M. Rey-Bèthbéder, président, M. Bentolila, président-assesseur, Mme Beltrami, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2023. La rapporteure, K. Beltrami Le président, É. Rey-Bèthbéder La greffière, C. Lanoux La République mande et ordonne au préfet de l'Hérault, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 21TL04818 |
CETATEXT000048452340 | J_L_2023_11_00022TL00616 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/23/CETATEXT000048452340.xml | Texte | CAA de TOULOUSE, 3ème chambre, 21/11/2023, 22TL00616, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-21 00:00:00 | CAA de TOULOUSE | 22TL00616 | 3ème chambre | plein contentieux | C | M. REY-BÈTHBÉDER | SELARL PLANTAVIN ET REINA | Mme Nadia EL GANI-LACLAUTRE | Mme PERRIN | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'enjoindre à la commune de Puissalicon de réaliser, sous astreinte, les travaux de réfection complète de la descente d'évacuation des eaux pluviales traversant sa propriété suivant les préconisations de l'expert judicaire et de remettre en état les sols après travaux afin de mettre fin à la présence d'humidité dans sa propriété. Par un jugement n° 1901019 du 20 décembre 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 18 février 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis devant la cour administrative d'appel de Toulouse, et deux mémoires enregistrés les 15 mars et 19 mai 2023, ce dernier n'ayant pas été communiqué, M. A..., représenté par Me Cambon, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 20 décembre 2021 du tribunal administratif de Montpellier ; 2°) d'enjoindre à la commune de Puissalicon de réaliser les travaux de nature à assurer la bonne évacuation des eaux pluviales traversant sa propriété suivant les préconisations de l'expert désigné par une ordonnance du président du tribunal de grande instance de Béziers du 14 octobre 2016 et à remettre en état les sols dès la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ; 3°) de mettre à la charge de la commune de Puissalicon une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - sa propriété est traversée par deux canalisations distinctes, l'une récente, qui figure sur le plan local d'urbanisme de la commune de Puissalicon et relève du réseau d'assainissement des eaux usées, de sorte qu'elle est étrangère aux débats, et l'autre, en pierre, extrêmement ancienne, qui remonte à la période d'édification du château et des maisons qui le ceinturent ; - cette dernière canalisation constitue un ouvrage public dès lors qu'elle sert d'exutoire aux eaux pluviales en provenance des ruelles et des toitures d'immeubles se trouvant en amont de sa propriété ; un important débit se déverse dans cette seconde canalisation lors de fortes pluies ce qui génère une humidité importante dans sa maison, en raison de sa vétusté et de son sous-dimensionnement. Par deux mémoires en défense, enregistrés les 16 février et 21 avril 2023, la commune de Puissalicon, représentée par Me André-Cianfarani, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - elle ne saurait être tenue pour responsable des désordres subis par l'appelant dès lors que la canalisation en litige n'a pas le caractère d'ouvrage public en l'absence de raccordement au réseau d'évacuation des eaux pluviales de sorte que son entretien ne lui incombe pas ; - la canalisation en litige, qui ne figure pas sur le plan local d'urbanisme, correspond à l'assiette de la servitude réelle et perpétuelle instituée, par les deux actes authentiques de vente du 29 juin 2006 et du 5 juin 2014, sur le fonds servant de l'appelant cadastré section B n° 2236 au profit du fonds dominant cadastré section B n° 2235 portant sur deux canalisations situées dans la cave de la propriété de M. A..., l'une destinée à recueillir les eaux pluviales en provenance du fonds dominant, et l'autre destinée au passage des canalisations d'eau potable ; - selon ces deux mêmes actes authentiques, l'entretien de ces canalisations incombe au propriétaire du fonds dominant. Par une ordonnance du 21 avril 2023, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 23 mai 2023 à 12 heures. Par un courrier du 24 octobre 2023, les parties ont été informées de ce que, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité des conclusions à fin d'injonction dès lors qu'elles n'ont pas été présentées en complément de conclusions indemnitaires. Une réponse à ce moyen d'ordre public, présentée pour M. A..., a été enregistrée le 2 novembre 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme El Gani-Laclautre, - les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique, - et les observations de Me Dech, représentant la commune de Puissalicon. Considérant ce qui suit : 1. M. A... est propriétaire d'une maison ancienne cadastrée section B n° 2236 à Puissalicon (Hérault) dont il a fait l'acquisition par un acte authentique du 5 juin 2014, mitoyenne d'une autre maison cadastrée section B n° 2235. En raison de la déclivité des terrains d'emprise, la maison de M. A... est située en contrebas de cette propriété. À la suite d'un important orage survenu le 31 août 2015, à l'origine d'infiltrations et d'une forte humidité dans les murs de son habitation, l'expert désigné par son assureur a découvert l'existence d'un puisard et d'une canalisation destinée à la collecte des eaux pluviales. Estimant que la présence de ces ouvrages hydrauliques lui avait été cachée lors de la vente par le vendeur et par l'agence immobilière, M. A... a, après l'échec d'une phase amiable, obtenu la désignation d'un expert par une ordonnance de référé du tribunal de grande instance de Béziers du 14 octobre 2016. Par une ordonnance de référé de ce même tribunal du 7 juillet 2017, les opérations d'expertise ont été étendues à la commune de Puissalicon et aux propriétaires de la parcelle cadastrée section B n° 2235. M. A... relève appel du jugement du 20 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à ce qu'il soit enjoint à la commune de procéder aux travaux de réfection du réseau d'eaux pluviales qui traverse sa propriété pour mettre fin à la présence d'humidité dans sa maison suivant les préconisations de l'expert judiciaire. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. Le maître de l'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure. Ces tiers ne sont pas tenus de démontrer le caractère grave et spécial du préjudice qu'ils subissent lorsque le dommage n'est pas inhérent à l'existence même de l'ouvrage public ou à son fonctionnement et présente, par suite, un caractère accidentel. 3. La qualification d'ouvrage public peut être déterminée par la loi. Présentent aussi le caractère d'ouvrage public notamment les biens immeubles résultant d'un aménagement, qui sont directement affectés à un service public y compris s'ils appartiennent à une personne privée. 4. Il résulte de l'instruction, éclairée par le rapport de l'expertise judiciaire diligentée entre les parties par le tribunal de grande instance de Béziers, qui a, en tout état de cause, été communiqué aux parties dans le cadre de la procédure, lesquelles ont pu, dès lors, en débattre contradictoirement, que la propriété de M. A..., cadastrée section B n° 2236, implantée en contrebas de la rue du château, comporte un puisard ainsi qu'une canalisation d'eaux pluviales très ancienne, construite sous la forme d'un ouvrage maçonné en pierre, composé d'une chute verticale dotée d'une section de 20 cm par 20 cm qui se poursuit par une canalisation horizontale traversant sa propriété dotée d'une section de 15 cm par 8 à 10 cm qui se déverse dans la rue de la Barbacane au moyen d'un exutoire en pierre situé sous la porte d'entrée. Il résulte également de l'instruction qu'en cas d'épisodes orageux, cet ouvrage hydraulique, qui est doté d'une section insuffisante pour recueillir le débit d'eaux pluviales s'y déversant, est mis en charge sur sa partie verticale, ce qui provoque des infiltrations et la présence d'humidité dans la maison de l'appelant en raison du défaut d'étanchéité de la descente. 5. Il est constant, ainsi que cela résulte des mentions contenues dans les actes authentiques de vente successifs de la parcelle cadastrée section B n° 2236 en date du 29 juin 2006 et du 5 juin 2014, que la maison de M. A... est grevée de deux servitudes réelles perpétuelles au profit du fonds cadastré section B n° 2235 portant respectivement sur le passage et l'entretien, à la charge du fonds dominant, d'une part, de canalisations d'eau potable chaude et froide et, d'autre part, d'une canalisation en polychlorure de vinyle destinée au recueil des eaux pluviales en provenance de ce fonds, en particulier de sa toiture. Toutefois, contrairement à ce que soutient la commune de Puissalicon, ces canalisations ne se confondent pas avec l'ouvrage hydraulique maçonné mentionné au point précédent tandis que la circonstance que ce dernier ne soit pas mentionné sur les documents d'urbanisme de la commune n'est pas de nature à lui retirer, par principe, le caractère d'ouvrage public eu égard au principe rappelé au point 3. 6. Or, il résulte de l'instruction, éclairée par le rapport d'expertise précité ainsi que par le rapport technique de la société Visiotarn, laquelle a pratiqué un test d'écoulement d'eau teintée de fluorescéine et procédé à une inspection visuelle par passage de caméra, que la canalisation maçonnée en pierre en litige, qui traverse à la verticale puis à l'horizontale la propriété de M. A... et se trouve obstruée par des pierres, sert, au moins pour partie, à l'écoulement des eaux de pluie, lesquelles y sont recueillies à partir d'un avaloir doté d'une grille métallique situé dans l'impasse donnant sur la rue du Château et se déversent rue de la Barbacane au moyen d'un exutoire en pierre implanté sous la porte d'entrée de sa maison. Il résulte également de l'instruction que la canalisation maçonnée en litige est obstruée par des pierres et qu'elle est sous-dimensionnée pour recueillir le débit d'eau du bassin versant. 7. Dès lors que cette canalisation maçonnée en pierre, son avaloir et son exécutoire, sont destinés à l'écoulement, au moins pour partie, des eaux pluviales en provenance des ruelles en contrebas desquelles est implantée la maison de M. A... et qu'il ne résulte pas de l'instruction et n'est pas davantage démontré que ces ruelles ne relèveraient pas du domaine public de la commune de Puissalicon, M. A..., qui a la qualité de tiers par rapport à ces ouvrages dont le dysfonctionnement occasionne des infiltrations à répétition dans sa propriété revêtant, en l'espèce, un caractère accidentel, est fondé à engager la responsabilité de la commune de Puissalicon, alors même qu'elle ne serait pas propriétaire de cet ouvrage hydraulique, lequel doit, dans les circonstances de l'espèce, être regardé comme ayant une utilité publique. Par suite, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a jugé que la responsabilité de la commune de Puissalicon n'était pas engagée. 8. Le juge administratif ne peut être saisi, dans le cadre d'une action en responsabilité sans faute pour dommages de travaux publics, de conclusions tendant à ce qu'il enjoigne à la personne publique de prendre les mesures de nature à mettre fin au dommage ou à en pallier les effets, qu'en complément de conclusions indemnitaires. 9. En demandant au tribunal d'engager la responsabilité de la commune de Puissalicon en raison du caractère défectueux de la canalisation d'eaux pluviales qui traverse sa propriété et en lui demandant d'ordonner à cette commune de réaliser les travaux de réfection de cet ouvrage hydraulique et de remise en état de sa propriété, M. A... doit être regardé comme ayant formulé des conclusions principales de plein contentieux tendant à ce qu'il soit enjoint à la commune de Puissalicon de réaliser des travaux de remise en état des ouvrages en litige, lesquelles ne sont, en application du principe rappelé au point précédent, recevables que si elles sont formulées en complément de conclusions indemnitaires . 10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Sur les frais liés au litige : 11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Puissalicon, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par M. A..., au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... la somme demandée par la commune de Puissalicon, au même titre. DÉCIDE: Article 1 : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Les conclusions de la commune de Puissalicon présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la commune de Puissalicon. Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023, à laquelle siégeaient : M. Rey-Bèthbéder, président, M. Bentolila, président-assesseur, Mme El Gani-Laclautre, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2023. La rapporteure, N. El Gani-LaclautreLe président, É. Rey-Bèthbéder La greffière, C. LanouxLa République mande et ordonne au préfet de l'Hérault en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22TL00616 |
CETATEXT000048452343 | J_L_2023_11_00022TL20711 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/23/CETATEXT000048452343.xml | Texte | CAA de TOULOUSE, 3ème chambre, 21/11/2023, 22TL20711, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-21 00:00:00 | CAA de TOULOUSE | 22TL20711 | 3ème chambre | excès de pouvoir | C | M. REY-BÈTHBÉDER | SCHOEGJE | Mme Nadia EL GANI-LACLAUTRE | Mme PERRIN | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... A..., veuve C..., a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 13 mai 2019 par laquelle le président du syndicat mixte pour l'aménagement de la Découverte a refusé de lui octroyer la protection fonctionnelle. Par un jugement n° 1903942 du 27 décembre 2021, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 1er mars et 21 septembre 2022, Mme C..., représentée en dernier lieu par Me Schoegje, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures : 1°) d'annuler ce jugement du 27 décembre 2021 du tribunal administratif de Toulouse ; 2°) d'annuler la décision du 13 mai 2019 par laquelle le président du syndicat mixte pour l'aménagement de la Découverte a refusé de lui octroyer la protection fonctionnelle ; 3°) d'enjoindre au syndicat mixte de lui octroyer la protection fonctionnelle dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous une astreinte qu'il appartiendra à la cour de définir ; 4°) de mettre à la charge du syndicat mixte pour l'aménagement de la Découverte la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient, dans le dernier état de ses écritures, que : - le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il ne comporte pas la signature des membres de la formation de jugement ni celle du greffier d'audience ; - il est insuffisamment motivé ; - il est entaché d'une dénaturation des pièces du dossier ; - il méconnaît l'office du juge et la charge de la preuve en matière de harcèlement moral ; - il est entaché d'une erreur de droit tirée d'une confusion entre le département du Tarn et le syndicat mixte pour l'aménagement de la Découverte, lequel constitue un établissement public distinct du département doté de la personnalité morale quand bien même il serait présidé par la même personne de sorte que c'est à tort que le tribunal a regardé le directeur général des services du département du Tarn comme pouvant exercer un pouvoir hiérarchique sur le personnel de ce syndicat ; - il méconnaît l'article 6 quinquies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires en ce qu'il subordonne la caractérisation d'une situation de harcèlement moral à l'imputabilité des faits à une personne déterminée alors que ces dispositions n'envisagent que la victime de tels agissements et non leur source ; - la décision lui refusant le bénéfice de la protection fonctionnelle méconnaît les articles 6 quinquies et 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ; - elle est entachée d'inexactitude matérielle quant aux agissements constitutifs de harcèlement dont elle a fait l'objet, révélés par la perte de ses responsabilités, elle-même à l'origine d'une perte d'efficacité dans son travail et d'un alourdissement de sa charge de travail sans disposer des moyens nécessaires pour accomplir ses missions, par les remarques désobligeantes du directeur général des services du département du Tarn à son endroit et par l'envoi de convocations injustifiées de dernière minute dépourvues d'utilité. Par un mémoire en défense, enregistré le 27 juillet 2022, le syndicat mixte pour l'aménagement de la Découverte, représenté par Me Lecarpentier, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 500 euros soit mise à la charge de l'appelante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le jugement attaqué est régulier ; - les autres moyens soulevés par l'appelante ne sont pas fondés. Un mémoire produit pour le syndicat mixte pour l'aménagement de la Découverte a été enregistré le 4 janvier 2023, soit postérieurement à la clôture de l'instruction fixée au 28 septembre 2022, à 12 heures, par une ordonnance du 28 juillet 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme El Gani-Laclautre ; - les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique ; - les observations de Me Schoegje, représentant Mme C..., et de Me Lecarpentier, représentant le syndicat mixte pour l'aménagement de la Découverte. Une note en délibéré a été présentée le 9 novembre 2023 pour Mme C.... Considérant ce qui suit : 1. Mme C..., attachée territoriale principale, a été recrutée, par voie de mutation, en qualité de directrice générale des services du syndicat mixte pour l'aménagement de la Découverte (Tarn), le 16 mars 2016. Le 13 février 2019, l'intéressée a été victime d'un malaise au cours d'une réunion sur son lieu de travail dont elle a sollicité la reconnaissance de l'imputabilité au service au titre d'un accident de service. S'estimant victime de harcèlement moral dans l'exercice de ses fonctions, l'intéressée a, par une lettre du 1er avril 2019, notifiée à ce syndicat, le 2 avril suivant, sollicité le bénéfice de la protection instituée par les dispositions de l'article 11 de la loi 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. Par une décision du 13 mai 2019, le président du syndicat mixte pour l'aménagement de la Découverte a rejeté sa demande. Mme C... relève appel du jugement du 27 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". Il résulte des pièces du dossier de première instance que la minute du jugement attaquée est revêtue de la signature du président de la formation de jugement, du rapporteur et de la greffière d'audience. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions manque en fait et doit donc être écarté. 3. En deuxième lieu, il ressort des termes du jugement attaqué que les premiers juges, qui n'étaient tenus ni de répondre à l'ensemble des arguments soulevés par la demande ni de mentionner l'ensemble des documents produits à l'appui de celle-ci, ont suffisamment répondu, aux points 4 à 16, aux moyens soulevés par Mme C.... Par suite, l'appelante n'est pas fondée à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité sur ce point. 4. En troisième et dernier lieu, il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels les juges de première instance se sont prononcés sur les moyens qui leur étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Par suite, Mme C... ne peut utilement soutenir que le tribunal aurait dénaturé les pièces du dossier, entaché son jugement d'irrégularité en méconnaissant l'office du juge et la charge de la preuve en matière de harcèlement moral, commis une erreur de droit tirée de la confusion entre le département du Tarn et le syndicat mixte pour l'aménagement de la Découverte et, enfin, méconnu les dispositions de l'article 6 quinquies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 5. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires dans sa rédaction alors applicable à la date de la décision refusant d'octroyer à Mme C... le bénéfice de la protection fonctionnelle : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel (...) ". Aux termes de l'article 11 de la même loi, dans sa rédaction applicable au litige : " I.- À raison de ses fonctions et indépendamment des règles fixées par le code pénal et par les lois spéciales, le fonctionnaire ou, le cas échéant, l'ancien fonctionnaire bénéficie, dans les conditions prévues au présent article, d'une protection organisée par la collectivité publique qui l'emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire. (...) / IV. - La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté (...) ". 6. Ces dispositions établissent à la charge de la collectivité publique et au profit des agents publics, lorsqu'ils ont été victimes d'attaques à raison de leurs fonctions, sans qu'une faute personnelle puisse leur être imputée, une obligation de protection à laquelle il ne peut être dérogé, sous le contrôle du juge, que pour des motifs d'intérêt général. Cette obligation de protection a pour objet, non seulement de faire cesser les attaques auxquelles le fonctionnaire ou l'agent public est exposé, notamment en cas de diffamation, mais aussi de lui assurer une réparation adéquate des torts qu'il a subis. La mise en œuvre de cette obligation peut notamment conduire l'administration à assister son agent dans l'exercice des poursuites judiciaires qu'il entreprendrait pour se défendre. Il appartient dans chaque cas à l'autorité administrative compétente de prendre les mesures lui permettant de remplir son obligation vis-à-vis de son agent, sous le contrôle du juge et compte tenu de l'ensemble des circonstances. 7. Si la protection résultant du principe rappelé au point précédent n'est pas applicable aux différends susceptibles de survenir, dans le cadre du service, entre un agent public et l'un de ses supérieurs hiérarchiques, il en va différemment lorsque les actes du supérieur hiérarchique sont, par leur nature ou leur gravité, insusceptibles de se rattacher à l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. 8. Des agissements répétés de harcèlement moral sont de ceux qui peuvent permettre à l'agent public qui en est l'objet d'obtenir la protection fonctionnelle prévue par les dispositions précitées de l'article 11 de la loi du 11 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. 9. Il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime de faits constitutifs de harcèlement moral, lorsqu'il entend contester le refus opposé par l'administration dont il relève à une demande de protection fonctionnelle fondée sur de tels faits de harcèlement, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire présumer l'existence. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. 10. Pour faire présumer l'existence d'une situation de harcèlement moral de nature à ouvrir droit à la protection instituée par les dispositions alors en vigueur de l'article 11 de la loi du 11 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, Mme C... soutient que le directeur général des services du département du Tarn, qui ne dispose d'aucune autorité hiérarchique sur les services du syndicat mixte pour l'aménagement de la Découverte, a fait preuve d'une immixtion systématique dans le fonctionnement de cet établissement public, qu'il n'a eu de cesse de la convoquer à des réunions en urgence sans fournir d'explication quant à leur objet. Elle indique, en outre, avoir été destinataire de commandes urgentes sur des éléments déjà évoqués lors de réunions précédentes tandis que, dans le même temps, lui étaient adressées des commandes importantes et inutiles car le président du conseil départemental du Tarn, son cabinet et le directeur général des services de ce département n'avaient pas travaillé sur ces questions. Elle soutient, enfin, avoir été privée de moyens humains pour assurer le bon fonctionnement du syndicat et avoir fait l'objet de procédures de vérifications juridiques supplémentaires injustifiées de la part des services du département alors que la présidence de l'établissement était erratique et ne respectait pas les décisions votées par le conseil syndical. Selon l'intéressée, le président du syndicat mixte, par ailleurs président du conseil départemental du Tarn, et le directeur général des services de ce département ont commis des agissements répétés de nature à dégrader ses conditions de travail et à avoir des effets sur son état de santé en lui imposant une charge de travail supplémentaire indue alors même que l'établissement faisait l'objet d'une lourde réorganisation sur le plan de son fonctionnement, du personnel et des procédures internes, que sa manière de servir a toujours donné satisfaction et qu'elle a pris en charge de nombreux chantiers de réorganisation de ce syndicat dans un contexte complexe de menaces de mort et de licenciements d'agents se plaçant en opposition de principe. 11. Il est constant que c'est de manière erronée que les premiers juges ont estimé que le directeur général des services du département du Tarn exerçait une autorité hiérarchique sur l'appelante alors que le syndicat mixte pour l'aménagement de la Découverte constitue un établissement public distinct. Toutefois, par les seuls éléments mentionnés au point précédent, Mme C..., qui occupe un emploi de directrice générale des services d'un syndicat mixte, lequel se trouvait déjà dans une situation administrative et financière délicate lors de sa prise de fonctions, n'apporte pas d'éléments, ainsi que cela lui incombe, susceptibles de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral. En effet, s'il est constant que les éléments mentionnés au point précédent traduisent un contexte professionnel délicat, ils ne permettent pas, notamment en l'absence d'emploi de termes dégradants à l'endroit de l'appelante ou de la caractérisation de comportements inappropriés précis et circonstanciés à son égard, de faire présumer l'existence d'agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. À l'inverse, il ressort des pièces du dossier que l'appelante a rencontré des difficultés d'ordre personnel de nature à la fragiliser sur le plan professionnel et qu'elle a été confrontée au décès brutal de l'ancien président de ce syndicat mixte. Eu égard à son appartenance à l'encadrement supérieur du syndicat mixte pour l'aménagement de la Découverte et à son positionnement hiérarchique dans un contexte financier et administratif difficile, les éléments invoqués par Mme C... ne peuvent être regardés comme excédant l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Dès lors, le syndicat mixte pour l'aménagement de la Découverte n'a ni fait une inexacte application de l'article 11 de la loi du 11 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ni entaché sa décision d'inexactitude matérielle des faits en refusant d'accorder à Mme C... la protection instituée par ces dispositions. 12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 13 mai 2019 par laquelle le président du syndicat mixte pour l'aménagement de la Découverte refusé de lui octroyer la protection fonctionnelle. Sur les conclusions à fin d'injonction : 13. Le présent arrêt, qui confirme le rejet des demandes de Mme C... par le tribunal administratif, n'implique aucune mesure d'exécution au titre des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative. Par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par l'appelante doivent être rejetées. Sur les frais liés au litige : 14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du syndicat mixte pour l'aménagement de la Découverte, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par Mme C... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de Mme C... une somme de 1 500 euros à verser au syndicat mixte pour l'aménagement de la Découverte au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. DÉCIDE: Article 1 : La requête de Mme C... est rejetée. Article 2 : Mme C... versera au syndicat mixte pour l'aménagement de la Découverte une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., veuve C..., et au syndicat mixte pour l'aménagement de la Découverte. Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023, à laquelle siégeaient : M. Rey-Bèthbéder, président, M. Bentolila, président-assesseur, Mme El Gani-Laclautre, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2023. La rapporteure, N. El Gani-LaclautreLe président, É. Rey-Bèthbéder La greffière, C. Lanoux La République mande et ordonne au préfet du Tarn en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22TL20711 |
CETATEXT000048452345 | J_L_2023_11_00022TL20886 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/23/CETATEXT000048452345.xml | Texte | CAA de TOULOUSE, 3ème chambre, 21/11/2023, 22TL20886, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-21 00:00:00 | CAA de TOULOUSE | 22TL20886 | 3ème chambre | excès de pouvoir | C | M. REY-BÈTHBÉDER | GOUTAL ALIBERT & Associés | M. Pierre BENTOLILA | Mme PERRIN | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse, par deux demandes distinctes, l'annulation, d'une part, des arrêtés des 6 mai et 17 juin 2019 par lesquels le maire de Toulouse a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de faits survenus les 16 et 17 avril 2014, et, d'autre part, de l'avis défavorable de la commission de réforme du 19 avril 2019. Par un jugement n°s 1902751-1903629 du 1er février 2022, le tribunal administratif de Toulouse a constaté l'existence d'un non-lieu à statuer sur ses conclusions dirigées contre l'arrêté du 6 mai 2019 et a rejeté le surplus de ses demandes. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 1er et 12 avril 2022, Mme B..., représentée par Me Hirtzlin-Pinçon, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse en tant qu'il rejette ses conclusions dirigées contre l'arrêté du 17 juin 2019 ; 2°) l'annulation de l'arrêté du 17 juin 2019 par laquelle le maire de Toulouse a refusé de reconnaître le caractère d'accident de service aux faits s'étant produits les 16 et 17 avril 2014; 3°) d'enjoindre au maire de Toulouse de prendre une nouvelle décision dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge de la commune de Toulouse la somme de 2 500 euros hors taxes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - il n'est pas justifié de la délégation de signature accordée à l'auteur de la décision attaquée ; - la décision du 17 juin 2019 n'est pas motivée ; - les premiers juges ont confondu les notions de maladie professionnelle et d'accident de service ; en l'espèce, elle a été victime d'un accident de service, du fait d'une agression subie le 16 avril 2014, s'inscrivant dans le cadre d'un harcèlement, dont la conséquence a été un malaise cardiovasculaire attesté par des certificats médicaux ; - la commune n'a pas diligenté d'enquête interne, la procédure administrative relative à l'agression dont elle a été victime, s'étant semble-t-il perdue ; - la commune devait, ainsi que le prévoit l'article 11 de la loi 13 juillet 1983, la protéger de l'agression dont elle a été victime dans le cadre de son action syndicale ; l'article 6 quater de cette loi a ainsi prévu la mise en place d'un dispositif de signalement et d'ailleurs une " procédure agression " a été mise en place par la charte de la commune de Toulouse ; -l'activité syndicale est liée au travail et elle n'avait aucun lien d'amitié avec l'agent qui a commis une agression à son encontre ; le lien exclusif de l'agression avec le service est donc établi ; contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, des propos acerbes peuvent caractériser une agression, laquelle doit être regardée comme établie ; - la réalité de l'agression qu'elle a subie, n'est remise en cause ni par la commune ni par M. C..., lequel s'est rendu l'auteur de harcèlement moral à son encontre ; - le lien avec le service est donc établi, alors qu'elle a été victime de faits de discrimination syndicale signalés à de nombreuses reprises, sans réponse de la collectivité à cet égard. Par un mémoire en défense, enregistré le 2 octobre 2023, la commune de Toulouse, représentée par Me Aveline, conclut au rejet de la requête de Mme B... et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à sa charge sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que les moyens ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Bentolila, président-assesseur, - les conclusions de Mme Perrin rapporteure publique - et les observations de Me Hirtzlin-Pinçon représentant Mme B... et celles de Me Aveline, représentant la commune de Toulouse. Considérant ce qui suit : 1. Mme B..., animatrice territoriale, a été affectée en septembre 2009 à l'office de la tranquillité de la commune de Toulouse pour y exercer la fonction de régulatrice. Elle était par ailleurs représentante du personnel au titre du syndicat Force Ouvrière. Mme B... a demandé à la commune de Toulouse la reconnaissance de l'imputabilité au service des faits constitués par son altercation avec M. C..., survenue le 16 avril 2014, et par le message adressé par ce dernier par courriel du 17 avril 2014 aux agents de l'office de la tranquillité. Le 19 avril 2019, la commission de réforme a émis un avis défavorable à la reconnaissance d'un accident de service et le maire de Toulouse, par un arrêté du 6 mai 2019, a refusé de reconnaître cette imputabilité au service. Par un arrêté du 17 juin 2019 le maire a retiré cet arrêté et a pris une nouvelle décision de refus de reconnaissance d'un accident de service. Mme B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse l'annulation des décisions des 6 mai et 17 juin 2019, ainsi que de l'avis du 19 avril 2019 de la commission de réforme. 2. Par la présente requête, Mme B... relève appel du jugement du 1er février 2022 du tribunal administratif de Toulouse en tant qu'il rejette sa demande tendant à l'annulation de la décision du 17 juin 2019 du maire de Toulouse portant refus de reconnaissance d'un accident de service. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 3. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° À des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions (...) Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) ". Aux termes de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique, entrée en vigueur le 21 janvier 2017 : " (...) IV.- Est présumée imputable au service toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions (...)". 4. Les droits des agents publics en matière d'accident de service sont réputés constitués à la date à laquelle les faits invoqués au titre d'un accident sont survenus, soit en l'espèce les 16 et 17 avril 2014. Dès lors, les dispositions précitées de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 ne sont pas applicables en l'espèce et seules se trouvent applicables les dispositions précitées de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984. 5. Un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal présente, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet événement du service, le caractère d'un accident de service. Constitue un accident de service un évènement survenu à une date certaine, par le fait ou à l'occasion du service, dont il est résulté une lésion, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci. 6. En premier lieu, l'arrêté du 17 juin 2019 refusant d'admettre l'imputabilité au service des faits des 16 et 17 avril 2014 a été signé par M. de Lagoutine, conseiller municipal délégué, lequel a reçu, par arrêté du 8 juillet 2015, délégation permanente du maire de Toulouse à l'effet de signer notamment les décisions concernant le personnel de la collectivité, cet arrêté mentionnant qu'il a été publié par affichage en mairie le 9 juillet 2015. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté. 7. En deuxième lieu, si l'appelante soutient que l'arrêté du 17 juin 2019 serait insuffisamment motivé, ce dernier vise les textes dont il fait application ainsi que l'avis de la commission de réforme du 19 avril 2019. De plus, il mentionne la demande de reconnaissance d'un accident de service présentée par Mme B... et les motifs de cette demande et comporte le détail des échanges verbaux et par courriels intervenus les 16 et 17 avril 2014 entre les deux agents. Par suite et comme l'ont estimé à bon droit les premiers juges, cet arrêté doit être regardé comme suffisamment motivé. 8. En troisième lieu, contrairement à ce que soutient Mme B..., aucune disposition législative ou règlementaire ni aucun principe se rapportant aux droits de la défense n'imposait à la commune d'organiser une enquête interne sur les faits pour lesquels elle fait valoir qu'elle aurait été victime d'un accident de service. Au demeurant, la commune par l'instruction de la demande d'accident de service présentée par Mme B..., notamment par le rapport très détaillé établi le 4 avril 2018 par l'élu chargé des ressources humaines à l'adresse des membres de la commission de réforme peut être regardée comme ayant en réalité diligenté une telle enquête interne. 9. En quatrième lieu, si l'appelante soutient que la commune de Toulouse ne lui a pas accordé le bénéfice de la protection fonctionnelle sur le fondement de l'article 11 de la loi 13 juillet 1983, elle n'a pas sollicité le bénéfice d'une telle protection, de sorte que ce moyen ne peut qu'être écarté. 10. En cinquième lieu, tout d'abord, les faits allégués par Mme B... à raison de l'altercation qui aurait été la sienne avec M. C... son superviseur, puis du message adressé par ce dernier à l'ensemble des agents de l'office de la tranquillité, se rapportent à la situation du service, même s'ils ont trait également à des sujets d'ordre syndical. Ces faits sont donc susceptibles d'être qualifiés d'accidents de service. Si certains des faits, qui se seraient produits lors d'une altercation le 16 avril 2014, sont, dans les termes qui sont rapportés par Mme B..., d'une violence verbale excédant les relations entre collègues et l'exercice du pouvoir hiérarchique, ils ne sont pas établis par les pièces du dossier. Par ailleurs, pour ce qui est du courriel du 17 avril 2014 adressé par M. C... à l'ensemble des agents de l'Office de la tranquillité, il se présente comme une interrogation doublée d'une remise en cause de la légitimité de Mme B... à représenter l'organisation syndicale dont elle se dit être la représentante. Il ne peut pour autant être regardé comme caractérisant un événement soudain et violent susceptible d'être qualifié d'accident de service, quels que soient les effets qu'il a pu produire sur l'agent. Dès lors, en refusant de regarder comme imputables au service les évènements survenus les 16 et 17 avril 2014, la commune de Toulouse n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées. 11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 17 juin 2019 du maire de Toulouse portant refus de reconnaissance d'un accident de service. Sur les conclusions en injonction et les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 12. Compte tenu du rejet des conclusions en annulation présentées par Mme B..., ses conclusions en injonction et ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent être que rejetées. 13. Par ailleurs, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de Mme B... une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune de Toulouse et non compris dans les dépens, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée. Article 2 : Mme B... versera la somme de 1 500 euros à la commune de Toulouse. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à la commune de Toulouse. Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023 à laquelle siégeaient : M. Rey-Bèthbéder, président, M. Bentolila, président-assesseur, Mme Beltrami, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2023. Le rapporteur, P. Bentolila Le président, É. Rey-Bèthbéder La greffière C. Lanoux La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Garonne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22TL20886 2 |
CETATEXT000048452347 | J_L_2023_11_00022TL20949 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/23/CETATEXT000048452347.xml | Texte | CAA de TOULOUSE, 3ème chambre, 21/11/2023, 22TL20949, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-21 00:00:00 | CAA de TOULOUSE | 22TL20949 | 3ème chambre | excès de pouvoir | C | M. REY-BÈTHBÉDER | ARMAND | Mme Karine BELTRAMI | Mme PERRIN | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler, d'une part, la décision implicite née le 3 octobre 2019 par laquelle la préfète du Gard a refusé de lui délivrer un titre de séjour et, d'autre part, l'arrêté du 24 août 2021 par lequel cette préfète a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement n° 2102721, 2103029 du 25 février 2022, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande d'annulation de la décision implicite de refus et a annulé l'arrêté du 24 août 2021. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 7 avril 2022, un mémoire complémentaire, enregistré le 1er septembre 2022 et des pièces complémentaires, enregistrées le 13 janvier 2023, Mme B..., représentée par Me Armand, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 25 février 2022 en tant qu'il a rejeté sa demande d'annulation de la décision implicite de refus du 3 octobre 2019 ; 2°) d'annuler la décision implicite de refus du 3 octobre 2019 ; 3°) d'enjoindre à la préfète du Gard, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour et à titre subsidiaire, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir ; 4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Elle soutient que : - la décision attaquée est insuffisamment motivée ; - la procédure contradictoire n'a pas été respectée préalablement à l'adoption de cette décision ; - elle est entachée d'une erreur de droit en refusant d'appliquer les dispositions des articles 150 et 151 du nouveau code malien des personnes et de la famille ; - elle est entachée d'erreur de fait s'agissant des documents d'état civil censés présenter de nombreuses anomalies et irrégularités ; - elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle remplissait les conditions pour bénéficier d'une admission exceptionnelle au séjour ; - elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle remplissait les conditions pour bénéficier d'un titre de séjour en qualité d'étudiant ; - elle méconnaît les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle est entachée d'un détournement de pouvoir ou de procédure. Par des mémoires en défense, enregistrés le 6 juillet 2022 et le 18 janvier 2023, la préfète du Gard conclut au rejet de la requête. Elle fait valoir que la requête est irrecevable et qu'aucun moyen de la requête n'est fondé. Par une décision du 9 novembre 2022, le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Toulouse a accordé à Mme B... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Après avoir entendu le rapport de Mme Beltrami, première conseillère, au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. Mme B..., ressortissante malienne, déclare être entrée en France en avril 2016, à l'âge de 15 ans. Le 3 juin 2019, elle a sollicité la délivrance, auprès des services de la préfecture du Gard, d'un titre de séjour. En l'absence de réponse de la préfète du Gard, une décision implicite de refus de délivrance d'une carte de séjour est née le 3 octobre 2019 de cette demande. À la demande de la préfète, Mme B... a réactualisé sa demande le 25 février 2021. Par arrêté en date du 24 août 2021, la préfète a toutefois expressément refusé de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L.435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a prononcé une mesure d'éloignement. Mme B... relève appel du jugement du tribunal administratif de Nîmes du 25 février 2022 en tant qu'il a rejeté sa demande d'annulation de la décision implicite de rejet du 3 octobre 2019. Sur la recevabilité de la requête : 2. Aux termes de l'article R* 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Le silence gardé par l'administration sur les demandes de titres de séjour vaut décision implicite de rejet ". Aux termes de l'article R. 311-12-1 de ce code, alors en vigueur : " La décision implicite mentionnée à l'article R.* 311-12 naît au terme d'un délai de quatre mois ". Il résulte des dispositions combinées de ces articles que le silence gardé par l'administration au terme d'un délai de quatre mois sur les demandes de titre de séjour vaut décision implicite de rejet. 3. Lorsqu'un requérant conteste, dans les délais de recours, une décision implicite de rejet et une décision expresse de rejet intervenue postérieurement, ses conclusions doivent être regardées comme dirigées uniquement contre la seconde décision, qui s'est substituée à la première. 4. Les conclusions de la demande dirigée contre la décision implicite de rejet née le 3 octobre 2019 du silence gardé par l'administration pendant quatre mois, présentée par Mme B... devant les premiers juges le 19 août 2021, devaient être regardées comme dirigées contre la décision expresse de rejet de la préfète du Gard du 24 août 2021 qui s'y est substituée. Dans ces conditions, Mme B... est dépourvue d'un intérêt à contester par la voie de l'appel la décision implicite de rejet du 3 octobre 2019. Par suite, sa requête doit être rejetée comme étant irrecevable. 5. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande. Dès lors, il y a lieu de rejeter ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles présentées sur le fondement de l'article 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. DÉCIDE: Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée à la préfète du Gard. Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023 à laquelle siégeaient : M. Rey-Bèthbéder, président, M. Bentolila, président-assesseur, Mme Beltrami, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2023. La rapporteure, K. Beltrami Le président, É. Rey-Bèthbéder La greffière, C. Lanoux La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22TL20949 |
CETATEXT000048452349 | J_L_2023_11_00022TL21094 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/23/CETATEXT000048452349.xml | Texte | CAA de TOULOUSE, 3ème chambre, 21/11/2023, 22TL21094, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-21 00:00:00 | CAA de TOULOUSE | 22TL21094 | 3ème chambre | excès de pouvoir | C | M. REY-BÈTHBÉDER | BAUTES GEORGIA | Mme Karine BELTRAMI | Mme PERRIN | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 25 mars 2022 par lequel le préfet de l'Hérault lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour pour une durée de trois ans. Par un jugement n° 2200921 du 29 mars 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 5 mai 2022 et des pièces complémentaires, enregistrées le 17 août 2022, M. C..., représenté par Me Bautes, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nîmes du 29 mars 2022 ; 2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 25 mars 2022 ; 3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt, si besoin sous astreinte ; 4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il soutient que : - en ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français, elle est insuffisamment motivée ; - la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 631-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que la menace grave à l'ordre public n'est pas établie ; cette menace ne peut pas résulter de la seule inscription de son nom dans le fichier des personnes recherchées et dans le fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste ; - elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 423-2 du code de l'entrée et du séjour de l'étranger et du droit d'asile dès lors qu'il apporte la preuve de sa communauté de vie depuis 2019 avec Mme B... ; - elle est entachée d'une erreur de fait s'agissant de sa présence en Syrie en juillet 2012 ; - elle méconnaît les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - en ce qui concerne la décision prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans, elle est insuffisamment motivée ; - elle est dépourvue de base légale ; - elle présente un caractère disproportionné ; - elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur sa situation. Par un mémoire en défense, enregistré le 28 mars 2023, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête. Il fait valoir qu'aucun moyen de la requête n'est fondé. Par une ordonnance du 13 juin 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 13 juillet 2023 à 12 heures. Par une décision du 16 décembre 2022, le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Toulouse a accordé à M. C... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Après avoir entendu le rapport de Mme Beltrami, première conseillère, au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. C..., de nationalité algérienne, né le 29 avril 1990, a fait l'objet d'un arrêté du 25 mars 2022 du préfet de l'Hérault portant obligation de quitter le territoire français, sans délai de départ volontaire, avec interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans et fixant l'Algérie comme pays de destination. Mme C... relève appel du jugement du 29 mars 2022 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté. Sur les conclusions aux fins d'annulation : 2. En premier lieu, il y a lieu d'écarter le moyen tiré du défaut de motivation par adoption de motifs retenus à bon droit par le tribunal. 3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 5° Le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public ; (...) ". 4. En application de l'article 95 de loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés : " Aucune décision de justice impliquant une appréciation sur le comportement d'une personne ne peut avoir pour fondement un traitement automatisé de données à caractère personnel destiné à évaluer certains aspects de la personnalité de cette personne. Aucune autre décision produisant des effets juridiques à l'égard d'une personne ou l'affectant de manière significative ne peut être prise sur le seul fondement d'un traitement automatisé de données destiné à prévoir ou à évaluer certains aspects personnels relatifs à la personne concernée. (...) ". Ainsi, pour établir l'atteinte à l'ordre public qui constitue le motif de l'obligation de quitter le territoire français adoptée en vertu du 5° de l'article L. 611-1 précité, l'administration ne peut se fonder sur les seules données recueillies dans un fichier automatisé. Ces données peuvent toutefois constituer un des éléments de son appréciation. 5. Pour considérer que le comportement de M. C... constituait du point de vue de l'ordre public et de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave, le préfet s'est fondé sur son placement en garde à vue pour des faits de " faux et usage de faux " et sur son inscription au fichier des personnes recherchées au motif de son départ pour la Syrie en juillet 2012 pour combattre dans les rangs d'une organisation terroriste islamiste internationale susceptible de se déplacer en France ou à l'étranger et de son implication dans des actes susceptibles de troubler gravement l'ordre public. 6. Les faits de faux et d'usage de faux pour lesquels M. C... a été placé en garde à vue, n'ont cependant pas été établis par l'enquête de flagrance puisqu'ils ont donné lieu à un classement sans suite pour absence d'infraction. Il ressort d'ailleurs de l'enquête de flagrance que le brigadier de la police aux frontières de Sète a attesté aux enquêteurs de l'authenticité du passeport algérien présenté par le gardé à vue. S'agissant de l'interpellation sur le quai des chantiers à Agde, le 10 décembre 2021, d'un individu ayant remis un passeport italien paraissant être un faux au nom de Ritcini Adam et ayant pris la fuite, la main courante déposée par les agents de police ne permet cependant pas d'attester, avec certitude, que l'identité de cet individu serait celle de M. C.... D'ailleurs, ces faits n'ont donné lieu à aucune poursuite judiciaire. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'appelant ait fait l'objet d'une quelconque condamnation pénale à la date de la décision attaquée. 7. Cependant, le préfet se fonde également sur les motifs contenus dans les fiches de recherche dont M. C... fait l'objet. L'appelant, qui conteste s'être rendu en juillet 2012 en Syrie, produit lui-même une attestation de l'ambassade de Turquie en Algérie indiquant qu'il a bénéficié d'un visa d'entrée en Turquie délivré le 9 juillet 2012 et que son entrée sur le territoire turc a été enregistré le 26 juillet 2012. Ces faits accréditent les informations contenues dans la fiche de renseignement en ce qui concerne son entrée en Syrie en juillet 2012 après avoir transité par la Turquie. Dans les circonstances de l'espèce, l'inscription de l'appelant dans le fichier des personnes recherchées permet de caractériser la gravité et l'actualité de la menace à l'ordre public que faisait encourir le comportement de M. C... à la date de la décision attaquée. Par suite, les moyens tirés de l'erreur de fait et de l'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peuvent qu'être écartés. 8. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision attaquée, le dossier de demande de délivrance d'un titre de séjour n'était pas complet. Dès lors, l'administration ne peut être regardée comme étant, à cette date, saisie d'une demande de certificat de résidence. De plus, les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peuvent pas être invoquées par un ressortissant algérien dont la situation est entièrement régie par les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entachée la décision attaquée au regard des articles L. 423-1 et L. 423-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne peut qu'être écarté. 9. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". 10. À la date de la décision attaquée, M. C..., âgé de 32 ans, résidait irrégulièrement sur le territoire français. En outre, il est constant qu'il a fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement prise par le préfet des Bouches-du-Rhône le 17 janvier 2014. Par ailleurs, s'il a épousé le 4 octobre 2021 une ressortissante française, il ne justifie pas par les pièces qu'il produit de la stabilité et de l'ancienneté de la communauté de vie. De plus, il fait état de l'état de santé de son épouse qui requiert au quotidien un aidant familial pour les activités courantes de la vie. Toutefois, le certificat médical sur lequel repose ce diagnostic est postérieur à la décision attaquée. Quant au certificat médical du 4 novembre 2020, il ne concerne pas l'épouse de l'appelant. Enfin, il ressort des déclarations de l'appelant qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où ses parents y résident. Quant à son intégration en France, l'appelant ne justifie ni de son insertion professionnelle ni de compétences ou de formations en lien avec un projet professionnel. Compte tenu de l'ensemble de ses éléments, et en particulier, du caractère récent de son mariage, le préfet de l'Hérault n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision a été prise et n'a, dès lors, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En ce qui concerne la décision prononçant une interdiction de retour pour une durée de trois ans : 11. En premier lieu, l'appelant n'établissant pas l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, il n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que la décision prononçant une interdiction de retour sur le territoire français serait privée de sa base légale. 12. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L.612-10 de ce code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ". 13. Pour interdire à M. C... de revenir sur le territoire français et fixer à trois ans la durée de cette interdiction, le préfet de l'Hérault s'est fondé sur l'obligation de quitter le territoire français sans délai prise le même jour à l'encontre de l'intéressé. Cette décision précise les éléments de droit sur lesquels elle se fonde en rappelant le contenu des dispositions de l'article L. 612-6 précité, et le fait que l'intéressé, qui déclare être arrivé en France pour la dernière fois le 16 mars 2022, se maintient en situation irrégulière malgré une précédente mesure d'éloignement qu'il n'a pas exécuté, ne justifie pas avoir établi le centre de ses intérêts privés et familiaux en France et que son comportement représente une menace à l'ordre public. Dans ces conditions, la motivation de l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans prononcée à l'encontre de M. C... atteste de la prise en compte par le préfet de l'Hérault de l'ensemble des critères prévus par les dispositions précitées de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée doit être écarté. 15. En dernier lieu, M. C... dont le mariage avec une ressortissante française présentait un caractère récent, ne justifie pas de l'ancienneté et de la stabilité de la communauté de vie avec son épouse. Par ailleurs, il a fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement et, pour les motifs exposés au point 7, son comportement représentait une menace grave et actuelle à l'ordre public. Dans ces conditions, l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans prononcée à l'encontre de l'appelant, n'est pas entachée d'une erreur d'appréciation et ne présente pas un caractère disproportionné. 16. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 25 mars 2022. Dès lors, sa requête doit être rejetée et il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles présentées sur le fondement de l'article 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 1 de la loi du 10 juillet 1991. DÉCIDE: Article 1er : La requête de M. C... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault. Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023 à laquelle siégeaient : M. Rey-Bèthbéder, président, M. Bentolila, président-assesseur, Mme Beltrami, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2023. La rapporteure, K. Beltrami Le président, É. Rey-Bèthbéder La greffière, C. Lanoux La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22TL21094 |
CETATEXT000048452351 | J_L_2023_11_00022TL21124 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/23/CETATEXT000048452351.xml | Texte | CAA de TOULOUSE, 3ème chambre, 21/11/2023, 22TL21124, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-21 00:00:00 | CAA de TOULOUSE | 22TL21124 | 3ème chambre | excès de pouvoir | C | M. REY-BÈTHBÉDER | DUGUET JOSE | Mme Nadia EL GANI-LACLAUTRE | Mme PERRIN | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse, d'une part, d'annuler la mise en demeure tenant lieu de commandement de payer émise le 24 septembre 2018 par la direction régionale des finances publiques d'Occitanie et du département de la Haute-Garonne pour un montant de 16 500 euros, incluant 1 500 euros de majoration, en vue du recouvrement de la contribution spéciale, prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, mise à sa charge pour un montant de 15 000 euros par une décision du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 18 avril 2017 et, d'autre part, de le décharger de l'obligation de payer cette somme. Par un jugement n° 1903647 du 24 mars 2022, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 9 mai et 8 juillet 2022 et le 31 mars 2023, M. A..., représenté par Me Duguet, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 24 mars 2022 du tribunal administratif de Toulouse ; 2°) d'annuler la mise en demeure tenant lieu de commandement de payer émise le 24 septembre 2018 par la direction régionale des finances publiques d'Occitanie et du département de la Haute-Garonne, pour un montant de 16 500 euros, incluant 1 500 euros de majoration, en vue du recouvrement de la contribution spéciale mise à sa charge par une décision du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 18 avril 2017 ; 3°) de le décharger de l'obligation de payer cette somme ; 4°) de mettre à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient, dans le dernier état de ses écritures, que : - la direction régionale des finances publiques d'Occitanie et du département de la Haute-Garonne n'est pas fondée à soutenir qu'il n'a pas contesté le titre exécutoire émis le 12 juin 2017 dans le délai de deux mois suivant sa notification alors qu'il n'a jamais reçu la notification de ce titre tandis que la décision du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 19 avril 2017 ne lui a pas été notifiée ; - conformément aux dispositions de l'article 118 du décret n° 2012-1346 du 7 novembre 2012, il a, avant de saisir le tribunal, contesté la mise en demeure de payer par une lettre du 25 octobre 2018, reçue le 29 octobre suivant, dont la direction régionale des finances publiques d'Occitanie a accusé réception le 14 novembre 2018 ; - dès lors que M. D... C... n'a pas été employé en qualité de salarié mais en qualité de simple stagiaire du 9 au 19 février 2016 et qu'il disposait de la nationalité française, il n'était tenu ni d'effectuer une déclaration préalable à l'embauche ni de respecter la législation relative à l'emploi de travailleurs étrangers, en particulier l'article L. 8253-1 du code du travail, contrairement à ses deux autres salariés de nationalité étrangère qui disposent d'un titre de séjour et d'une autorisation de travail ; - c'est à tort que le tribunal a jugé que la convention de stage de M. C... était constitutive d'un faux et qu'il lui appartenait de solliciter les services préfectoraux en vue de vérifier l'authenticité du document d'identité produit par ce stagiaire alors que ce dernier disposait d'une carte nationale d'identité française et d'une convention de stage dont aucun élément particulier ne permettait de douter de l'authenticité ; - c'est également à tort que le tribunal a exigé qu'il établisse l'inexistence d'une relation salariale avec l'intéressé ; - les infractions pénales qui lui sont reprochées ont été classées sans suite par le procureur de la République le 28 avril 2016 au motif qu'elles sont insuffisamment caractérisées. Par un mémoire en défense, enregistré le 15 juin 2022, le directeur régional des finances publiques d'Occitanie et du département de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête. Il soutient que : - la mise en demeure de payer en litige a été régulièrement notifiée à son destinataire ; - l'administration est fondée à poursuivre le recouvrement des créances dues à l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Par un mémoire en défense, enregistré le 2 mars 2023, l'Office français de l'immigration et de l'intégration, représenté par Me de Froment, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - il n'a pas à apporter la preuve du caractère intentionnel de l'infraction, la méconnaissance des dispositions de l'article L. 8251-1 du code du travail étant constituée du seul fait de l'emploi d'un travailleur étranger démuni d'un titre l'autorisant à exercer une activité salariée sur le territoire français ; - l'employeur ne peut se prévaloir de sa bonne foi qu'à la double condition d'avoir procédé aux vérifications qui lui incombaient et de ne pas avoir été en mesure de déceler la fraude commise par son salarié ; - la bonne foi de l'employeur ne peut être retenue et la matérialité des faits doit être regardée comme établie dès lors que si l'employeur avait fait preuve d'un minimum de vigilance, il aurait décelé que la personne se présentant devant lui n'était pas la même que celle figurant en photographie sur la carte nationale d'identité française qui lui a été remise ; - en vertu du principe d'indépendance des procédures administrative et judiciaire prévu aux articles L. 8253-1 du code du travail et L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la contribution spéciale est due par l'employeur sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'existence d'un classement sans suite étant sans incidence dès lors que la matérialité des faits est établie. Par une ordonnance du 3 mars 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 18 avril 2023, à 12 heures. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le livre des procédures fiscales ; - le code du travail ; - la loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017 ; - le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ; - l'arrêté ministériel du 1er juillet 2013 fixant la liste des personnes morales de droit public relevant des administrations publiques mentionnées au 4° de l'article 1er du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme El Gani-Laclautre ; - les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique ; - et les observations de Me Duguet, représentant M. A.... Considérant ce qui suit : 1. À la suite d'un contrôle de police opéré le 11 février 2016, au sein du salon de coiffure " Look coiffure " à Toulouse (Haute-Garonne), une personne se trouvant dans l'établissement a pris la fuite. Le même jour, la direction départementale de la police aux frontières de la Haute-Garonne a ouvert une enquête préliminaire pour emploi d'un étranger sans titre de travail, travail dissimulé et aide au séjour avant de procéder à l'audition du gérant de ce salon les 15 et 22 février 2016 et à celle de deux autres salariés, le 7 mars suivant. À l'issue de ces investigations, la première vice-procureure près la section économique et financière du tribunal de grande instance de Toulouse a décidé de classer sans suite ce dossier au motif que ces infractions étaient insuffisamment caractérisées. Par une décision du 18 avril 2017, notifiée le 20 avril suivant, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a mis à la charge de M. A..., gérant de ce salon de coiffure, la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, pour un montant de 17 600 euros, ramené à 15 000 euros, pour l'emploi de Nordine alias D... C..., ressortissant étranger dépourvu d'un titre de séjour l'autorisant à travailler en France. Un titre de perception a été émis le 12 juin 2017 par la direction régionale des finances publiques du Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées en vue du recouvrement de la somme de 15 000 euros. Le 24 septembre 2018, la direction régionale des finances publiques d'Occitanie et du département de la Haute-Garonne a adressé une mise en demeure tenant lieu de commandement de payer et appliqué une majoration de 1 500 euros. Par une lettre du 25 octobre 2018, reçue le 29 octobre suivant, dont il a été accusé réception par une lettre du 14 novembre 2018, M. A... a formé une réclamation en demandant le dégrèvement de ces sommes. Cette réclamation a été transmise au ministère de l'intérieur le même jour. M. A... relève appel du jugement du 24 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la mise en demeure tenant lieu de commandement de payer du 24 septembre 2018 et à la décharge de l'obligation de payer la somme de 16 500 euros. Sur le cadre juridique applicable au litige : 2. D'une part, aux termes de l'article L. 252 A du livre des procédures fiscales : " Constituent des titres exécutoires les arrêtés, états, rôles, avis de mise en recouvrement, titres de perception ou de recettes que l'État, les collectivités territoriales ou les établissements publics dotés d'un comptable public délivrent pour le recouvrement des recettes de toute nature qu'ils sont habilités à recevoir ". 3. D'autre part, l'article 117 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, rendu applicable à l'Office français de l'immigration et de l'intégration sur renvoi de l'arrêté du 1er juillet 2013 fixant la liste des personnes morales de droit public relevant des administrations publiques mentionnées au 4° de l'article 1erde ce même décret, dispose, dans sa rédaction alors en vigueur, que : " Les titres de perception émis en application de l'article L. 252 A du livre des procédures fiscales peuvent faire l'objet de la part des redevables : / 1° Soit d'une opposition à l'exécution en cas de contestation de l'existence de la créance, de son montant ou de son exigibilité ; / 2° Soit d'une opposition à poursuites en cas de contestation de la régularité de la forme d'un acte de poursuite. L'opposition à l'exécution et l'opposition à poursuites ont pour effet de suspendre le recouvrement de la créance ". L'article 118 de ce même décret dispose, dans sa rédaction applicable au litige, que : " Avant de saisir la juridiction compétente, le redevable doit adresser une réclamation appuyée de toutes justifications utiles au comptable chargé du recouvrement de l'ordre de recouvrer. / La réclamation doit être déposée, sous peine de nullité : / 1° En cas d'opposition à l'exécution d'un titre de perception, dans les deux mois qui suivent la notification de ce titre ou du premier acte de poursuite qui procède du titre en cause ; / 2° En cas d'opposition à poursuites, dans les deux mois qui suivent la notification de l'acte de poursuite. / L'autorité compétente délivre un reçu de la réclamation, précisant la date de réception de cette réclamation. Elle statue dans un délai de six mois dans le cas prévu au 1° et dans un délai de deux mois dans le cas prévu au 2°. À défaut d'une décision notifiée dans ces délais, la réclamation est considérée comme rejetée ". L'article 113 de ce décret prévoit, dans sa rédaction alors en vigueur, que : " Le recouvrement des ordres de recouvrer relevant de la présente sous-section s'effectue comme en matière d'impôts directs (...) ". 4. Enfin, aux termes de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction résultant de la loi du 28 décembre 2017 de finances rectificative pour 2017, applicable aux instances qui n'ont pas donné lieu à un jugement sur le fond avant le 1er janvier 2019 : " Les contestations relatives au recouvrement des impôts, taxes, redevances, amendes, condamnations pécuniaires et sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables publics doivent être adressées à l'administration dont dépend le comptable qui exerce les poursuites. / Lorsque les contestations portent sur le recouvrement de créances détenues par les établissements publics de l'État, par un de ses groupements d'intérêt public ou par les autorités publiques indépendantes, dotés d'un agent comptable, ces contestations sont adressées à l'ordonnateur de l'établissement public, du groupement d'intérêt public ou de l'autorité publique indépendante pour le compte duquel l'agent comptable a exercé ces poursuites. / Les contestations relatives au recouvrement ne peuvent pas remettre en cause le bien-fondé de la créance. Elles peuvent porter : / 1° Sur la régularité en la forme de l'acte ; / 2° À l'exclusion des amendes et condamnations pécuniaires, sur l'obligation au paiement, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués et sur l'exigibilité de la somme réclamée. / Les recours contre les décisions prises par l'administration sur ces contestations sont portés dans le cas prévu au 1° devant le juge de l'exécution. Dans les cas prévus au 2°, ils sont portés : (...) / b) Pour les créances non fiscales de l'État, des établissements publics de l'État, de ses groupements d'intérêt public et des autorités publiques indépendantes, dotés d'un agent comptable, devant le juge de droit commun selon la nature de la créance (...) ". 5. Il résulte de ces dispositions que l'ensemble du contentieux du recouvrement des créances non fiscales des établissements publics de l'État est de la compétence du juge de l'exécution, le contentieux portant sur l'obligation au paiement, le montant de la dette compte tenu des paiements effectués et sur l'exigibilité de la somme réclamée relevant de la compétence du juge de droit commun compétent pour en connaître sur le fond. 6. Il résulte également de ces dispositions que les contestations relatives à la régularité en la forme des actes de poursuite doivent être portées devant les tribunaux de l'ordre judiciaire. En conséquence, un moyen tenant à la régularité en la forme d'un tel acte ne peut être utilement soulevé à l'appui d'une contestation de l'obligation de payer, portée devant le juge administratif. 7. Il résulte de l'instruction que la mise en demeure tenant lieu de commandement de payer émise le 24 septembre 2018 par la direction régionale des finances publiques d'Occitanie et du département de la Haute-Garonne en vue du recouvrement de la contribution spéciale mise à la charge de M. A... par la décision du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 18 avril 2017 a été précédée de l'émission d'un titre exécutoire le 12 juin 2017, ces deux dernières décisions n'ayant pas fait l'objet d'un recours administratif ni contentieux. Contrairement au titre de perception émis le 12 juin 2017, cette mise en demeure ne constitue pas, ainsi qu'il résulte des dispositions précitées de l'article L. 252 A du livre des procédures fiscales, un titre exécutoire mais un acte de poursuites. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation : 8. À l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la mise en demeure de payer émise à son encontre, M. A... conteste la matérialité des faits qui lui sont reprochés, le classement sans suite de l'enquête préliminaire ouverte à son endroit des chefs d'emploi d'un étranger sans titre de travail, de travail dissimulé et d'aide au séjour. Il se prévaut également de l'absence de fraude de volonté de fraude de sa part, de l'absence de relation salariale et, enfin, de la circonstance que la personne qui se trouvait en action de travail au sein du salon de coiffure dont il est gérant avait la qualité de simple stagiaire disposant de la nationalité française tandis qu'il ne disposait d'aucune raison de douter de la validité de la convention de stage et du document d'identité produits par ce dernier à l'appui de sa demande de stage pas plus qu'il ne disposait des moyens de détecter une éventuelle fraude les affectant. Toutefois, ces moyens, qui ne portent pas sur l'obligation au paiement mais tendent à remettre en cause le bien-fondé de la contribution spéciale dont le recouvrement a été poursuivi par l'acte de recouvrement en litige, doivent être écartés comme inopérants, conformément aux dispositions précitées de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales selon lesquelles les contestations relatives au recouvrement ne peuvent pas remettre en cause le bien-fondé de la créance. En tout état de cause, il ressort des pièces du dossier, notamment des procès-verbaux d'audition des 11 et 15 février 2016, lesquels font foi jusqu'à preuve du contraire, que la convention de stage dont se prévalait M. A..., pour justifier de l'emploi de la personne qui s'est enfuie lors du contrôle en qualité de stagiaire, laquelle se nommait Nordine alors que la photocopie de la carte nationale d'identité produite par ses soins mentionne le nom de M. D... C..., ne constitue pas un document authentique et que l'intéressé ne justifie pas, ainsi que cela lui incombait, avoir procédé aux vérifications d'usage auprès des services préfectoraux pour s'assurer de la validité des documents produits par cette personne et de la régularité de sa situation au regard du droit au séjour et au travail. En conséquence, les faits d'emploi d'un ressortissant étranger dépourvu d'un titre de séjour l'autorisant à travailler en France doivent être regardés comme étant matériellement établis et comme étant de nature à justifier l'application d'une contribution spéciale, la circonstance que la procédure judiciaire a été classée sans suite étant sans incidence sur la légalité de la décision mettant à la charge de M. A... le versement de la contribution spéciale. En ce qui concerne les conclusions à fin de décharge : 9. Les conclusions à fin de décharge présentées pour M. A..., qui portent sur le bien-fondé de la créance en litige, doivent être rejetées pour les mêmes motifs que ceux retenus au point précédent. 10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la mise en demeure de payer qui lui a été adressée le 24 septembre 2018 et la décharge de l'obligation de payer la contribution spéciale mise à sa charge. Sur les frais liés au litige : 11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par M. A... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de M. A... une somme de 1 500 euros à verser à l'Office français de l'immigration et de l'intégration au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. DÉCIDE: Article 1 : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : M. A... versera à l'Office français de l'immigration et de l'intégration une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Occitanie et du département de la Haute-Garonne. Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023, à laquelle siégeaient : M. Rey-Bèthbéder, président, M. Bentolila, président-assesseur, Mme El Gani-Laclautre, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2023. La rapporteure, N. El Gani-LaclautreLe président, É. Rey-Bèthbéder La greffière, C. Lanoux La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22TL21124 |
CETATEXT000048452353 | J_L_2023_11_00022TL21588 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/23/CETATEXT000048452353.xml | Texte | CAA de TOULOUSE, 3ème chambre, 21/11/2023, 22TL21588, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-21 00:00:00 | CAA de TOULOUSE | 22TL21588 | 3ème chambre | C | M. REY-BÈTHBÉDER | DEMOURANT | Mme Nadia EL GANI-LACLAUTRE | Mme PERRIN | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 17 juin 2022 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a refusé un délai de départ volontaire, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an. Par un jugement n° 2203448 du 21 juin 2022, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 15 juillet 2022, M. A..., représenté par Me Demourant, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 21 juin 2022 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse ; 2°) d'annuler l'arrêté du 17 juin 2022 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a refusé un délai de départ volontaire, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an ; 3°) d'enjoindre au préfet des Pyrénées-Orientales de procéder au réexamen de sa situation dès la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou, à défaut, à lui verser directement, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative en cas de rejet de sa demande d'aide juridictionnelle. Il soutient que : - les décisions contenues dans l'arrêté en litige sont entachées d'incompétence de leur auteur ; - elles sont insuffisamment motivées ; - la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise en méconnaissance du droit d'être entendu ; - elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ; - elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle ; - la décision portant refus de délai de départ volontaire est illégale en raison de l'illégalité entachant la décision portant obligation de quitter le territoire français ; - elle est illégale dès lors que le risque de fuite n'est pas établi ; - la décision fixant le pays de renvoi est illégale en raison de l'illégalité entachant la décision portant obligation de quitter le territoire français ; - la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle. La requête a été communiquée au préfet des Pyrénées-Orientales qui n'a pas produit d'observations en dépit de la mise en demeure qui lui a été adressée, par un courrier du 29 juin 2023, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative. Par une décision du 8 mars 2023, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Toulouse a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle présentée par M. A... le 19 juillet 2022. Par une ordonnance du 30 août 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 26 septembre 2023 à 12 heures. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience. Le rapport de Mme El Gani-Laclautre a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., ressortissant togolais, né le 10 novembre 1990, déclare être entré irrégulièrement en France en décembre 2015 où il a séjourné sous couvert d'un titre de séjour temporaire délivré par la préfecture des Alpes-Maritimes valable du 12 décembre 2017 au 11 décembre 2018. Le 16 juin 2022, l'intéressé a été contrôlé par les services de police dans l'enceinte de la gare de Perpignan. À l'issue de son audition dans le cadre d'une procédure de retenue aux fins de vérification du droit au séjour intervenue le même jour, le préfet des Pyrénées-Orientales a, par un arrêté du 17 juin 2022, fait obligation à M. A... de quitter le territoire français, lui a refusé un délai de départ volontaire, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an. Par un arrêté du même jour, cette même autorité a prononcé son placement en rétention. Saisi d'une demande tendant à la prolongation du placement en rétention de l'intéressé prononcé par un arrêté préfectoral du 17 juin 2022, le juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de Toulouse a, par une ordonnance du 19 juin 2022, ordonné la prolongation de cette mesure pour une durée de vingt-huit jours. M. A... relève appel du jugement du 21 juin 2022 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté précité du 17 juin 2022 portant obligation de quitter le territoire français, refus de délai de départ volontaire, fixation du pays de renvoi et interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an. Sur les moyens communs aux décisions en litige : 2. En premier lieu, le moyen tiré de l'incompétence du signataire des décisions contenues dans l'arrêté doit être écarté par adoption des motifs retenus par le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse au point 3 du jugement attaqué. 3. En second lieu, l'arrêté en litige vise les dispositions applicables à la situation de M. A..., notamment les dispositions du 2° de l'article L. 611-1 du code l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que celles du 3° de l'article L. 612-2 et celles des 2°, 4° et 8° de l'article L. 612-3 du même code. En outre, il mentionne l'ensemble des éléments relatifs à la situation administrative et personnelle de l'intéressé en rappelant les conditions de son entrée et de son séjour sur le territoire français. Par ailleurs, il rappelle le principe posé à l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, selon lequel l'obligation de quitter le territoire français est assortie d'une interdiction de retour d'une durée maximale de trois ans dès lors qu'aucun délai de départ volontaire n'est accordé à l'étranger éloigné et mentionne que le requérant ne justifie d'aucune circonstance humanitaire faisant obstacle au prononcé d'une telle mesure. En outre, il mentionne que M. A... se maintient illégalement en France depuis l'expiration de son titre de séjour dont il n'a jamais sollicité le renouvellement contrairement à ses déclarations, qu'il s'est opposé à son retour dans son pays d'origine, qu'il est célibataire et sans charges de famille, qu'il dispose de liens familiaux au Togo où vivent ses parents ainsi que son frère et sa sœur et que ses liens personnels et familiaux en France ne sont pas intenses et stables. Enfin, l'arrêté en litige mentionne la nationalité de M. A... en précisant qu'il n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. L'arrêté en litige, qui contient l'ensemble des considérations de fait et de droit qui constituent le fondement des décisions qu'il comporte est, par suite, suffisamment motivé. Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français : 4. En premier lieu, aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Toute personne a le droit de voir ses affaires réglées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / 2. Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ". Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Il appartient aux États membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause. 5. Il ressort des pièces du dossier que la décision en litige a été édictée à la suite de l'interpellation de M. A..., le 16 juin 2022, dans le cadre d'une procédure de vérification du droit de circulation ou de séjour. Au cours de son audition administrative par les services de la police aux frontières le même jour, l'intéressé a été mis en mesure de présenter des observations au sujet de sa situation administrative, personnelle et médicale et des risques encourus en cas de renvoi dans son pays d'origine tandis qu'il n'établit ni même n'allègue qu'il aurait sollicité en vain un entretien avec les services préfectoraux ou qu'il n'aurait pas été en mesure de présenter à l'administration, à tout moment de la procédure, des observations et éléments de nature à faire obstacle à l'édiction d'une mesure d'éloignement. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier, qu'en dépit de son entrée en France en 2015 et de l'expiration de son titre de séjour le 11 décembre 2018, M. A..., n'établit pas avoir sollicité le renouvellement de son titre de séjour de sorte qu'il ne pouvait ignorer, du fait même de l'absence d'accomplissement de cette démarche qui lui aurait permis de régulariser son droit au séjour, qu'il était susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement assortie, le cas échéant, de décisions portant refus de délai de départ volontaire et interdiction de retour sur le territoire français. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu doit être écarté. 6. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, en particulier de la motivation exhaustive de l'arrêté en litige, que l'autorité préfectorale se serait abstenue de procéder à un examen particulier de la situation de M. A.... 7. En troisième lieu et dernier lieu, il ressort des pièces du dossier et des déclarations de l'intéressé lors de son audition dans le cadre de la procédure de retenue aux fins de vérification de son droit au séjour, d'une part, que M. A... se maintient irrégulièrement en France depuis l'expiration de son titre de séjour le 11 décembre 2018 sans en avoir sollicité le renouvellement et, d'autre part, qu'il dispose de solides attaches au Togo, pays qu'il a quitté à l'âge de 25 ans et où il a résidé la majeure partie de son existence et dans lequel vivent ses parents ainsi que son frère et sa sœur. En outre, l'intéressé ne se prévaut d'aucune circonstance humanitaire particulière de nature à faire obstacle à son éloignement, hormis son souhait de poursuivre ses études en France et ne justifie, à l'exception de la production de certificats de scolarité délivrés par l'université de Nice Sophia-Antipolis, au titre de l'année 2016-2017, et par une école spécialisée dans le " web " et le " digital business ", au titre de l'année 2018-2019, de l'obtention d'aucun diplôme particulier ni insertion socio-professionnelle depuis son entrée en France à la fin de l'année 2015. Par suite, le préfet des Pyrénées-Orientales n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur la situation personnelle de l'intéressé en faisant obligation à M. A... de quitter le territoire français. Sur la décision portant refus de délai de départ volontaire : 8. En premier lieu, l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas établie, ainsi qu'il a été dit aux points 4 à 7, le moyen tiré de ce que la décision refusant à M. A... un délai départ volontaire serait, par voie de conséquence, illégale doit être écarté. 9. En second lieu, aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". L'article L. 612-3 du même code précise que : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) / 2° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; / 3° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ; / 4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ; (...) / 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5 ". 10. Il ressort des pièces du dossier, d'une part, que M. A... s'est maintenu en France de manière irrégulière en dépit de l'expiration de son titre de séjour le 11 décembre 2018 sans en avoir demandé le renouvellement de sorte que sa situation n'entrait pas dans le champ des dispositions du 2° de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, d'une part, que l'intéressé a expressément déclaré lors de son audition par les services de la police aux frontières ne pas vouloir se conformer à son éloignement et, d'autre part, qu'il ne dispose pas de garanties de représentation suffisantes dès lors qu'il n'a pas été en mesure de présenter un titre d'identité ou de voyage en cours de validité, son passeport étant périmé depuis le 1er juillet 2020 et qu'il ne dispose pas d'une domiciliation stable. Dès lors que M. A... ne justifie pas de circonstances humanitaires particulières, l'autorité préfectorale pouvait, pour ces deux derniers motifs, seuls de nature à caractériser un risque de soustraction à son éloignement, refuser de lui accorder un délai de départ volontaire. Par suite, le préfet des Pyrénées-Orientales n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en se fondant sur les dispositions du 4° et du 8° de l'article L. 612-3 du même code pour refuser d'accorder un délai de départ volontaire à M A.... Sur la décision fixant le pays de renvoi : 11. L'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas établie ainsi qu'il a été dit aux points 4 à 7, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays à destination duquel l'appelant est susceptible d'être éloigné serait, par voie de conséquence, illégale doit être écarté. Sur la décision portant interdiction de retour : 12. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". L'article L. 612-10 du même code dispose que : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ". 13. En application de ces dispositions, l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. 14. Si M. A... se prévaut de sa présence en France depuis l'année 2015, soit sept années, des études qu'il a suivies au Togo et en France et de son souhait de poursuivre celles-ci, ces éléments ne permettent toutefois pas de regarder l'intéressé comme justifiant de circonstances humanitaires faisant obstacle au prononcé d'une interdiction de retour alors qu'il ressort des pièces du dossier que l'intéressé, qui se déclare célibataire et sans charges de famille, vit en France de manière précaire et isolée et a, ainsi qu'il a été dit, indiqué ne pas vouloir déférer à son éloignement. Dès lors que M. A... fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et que sa situation ne fait pas apparaître de motifs humanitaires particuliers et alors même que sa présence sur le territoire français ne constituerait pas une menace pour l'ordre public, le préfet des Pyrénées-Orientales n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur la situation personnelle de l'intéressé en édictant une interdiction de retour d'un an à son encontre. 15. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Pyrénées-Orientales du 17 juin 2022. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. DÉCIDE: Article 1 : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Orientales. Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023, à laquelle siégeaient : M. Rey-Bèthbéder, président, M. Bentolila, président-assesseur, Mme El Gani-Laclautre, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2023. La rapporteure, N. El Gani-LaclautreLe président, É. Rey-Bèthbéder La greffière, C. LanouxLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22TL21588 |
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CETATEXT000048452355 | J_L_2023_11_00022TL21700 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/23/CETATEXT000048452355.xml | Texte | CAA de TOULOUSE, 3ème chambre, 21/11/2023, 22TL21700, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-21 00:00:00 | CAA de TOULOUSE | 22TL21700 | 3ème chambre | excès de pouvoir | C | M. REY-BÈTHBÉDER | DERBALI ASSIA | Mme Nadia EL GANI-LACLAUTRE | Mme PERRIN | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 24 décembre 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement n° 2103682 du 29 juin 2022, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et trois productions de pièces, enregistrées les 28 juillet et 12 décembre 2022 et les 11 juillet et 28 août 2023, Mme A..., représentée par Me Derbali, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 29 juin 2022 du tribunal administratif de Toulouse ; 2°) d'annuler l'arrêté du 24 décembre 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ; 3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou toute autre mention dès la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour assortie d'une autorisation de travail. Elle soutient que : - la décision portant refus de titre de séjour est insuffisamment motivée ; - elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ; - elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle ; - la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour. Par un mémoire en défense, enregistré le 18 octobre 2022, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête. Il soutient, en se référant à ses écritures et pièces de première instance, que les moyens soulevés par l'appelante ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 29 juin 2023, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 5 septembre 2023 à 12 heures. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - l'accord du 17 mars 1988 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme El Gani-Laclautre, - et les observations de Me Derbali, représentant Mme A.... Considérant ce qui suit : 1. Mme A..., ressortissante tunisienne née le 7 octobre 1985, est entrée en France le 13 juillet 2018, sous couvert d'un visa de type touristique de quinze jours, valable du 10 juillet au 9 août 2018. Le 25 mai 2020, l'intéressée a sollicité son admission exceptionnelle au séjour au titre de la vie privée et familiale. Mme A... relève appel du jugement du 29 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 décembre 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour : 2. En premier lieu, l'arrêté en litige vise les dispositions applicables à la situation de Mme A..., en particulier, l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988, l'article L. 313-14 et le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur le fondement desquels a été examinée sa demande de titre de séjour et l'article L. 511-1 du même code alors en vigueur. Il mentionne l'ensemble des éléments relatifs à la situation administrative, familiale et personnelle de l'intéressée en rappelant les conditions de son entrée sur le territoire français, les raisons de fait pour lesquelles sa demande d'admission exceptionnelle au séjour doit être rejetée sans que l'autorité préfectorale soit tenue de les détailler. La décision en litige, qui contient l'ensemble des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement des décisions est, dès lors, suffisamment motivée. 3. En deuxième lieu, il ne ressort pas de la motivation de la décision en litige qu'elle n'aurait pas été précédée d'un examen réel et sérieux de la situation personnelle de Mme A.... 4. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-14 du même code, dans sa codification alors en vigueur : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 (...) ". Le 7° de l'article L. 313-11 du même code, dispose, dans sa codification applicable au litige, que : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° À l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". 5. Si l'accord franco-tunisien ne prévoit pas, pour sa part, de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, il y a lieu d'observer que ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un titre de séjour à un ressortissant tunisien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation. 6. Mme A... soutient apporter une assistance à sa sœur, résidant en situation régulière en France, qui a la qualité de travailleur handicapé et qui souffre d'un diabète de type 1, diagnostiqué en 2010, traité par pompe à insuline externe depuis 2014 et d'un pan-hypopipuitarisme consécutif à la nécrose d'un adénome hypophysaire diagnostiqué lors de sa grossesse en 2014, pour lequel elle bénéficie d'un traitement endocrinien. Elle indique, en outre, s'occuper de son neveu, né en 2014, qui présente un trouble du spectre autistique nécessitant une prise en charge spécialisée et dont les parents sont séparés de corps en le conduisant à ses différents rendez-vous médicaux. Elle se prévaut, enfin, de son insertion sociale et de sa parfaite maîtrise de la langue française. Il ressort toutefois des pièces du dossier, en particulier des certificats médicaux des 23 septembre 2019 et 3 février 2020 que la situation médicale de la sœur de Mme A... est désormais stabilisée, les pathologies endocriniennes étant équilibrées par l'observance de ses différents traitements tandis que l'intéressée a été orientée sur le marché de l'emploi par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées. Par ailleurs, s'il est constant que Mme A... réside au domicile de sa sœur, il ne ressort pas des pièces du dossier et n'est pas davantage démontré ni que la sœur de Mme A... et son neveu nécessiteraient une assistance quotidienne dans tous les actes de la vie courante rendant indispensable la présence continue d'une tierce personne ni que cette assistance, à la supposer nécessaire, ne pourrait pas être apportée par le père de l'enfant, qui dispose d'un droit de garde et exerce l'autorité parentale ou, en tout état de cause, en recourant à la solidarité nationale. Enfin, il ressort des pièces du dossier que Mme A... est entrée en France de manière récente, en 2018, et s'est maintenue au-delà de l'expiration de son visa tandis qu'elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales en Tunisie, pays dans lequel elle occupait l'emploi d'administratrice des ventes et où résident ses parents ainsi que son frère. Dès lors, en refusant l'admission exceptionnelle au séjour de Mme A..., le préfet de la Haute-Garonne n'a pas porté au droit de l'appelante au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts poursuivis et n'a, dès lors, ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale ni entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle. En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français : 7. La décision portant refus d'admission exceptionnelle au séjour n'étant pas illégale, ainsi qu'il a été dit aux points 2 à 6, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait, par voie de conséquence, illégale, doit être écarté. 8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 décembre 2020 du préfet de La Haute-Garonne. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction. DÉCIDE: Article 1 : La requête de Mme A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne. Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023, à laquelle siégeaient : M. Rey-Bèthbéder, président, M. Bentolila, président-assesseur, Mme El Gani-Laclautre, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2023. La rapporteure, N. El Gani-LaclautreLe président, É. Rey-Bèthbéder La greffière, C. Lanoux La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22TL21700 |
CETATEXT000048452358 | J_L_2023_11_00022TL21993 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/23/CETATEXT000048452358.xml | Texte | CAA de TOULOUSE, 3ème chambre, 21/11/2023, 22TL21993, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-21 00:00:00 | CAA de TOULOUSE | 22TL21993 | 3ème chambre | excès de pouvoir | C | M. REY-BÈTHBÉDER | SELARL Sylvain LASPALLES | M. Pierre BENTOLILA | Mme PERRIN | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse l'annulation de l'arrêté du 31 décembre 2020, par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. Par un jugement n° 2100702 du 16 décembre 2021, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 19 septembre 2022, M. A..., représenté par Me Laspalles, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 16 décembre 2021 du tribunal administratif de Toulouse ; 2°) d'annuler l'arrêté du 31 décembre 2020, par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement ; 3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " ou la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou à tout le moins, de réexaminer sa situation ; 4°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 2 000 euros toutes taxes comprises à son conseil sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : - la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'un défaut de motivation en droit dès lors qu'elle se borne à se référer à l'article 5 de la convention franco-ivoirienne sans faire état des articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicables à sa situation et notamment de son article L. 313-10 relatif à la demande de titre de séjour en qualité de salarié ; - cette décision est intervenue sur une procédure irrégulière dans la mesure où elle n'a pas été précédée d'une procédure contradictoire, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ; - elle méconnaît le droit à être entendu prévu par les principes généraux du droit communautaire ; - le refus de séjour est entaché d'un défaut d'examen sérieux et personnel de sa situation, le préfet n'ayant pas usé de son pouvoir de régularisation, qu'il peut exercer en toute opportunité ; - le préfet s'est estimé à tort en situation de compétence liée au regard de l'avis du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi ; - le refus de séjour est entaché d'une erreur de droit pour méconnaissance du champ d'application de la loi dès lors qu'il ne se fonde que sur l'article 5 de la convention franco-ivoirienne alors que sa demande relève de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - c'est à tort que les premiers juges ont procédé à une substitution de base légale, en substituant aux stipulations de l'article 5 de la convention franco-ivoirienne sur lesquelles se fondait l'arrêté de refus de séjour, les dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que cette substitution de base légale n'avait pas été demandée par le préfet ; - le refus de séjour est entaché d'une erreur de droit et d'appréciation au regard de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la décision de refus de séjour porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et se trouve entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ; - la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'un défaut de motivation ; - cette décision est entachée d'un vice de procédure, dès lors qu'elle n'a pas été précédée d'une procédure contradictoire, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ; - elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ; - elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour les mêmes raisons que celles exposées concernant le refus de séjour ; -elle porte atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant de sa concubine, au regard de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - elle est entachée d'une erreur manifeste quant à l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ; - la décision fixant à un mois le délai de départ volontaire est entachée d'un défaut de motivation en ce qu'elle n'indique pas les raisons pour lesquelles il ne lui a pas été accordé un délai de départ volontaire supérieur à trente jours ; - cette décision est entachée d'un vice de procédure, dès lors qu'elle n'a pas été précédée d'une procédure contradictoire, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ; - cette décision qui est dépourvue de base légale et entachée d'une erreur de droit faute d'avoir été prise sur le fondement des critères applicables et notamment ceux de la directive " retour " et d'un défaut d'examen particulier de sa situation, le préfet s'étant estimé en situation de compétence liée ; - cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation. Par un mémoire en défense, enregistré le 15 décembre 2022, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête. Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé. Par une décision du 23 septembre 2022, le bureau d'aide juridictionnelle auprès du tribunal judiciaire de Toulouse a admis M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ; - la convention franco-ivoirienne du 21 septembre 1992 relative à la circulation et au séjour des personnes ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de M. Bentolila, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., ressortissant ivoirien, né le 23 décembre 1992, a sollicité le 22 août 2019 le renouvellement de son titre de séjour en qualité d'étudiant puis, le 3 octobre 2019, la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié. Par arrêté du 31 décembre 2020, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer les titres de séjour demandés, lui a fait obligation de quitter le territoire dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure de la mesure d'éloignement. M. A... relève appel du jugement du 16 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne le refus de séjour : 2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / À cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Et aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". 3.Il ressort des termes de l'arrêté de refus de séjour que le préfet de la Haute-Garonne a visé les articles de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de la convention franco-ivoirienne du 21 septembre 1992 et des articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il a entendu faire application. Il mentionne, en outre, les conditions de l'entrée en France, de façon régulière, de l'intéressé, ainsi que les différents titres de séjour obtenus par lui depuis son entrée en France, l'avis défavorable émis le 6 février 2020 par le directeur régional des entreprises de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, sur sa demande de titre de séjour en qualité de salarié, et sa situation familiale caractérisée par sa situation de concubinage en France, et par la présence dans son pays d'origine, à minima, de ses parents. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du refus de séjour doit être écarté. 4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". La décision de refus de séjour ayant été prise à la suite d'une demande présentée par M. A..., ce dernier ne peut utilement se prévaloir, en tout état de cause, des dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration. 5. En troisième lieu, le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Il implique que le préfet, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision défavorable à ses intérêts, mette l'intéressé à même de présenter ses observations, de sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure avant qu'elle n'intervienne. Lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il présente cette demande et à produire tous éléments susceptibles de venir à son soutien. Il lui appartient, lors du dépôt de sa demande, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. En l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier et il n'est d'ailleurs même pas soutenu que le requérant aurait été empêché de porter à la connaissance des services préfectoraux toutes les informations pertinentes susceptibles de venir au soutien de sa demande. Par suite, le droit de l'intéressé d'être entendu a bien été satisfait avant que n'intervienne le refus litigieux. 6. En vertu de l'article 5 de la convention franco-ivoirienne : " Les ressortissants de chacun des États contractants désireux d'exercer sur le territoire de l'autre État une activité professionnelle salariée doivent en outre, pour être admis sur le territoire de cet État, justifier de la possession : / 1. D'un certificat de contrôle médical établi dans les deux mois précédant le départ et visé : - en ce qui concerne l'entrée en France, par le consulat de France compétent, après un examen subi sur le territoire de la Côte d'Ivoire devant un médecin agréé par le consulat, en accord avec les autorités ivoiriennes ; (...) / 2. D'un contrat de travail visé par l'autorité compétente dans les conditions prévues par la législation de l'État d'accueil ". Enfin, aux termes de l'article 10 de cette convention : " Pour tout séjour sur le territoire français devant excéder trois mois, les ressortissants ivoiriens doivent posséder un titre de séjour. / (...) / Ces titres de séjour sont délivrés conformément à la législation de l'État d'accueil ". Aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile aux termes : " Une carte de séjour temporaire, d'une durée maximale d'un an, autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée à l'étranger : / 1° Pour l'exercice d'une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée, dans les conditions prévues à l'article L. 5221-2 du code du travail. Elle porte la mention " salarié ". (...) ". Et l'article R. 5221-20 du code du travail dispose : " Pour accorder ou refuser l'une des autorisations de travail mentionnées à l'article R. 5221-11, le préfet prend en compte les éléments d'appréciation suivants : 1° La situation de l'emploi dans la profession et dans la zone géographique pour lesquelles la demande est formulée, compte tenu des spécificités requises pour le poste de travail considéré, et les recherches déjà accomplies par l'employeur auprès des organismes concourant au service public de l'emploi pour recruter un candidat déjà présent sur le marché du travail ; / 2° L'adéquation entre la qualification, l'expérience, les diplômes ou titres de l'étranger et les caractéristiques de l'emploi auquel il postule. / (...) / 5° Les conditions d'emploi et de rémunération offertes à l'étranger, qui sont comparables à celles des salariés occupant un emploi de même nature dans l'entreprise ou, à défaut, dans la même branche professionnelle/ (...) ". 7. En premier lieu, contrairement à ce que soutient l'appelant, les premiers juges, qui ont invité les parties sur le fondement de l'article R. 611-7 du code de justice administrative à présenter des observations à cet égard, n'ont pas commis d'erreur de droit en substituant aux stipulations de l'article 5 de la convention franco-ivoirienne sur lesquelles se fondait l'arrêté de refus de séjour, qui sont seulement relatives aux conditions d'entrée sur le territoire de l'un des deux États de ceux des ressortissants de l'autre État qui souhaitent y exercer une activité salariée, les dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicables aux ressortissants ivoiriens sollicitant un titre de séjour en qualité de salarié. Dans ces conditions, le moyen d'erreur de droit invoqué par l'appelant tiré de ce que la décision de refus de séjour se fondait à tort sur l'article 5 de la convention franco-ivoirienne, est inopérant et doit être écarté. 8. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutient l'appelant, le préfet, qui n'a pas méconnu son pouvoir de régularisation, ne s'est pas placé en situation de compétence liée pour rejeter sa demande de titre de séjour en qualité de salarié, le préfet s'étant fondé sur le fait que M. A... travaillait sans autorisation de travail depuis le 20 mai 2019 à temps plein en dépassant la quotité horaire prévue par son titre de séjour en qualité d'étudiant et que par ailleurs, s'il avait signé un contrat de professionnalisation, il ne répondait pas à la condition d'âge posée par ce dispositif. 9. En troisième lieu, ainsi que l'ont considéré à bon droit les premiers juges, faute pour M. A... de contester utilement le motif du refus de séjour en qualité de salarié, tenant à la circonstance selon laquelle il ne répondait pas aux conditions d'âge exigées pour la signature du contrat de professionnalisation à raison duquel il a présenté une demande de titre de séjour, il n'est pas fondé à soutenir que la décision de refus de séjour serait entachée d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. 10. En quatrième lieu, en vertu de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". 11. La circonstance invoquée par M. A..., qui ne résidait à la date de la décision attaquée régulièrement en France que depuis trois ans, selon laquelle il vit en concubinage avec une ressortissante guinéenne bénéficiaire de la protection subsidiaire, est insuffisante pour établir que la décision de refus de séjour porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au sens des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, que la vie commune n'est établie que depuis le mois de novembre 2019, soit depuis un an à la date de l'arrêté attaqué, et que le pacte civil de solidarité est antérieur de seulement deux mois à cet arrêté, alors que, par ailleurs, il ne justifie pas ainsi qu'il l'allègue, être impliqué dans l'entretien et dans l'éducation de la fille de sa concubine. 12. En cinquième et dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux indiqués au point précédent, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision de refus de séjour est entachée d'une erreur manifeste quant à l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle. En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire : 13. En premier lieu, l'obligation de quitter le territoire français est une mesure de police qui doit, comme telle, être motivée en application des règles de forme édictées, pour l'ensemble des décisions administratives, par l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Toutefois, la motivation de cette mesure se confond avec celle du refus de séjour dont elle découle nécessairement et n'implique pas, par conséquent, dès lors que ce refus est lui-même motivé et que les dispositions législatives qui permettent d'assortir le refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire français ont été rappelées, de mention spécifique pour respecter les exigences de l'article L. 211-2. En l'espèce, ainsi qu'il est dit au point 3 du présent arrêt, l'arrêté préfectoral est motivé en ce qui concerne le refus de séjour. L'obligation de quitter le territoire français qui vise, notamment, le 3° du I de l'article L. 511-1-I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est donc suffisamment motivée. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'obligation de quitter le territoire doit donc être écarté. 14. En deuxième lieu, il ressort des dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vigueur à la date de la décision attaquée que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédures administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français. Dès lors, les dispositions du code des relations entre le public et l'administration, notamment celles des articles L. 121-1 et L. 122-1, qui fixent les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées, ne sauraient être utilement invoquées à l'encontre d'une décision portant obligation de quitter le territoire français et d'une décision fixant le délai de départ volontaire. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions du code des relations entre le public et l'administration, relative à la procédure contradictoire préalable, doit donc être écarté. 15. En troisième lieu, dans l'hypothèse où, comme en l'espèce, la décision portant obligation de quitter le territoire français est prise concomitamment à un refus de titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement de cette décision de refus. Le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'autorité administrative ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu avant que n'intervienne la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour. Par suite et compte tenu de ce qui a été exposé au sujet de la décision de refus de séjour, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu doit être écarté. 16. En quatrième lieu, en l'absence d'illégalité de la décision de refus de titre de séjour, M. A... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette décision à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français. 17. En cinquième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au sujet de la décision de refus de séjour, M. A... n'est pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 18. En sixième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants. En l'espèce, faute, ainsi qu'il est dit au point 11 du présent arrêt, pour l'appelant de justifier qu'il serait impliqué dans l'entretien et dans l'éducation de la fille de sa concubine, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Haute-Garonne aurait méconnu les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. 19. En septième et dernier lieu, pour les mêmes raisons que celles exposées au sujet de la décision de refus de séjour, l'obligation de quitter le territoire n'est pas entachée d'une erreur manifeste quant à l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle. En ce qui concerne la décision fixant à un mois le délai de départ volontaire : 20. En premier lieu, aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa codification applicable au litige : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. / Le délai de départ volontaire accordé à l'étranger peut faire l'objet d'une prolongation par l'autorité administrative pour une durée appropriée s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. L'étranger est informé par écrit de cette prolongation. (...) ". 21. L'arrêté en litige vise les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et indique, dans son article 3, que le délai d'un mois qui est accordé est susceptible de faire l'objet d'une prolongation pour " tenir compte de circonstances propres à l'intéressé ". Si, tout d'abord, M. A... soutient que cette décision est entachée d'une insuffisance de motivation en droit faute pour le préfet d'avoir examiné sa situation au regard des éléments afférents à sa situation personnelle qu'il devait prendre en compte au regard de la directive " retour ", il ne saurait utilement se prévaloir de la directive du 16 décembre 2008 sans contester sa correcte transposition en droit français. Par ailleurs, dans les circonstances de l'espèce, faute pour M. A... d'avoir sollicité l'octroi d'un délai de départ volontaire supérieur à un mois ou d'avoir fait valoir des éléments particuliers, qui auraient justifié l'octroi à son profit d'un délai de départ volontaire supérieur à un mois, cette décision doit être regardée comme se trouvant suffisamment motivée. 22. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 14 du présent arrêt, M. A... ne peut utilement soutenir que la décision lui accordant un délai de départ volontaire d'un mois pour exécuter volontairement l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre méconnaît les dispositions du code des relations entre le public et l'administration relatives à la procédure contradictoire préalable. 23. En troisième lieu, compte tenu du rejet des conclusions tendant à l'annulation du refus de séjour et de l'obligation de quitter le territoire, le moyen invoqué par voie d'exception d'illégalité de ces deux décisions, à l'encontre de la décision de fixation du délai de départ volontaire doit être écarté. 24. En quatrième lieu, alors que le préfet de la Haute-Garonne a accordé à M. A... le délai de départ volontaire de trente jours prévu par les dispositions du II. de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur, il ne ressort ni des termes de la décision en litige, ni d'aucune des pièces du dossier que l'autorité administrative, alors que M. A... n'établit ni même n'allègue avoir présenté une demande au préfet tendant à ce que lui soit accordé un délai de départ volontaire supérieur à trente jours, aurait commis une erreur de droit notamment au regard de la directive du 16 décembre 2008 en ne lui accordant pas un délai de départ volontaire supérieur à un mois et méconnu l'étendue de sa compétence en s'estimant tenue de fixer un tel délai et aurait entaché sa décision d'un défaut d'examen préalable de la situation de l'intéressée. 25. En cinquième et dernier lieu, pour les mêmes raisons que celles exposées au sujet de la décision portant obligation de quitter le territoire français, la décision qui accorde un délai de départ volontaire de trente jours à M. A... n'est pas entachée d'une erreur manifeste quant à l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle 26. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Laspalles et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023, à laquelle siégeaient : M. Rey-Bèthbéder, président, M. Bentolila, président-assesseur, Mme El Gani-Laclautre, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2023. Le rapporteur, P. Bentolila Le président, É. Rey-Bèthbéder La greffière, C. Lanoux La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 22TL21993 2 |
CETATEXT000048452360 | J_L_2023_11_00022TL22049 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/23/CETATEXT000048452360.xml | Texte | CAA de TOULOUSE, 3ème chambre, 21/11/2023, 22TL22049, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-21 00:00:00 | CAA de TOULOUSE | 22TL22049 | 3ème chambre | excès de pouvoir | C | M. REY-BÈTHBÉDER | SELARL Sylvain LASPALLES | M. Pierre BENTOLILA | Mme PERRIN | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse l'annulation de l'arrêté du 23 novembre 2020, par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. Par un jugement n° 2100701 du 7 janvier 2022, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 29 septembre 2022, Mme A..., représentée par Me Laspalles, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 7 janvier 2022 du tribunal administratif de Toulouse ; 2°) d'annuler l'arrêté du 23 novembre 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement ; 3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " étudiant " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou à tout le moins, de réexaminer sa situation ; 4°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 2 000 euros à son conseil sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Elle soutient que : - la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'un défaut de motivation ; - cette décision est intervenue sur une procédure irrégulière dès lors qu'elle n'a pas été précédée d'une procédure contradictoire, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ; - son droit à être entendu, garanti par les principes généraux du droit communautaire, a été méconnu ; - le refus de séjour est entaché d'un défaut d'examen sérieux et personnel de sa situation, le préfet n'ayant pas usé de son pouvoir de régularisation, qu'il peut exercer en toute opportunité ; - le préfet s'est estimé à tort en situation de compétence liée au regard du fait qu'elle ne disposait pas d'un visa de long séjour ; - le refus de séjour est entaché d'une erreur d'appréciation quant à la question de la réalité et du sérieux de ses études ; - le refus de séjour est entaché d'une erreur manifeste quant à l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'un défaut de motivation ; - cette décision est entachée d'un vice de procédure, dès lors qu'elle n'a pas été précédée d'une procédure contradictoire, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ; elle méconnait également le droit à être entendu prévu par les principes généraux du droit communautaire. - elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ; - elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour les mêmes raisons que celles exposées concernant le refus de séjour ; - elle est entachée d'une erreur manifeste quant à l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ; - la décision fixant à un mois le délai de départ volontaire est entachée d'un défaut de motivation en ce qu'elle n'indique pas, au regard notamment de la directive " retour ", les raisons pour lesquelles il ne lui a pas été accordé un délai de départ volontaire supérieur à 30 jours ; - cette décision est entachée d'un vice de procédure, dès lors qu'elle n'a pas été précédée d'une procédure contradictoire, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ; -cette décision est dépourvue de base légale et entachée d'une erreur de droit faute pour le préfet d'avoir examiné sa situation au regard de l'ensemble des critères applicables et notamment de ceux de la directive " retour " ; - cette décision est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation, le préfet s'étant estimé en situation de compétence liée ; - cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; - la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement est entachée d'un défaut de motivation quant à l'existence des risques encourus dans le pays d'origine. Par un mémoire en défense, enregistré le 27 janvier 2023, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête. Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé. Par une décision du 16 décembre 2022, le bureau d'aide juridictionnelle auprès du tribunal judiciaire de Toulouse a admis Mme A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; - la directive 2008/115/UE du 16 décembre 2008 ; - la convention franco-ivoirienne relative à la circulation et au séjour des personnes, signée à Abidjan le 21 septembre 1992 ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de M. Bentolila, président-assesseur a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. Mme A..., ressortissante ivoirienne, née le 9 mai 1994, est entrée en France le 3 octobre 2015 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de long séjour " étudiant " valant titre de séjour valable du 1er octobre 2015 au 1er octobre 2016. Elle a bénéficié d'une carte de séjour temporaire d'un an portant la mention " étudiant " régulièrement renouvelée jusqu'au 1er octobre 2019. Le 26 septembre 2019, elle a sollicité le renouvellement de son titre de séjour " étudiant ". Il n'a pas été donné suite à cette demande en raison de son caractère incomplet. Le 3 novembre 2020, elle a de nouveau sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étudiante. Par un arrêté du 23 novembre 2020, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui attribuer le titre demandé, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement. Mme A... relève appel du jugement du 7 janvier 2022 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne le refus de séjour : 2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / À cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Et aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". 3. Il ressort des termes de l'arrêté attaqué que le préfet de la Haute-Garonne a visé les articles, et notamment son article 9, de la convention franco-ivoirienne du 21 septembre 1992 et les articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il a entendu faire application. Il mentionne en outre les conditions de l'entrée en France de façon régulière, de l'intéressée, rappelle les différents titres de séjour obtenus par elle en qualité d'étudiante, ainsi que les éléments afférents à son cursus universitaire à raison desquels le préfet a estimé que la condition tenant au caractère réel et sérieux des études suivies par Mme A... n'était pas justifiée. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision de refus de séjour doit être écarté. 4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". La décision de refus de séjour ayant été prise à la suite d'une demande présentée par Mme A..., cette dernière ne peut, en tout état de cause, utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration. 5. Le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Il implique que le préfet, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision défavorable à ses intérêts, mette l'intéressé à même de présenter ses observations, de sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure avant qu'elle n'intervienne. Lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il présente cette demande et à produire tous éléments susceptibles de venir à son soutien. Il lui appartient, lors du dépôt de sa demande, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. En l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier et il n'est d'ailleurs même pas soutenu que l'appelante aurait été empêchée de porter à la connaissance des services préfectoraux toutes les informations pertinentes susceptibles de venir au soutien de sa demande. Par suite, le droit de l'intéressée d'être entendu a bien été satisfait avant que n'intervienne le refus litigieux. 6. En troisième lieu, les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives aux différents titres de séjour qui peuvent être délivrés aux étrangers en général et aux conditions de leur délivrance s'appliquent, ainsi que le rappelle l'article L. 111-2 du même code applicable au litige, " sous réserve des conventions internationales ". Aux termes de l'article 9 de la convention franco-ivoirienne du 21 septembre 1992 relative à la circulation et au séjour des personnes : " Les ressortissants de chacun des États contractants désireux de poursuivre des études supérieures ou d'effectuer un stage de formation de niveau supérieur sur le territoire de l'autre État doivent, outre le visa de long séjour prévu à l'article 4, justifier d'une attestation d'inscription ou de préinscription dans l'établissement d'enseignement choisi, ou d'une attestation d'accueil de l'établissement où s'effectue le stage, ainsi que, dans tous les cas, de moyens d'existence suffisants. Les intéressés reçoivent un titre de séjour temporaire portant la mention " étudiant ". Ce titre de séjour est renouvelé annuellement sur justification de la poursuite effective des études ou du stage et de la possession de moyens d'existence suffisants. Ces dispositions ne font pas obstacle à la possibilité d'effectuer dans l'autre État d'autres types d'études ou de stages de formation dans les conditions prévues par la législation applicable ". Aux termes de l'article 14 de la même convention : " Les points non traités par la convention en matière d'entrée et de séjour des étrangers sont régis par les législations respectives des deux États ". 7. Il ressort des stipulations précitées de l'article 14 de la convention franco-ivoirienne que l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas applicable aux ressortissants ivoiriens désireux de poursuivre leurs études en France, dès lors que leur situation est entièrement régie par l'article 9 de cet accord. 8. Pour l'application des stipulations de l'article 9 de la convention franco-ivoirienne du 21 septembre 1992, il appartient à l'autorité administrative, saisie d'une demande de renouvellement d'un titre de séjour présentée en qualité d'étudiant, d'apprécier, sous le contrôle du juge, la réalité et le sérieux des études poursuivies en tenant compte de l'assiduité, de la progression et de la cohérence du cursus suivi. 9. À cet égard, il ressort des pièces du dossier qu'ainsi que l'ont relevé les premiers juges, Mme A... s'est inscrite, au cours des années universitaires 2015-2016 à 2018-2019, en master I " droit notarial immobilier et du patrimoine ", à l'université Jean-François Champollion d'Albi et les trois années suivantes à l'université Toulouse 1 Capitole, sans réussir à valider une première année de master et qu'elle s'est prévalue à l'appui de sa demande de titre de séjour, à une date à laquelle elle était au demeurant en situation irrégulière et donc soumise, ainsi que lui oppose le préfet par la décision attaquée, à la présentation d'un visa de long séjour, d'une cinquième inscription dans un établissement d'enseignement supérieur, en première année de master " manager de l'assurance. Si, comme en première instance, Mme A... attribue la cause de ses échecs à des problèmes de santé, elle ne produit à cet égard qu'un certificat médical diagnostiquant le 25 janvier 2016, une maladie tuberculeuse, mais sans pour autant alléguer ni à fortiori justifier de l'importance du caractère invalidant de cette affection, alors qu'elle produit un grand nombre de fiches de paie et d'attestations d'emploi sur la période au cours de laquelle elle était autorisée à travailler en qualité d'étudiante, dont certaines remontent à l'année 2016 . Si par ailleurs, elle fait état de difficultés financières qui auraient notamment pour cause, le chantage dont elle aurait été victime de la part d'un proche, elle ne justifie ni des difficultés financières ni du chantage allégués. L'appelante se prévaut par ailleurs des résultats qu'elle a obtenus au titre de l'année universitaire 2021-2022, mais un tel moyen est inopérant dès lors que ces résultats ont été obtenus postérieurement à la décision attaquée. 10. Par ailleurs, à supposer que l'appelante ait entendu invoquer, au regard de la question de la réalité et du sérieux de ses études, la circulaire du 7 octobre 2008 du ministre de l'intérieur, elle ne peut utilement se prévaloir des orientations générales contenues dans cette circulaire, qui est dépourvue de valeur réglementaire. 11. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à soutenir qu'en l'absence de progression notable de nature à démontrer le caractère réel et sérieux de ses études, le préfet de la Haute-Garonne aurait entaché sa décision d'une erreur d'appréciation, en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étudiante. 12. En quatrième lieu, en vertu de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". 13. En l'espèce, ainsi que l'ont considéré à bon droit les premiers juges, le préfet de la Haute-Garonne s'étant exclusivement fondé, pour rejeter la demande de renouvellement du titre de séjour de Mme A..., sur l'absence de caractère réel et sérieux de ses études, et ne lui ayant opposé l'absence d'atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressée qu'à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire, le moyen tiré de la violation de ces stipulations est inopérant à l'encontre de la décision de refus de titre de séjour. 14. En cinquième et dernier lieu, contrairement à ce que soutient l'appelante, le refus de séjour n'est pas entaché d'une erreur manifeste quant à l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle, compte tenu de sa qualité, à la date de la décision attaquée de célibataire sans enfant et du fait qu'elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales en Côte d'Ivoire . En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire : 15. En premier lieu, l'obligation de quitter le territoire français est une mesure de police qui doit, comme telle, être motivée en application des règles de forme édictées, pour l'ensemble des décisions administratives, par l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Toutefois, la motivation de cette mesure se confond avec celle du refus de séjour dont elle découle nécessairement et n'implique pas, par conséquent, dès lors que ce refus est lui-même motivé et que les dispositions législatives qui permettent d'assortir le refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire français ont été rappelées, de mention spécifique pour respecter les exigences de l'article L. 211-2. En l'espèce, ainsi qu'il est dit au point 3 du présent arrêt, l'arrêté préfectoral est motivé en ce qui concerne le refus de séjour. L'obligation de quitter le territoire français qui vise, notamment, le 3°du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est donc suffisamment motivée. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'obligation de quitter le territoire doit donc être écarté. 16. En deuxième lieu, il ressort des dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vigueur à la date de la décision attaquée que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédures administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français. Dès lors, les dispositions du code des relations entre le public et l'administration, notamment celles des articles L. 121-1 et L. 122-1, qui fixent les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées, ne sauraient être utilement invoquées à l'encontre d'une décision portant obligation de quitter le territoire français et d'une décision fixant le délai de départ volontaire. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions du code des relations entre le public et l'administration, relative à la procédure contradictoire préalable, doit donc être écarté. 17. En troisième lieu, dans l'hypothèse où, comme en l'espèce, la décision portant obligation de quitter le territoire français est prise concomitamment à un refus de titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement de cette décision de refus. Le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'autorité administrative ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu avant que n'intervienne la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour. Par suite et compte tenu de ce qui a été exposé au point 5 du présent arrêt, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu doit être écarté. 18. En quatrième lieu, dès lors que par le présent arrêt, les conclusions en annulation du refus de séjour sont rejetées, le moyen invoqué à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire, par voie d'exception d'illégalité du refus de séjour, doit être écarté. 19. En cinquième lieu, compte tenu de la qualité de célibataire sans enfant de Mme A... à la date de la décision attaquée, et du fait qu'elle ne justifie pas, ainsi qu'il a été dit précédemment, de l'absence d'attaches familiales dans son pays d'origine, l'obligation de quitter le territoire ne peut être regardée comme ayant porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressé .Pour les mêmes raisons, cette décision n'est pas entachée d'une erreur manifeste quant à l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle. En ce qui concerne la décision fixant à un mois le délai de départ volontaire : 20. En premier lieu et aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa codification applicable au litige : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. / Le délai de départ volontaire accordé à l'étranger peut faire l'objet d'une prolongation par l'autorité administrative pour une durée appropriée s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. L'étranger est informé par écrit de cette prolongation. (...) ". 21. L'arrêté en litige vise les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et indique dans son article 3, que le délai d'un mois qui est accordé est susceptible de faire l'objet d'une prolongation pour " tenir compte de circonstances propres à l'intéressé ". Si Mme A... soutient que cette décision est entachée d'une insuffisance de motivation en droit faute pour le préfet d'avoir examiné sa situation au regard des éléments afférents à sa situation personnelle qu'il devait prendre en compte au regard de la directive " retour ", elle ne saurait utilement se prévaloir de la directive du 16 décembre 2008 sans contester sa correcte transposition en droit français. En outre, faute pour Mme A... d'avoir sollicité l'octroi d'un délai de départ volontaire supérieur à un mois ou d'avoir fait valoir des éléments particuliers qui auraient justifié l'octroi à son profit d'un délai de départ volontaire supérieur à un mois, cette décision doit être regardée comme se trouvant suffisamment motivée. 22. Pour les mêmes motifs que ceux exposés précédemment, Mme A... ne peut utilement soutenir que la décision lui accordant un délai de départ volontaire d'un mois pour exécuter volontairement l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre méconnaît les dispositions du code des relations entre le public et l'administration relatives à la procédure contradictoire préalable. 23. En deuxième lieu, compte tenu du rejet des conclusions tendant à l'annulation du refus de séjour et de l'obligation de quitter le territoire, le moyen invoqué par voie d'exception d'illégalité de ces deux décisions à l'encontre de la décision de fixation du délai de départ volontaire doit être écarté. 24. En troisième lieu, alors que le préfet de la Haute-Garonne a accordé à Mme A... le délai de départ volontaire de trente jours prévu par les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur, il ne ressort ni des termes de la décision en litige, ni d'aucune des pièces du dossier que l'autorité administrative, alors que Mme A... n'établit ni même n'allègue avoir présenté une demande au préfet tendant à ce que lui soit accordé un délai de départ volontaire supérieur à trente jours, aurait commis une erreur de droit, notamment au regard de la directive du 16 décembre 2008, en ne lui accordant pas un délai de départ volontaire supérieur à un mois et méconnu l'étendue de sa compétence en s'estimant tenue de fixer un tel délai, et aurait entaché sa décision d'un défaut d'examen préalable de la situation de l'intéressée. 25. En quatrième et dernier lieu, pour les mêmes raisons que celles exposées précédemment au sujet de la décision portant obligation de quitter le territoire français, la décision qui accorde un délai de départ volontaire de trente jours à Mme A... n'est pas entachée d'une erreur manifeste quant à l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle. En ce qui concerne la décision de fixation du pays de destination de la mesure d'éloignement : 26. La décision fixant le pays de destination, contrairement à ce que soutient Mme A..., est suffisamment motivée, ainsi que l'ont estimé les premiers juges. 27. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. DÉCIDE : Article 1 : La requête de Mme A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., à Me Laspalles et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne ; Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023, à laquelle siégeaient : M. Rey-Bèthbéder, président, M. Bentolila, président-assesseur, Mme El Gani-Laclautre, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2023. Le rapporteur, P. Bentolila Le président, É. Rey-Bèthbéder La greffière, C. Lanoux La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 22TL22049 2 |
CETATEXT000048452362 | J_L_2023_11_00022TL22166 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/23/CETATEXT000048452362.xml | Texte | CAA de TOULOUSE, 3ème chambre, 21/11/2023, 22TL22166, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-21 00:00:00 | CAA de TOULOUSE | 22TL22166 | 3ème chambre | excès de pouvoir | C | M. REY-BÈTHBÉDER | ROSE | M. Pierre BENTOLILA | Mme PERRIN | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier l'annulation de l'arrêté du 11 octobre 2021 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. Par un jugement n° 2105436 du 30 décembre 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de Mme B.... Procédure devant la cour : I. Par une requête, enregistrée le 31 octobre 2022 sous le n° 22TL22166, et un mémoire en réplique du 11 octobre 2023, ce dernier n'ayant pas été communiqué, Mme B..., représentée par Me Rosé, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 30 décembre 2021 du tribunal administratif de Montpellier ; 2°) d'annuler l'arrêté du 11 octobre 2021 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement ; 3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié " dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à venir, et au besoin, sous astreinte et dans l'attente d'enjoindre au préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ; 4°) de mettre à la charge de l'État, une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991. Elle soutient que : - le refus de renouvellement de son titre de séjour en qualité de conjoint de Français, est entaché d'un vice de procédure, faute pour le préfet d'avoir consulté la commission du titre de séjour contrairement à ce qu'impose l'article L. 423-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et ainsi qu'il est précisé par la circulaire du 7 mai 2003 du ministre de l'Intérieur qui préconise la saisine de la commission dans le cas d'un étranger victime de violences conjugales ; - les premiers juges ont entaché leur jugement d'une erreur de droit, dès lors que les dispositions des articles L. 423-1 et L. 423-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne requièrent pas, pour démontrer la réalité de violences conjugales, ni que l'auteur de ces violences ait été condamné par une juridiction pénale, ni qu'un divorce ait été prononcé aux torts de l'époux violent ; l'appréciation du préfet quant à la question de la réalité des violences conjugales doit s'opérer sur la base d'un faisceau d'indices ; - les premiers juges ont commis une erreur de droit en procédant à une substitution de base légale, en substituant aux dispositions de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile les stipulations des articles 3 et 9 de l'accord franco-marocain ; - les dispositions de l'article R. 5221-20 du code du travail selon lesquelles la rémunération mensuelle proposée à l'étranger doit être au moins égale au montant mensuel du salaire minimum de croissance ne peuvent en l'espèce être regardées comme ayant été méconnues dès lors que ces dispositions ne permettent pas d'exiger que l'étranger qui sollicite une autorisation de travail exerce son activité à temps complet et qu'en l'espèce, son salaire est bien calculé sur la base du salaire minimum de croissance ; - le refus de séjour méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que le préfet lui avait précédemment délivré un titre de séjour ; - le refus de séjour est entaché d'une erreur de droit au regard des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-marocain dès lors qu'elles excluent l'application des dispositions de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle remplit les conditions de cet accord, dans la mesure où elle a présenté un contrat de travail pour lequel elle bénéficiait d'une autorisation de travail, et effectué le contrôle médical ; le préfet ne pouvait rejeter sa demande de titre de séjour en qualité de salarié sans saisir le directeur régional du travail ; - l'obligation de quitter le territoire français est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ; cette décision est entachée d'une erreur manifeste quant à l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle compte tenu de l'absence de prise en compte des violences conjugales subies, du fait qu'elle travaille en France, et du fait qu'elle a fixé le centre de ses intérêts privés et familiaux en France ; - la décision de fixation du pays de destination de la mesure d'éloignement est entachée d'illégalité par voie d'exception d'illégalité du refus de séjour et de l'obligation de quitter le territoire. Par un mémoire en défense, enregistré le 17 août 2023, et un mémoire complémentaire du 26 octobre 2023, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête de Mme B.... Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé. II. Par une requête, enregistrée le 31 octobre 2022, sous le n° 22TL22167, Mme B... demande à la cour : - de surseoir à l'exécution du jugement du jugement du 30 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 octobre 2021 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement ; - d'enjoindre au préfet de l'Hérault, dans l'attente de l'arrêt au fond, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour valant autorisation de travail ; - de mettre à la charge de l'État, une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991. Elle soutient que les conditions d'octroi du sursis à exécution de ce jugement sont remplies dès lors qu'elle justifie dans sa requête au fond, de moyens sérieux d'annulation du jugement et à l'appui de ses conclusions en annulation de l'arrêté du 11 octobre 2021 du préfet de l'Hérault, et que l'exécution du jugement aurait des conséquences difficilement réparables à son égard. Par une décision du 9 novembre 2022, le bureau d'aide juridictionnelle auprès du tribunal judiciaire de Toulouse a accordé à Mme B... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale pour les requêtes n°s 22TL22166 et n°22TL22167 Vu les autres pièces de ces deux dossiers. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code du travail ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de M. Bentolila, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. Mme B..., de nationalité marocaine, née le 3 juillet 1992, s'est mariée le 3 février 2017 au Maroc avec un ressortissant français. Elle est entrée en France le 23 septembre 2017 munie d'un passeport revêtu d'un visa de long séjour valant titre de séjour portant la mention " conjoint de Français " valable du 11 septembre 2017 au 11 septembre 2018. Elle a obtenu, le 4 décembre 2018, le renouvellement de ce titre de séjour pour la période du 12 septembre 2018 au 11 septembre 2020. Le 29 septembre 2020, elle a sollicité le renouvellement de son titre de séjour en qualité de conjoint de Français et a demandé par ailleurs un titre de séjour en qualité de salariée. Par un arrêté du 11 octobre 2021, le préfet de l'Hérault a refusé de renouveler le titre de séjour sollicité, tant en qualité de conjoint de Français qu'en qualité de salariée, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois, et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. 2. Par un jugement du 30 décembre 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté les demandes de Mme B.... 3. Par les présentes requêtes, Mme B... relève appel de ce jugement du 30 décembre 2021 et en demande le sursis à exécution. 4. Les requêtes précitées concernent la situation de Mme B.... Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne le refus de renouvellement du titre de séjour en qualité de conjoint de Français : 5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger marié avec un ressortissant français, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an lorsque les conditions suivantes sont réunies : 1° La communauté de vie n'a pas cessé depuis le mariage ; 2° Le conjoint a conservé la nationalité française ; 3° Lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, il a été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français. ". Selon l'article L. 423-3 du même code : " Lorsque la rupture du lien conjugal ou la rupture de la vie commune est constatée au cours de la durée de validité de la carte de séjour prévue aux articles L. 423-1 ou L. 423-2, cette dernière peut être retirée. Le renouvellement de la carte est subordonné au maintien du lien conjugal et de la communauté de vie avec le conjoint qui doit avoir conservé la nationalité française ". Et aux termes de l'article L. 423-5 de ce code : " La rupture de la vie commune n'est pas opposable lorsqu'elle est imputable à des violences familiales ou conjugales. En cas de rupture de la vie commune imputable à des violences familiales ou conjugales subies après l'arrivée en France du conjoint étranger, mais avant la première délivrance de la carte de séjour temporaire, le conjoint étranger se voit délivrer la carte de séjour prévue à l'article L. 423-1 sous réserve que les autres conditions de cet article soient remplies ". 6. Les dispositions précitées ont créé un droit particulier au séjour au profit des personnes victimes de violences conjugales ayant conduit à la rupture de la vie commune avec leur conjoint de nationalité française. Dans ce cas, le renouvellement du titre de séjour n'est pas conditionné au maintien de la vie commune. Il appartient à l'autorité administrative, saisie d'une telle demande, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, l'existence de violences conjugales ayant conduit à la rupture de la vie commune du demandeur avec son conjoint de nationalité française. 7. Contrairement à ce que fait valoir l'appelante, le préfet n'a fondé son refus de séjour ni sur la circonstance selon laquelle son mari n'a pas fait l'objet d'une condamnation pénale pour violences conjugales ni sur le fait que le tribunal judiciaire de Montpellier par son jugement du 28 janvier 2021 a prononcé le divorce aux torts partagés, mais sur le fait que Mme B... s'était mariée uniquement pour obtenir un titre de séjour en France. Dans ces conditions, et dès lors que Mme B... ne conteste pas le motif de cette décision, elle n'est pas fondée, en dépit de la reconnaissance par le préfet, dans la décision de refus de séjour, de l'existence de violences conjugales, à soutenir que le refus de séjour serait entaché d'une erreur de fait, de droit ou d'appréciation au regard des dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. 8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : / 1° Lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer ou de renouveler la carte de séjour temporaire prévue aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-13, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21, L. 423-22, L. 423-23, L. 425-9 ou L. 426-5 à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance ; / 2° Lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer la carte de résident prévue aux articles L. 423-11, L. 423-12, L. 424-1, L. 424-3, L. 424-13, L. 424-21, L. 425-3, L. 426-1, L. 426-2, L. 426-3, L. 426-6, L. 426-7 ou L. 426-10 à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance ; / 3° Lorsqu'elle envisage de retirer le titre de séjour dans le cas prévu à l'article L. 423-19 ; / 4° Dans le cas prévu à l'article L. 435-1 ". Et aux termes de l'article L. 435-1 du même code : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié", "travailleur temporaire" ou "vie privée et familiale", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour (...) ". 9. Il résulte de ces dispositions que le préfet n'est tenu de saisir la commission du titre de séjour que du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues aux articles visés par ces dispositions auxquels il envisage néanmoins de refuser le titre de séjour sollicité, et non de celui de tous les étrangers qui s'en prévalent. Dès lors que Mme B..., ainsi qu'il est indiqué au point 7 du présent arrêt, ne remplissait pas les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement des articles L. 423-1 , L. 423-2 et L. 423-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle n'est pas fondée à soutenir que la commission du titre de séjour aurait dû être saisie en application de cet article avant l'intervention de la décision de refus du titre de séjour, Mme B... ne pouvant utilement invoquer à cet égard la circulaire ministérielle du 7 mai 2003, qui est dépourvue de valeur réglementaire. 10. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". 11. Si l'appelante se prévaut de sa présence en France depuis plus de quatre ans, à la date des décisions attaquées, elle ne justifie ni de l'existence du lien matrimonial, ni de l'existence d'attaches familiales ou privées particulières en France, alors qu'au contraire, ainsi que lui oppose la décision de refus de séjour et comme l'ont relevé les premiers juges, ses attaches familiales se trouvent au Maroc où résident ses parents et trois membres de sa fratrie. Par suite, alors même que Mme B... dispose d'un logement, et exerce une activité professionnelle, la décision de refus de séjour n'a pas porté une atteinte disproportionnée au regard des stipulations précitées de l'article 8 de de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, à son droit au respect de sa vie privée et familiale. 12. Il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté la demande de Mme B... tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 octobre 2021 du préfet de l'Hérault en tant qu'il lui refuse le renouvellement de son titre de séjour en qualité de conjoint de Français. En ce qui concerne le refus de délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié : 13. Aux termes de l'article R. 5221-20 du code du travail dans sa rédaction applicable en l'espèce issue du décret n° 2021-360 du 31 mars 2021 , entré en vigueur le 1er mai 2021 : " L'autorisation de travail est accordée lorsque la demande remplit les conditions suivantes : (...) 4° La rémunération proposée est conforme aux dispositions du présent code sur le salaire minimum de croissance ou à la rémunération minimale prévue par la convention collective applicable à l'employeur ou l'entreprise d'accueil (...) ". Si l'article R. 5221-20 du code du travail dans sa rédaction antérieure subordonnait la délivrance de l'autorisation de travail à la condition que le salaire proposé à l'étranger soit " même en cas d'emploi à temps partiel " au moins équivalent " à la rémunération minimale mensuelle ", cette condition n'est plus opposable par la rédaction de cet article issue du décret n° 2021-360 du 31 mars 2021 qui exige donc désormais que la rémunération proposée soit " conforme aux dispositions du présent code sur le salaire minimum de croissance ou à la rémunération minimale prévue par la convention collective applicable à l'employeur ou l'entreprise d'accueil ". Cette nouvelle rédaction implique seulement le respect du taux horaire minimum de rémunération et de la durée minimale de travail fixée par la convention collective, ces conditions étant en l'espèce remplies par Mme B... à la date de la décision attaquée. Dès lors, cette dernière est fondée à soutenir que l'arrêté du 11 octobre 2021 en tant qu'il lui refuse la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salariée est entachée d'une erreur de droit, et à en demander l'annulation pour ce motif, ainsi que par voie de conséquence, des décisions du même jour par lesquelles le préfet de l'Hérault lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. 14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 11 octobre 2021 en tant qu'il lui refuse la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salariée, lui fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixe le pays de destination de la mesure d'éloignement. Sur les conclusions en injonction : 15. Compte tenu du motif retenu pour annuler l'arrêté du 11 octobre 2021 en tant qu'il refuse à Mme B... la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salariée et de ce qu'aucun autre moyen de légalité interne n'est de nature à faire droit aux conclusions en injonction présentées par Mme B..., il y a lieu seulement d'enjoindre au préfet de l'Hérault de procéder au réexamen de la demande de titre de séjour de l'intéressée en qualité de salariée, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. Sur les conclusions à fin de sursis à exécution : 16. Dès lors qu'il est statué au fond par le présent arrêt sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Montpellier, les conclusions de Mme B... tendant à ce qu'il soit sursis à son exécution de ce jugement sont devenues sans objet. Sur les frais liés au litige : 17. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'État au bénéfice du conseil de Mme B..., la somme totale de 1200 euros au titre des deux requêtes en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991. DÉCIDE : Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur la requête en sursis à exécution n° 22TL222167 présentée par Mme B.... Article 2 : L'arrêté du 11 octobre 2021 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de délivrer à Mme B... un titre de séjour en qualité de salariée, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement est annulé. Article 3 : Il est enjoint au préfet de l'Hérault, de procéder au réexamen de la demande de titre de séjour de Mme B... en qualité de salariée, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. Article 4 : Le jugement du 30 décembre 2021 du tribunal administratif de Montpellier est réformé en ce qu'il est contraire à ce qui précède. Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 6 : L'État versera la somme totale de 1 200 euros à Me Rosé en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991. Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., à Me Rosé, et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault. Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023, à laquelle siégeaient : M. Rey-Bèthbéder, président, M. Bentolila, président-assesseur, Mme El Gani-Laclautre, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2023. Le rapporteur P. Bentolila Le président, É-Rey-Bèthbéder La greffière, C. Lanoux La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N°s 22TL22166 et 22TL22167 2 |
CETATEXT000048457752 | J0_L_2023_11_00019VE02747 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/77/CETATEXT000048457752.xml | Texte | CAA de VERSAILLES, 5ème chambre, 23/11/2023, 19VE02747, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-23 00:00:00 | CAA de VERSAILLES | 19VE02747 | 5ème chambre | plein contentieux | C | Mme SIGNERIN-ICRE | D4 AVOCATS ASSOCIES | M. Gildas CAMENEN | Mme JANICOT | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société Martin Bravo (SBM) a demandé au tribunal administratif de Versailles : - sous le n° 1605619, d'annuler la décision implicite du 2 juin 2016 par laquelle la société anonyme d'économie mixte (SAEM) Essonne aménagement a, en sa qualité de maître d'ouvrage délégué, rejeté son mémoire en réclamation contestant l'ordre de service n° 1 notifié le 21 mars 2016, d'enjoindre au maître d'ouvrage délégué de conclure avec elle un avenant dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement, visant à prendre acte de l'augmentation du montant de son marché résultant des travaux supplémentaires notifiés par l'ordre de service n° 1 du 21 mars 2016, de la prolongation de la durée d'exécution du marché d'un mois et quatre semaines et de la renonciation explicite à l'application de toute pénalité de retard du fait de l'exécution des travaux supplémentaires notifiés par l'ordre de service n° 1 du 21 mars 2016, de condamner la région Ile-de-France en sa qualité de maître de l'ouvrage, à lui payer la somme de 111 947,71 euros HT, sauf à parfaire, correspondant aux travaux supplémentaires réalisés par elle ; - sous le n° 1704080, de condamner la région Ile-de-France à lui verser la somme de 348 092 euros HT au titre du règlement du solde de son marché, augmentée des intérêts de droit et moratoires depuis le 24 janvier 2017, ainsi que de leur capitalisation. Par un jugement nos 1605619, 1704080 du 27 mai 2019, le tribunal administratif de Versailles a condamné la région Ile-de-France à verser à la société SBM la somme de 297 472,79 euros HT, assortie de la TVA correspondante, au titre des travaux supplémentaires prévus par les devis n° 1B, 8, 9B, 4C, 5B et 7B, sous déduction des sommes déjà versées à titre provisionnel en exécution de l'ordonnance du juge des référés de la cour en date du 20 avril 2018, le solde restant dû à la société requérante étant assorti des intérêts moratoires à compter du 6 avril 2017 et les intérêts échus à la date du 6 avril 2018 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, étant capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés le 27 juillet 2019 et le 19 avril 2021, la région Ile-de-France, représentée par Me Mokhtar, avocat, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de rejeter la demande n° 1605619 de la société SBM comme irrecevable ; 3°) de fixer définitivement la créance de la société SBM à la somme totale de 78 726,25 euros HT ; 4°) de constater que la région s'est acquittée de ces sommes en exécution de l'ordonnance rendue par la cour le 20 avril 2018 ; 5°) de rejeter le surplus des conclusions de la requête de la société SBM comme mal fondé ; 6°) de mettre à la charge de la société SBM la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le jugement est entaché d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation ; - la demande n° 1605619 de la société SBM était irrecevable au regard du principe d'unicité du décompte général ; - la réfaction sur le devis n° 4C était justifiée, la société SBM ayant pratiqué des prix six fois supérieurs à ceux habituellement du marché et les travaux de rehaussement ne comportant pas de difficulté technique particulière ; - la réfaction sur le devis n° 7B était justifiée dès lors que la prestation de pose a été comptabilisée à deux reprises ; - le décompte général n'est pas devenu définitif en ce que le premier projet de décompte final établi par la société SBM a été refusé et que le second projet de décompte transmis le 23 juin 2017 ne répondait pas aux prescriptions de l'article 13.4.4 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ; - la réfaction opérée sur le devis n° 5B était justifiée en ce que la société SBM a pratiqué des prix d'ensemble et non des prix unitaires. Par deux mémoires en défense, enregistrés le 6 mars 2020 et le 21 mai 2021, la société SBM, représentée par Me Le Mière, avocat, demande à la cour : 1°) à titre principal, de rejeter la requête de la région Ile-de-France avec toutes conséquences de droit ; 2°) de confirmer le jugement attaqué ; 3°) à titre subsidiaire, d'annuler la décision du maître d'ouvrage délégué en date du 2 juin 2016 rejetant implicitement le mémoire en réclamation présenté par la société SBM le 18 avril 2016 contestant l'ordre de service n° 1 notifié le 21 mars 2016 ; 4°) de condamner la région Ile-de-France à payer à la société SBM la somme de 111 947,71 euros HT correspondant aux travaux supplémentaires réalisés par la société SBM au titre des devis n° 4C, 5B et 7B ; 5°) de condamner la région Ile-de-France à payer à la société SBM la somme de 348 092 euros HT due au titre du règlement du solde du marché, augmentée de tous les intérêts de droit et moratoires depuis le 24 janvier 2017, ainsi que leur capitalisation à chaque date anniversaire ; 6°) en tout état de cause, de mettre à la charge de la région Ile-de-France la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que : - à titre principal, la demande n° 1605619 est recevable en ce que le principe d'unicité du décompte ne fait pas obstacle au règlement, par le juge, de litiges partiels, préalablement à l'intervention du décompte ; - la réfaction opérée sur le devis n° 4C portant sur la surélévation des acrotères n'est pas justifiée ; elle a proposé un prix unitaire de 365,82 euros/ml pour ces travaux et non de 428,17 euros/ml comme retenu à tort par le bureau technique choisi par la région ; les conditions de chantier lors de l'exécution des travaux supplémentaires présentaient une réelle difficulté ; la comparaison avec des chantiers prétendument similaires est inopérante ; - la réfaction opérée sur le devis n° 7B portant sur les travaux de canalisation des eaux d'infiltration de la nappe et la réalisation d'un cuvelage en béton n'est pas justifiée ; aucun élément dans ce devis ne permet d'aboutir à la conclusion selon laquelle la même prestation de fourniture et de pose aurait été comptée deux fois ; ces travaux supplémentaires ont été demandés en urgence et ont dû être exécutés dans des conditions particulièrement difficiles ; - à titre subsidiaire, elle est fondée à solliciter la somme de 348 092 euros HT au titre du solde du marché ; le décompte général établi par la société SBM notifié le 27 juin 2017 est devenu définitif le 8 juillet 2017 du fait du silence gardé pendant le délai de dix jours visé à l'article 13.4.4 du CCAG Travaux ; il est intangible ; - la réfaction opérée sur le devis n° 5B portant sur les travaux de surélévation d'ascenseur n'est pas justifiée dans la mesure où le devis ne propose pas qu'un prix d'ensemble et que les prix pratiqués tiennent compte des contraintes liées à une notification tardive. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des marchés publics ; - l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux modifié par l'arrêté du 3 mars 2014 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Camenen, - les conclusions de Mme Janicot, rapporteure publique, - et les observations de Me Bajn, pour la région Ile-de-France, et celles de Me Silva-Delaquaize, pour la société SBM. Considérant ce qui suit : 1. La région Ile-de-France relève appel du jugement du tribunal administratif de Versailles du 27 mai 2019 la condamnant à verser à la société SBM la somme de 297 472,79 euros HT, assortie de la TVA correspondante, au titre des travaux supplémentaires prévus par les devis n° 1B, 8, 9B, 4C, 5B et 7B, sous déduction des sommes déjà versées à titre provisionnel en exécution de l'ordonnance du juge des référés de la cour du 20 avril 2018. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Si la région Ile-de-France soutient que le tribunal administratif a commis une erreur de droit en retenant la recevabilité de la demande n° 1605619 et une erreur manifeste d'appréciation en considérant que les réfactions sur le devis n° 4C et sur le devis n° 7B étaient injustifiés, de tels moyens sont relatifs au bien-fondé du jugement attaqué et sont sans influence sur sa régularité. Par suite, ils doivent être écartés comme inopérants. Sur la recevabilité de la demande n° 1605619 : 3. L'ensemble des opérations auxquelles donne lieu l'exécution d'un marché public est compris dans un compte dont aucun élément ne peut être isolé et dont seul le solde arrêté lors de l'établissement du décompte général et définitif détermine les droits et obligations définitifs des parties. 4. La région Ile-de-France soutient que la demande n° 1605619 de première instance de la société SBM serait irrecevable conformément au principe d'unicité du décompte général. Toutefois, si ce principe interdit au cocontractant de la personne publique d'obtenir du juge la condamnation du maître d'ouvrage à lui payer une somme de manière définitive tant que le décompte général n'a pas été établi, il ne fait pas par lui-même obstacle à l'existence d'une réclamation financière entre les cocontractants avant l'établissement de ce décompte. Par suite, la demande de la société SBM tendant à la condamnation de la région Ile-de-France à lui verser la somme de 111 947,71 euros HT était recevable. La région Ile-de-France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif a admis sa recevabilité. Sur les réfactions opérées sur les devis n° 4C et n° 7B : 5. Par un ordre de service n° 1 du 17 mars 2016, le mandataire du maître d'ouvrage a demandé à la société SBM d'effectuer les travaux supplémentaires correspondant notamment à ses devis n° 4C et 7B, sur lesquels des réfactions ont été opérées, les prix ayant été estimés trop élevés par la maîtrise d'œuvre. Ainsi, le devis n° 4C correspondant à la surélévation des acrotères des toitures terrasses d'un montant de 125 928 euros HT a été ramené à 48 586,75 euros HT et le devis n° 7 B correspondant à la canalisation des eaux d'infiltration de la nappe et à la réalisation d'un cuvelage en béton pour recevoir le bac à graisse, d'un montant de 45 309,44 euros HT, a été ramené à la somme de 20 549,50 euros HT. Il est constant que ces travaux ont été réalisés par la société SBM qui a cependant contesté les réfactions opérées sur ses devis. En ce qui concerne le devis n° 4C : 6. Il résulte de l'instruction que ce devis comporte neuf postes, seul le prix de trois d'entre eux ayant été remis en cause par la maîtrise d'œuvre, à savoir le scellement d'attente, la création d'un muret d'acrotère en béton armé et la " préparation des JD ". 7. Pour les scellements d'attente, ce devis retient un temps d'exécution de 0,30 h, un taux horaire de 55 euros, un prix de l'acier de 2,50 euros/kg et un prix de la résine de 135,30 euros pour dix unités. La région Ile-de-France conteste l'évaluation de ce poste et soutient que le taux horaire doit être ramené à 40 euros, le prix de l'acier à 2 euros et le prix de la résine à 85 euros pour dix unités. Elle refuse en outre la prise en compte de frais de location d'une perceuse et de mèches au motif que ce type d'outillage fait nécessairement partie du parc de l'entreprise. Toutefois, si elle produit un tableau faisant apparaître les minimas applicables dans le bâtiment en Ile-de-France au 1er janvier 2019, cet élément ne suffit nullement à établir que l'estimation du taux horaire retenu par la société SBM serait exagéré et ne correspondrait pas à celui pratiqué dans cette entreprise. En particulier, la région Ile-de-France n'établit pas le motif pour lequel la société SBM devrait impérativement rémunérer ses employés au taux horaire minimal applicable dans le bâtiment en Ile-de-France. En outre, la société SBM fait valoir, sans être sérieusement contestée, avoir été contrainte de faire revenir du matériel sur le site après la réalisation du gros œuvre et avoir dû louer du matériel du fait de la notification tardive de l'ordre de service n° 1, près de huit mois après avoir elle-même signalé la nécessité de réaliser des travaux supplémentaires. Enfin, aucune justification n'est apportée par la région, en particulier dans les différentes analyses de la maîtrise d'œuvre produites en première instance et en appel, concernant les réfactions opérées sur le prix des matériaux. Aucun élément ne permet d'établir que les prix proposés par la société SBM sont exagérés par rapport à ceux habituellement pratiqués sur le marché au cours de la période en litige. Ainsi, il n'est pas établi que ce poste, chiffré dans le devis de la société SBM à la somme de 49 967,50 euros, devrait être ramené à la somme de 20 625 euros. 8. Pour la création d'un muret d'acrotère, le devis de la société SBM détaille le temps d'exécution de chacune des dix tâches que comportent ces travaux et retient le même taux horaire que celui appliqué pour le poste précédent. Les éléments d'analyse de la maîtrise d'œuvre ne permettent nullement de justifier du bien-fondé des réfactions opérées sur ces différentes tâches. Au demeurant, ces réfactions n'apparaissent pas sur le devis de la société SBM rectifié par la maîtrise d'œuvre. En effet, ce devis rectifié à la main se borne à évaluer ces travaux à 11 m3 pour un prix global de 1 000 euros. Ainsi, il n'est pas établi que ce poste, chiffré dans le devis de la société SBM à la somme de 44 481,25 euros, devrait être ramené à la somme de 11 000 euros. 9. Pour la " préparation des JD ", les rectifications manuscrites opérées sur le devis de la société SBM sont du même ordre que celles effectuées sur les deux postes précédents et la région n'apporte pas davantage de justification permettant de remettre en cause l'évaluation effectuées par l'entreprise. 10. D'une manière plus générale, s'appuyant sur l'analyse de la maîtrise d'œuvre, la région soutient les prix pratiqués par la société SBM seraient plus de six fois supérieurs aux prix du marché au cours de la même période, soit 428,17 euros HT par ml pour un acrotère de 0,20 mètre contre un prix moyen du marché de 133,32 euros HT pour un acrotère rehaussé de 0,40 mètre. Toutefois, il n'est pas établi que ce prix moyen serait applicable à des travaux de la nature de ceux visé par le devis n° 4C. Si la maîtrise d'œuvre a relevé dans une analyse du 21 septembre 2016 que les offres récentes d'entreprises lors d'une consultation pour une prestation similaire font apparaître des prix compris entre 96 euros HT par ml et 177,98 euros HT par ml, il n'est pas établi que ces offres, qui présentent d'ailleurs entre elles des écarts significatifs et qui concernent la réhabilitation de 105 logements, sont transposables à des travaux tels que ceux en litige qui portent sur la rénovation en site occupé d'un bâtiment accueillant le service de restauration d'un lycée après l'achèvement du gros œuvre. Par suite, cet élément de comparaison n'est pas opérant. Enfin et en tout état de cause, il n'est pas sérieusement contesté que le prix proposé par la société SBM tient compte des difficultés techniques inhérentes à la rénovation de cet établissement scolaire, en termes d'accès, de bruit ou de sécurité. Ainsi, la réfaction opérée par la région Ile-de-France sur le devis n° 4C n'est pas justifiée. En ce qui concerne le devis n° 7B : 11. Il résulte de l'instruction que ce devis comporte quatre postes, le quatrième poste concernant la réalisation d'un cuvelage en béton armé étant lui-même divisé en neuf sous-postes. Il détaille pour plusieurs de ces sous-postes l'estimation du temps de réalisation des travaux. 12. La région Ile-de-France soutient que la réfaction opérée sur le devis n° 7B est justifiée en ce que la prestation de fourniture et de pose est comptabilisée deux fois. Toutefois, si ce devis fait apparaître pour plusieurs tâches non seulement une estimation du temps de travaux nécessaire, lequel est valorisé à hauteur de 55 euros de l'heure, mais aussi un chiffrage du prix des matériaux et de location de matériel permettant leur réalisation, cette circonstance ne suffit pas à établir que la société SBM a ainsi valorisé deux fois la réalisation de ces travaux. En outre, cette explication apportée par la région ne concerne qu'une partie des réfactions manuscrites opérées sur le devis de la société SBM. Au surplus, il résulte des termes mêmes de l'ordre de service n° 1 qu'il a été demandé à la société SBM de réaliser immédiatement ces travaux supplémentaires. Enfin, il n'est pas sérieusement contesté, ainsi qu'il résulte notamment d'une photographie produite, que ces travaux de reprise en sous-œuvre ont été réalisés dans des conditions d'accès difficiles et que l'entreprise a dû faire faire à présence d'eau, ces contraintes justifiant également le prix figurant dans son devis. 13. Il résulte de tout ce qui précède que la région Ile-de-France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles l'a condamnée à verser la somme de 297 472,79 euros HT, assortie de la TVA correspondante, au titre des travaux supplémentaires prévus par les devis n° 1B, 8, 9B, 4C, 5B et 7 B, sous déduction des sommes déjà versées à titre provisionnel. Sur les frais liés à l'instance : 14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société SBM, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la région Ile-de-France demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la région Ile-de-France une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la société SBM et non compris dans les dépens. DECIDE : Article 1er : La requête de la région Ile-de-France est rejetée. Article 2 : La région Ile-de-France versera à la société SBM une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la région Ile-de-France, à la SAEM Essonne aménagement et à la société Martin Bravo. Délibéré après l'audience du 6 novembre 2023, à laquelle siégeaient : M. Camenen, président, M. Tar, premier conseiller, Mme Houllier, première conseillère, Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 novembre 2023. Le président rapporteur, G. Camenen L'assesseur le plus ancien, G. Tar La greffière, C. Fourteau La République mande et ordonne au préfet de l'Essonne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme La greffière, N° 19VE02747 2 |
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